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CASS/JURITEXT000046389115.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° 21-15.386 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Entr'ouvert, société coopérative ouvrière de production, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 21-15.386 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Orange Business Services, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Orange Applications for Business, défenderesses à la cassation. Les sociétés Orange et Orange Business Services ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Entr'ouvert et de la SAS Buk, Lament-Robillot, avocat des sociétés Orange et Orange Business Services, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2021), la société Entr'Ouvert a conçu un logiciel dénommé « Lasso » et permettant la mise en place d'un système d'authentification unique, qu'elle diffuse sous licence libre ou sous licence commerciale en contrepartie du paiement de redevances à son profit. 2. A la suite d'un appel d'offres de l'Etat pour la réalisation du portail dénommé « Mon service public », la société Orange a fourni une solution informatique de gestion d'identités et des moyens d'interface à destination des fournisseurs de service (IDMP), au moyen d'une plate-forme logicielle dénommée « Identité Management Platform » et intégrant le logiciel Lasso. 3. Le 29 avril 2011, estimant que cette mise à disposition de son logiciel n'était pas conforme aux clauses de la licence libre et qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale, la société Entr'Ouvert, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon au siège de la société Orange, a assigné celle-ci en contrefaçon de droits d'auteur et parasitisme. 4. La société Orange Application for Business, aux droits de laquelle se trouve la société Orange Business Services, est intervenue volontairement à l'instance. 5. Une expertise judiciaire de la plate-forme IDMP fournie par la société Orange a été ordonnée. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 6. La société Orange fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme, alors : « 1°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Entr'Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu'elles avaient incorporé une partie du programme dans d'autres programmes et sans écrire à l'auteur pour lui en demander l'autorisation, tout en précisant que selon le rapport d'expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP ; que la société Entr'Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d'expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP ; qu'en jugeant que les reproches articulés par la société Entr'Ouvert au titre des actes de parasitisme n'étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu'ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°/ qu'au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l'éditeur d'un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d'exploiter et de modifier librement les logiciels qu'il édite n'était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu'elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l'incorporant dans la solution IDMP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 3°/ qu'en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr'Ouvert dans le cadre de contrats qu'elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n'excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 4°/ qu'en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu'en omettant d'analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr'Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr'Ouvert forme une partie de l'équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l'utilisation du logiciel Lasso, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ qu'il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu'en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'absence de justification des investissements réalisés et, partant, l'absence de faits de parasitisme, violant ainsi l'article 1240 du code civil ; 6°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr'Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s'est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. D'abord, après avoir constaté que le parasitisme invoqué était distinct des violations alléguées des clauses du contrat de licence, la cour d'appel, se fondant sur le rapport d'expertise, a relevé que, dès 2004, les parties avaient entretenu des relations d'affaires, à l'occasion desquelles la société Orange avait très vite montré son intérêt pour le logiciel Lasso en sollicitant divers renseignements, formations et prestations sur ce logiciel, que, pour répondre à l'appel d'offres, celle-ci l'avait identifié comme « permettant d'apporter la brique technique et fonctionnelle à la version IDMP », que la solution IDMP présentée alors était totalement dépendante de la présence du logiciel, qu'il était impossible, sauf au prix d'une refonte conséquente des codes sources d'IDMP, d'intégrer un autre composant logiciel qui rendrait le même service que Lasso, que la solution proposée par la société Orange avait permis de rendre IDMP conforme au protocole informatique de sécurité, que le logiciel Lasso, tel que modifié et incorporé dans la solution proposée par la société Orange, avait procuré à celle-ci l'avantage de pouvoir répondre à l'appel d'offres de l'Etat en respectant les pré-requis demandés et que celle-ci avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert. 8. Elle a pu en déduire, en l'absence de dénaturation des conclusions et sans être tenue ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la société Orange avait commis des actes de parasitisme. 9. Ensuite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans se contredire, qu'elle a retenu que, si la société Entr'Ouvert, sollicitant la somme de 500 000 euros, ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement du logiciel Lasso, le parasitisme opéré par la société Orange, pour remporter un marché conséquent avec l'Etat sans aucune reconnaissance ni financière, ni morale du travail et des investissements de la société Entr'Ouvert, lui avait causé un préjudice économique et moral qu'elle a évalué à 150 000 euros. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, ci-après annexé 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 12. La société Entr'Ouvert fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d'« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu'en droit français, seule l'action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d'auteur sur un programme d'ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu'il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l'atteinte à son droit d'auteur résulte de la violation d'une clause d'un contrat de licence ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer l'action de la société Entr'ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en revanche, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 335-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, les articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle et l'article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur : 13. Selon le premier de ces textes, constitue un délit de contrefaçon la violation de l'un des droits de l'auteur d'un logiciel définis à l'article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle. 14. Conformément au deuxième, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l'engagement d'une action au fond, puissent, sur requête d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d'échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s'y rapportant. 15. En application du troisième, les Etats membres veillent à ce que les autorités judiciaires, lorsqu'elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l'atteinte, ou, à titre d'alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. 16. En vertu du quatrième, les Etats membres doivent protéger les programmes d'ordinateur par le droit d'auteur. 17. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d' « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18). 18. Si, selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d'inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que les mesures d'instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer. 19. Il s'en déduit que, dans le cas d'une d'atteinte portée à ses droits d'auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s'il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon. 20. Pour déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon de droits d'auteur formées par la société Entr'Ouvert au titre de la violation du contrat de licence liant les parties, l'arrêt retient que la CJUE ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et il en déduit que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable. 21. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Entr'Ouvert irrecevable à agir en contrefaçon, l'arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne les sociétés Orange et Orange Business Services aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Orange et Orange Business Services et les condamne à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 5 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Entr'ouvert, demanderesse au pourvoi principal. La société Entr'ouvert reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle était irrecevable à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon, 1) ALORS QUE la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d'« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu'en droit français, seule l'action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d'auteur sur un programme d'ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu'il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l'atteinte à son droit d'auteur résulte de la violation d'une clause d'un contrat de licence ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer l'action de la société Entr'ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en revanche, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application ; 2) ALORS QUE le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle s'oppose à ce que la réparation des conséquences dommageables d'un même fautif soit recherchée simultanément sur le fondement contractuel et sur le fondement délictuel ; qu'il ne s'applique pas à l'action en contrefaçon, qui sanctionne l'atteinte à un droit privatif ; qu'en conséquence, toute exploitation d'un logiciel protégé par le droit d'auteur sans l'autorisation de l'auteur est justiciable de l'action en contrefaçon, qu'elle résulte de l'absence de contrat de licence ou de l'outrepassement de ses limites ; qu'en énonçant, pour déclarer la société Entr'ouvert irrecevable à agir sur le fondement de l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle pour faire sanctionner l'atteinte à son droit d'auteur sur le logiciel Lasso, qu'elle procédait de la violation des clauses du contrat de licence GNU GPL version 2, en sorte que seule une action en responsabilité contractuelle était recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application ; 3) ALORS QU' en toute hypothèse, l'action de la société Entr'ouvert était exclusivement fondée sur l'atteinte à son droit d'auteur sur le logiciel Lasso, le contrat de licence GPN GLU v2 n'étant évoqué pour que pour démontrer que les sociétés Orange avaient porté atteinte au droit d'auteur de la société Entr'ouvert en se livrant à une utilisation non autorisée du logiciel Lasso ; que la société Entr'ouvert n'a jamais invoqué la responsabilité contractuelle des sociétés Orange ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer irrecevable l'action en contrefaçon de la société Entr'ouvert au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, qu'elle se fondait sur le contrat de licence qui liait les parties et qu'elle se prévalait de la violation des clauses de ce contrat, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 4) ALORS QU' en toute hypothèse, la cour d'appel invoquait également, au soutien de son action en contrefaçon de droit d'auteur, l'atteinte à son droit moral d'auteur, et plus particulièrement à son droit à la paternité du logiciel Lasso, les sociétés Orange n'ayant pas indiqué à leur cocontractant que le logiciel IDMP intégrait le logiciel Lasso créée par la société Entr'ouvert (conclusions récapitulatives d'appel de la société Entr'ouvert, p. 38 et 39) ; que l'atteinte au droit à la paternité de la société Entr'ouvert était indépendante de la violation du champ d'application du contrat de licence GPN GLU v2, lequel ne régit que les droits patrimoniaux ; qu'en déclarant irrecevable, au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, l'action en contrefaçon de la société Entr'ouvert en tant qu'elle était fondée sur l'atteinte à son droit à la paternité sur le logiciel Lasso, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application. Moyen produit par la SCP Buk, Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour les sociétés Orange et Oranges Business services, demanderesses au pourvoi incident. La société Orange fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Entr'Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu'elles avaient incorporé une partie du programme dans d'autres programmes et sans écrire à l'auteur pour lui en demander l'autorisation, tout en précisant que selon le rapport d'expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP (conclusions pages 20 et 21) ; que la société Entr'Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d'expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP (conclusions page 47) ; qu'en jugeant que les reproches articulés par la société Entr'Ouvert au titre des actes de parasitisme n'étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu'ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°) ALORS QU'au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoirfaire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l'éditeur d'un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d'exploiter et de modifier librement les logiciels qu'il édite n'était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu'elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l'incorporant dans la solution IDMP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr'Ouvert dans le cadre de contrats qu'elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n'excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 4°) ALORS QU'en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu'en omettant d'analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr'Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr'Ouvert forme une partie de l'équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l'utilisation du logiciel Lasso, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu'en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'absence de justification des investissements réalisés et, partant, l'absence de faits de parasitisme, violant ainsi l'article 1240 du code civil ; 6°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr'Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s'est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 706 FS-B Pourvoi n° S 21-12.542 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 M. [T] [S], domicilié centre hospitalier d'[Localité 4], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-12.542 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [D], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Mme [N] [D], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [S], de la SCP Richard, avocat de M. [R] [D] et de Mme [N] [D], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), M. [R] [D], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille, Mme [N] [D], qui a présenté, lors de sa naissance, le 10 avril 1992, une dystocie des épaules et conservé des lésions d'un plexus brachial, a saisi la juridiction administrative pour voir reconnaître la responsabilité de l'établissement de santé public où avait eu lieu l'accouchement. 2. M. [S] (l'expert) a été désigné en qualité de médecin expert par la juridiction administrative et a déposé son rapport. 3. Après avoir vainement sollicité la restitution des pièces qu'ils avaient communiquées à l'expert lors des opérations d'expertise, M. [R] [D] et Mme [N] [D] l'ont assigné en responsabilité et indemnisation de leur préjudice moral. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. L'expert fait grief à l'arrêt de dire qu'il a commis une faute et de le condamner à payer des dommages-intérêts à M. [R] [D] et à Mme [N] [D], alors « que l'expert judiciaire auquel ont été remis des copies de pièces composant le dossier médical d'un patient, n'est pas tenu de les conserver et de les restituer ; que, pour retenir la responsabilité de M. [S], médecin, en sa qualité d'expert désigné par la cour administrative d'appel de Marseille, la cour d'appel a énoncé qu'il ne conteste pas avoir reçu des consorts [D], pour l'exécution de sa mission, des documents médicaux afférents au suivi de [N] [D], victime d'une lésion du plexus brachial droit à sa naissance ni ne pas être en mesure de démontrer qu'il leur a restitués, à l'issue de sa mission, de sorte que le fait de s'en être dessaisi, sans s'assurer de l'accord des consorts [D] consacre une négligence fautive ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que « les textes qui réglementent la mission de l'expert sont muets quant au devenir des documents que les justiciables confient à l'expert pour l'exécution de sa mission » et tout en constatant que seules des copies avaient été remises à l'expert judiciaire, ce dont il résultait qu'il n'avait pu commettre de faute en ne les conservant pas, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, et 243 du code de procédure civile que l'expert se fait communiquer par les parties les pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission et qu'au terme de ses opérations, il lui incombe, sauf dispense des parties, de leur restituer les pièces non dématérialisées. 7. Après avoir relevé que l'expert ne contestait pas avoir reçu les pièces nécessaires à la réalisation de la mesure, et ne pas avoir été en mesure de les restituer, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'en se dessaisissant des pièces médicales remises par M. [R] [D] et Mme [N] [D] sans s'assurer de leur accord, l'expert avait commis une faute. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à M. [R] [D] et à Mme [N] [D] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. [S]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [T] [S] reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit qu'il a commis une faute à l'origine d'un préjudice moral pour Mme [N] [D] et M. [R] [D] et, en conséquence, DE L'AVOIR condamné à payer à Mme [N] [D] la somme de 7 000 euros et à M. [R] [D] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts ; ALORS QUE l'expert judiciaire auquel ont été remis des copies de pièces composant le dossier médical d'un patient, n'est pas tenu de les conserver et de les restituer ; que, pour retenir la responsabilité de M. [S], médecin, en sa qualité d'expert désigné par la cour administrative d'appel de Marseille, la cour d'appel a énoncé qu'il ne conteste pas avoir reçu des consorts [D], pour l'exécution de sa mission, des documents médicaux afférents au suivi de [N] [D], victime d'une lésion du plexus brachial droit à sa naissance ni ne pas être en mesure de démontrer qu'il leur a restitués, à l'issue de sa mission, de sorte que le fait de s'en être dessaisi, sans s'assurer de l'accord des consorts [D] consacre une négligence fautive ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que « les textes qui réglementent la mission de l'expert sont muets quant au devenir des documents que les justiciables confient à l'expert pour l'exécution de sa mission » et tout en constatant que seules des copies avaient été remises à l'expert judiciaire, ce dont il résultait qu'il n'avait pu commettre de faute en ne les conservant pas, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [T] [S] reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit qu'il a commis une faute à l'origine d'un préjudice moral pour Mme [N] [D] et M. [R] [D] et, en conséquence, DE L'AVOIR condamné à payer à Mme [N] [D] la somme de 7 000 euros et à M. [R] [D] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts ; 1°) ALORS QUE le préjudice seulement éventuel ne saurait donner lieu à indemnisation ; que la cour d'appel, pour retenir la responsabilité de M. [S], a énoncé que les « copies de pièces médicales » perdues étaient « destinées à permettre aux consorts [D] de justifier, dans le cadre des démarches administratives et judiciaires afférentes au handicap, de l'étendue de celui-ci », et que leur préjudice moral était « établi, dès lors que cette perte les a contraints à de nouvelles démarches, par ailleurs incertaines compte tenu de l'ancienneté des documents, dans un contexte particulièrement douloureux », étant souligné que « la possibilité » qu'ils ont de « se prévaloir devant les juridictions ou les administrations, de la partie "I les faits" du rapport d'expertise, (...), n'est pas de nature à ôter toute consistance à leur préjudice, dès lors que ce document, s'il peut les aider dans leurs démarches, ne peut totalement se substituer à des pièces médicales », pour en conclure que « la disparition de ces documents » les a « privés d'éléments déterminants » ; qu'en statuant par de tels motifs, d'où il ne ressort pas que la perte des copies des pièces médicales transmises à M. [S] aurait préjudicié aux intérêts des consorts [D] devant le tribunal de l'incapacité, faute de toute référence à une décision émanant de cette juridiction fondée sur l'insuffisance des pièces produites, la cour d'appel, qui a réparé un préjudice seulement éventuel, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE celui qui réclame l'indemnisation d'un préjudice doit en faire la preuve ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 6), M. [S] a fait valoir que le médecin-recours des consorts [D], le docteur [E], avait « été manifestement détenteur du dossier puisqu'il est reconnu que sa communication a été faite par son intermédiaire » comme il le lui écrivait dans un courrier du 28 janvier 2014 (pièce n° 5) ; qu'il a également invoqué (concl., p. 9-10) un courrier du 4 février 2014 dans lequel le docteur [E] a écrit aux consorts [D] que l'expert « possède une copie de la totalité (du) dossier que je lui avais envoyé pour votre expertise » (pièce n° 12), ainsi qu'un courrier de M. [D] du 17 septembre 2011 (pièce n° 13) dans lequel il lui a écrit : « Veuillez m'excusez de ce dossier complétement désordonné. Je n'ai pu, après en avoir fait la copie tout remettre en ordre... » ; qu'enfin, il a invoqué les propres conclusions des consorts [D] (p. 11-12), dans lesquelles ils affirmaient que les « documents » qui lui avaient été communiqués étaient « des copies », mais que « leur collection, leur recensement et leur organisation en un dossier d'expertise contribuent à en faire un travail original », toutes pièces établissant que le dossier médical qui lui avait été transmis n'était composé que de copies, dont la perte ne pouvait avoir causé de dommage aux consorts [D], puisqu'ils en détenaient eux-mêmes la copie et que les pièces originales étaient détenues par le docteur [E] ; qu'en estimant cependant que « le fait pour M. [S], expert, qui avait reçu des pièces médicales dans le cadre d'une mission d'expertise, de s'en être dessaisi sans avoir préalablement pris la peine de s'assurer auprès des consorts [D], de leur accord en vue de cette destruction, consacre une négligence fautive », étant précisé que les pièces en cause étaient « particulièrement anciennes et d'origines diverses, dont la collecte nécessiterait de nombreuses et coûteuses démarches », sans se prononcer sur les chefs de conclusions de M. [S] et les pièces invoquées à leur appui établissant l'absence de tout préjudice subi par les consorts [D], M. [D] disposant des pièces dont il avait fait les copies, pour les remettre à M. [S], et dont les originaux étaient détenus par le docteur [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE celui qui réclame l'indemnisation d'un préjudice doit en faire la preuve ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 9), M. [S], après avoir rappelé que les consorts [D] « indiquent que la jeune [N] a initié une procédure par devant le pôle social du tribunal de grande instance afin de voir réévalué son handicap » et « prétendent ne pas être en mesure d'obtenir gain de cause en raison de l'absence des documents sur la période précitée », a fait valoir que, « s'agissant d'une réévaluation, cette dernière se fonde nécessairement sur son état de santé actuel » et que « l'évaluation de son état actuel ne peut se faire que sur la base des documents médicaux actualisés et non sur ses antécédents » ; que, pour retenir la responsabilité civile de M. [S], la cour d'appel a énoncé que les « copies de pièces médicales » perdues étaient « destinées à permettre aux consorts [D] de justifier, dans le cadre des démarches administratives et judiciaires afférentes au handicap, de l'étendue de celui-ci », et que leur préjudice moral était « établi, dès lors que cette perte les a contraints à de nouvelles démarches, par ailleurs incertaines compte tenu de l'ancienneté des documents, dans un contexte particulièrement douloureux », étant souligné que « la possibilité » qu'ils ont de « se prévaloir devant les juridictions ou les administrations, de la partie "I les faits" du rapport d'expertise, (...), n'est pas de nature à ôter toute consistance à leur préjudice, dès lors que ce document, s'il peut les aider dans leurs démarches, ne peut totalement se substituer à des pièces médicales », pour en conclure que « la disparition de ces documents » les a « privés d'éléments déterminants » ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les chefs de conclusions par lesquels M. [S] faisait valoir que le tribunal de l'incapacité devait seulement se prononcer sur l'état de santé actuel de Mme [D], de sorte la perte des copies des pièces médicales qui lui avaient été remises ne pouvait avoir causé de préjudice aux consorts [D], la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1065 F-B Pourvoi n° P 21-15.092 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 L'association Jean Cotxet, association régie par la loi du 1er juillet 1901, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-15.092 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à Mme [J] [S], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Jean Cotxet, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2021), Mme [S] a été engagée, le 17 septembre 1999, par l'association Jean Coxtet en qualité d'assistante familiale. 2. Le 29 octobre 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre de la prime de sujétion, outre les congés payés afférents, alors : « 1°/ que si elle présente un caractère forfaitaire et régulier, sans compenser une sujétion exceptionnelle, une prime-fut-elle dénommée « prime de sujétion », est intégrée au salaire conventionnel de base à comparer au salaire réellement perçu, afin de s'assurer du respect des prévisions conventionnelles ; qu'en jugeant au contraire que l'indemnité de sujétion ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle, tout en constatant qu'elle est due à tous les personnels sans aucune condition particulière, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 4 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées ; 2°/ que si elle présente un caractère forfaitaire et régulier, sans compenser une sujétion exceptionnelle, une prime-fut-elle dénommée "prime de sujétion", est intégrée au salaire conventionnel de base à comparer au salaire réellement perçu, afin de s'assurer du respect des prévisions conventionnelles ; qu'en jugeant au contraire que l'indemnité de sujétion ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle, tout en constatant qu'elle est due à tous les personnels sans aucune condition particulière, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 4 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées ; 3°/ que la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que l'indemnité de sujétion ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle mais s'ajoute à celle-ci, sans analyser comme l'y invitaient les conclusions de l'association exposante, la nature juridique de cette indemnité, le mode de rémunération auquel elle s'appliquait, qui n'était pas celui de l'assistante familiale, et son mode de calcul ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans procéder à la recherche à laquelle elle était invitée par les conclusions de l'association exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2254-1 du code du travail et de l'article 4 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 8 de l'avenant n° 305 du 20 mars 2007, à la convention du 15 mars 1966, l'assistant familial perçoit une rémunération dont le minimum est composé d'un salaire de base rétribuant la fonction globale d'accueil fixée à 35 % de la grille 396 et d'une majoration de 35 % du salaire de base pour l'accueil d'un enfant, de 70 % pour l'accueil de deux enfants et de 105 % pour l'accueil de trois enfants. 5. Il en résulte que l'indemnité de sujétion prévue par l'article 1 de l'avenant n° 266 à la convention collective du 15 mars 1966, qui est payable mensuellement, suit le sort du salaire des personnels bénéficiaires et est réduite dans les mêmes proportions que la rémunération, s'ajoute au minimum conventionnel garanti aux assistants familiaux. 6. La cour d'appel qui a retenu que l'indemnité de sujétion n'était pas comprise dans le minimum conventionnel de sorte que la salariée pouvait prétendre à un rappel de salaire a, sans encourir les griefs du moyen, fait l'exacte application des dispositions conventionnelles. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre de la prime d'accueil, outre les congés payés afférents, alors : « 1°/ la prime d'accueil de 10 % prévue par l'avenant n° 305 du 20 mars 2007 de la convention collective est définie conventionnellement comme une majoration forfaitaire de la rémunération de base, due quel que soit le nombre de personnes accueillies, de telle sorte qu'elle était bien la contrepartie du travail effectif réalisé par l'assistant familial et avait une nature salariale conduisant à intégrer cette majoration dans le calcul du salaire de base conventionnel ; qu'en jugeant que l'indemnité de prime d'accueil ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle mais qu'elle s'ajoute à celle-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 2254-1 du code du travail et 8 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées ; 2°/ que la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'indemnité de prime d'accueil ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle mais s'ajoute à celle-ci, sans préciser comme l'y invitaient les conclusions de l'association exposante, la nature juridique de cette indemnité et le mode de rémunération auquel elle s'appliquait, qui n'était pas celui de l'assistante familiale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans motiver davantage son arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2254-1 du code du travail et 8 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article 8 de l'avenant n° 305 du 20 mars 2007, à la convention du 15 mars 1966, l'assistant familial perçoit une rémunération dont le minimum est composé d'un salaire de base rétribuant la fonction globale d'accueil fixée à 35 % de la grille 396 et d'une majoration de 35 % du salaire de base pour l'accueil d'un enfant, de 70 % pour l'accueil de deux enfants et de 105 % pour l'accueil de trois enfants. Lorsque l'accueil d'au moins un enfant est effectif au-delà de 26 jours par mois, la rémunération de base de l'assistant familial est majorée forfaitairement de 10 %. 10. Il en résulte que cette prime d'accueil s'ajoute au minimum conventionnel garanti aux assistants familiaux. 11. La cour d'appel qui a retenu que la prime d'accueil n'était pas comprise dans le minimum conventionnel de sorte que la salariée pouvait prétendre à un rappel de salaire a, sans encourir les griefs du moyen, fait l'exacte application des dispositions conventionnelles. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association Jean Coxtet aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour l'association Jean Cotxet PREMIER MOYEN DE CASSATION L'association Jean Cotxet fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Madame [S] la somme de 10.359 euros bruts au titre de la prime de sujétion de 8,21 %, outre la somme de 1.035 euros bruts au titre des congés payés afférents et 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1. ALORS, D'UNE PART, QUE si elle présente un caractère forfaitaire et régulier, sans compenser une sujétion exceptionnelle, une prime-fut-elle dénommée « prime de sujétion », est intégrée au salaire conventionnel de base à comparer au salaire réellement perçu, afin de s'assurer du respect des prévisions conventionnelles ; qu'en jugeant au contraire que l'indemnité de sujétion ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle, tout en constatant qu'elle est due à tous les personnels sans aucune condition particulière, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 2254-1 du code du travail et l'article 4 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées ; 2. ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de l'association, sur quelle base devait être appliqué le taux de 8,21 % dès lors que ce taux était conventionnellement prévu pour être calculé sur la base d'un salaire brut indiciaire qui ne correspond pas au mode de rémunération des assistants familiaux et auquel on ne saurait substituer un calcul indexé sur la rémunération brute annuelle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans procéder à la recherche à laquelle elle était invitée par les conclusions de l'association exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2254-1 du code du travail et de l'article 4 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées ; 3. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que l'indemnité de sujétion ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle mais s'ajoute à celle-ci, sans analyser comme l'y invitaient les conclusions de l'association exposante, la nature juridique de cette indemnité, le mode de rémunération auquel elle s'appliquait, qui n'était pas celui de l'assistante familiale, et son mode de calcul ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans procéder à la recherche à laquelle elle était invitée par les conclusions de l'association exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2254-1 du code du travail et de l'article 4 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. SECOND MOYEN DE CASSATION L'association Jean Cotxet fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Madame [S] la somme de 4.812 euros bruts au titre de la prime de la prime d'accueil de 10 %, outre la somme de 481,20 euros bruts au titre des congés payés afférents et 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1. ALORS QUE la prime d'accueil de 10 % prévue par l'avenant n° 305 du 20 mars 2007 de la convention collective est définie conventionnellement comme une majoration forfaitaire de la rémunération de base, due quel que soit le nombre de personnes accueillies, de telle sorte qu'elle était bien la contrepartie du travail effectif réalisé par l'assistant familial et avait une nature salariale conduisant à intégrer cette majoration dans le calcul du salaire de base conventionnel ; qu'en jugeant que l'indemnité de prime d'accueil ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle mais qu'elle s'ajoute à celle-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 2254-1 du code du travail et 8 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées ; 2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'indemnité de prime d'accueil ne fait pas partie de la rémunération minimale conventionnelle mais s'ajoute à celle-ci, sans préciser comme l'y invitaient les conclusions de l'association exposante, la nature juridique de cette indemnité et le mode de rémunération auquel elle s'appliquait, qui n'était pas celui de l'assistante familiale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans motiver davantage son arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2254-1 du code du travail et 8 de l'avenant 305 de la convention collective du 15 mars 1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 945 FS-B Pourvoi n° P 21-13.045 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _______________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [N] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-13.045 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Installux management gestion, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Installux management gestion, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 juin 2020), M. [K] a été engagé, à compter du 19 septembre 2011, par la société Installux management gestion, en qualité d'employé au service d'approvisionnement. 2. Le 31 janvier 2015, l'employeur a notifié au salarié son licenciement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors « que les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail sur leur lieu de travail et que les opinions émises dans ce cadre ne peuvent faire l'objet de sanction ; que le salarié s'est exprimé sur l'organisation de son travail au cours d'une réunion "expression des salariés loi Auroux" alors qu'il faisait l'objet d'une surcharge de travail ; qu'en retenant que l'expression du salarié dépassait le cadre de son droit à la libre expression dans l'entreprise et constituait une faute de nature à justifier son licenciement, sa surcharge de travail ne l'exonérant pas de cette faute, la cour d'appel a violé les articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 : 4. Il résulte de ces textes que les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l'exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. 5. Pour dire le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir écarté les autres griefs imputés au salarié, retient que lors de la réunion d'expression collective des salariés du 14 janvier 2015, il a, en présence de la direction et de plusieurs salariés de l'entreprise, remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique, tentant d'imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière. Il ajoute que le médecin du travail a constaté, deux jours plus tard, l'altération de l'état de santé de la supérieure hiérarchique. Il en déduit que ce comportement s'analyse en un acte d'insubordination, une attitude de dénigrement et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. 6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus par le salarié dans l'exercice de son droit d'expression directe et collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse, rejette ses demandes de dommages-intérêts consécutive et d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conserve ses dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 10 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne la société Installux management gestion aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Installux management gestion et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Mariette, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet,Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [K] IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqueì d'avoir dit que le licenciement de M. [N] [K] repose sur une cause réelle et sérieuse et rejeté la demande consécutive de dommages et intérêts formée par M. [N] [K] ; 1°) ALORS QUE l'exercice de la liberté d'expression des salariés ne peut justifier un licenciement que s'il dégénère en abus, qui se caractérise par la tenue de propos diffamatoires, injurieux ou excessifs ; qu'en l'espèce, le salarié M. [K], au cours d'une réunion, « expression des salariés loi AUROUX » du 14 janvier 2015 a alerté sur « la façon dont Mme [B] lui demandait d'effectuer son travail (qui )allait à l'encontre du bon sens et surtout lui faisait perdre beaucoup de temps et d'énergie, ce qui entraînait un retard dans ses autres tâches, et celles du service comptabilité fournisseurs pour le règlement des factures » ; que ces propos étaient mesurés et appropriés ; qu'en affirmant que cette expression « ne [pouvait] être analysée comme la manifestation normale d'une opinion du salarié ne dépassant pas le cadre de son droit à la libre expression dans l'entreprise » et motivait son licenciement sans justifier du caractère diffamatoire, injurieux ou excessif de ces propos, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ensemble l'article L 1121-1 du code du travail ; 2°) ALORS QUE l'exercice de la liberté d'expression des salariés ne peut justifier un licenciement que s'il dégénère en abus, qui se caractérise par la tenue de propos diffamatoires, injurieux ou excessifs ; qu'en l'espèce M. [K] avait fait part de son opinion sur l'organisation du travail par sa supérieure dans des termes modérés, qu'il n'était pas démontré que ces propos étaient à l'origine de l'état de santé de sa supérieure et qu'en tout état de cause son état de santé n'était pas un motif justifiant un abus de sa liberté d'expression; qu'en tenant compte de l'état de santé de Mme [B], qui n'était même pas présente lors de la réunion, pour établir que le salarié avait abusé de sa liberté d'expression et que ce seul fait constituait une « attitude de dénigrement » fautive justifiant son licenciement quand la responsabilité de M. [K] n'était pas établie et que l'abus ne s'évalue qu'au regard de la teneur des propos, la cour d'appel a encore violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme ensemble du citoyen de 1789 et l'article L 1121-1 du code du travail ; 3°) ALORS QUE l'exercice de la liberté d'expression des salariés ne peut justifier un licenciement que s'il dégénère en abus, que de simples critiques émises sur l'organisation du travail exemptes d'abus ne constituent pas un acte d'insubordination fautif a fortiori lorsque le salarié continue de se conformer aux directives de son employeur ; qu'en l'espèce M. [K] avait fait part de son désaccord sur la façon dont sa supérieure lui demandait d'effectuer son travail dans des termes modérés et en continuant à se conformer ses directives; qu'en affirmant que l'insubordination de M. [K] était caractérisée et constituait une faute de nature à justifier son licenciement alors qu'il exerçait régulièrement sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé à nouveau l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ensemble L1121-1 du code du travail ; 4°) ALORS QUE les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail sur leur lieu de travail et que les opinions émises dans ce cadre ne peuvent faire l'objet de sanction ; que M. [K] s'est exprimé sur l'organisation de son travail au cours d'une réunion « expression des salariés loi AUROUX » alors qu'il faisait l'objet d'une surcharge de travail ; qu'en retenant que l'expression de M. [K] dépassait le cadre de son droit à la libre expression dans l'entreprise et constituait une faute de nature à justifier son licenciement, sa surcharge de travail ne l'exonérant pas de cette faute, la cour d'appel a violé les articles L 2281-1 et L 2281-3 du code du travail. Sur l'exercice par le salarié de son droit d'expression directe et collective dans l'entreprise, à rapprocher : Soc., 2 mai 2001, pourvoi n° 98-45.532, Bull. 2001, V, n° 142 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CATHALA, président Arrêt n° 944 FS-B sur le moyen du pourvoi principal Pourvoi n° U 20-16.841 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [J] [U], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° U 20-16.841 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Jung, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 3], pris en son établissement [10], [Localité 5], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 7], défenderesses à la cassation. La société Jung a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [U], de la SCP Gaschignard, avocat de la société Jung, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [U] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi ; Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 avril 2020), M. [U] a été engagé par la société Jung, à compter du 1er septembre 2009, en qualité de conducteur routier. 3. Le 7 mars 2017, une altercation l'a opposé à un chauffeur, salarié d'une autre entreprise. Le 3 avril 2017, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire puis son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre du 28 avril 2017. 4. Contestant le bien-fondé de ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale. 5. Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de police a déclaré les deux salariés coupables de violences volontaires. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième à quatrième branches, ci-après annexées 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes d'indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'enregistrement du salarié à son insu constitue un procédé déloyal et illicite qui le rend irrecevable devant le juge civil, auquel il incombe de se prononcer sur la loyauté et la licéité de la preuve qui lui est soumise, quelle qu'en soit l'appréciation précédemment portée par le juge pénal devant lequel l'enregistrement obtenu à l'insu d'une personne est recevable ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié des coups portés à M. [Y] et s'appuie exclusivement sur le film pris par ce dernier avec son téléphone à l'insu du salarié ; que la cour d'appel a énoncé que le juge pénal avait considéré qu'il ressortait "des éléments de la procédure et du film visionné à l'audience à la demande des parties que les coups ont été portés réciproquement sans qu'il soit possible de déterminer précisément l'origine" et qu'elle ne pouvait pas rechercher si le salarié était à l'origine des coups échangés, puisqu'analysant le film, le tribunal de police ayant porté, sur ce moyen de preuve, une appréciation liant le juge prud'homal, et qu'il n'y avait donc pas lieu d'écarter ce moyen de preuve ou d'ordonner une expertise technique ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, la licéité de l'enregistrement vidéo sur lequel s'appuyait la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé ensemble les articles 9 du code de procédure civile, 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et par fausse application, le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal et les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision. 9. La cour d'appel ayant constaté que le licenciement était motivé par les faits de violences volontaires commis le 7 mars 2017, pour lesquels le salarié avait été condamné par le tribunal de police, c'est à bon droit qu'elle a décidé que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal s'opposait à ce que le salarié soit admis à soutenir devant le juge prud'homal, l'illicéité du mode de preuve jugé probant par le juge pénal. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 11. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave, alors : « 1°/ que la participation volontaire à une rixe peut être constitutive d'une faute grave sans qu'il soit nécessaire de démontrer que le salarié est à l'origine de celle-ci ou a porté les premiers coups ; qu'en écartant la faute grave au motif qu'il n'était pas possible de déterminer de façon certaine qui était à l'origine de la rixe, quand la société Jung faisait valoir qu'au mépris des instructions formelles qu'il avait reçues, le salarié, à l'intérieur d'un site classé Seveso, était volontairement descendu de son camion, chargé d'un produit dangereux, en laissant les portes ouvertes et le moteur en fonctionnement, pour aller s'expliquer avec M. [Y], sans rechercher si ce comportement, à lui seul ne caractérisait pas une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ; 2°/ que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et ne fait pas obstacle à ce que d'autres éléments étrangers à cette dernière soient soumis à l'appréciation de la juridiction civile ; qu'en s'estimant liée par les motifs du jugement pénal indiquant n'avoir pu déterminer qui de M. [Y] ou du salarié avait initié la bagarre du 7 mars 2017 et en refusant de statuer elle-même sur ce point, au besoin par l'examen de la vidéo réalisée par M. [Y] après avoir statué sur l'admissibilité de cette preuve, la cour d'appel a violé par fausse application le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée par la juridiction pénale, ensemble les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 12. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. 13. La cour d'appel, après avoir constaté qu'il était établi que le salarié avait donné des coups à M. [Y], sans qu'il soit avéré qu'il se défendait d'une agression, a retenu que ces faits s'étaient produits hors de l'entreprise, qu'ils avaient opposé l'intéressé à un tiers et non à un collègue et que l'employeur, comme il l'indiquait dans la lettre de licenciement, était informé d'une situation de tension entre ces deux chauffeurs. Elle a ensuite relevé que le salarié avait immédiatement porté plainte le 7 mars 2017, quelques heures après l'altercation, alors que l'autre chauffeur avait attendu près d'un mois, lors de son audition par les services de gendarmerie, pour porter plainte et que le salarié, en plus de sept années de collaboration, n'avait fait l'objet d'aucune sanction. 14. Elle a pu en déduire, sans être tenue de préciser lequel des deux protagonistes était à l'origine de l'altercation, que les faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Mariette, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. [U], demandeur au pourvoi principal Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir débouté M. [U] de ses demandes d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement est ainsi libellée : « Nous avons évoqué en particulier l'incident du 7 mars 2017 et ce qui l'a précédé : le 7 mars 2017 le matin avant heures, alors que vous vous dirigiez sur le site [Adresse 8] à [Localité 9] afin de charger le semi d'azote, vous avez délibérément fait le choix de laisser votre ensemble routier – tracteur et semi azote de notre client Messer- sans surveillance, la porte ouverte afin de vous adonner à des violences physiques avec un conducteur d'une autre entreprise de transport. - Ces violences d'une extrême gravité occasionnant à la partie adverse un traumatisme crânien selon la gendarmerie de la Wantzenau qui a entendu les deux parties, ont eu lieu sur un site classé Seveso. - La situation est d'autant plus grave qu'il y a préméditation ; en effet, la semaine qui a précédé cette rixe, le 2 mars 2017, avant de prendre votre service, vous avez fait part à [L] [R], votre agent d'exploitation concernant vos difficultés relationnelles avec ce conducteur. J'étais également présente au bureau lors de cet échange. Celui-ci vous a donné pour consigne précise de ne pas tenir compte des éventuelles remarques de ce conducteur et de garder une attitude verbale et physique de sang-froid quelle que soit la situation. Vous avez délibérément fait le contraire des consignes qui vous ont été données. - Les images que nous avons visionnées ensemble lors de cet entretien et que nous avons scrutées attentivement à plusieurs reprises montrent que vous avez sauté de votre camion, avez poussé l'autre conducteur et avez porté les coups le premier. Vous n'avez d'ailleurs pas contesté la véracité de ces images et avez reconnu vous être battu avec ce conducteur sur le site de Air Products. - Les images montrent également qu'ensuite, à 2 reprises, au lieu de stopper cette rixe, vous avez réattaqué l'autre conducteur. - Votre comportement belliqueux et particulièrement dangereux vous fait perdre le sens des réalités et vous fait entraver non seulement les règles de la bienséance en matière de circulation sur le site de Air Products et de comportement vis-à-vis des autres personnes mais également à enfreindre toutes les règles de sécurité de ce site comme à violer délibérément les consignes de notre entreprise en matière de sûreté établies dans le manuel conducteur dont vous êtes titulaire. Nous avons écouté vos commentaires sur l'ensemble des griefs qui vous sont reprochés. Vos explications ne nous permettent pas toutefois de modifier notre appréciation des faits que nous considérons comme gravement fautifs. Eu égard au caractère prémédité de vos agissements et à l'extrême gravité des faits, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. » ; M. [U] fait valoir que la vidéo mentionnée dans la lettre de licenciement est un moyen de preuve irrecevable dans la mesure où il s'agit d'un montage réalisé par M. [Y] à partir des enregistrements vidéo de son téléphone portable, qu'il avait pris soin d'activer pour filmer l'altercation – ce qui confirme l'existence d'une véritable mise en scène et d'une préméditation - ce montage ayant supprimé le début de l'altercation et les violences exercées par M. [Y], il considère qu'une expertise technique permettra de constater le montage, il estime, sur le fond, que M. [Y] l'avait insulté et menacé puis l'a frappé le 2 mars 2017, ce qu'il a signalé à son responsable, M. [R], le lendemain, il affirme que, bloqué à nouveau par M. [Y] le 7 mars 2017, il est sorti du camion pour s'informer de ce qui se passait, subissant une violente agression dont il n'a pu se défaire qu'en donnant également des coups, il rappelle qu'il a souffert d'une fracture et du tassement du plateau vertébral supérieur d'une vertèbre et conteste avoir laissé son ensemble routier sans surveillance puisqu'il était à 1 mètre du camion ; selon lui, l'employeur a méconnu son obligation de sécurité alors qu'il avait été averti des menaces dont son salarié était l'objet , pour la société Jung SAS, en revanche, M. [U] n'a pas contesté la valeur probante des images visionnées lors de l'entretien préalable, lesquelles ont été confiées à la gendarmerie et sont produites aux débats et le camion est resté sans surveillance, ce qui l'exposait à des vols, l'employeur soutient que la vidéo et le jugement établissent la réalité des violences exercées par M. [U], lequel a pris l'initiative de l'altercation ; elle indique qu'elle n'a été informée que de difficultés relationnelles entre M. [U] et M. [Y] et non pas de menaces ; l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé ; cette autorité s'attache non seulement au dispositif de la décision mais également à tous les motifs qui en sont le soutien nécessaire ; en l'espèce, le juge pénal a condamné les deux protagonistes pour violences volontaires en considérant qu' « il ressort par conséquent des éléments de la procédure et du film visionné à l'audience à la demande des parties que les coups ont été portés réciproquement sans qu'il soit possible de déterminer précisément l'origine » ; ces motifs, soutien nécessaire du dispositif du jugement qui a condamné les deux salariés à la même peine, s'imposent au juge prud'homal ; dans le cadre de la présente procédure, la cour ne peut pas rechercher si M. [U] est à l'origine des coups échangés, puisque, analysant le film qui avait été produit devant lui, le tribunal de police a porté, sur ce moyen de preuve, une appréciation qui lie la juridiction prud'homale ; il s'ensuit que, même à considérer le film litigieux comme un moyen de preuve illicite, son examen par la cour n'est pas de nature à conduire à une autre appréciation des faits : il n'y a donc pas lieu d'écarter ce moyen de preuve ou d'ordonner une expertise technique ; en revanche, il revient au juge du contrat de travail de déterminer si les faits constatés par le juge pénal peuvent recevoir la qualification de faute grave, laquelle doit rendre impossible le maintien du contrat de travail ; en l'espèce, il est établi que M. [U] a donné des coups à M. [Y], sans qu'il soit avéré qu'il se défendait d'une agression, ce qui constitue une faute ; toutefois, les faits se sont produits hors de l'entreprise et ils ont opposé l'intéressé à un tiers et non à un collègue ; en outre, l'employeur – comme il l'indique dans la lettre de licenciement – était informé d'une situation de tension entre ces deux chauffeurs ; par ailleurs, M. [U] a immédiatement porté plainte le 7 mars 2017, quelques heures après l'altercation alors que M. [Y] a attendu près d'un mois, lors de son audition par les services de gendarmerie, pour porter plainte ; de surcroît, en plus de sept années de collaboration, M. [U] n'avait été l'objet d'aucune sanction ; au vu de ces éléments, le maintien du contrat de travail n'était pas impossible, ce qui conduira à écarter la faute grave mais à dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; ALORS DE PREMIERE PART QUE l'enregistrement du salarié à son insu constitue un procédé déloyal et illicite qui le rend irrecevable devant le juge civil, auquel il incombe de se prononcer sur la loyauté et la licéité de la preuve qui lui est soumise, quelle qu'en soit l'appréciation précédemment portée par le juge pénal devant lequel l'enregistrement obtenu à l'insu d'une personne est recevable ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reproche à M. [U] des coups portés à M. [Y] et s'appuie exclusivement sur le film pris par ce dernier avec son téléphone à l'insu de M. [U] ; que la cour d'appel a énoncé que le juge pénal avait considéré qu'il ressortait « des éléments de la procédure et du film visionné à l'audience à la demande des parties que les coups ont été portés réciproquement sans qu'il soit possible de déterminer précisément l'origine » et qu'elle ne pouvait pas rechercher si M. [U] était à l'origine des coups échangés, puisqu'analysant le film, le tribunal de police ayant porté, sur ce moyen de preuve, une appréciation liant le juge prud'homal, et qu'il n'y avait donc pas lieu d'écarter ce moyen de preuve ou d'ordonner une expertise technique ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, la licéité de l'enregistrement vidéo sur lequel s'appuyait la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé ensemble les articles 9 du code de procédure civile, 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et par fausse application, le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal et les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ; ALORS DE DEUXIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le licenciement pour faute grave ne peut être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse que si l'employeur rapporte la preuve d'un comportement fautif personnellement imputable au salarié ; que ne caractérisent aucun comportement fautif les coups portés par un salarié qui s'est défendu contre une agression commise à son encontre ; que la cour d'appel a énoncé qu'elle ne pouvait pas vérifier si M. [U] était à l'origine des coups échangés avec M. [Y] et qu'il était impossible de savoir s'il se défendait d'une agression ; qu'en retenant que ces faits, intervenus de surcroît hors de l'entreprise et ayant opposé M. [U] à un tiers, justifiaient un licenciement, bien que l'imputabilité de l'agression à M. [U] qui la contestait n'était pas établie par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail ; ALORS DE TROISIEME PART QUE la charge de la preuve d'un comportement fautif personnellement imputable au salarié incombe à l'employeur ; qu'en retenant que M. [U] avait donné des coups à M. [Y], sans qu'il soit avéré qu'il se défendait d'une agression, ce qui constituait une faute, la cour d'appel, qui a fait supporter à M. [U] la charge de prouver qu'il n'avait fait que se défendre, cependant qu'il incombait à la SAS Jung qui avait licencié M. [U] pour avoir « porté les coups le premier » d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; ALORS DE QUATRIEME ET DERNIERE PART QUE le licenciement d'un salarié est injustifié lorsque les faits qui lui sont reprochés sont la conséquence d'un manquement de l'employeur à ses obligations ; que le défaut d'implication de l'employeur dans la prévention des risques auxquels était exposé le salarié caractérise un manquement à son obligation de sécurité ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la SAS Jung, informée des difficultés relationnelles, tensions et conflits entre M. [Y] et M. [U], avait pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver et avait pris en compte le risque particulier d'agression auquel était exposé son salarié, de sorte qu'elle ne pouvait ensuite lui reprocher une quelconque faute, ayant manqué à sa propre obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 1235-3 du code du travail. Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Jung, demanderesse au pourvoi incident La société Jung SAS fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave ; 1°- ALORS QUE la participation volontaire à une rixe peut être constitutive d'une faute grave sans qu'il soit nécessaire de démontrer que le salarié est à l'origine de celle-ci ou a porté les premiers coups ; qu'en écartant la faute grave au motif qu'il n'était pas possible de déterminer de façon certaine qui était à l'origine de la rixe, quand la société Jung faisait valoir qu'au mépris des instructions formelles qu'il avait reçues, M. [U], à l'intérieur d'un site classé Seveso, était volontairement descendu de son camion, chargé d'un produit dangereux, en laissant les portes ouvertes et le moteur en fonctionnement, pour aller s'expliquer avec M. [Y], sans rechercher si ce comportement, à lui seul ne caractérisait pas une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ; 2°- ALORS au surplus QUE l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et ne fait pas obstacle à ce que d'autres éléments étrangers à cette dernière soient soumis à l'appréciation de la juridiction civile ; qu'en s'estimant liée par les motifs du jugement pénal indiquant n'avoir pu déterminer qui de M. [Y] ou de M. [U] avait initié la bagarre du 7 mars 2017 et en refusant de statuer elle-même sur ce point, au besoin par l'examen de la vidéo réalisée par M. [Y] après avoir statué sur l'admissibilité de cette preuve, la cour d'appel a violé par fausse application le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée par la juridiction pénale, ensemble les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. Sur l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, à rapprocher : 2e Civ., 21 mai 2015, pourvoi n° 14-18.339, Bull. 2015, II, n° 119 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CATHALA, président Arrêt n° 964 FS-B+L Pourvoi n° H 20-23.500 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 1°/ la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (FTM-CGT), dont le siège est [Adresse 1], 2°/ le syndicat CGT interim, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° H 20-23.500 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant : 1°/ à l'Union des industries et métiers de la métallurgie(UIMM), dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la fédération des Cadres de la maîtrise et des techniciens de la métallurgie CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ au syndicat Fédération confédérée FO de la métallurgie, dont le siège est [Adresse 5], 4°/ au syndicat Fédération de la métallurgie CFE-CGC CFDT, dont le siège est [Adresse 2], 5°/ au syndicat Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, dont le siège est [Adresse 3], 6°/ au syndicat Fédération des Cadres de la maîtrise et des techniciens de la métallurgie CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 2], 7°/ au syndicat de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et du syndicat CGT interim, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Union des industries et métiers de la métallurgie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la fédération des Cadres de la maîtrise et des techniciens de la métallurgie CFE-CGC, du syndicat Fédération confédérée FO de la métallurgie, du syndicat Fédération de la métallurgie CFE-CGC CFDT, du syndicat Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT et du syndicat fédération des Cadres de la maîtrise et des techniciens de la métallurgie CFE-CGC, les plaidoiries de Me Lyon-Caen, de Me [F] et de Me Grévy, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2020), l'Union des industries et métiers de la métallurgie (l'UIMM), la fédération des Cadres, de la maîtrise et des techniciens de la métallurgie CFE-CGC, la Fédération confédérée FO de la métallurgie, la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT ont signé, le 29 juin 2018, un accord de branche national « relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire dans la métallurgie. » 2. Le 15 septembre 2018, le ministère du travail a publié le fascicule 2018/35 au bulletin officiel des conventions collectives comportant cet accord en page 76. 3. Par acte du 29 novembre 2018, la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, dûment autorisée, a assigné selon la procédure à jour fixe l'UIMM, la fédération des Cadres, de la maîtrise et des techniciens de la métallurgie CFE-CGC, la Fédération confédérée FO de la métallurgie et la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT aux fins d'annuler cet accord national du 29 juin 2018. La CGT intérim est intervenue volontairement à l'instance à ses côtés. 4. Le 19 décembre 2018, le ministre du travail a pris un arrêté d'extension de l'accord, publié au journal officiel du 23 décembre 2018. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et le syndicat CGT intérim font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leur action tendant à l'annulation de l'accord national du 29 juin 2018 relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire dans la métallurgie, alors : « 1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2262-14 du code du travail que l'action en nullité de tout ou partie d'un accord de branche doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 du même code ; que l'article L. 2231-5-1 du code du travail précise que "les conventions de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise ou d'établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable" ; qu'il appartenait à la cour d'appel, comme elle avait été invitée à le faire, de s'assurer que la parution de l'accord de la métallurgie du 29 juin 2018 au Bulletin officiel des conventions collectives répondait à l'exigence légale d'une publication en ligne "dans un standard ouvert aisément réutilisable" ; qu'en se contentant d'affirmer, sans procéder à cette vérification, que le versement de l'accord "dans une base de données nationale dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable" n'est qu'une modalité complémentaire de publication qui n'est ni cumulative, ni alternative, ni exclusive, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions de l'article L. 2231-5-1 du code du travail ; 2°/ que la consultation du site de Légifrance, "service public d'accès au droit", a mis en évidence que les organisations syndicales susceptibles d'engager une action en nullité à l'encontre d'un accord de branche, au contraire de celles entendant éventuellement contester la validité d'un accord d'entreprise, ne disposaient pas de la liste actualisée et complète des accords ; qu'en faisant abstraction de la différence de traitement intervenue au préjudice des organisations syndicales susceptibles d'engager une action en nullité à l'encontre d'un accord de branche et en affirmant que c'était la date de parution de l'accord de branche du 29 juin 2018 au Bulletin officiel des conventions collectives, et non sur l'unique base de données devant être mise en ligne sur le site de Légifrance, qui était de nature à faire courir le délai de forclusion prévu par l'article L. 2262-14 du code du travail, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de l'article L. 2262-14 du code du travail. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 2262-14 du code du travail, toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter : 1° de la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ; 2° de la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas. Ce délai s'applique sans préjudice des articles L. 1233-24, L. 1235-7-1 et L. 1237-19-8 du code du travail. 7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2231-5-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable. Ils sont publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires. 8. Il résulte de ces dispositions que le délai de forclusion pour agir en nullité d'un accord de branche court à compter de la date à laquelle l'accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives qui, en conférant date certaine, répond à l'objectif de sécurité juridique. Le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n'est qu'une mesure complémentaire répondant à l'objectif d'accessibilité de la norme de droit. 9. Ayant constaté que l'accord de branche national « relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire dans la métallurgie », conclu le 29 juin 2018, avait été publié le 15 septembre 2018 au fascicule 2018/35 du bulletin officiel des conventions collectives, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que les signataires de cet accord avaient décidé qu'une partie de l'accord ne ferait pas l'objet de publication, a décidé à bon droit que le délai de forclusion de deux mois courait à compter de cette publication, de sorte que l'action en nullité à l'encontre de cet accord de branche exercée le 29 novembre 2018 était irrecevable. 10. Le moyen est dès lors inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et le syndicat CGT intérim aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen, en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Fédération des Travailleurs de la métallurgie CGT et le syndicat CGT interim La Fédération des travailleurs de la Métallurgie CGT et le syndicat CGT INTERIM reprochent à l'arrêt confirmatif attaqué de les avoir déclaré irrecevables en leur action tendant à l'annulation de l'accord national du 29 juin 2018 relatif au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire dans la métallurgie ; ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des dispositions de l'article L. 2262-14 du Code du travail que l'action en nullité de tout ou partie d'un accord de branche doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 du même code ; que l'article L. 2231-5-1 du Code du travail précise que « les conventions de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise ou d'établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable » ; qu'il appartenait à la Cour d'appel, comme elle avait été invitée à le faire, de s'assurer que la parution de l'accord de la métallurgie du 29 juin 2018 au Bulletin officiel des conventions collectives répondait à l'exigence légale d'une publication en ligne « dans un standard ouvert aisément réutilisable » ; qu'en se contentant d'affirmer, sans procéder à cette vérification, que le versement de l'accord « dans une base de données nationale dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable » n'est qu'une modalité complémentaire de publication qui n'est ni cumulative, ni alternative, ni exclusive, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions de l'article L. 2231-5-1 du Code du travail ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE la consultation du site de Légifrance, « service public d'accès au droit », a mis en évidence que les organisations syndicales susceptibles d'engager une action en nullité à l'encontre d'un accord de branche, au contraire de celles entendant éventuellement contester la validité d'un accord d'entreprise, ne disposaient pas de la liste actualisée et complète des accords ; qu'en faisant abstraction de la différence de traitement intervenue au préjudice des organisations syndicales susceptibles d'engager une action en nullité à l'encontre d'un accord de branche et en affirmant que c'était la date de parution de l'accord de branche du 29 juin 2018 au Bulletin officiel des conventions collectives, et non sur l'unique base de données devant être mise en ligne sur le site de Légifrance, qui était de nature à faire courir le délai de forclusion prévu par l'article L. 2262-14 du Code du travail, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de l'article L. 2262 -14 du Code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 986 FS-B Pourvoi n° T 21-16.821 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 La société Ipsos Observer, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-16.821 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme [C] [L], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Ipsos Observer, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2021), Mme [L] a été engagée à compter du 4 novembre 2004 par la société Ipsos observer en qualité d'enquêteur vacataire par plusieurs contrats à durée déterminée d'usage. A compter du 1er janvier 2011, elle a été engagée par contrat à durée indéterminée intermittent. 2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, dite Syntec. 3. Le 7 janvier 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à ce que la relation contractuelle soit requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps complet et que lui soient versées des sommes afférentes à ces requalifications. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches et le second moyen, pris en ses six premières branches, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du premier moyen qui est irrecevable et sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une certaine somme à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013, outre congés payés afférents, alors « que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 formée par Mme [L], la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Mme [L], les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde résultant selon elle d'un choix de la salariée, étant par ailleurs souligné que la salariée indique avoir été contrainte de déposer des demandes de jours de congés à certaines dates ; qu'en statuant par de tels motifs sans rechercher si Mme [L] rapportait la preuve qui lui incombait qu'elle s'était tenue de la société Ipsos pendant les périodes d'indisponibilité et de congés sans solde, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1245-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1245-2 du même code : 6. En application de ces textes, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat, réciproquement, la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. 7. Il en résulte que le salarié, engagé par plusieurs contrats à durée déterminée et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il établit qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail. 8. Pour condamner l'employeur à une certaine somme au titre d'un rappel de salaire outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir requalifié les contrats à durée déterminée d'usage en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pour la période antérieure au 1er janvier 2011, relève que, pour s'opposer à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, l'employeur opère une déduction des périodes d'absence de la salariée en indiquant que celle-ci s'était déclarée indisponible ou en congés sans solde. L'arrêt retient que, compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par la salariée les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde. 9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, au cours des périodes d'indisponibilité ou de congés sans solde, la salariée rapportait la preuve qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le second moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; qu'en l'espèce, la société Ipsos Observer faisait valoir que les jours d'indisponibilité et les congés sans solde posés par Mme [L] ne pouvaient donner lieu au paiement d'un rappel de salaire puisque ces jours d'indisponibilité et de congés sans solde correspondaient à des périodes pendant lesquelles la salariée avait expressément manifesté sa volonté de ne pas travailler et ne se maintenait pas à la disposition de la société ; qu'en retenant néanmoins que, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Mme [L] les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde sans rechercher si la salariée ne s'était pas délibérément abstenue de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail pendant ces périodes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil : 11. L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition. 12. Pour condamner l'employeur à une certaine somme à titre d'un rappel de salaire outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir requalifié le contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet pour la période postérieure au 1er janvier 2011, relève que, pour s'opposer à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, l'employeur opère une déduction des périodes d'absence de la salariée en indiquant que celle-ci s'était déclarée indisponible ou en congés sans solde. L'arrêt retient que, compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par la salariée les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur du fait de la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet et si la salariée avait, en se déclarant indisponible ou en congés sans solde, refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à sa disposition, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 14. La cassation prononcée sur les premier et second moyens n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif qui condamnent l'employeur au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des entiers dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Ipsos Observer à verser à Mme [L] la somme de 37 040,32 euros au titre d'un rappel de salaire du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 outre congés payés afférents, l'arrêt rendu le 17 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ipsos Observer ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Ipsos Observer PREMIER MOYEN DE CASSATION (relatif à la période d'emploi sous contrats à durée déterminée) La société IPSOS OBSERVER fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Madame [L] une somme de 37 040,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 et une somme de 3 704 euros au titre des congés payés afférents ; ALORS en premier lieu QUE le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit ; que ce contrat doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'en l'absence d'écrit comportant ces mentions, l'emploi est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, en considérant que la relation de travail antérieure à la signature du contrat à durée indéterminée intermittent devait être requalifiée en un contrat à temps complet et en allouant à Madame [L] un rappel de salaire de ce chef au seul motif que la Cour n'était pas en mesure de vérifier que la société IPSOS avait respecté l'obligation de faire figurer les mentions susvisées dans les contrats de la salariée quand cette circonstance faisait seulement naître une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur avait la faculté de renverser, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; ALORS en deuxième et en toute hypothèse lieu QUE le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit ; que ce contrat doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'en l'absence d'écrit comportant ces mentions, l'emploi est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, afin d'établir que Madame [L] avait connaissance de ses périodes et heures de travail et n'était donc pas contrainte de se tenir en permanence à la disposition de son employeur, la société IPSOS OBSERVER versait aux débats les plannings établis mensuellement par la société et communiqués à la salariée ; que pour considérer que l'employeur ne versait aucun élément permettant d'établir que la salariée était en mesure de connaître à l'avance ses périodes d'activité et son rythme de travail et requalifier la relation de travail en un contrat à temps complet, le Conseil de prud'hommes a relevé que Madame [L] faisait valoir que les plannings qui lui étaient remis mensuellement n'avaient pas de valeur contractuelle et pouvaient être modifiés à tout moment ; qu'à supposer ces motifs adoptés, en se fondant sur cette circonstance pour requalifier la relation de travail en un contrat à temps complet et allouer à la salariée un rappel de salaire de ce chef, sans rechercher si les plannings mensuels remis à Madame [L] sur la période en cause avaient effectivement fait l'objet de modifications, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; ALORS en troisième lieu QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; qu'en faisant droit, en l'espèce, à la demande formée par Madame [L] à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013, sans rechercher si la salariée rapportait la preuve qui lui incombait qu'elle s'était tenue à la disposition de la société IPSOS OBSERVER en vue d'effectuer un travail pendant l'ensemble des périodes interstitielles séparant deux contrats, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L.. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du Code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du Code civil ; ALORS en quatrième lieu et en toute hypothèse QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 formée par Madame [L], la Cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Madame [L], les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde résultant selon elle d'un choix de la salariée, étant par ailleurs souligné que la salariée indique avoir été contrainte de déposer des demandes de jours de congés à certaines dates ; qu'en statuant par de tels motifs sans rechercher si Madame [L] rapportait la preuve qui lui incombait qu'elle s'était tenue de la société IPSOS pendant les périodes d'indisponibilité et de congés sans solde, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du Code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du Code civil ; ALORS en cinquième lieu et en toute hypothèse QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; que dans ce cadre, il lui appartient de justifier qu'il n'était pas à la disposition d'un autre employeur pendant les périodes litigieuses ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 formée par Madame [L], la Cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la rémunération que la salariée avait pu percevoir par ailleurs auprès d'autres employeurs ne pouvait affecter la rémunération à laquelle elle avait droit du fait de la requalification ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'il se déduisait de la perception d'autres revenus par la salariée que cette dernière ne s'était pas tenue à la disposition de la société IPSOS pendant tout ou partie des périodes interstitielles et qu'elle ne pouvait donc prétendre au paiement d'un rappel de salaire pour ses périodes, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du Code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du Code civil. ALORS en sixième lieu et en toute hypothèse QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, la société ISPOS OBSERVER faisait valoir, s'agissant de la somme réclamée par Madame [L] à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps complet, que, lorsqu'elle était employée sous contrat à durée déterminée, la salariée avait toujours bénéficié de congés payés sous la forme d'une indemnité compensatrice de congés payés équivalente à 10% de sa rémunération et que la salariée ne pouvait en conséquence solliciter un rappel de salaire pour les périodes correspondant aux congés payés qui lui avaient, en réalité, été déjà rémunérées par avance ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant des conclusions de la société exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences découlant de l'article 455 du Code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (relatif à la période d'emploi sous contrat à durée indéterminée intermittent) La société IPSOS OBSERVER fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Madame [L] une somme de 37 040,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 et une somme de 3 704 euros au titre des congés payés afférents ; ALORS en premier lieu QUE le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui comporte notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail, la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail, qui prévoient que le contrat de travail à temps partiel précise la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ne sont pas applicables au contrat de travail intermittent ; qu'au cas présent, pour requalifier en contrat de travail à temps complet le contrat intermittent conclu par Madame [L] avec la société IPSOS OBSERVER, la Cour d'appel a relevé que les pièces versées aux débats ne mentionnaient pas les horaires de travail et leur répartition et que la société employeur ne renversait pas la présomption de travail à temps complet ; qu'en faisant ainsi application de dispositions relatives au contrat de travail à temps partiel à un contrat intermittent, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3123-14 et L. 3123-33 du Code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; ALORS en deuxième lieu QU'il résulte de l'article préambule de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dont les dispositions ont été maintenues en vigueur par l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, que les chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle (CEIGA) exercent leur activité dans le cadre du travail intermittent tel qu'il est défini aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ; que selon l'article L. 212-4-9 du Code du travail alors en vigueur, auquel renvoie l'accord collectif, le contrat de travail intermittent doit faire mention des périodes pendant lesquelles le salarié travaille et, dans le cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention collective ou l'accord étendu détermine les adaptations nécessaires ; qu'en application de ces dispositions, l'article 3 de l'annexe précitée dispose que la nature des activités d'enquête et de sondage ne permet pas de connaître avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes et que, les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables ; que l'article 8 de cette même annexe prévoit que l'engagement d'un chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle doit être constaté par un écrit faisant référence aux dispositions de la présente convention et précisant notamment la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, le montant de sa garantie annuelle, le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévus à l'article 3 de la présente annexe ; qu'il en résulte que les contrats de travail intermittent conclus en application de cet accord collectif n'ont pas à mentionner les périodes travaillées ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat de travail intermittent conclu par Madame [L] en application des dispositions de l'annexe susvisée en contrat à temps complet, après avoir rappelé que l'article L. 3123-33 du Code du travail énonçait les mentions devant figurer obligatoirement sur le contrat de travail intermittent, au nombre desquelles, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces période, la Cour d'appel, à supposer qu'elle ait adopté les motifs des premiers juges, a considéré qu'à défaut de comporter ces mentions légales, le contrat de la salariée était présumé à temps complet et que la société IPSOS OBSERVER ne renversait pas la présomption pesant sur elle ; qu'en statuant par de tels motifs, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du Code du travail dans leur version applicable au litige ensemble celles de l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, de l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, de l'article préambule de l'annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 et des articles 3 et 8 de l'annexe 4-2 se rapportant aux chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle ; ALORS en troisième lieu et en toute hypothèse QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, pour juger qu'en l'absence des mentions édictées à l'article L. 3123-33, le contrat de travail intermittent de Madame [L] était présumé à temps plein puis requalifier ce contrat en contrat à temps complet faute pour la société IPSOS OBSERVER de renverser cette présomption, le Conseil de prud'hommes a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'examiner l'argumentation de la société IPSOS OBSERVER sur les exceptions prévues à l'article D. 3123-4 actuel du Code du travail, l'activité de l'entreprise ne relevant pas du secteur du spectacle vivant et enregistré ; qu'à les supposer adoptés, en statuant par de tels motifs alors que dans ses conclusions d'appel, la société IPSOS OSBERVER ne se prévalait nullement de l'application de l'article D. 3123-4 du Code du travail mais faisait valoir que, compte tenu des règles d'application dans le temps des lois relatives au travail intermittent, le contrat intermittent de Madame [L] conclu en application de l'annexe « Enquêteurs » à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques et cabines d'ingénieurs conseils du 16 décembre 1991 n'était pas assujetti au respect des dispositions des articles L. 3123-33 et L. 3123-35 du Code du travail mais relevait des dispositions en vigueur à la date de la conclusion et de l'extension de l'annexe susvisée et en particulier de l'article L. 212-4-9 du Code du travail lequel permettait alors aux partenaires sociaux des branches professionnelles, sans aucune limitation tenant au secteur d'activité, d'adapter les mentions devant figurer dans le contrat intermittent « dans le cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes », la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; ALORS en quatrième lieu QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour conclure à la régularité du contrat de travail intermittent conclu avec Madame [L], la société IPSOS OBSERVER faisait valoir que la détermination d'une rémunération annuelle garantie au salarié dans le cadre du contrat intermittent CEIGA valait nécessairement détermination d'une durée annuelle minimale de travail du salarié corrélative à cette rémunération annuelle conformément aux dispositions de l'article L. 3123-33 3° du Code du travail ; qu'en considérant en l'espèce, par motifs adoptés, que le contrat intermittent de Madame [L] ne comportait pas les mentions requises par l'article L. 3123-33 du Code du travail au nombre desquelles la durée annuelle minimale de travail du salarié sans répondre au moyen susvisé soulevé par la société IPSOS OBSERVER de ce chef, la Cour d'appel a méconnu les exigences découlant de l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS en cinquième lieu et en toute hypothèse QUE le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui doit notamment mentionner la durée annuelle minimale de travail du salarié ; qu'il en résulte qu'en l'absence de cette mention dans le contrat, ce dernier est présumé à temps plein ; qu'il appartient alors à l'employeur qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'employeur ne renversait pas la présomption selon laquelle le salarié se trouve à sa disposition permanente et requalifier en conséquence le contrat intermittent de Madame [L] en contrat à temps complet, la Cour d'appel a relevé que, pour renverser cette présomption, la société IPSOS OBSERVER versait aux débats des tableaux mentionnant que Madame [L] ne travaillait pas le matin mais qu'elle ne mentionnait cependant pas d'écrit de la salariée selon lequel celle-ci ne désirait pas travailler le matin et ne souhaitait travailler que pour un mi-temps l'après-midi et que, selon les documents relatifs aux consignes données aux enquêteurs, lorsque ceux-ci sont planifiés l'après-midi, ils débutent leur travail à midi ce qui permet la réalisation d'une journée complète de travail ; qu'en statuant par ces motifs inopérants sans rechercher si, ainsi que le faisait valoir la société IPSOS OBSERVER, les plannings établis mensuellement par la société et communiqués à la salariée ne permettaient pas à cette dernière d'avoir connaissance de ses périodes et heures de travail et, par voie de conséquence, de ne pas être contrainte de se tenir en permanence à la disposition de son employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 212-4-9 du Code du travail dans leur version applicable au litige ; ALORS en sixième lieu et en toute hypothèse QUE le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui doit notamment mentionner la durée annuelle minimale de travail du salarié ; qu'il en résulte qu'en l'absence de cette mention dans le contrat, ce dernier est présumé à temps plein ; qu'il appartient alors à l'employeur qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, afin d'établir que Madame [L] avait connaissance de ses périodes et heures de travail et n'était donc pas contrainte de se tenir en permanence à la disposition de son employeur, la société IPSOS OBSERVER versait aux débats les plannings établis mensuellement par la société et communiqués à la salariée ; que pour considérer que l'employeur ne versait aucun élément permettant d'établir que la salariée était en mesure de connaître à l'avance ses périodes d'activité et son rythme de travail et requalifier la relation de travail en un contrat à temps complet, le Conseil de prud'hommes a relevé que Madame [L] faisait valoir que les plannings qui lui étaient remis mensuellement n'avaient pas de valeur contractuelle et pouvaient être modifiés à tout moment ; qu'à supposer ces motifs adoptés, en se fondant sur cette circonstance pour requalifier le contrat intermittent en contrat à temps plein sans rechercher si les plannings mensuels remis à Madame [L] sur la période en cause avaient effectivement fait l'objet de modifications, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 212-4-9 du Code du travail dans leur version applicable au litige ; ALORS en septième lieu et en toute hypothèse QUE lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; qu'en l'espèce, la société IPSOS POBSERVER faisait valoir que les jours d'indisponibilité et les congés sans solde posés par Madame [L] ne pouvaient donner lieu au paiement d'un rappel de salaire puisque ces jours d'indisponibilité et de congés sans solde correspondaient à des périodes pendant lesquelles la salariée avait expressément manifesté sa volonté de ne pas travailler et ne se maintenait pas à la disposition de la société ; qu'en retenant néanmoins que, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Madame [L] les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde sans rechercher si la salarié ne s'était pas délibérément abstenue de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail pendant ces périodes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du Code du travail. Sur la charge de la preuve de la fourniture de travail et de la tenue à disposition du salarié, à rapprocher : Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-14.237, Bull. 2013, V, n° 248 (cassation partielle) ; Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 20-17.627, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 987 FS-B Pourvoi n° Y 20-17.627 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [E]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 16 mars 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 Mme [R] [E], épouse [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-17.627 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société GFK ISL Custom Research France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société GFK ISL Custom Research France, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mars 2019), après avoir été engagée en qualité d'enquêteur par la société GFK ISL, Custom Research France suivant contrats à durée déterminée d'usage du 1er octobre 2008 au 30 juin 2010, Mme [E], épouse [M], a, à compter du 1er juillet 2010, signé un contrat à durée indéterminée de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle de rémunération, dit CEIGA. 2. La convention collective applicable est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec. 3. Le 19 janvier 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, d'une demande de rappel de salaire afférent, d'une demande en résiliation judiciaire du contrat et de demandes en conséquence. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui verser une certaine somme à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2012 à décembre 2014 outre congés payés afférents, de la débouter de sa demande de résiliation du contrat de travail et des demandes subséquentes, alors « que l'absence dans le contrat de travail intermittent de mention de la durée annuelle minimale de travail du salarié ou de la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées fait présumer que le contrat est à temps plein et il appartient alors à l'employeur soutenant qu'il ne l'est pas d'établir, d'une part, la durée annuelle minimale convenue et, d'autre part, que le salarié connaît les jours auxquels il doit travailler et selon quels horaires et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en limitant le montant des rappels de salaire alloués au titre de la requalification du contrat, aux motifs que la salariée ne démontrait pas qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble les articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 1221-1 du même code et l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil : 5. Le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié. Il en résulte qu'en l'absence de cette mention, le contrat est présumé à temps plein et qu'il appartient alors à l'employeur, qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein, d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur. 6. L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition. 7. L'arrêt, après avoir retenu qu'en raison de l'absence de mention de la durée annuelle minimale le contrat devait être présumé à temps plein et fait ressortir que l'employeur échouait à renverser cette présomption, a requalifié le contrat en contrat à temps complet. 8. Toutefois, pour limiter le montant du rappel de salaire à une certaine somme, l'arrêt retient qu'au vu des bulletins de salaire communiqués et des absences et indisponibilités de la salariée telles qu'elles ressortent du tableau récapitulatif dressé par l'employeur et des copies d'écran du système déclaratif des disponibilités de la salariée, non contredits par la salariée qui ne démontre pas qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur pendant lesdites périodes, l'employeur sera condamné à payer à cette dernière une somme de 6 667 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014 outre congés payés afférents. 9. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur en conséquence de la requalification du contrat de travail à temps complet et que la salariée avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à sa disposition, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société GFK ISL, Custom Research France à verser à Mme [E], épouse [M], la somme de 6 667 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014, outre congés payés afférents, et en ce qu'il rejette les demandes de Mme [E], épouse [M], tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, à lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner la société GFK ISL, Custom Research France à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 27 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société GFK ISL, Custom Research France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société GFK ISL, Custom Research France et la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [E] Madame [M] fait grief à l'arrêt attaqué de n'AVOIR condamné l'employeur à lui payer que la somme de 6 667 euros à titre de rappels de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014, outre la somme de 666,70 euros au titre des congés payés y afférents, et d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation du contrat de travail et de ses demandes subséquentes. 1° ALORS QUE l'absence dans le contrat de travail intermittent de mention de la durée annuelle minimale de travail du salarié ou de la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées fait présumer que le contrat est à temps plein et il appartient alors à l'employeur soutenant qu'il ne l'est pas d'établir, d'une part, la durée annuelle minimale convenue et, d'autre part, que le salarié connaît les jours auxquels il doit travailler et selon quels horaires et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en limitant le montant des rappels de salaire alloués au titre de la requalification du contrat, aux motifs que la salariée ne démontrait pas qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L. .3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble les articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil. 2° ALORS QUE la circonstance que les plannings tiennent compte de la disponibilité du salarié ne constitue pas à elle seule une preuve de son indisponibilité ; que pour limiter le montant des rappels de salaire, la cour d'appel a retenu que la salariée ne contestait pas les tableaux de ses jours d'indisponibilité ainsi que les copies d'écran du système déclaratif de ses disponibilités produits par l'employeur ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble les articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil. 3° ALORS QUE la salarié faisait valoir que, s'agissant de ses jours de disponibilités déclarées, elle n'était pas systématiquement appelée à travailler et qu'en outre, l'envoi tardif des plannings ne lui permettait pas d'organiser une activité professionnelle annexe ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans examiner ces points, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble des articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil. Sur la charge de la preuve de la fourniture de travail et de la tenue à disposition du salarié, à rapprocher : Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-14.237, Bull. 2013, V, n° 248 (cassation partielle) ; Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-16.821, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. CATHALA, président Arrêt n° 985 FS+B Pourvoi n° V 20-10.701 Sur le 1er moyen R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 Mme [N] [H] [E] [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-10.701 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Master Net, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société l'Océan, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [E] [T], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mai 2019), Mme [H] [E] [T] a été engagée par la société TEP propreté associés, en qualité d'agent de service, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 1er septembre 2012. A la suite du transfert de son contrat de travail, le 13 juin 2013, elle a été engagée en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. A compter du 4 juin 2014, son contrat de travail a été transféré à la société Master Net. 2. Le 22 décembre 2014, les parties ont signé un avenant portant la durée mensuelle du travail à 152 heures pour la période du 1er janvier au 6 novembre 2015. Le contrat de travail a ensuite été transféré à la société l'Océan. 3. Le 21 avril 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter du 1er janvier 2015 et de demandes en paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le rappel de salaire qui lui a été alloué au titre des congés sans solde à une certaine somme outre les congés payés afférents, alors « qu'en retenant qu'elle demandait un rappel de salaire pour les périodes du 18 octobre au 3 novembre 2014, du 20 décembre 2014 au 5 janvier 2015 et du 11 avril au 27 avril 2015, quand elle sollicitait, en outre, un rappel de salaire pour la période du 7 au 23 février 2015, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel, violant l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Sous le couvert d'un grief de dénaturation des conclusions, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation. 6. Le moyen est donc irrecevable. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La salariée fait grief à l'arrêt de constater la validité de l'avenant du 22 décembre 2014 ayant pour objet de déterminer les conditions d'un complément d'heures à son contrat de travail à temps partiel, de dire n'y avoir lieu à requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein, de la débouter de cette demande et de ses demandes d'indemnité compensant la perte de salaire du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, outre les congés payés afférents, et de majoration des heures complémentaires, outre les congés payés afférents, alors « que la conclusion d'un avenant au contrat de travail sur le fondement de l'article L. 3123-25 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoyant l'accomplissement d'heures complémentaires par un salarié à temps partiel ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail à un niveau égal ou supérieur à la durée légale du travail ; qu'en la déboutant de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet, quand elle constatait que la salariée avait travaillé, en application de l'avenant du 22 décembre 2014, au-delà de la durée légale du travail du 1er janvier au 6 novembre 2015, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 3123-17 du code du travail en sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 3123-25, alinéa 1, du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et L. 3123-17, alinéa 2, du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 8. Aux termes du premier de ces textes, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par avenant au contrat de travail, d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat. Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 3123-17, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 %. 9. Selon le second de ces textes, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement. 10. Il résulte de la combinaison de ces textes que la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel, sur le fondement de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement. 11. Pour constater la validité de l'avenant du 22 décembre 2014 ayant pour objet de déterminer les conditions d'un complément d'heures au contrat de travail à temps partiel de la salariée, débouter cette dernière de ses demandes en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, en paiement d'une indemnité compensant la perte de salaire du 1er janvier au 31 décembre 2016 outre les congés payés afférents et en paiement de majorations des heures complémentaires outre les congés payés afférents, l'arrêt relève qu'il ressort de l'avenant signé par la salariée et l'employeur, le 22 décembre 2014, que les parties sont convenues d'augmenter la durée du travail de la salariée de 86,67 heures à 152 heures par mois pendant une période limitée, soit du 1er janvier 2015 au 6 novembre 2015. Il retient que, compte tenu de cet avenant, dont les termes sont conformes aux dispositions des articles L. 3123-25 du code du travail et 6.2.5.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, il ne peut être considéré que le contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein du fait de l'augmentation de la durée du travail de la salariée, sur la période contractuellement prévue du 1er janvier au 6 novembre 2015, au-delà de la durée de 86,67 heures issue du contrat de travail du 3 juin 2013. 12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avenant de complément d'heures conclu entre les parties le 22 décembre 2014 avait pour effet de porter la durée du travail prévue par le contrat de la salariée, employée à temps partiel, au niveau de la durée légale du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Master Net à payer à Mme [H] [E] [T] la somme 175,50 euros, outre 17,55 euros de congés payés afférents, au titre des absences non rémunérées des 29, 30 et 31 décembre 2014, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne les sociétés Master Net et l'Océan aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne, in solidum, les sociétés Master Net et l'Océan à payer à Mme [H] [E] [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [H] [E] [T] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la validité de l'avenant du 22 décembre 2014 ayant pour objet de déterminer les conditions d'un complément d'heures au contrat de travail à temps partiel de la salariée, d'AVOIR dit qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat de travail de la salariée en contrat de travail à temps plein et d'AVOIR débouté Mme [H] [E] [T] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet et de ses demandes d'indemnité compensant la perte de salaire du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, outre les congés payés y afférents, et de majoration des heures complémentaires, outre les congés payés y afférents ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein : l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que : « une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d'augmenter la durée du travail prévue par le contrat » ; qu'or, il résulte de l'article 6.2.5.2 de la convention collective des entreprises de propreté et des services associés que : « un complément d'heures, conformément à l'article L 3123-25 du code du travail, pourra être proposé au salarié à temps partiel, par avenant à son contrat de travail, ayant pour objet l'augmentation temporaire de sa durée du travail contractuelle. Un complément d'heure ne peut être conclu, par avenant au contrat de travail, que lorsque la durée du travail de ce complément d'heures proposée au salarié est supérieure à 1/10 de la durée du travail inscrite au contrat de travail » ; qu'il ressort de l'avenant signé par Mme [H] [E] [T] et la SARL Master Net le 22 décembre 2014 que les parties ont convenu d'augmenter la durée du travail de la salariée de 86,67 heures à 152 heures par mois pendant une période limitée, soit du 1er janvier 2015 au 6 novembre 2015 ; qu'il est en effet stipulé à l'article 1er de cet avenant que : « conformément aux dispositions de l'article L. 3123-25 du code du travail et à celles de l'article 6.2.5.2 de la convention collective des entreprises de propreté, le présent avenant est conclu pour une durée déterminée et a pour objet de porter temporairement la durée contractuelle fixée à 86,67 heures dans le contrat à temps partiel du 4 juin 2014 avec une reprise d'ancienneté au 12 novembre 2012 à 152,00 heures. Ce complément d'heures correspond à plus du 1/10e de la durée contractuelle prévue dans le contrat du travail du 4 juin 2014 avec une reprise d'ancienneté au 12 novembre 2012. Il prendra effet à la date du 1er janvier 2015 jusqu'à la date du 6 novembre 2015. A compter du 9 novembre 2015, la salariée reprendra son activité sur la base de 20,00 heures par semaine conformément aux dispositions contractuelles antérieures » ; que compte tenu de cet avenant, dont les termes sont conformes aux dispositions des articles L. 3123-25 du code du travail et 6.2.5.2 de la convention collective précitée, il ne peut être considéré que le contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein du fait de l'augmentation de la durée du travail de Mme [T] sur la période contractuellement prévue du 1er janvier au 6 novembre 2015, au-delà de la durée de 86,67 heures issue du contrat de travail du 3 juin 2013, transféré à la SARL Master Net le 4 juin 2014 ; que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification ; que, sur le rappel de salaire au titre de la majoration des heures complémentaires : l'article 6.2.5.2 visé supra précise que « les heures effectuées dans le cadre du complément d'heures ne sont pas des heures complémentaires. Par dérogation à l'article L. 3123-17 du code du travail, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant sont majorées de 25% » ; que l'article L. 3123-25 susvisé confirme que seules « les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 % » ; qu'il apparaît donc que les heures travaillées dans la limite des 152 heures fixées à l'avenant du 22 décembre 2014 ne peuvent ouvrir droit à une majoration au titre d'heures complémentaires ; que Mme [H] [E] [T] ne prétendant pas avoir travaillé au-delà de ce volume horaire, elle ne peut revendiquer aucune majoration du taux horaire et conséquemment, aucun rappel de salaire à ce titre ; que les dispositions de l'article L. 3123-19 dont se prévaut la salariée ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors qu'elles concernent les heures complémentaires exécutées en dehors de tout avenant stipulant un complément d'heure ; que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de rappel de salaire à ce titre ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à temps complet : la loi sur la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 encadre la possibilité pour les entreprises d'augmenter temporairement le nombre d'heures de travail pour les salariés à temps partiel, via les compléments d'heures, limités en nombre ; que ces compléments d'heures font l'objet d'un avenant au contrat de travail qui doit être signé par l'employeur et le salarié ; que cette possibilité doit être prévue par une convention collective ou un accord de branche étendu qui détermine le nombre maximal d'avenants pouvant être conclus (maximum 8 par an et par salarié, en dehors des cas de remplacement d'un salarié absent nommément désigné) ; qu'il est précisé que ces compléments d'heures ne sont pas considérés comme « des heures complémentaires », qu'elles sont payées sans majoration de salaire sauf si la convention ou l'accord le prévoit, que seules les heures effectuées au-delà des heures prévues dans l'avenant sont considérées comme des heures complémentaires (avec une majoration de salaire qui ne pourra être inférieure à 25%) ;qu'en l'espèce, Mme [H] [E] [T] et la société Master Net ont signé, le 22 décembre 2014, un avenant au contrat de travail de la salariée portant ses heures de travail de 86,67 heures à 152 heures pour une durée limitée de 11 mois ; que le consentement de la salariée était éclairé au jour de la signature de l'avenant et que le caractère ponctuel de l'augmentation de ses heures de travail était parfaitement connu de cette dernière ; que la société Master Net a rémunéré les heures effectuées en vertu de l'avenant du 22 décembre 2014 sur la base de 10,85 € au lieu de 9,86 € pour les heures usuelles ; que les heures effectuées par la salariée en vertu de l'avenant du 22 décembre 2014 ne doivent pas être qualifiées d'heures complémentaires au sens de l'article L. 3123-37 du Code du travail ; que, au jour de l'audience publique, le 26 octobre 2016, la salariée formule des demandes au titre des mois de novembre et décembre 2016, périodes qui sont inexistantes et ne peuvent donc être indemnisées ; qu'au regard de ce qui précède, le Conseil ne pourra que constater que la société Master Net a satisfait aux conditions légales pour mettre en oeuvre un complément d'heures par avenant dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel ; qu'en conséquence, Mme [H] [E] [T] sera déboutée de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à temps plein et des demandes financières y afférentes ; que, sur le paiement des heures complémentaires non majorées : aux termes de la loi sur la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, il est rappelé que les compléments d'heures par avenant ne sont pas considérés comme « des heures complémentaires », qu'elles sont payées sans majoration de salaire sauf si la convention ou l'accord le prévoit, que seules les heures effectuées au-delà des heures prévues dans l'avenant sont considérées comme des heures complémentaires (avec une majoration de salaire qui ne pourra être inférieure à 25%) ; qu'en l'espèce, la société Master Net a rémunéré les heures effectuées en vertu de l'avenant du 22 décembre 2014 sur la base de 10,85 € au lieu de 9,86 € pour les heures usuelles ; que Mme [H] [E] [T] ne justifie pas avoir effectué des heures de travail en sus des 152 heures prévues à l'avenant du 22 décembre 2014 ; qu'en conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande ; ALORS QUE la conclusion d'un avenant au contrat de travail sur le fondement de l'article L. 3123-25 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoyant l'accomplissement d'heures complémentaires par un salarié à temps partiel ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail à un niveau égal ou supérieur à la durée légale du travail ; qu'en déboutant Mme [H] [E] [T] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet, quand elle constatait que la salariée avait travaillé, en application de l'avenant du 22 décembre 2014, au-delà de la durée légale du travail du 1er janvier au 6 novembre 2015, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L.3123-17 du code du travail en sa rédaction applicable au litige. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR limité le rappel de salaire alloué à Mme [H] [E] [T] au titre des congés sans solde à la somme de 175,50 euros, outre 17,55 euros de congés payés y afférents ; AUX MOTIFS QUE, sur le rappel de salaire au titre des congés sans solde : Mme [H] [E] [T] réclame un rappel de salaire pour les périodes suivantes : - du 18 octobre au 3 novembre 2014 ; - du 20 décembre 2014 au 5 janvier 2015 ; - du 11 avril au 27 avril 2015 ; que, cependant, l'examen des bulletins de salaire des mois d'octobre, novembre 2014, janvier et avril 2015 ne fait apparaître aucune retenue sur les salaires au titre d'absences injustifiées ; qu'en revanche, la fiche de paie du mois de décembre 2014 mentionne 18 heures d'absences non rémunérées pour les journées du 29 au 31 décembre 2014 ; que si l'employeur soutient que « ces congés-sans solde correspondaient à des congés/absence pris par celle dernière, en dehors de ses congés payés et en conséquence non rémunérées », il ne justifie d'aucune demande de congés ou d'absence de la salariée pour ces trois journées, de sorte que la SARL Master Net doit être condamnée à payer à Mme [H] [E] [T] la somme de 75,50 euros à titre de rappel de salaire, outre 17,55 euros au titre des congés payés afférents ; ALORS QU'en retenant que Mme [H] [E] [T] demandait un rappel de salaire pour les périodes du 18 octobre au 3 novembre 2014, du 20 décembre 2014 au 5 janvier 2015 et du 11 avril au 27 avril 2015, quand la salariée sollicitait, en outre, un rappel de salaire pour la période du 7 au 23 février 2015, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel, violant l'article 4 du code de procédure civile. Sur le principe que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement, à rapprocher : Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-20.627, Bull. 2014, V, n° 308 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 15 septembre 2021, pourvoi n° 19-19.563, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 22-84.128 B 21 SEPTEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [Z] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 13 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre en bande organisée, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [Z] [C], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Mareville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [Z] [C] a été mis en examen le 29 novembre 2020 des chefs précités, et placé en détention provisoire le même jour. 3. Le 12 mai 2022, l'un de ses avocats, convoqué en vue du débat contradictoire sur la prolongation de la détention provisoire de l'intéressé devant avoir lieu le 17 mai 2022, a adressé par télécopie au juge des libertés et de la détention une demande de report du débat, à laquelle ce magistrat a répondu négativement par courrier électronique du même jour. 4. Le 17 mai 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. [C] pour une durée de six mois. 5. Ce dernier a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter le moyen de nullité présenté par M. [C], de dire l'appel mal fondé et de prolonger sa mesure de détention provisoire pour une durée de six mois, alors « que le juge des libertés et de la détention qui rejette une demande motivée présentée avant un débat contradictoire relatif à la prolongation d'une mesure de détention provisoire doit dans son ordonnance faire mention de la demande et énoncer les motifs de son refus y compris dans l'hypothèse où il a, précédemment au débat, indiqué à l'avocat qu'il refusait sa demande ; qu'en retenant que le juge des libertés et de la détention avait répondu à la demande de renvoi, avait motivé sa décision et l'avait mentionnée dans le procès-verbal de débat contradictoire auquel faisait référence l'ordonnance de prolongation, alors que ni l'ordonnance ni le procès-verbal ne faisait mention des motifs du refus évoqués uniquement par message RPVA, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 137-3, 145, 145-2, alinéa 1 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Les règles applicables à la convocation pour le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention sont fixées par renvoi de l'article 145-1 du code de procédure pénale à l'article 114 du même code, applicable à l'interrogatoire devant le juge d'instruction. 8. Il résulte de ces textes que le juge des libertés et de la détention a seul la maîtrise de son audiencement, qu'il peut reporter ou avancer la date du débat contradictoire par simple émission d'une nouvelle convocation, qu'il n'est pas tenu, comme la juridiction de jugement, de réunir les parties à la date initialement fixée avant de statuer sur une demande de renvoi par une décision formalisée, et qu'il peut faire connaître par tous moyens les motifs de sa décision sur cette demande. 9. Il résulte par ailleurs des articles 137-1, alinéa 2, et 145 du code de procédure pénale que le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal attestant du déroulement des débats, qui est signé par le juge, le greffier et la personne mise en examen. 10. Il se déduit des textes et principes ci-dessus énoncés qu'il est possible de rechercher dans ce procès-verbal, dont la Cour de cassation a le contrôle, les motifs de la décision du juge des libertés et de la détention de rejeter une demande de renvoi, lorsque le procès-verbal en fait état. 11. Pour rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance prolongeant la détention provisoire de M. [C], prise de ce que celle-ci ne répond pas à la demande de renvoi formée par son avocat, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte des pièces de la procédure que les conseils du mis en examen ont été convoqués dès le 27 avril 2022 pour assister leur client lors du débat contradictoire devant se tenir le 17 mai 2022 devant le juge des libertés et de la détention en vue de la prolongation éventuelle de la détention provisoire de l'intéressé, que le 12 mai 2022, l'un des avocats a adressé au juge des libertés et de la détention une demande de report du débat faisant valoir qu'il était au jour convenu retenu par deux autres audiences concernant des détenus, et que le juge des libertés et de la détention lui a répondu le jour même. 12. Les juges relèvent que le juge des libertés et de la détention a pris soin de motiver son refus par le nombre important de débats contradictoires ayant dû être fixés en mai, dont les convocations ont déjà été envoyées, les contraintes des services d'extraction ayant fait connaître des impossibilités à certaines dates, et par l'échéance du mandat de dépôt. 13. Ils ajoutent que le débat contradictoire s'est tenu à la date prévue, et que le procès verbal de débat mentionne qu'il a eu lieu en l'absence de l'avocat, régulièrement convoqué, qui a demandé le renvoi le 12 mai 2022, lequel lui a été refusé par courrier électronique du même jour. 14. Ils retiennent que l'ordonnance de prolongation dont appel fait référence au procès- verbal de débat contradictoire, qu'en conséquence, contrairement à ce qui est avancé, le juge des libertés et de la détention a répondu à la demande de renvoi, a motivé sa décision et l'a mentionnée dans le procès verbal de débat contradictoire auquel se réfère l'ordonnance de prolongation, et relèvent qu'au surplus, les deux autres avocats de M. [C] n'ont pas répondu à la convocation du juge des libertés et de la détention. 15. Ils en concluent que le juge des libertés et de la détention a statué dans le respect des droits de la défense et que le moyen de nullité sera écarté. 16. En prononçant ainsi, dès lors que le juge des libertés et de la détention a répondu de manière motivée, par un courrier électronique adressé préalablement au débat contradictoire, à la demande de report de celui-ci formée par l'avocat de la personne mise en examen, et que le procès-verbal de débat contradictoire fait état de la réponse qui a été apportée à cette demande, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen. 17. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un septembre deux mille vingt-deux. Crim., 10 novembre 2021, pourvoi n° 21-84.948, Bull. crim. 2021 (1) (rejet), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-84.038 FS-B 20 SEPTEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 SEPTEMBRE 2022 M. [V] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 16 juin 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de violences aggravées en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V] [W], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 22 avril 2022, une information a été ouverte au tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du chef de violences aggravées. 3. Le 27 mai 2022, M. [V] [W] a été mis en examen du chef susmentionné. Incarcéré provisoirement le même jour, il a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention le 31 mai 2022. 4. M. [W] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention, et a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le placement en détention provisoire de M. [W], alors : « 1°/ que les actes de la procédure doivent être annulés s'ils sont accomplis par un juge incompétent ; que tel est le cas lorsque, sauf urgence, dont il doit être justifié, le juge d'instruction empêché a été remplacé par un magistrat du siège qui n'a pas été nommément désigné par l'assemblée générale à ces fonctions, selon les modalités de l'article 50 du code de procédure pénale ; qu'en effet, il doit alors être établi qu'aucun autre juge d'instruction n'a pu être désigné pour remplacer le juge d'instruction empêché, qu'aucun juge n'a été spécialement désigné en application des dispositions de l'article 50 susvisé et de l'article R. 212-36 du code de l'organisation judiciaire ; enfin l'urgence et d'impossibilité de réunir l'assemblée générale des magistrats du tribunal doivent être constatées ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs de l'arrêt que les deux juges d'instruction nommés étant absents le 27 mai 2022, Mme [Y], magistrat du siège, a été désigné par le tribunal pour remplacer Mme [J], juge d'instruction titulaire absente, tout magistrat du siège du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire ayant, selon l'arrêt, vocation à pourvoir au remplacement du juge d'instruction empêché en application de l'ordonnance de roulement du 23 novembre 2021 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si les conditions susvisées, notamment l'urgence et l'impossibilité de réunir une assemblée générale étaient réunies, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 50, alinéa 4, 84, alinéas 3 et 4, 591 et 593 du code de procédure pénale, R. 212-36 du code de l'organisation judiciaire ; 2°/ que la chambre de l'instruction n'a pu sans excès de pouvoir considérer que l'ordonnance de roulement du 23 novembre 2021 a désigné indifféremment « tout magistrat du siège » du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire pour exercer, en cas de nécessité, les fonctions de juge d'instruction, sans qu'aucune désignation nominative ne soit exigée, ce qui reviendrait à ce que tout magistrat du siège soit potentiellement juge d'instruction, en méconnaissance des règles d'ordre public qui gouvernent la désignation du juge d'instruction ; qu'ainsi l'arrêt qui relève que l'ordonnance de roulement du 23 novembre 2021 mentionne, s'agissant du service de l'instruction, que ce service est assuré par mesdames [C] et [J] et, en cas d'empêchement, « par l'ensemble des magistrats du siège, selon désignation spéciale par l'assemblée générale » ne pouvait en déduire qu'il résulte sans ambiguïté de cette ordonnance, que tout magistrat du siège a été désigné pour pourvoir au remplacement du juge d'instruction titulaire, et qu'ainsi, même en l'absence de toute désignation nominative par l'assemblée générale, Mme [Y] a été régulièrement désignée par le tribunal pour remplacer Mme [J] au demeurant « seulement absente », et que la saisine du juge des libertés et de la détention était dès lors régulière ; en validant une désignation absolument générale et non nominative, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés, et excédé ses pouvoirs, la cassation interviendra sans renvoi. » Réponse de la Cour Vu les articles 50, alinéa 4, du code de procédure pénale et R. 212-36 du code de l'organisation judiciaire : 6. Selon ces textes, si le juge d'instruction est absent, malade ou autrement empêché, l'assemblée générale des magistrats du siège du tribunal désigne l'un des juges de ce tribunal pour le remplacer. 7. Pour écarter le moyen de nullité, pris de l'irrégularité de la désignation du magistrat ayant remplacé ponctuellement le juge d'instruction empêché, l'arrêt attaqué énonce que les magistrats du siège du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, réunis en assemblée générale, ont approuvé l'ordonnance de roulement qui attribue le service de l'instruction à deux d'entre eux, nommément désignés, et le cas échéant, en cas de nécessité, à tout autre magistrat du siège, selon les modalités prévues à l'article 50 du code de procédure pénale. 8. Les juges ajoutent qu'une ordonnance de roulement modificative, prise sur le fondement du procès-verbal de l'assemblée générale susmentionnée, a constaté la prochaine indisponibilité des deux juges d'instruction de la juridiction et désigné un autre magistrat du siège pour les remplacer. 9. Ils concluent que la saisine du juge des libertés et de la détention a été effectuée par un magistrat régulièrement désigné. 10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé. 11. En effet, en permettant par avance et de manière indifférenciée à l'ensemble des magistrats du siège de la juridiction de remplacer les juges d'instruction empêchés, l'assemblée générale n'a pas procédé à la désignation nominative exigée par l'article 50, alinéa 4, du code de procédure pénale. 12. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 13. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 14. La détention provisoire ayant été ordonnée sur le fondement de la saisine du juge des libertés et de la détention par un magistrat qui n'avait pas été régulièrement désigné à cette fin, M. [W] doit être remis en liberté, s'il n'est détenu pour autre cause. 15. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code. 16. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [W] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi. 17. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de : - garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, un mandat de recherche ayant été nécessaire pour procéder à son interpellation dans la présente procédure ; - prévenir le renouvellement de l'infraction, l'intéressé ayant été précédemment condamné pour des faits de violences aggravées ; - empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices et empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, en ce que les investigations se poursuivent afin d'identifier et interpeller les coauteurs des violences en réunion commises sur deux personnes. 18. Afin d'assurer ces objectifs, M. [W] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 19. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. 20. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 16 juin 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [W] est détenu sans titre dans la présente procédure depuis le 27 mai 2022 ; ORDONNE la mise en liberté de M. [W] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [W] ; DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : - Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département de l'Ille-et-Vilaine ; - Ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer chez Mme [F] [D], [Adresse 1], qu'aux conditions suivantes : chaque jour de 6 heures 00 à 16 heures 00 ; - Se présenter, dans les deux jours ouvrables de sa libération, et ensuite chaque lundi, mercredi et vendredi à la gendarmerie de Vitré ; - S'abstenir de recevoir ou de rencontrer MM. [A] [B], [G] [B], [R] [P], [O] [K] et [N] [W], ainsi que d'entrer en relation de quelque façon que ce soit avec eux ; DÉSIGNE pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus la gendarmerie de Vitré ; DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt septembre deux mille vingt-deux. Crim., 2 mars 2021, pourvoi n° 20-84.004, publié au Bulletin (rejet), et l'arrêt cité
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 21-83.121 FS-B 7 SEPTEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 Mme [Z] [F], M. [O] [P] et la société [5], et l'Association du restaurant scolaire, partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 31 mars 2021, qui a condamné la première, pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, le deuxième, pour recel, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, la troisième, pour recel, à 60 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [O] [P], les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [Z] [F], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [5], les observations de Me Laurent Goldman, avocat de l'Association du restaurant scolaire, et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Planchon, conseiller rapporteur, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 2 juillet 2015, le conseil municipal de la commune de [Localité 3] a décidé d'attribuer la délégation de service public (DSP) de la restauration scolaire de cette commune à la société [5], dirigée par M. [O] [P], et signé le contrat le 28 juillet 2015. 3. L'Association du restaurant scolaire, attributaire de la DSP jusqu'en août 2015 et candidate à sa succession, a déposé plainte pour favoritisme et dénoncé le comportement de l'une de ses employées, Mme [Z] [F], divorcée [C], par ailleurs employée municipale de la commune de [Localité 3] à temps partiel, qui avait travaillé avec la société [5] dans le cadre de l'exécution des précédentes délégations en assurant la distribution des repas fournis par cette société. 4. Le procureur de la République a diligenté une enquête préliminaire dont les investigations ont révélé que Mme [F] a apporté son aide à M. [P] pour la présentation du dossier de candidature de la société [5] qui a revu ses prix à la baisse après la deuxième négociation. 5. A l'issue de l'enquête, le procureur de la République a fait citer Mme [F] pour avoir à [Localité 3], entre le 1er septembre 2014 et le 1er août 2015, étant agent d'une collectivité locale, en l'espèce employée municipale chargée de la restauration scolaire, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié, en l'espèce notamment en fournissant des informations précises à la société [5], dans le cadre de la procédure d'attribution de la nouvelle DSP de la restauration scolaire de la commune de [Localité 3], et ce, au préjudice des sociétés [1], [4], le groupement [2]. 6. M. [P] et la société [5] ont été cités pour avoir à [Localité 3], entre le 1er septembre 2014 et le 18 octobre 2016, sciemment recelé, au préjudice des sociétés [1], [4], le groupement [2], le bénéfice de la DSP de la restauration scolaire de la commune de [Localité 3] d'un montant total de 1 250 000 euros, qu'elle savait provenir du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, commis par Mme [F], infraction de recel commise pour le compte de la société [5] par un de ses organes ou représentants, en l'espèce M. [P], directeur régional. 7. Par jugement en date du 8 novembre 2018, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des faits objet de la prévention et les a condamnés pénalement. Sur l'action civile, après avoir déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Association du restaurant scolaire, le tribunal a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes. 8. Les prévenus, le ministère public et la partie civile ont interjeté appel de cette décision. Examen des moyens Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches proposé pour Mme [F], les deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches proposé pour M. [P], deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches et troisième moyen proposés pour la société [5] 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen proposé pour M. [P] et le premier moyen proposé pour la société [5] Enoncé des moyens 10. Le moyen proposé pour M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement, entraînant de plein droit, en cas de condamnation définitive, la peine d'exclusion des procédures d'attribution des contrats de concession, alors « que les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique sont contraires au principe de l'individualisation des peines et au droit d'accès à un juge consacrés par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'ils prévoient la peine d'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés et d'attribution des concessions sans qu'un juge ne l'ait expressément prononcée, sans que ne soit tenu compte des circonstances de fait ni de la personnalité de l'intéressé, sans possibilité d'en faire varier la durée, et sans que l'opérateur condamné ne puisse faire la preuve de sa fiabilité ; que l'annulation de ces dispositions par le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité en application de l'article 61-1 de la Constitution, privera de base légale la décision attaquée. » 11. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [Z] [C] du chef d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et la société [5] du chef de recel de ce délit, sur le fondement de l'article 432-14 du code pénal, alors « qu'une condamnation du chef de l'article 432-14 du code pénal entraîne automatiquement en application des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique la sanction complémentaire de l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et d'attribution des contrats de concession ; que cette peine complémentaire automatique, sans intervention d'un juge et sans aucune possibilité d'en apprécier l'opportunité, la durée et la proportionnalité au regard de la personne condamnée, est contraire aux articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et aux principes de nécessité et d'individualisation de la peine et d'accès au juge qui en résultent ; l'annulation des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique par le Conseil constitutionnel privera de tout fondement légal l'arrêt attaqué. » Réponse de la Cour 12. Les moyens sont réunis. 13. Par décision du 28 janvier 2022 (Cons. Const. 28 janvier 2022, décision n° 2021-966 QPC), le Conseil constitutionnel a dit n'y avoir lieu à statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité des demandeurs. 14. Il en résulte que les moyens sont devenus sans objet. Sur le moyen unique, pris en sa première branche proposé pour Mme [F] et les deuxième moyen, pris en sa première branche proposé pour M. [P] et deuxième moyen, pris en sa première branche proposé pour la société [5] Enoncé des moyens 15. Le moyen proposé pour Mme [F] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la requérante du chef de favoritisme à un emprisonnement délictuel de quatre mois avec sursis, alors : « 1°/ que le délit de favoritisme au sens de l'article L. 432-14 du code pénal est un délit attitré qui ne peut être imputé qu'aux organes et/ou personnes spécialement désignés par ce texte ; qu'en l'absence de tout élément susceptible de rattacher la requérante au cercle restreint des personnes entrant dans le champ de ce texte, la cour a procédé par voie d'analogie et a violé le texte susvisé ensemble le principe d'interprétation stricte de la loi pénale. » 16. Le moyen proposé pour M. [P] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de bien provenant du délit de favoritisme, alors : « 1°/ que le délit de favoritisme ne peut être imputé qu'à une personne ayant pour mission de s'assurer du respect des règles en matière d'attribution des marchés publics ; qu'en se bornant à énoncer que Mme [C] avait la « qualité d'adjoint administratif 2ème classe affectée au service scolaire pour la gestion et l'organisation des surveillances de la restauration scolaire » et qu'elle était salarié de l'Association du restaurant scolaire, la cour d'appel n'a pas établi les missions exercées par celle-ci quant à l'attribution de la délégation de service public ; que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 321-1 et 432-14 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 17. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [C] coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics et l'a subséquemment déclarée coupable du délit de recel, par personne morale, du produit de ce délit et condamnée, en conséquence au paiement d'une amende de 60 000 euros, alors : « 1°/ que tout jugement doit être motivé ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme [C] était « l'interlocutrice directe de la directrice générale des services, sa seule supérieure hiérarchique au moment des faits (...) ; qu'elle jouait un rôle déterminant dans l'organisation de la restauration scolaire (...) ; qu'elle avait un accès direct aux élus membres de la commission d'attribution de la délégation de service public (...) et qu'elle constituait la cheville ouvrière de la restauration scolaire de la ville de [Localité 3], interlocuteur incontournable de la mairie pour tout ce qui avait trait à la restauration scolaire » ; que de tels motifs étaient inopérants à caractériser, en sus du simple rôle administratif important de Mme [C], un véritable pouvoir décisionnel dont celle-ci aurait été titulaire dans l'attribution de marchés publics ; qu'en en déduisant toutefois « qu'elle disposait ainsi du pouvoir d'intervenir dans la procédure d'attribution de la délégation de service public au regard des multiples missions qu'elle assumait, de sa connaissance profonde du fonctionnement de la restauration scolaire, du rôle qu'elle jouait tant au sein de la mairie que du groupement en charge de la délégation de service public pour la mise en oeuvre de la politique municipale de restauration scolaire et de l'expertise qu'elle apportait en la matière aux élus », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 18. Les moyens sont réunis. 19. Pour déclarer Mme [F] coupable du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et M. [P] et la société [5] coupables de recel de ce délit, l'arrêt attaqué relève que la première, adjoint administratif, a été affectée au service scolaire pour la gestion et l'organisation des surveillances de la restauration scolaire, qu'elle exerçait ses fonctions au sein de la municipalité pour un tiers de son temps de travail, consacrant les deux autres tiers à ses missions de salariée de l'association au sein de laquelle elle occupait les fonctions de « Responsable du restaurant » et que si elle était fonctionnaire de catégorie C, elle était aussi l'interlocutrice directe de la directrice générale des services, sa seule supérieure hiérarchique au moment des faits. 20. Les juges ajoutent qu'elle jouait un rôle déterminant dans l'organisation de la restauration scolaire en recrutant les vacataires pour le compte de la mairie, en étant chargée des inscriptions à la cantine, des réservations des repas, en assurant le contrôle des présences, la facturation et le recouvrement auprès des familles et qu'elle était l'interlocutrice principale des usagers et de la [5], que ses courriels démontrent qu'elle avait un accès direct aux élus membres de la commission d'attribution de la DSP, le maire ou son adjoint aux finances, lequel l'avait recrutée quelques années auparavant, avec qui elle a eu des échanges avant l'attribution de la DSP et à qui elle a fait part des difficultés qu'elle rencontrait avec l'Association du restaurant scolaire. 21. Ils retiennent qu'en cumulant les fonctions de responsable du restaurant au sein de l'association qui exerçait conjointement avec la société [5] la DSP, et des fonctions d'agent territorial en charge des missions que la commune ne pouvait déléguer dans ce domaine, Mme [F] était la cheville ouvrière de la restauration scolaire de la ville, interlocuteur incontournable de la mairie pour tout ce qui avait trait à ce sujet, qu'elle disposait ainsi du pouvoir d'intervenir dans la procédure d'attribution de la DSP au regard des multiples missions qu'elle assumait, de sa connaissance approfondie du fonctionnement de la restauration scolaire, du rôle qu'elle jouait tant au sein de la mairie que du groupement en charge de la DSP pour la mise en oeuvre de la politique municipale de restauration scolaire et de l'expertise qu'elle apportait en la matière aux élus et qu'elle relève bien de la catégorie des personnes visées par les dispositions de l'article 432-14 du code pénal et susceptibles d'être poursuivies pour délit de favoritisme. 22. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 23. En effet, d'une part, l'article 432-14 du code pénal n'exige pas que la personne poursuivie soit intervenue, en fait ou en droit, dans la procédure d'attribution d'une commande publique. 24. D'autre part, en raison de ses connaissances techniques et du savoir-faire dont elle disposait du fait de son affectation au service de restauration scolaire de la commune, la prévenue disposait de compétences et d'informations privilégiées lui ayant permis de procurer à la société [5] et à son dirigeant M. [P] un avantage injustifié de nature à porter atteinte au principe de liberté d'accès et d'égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession. 25. Les moyens doivent donc être écartés. Sur les troisième moyen proposé pour M. [P] et quatrième moyen proposé pour la société [5] Enoncé des moyens 26. Le moyen proposé pour M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement, condamnation dont il résulte, en cas de condamnation définitive, l'application de plein droit de la peine d'exclusion des procédures d'attribution des concessions, alors « que l'application de plein droit de la peine d'exclusion des procédures d'attribution des concessions sans que le juge n'ait expressément prononcé cette peine, sans que ne soient tenus compte des circonstances de fait ni de la personnalité de l'intéressé, sans possibilité d'en faire varier la durée, et sans que l'opérateur condamné ne puisse faire la preuve de sa fiabilité, méconnaît le principe d'individualisation des peines et le droit d'accès au juge ; que dès lors la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 38 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession, 132-1 et 132-17 du code pénal, L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 27. Le moyen proposé pour la société [5] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclarée coupable de recel du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, condamnation dont il résulte, en cas de condamnation définitive, l'application de plein droit de la peine d'exclusion des procédures d'attribution des concessions et des marchés publics, alors « que l'application de plein droit de cette peine sans que le juge l'ait expressément prononcée, sans qu'il soit tenu compte des circonstances de fait ni de la personnalité de l'intéressé, sans possibilité d'en faire varier la durée, et sans que l'opérateur condamné puisse faire la preuve de sa fiabilité, méconnaît le principe d'individualisation des peines et le droit d'accès au juge ; que dès lors la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 38 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution des contrats de concession, 132-1 et 132-17 du code pénal, L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 28. Les moyens sont réunis. 29. Les moyens, inopérants en ce qu'ils ne critiquent aucune disposition de l'arrêt attaqué, ne peuvent qu'être écartés. Mais sur le moyen unique proposé pour l'Association du restaurant scolaire Enoncé du moyen 30. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires, alors « que le préjudice du candidat évincé ensuite de l'attribution irrégulière d'une délégation de service public se mesure à la chance qu'il a perdue d'obtenir cette délégation ; qu'en retenant toutefois, pour écarter les demandes indemnitaires de l'Association du restaurant scolaire, candidate évincée ensuite de l'attribution irrégulière de la délégation de service public, que la présence d'autres candidats, dont il n'était nullement démontré qu'ils n'avaient aucune chance de se voir attribuer la délégation de service public, ne permettait pas d'établir le caractère certain et direct du préjudice matériel invoqué par l'association, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié le préjudice au regard de la chance perdue par l'association évincée, a méconnu l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2 du code de procédure pénale : 31. Selon ce texte, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction. 32. Pour débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué énonce que la présence d'autres candidats, dont il n'est nullement démontré qu'ils n'avaient aucune chance de se voir attribuer la DSP, ne permet pas d'établir le caractère certain et direct du préjudice matériel que l'Association du restaurant scolaire invoque et que l'existence de relations de proximité entre Mme [F] et la société [5] ou le fait que l'un des élus de la commune, et non Mme [F], ait pu adresser un courriel dénigrant l'Association du restaurant scolaire, ne permettent pas de caractériser l'existence d'un préjudice moral en lien de causalité avec les infractions commises. 33. En prononçant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si la partie civile avait, compte tenu de son activité, de son expérience ou de tout autre élément, une chance sérieuse d'obtenir la DSP et si l'attribution irrégulière de celle-ci a eu pour conséquence directe de lui faire perdre cette chance, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 34. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 31 mars 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale à l'égard de M. [P] et de Mme [F] ; Fixe à 2 500 euros la somme globale que M. [P], Mme [F] et la société [5] devront payer à l'Association du restaurant scolaire ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° J 21-86.043 F-B 5 OCTOBRE 2022 IRRECEVABILITE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 OCTOBRE 2022 MM. [R] [N], [U] [A] [H] et [P] [T], pris en leur qualité de syndic de faillite de la succession de [G] [Y], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 19 mai 2021, qui a prononcé sur leur requête en incident contentieux d'exécution et en restitution. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [R] [N], [U] [K] et [P] [T], pris en leur qualité de syndic de faillite de la succession de [G] [Y], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la [6], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 1er mars 2002, une information judiciaire a été ouverte contre M. [V] [E], la [6] ([6]) et [G] [Y] des chefs, notamment, d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux, de blanchiment, en raison de soupçons de blanchiment à l'occasion de l'acquisition, notamment, du château de la Garoupe via la société [6] en 1996 et 1997, qui aurait été financée grâce à des fonds provenant d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés [5], de droit suisse, et [4], immatriculée à Gibraltar, dont le bénéficiaire économique était M. [O] [W]. 3. La société [6], créée en novembre 1996 à cette fin, dont le gérant était M. [E], a pour objet l'activité de marchand de biens et a acquis le château de la Garoupe au prix de 55 000 000 de francs, soit 8 380 000 euros. Elle est détenue depuis 2007 par le trust [1], constitué par [G] [Y]. 4. Le décès de ce dernier survenu le 23 mars 2013 ayant éteint l'action publique à son égard, la société [6] et M. [E] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de biens sociaux et de blanchiment aggravé pour avoir de manière habituelle et en utilisant les facilités que leur procurait l'exercice de leur activité d'agent immobilier, via les sociétés de droit suisse [3] et [2], apporté leur concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des délits d'abus de confiance et de recels d'abus de confiance commis au préjudice des sociétés [5] et [4]. 5. Le tribunal correctionnel a déclaré, notamment, la société [6] coupable de blanchiment aggravé, l'a condamnée à une amende de 2 000 000 d'euros et a ordonné à son encontre la confiscation du château de la Garoupe dont elle était propriétaire par jugement du 9 mars 2015 qui a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel du 8 décembre 2015 à l'encontre duquel les deux prévenus ont formé un pourvoi qui a été rejeté par arrêt du 25 octobre 2017. 6. Parallèlement, par décisions des 10 avril et 22 octobre 2014, MM. [R] [N] et [U] [K] ont été successivement nommés en qualité d'administrateurs généraux de la succession de [G] [Y], puis le 26 janvier 2015, une juridiction britannique ayant fait droit à leur demande tendant à ce que la succession soit administrée sous la forme d'une procédure de faillite en raison de son insolvabilité, les créanciers les ont nommés, ainsi que M. [P] [T], en qualité de syndics de faillite, ce qui a eu comme conséquence, d'une part, de leur donner la qualité de représentants des créanciers, d'autre part, au regard du droit anglais, de les rendre propriétaires de tous les biens compris dans le patrimoine du défunt. 7. Par requête en date du 6 mars 2020, les trois demandeurs ont sollicité, sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, la restitution du château de la Garoupe en faisant valoir que [G] [Y], qui en avait la libre disposition, en était le véritable propriétaire. Examen de la recevabilité des pourvois 8. L'article 131-21 du code pénal prévoit que la confiscation de l'instrument de l'infraction, visée au deuxième alinéa, et les confiscations visées aux cinquième et sixième alinéas de ce texte, peuvent porter sur les biens dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. 9. Il résulte de ces dispositions que le législateur, en introduisant la notion de libre disposition dans l'arsenal de la confiscation aux fins d'élargir le champ de cette sanction n'a pas entendu la substituer au droit de propriété mais organiser sa cohabitation avec ce dernier. 10. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, caractérise la libre disposition d'un bien le fait, pour une personne, de posséder la totalité ou une majorité des parts de la société qui en est propriétaire (Crim., 23 mai 2013, pourvoi n° 12-87.473, Bull. crim. 2013, n° 113 ; Crim., 29 janvier 2014, pourvoi n° 13-80.062, Bull. crim. 2014, n° 32), d'interposer une société immobilière, dont elle assure la gestion de fait, entre son patrimoine et elle, en recourant à des prête-noms de l'entourage familial pour exercer les fonctions ou les rôles de dirigeant de droit, d'administrateurs et d'associés (Crim., 8 novembre 2017, pourvoi n° 17-82.632, Bull. crim. 2017, n° 250 ; Crim., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-87.097, publié au Bulletin), de bénéficier de la signature bancaire du compte d'une société et d'en user librement (Crim., 3 avril 2019, pourvoi n° 18-83.052) ou encore le fait, sans être titulaire de parts au sein de la société propriétaire du bien immobilier, de faire de ce dernier sa résidence principale sans payer aucun loyer et gérer ladite société constituée pour les besoins de la cause entre ses deux filles (Crim., 19 novembre 2014, pourvoi n° 13-88.331). 11. S'il résulte de ces décisions que celui qui bénéficie de la libre disposition d'un bien peut en être considéré comme le propriétaire économique, ce statut n'est pas, pour la Cour de cassation, de nature à remettre en cause le titre de propriété régulier auquel s'attachent des droits et des obligations définis, dont dispose le propriétaire juridique ou légal du bien, qualifié de propriétaire de bonne foi par l'article 131-21 du code pénal, tel que cela ressort de sa jurisprudence qui interdit à l'un d'invoquer les moyens de l'autre (Crim., 15 janvier 2014, pourvoi n° 13-81.874, Bull. crim. 2014, n° 12). 12. C'est au regard de cette dichotomie que la Cour de cassation a, notamment au visa de l'article 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, étendu la protection des droits du propriétaire de bonne foi au propriétaire des biens constituant l'objet ou le produit de l'infraction et énoncé que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d'appel de la part de la personne qui a formulé cette demande, sans que puisse lui être opposée l'autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). 13. La Cour de cassation a également permis au propriétaire de bonne foi, non condamné pénalement, d'agir sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale aux fins de soulever tout incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision pénale, même définitive, ordonnant une mesure de confiscation, y compris lorsque le bien confisqué constitue le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 4 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.487). 14. Ces solutions limitant au propriétaire de bonne foi la possibilité de remettre en cause une confiscation devenue définitive garantissent la sécurité juridique dans la gestion des biens confisqués et l'effectivité non seulement des décisions de justice prononçant une confiscation mais également des instruments européens favorisant le gel et la confiscation des produits du crime. 15. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'est seul recevable à agir en application de l'article 710 du code de procédure pénale en incident d'exécution d'une décision de confiscation définitive, le propriétaire juridique ou légal du bien concerné, non condamné pénalement, qui conserve entier son droit de propriété sur celui-ci, nonobstant la libre disposition dont peut bénéficier une tierce personne. 16. En l'espèce, la confiscation du château de la Garoupe a été définitivement ordonnée à l'encontre de la société [6], propriétaire de ce bien, après qu'elle a été déclarée coupable du délit de blanchiment aggravé. 17. En conséquence, l'action des demandeurs n'étant pas recevable, leurs pourvois doivent être déclarés irrecevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE les pourvois IRRECEVABLES ; FIXE à 1 500 euros la somme globale que MM. [M], [H] et [S] devront payer à la société [6] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 21-85.594 F-B 4 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 OCTOBRE 2022 Mme [D] [I], épouse [W], la société [1] et la société [3] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 8 septembre 2021, qui a condamné les deux premières, pour exercice illégal de la profession d'expert comptable, respectivement, à 1 000 euros d'amende avec sursis et à 2 000 euros d'amende avec sursis, la troisième, pour complicité de ce même délit, à 30 000 euros d'amende avec sursis, a ordonné affichage et publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire commun aux demandeurs, un mémoire en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [D] [I], épouse [W], la société [1], la société [3], les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [D] [I], épouse [W], en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de la société [1] ([2]), et la société [3] ont été citées devant le tribunal correctionnel par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, pour avoir exercé illégalement la profession d'expert-comptable ou été complice de ce même délit. 3. Les juges du premier degré ont déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert comptable, condamné celles-ci, respectivement, à 2 000 euros et à 4 000 euros d'amende, déclaré la société [3] coupable de complicité d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et condamné cette dernière à 30 000 euros d'amende. 4. Ils ont en outre ordonné des mesures d'affichage et de publication, et alloué au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables 6 000 euros de dommages et intérêts. 5. Mme [W], la société [2], la société [3], le ministère public et le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ont relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité des mémoires personnels de Mme [W], de la société [2] et de la société [3] 6. Les mémoires personnels des demandeurs au pourvoi, non signés, ne sont pas recevables. Examen des moyens Sur les premier, pris en sa quatrième branche, et second moyens 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, alors : « 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'aux termes de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, exerce illégalement la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre, exécute habituellement, en son propre nom et sous sa responsabilité, des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l'article 2 de ladite ordonnance, ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l'appréciation ou le redressement des comptes ; que cette incrimination, en ce qu'elle vise l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », ne s'applique pas à celui qui n'intervient qu'en qualité de sous-traitant d'un expert-comptable, sous le contrôle et la responsabilité de celui-ci, et sans être lié contractuellement au client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société [1], prise en la personne de Mme [W], intervenait comme sous-traitant de la société [3], laquelle était inscrite au tableau de l'ordre des experts-comptables ; qu'en déclarant néanmoins Mme [W] et la société [1] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, au motif erroné que les travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée ne pourraient être sous-traités qu'à des personnes ayant elles-mêmes la qualité d'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ; 2°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme exerçant illégalement la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer Mme [W] coupable de ce délit, a relevé, d'une part, que son nom figurait sur les ordres de mission qu'elle recevait de la société [3], d'autre part, que la société qu'elle dirigeait, Conseils et services du Léman, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par Mme [W], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ; 3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme se livrant à un exercice illégal de la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer la société [1] coupable de ce délit, a relevé que cette société, d'une part, facturait en son propre nom à la société [3] les prestations que celle-ci lui sous-traitait, d'autre part, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par la société [1], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer les deux prévenues coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du contrat de sous-traitance passé entre la société [3], cabinet d'expertise comptable, et la société [2], dont Mme [W] est la représentante, que la première, qualifiée de donneur d'ordre, a confié mission à la seconde, qualifiée de sous-traitant, d'exercer pour son compte des prestations comptables, telles que saisie de comptabilité et établissement des déclarations fiscales. 10. Les juges ajoutent, d'une part, que les intéressées ont effectué dans ce cadre, sous leur signature et donc en leur nom propre, des travaux relevant de l'exercice de la profession d'expert-comptable, d'autre part, que ces mêmes travaux ont été effectués sous leur responsabilité, toutes deux étant engagées contractuellement à l'égard du donneur d'ordre ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé dans les droits de celui-ci. 11. Ils précisent que la société [3], donneur d'ordre, n'a délégué aucun expert-comptable, même par intermittence, au sein de la société sous-traitante, pour veiller au respect des dispositions légales relatives aux conditions d'exercice de cette profession. 12. Ils concluent que la situation de sous-traitance alléguée par les deux prévenues, pour justifier l'exécution habituelle de travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 en dépit de leur absence de qualité d'expert-comptable, est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction. 13. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes. 14. En premier lieu, si les travaux définis par l'article 20 de l'ordonnance susmentionnée comme relevant du monopole des experts-comptables doivent être exécutés par leur auteur en son nom propre et sous sa responsabilité, cette exigence s'attache, non pas au rapport entre ces travaux et le client au profit duquel ils sont effectués, mais à la qualité de leur auteur direct. 15. En deuxième lieu, le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l'égard de l'entrepreneur principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. 16. En troisième lieu, la sous-traitance de travaux de comptabilité, qui n'implique pas la complète subordination du sous-traitant à l'expert-comptable, ne permet pas de garantir la transparence financière ni la bonne exécution des obligations fiscales, sociales et administratives des acteurs économiques, alors que ces objectifs justifient la prérogative exclusive d'exercice de l'expert-comptable, professionnel titulaire du diplôme afférent, qui prête serment lors de son inscription au tableau de l'ordre, se soumet à un code de déontologie et à des normes professionnelles, et qui, objet de contrôles réguliers de son activité, est en outre soumis à une obligation d'assurance civile professionnelle. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que les demanderesses au pourvoi devront payer au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 21-84.273 F-B 5 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 OCTOBRE 2022 M. [N] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2021, qui a prononcé sur sa requête en constatation de la prescription d'une peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [N] [U], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt définitif du 2 décembre 1998, la cour d'appel de Riom a condamné M. [N] [U], pour abus de confiance aggravés, escroqueries et faux en écriture privée, à quatre ans d'emprisonnement, 1 000 000 de francs d'amende, et cinq ans d'interdiction des droits civiques. 3. Le 30 mars 2021, il a saisi cette juridiction d'une requête en constatation de la prescription de la peine d'amende prononcée à son encontre. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en constatation de l'acquisition de la prescription de la peine d'amende d'un montant de 1 million de francs à laquelle M. [N] [U] avait été condamné par arrêt définitif de la cour d'appel de Riom du 2 décembre 1998, alors : « 1°/ que l'article 133-3 du code pénal, dans ses dispositions en vigueur du 1er mars 1994 au 31 mars 2017 applicables au litige, dispose : « Les peines prononcées pour un délit se prescrivent par cinq années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive » ; que l'article 707 du code de procédure pénale, dans ses dispositions en vigueur du 2 mars 1959 au 1 janvier 2005 applicables au litige, précise : « Le ministère public et les parties poursuivent l'exécution de la sentence chacun en ce qui le concerne. Néanmoins, les poursuites pour le recouvrement des amendes et confiscations sont faites au nom du procureur de la République, par le percepteur » ; que ce sont ces seules dispositions qui sont applicables en l'état d'une condamnation à une peine d'amende prononcée par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Riom du 2 décembre 1998 et que la prescription de trois ans de la peine ainsi prononcée, sauf cause interruptive de prescription, était acquise le lendemain du 8 décembre 2001 (compte tenu du délai de pourvoi en cassation à compter du prononcé), seules les causes d'interruption de droit commun de la prescription de l'époque s'appliquant et que, pour le trésorier à l'époque, la prescription ne pouvait être interrompue que par un commandement notifié au condamné ou une saisie signifiée à celui-ci mais non par l'acceptation d'un échéancier et un paiement mensuel d'une fraction de la dette ; que la cour d'appel de Riom a pourtant considéré que la prescription de la peine avait été interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier qu'avait bien voulu consentir à l'époque le trésorier ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 133-3 du code pénal, dans ses dispositions en vigueur du 1er mars 1994 au 31 mars 2017 applicables au litige, et l'article 707 du code de procédure pénale, dans ses dispositions en vigueur du 2 mars 1959 au 01 janvier 2005 applicables au litige ; 2°/ que la cour d'appel, en faisant application de l'article 707-1 alinéa 5 du code de procédure pénale actuel ou même antérieur bien que ces dispositions procédurales ne pouvaient s'appliquer à une prescription acquise le 9 décembre 2001 soit avant la création de ce texte et que l'ancien article 701 ne contenait pas de dispositions comparables à l'actuel alinéa 5, a violé ledit article 707-1 alinéa 5, par fausse application. » Réponse de la Cour 5. Pour rejeter la requête de M. [U] tendant à la constatation de la prescription de la peine d'amende prononcée à son encontre le 2 décembre 1998 par la chambre des appels correctionnels, l'arrêt attaqué relève que d'après la réponse de la direction générale des finances publiques en date du 4 février 2021, versée aux débats par l'avocat du requérant, le trésorier de [Localité 1] a accepté la mise en place d'un échéancier de paiement le 2 août 1999 et que l'intéressé a payé la somme mensuelle de 457,35 euros jusqu'en mars 2000 puis de 152,44 euros à partir du mois d'avril 2000 jusqu'au 14 janvier 2021, de sorte qu'en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, la prescription de la peine était interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier qu'a bien voulu consentir la direction des finances publiques à la demande du condamné, et que la mise en recouvrement a bien été accomplie dans les délais de la prescription, laquelle s'est trouvée interrompue mensuellement à la suite du paiement partiel de l'amende, l'échéancier dont avait bénéficié le prévenu n'étant qu'une modalité de paiement de la somme due. 6. C'est à tort que les juges ont énoncé qu'en application de l'article 707-1, alinéa 5, du code de procédure pénale, la prescription de la peine avait été interrompue par le paiement mensuel issu de l'échéancier accordé par la direction des finances publiques à la demande du condamné, alors que les dispositions de ce texte, entré en vigueur le 29 mars 2012, ne pouvaient être retenues pour écarter l'argumentation du requérant qui soutenait que la prescription était acquise avant cette date. 7. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que l'acceptation par le Trésor public d'un échéancier de paiement le 2 août 1999, puis chacun des paiements mensuels effectués par le condamné jusqu'au 14 janvier 2021, constituaient des actes d'exécution de la peine d'amende prononcée contre M. [U], qui ont interrompu la prescription de celle-ci. 8. Ainsi, le moyen doit être écarté. 9. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 22-84.210 F-B N° A 20-86.054 28 SEPTEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 M. [E] [T] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles : - le premier, en date du 29 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol et agression sexuelle aggravés, agression sexuelle et tentative, violations de domicile, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ; - le second, en date du 30 juin 2022, qui l'a renvoyé devant la cour criminelle des Yvelines. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [T], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [D] et [M] [P], Mmes [I] [W], épouse [P], et [F] [N], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [E] [T] a été mis en examen des chefs de viol et agression sexuelle aggravés, agression sexuelle et tentative, violations de domicile. 3. Par arrêt du 29 octobre 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a rejeté sa demande d'annulation de pièces de la procédure. 4. Par ordonnance du 15 février 2022, le juge d'instruction a renvoyé la personne mise en examen devant la cour criminelle sous l'accusation de viol et agression sexuelle aggravés, tentatives d'agression sexuelle, violations de domicile. 5. L'accusé a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 29 octobre 2020 Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation des réquisitions adressées à l'Institut national de police scientifique aux fins d'exploitation des scellés, alors « qu'en matière de réquisitions pour examen technique, le juge saisi d'un moyen pris de ce que ces actes n'ont pas été précédés d'une autorisation du procureur de la République doit apprécier l'existence de cette autorisation, qu'elle ait été écrite ou orale, et rechercher pour ce faire s'il résulte d'une pièce du dossier que cette autorisation a été demandée et qu'une réponse écrite ou orale du parquet a bien été délivrée ; qu'en se bornant à constater, pour dire n'y avoir lieu à annulation, que les réquisitions litigieuses mentionnaient qu'elles avaient été prises « sur autorisation du procureur de la République » et que les procès-verbaux y afférent mentionnaient que ces réquisitions avaient été faites « suite à l'autorisation préalable de monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles » et qu'il n'était pas nécessaire qu'une autre pièce de la procédure indique qu'il y ait eu une demande en ce sens et une réponse écrite ou verbale du parquet autorisant ces réquisitions, la chambre de l'instruction a violé l'article 77-1 du code de procédure pénale, ensemble le principe de direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République. » Réponse de la Cour 7. Pour écarter le moyen de nullité des réquisitions, l'arrêt attaqué énonce que l'autorisation que le procureur de la République peut donner à un officier de police judiciaire pour présenter les réquisitions prévues à l'article 77-1 du code de procédure pénale n'est soumise à aucune forme particulière. 8. Il en déduit que la réquisition portant mention d'une autorisation du procureur de la République est régulière, quand bien même aucune autre pièce du dossier n'aurait été établie pour constater qu'un magistrat du parquet a donné une autorisation verbale ou écrite. 9. Les juges relèvent qu'en l'espèce, la réquisition du 23 mai 2019 porte la mention « sur autorisation du procureur de la République près le TGI de Versailles » et le procès-verbal établi le même jour mentionne en outre que la réquisition est faite « suite à l'autorisation préalable de monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles ». Ils ajoutent que la réquisition du 20 août 2019 porte la mention « Vu l'article 77-1 du code de procédure pénale, vu l'autorisation préalable de Monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles » et le procès-verbal établi le même jour mentionne en outre que la réquisition est faite « Vu les dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale, suite à l'autorisation préalable de Monsieur le procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Versailles ». 10. Ils concluent que l'officier de police judiciaire a requis l'Institut national de police scientifique sur autorisation du procureur de la République et que ces réquisitions sont régulières. 11. En statuant ainsi, dès lors que l'autorisation que le procureur de la République peut donner à un officier de police judiciaire pour requérir, sur le fondement de l'article 77-1 du code de procédure pénale, toute personne qualifiée de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, si elle doit être donnée dans le cadre de la procédure d'enquête préliminaire en cours et non par voie d'autorisation générale et permanente préalable,n'est soumise à aucune forme particulière, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des texte et principe visés au moyen. 12. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. Mais sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 29 octobre 2020 Enoncé des moyens 13. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure à compter du procès-verbal d'identification de M. [T] par Mme [N], alors « que la personne gardée à vue peut demander qu'un avocat soit présent lors d'une séance d'identification des suspects dont elle fait partie ; que l'absence d'information de l'avocat porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; que M. [T] faisait valoir que son avocat n'avait pas été informé d'une seconde séance d'identification à laquelle il a fait partie alors qu'il avait demandé que son avocat soit présent ; qu'en retenant qu'aucune nullité ne saurait résulter de l'absence de son avocat à cet acte, la chambre de l'instruction a violé les articles 61-3 du code de procédure pénale et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme. » 14. Le troisième moyen fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ; que contournent les règles de la procédure, les enquêteurs qui omettent volontairement de rédiger un procès-verbal à décharge pour n'en rédiger qu'un autre à charge ; qu'en refusant d'annuler la procédure lorsqu'elle constatait que les enquêteurs avaient dissimulé, en omettant volontairement de rédiger un procès-verbal portant sur la première séance d'identification, que lorsqu'il avait été présenté avec d'autres individus, et non seul, la plaignante n'avait pas identifié de manière formelle M. [T], la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 15. Les moyens sont réunis. Vu l'article 61-3 du code de procédure pénale et le principe de la loyauté de la preuve : 16. D'abord, il se déduit du texte susvisé que toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de la présence d'un avocat lors d'une séance d'identification des suspects dont elle fait partie. 17. Ensuite, constitue une atteinte au principe de loyauté de la preuve, le stratagème employé par un agent de l'autorité publique qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie. 18. Pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal de présentation à témoin, l'arrêt énonce d'abord que la présentation d'une personne gardée à vue à une victime n'est pas une audition et qu'aucune nullité ne saurait résulter de l'absence de l'avocat à cet acte. 19. Les juges ajoutent que les conditions de reconnaissance de M. [T] par Mme [N] ont fait l'objet d'un premier procès-verbal le 26 septembre 2019 mentionnant qu'un groupe de quatre hommes, porteurs de numéros de un à quatre, lui a été présenté, et qu'elle a formellement reconnu la personne portant le numéro un, soit M. [T], par son âge, sa taille, ses cheveux et la musculature de ses bras. 20. Ils retiennent encore qu'un second procès-verbal, établi à la suite du courrier adressé par l'avocat de la personne mise en examen au magistrat instructeur, précise que la présentation, à travers une glace sans tain, de M. [T] parmi un groupe, constitué de quatre personnes, a eu lieu en présence de l'avocat du mis en cause et que la victime a hésité et désigné le numéro un, sans être formelle. Mais, alors que l'avocat venait de partir et qu'elle était conduite vers un bureau pour l'établissement du procès-verbal, elle a souhaité revoir l'homme portant le numéro un, spécialement ses avant-bras. C'est ainsi que M. [T] a été replacé au centre de la pièce, seul, en débardeur, après avoir enlevé sa chemise et que la victime a alors déclaré le reconnaître formellement. 21. Ils concluent que les conditions de la présentation, puis de la reconnaissance, faisant ainsi l'objet de procès-verbaux précis et détaillés, soumis au contradictoire et à la discussion des parties, le moyen de nullité doit être rejeté. 22. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure, d'une part, qu'une seconde présentation de la personne gardée à vue à la victime s'était déroulée en l'absence de l'avocat du demandeur, en méconnaissance des dispositions de l'article 61-3 du code de procédure pénale, et, d'autre part, que les circonstances de la présentation, telles que transcrites au procès-verbal établi le 26 septembre 2019, seul procès-verbal rédigé d'initiative par les enquêteurs, étaient manifestement inexactes, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 23. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 24. La cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 29 octobre 2020 entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt de mise en accusation de ladite cour d'appel du 30 juin 2022. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens dirigés contre l'arrêt du 30 juin 2022, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 29 octobre 2020, mais en ses seules dispositions ayant rejeté le moyen de nullité du procès-verbal de présentation à témoin figurant à la cote D535 et des procès-verbaux subséquents, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite des arrêts, partiellement ou totalement, annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. Crim., 1 février 2011, pourvoi n° 10-83.523, Bull. crim. 2011, n° 15 (rejet), et les arrêts cités
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 22-85.547 FS-B 28 SEPTEMBRE 2022 IRRECEVABILITE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 M. [M] [H] a formé un recours contre l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lyon, en date du 24 juin 2022, qui, dans l'information suivie notamment contre lui des chefs d'association de malfaiteurs et détention illégale de produit ou engin explosif, s'est dessaisi au profit de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO). Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [M] [H], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Brugère, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Valat, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Examen de la recevabilité du recours Le recours formé par M. [H], le 30 juin 2022, plus de cinq jours après la notification de l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction de Lyon au profit de la JUNALCO, rendue le 24 juin 2022, est irrecevable comme tardif en application de l'article 706-78 du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE le recours IRRECEVABLE. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. Crim., 7 septembre 2011, pourvoi n° 11-86.559, Bull. crim. 2011, n° 174 (irrecevabilité)
CASS/JURITEXT000046304278.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 21-86.796 FS-B 14 SEPTEMBRE 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 SEPTEMBRE 2022 M. [E] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 130 de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 juillet 2021, qui a prononcé la révocation partielle d'un sursis avec mise à l'épreuve, devenu sursis probatoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E] [V], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Laurent, conseiller rapporteur, Mmes Leprieur, Sudre, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt en date du 27 mars 2019, la cour d'appel de Grenoble a condamné M. [E] [V] à la peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve pour infractions à la législation sur les stupéfiants. 3. Par jugement du 2 février 2021, après débat contradictoire auquel la personne condamnée a assisté, le juge de l'application des peines de Gap a révoqué à hauteur de dix-huit mois le sursis avec mise à l'épreuve prononcé. 4. M. [V] a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant révoqué à hauteur de dix-huit mois le sursis avec mise à l'épreuve prononcé par la cour d'appel de Grenoble à l'encontre de M. [V], alors « que devant la chambre de l'application des peines, l'intéressé doit être informé, à l'ouverture des débats, de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que, lors de l'audience du 18 juin 2021 à laquelle M. [V] a comparu, ce dernier n'a pas été informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'application des peines a violé l'article 406 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 7. Le demandeur ne peut valablement soutenir que la décision de la chambre de l'application des peines serait nulle, au motif que ses observations auraient été recueillies à l'audience, sans qu'il ait été préalablement averti de son droit de garder le silence. 8. En effet, les articles 712-6, 712-13 et D. 49-42 du code de procédure pénale, qui organisent les débats devant les juridictions de l'application des peines, ne prescrivent pas que la personne qui comparaît devant elles reçoive la notification prévue par l'article 406 du code précité. 9. Les dispositions relatives au droit de se taire devant les juridictions pénales, qui ont pour objet d'empêcher qu'une personne prévenue d'une infraction ne contribue à sa propre incrimination, ne sont pas applicables devant les juridictions de l'application des peines, qui se prononcent seulement sur les modalités d'exécution d'une sanction décidée par la juridiction de jugement. 10. En conséquence, le moyen doit être écarté. 11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze septembre deux mille vingt-deux. Sur les limites du domaine d'application de la notification du droit de se taire en application de l'article 406 du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 27 janvier 2021, pourvoi n° 20-86.037, Bull. crim. (rejet), et les arrêts cités ;Crim., 16 juin 2021, pourvoi n° 19-86.630, Bull. crim (cassation partielle), et l'arrêt cité ;Crim., 17 novembre 2021, pourvoi n° 21-80.567, Bull. crim. (rejet).
CASS/JURITEXT000046304186.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 21-87.452 F-B 13 SEPTEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 MM. [S] [H], [E] [V], [G] [J] et [X] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre eux, notamment, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure. Par ordonnance en date du 7 février 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [S] [H], [E] [V], [G] [J] et [X] [K], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen notamment des chefs précités, MM. [S] [H], [E] [V], [G] [J] et [X] [K] ont présenté des demandes d'annulation d'actes de la procédure. Examen des moyens Sur le troisième moyen 3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation des procès-verbaux faisant état des conversations téléphoniques interceptées entre Mme [I] [D] et l'avocat de son compagnon, M. [K], des procès-verbaux de mise en place et d'exploitation du dispositif de géolocalisation du véhicule Ford Fiesta immatriculé [Immatriculation 1] et des actes subséquents, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale que ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux relatant les conversations téléphoniques interceptées entre Mme [D] et l'avocat de son compagnon, M. [K], et des actes subséquents, que « la lecture du procès-verbal coté D 110 révèle que celui-ci a pour objet une surveillance et qu'il ne s'agit pas d'un procès-verbal de retranscription d'une conversation téléphonique au sens des dispositions de l'article 101 du code de procédure pénale », quand il ressortait de cet acte qu'y était transcrite la teneur d'une conversation entre Mme [D] et l'avocat de M. [K], la chambre de l'instruction a dénaturé ce procès-verbal et violé les articles 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'interdiction de transcription posée par l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale n'est pas limitée aux seules conversations avocat-client mais s'étend aux échanges entre un avocat et un proche de son client, lorsque la conversation concerne les droits de la défense dudit client ; qu'en retenant, pour rejeter la requête tendant à l'annulation des procès-verbaux transcrivant les conversations téléphoniques interceptées entre Mme [D] et l'avocat de son compagnon, M. [K], qu'il n'est pas établi que cet avocat assure la défense de Mme [D], motif impropre à justifier le maintien à la procédure des transcriptions litigieuses, la chambre de l'instruction a violé les articles 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que devant la chambre de l'instruction, M. [K] faisait valoir que l'avocat dont les propos avaient été enregistrés et transcrits était également celui de sa compagne Mme [D] ; qu'en se bornant, pour écarter la demande d'annulation des procès-verbaux de transcription et des actes subséquents, qu'il ne ressortait pas de la conversation interceptée que « cet avocat assure la défense de la personne titulaire de la ligne téléphonique susvisée ainsi placée sous surveillance », sans rechercher, indépendamment de l'écoute elle-même, si l'avocat n'était pas celui de Mme [D], la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Pour rejeter le moyen de nullité du procès-verbal relatant l'appel téléphonique d'un avocat, intercepté sur la ligne de la compagne de M. [K], l'informant du défèrement de celui-ci et lui donnant rendez-vous au tribunal, l'arrêt attaqué énonce que ce procès-verbal a pour objet une surveillance et qu'il ne s'agit pas d'un procès-verbal de transcription d'une conversation téléphonique. 6. Les juges ajoutent qu'il ne ressort pas de ce procès-verbal que cet avocat assure la défense de la personne titulaire de la ligne téléphonique surveillée. 7. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 8. En effet, d'une part, si l'interdiction de transcription des correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense de son client s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci, les échanges litigieux relatifs au défèrement de M. [K] au tribunal et au rendez-vous pris entre l'avocat et la compagne de celui-ci n'ont été rapportés que pour rendre compte des circonstances ayant permis la localisation du véhicule de cette dernière et l'installation sur celui-ci d'un dispositif de géolocalisation, de sorte que le procès-verbal en cause a eu pour seul objet de donner les informations nécessaires à la compréhension des investigations. 9. D'autre part, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, la compagne de M. [K] n'avait pas encore été placée en garde à vue dans le dossier au moment où s'est tenu l'échange téléphonique litigieux et n'était pas partie à la procédure au moment où la chambre de l'instruction a statué, de sorte que cette conversation avec l'avocat ne pouvait relever de l'exercice des droits de sa défense. 10. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des procès-verbaux d'interpellation de MM. [H], [J] et [V], des procès-verbaux des perquisitions réalisées à leurs domiciles respectifs et des actes subséquents, alors : « 1°/ que le juge d'instruction ne peut autoriser les enquêteurs à perquisitionner des locaux d'habitation en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale que par ordonnance écrite et motivée préalable à la perquisition ; qu'en affirmant que les perquisitions réalisées au domicile de MM. [H], [J] et [V] dans la nuit du 7 au 8 février 2021 respectivement à 3 heures 15, 2 heures 25 et 2 heures 26, ainsi que les interpellations de ces derniers, avaient pu être autorisées par une ordonnance écrite établie postérieurement aux opérations de perquisition dès lors que cette ordonnance écrite serait venue « régulariser » une « autorisation verbale » qui aurait été donnée par le juge avant les perquisitions, la chambre de l'instruction a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que les articles 706-91, 706-92, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'une autorisation de perquisition en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale ne saurait être motivée rétrospectivement par des considérations relatives aux découvertes, saisies ou interpellations effectuées au cours de cette perquisition que les « éléments de fait et de droit » motivant l'autorisation doivent nécessairement être antérieurs à la perquisition qu'au cas d'espèce la chambre de l'instruction a elle-même constaté que l'ordonnance écrite d'autorisation du juge d'instruction était en particulier motivée par l'interpellation, au cours des perquisitions, de MM. [H], [J] et [V] ; qu'en rejetant néanmoins la demande d'annulation des perquisitions et interpellations, la chambre de l'instruction a derechef violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que les articles 706-91, 706-92, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 706-91 et 706-92 du code de procédure pénale : 12. Il résulte de ces textes que l'autorisation donnée par le juge d'instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une perquisition dans un lieu d'habitation en dehors des heures légales doit comporter les motifs propres à justifier cette atteinte à la vie privée dans une ordonnance écrite et motivée formalisée sans délai, faute desquels aucun contrôle réel et effectif de la mesure ne peut avoir lieu, ce qui cause nécessairement un grief à la personne concernée. Il en découle qu'est nulle l'autorisation verbale donnée par ce magistrat, même suivie, après la réalisation de l'acte, de la formalisation d'une ordonnance écrite et motivée. 13. Pour rejeter le moyen de nullité des perquisitions effectuées aux domiciles respectifs de MM. [H], [V] et [J] le 8 février 2021 respectivement à 3 heures 15, 2 heures 26 et 2 heures 25, l'arrêt attaqué énonce que, selon le procès-verbal établi le 7 février à 20 heures, les officiers de police judiciaire ont reçu un appel téléphonique du juge d'instruction les autorisant verbalement à effectuer des perquisitions de nuit, vu l'urgence et la possible déperdition de preuves et leur indiquant régulariser son autorisation en leur transmettant une ordonnance dès le lendemain. 14. Les juges ajoutent que cette ordonnance, dont l'existence n'est pas mise en cause et qui figure en procédure, a bien été transmise aux enquêteurs qui l'ont annexée à leurs procès-verbaux de perquisition et qu'elle est motivée par référence à des éléments tant de fait que de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires et qu'elles ne peuvent être réalisées durant les heures légales. 15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 décembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant rejeté les moyens de nullité des procès-verbaux d'interpellation de MM. [H], [V] et [J] et de perquisition de leurs domiciles, ainsi que l'ensemble des actes subséquents y faisant référence, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux. N2>Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 15-81.731, Bull. crim. 2015, n° 174 (3) (cassation partielle)
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 22-80.893 FS-B 13 SEPTEMBRE 2022 ANNULATION SANS RENVOI M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 SEPTEMBRE 2022 M. [J] [D], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 14 janvier 2022, qui a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée, du chef de diffamation publique envers un particulier. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 12 avril 2021, M. [J] [D] a porté plainte et s'est constitué partie civile, du chef susvisé, devant un juge d'instruction. 3. Par ordonnance du 18 juin 2021, ce magistrat a fixé à 250 euros le montant de la consignation à verser par la partie civile au plus tard le 5 août 2021. 4. Le 3 août précédent, M. [D] a déposé une demande d'aide juridictionnelle. 5. Par ordonnance du 21 septembre 2021, le doyen des juges d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [D], faute de consignation dans le délai imparti. 6. Celui-ci a interjeté appel de cette ordonnance. 7. Par décision du 27 octobre 2021, M. [D] a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise, alors que le 3 août 2021, M. [D] avait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris et qu'il a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 octobre 2021 ; que la demande a été déposée durant le délai imparti pour verser la consignation ; que les justiciables ne sont pas en mesure de contrôler ou anticiper le temps que prendra le bureau d'aide juridictionnelle pour rendre sa décision, laquelle est intervenue près de trois mois plus tard ; qu'il appartenait aux juges du fond de s'assurer, en application des dispositions de l'article 88 du code de procédure pénale, qu'aucune demande d'aide juridictionnelle n'avait été déposée avant de prononcer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile ; qu'en s'abstenant de faire cette vérification, les juges du fond ont privé leur décision de toute base légale. Réponse de la Cour Vu l'article 88 du code de procédure pénale : 9. Selon ce texte, la partie civile qui a obtenu l'aide juridictionnelle est dispensée de verser une consignation à la suite du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile. 10. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [D], la chambre de l'instruction énonce que la partie civile n'a pas versé, dans le délai imparti, le montant de la consignation fixée par le magistrat instructeur. 11. La Cour de cassation constate que, postérieurement à l'arrêt attaqué, M. [D] justifie, à l'appui de son mémoire personnel, que, par décision du 27 octobre 2021, l'aide juridictionnelle lui a été accordée avant que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel de l'ordonnance d'irrecevabilité, n'ait statué, peu important la date du dépôt de la demande. 12. Il ne peut être fait grief à M. [D] de ne s'être pas prévalu devant la chambre de l'instruction de l'obtention de l'aide juridictionnelle dès lors qu'il résulte de l'article 57 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 l'obligation pour le secrétaire du bureau d'aide juridictionnelle d'informer le greffier de la juridiction saisie de la décision l'accordant. 13. D'où il suit que l'annulation est encourue. Portée et conséquences de la cassation 14. L'annulation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 14 janvier 2022 ; DIT que M. [D], admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, est dispensé du versement d'une consignation ; que sa plainte est, par voie de conséquence, recevable ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux. Crim., 2 juin 2015, pourvoi n° 15-80.381, Bull. crim. 2015, n° 133 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 550 FS-B Pourvoi n° E 19-19.768 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société Coopération pharmaceutique française (Cooper), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 19-19.768 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Mon Courtier en pharmacie, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Pyxis Services et Pyxis Pharma, 2°/ à la société Sagitta Pharma, société par actions simplifiée, ayant toutes deux leur siège [Adresse 2], 3°/ à la société Pharmacie [V]-[X], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 4°/ à la société Pharmacie [Adresse 1], société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 5°/ à l'association Pyxis Pharma SRA, dont le siège est [Adresse 2], venant pour partie aux droits de la société Pyxis Services en qualité de structure de regroupement à l'achat, défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Coopération pharmaceutique française, de la SCP Zribi et Texier, avocat des sociétés Mon Courtier en pharmacie, anciennement dénommée Pyxis Services et Pyxis Pharma, Sagitta Pharma, Pharmacie [V]-[X] et Pharmacie [Adresse 1], et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, conseillers, M. Blanc, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 29 mars 2017, pourvoi n° 15-27.811), MM. [S] et [D] [X] (MM. [X]), pharmaciens d'officine, ont créé la société Pyxis Pharma, devenue la société Mon Courtier en pharmacie, structure de regroupement à l'achat (SRA), afin de négocier, auprès des fournisseurs, les conditions d'achat de produits pour le compte de ses adhérents, ainsi que la société Sagitta Pharma, centrale d'achat pharmaceutique (CAP), intervenant en qualité de prestataire logistique. 2. Ces sociétés ont souhaité nouer une relation commerciale avec la société de Coopération pharmaceutique française (la société Cooper), établissement pharmaceutique spécialisé dans la fourniture aux pharmaciens de médicaments et accessoires, sur la base des conditions générales de vente applicables aux officines. 3. Un litige a opposé les parties, notamment, sur le bénéfice de ces conditions de vente, la société Cooper considérant que la société Pyxis Pharma, en sa qualité de SRA, n'y était pas éligible, dès lors qu'elle n'était pas une officine mais intervenait comme commissionnaire et qu'elle était assimilable, dans son modèle de distribution, aux grossistes répartiteurs. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses sixième, septième, huitième, neuvième, dixième, onzième, douzième et treizième branches dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 5. La société Cooper fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement, de la condamner à communiquer à la société Pyxis Pharma, devenue Mon Courtier en pharmacie, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, comme base de négociation commerciale entre lesdites sociétés et à payer à cette dernière la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice au titre de la pratique restrictive de concurrence, alors : « 6°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur qui conclut le contrat de vente avec elle ; qu'elle propose ainsi des conditions générales de vente différentes selon qu'il s'agit d'une officine indépendante, qui effectue directement ses achats auprès d'elle sans recourir à un quelconque intermédiaire, d'officines groupées, qui justifient de l'affiliation à un groupement ayant conclu, en leur nom et pour leur compte, un contrat de référencement organisant la vente directe par la société Cooper de ses produits à ces officines, ou de grossistes et intermédiaires de toutes natures qui, agissant en leur nom, contractent directement avec la société Cooper pour organiser ensuite par eux-mêmes, selon des modalités qui leur sont propres, la distribution des médicaments acquis auprès d'elle ; qu'entre dans cette dernière catégorie la SRA qui contracte avec le laboratoire en qualité de commissionnaire à l'achat, acquérant les produits en son propre nom, sans révéler le nom des officines adhérentes pour le compte desquelles elle agit, et qui est seule tenue du paiement des produits et seule responsable à l'égard du laboratoire au titre du contrat de vente ; qu'en décidant que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la catégorie des officines indépendantes, tout en constatant que la société Pyxis Pharma était "un intermédiaire du réseau de distribution des médicaments en gros", qui, en tant que commissionnaire à l'achat, commandait en son nom les produits de la société Cooper, se les faisait facturer en son nom, les réglait ensuite à la société Cooper et engageait sa responsabilité personnelle à son égard au titre de cet achat, ce qui excluait toute vente directe conclue entre la société exposante et les officines adhérentes et justifiait objectivement que la société Pyxis Pharma, en tant qu'intermédiaire agissant en son propre nom, reçoive communication des conditions générales de vente proposées aux grossistes et intermédiaires de toute nature, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 7°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat de vente soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important la façon dont le commissionnaire organise sa relation juridique avec les officines commettantes en vue de la distribution des produits acquis auprès de la société exposante ; qu'en retenant cependant que la catégorie d'acheteur dont relevait la société Pyxis Pharma devait être déterminée au regard, non pas des caractéristiques de la relation unissant celle-ci à la société Cooper, mais de celles de la relation l'unissant aux officines adhérentes, définies par le "contrat de commission" conclu avec ces dernières, et auquel la société Cooper demeure étrangère, la cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 8°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les effets réels de ce contrat, et notamment le transfert de propriété, se produisent dans le patrimoine des officines commettantes, celles-ci n'en devenant pas pour autant les cocontractantes de la société Cooper aux lieu et place de la société Pyxis Pharma ; qu'en retenant cependant que le fait que cette société n'acquiert pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant suffisait en soi à l'exclure de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toutes natures, la cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 9°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les modalités selon lesquelles le commissionnaire à l'achat organise ensuite la distribution des médicaments auprès des officines adhérentes diffèrent de celles d'un grossiste répartiteur qui n'est qu'un type de grossiste au sein de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toute nature ; qu'en retenant cependant, pour juger que la société Pyxis Pharma devait bénéficier des conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, que l'activité de la société Pyxis Pharma, dans la mesure où celle-ci n'acquérait pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant, différait de celle d'un grossiste-répartiteur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 10°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif, cependant que ce critère, tenant à la nature de l'activité exercée par la société Pyxis Pharma dans le réseau de distribution, ne présentait aucune subjectivité et était susceptible de s'appliquer à tout intermédiaire dans la même situation, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 11°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en retenant en l'espèce que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif dans la mesure où le transfert de la propriété des produits achetés par l'intermédiaire se faisait dans le patrimoine de l'officine commettante, cependant que cette dichotomie entre les effets personnels et les effets réels du contrat de vente conclu par la société Pyxis Pharma n'avait aucune incidence sur l'activité exercée par celle-ci au sein du réseau de distribution, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 12°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que la relation privilégiée dont la société Cooper se prévalait avec les officines constituait un critère subjectif, cependant que la qualité de la personne procédant à l'achat des produits, selon qu'il s'agit d'une officine, d'un mandataire des officines ou d'un intermédiaire agissant en son propre nom, constitue au contraire un critère objectif sur lequel la société Cooper ne peut avoir aucune influence ni porter aucune appréciation subjective, la cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 13°/ qu'un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que les conditions de stockage des médicaments, nécessairement plus limitées lorsque ceux-ci sont acquis directement par des officines indépendantes ou groupées que lorsqu'ils sont gérés par un intermédiaire qui pratique une activité de distribution en gros et dispose de moyens de stockage plus importants, constituent en soi un critère objectif permettant de distinguer des catégories de clientèle ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence pour la société Pyxis Pharma de contrainte de stockage, à la différence des officines indépendantes et groupées, n'était pas un critère distinctif, dans la mesure où cette société était obligée d'avoir recours à une CAP à cette fin, cependant que l'existence même de cette possibilité pour une SRA de s'adosser à une CAP pour les opérations de stockage la distingue par là même des officines indépendantes, la cour d'appel a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 6. L'arrêt rappelle d'abord qu'en vertu de l'article L. 441-6 du code de commerce, les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services, ensuite, que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, le fournisseur définit librement les différentes catégories d'acheteurs auxquelles sont applicables ses conditions de vente, à condition que les critères définissant ces catégories soient objectifs et ne créent pas un déséquilibre significatif, une entente anticoncurrentielle ou encore un abus de position dominante et, enfin, qu'en application de l'article L. 442-6, I, 9° du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l'article L. 441-6 du code de commerce et ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions catégorielles de vente que s'il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée. 7. Il constate que les conditions générales de vente de la société Cooper prévoient des conditions générales différenciées selon trois catégories de clients, les officines indépendantes, les officines groupées et les grossistes (intermédiaires détaillants). 8. L'arrêt retient ensuite qu'il résulte de l'extrait K-bis de la société Pyxis Pharma, de son objet tel qu'énoncé dans ses statuts, ainsi que du « contrat de commission » conclu avec les officines adhérentes, que cette société exerce une activité de structure de regroupement à l'achat, dite « SRA », et agit toujours « d'ordre et pour le compte » des officines adhérentes, et non pour son compte. Il ajoute que cette société négocie des conditions d'achat plus favorables pour les officines adhérentes, dont elle est le mandataire, et que lorsqu'elle procède à l'achat groupé en négociant, recueillant et centralisant les commandes des officines adhérentes, celles-ci peuvent choisir de se faire directement livrer les produits par le fournisseur ou de recourir aux services de la CAP Sagitta Pharma avec laquelle la société Pyxis Pharma a conclu un contrat de prestation de services, pour le stockage des produits et leur livraison ultérieure, la CAP Sagitta Pharma agissant comme un prestataire logistique. L'arrêt relève encore que, dans tous les cas, contrairement aux grossistes répartiteurs, la société Pyxis Pharma n'est pas propriétaire des produits dont elle passe la commande auprès du laboratoire d'ordre et pour le compte des officines adhérentes, qu'elle règle personnellement au laboratoire pour le compte des officines et qu'elle refacture à ces dernières sans percevoir de commission, celles-ci s'acquittant seulement d'un droit d'adhésion annuelle. 9. L'arrêt en déduit que la société Pyxis Pharma agit vis-à-vis de la société Cooper en qualité de commissionnaire à l'achat, qu'elle constitue un opérateur intermédiaire entre le laboratoire et les officines adhérentes, dont elle est le mandataire, lesquelles acquièrent directement la propriété des produits acquis d'ordre et pour leur compte par la SRA. 10. L'arrêt relève encore que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final, ne constitue pas un motif pertinent de refus de lui appliquer des conditions de vente prévues pour les officines, dès lors que le transfert de propriété se fait dans le patrimoine de l'officine commettante qui a un rôle de conseil envers le consommateur final et que l'absence de contrainte de stockage pour la société Pyxis Pharma ne l'est pas davantage, dans la mesure où, comme les pharmaciens titulaires d'officine, elle a recours à des CAP pour assurer le stockage des médicaments commandés à la société Cooper, ce qui lui est imposé par la réglementation. 11. De ces énonciations, constatations et appréciations, abstraction faite de son appréciation surabondante du caractère subjectif du critère de la relation privilégiée, la cour d'appel qui, analysant exactement les relations des parties dans leur ensemble, a souverainement retenu, d'une part, qu'il existait une relation directe entre la société Cooper et les officines de pharmacies passant leurs commandes par l'intermédiaire de la société Pyxis Pharma, d'autre part, que celles-ci supportent, comme les officines commandant directement, des charges de stockage, a pu, sans encourir les griefs inopérants des neuvième, dixième et onzième branches, déduire que la société Pyxis Pharma était fondée à solliciter la communication des conditions générales de vente de la société Cooper accordées aux officines indépendantes, acheteurs dont elle se rapprochait le plus au regard des trois catégories établies par la société Cooper dans son modèle de distribution, et leur application comme socle de la négociation commerciale. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 13. La société Cooper fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que si tout fournisseur a l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui lui en fait la demande, afin que puisse être assurée de cette manière une transparence tarifaire dans le secteur concerné, cette obligation est limitée à la seule communication de ces conditions, à l'exclusion de toute obligation de les appliquer à l'acheteur ou même d'entrer en négociation avec celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Cooper avait communiqué l'ensemble de ses conditions générales de vente à la société Pyxis Pharma, ce dont il s'induisait qu'elle avait respecté l'obligation de transparence tarifaire mise à sa charge ; qu'en énonçant cependant que la société Pyxis Pharma était bien fondée à solliciter "l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes" et que la société Cooper avait engagé sa responsabilité en refusant "de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 2°/ qu'en vertu du principe de libre négociabilité des prix, toute entreprise est libre de définir l'organisation de son réseau de distribution et de négocier, de manière différenciée, ses tarifs en fonction de ses clients ; que, depuis la loi du 4 août 2008 qui a mis fin à l'interdiction des pratiques discriminatoires, la discrimination ne constitue plus en elle-même une faute civile, sauf à constituer une entente illicite, un abus de position dominante ou un abus de droit ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que la responsabilité de la société Cooper était engagée, que celle-ci "ne saurait objectivement réserver l'application de ses conditions d'achat favorables aux seules officines indépendantes (...) et appliquer à la SRA Pyxis Pharma (...) les conditions commerciales moins favorables réservées aux grossistes, voire aux officines groupées", que cette pratique "illustre un déséquilibre concurrentiel au sein de la chaîne de distribution, au détriment des intermédiaires", et que la société Pyxis Pharma était en conséquence bien fondée à solliciter "l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes", sans caractériser ni un abus de droit commis par la société Cooper, ni une entente illicite ou un abus de position dominante, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé par fausse application les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour 14. Selon l'article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle, celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale et les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. 15. L'article L. 442, I, 9° du même code, dans sa rédaction également applicable en la cause, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle. 16. Il résulte de la combinaison de ces textes que la personne assujettie à ces obligations doit communiquer les conditions générales de vente applicables à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle et que, si sauf abus de droit, il est toujours libre de ne pas lui vendre, il est tenu, lorsqu'il entre en négociation commerciale avec cet opérateur, de le faire sur la base de ces conditions de vente. 17. La société Cooper n'ayant pas prétendu qu'usant de sa liberté, elle avait refusé de vendre ses produits à la société Pyxis Pharma, fût-ce aux conditions revendiquées par celle-ci, mais ayant admis au contraire qu'elle lui avait proposé d'entrer en négociations, en vue d'un partenariat, sur la base des conditions de vente applicables aux grossistes, ce que cette société avait refusé, c'est à bon droit qu'ayant retenu que ces conditions de vente n'étaient pas celles qui étaient applicables à la société Pyxis Pharma, la cour d'appel en a déduit que la société Cooper avait méconnu les dispositions précitées et avait ainsi engagé sa responsabilité. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa quinzième branche Enoncé du moyen 19. La société Cooper fait grief à l'arrêt d'ordonner la publication d'un communiqué judiciaire, alors « que l'article L. 442-6, III, dans sa rédaction applicable au moment des faits, prévoit que "la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise" ; qu'il en résulte que la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci est une faculté laissée au juge et ne peut être considérée comme étant de droit ; qu'en retenant cependant en l'espèce que la publication de la décision était de droit en application du texte susvisé, la cour d'appel a violé les dispositions de celui-ci. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 442-6, III, du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause : 20. Aux termes de ce texte, « La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. » 21. Pour ordonner la publication d'un communiqué judiciaire, l'arrêt retient que la publication est de droit en application de l'article L. 442-6, III, du code de commerce. 22. En statuant ainsi, alors que la publication n'était qu'une faculté et devait faire l'objet d'une appréciation de sa part, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. Sur la suggestion de la société Cooper et après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 25. Compte tenu des éléments du dossier, en particulier des entraves, dont il témoigne, au développement des SRA mises en place par les pouvoirs publics dans l'intérêt des consommateurs, il est souhaitable que la décision de la cour d'appel soit portée à la connaissance des exploitants de pharmacies d'officine. 26. La publication de cette décision, dans les termes prévus au dispositif cassé, et à la charge de la société Cooper, serait donc justifiée. Il convient cependant de constater que cette publication a déjà été effectuée en exécution de l'arrêt cassé. Il n'y a donc pas lieu de l'ordonner à nouveau. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la publication d'un communiqué judiciaire, l'arrêt rendu le 4 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Statuant à nouveau, vu l'évolution du litige, Dit n'y avoir lieu à nouvelle publication ; Condamne la société Coopération pharmaceutique française aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Coopération pharmaceutique française et la condamne à payer à la société Mon Courtier en pharmacie, la société Sagitta Pharma, la Selas Pharmacie [V]-[X] et la Selas Pharmacie [Adresse 1] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Darbois, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Mouillard, président empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Coopération pharmaceutique française (Cooper). Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement, condamné la société Cooper à communiquer à la société Pyxis Pharma, devenue Mon Courtier En Pharmacie, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, comme base de négociation commerciale entre lesdites sociétés, à payer à cette dernière les sommes de 20.000 euros en réparation de son préjudice au titre de la pratique restrictive de concurrence et 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'avoir ordonné la publication d'un communiqué judiciaire aux frais de la société Cooper ; AUX MOTIFS QUE « l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit depuis la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 que « I – Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. Elles comprennent : - les conditions de vente ; - le barème des prix unitaires ; - les réductions de prix ; - les conditions de règlement ». Depuis la loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie du 4 août 2008, ce texte précise que « les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Dans ce cas, l'obligation de communication prescrite au premier alinéa ne porte que sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestations de services d'une même catégorie ». L'article L. 442-6, I, 9° du même code prohibe, depuis la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 le fait « de ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ». Il résulte des ces dispositions qu'un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l'article L. 441-6 du code de commerce et ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle que s'il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée. Sur les critères des conditions générales de vente de la société Cooper : au vu des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce susvisées, les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services, et notamment entre grossistes et détaillants. Avant la loi de modernisation de l'économie, il était prévu que « les conditions dans lesquelles sont définies ces catégories sont fixées par voie réglementaire en fonction notamment du chiffre d'affaires, de la nature de la clientèle et du mode de distribution ». Les critères définissant les catégories d'acheteurs étaient ceux ainsi listés, sans que cette liste ne soit limitative. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie, le fournisseur définit librement les différentes catégories d'acheteurs auxquelles sont applicables ses conditions de vente, à condition que les critères définissant ces catégories soient objectifs, qu'ils ne soient pas discriminatoires ni ne créent un déséquilibre significatif, une entente entre le fournisseur et les distributeurs favorisés ou encore un abus de position dominante. Peuvent être retenus comme critères, outre ceux susvisés antérieurs à la loi de modernisation de l'économie, le secteur d'activité concerné et la destination finale du produit. Les conditions générales de vente de la société Cooper se décomposent comme suit : - celles accordées aux officines indépendantes, « soit toute officine qui n'est pas affiliée à un groupement de pharmaciens, effectuant directement ses achats sans intermédiaire, comprenant un seul lieu de vente qui commercialise au détail, au consommateur final, - celles accordées aux officines groupées, « soit toute officine qui justifie de l'affiliation à un groupement de pharmaciens, effectuant directement ses achats sans intermédiaire, comprenant un seul lieu de vente qui commercialise au détail au consommateur final », - celles accordées aux grossistes (intermédiaires détaillants), tels que les grossistes-répartiteurs, les distributeurs en gros à l'exportation, les dépositaires, les centrales d'achats pharmaceutiques, les SRA et groupements, « lorsqu'ils agissent en leur nom propre », et le cas échéant, « à l'établissement pharmaceutique autorisé pour l'activité de distribution en gros lorsque la SRA ou le groupement se livre aux opérations d'achat (en son nom et pour son compte) ou de stockage des médicaments en vue de leur distribution en gros à ces adhérents ». La société Cooper indique qu'elle dispose ainsi de trois catégories de conditions tarifaires variant en fonction de la nature de sa clientèle soit, d'une part, celles accordées aux officines achetant directement les produits auprès d'elle et dans une démarche strictement individuelle, d'autre part, celles afférentes aux officines membres d'un groupement d'officines ayant conclu un contrat de référencement avec elle, enfin celles accordées aux grossistes ou intermédiaires de toutes natures. Elle précise que lorsque les produits sont négociés par une officine ou un groupement d'officines, sont commandés, facturés et livrés aux officines, ce client bénéficie des conditions commerciales applicables aux officines ou aux officines membres de groupement d'officines ayant conclu un contrat de référencement avec elle. Elle indique qu'en revanche, lorsque les produits sont commandés par une autre entité qu'une officine, facturés et livrés à cette structure, le client bénéficie des conditions commerciales applicables aux grossistes. Elle souligne que les conditions préférentielles consenties aux officines indépendantes ou aux officines membres d'un groupement, dès lors qu'elles franchissent des paliers de commande, sont la contrepartie de la relation directe qu'elles entretiennent avec le consommateur final qu'elles conseillent, de la relation privilégiée qu'elle entretient avec les pharmaciens d'officine, enfin des contraintes de stockage qui leur sont imposées. Elle ajoute qu'au contraire, les grossistes revendent ses produits sans qu'elle puisse en connaître la destination finale et n'ont aucun rôle de conseil. Selon la société Cooper, elle établit des critères objectifs de distinction de ses différentes catégories d'acheteurs (officines indépendantes, officines groupées, grossistes) tenant à la nature des liens entretenus avec la clientèle, au stockage des produits et à leur destination finale. Sur l'application des conditions générales de vente de la société Cooper : selon l'article D. 5125-24-1 créé par décret n° 2009-741 du 19 juin 2009, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, « les pharmaciens titulaires d'officine ou les sociétés exploitant une officine peuvent constituer une société, un groupement d'intérêt économique ou une association, en vue de l'achat, d'ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents pharmaciens titulaires d'une officine ou sociétés exploitant une officine, de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie. Cette structure peut se livrer à la même activité pour les marchandises autres que des médicaments figurant dans l'arrêté mentionné à l'article L. 5125-24. La structure mentionnée au premier alinéa ne peut se livrer aux opérations d'achat, en son nom et pour son compte, et de stockage des médicaments en vue de leur distribution en gros à ses associés, membres ou adhérents, que si elle comporte un établissement pharmaceutique autorisé pour l'activité de distribution en gros ». L'article R. 5124-2 du code de la santé publique, modifié par décret n° 2009-741 du 19 juin 2009, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, précise qu'on entend par : « 5° Grossiste-répartiteur, l'entreprise se livrant à l'achat et au stockage de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, en vue de leur distribution en gros et en l'état ; cette entreprise peut également se livrer, d'ordre et pour le compte de pharmaciens titulaires d'officine ou des structures mentionnées à l'article D. 5125-24-1, à l'achat et au stockage de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie, en vue de leur distribution en gros et en l'état. 15° Centrale d'achat pharmaceutique, l'entreprise se livrant, soit en son nom et pour son compte, soit d'ordre et pour le compte de pharmaciens titulaires d'officine ou des structures mentionnées à l'article D. 5125-24-1 à l'achat et au stockage des médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie, en vue de leur distribution en gros et en l'état à des pharmaciens titulaires d'officine ». Il résulte des dispositions susvisées que la SRA, le grossiste-répartiteur et la centrale d'achat pharmaceutique interviennent dans le secteur de la distribution du médicament non remboursé. La SRA exerce deux types d'activités. En premier lieu, la SRA peut se livrer à l'achat d'ordre et pour le compte de ses associés, membres ou adhérents, auquel cas elle agit comme simple référenceur ou comme commissionnaire. En sa qualité de référenceur, la SRA négocie des conditions commerciales pour les produits qu'elle référence auprès des laboratoires. Chaque officine membre de la SRA commande individuellement ses produits aux laboratoires. La livraison et la facturation sont faites individuellement par le laboratoire concerné auprès de chaque officine adhérente ou membre. Se nouent ainsi un contrat de référencement entre la SRA et le fabricant/exploitant, un contrat d'affiliation entre la SRA et les officines, et des contrats de vente entre le fabricant/exploitant et les officines membres de la SRA. En sa qualité de commissionnaire à l'achat, la SRA est un opérateur intermédiaire entre les laboratoires et les officines. Elle centralise et négocie les commandes de ses membres, qu'elle transmet en son nom au fabricant/exploitant. Celui-ci émet des factures au nom de la SRA qui les règle pour le compte de ses adhérents, et facture ses derniers. Coexistent alors deux contrats, un contrat conclu entre la SRA et le fabricant/exploitant, et un contrat de commission à l'achat entre la SRA et chacun de ses adhérents. Selon l'article L. 132-1 du code de commerce, « le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social et pour le compte d'un commettant ». Le commissionnaire, à la différence d'un mandataire, agit en son nom propre ou sous un nom social qui n'est pas celui du commettant. Si le commissionnaire qui agit « en son nom et pour le compte » du commettant est seul engagé envers le tiers avec lequel il contracte, les effets réels du contrat se produisent dans le patrimoine du commettant. Dans ses rapports avec son commettant, acheteur, le commissionnaire est tenu dans une relation de mandat. Dans ses rapports avec le fournisseur, vendeur, le commissionnaire est personnellement tenu des obligations des contrats d'achat qu'il conclut en cette qualité. La SRA peut donc, en qualité de commissionnaire à l'achat, solliciter de la part des laboratoires pharmaceutiques que ces derniers émettent des factures à son ordre. La SRA, en sa qualité de commissionnaire à l'achat, ne peut effectuer aucune opération logistique afférente au médicament (stockage, livraison). Cette opération doit être réalisée par un établissement pharmaceutique, comme une centrale d'achat pharmaceutique ou un grossiste-répartiteur. En second lieu, la SRA est également habilitée à acheter en son nom et pour son compte des médicaments en vue de leur distribution en gros à ses associés, membres ou adhérents, à la condition de comporter un établissement pharmaceutique autorisé pour l'activité de distribution en gros. La création d'un tel établissement permet à la SRA d'agir en son nom et pour son propre compte, et d'étendre son activité au stockage et à la distribution en gros pour ses membres. Dans ce cas, la SRA-CAP est propriétaire de ses stocks, comme l'est un grossiste-répartiteur, et ses clients sont les officines. L'Autorité de la concurrence a donné plusieurs avis concernant le secteur d'activité de vente de médicaments non remboursés. Dans son avis n° 13-A-24 du 19 décembre 2013 relatif au fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la distribution du médicament à usage humain en ville, l'Autorité de la concurrence précise que les SRA er CAP ont été créées en 2009 dans le but de faire baisser les prix des médicaments d'automédication, d'accompagner les déremboursements de médicaments et la mise en place du libre accès aux médicaments non remboursés mais également dans le but de mettre fin aux pratiques de rétrocession de médicaments entre pharmacies d'officine. Elle fait le constat que les groupements et SRA, agissant au nom et pour le compte des officines ou intermédiaires qu'ils représentent, n'obtiennent pas des avantages aussi conséquents que ceux pouvant être octroyés aux officines en vente directe et que certains laboratoires pharmaceutiques refuseraient par ailleurs de négocier directement avec ces intermédiaires. Elle rappelle que ces difficultés d'approvisionnement par les SRA ont été relevées dès 2012 par le Directeur général de la santé qui a considéré que de telles pratiques vont à l'encontre de la politique du ministre chargé de la santé en faveur du développement du libre accès à des médicaments dits de conseil pharmaceutique, dans des conditions favorables tant pour les consommateurs et le pouvoir d'achat que pour les officines. Elle souligne que la trop faible puissance d'achat compensatrice des SRA et CAP conduit les pharmaciens, et notamment les petites et moyennes officines, à rechercher des conditions de remise plus avantageuses que celles que les laboratoires offrent individuellement aux pharmacies, en groupant les commandes et en pratiquant la rétrocession, cette pratique commerciale leur permettant ainsi de récupérer de la marge sur les médicaments acquis par ce biais. Elle considère que si les difficultés soulevées par la Direction générale de la santé constituaient des pratiques discriminatoires injustifiées à l'égard des structures d'achat groupés, le droit de la concurrence pourrait trouver à s'appliquer. L'Autorité de la concurrence recommande ainsi de mettre en oeuvre tous les moyens, en particulier ceux du droit de la concurrence, pour soutenir ces structures afin de permettre aux pharmaciens d'officine, en particulier les petites et moyennes officines, de bénéficier des mêmes conditions d'achat dont les grandes officines bénéficient individuellement aujourd'hui, ce qui aurait pour conséquence de mettre fin à la pratique de la rétrocession. En dépit de cet avis contenant une telle recommandation, l'Autorité de la concurrence fait le constat, dans son avis n° 19-A-08 du 4 avril 2019, relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée, que les SRA connaissent des difficultés de fonctionnement et n'arrivent toujours pas à obtenir auprès des laboratoires des conditions commerciales aussi favorables que celles obtenues par les officines individuellement, voire même à s'approvisionner auprès de certains laboratoires. Elle indique que les différentes formes de regroupement à l'achat représentent un contre-pouvoir limité à l'égard des fournisseurs. Elle précise à ce titre que même si les groupements de pharmacies, et dans une moindre mesure, les structures de regroupement à l'achat et les centrales d'achat pharmaceutiques permettent une amélioration des conditions commerciales pour certaines officines, les laboratoires continuent d'accorder leurs remises les plus importantes en direct, aux officines de taille importante. Elle considère que cette situation serait préjudiciable à un grand nombre de pharmacies, notamment les plus petites d'entre elles, qui n'ont pas les capacités de stockage adaptées pour le canal de la vente directe, contrairement aux intermédiaires, et qui sont parfois amenées à avoir recours à des pratiques de rétrocession, pourtant illégales. Il ressort de ces éléments qu'a été constaté, par l'Autorité de la concurrence, un déséquilibre concurrentiel dont pâtissent certains intermédiaires dans le secteur de la distribution du médicament non remboursé, notamment les SRA. La société Cooper, qui entend appliquer à la société Pyxis Pharma ses conditions générales de grossiste, doit justifier par des critères objectifs que ladite sociétés ne relève pas de la même catégorie d'acheteur que les officines et groupements d'officines et relève en conséquence nécessairement de la catégorie des grossistes. Elle doit supporter à ce titre la charge de la preuve. Sur l'activité de la société Pyxis Pharma et la catégorie d'acheteurs dont elle relève : la société Cooper soutient tout d'abord que la société Pyxis Pharma exerce une activité similaire à celle du grossiste-répartiteur. L'extrait Kbis de la société Pyxis Pharma du 1er octobre 2012 mentionne que celle-ci, immatriculée le 16 mai 2012, a pour activité « la mise en place et l'exploitation d'une structure de regroupement à l'achat, au sens de l'article D. 5125-24.1 du code de la santé publique, de pharmaciens titulaires d'officines ou de sociétés exploitant une officine, dit adhérents, associés ou non de la société, l'achat, d'ordre et pour le compte des adhérents du groupement exploité par la société, de médicaments (autres que des médicaments expérimentaux et à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie), et des marchandises autres que des médicaments figurant dans l'arrêté mentionné à l'article L. 5125-24 du code de la santé publique, la négociation sur les conditions d'achat, de transport, de stockage desdits produits autres de fournisseurs ou de prestataires, pour le compte des adhérents du groupement exploité par la société ». Les statuts de la société Pyxis Pharma précisent que celle-ci a pour objet : - « l'achat, d'ordre et pour le compte des adhérents du regroupement exploité par la société, de médicaments (...), - la négociation sur les conditions d'achat, de transport et de stockage desdits produits auprès de fournisseurs ou de prestataires, pour le compte des adhérents du groupement exploité par la société. La société ne pourra en aucun cas procéder, en son nom et pour son compte, à des opérations d'achat, de stockage et de distribution en gros des médicaments aux adhérents du groupement exploité par la société. En tant que de besoin, elle fera procéder à ces différentes opérations en recourant aux services d'un tiers habilité ». La société Pyxis Pharma produit aux débats un exemplaire du contrat, intitulé « contrat de commission », qu'elle conclut avec les officines adhérentes. Il est exposé en préambule de ce contrat que la société Pyxis Pharma intervient en qualité de SRA ayant pour objet l'achat, d'ordre et pour le compte de ses adhérents pharmaciens titulaires d'officines ou sociétés exploitant une officine, de médicaments autres que des médicaments expérimentaux, à l'exception des médicaments remboursables par les régimes obligatoires d'assurance maladie. Il est également précisé que « pour répondre à des besoins logistiques, la SRA a établi un lien de partenariat logistique avec Sagitta Pharma, une centrale d'achat pharmaceutique (CAP) qui, du fait de son statut d'établissement pharmaceutique (...) est en mesure de stocker pour le compte de l'adhérent les produits achetés par celui-ci à l'issue de la négociation menée par la SRA commissionnaire ». L'objet du contrat est défini comme étant limité à l'achat des produits énumérés à l'article D. 5125-24-1 du code de la santé publique, soit les médicaments non remboursables. Il est indiqué que la SRA commissionnaire n'acquiert pas la propriété des produits qu'elle est chargée de négocier pour le compte de l'officine commettante, l'opération de vente/achat étant directement et exclusivement effectuée entre le laboratoire fournisseur et l'officine commettante. L'article 2.3 de ce contrat prévoit que « l'officine commettante devra indiquer au moment de la commande si elle souhaite recourir aux services de la CAP Sagitta Pharma avec laquelle la SRA commissionnaire a conclu un contrat de services, pour le stockage des produits et leur livraison ultérieure par le prestataire logistique, selon ses besoins, ou si elle souhaite une livraison directe avec le fournisseur. En l'absence d'indication particulière, la livraison par le laboratoire fournisseur sera effectuée dans les magasins du prestataire logistique, comme il est dit à l'article 3.3. Dans une telle hypothèse, l'officine commettante donne mandat, en tant que de besoin, au prestataire logistique, pour effectuer la réception juridique de la marchandise qui lui appartient ». Au titre des conditions financières, il est prévu à l'article 4.3 que « la SRA commissionnaire facturera les produits à l'officine commettante au moment de la livraison, le laboratoire fournisseur devant quant à lui facturer la SRA commissionnaire, conformément à la loi. La facture devra être payée par l'officine commettante dans les 30 jours à compter de sa date d'émission ». L'article 4.4 de ce contrat énonce qu' « en rémunération de sa prestation d'entremise et de négociation, le commettant paiera à la SRA commissionnaire une commission annuelle de 300 euros/an HT, payable d'avance pour l'année en cours », laquelle commission pourra faire l'objet d'une régularisation en fin de période, consistant dans la différence entre le montant de l'avance de 300 euros, et une somme égale à 10% des avantages tarifaires obtenus effectivement par l'adhérent pour l'achat des produits sur une année entière grâce à la SRA ». Il résulte de ces éléments que la société Pyxis Pharma exerce une activité de SRA et agit toujours « d'ordre et pour le compte » des officines adhérentes, et non pas pour son compte. Elle négocie des conditions d'achat plus favorables pour les officines adhérentes, dont elle est le mandataire. Lorsqu'elle procède à l'achat groupé en négociant, recueillant et centralisant les commandes des officines adhérentes, celles-ci peuvent choisir de se faire directement livrer les produits par le fournisseur. En l'absence d'un tel choix, elle a recours aux services de la CAP Sagitta Pharma avec laquelle elle a conclu un contrat de prestation de services, comme un prestataire logistique. Dans tous les cas, contrairement aux grossistes-répartiteurs, la société Pyxis Pharma n'est pas propriétaire des produits dont elle passe la commande auprès du laboratoire d'ordre et pour le compte des officines adhérentes, qu'elle règle personnellement au laboratoire pour le compte des officines et qu'elle re-facture à ces dernières sans percevoir de commission, celles-ci s'acquittant seulement d'un droit d'adhésion annuelle. Son activité diffère de celle d'un grossiste-répartiteur. Il s'ensuit que la société Pyxis Pharma agit en qualité de commissionnaire à l'achat, et constitue un opérateur intermédiaire entre le laboratoire et les officines adhérentes dont elle est le mandataire, lesquelles acquièrent directement la propriété des produits acquis d'ordre et pour leur compte par la SRA. La circonstance que la société Pyxis Pharma commande les produits à la société Cooper, qui les lui facture et qu'elle engage sa responsabilité personnelle envers la société Cooper, ne lui donne pas la qualité de grossiste-répartiteur, lequel acquiert la propriété des produits. En effet, en sa qualité de commissionnaire à l'achat, la société Pyxis Pharma est personnellement engagée envers le fournisseur au titre d'un contrat d'achat et peut donc se faire facturer les produits, mais étant liée par un contrat de mandat avec les officines adhérentes, le transfert de propriété des produits vendus est directement opéré au bénéfice desdites officines. Le fait que la SRA Pyxis Pharma, agissant d'ordre et pour le compte de ses adhérents, et non par pour son compte, et ayant recours à la CAP Sagitta Pharma en sa qualité de prestataire logistique, constitue un intermédiaire du réseau de distribution des médicaments en gros n'implique pas davantage qu'elle soit assimilée à un grossiste-répartiteur, dès lors qu'elle n'acquiert pas la propriété des produits. De même, le fait que dans son avis du 20 janvier 2016, l'Autorité de la concurrence, après avoir constaté « qu'à ce jour les conditions commerciales proposées à Pyxis ne sont pas harmonisées », ait rejeté l'existence d'une entente horizontale entre différents laboratoires, dont la société Cooper, au préjudice des sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma, et qu'elle ait confirmé que les SRA et CAP n'étaient pas des officines mais des opérateurs intermédiaires, est sans incidence sur la qualité de commissionnaire à l'achat de la SRA Pyxis Pharma. La SRA Pyxis Pharma constituant un intermédiaire mandaté par les officines indépendantes doit donc pouvoir bénéficier des conditions d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes, peu important que ce mandat soit opaque envers la société Cooper. Sur les autres critères objectifs allégués par la société Pyxis Pharma : la société Cooper échoue à démontrer, ainsi qu'elle en a la charge, par des critères objectifs, que la société Pyxis Pharma ne rentre pas dans la même catégorie que les officines indépendantes. En effet, l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final, ne constitue pas un critère objectif permettant de ne pas appliquer à la société Pyxis Pharma les conditions des officines, dès lors que le transfert de propriété se fait dans le patrimoine de l'officine commettante qui a un rôle de conseil envers le consommateur final. De même, la relation privilégiée avec les officines de pharmacie, dont se prévaut la société Cooper, constitue un critère subjectif et non pas objectif. Enfin, l'absence de contrainte de stockage pour la société Pyxis Pharma, invoquée par la société Cooper, ne constitue pas un critère distinctif, dans la mesure où la société Pyxis Pharma, tout comme les pharmaciens titulaires d'officine, a recours à des CAP pour assurer le stockage des médicaments commandés à la société Cooper, lequel recours lui est imposé. Dans ces conditions, la société Cooper ne saurait objectivement réserver l'application de ses conditions d'achat favorables aux seules officines indépendantes ou membres d'un groupement qui se charge du seul référencement des produits, les commandes, facturations et livraisons des produits se faisant directement avec les officines, et appliquer à la SRA Pyxis Pharma, agissant d'ordre et pour le compte des officines adhérentes, les conditions commerciales moins favorables réservées aux grossistes, voire aux officines groupées. Cette pratique, tendant à ne pas faire bénéficier aux SRA des mêmes conditions d'achat que celles des officines d'ordre et pour le compte desquelles elles agissent, illustre un déséquilibre concurrentiel au sein de la chaîne de distribution, au détriment des intermédiaires, dont les SRA, et la position de faiblesse dans laquelle se trouvent, à différents degrés, les intermédiaires de la distribution vis-à-vis des laboratoires pour leur approvisionnement, ainsi que l'a relevé l'Autorité de la concurrence, alors que les SRA ont été constituées pour présenter un réel contre-pouvoir du marché des fournisseurs et permettre de mettre fin à la pratique des rétrocessions entre pharmaciens. La société Pyxis Pharma, qui exerçait l'activité de SRA au moment des faits litigieux, et nouvellement dénommée Mon Courtier En Pharmacie, était donc bien fondée à solliciter la communication et l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes, lesquelles doivent constituer le socle de la négociation commerciale, en application des dispositions des articles L. 442-6 et L. 441-6 du code de commerce. Sur les préjudices : selon l'article L. 442-6, I, du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers 9° de ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ». Le défaut de communication des conditions générales de vente constitue en tant que tel une pratique restrictive de concurrence, sanctionnée par les dispositions de l'article L. 442-6 III du code de commerce. Si la société Cooper a communiqué l'ensemble de ses conditions générales à la société Pyxis Pharma, elle a refusé de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale en violation des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce. L'absence de communication, à la société Pyxis Pharma, des conditions générales de vente de la société Cooper applicables aux officines de pharmacie comme socle de la négociation commerciale, constitutive d'une pratique restrictive de concurrence, a causé un préjudice à la société Pyxis Pharma, qui a subi un désavantage compétitif dans la chaîne de distribution des médicaments non remboursés. La société Pyxis Pharma justifie d'un préjudice lié à cette pratique restrictive de concurrence, en ce que ses adhérents ont dû faire face à des ruptures de stocks, générant une atteinte à la réputation de la société Pyxis Pharma et remettant en cause le principe même ou l'utilité de son activité de structure de regroupement d'achat. Il convient en conséquence de condamner la société Cooper à payer à la société Pyxis Pharma devenue Mon Courtier En Pharmacie, la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice au titre de cette pratique restrictive de concurrence. Sur la publication de la décision : la publication de la décision étant de droit en application de l'article L. 442-6 III du code de commerce, il convient d'ordonner la publication d'un communiqué judiciaire selon les modalités figurant au dispositif » ; 1°/ ALORS QUE si tout fournisseur a l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui lui en fait la demande, afin que puisse être assurée de cette manière une transparence tarifaire dans le secteur concerné, cette obligation est limitée à la seule communication de ces conditions, à l'exclusion de toute obligation de les appliquer à l'acheteur ou même d'entrer en négociation avec celui-ci ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la société Cooper avait communiqué l'ensemble de ses conditions générales de vente à la société Pyxis Pharma, ce dont il s'induisait qu'elle avait respecté l'obligation de transparence tarifaire mise à sa charge ; qu'en énonçant cependant que la société Pyxis Pharma était bien fondée à solliciter « l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes » et que la société Cooper avait engagé sa responsabilité en refusant « de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale », la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 2°/ ALORS QUE, subsidiairement, en vertu du principe de libre négociabilité des prix, toute entreprise est libre de définir l'organisation de son réseau de distribution et de négocier, de manière différenciée, ses tarifs en fonction de ses clients ; que, depuis la loi du 4 août 2008 qui a mis fin à l'interdiction des pratiques discriminatoires, la discrimination ne constitue plus en elle-même une faute civile, sauf à constituer une entente illicite, un abus de position dominante ou un abus de droit ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que la responsabilité de la société Cooper était engagée, que celle-ci « ne saurait objectivement réserver l'application de ses conditions d'achat favorables aux seules officines indépendantes (...) et appliquer à la SRA Pyxis Pharma (...) les conditions commerciales moins favorables réservées aux grossistes, voire aux officines groupées », que cette pratique « illustre un déséquilibre concurrentiel au sein de la chaîne de distribution, au détriment des intermédiaires », et que la société Pyxis Pharma était en conséquence bien fondée à solliciter « l'application à son bénéfice des conditions générales d'achat de la société Cooper accordées aux officines indépendantes », sans caractériser ni un abus de droit commis par la société Cooper, ni une entente illicite ou un abus de position dominante, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé par fausse application les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 3°/ ALORS QUE, subsidiairement, tout jugement doit être motivé ; qu'en se fondant sur les avis de l'Autorité de la concurrence des 19 décembre 2013 et 4 avril 2019 pour juger qu'il existait un déséquilibre concurrentiel dans la chaîne de distribution mise en place par la société Cooper, cependant que la généralité de ces avis ne permettait en aucune manière de caractériser en l'espèce un tel déséquilibre, et ce d'autant qu'ils concernaient les groupements et SRA « agissant au nom et pour le compte des officines ou intermédiaires qu'ils représentent », et non la situation spécifique des SRA agissant en qualité de commissionnaires à l'achat, c'est-à-dire en leur nom, mais pour le compte de leur commettant, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs généraux, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°/ ALORS QUE, en tout état de cause, si, en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, tout fournisseur a l'obligation de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur qui lui en fait la demande, la société Cooper faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Pyxis Pharma n'avait plus qualité pour bénéficier de ladite obligation de communication des conditions générales de vente, dès lors qu'elle n'était plus, au moment où la Cour statuait, un acheteur susceptible de passer des commandes (conclusions, p. 19, §§ 60 à 62, et dispositif) ; qu'en condamnant néanmoins la société Cooper à communiquer à la société Pyxis Pharma, devenue Mon Courtier En Pharmacie, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, comme base de négociation commerciale, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'il n'est en revanche pas tenu d'établir que ces critères ne sont pas discriminatoires, la discrimination n'étant plus interdite per se depuis la loi du 4 août 2008 ; qu'en retenant en l'espèce que le fournisseur ne pouvait définir les catégories d'acheteurs auxquelles appliquer des conditions générales de vente différenciées qu'à la condition de mettre en place des critères non seulement objectifs mais également non discriminatoires, et en analysant les critères retenus par la société Cooper à l'aune de cette exigence, la Cour d'appel, qui a ajouté une condition d'application à la loi, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 6°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur qui conclut le contrat de vente avec elle ; qu'elle propose ainsi des conditions générales de vente différentes selon qu'il s'agit d'une officine indépendante, qui effectue directement ses achats auprès d'elle sans recourir à un quelconque intermédiaire, d'officines groupées, qui justifient de l'affiliation à un groupement ayant conclu, en leur nom et pour leur compte, un contrat de référencement organisant la vente directe par la société Cooper de ses produits à ces officines, ou de grossistes et intermédiaires de toutes natures qui, agissant en leur nom, contractent directement avec la société Cooper pour organiser ensuite par eux-mêmes, selon des modalités qui leur sont propres, la distribution des médicaments acquis auprès d'elle ; qu'entre dans cette dernière catégorie la SRA qui contracte avec le laboratoire en qualité de commissionnaire à l'achat, acquérant les produits en son propre nom, sans révéler le nom des officines adhérentes pour le compte desquelles elle agit, et qui est seule tenue du paiement des produits et seule responsable à l'égard du laboratoire au titre du contrat de vente ; qu'en décidant que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la catégorie des officines indépendantes, tout en constatant que la société Pyxis Pharma était « un intermédiaire du réseau de distribution des médicaments en gros », qui, en tant que commissionnaire à l'achat, commandait en son nom les produits de la société Cooper, se les faisait facturer en son nom, les réglait ensuite à la société Cooper et engageait sa responsabilité personnelle à son égard au titre de cet achat, ce qui excluait toute vente directe conclue entre la société exposante et les officines adhérentes et justifiait objectivement que la société Pyxis Pharma, en tant qu'intermédiaire agissant en son propre nom, reçoive communication des conditions générales de vente proposées aux grossistes et intermédiaires de toute nature, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 7°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat de vente soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important la façon dont le commissionnaire organise sa relation juridique avec les officines commettantes en vue de la distribution des produits acquis auprès de la société exposante ; qu'en retenant cependant que la catégorie d'acheteur dont relevait la société Pyxis Pharma devait être déterminée au regard, non pas des caractéristiques de la relation unissant celle-ci à la société Cooper, mais de celles de la relation l'unissant aux officines adhérentes, définies par le « contrat de commission » conclu avec ces dernières, et auquel la société Cooper demeure étrangère, la Cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 8°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les effets réels de ce contrat, et notamment le transfert de propriété, se produisent dans le patrimoine des officines commettantes, celles-ci n'en devenant pas pour autant les cocontractantes de la société Cooper aux lieu et place de la société Pyxis Pharma ; qu'en retenant cependant que le fait que cette société n'acquiert pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant suffisait en soi à l'exclure de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toutes natures, la Cour d'appel a fait une application erronée des critères mis en place par la société exposante et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 9°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en l'espèce, la société Cooper distingue trois catégories de clientèle, en fonction de l'activité de l'acheteur concluant le contrat de vente avec elle, officines indépendantes, officines groupées ou intermédiaires ; que l'application de ce critère objectif ne peut se faire qu'au regard de la nature et des caractéristiques de la relation existant entre la société Cooper et son cocontractant ; que dans l'hypothèse où celui-ci est un commissionnaire à l'achat qui conclut le contrat en son nom, cela exclut nécessairement que le contrat soit conclu avec une officine indépendante ou des officines groupées, peu important que les modalités selon lesquelles le commissionnaire à l'achat organise ensuite la distribution des médicaments auprès des officines adhérentes diffèrent de celles d'un grossiste répartiteur qui n'est qu'un type de grossiste au sein de la catégorie des grossistes et intermédiaires de toute nature ; qu'en retenant cependant, pour juger que la société Pyxis Pharma devait bénéficier des conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, que l'activité de la société Pyxis Pharma, dans la mesure où celle-ci n'acquérait pas la propriété des produits achetés auprès de la société Cooper en vertu du contrat de vente les liant, différait de celle d'un grossiste-répartiteur, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 10°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif, cependant que ce critère, tenant à la nature de l'activité exercée par la société Pyxis Pharma dans le réseau de distribution, ne présentait aucune subjectivité et était susceptible de s'appliquer à tout intermédiaire dans la même situation, la Cour d'appel a derechef violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 11°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en retenant en l'espèce que l'absence de relation contractuelle directe entre la société Pyxis Pharma et le consommateur final – en d'autres termes sa qualité d'intermédiaire non détaillant – ne constituait pas un critère objectif dans la mesure où le transfert de la propriété des produits achetés par l'intermédiaire se faisait dans le patrimoine de l'officine commettante, cependant que cette dichotomie entre les effets personnels et les effets réels du contrat de vente conclu par la société Pyxis Pharma n'avait aucune incidence sur l'activité exercée par celle-ci au sein du réseau de distribution, la Cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 12°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que la relation privilégiée dont la société Cooper se prévalait avec les officines constituait un critère subjectif, cependant que la qualité de la personne procédant à l'achat des produits, selon qu'il s'agit d'une officine, d'un mandataire des officines ou d'un intermédiaire agissant en son propre nom, constitue au contraire un critère objectif sur lequel la société Cooper ne peut avoir aucune influence ni porter aucune appréciation subjective, la Cour d'appel a violé l'article L. 441-6 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ; 13°/ ALORS QUE, subsidiairement, un fournisseur de produits peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle s'il établit, selon des critères objectifs, c'est-à-dire indépendants de sa volonté et susceptibles de s'appliquer à tous de la même façon, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; que les conditions de stockage des médicaments, nécessairement plus limitées lorsque ceux-ci sont acquis directement par des officines indépendantes ou groupées que lorsqu'ils sont gérés par un intermédiaire qui pratique une activité de distribution en gros et dispose de moyens de stockage plus importants, constituent en soi un critère objectif permettant de distinguer des catégories de clientèle ; qu'en affirmant, pour décider que la société Cooper échouait à démontrer par des critères objectifs que la société Pyxis Pharma n'entrait pas dans la même catégorie que les officines indépendantes, que l'absence pour la société Pyxis Pharma de contrainte de stockage, à la différence des officines indépendantes et groupées, n'était pas un critère distinctif, dans la mesure où cette société était obligée d'avoir recours à une CAP à cette fin, cependant que l'existence même de cette possibilité pour une SRA de s'adosser à une CAP pour les opérations de stockage la distingue par là même des officines indépendantes, la Cour d'appel a violé les articles L. 441-6 et L. 442-6, I, 9°, du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ; 14°/ ALORS QUE l'article L.441-1, IV du code de commerce, en vigueur au jour du prononcé de l'arrêt, ne prévoit plus aucune publication de la décision telle que le prévoyait antérieurement l'article L. 442-6, III ; qu'en ordonnant néanmoins la publication de sa décision, la cour d'appel, qui a fait ainsi application d'une sanction abrogée au jour où elle statuait, a violé l'article L. 441-1, IV du code de commerce tel que modifié par l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 ; 15°/ ALORS SUBSIDIAIRMENT QUE l'article L. 442-6, III, dans sa rédaction applicable au moment des faits, prévoit que « la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise » ; qu'il en résulte que la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci est une faculté laissée au juge et ne peut être considérée comme étant de droit ; qu'en retenant cependant en l'espèce que la publication de la décision était de droit en application du texte susvisé, la Cour d'appel a violé les dispositions de celui-ci.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Mme DARBOIS, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 538 F-B Pourvoi n° T 21-20.731 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société L'établissement Lorillard, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-20.731 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 chambre 4), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société [T], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société AVGR, anciennement dénommée société [T] Chalons, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société L'établissement Lorillard, de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. [T], de la société [T] et de la société AVGR, anciennement dénommée société [T] Chalons, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Michel-Amsellem, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2021), la société L'établissement Lorillard (la société Lorillard) est spécialisée dans la fabrication et l'installation de menuiseries industrielles sur mesure. Elle exploite la marque « Lorenove ». 2. Le 9 septembre 2010, la société [T] a conclu avec la société Lorillard un contrat de concession exclusive sous le numéro 20100831, pour une durée de trois ans, pour l'exploitation de la marque et du concept « Lorenove » sur une partie du territoire de la Marne. Un autre contrat de concession exclusive a été signé postérieurement sous le numéro 20111102, pour une même durée, portant sur une autre partie du territoire de la Marne. 3. Ces contrats comportaient un article VIII relatif à une obligation de respect de prix conseillés. 4. Le 4 septembre 2015, la société [T] et son gérant, M. [T], ont assigné la société Lorillard en annulation du contrat de concession n° 20100831, notamment sur le fondement de l'article L. 420-1 du code de commerce, et en paiement de dommages-intérêts. Le 7 novembre 2016, la société [T] Châlons, devenue la société AVGR, et son dirigeant, M. [T], se prévalant du contrat n° 20111102, ont assigné la société Lorillard aux mêmes fins. Les instances ont été jointes. 5. Par arrêt du 31 juillet 2019, la cour d'appel de Paris a dit que l'article VIII des contrats constituait une stipulation prohibée par l'article L. 420-1 du code de commerce, qu'elle était nulle sans que cette nullité affectât la validité de l'ensemble des contrats de distribution, et, rouvrant les débats, a invité les parties à conclure sur le principe, l'étendue et l'évaluation du préjudice subi à raison de l'annulation de cette clause. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Lorillard fait grief à l'arrêt de la condamner, au visa de l'arrêt du 31 juillet 2019, à verser à la société [T] la somme de 64 021,58 euros et à la société AVGR la somme de 62 952,93 euros en réparation du préjudice qu'elles ont subi à raison de l'annulation de la clause de prix, et de la débouter de ses propres demandes, alors « que la loi interdit les conventions qui "ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché", notamment en faisant "obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse" ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, a jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'un du 9 septembre 2010, l'autre non daté, en ce qu'il obligeait le concessionnaire, d'une part, à respecter des tarifs applicables à certains comptes et clients négociés et, d'autre part, à respecter le tarif de vente conseillé par Lorenove, ce qui justifiait son annulation ; que la cour, avant dire droit, a alors, sur le préjudice dont la réparation était demandée de ce chef par les sociétés [T] et M. [T], invité les parties "à conclure sur le principe, l'étendue et l'évaluation du préjudice qu'ils ont subis à raison de l'annulation de ladite clause" ; qu'en faisant droit aux demandes des sociétés [T] et AVGR de ce chef, quand aucun préjudice ne pouvait résulter de l'annulation d'une clause jugée illégale, cette annulation supprimant cette illégalité et le préjudice susceptible d'en résulter, la cour a violé l'article L. 420-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 420-3 du code de commerce, est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du même code. Il n'est pas exclu que l'application, le cas échéant, d'une telle clause, serait-elle nulle de plein droit, ait pu causer un préjudice aux cocontractants. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. La société Lorillard fait le même grief à l'arrêt, alors « que, pour annuler l'article VIII des contrats d'exclusivité litigieux, jugé illégal, la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, avait constaté, d'une part, qu'il imposait le respect de tarifs applicables à certains clients négociés par Lorenove, d'autre part, qu'il avait imposé le tarif de vente conseillé par Lorenove ; qu'il ne s'ensuivait cependant pas qu'un préjudice fût établi ; que, dans son arrêt du 9 juin 2021, la cour s'est fondée exclusivement sur la seconde illégalité relevée ; que, cependant, dans son arrêt du 31 juillet 2019, elle avait constaté que si un tarif de vente conseillé était imposé, le concessionnaire "conserv[ait] la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés afin de pouvoir s'adapter à la concurrence locale", sous la seule réserve d'en informer la société Lorenove ; que si, comme l'a retenu la cour dans cet arrêt, cette liberté subsistante n'ôtait pas à la clause son illégalité de principe, en revanche elle établissait que la liberté du concessionnaire de fixer ses prix à sa convenance, en fonction de nécessités de concurrence locale dont il demeurait seul juge, n'avait jamais été entravée ; que, dès lors, ni la stipulation visée ni son annulation n'étaient susceptibles de causer au concessionnaire aucun préjudice résultant d'une fixation des prix conseillés ; qu'en condamnant dès lors la société Lorillard, de ce chef, à verser différentes sommes aux sociétés [T] et AVGR, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 420-1 du code de commerce : 10. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence sur un marché, les conventions, notamment lorsqu'elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse. 11. Pour condamner la société Lorillard à payer diverses sommes aux sociétés [T] et AVGR à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la pratique de prix imposé par la société Lorillard a été établie par l'arrêt du 31 juillet 2019 qui a dit nul l'article VIII des contrats comme contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et qu'au regard de la date des faits générateurs du dommage entre 2010 et 2013, une entente entre concurrents a nécessairement causé un trouble commercial lorsqu'elle est reconnue, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que c'est vainement que la société Lorillard soutient que la preuve d'un préjudice découlant de l'annulation de l'article VIII des contrats ne serait pas rapportée. 12. En statuant ainsi, alors que la pratique qu'elle avait retenue n'était pas une entente entre concurrents, qu'aucune présomption de préjudice ne découlait de la pratique relevée et qu'il lui appartenait d'établir le dommage causé par celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 13. La société Lorillard fait le même grief à l'arrêt, alors « que la loi interdit les conventions qui "ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché", notamment en faisant "obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse" ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, ayant jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'a annulé ; qu'elle avait cependant constaté, dans ce même arrêt, que les contrats contenant cet article avaient été conclus exclusivement entre la société Lorillard et la SAS [T], à l'exclusion de la société [T] Châlons ; qu'il s'ensuivait, sur le principe, que cette dernière, devenue société AVGR, n'ayant jamais été soumise à l'article VIII de ces contrats, n'avait pu subir aucun préjudice de son éventuelle application, non plus que de son annulation ; qu'en décidant dès lors, dans son arrêt du 9 juin 2021, de condamner la société Lorillard, à raison de cette annulation, à verser à la société AVGR la somme de 62 952,93 euros en réparation de son préjudice supposé, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article L. 420-1 du code de commerce : 14. Ayant retenu l'existence d'un préjudice dans les conditions à juste titre critiquées par la troisième branche, l'arrêt condamne la société Lorillard à payer une certaine somme à la société AVGR à titre de dommages-intérêts. 15. En se déterminant ainsi, après avoir relevé qu'il était vainement soutenu que le second contrat de concession avait été signé par la société [T] Châlons, aucune référence à cette société ne figurant dans le contrat qui ne faisait état que de la société [T] et sans établir en quoi cette société, tiers au contrat, avait pu subir un préjudice du fait de l'annulation d'une clause y figurant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société [T], la société AVGR et M. [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [T], la société AVGR et M. [T] et les condamne à payer à la société L'établissement Lorillard la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la société L'établissement Lorillard. La société Lorillard fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Lorillard, au visa de son arrêt du 31 juillet 2019, à verser à la société [T] la somme de 64 021,58 euros et à la société AVGR la somme de 62 952,93 euros en réparation du préjudice qu'elles ont subi à raison de l'annulation de la clause de prix, et de l'avoir déboutée de ses propres demandes, 1° alors que la loi interdit les conventions qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché », notamment en faisant « obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, a jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'un du 9 septembre 2010, l'autre non daté, en ce qu'il obligeait le concessionnaire, d'une part, à respecter des tarifs applicables à certains comptes et clients négociés et, d'autre part, à respecter le tarif de vente conseillé par Lorenove, ce qui justifiait son annulation ; que la cour, avant dire droit, a alors, sur le préjudice dont la réparation était demandée de ce chef par les sociétés [T] et M. [T], invité les parties « à conclure sur le principe, l'étendue et l'évaluation du préjudice qu'ils ont subis à raison de l'annulation de ladite clause » ; qu'en faisant droit aux demande des société [T] et AVGR [ex [T] Châlons] de ce chef, quand aucun préjudice ne pouvait résulter de l'annulation d'une clause jugée illégale, cette annulation supprimant cette illégalité et le préjudice susceptible d'en résulter, la cour a violé l'article L. 420-1 du code de commerce ; 2° alors que la loi interdit les conventions qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché », notamment en faisant « obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, ayant jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'a annulé ; qu'elle avait cependant constaté, dans ce même arrêt, que les contrats contenant cet article avaient été conclus exclusivement entre la société Lorillard et la SAS [T], à l'exclusion de la société [T] Châlons (pp. 8-9) ; qu'il s'ensuivait, sur le principe, que cette dernière, devenue société AVGR, n'ayant jamais été soumise à l'article VIII de ces contrats, n'avait pu subir aucun préjudice de son éventuelle application, non plus que de son annulation ; qu'en décidant dès lors, dans son arrêt du 9 juin 2021, de condamner la société Lorillard, à raison de cette annulation, à verser à la société AVGR [ex [T] Châlons] la somme de 62 952,93 euros en réparation de son préjudice supposé, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce ; 3° alors que, pour annuler l'article VIII des contrats d'exclusivité litigieux, jugé illégal, la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, avait constaté, d'une part, qu'il imposait le respect de tarifs applicables à certains clients négociés par Lorenove, d'autre part, qu'il avait imposé le tarif de vente conseillé par Lorenove ; qu'il ne s'ensuivait cependant pas qu'un préjudice fût établi ; que, dans son arrêt du 9 juin 2021, la cour s'est fondée exclusivement sur la seconde illégalité relevée ; que, cependant, dans son arrêt du 31 juillet 2019, elle avait constaté que si un tarif de vente conseillé était imposé, le concessionnaire « conserv[ait] la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés afin de pouvoir s'adapter à la concurrence locale », sous la seule réserve d'en informer la société Lorenove ; que si, comme l'a retenu la cour dans cet arrêt, cette liberté subsistante n'ôtait pas à la clause son illégalité de principe (p. 13, § 8), en revanche elle établissait que la liberté du concessionnaire de fixer ses prix à sa convenance, en fonction de nécessités de concurrence locale dont il demeurait seul juge, n'avait jamais été entravée ; que, dès lors, ni la stipulation visée ni son annulation n'étaient susceptibles de causer au concessionnaire aucun préjudice résultant d'une fixation des prix conseillés ; qu'en condamnant dès lors la société Lorillard, de ce chef, à verser différentes sommes aux sociétés [T] et AVGR, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce ; 4° alors que tout jugement, à peine de censure, doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui se borne, pour condamner une partie, à viser des pièces produites par une autre sans les examiner, même sommairement ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Lorillard, la cour a retenu qu'un lien de causalité « entre la pratique anticoncurrentielle et le trouble commercial » était établi par « les retours de clients mécontents ayant refusé les devis en raison de prix prohibitifs imposés par la société Lorillard » ; que, cependant, pour retenir l'existence de cette pratique de prix prohibitifs imposés et d'un lien de causalité entre ceux-ci et les refus de devis opposés aux sociétés [T], la cour, qui a par ailleurs constaté que le concessionnaire avait « conservé la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés » (arrêt du 31 juillet 2019, p. 13, § 8), s'est bornée à énoncer que cela « résult[ait] des pièces 45 et 46 des appelants » ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir procédé à aucun examen, même sommaire, de ces pièces élaborées et produites par les sociétés [T], par des motifs qui ne permettent même pas d'en connaître la nature et le contenu, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° alors que pour justifier son affirmation selon laquelle la société Lorillard aurait infligé un préjudice à la société [T] et à la société AVGR, en leur imposant des « prix prohibitifs », la cour s'est bornée à viser « les pièces 45 et 46 des appelants » ; que cependant ces pièces, établies par ces dernières, indiquent exclusivement, d'une part, les noms de clients et de commerciaux intervenus, les numéros de devis, les prix de vente et d'achats, les marges brutes et nettes et, d'autre part, le détail des ventes de produits [T] et leur pourcentage dans le chiffre d'affaires de l'entreprise, le total des achats, le montant des charges variables et le taux de marge nette (31,56 %) ; que ces deux documents ne font état d'aucun prix imposé par la société Lorillard, étant rappelé que la cour a constaté que, selon l'article VIII annulé des contrats litigieux, « le concessionnaire conserve la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés afin de pouvoir s'adapter à la concurrence locale » (arrêt, 31 juillet 2019, p. 13, § 8) ; qu'en jugeant dès lors, pour condamner à paiement la société Lorillard, que les devis invoqués par les sociétés [T] et AVGR avaient été refusés par des clients mécontents « en raison des prix prohibitifs imposés par la société Lorillard », sans avoir retenu aucun élément, ni par ces pièces ni en dehors, susceptible de justifier l'existence de ces « prix prohibitifs imposés », ni qu'ils auraient été cause du refus de « clients mécontents » de la société [T], la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 551 FS-B Pourvoi n° N 20-22.447 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société Molotov, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-22.447 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Métropole télévision (M6), société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société EDI-TV, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société M6 génération, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Molotov, de la SAS Hannotin Avocats, avocat des sociétés Métropole télévision, EDI-TV et M6 génération, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, conseillers, M. Blanc, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2020) et les productions, la société Métropole télévision (la société Métropole), société mère du groupe M6, et ses filiales EDI-TV et M6 génération, éditent les chaînes de télévision M6, W9 et 6TER qu'elles diffusent en clair et gratuitement via la télévision numérique terrestre (TNT) et l'internet ouvert (OTT). Elles autorisent des distributeurs à reprendre les chaînes dans leurs offres de bouquets de télévision payants, accessibles via différents réseaux de distribution. La société Molotov distribue, sur une plate-forme internet, des services de télévision dont une partie est accessible gratuitement au public et une autre est subordonnée au paiement d'un abonnement. 2. Le 5 juin 2015, la société Molotov a signé avec la société Métropole un contrat de distribution « OTT », portant sur la diffusion en clair des chaînes M6, W9 et 6TER et des chaînes thématiques qu'elles éditent, ainsi que des services de télévision de rattrapage d'autres chaînes. 3. A l'échéance de ce contrat, la société Métropole a envisagé de nouvelles conditions sur lesquelles des négociations se sont ouvertes et les parties ont prorogé l'accord en vigueur jusqu'au 31 mars 2018, date à laquelle devait intervenir le nouveau contrat. 4. Le 5 mars 2018, la société Métropole a demandé à la société Molotov son accord sur la rémunération et le principe d'une distribution des chaînes M6, W9 et 6TER et de leurs services de fonctionnalités associés exclusivement au sein de bouquets payants, ainsi que son engagement de faire payer ces chaînes à ses utilisateurs. 5. Aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties sur les conditions de diffusion des chaînes gratuites de la TNT, la société Molotov, reprochant à la société Métropole de subordonner la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à la modification de son modèle économique pour lui imposer un bouquet basique payant incluant les chaînes gratuites de la TNT(M6, W9 et 6TER), et considérant que la clause 3.1 des conditions générales de distribution de cette société, dite de « paywall », dispositif par lequel l'éditeur bloque l'accès à une partie du contenu proposé par un site ou l'application pour des utilisateurs non abonnés, était illicite et discriminatoire, l'a assignée, le 4 avril 2018, en réparation de son préjudice. Les sociétés EDI-TV et M6 génération sont intervenues volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La société Molotov fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors : « 1°/ que l'article L. 442-5 du code de commerce (devenu L. 442-6 depuis l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019) prohibe le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale ; que la liberté commerciale des distributeurs de déterminer les prix des biens qu'ils revendent et ceux des services qu'ils commercialisent implique celle de pouvoir les proposer à titre gratuit aux consommateurs sans que leurs fournisseurs y fassent obstacle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le groupe M6, éditeur de services de télévision, avait indiqué le 30 octobre 2017 à la société Molotov que tout nouvel accord de distribution entre eux devrait s'insérer dans le cadre des conditions générales de distribution, lesquelles renfermaient une clause dite de "paywall" par laquelle le groupe M6 exigeait de ses distributeurs qu'ils ne rendent les chaînes de la TNT en clair éditées par ce groupe accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair et de leurs services de rattrapage ; qu'il ressortait en outre d'un courriel du 29 décembre 2017 que le groupe M6 avait précisé que "les montants des abonnements facturés [aux consommateurs] par Molotov pour l'accès aux Bouquets Payants ne pourront pas être assimilables à des offres gratuites et doivent permettre de préserver la valeur et l'attractivité des chaînes vis-à-vis de l'ensemble des distributeurs" ; qu'en jugeant qu'une telle clause ne pouvait être assimilée à l'imposition prohibée d'un prix minimal, cependant qu'elle constatait que son effet était d'empêcher que le distributeur ne distribue gratuitement par internet les chaînes gratuites de la TNT, ce qui revenait donc à lui imposer indirectement un prix minimal de distribution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°/ qu'il appartient au juge judiciaire, à titre de mesure préventive de comportements illicites, d'annuler ou de réputer non écrites les clauses figurant dans les conditions générales d'un opérateur économique qui, dans l'hypothèse où ses distributeurs consentiraient à s'y soumettre, constitueraient des restrictions verticales caractérisées tombant sous le coup de la prohibition des ententes édictées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; qu'il résulte des textes susvisées que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, étant précisé que l'article 4 du Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, § 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour les fournisseurs d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations par l'une des parties ; que, pour écarter le moyen par lequel la société Molotov faisait valoir que la clause dite de "paywall" figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 encourait la nullité en ce qu'elle constituait une restriction verticale contraire aux articles L. 420-1 du code du commerce et 101 du TFUE, la cour d'appel retient que dans sa décision n° 20-D-08 du 30 avril 2020, l'Autorité de la concurrence a rejeté la saisine de la société Molotov au motif qu'elle n'apportait pas d'éléments suffisamment probants ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que, dans la décision précitée, l'Autorité n'avait écarté l'existence d'une entente verticale qu'en raison du fait que les conditions générales de distribution du groupe M6 avaient été établies de manière unilatérale par celui-ci et n'avaient fait l'objet d'aucun accord explicite ou tacite par Molotov, de sorte qu'aucun accord de volonté constitutif d'une entente verticale n'était constitué, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, l'entachant ainsi d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ; 3°/ que le constat de ce qu'une clause des conditions générales de distribution d'un fournisseur de biens ou de services ne tombe pas sous le coup de la prohibition édictée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce ne suffit pas à en assurer la licéité au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ; qu'il résulte de ces deux derniers textes que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, tandis que l'article 4 du règlement d'exemption n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions verticales caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente ; qu'en jugeant que la clause dite de "paywall" figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 ne pouvait être qualifiée de restriction verticale caractérisée au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE et du règlement d'exemption de la Commission du 20 avril 2010 dès lors qu'elle ne constituait pas une pratique prohibée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, l'arrêt retient que la clause litigieuse a pour effet d'empêcher que le distributeur ne diffuse gratuitement par internet les chaînes en clair de la TNT. 8. En cet état, et dès lors qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des productions que le niveau de prix de l'offre payante conçue par la société Molotov dans laquelle la société Métropole exigeait que les chaînes qu'elle édite fussent incluses, devait être établi à un niveau minimal fixé par cette dernière, c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé que la pratique en cause ne pouvait être assimilée à l'imposition d'un prix minimal ou d'une marge commerciale minimale prohibée par l'article L. 442-5 du code de commerce. 9. En second lieu, l'arrêt retient d'abord que par la décision n° 20-D-08 invoquée par la société Molotov, l'Autorité de la concurrence a rejeté la saisine au motif que cette société n'apportait pas d'éléments suffisamment probants. Il retient ensuite que dès lors que la clause litigieuse ne constituait pas une pratique prohibée de prix imposé, elle ne peut être contraire au règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, § 1, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées. 10. En cet état, et dès lors que, contrairement à ce que soutient la deuxième branche, l'Autorité de la concurrence, après avoir estimé qu'aucun accord, au sens des articles 101, § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, n'était établi et que la clause litigieuse procédait seulement d'un acte unilatéral, ce qui était exclusif de sa prohibition par les textes invoqués, ne s'est pas prononcée sur l'objet de la clause elle-même et son caractère restrictif, le cas échéant, de concurrence, et que, dans ses conclusions, la société Molotov faisait seulement valoir que la condition contestée lui imposait un prix minimal pour la diffusion des chaînes éditées par la société Métropole et aboutissait à fixer les prix au mépris des dispositions précitées, la cour d'appel, qui a écarté la matérialité de cette pratique, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen 12. La société Molotov fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que le droit voisin du droit d'auteur dont un éditeur de services de communication audiovisuelle est titulaire sur les chaînes de télévision qu'il édite ne le dispense pas du devoir de se conformer aux prescriptions de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce dans ses rapports avec les distributeurs et ne justifie en rien d'apprécier plus strictement en cette matière qu'en d'autres la notion de déséquilibre significatif, ni même de reculer le seuil de significativité du déséquilibre entre les droits et obligations des parties ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6TER) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; que, pour juger qu'en formulant une telle exigence à l'égard de la société Molotov, le groupe M6 n'avait pas enfreint les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce, la cour d'appel retient que cette exigence "doit être appréciée (...) en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause", que, par la clause litigieuse, le groupe M6 demande essentiellement que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante et qu'il s'agit là seulement de la mise en oeuvre, selon une modalité non dépourvue de contrepartie pour la société Molotov, des droits conférés à la société Métropole télévision en vertu de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise de communication audiovisuelle exploitant un service de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée ; qu'en se prononçant par de tels motifs, laissant apparaître que la nature du droit de l'éditeur de chaînes de télévision aurait commandé, en la matière, une appréciation restrictive de la notion du déséquilibre significatif, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°/ que caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'il apparaît qu'une telle exigence ne trouve pas de contrepartie dans un engagement réciproque que l'éditeur aurait souscrit de s'interdire de rendre lui-même ces chaînes de télévision accessibles gratuitement sur son propre site internet ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6TER) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait, toutes autres conditions demeurant égales par ailleurs, subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; qu'en jugeant qu'une telle exigence n'était pas de nature à placer le distributeur en situation d'assumer une obligation sans contrepartie et ne caractérisait aucune autre forme de déséquilibre significatif, sans identifier de contrepartie spécifique qui aurait été offerte à la société Molotov en échange de cet engagement nouveau s'ajoutant à son obligation de payer le prix convenu, ni d'engagement réciproque et symétrique qu'aurait souscrit le groupe M6 de s'interdire lui-même de rendre les chaînes en cause accessibles gratuitement sur son propre site internet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce ; 3°/ que caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'une telle exigence, qui entrave la capacité du distributeur de déterminer librement son modèle d'affaires, ne repose sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes de télévision ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir que cette exigence nouvelle formulée par le groupe M6, de nature à modifier en profondeur son modèle économique et à menacer la pérennité même de son exploitation, ne reposait sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes, lesquelles demeuraient diffusées gratuitement, tant sur le réseau public hertzien que sur internet par le groupe M6 lui-même au travers de son propre site Internet ; que pour juger qu'une telle exigence n'était pas de nature à caractériser un déséquilibre significatif, la cour d'appel retient que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaires "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans caractériser un motif économique légitime qui aurait pu justifier une telle entrave au libre choix par la société Molotov de son modèle d'affaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce ; 4°/ que la société Molotov rappelait dans ses écritures, qu'après avoir stipulé dans leur contrat initial conclu en 2015 que les chaînes de la TNT en clair éditées par le groupe M6 seraient distribuées au sein d'une offre gratuite pour le consommateur, puis lui avoir indiqué, le 30 octobre 2017, qu'il subordonnerait désormais tout nouvel accord de distribution à l'exigence que le distributeur ne rende ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, le groupe M6 avait, les 29 décembre 2017 et 13 février 2018, précisé que, dans l'hypothèse où le groupe TF1 autoriserait la société Molotov à distribuer ses propres chaînes au sein d'offres gratuites, il se réserverait lui-même la faculté discrétionnaire de changer d'avis et d'imposer à la société Molotov, moyennant un simple préavis de six mois, le retour des chaînes de la TNT en clair au sein d'une offre gratuite ; qu'après avoir elle-même constaté que "compte tenu du nombre limité d'acteurs susceptibles de conférer des droits sur les chaînes en clair de la TNT susceptible de lui permettre de constituer les bouquets de son offre "freemium", il doit être reconnu en l'espèce l'existence d'un rapport de force au détriment de la société Molotov, qui dépend dans une large mesure de la société Métropole télévision laquelle, par l'adoption de la clause 3.1 de ses conditions générales de distributions a fait nécessairement perdre beaucoup d'intérêt du public pour ce type d'offre, par la nécessité de renoncer aux importantes chaînes en clair du Groupe M6", la cour d'appel a néanmoins considéré que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pérennité du modèle d'affaires "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ne résultait pas de la volonté du groupe M6 de placer la société Molotov en situation de devoir de manière incessante adapter son modèle économique à ses décisions unilatérales et potestatives et de la précarité qui en résultait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce. » Réponse de la Cour 13. L'arrêt rappelle d'abord qu'il doit être procédé à une appréciation concrète et globale des contrats en cause et du contexte dans lequel ils ont été conclus ou proposés à la négociation, et que la clause litigieuse doit être analysée, d'un côté, à la lumière de l'ensemble des clauses des conditions générales de distribution et du contrat dont la négociation a été rompue, notamment de celle par laquelle la société Métropole exige paiement pour la diffusion par internet des chaînes en clair de la TNT et, de l'autre, en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause. Il estime que le groupe M6 demande essentiellement, au titre de la clause litigieuse, que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante, tandis que le distributeur fixe librement le prix de l'abonnement à ses offres et qu'il verse à la société Métropole une rémunération. Il retient qu'il s'agit seulement de la mise en oeuvre des droits conférés à la société Métropole en vertu de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise exploitant un service de communication audiovisuelle, au sens de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée. Il retient encore que la circonstance que la société Métropole exige le paiement d'une redevance pour une telle autorisation, en même temps qu'elle impose au distributeur de ne pas diffuser ces mêmes chaînes en dehors de bouquets payants, ne caractérise nullement une absence de contrepartie à cette dernière obligation, ni aucune autre forme de déséquilibre significatif. Il retient enfin que la circonstance que la position adoptée par la société Métropole puisse fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaires de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué. 14. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans avoir à effectuer la recherche invoquée à la quatrième branche, étrangère à la clause des conditions générales de distribution en cause, et en se bornant à rappeler à juste titre que, disposant sur les chaînes qu'elle édite d'un droit voisin conféré par l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, la société Métropole était en droit de définir les conditions économiques de diffusion de ses chaînes, sans exclure pour autant la possibilité d'un abus de ce droit constitutif, le cas échéant, d'un déséquilibre significatif, que la cour d'appel a estimé que la preuve incombant à la société Molotov, de ce dernier, qui ne pouvait résulter ni du seul usage par la société Métropole de son droit de s'auto-distribuer parallèlement ni de la seule atteinte alléguée au modèle économique de la société Molotov, n'était pas rapportée. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 16. La société Molotov fait encore le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa version applicable au litige que le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure l'égalité de traitement, veille à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique, tandis que l'article 96-1 de la même loi dispose que les services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique sont diffusés ou distribués gratuitement auprès de 100 % de la population du territoire métropolitain ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir dans ses écritures que la clause dite de "paywall" des conditions générales de distribution du groupe M6, par laquelle ce dernier exigeait, au sujet de ses chaînes de la TNT conventionnées par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) en tant que chaînes gratuites, l'engagement de ne les rendre accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, contrevenait aux principes précités d'égalité de traitement, de neutralité technologique et de gratuité de la distribution des chaînes de télévision en clair ; qu'elle soulignait qu'en obligeant les utilisateurs de la plateforme Molotov à payer un abonnement spécifique pour des chaînes pour lesquelles le groupe M6 s'est engagé envers le CSA à ne pas réclamer de paiement de la part des usagers lorsqu'elles sont diffusées en hertzien terrestre, celui-ci traitait différemment deux modes de transmission ne différant que par la technologie et discriminait ainsi la transmission par fil de cuivre ou optique par rapport à celle par les ondes hertziennes ; qu'en se bornant à énoncer qu'il ne résulte des dispositions de la loi du 30 septembre 2006, à la charge de l'éditeur privé du service gratuit M6, aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par toute autre moyen que la voie hertzienne, que ce soit par satellite ou par internet, pour en déduire qu'il n'était nullement démontré que la société Molotov ait été traitée par le groupe M6 "de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse", la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier de la conformité de la clause litigieuse au regard des articles 3-1 et 96-1 de la loi du 30 septembre 1986 et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; 2°/ ensuite que la société Molotov soulignait qu'en tout état de cause, le groupe M6 avait bien accepté que les fournisseurs d'accès à internet ne subordonnent pas l'accès aux chaînes du groupe M6 à la souscription d'un abonnement à un bouquet payant de chaînes de télévision ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était nullement démontré par la société Molotov qu'elle ait été traitée par la société Métropole de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse, sans analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats par la société Molotov desquelles il ressortait qu'au titre du service "la télévision d'Orange", l'opérateur éponyme ne facture aucun montant récurrent en relation même indirecte avec un contenu, mais se contente de demander le versement d'une caution pour la mise à disposition de son décodeur TV, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 17. L'arrêt retient que les dispositions de la loi du 30 septembre 2006 à la charge de l'éditeur privé du service gratuit M6 ne prévoient aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par tout autre moyen que la voie hertzienne, que ce soit par satellite ou, comme en l'espèce, par internet, et qu'il n'est nullement démontré par la société Molotov qu'elle ait été traitée par la société Métropole de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse. 18. En l'état de ces énonciations et appréciations, faisant ressortir que la subordination, par le groupe M6, de l'offre de mise à disposition de ses chaînes TNT en clair, aux conditions de leur inclusion dans un bouquet payant, n'était pas, en elle-même, attentatoire aux dispositions invoquées de la loi du 30 septembre 1986, la cour d'appel qui, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation de la société Molotov, a estimé qu'en outre sa mise en oeuvre n'était pas intervenue dans des conditions fautives, a légalement justifié sa décision. 19. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Molotov aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Molotov et la condamne à payer à la société Métropole télévision, la société EDI-TV et la société M6 génération la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Darbois, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Mouillard, président empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Molotov. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Molotov fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes. 1) ALORS QUE l'article L. 442-5 du code de commerce (devenu L. 442-6 depuis l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019) prohibe le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale ; que la liberté commerciale des distributeurs de déterminer les prix des biens qu'ils revendent et ceux des services qu'ils commercialisent implique celle de pouvoir les proposer à titre gratuit aux consommateurs sans que leurs fournisseurs y fassent obstacle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le groupe M6, éditeur de services de télévision, avait indiqué le 30 octobre 2017 à la société Molotov que tout nouvel accord de distribution entre eux devrait s'insérer dans le cadre des conditions générales de distribution, lesquelles renfermaient une clause dite de « paywall » par laquelle le groupe M6 exigeait de ses distributeurs qu'ils ne rendent les chaînes de la TNT en clair éditées par ce groupe accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair et de leurs services de rattrapage ; qu'il ressortait en outre d'un courriel du 29 décembre 2017 que le groupe M6 avait précisé que « les montants des abonnements facturés [aux consommateurs] par Molotov pour l'accès aux Bouquets Payants ne pourront pas être assimilables à des offres gratuites et doivent permettre de préserver la valeur et l'attractivité des chaînes vis-à-vis de l'ensemble des distributeurs » ; qu'en jugeant qu'une telle clause ne pouvait être assimilée à l'imposition prohibée d'un prix minimal, cependant qu'elle constatait que son effet était d'empêcher que le distributeur ne distribue gratuitement par internet les chaînes gratuites de la TNT, ce qui revenait donc à lui imposer indirectement un prix minimal de distribution, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 2) ALORS, en outre, QU'IL appartient au juge judiciaire, à titre de mesure préventive de comportements illicites, d'annuler ou de réputer non écrites les clauses figurant dans les conditions générales d'un opérateur économique qui, dans l'hypothèse où ses distributeurs consentiraient à s'y soumettre, constitueraient des restrictions verticales caractérisées tombant sous le coup de la prohibition des ententes édictées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'il résulte des textes susvisées que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, étant précisé que l'article 4 du Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, § 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour les fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations par l'une des parties ; que, pour écarter le moyen par lequel la société Molotov faisait valoir que la clause dite de « paywall » figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 encourait la nullité en ce qu'elle constituait une restriction verticale contraire aux articles L.420-1 du code du commerce et 101 TFUE, la cour d'appel retient que dans sa décision n° 20-D-08 du 30 avril 2020, l'Autorité de la concurrence a rejeté la saisine de la société Molotov au motif qu'elle n'apportait pas d'éléments suffisamment probants ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que, dans la décision précitée, l'Autorité n'avait écarté l'existence d'une entente verticale qu'en raison du fait que les conditions générales de distribution du groupe M6 avaient été établies de manière unilatérale par celui-ci et n'avaient fait l'objet d'aucun accord explicite ou tacite par Molotov, de sorte qu'aucun accord de volonté constitutif d'une entente verticale n'était constitué, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, l'entachant ainsi d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ; 3) ALORS, ensuite et en toute hypothèse, QUE le constat de ce qu'une clause des conditions générales de distribution d'un fournisseur de biens ou de services ne tombe pas sous le coup de la prohibition édictée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce ne suffit pas à en assurer la licéité au regard des articles L.420-1 du code du commerce et 101 TFUE ; qu'il résulte de ces deux derniers textes que sont notamment prohibées les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, tandis que l'article 4 du règlement d'exemption n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 exclut du champ d'application de l'exemption les accords verticaux comportant des restrictions verticales caractérisées et notamment ceux ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité des distributeurs de déterminer leurs prix de vente ; qu'en jugeant que la clause dite de « paywall » figurant dans les conditions générales de distribution du groupe M6 ne pouvait être qualifiée de restriction verticale caractérisée au sens des articles L.420-1 du code du commerce et 101 TFUE et du règlement d'exemption de la Commission du 20 avril 2010 dès lors qu'elle ne constituait pas une pratique prohibée par l'article L. 442-5 (devenu L. 442-6) du code de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Molotov fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes. 1) ALORS QUE le droit voisin du droit d'auteur dont un éditeur de services de communication audiovisuelle est titulaire sur les chaînes de télévision qu'il édite ne le dispense pas du devoir de se conformer aux prescriptions de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce dans ses rapports avec les distributeurs et ne justifie en rien d'apprécier plus strictement en cette matière qu'en d'autres la notion de déséquilibre significatif, ni même de reculer le seuil de significativité du déséquilibre entre les droits et obligations des parties ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6ter) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; que, pour juger qu'en formulant une telle exigence à l'égard de la société Molotov, le groupe M6 n'avait pas enfreint les dispositions de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce, la cour d'appel retient que cette exigence « doit être appréciée (...) en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause », que, par la clause litigieuse, le groupe M6 demande essentiellement que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante et qu'il s'agit là seulement de la mise en oeuvre, selon une modalité non dépourvue de contrepartie pour la société Molotov, des droits conférés à la société Métropole télévision en vertu de l'article L.216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise de communication audiovisuelle exploitant un service de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée ; qu'en se prononçant par de tels motifs, laissant apparaître que la nature du droit de l'éditeur de chaînes de télévision aurait commandé, en la matière, une appréciation restrictive de la notion de la déséquilibre significatif, la cour d'appel a violé l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause. 2) ALORS QUE caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'il apparaît qu'une telle exigence ne trouve pas de contrepartie dans un engagement réciproque que l'éditeur aurait souscrit de s'interdire de rendre lui-même ces chaînes de télévision accessibles gratuitement sur son propre site internet ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6ter) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait, toutes autres conditions demeurant égales par ailleurs, subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; qu'en jugeant qu'une telle exigence n'était pas de nature à placer le distributeur en situation d'assumer une obligation sans contrepartie et ne caractérisait aucune autre forme de déséquilibre significatif, sans identifier de contrepartie spécifique qui aurait été offerte à la société Molotov en échange de cet engagement nouveau s'ajoutant à son obligation de payer le prix convenu, ni d'engagement réciproque et symétrique qu'aurait souscrit le groupe M6 de s'interdire lui-même de rendre les chaînes en cause accessibles gratuitement sur son propre site internet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce. 3) ALORS, en outre, QUE caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'une telle exigence, qui entrave la capacité du distributeur de déterminer librement son modèle d'affaires, ne repose sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes de télévision ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir que cette exigence nouvelle formulée par le groupe M6, de nature à modifier en profondeur son modèle économique et à menacer la pérennité même de son exploitation, ne reposait sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes, lesquelles demeuraient diffusées gratuitement, tant sur le réseau public hertzien que sur internet par le groupe M6 lui-même au travers de son propre site Internet ; que pour juger qu'une telle exigence n'était pas de nature à caractériser un déséquilibre significatif, la cour d'appel retient que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaire "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans caractériser un motif économique légitime qui aurait pu justifier une telle entrave au libre choix par la société Molotov de son modèle d'affaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce. 4) ALORS, enfin, QUE la société Molotov rappelait dans ses écritures, qu'après avoir stipulé dans leur contrat initial conclu en 2015 que les chaînes de la TNT en clair éditées par le groupe M6 seraient distribuées au sein d'une offre gratuite pour le consommateur, puis lui avoir indiqué, le 30 octobre 2017, qu'il subordonnerait désormais tout nouvel accord de distribution à l'exigence que le distributeur ne rende ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, le groupe M6 avait, les 29 décembre 2017 et 13 février 2018, précisé que, dans l'hypothèse où le groupe TF1 autoriserait la société Molotov à distribuer ses propres chaînes au sein d'offres gratuites, il se réserverait lui-même la faculté discrétionnaire de changer d'avis et d'imposer à la société Molotov, moyennant un simple préavis de six mois, le retour des chaînes de la TNT en clair au sein d'une offre gratuite ; qu'après avoir elle-même constaté que « compte tenu du nombre limité d'acteurs susceptibles de conférer des droits sur le chaînes en clair de la TNT susceptible de lui permettre de constituer les bouquets de son offre "freemium", il doit être reconnu en l'espèce l'existence d'un rapport de force au détriment de la société Molotov, qui dépend dans une large mesure de la société Métropole télévision laquelle, par l'adoption de la clause 3.1 de ses CGD a fait nécessairement perdre beaucoup d'intérêt du public pour ce type d'offre, par la nécessité de renoncer aux importantes chaînes en clair du Groupe M6 », la cour d'appel a néanmoins considéré que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pérennité du modèle d'affaire "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ne résultait pas de la volonté du groupe M6 de placer la société Molotov en situation de devoir de manière incessante adapter son modèle économique à ses décisions unilatérales et potestatives et de la précarité qui en résultait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.442-6, I, 2e du code de commerce. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Molotov fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes. 1) ALORS QU'IL résulte de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa version applicable au litige que le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure l'égalité de traitement, veille à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique, tandis que l'article 96-1 de la même loi dispose que les services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique sont diffusés ou distribués gratuitement auprès de 100 % de la population du territoire métropolitain ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir dans ses écritures que la clause dite de « paywall » des conditions générales de distribution du groupe M6, par laquelle ce dernier exigeait, au sujet de ses chaînes de la TNT conventionnées par le CSA en tant que chaînes gratuites, l'engagement de ne les rendre accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, contrevenait aux principes précités d'égalité de traitement, de neutralité technologique et de gratuité de la distribution des chaînes de télévision en clair ; qu'elle soulignait qu'en obligeant les utilisateurs de la plate-forme Molotov à payer un abonnement spécifique pour des chaînes pour lesquelles le groupe M6 s'est engagé envers le CSA à ne pas réclamer de paiement de la part des usagers lorsqu'elles sont diffusées en hertzien terrestre, celui-ci traitait différemment deux modes de transmission ne différant que par la technologie et discriminait ainsi la transmission par fil de cuivre ou optique par rapport à celle par les ondes hertziennes ; qu'en se bornant à énoncer qu'il ne résulte des dispositions de la loi du 30 septembre 2006, à la charge de l'éditeur privé du service gratuit M6, aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par toute autre moyen que la voie hertzienne, que ce soit par satellite ou par internet, pour en déduire qu'il n'était nullement démontré que la société Molotov ait été traitée par le groupe M6 « de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier de la conformité de la clause litigieuse au regard des articles 3-1 et 96-1 de la loi du 30 septembre 1986 et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. 2) ALORS, ensuite, QUE la société Molotov soulignait qu'en tout état de cause, le groupe M6 avait bien accepté que les fournisseurs d'accès à internet ne subordonnent pas l'accès aux chaînes du groupe M6 à la souscription d'un abonnement à un bouquet payant de chaînes de télévision ; Qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était nullement démontré par la société Molotov qu'elle ait été traitée par la société Métropole télévision de manière discriminatoire dans la mise en oeuvre de la clause litigieuse, sans analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats par la société Molotov desquelles il ressortait qu'au titre du service « la télévision d'Orange », l'opérateur éponyme ne facture aucun montant récurrent en relation même indirecte avec un contenu, mais se contente de demander le versement d'une caution pour la mise à disposition de son décodeur TV, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 IRRECEVABILITE Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 676 F-D Pourvoi n° A 22-13.290 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 Par mémoire spécial présenté le 11 juillet 2022, 1°/ M. [U] [O], domicilié [Adresse 2], 2°/ Mme [C] [Y], domiciliée [Adresse 1], ont formulé deux questions prioritaires de constitutionnalité (n° 1057) à l'occasion du pourvoi n° A 22-13.290 formé contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans une instance l'opposant à : 1°/ la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [X], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Y] équipement hôtelier, 2°/ la société Etude [K] & Guyonnet, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [K], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Y] équipement hôtelier, 3°/ la procureure générale près la cour d'appel de Chambéry, domiciliée en son parquet général, place du Palais de justice, 73000 Chambéry. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [O] et de Mme [Y], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés BTSG² et Etude [K] & Guyonnet, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 1. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Chambéry (n° RG 21/00633), Mme [Y] et M. [O] ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ Le 2e alinéa de l'article L. 621-9 du code de commerce qui, selon sa portée effective telle qu'elle résulte d'une interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation, autorise le technicien désigné par le juge-commissaire à établir et remettre son rapport sans avoir à respecter le principe du contradictoire, est-il conforme au principe du respect des droits de la défense garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? 2°/ Le 2e alinéa de l'article L. 621-9 du code de commerce qui, selon sa portée effective telle qu'elle résulte d'une interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation, autorise le technicien désigné par le juge-commissaire à établir et remettre son rapport sans avoir à respecter le principe du contradictoire, est-il conforme au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 2. Selon l'article L. 621-9, alinéa 2, du code de commerce, lorsque la désignation d'un technicien est nécessaire, seul le juge-commissaire peut y procéder en vue d'une mission qu'il détermine, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l'article L. 621-4 de désigner un ou plusieurs experts. 3. Tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la juridiction suprême compétente. 4. Cependant, il n'existe pas de jurisprudence constante selon laquelle l'article L. 621-9, alinéa 2, du code de commerce serait interprété comme autorisant le technicien désigné par le juge-commissaire à établir et remettre son rapport sans avoir à respecter le principe du contradictoire. En effet, si la Cour de cassation juge que la mission que le juge-commissaire peut confier à un technicien n'est pas une mission d'expertise judiciaire soumise aux règles du code de procédure civile et n'exige donc pas l'observation d'une contradiction permanente dans l'exécution des investigations, elle s'assure de l'association du débiteur ou du dirigeant aux opérations du technicien. (Com., 22 mars 2016, pourvoi n° 14-19.915, Bull. 2016, IV, n° 45 ; Com., 23 avril 2013, pourvoi n° 12-13.256, rectifié le 9 juillet 2013). 5. En conséquence, les questions ne sont pas recevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DECLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux.
CASS/JURITEXT000046389138.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Cassation partielle et cassation partielle sans renvoi M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 566 F-B Pourvoi n° Z 21-12.250 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 1°/ M. [G] [N], domicilié [Adresse 5], 2°/ la société [G] et [U] [N], société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est [Adresse 5], 3°/ la société MJ associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée la société [E] [H], en la personne de Mme [E] [H], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [G] et [U] [N], ont formé le pourvoi n° Z 21-12.250 contre l'arrêt rendu le 5 février 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile) et l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Entreprise dijonnaise, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 9], 2°/ à M. [R] [T], domicilié [Adresse 2], mandataire judiciaire, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Entreprise dijonnaise, 3°/ à la société RGA expertise & audit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 4°/ à M. [K] [Z], domicilié [Adresse 3], 5°/ à la société Cléon Martin Broichot & associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], 6°/ à M. [A] [L], domicilié [Adresse 4], 7°/ à M. [O] [I], domicilié [Adresse 7], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [N], de la société [G] et [U] [N] et de la société MJ associés, ès qualités, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société RGA expertise & audit, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Cléon Martin Broichot & associés, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Z], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [T], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Dijon, 5 février 2019 et 17 décembre 2020), la société Entreprise dijonnaise (la société ED), détenue par la société holding [G] et [U] [N] (la société BRG), avait pour dirigeants MM. [N], président du conseil d'administration et directeur général, et [I], directeur général délégué. 2. Le 10 juin 2014, la société holding Carpe Diem, dirigée par M. [X], a fait l'acquisition des parts sociales de la société ED, M. [X] devenant président directeur général de celle-ci, tandis que MM. [N] et [I] démissionnaient de leurs fonctions. 3. Le 28 novembre 2014, M. [X] a déclaré la cessation des paiements de la société ED qui, par un jugement du 2 décembre 2014, a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 31 décembre 2013. 4. Le 3 avril 2015, l'administrateur judiciaire a assigné la société ED, MM. [N] et [I], en leur qualité d'anciens dirigeants de la société débitrice, et la société BRG en report de la date de cessation des paiements au 2 juin 2013. 5. La procédure collective ayant été convertie en liquidation judiciaire le 24 avril 2015, le liquidateur de la société ED, M. [T], a repris cette action. 6. Le 15 avril 2016, M. [N] a appelé en intervention forcée, à l'instance en report, M. [Z] et la société RGA expertise & audit (la société RGA), en leur qualité de commissaires aux comptes de la société débitrice, la société Cléon Martin Broichot et associés (la société Cléon), en qualité d'expert-comptable de la société débitrice, M. [L], en qualité de conciliateur puis de mandataire ad hoc de la société débitrice, afin que le jugement leur soit déclaré opposable. La jonction des procédures a été ordonnée. 7. Un jugement du 31 janvier 2017 a, notamment, déclaré irrecevables ces interventions forcées et rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements. 8. La société ED a relevé appel principal de ce jugement, en intimant son liquidateur, M. [N], la société BRG, la société [E] [H] en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière, et le ministère public. 9. Sur cet appel principal, le liquidateur a formé un appel incident et M. [N] un appel provoqué, après que ce dernier a de nouveau assigné en intervention forcée les personnes ci-dessus nommées, afin que la décision à intervenir leur soit rendue commune et opposable. 10. Le liquidateur a également relevé appel principal de ce jugement, en intimant la société débitrice ED, M. [N], ainsi que la société BRG et son mandataire judiciaire, la société [E] [H], qui est devenue la société MJ associés puis a été nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société. 11. Les deux procédures d'appel ont été jointes. 12. Le premier arrêt attaqué, infirmant une ordonnance du conseiller de la mise en état, déclare recevables l'appel principal formé par la société ED, les appels incident et provoqué consécutifs à cet appel, et l'appel principal formé par le liquidateur de cette société. 13. Le second arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, reporte la date de cessation des paiements de la société ED au 2 juin 2013. Examen des moyens Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexés 14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 15. M. [N], la société BRG et le commissaire à l'exécution du plan de celle-ci font grief au premier arrêt de déclarer recevables l'appel principal formé par la société ED et, en conséquence, celui interjeté par le liquidateur de cette société et ceux incident et provoqué consécutifs à l'appel principal, alors « que le débiteur en procédure collective, qui ne peut agir à titre principal pour faire fixer la date de la cessation des paiements, ne dispose que d'un droit propre à défendre à une action en report de la date de cessation des paiements ; que si ce droit propre inclut celui de faire appel du jugement ayant statué sur une demande de report, il ne permet pas au débiteur de faire appel de la décision ayant rejeté l'action en report de la date de cessation des paiements, un tel appel ne permettant pas de défendre à l'action ; qu'en retenant en l'espèce que la société Entreprise dijonnaise était recevable à interjeter appel du jugement ayant débouté le liquidateur judiciaire de sa demande de report de la date de cessation des paiements, en vertu de son droit propre à défendre à cette action, cependant que ladite action ayant été rejetée par le jugement de première instance, cet appel ne permettait en conséquence pas à la société Entreprise dijonnaise de mettre en oeuvre son droit propre à défendre à une telle action, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce : 16. Selon ces textes, seuls ont qualité à agir en report de la date de cessation des paiements l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur, ou le ministère public, à l'exclusion du débiteur, qui ne peut donc agir à titre principal à cette fin et ne dispose, lorsqu'il est mis en liquidation judiciaire, que d'un droit propre à défendre à l'action. Il en résulte que le débiteur ne peut former un appel principal contre un jugement qui rejette la demande de report de la date de cessation des paiements formée par l'une des parties qui a qualité pour ce faire. 17. Pour déclarer recevable l'appel principal formé par la société ED, le premier arrêt retient qu'il résulte du jugement entrepris que cette société n'a pas défendu à l'action en report de la date de cessation des paiements intentée par son liquidateur, de sorte qu'elle est recevable, en vertu de son droit propre à défendre à une telle action, à interjeter appel de ce jugement. 18. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le jugement frappé d'appel par la société débitrice avait rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par son mandataire puis reprise par son liquidateur, peu important que la débitrice, régulièrement appelée en cause, n'ait pas comparu en première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 19. M. [N], la société BRG et le commissaire à l'exécution du plan de celle-ci font grief au second arrêt de reporter au 2 juin 2013 la date de cessation des paiements de la société ED et de les condamner à payer à cette dernière et à son liquidateur des indemnités de procédure, alors « que la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que cette impossibilité doit être précisément caractérisée à la date de la cessation des paiements retenue, le juge devant se fonder sur des éléments contemporains de cette date, sans pouvoir justifier sa décision au regard d'un état du passif exigible et de l'actif disponible soit antérieur, soit postérieur à la date retenue ; qu'en l'espèce, pour reporter la date de la cessation des paiements de la société Entreprise dijonnaise au 2 juin 2013, soit dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la procédure du 2 décembre 2014, la cour d'appel s'est fondée sur l'état du passif exigible et de l'actif disponible de la société débitrice au 31 décembre 2012, en relevant notamment que "concernant la situation de l'actif réalisable et du passif exigible de la seule société ED" "au 31 décembre 2012", "l'actif réalisable s'établissait à 10 574 K euros pour un passif exigible de 13 355 K euros, soit une insuffisance d'actif circulant de - 2 781 K€", qu'"il existe une situation financière obérée à fin 2012" et que "la situation de ED était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013" ; qu'en concluant qu' "il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à tort les premiers juges ont rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par M. [T] ès qualités, et qu'il convient de faire droit à cette requête en fixant cette date du 2 juin 2013", sans jamais indiquer quels étaient l'actif disponible et le passif exigible de la société Entreprise dijonnaise à la date du 2 juin 2013, et en déduisant l'état de cessation des paiements de l'entreprise d'éléments non contemporains de la date retenue, et en outre majoritairement antérieurs aux mesures de restructuration mises en oeuvre par M. [N] dès le second semestre 2012 et durant tout le premier semestre 2013, avec notamment la conclusion d'un protocole d'accord constaté par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon du 7 mai 2013, à l'issue d'une procédure de conciliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 631-1, alinéa 1er, L. 631-8, alinéa 2, et L. 641-1, IV du code de commerce : 20. Il résulte de la combinaison de ces textes que la date de cessation des paiements, qui est fixée en liquidation judiciaire comme en matière de redressement judiciaire, ne peut être reportée qu'au jour où le débiteur était déjà dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le juge saisi d'une demande de report doit donc, pour apprécier cette situation, se placer, non au jour où il statue, mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements. 21. Pour reporter la date de cessation des paiements de la société ED au 2 juin 2013, le second arrêt, après avoir reproduit une partie des constatations figurant dans le rapport établi par M. [W], technicien désigné par le juge-commissaire, constate, d'abord, que, selon ce technicien, la situation de la société débitrice était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et que cette société se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013, que les trois moratoires successifs accordés par la CCSF en avril 2013, janvier 2014 et juin 2014 ont eu pour seule conséquence une augmentation régulière des dettes fiscales et sociales, dans la mesure où le premier moratoire a permis de geler 1 418 000 euros de dettes qui ont atteint 1 780 000 euros en juin 2014, et où l'échéance de 100 000 euros qui devait être versée en mars 2014 n'a pas été honorée, ce qui confirme l'état de cessation des paiements. 22. L'arrêt constate, ensuite, au vu du rapport établi le 21 octobre 2013 par le cabinet Grant Thornton, que ce dernier conclut qu'il existait une situation financière obérée à fin de l'année 2012, que la dégradation s'est accentuée au premier semestre 2013 avec des fonds propres négatifs de 1,5 millions d'euros, et que « de fait la société pourrait se trouver en état de cessation des paiements en cas de mise en demeure de régler des dettes sociales échues (0,6 millions hors CCSF au 30 juin 2013) et/ou de dettes fournisseurs échues estimées à 1,2 millions d'euros (ce point restant à parfaire). » 23. L'arrêt retient, en outre, que M. [W] ne s'est pas contenté d'une simple analyse des pièces comptables de la société ED, puisqu'il joint à son rapport un document interne portant sur la trésorerie réelle jusqu'à fin mai 2012 et faisant apparaître, déjà en janvier 2012, un retard de paiement des fournisseurs de 584 000 euros et de 1 255 000 euros en mai 2012, ce qui semble corroborer les conclusions du cabinet Grant Thornton. L'arrêt ajoute que M. [W] a détaillé l'ensemble des assignations et relances adressées à la société débitrice au cours du second semestre 2012, ces procédures portant sur 440 321,92 euros et concernant des factures datées de mars à décembre 2012, et qu'il a également analysé les mises en demeure, relances, traites et chèques rejetés au cours du premier semestre 2013 concernant des fournisseurs impayés depuis plusieurs mois pour un montant total de 624 663,06 euros. L'arrêt précise encore que M. [W] s'est livré à l'analyse de l'évolution des dettes fiscales et sociales de la société ED, ce dont il ressort notamment qu'en 2013, les précomptes salariaux n'étaient pas payés à leur date d'exigibilité, que les soldes dûs à l'URSSAF, échus depuis plusieurs mois, atteignaient 971 000 euros le 30 avril 2013 et 826 000 euros le 31 mai suivant, les échéanciers accordés n'étant pas respectés, et que l'URSSAF a déclaré au passif une créance de 1 520 000 euros, dont 521 000 euros correspondent à des dettes antérieures au mois de juin 2013 et impayées au jour de l'ouverture de la procédure collective. 24. L'arrêt retient par ailleurs que, s'agissant des concours bancaires invoqués par M. [N] et la société BRG, le cabinet Grant Thornton relève que, dès la fin de 2012, la trésorerie de la société ED était proche du maximum autorisé, soit de 2 millions d'euros, qu'au 30 juin 2013, les retards de règlement atteignaient 2 678 000 d'euros, que concernant les avances de trésorerie consenties par OSEO sur les chantiers publics, notamment pour un montant de 346 000 euros au cours du seul second trimestre 2013, le seul fait que la société ED les ait sollicitées est symptomatique d'un état de cessation des paiements, puisqu'elles ne s'expliquent que par une recherche de trésorerie, et que s'agissant, enfin, des fonds provenant de la vente du siège social de la société ED, M. [N] et la société BRG indiquent eux-mêmes que cette dernière a remis à la société débitrice la somme totale de 985 000 euros, ce qui lui a permis de procéder à divers paiements de dettes, de sorte que ces fonds ne constituent plus un actif disponible. 25. L'arrêt retient, enfin, que le fait que la société ED ait bénéficié d'aides postérieurement au mois de juin 2013 et de procédures de conciliation, y compris en juillet 2014, est indifférent. 26. L'arrêt déduit de l'ensemble de ces éléments qu'il convient de reporter la date de cessation des paiements au 2 juin 2013. 27. En statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'état de cessation des paiements à la date du 2 juin 2013 qu'elle retenait, en l'absence de toute précision quant à l'actif disponible et au passif exigible à cette date, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 28. En premier lieu, même si le litige sur la fixation de la date de cessation des paiements, qui ne peut être qu'unique, est par nature indivisible au sens des articles 552 et 553 du code de procédure civile, la cassation du premier arrêt sur le fondement du premier moyen, lequel ne critique que la recevabilité de l'appel principal formé par la société ED, n'est pas, à elle seule, de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel incident du liquidateur, ni celle de l'appel provoqué de M. [N], pas plus que celle de l'appel principal du liquidateur, dès lors que les arrêts attaqués ne comportent aucune précision quant au point de départ des délais pour former ces appels et à la date à laquelle ces appels ont été formés. 29. La portée de la cassation du premier arrêt étant donc limitée à l'irrecevabilité de l'appel principal formé par la société ED, la première branche du troisième moyen, qui se prévaut d'une cassation du second arrêt par voie de conséquence, n'est pas fondée, en l'absence d'éléments permettant d'affirmer que les autres appels sont, eux aussi, irrecevables. 30. En second lieu, ainsi que le proposent les demandeurs au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 31. La cassation partielle prononcée à l'égard du premier arrêt n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur la recevabilité de l'appel principal formé par la société ED. Demande de mise hors de cause 32. Il y a lieu de mettre hors de cause M. [Z], la société RGA et la société Cléon, dont la présence devant la cour de renvoi n'est pas nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'appel principal de la société Entreprise dijonnaise, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Dit n'y avoir lieu à renvoi sur ce point ; Déclare irrecevable l'appel principal formé par la société Entreprise dijonnaise contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 31 janvier 2017 (RG n° 2015 003581) ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement entrepris qui a débouté M. [T], en qualité de liquidateur de la société Entreprise dijonnaise, de l'ensemble de ses prétentions, en ce qu'il reporte la date de cessation des paiements de cette société au 2 juin 2013, en ce qu'il ordonne la publicité de l'arrêt, en ce qu'il statue sur les dépens et en ce qu'il condamne M. [N], la société [G] et [U] [N] et la société MJ associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette dernière, à payer à M. [T], ès qualités, et à la société Entreprise dijonnaise des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Met hors de cause M. [Z], la société RGA expertise & audit, et la société Cléon Martin Broichot & associés ; Condamne M. [T], en qualité de liquidateur de la société Entreprise dijonnaise, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [T], ès qualités, et par M. [N], la société [G] et [U] [N] et la société MJ associés, cette dernière en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [G] et [U] [N], et condamne M. [N] à payer à M. [Z], à la société RGA expertise & audit, à la société Cléon Martin Broichot & associés et à M. [L], la somme de 3 000 euros chacun ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour M. [N], la société [G] et [U] [N] et la société MJ associés, en la personne de Mme [E] [H], agissant en qualité de commissaire à l'éxécution du plan de redressement de la société [G] et [U] [N]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [N], la société BRG et la société MJ & Associés, ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BRG, font grief à l'arrêt attaqué du 5 février 2019, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré recevables l'appel principal formé par la société Entreprise Dijonnaise, ainsi qu'en conséquence celui interjeté par Me [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Entreprise Dijonnaise et ceux incident et provoqué consécutifs à l'appel principal ; ALORS QUE le débiteur en procédure collective, qui ne peut agir à titre principal pour faire fixer la date de la cessation des paiements, ne dispose que d'un droit propre à défendre à une action en report de la date de cessation des paiements ; que si ce droit propre inclut celui de faire appel du jugement ayant statué sur une demande de report, il ne permet pas au débiteur de faire appel de la décision ayant rejeté l'action en report de la date de cessation des paiements, un tel appel ne permettant pas de défendre à l'action ; qu'en retenant en l'espèce que la société Entreprise Dijonnaise était recevable à interjeter appel du jugement ayant débouté le liquidateur judiciaire de sa demande de report de la date de cessation des paiements, en vertu de son droit propre à défendre à cette action, cependant que ladite action ayant été rejetée par le jugement de première instance, cet appel ne permettait en conséquence pas à la société Entreprise Dijonnaise de mettre en oeuvre son droit propre à défendre à une telle action, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du Code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [N], la société BRG et la société MJ & Associés, ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BRG, font grief à l'arrêt attaqué du 17 décembre 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes d'intervention forcée formées par M. [N] à l'encontre de MM. [Z] et [I], de la société RGA, de la société Cléon Martin Broichot et Associés et de M. [L] ; ALORS QU'un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement ; que l'intérêt de la partie agissant en intervention forcée aux fins de déclaration de jugement commun est établi lorsque cette partie dispose contre le tiers d'un droit d'agir au principal qui lui confère un intérêt à se prévaloir à son encontre de l'autorité de la décision rendue ; que tel est le cas de l'ancien dirigeant d'une société en liquidation judiciaire, attrait dans une instance en report de la date de la cessation des paiements de celle-ci, qui a un intérêt à voir déclarer commun le jugement à intervenir sur cette date aux différentes personnes l'ayant assisté dans sa gestion de la société et susceptibles d'engager leur responsabilité à ce titre ; que la publication de ce jugement, qui a exclusivement lieu en cas de report de la date de cessation des paiements, ne peut priver l'ancien dirigeant de son intérêt à agir en intervention forcée, le jugement pouvant également rejeter la demande de report, et ne faire dans ce cas l'objet d'aucune publication de nature à le rendre opposable aux tiers ; qu'en retenant en l'espèce, pour décider que M. [N] ne justifiait d'aucun intérêt à mettre en cause, dans l'instance contentieuse sur le report de la date de la cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise, les différents intervenants l'ayant assisté dans sa gestion de cette société, que « si la date de cessation des paiements est modifiée à l'issue de la présente procédure, la décision sera, par application des dispositions du code de commerce, mentionnée au registre du commerce et des sociétés auprès duquel la SA Entreprise Dijonnaise est immatriculée, et sera également publiée au BODACC, cette publication le rendant opposable aux tiers », cependant que, dans l'hypothèse inverse, la décision ne ferait l'objet d'aucune publication, ce qui suffisait à établir l'intérêt de M. [N] à mettre en cause les personnes visées aux fins de déclaration de jugement commun, la cour d'appel a violé l'article 331, alinéa 2, du Code de procédure civile. TROISIEME ET DERNIER MOYEN DE CASSATION M. [N], la société BRG et la société MJ & Associés, ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BRG, font grief à l'arrêt attaqué du 17 décembre 2020, infirmatif de ce chef, d'avoir reporté au 2 juin 2013 la date de cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise et de les avoir condamnés à verser à Me [T], ès-qualités de liquidateur de la société Entreprise Dijonnaise, et à cette dernière la somme de 2.000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles ; 1°/ ALORS QUE, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir, sur le premier moyen de cassation, de l'arrêt du 5 février 2019 ayant déclaré à tort recevables les appels interjetés à l'encontre du jugement du 31 janvier 2017, entrainera par voie de conséquence celle de l'arrêt du 17 décembre 2020, qui a statué au fond ; 2°/ ALORS QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que cette impossibilité doit être précisément caractérisée à la date de la cessation des paiements retenue, le juge devant se fonder sur des éléments contemporains de cette date, sans pouvoir justifier sa décision au regard d'un état du passif exigible et de l'actif disponible soit antérieur, soit postérieur à la date retenue ; qu'en l'espèce, pour reporter la date de la cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise au 2 juin 2013, soit dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la procédure du 2 décembre 2014, la cour d'appel s'est fondée sur l'état du passif exigible et de l'actif disponible de la société débitrice au 31 décembre 2012, en relevant notamment que « concernant la situation de l'actif réalisable et du passif exigible de la seule société ED » « au 31 décembre 2012 », « l'actif réalisable s'établissait à 10 574 K€ pour un passif exigible de 13 355 K€, soit une insuffisance d'actif circulant de - 2 781 K€ », qu'« il existe une situation financière obérée à fin 2012 » et que « la situation de ED était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013 » ; qu'en concluant qu'« il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à tort les premiers juges ont rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par Me [T] ès-qualité, et qu'il convient de faire droit à cette requête en fixant cette date du 2 juin 2013 », sans jamais indiquer quels étaient l'actif disponible et le passif exigible de la société Entreprise Dijonnaise à la date du 2 juin 2013, et en déduisant l'état de cessation des paiements de l'entreprise d'éléments non contemporains de la date retenue, et en outre majoritairement antérieurs aux mesures de restructuration mises en oeuvre par M. [N] dès le second semestre 2012 et durant tout le premier semestre 2013, avec notamment la conclusion d'un protocole d'accord constaté par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon du 7 mai 2013, à l'issue d'une procédure de conciliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 3°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que les sommes pour lesquelles le débiteur bénéficie de moratoires de paiement de la part de ses créanciers ne doivent pas être prises en compte dans le passif exigible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté l'existence de moratoires de paiement accordés à la société Entreprise Dijonnaise par ses créanciers, en relevant que « les retards de règlement des dettes fiscales et sociales ont régulièrement progressé, conduisant la CCSF à accorder en avril 2013 un premier moratoire pour 1 418 K€ », que « les trois moratoires successifs accordés par la CCSF en avril 2013, janvier 2014 et juin 2014 ont eu pour seule conséquence une augmentation régulière des dettes fiscales et sociales dans la mesure où le premier moratoire a permis de geler 1 418 K€ de dettes qui ont atteint 1 780 K€ en juin 2014 », « qu'il existe d'autres dettes sociales (0,6 M€ fin juin 2013) dont certaines d'entre elles ne font alors pas l'objet d'un moratoire amiable (PROBTP) » ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions d'appel des exposants, si la déduction des sommes bénéficiant de ces moratoires de paiement du montant du passif exigible ne permettait pas de conclure à l'absence de cessation des paiements de la société Entreprise Dijonnaise à la date du 2 juin 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 4°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que les réserves de crédit dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers ne doivent pas être prises en compte dans le passif exigible, peu important par ailleurs qu'elles puissent être ou non intégrées dans l'actif disponible à hauteur du montant non utilisé ; qu'en se bornant à énoncer en l'espèce que, « concernant les concours bancaires, le cabinet Grant Thornton lui-même relève que, dès la fin de 2012, la trésorerie de ED était proche du maximum autorisé de 2 M€ » et que ces réserves de crédit ne pouvaient dont être intégrées à l'actif disponible, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par les conclusions des exposants (p. 24) si, compte tenu de ces concours bancaires, les découverts bancaires à la clôture des comptes annuels, intégrés par le rapport de M. [W] dans le passif exigible, ne devaient pas au contraire en être exclus, faute de toute exigibilité à la date du 2 juin 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 5°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les conclusions d'appel des exposants faisaient valoir que la société Entreprise Dijonnaise bénéficiait de crédits fournisseurs de la part de ses cocontractants réguliers, comme les sociétés Dijon Béton et Doras, ce que le technicien a ignoré en intégrant les retards concernant ces fournisseurs dans le passif exigible (conclusions p. 40) ; qu'en décidant que la société Entreprise Dijonnaise était en cessation des paiements au 2 juin 2013, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les conclusions d'appel des exposants faisaient également valoir qu'un certain nombre des dettes fournisseurs de la société Entreprise Dijonnaise n'étaient pas exigibles, dans la mesure où elles revêtaient un caractère contentieux en conséquence de litiges avec les fournisseurs concernés, et que le technicien les avaient indûment prises en compte dans le passif exigible, comme pour le cas du retard fournisseur Sol Nove (conclusions, p. 40) ; qu'en décidant que la société Entreprise Dijonnaise était en cessation des paiements au 2 juin 2013, sans répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 7°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'une avance en compte courant, qui n'est pas bloquée ou dont le remboursement n'a pas été demandé, ne constitue pas un passif exigible supplémentaire ; qu'en retenant en l'espèce que « concernant enfin les fonds provenant de la vente du siège social de ED, les consorts [N] indiquent eux-mêmes que BRG a remis à ED au total 985 000 €, soit deux avances de 492 500 € chacune, qui ont été versées pour l'une sur le compte ouvert à la Caisse d'Epargne et pour l'autre sur son compte à la Banque Rhône-Alpes, que ces sommes lui ont permis de procéder à divers règlements de dettes, et que ces écritures ont été comptabilisées au crédit du compte-courant de BRG dans les livres de ED » et que « si ED a utilisé ces fonds pour payer des dettes, ils ne constituent plus un actif disponible, ce d'autant plus que, dès lors que ces 985 000 € figurent au crédit du compte-courant de BRG, ils correspondent non pas un actif, mais plutôt une dette pour ED », sans constater que le remboursement de ces avances avait été demandé, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce ; 8°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que les avances de trésorerie sont des réserves de crédit qui doivent être incluses dans l'actif disponible, sauf à ce qu'il soit établi qu'elles constituent un soutien anormal à la société débitrice, ayant pour seul but de maintenir artificiellement son activité et de retarder l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant en l'espèce, « quant aux avances de trésorerie consenties par OSEO sur les chantiers publics notamment pour un montant de 346 000 € au cours du seul second trimestre 2013, (que) le seul fait qu'ED les a sollicitées est symptomatique d'un état de cessation des paiements puisqu'elles ne s'expliquent que par une recherche de trésorerie », sans constater qu'il était établi que ces avances constituaient un soutien anormal à la société Entreprise Dijonnaise, ayant pour seul but de maintenir artificiellement son activité et de retarder l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du Code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 562 F-B Pourvoi n° U 20-21.441 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Balanca Investments Limited, dont le siège est [Adresse 4] (Gibraltar), a formé le pourvoi n° U 20-21.441 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [X] [L] [W], domiciliée [Adresse 3]), 2°/ à M. [C] [A] [L], domicilié [Adresse 2]), 3°/ à M. [R] [A] [L], domicilié [Adresse 1]), intervenant en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [B] [A] [Z], 4°/ à M. [U] [A] [Z], domicilié [Adresse 1]), défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Balanca Investments Limited, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [L] [W], de M. [C] [A] [L], de M. [R] [A] [L], tant en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [B] [A] [Z], et de M. [U] [A] [Z], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 2 septembre 2020), le 22 juin 2009, au cours d'une croisière sur le navire « Nine Moons », [H] [A] est décédé et Mme [X] [L] [W], son épouse, a été blessée. 2. Mme [X] [L] [W], M. [C] [A] [L], M. [U] [A] [Z] et M. [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur, [B] [A] [Z] (les consorts [A]-[L]) ont recherché la responsabilité de la société de droit britannique Balanca Investments Limited (la société Balanca) en qualité de propriétaire du voilier. 3. Par ordonnance du 26 janvier 2011, la société Balanca a été autorisée à constituer un fonds de limitation de responsabilité d'un montant initialement fixé à 166 500 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (DTS), dont la constitution a été constatée par ordonnance du 8 février 2012 pour le même montant en application de l'article 64 du décret du 27 octobre 1967, devenu L. 5121-10 du code des transports. 4. Le 24 juillet 2018, les consorts [A]-[L] ont assigné la société Balanca notamment en rétractation de ces ordonnances et en fixation du montant global de la limitation à 1 500 000 DTS. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Balanca fait grief à l'arrêt de rétracter les ordonnances sur requête rendues par le président du tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et de décider que le montant global de la limitation de responsabilité opposable à la société Balanca est fixé à 1 500 000 DTS, alors « que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter l'ordonnance sur requête qu'il a rendue ; que, lorsqu'il fait droit à la demande de rétractation, les mesures prises sur le fondement de l'ordonnance rétractée perdent leur fondement juridique, de sorte qu'elles sont entachées de nullité ; qu'en décidant néanmoins de rétracter les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 ayant institué un fonds de limitation de garantie, puis de porter le montant du fonds à hauteur de 1 500 000 DTS, la cour d'appel a violé l'article 497 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Après avoir rétracté les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012, la cour d'appel a dit que le montant global de la limitation de la responsabilité opposable par la société Balanca est de 1 500 000 DTS. 8. Le moyen qui fait grief à l'arrêt, non de statuer sur le montant de la limitation de responsabilité elle-même, comme a fait la cour d'appel, mais sur celui du fonds de limitation, le bénéfice de la limitation n'étant pas subordonné à la constitution du fonds et la cour d'appel ne se prononçant pas sur le montant de celui-ci, manque en fait. Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 9. La société Balanca fait le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ qu'aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, devant être notifiées au dépositaire, que son régime de limitation de la responsabilité s'applique à ses navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit préalablement notifier cette modification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007, entré en vigueur le 23 juillet 2007, avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la société Balanca, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que la modification du régime de responsabilité relative aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte que, prise en méconnaissance de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres, elle ne pouvait être appliquée en raison de sa contrariété avec ladite disposition conventionnelle, la cour d'appel a violé l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996 ; 3°/ que, subsidiairement, aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, que le régime de la limitation de la responsabilité s'applique aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit également notifier cette modification au dépositaire, de sorte que la disposition de droit national modifiant le régime de responsabilité dérogatoire précédemment instauré ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa notification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'il en résulte qu'aucune modification du régime de responsabilité dérogatoire n'a pu entrer en vigueur ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007 avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la société Balanca dès son entrée en vigueur le 23 juillet 2007, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que cette modification du régime de responsabilité dérogatoire n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte qu'elle n'était pas entrée en vigueur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996, et par fausse application, le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du Protocole. » Réponse de la Cour 10. Faisant application des dispositions des articles 58 et suivants de la loi du 3 janvier 1967, devenus les articles L. 5121-1 et suivants du code des transports, qui fixent les limites de la responsabilité en matière de créances maritimes en application de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 (la Convention), l'arrêt énonce que le montant des plafonds prévus dans la version originelle de cette convention pour les navires ne dépassant pas 500 unités de jauge est fixé par l'article 6 à 333 000 DTS pour les créances pour mort ou lésions corporelles et 167 000 DTS pour les autres créances et que la France, comme le permet la Convention, a choisi de réduire de moitié ces limitations pour les navires de moins de 300 unités. Il énonce ensuite que le protocole du 2 mai 1996 a modifié les limites de responsabilité selon les tonnages des navires, portant celles-ci à 2 000 000 de DTS pour les navires dont la jauge ne dépasse pas 2 000 tonneaux, s'agissant des créances pour mort et lésions corporelles, et à 1 000 000 de DTS s'agissant des autres créances, et que la France, ayant déposé les instruments de ratification du protocole le 24 avril 2007, celui-ci est entré en vigueur le 23 juillet 2007, date figurant dans le décret 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du protocole, rendant les nouvelles dispositions applicables sur le territoire national. 11. De ces énonciations, et dès lors que la modification du seuil, porté à 2 000 tonneaux par le protocole modificatif, qui inclut toujours les navires d'une jauge inférieure à 500, était sans incidence sur le calcul de la limitation de responsabilité, de sorte que la France n'avait aucune notification à adresser à l'Organisation maritime internationale, dépositaire de la convention, la cour d'appel en a exactement déduit que, conformément à l'article L. 5121-5, alinéa 2, du code des transports, les montants de la limitation de responsabilité sont, en l'espèce, de 1 000 000 DTS pour les créances pour mort et lésions corporelles et de 500 000 DTS pour les autres créances. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Balanca Investments Limited aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Balanca Investments Limited et la condamne à payer à Mme [X] [L] [W], M. [C] [A] [L], M. [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur, [B] [A] [Z], et M. [U] [A] [Z] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Balanca Investments Limited. PREMIER MOYEN DE CASSATION La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir examiné l'affaire hors la présence des parties, sans faculté pour celles-ci de s'y opposer, puis d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ; ALORS QUE, pendant la période comprise entre le 18 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience ; qu'il en informe alors les parties par tout moyen ; qu'à l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience ; que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête relève de la compétence exclusive du juge qui l'a rendue, lequel est saisi, non en référé, mais comme en matière de référé ; qu'en statuant néanmoins dans le cadre d'une audience sans plaidoiries, avec dépôt de dossiers, et ce, sans possibilité d'opposition offerte aux parties quant à ce choix, bien qu'elle n'ait aucunement statué en référé, mais en la forme des référés, la Cour d'appel a violé l'article 496, alinéa 2, du Code de procédure civile, ensemble l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable comme prescrite l'action formée par Madame [X] [L] [W], Monsieur [C] [A] [L], Monsieur [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure [B] [A] [Z], et Monsieur [U] [A] [Z], puis d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ; ALORS QUE les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître, de manière certaine, les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action exercée par un créancier tendant à obtenir la modification du montant du fonds de limitation est par conséquent soumise à la prescription quinquennale ; qu'en décidant néanmoins que l'action tendant à obtenir la modification du montant du fonds de limitation, constituée par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012, exercée par Madame [X] [L] [W], Monsieur [C] [A] [L], Monsieur [R] [A] [L], Madame [B] [A] [Z] et Monsieur [U] [A] [Z] le 24 juillet 2018, date de l'acte introductif d'instance, n'était soumise à aucun délai, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ; 1°) ALORS QUE le juge à la faculté de modifier ou de rétracter l'ordonnance sur requête qu'il a rendue ; que, lorsqu'il fait droit à la demande de rétractation, les mesures prises sur le fondement de l'ordonnance rétractée perdent leur fondement juridique, de sorte qu'elles sont entachées de nullité ; qu'en décidant néanmoins de rétracter les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 ayant institué un fonds de limitation de garantie, puis de porter le montant du fonds à hauteur de 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international, la Cour d'appel a violé l'article 497 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, devant être notifiées au dépositaire, que son régime de limitation de la responsabilité s'applique à ses navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit préalablement notifier cette modification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007, entré en vigueur le 23 juillet 2007, avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que la modification du régime de responsabilité relative aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte que, prise en méconnaissance de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres, elle ne pouvait être appliquée en raison de sa contrariété avec ladite disposition conventionnelle, la Cour d'appel a violé l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996 ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement, aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, que le régime de la limitation de la responsabilité s'applique aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit également notifier cette modification au dépositaire, de sorte que la disposition de droit national modifiant le régime de responsabilité dérogatoire précédemment instauré ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa notification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'il en résulte qu'aucune modification du régime de responsabilité dérogatoire n'a pu entrer en vigueur ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007 avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED dès son entrée en vigueur le 23 juillet 2007, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que cette modification du régime de responsabilité dérogatoire n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte qu'elle n'était pas entrée en vigueur, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996, et par fausse application, le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du Protocole.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 560 F-B Pourvoi n° H 21-13.108 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 M. [J] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-13.108 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 25 septembre 2019, pourvoi n° 18-15.655), la Société générale (la banque) a consenti le 3 mars 2005 à la Société de distribution du grand Bordeaux (la SDGB) une ouverture de crédit de 350 000 euros et un prêt de 800 000 euros, dont son dirigeant, M. [N], s'est rendu caution solidaire. 2. La SDGB ayant rencontré des difficultés financières, une procédure de conciliation a été ouverte et un protocole de conciliation du 28 avril 2008 a été homologué. A cette occasion, M. [N] a contracté de nouveaux engagements de cautionnement solidaire au profit de la banque. 3. L'accord de conciliation n'a pas été exécuté jusqu'à son terme et, après l'échec d'une nouvelle procédure de conciliation, la SDGB a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 18 janvier 2012, cette procédure collective étant convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 9 janvier 2013. 4. Après avoir déclaré sa créance qui a été admise, la banque a assigné, le 10 janvier 2014, M. [N] en paiement. Celui-ci a alors formé des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes réclamées au titre des cautionnements et à la compensation de leurs dettes respectives, en invoquant un comportement fautif de la banque à l'occasion de la nouvelle procédure de conciliation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. [N] fait grief à l'arrêt d'écarter des débats les pièces numéros 13, 17 et 18, et de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts et en compensation, alors « que l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes appelées à la procédure de conciliation ne s'applique qu'à l'égard des tiers, et non entre les parties à cette procédure ; qu'en retenant, pour écarter des débats les pièces n° 13, 17 et 18 produites par M. [N], consistant notamment en un mail de la Société générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer, que "les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité", quand M. [N], gérant de la Société de distribution du grand Bordeaux, était fondé à opposer à la Société générale le contenu de leurs échanges et son comportement dans le cadre de la conciliation, sans méconnaître l'obligation de confidentialité, la cour d'appel a violé l'article L. 611-15 du code de commerce. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 611-15 du code de commerce que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité. 8. Le moyen, qui postule que cette obligation ne s'applique qu'à l'égard des tiers et non entre les parties à la procédure et que M. [N], gérant de la SDGB, était fondé à opposer à la banque le contenu de leurs échanges pour rechercher sa responsabilité, manque en droit. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [N]. M. [N] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté des débats les pièces 13, 17 et 18 qu'il avait produites, et de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Société Générale, et de compensation ; 1° ALORS QUE l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes appelées à la procédure de conciliation ne s'applique qu'à l'égard des tiers, et non entre les parties à cette procédure ; qu'en retenant, pour écarter des débats les pièces n° 13, 17 et 18 produites par M. [N], consistant notamment en un mail de la Société Générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer, que « les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité » (arrêt, p. 7, al. 6), quand M. [N], gérant de la société de Distribution du Grand Bordeaux, était fondé à opposer à la Société Générale le contenu de leurs échanges et son comportement dans le cadre de la conciliation, sans méconnaître l'obligation de confidentialité, la cour d'appel a violé l'article L. 611-15 du code de commerce ; 2° ALORS QUE M. [N], dirigeant-caution, était en copie des échanges de mail intervenus entre le conciliateur et la Société Générale ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter des débats les pièces n° 13 et 17 produites par M. [N], consistant en un mail de la Société Générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer, que « les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité » (arrêt, p. 7, al. 6), quand il apparaissait clairement sur ces pièces que M. [N] était partie à ces échanges, qui n'étaient donc pas confidentiels à son égard, la cour d'appel a dénaturé ces pièces et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 3° ALORS QU'en toute hypothèse, une partie à un procès a le droit de se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves ; qu'en retenant, pour écarter des débats les pièces n° 13, 17 et 18 produites par M. [N], qu'elles étaient couvertes par la confidentialité de la procédure de conciliation, sans rechercher si ces productions n'étaient pas indispensables à l'exercice de son droit à la preuve et proportionnées aux intérêts en présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sur la violation de l'obligation de confidentialité d'un mandataire ad hoc, à rapprocher:Com., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-17.377, Bull. 2015, IV, n° 130
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 573 FS-B Pourvoi n° W 20-22.409 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022 1°/ La société Vergnet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Villa Florek, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [H] [C], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Vergnet, ont formé le pourvoi n° W 20-22.409 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant à la société Hydro Construction & Eng Co Ltd, dont le siège est [Adresse 3] (Éthiopie), défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Vergnet et de la société Villa Florek, ès qualités, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hydro Construction & Eng Co Ltd, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vaissette, Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 5 novembre 2020), dans le cadre d'un projet de construction d'un parc éolien en Ethiopie, la société Vergnet a conclu en 2009 avec la société éthiopienne Hydro Construction & Eng Co Ltd (la société Hydro) un contrat lui confiant la réalisation de travaux de forage et d'étanchéité. Ce contrat prévoyait en cas de litige le recours à la Cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (CCI), en son siège de Genève. 2. La société Vergnet ayant décidé de résilier par anticipation le contrat, la société Hydro, pour résoudre le conflit, a déposé une demande d'arbitrage le 18 avril 2013 auprès du secrétariat de la CCI aux fins de désignation d'un tribunal arbitral, puis, la société Vergnet se prévalant de l'application d'une clause contractuelle, elle a demandé la suspension de la procédure pour la désignation d'un "adjudicator". 3. La société Vergnet a été mise en redressement judiciaire le 30 août 2017, la société Villa, devenue la société Villa Florek, étant désignée en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan. Le 16 novembre 2017, la société Hydro a déclaré au passif une créance au titre d'une indemnité de résiliation du marché, qui a été contestée par la société débitrice. Par une ordonnance du 12 septembre 2018, le juge-commissaire a « renvoyé la société Hydro à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce ». L'ordonnance a été notifiée le 24 septembre 2018 à la société Hydro. 4. Le 10 octobre 2018, la société Hydro a demandé au secrétariat de la CCI la reprise de la procédure d'arbitrage. L'arbitre unique a été désigné le 28 novembre 2018. 5. Par ordonnance du 2 octobre 2019, le juge-commissaire, saisi par la société Vergnet, a prononcé la forclusion de la société Hydro et, en conséquence, rejeté sa créance. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société Vergnet et son mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir déclarer forclose la société Hydro, alors : « 1°/ qu'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ; que lorsque la juridiction compétente est une juridiction arbitrale, celle-ci n'est saisie de la contestation qu'à compter de la date à laquelle elle est constituée, c'est-à-dire à partir de l'acceptation par le ou les arbitres de leur mission ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la société Hydro n'était pas atteinte de forclusion, motif pris qu'elle avait demandé au secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage la désignation d'un arbitre dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance le 18 septembre 2018, après avoir pourtant constaté que le Tribunal arbitral n'avait été constitué que le 28 novembre 2018, soit après l'expiration de ce délai, la cour d'appel a violé l'article R. 624-5 du code de commerce, ensemble les articles 1506 et 1456 du code de procédure civile, et 4.2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale ; 2°/ qu'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, peu important que l'acte de notification de cette ordonnance ne mentionne pas que ce délai d'un mois s'impose à peine de forclusion ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la société Hydro Construction & Eng Co Ltd n'était pas atteinte de forclusion, aux motifs inopérants que l'ordonnance du 12 septembre 2018 ne mentionnait pas que la juridiction compétente devait être saisie dans le délai imparti à peine de forclusion et que les parties n'avaient pas non plus été avisées de cette sanction lors de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, la cour d'appel a violé les articles L. 624-2 et L. 631-18 du code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code ; 3°/ que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie ayant déclaré sa créance, qui saisit le juge compétent afin de voir reconnaître celle-ci, doit mettre en cause les organes de la procédure collective devant ce juge ; qu'en décidant néanmoins que la société Hydro Construction & Eng Co Ltd n'était pas forclose en sa demande d'admission d'une créance au passif du redressement judiciaire, motif pris que si le mandataire judiciaire n'avait pas été mis en cause devant la juridiction arbitrale, cette fin de non-recevoir n'était pas de nature à rendre irrégulière la saisine, dans le délai d'un mois, de la Cour internationale d'arbitrage et de priver cette saisine de son effet interruptif, bien que la procédure arbitrale n'ait pas été opposable à la société Villa Florek, ès qualités, à défaut d'avoir été mise en cause par la société Hydro Construction & Eng Co Ltd devant la juridiction arbitrale, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 631-14 du code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code. » Réponse de la Cour 7. En premier lieu, il résulte des articles 4-1 et 4-2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage que lorsqu'une partie désire avoir recours à l'arbitrage selon ce règlement, elle doit soumettre sa demande d'arbitrage au secrétariat, dont la date de réception est considérée être celle d'introduction de l'arbitrage. 8. Ayant retenu à bon droit que c'est la Cour internationale d'arbitrage elle-même qui devait être saisie dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce, la société Hydro n'ayant pas le pouvoir de désigner directement l'arbitre, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Hydro, qui avait sollicité du secrétaire général de la Cour internationale d'arbitrage de reprendre le cours de la procédure d'arbitrage dans le délai légal, n'était pas forclose. 9. En second lieu, si l'indivisibilité de la procédure introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire impose à la partie qui saisit le juge compétent de mettre en cause les deux autres parties à cette procédure devant ce juge, cette partie, dès lors qu'elle a saisi la juridiction compétente dans le délai de l'article R. 624-5, n'est pas forclose, ayant la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai. C'est donc en vain qu'est invoquée par la troisième branche, l'inopposabilité de la créance contre un arrêt qui ne pouvait se prononcer que sur la forclusion du créancier. 10. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche pour critiquer des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Vergnet et la société Villa Florek, en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vergnet et la société Villa Florek, ès qualités, et condamne la société Vergnet à payer à la société Hydro Construction & Eng Co Ltd la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller doyen, en remplacement de Mme Mouillard, président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Vergnet et la société Villa Florek, en la personne de M. [H] [C], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Vergnet. La Société VERGNET et la Société VILLA FLOREK, ès qualités de mandataire au redressement judiciaire de la Société VERGNET, FONT GRIEF à l'arrêt attaqué de les avoir déboutées de leur demande tendant à voir juger, sur le fondement de l'article R. 624-5 du Code de commerce, que la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD était forclose en sa demande d'admission d'une créance au passif du redressement judiciaire de la Société VERGNET et d'avoir, en conséquence, renvoyé les parties devant le juge-commissaire aux fins de poursuite de la procédure de fixation de la créance de cette dernière au passif du redressement judiciaire ; 1°) ALORS QU'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ; que lorsque la juridiction compétente est une juridiction arbitrale, celle-ci n'est saisie de la contestation qu'à compter de la date à laquelle elle est constituée, c'est-à-dire à partir de l'acceptation par le ou les arbitres de leur mission ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD n'était pas atteinte de forclusion, motif pris qu'elle avait demandé au secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage la désignation d'un arbitre dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance le 18 septembre 2018, après avoir pourtant constaté que le Tribunal arbitral n'avait été constitué que le 28 novembre 2018, soit après l'expiration de ce délai, la Cour d'appel a violé l'article R. 624-5 du Code de commerce, ensemble les articles 1506 et 1456 du Code de procédure civile, et 4.2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale ; 2°) ALORS QU'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, peu important que l'acte de notification de cette ordonnance ne mentionne pas que ce délai d'un mois s'impose à peine de forclusion ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD n'était pas atteinte de forclusion, aux motifs inopérants que l'ordonnance du 12 septembre 2018 ne mentionnait pas que la juridiction compétente devait être saisie dans le délai imparti à peine de forclusion et que les parties n'avaient pas non plus été avisées de cette sanction lors de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, la Cour d'appel a violé les articles L. 624-2 et L. 631-18 du Code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code ; 3°) ALORS QUE l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie ayant déclaré sa créance, qui saisit le juge compétent afin de voir reconnaître celle-ci, doit mettre en cause les organes de la procédure collective devant ce juge ; qu'en décidant néanmoins que la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD n'était pas forclose en sa demande d'admission d'une créance au passif du redressement judiciaire, motif pris que si le mandataire judiciaire n'avait pas été mis en cause devant la juridiction arbitrale, cette fin de non-recevoir n'était pas de nature à rendre irrégulière la saisine, dans le délai d'un mois, de la Cour internationale d'arbitrage et de priver cette saisine de son effet interruptif, bien que la procédure arbitrale n'ait pas été opposable à la Société VILLA FLOREK, ès qualités, à défaut d'avoir été mise en cause par la Société HYDRO CONSTRUCTION & ENG CO LTD devant la juridiction arbitrale, la Cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 631-14 du Code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code. N2 >Sur la nécessité de mettre en cause le créancier, le débiteur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur lors de l'instance introduite devant la juridiction compétente sur invitation du juge commissaire, à rapprocher:Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91
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Demande d'avis n° A 22-70.008 Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris Avis du 7 septembre 2022 n° 15010 B R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Deuxième chambre civile Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ; La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale des Barreaux français, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [W], épouse [V], et les conclusions de M. de Monteynard, avocat général, entendu en ses observations orales ; Enoncé de la demande d'avis 1. La Cour de cassation a reçu le 30 mai 2022, une demande d'avis formée le 25 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, dans une instance opposant Mme [W], épouse [V], à la Caisse nationale des barreaux français. 2. La demande est ainsi formulée : « L'article R. 173-15, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale qui prévoit que les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L. 351-4 du même code sont accordées, par priorité, par le régime général de sécurité sociale lorsque l'assuré a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et aux régimes de protection sociale agricole, aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou au régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses, porte-t-il une atteinte excessive au droit fondamental garanti par l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signé à [Localité 1] le 20 mars 1952, qui implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants ? » Examen de la demande d'avis 3. Aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. 4. Le droit individuel à pension d'une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application des dispositions susvisées, qui impliquent un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel et le droit reconnu aux Etats de réglementer sa mise en oeuvre conformément à l'intérêt général. 5. L'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale prévoit une majoration de la durée d'assurance de quatre trimestres au bénéfice des femmes assurées sociales, pour chacun de leurs enfants, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, ainsi que, au bénéfice de l'un ou de l'autre des deux parents assurés sociaux, une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres, attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption. 6. Il résulte de l'article L. 653-3 du code de la sécurité sociale que les assurés relevant du régime des avocats bénéficient des majorations de durée d'assurance prévues par le texte précité, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime. 7. L'article R. 653-4 du même code précise que pour les avocats exerçant à titre libéral, sont comptées comme périodes d'assurance dans le présent régime : (...) 5°) les périodes attribuées au titre des majorations de durée d'assurance pour enfants mentionnées à l'article L. 351-4, lorsque l'assuré n'a relevé d'aucun autre régime que celui de la Caisse nationale des barreaux français, ou lorsque celle-ci a compétence pour attribuer ces majorations en application de l'article R. 173-15. 8. L'article L. 171-1 du code de la sécurité sociale prévoit que des règles de coordination sont applicables aux travailleurs qui passent d'une organisation spéciale de sécurité sociale, de celle applicable aux travailleurs indépendants ou de celle applicable aux autres assurés du régime général à l'autre, ainsi qu'aux travailleurs exerçant simultanément une activité relevant d'une de ces organisations. Ces règles sont fixées par décret. 9. L'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale dispose, en son premier alinéa, que les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L. 351-4 sont accordées, par priorité, par le régime général de sécurité sociale lorsque l'assuré a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et aux régimes de protection sociale agricole, aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou au régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses. 10. Ce dispositif se borne à fixer une règle de coordination en matière d'assurance vieillesse entre les différents régimes de sécurité sociale consistant à donner la priorité à l'un des régimes auquel un assuré social a été affilié pour l'attribution des majorations de durée d'assurance pour enfants, sans remettre en cause le droit des assurés sociaux d'en bénéficier. 11. Par ses effets sur les « coefficients de proratisation » résultant des durées respectives d'affiliation aux différents régimes qui dépendent des caractéristiques du parcours professionnel de chaque assuré, il ne porte pas, par lui-même, une atteinte à la substance du droit à pension des assurés sociaux qui ont été affiliés successivement, alternativement ou simultanément au régime général et aux régimes de protection sociale agricole, aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou au régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses. 12. Il en résulte que les dispositions de l'article R. 173-15, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ne constituent pas une ingérence dans le droit à pension garanti par l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 13. Les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas susceptibles de recevoir application dans la procédure de saisine pour avis suivie devant la Cour de cassation. EN CONSÉQUENCE, la Cour : EST D'AVIS QUE les dispositions de l'article R. 173-15, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ne constituent pas une ingérence dans le droit à pension garanti par l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. Dit que, par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française. Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 7 septembre 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 6 septembre 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseiller référendaire, M. de Monteynard, avocat général, Mme Catherine, greffier de chambre ; Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 691 F-B Pourvoi n° F 20-16.139 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 1°/ Mme [I] [K], épouse [C], 2°/ M. [A] [C], tous deux domiciliés [Adresse 3], 3°/ Mme [R] [C], épouse [Z], 4°/ M. [S] [Z], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° F 20-16.139 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [E] [N], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société [P] et associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée SCP [H], [V], [L], [U], [F], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [C] et de M.et Mme [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la société [P] et associés, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 mars 2020), M. et Mme [Z] d'une part, M. et Mme [C] d'autre part (les acquéreurs), ont acquis, au moyen de crédits immobiliers, plusieurs lots de copropriété au sein de résidences services pour personnes âgées appartenant à la société [Adresse 6] (le vendeur). 2. Concomitamment aux actes de vente reçus par M. [N] (le notaire) exerçant au sein de la société civile professionnelle [J] [V] [L] [U] [F], devenue la société [P] et associés (la SCP), ils ont consenti des baux commerciaux à la société MGI en vue de la location meublée de studios. Celle-ci et le vendeur ont été placés en liquidation judiciaire. 3. Les acquéreurs ont assigné le notaire et la SCP en responsabilité et indemnisation. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer au notaire et à la SCP une somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des propos outrageants et diffamatoires portés contre eux dans leurs écritures devant la cour, alors « que ne peuvent justifier une condamnation à indemnisation en raison de leur caractère prétendument diffamatoire, les passages de conclusions déposées lors d'une instance judiciaire, tendant à fonder les prétentions de la partie concernée ; qu'en se bornant à stigmatiser la violence de certaines accusations contenues dans les conclusions des intimés, sans caractériser que les propos tenus ne visaient pas à fonder les prétentions des exposants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881. » Réponse de la Cour Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 : 6. Il résulte de ce texte que c'est seulement s'ils sont étrangers à l'instance judiciaire que les passages de conclusions peuvent justifier une condamnation à indemnisation en raison de leur caractère prétendument diffamatoire. 7. Pour condamner in solidum les acquéreurs à payer une indemnité au notaire et à la SCP, l'arrêt retient que, dans leurs écritures, ils ont porté envers ceux-ci des accusations particulièrement graves qui excédent les propos pouvant être tenus par une partie pour assurer une défense ferme et efficace de ses prétentions et discuter les pièces et arguments de son adversaire et que les allégations de faux portent atteinte à l'honorabilité des notaires dont la probité est mise en doute. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si ces propos étaient étrangers à l'instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme [Z] et M. et Mme [C], in solidum, à verser à M. [N] et la SCP [J] [V] [L] [U] [F], ensemble, une somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des propos outrageants et diffamatoires portés contre eux dans leurs écritures devant la cour, l'arrêt rendu le 3 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-provence autrement composée ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z] et M. et Mme [C]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la SCP de notaires n'a pas commis de manquement, ni à son obligation d'efficacité de l'acte, ni à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard de M. et Mme [Z] en recevant l'acte authentique du 31 décembre 2008 portant acquisition par eux des 4 studios de la [Adresse 5] vendus par la société [Adresse 6], D'AVOIR débouté M. et Mme [Z] de toutes leurs demandes indemnitaires au titre de cette opération, D'AVOIR limité le préjudice subi par les époux [Z] au titre de l'acquisition de 5 studios de la [Adresse 4] vendus par la société [Adresse 6] à un préjudice de perte de chance évaluéì à la somme de 45 350 euros, D'AVOIR débouté M. et Mme [Z] de toutes leurs autres demandes indemnitaires au titre de cette opération, D'AVOIR limité le préjudice subi par les époux [C] au titre de l'acquisition de 5 studios de la [Adresse 4] vendus par la société [Adresse 6] à un préjudice de perte de chance évaluéì à la somme de 39 000 euros et D'AVOIR débouté les époux [C] de toutes leurs autres demandes indemnitaires au titre de cette opération, AUX MOTIFS QUE « les consorts [Z] / [C] prétendent d'abord que les actes notariés ne comprenaient pas les pièces qui y sont mentionnées comme leur étant annexées, s'agissant de la notice descriptive des travaux et du règlement de copropriété, et qu'ils contestent les avoir reçues au moment de la signature ; que Me [E] [N] produisant des actes différents de ceux qu'ils ont obtenus du service des hypothèques, ils avancent même que des faux auraient été commis ; mais qu'il doit être relevé que les intimés n'ont pas engagé de procédure d'inscription de faux en écriture publique contre les actes, de sorte que les mentions de ceux-ci font foi et qu'ils ne peuvent utilement les contester ; qu'il en est ainsi de la mention dans les actes selon laquelle les acquéreurs reconnaissent avoir eu connaissance et avoir reçu copie du règlement de copropriété dès avant la signature de l'acte authentique ; que la cour observe à cet égard que les acquéreurs ne produisent pas aux débats les avant-contrats de vente dont la lecture aurait permis de vérifier si le règlement de copropriétéì ne leur avait pas été remis à cette occasion ; que si les actes remis en copie par le service des hypothèques ne comportent pas toutes les annexes, notamment le descriptif sommaire des travaux (dont il sera vu plus loin s'il correspond ou non à la notice descriptive), il doit être rappeléì que les acquéreurs avaient préalablement signé des procurations et que les actes de procuration ont été visés et annexés aux actes de vente, ainsi que les pièces qui leur étaient elles-mêmes annexées ; que c'est ainsi que le descriptif sommaire, paraphé sur toutes ses pages par M. et Mme [Z], a été annexé, ainsi qu'il en est fait mention par le notaire le 14 décembre 2007, à l'acte de procuration reçu par Me [T] ; que, de la même façon, le descriptif sommaire des travaux de la [Adresse 4] a été signé par M. et Mme [C] et annexé à la procuration authentique du 27 juin 2008 ; que les consorts [Z] / [C] ne peuvent donc, ni soutenir ne pas avoir eu connaissance du descriptif de travaux, ni prétendre que cette pièce ne serait pas annexée à leur acte de vente ; que les acquéreurs prétendent que les actes authentiques font état de la remise d'une "notice descriptive" des travaux de rénovation à réaliser par le vendeur et que le "descriptif sommaire" qui est produit par les notaires ne peut y suppléer ; mais que, même si le document est ainsi dénommé, il rappelle que le projet porte sur l'aménagement d'un bâti existant en résidence services séniors et comporte la présentation des caractéristiques générales de l'immeuble dont les éléments sont pour l'essentiel déjà existants et la description précise, sur 7 pages, des caractéristiques et équipements des locaux privatifs, en indiquant les éléments déjà existants, ceux à rénover, à remplacer ponctuellement ou à vérifier ; que c'est donc à tort que le tribunal a retenu, en l'état de la seule différence de dénomination donnée au document communiqué aux acquéreurs concernant les travaux, que ceux-ci n'avaient pas reçu l'information nécessaire ; concernant les travaux d'aménagement et d'adaptation de l'immeuble pour le transformer en résidence services ; que les consorts [Z] / [C] ne peuvent utilement prétendre que Me [E] [N] aurait manqué à son devoir de conseil et de mise en garde concernant l'opportunité économique de l'opération au regard de la valeur des studios dont ils soutiennent que le prix était exorbitant et au regard du caractère compromis du projet ; qu'en effet, le notaire n'a pas à s'immiscer dans l'appréciation du prix de l'immeuble fixé entre le vendeur et l'acquéreur, sauf pour lui à en vérifier le caractère réel et sérieux à défaut duquel l'acte ne serait pas efficace ; que la surévaluation du prix n'est au demeurant pas établie, la comparaison avec le prix de studios isolés et en dehors de toute infrastructure hôtelière n'étant pas pertinente ; que les difficultés économiques de la société MGI puis de la société [Adresse 6] ne pouvaient être anticipées par le notaire ; qu'ils ne peuvent non plus reprocher à Me [E] [N] de ne pas avoir assuré l'efficacité des conséquences fiscales des actes de vente ; qu'il est certain que le notaire avait connaissance des finalités fiscales de l'opération d'acquisition de M. et Mme [Z] et de M. et Mme [C] puisque l'acte rappelle que les acquéreurs font l'acquisition des studios en vue de la location en meublé avec services ; mais que la [Adresse 4] répondait à cette finalité, que l'exploitation a été effective, à tout le moins pendant l'année 2008, même si elle a rencontré ensuite des difficultés en raison de la procédure collective de la société MGI et des non conformités aux règlements de sécurité ; que M. et Mme [Z] ne démontrent pas avoir été privés de tout avantage fiscal lié à cette opération, ces demandeurs ne produisant aucune pièce fiscale, et que M. et Mme [C] produisent quant à eux leurs avis d'imposition desquels il ressort qu'ils ont bien déclaré des déficits de revenus de locations en meublé liés à l'acquisition et à l'exploitation des studios ; que la rédaction d'un règlement de copropriété prévoyant que les lots de service resteront la propriété de la venderesse n'est pas constitutive d'une faute, de telles dispositions pouvant présenter un avantage en matière de charges pour les propriétaires de studios, même si elles se sont ensuite révélées défavorables, du fait de la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6] et de l'obligation de procéder au rachat de ces lots ; que le fait que l'expert [W] - désigné par le juge des référés de Perpignan à la demande d'un autre acquéreur - indique avoir constaté pour les locaux communs des distorsions entre entre les aménagements réalisés et ceux prévus par le règlement de copropriété ne suffit pas à caractériser des erreurs ou des omissions du notaire dans la rédaction de cet acte ; que les consorts [Z] / [C] prétendent ensuite que le notaire aurait dû soumettre les ventes au régime de la vente en état futur d'achèvement (VEFA) en soutenant que toutes les pièces du dossier démontrent que les travaux nécessaires étaient des travaux lourds, s'agissant de la restructuration d'une ancienne résidence hôtelière en résidence pour personnes âgées ; qu'il s'agissait en effet, disent-ils, d'opérer des travaux portant sur la structure des ouvrages et la sécurité des personnes, ce que Me [E] [N] ne pouvait ignorer ; que celui-ci ne pouvait donc pas recevoir les actes en la forme d'une vente ordinaire et aurait dû conseiller la vente sous le régime de la VEFA, parfaitement applicable même à un immeuble déjà construit nécessitant une rénovation lourde ; qu'ils ajoutent que le notaire aurait dû, à tout le moins, les mettre en garde sur le fait que, des travaux devant être réalisés par le vendeur alors que le prix était déjà payé, il n'était prévu aucune garantie d'achèvement ; qu'il convient cependant de relever que si les actes de vente évoquent deux permis de construire, l'un concernait la piscine et l'autre portait autorisation de changement de destination de l'immeuble existant, sans que soient envisagés des travaux de gros oeuvre ou de rénovation lourde du bâti ; que la mise en copropriété du bâtiment et la rédaction par Me [E] [N] d'un règlement de copropriété n'impliquaient pas que de gros travaux soient nécessaires ; que le descriptif des travaux annexé aux actes de vente ne faisait état, s'agissant du bâtiment, que de travaux de rénovation intérieure et d'adaptation des locaux aux exigences de sécurité ; que ces travaux devaient être réalisés par le vendeur et étaient achevés ou en cours de finition puisqu'il était prévu que les acquéreurs avaient la jouissance de leurs lots dès la signature de l'acte de vente, qu'un bail commercial était signé le même jour avec la société MGI pour une mise en exploitation immédiate et que des loyers ont été d'ailleurs versés par cette société à ses bailleurs pendant toute l'année 2008 ; que les acquéreurs font observer que la démonstration de l'importance des travaux résulte du coût global de ceux-ci pour un montant de plus de 1 300 000 euros ; mais que le coût de 1 331 817,76 euros a été évoqué par l'expert judiciaire [W] uniquement à partir de la convention de contrôle technique conclue par la société [Adresse 6] avec l'APAVE, à l'exclusion de la communication d'un quelconque marché de travaux, et qu'il doit être noté, d'une part qu'il incluait le coût de la piscine, d'autre part et surtout que ce coût na jamais été porté à la connaissance du notaire ; que des travaux ont bien été réalisés par la société [Adresse 6] entre le 17 décembre 2007 et le 6 août 2008 et que la mise en location des studios a été possible pendant toute l'année 2008 ; que l'expert [W] rappelle, certes, que les locaux ont fait l'objet d'un rapport de non conformité de l'APAVE en février 2009 et d'un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de la commission de sécurité en mars 2009, mais ne se prononce pas sur le partage à faire entre des inachèvements ou des malfaçons, or la vente en VEFA ne pouvait en tout état de cause prévenir le risque de malfaçons ; qu'il doit être ajouté qu'aucun reproche ne peut être fait à Me [E] [N] pour ne pas avoir investigué plus avant sur l'état des constructions lors de la signature de la vente, alors que le notaire n'a pas à se déplacer pour vérifier l'état de l'immeuble et qu'il appartenait au contraire aux acquéreurs de prendre toute précaution avant la signature de l'acte afin de s'assurer de l'état des studios dès lors qu'il était prévu qu'ils en prenaient possession dès cette date ; « les mêmes observations doivent être faites concernant l'acte de vente du 31 décembre 2008 par lequel M. et Mme [Z] ont acquis les studios de la résidence Les Jardins du Lac que celles faites plus haut concernant les mentions portées dans les actes des 26 décembre 2007 et 3 juillet 2008 portant sur les studios de la [Adresse 4], à savoir que l'acte fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que le notaire y consigne ; que le descriptif sommaire des travaux de rénovation (dénommé "notice" dans l'acte notarié et qui comporte, in fine, la mention "fin de la notice descriptive") a été signé et paraphé dans toutes ses pages par M. et Mme [Z] et qu'il comporte le tampon "annexé à un acte reçu par le notaire le 31 décembre 2008" ; qu'il n'est donc pas établi par M. et Mme [Z], contre les mentions de l'acte, qu'ils auraient été privés de la connaissance du réglement de copropriété et de la notice descriptive des travaux sur la résidence ; que le manquement du notaire rédacteur de l'acte, Me [O] [D], à son devoir de conseil et de mise en garde concernant l'opportunité économique ne peut être retenu, pour les mêmes motifs que ceux développés pour l'opération de la [Adresse 4] ; que l'absence d'efficacité de l'acte au regard des conséquences fiscales recherchées par les acquéreurs n'est pas démontrée, M. et Mme [Z] ne produisant aucun document fiscal et n'établissant donc pas qu'ils n'auraient pas pu bénéficier du régime fiscal recherché ; que, comme pour la [Adresse 4], il ne peut être reproché à Me [E] [N] d'avoir commis une faute dans la rédaction du règlement de copropriété en prévoyant que les lots de service resteraient la propriété de la société venderesse, ces dispositions présentant des avantages pour les acquéreurs, même si, en l'espèce, ceux-ci ont dû, en raison de la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6], acquérir ces lots avant de trouver un repreneur commercial ; que, s'agissant des travaux réalisés ou à réaliser par le vendeur, que le descriptif indique que le bâtiment est existant et détaille les caractéristiques générales de l'immeuble, les équipements intérieurs et les parties communes en mentionnant, pour chacun des postes, que les travaux ont déjà été exécutés au titre des existants ; qu'il définit les quelques aménagements et ameublements à apporter aux parties privatives ; qu'une piscine avec terrasse est également existante et que ses caractéristiques y sont définies (ouvrage en maçonnerie et béton armé revêtement intérieur frise carrelage et peinture.....) ; que l'acte rappelle que le bâtiment a fait l'objet d'un permis de construire délivré en 1993 et d'un modificatif de décembre 1994, mais que la société [Adresse 6] n'a obtenu aucun permis de construire pour les travaux de rénovation intérieurs envisagés sur l'immeuble ; qu'aucun élément ne permet de considérer que la vente des lots privatifs aurait dû être passée sous le régime de la VEFA, la construction étant achevée et les travaux à réaliser étant mineurs ; qu'il n'est pas démontré que ces quelques travaux n'auraient pas été exécutés par la société [Adresse 6] ; que la production des factures réglées par le syndicat des copropriétaires en 2010 pour entretenir et réparer la piscine et la terrasse et la communication de l'état des travaux dressé par le syndic mentionnant des travaux exceptionnels sur la piscine et la plomberie sont insuffisantes pour établir que la venderesse devait exécuter des travaux plus amples qu'elle n'aurait pas réalisés ; que les travaux de ravalement auxquels la copropriété a dû faire face en 2011 n'étaient ni prévus ni envisagés lors de la vente de l'immeuble en 2008 et que le gérant fait d'ailleurs état, au sujet de ces travaux, dans un mail du 17 mars 2011, de la "dégradation de la façade depuis l'arrêt d'exploitation de MGI" ; que dès lors, le notaire n'avait pas à mettre en garde les acquéreurs sur la réalisation par le vendeur des travaux de rénovation minimes prévus au descriptif et qu'il n'a pas à garantir les acheteurs du coût des travaux et charges qu'ils doivent, en leur qualité de propriétaires, assumer pour entretenir l'immeuble après leur acquisition ; que M. et Mme [Z] seront en conséquence déboutés de la totalité de leurs demandes au titre de l'acquisition des 4 studios de la [Adresse 5] ». 1°/ ALORS QUE parmi les mentions d'un acte notarié, les énonciations des parties ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l'officier public peuvent faire l'objet d'une preuve contraire, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure d'inscription de faux ; qu'en l'espèce, les acquéreurs offraient de prouver que le règlement de copropriété n'était pas annexé à l'acte et qu'il ne leur avait jamais été remis, de sorte qu'ils n'avaient pas pu prendre connaissance de ce que la propriété des lots de service demeuraient la propriété du vendeur, prévision qui s'était finalement révélée désastreuse ; qu'en jugeant cependant que, faute d'avoir engagé une procédure d'inscription de faux, la mention selon laquelle « les acquéreurs reconnaissent avoir eu connaissance et avoir reçu copie du règlement de copropriété dès avant la signature de l'acte authentique » ne pouvait être contestée, quand il s'agissait d'une simple énonciation des parties relatant un fait antérieur à la conclusion de l'acte, la cour d'appel a violé l'article 1319, devenu l'article 1371, du code civil. 2°/ ALORS QUE tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, il appartient au notaire de les éclairer sur la portée et les risques des engagements qu'ils souscrivent ; qu'en l'espèce, il était constant que les actes de vente des studios comportaient le transfert de propriété de lots d'un immeuble, que la construction d'une piscine, pour la [Adresse 4], ainsi que des travaux de rénovation intérieure et d'adaptation des locaux aux exigences de sécurité devaient être réalisés dans les deux résidences, que ces travaux n'étaient pas achevés au jour de la vente, tandis que les acquéreurs avaient réglé intégralement le prix d'achat, que les lots vendus étaient des appartements meublés à usage d'habitation principale destinés à être habités à l'année par des personnes âgées, que les actes de vente mentionnaient, pour la [Adresse 4], l'obtention de deux permis de construire et impliquait dans les deux cas la modification du règlement de copropriété ; qu'en jugeant néanmoins que le notaire n'était pas tenu de conseiller aux acquéreurs de conclure une vente en l'état futur d'achèvement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu 1240. 3°/ ALORS QUE, à tout le moins, tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, il appartient au notaire de les éclairer sur la portée et les risques des engagements qu'ils souscrivent ; qu'en l'espèce, les exposants soulignaient que la transformation des immeubles en résidence senior de luxe impliquait, comme l'avait relevé l'expert, des « travaux lourds portant sur la structure des ouvrages et sur la sécurité des personnes » (pièce en appel n°30, p. 52), ce que ne pouvaient ignorer Maître [N], qui avait assisté le vendeur à chaque étape de la réalisation des projets immobiliers (acquisition des immeubles, changement de leur destination, etc.) et avait participé à de nombreuses opérations similaires ; qu'en se fondant sur le seul descriptif sommaire des travaux évoquant des opérations mineures pour exclure une faute du notaire, sans rechercher si son implication à chacune des étapes de la réalisation du projet immobilier et son expérience en la matière ne lui conférait pas connaissance de l'ampleur réelle des travaux à intervenir, la cour d'appel a privé de plus fort sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240. 4°/ ALORS QUE, tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, il appartient au notaire de les éclairer sur la portée et les risques des engagements qu'ils souscrivent ; qu'en l'espèce, les exposants soulignaient que le « descriptif sommaire » des travaux consistait en une description « générique » et « inadaptée », puisque ce document ne précisait pas les travaux devant être effectués dans les lots de service qui, appartenant au vendeur, présentaient pourtant une importance décisive pour le bon fonctionnement des résidences, de telle manière que les notaires se devaient, à tout le moins, d'attirer l'attention des acquéreurs sur l'incertitude relative à l'ampleur réelle des travaux à effectuer, laquelle se déduisait de la simple lecture de ce document, au demeurant inchangé entre l'acquisition des époux Castel en décembre 2007 et celle effectuée par les époux [C] en juin 2008 ; qu'en jugeant que le notaire n'avait pas commis de faute, sans rechercher s'il ne lui appartenait pas mettre en garde les acquéreurs sur l'incomplétude de la notice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240. 5°/ ALORS QUE, tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, il appartient au notaire de les éclairer sur la portée et les risques des engagements qu'ils souscrivent ; qu'en l'espèce, les exposants soulignaient que le risque d'inachèvement des travaux était lourd de conséquences puisqu'ils étaient nécessaires « pour permettre l'exploitation des résidences » et que, pourtant, aucune garantie n'était prévue au profit des acheteurs en cas d'inachèvement ; qu'en écartant tout devoir de mise en garde aux motifs que le notaire n'a pas à s'immiscer dans la détermination du prix de vente de l'immeuble, sans rechercher, comme il y était invitée, si les notaires ne devaient pas mettre en garde les acquéreurs sur les risques d'un paiement comptant en l'absence d'achèvement de travaux pourtant nécessaires à l'exploitation des résidences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code. 6°/ ALORS QUE, tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, il appartient au notaire de les éclairer sur la portée et les risques des engagements qu'ils souscrivent ; qu'en l'espèce, les acquéreurs n'avaient pas été informés des risques consécutifs au maintien du droit de propriété du vendeur sur les lots de service, montage qui s'était avéré désastreux puisque, le vendeur ayant été placé en liquidation judiciaire, les acquéreurs avaient été contraints de faire l'acquisition de ces lots essentiels au bon fonctionnement des résidences ; qu'en se bornant à juger qu'un tel montage n'était pas constitutif d'une faute, sans rechercher si le notaire ne devait pas, à tout le moins, informer les acquéreurs sur les risques inhérents à cette technique contractuelle, fût-elle répandue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code. 7°/ ALORS QUE tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, il appartient au notaire de les éclairer sur la portée et les risques des engagements qu'ils souscrivent ; qu'en l'espèce, l'expert avait relevé que le coût des travaux s'élevait à un montant supérieur à 1 300 000 €, ce qui en démontrait notamment l'importance ; qu'en excluant toute faute du notaire aux motifs que le coût de la construction n'avait jamais été porté à sa connaissance, sans rechercher si, connaissant l'inachèvement des travaux, il n'appartenait pas au notaire de solliciter du vendeur une estimation du coût des travaux que ce dernier était tenu d'effectuer, de manière à conseiller utilement les acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. et Mme [Z] et M. et Mme [C] in solidum à verser à Me [E] [N] et à la SCP de notaires ensemble une somme de 1 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des propos outrageants et diffamatoires portes contre eux dans leurs écritures devant la cour, AUX MOTIFS QUE Me [E] [N] et la SCP [J] [V] [L] [U] [F] réclament reconventionnellement la condamnation de M. et Mme [Z] et de M. et Mme [C] à leur verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel résultant des propos tenus et allégations faites par ceux-ci dans leurs écritures ; que si le caractère jugé outrancier de leurs demandes indemnitaires ne peut être considéré comme constitutif d'une faute ou d'un abus, tel n'est pas le cas des accusations violentes portées contre les notaires auxquels il est reproché par les intimés, dans leurs écritures devant la cour, d'en être "réduits à commettre des faux pour tenter de se dédouaner" et d'avoir "délibérément reçu par acte authentique des informations trompeuses dans le seul dessein de tromper la confiance des époux [Z] et [C] ; qu'il s'agit d'accusations particulièrement graves à l'égard d'un notaire, même si des manquements peuvent lui être reprochés, et qu'elles excédent les propos qui peuvent être tenus par une partie pour assurer une défense ferme et efficace de ses prétentions et discuter les pièces et arguments de son adversaire ; que les allégations de faux ainsi proférées portent atteinte à l'honorabilité des notaires dont la probité est gravement mise en doute ; qu'en application de l'article 41 alinéas 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881, si les écrits produits devant les tribunaux ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation, les juges saisis de la cause peuvent néanmoins, en l'état de discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts ; qu'il convient en conséquence de condamner M. et Mme [Z] et M. et Mme [C] in solidum à verser à Me [E] [N] et à la SCP [J] [V] [L] [U] [F] ensemble une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné, 1- ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaitre l'objet du litige ; que dans leurs conclusions d'appel, les notaires ne sollicitaient des dommages intérêts que sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, non applicable à l'indemnisation des propos tenus dans le cadre du débat judiciaire ; qu'en se fondant pourtant sur l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 pour faire droit à la demande, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile. 2 - ALORS QUE ne peuvent justifier une condamnation à indemnisation en raison de leur caractère prétendument diffamatoire, les passages de conclusions déposées lors d'une instance judiciaire, tendant à fonder les prétentions de la partie concernée ; qu'en se bornant à stigmatiser la violence de certaines accusations contenues dans les conclusions des intimés, sans caractériser que les propos tenus ne visaient pas à fonder les prétentions des exposants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881. 1re Civ., 28 mars 2008, pourvoi n° 06-12.996, Bull. 2008, I, n° 92 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 693 F-B Pourvoi n° N 20-18.675 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 M. [P] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-18.675 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, palais Montclar, rue Peyrese, 13100 Aix-en-Provence, 2°/ à Mme [U] [C], domiciliée [Adresse 1], 3°/ à la chambre régionale de discipline des notaires, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [R] de ce qu'il se désiste de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la chambre régionale de discipline des notaires. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 juin 2020) et les productions, le 21 février 2019, un procureur de la République a engagé des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [R], notaire. 3. Un jugement du 3 décembre 2019, rendu en la présence de M. [R] et de son avocat, a prononcé des sanctions disciplinaires. 4. Le 21 février 2020, M. [R] en a interjeté appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif son recours contre le jugement, alors : « 1°/ que l'appel du jugement en matière disciplinaire est formé dans le délai d'un mois ; que le délai court à l'égard de l'officier public ou ministériel du jour de la décision quand celle-ci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, et, dans le cas contraire, du jour de la notification qui lui en est faite ; qu'il en résulte, quel que soit le mode de connaissance de la décision, que les délais de recours ne sont opposables qu'à condition d'avoir été portés à la connaissance de l'officier ministériel, soit à l'audience, soit par voie de notification ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable le recours formé par Me [R] plus d'un mois après le prononcé du jugement, qu'il n'était pas prévu que soient énoncés à l'audience le délai et les modalités du recours, cependant que ces dispositions impliquent, pour que le délai d'appel soit opposable, que l'officier ministériel soit informé des voies et délais de recours, à l'audience ou par notification, ce qui n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels ; 2°/ que, subsidiairement, le droit d'accès à un tribunal et à un recours effectif garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que le délai d'appel d'un jugement prononçant une sanction contre un officier public ne lui soit opposable que si ce jugement a été porté à sa connaissance avec l'indication des voies et délais de recours ; qu'en supposant que l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels fasse courir le délai d'appel par la seule présence de l'officier ministériel à l'audience, sans information sur les voies et délais de recours, ce texte serait alors incompatible l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en s'étant déterminée ainsi, la cour d'appel a violé la stipulation susvisée. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels alors en vigueur, le délai d'appel à l'encontre d'une décision rendue en matière disciplinaire est d'un mois et court, à l'égard de l'officier public ou ministériel, du jour de la décision quand celle-ci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur. Dans le cas contraire, il court du jour de la notification qui lui est faite. 7. Cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des poursuites disciplinaires diligentées contre les officiers publics ou ministériels, en vue du prononcé d'un jugement dans un délai raisonnable. L'absence d'information délivrée à l'intéressé quant aux voies et délais de recours applicables à la décision rendue en sa présence ne constitue pas une atteinte disproportionnée à son droit d'accès au juge et à un recours effectif, dès lors qu'il est un professionnel du droit, officier public ou ministériel, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel dans les formes et délais requis par le texte relatif à la discipline de sa profession. 8. Ayant relevé que M. [R] avait comparu à l'audience du 9 décembre 2019 au cours de laquelle avait été rendue la décision le condamnant à des sanctions disciplinaires, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'appel formé le 21 février 2020 était irrecevable comme tardif. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [R] aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [R]. Me [R] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme tardif son recours contre le jugement rendu le 3 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nice ; Alors que 1°) l'appel du jugement en matière disciplinaire est formé dans le délai d'un mois ; que le délai court à l'égard de l'officier public ou ministériel du jour de la décision quand celleci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, et, dans le cas contraire, du jour de la notification qui lui en est faite ; qu'il en résulte, quel que soit le mode de connaissance de la décision, que les délais de recours ne sont opposables qu'à condition d'avoir été portés à la connaissance de l'officier ministériel, soit à l'audience, soit par voie de notification ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable le recours formé par Me [R] plus d'un mois après le prononcé du jugement, qu'il n'était pas prévu que soient énoncés à l'audience le délai et les modalités du recours, cependant que ces dispositions impliquent, pour que le délai d'appel soit opposable, que l'officier ministériel soit informé des voies et délais de recours, à l'audience ou par notification, ce qui n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article 36 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels ; Alors que 2°) et subsidiairement, le droit d'accès à un tribunal et à un recours effectif garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que le délai d'appel d'un jugement prononçant une sanction contre un officier public ne lui soit opposable que si ce jugement a été porté à sa connaissance avec l'indication des voies et délais de recours ; qu'en supposant que l'article 36 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels fasse courir le délai d'appel par la seule présence de l'officier ministériel à l'audience, sans information sur les voies et délais de recours, ce texte serait alors incompatible l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en s'étant déterminée ainsi, la cour d'appel a violé la stipulation susvisée. 2e Civ., 5 février 2009, pourvoi n° 08-11.076, Bull. 2009, II, n° 36 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 676 FS-B Pourvoi n° N 21-19.829 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société Gestion passion, domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 21-19.829 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société A l'Abri, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société A l'Abri, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2021), en 2016, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] (le syndicat) a chargé la société A l'Abri de réaliser divers travaux. 2. Le 26 mai 2020, cette société l'a, en référé, assigné en paiement d'une provision correspondant à des factures impayées. 3. Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Paris a rejeté la fin de non-recevoir tirée d'une prescription biennale de l'action. 4. A l'occasion du pourvoi qu'il avait formé contre cet arrêt, le syndicat a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire relative à la constitutionnalité de l'article L. 218-2 du code de la consommation. 5. La Cour de cassation (3e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 21-19.829, publié) a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors : « 1°/ que la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique, au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ; 2°/ que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que la même convention prévoit toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en appliquant les dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation, qui ne prévoient pas expressément que la prescription biennale qui s'applique à l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, bénéficie aux non-professionnels, et en se fondant ainsi sur la seule qualité de personne morale du syndicat des copropriétaires pour lui dénier le bénéfice de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme combiné avec l'article 1, § 1, du premier protocole additionnel à cette Convention. » Réponse de la Cour 8. D'une part, la question prioritaire de constitutionnalité n'ayant pas été transmise au Conseil constitutionnel, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence de la perte de fondement juridique de l'arrêt, est devenu sans portée. 9. D'autre part, la violation de l'article 14 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales suppose une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables (CEDH, arrêt du 13 novembre 2007, D.H. et autres c. République tchèque [GC], n° 57325/00, § 175 ; CEDH, arrêt du 29 avril 2008, Burden c. Royaume-Uni [GC], n° 13378/05, § 60). 10. L'article liminaire du code de la consommation dispose que, pour l'application de celui-ci, on entend, par consommateur, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et, par non-professionnel, toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles. 11. Cette différence de statut juridique, issue de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, est fondée sur la personnalité morale des non-professionnels qui ne les place pas dans une situation analogue ou comparable à celle des personnes physiques. 12. A la différence d'une personne physique, un syndicat de copropriétaires est ainsi, en application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pourvu de trois organes distincts : le syndic, le conseil syndical et l'assemblée générale des copropriétaires, dont le fonctionnement, régi par cette loi, est également encadré par un règlement de copropriété. 13. Dès lors, en l'absence de différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le syndicat ne pouvait se prévaloir de la prescription biennale de l'action des professionnels, pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, prévue par l'article L. 218-2 du code de la consommation. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] et le condamne à payer à la société A l'Abri la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa fin de non-recevoir tirée de la prescription fondée sur l'article L. 218-2 du code de la consommation et DE L'AVOIR à payer à la société A L'Abri la somme provisionnelle de 19.990,64 € ; 1°) ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique, au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ; 2°) ALORS QUE la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que la même convention prévoit toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en appliquant les dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation, qui ne prévoient pas expressément que la prescription biennale qui s'applique à l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, bénéficie aux non-professionnels, et en se fondant ainsi sur la seule qualité de personne morale du syndicat des copropriétaires pour lui dénier le bénéfice de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme combiné avec l'article 1, § 1, du premier protocole additionnel à cette Convention. SECOND MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR condamné à payer à la société A L'Abri la somme provisionnelle de 19 990,64 € ; ALORS QUE le juge des référés ne peut octroyer une provision que si elle repose sur une obligation non sérieusement contestable ; qu'en retenant, s'agissant de la facture FA 2645, que les contestations élevées par le syndicat des copropriétaires, quant à l'existence de malfaçons, ne reposent que sur des constatations non contradictoires, hors de toute expertise diligentée judiciairement, et pour la plupart établies bien après la réalisation des travaux , la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'une contestation sérieuse, a violé l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 677 FS-B Pourvoi n° P 21-20.750 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont, dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic la société Camag Copro, domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-20.750 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à l'association syndicale libre du Parc Hautmont, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association syndicale libre du Parc Hautmont, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 juin 2021), l'ensemble immobilier de la zone d'aménagement concerté du Hautmont, qui comprend dans son périmètre le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont (le syndicat des copropriétaires), est administré par l'association syndicale libre du Parc du Hautmont (l'ASL). 2. Le 22 mai 2017, l'assemblée générale extraordinaire de l'ASL a voté la mise en conformité de ses statuts avec l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006. 3. Le 28 novembre 2017, l'ASL a assigné le syndicat des copropriétaires en paiement de cotisations impayées. A titre reconventionnel, ce dernier a sollicité l'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 22 mai 2017. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer l'ASL recevable à agir, alors : « 1°/ que faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle justifiait de la délivrance par le préfet du Nord du récépissé d'un exemplaire de ses nouveaux statuts et de leur publication au Journal officiel, elle avait recouvré sa capacité à agir quand bien même ces statuts n'étaient pas conformes à l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et au décret n° 2006-504 du 3 mai 2006, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, ensemble l'article 3 du décret du 3 mai 2006 ; 2°/ que faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle produisait aux débats un plan parcellaire, la liste des parcelles avec leurs références cadastrales ainsi que des attestations de certains copropriétaires faisant état de l'affichage de ces documents lors des assemblées générales du 22 mai 2017, elle était recevable à agir, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 dans sa version issue de la loi du 24 mars 2014, ensemble l'article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'ordonnance du 1er juillet 2014 et le décret du 3 mai 2006 ne dispensent pas les associations syndicales libres de respecter les formalités qu'ils imposent lorsqu'elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes. 6. Elle a relevé que, si le récépissé de la déclaration ne contenait pas l'énumération des pièces annexées, le préfet avait toutefois accusé réception d'un exemplaire des statuts modifiés pour être mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006 et avait précisé faire procéder à la publication au Journal officiel d'un extrait dans le délai d'un mois. 7. Elle en a exactement déduit, sans tirer de conséquences de la production aux débats du plan parcellaire, que l'ASL, qui, peu important l'absence d'annexion du plan aux statuts modifiés qui n'est requise qu'au moment de la constitution, justifiait de la délivrance du récépissé et de la publication des nouveaux statuts au Journal officiel, avait accompli les formalités de publicité de ses statuts modifiés et retrouvé sa capacité à agir. 8. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de l'ASL du 22 mai 2017, alors « que seuls les statuts définissent les règles de fonctionnement d'une association syndicale libre ; qu'en l'espèce, l'article 10 des statuts de l'ASL du Parc du Hautmont applicables au jour des assemblées générales du 22 mai 2017 prévoyait : "dans les 6 jours de la convocation, les syndicataires peuvent notifier, par lettre recommandée à la personne qui a convoqué l'assemblée, les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Un état de ces questions est porté à la connaissance des syndicataires, 5 jours au moins avant la date de cette réunion, dans les formes prévues pour la convocation" ; qu'en écartant toute irrégularité tenant à ce que l'ASL du Parc du Hautmont, à qui le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et M. [P] [Z] avaient notifié par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017 à tout le moins deux questions relatives à la sortie de l'ASL et à la restitution de la trésorerie de l'ASL, avait refusé de les porter à l'ordre du jour des assemblées générales du 22 mai 2017, en ce que, pour la première question, la justification tenant au caractère inéquitable des cotisations depuis 1996 et à la disparition de l'intérêt commun apparaissait insuffisante en l'absence de toute proposition concrète envisagée et en l'absence de renvoi à une notion juridique précise dès lors que cette possibilité de sortie n'était pas prévue par les statuts de l'ASL, et en ce que les statuts de l'ASL ne prévoyaient la possibilité pour l'assemblée générale extraordinaire que de modifier le périmètre de l'ASL selon un quorum de deux tiers des voix des membres et une majorité des deux tiers des membres présents ou représentés sans que ces dispositions aient été expressément visées dans le courrier du 26 avril 2017 et, pour la seconde question, en ce que le caractère général de sa formulation ne permettait pas de l'inscrire à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 : 10. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 11. Selon le second, les associations syndicales libres se forment par consentement unanime des propriétaires intéressés, constaté par écrit et les statuts de l'association définissent son nom, son objet, son siège et ses règles de fonctionnement. 12. Pour rejeter la demande d'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de l'ASL du 22 mai 2017, l'arrêt retient, en premier lieu, que le syndicat des copropriétaires a, par lettre du 26 avril 2017, formulé une demande de vote, à la majorité simple, d'une résolution selon laquelle les membres de l'ASL décident de la sortie de l'association du syndicat. 13. Il relève que, si le syndicat des copropriétaires a la qualité de membre de l'ASL, la justification tenant au caractère inéquitable des cotisations depuis 1996 et la disparition de l'intérêt commun apparaît insuffisante en l'absence de toute proposition concrète envisagée et de renvoi à une notion juridique précise alors même que cette possibilité de sortie n'est pas prévue par les statuts de l'ASL. 14. Il ajoute que les statuts non modifiés de l'ASL ne prévoyant que la possibilité pour l'assemblée générale extraordinaire de modifier le périmètre de l'association, cette modification nécessite un quorum irréductible des deux tiers des voix des membres de l'association et de la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés et que ces dispositions ne sont pas expressément visées par le syndicat des copropriétaires dans sa lettre. 15. En second lieu, l'arrêt retient que le caractère général de la formulation de la demande de vote de la restitution de la trésorerie de l'ASL ne permettait pas de l'inscrire à l'ordre du jour. 16. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'article 10 des statuts prévoyait que l'état des questions dont les syndicataires avaient demandé l'inscription à l'ordre du jour était porté à leur connaissance cinq jours au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale, ce dont il se déduisait que le président de l'ASL n'avait pas le pouvoir d'en apprécier l'utilité ou l'opportunité, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'association syndicale libre du Parc du Hautmont recevable à agir, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne l'association syndicale libre du Parc du Hautmont aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association syndicale libre du Parc du Hautmont et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence Château du Hautmont PREMIER MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont fait grief à l'arrêt : D'AVOIR déclaré l'association syndicale libre du Parc du Hautmont recevable à agir, de l'AVOIR débouté de ses demandes aux fins de voir constater que l'association syndicale libre du Parc du Hautmont se trouve dépourvue de statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 ainsi que de tout représentant légal, de voir dire qu'elle était dépourvue de tout droit d'ester en justice et de voir déclarer irrecevables ses demandes dirigées à son encontre, de l'AVOIR condamné en conséquence à lui payer la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les cotisations impayées au titre des années 2015, 2016 et 2017, augmentée des intérêts au taux légal, et de l'AVOIR condamné à lui payer la somme de 166 656 euros au titre des cotisations impayées pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, cette somme s'ajoutant à celle de 75 000 euros allouée en première instance à titre d'indemnité provisionnelle ; 1) ALORS QUE faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle justifiait de la délivrance par le préfet du Nord du récépissé d'un exemplaire de ses nouveaux statuts et de leur publication au Journal officiel, elle avait recouvré sa capacité à agir quand bien même ces statuts n'étaient pas conformes à l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 et au décret n°2006-504 du 3 mai 2006, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, ensemble l'article 3 du décret du 3 mai 2006 ; 2) ALORS QUE faute d'annexer aux statuts mis en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application du 3 mai 2006, le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage, une association syndicale libre est privée de capacité à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ASL du Parc du Haumont ne justifiait pas qu'avaient été annexés aux nouveaux statuts le plan parcellaire prévu à l'article 4 de l'ordonnance et une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s'engage ; qu'en retenant néanmoins que dès lors qu'elle produisait aux débats un plan parcellaire, la liste des parcelles avec leurs références cadastrales ainsi que des attestations de certains copropriétaires faisant état de l'affichage de ces documents lors des assemblées générales du 22 mai 2017, elle était recevable à agir, la cour d'appel a violé les articles 7 et 60 de l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 dans sa version issue de la loi du 24 mars 2014, ensemble l'article 3 du décret n°2006-504 du 3 mai 2006. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont fait grief à l'arrêt : de l'AVOIR débouté de sa demande d'annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de l'ASL du Parc du Hautmont du 22 mai 2017, ainsi que de l'ensemble des résolutions votées à l'occasion de ces deux assemblées, de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande en annulation des assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 9 avril 2018, ainsi que de l'ensemble des résolutions votées à l'occasion de ces deux assemblées, et de sa demande aux fins de voir dire que les appels de cotisation fondés sur les budgets votés lors des assemblées générales ordinaires des 22 mai 2017 et 9 avril 2018 sont dépourvus de tout fondement et ne peuvent lui être réclamés, de l'AVOIR condamné à payer à l'ASL du Parc du Hautmont la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les cotisations impayées au titre des années 2015, 2016 et 2017, augmentée des intérêts au taux légal, et de l'AVOIR condamné à lui payer la somme de 166 656 euros au titre des cotisations impayées pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, cette somme s'ajoutant à celle de 75 000 euros allouée en première instance à titre d'indemnité provisionnelle ; 1) ALORS QUE seuls les statuts définissent les règles de fonctionnement d'une association syndicale libre ; qu'en l'espèce, l'article 10 des statuts de l'ASL du Parc du Hautmont applicables au jour des assemblées générales du 22 mai 2017 prévoyait : « dans les 6 jours de la convocation, les syndicataires peuvent notifier, par lettre recommandée à la personne qui a convoqué l'assemblée, les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Un état de ces questions est porté à la connaissance des syndicataires, 5 jours au moins avant la date de cette réunion, dans les formes prévues pour la convocation » ; qu'en écartant toute irrégularité tenant à ce que l'ASL du Parc du Hautmont, à qui le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et M. [P] [Z] avaient notifié par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017 à tout le moins deux questions relatives à la sortie de l'ASL et à la restitution de la trésorerie de l'ASL, avait refusé de les porter à l'ordre du jour des assemblées générales du 22 mai 2017, en ce que, pour la première question, la justification tenant au caractère inéquitable des cotisations depuis 1996 et à la disparition de l'intérêt commun apparaissait insuffisante en l'absence de toute proposition concrète envisagée et en l'absence de renvoi à une notion juridique précise dès lors que cette possibilité de sortie n'était pas prévue par les statuts de l'ASL, et en ce que les statuts de l'ASL ne prévoyaient la possibilité pour l'assemblée générale extraordinaire que de modifier le périmètre de l'ASL selon un quorum de deux tiers des voix des membres et une majorité des deux tiers des membres présents ou représentés sans que ces dispositions aient été expressément visées dans le courrier du 26 avril 2017 et, pour la seconde question, en ce que le caractère général de sa formulation ne permettait pas de l'inscrire à l'ordre du jour, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 ; 2) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, dans leur courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et M. [P] [Z] sollicitaient l'inscription à l'ordre du jour des assemblées générales du 22 mai 2017 d'une question rédigée de la façon suivante : « l'ASLP PH décide de la suppression de toutes les barrières fermant les voies de circulation » ; qu'en retenant néanmoins qu'ils avaient sur ce point émis une simple « information » relative à « l'illégalité de la fermeture par des barrières de l'ASL PH », insusceptible en sa présentation de faire l'objet d'un vote, la cour d'appel a dénaturé ce courrier du 26 avril 2017 en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3) ALORS QUE l'article 10 des statuts de l'ASL applicables au jour des assemblées générales du 22 mai 2017 prévoyait : « dans les 6 jours de la convocation, les syndicataires peuvent notifier, par lettre recommandée à la personne qui a convoqué l'assemblée, les questions dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Un état de ces questions est porté à la connaissance des syndicataires, 5 jours au moins avant la date de cette réunion, dans les formes prévues pour la convocation » ; qu'en énonçant encore, pour retenir qu'aucune irrégularité n'entachait les assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 22 mai 2017 du fait du refus de l'ASL du Parc du Hautmont d'inscrire à l'ordre du jour les questions notifiées par le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont et par M. [P] [Z] par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 avril 2017, que ce courrier n'apportait pas de précision sur l'assemblée générale de l'ASL devant laquelle ils souhaitaient que chaque question soit posée, quand il ressortait de ses constatations que ce courrier visait les deux assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 22 mai 2017 de sorte qu'il appartenait à l'ASL de les porter à l'ordre du jour de celle dans le cadre de laquelle elles étaient susceptibles d'être votées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Le syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont fait grief à l'arrêt : de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à voir déclarer l'association syndicale libre du Parc du Hautmont irrecevable en ses demandes dirigées à son encontre en tant qu'elle est dépourvue de tout intérêt et qualité à agir contre lui, de l'AVOIR condamné à payer à l'association syndicale libre du Parc du Hautmont la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les cotisations impayées au titre des années 2015, 2016 et 2017, augmentée des intérêts au taux légal, et de l'AVOIR condamné à lui payer la somme de 166 656 euros au titre des cotisations impayées pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, cette somme s'ajoutant à celle de 75 000 euros allouée à titre d'indemnité provisionnelle ; ALORS QUE les statuts adoptés le 22 mai 2017 ne conférait pas la qualité de membre de l'association syndicale libre aux syndicats des copropriétaires des copropriétés situées dans le périmètre syndical ; qu'en énonçant, pour faire droit à la demande de condamnation en paiement de cotisations de l'ASL du Parc du Hautmont à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence Château du Hautmont, que si ce dernier n'est pas membre de l'ASL dans la mesure où il n'a pas la qualité de propriétaire, le vote de la résolution n° 4 de l'assemblée générale extraordinaire du 22 mai 2017 ayant conféré aux seuls copropriétaires la qualité de membres et le droit de vote afférent, il demeure l'unique interlocuteur de l'ASL pour collecter les fonds auprès des copropriétaires, les cotisations étant des charges générales de copropriété et donc des dépenses communes à l'ensemble des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 1103, anciennement 1134, du code civil, et l'article 7 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, ensemble l'article 1199, anciennement 1165, du code civil. 3e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-22.815, Bull. 2018, III, n° 93 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 657 F-B Pourvoi n° C 20-21.035 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 1°/ Mme [H] [R], 2°/ Mme [X] [Z], toutes deux domiciliées [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° C 20-21.035 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [L] [S], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à Mme [M] [U], domiciliée [Adresse 1], 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Papeete, domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mmes [R] et [Z], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 2 juillet 2020), [B] dit [O] [S] a assigné Mme [L] [S] et Mme [U] en contestation de paternité. 2. Après le décès de celui-ci, survenu le 16 mars 2017, Mmes [R] et [Z], ses nièces, sont intervenues volontairement à l'instance en leur qualité de légataires universelles pour reprendre l'instance. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mmes [R] et [Z] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur intervention volontaire et de les condamner à payer, chacune, à Mme [S] la somme de 250 000 francs pacifiques à titre de dommages-intérêts, alors « que, si le légataire universel du titulaire de l'action en contestation de paternité n'a pas qualité pour intenter ladite action, il en dispose pour poursuivre l'action engagée par ce titulaire de son vivant ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de Mmes [R] et [Z] dans le cadre de l'instance engagée par [B] dit [O] [S] en contestation de sa paternité à l'égard de Mme [L] [S] et de Mme [M] [U], que le légataire universel du titulaire d'une action relative à la filiation n'est pas un héritier au sens de l'article 322 du code civil et qu'il n'a qualité ni pour exercer cette action, ni pour poursuivre une telle action déjà engagée, la cour d'appel a violé l'article 322 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Après avoir énoncé à bon droit que le légataire universel du titulaire de l'action prévue par l'article 333 du code civil, n'étant pas un héritier de celui-ci au sens de l'article 322 du même code, n'a pas qualité pour exercer cette action ni pour la poursuivre, la cour d'appel en a exactement déduit que Mmes [R] et [Z] étaient irrecevables à poursuivre, en leur qualité de légataires universelles, l'action en contestation de paternité engagée par [B] dit [O] [S]. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes [R] et [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [R] et [Z] et les condamne à payer à Mme [S] la somme de 2 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Tinchon, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mmes [R] et [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION : Mmes [R] et [Z] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable leur intervention volontaire et, l'infirmant pour le surplus, de les avoir condamnées à payer, chacune, à Mme [S] la somme de 250 000 francs pacifique à titre de dommages-intérêts ; ALORS QUE si le légataire universel du titulaire de l'action en contestation de paternité n'a pas qualité pour intenter ladite action, il en dispose pour poursuivre l'action engagée par ce titulaire de son vivant ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de Mmes [R] et [Z] dans le cadre de l'instance engagée par [B] dit [O] [S] en contestation de sa paternité à l'égard de Mme [L] [S] et de Mme [M] [U], que le légataire universel du titulaire d'une action relative à la filiation n'est pas un héritier au sens de l'article 322 du code civil et qu'il n'a qualité ni pour exercer cette action, ni pour poursuivre une telle action déjà engagée, la cour d'appel a violé l'article 322 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION : Mmes [R] et [Z] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir condamnées à payer, chacune, à Mme [S] la somme de 250 000 francs pacifique à titre de dommages-intérêts ; ALORS QUE l'action en justice ne revêt un caractère abusif qu'en présence d'une faute ayant fait dégénérer en abus l'exercice de ce droit ; que pour juger que Mmes [R] et [Z] avaient agi de manière abusive en poursuivant l'action en contestation de paternité intentée par [B] dit [O] [S] dont elles sont les légataires universelles, dans l'intention de nuire à Mme [L] [S], son héritier réservataire, et lui causer préjudice, la cour a relevé que les appelantes se bornent à solliciter une décision avant dire droit afin de se constituer des preuves, qu'elles ne versent aux débats que deux attestations au soutien de leurs allégations, que leur demande de communication de pièces devant le conseiller de la mise en état avait pour objet de pallier leur carence dans l'administration de la preuve et que Mme [L] [S] voit pour la première fois sa filiation remise en cause alors que celle-ci résulte de sa reconnaissance par son père à sa naissance ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de Mmes [R] et [Z] à agir en justice, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. 1re Civ., 2 avril 2014, pourvoi n° 13-12.480, Bull. 2014, I, n° 62 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 670 FS-B Pourvoi n° J 19-22.693 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 1°/ Mme [Y] [A], domiciliée [Adresse 1], 2°/ Mme [B] [X], domiciliée [Adresse 3], agissant en qualité d'ayant droit de [I] [G], épouse [A], ont formé le pourvoi n° J 19-22.693 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [F], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société Plouchard et Barnier, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mmes [Y] [A] et [X], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Plouchard et Barnier, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 juin 2019), [D] [A] est décédée le 3 janvier 1993, en laissant pour lui succéder son fils, [J] [A], lui-même décédé le 9 juin 2000, en laissant pour lui succéder son épouse, [I] [G], et sa fille, née d'une précédente union, Mme [Y] [A]. 2. Se prévalant d'un testament authentique dressé le 20 juin 1991, par lequel [D] [A] l'avait institué légataire à titre particulier d'une somme d'argent, M. [F] a assigné [I] [G] et Mme [Y] [A] en délivrance de son legs. 3. L'arrêt rendu sur cette action, le 13 mars 2012, a été cassé et annulé (1re Civ., 3 juillet 2013, pourvois n° 12-19.146 et 12-20.467), sauf, notamment, en ce qu'il a dit que M. [F] était fondé à solliciter la délivrance de son legs dans les limites de la quotité disponible. 4. Par acte du 5 janvier 2016, M. [F] a fait délivrer, par la société civile professionnelle Plouchart et Barnier (la SCP Plouchart et Barnier), à Mme [Y] [A], un commandement de payer aux fins de saisie-vente sur le fondement des arrêts des 13 mars 2012 et 3 juillet 2013. 5. [I] [G] et Mme [Y] [A] ont saisi un juge de l'exécution en contestation de cette mesure d'exécution forcée. 6. [I] [G] est décédée le 8 novembre 2016, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [X], qui a repris l'instance en son nom. Examen des moyens Sur les moyens, en ce qu'ils sont formés par Mme [X], ci-après annexés 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, en ce qu'il sont formés par Mme [X], qui sont irrecevables. Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il est formé par Mme [A] Enoncé du moyen 8. Mme [A] fait grief à l'arrêt de dire que le commandement du 5 janvier 2016 est fondé sur un titre exécutoire régulier et est valable, de rejeter sa contestation et sa demande de dommages-intérêts pour abus de saisie et de déclarer irrecevable la demande de réduction du legs, alors « que seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur ; que la délivrance d'un legs a pour seul objet de reconnaître les droits du légataire et doit être distingué du paiement du legs lequel ne peut intervenir que dans le cadre des opérations de partage par l'attribution au légataire de biens le remplissant de ses droits ; qu'en décidant que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 13 mars 2012 qui se contente de dire que M. [F] est fondé à solliciter la délivrance de son legs consenti par le testament du 20 juin 1991 serait constitutif d'un titre exécutoire pour avoir paiement de ce legs, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1014 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution et 1014 du code civil : 9. Aux termes du premier de ces textes, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. 10. En application du second, la délivrance d'un legs particulier a pour seul objet la reconnaissance des droits du légataire, permettant l'entrée en possession de l'objet du legs et l'acquisition des fruits, et se distingue du paiement du legs. 11. Pour rejeter la contestation de Mme [A], l'arrêt retient que le commandement de payer afin de saisie-vente qui lui a été signifié le 5 janvier 2016 est fondé sur un titre exécutoire régulier et valable résultant des arrêts du 13 mars 2012 et du 3 juillet 2013 ayant définitivement jugé que M. [F] était fondé à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible, ce qui s'interprète comme une décision ordonnant la délivrance qui est la reconnaissance par le juge de la régularité du titre du légataire. 12. En statuant ainsi, alors qu'une décision accueillant une demande de délivrance d'un legs de somme d'argent ne constitue pas un titre exécutoire autorisant le légataire à procéder à des mesures d'exécution forcée, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le quatrième moyen, en ce qu'il est formé par Mme [A] Enoncé du moyen 13. Mme [A] fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la SCP Plouchart et Barnier, alors « que les huissiers sont responsables de la rédaction de leurs actes ; que lorsque l'acte a été rédigé par un autre officier ministériel, leur responsabilité n'est exclue que pour les indications matérielles qu'ils n'ont pas pu eux-mêmes vérifier ; que l'existence d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ne constitue pas une indication matérielle que l'huissier ne serait pas en mesure de vérifier par lui-même ; que dès lors quand bien même elle n'aurait pas rédigé le commandement litigieux, la SCP Plouchart et Barnier a engagé sa responsabilité en signant et délivrant ce commandement en l'absence de titre exécutoire portant sur une créance liquide ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. » Réponse de la Cour Vu l'article 2, alinéa 2, de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 : 14. Aux termes de ce texte, les huissiers sont responsables de la rédaction de leurs actes, sauf, lorsque l'acte a été préparé par un autre officier ministériel, pour les indications matérielles qu'ils n'ont pas pu eux-mêmes vérifier. 15. Pour mettre hors de cause la SCP Plouchart et Barnier, l'arrêt, après avoir énoncé les termes de l'article 2, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 novembre 1945, retient, par motifs propres, que la lettre en date du 28 décembre 2015 démontre que la SCP Leroi, Wald-Reynaud-Ayache l'avait requise pour délivrer le commandement de payer qu'elle avait elle-même préparée et, par motifs adoptés, qu'il n'est pas contestable que la SCP Plouchart et Barnier, simple mandataire, n'est pas l'auteur du commandement de payer du 5 janvier 2016 et qu'elle n'est pas responsable de la rédaction de cet acte. 16. En statuant ainsi, alors que les dispositions susvisées n'intéressent que la rédaction des actes, la cour d'appel, qui a constaté qu'il était reproché à l'huissier de justice d'avoir diligenté la saisie-vente en l'absence de titre exécutoire portant sur une créance liquide, a violé, par fausse application, le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause la SCP Plouchart et Barnier, dit que le commandement de payer afin de saisie-vente signifié le 5 janvier 2016 à Mme [Y][A] est fondé sur un titre exécutoire régulier et est valable, rejette la contestation de Mme [Y] [A], rejette sa demande de dommages-intérêts pour abus de saisie et déclare irrecevable la demande de réduction du legs, l'arrêt rendu le 27 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne M. [F] et la SCP Plouchart et Barnier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la SCP Plouchart et Barnier et M. [F] et condamne celui-ci à payer à Mme [A] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Tinchon, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mmes [Y] [A] et [X]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le commandement de payer afin de saisie-vente du 5 janvier 2016 est fondé sur un titre exécutoire régulier et valable, débouté Mme [A] de sa contestation et de sa demande de dommages et intérêts pour abus de saisie et déclaré irrecevable la demande de réduction du legs ; Aux motifs que l'article 1014 du code civil impose au légataire particulier de demander la délivrance de son legs, en suivant l'ordre établi par l'article 1011, ce que M. [F] a fait dès son assignation du 16 juin 2005, d'où il s'ensuit que, au vu de l'arrêt du 13 mars 2012 de la cour d'appel d'Aix en Provence et de celui de la Cour de cassation du 3 juillet 2013 qui a expressément confirmé trois points jugés par la cour d'appel : la coexistence des testaments des 16 juin 1983, 20 juin 1991 et 3 août 1992, le droit de M. [F] à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 29 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible et l'absence de prescription de l'action en réduction demandée par Mmes [A], il est donc définitivement jugé que M. [F] est fondé à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible, ce qui s'interprète comme une décision ordonnant la délivrance qui n'est rien d'autre que la reconnaissance par le juge de la régularité du titre du légataire. En l'état, toutes les décisions rendues sont devenues définitives et ont autorité de la chose jugée et selon l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire constituent des titres exécutoires. Si dans son arrêt du 4 mars 2014, la cour d'appel de Lyon, cour de renvoi, ayant constaté que Mme [I] [A] et Mme [Y] [A] ne sollicitaient plus la réduction des legs, qu'en sa qualité de légataire M. [F] n'avait pas qualité pour demander, n'a pu ordonner la réduction des dispositions testamentaires et a dit n'y avoir lieu de renvoyer les parties devant un notaire pour l'établissement d'un nouvel état liquidatif et si, de ce fait, le calcul des sommes dues, au regard du dépassement de la quotité disponible contesté, n'a pas encore été effectué, il n'en demeure pas moins que par testament du 20 juin 1991, Mme [D] [A] avait consenti un legs à [F] pour un montant de 1.800.000 francs, soit 274.408,23 euros, qui correspond exactement au montant sollicité en principal aux termes du commandement de payer aux fins de saisie vente qui a été délivré à Mme [Y] [A] le 5 janvier 2016, la somme léguée en principale portant intérêt au taux légal depuis la demande de délivrance de M. [F] depuis l'acte introductif d'instance du 16 juin 2005. Le commandement de payer délivré le 5 janvier 2016 est donc fondé sur un titre exécutoire régulier et valable sur le legs consenti aux termes du testament de Mme [D] [A] en date 20 juin 1991, par lequel la somme de 274.403,23 euros lui était léguée à M. [F], résultant des décisions rendues qui contiennent éléments nécessaires à l'évaluation de la créance en se référant au testament du 20 juin 1991. Le moyen de contestation tenant à l'absence de titre exécutoire est donc rejeté et le jugement confirmé sur ce point. Et aux motifs adoptés du jugement que subsiste un débat sur la délivrance du legs dans son intégralité ou après sa réduction au regard de la quotité disponible restant. IL appartient au juge de l'exécution d'interpréter le titre lorsqu'une telle question se pose de façon incidente à l'occasion d'une difficulté d'exécution. Il est rappelé que cette interprétation qui ne vise pas à modifier ce qui a été décidé mais à chercher la portée de ce qui est ambigu, ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée. Si seul le dispositif a autorité de la chose jugée conformément à l'article 480 du code de procédure civile, il n'en demeure pas moins que les motifs qui sont le soutien de la décision peuvent être utilisés pour préciser la portée de ce qui a été jugé. En l'espèce, la Cour d'appel d'Aix en Provence a jugé que M. [F] était fondé à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible et a ordonné la réduction des dispositions testamentaires de Mme [D] [A]. Elle a ainsi renvoyé les parties devant le Président de la chambre des notaires du Var pour établir un nouvel état liquidatif sur la base de sa décision. La Cour de cassation a dans son arrêt du 3 juillet 2013 cassé et annulé l'arrêt du 13 mars 2012 sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune de [Localité 4]. Elle a néanmoins expressément confirmé trois points jugés par la Cour d'appel : la coexistence des testaments des 16 juin 1983, 20 juin 1991 et 3 août 1992, le droit de M. [F] à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible et l'absence de prescription de l'action en réduction demandée par Mmes [A]. Elle a remis en conséquence sur les autres points la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Lyon. Il résulte du dispositif de cet arrêt que la question de la réduction du legs n'a pas été tranchée par la Cour de cassation qui a simplement admis que l'action en réduction de Mmes [A] n'était pas prescrite. Le seul fait que l'action soit déclarée non prescrite emporte seulement recevabilité de l'action et non décision sur le fond de celle-ci. Ce point peut être vérifié par la lecture des motifs de l'arrêt relatif au premier moyen commun aux deux pourvois incidents de MM. [O] et [S] [L] (page 7 de l'arrêt). La Cour de cassation après avoir constaté que la Cour d'appel d'Aix en Provence avait ordonné la réduction des legs consentis par la défunte et renvoyé les parties devant le président de la chambre des notaires du Var pour établir un état liquidatif, a considéré qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de MM. [O] et [S] [L] qui invoquaient l'irrecevabilité de leur intervention forcée en cause d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé (article 455 du code de procédure civile). Ainsi la cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel sur la question de la réduction des legs. Cette question a ainsi été déférée avec les autres points cassés à la cour d'appel de renvoi. Dans son arrêt du 4 mars 2014, la cour d'appel de renvoi de Lyon a expressément jugé, dans son dispositif, qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer les parties devant un notaire en vue de l'établissement d'un nouvel état liquidatif. En effet, il ressort des motifs de cette décision que la cour d'appel a tiré les conséquences de l'absence de réitération par Mmes [A] de leur demande de réduction des legs consentis par Mme [D] [A], pour conclure qu'elles avaient renoncé à demander la réduction de ceux-ci. M. [F] ne pouvait pas se substituer à ces dernières pour demander une telle réduction, n'ayant pas la qualité pour le faire du fait de sa qualité de légataire, de sorte qu'il a été débouté de sa demande. Mme [A] ne peut pas reprocher à la Cour d'appel de Lyon de ne pas avoir statué dans son dispositif sur sa renonciation à se prévaloir de la réduction puisqu'elles n'avaient formulé aucune demande sur ce point, la cour ne pouvant statuer que dans les limites des demandes des parties. Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par le rapporteur de la Cour de cassation saisie de pourvois formés à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, qu'elle a rejeté par arrêt du 10 juin 2015. Il est relevé également qu'à l'occasion de cette dernière procédure, seul M. [F] a contesté l'arrêt refusant de renvoyer les parties devant un notaire afin qu'il établisse un nouvel état liquidatif, Mmes [A] n'ayant soulevé aucun moyen sur ce point. Si elles considéraient que la créance de M. [F] n'était pas liquide, elles auraient contesté l'arrêt de renvoi qui a refusé de renvoyer les parties devant un notaire afin qu'il établisse un nouvel état liquidatif. Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, M. [F] disposait bien d'un titre exécutoire valable constatant une créance liquide et exigible. En effet l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence et l'arrêt de la Cour de cassation constituant le titre exécutoire contenaient les éléments nécessaires à son évaluation en se référant au testament du 20 juin 1991 par lequel la somme de 274.408,23 euros était léguée. 1°- Alors que seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur ; que la délivrance d'un legs a pour seul objet de reconnaitre les droits du légataire et doit être distingué du paiement du legs lequel ne peut intervenir que dans le cadre des opérations de partage par l'attribution au légataire de biens le remplissant de ses droits ; qu'en décidant que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence du 13 mars 2012 qui se contente de dire que M. [F] est fondé à solliciter la délivrance de son legs consenti par le testament du 20 juin 1991 serait constitutif d'un titre exécutoire pour avoir paiement de ce legs, la Cour d'appel a violé les articles L 111-2, L 111-2 et L 221-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1014 du code civil ; 2°- Alors que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence du 13 mars 2012 a dit que M. [F] est fondé à solliciter la délivrance de son legs consenti par le testament du 20 juin 1991 « dans les limites de la quotité disponible » ; que la décision de la Cour d'appel limitant la créance de M. [F] à la quotité disponible est devenu définitive, la cassation partielle prononcée par l'arrêt du 3 juillet 2013 n'ayant pas porté sur ce chef de dispositif ; qu'en considérant cependant que le commandement aux fins de saisie délivré en vertu de ces arrêts serait fondé sur un titre exécutoire portant sur le montant du legs consenti aux termes du testament du 20 juin 1991 par lequel la somme de 274.403,23 euros lui a été léguée, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par ces arrêts en violation de l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil ; 3°- Alors que dans ses motifs, l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 4 mars 2014 statuant sur renvoi après cassation se borne à relever que Mmes [A] ne sollicitent plus la réduction des legs, sans constater une quelconque renonciation des consorts [A] à se prévaloir de la réduction du legs au montant de la quotité disponible ; qu'en énonçant qu'il ressortirait des motifs de cette décision que la Cour d'appel a tiré les conséquences de l'absence de réitération par Mmes [A] de la demande de réduction du legs en concluant qu'elles avaient renoncé à demander cette réduction, la Cour d'appel a dénaturé les motifs de cet arrêt en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 4°- Alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant que l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 4 mars 2014 statuant sur renvoi après cassation aurait constaté la renonciation de Mmes [A] à se prévaloir de la réduction du legs consenti à M. [F], après avoir pourtant admis que le dispositif de cet arrêt ne statue pas sur une renonciation de Mmes [A] à se prévaloir d'une réduction du legs consenti à M. [F], la Cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil qu'elle a violé ; 5°- Alors qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2015 statuant sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 4 mars 2014, qu'aux termes d'un quatrième moyen produit par Mmes [A], ces dernières faisaient grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu de renvoyer les parties devant un notaire en vue de l'établissement d'un nouvel état liquidatif à intervenir ; qu'en énonçant qu'à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt du 4 mars 2014 seul M. [F] aurait contesté l'arrêt refusant de renvoyer les parties devant un notaire afin qu'il établisse un nouvel état liquidatif, Mmes [A] n'ayant soulevé aucun moyen sur ce point, la Cour d'appel a dénaturé l'arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2015 en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 6°- Alors que seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur ; que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 13 mars 2012 sur lequel est fondé le commandement de payer afin de saisie-vente a par un chef de dispositif devenu définitif, dit que M. [F] est fondé à solliciter la délivrance de son legs consenti par le testament du 20 juin 1991 « dans les limites de la quotité disponible » ; que ni l'arrêt du 13 mars 2012 ni le testament auquel il renvoie, ne permettent d'évaluer la créance de M. [F] telle que limitée à la quotité disponible ; qu'ainsi les arrêts du 13 mars 2012 et du 3 juillet 2013 ne peuvent constituer le titre exécutoire exigé pour la mise en oeuvre d'une exécution forcée ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 111-2, L 111-2 et L 221-1 du code des procédures civiles d'exécution. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le commandement de payer afin de saisie-vente du 5 janvier 2016 est fondé sur un titre exécutoire régulier et valable, débouté Mme [A] de sa contestation et de sa demande de dommages et intérêts pour abus de saisie et déclaré irrecevable la demande de réduction du legs ; Aux motifs que subsidiairement, les appelantes sollicitent la réduction des dispositions testamentaires précitées, à charge pour M. [F] de calculer, ès-qualité de demandeur, la portion de legs lui revenant, après réduction et paiement des droits fiscaux. Le juge de l'exécution de Pontoise n'a été saisi que d'une demande d'annuler purement et simplement le commandement afin de saisie vente et la demande de réduction du legs est nouvelle en cause d'appel. En tout état de cause, dans son arrêt du 4 mars 2014, la cour d'appel de Lyon, cour de renvoi, ayant constaté que Mme [I] [A] et Mme [Y] [A] ne sollicitaient plus la réduction des legs, qu'en sa qualité de légataire, M. [F] n'avait pas qualité pour demander, n'a pu ordonner la réduction des dispositions testamentaires et a dit n'y avoir lieu de renvoyer les parties devant un notaire pour l'établissement d'un nouvel état liquidatif. Or la cour de céans, saisie de l'appel du jugement du juge de l'exécution en date du12 janvier 2018, statue en l'espèce en qualité de juge de l'exécution et l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose « en matière de compétence d'attribution, tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence. Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l'acte de saisie, selon le cas, il a compétence pour accorder un délai de grâce. Le juge de l'exécution peut relever d'office son incompétence ». Le Juge de l'exécution ne peut modifier les décisions intervenues et ne peut donc réduire le legs consenti, cette réduction n'ayant pas été demandée ni a fortiori ordonnée par l'arrêt du 4 mars 2014 de la cour d'appel de Lyon qui a à ce jour autorité de la chose jugée. La demande est par suite irrecevable. 1°- Alors qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si la demande de réduction du legs dont la délivrance faisait l'objet du commandement aux fins de saisie n'était pas virtuellement comprise dans celles présentées par Mme [A] en première instance dont elles auraient constitué l'accessoire, ni si elles tendaient à faire écarter les prétentions adverses, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 564 et 566 du code de procédure civile ; 2°- Alors que les poursuites étaient exercées sur le fondement de l'arrêt de la Cour d'appel du 13 mars 2012 qui par un chef de dispositif devenu définitif, a dit que M. [F] est fondé à solliciter la délivrance de son legs consenti par le testament du 20 juin 1991 « dans les limites de la quotité disponible » ; qu'ainsi la réduction du legs sollicitée pour tenir compte de cette limitation n'était pas de nature à modifier le dispositif de la décision servant de fondement aux poursuites mais relevait au contraire de l'office du juge de l'exécution auquel il appartient de trancher les difficultés relatives aux titres exécutoires et les contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution et L 213-6 du code de l'organisation judiciaire ; 3°- Alors que l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour d'appel de renvoi du 4 mars 2014 qui se borne dans son dispositif à dire n'y avoir lieu de renvoyer les parties devant un notaire en vue de l'établissement d'un nouvel état liquidatif, sans constater aucune renonciation de Mmes [A] à la réduction du legs, ni les débouter d'une demande de réduction qui n'était pas formée, ne pouvait interdire au juge de procéder à la réduction sollicitée pour tenir compte de la limitation de la créance de M. [F] à la quotité disponible par le jugement servant de fondement aux poursuites ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1351 ancien devenu 1355 du code civil et R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le commandement de payer afin de saisie-vente du 5 janvier 2016 est fondé sur un titre exécutoire régulier et valable, et d'avoir débouté Mme [A] de sa contestation et de sa demande de dommages et intérêts pour abus de saisie ; Aux motifs que l'article 1014 du code civil impose au légataire particulier de demander la délivrance de son legs, en suivant l'ordre établi par l'article 1011, ce que M. [F] a fait dès son assignation du 16 juin 2005, d'où il s'ensuit que, au vu de l'arrêt du 13 mars 2012 de la cour d'appel d'Aix en Provence et de celui de la Cour de cassation du 3 juillet 2013 qui a expressément confirmé trois points jugés par la cour d'appel : la coexistence des testaments des 16 juin 1983, 20 juin 1991 et 3 août 1992, le droit de M. [F] à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 29 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible et l'absence de prescription de l'action en réduction demandée par Mmes [A], il est donc définitivement jugé que M. [F] est fondé à solliciter la délivrance du legs consenti par le testament du 20 juin 1991 dans les limites de la quotité disponible, ce qui s'interprète comme une décision ordonnant la délivrance qui n'est rien d'autre que la reconnaissance par le juge de la régularité du titre du légataire. En l'état, toutes les décisions rendues sont devenues définitives et ont autorité de la chose jugée et selon l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire constituent des titres exécutoires. Si dans son arrêt du 4 mars 2014, la cour d'appel de Lyon, cour de renvoi, ayant constaté que Mme [I] [A] et Mme [Y] [A] ne sollicitaient plus la réduction des legs, qu'en sa qualité de légataire M. [F] n'avait pas qualité pour demander, n'a pu ordonner la réduction des dispositions testamentaires et a dit n'y avoir lieu de renvoyer les parties devant un notaire pour l'établissement d'un nouvel état liquidatif et si, de ce fait, le calcul des sommes dues, au regard du dépassement de la quotité disponible contesté, n'a pas encore été effectué, il n'en demeure pas moins que par testament du 20 juin 1991, Mme [D] [A] avait consenti un legs à [F] pour un montant de 1.800.000 francs, soit 274.408,23 euros, qui correspond exactement au montant sollicité en principal aux termes du commandement de payer aux fins de saisie vente qui a été délivré à Mme [Y] [A] le 5 janvier 2016, la somme léguée en principale portant intérêt au taux légal depuis la demande de délivrance de M. [F] depuis l'acte introductif d'instance du 16 juin 2005. Le commandement de payer délivré le 5 janvier 2016 est donc fondé sur un titre exécutoire régulier et valable sur le legs consenti aux termes du testament de Mme [D] [A] en date 20 juin 1991, par lequel la somme de 274.403,23 euros lui était léguée à M. [F], résultant des décisions rendues qui contiennent éléments nécessaires à l'évaluation de la créance en se référant au testament du 20 juin 1991. Le moyen de contestation tenant à l'absence de titre exécutoire est donc rejeté et le jugement confirmé sur ce point. Alors que le jugement doit être motivé ; que Mme [A] faisait valoir (conclusions d'appel p. 14 et 15 et 19 ) qu'elle n'est titulaire que de 37,50 % des droits successoraux dans la succession litigieuse et qu'en l'absence de solidarité entre héritiers elle ne peut être poursuivie par le légataire qu'à hauteur de ses droits successoraux et non pour le paiement de la totalité du montant du legs litigieux visé dans le commandement aux fins de saisie-vente ; qu'en déboutant Mme [A] de cette contestation sans aucun motif à l'appui de sa décision, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause la SCP Plouchart et Barnier, huissiers de justice ; Aux motifs qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, les huissiers sont responsables de la rédaction de leurs actes, sauf, lorsque l'acte a été préparé par un autre officier ministériel, pour les indications matérielles qu'ils n'ont pas pu eux-mêmes vérifier. Le courrier en date du 28 décembre 2015 démontre que la SCP Leroi, Wald-Reynaud-Ayache a requis la SCP d'huissiers de justice pour délivrer le commandement de payer qu'elle avait elle-même préparée. Alors que les huissiers sont responsables de la rédaction de leurs actes ; que lorsque l'acte a été rédigé par un autre officier ministériel, leur responsabilité n'est exclue que pour les indications matérielles qu'ils n'ont pas pu eux-mêmes vérifier ; que l'existence d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ne constitue pas une indication matérielle que l'huissier ne serait pas en mesure de vérifier par lui-même ; que dès lors quand bien même elle n'aurait pas rédigé le commandement litigieux, la SCP Plouchart et Barnier a engagé sa responsabilité en signant et délivrant ce commandement en l'absence de titre exécutoire portant sur une créance liquide ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. 1re Civ., 10 mai 1988, pourvoi n° 86-15.834, Bull. 1988, I, n° 141 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 660 FS-B+R Pourvoi n° C 21-50.042 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Papeete, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-50.042 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2021 par la cour d'appel de Papeete, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [N] [S], 2°/ à M. [C] [M], domiciliés tous deux [Adresse 3], 3°/ à M. [F] [T], 4°/ à Mme [Z] [L], épouse [T], domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les neuf moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié et les plaidoiries de Me Molinié, avocat de Mme [S], de M. [M] et de M. et Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, conseiller référendaire, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 29 avril 2021), [I] [M] est né le 18 avril 2020, à Papeete, de l'union de Mme [S] et de M. [M]. 2. Le 6 mai 2020, ceux-ci ont saisi un juge aux affaires familiales d'une demande de délégation de l'exercice de l'autorité parentale sur leur enfant au profit de M. et Mme [T]. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, sur le deuxième moyen, sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, sur les quatrième à sixième moyens, sur le septième moyen, pris en ses première à cinquième branches et septième branche, sur les huitième et neuvième moyens, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en sa troisième branche, les quatrième et cinquième moyens, le sixième moyen, pris en sa seconde branche, le septième moyen, pris en ses première à cinquième branches et septième branche, les huitième et neuvième moyens, qui sont irrecevables, et sur le sixième moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de délégation d'autorité parentale, alors « qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de la gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 16-7 du code civil, les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui sont nulles. 6. Ces dispositions reposent sur les principes d'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, qui interdisent, sauf exceptions prévues par la loi, de conclure une convention portant sur un élément du corps humain ou de disposer librement de sa qualité de père ou de mère. 7. Il en résulte que le projet d'une mesure de délégation d'autorité parentale, par les parents d'un enfant à naître, au bénéfice de tiers souhaitant le prendre en charge à sa naissance, n'entre pas dans le champ des conventions prohibées par l'article 16-7 du code civil. 8. En effet, il n'existe pas d'atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, dès lors, d'une part, que l'enfant n'a pas été conçu en vue de satisfaire la demande des candidats à la délégation, d'autre part, que la mesure de délégation, qui n'est qu'un mode d'organisation de l'exercice de l'autorité parentale, est ordonnée sous le contrôle du juge, est révocable et est, en elle-même, sans incidence sur la filiation de l'enfant. 9. La cour d'appel a constaté que la mesure de délégation d'autorité parentale avec prise de contact d'une famille en métropole n'avait été envisagée par les parents de l'enfant qu'au cours de la grossesse. 10. Elle en a exactement déduit que la mesure sollicitée ne consacrait pas, entre les délégants et les délégataires, une relation fondée sur une convention de gestation pour autrui. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 12. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 377, alinéa 1, du code civil qui ne permet pas en cas de délégation d'autorité parentale volontaire une délégation par plusieurs délégataires ; 2°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a conféré à l'article 555 du code de procédure civile de Polynésie française, des effets réservés à l'article 377, alinéa 1, du code civil lequel limite pourtant en cas de délégation d'autorité parentale volontaire la possibilité de désigner un seul délégataire. » Réponse de la Cour 13. Aux termes de l'article 377, alinéa 1, du code civil, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. 14. Ces dispositions n'interdisent pas la désignation de plusieurs délégataires lorsque, en conformité avec l'intérêt de l'enfant, les circonstances l'exigent. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le septième moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 16. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en statuant ainsi, et en les qualifiant de proches au sens de l'article 377, alinéa 1, du code civil, après avoir constaté que le délégataire, M. [T] était inconnu des délégants et que la délégataire Mme [T] n'était connue que depuis quelques semaines la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations. » Réponse de la Cour 17. Aux termes de l'article 377, alinéa 1, du code civil, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. 18. Si ces dispositions ouvrent la possibilité de désigner comme délégataire une personne physique qui ne soit pas membre de la famille, c'est à la condition que celle-ci soit un proche digne de confiance. 19. Ne saurait être considérée comme un proche, au sens du texte précité, une personne dépourvue de lien avec les délégants et rencontrée dans le seul objectif de prendre en charge l'enfant en vue de son adoption ultérieure. 20. Au demeurant, une telle désignation ne serait pas conforme à la coutume polynésienne de la Faa'mu, qui permet d'organiser une mesure de délégation de l'autorité parentale dès lors qu'elle intervient au sein d'un cercle familial élargi ou au bénéfice de personnes connues des délégants. 21. En conséquence, c'est en méconnaissance du texte susvisé que la cour d'appel, après avoir constaté que Mme [S] et M. [M] étaient entrés en relation avec M. et Mme [T] à la suite de recherches d'une famille adoptante en métropole, a accueilli la demande en délégation de l'exercice de l'autorité parentale. 22. Cependant, si une jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été réalisé antérieurement à celle-ci et, le cas échéant, sur la base et sur la foi d'une jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que, en ces circonstances, le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste. 23. En l'occurrence, il doit être relevé, en premier lieu, que l'utilisation de la procédure de délégation d'autorité parentale s'inscrit dans un contexte de carence du pouvoir réglementaire. En effet, si les articles L. 224-1 à L. 225-7 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux pupilles de l'Etat et à leur adoption, sont applicables en Polynésie française, selon les adaptations qui y sont prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-5, les dispositions réglementaires d'application de l'article L. 224-2 du même code, relatif à la composition et aux règles de fonctionnement des conseils de famille institués en Polynésie française, ne sont toujours pas adoptées à ce jour, créant de ce fait une incertitude juridique sur les modalités d'adoption d'un enfant âgé de moins de deux ans sur ce territoire. 24. En deuxième lieu, il doit être rappelé que, dans ce contexte de vide réglementaire imputable à l'Etat, les autorités locales ont aménagé le code de procédure civile applicable en Polynésie française en prévoyant, pour les enfants dont la filiation est établie mais dont les parents souhaitent dès leur naissance mettre en oeuvre un projet d'adoption, une mesure préalable de délégation d'autorité parentale. De manière spécifique, l'article 555, alinéa 3, de ce code, édicte ainsi que la requête en délégation d'autorité parentale doit être accompagnée, lorsque les délégataires ne résident pas en Polynésie française, de l'enquête sociale et de l'avis motivé émanant de l'organisme habilité à le faire suivant la loi de leur domicile ou résidence habituelle. 25. En troisième lieu, il doit être souligné que la délégation aux fins d'adoption a été admise sur ce territoire par une jurisprudence trentenaire de la cour d'appel de Papeete, jusqu'à présent jamais remise en cause. 26. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à la date de la naissance de l'enfant, les parents légaux, comme le couple candidat à la délégation, se sont engagés dans un processus de délégation d'autorité parentale en vue d'une adoption qu'ils pouvaient, de bonne foi, considérer comme étant conforme au droit positif. 27. Dans ces conditions, il apparaît que l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle sanctionnant un tel processus porterait une atteinte disproportionnée aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime. 28. En outre, de manière concrète, la remise en cause des situations existantes serait de nature à affecter irrémédiablement les liens qui se sont tissés ab initio entre l'enfant et les délégataires. En effet, la fin de la mesure de délégation d'autorité parentale, en supprimant tout lien juridique entre eux, peut conduire à une rupture définitive des relations de l'enfant avec ceux qui l'élèvent depuis sa naissance, dans un contexte où le projet a été construit en accord avec les parents légaux et où ceux-ci conservent la faculté de solliciter la révocation de la mesure, si tel est l'intérêt de l'enfant. 29. Dès lors, l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle porterait également une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 30. Ces circonstances exceptionnelles justifient par conséquent de déroger à l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle aux situations des enfants pour lesquels une instance est en cours. 31. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'accueillir le moyen. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par le procureur général près la cour d'appel de Papeete Le ministère public fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de première instance le 12 aout 2020 qui avait dit que l'autorité parentale sur l'enfant [I] [H] [M] le 18 avril 2020 à Papeete (Tahiti, Polynésie française) sera désormais exercée par Madame [Z] [X] [L] épouse [T] née le 14 mai 1981 à Laval (53000) de nationalité française et Monsieur [F] [T] né le 30 janvier 1982 à Belfort (90000), de nationalité française II -A-_Aux motifs que : II-A-1 « le juge aux affaires familiales dispose, comme il a été dit, de pouvoirs étendus pour apprécier les circonstances dans lesquelles la délégation volontaire de l'autorité parentale est demandée, la liberté et la sincérité du consentement des parents, l'existence d'une fraude ou de contreparties matérielles ou financières, permettant de caractériser dans chaque espèce s'il y a eu ou non atteinte au principe d'indisponibilité du corps humain et d'interdiction de la gestation pour autrui, en faisant intervenir tant les services sociaux que ceux de police judiciaire; et qu'une demande de délégation volontaire de l'autorité parentale à un proche digne de confiance en raison des circonstances, même quand elle est présentée dans la perspective d'une demande d'adoption ultérieure, ne saurait être rejetée sans un examen par le juge, dans chaque espèce, du respect des conditions légales et de l'intérêt supérieur de l'enfant ; » et que: « la relation entre les parents et les délégataires s'est déroulée dans la continuité du projet conçu par les parents d'un accueil de l'enfant à naître par une famille qui lui offrirait des moyens de se développer meilleurs que dans sa famille biologique, laquelle est non seulement en situation de précarité, mais aussi non préparée à lui offrir une place. C'est ce projet partagé et conforté lors de l'arrivée de [Z] [T] qui a créé une proximité, sans qu'il soit en rien établi que la relation ait été fondée sur un consentement vicié ou sur une fraude ou sur une gestation pour autrui, les délégataires n'ayant été connus des parents que deux mois avant l'accouchement. » et que : « en Polynésie française, peu de parents songent à remettre expressément leur enfant au service de l'aide à l'enfance en vue d'une admission comme pupille de l'État, et ce même lorsqu'ils bénéficient de l'accompagnement du service social. A leurs yeux, la remise de l'enfant à des tiers désireux à terme de l'adopter par une délégation volontaire de l'autorité parentale n'est pas un abandon. Ils disent «donner», confier leur enfant. Ceux qui se sentent dans l'impossibilité de faire grandir leur enfant restent attachés à la possibilité de choisir ceux qui les substitueront. Es ont ainsi le sentiment de prendre la mesure la plus protectrice pour leur enfant qu'ils ne se sentent pas en capacité de faire grandir. » et que:« Les parents biologiques comprennent et approuvent le projet d'une adoption plénière par la suite. Des assurances sont données sur le maintien des contacts » et que « L'enfant a été remis dès sa naissance à [Z] [T] » et que : « En droit interne, lorsque, comme en l'espèce, la filiation de l'enfant a été établie, et que les parents n'ont pas perdu le droit d'exercer l'autorité parentale, l'enfant peut être élevé par d'autres personnes que ses parents biologiques si ces derniers ont délégué l'autorité parentale, ou s'ils ont consenti à une adoption et que celle-ci peut être prononcée. La délégation volontaire de l'autorité parentale sur un enfant âgé de moins de deux ans à un tiers proche digne de confiance lorsque les circonstances l'exigent n'est pas illicite. Elle ne constitue pas, en soi, un détournement de procédure ou une fraude à la loi, même quand elle s'inscrit dans un projet d'adoption ultérieure de l'enfant. » et que : « Il résulte de la procédure que la grossesse de [N] [S] n'était pas désirée. La délégation volontaire d'autorité parentale peut être envisagée par un couple comme un substitut à l'absence de projet de vie pour un enfant conçu, par exemple, hors mariage. Les parents ont l'expérience de la vie et de l'éducation des enfants. [N] [S] a déjà consenti à une adoption d'un enfant qui vit en métropole. C'est la solution qu'elle déclare avoir retenue en définitive lorsqu'elle a appris sa grossesse. » et que « la procédure de la délégation volontaire de l'autorité parentale fait-elle l'objet de dispositions particulières du code de procédure civile de la Polynésie française (art. 555ss). Conscient de ce que cette procédure y est utilisée pour prendre en charge des enfants de moins de deux ans en vue de leur adoption, le législateur polynésien l'a strictement encadrée en donnant au juge aux affaires familiales de larges pouvoirs d'information, qui sont effectivement exercés par les juridictions, et en subordonnant la délégation à la justification d'un agrément en vue de l'adoption pour les personnes non résidentes en Polynésie française. que la pratique de la délégation volontaire de l'autorité parentale destinée à permettre une adoption ultérieure est contraire aux dispositions de l'article 348-5 du code civil, lequel n'admet de consentement à l'adoption d'un enfant de moins de deux ans que pour une adoption familiale ou lorsque l'enfant est remis par le service de l'aide sociale à l'enfance, cela dans le but exprès de permettre la garantie d'indisponibilité du corps humain qu'apporte l'action administrative, qui doit être la même sur l'ensemble du territoire de la République ; alors que les conditions et les effets de la délégation volontaire de l'autorité parentale sont différents de ceux de l'adoption simple ou plénière, et que, si la responsabilité des collectivités publiques peut se trouver engagée à l'égard des enfants recueillis, des parents délégants ou des personnes délégataires en raison du caractère incomplet en Polynésie française de la réglementation organisant le recueil aux fins d'adoption par le service de l'aide à l'enfance, cela ne peut conduire le juge aux affaires familiales à renoncer, par a priori, à apprécier dans chaque espèce, en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, s'il existe des circonstances qui justifient une délégation volontaire de l'autorité parentale, et si la décision des parents de confier leur enfant à un proche digne de confiance plutôt qu'à un établissement agréé ou au service de l'aide à l'enfanCe est libre, sincère et exempte de fraude ; » -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du Code civil -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 348-4 du code civil qui ne prévoit pas pour les parents biologiques la possibilité de choisir les adoptants, choix tout aussi impossible au terme de l'article 29 de la convention de la Haye régissant l'adoption internationale -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, alors même qu'elle sait que la procédure de délégation d'autorité parentale, utilisée dans un tel contexte, a pour principal objectif de confier définitivement cet enfant aux délégataires détourne la procédure de délégation d'autorité parentale de ses fins II- A- 2 « C'est le regime de la délégation de l'autorité parentale qui est appliqué par les juridictions françaises à l'institution de la kafala (recueil des enfants orphelins, abandonnés ou nés hors mariage) dans les pays de droit musulman qui ne connaissent pas l'adoption. La jurisprudence de la cour d'appel de Papeete retient que le placement d'un enfant à l'aide sociale à l'enfance en vue d'une adoption n'est pas possible en Polynésie française en raison du caractère incomplet des textes, et que la délégation volontaire de l'autorité parentale par des parents polynésiens à des personnes agréées en métropole pour adopter est licite dès lors que les conditions légales sont remplies, et que le consentement de chacun des parents à la délégation est libre, éclairé et sans réserve (CA Papeete 6 mars 2014 RG n° 14/00042 -12 mai 2016 RG n° 16/00115). En effet, si les dispositions du code de l'action sociale et des familles organisant la remise des enfants pupilles de l'État au service social (CAS, art. L224-1 à 9 & L225-1 à 7, art. L562-1 & 3) sont applicables en Polynésie française et qu'il existe des structures habilitées à accueillir les enfants et à recevoir le consentement des parents pour l'adoption, les dispositions permettant non seulement la mise en oeuvre du projet individualisé pour chacun des pupilles de l'État, mais également le consentement à l'adoption de ces enfants, demeurent inapplicables à défaut de texte réglementaire ayant fixé la composition et les règles de fonctionnement du conseil de famille. De fait, le recueil de l'enfant par le service de l'aide à l'enfance n'est à l'heure actuelle pas organisé par la Direction de la Solidarité, de la Famille et de l'Egalité (DSFE), et la solution de remise de l'enfant demandée par le ministère public n'est pas effective. La DSFE diffuse une information qui indique aux candidats à l'adoption que la délégation volontaire de l'autorité parentale par les parents est le préalable à toute adoption. » alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donné une toute autre portée à la jurisprudence de la cour de cassation qui n'entend permettre le recours à la délégation d'autorité parentale que lorsque l'enfant est étranger et que l'adoption est interdite dans le pays d'origine de l'enfant; -alors que le code civil applicable en la Polynésie française n'interdit pas l'adoption ; -alors que la même cour d'appel prononce régulièrement des jugements d'adoption d'enfants par application du code civil; -alors que l'absence d'arrêté organisant le conseil de famille ne fait pas obstacle à la possibilité d'adopter; -alors que l'éventuelle mauvaise interprétation des textes par l'administration territoriale du service de l'aide à l'enfance ne fait pas obstacle à l'application de la loi par la cour d'appel; II - A-3 « Pour les motifs qui seront exposés plus loin, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête pour contrevenir à la règle de l'unicité du délégataire de l'autorité parentale doit être rejetée. Sur le nombre de délégataires : Le ministère public expose que pour être recevable, la demande de délégation ne peut viser qu'un seul délégataire ; qu'en effet, l'exercice commun de l'autorité parentale n'est dévolu par la loi qu'aux seuls parents ; que le pluriel employé par l'article 555 du code de procédure civile de la Polynésie française lorsque les délégataires n'y résident pas ne permet pas de déroger à cette règle établie par la loi et par la jurisprudence dominante approuvée par la doctrine. » et que « il est, en l'espèce, dans l'intérêt supérieur de [I] [M] qu'il soit donné effet au choix de ses parents de déléguer l'autorité parentale aux deux époux [T].» alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 377 al 1 du code civil qui ne permet pas en cas de délégation d'autorité parentale volontaire une délégation par plusieurs délégataires; - alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a conféré à l'article 555 du Code de procédure civile de Polynésie française, des effets réservés à l'article 377 al 1 du code civil lequel limite pourtant en cas de délégation d'autorité parentale volontaire la possibilité de désigner un seul délégataire; -alors que l'intérêt supérieur de l'enfant ne saurait être invoqué à l'appui d'une interprétation contraire à un texte clair; II-A-4 « Par un arrêt du 5 novembre 2008 (n°07-20.868), la Cour de cassation, première chambre civile, a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 19 décembre 2006 au motif qu'après avoir relevé d'abord l'absence de toute contrainte ou manoeuvre des époux X .. pour inciter la mère de naissance de [V], Mme Y ... , à l'abandonner ou pour obtenir son consentement, ensuite l'absence de dissimulation ou de tromperie quant à la sincérité du but de l'adoption, à la situation de l'enfant ou à celle de la mère, enfin que la prise en charge de l'enfant dans le cadre de la délégation d'autorité parentale prononcée par le tribunal de Papeete ne caractérisait pas la fraude et que l'absence de remise préalable effective de l'enfant aux services polynésiens d'aide sociale à l'enfance compétents ne pouvait être imputée aux époux X.., c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait eu ni fraude , ni dol de la part des adoptants, condition nécessaire, aux termes de l'article 353-2 du code civil, pour ouvrir la tierce opposition. » -alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel donne une portée à l'arrêt de la cour de cassation non transposable en l'espèce dès lors que l'article 353-2 du code civil, appliqué par la haute juridiction, concerne exclusivement la recevabilité de la tierce opposition à l'encontre d'un jugement d'adoption; -alors qu'en statuant ainsi, en se référant à un arrêt sans constater l'analogie des situations ni en préciser les motifs, la cour d'appel de Papeete n'a pas motivé sa décision; II-B - aux motifs que : D'un côté: « Ni l'enquête sociale, ni l'enquête de gendarmerie n'ont montré d'indice que cette délégation ait été faite moyennant des contreparties matérielles ou financières. ( .. ) » De l'autre : « La présence de [Z] [T] à la clinique et au moment de l'accouchement, comme sa participation aux frais de clinique et à la vie familiale (. ..) » alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite dans sa motivation; II-C -_aux motifs que : ll-C -1 « Le jugement entrepris a retenu que : - Il résulte du rapport d'enquête sociale que les parents biologiques vivent dans un logement "fait de bric et de broc" dépourvu d'électricité. Ils bénéficient d'aides alimentaires délivrées par le service social et de colis alimentaires de la Croix-Rouge. Monsieur [C] [M] est sans emploi et Madame [N] [S] indique être employée d'entretien d'espace vert, l'enquêtrice sociale relevant un revenu mensuel net de 55.000 à 65.000 francs CFP par mois, allocations familiales comprises. Ils ont trois autres enfants déjà à charge, âgés de 19,15 et 9 ans. Il est mentionné dans l'enquête sociale que ces derniers vont régulièrement manger chez leur tante maternelle en raison du peu de moyens financiers de M. [C] [M] et Mme [N] [S]. - Il est ainsi établi que M. [C] [M] et Mme [N] [S] ne sont pas en capacité de prendre convenablement en charge [I], qu'ils se trouvent dans une grande précarité financière, leurs ressources ne leur permettant que difficilement de subvenir à leur besoin et à ceux de leurs autres enfants, et que les circonstances exigent la délégation d'autorité parentale. Le ministère public expose que des ressources financières faibles ne suffisent pas en soi pour justifier une délégation volontaire de l'autorité parentale; que l'éducation et l'épanouissement d'un enfant, sa sécurité, sa santé, sa moralité ne découlent pas uniquement de moyens financiers ; que les parents ont pu faire face à leurs difficultés matérielles pour élever les aînés ; que leurs conditions de logement reflètent malheureusement la précarité des conditions de vie d'un grand nombre de familles, mais qu'elles n'ont pas vocation à les priver de leur droit à élever leur enfant ; que [N] [S] dispose de revenus réels, quoique faibles (80 000 F CFP et allocations familiales de 20 000 FCFP). Mais il résulte de la procédure que la requête aux fins de délégation volontaire de l'autorité parentale à l'égard de [I] [H] [M] né le 18 avril 2020 repose sur un ensemble précis et concordant de circonstances qui exigent une telle mesure : - Le couple est formé depuis 2003. Le père, sans profession, a 52 ans. La mère, employée d'entretien d'espaces verts, a 39 ans. Ils ont eu deux fils nés en 2004 et 2011. [N] [S] a trois autres enfants d'un premier lit nés en 1998, 1999 et 2000. La cadette vit au foyer. L'aîné vit avec son père à Bora-Bora. Le second a été adopté par un couple métropolitain. Les enfants sont scolarisés. Les revenus du ménage sont de 55 000 à 65 000 F CFP par mois (salaire de la mère et allocations familiales). La famille reçoit des aides alimentaires de la DSFE et de la Croix-Rouge. [N] [S] déclare qu'elle n'a pas réellement les moyens de nourrir ses enfants qui vont régulièrement manger chez sa soeur. - Le logement fait «de bric et de broc» est implanté sur un terrain en pente très abrupte. Il est constitué de trois petites pièces sans électricité. Les matelas sont posés à même le sol. L'aménagement est sommaire mais propre. - [N] [S] a appris sa grossesse quand celle-ci était avancée de quatre mois. A cette époque, elle ne percevait que deux semaines de salaire. [C] [M] s'est peu exprimé devant l'enquêtrice sociale. «C'est ma femme qui a tout géré avec mon accord», a-t-il déclaré à la gendarmerie. Le couple est lié économiquement par le fait que seule la femme travaille et que le logement de la famille se trouve sur un terrain qui appartient au père. La différence d'âge et de situation de ressources entre les époux, et leur absence de projet commun de parentalité, conduisent à constater que ce ne sont pas uniquement des difficultés matérielles et la recherche d'une vie 'meilleure, mais bien aussi l'absence de disponibilité du couple pour élever cet enfant non désiré, qui expliquent la recherche d'une famille pouvant le recueillir. En l'absence de tout projet de vie auprès de ses père et mère, [I] est exposé, dès sa naissance, au risque de devenir un enfant qui ne pourra trouver sa place, que ce soit matériellement, affectivement ou pour assurer sa protection, sa santé et son éducation, ni auprès de ses parents, ni dans la famille ou l'entourage proche de ceux-ci en Polynésie française. La mission d'enquête sociale demandait la vérification de la recherche de solutions pour l'enfant au sein des membres ou proches de la famille résidant en Polynésie française. L'enquête sociale montre que la famille est connue du service de l'aide à l'enfance puisque la mère a déclaré avoir reçu de la DSFE des aides alimentaires d'un montant de 27 000 F CFP de janvier à avril 2020. Mais il n'apparaît pas que d'autres mesures d'aide sociale ou d'aide à l'enfance ont été mises en oeuvre, et aucun élément n'a été trouvé en faveur d'une solution intrafamiliale ou de proximité. - alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, le juge ne saurait fonder sa décision sur la précarité matérielle et financière des parents, étrangère aux circonstances exigées par l'article 377 al 1 du Code Civil, la décision de la cour d'appel a manqué de base légale; - alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, le juge a insuffisamment motivé sa décision qui ne saurait se fonder sur une supposée absence de projet de parentalité, et s'exonérer ainsi des déclarations de la délégante qui a exposé tant son désir d'enfant que ses atermoiements sur le fait de remettre son enfant; II-C-2- « Le ministère public expose que - La liberté du consentement des parents à la délégation de l'autorité parentale fait question. [Z] [T] a été très présente dès son arrivée à Tahiti, accompagnant la mère aux courses et aux rendez-vous médicaux. Elle a assisté à l'accouchement, coupé le cordon ombilical et pris immédiatement l'enfant en charge dans sa chambre à la maternité, privant la mère de créer un lien ou bien de se raviser. Les relevés bancaires montrent que les époux [T] ont payé fréquemment des courses ainsi que des frais de clinique. - Devant le juge aux affaires familiales, [N] [S] a déclaré qu'elle avait changé d'avis quand elle avait accouché et que [Z] [T] était très choquée. L'enquête sociale le confirme. [N] [S] a déclaré qu'elle s'était attachée peu à peu à [I] et qu'elle était allée consulter un psychologue de la DSFE pour l'aider à prendre du recul, étant énervée par [Z] qui ne quittait pas le bébé des yeux. Elle a indiqué aux gendarmes qu'au début elle voulait le garder puis que le couple avait décidé qu'il serait mieux de le faire adopter. - Dès lors, il n'est pas rapporté en l'espèce la preuve de circonstances suffisantes et également d'un consentement suffisamment libre et éclairé exigeant qu'il soit procédé à la délégation. - Il n'a pas été justifié de ce que l'un ou L'autre des délégataires aient noué des relations de longue date avec la sphère familiale avant la naissance de l'enfant. il n'est pas établi qu'ils sont des proches de la famille et des personnes connues antérieurement au projet de délégation. Les époux [T] peuvent au contraire être qualifiés de parfaits étrangers à l'égard des parents biologiques, même s'ils ont pu nouer postérieurement à la naissance de L'enfant des relations. Le père a été quasi absent de cette démarche. il est plus à l'aise lorsque l'on s'adresse à lui en tahitien. Il ne connaît pas véritablement le couple [T] - Après contact avec des parents ayant adopté des enfants polynésiens par le biais d'une association Maeva de métropole, [Z] [T] est arrivée à Tahiti le 12 février 2020 pour rencontrer la mère. Elle a très peu rencontré le père avant la remise de l'enfant. Les parents n'avaient aucune assurance de ses capacités éducatives. Leurs relations se sont rapprochées du fait de la période de confinement (covid-19) et à l'occasion de courses et des visites médicales, sans que l'on puisse y voir une proximité attestant d'une confiance. [F] [T] n'est arrivé à Tahiti que le 9 juillet 2020. IL n'avait jamais rencontré les parents biologiques. Il était inconnu d'eux. - Les enquêtes sociales et les examens psychologiques postérieurs ne peuvent se substituer à l'examen de la situation préalable à la remise de l'enfant. Les époux [T], [N] [S] et [C] [M] concluent qu'après de multiples échanges téléphoniques en janvier 2020, [Z] [T] s'est rendue à Tahiti le 10 février 2020. Une relation sincère s'est établie entre eux suite à des visites et des échanges quotidiens. Ils ont pu vivre ensemble la fin de la grossesse. [Z] [T] participait à la vie familiale (fêtes religieuses, ballades à la plage et au centre-ville, repas familiaux) et a fait connaissance des enfants, des deux soeurs, du frère et de la mère de [N] [S]. [Z] [T] la considère comme sa soeur de coeur et projette déjà d'autres voyages à Tahiti avec des contacts téléphoniques réguliers. [N] [S] et [C] [M] considèrent bien les époux [T] comme étant des personnes dignes de confiance. Cela est confirmé par Les évaluations concordantes et positives de ce couple. Des échanges de qualité se poursuivent depuis son retour en métropole. Aucune disposition légale n'impose au juge de choisir par priorité parmi les membres de la famille le tiers à qui il délègue tout ou partie de l'autorité parentale (Civ. 1re 16 avr. 2008 n° 07-11.273). La décision des parents de déléguer l'autorité parentale et leur choix du délégataire doivent être appréciés au regard des circonstances qui exigent une telle mesure. Il n'est pas indispensable que la relation entre eux ait été longue pour que s'établissent une proximité et un rapport de confiance. Il résulte de la procédure que la grossesse de [N] [S] n'était pas désirée. La délégation volontaire d'autorité parentale peut être envisagée par un couple comme un substitut à l'absence de projet de vie pour un enfant conçu, par exemple, hors mariage. Les parents ont l'expérience de la vie et de l'éducation des enfants. [N] [S] a déjà consenti à une adoption d'un enfant qui vit en métropole. C'est la solution qu'elle déclare avoir retenue en définitive lorsqu'elle a appris sa grossesse. La relation qui s'est nouée avec les époux [T] se présente comme la construction d'un projet de vie pour l'enfant à naître. [N] [S] a été suivie par la DSFE à l'occasion d'une aide alimentaire avant l'accouchement et d'une consultation psychologique après celui-ci. Le service de l'aide à l'enfance n'a pas manifesté la nécessité, ni même la possibilité, d'un projet alternatif. La recherche de cette relation a été délibérément dirigée par les parents vers une famille adoptante en métropole. [N] [S] explique qu'elle s'est adressée à une amie à [Localité 4] qui a adopté le fils de sa soeur. C'est ainsi qu'elle a connu téléphoniquement les époux [T] en janvier 2020. Compte tenu des distances, cette relation s'est nouée par télécommunications, mais [Z] [T] s'est rendue rapidement à Tahiti, deux mois avant l'accouchement. En raison de son travail et de l'interruption des vols par l'état d'urgence sanitaire, [F] [T] n'a pu la rejoindre qu'en juillet. L'enquête sociale ordonnée par le juge des enfants a été réalisée peu après. Elle conclut que les parents biologiques expriment clairement leur volonté de confier l'enfant au couple [T] et émet un avis favorable à la demande de délégation de l'autorité parentale. Ni l'enquête sociale, ni l'enquête de gendarmerie n'ont montré d'indice que cette délégation ait été faite moyennant des contreparties matérielles ou financières. Les relevés de compte des époux [T] de janvier à juillet 2020 ont été remis aux enquêteurs. La requête conjointe aux fins de délégation de l'autorité parentale a été présentée peu après la naissance de l'enfant, le 6 mai 2020. Le juge aux; affaires familiales a entendu les parents seuls le 19 mai 2020. Ils ont confirmé leur volonté de délégation. [N] [S] a indiqué qu'elle avait changé d'avis quand elle a accouché. Néanmoins, elle n'est pas revenue ensuite sur sa décision. La présence de [Z] [T] à la clinique et au moment de l'accouchement, comme sa participation aux frais de clinique et à la vie familiale, s'expliquent par le projet de vie conçu par les parents plusieurs mois avant la naissance, dès qu'ils ont appris la grossesse. L'existence de ce projet, constant et assumé, ne permet pas de retenir que [N] [S] ait été sous emprise, ce qu'elle n'a jamais indiqué. La position en retrait de [C] [M] correspond à sa culture polynésienne et à l'absence de projet de vie de [I] dans sa famille biologique. L'absence physique de [F] [T] a été causée par la force majeure née de l'état d'urgence sanitaire. [N] [S] et [C] [M] ont confirmé leur demande de délégation de l'autorité parentale à l'audience du juge aux affaires familiales du 29 juillet 2020. Les parents ont manifesté leur confiance dans le couple [T] devant le juge aux affaires familiales ainsi que lors de l'enquête sociale et de l'enquête de gendarmerie. Ils ont souhaité le maintien des liens avec l'enfant comme mis en oeuvre avec les époux [T] et dans la perspective d'une adoption. Les évaluations faites pour l'agrément des époux [T] en vue d'adopter délivré par le conseil général du Gard le 6 février 2019 corroborent que ceux-ci sont des personnes dignes de confiance en ce qui concerne l'exercice d'une autorité parentale déléguée. Des attestations sont produites (SECRETAIN ép. [L], [A] [B] et [P], [G], [E], [K], [L] [W], [Y], [D], [O], [J], [U]) qui indiquent que l'enfant est très bien accueilli et s'insère parfaitement dans la famille [T]. Sa croissance est qualifiée de parfaite par un certificat médical du 29 octobre 2020. En définitive, la relation entre les parents et les délégataires s'est déroulée dans la continuité du projet conçu par les parents d'un accueil de l'enfant à naître par une famille qui lui offrirait des moyens de se développer meilleurs que dans sa famille biologique, laquelle est non seulement en situation de précarité, mais aussi non préparée à lui offiir une place. C'est ce projet partagé et conforté lors de l'arrivée de [Z] [T] qui a créé une proximité, sans qu'il soit en rien établi que la relation ait été fondée sur un consentement vicié ou sur une fraude ou sur une gestation pour autrui, les délégataires n'ayant été connus des parents que deux mois avant l'accouchement. Cette relation s'est déroulée en toute transparence. Aucun élément ne permet de retenir une intention de tromper le juge aux affaires familiales. L'enquête diligentée par le procureur de la République n'a pas fait apparaître d'indice d'incitation à l'abandon ni de contreparties matérielles ou financières. En premier ressort, le ministère public a conclu que son objectif n'était pas de retirer l'enfant confié mais de sécuriser les enfants polynésiens, les parents et les parents adoptants, et a préconisé une inscription virtuelle à la DSFE. [Z] [T] a déclaré «Si on m'avait dit qu'il fallait passer par la DSFE, en France, même VASE n'est pas au courant (...) Là vous me dites que je vais devoir laisser mon fils en pouponnière. » Comme il a été dit, la procédure montre que la DSFE a suivi [N] [S] pendant sa grossesse et après l'accouchement. Le service de l'aide à l'enfance n'a pas demandé à prendre en charge l'enfant en vue d'une adoption. Aucun autre proche digne de confiance n'a été proposé pour accueillir l'enfant. Il est ainsi suffisamment établi que le consentement des parents n'a pas été vicié ou entaché de fraude, et que leur choix des délégataires s'est porté sur des proches dignes de confiance. » -alors qu'en statuant ainsi, le consentement des parents à la délégation devant s'étudier distinctement du choix du délégataire dont il ne peut découler, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; - alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents devant s'étudier au jour de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; - alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents ne pouvant se déduire de la seule absence de vice ou de fraude constaté ou d'intention de tromper le juge, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; -alors qu'en ne statuant pas sur les circonstances de la remise de l'enfant et de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; -alors qu'en statuant ainsi, la qualité de proche digne de confiance d'un délégataire devant se constater au moment de la remise de l'enfant et de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision; -alors qu'en statuant ainsi, et en les qualifiants de proches au sens de l'article 377 aI 1 du Code civil, après avoir constaté que le délégataire, M. [T] était inconnu des délégants et que la délégataire Mme [T] n'était connue que depuis quelques semaines la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations; -alors qu'en statuant ainsi, le caractère digne de confiance d'un délégataire devant s'apprécier par le juge également sur sa capacité à respecter tant les fonctions parentales des parents, que le maintien du lien entre l'enfant et ses parents et la nature par définition réversible de la délégation d'autorité parentale, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ; ll-C-3 «Sur le contenu de la délégation : Le ministère public expose que la délégation volontaire de l'autorité parentale est totale lorsqu'elle ne précise pas quels droits et devoirs sont délégués ; qu'en l'espèce, la mère a pu indiquer vouloir rester en contact avec l'enfant, demande à recevoir des photos, à avoir des nouvelles ; que des aménagements étaient donc indispensables pour garantir l'exercice d'un droit de visite et de correspondance avec l'enfant ; que les assurances données à cet effet par les délégataires se heurtent à leur volonté de demander une adoption plénière aux deux deux ans de la vie, ainsi qu'aux aléas de l'existence ou de la relation avec la famille biologique. Les requérants exposent que les parents sont informés de la situation de leur fils " que les époux [T] les appellent régulièrement comme ils sy étaient engagés et leur envoient des photos de [I] très fréquemment, mettant un point d'honneur à maintenir le lien familial qui a su se créer entre eux. Le jugement dont appel a retenu que : L'éloignement géographique ne saurait constituer un motif de refus de la délégation de l'exercice de l'autorité parentale dans la mesure où les moyens actuels de communication permettent d'en atténuer considérablement les effets, les époux [T] paraissant au demeurant toujours à l'audience particulièrement soucieux de ne pas rompre le lien entre [I] et ses parents biologiques et n'émettent aucune préférence entre une adoption simple ou une adoption plénière. Le jugement doit être confirmé quant à la délégation de la totalité de l'autorité parentale, et ce pour les mêmes motifs que ceux qui conduisent à valider la délégation de l'autorité parentale faîte aux deux époux [T], dans l'intérêt supérieur de l'enfant compte tenu des circonstances de l'espèce : à savoir l'impératif de garantir la sécurité de l'enfant dans sa vie quotidienne et son éducation, y compris en cas d'empêchement de l'un ou l'autre délégataire, alors que les parents biologiques sont très éloignés et ne peuvent assumer cette charge. D'autre part, les parents peuvent demander, en cas de rupture ou d'altération des liens avec l'enfant, l'application des dispositions de l'article 377-2 du code civil : la délégation pourra, dans tous les cas, prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement, s'il est justifié de circonstances nouvelles. Le droit de consentir à l'adoption n'est jamais délégué (art. 377-3). Le jugement dont appel a exactement en droit et justement en fait constaté que les conditions légales de l'article 377 du code civil et les conditions procédurales du code de procédure civile de la Polynésie française sont remplies, et retenu que la délégation de l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant [I] aux époux [T] répond pleinement à l'intérieur supérieur de l'enfant. Il sera par conséquent confirmé » alors qu'en statuant ainsi, sans avoir tiré les conséquences de la volonté des parents de consentir des droits de visite et de correspondance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations; -alors qu'en statuant ainsi, sans examiner si les droits de l'enfant tels que définis par les conventions internationales et notamment les articles 7, 8, 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20.11.1989, étaient respectés la cour d'appel n'a pas suffIsamment motivé sa décision; II-D - aux motifs que : « par requête du 6 mai 2020, les époux [T] d'une part et [N] [S] et [C] [M] d'autre part ont présenté conjointement devant le juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de Papeete une requête aux fins de voir prononcer la délégation de l'autorité parentale sur l'enfant [I] [H] [M] né le 18 avril 2020 à Papeete en faveur des époux [T] » alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 377 al 1 du code civil, la délégation d'autorité parentale ne pouvant être déposée que par les seuls parents délégants. Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 658 F-B Pourvoi n° B 21-12.344 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [U]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 25 mai 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [W] [I], domicilié [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° B 21-12.344 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [U], épouse [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [I], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2019, pourvoi n° 18-18.574), M. [I] et Mme [U] se sont mariés le 8 juin 1974 sans contrat de mariage. 2. Un jugement du 9 juin 2016 a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux, ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et fixé à 150 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. [I] à Mme [U]. 3. Un arrêt du 28 février 2018 a confirmé le jugement, sauf, notamment, en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, et condamné M. [I] à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital d'un montant de 250 000 euros. 4. Cette décision a été cassée, mais uniquement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. [I] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 200 000 euros, alors « que le montant de la prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, doit être fixé en tenant compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le patrimoine communautaire était constitué d'un appartement évalué à 120 000 euros, d'un local commercial évalué à 260 000 euros et du "relais Marrakech" évalué, selon l'époux, à 470 000 à 500 000 euros, et selon l'épouse à 3 834 160 euros, soit un montant global compris entre 850 000 euros et 4 214 160 euros ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour fixer la prestation compensatoire due à Mme [U] à la somme de 200 000 euros, qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la liquidation du régime matrimonial afin d'apprécier la disparité que la rupture du mariage allait créer dans les conditions de vie respective des époux, sans rechercher comme elle y était invitée, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, si la liquidation de l'important patrimoine commun n'était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de Mme [U], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 271 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain d'appréciation de la cour d'appel qui, après avoir retenu à bon droit que, la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n'y avait pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à Mme [U] pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux, a pris en considération l'ensemble des éléments qui lui était soumis pour fixer le montant de la prestation compensatoire. 7. Il ne peut donc être accueilli. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 8. M. [I] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales et devant la cour d'appel, alors « que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les frais dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la cassation était totale ou partielle ; que dès lors en déclarant M. [I] irrecevable en sa demande tendant à ce qu'il soit de nouveau statué sur les dépens et les frais irrépétibles de premières instance et d'appel au motif inopérant que la cassation n'aurait été que partielle, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 639 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 639 du code de procédure civile : 9. Il résulte de ce texte que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, le fût-elle partiellement. 10. Pour déclarer irrecevables les demandes de M. [I] tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens devant le juge aux affaires familiales et la cour d'appel, l'arrêt retient que l'arrêt du 28 février 2018, qui a confirmé le jugement du juge aux affaires familiales, sauf en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, la désignation du notaire et l'attribution préférentielle de l'appartement de Belfort, a, par là-même, confirmé les dispositions par lesquelles il a condamné M. [I] aux entiers dépens de première instance et qu'il pas été censuré sur ce point. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. Comme suggéré par le mémoire en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. M. [I] ayant principalement succombé dans ses prétentions, tant devant le juge aux affaires familiales que devant la cour d'appel dont la décision a été partiellement cassée, il y a lieu de lui laisser la charge des dépens afférents à ces instances. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [I] tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur le sort des dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et d'appel devant la cour d'appel de Besançon, l'arrêt rendu le 10 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne M. [I] aux dépens dans les instances devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et devant la cour d'appel de Besançon ayant donné lieu à l'arrêt du 28 février 2018 ; Condamne M. [I] aux dépens, y compris ceux exposés devant la cour d'appel de renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Tinchon, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [I] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [I] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 200 000 € alors : que le montant de la prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, doit être fixé en tenant compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le patrimoine communautaire était constitué d'un appartement évalué à 120 000 €, d'un local commercial évalué à 260 000 € et du "relais Marrakech" évalué, selon l'époux, à 470 000 à 500 000 €, et selon l'épouse à 3 834 160 €, soit un montant global compris entre 850 000 € et 4 214 160 € ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour fixer la prestation compensatoire due à Mme [U] à la somme de 200 000 €, qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la liquidation du régime matrimonial afin d'apprécier la disparité que la rupture du mariage allait créer dans les conditions de vie respective des époux, sans rechercher comme elle y était invitée, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, si la liquidation de l'important patrimoine commun n'était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de Mme [U], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [I] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclaré irrecevable en ses demandes tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et devant la cour d'appel de Besançon, alors : que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les frais dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la cassation était totale ou partielle ; que dès lors en déclarant M. [I] irrecevable en sa demande tendant à ce qu'il soit de nouveau statué sur les dépens et les frais irrépétibles de premières instance et d'appel au motif inopérant que la cassation n'aurait été que partielle, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 639 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 669 FS-B Pourvoi n° C 20-22.139 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 Mme [I] [D], épouse [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-22.139 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant à Mme [T] [D], épouse [Z], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [I] [D], de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [T] [D], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 juin 2020), [S] [D] et [Y] [E], époux communs en biens, sont décédés respectivement les 26 mai 2005 et 9 mai 2011, en laissant pour leur succéder leurs filles, [T] et [I]. 2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession de [Y] [E]. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris dans sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt de dire que le montant des fermages dus par elle à [Y] [E] entre le 1er janvier 1994 et son décès le 9 mai 2011 devra être réintégré dans l'actif de la succession, alors « que seule une dette existante peut faire l'objet d'une libéralité ; qu'en décidant que le montant des fermages dus à [Y] [E] épouse [D] entre le 1er janvier 1994 et son décès le 9 mai 2011 par Mme [G] devra être réintégré dans l'actif de la succession cependant qu'elle constatait que les fermages échus entre 1994 et 2005 étaient prescrits, la cour d'appel a violé les articles 843 et 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, applicable en la cause. » Réponse de la Cour 5. Ayant retenu souverainement que la renonciation de [Y] [E] à recouvrer les fermages échus entre 1994 et 2005 l'avait été dans une intention libérale, la cour d'appel, qui s'est ainsi justement fondée sur le rapport des libéralités et non pas sur le rapport des dettes et qui a considéré que la remise de ces fermages était intervenue à une époque où ceux-ci n'étaient pas prescrits, en a exactement déduit l'existence d'une libéralité rapportable par Mme [G] à la succession. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Tinchon, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme [I] [D]. Mme [I] [D] épouse [G] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le montant des fermages dus à [Y] [E] épouse [D] entre le 1er janvier 1994 et son décès le 9 mai 2011 par Mme [G] devra être réintégré dans l'actif de la succession ; 1) ALORS QUE seule une dette existante peut faire l'objet d'une libéralité ; qu'en décidant que le montant des fermages dus à [Y] [E] épouse [D] entre le 1er janvier 1994 et son décès le 9 mai 2011 par Mme [G] devra être réintégré dans l'actif de la succession cependant qu'elle constatait que les fermages échus entre 1994 et 2005 étaient prescrits, la cour d'appel a violé les articles 843 et 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, applicable en la cause ; 2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'à l'appui de ses conclusions d'appel, Mme [G] produisait l'intégralité des justificatifs du règlement par elle-même, de la totalité des charges foncières des biens immobiliers des époux [D] et pas seulement de celles afférentes aux biens qui lui étaient loués (pièces n° 7 à 24), ce qui constituait la contrepartie onéreuse à la mise à disposition des biens loués (concl. p. 16 à 18) ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que Mme [G] n'apportait aucun élément venant confirmer l'accord tacite intervenu entre Mme [G] et sa mère, d'un règlement de l'intégralité des taxes foncières des biens des époux [D] « en contrepartie des fermages » (jugement p. 11 in fine et p. 12, § 1), sans s'expliquer sur ces justificatifs établissant le paiement de l'intégralité des charges foncières des bailleurs au titre de la contrepartie onéreuse à la mise à disposition des biens, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 668 FS-B Pourvoi n° Y 19-15.438 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 1°/ Mme [U] [H], domiciliée [Adresse 3], 2°/ M. [R] [H], domicilié [Adresse 1]), ont formé le pourvoi n° Y 19-15.438 contre l'arrêt rendu le 21 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige les opposant à Mme [T] [F], veuve [H], domiciliée [Adresse 2] (Royaume-Uni), défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [U] [H] et de M. [R] [H], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [F], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 février 2019), [Y] [H], de nationalité française, est décédé en France le 3 septembre 2015, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [F], et ses trois enfants issus d'une première union, [S], [R] et [U] (les consorts [H]). 2. Les consorts [H] ont assigné Mme [F] devant le président d'un tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin d'obtenir la désignation d'un mandataire successoral en invoquant la compétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 4 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, au motif que la résidence habituelle de [Y] [H] au jour de son décès était située en France. 3. [S] [H] étant décédé le 10 avril 2017, ses frère et soeur ont indiqué agir également en leur qualité d'ayants droit de celui-ci. 4. Par un arrêt du 18 novembre 2020, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 10, § 1, sous a), du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 précité. 5. Par un arrêt du 7 avril 2022 (C-645/20), la CJUE a répondu à la question posée. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 7. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de dire que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] et la demande de désignation d'un mandataire successoral, alors « que lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un Etat membre, les juridictions de l'Etat membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes, de manière subsidiaire, pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet Etat membre au moment du décès ; que ces dispositions, issues du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, sont d'ordre public et doivent être relevées d'office par le juge ; qu'en l'espèce, il est constant que [Y] [H] avait la nationalité française et qu'il possédait des biens situés en France, de sorte que la cour d'appel aurait dû vérifier sa compétence subsidiaire ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a violé l'article 10 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012. » Réponse de la Cour Vu l'article 10, § 1, sous a), du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 précité : 8. Selon ce texte, titré « Compétences subsidiaires », lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès. 9. Par son arrêt précité du 7 avril 2022, la CJUE a dit pour droit que ce texte « doit être interprété en ce sens qu'une juridiction d'un État membre doit relever d'office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à cette disposition lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale établie à l'article 4 de ce règlement, elle constate qu'elle n'est pas compétente au titre de cette dernière disposition. » 10. Pour déclarer la juridiction française incompétente pour statuer sur la succession de [Y] [H] et désigner un mandataire successoral, l'arrêt retient que la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni. 11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que [Y] [H] avait la nationalité française et possédait des biens situés en France, la cour d'appel, qui n'a pas, en conséquence, relevé d'office sa compétence subsidiaire, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. Comme suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. La cour d'appel ayant constaté que [Y] [H] avait la nationalité française et possédait des biens situés en France, les juridictions françaises sont donc compétentes pour statuer sur l'ensemble de sa succession en application de l'article 10, § 1, sous a), du Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] ; Confirme l'ordonnance rendue 12 décembre 2017 en la forme des référés par le président du tribunal de grande instance de Nanterre ; Condamne Mme [F] aux dépens, y compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [F] et la condamne à payer à Mme [U] [H] et M. [R] [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Tinchon, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme [U] [H] et M. [R] [H]. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] et la demande de désignation d'un mandataire successoral ; AUX MOTIFS QUE « Le règlement UE n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen est directement applicable dans tous les Etats membres de l'Union européenne à l'exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l'Irlande, aux successions à cause de mort et des personnes décédées à partir du 17 août 2015. L'article 4 du règlement édicte une règle de compétence générale en l'absence de désignation de la loi applicable par le défunt : "Sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès". Des compétences subsidiaires sont prévues à l'article 10 permettant, sous certaines conditions cumulatives, de porter devant les juridictions d'un État membre une succession susceptible d'être traitée hors de l'Union européenne. Une juridiction de l'Union pourra administrer la succession d'une personne décédée ayant sa résidence habituelle au moment de son décès dans un État tiers. Cette compétence suppose au minimum que des biens soient situés dans cet État membre. Selon l'article 10 : " 1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où : a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; ou, à défaut, b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne s'est pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle. 2. Lorsqu'aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens." La juridiction de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès est compétente pour statuer sur l'ensemble de sa succession, qu'il s'agisse de meubles ou d'immeubles, et pour se prononcer sur le sort de biens situés à l'étranger dans un autre État membre ou dans un État tiers. Le règlement ne donne pas de définition de la résidence habituelle du défunt et il convient de se référer aux précisions apportées par les considérants 23 et 24 du règlement : "Afin de déterminer la résidence habituelle, l'autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l'État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement" (considérant 23)." "Dans certains cas, il peut s'avérer complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt. Un tel cas peut se présenter, en particulier, lorsque, pour des raisons professionnelles ou économiques, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue période, tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son État d'origine. Dans un tel cas, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l'espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d'origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale. D'autres cas complexes peuvent se présenter lorsque le défunt vivait de façon alternée dans plusieurs États ou voyageait d'un État à un autre sans s'être installé de façon permanente dans un État. Si le défunt était ressortissant de l'un de ces États ou y avait l'ensemble de ses principaux biens, sa nationalité ou le lieu de situation de ces biens pourrait constituer un critère particulier pour l'appréciation globale de toutes les circonstances de fait" (considérant 24)." En l'espèce, il est constant que [Y] [H], né le 4 décembre 1922, a quitté la France en 1981, à l'âge de 59 ans, après le décès de sa première épouse, pour s'installer au Royaume-Uni, à Londres ; que ses trois enfants sont restés en France ; qu'il a alors exercé une activité professionnelle dans le secteur immobilier, est resté dans ce pays pour sa retraite, a épousé en 1996 Mme [T] [F], de nationalité anglaise, rencontrée en 1984, avec laquelle il a vécu de manière ininterrompue jusqu'à son retour en France au mois d'août 2012, alors qu'il était presque âgé de 90 ans. Il est tout aussi constant que l'essentiel des biens successoraux du défunt se trouve en Angleterre : un appartement à Londres, une maison de campagne dans les environs, un patrimoine mobilier (262 500 livres), des tableaux de valeur, un compte bancaire, le défunt détenant également un compte bancaire en Suisse, tandis qu'en France, le patrimoine de [Y] [H] se limite à 10% des parts sociales d'une SCI Gretima qui a acquis le 26 juin 2012, au prix de 1 330 000 euros, l'appartement situé à Suresnes (92) dans lequel il s'est installé avec sa fille, et qui a été financé par la vente aux enchères d'un tableau lui appartenant, le reste des parts sociales étant détenu par ses trois enfants. Par ailleurs, l'Angleterre est le pays où [Y] [H] a pris ses dispositions testamentaires. Il a ainsi rédigé un testament en anglais daté du 29 mars 2010, soumis à la loi anglaise, préparé par un "solicitor", désignant son épouse comme exécuteur testamentaire et "trustee" de tous ses biens successoraux et comme bénéficiaire de toute la succession à l'exception des tableaux du peintre Domenico Gnoli qu'il possédait, légués à ses trois enfants. Il a également signé le 24 avril 2010 un "Lasting Power of Attorney", enregistré le 16 août 2010, acte qui correspond à un mandat de protection future, désignant en qualité de mandataires son avocat, M. [B] [A], et son épouse pour veiller sur sa personne et ses biens lorsqu'il ne serait plus en capacité de le faire. Ce mandat anglais de tuteur a été mis en oeuvre au mois de décembre 2012 après que le médecin traitant de [Y] [H] en Angleterre, le docteur [K] [P], a établi une attestation le 25 octobre 2012 confirmant son diagnostic de 2011 et la détérioration de la santé mentale de son patient, M. [O] exécutant ce mandat jusqu'à sa démission le 20 mars 2014, repris par Mme [F]. Enfin, si la désignation par testament se suffit à elle-même, l'exécuteur testamentaire doit obtenir un certificat d'homologation pour confirmer ses pouvoirs d'administrateur des biens de la succession à l'égard des tiers en produisant l'original du testament, ce qui a été fait en l'espèce, une ordonnance de la juridiction anglaise ayant été délivrée le 12 octobre 2017 à Mme [T] [F]. Concernant les circonstances du retour en France de [Y] [H] en 2012, les éléments partiellement contradictoires versés aux débats par les parties ne permettent nullement d'affirmer que l'épouse s'est désintéressée de son mari à compter de l'année 2011 et qu'elle n'entendait plus s'en occuper et que l'intention de [Y] [H], compte tenu notamment de l'altération de ses facultés mentales en 2012, a été de revenir fixer en France le centre de ses intérêts. En effet, selon les pièces produites par les parties : - Mme [F] a entrepris au mois d'octobre 2011 de chercher un établissement spécialisé à Londres, à proximité du domicile conjugal, pour que [Y] [H] soit pris en charge, compte tenu de l'évolution de sa maladie et de son comportement devenu agressif et parfois violent à son égard, cette solution d'accueil ayant été refusée par l'intéressé, - le changement de comportement devenu difficile et opposant de [Y] [H] dès l'année 2011 est notamment attesté par son refus d'accepter que son permis de conduire lui soit retiré, après qu'un médecin psychiatre l'ait examiné en septembre 2011 (courriel 20 septembre 2011, pièce 16 intimés), - les difficultés à poursuivre une vie commune ont été reconnues par les enfants de [Y] [H] qui dans des courriels du mois de mai 2012 écrivaient à Mme [F] combien ils avaient conscience de ce que la vie avec leur père pouvait être difficile et épuisante, son comportement "insultant et humiliant" à l'égard de son épouse, proposant une prise en charge alternée entre [Localité 4] et Londres, admettant encore que la situation allait devenir de "pire en pire", [U] [H] invitant l'épouse à se "protéger" (pièce 19 intimés), - le consentement de [Y] [H] pour un retour définitif en France en août 2012, avec la volonté d'y fixer de nouveau le centre de ses intérêts et sa résidence habituelle, ne peut qu'être relativisé compte tenu de l'évolution avancée de sa maladie dégénérative telle que constatée par le docteur [D] le 27 septembre 2012, qui décrit l'intéressé comme un "sujet opposant, dépressif, autoritaire et agressif, présentant des troubles mnésiques importants", le début de sa maladie remontant à près de six années, bien que des courriels échangés entre les enfants en 2011 et 2012 font état du souhait de leur père de revenir en France, d'une demande de sa part de lui louer, et non d'acheter, un studio à [Localité 4] et d'un certain abandon de Mme [F], - aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le départ de [Y] [H] le 8 août 2012 avec sa fille [U] venue le chercher à Londres avait été programmé et de surcroît de manière définitive, - les chutes que [Y] [H] a pu faire en Angleterre ne résultent pas nécessairement d'un défaut de soins mais sont inhérentes à sa maladie, dont l'aggravation a été constante à compter de 2011, - la pathologie avancée de [Y] [H] telle que décrite par son médecin traitant anglais le 25 octobre 2012, qui certes ne l'a pas examiné et a permis la mise en place du mandat de protection future, est toutefois amplement confirmée par le certificat médical du docteur [D] établi antérieurement le 27 septembre 2012, qui a rencontré l'intéressé, - aucune pièce du dossier ne permet de démontrer que le retour de [Y] [H] en France résulte d'une volonté de Mme [F] de se séparer de son mari, alors que son retour en Angleterre était envisagé en 2013 tant par le mandataire anglais, M. [O] (pièce 20 appelante), que par son fils [S], pour mettre en place des soins spécialisés, M. [O] écrivant le 19 août 2013 que "[Y]" avec qui il échangeait fréquemment souhaitait venir à Londres le voir. S'il est en revanche établi que Mme [F] n'est que rarement venue voir son mari en France au cours des trois années de sa fin de vie, celle-ci explique son comportement par son impossibilité de le rencontre seule, ce qui est expressément énoncé dans ses conclusions déposées dans la procédure de placement sous tutelle de son mari, étant relevé que les rapports entre l'épouse et les enfants de [Y] [H] n'ont cessé de se dégrader pour des raisons d'argent, les mandataires anglais détenant la gestion des comptes de [Y] [H]. La cour souligne à cet égard que Mme [F], dans le questionnaire qu'elle a rempli pour la procédure de placement sous tutelle de [Y] [H] initiée par ses enfants, a coché la case indiquant qu'elle acceptait de s'occuper de son mari. Il est en outre inopérant pour les intimés de soutenir qu'en ne contestant pas la procédure de placement sous tutelle de son mari en France, Mme [F] a accepté la compétence du juge français pour sa succession et que son changement de position dans la présente instance constitue un "estoppel", c'est à dire une position contradictoire prise au détriment de son adversaire, quand il s'agit de prendre une mesure de protection d'un majeur se trouvant alors domicilié sur le territoire français, le juge des tutelles ne s'étant nullement prononcé sur la "résidence habituelle" de [Y] [H] au sens du règlement (UE) du 4 juillet 2012, distincte de la notion de domicile de l'article 1211 du code de procédure civile. Au demeurant, Mme [G], désignée comme tutrice aux biens de [Y] [H] situés en France ou hors de France, n'a pas été en mesure de faire reconnaître cette décision au Royaume-Uni, dès lors que M. [O] et Mme [F] étaient déjà désignés en qualité de tuteurs de la personne et des biens de [Y] [H] en vertu du "Lasting Power of Attorney" que ce dernier avait signé en 2010. Il résulte de ces constatations et énonciations que [Y] [H], qui a quitté la France en 1981 et a passé plus de 30 ans en Angleterre, a fixé le centre de ses intérêts économiques, familiaux, sociaux et patrimoniaux dans ce pays, ayant le statut de résident anglais, et n'est revenu vivre en France qu'en raison de ses problèmes de santé liés à l'aggravation de la maladie d'Alzheimer, à l'initiative notamment de sa fille [U] [H] qui avait suivi une formation d'aidante familiale organisée par France Alzheimer, à une époque où ses facultés mentales étaient déjà altérées. La cour relève à cet égard qu'aucun élément du dossier ne démontre que [Y] [H] avait maintenu des liens étroits avec la France après son départ en 1981 ou qu'il y faisait de fréquents séjours pour rencontrer notamment ses enfants, dont deux d'entre eux vivaient à l'étranger en Côte d'ivoire ([S]) et au Bahrein ([R]), n'étant propriétaire d'aucun bien immobilier à [Localité 4]. C'est vainement que les consorts [H] soutiennent que leur père a entendu fixer ses intérêts en France et liquider une partie de son patrimoine anglais (vente d'un tableau, versement de sa retraite anglaise en France...) en faisant l'acquisition d'un appartement à Suresnes, alors que ces démarches ont été réalisées par leurs soins compte tenu de son état de santé, qu'ils ne s'expliquent pas sur le montage de cette acquisition à travers la constitution d'une SCI dont leur père ne détenait que 10% des parts sociales, bien qu'ayant financé l'achat en totalité, la tutrice, Mme [G], écrivant d'ailleurs à Mme [F] le 7 avril 2015 qu'elle avait l'intention de restituer toute la propriété de ce bien à son majeur protégé avec l'aide d'un avocat, "comme cela aurait dû être fait au tout début". Ne sont pas plus déterminants les éléments factuels tirés de la nationalité française de [Y] [H], de sa prétendue résidence fiscale en France, alors qu'il n'a jamais fait de déclaration fiscale en France après son départ au Royaume-Uni et que ce sont ses enfants qui ont procédé en 2017 à une demande de régularisation d'avoirs détenus à l'étranger, ou de l'ouverture d'un compte BNP en France nécessité par l'achat de l'appartement de [Localité 5]. Ainsi en prenant en considération la durée de vie de [Y] [H] au Royaume-Uni, où s'est situé incontestablement le centre des intérêts de sa vie familiale, sociale et patrimoniale pendant près de trente ans, le lien étroit et stable entretenu depuis 1981 avec cet Etat dans lequel se trouve l'essentiel de ses biens mobiliers et immobiliers et les circonstances particulières de son retour en France en août 2012 durant les trois années qui ont précédé son décès, alors qu'il était atteint de la maladie d'Alzheimer à un stade déjà avancé et que sa fille [U] avait proposé de le prendre en charge, provisoirement ou définitivement, il ne peut être considéré que [Y] [H] avait décidé de déplacer sa résidence habituelle en France, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge. Dès lors, ne sont pas compétentes, au sens du règlement (UE) du 4 juillet 2012, les juridictions françaises pour statuer sur l'ensemble de la succession de [Y] [H] et la demande de désignation en France d'un mandataire successoral sur le fondement de l'article 813-1 du code civil. En conséquence, l'ordonnance déférée doit être infirmée des chefs de décision critiqués et notamment en ce que le premier juge s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de désignation d'un mandataire successoral. ALORS, DE PREMIERE PART, QUE sont compétents pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ; que la résidence habituelle peut s'apprécier de manière objective, en ce qu'elle résulte d'indices factuels tirés des conditions de vie d'une personne âgée ou dépendante ; qu'en l'espèce, les consorts [H] faisaient valoir que leur père, [Y] [H], était venu en France vivre auprès de sa fille [U] [H], afin qu'elle puisse lui apporter au quotidien les soins nécessaires compte tenu de sa maladie, ce qu'elle fit durant plus de trois années ; qu'il s'ensuivait, objectivement, un changement de résidence habituelle, la France étant le lieu avéré et non remis en cause des dernières années de sa vie ; qu'en jugeant néanmoins que « le consentement de [Y] [H] pour un retour définitif en France en août 2012, avec la volonté d'y fixer de nouveau le centre de ses intérêts et sa résidence habituelle, ne peut qu'être relativisé compte tenu de l'évolution avancée de sa maladie dégénérative (...) », la cour d'appel, qui a implicitement mais nécessairement jugé qu'une personne subissant une maladie dégénérative ne pourrait plus changer de résidence habituelle faute de volonté sainement exprimée, a violé l'article 4 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen ; ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE sont compétents pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ; qu'en matière de protection juridique des majeurs, le juge des tutelles territorialement compétent est celui de la résidence habituelle de la personne à protéger ; qu'en jugeant que le juge des tutelles, dans son ordonnance du 11 juillet 2014 ayant placé [Y] [H] sous tutelle, ne s'était pas « prononcé sur la résidence habituelle de [Y] [H] au sens du règlement (UE) du 4 juillet 2012, distincte de la notion de domicile de l'article 1211 du code de procédure civile », la cour d'appel, qui a lu de manière erronée que l'article 1211 du code de procédure civile faisait appel à la notion de domicile du majeur, a violé l'article 4 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, ensemble l'article 1211 du code de procédure civile ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce, les consorts [H] faisaient régulièrement valoir dans leurs écritures d'appel que le placement sous tutelle de [Y] [H] le domiciliait légalement chez son tuteur, de sorte que cet élément était de nature à démontrer que sa résidence habituelle ne pouvait être qu'en France, chez son tuteur (conclusions, p. 30 et 32) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, DE QUATRIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un Etat membre, les juridictions de l'Etat membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes, de manière subsidiaire, pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où le défunt possédait la nationalité de cet Etat membre au moment du décès ; que ces dispositions, issues du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, sont d'ordre public et doivent être relevées d'office par le juge ; qu'en l'espèce, il est constant que [Y] [H] avait la nationalité française et qu'il possédait des biens situés en France, de sorte que la cour d'appel aurait dû vérifier sa compétence subsidiaire ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a violé l'article 10 du Règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 650 FS-B Pourvoi n° Z 21-21.933 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 L'établissement [Localité 5] Métropole, établissement public, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° Z 21-21.933 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de [Localité 5] (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Etablissements A Gré et Cie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'établissement [Localité 5] Métropole, établissement public, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Etablissements A Gré et Cie, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 5], 15 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-18.031) et les productions, les 27 et 29 novembre 2012, la communauté urbaine de [Localité 5] (la CUB) a, pour la construction de l'extension de la ligne C du tramway, acquis de la société Etablissements A. Gré et Cie (le vendeur) un terrain de 1997 m², composé des parcelles cadastrées AZ [Cadastre 2], AZ [Cadastre 3] et AZ [Cadastre 4], sur lequel se trouvaient d'anciennes constructions. 2. Ayant découvert dans le sol différents métaux et produits chimiques en quantités anormales, révélateurs d'une pollution d'origine industrielle et devant être traités en tant que déchets dangereux, elle a obtenu la désignation en référé d'un expert qui a déposé son rapport le 23 novembre 2013. 3. L'établissement public [Localité 5] métropole (l'acquéreur), venant aux droits de la CUB, a saisi le tribunal d'une action en indemnisation contre le vendeur, sur le fondement des articles L. 125-7 et L. 514-20 du code de l'environnement et des articles 1116, 1603 et 1641 du code civil. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur le dol du vendeur, alors : « 1°/ que le dol est caractérisé par des déclarations mensongères sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes ; qu'en écartant le dol, au cas d'espèce, quand il résultait de ses constatations que les déclarations de la société établissements A. Gré et cie dans la clause de pollution insérée au contrat de vente étaient mensongères, le vendeur n'ignorant ni l'exploitation passée ou la proximité d'une installation soumise à autorisation, ni l'exercice sur les lieux vendus ou les lieux voisins d'activités entrainant des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, ni, à compter de la destruction de la maison de gardien, le dépôt ou l'enfouissement de substances pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 2°/ que dès lors qu'étaient invoquées les déclarations mensongères du vendeur portant sur la pollution des terrains vendus et des terrains situés à proximité, et non une réticence dolosive, la circonstance que l'acquéreur aurait pu ou dû avoir connaissance de la pollution du terrain vendu était impropre à exclure le dol ; que dès lors, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 3°/ qu'en retenant, pour exclure le dol, que la société Etablissements A. Gré et cie n'avait pas connaissance de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, quand il résultait de ses constatations que la destruction de la maison de gardien, antérieure à la conclusion de la vente, a révélé que des produits avaient été enfouis sur les terrains vendus et que la gérante de la société Etablissements A. Gré et cie a constaté cette pollution, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 4°/ qu'en se fondant sur les circonstances, impropres à exclure la connaissance par le vendeur de la pollution du site au jour de la vente, que celui-ci a consenti à la destruction de la maison de gardien et que, postérieurement à la vente, il a transmis à l'expert les photographies des opérations de destruction révélant la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 5°/ qu'en se fondant, pour écarter le dol, sur la circonstance impropre que l'établissement public [Localité 5] Métropole aurait eu connaissance, au jour de la vente, de ce qu'un site voisin était pollué, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ; 6°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie , les salariés de cette société ont témoigné de ce qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; 7°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'en ont nécessairement informée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] Métropole a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols en octobre 2012 et qu'elles l'auraient nécessairement informé, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises chargées de ceux-ci portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée, la cour d'appel a retenu, sans dénaturation des attestations, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols avant la vente. 7. Ayant constaté que, malgré cette information, l'acquéreur avait confirmé son souhait de devenir propriétaire des parcelles par la signature, les 27 et 29 novembre 2012, de l'acte notarié sans réclamer une diminution du prix, elle en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs aux déclarations du vendeur, à sa connaissance de la pollution et à la connaissance, par l'acquéreur, de la pollution d'un site voisin, que le dol n'était pas établi. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième à sixième branches Enoncé du moyen 9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur la garantie des vices cachés, alors : « 1°/ que constitue un vice caché donnant lieu à garantie de la part du vendeur le défaut inhérent à la chose vendue rendant celle-ci impropre à l'usage auquel on la destine ; qu'en écartant toute garantie, sur la base de la connaissance que l'acquéreur aurait eu de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, au motif impropre celui-ci aurait eu connaissance de la pollution d'un site voisin, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ; 3°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; 4°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société Etablissements A. Gré et cie de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ; 6°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société Etablissements A. Gré et cie de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil. » Réponse de la Cour 10. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises chargées de ceux-ci portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée. 11. Elle a retenu, sans dénaturer les attestations versées aux débats, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé, dès octobre 2012, par les entreprises qu'il avait chargées des travaux de voirie et réseaux divers, de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols. 12. Elle a exactement déduit de ces seuls motifs que l'acquéreur n'était pas fondé à invoquer la garantie du vendeur au titre du vice de pollution qui lui était connu avant la vente. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 14. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme, alors : « 1°/ que le vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur une marchandise conforme à ce que la convention a spécifié ; qu'en se fondant, pour dire que l'établissement public [Localité 5] Métropole a eu connaissance de la pollution du terrain vendu avant la vente, sur la circonstance impropre qu'il aurait eu connaissance de ce qu'un site voisin était pollué, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ; 2°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; 3°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] Métropole a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'auraient nécessairement informée, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil. » Réponse de la Cour 15. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises qu'il avait chargées de ces travaux portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée. 16. Elle a retenu, sans dénaturer les attestations versées aux débats, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé, dès octobre 2012, par les entreprises qu'il avait chargées des travaux de voirie et réseaux divers, de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols. 17. Elle a exactement déduit de ces seuls motifs que la signature par l'acquéreur, sans réserves, du contrat de vente intervenue les 27 et 29 novembre 2012, en connaissance de l'origine industrielle de la pollution et de sa localisation, lui interdisait de se prévaloir du défaut de conformité invoqué. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 19. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l'article L. 514-20 du code de l'environnement, alors « que, lorsqu'une installation classées soumise à autorisation ou enregistrement a été exploitée sur tout ou partie d'un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; que tout terrain issu de la division d'une installation ou inclus fonctionnellement dans son périmètre entre dans le domaine de l'article L.514-20 du code de l'environnement , si même il n'a pas été directement le siège de l'activité ayant donné lieu à l'exigence d'autorisation ; qu'en retenant, pour écarter l'obligation d'information de la société Etablissements A Gré et cie, qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée a été exercée sur les parcelles cédées, la cour d'appel a violé l'article L. 514-20 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 514-20 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en la cause : 20. Aux termes du premier alinéa de ce texte, lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation. 21. Aux termes du troisième alinéa, à défaut, l'acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente. 22. Pour écarter l'application de l'article L. 514-20 précité, la cour d'appel retient qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée ait été exercée sur les parcelles cédées à l'acquéreur qui abritent depuis 1926 une maison à usage de logement. 23. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la parcelle constituait l'entrée de l'usine exploitée de 1893 à 1961 pour une activité de traitement des déchets d'usines à gaz de manière à en extraire le soufre noir et que l'habitation était une maison de gardien, ce dont il résultait que le terrain vendu était inclus dans le périmètre de l'installation classée soumise à autorisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de l'établissement public [Localité 5] métropole fondées sur l'article L. 514-20 du code de l'environnement, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de [Localité 5] ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de [Localité 5], autrement composée ; Condamne les établissements A. Gré et Cie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, signé par Mme Teiller, président et par Mme Besse, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour l'établissement [Localité 5] Métropole, établissement public PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE de [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, le dol est caractérisé par des déclarations mensongères sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes ; qu'en écartant le dol, au cas d'espèce, quand il résultait de ses constatations que les déclarations de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE dans la clause de pollution insérée au contrat de vente étaient mensongères, le vendeur n'ignorant ni l'exploitation passée ou la proximité d'une installation soumise à autorisation, ni l'exercice sur les lieux vendus ou les lieux voisins d'activités entrainant des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, ni, à compter de la destruction de la maison de gardien, le dépôt ou l'enfouissement de substances pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, dès lors qu'étaient invoquées les déclarations mensongères du vendeur portant sur la pollution des terrains vendus et des terrains situés à proximité, et non une réticence dolosive, la circonstance que l'acquéreur aurait pu ou dû avoir connaissance de la pollution du terrain vendu était impropre à exclure le dol ; que dès lors, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en retenant, pour exclure le dol, que la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE n'avait pas connaissance de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, quand il résultait de ses constatations que la destruction de la maison de gardien, antérieure à la conclusion de la vente, a révélé que des produits avaient été enfouis sur les terrains vendus et que la gérante de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE a constaté cette pollution, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en se fondant sur les circonstances, impropres à exclure la connaissance par le vendeur de la pollution du site au jour de la vente, que celui-ci a consenti à la destruction de la maison de gardien et que, postérieurement à la vente, il a transmis à l'expert les photographies des opérations de destruction révélant la pollution, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, en se fondant, pour écarter le dol, sur la circonstance impropre que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE aurait eu connaissance, au jour de la vente, de ce qu'un site voisin était pollué, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil ; ALORS QUE, SIXIEMEMENT, dans les attestations produites, pièce 17, par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, les salariés de cette société ont témoigné de ce qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la Cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, pièce n° 17 en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; ALORS QUE, SEPTIEMEMENT, en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'en ont nécessairement informée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, HUITIEMEMENT, en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols en octobre 2012 et qu'elles l'auraient nécessairement informé, la Cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du Code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE de [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur tout ou partie un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; que tout terrain issu de la division d'une installation ou inclu fonctionnellement dans son périmètre entre dans le domaine de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement, si même il n'a pas été directement le siège de l'activité ayant donné lieu à l'exigence d'autorisation ; qu'en retenant, pour écarter l'obligation d'information de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée ait été exercée sur les parcelles cédées, la Cour d'appel a violé l'article L. 514-20 du Code de l'environnement ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en écartant l'obligation d'information de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE quand il résulte de ses constatations que l'une des parcelles vendues faisait partie de l'usine classée pour en constituer l'entrée – accès et maison de gardien –, la Cour d'appel a violé l'article L. 514-20 du Code de l'environnement ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et à tout le moins, en s'abstenant de rechercher si, eu égard à sa proximité de l'usine et à son usage, la parcelle en constituant la voie d'accès et sur laquelle se situait la maison de gardien n'entrait pas dans le périmètre de l'obligation d'autorisation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 514-20 et L. 514-32 du Code de l'environnement. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE de [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, constitue un vice caché donnant lieu à garantie de la part du vendeur le défaut inhérent à la chose vendue rendant celle-ci impropre à l'usage auquel on la destine ; qu'en écartant toute garantie, sur la base de la connaissance que l'acquéreur aurait eu de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, au motif impropre celui-ci aurait eu connaissance de la pollution d'un site voisin, la Cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, en retenant, pour dire que l'acquéreur aurait eu connaissance de la pollution du terrain vendu, que la démolition de la maison de gardien a été effectuée par les entreprises chargées par lui des travaux de voirie et réseaux, quand il résulte de ses constatations que la démolition a été effectuée par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, la Cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, dans les attestations produites, pièce 17, par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la Cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, pièce n° 17 en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols en octobre 2012 et qu'elles l'auraient nécessairement informée, la Cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ; ET ALORS QUE, SIXIEMEMENT, qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la Cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes en paiement formées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE, venant aux droits de la COMMUNAUTE URBAINE DE [Localité 5], à l'encontre de la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, le vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur une marchandise conforme à ce que la convention a spécifié ; qu'en se fondant, dire que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a eu connaissance de la pollution du terrain vendu avant la vente, sur la circonstance impropre qu'il aurait eu connaissance de ce qu'un site voisin était pollué, la Cour d'appel a violé l'article 1604 du Code civil ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, dans les attestations produites, pièce 17, par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la Cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société ETABLISSEMENTS A. GRE & CIE, pièce n° 17 en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ; ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] METROPOLE pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] METROPOLE a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'auraient nécessairement informée, la Cour d'appel a violé l'article 1604 du Code civil. 3e Civ., 22 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.209, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 septembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 918 FS-B Pourvoi n° T 21-10.105 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022 La société [2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-10.105 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est division des recours amiables et judiciaires, [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2020), à la suite d'un contrôle effectué sur les années 2011 à 2013 ayant donné lieu à une lettre d'observations, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Ile-de-France (l'URSSAF), après avoir notifié à la société [2] (la société) une mise en demeure du 19 décembre 2014, lui a signifié le 27 janvier 2015 une contrainte émise le 22 janvier 2015, portant sur diverses sommes afférentes aux chefs de redressement notifiés le 30 septembre 2014. 2. La société a formé opposition à la contrainte le 4 février 2015 devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige : 4. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification. 5. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification. 6. La Cour de cassation interprétait ces textes en retenant que si le cotisant n'était pas recevable à contester, à l'appui de son opposition à contrainte, le bien-fondé des sommes réclamées, dès lors que la décision de la commission de recours amiable était devenue définitive (Soc., 5 juin 1997, pourvoi n° 95-17.148 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.542), une contrainte pouvait faire l'objet d'une opposition devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale même si la dette de cotisation n'avait pas été antérieurement contestée (Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 ; 2e Civ., 1er juillet 2003, pourvoi n° 02-30.595). 7. Par arrêt du 4 avril 2019 (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014), la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en retenant qu'il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte. 8. Cette interprétation est celle adoptée par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé. Elle a suscité des critiques en ce qu'elle méconnaît le droit à un recours effectif devant une juridiction. En outre, elle a donné lieu à des divergences de jurisprudence des juridictions du fond. L'ensemble de ces considérations en justifient le réexamen. 9. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte. 10. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte. 11. Pour valider la contrainte, l'arrêt, après avoir constaté que la société n'avait pas contesté la mise en demeure, la déclare irrecevable en sa contestation de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement critiqués. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré le recours de la société [2] recevable, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. Condamne l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société [2] La société [2] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir 1) décidé qu'il n'y a pas lieu de faire exception à la règle de la nécessaire contestation préalable d'une mise en demeure, avant de former opposition à contrainte, pour pouvoir contester la régularité et le montant des chefs d'un redressement effectué par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France ; 2) infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (1500256) en date du 18 avril 2017 (13-02001) en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré le recours de la société [2] recevable ; 3) décidé que la société [2] est irrecevable en ses contestations de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement critiqués ; 4) validé la contrainte délivrée par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France pour son entier montant, soit la somme de 124 184 €, dont 108 597 de cotisations et 15 587 € de majorations de retard provisoires ; alors que le principe de la sécurité juridique implique que les normes nouvelles n'affectent pas le droit à l'accès effectif et substantiel au juge de sorte que toute modification de la jurisprudence ne saurait être appliquée aux instances en cours dès lors qu'elle a pour effet de restreindre l'accès à une voie de recours ; que la société [2], qui avait fait opposition à une contrainte de l'Urssaf, mais n'avait pas contesté la mise en demeure préalable, du 19 décembre 2014, devant la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement, a été jugée irrecevable au visa d'un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 2019 (n° 18-12014) qui a modifié la jurisprudence en restreignant l'accès à une voie de recours que l'application de cette norme nouvelle aux redressements antérieurs à cet arrêt revient à interdire au cotisant l'accès au juge, partant à le priver d'un procès équitable ; qu'en jugeant néanmoins le recours irrecevable au motif inopérant que le cotisant avait eu accès au juge pour défendre à la fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1035 F-B Pourvoi n° B 20-19.723 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 1°/ M. [K] [H], domicilié [Adresse 2], 2°/ la société SK avocat, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° B 20-19.723 contre l'ordonnance n° RG 19/00935 rendue le 7 juillet 2020 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1, 11 OP), dans le litige les opposant à M. [W] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [H] et de la société SK avocat, de Me Descorps-Declère, avocat de M. [G], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen,et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 7 juillet 2020), M. [G] a chargé M. [H] (l'avocat) de la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son ex-compagne au sujet, notamment, des droits de garde, de visite et d'hébergement sur leur fille mineure. 2. Le 9 juillet 2018, l'avocat a émis une facture d'honoraires que M. [G] a contestée devant le bâtonnier de l'ordre des avocats. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. M. [H] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires qui lui sont dus par M. [G], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros TTC et de dire qu'il devra, ès qualités, rembourser à M. [G] un trop-perçu de 800 euros TTC, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. 6. Pour fixer les honoraires dûs à M. [H], l'ordonnance retient qu'à défaut pour ce dernier d'avoir notifié un taux de rémunération horaire à son client, il sera fait application du taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'affaire confiée par M. [G] ne présentant aucune difficulté particulière. 7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président, qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours formé par M. [H] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille en date du 10 décembre 2018 et rejette les fins de non recevoir soulevées par M. [H], l'ordonnance rendue le 7 juillet 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [H] et la société SK avocat Maître [K] [H] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises, d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à maître [K] [H], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises et d'avoir dit que ce dernier, en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, devrait rembourser un trop-perçu de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [W] [G] ; 1) Alors qu'en relevant, pour déclarer recevable la contestation d'honoraires dirigée à l'encontre de maître [K] [H], que ce dernier n'avait pas produit aux débats l'extrait K-bis démontrant qu'il exerçait sous la forme d'une société à responsabilité limitée d'exercice libérale, document pourtant visé sous le numéro 6 du bordereau de pièces annexé à ses conclusions, dont il était constaté qu'elles avaient été déposées à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée par l'autre partie, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence à son dossier de cet élément de preuve, le premier président a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) Alors qu'une personne morale est dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son représentant légal et de celle de ses associés ; qu'en se fondant sur la considération impropre que maître [H] représentait nécessairement la Selarl SK Avocat dont il revendiquait l'existence et indiquait être le seul associé, quand une telle circonstance n'était pas de nature à caractériser que la société SK Avocat, dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son dirigeant et associé unique, avait été attraite à l'instance, le premier président a violé l'article 31 du code de procédure civile ; 3) Alors qu'en retenant l'absence de convention d'honoraires, ne serait-ce que partielle, sans répondre au moyen, clair et opérant, par lequel l'avocat faisait valoir (conclusions, pp. 7-8), preuves à l'appui, que le client avait donné son accord préalable, par courrier électronique du 22 janvier 2018, à la facturation d'une somme complémentaire de 1 000 euros hors taxes pour la rédaction des conclusions devant le juge aux affaires familiales, le premier président, qui n'a pas suffisamment motivé sa décision, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile ; 5) Alors qu'en ne précisant pas sur quel élément de preuve il se fondait pour considérer que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était de 200 euros hors taxes, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6) Alors qu'en l'absence de convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés par le juge taxateur, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, cependant qu'un tel critère n'est pas au nombre de ceux sur lesquels le juge de l'honoraire doit se fonder pour apprécier les honoraires dus, le premier président a violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 7) Alors qu'en condamnant l'avocat au remboursement de la somme de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [G], quand il avait réduit à la somme de 960 euros toutes taxes comprises une prestation facturée 1 600 euros toutes taxes comprises, de sorte que le trop-perçu était de 640 euros toutes taxes comprises, le premier président, qui s'est contredit, privant sa décision de motifs, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 / MDTRS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Annulation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1020 F-B Recours n° T 22-60.088 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 M. [K] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° T 22-60.088 en annulation d'une décision rendue le 17 novembre 2021 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Metz. Le demandeur invoque, à l'appui de son recours, les cinq griefs annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [B], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. M. [B] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Metz. 2. Par décision du 17 novembre 2021, contre laquelle M. [B] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande. Examen des griefs Sur le premier grief Exposé du grief 3. M. [B] fait valoir que l'assemblée générale a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 en ce qu'elle s'est déterminée au regard de sa seule expérience professionnelle, sans apprécier sa candidature à l'aune de la condition tenant à la formation, alors qu'il avait justifié de l'obtention des diplômes universitaires 1 et 2 délivrés par l'Ifomene, du suivi de modules de formation continue consacrés à la médiation, et de sa participation à des ateliers d'échanges ou d'analyse de pratique et de supervision. Réponse de la Cour Vu l'article 2, 3°, du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 : 4. Il résulte de ce texte qu'une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d'appel que si elle justifie d'une formation ou d'une expérience attestant l'aptitude à la pratique de la médiation. Il s'en déduit que l'assemblée générale doit procéder à une appréciation globale de l'aptitude du candidat à la pratique de la médiation, au regard de ces deux critères. 5. Pour rejeter la demande de M. [B], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel se borne à retenir son absence d'expérience dans le domaine de la médiation, avant le dépôt de sa candidature. 6. En statuant ainsi, sans apprécier les mérites de cette candidature au regard du critère de la formation, l'assemblée générale a violé le texte susvisé. Et sur le troisième grief Exposé du grief 7. M. [B] fait valoir que l'assemblée général de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 en ce qu'elle s'est déterminée par un critère étranger à ce texte en retenant que sa profession d'avocat l'exposait à un risque de conflits d'intérêts. Réponse de la Cour Vu l'article 2 du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 : 8. Il résulte de ce texte qu'une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d'appel que si elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire, n'a pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation, et justifie d'une formation ou d'une expérience attestant l'aptitude à la pratique de la médiation. 9. Pour rejeter la demande de M. [B], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient un risque de conflits d'intérêts liés à la profession exercée. 10. En se déterminant ainsi, par un motif tiré de critères étrangers au texte susvisé, l'assemblée générale a méconnu ce dernier. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du recours, la Cour : ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Metz en date du 17 novembre 2021, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [B]. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. GRIEFS ANNEXÉS au présent arrêt Griefs produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [B] M. [B] adresse les cinq griefs suivants à la décision attaquée qui seront détaillés ci-après. Il soutient : 1°) que l'aptitude à la pratique de la médiation est appréciée au regard de la formation et de l'expérience du candidat ; que, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, l'assemblée des magistrats retient qu'il ne justifie pas d'une expérience professionnelle suffisante dans le domaine de la médiation et de la réalisation de médiations avant le dépôt de sa candidature ; qu'en se déterminant au regard de la seule expérience professionnelle de M. [B] pour apprécier son aptitude à la pratique de la médiation sans tenir compte de la formation qu'il a suivie et spécialement de ses diplômes universitaires 1 et 2 délivrés par l'IFOMENE et des modules de formation continue et ateliers d'échanges ou d'analyse de pratique et supervision qu'il a suivis, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 ; 2°) que M. [B] exposait avoir réalisé cinq médiations conventionnelles et sept médiations judiciaires au cours des trois années précédant sa demande ; qu'en décidant que M. [B] ne justifiait pas d'une expérience professionnelle suffisante dans le domaine de la médiation et de la réalisation de médiations avant le dépôt de sa candidature, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 ; 3°) que l'article 2 du décret du 9 octobre 2017 prévoit des conditions limitatives pour inscrire un médiateur sur les listes de médiateurs près la cour d'appel, tenant à l'absence de condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n°2 du casier judiciaire, à l'absence de sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation prise à la suite de l'accomplissement de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes m?urs et à la justification d'une formation ou d'une expérience attestant de l'aptitude à la pratique de la médiation ; qu'en retenant, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, que la profession qu'il exerçait, avocat, l'exposait à un risque de conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz s'est déterminée par un motif étranger à l'article 2 du décret du 9 octobre 2017, en violation de cet article ; 4°) qu'en tout état de cause, l'exercice de la profession d'avocat est compatible avec les fonctions de médiateur, et spécialement avec l'indépendance exigée pour les médiateurs ; qu'en retenant, pour refuser d'inscrire M. [B] sur la liste de la cour d'appel de Metz, que la profession qu'il exerçait, avocat, l'exposait à un risque de conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a violé l'article 2 du décret du 9 octobre 2017, ensemble l'article 131-5 du code de procédure civile ; 5°) que, subsidiairement, à supposer que le risque d'être exposé à des conflits d'intérêts résultant de la pratique de la profession d'avocat visait spécifiquement M. [B] et non la profession dans son ensemble, en se déterminant de la sorte, quand aucun élément du dossier ne permettait d'établir ou même de soupçonner que M. [B] risquait d'être exposé à des conflits d'intérêts, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel de Metz a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 2 du décret du 9 octobre 2017.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1025 F- B Pourvoi n° R 21-16.060 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 1°/ la société Liberty Seguros, dont le siège est [Adresse 3] (Espagne), venant aux droits de la société Ercos, 2°/ L'association le Bureau central français, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-16.060 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4- chambre 8), dans le litige les opposant à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Liberty Seguros et de l'association le Bureau central français, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2021) et les productions, le 11 avril 1987, une collision s'est produite en France entre le véhicule conduit par M. [F] [E], de nationalité espagnole, assuré auprès de la société Ercos, aux droits de laquelle vient la société Liberty Seguros, et celui conduit par M. [N], assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF), accident au cours duquel Mme [H] [N], alors âgée de onze mois, a été grièvement blessée. 2. Par jugement du 2 décembre 1993, la société Ercos, l'association le Bureau central français (le BCF) et la société GMF ont été condamnées in solidum à indemniser intégralement le préjudice subi par Mme [H] [N] et ses parents (les consorts [N]), les deux premières étant tenues à indemnisation dans la limite de cinq millions de francs (762 245,09 euros) pour chaque victime. 3. A la suite du dépôt du rapport d'expertise médicale, la cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 23 mars 2010, a condamné notamment la société GMF, la société Liberty Seguros et le BCF à verser à Mme [H] [N] diverses sommes en réparation de ses préjudices, a fait droit à la demande de doublement des intérêts légaux tant à l'encontre de la société GMF que de la société Liberty Seguros et a condamné in solidum ces deux sociétés pour la période allant du 14 avril 2007 à la date de la décision, par parts viriles entre elles, et la société GMF seule pour la période antérieure du 8 décembre 2003 au 13 avril 2007. 4. Statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt par les consorts [N], la Cour de cassation (2e Civ., 12 mai 2011, pourvoi n° 10-17.148) a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, mais seulement, s'agissant du doublement des intérêts légaux, en ses dispositions déboutant Mme [H] [N] de sa demande tendant à ce doublement pour la période antérieure au 8 décembre 2003 et disant que l'assiette des pénalités allouées par la cour d'appel, pour la période allant du 8 décembre 2003 à la date de l'arrêt, ne s'appliquera que sur les rentes pour les sommes payables par rente trimestrielle et qu'il convient de déduire des sommes allouées, celles déjà versées à titre provisionnel ou en exécution de la décision entreprise. 5. Par arrêt du 14 mai 2013, la cour d'appel de renvoi a dit que le doublement du taux de l'intérêt légal s'appliquerait à la totalité des indemnités allouées à compter du 11 avril 1988 et jusqu'au terme fixé par la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt, sauf à ajouter qu'il s'appliquerait aux indemnités supplémentaires allouées par la cour jusqu'à cet arrêt, et a condamné in solidum la société Liberty Seguros et le BCF à payer à Mme [H] [N] le doublement des intérêts au taux légal du 11 avril 1988 au 23 juillet 1991 et in solidum la société Liberty Seguros, le BCF et la société GMF à payer à Mme [H] [N] le doublement des intérêts au taux légal pour la période postérieure au 23 juillet 1991 dans les conditions fixées par la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 23 mars 2010. 6. Par ailleurs, M. [F] [E], faisant valoir qu'il n'avait jamais reçu signification d'un quelconque acte de procédure avant octobre 2009, a relevé appel le 12 mars 2010 du jugement du 2 décembre 1993. 7. Par arrêt du 4 novembre 2014, la cour d'appel de Montpellier a, notamment, infirmé le jugement du 2 décembre 1993 en ce qu'il a dit que la société Liberty Seguros, et le BCF, étaient tenus à indemnisation des consorts [N] dans une certaine limite et statuant à nouveau sur ce chef, a dit que la société Liberty Seguros et le BCF seraient tenus in solidum à garantie illimitée des conséquences de l'accident. 8. La société GMF, subrogée dans les droits de la victime, a assigné le BCF et la société Liberty Seguros en remboursement des sommes avancées à la victime. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables. Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. La société Liberty seguros et le BCF font grief à l'arrêt de décider que la question du caractère illimité de la garantie due par eux a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, de décider de la prise en charge par eux des règlements effectués par la société GMF, puis de dire qu'ils devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, y compris le doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, alors « que le doublement des intérêts au taux légal sanctionne l'absence de diligences de l'assureur devant fournir une offre d'indemnisation ; qu'en faisant supporter à la société Liberty seguros et au BCF la charge d'assumer le doublement du taux d'intérêt infligé à la société GMF à raison de son absence de diligences, les juges du fond ont violé l'article L. 211-13 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances : 11. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. 12. Pour dire que la société Liberty Seguros et le BCF devront assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre, y compris du doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, l'arrêt énonce que la décision de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, exécutoire et « définitive », dispose que la société Liberty Seguros et le BCF seront tenus in solidum à garantie illimitée des conséquences de l'accident survenu le 11 avril 1987 au préjudice de Mme [H] [N] et de ses parents et qu'il en résulte que la société Liberty Seguros, assureur du tiers responsable, ainsi que le BCF, qui étaient légalement tenus en application de l'article L. 221-20 du code des assurances de présenter une offre à la victime, quelle que soit l'étendue de la garantie, doivent assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre, comprenant le doublement des intérêts au taux légal, quelle que soit la période concernée. 13. En statuant ainsi, alors que la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal, qui a un objet distinct de la condamnation à réparer les conséquences dommageables du sinistre, avait été prononcée notamment contre la société GMF en raison du non-respect de son obligation propre de présenter une offre dans les délais légaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Liberty Seguros et l'association le Bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables résultant du sinistre et en conséquence, y compris du doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée, l'arrêt rendu entre les parties le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société GMF assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GMF assurances et la condamne à payer à la société Liberty Seguros et à l'association le Bureau central français la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Liberty Seguros et l'association le Bureau central français. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt, critiqué par la compagnie Liberty seguros et le bureau central français, encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement, décidé que la question du caractère illimité de la garantie due par Liberty seguros et le bureau central français a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, et décidé de la prise en charge par Liberty seguros et le bureau central français des règlements effectués par la GMF, puis dit que Liberty seguros et le bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, et débouté la compagnie Liberty seguros et le bureau central français de leur demande de condamnation de la GMF à payer les sommes mises à leur charge en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 23 mars 2010 et l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 14 mai 2013 au-delà du plafond de 762 195 euros ; ALORS QUE, premièrement, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée que si la demande a lieu entre les mêmes parties ; qu'en décidant que Liberty seguros et le bureau central français ne pouvaient plus se prévaloir à l'encontre de la GMF du caractère limité de leur garantie, la question ayant été « définitivement tranchée » dans un arrêt rendu à leur encontre, mais à la requête de Madame [N], les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, en déclarant recevable la demande de la société GMF, qui a pourtant laissé croire pendant plus de dix-sept ans qu'elle se satisfaisait du jugement du 2 décembre 1993, les juges du fond ont violé le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt, critiqué par la compagnie Liberty seguros et le bureau central français, encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement, décidé que la question du caractère illimité de la garantie due par Liberty seguros et le bureau central français a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 4 novembre 2014, et décidé de la prise en charge par Liberty seguros et le bureau central français des règlements effectués par la GMF, puis dit que Liberty seguros et le bureau central français devront assumer le coût total des conséquences dommageables du sinistre, y compris le doublement des intérêts au taux légal quelle que soit la période concernée ; ALORS QUE, premièrement, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée que si la demande a lieu entre les mêmes parties ; qu'en décidant que Liberty seguros et le bureau central français devaient supporter le doublement des intérêts infligé à la GMF, la question ayant été tranchée dans un arrêt rendu à leur encontre, mais à la requête de Madame [N], les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien devenu 1355 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, le doublement des intérêts au taux légal sanctionne l'absence de diligences de l'assureur devant fournir une offre d'indemnisation ; qu'en faisant supporter à Liberty seguros et au bureau central français la charge d'assumer le doublement du taux d'intérêt infligé à la société GMF à raison de son absence de diligences, les juges du fond ont violé l'article L 211-13 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1033 F-B Pourvoi n° J 21-14.996 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de l'association Justice pour les animaux. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 1 février 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 L'association Justice pour les animaux, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-14.996 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à Mme [V] [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de l'association Justice pour les animaux, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [Z], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020), un juge de la mise en état a, le 10 décembre 2018, ordonné à l'association Justice pour les animaux (l'association) de restituer à Mme [Z] 10 chiens et chats dans un délai de huit jours à compter de la décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. 2. Un juge de l'exécution a liquidé l'astreinte à une certaine somme pour la période du 18 décembre 2018 au 30 janvier 2019. 3. En appel, la cour d'appel, en cours de délibéré, a demandé aux parties de « produire l'acte de signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 décembre 2018 et de formuler toutes observations utiles sur le point de départ de l'astreinte, dans la mesure où l'ordonnance du 10 décembre 2018 ne précise pas ce dernier, seul le délai de 8 jours pour restituer les animaux étant indiqué, et où lorsque le juge omet de préciser le point de départ de l'astreinte ou si une décision prévoit que l'astreinte court à compter de sa date, cette dernière ne peut courir qu'à compter de la notification de la décision ou de sa signification ». Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'association fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte prononcée par ordonnance du juge de la mise en état du 10 décembre 2018 sur la période du 20 décembre 2018 au 30 janvier 2019 à la somme de 8 200 euros, alors : « 1°/ que seule une signification à partie régulière et valable peut constituer le point de départ d'une astreinte ; qu'en affirmant que le moyen tiré de l'irrégularité et de la nullité de la signification à partie de l'ordonnance du 10 décembre 2018, soulevé par l'association dans ses notes en délibéré en réponse au soit transmis du 5 juin 2020 invitant les parties à produire l'acte de signification de l'ordonnance afin de déterminer le point de départ de l'astreinte, était irrecevable comme nouveau et sans rapport avec la question posée, la cour d'appel a violé l'article 16 ensemble l'article 678 du code de procédure civile ; 2°/ qu' en l'absence de précision de la décision prononçant une astreinte, le point de départ de celle-ci est la date à laquelle la décision devient exécutoire, soit celle de sa signification à partie ; qu'en matière de procédure avec représentation obligatoire la signification à partie doit être précédée de la signification à avocat ; qu'à défaut, la signification est irrégulière et l'astreinte ne court pas ; qu'en décidant que l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 10 décembre 2018 avait commencé à courir à compter du 20 décembre 2018, date de la signification à partie, sans rechercher si cette signification avait été précédée de la notification à avocats requise en matière soumise à représentation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 678 du code de procédure civile et R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 131-1, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution et les articles 678, 442 et 445 du code de procédure civile : 5. Selon le premier de ces textes, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. 6. Il découle des deux derniers de ces textes qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, à moins qu'elles n'aient été invitées par le président et les juges à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. 7. Pour déclarer irrecevables les moyens tirés de l'irrégularité et de la nullité de la signification de l'ordonnance du 10 décembre 2018 soulevés par l'association dans ses notes en délibéré, l'arrêt, après avoir rappelé que les parties avaient été invitées après la clôture des débats à produire l'acte de signification de cette ordonnance et à formuler toutes observations utiles sur le point de départ de l'astreinte, retient que ces nouveaux moyens sont sans rapport avec la question posée. 8. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de date précise mentionnée par le juge, l'astreinte court à compter du jour de la notification ou de la signification de la décision qui l'a ordonnée, de sorte que la régularité de cet acte est en rapport avec la fixation du point de départ de l'astreinte, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt liquidant l'astreinte entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour l'association Justice pour les animaux Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir liquidé l'astreinte prononcée par ordonnance du juge de la mise en état de la 3ème chambre civile du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2018 sur la période du 20 décembre 2018 au 30 janvier 2019 à la somme de 8 200 euros. 1) ALORS QUE seule une signification à partie régulière et valable peut constituer le point de départ d'une astreinte ; qu'en affirmant que le moyen tiré de l'irrégularité et de la nullité de la signification à partie de l'ordonnance du 10 décembre 2018, soulevé par l'AJPLA dans ses notes en délibéré en réponse au soit transmis du 5 juin 2020 invitant les parties à produire l'acte de signification de l'ordonnance afin de déterminer le point de départ de l'astreinte, était irrecevable comme nouveau et sans rapport avec la question posée, la cour d'appel a violé l'article 16 ensemble l'article 678 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'en l'absence de précision de la décision prononçant une astreinte, le point de départ de celle-ci est la date à laquelle la décision devient exécutoire, soit celle de sa signification à partie ; qu'en matière de procédure avec représentation obligatoire la signification à partie doit être précédée de la signification à avocat ; qu'à défaut, la signification est irrégulière et l'astreinte ne court pas ; qu'en décidant que l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 10 décembre 2018 avait commencé à courir à compter du 20 décembre 2018, date de la signification à partie, sans rechercher si cette signification avait été précédée de la notification à avocats requise en matière soumise à représentation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 678 du code de procédure civile et R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 octobre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1031 F-B Pourvoi n° J 21-15.272 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022 Mme [J] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-15.272 contre l'ordonnance n° RG 19/17361 rendue le 16 février 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 OP), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 3], associée de la société [Adresse 2], 2°/ à la société [Adresse 2], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [I], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [W], de la société [Adresse 2], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 16 février 2021), Mme [I] a chargé en février 2016, Mme [W], avocate associée au sein de la société [Adresse 2] (la société Alpijuris), de la représenter dans une procédure de divorce. Une convention d'honoraires a été conclue le 25 mars 2016, qui prévoyait un honoraire forfaitaire fixe de 3 000 euros HT, couvrant la première instance, un honoraire du même montant pour l'appel, ainsi qu'un honoraire complémentaire de résultat de 10 % HT calculé sur le montant de la prestation compensatoire. 2. Par un jugement du 7 février 2017, un tribunal de grande instance a prononcé le divorce et octroyé à Mme [I] une certaine somme à titre de prestation compensatoire. Mme [I] a relevé appel de ce jugement et confié la défense de ses intérêts à un autre conseil. 3. Le 2 juin 2017, Mme [I] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Draguignan d'une demande tendant à la contestation d'une facture adressée par la société Alpijuris relative à des honoraires de résultat dans la procédure de divorce. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 4. Mme [I] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à Mme [W], avocate associée de la société Alpijuris, à la somme de 5 680 euros HT, soit 6 816 euros TTC, de constater le paiement à l'avocate de la somme de 3 600 euros TTC, et de dire qu'en conséquence elle devrait payer à Mme [W] un solde d'honoraires de 3 216 euros TTC, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du code de procédure civile : 5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. 6. Pour fixer les honoraires dûs à Mme [W], l'ordonnance retient qu'à défaut de justification de l'acceptation d'un taux horaire de rémunération de 250 euros HT par Mme [I] et d'une complexité particulière du dossier, il sera fait application d'un taux horaire de 200 euros HT correspondant à la moyenne pratiquée par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. 7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours formé par Mme [I] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Draguignan en date du 2 octobre 2019 et constate le paiement par cette dernière de la somme de 3 600 euros TTC, l'ordonnance rendue le 16 février 2021 entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne Mme [W] et la société [Adresse 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la société [Adresse 2] et les condamne à payer à Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme [I] Madame [I] fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir fixé les honoraires dus par elle à maître [W], avocate associée de la Selarl Alpijuris, à la somme de 5 680 euros hors taxes, soit 6 816 euros toutes taxes comprises, d'avoir constaté le paiement par la cliente à l'avocate de la somme de 3 600 euros toutes taxes comprises et d'avoir dit qu'en conséquence la cliente devrait payer à maître [W] un solde d'honoraires de 3 216 euros toutes taxes comprises ; 1) Alors qu'à défaut de convention d'honoraires, l'honoraire est fixé, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se fondant (ordonnance, p. 3, in fine, à p. 4, in limine), pour fixer les honoraires dus par madame [I] à maître [W], sur les diligences effectuées par cette dernière et l'absence de difficulté de l'affaire, sans s'expliquer, comme il y était invité, sur la situation de fortune de la cliente, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; 2) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant (ordonnance, p. 4, al. 1er) un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile ; 3) Alors, à tout le moins, qu'en ne précisant pas sur quel élément de preuve il se fondait pour considérer (ordonnance, p. 4, al. 1er) que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était de 200 euros hors taxes, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4) Alors qu'à défaut de convention d'honoraires, l'honoraire est fixé, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se fondant (ordonnance, p. 4, al. 1er) sur le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires litigieux, cependant qu'un tel critère n'est pas au nombre de ceux que le juge de l'honoraire est en droit de considérer pour apprécier les honoraires dus, le premier président a violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 679 FS-B Pourvoi n° K 20-20.260 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 La société Kout Food Group, société de droit koweïti, dont le siège est [Adresse 2] (Koweit), a formé le pourvoi n° K 20-20.260 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Kabab-Ji Sal, société de droit libanais , dont le siège est [Adresse 1] (Liban), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Kout Food Group, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Kabab-Ji Sal, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2020), le 16 juillet 2001, la société libanaise Kabab-Ji a conclu avec la société koweïtienne Al-Homaizi Foodstuff Co WWL (AHFC) un contrat de franchise d'une durée de dix années pour l'exploitation de la marque de restauration « Kabab-Ji » au Koweït. Le contrat de franchise, ainsi que les accords conclus pour chaque point de vente, prévoyaient l'application du droit anglais. Ils stipulaient une clause d'arbitrage à [Localité 3] selon le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI). 2. En 2004, la société AHFC a informé la société Kabab-Ji de la restructuration du groupe par la création d'une société holding koweïtienne, Gulf and World Restaurants & Food, devenue Kout Food Group (KFG). 3. Le 16 juillet 2011, faute de nouvel accord, les contrats sont arrivés à expiration. 4. Le 27 mars 2015, la société Kabab-Ji a introduit devant la CCI une procédure d'arbitrage à l'encontre de la société KFG. Par une sentence rendue à Paris le 11 septembre 2017, le tribunal arbitral a étendu les contrats à la société KFG et condamné celle-ci à verser à la société Kabab-Ji les redevances de licence impayées entre 2008 et 2011, outre une indemnité au titre de la perte de chance. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La société KFG fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation de la sentence, alors : « 1°/ que l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi expressément choisie par les parties pour la régir ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris notamment qu' "aucune stipulation expresse n'a été convenue entre les parties qui désignerait la loi anglaise, comme régissant la clause compromissoire" et que "KFG ne rapporte pas la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, et dont le régime est indépendant de celui des accords", après avoir pourtant constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé "contenu du contrat", "le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres", que selon l'article 15 du même contrat, et l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le "présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions", et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (articles 14 et 26), les arbitres devaient appliquer "les stipulations contenues dans le Contrat" et les "principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales" et ne pouvaient appliquer "toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat", ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile ; 2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé "contenu du contrat", "le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres", que selon l'article 15 du même contrat, et de l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le "présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions" et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (articles 14 et 26) les arbitres devaient appliquer "les stipulations contenues dans le Contrat" et les "principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales" et ne pouvaient appliquer "toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat", ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 1, 14 et 15 du CDF et 26 et 27 des CPVFs, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°/ en toute hypothèse, que l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi choisie par les parties pour la régir ; qu'à défaut de stipulations manifestant une intention contraire des parties, le choix de la loi applicable au contrat est présumé valoir pour l'ensemble de ses stipulations, en ce compris la clause compromissoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le CDF et les CPVFs étaient expressément soumis au droit anglais et devaient être interprétés conformément à ces dispositions, sans caractériser une intention contraire des parties de soumettre l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage à une autre loi que celle applicable au contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. En vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence et son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique, à moins que les parties aient expressément soumis la validité et les effets de la convention d'arbitrage elle-même à une telle loi. 8. Ayant souverainement retenu que le choix du droit anglais comme loi régissant les contrats, ainsi que la stipulation selon laquelle il était interdit aux arbitres d'appliquer des règles qui contrediraient les contrats, ne suffisaient pas à établir la commune volonté des parties de soumettre l'efficacité de la convention d'arbitrage au droit anglais, par dérogation aux règles matérielles du siège de l'arbitrage expressément désigné par les contrats, et que la société KFG ne rapportait la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision d'apprécier l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage, non pas au regard du droit anglais, mais au regard des règles matérielles du droit français en matière d'arbitrage international. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Kout Food Group aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kout Food Group et la condamne à payer à la société Kabab-Ji la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Kout Food Group PREMIER MOYEN DE CASSATION La société KFG fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de la sentence rendue à Paris entre les parties le 11 septembre 2017 ; 1°) ALORS QUE l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi expressément choisie par les parties pour la régir ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris notamment qu'« aucune stipulation expresse n'a été convenue entre les parties qui désignerait la loi anglaise, comme régissant la clause compromissoire » et que « KFG ne rapporte pas la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, et dont le régime est indépendant de celui des accords », après avoir pourtant constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé « contenu du contrat », « le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres », que selon l'article 15 du même contrat, et l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le « présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions », et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (art. 14 et 26), les arbitres devaient appliquer « les stipulations contenues dans le Contrat » et les « principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales » et ne pouvaient appliquer « toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat », ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé « contenu du contrat », « le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres », que selon l'article 15 du même contrat, et de l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le « présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions » et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (art. 14 et 26) les arbitres devaient appliquer « les stipulations contenues dans le Contrat » et les « principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales » et ne pouvaient appliquer « toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat », ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 1, 14 et 15 du CDF et 26 et 27 des CPVFs, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi choisie par les parties pour la régir ; qu'à défaut de stipulations manifestant une intention contraire des parties, le choix de la loi applicable au contrat est présumé valoir pour l'ensemble de ses stipulations, en ce compris la clause compromissoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le CDF et les CPVFs étaient expressément soumis au droit anglais et devaient être interprétés conformément à ces dispositions (arrêt attaqué, p. 5, § 2), sans caractériser une intention contraire des parties de soumettre l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage à une autre loi que celle applicable au contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION La société KFG fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de la sentence rendue à Paris entre les parties le 11 septembre 2017 ; 1°) ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en écartant le moyen tiré de la violation par le tribunal arbitral du principe de la contradiction tiré de ce qu'il s'est fondé sur un mécanisme juridique invoqué par Kabab-Ji pour la première fois dans son mémoire post-audience, interdisant ainsi aux parties de débattre de ce mécanisme et de ses effets sur les accords, en relevant d'office, sans préalablement inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que KFG a disposé de près de deux mois pour répondre à cet argument ou solliciter un délai supplémentaire entre le dépôt du mémoire après audience de la société Kabab-Ji le 6 février 2017 et l'ordonnance procédurale n° 11 du 27 mars 2017, par laquelle le tribunal arbitral a déclaré la clôture des débats en vertu de l'article 27 du Règlement d'arbitrage CCI, de sorte qu'elle a été mise à même de débattre contradictoirement, de contester l'existence de ce mécanisme dans le droit anglais et d'en discuter ses effets sur les accords, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en se prononçant comme elle l'a fait, sans constater que la société KFG pouvait effectivement, en considération des stipulations du règlement d'arbitrage applicable et du calendrier procédural fixé par le tribunal arbitral, déposer de nouvelles écritures pour répliquer au mémoire déposé après l'audience par la société Kabab-Ji le 6 février 2017 ou solliciter un délai supplémentaire pour le faire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.4° du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 703 FS-B Pourvoi n° J 21-16.307 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Entreparticuliers.com, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-16.307 contre l'arrêt rendu le 2 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société LBC France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La société LBC France a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Entreparticuliers.com, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société LBC France, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2021), la société LBC France exploite le site français de petites annonces en ligne « www.leboncoin.fr », à la suite d'un traité d'apport partiel d'actifs conclu le 28 juin 2011 avec la société SCM France, devenue Schibsted France, laquelle a créé ce site en 2006 et l'a exploité jusqu'en 2011. 2. La société Entreparticuliers.com exploite le site internet « www.entreparticuliers.com » qu'elle a créé au cours de l'année 2000 et qui propose aux particuliers un service payant d'hébergement d'annonces essentiellement immobilières. Pour les besoins de son activité, elle est abonnée à un « service de pige immobilière » commercialisé par la société Directannonces qui collecte et transmet quotidiennement à ses abonnés, professionnels de l'immobilier, toutes les nouvelles annonces immobilières publiées par les particuliers sur différents supports, notamment internet. 3. Estimant que ce procédé constitue la mise en place par la société Entreparticuliers.com, aidée de son co-contractant, d'un système d'extraction total, répété et systématique de la base de données immobilière du site « leboncoin.fr », et exposant que, depuis le mois de juin 2011, de nombreux utilisateurs de son site se plaignent de la reprise de leurs annonces sur le site « entreparticuliers.com » sans leur autorisation, la société LBC France a fait procéder, les 5, 6 et 7 octobre 2016, à un constat d'huissier de justice portant sur deux cent quarante-six annonces du site « entreparticuliers.com. », puis a assigné, le 25 avril 2017, la société Entreparticuliers.com afin d'obtenir des mesures indemnitaires et d'interdiction, au visa des articles L. 112-3, L. 341-1 et L. 342-2 du code de la propriété intellectuelle et, subsidiairement, sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'irrecevabilité des demandes de la société LBC France formées sur le fondement de la sous-base « immobilier », de dire que le site leboncoin.fr constitue une base de données dont la société LBC France est le producteur, de dire que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors : « 1°/ que, si les prétentions présentées pour la première fois en cause d'appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, les prétentions portant sur des droits de propriété intellectuelle distincts, qui n'ont pas le même objet, ne peuvent tendre aux mêmes fins ; que la demande présentée par la société LBC France aux premiers juges tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la base de données envisagée dans son entier et à en faire sanctionner la violation, tandis que la demande présentée devant la cour d'appel tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la sous-base de données « immobilier » et à en faire sanctionner la violation ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité, que les demandes relatives à la sous-base tendaient aux mêmes fins que celles formulées devant le premier juge, à savoir démontrer le caractère substantiel de l'extraction opérée par la société Entreparticuliers.com, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ; 2°/ qu'en toute hypothèse, les parties doivent, en cause d'appel, présenter, dès leurs premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'il n'est fait exception que pour les demandes reconventionnelles et les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les demandes de la société LBC France relatives à la sous-base « immobilier » ne figuraient pas dans ses premières conclusions d'appel ; qu'en retenant, pour rejeter néanmoins l'exception d'irrecevabilité, qu'elles tendaient aux mêmes fins que les demandes formulées devant le premier juge, portant sur l'ensemble de la base de données, la cour d'appel, qui a énoncé un motif inopérant, a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Dès lors que les demandes initiales portaient sur l'ensemble de la base de données et incluaient ainsi la sous-base de données « immobilier », c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les demandes limitées à cette sous-base n'étaient pas nouvelles et étaient donc recevables en appel. 6. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le deuxième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 7. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de dire que le site leboncoin.fr constitue une base de données dont la société LBC France est le producteur, de dire que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors : « 1°/ que l'article 8-1 du traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 stipulait que « SCM France est régulièrement propriétaire ou bénéficiaire du droit d'usage des droits de propriété intellectuelle se rapportant à la branche d'activité et s'engage à consentir à LBC France une licence d'exploitation des droits de propriété intellectuelle incluant en particulier la marque « leboncoin.fr », « vendez achetez près de chez vous » et les noms de domaine « leboncoin.fr », « leboncoin.com » moyennant une contrepartie financière faisant l'objet d'un contrat distinct » ; qu'il s'en déduisait que la société SCM France s'était réservé l'ensemble des droits de propriété intellectuelle afférents à la branche d'activité apportée ; qu'en affirmant, au contraire, que cette clause ne pouvait s'analyser comme réservant à la société SCM France le bénéfice des droits sui generis du producteur de base de données, la cour d'appel en a dénaturé les stipulations claires et précises, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2°/ que, dans le cas où une base de données protégée fait l'objet d'un nouvel investissement substantiel, sa protection expire quinze ans après le 1er janvier de l'année civile suivant celle de ce nouvel investissement ; que la personne qui, sans être le producteur initial d'une base de données, consent des investissements pour l'entretenir et la renouveler, n'est pas admise à invoquer la prorogation d'une protection dont elle n'est pas investie, n'ayant pas pris l'initiative et le risque de la création ; qu'en se fondant sur l'article L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle pour affirmer le droit sui generis de la société LBC sur une base de données qu'elle n'a pas créée, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ; 3°/ que la personne qui réalise des investissements sur une base de données dont il n'est pas le producteur initial ne peut invoquer la protection du droit sui generis qu'en démontrant qu'il en est résulté une nouvelle base de données éligible à la protection du droit sui generis sur les bases de données ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient abouti à la constitution d'une nouvelle base de données éligible, en elle-même, à la protection légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 4°/ qu'en toute hypothèse, la personne qui réalise des investissements sur une base de données existante ne peut invoquer une durée de protection propre qu'en démontrant que ces investissements sont substantiels et qu'il en est résulté une modification substantielle de la base de données initiale ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient conduit à une modification substantielle de la base de données initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9. » Réponse de la Cour 8. Après avoir retenu que la société LBC France avait acquis, par le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011, la propriété des éléments d'actifs constituant la branche d'activité d'exploitation du site internet « leboncoin.fr » et qu'elle avait procédé pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données à de nouveaux investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, du fait de leur nature et de leur montant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée par la troisième branche et qui a procédé à celle invoquée par la quatrième, en a exactement déduit que la société LBC France était fondée à invoquer la protection de cette base de données. 9. Le moyen, irrecevable en sa première branche en l'absence de production du contrat d'apport partiel d'actifs consenti par la société SCM France à la société LBC France, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le troisième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 10. La société Entreparticuliers.com fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 2°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de stockage consenties par la société LBC France, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 3°/ que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ; que les moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création de données ou d'autres éléments par la suite rassemblés dans une base constituent, en revanche, des moyens relatifs à cette création et ne peuvent dès lors être pris en compte aux fins d'apprécier l'existence d'un investissement substantiel ; qu'en retenant, au titre des dépenses engagées par la société LBC France pour la vérification des données, les coûts salariaux afférents à l'équipe « serenity », bien que la vérification opérée par le logiciel « serenity » intervienne au stade de la création des données, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 4°/ que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés au contrôle de l'exactitude des données ; qu'acceptant de prendre en considération les coûts salariaux des équipes « serenity » et « fraude et modération » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrôle qu'elles opéraient sur les annonces des internautes n'était pas limité à la détection des fraudes et illégalités, à l'exclusion de l'exactitude des informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 5°/ que la notion d'investissement dans la présentation du contenu de la base de données comprend les moyens visant à conférer à ladite base sa fonction de traitement de l'information, à savoir ceux consacrés à la disposition systématique ou méthodique des éléments contenus dans cette base ainsi qu'à l'organisation de leur accessibilité individuelle, en dehors de la création des données ; qu'en acceptant de prendre en considération les dépenses liées à la classification des annonces des internautes et à l'organisation du site internet www.leboncoin.fr en arborescence, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle présentation n'était pas étroitement liée à la création même des annonces des internautes, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9. » Réponse de la Cour 11. Par quatre arrêts du 9 novembre 2004 (C-203/02, C-46/02, C-338/02, C-444/02), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu de la base de données doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l'exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs d'une base de données, le titulaire d'une base de données devant dès lors justifier d'un investissement autonome par rapport à celui que requiert la création des données contenues dans la base dont il demande la protection. 12. C'est à bon droit et après avoir procédé aux recherches prétendument omises que la cour d'appel a retenu pour l'attribution de la protection sui generis : - au titre d'un investissement lié à l'obtention du contenu de la base de données, les investissements de communication comme ayant pour but de rechercher et de collecter un grand nombre d'annonces auprès d'internautes, ainsi que les dépenses de stockage comme étant nécessaires au regard des flux d'annonces entrants, du volume des informations à enregistrer et des exigences de temps de consultation imposant des infrastructures informatiques de stockage sophistiquées et coûteuses, du stockage des annonces selon une organisation rigoureuse constituée de seize tables de stockage, et de l'enregistrement et du stockage de toutes les modifications dont la traçabilité de 100 % est assurée, les données étant indexées de façon à ce que les résultats de recherche puissent s'afficher dans des temps très courts ; - au titre d'un investissement lié à la vérification du contenu de la base de données, les dépenses afférentes au logiciel serenity, les opérations de vérification des annonces du site leboncoin.fr étant effectuées, d'une part, une fois que l'annonce est déposée par l'annonceur, par l'intermédiaire de ce logiciel de filtrage, d'autre part, a posteriori, par une équipe chargée de la modération ; - au titre d'un investissement lié à la présentation du contenu de la base de données, les dépenses liées à la classification des annonces, laquelle est opérée selon dix catégories qui sont ensuite divisées en sous-catégories, puis en critères de recherche spécifiques pour chaque sous-catégorie, selon une arborescence détaillée qui rassemble et organise près de vingt-huit millions d'annonces avec une moyenne de huit cent mille nouvelles annonces quotidiennes, la base étant mise à jour et en conformité par l'équipe « produits ». 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le quatrième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 14. La société Entreparticuliers.com fait encore le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la sous-base de données « immobilier », des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces immobilières, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumières des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 2°/ que l'objectif du droit sui generis est de garantir une protection contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par la personne qui a recherché et rassemblé le contenu d'une base de données ; qu'il s'en déduit que l'acquisition d'une base de données existante ne peut s'analyser en un investissement de constitution ; qu'en tenant compte, au titre des dépenses de constitution de la sous-base de données « immobilier », de l'acquisition par la société LBC France du site de la société A vendre à louer exploitant un site d'annonce immobilières, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 3°/ qu'une sous-base de données n'est éligible à la protection du droit sui generis qu'autant qu'elle résulte, en elle-même d'investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en se bornant à affirmer que les annonces immobilières constituent 10 % des annonces de la base de données de la société LBC France, de sorte qu'une partie peut être évaluée à 10 % des investissements substantiels engagés par la société LBC France pour la constitution, la vérification et la présentation du contenu de sa base de données se rapportent au contenu de la sous-base de données « immobilier », sans démontrer que la sous-base de données « immobilier » avait donné lieu à des investissements substantiels propres et autonomes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 à 10 de la directive 96/9. » Réponse de la Cour 15. Ayant examiné les investissements réalisés au titre de la sous-base de données « immobilier » et retenu que la société LBC France justifiait avoir investi, de 2014 à 2016, une somme de plus de 4,9 millions d'euros dans les campagnes de publicité ciblées en matière immobilière, ce qui avait permis de collecter un grand nombre d'annonces immobilières créées par des internautes, avoir acquis pour un montant de 19,8 millions d'euros une société exploitant un site d'annonces immobilières en ligne, ce qui avait permis d'enrichir sa sous-base de données « immobilier », et qu'une part pouvant être évaluée à 10 % des investissements substantiels engagés pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données se rapportait au contenu de la sous-base de données « immobilier », la cour d'appel en a déduit à bon droit que celle-ci devait bénéficier de la protection au titre de la sous-base. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le cinquième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 17. La société Entreparticuliers.com fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site leboncoin.fr, d'ordonner, sous astreinte, la cessation de ces agissements, de la condamner à verser à la société LBC France la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, d'ordonner une mesure de publication et de rejeter ses autres demandes, alors : « 1°/ qu'à défaut de transfert permanent ou temporaire de données, le renvoi à une base de données par la mention d'un lien hypertexte n'excède pas la simple prestation technique d'indexation de contenus et ne saurait constituer un acte d'extraction ; qu'en décidant, au contraire, que les onglets renvoyant vers le site leboncoin.fr pour les coordonnées de l'annonceur constituaient une indexation procédant d'une extraction prohibée, la cour d'appel a violé l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9 ; 2°/ que constitue une partie qualitativement substantielle d'une base de données les éléments extraits ou réutilisés qui, en eux-mêmes représentent, en termes d'obtention, de vérification ou de présentation, un important investissement humain, technique ou financier ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer l'existence d'une réutilisation d'une partie qualitativement substantielle de la sous-base de données « immobilier », que cette dernière avait nécessité des investissements substantiels, sans rechercher les éléments réutilisés représentaient en eux-mêmes un investissement important, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9. » Réponse de la Cour 18. La cour d'appel a retenu que les annonces immobilières du site « entreparticuliers.com » reprenaient toutes les informations relatives au bien immobilier, s'agissant de la localisation, la surface, le prix, la description et la photographie du bien, qui sont les critères essentiels des annonces du site leboncoin.fr, et qu'en exécution du contrat de pige immobilière conclu avec la société Directannonces, la société Entreparticuliers.com s'était vu transférer toutes les annonces immobilières de vente du site leboncoin.fr. 19. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle en a justement déduit que la société Entreparticuliers.com avait procédé à l'extraction et la réutilisation d'une partie qualitativement substantielle du contenu de la sous-base de données « immobilier » de la société LBC France. 20. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; Condamne la société Entreparticuliers.com aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Entreparticuliers.com et la condamne à payer à la société LBC France la somme de 5 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Entreparticuliers.com, demanderesse au pourvoi principal. PREMIER MOYEN DE CASSATION (sur la recevabilité des demandes de la société LBC France fondées sur la sous-base de données « immobilier ») La société Entreparticuliers.com reproche tout d'abord à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité des demandes de la société LBC France formées sur le fondement de la sous-base « immobilier », dit que le site www.leboncoin.fr constituait une base de données dont la société LBC France était le producteur, dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE, que, si les prétentions présentées pour la première fois en cause d'appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, les prétentions portant sur des droits de propriété intellectuelle distincts, qui n'ont pas le même objet, ne peuvent tendre aux mêmes fins ; que la demande présentée par la société LBC France aux premiers juges tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la base de données envisagée dans son entier et à en faire sanctionner la violation, tandis que la demande présentée devant la cour d'appel tendait à se voir reconnaître un droit sui generis sur la sous-base de données « immobilier » et à en faire sanctionner la violation ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité, que les demandes relatives à la sous-base tendaient aux mêmes fins que celles formulées devant le premier juge, à savoir démontrer le caractère substantiel de l'extraction opérée par la société Entreparticuliers.com, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU' en toute hypothèse, les parties doivent, en cause d'appel, présenter, dès leurs premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'il n'est fait exception que pour les demandes reconventionnelles et les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les demandes de la société LBC France relatives à la sous-base « immobilier » ne figuraient pas dans ses premières conclusions d'appel ; qu'en retenant, pour rejeter néanmoins l'exception d'irrecevabilité, qu'elles tendaient aux mêmes fins que les demandes formulées devant le premier juge, portant sur l'ensemble de la base de données, la cour d'appel, qui a énoncé un motif inopérant, a violé l'article 910-4 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (sur la qualité de producteur de base de données de la société LBC France) La société Entreparticuliers.com reproche ensuite à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le site www.leboncoin.fr constituait une base de données dont la société LBC France était le producteur, dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE l'article 8-1 du traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 stipulait que « SCM France est régulièrement propriétaire ou bénéficiaire du droit d'usage des droits de propriété intellectuelle se rapportant à la branche d'activité et s'engage à consentir à LBC France une licence d'exploitation des droits de propriété intellectuelle incluant en particulier la marque "leboncoin.fr", "vendez achetez près de chez vous" et les noms de domaine "leboncoin.fr", "leboncoin.com" moyennant une contrepartie financière faisant l'objet d'un contrat distinct » ; qu'il s'en déduisait que la société SCM France s'était réservé l'ensemble des droits de propriété intellectuelle afférents à la branche d'activité apportée ; qu'en affirmant, au contraire, que cette clause ne pouvait s'analyser comme réservant à la société SCM France le bénéfice des droits sui generis du producteur de base de données, la cour d'appel en a dénaturé les stipulations claires et précises, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 2) ALORS QUE, dans le cas où une base de données protégée fait l'objet d'un nouvel investissement substantiel, sa protection expire quinze ans après le 1er janvier de l'année civile suivant celle de ce nouvel investissement ; que la personne qui, sans être le producteur initial d'une base de données, consent des investissements pour l'entretenir et la renouveler, n'est pas admise à invoquer la prorogation d'une protection dont elle n'est pas investie, n'ayant pas pris l'initiative et le risque de la création ; qu'en se fondant sur l'article L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle pour affirmer le droit sui generis de la société LBC sur une base de données qu'elle n'a pas créée, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ; 3) ALORS QUE la personne qui réalise des investissements sur une base de données dont il n'est pas le producteur initial ne peut invoquer la protection du droit sui generis qu'en démontrant qu'il en est résulté une nouvelle base de données éligible à la protection du droit sui generis sur les bases de données ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient abouti à la constitution d'une nouvelle base de données éligible, en elle-même, à la protection légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 4) ALORS QU' en toute hypothèse, la personne qui réalise des investissements sur une base de données existante ne peut invoquer une durée de protection propre qu'en démontrant que ces investissements sont substantiels et qu'il en est résulté une modification substantielle de la base de données initiale ; qu'en reconnaissant à la société LBC France la qualité de producteur de la base de données litigieuse, sans rechercher si les investissements qu'elle avait consentis depuis le traité d'apport partiel d'actifs du 28 juin 2011 avaient conduit à une modification substantielle de la base de données initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (sur les investissements liés à la constitution, à la vérification et à la présentation de la base de données) La société Entreparticuliers.com reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le site www.leboncoin.fr constituait une base de données dont la société LBC France était le producteur, dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 2) ALORS QUE la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la base de données, des dépenses de stockage consenties par la société LBC France, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 3) ALORS QUE la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ; que les moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création de données ou d'autres éléments par la suite rassemblés dans une base constituent, en revanche, des moyens relatifs à cette création et ne peuvent dès lors être pris en compte aux fins d'apprécier l'existence d'un investissement substantiel ; qu'en retenant, au titre des dépenses engagées par la société LBC France pour la vérification des données, les coûts salariaux afférents à l'équipe « serenity », bien que la vérification opérée par le logiciel « serenity » intervienne au stade de la création des données, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 4) ALORS QUE la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés au contrôle de l'exactitude des données ; qu'acceptant de prendre en considération les coûts salariaux des équipes « serenity » et « fraude et modération » sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le contrôle qu'elles opéraient sur les annonces des internautes n'était pas limité à la détection des fraudes et illégalités, à l'exclusion de l'exactitude des informations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 5) ALORS QUE la notion d'investissement dans la présentation du contenu de la base de données comprend les moyens visant à conférer à ladite base sa fonction de traitement de l'information, à savoir ceux consacrés à la disposition systématique ou méthodique des éléments contenus dans cette base ainsi qu'à l'organisation de leur accessibilité individuelle, en dehors de la création des données ; qu'en acceptant de prendre en considération les dépenses liées à la classification des annonces des internautes et à l'organisation du site internet www.leboncoin.fr en arborescence, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle présentation n'était pas étroitement liée à la création même des annonces des internautes, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (sur le caractère protégeable de la sous-base de données « immobilier ») La société Entreparticuliers.com reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société LBC France est producteur de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QUE la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données s'entend comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base et ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données ; qu'en tenant compte, au titre des investissements liés à la constitution de la sous-base de données « immobilier », des dépenses de communication consenties par la société LBC France pour inciter les consommateurs à créer leurs annonces immobilières, la cour d'appel a violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumières des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 2) ALORS QUE l'objectif du droit sui generis est de garantir une protection contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par la personne qui a recherché et rassemblé le contenu d'une base de données ; qu'il s'en déduit que l'acquisition d'une base de données existante ne peut s'analyser en un investissement de constitution ; qu'en tenant compte, au titre des dépenses de constitution de la sous-base de données « immobilier », de l'acquisition par la société LBC France du site de la société A vendre à louer exploitant un site d'annonce immobilières, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 et 10 de la directive 96/9 ; 3) ALORS QU' une sous-base de données n'est éligible à la protection du droit sui generis qu'autant qu'elle résulte, en elle-même d'investissements financiers, matériels et humains substantiels au sens de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en se bornant à affirmer que les annonces immobilières constituent 10% des annonces de la base de données de la société LBC France, de sorte qu'une partie peut être évaluée à 10% des investissements substantiels engagés par la société LBC France pour la constitution, la vérification et la présentation du contenu de sa base de données se rapportent au contenu de la sous-base de données "immobilier", sans démontrer que la sous-base de données « immobilier » avait donné lieu à des investissements substantiels propres et autonomes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des articles 7 à 10 de la directive 96/9. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (sur l'extraction et la réutilisation de la sous-base de données « immobilier ») La société Entreparticuliers.com reproche enfin à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Entreparticuliers.com a procédé à l'extraction et à la réutilisation d'une partie substantielle de la sous-base de données « immobilier » du site www.leboncoin.fr, ordonné, sous astreinte, la cessation de ces agissements, condamné la société Entreparticuliers.com à verser à la société LBC France la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice financier et de 20 000 € en réparation de son préjudice d'image, ordonné une mesure de publication et rejeté les autres demandes de la société Entreparticuliers.com, 1) ALORS QU' à défaut de transfert permanent ou temporaire de données, le renvoi à une base de données par la mention d'un lien hypertexte n'excède pas la simple prestation technique d'indexation de contenus et ne saurait constituer un acte d'extraction ; qu'en décidant, au contraire, que les onglets renvoyant vers le site leboncoin.fr pour les coordonnées de l'annonceur constituaient une indexation procédant d'une extraction prohibée, la cour d'appel a violé l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9 ; 2) ALORS QUE constitue une partie qualitativement substantielle d'une base de données les éléments extraits ou réutilisés qui, en eux-mêmes représentent, en termes d'obtention, de vérification ou de présentation, un important investissement humain, technique ou financier ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer l'existence d'une réutilisation d'une partie qualitativement substantielle de la sous-base de données « immobilier », que cette dernière avait nécessité des investissements substantiels, sans rechercher les éléments réutilisés représentaient en eux-mêmes un investissement important, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 7 de la directive 96/9.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° G 21-15.386 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 La société Entr'ouvert, société coopérative ouvrière de production, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-15.386 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Orange Business Services, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Orange Applications for Business, défenderesses à la cassation. Les sociétés Orange et Orange Business Services ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Entr'ouvert et de la SAS Buk, Lament-Robillot, avocat des sociétés Orange et Orange Business Services, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2021), la société Entr'Ouvert a conçu un logiciel dénommé « Lasso » et permettant la mise en place d'un système d'authentification unique, qu'elle diffuse sous licence libre ou sous licence commerciale en contrepartie du paiement de redevances à son profit. 2. A la suite d'un appel d'offres de l'Etat pour la réalisation du portail dénommé « Mon service public », la société Orange a fourni une solution informatique de gestion d'identités et des moyens d'interface à destination des fournisseurs de service (IDMP), au moyen d'une plate-forme logicielle dénommée « Identité Management Platform » et intégrant le logiciel Lasso. 3. Le 29 avril 2011, estimant que cette mise à disposition de son logiciel n'était pas conforme aux clauses de la licence libre et qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale, la société Entr'Ouvert, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon au siège de la société Orange, a assigné celle-ci en contrefaçon de droits d'auteur et parasitisme. 4. La société Orange Application for Business, aux droits de laquelle se trouve la société Orange Business Services, est intervenue volontairement à l'instance. 5. Une expertise judiciaire de la plate-forme IDMP fournie par la société Orange a été ordonnée. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 6. La société Orange fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme, alors : « 1°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Entr'Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu'elles avaient incorporé une partie du programme dans d'autres programmes et sans écrire à l'auteur pour lui en demander l'autorisation, tout en précisant que selon le rapport d'expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP ; que la société Entr'Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d'expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP ; qu'en jugeant que les reproches articulés par la société Entr'Ouvert au titre des actes de parasitisme n'étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu'ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°/ qu'au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l'éditeur d'un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d'exploiter et de modifier librement les logiciels qu'il édite n'était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu'elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l'incorporant dans la solution IDMP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 3°/ qu'en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr'Ouvert dans le cadre de contrats qu'elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n'excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 4°/ qu'en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu'en omettant d'analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr'Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr'Ouvert forme une partie de l'équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l'utilisation du logiciel Lasso, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ qu'il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu'en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'absence de justification des investissements réalisés et, partant, l'absence de faits de parasitisme, violant ainsi l'article 1240 du code civil ; 6°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr'Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s'est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. D'abord, après avoir constaté que le parasitisme invoqué était distinct des violations alléguées des clauses du contrat de licence, la cour d'appel, se fondant sur le rapport d'expertise, a relevé que, dès 2004, les parties avaient entretenu des relations d'affaires, à l'occasion desquelles la société Orange avait très vite montré son intérêt pour le logiciel Lasso en sollicitant divers renseignements, formations et prestations sur ce logiciel, que, pour répondre à l'appel d'offres, celle-ci l'avait identifié comme « permettant d'apporter la brique technique et fonctionnelle à la version IDMP », que la solution IDMP présentée alors était totalement dépendante de la présence du logiciel, qu'il était impossible, sauf au prix d'une refonte conséquente des codes sources d'IDMP, d'intégrer un autre composant logiciel qui rendrait le même service que Lasso, que la solution proposée par la société Orange avait permis de rendre IDMP conforme au protocole informatique de sécurité, que le logiciel Lasso, tel que modifié et incorporé dans la solution proposée par la société Orange, avait procuré à celle-ci l'avantage de pouvoir répondre à l'appel d'offres de l'Etat en respectant les pré-requis demandés et que celle-ci avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert. 8. Elle a pu en déduire, en l'absence de dénaturation des conclusions et sans être tenue ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la société Orange avait commis des actes de parasitisme. 9. Ensuite, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans se contredire, qu'elle a retenu que, si la société Entr'Ouvert, sollicitant la somme de 500 000 euros, ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement du logiciel Lasso, le parasitisme opéré par la société Orange, pour remporter un marché conséquent avec l'Etat sans aucune reconnaissance ni financière, ni morale du travail et des investissements de la société Entr'Ouvert, lui avait causé un préjudice économique et moral qu'elle a évalué à 150 000 euros. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, ci-après annexé 11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 12. La société Entr'Ouvert fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon, alors « que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d'« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu'en droit français, seule l'action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d'auteur sur un programme d'ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu'il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l'atteinte à son droit d'auteur résulte de la violation d'une clause d'un contrat de licence ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer l'action de la société Entr'ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en revanche, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 335-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, les articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle et l'article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur : 13. Selon le premier de ces textes, constitue un délit de contrefaçon la violation de l'un des droits de l'auteur d'un logiciel définis à l'article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle. 14. Conformément au deuxième, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l'engagement d'une action au fond, puissent, sur requête d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d'échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s'y rapportant. 15. En application du troisième, les Etats membres veillent à ce que les autorités judiciaires, lorsqu'elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l'atteinte, ou, à titre d'alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. 16. En vertu du quatrième, les Etats membres doivent protéger les programmes d'ordinateur par le droit d'auteur. 17. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d' « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18). 18. Si, selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d'inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que les mesures d'instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer. 19. Il s'en déduit que, dans le cas d'une d'atteinte portée à ses droits d'auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s'il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon. 20. Pour déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon de droits d'auteur formées par la société Entr'Ouvert au titre de la violation du contrat de licence liant les parties, l'arrêt retient que la CJUE ne met pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et il en déduit que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable. 21. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Entr'Ouvert irrecevable à agir en contrefaçon, l'arrêt rendu le 19 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne les sociétés Orange et Orange Business Services aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Orange et Orange Business Services et les condamne à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 5 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Entr'ouvert, demanderesse au pourvoi principal. La société Entr'ouvert reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle était irrecevable à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon, 1) ALORS QUE la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE, 18 décembre 2009, IT Development c. Free Mobile, aff. C-666/18) que la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d'« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ; qu'en droit français, seule l'action en contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle offre au titulaire de droits d'auteur sur un programme d'ordinateur les garanties prévues par ladite directive ; qu'il est donc recevable à agir en contrefaçon même si l'atteinte à son droit d'auteur résulte de la violation d'une clause d'un contrat de licence ; qu'en énonçant néanmoins, pour déclarer l'action de la société Entr'ouvert irrecevable, que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en revanche, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble les directives 2004/48 et 2009/24 par fausse interprétation et le principe de non-cumul des responsabilités par fausse application ; 2) ALORS QUE le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle s'oppose à ce que la réparation des conséquences dommageables d'un même fautif soit recherchée simultanément sur le fondement contractuel et sur le fondement délictuel ; qu'il ne s'applique pas à l'action en contrefaçon, qui sanctionne l'atteinte à un droit privatif ; qu'en conséquence, toute exploitation d'un logiciel protégé par le droit d'auteur sans l'autorisation de l'auteur est justiciable de l'action en contrefaçon, qu'elle résulte de l'absence de contrat de licence ou de l'outrepassement de ses limites ; qu'en énonçant, pour déclarer la société Entr'ouvert irrecevable à agir sur le fondement de l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle pour faire sanctionner l'atteinte à son droit d'auteur sur le logiciel Lasso, qu'elle procédait de la violation des clauses du contrat de licence GNU GPL version 2, en sorte que seule une action en responsabilité contractuelle était recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle par refus d'application, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application ; 3) ALORS QU' en toute hypothèse, l'action de la société Entr'ouvert était exclusivement fondée sur l'atteinte à son droit d'auteur sur le logiciel Lasso, le contrat de licence GPN GLU v2 n'étant évoqué pour que pour démontrer que les sociétés Orange avaient porté atteinte au droit d'auteur de la société Entr'ouvert en se livrant à une utilisation non autorisée du logiciel Lasso ; que la société Entr'ouvert n'a jamais invoqué la responsabilité contractuelle des sociétés Orange ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer irrecevable l'action en contrefaçon de la société Entr'ouvert au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, qu'elle se fondait sur le contrat de licence qui liait les parties et qu'elle se prévalait de la violation des clauses de ce contrat, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 4) ALORS QU' en toute hypothèse, la cour d'appel invoquait également, au soutien de son action en contrefaçon de droit d'auteur, l'atteinte à son droit moral d'auteur, et plus particulièrement à son droit à la paternité du logiciel Lasso, les sociétés Orange n'ayant pas indiqué à leur cocontractant que le logiciel IDMP intégrait le logiciel Lasso créée par la société Entr'ouvert (conclusions récapitulatives d'appel de la société Entr'ouvert, p. 38 et 39) ; que l'atteinte au droit à la paternité de la société Entr'ouvert était indépendante de la violation du champ d'application du contrat de licence GPN GLU v2, lequel ne régit que les droits patrimoniaux ; qu'en déclarant irrecevable, au nom du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, l'action en contrefaçon de la société Entr'ouvert en tant qu'elle était fondée sur l'atteinte à son droit à la paternité sur le logiciel Lasso, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle par fausse application. Moyen produit par la SCP Buk, Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour les sociétés Orange et Oranges Business services, demanderesses au pourvoi incident. La société Orange fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros pour parasitisme ; 1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Entr'Ouvert faisait valoir, dans un premier temps, que les sociétés Orange avaient violé les articles 4 et 10 de la licence GNU GPL V2 dès lors qu'elles avaient incorporé une partie du programme dans d'autres programmes et sans écrire à l'auteur pour lui en demander l'autorisation, tout en précisant que selon le rapport d'expertise du 23 octobre 2017 le logiciel Lasso avait été encapsulé dans IDMP (conclusions pages 20 et 21) ; que la société Entr'Ouvert faisait encore valoir, dans un deuxième temps au titre des prétendus agissements parasitaires imputés aux sociétés Orange, se fondant en cela une nouvelle fois sur le rapport d'expertise du 23 octobre 2017, que ces dernières avaient modifié Lasso en quantité afin de le rendre compatible avec les demandes de la DGME et de construire le périmètre la distribution IDMP/MSP (conclusions page 47) ; qu'en jugeant que les reproches articulés par la société Entr'Ouvert au titre des actes de parasitisme n'étaient pas tirés de violation des clauses du contrat et qu'ils ne se heurtaient dès lors pas à la règle du non-cumul des responsabilités, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et ainsi méconnu le principe interdisant au juge de dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°) ALORS QU'au surplus le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoirfaire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la volonté de l'éditeur d'un logiciel libre, comme Lasso, était précisément de permettre à tout utilisateur d'exploiter et de modifier librement les logiciels qu'il édite n'était pas de nature à exclure les actes de parasitisme imputés à la société Orange, tirés de ce qu'elle aurait utilisé le logiciel en le modifiant et en l'incorporant dans la solution IDMP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 3°) ALORS QU'en tout état de cause le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; qu'en se bornant, pour allouer à la société Entr'Ouvert la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour parasitisme, à relever que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert en modifiant et incorporant le logiciel Lasso dans la solution qu'elle avait proposée en réponse à l'appel d'offre de l'Etat, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la société Orange ait réglé les prestations de service exécutées par la société Entr'Ouvert dans le cadre de contrats qu'elles avaient conclus entre elles ayant précisément pour objet la formation et le support au titre du logiciel Lasso n'excluait pas, de la part de la société Orange, un détournement indu et sans dépense du savoir-faire qui lui avait été régulièrement transmis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 4°) ALORS QU'en tout état de cause, les juges qui doivent motiver leur décision doivent analyser même sommairement au besoin pour les écarter les pièces qui leur sont soumises ; qu'en omettant d'analyser les pièces 7-1 à 7-5 produites en appel par la société Entr'Ouvert dont il résultait pourtant que les parties avaient conclu entre elles un contrat de prestations de services à titre onéreux, impliquant que la société Entr'Ouvert forme une partie de l'équipe de la société Orange (anciennement France Telecom) à l'utilisation du logiciel Lasso, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'il appartient à la partie qui prétend être parasitée de justifier de la notoriété du savoir-faire invoqué, des investissements réalisés pour conférer à celui-ci une valeur économique et de ses efforts tant commerciaux que financiers ; qu'en se fondant, pour la condamner pour parasitisme, sur la circonstance que la société Orange avait, sans bourse délier, utilisé le savoir-faire, le travail et les investissements de la société Entr'Ouvert, après avoir pourtant constaté que cette dernière ne produisait aucune pièces comptable ou financière pour quantifier les moyens qu'elle avait consentis au développement de la bibliothèque Lasso, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'absence de justification des investissements réalisés et, partant, l'absence de faits de parasitisme, violant ainsi l'article 1240 du code civil ; 6°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour qui, après avoir constaté que la société Entr'Ouvert ne produisait aucune pièce comptable ou financière pour chiffrer son préjudice économique, a néanmoins alloué, au vu des éléments dont elle dispose, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice, aussi bien économique que moral, de cette dernière, s'est contredite, privant ainsi sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 octobre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 706 FS-B Pourvoi n° S 21-12.542 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022 M. [T] [S], domicilié centre hospitalier d'[Localité 4], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-12.542 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [D], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Mme [N] [D], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [S], de la SCP Richard, avocat de M. [R] [D] et de Mme [N] [D], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Gargoullaud, Dazzan, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), M. [R] [D], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de sa fille, Mme [N] [D], qui a présenté, lors de sa naissance, le 10 avril 1992, une dystocie des épaules et conservé des lésions d'un plexus brachial, a saisi la juridiction administrative pour voir reconnaître la responsabilité de l'établissement de santé public où avait eu lieu l'accouchement. 2. M. [S] (l'expert) a été désigné en qualité de médecin expert par la juridiction administrative et a déposé son rapport. 3. Après avoir vainement sollicité la restitution des pièces qu'ils avaient communiquées à l'expert lors des opérations d'expertise, M. [R] [D] et Mme [N] [D] l'ont assigné en responsabilité et indemnisation de leur préjudice moral. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. L'expert fait grief à l'arrêt de dire qu'il a commis une faute et de le condamner à payer des dommages-intérêts à M. [R] [D] et à Mme [N] [D], alors « que l'expert judiciaire auquel ont été remis des copies de pièces composant le dossier médical d'un patient, n'est pas tenu de les conserver et de les restituer ; que, pour retenir la responsabilité de M. [S], médecin, en sa qualité d'expert désigné par la cour administrative d'appel de Marseille, la cour d'appel a énoncé qu'il ne conteste pas avoir reçu des consorts [D], pour l'exécution de sa mission, des documents médicaux afférents au suivi de [N] [D], victime d'une lésion du plexus brachial droit à sa naissance ni ne pas être en mesure de démontrer qu'il leur a restitués, à l'issue de sa mission, de sorte que le fait de s'en être dessaisi, sans s'assurer de l'accord des consorts [D] consacre une négligence fautive ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que « les textes qui réglementent la mission de l'expert sont muets quant au devenir des documents que les justiciables confient à l'expert pour l'exécution de sa mission » et tout en constatant que seules des copies avaient été remises à l'expert judiciaire, ce dont il résultait qu'il n'avait pu commettre de faute en ne les conservant pas, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil, et 243 du code de procédure civile que l'expert se fait communiquer par les parties les pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission et qu'au terme de ses opérations, il lui incombe, sauf dispense des parties, de leur restituer les pièces non dématérialisées. 7. Après avoir relevé que l'expert ne contestait pas avoir reçu les pièces nécessaires à la réalisation de la mesure, et ne pas avoir été en mesure de les restituer, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'en se dessaisissant des pièces médicales remises par M. [R] [D] et Mme [N] [D] sans s'assurer de leur accord, l'expert avait commis une faute. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à M. [R] [D] et à Mme [N] [D] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. [S]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [T] [S] reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit qu'il a commis une faute à l'origine d'un préjudice moral pour Mme [N] [D] et M. [R] [D] et, en conséquence, DE L'AVOIR condamné à payer à Mme [N] [D] la somme de 7 000 euros et à M. [R] [D] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts ; ALORS QUE l'expert judiciaire auquel ont été remis des copies de pièces composant le dossier médical d'un patient, n'est pas tenu de les conserver et de les restituer ; que, pour retenir la responsabilité de M. [S], médecin, en sa qualité d'expert désigné par la cour administrative d'appel de Marseille, la cour d'appel a énoncé qu'il ne conteste pas avoir reçu des consorts [D], pour l'exécution de sa mission, des documents médicaux afférents au suivi de [N] [D], victime d'une lésion du plexus brachial droit à sa naissance ni ne pas être en mesure de démontrer qu'il leur a restitués, à l'issue de sa mission, de sorte que le fait de s'en être dessaisi, sans s'assurer de l'accord des consorts [D] consacre une négligence fautive ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que « les textes qui réglementent la mission de l'expert sont muets quant au devenir des documents que les justiciables confient à l'expert pour l'exécution de sa mission » et tout en constatant que seules des copies avaient été remises à l'expert judiciaire, ce dont il résultait qu'il n'avait pu commettre de faute en ne les conservant pas, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [T] [S] reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit qu'il a commis une faute à l'origine d'un préjudice moral pour Mme [N] [D] et M. [R] [D] et, en conséquence, DE L'AVOIR condamné à payer à Mme [N] [D] la somme de 7 000 euros et à M. [R] [D] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts ; 1°) ALORS QUE le préjudice seulement éventuel ne saurait donner lieu à indemnisation ; que la cour d'appel, pour retenir la responsabilité de M. [S], a énoncé que les « copies de pièces médicales » perdues étaient « destinées à permettre aux consorts [D] de justifier, dans le cadre des démarches administratives et judiciaires afférentes au handicap, de l'étendue de celui-ci », et que leur préjudice moral était « établi, dès lors que cette perte les a contraints à de nouvelles démarches, par ailleurs incertaines compte tenu de l'ancienneté des documents, dans un contexte particulièrement douloureux », étant souligné que « la possibilité » qu'ils ont de « se prévaloir devant les juridictions ou les administrations, de la partie "I les faits" du rapport d'expertise, (?), n'est pas de nature à ôter toute consistance à leur préjudice, dès lors que ce document, s'il peut les aider dans leurs démarches, ne peut totalement se substituer à des pièces médicales », pour en conclure que « la disparition de ces documents » les a « privés d'éléments déterminants » ; qu'en statuant par de tels motifs, d'où il ne ressort pas que la perte des copies des pièces médicales transmises à M. [S] aurait préjudicié aux intérêts des consorts [D] devant le tribunal de l'incapacité, faute de toute référence à une décision émanant de cette juridiction fondée sur l'insuffisance des pièces produites, la cour d'appel, qui a réparé un préjudice seulement éventuel, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE celui qui réclame l'indemnisation d'un préjudice doit en faire la preuve ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 6), M. [S] a fait valoir que le médecin-recours des consorts [D], le docteur [E], avait « été manifestement détenteur du dossier puisqu'il est reconnu que sa communication a été faite par son intermédiaire » comme il le lui écrivait dans un courrier du 28 janvier 2014 (pièce n° 5) ; qu'il a également invoqué (concl., p. 9-10) un courrier du 4 février 2014 dans lequel le docteur [E] a écrit aux consorts [D] que l'expert « possède une copie de la totalité (du) dossier que je lui avais envoyé pour votre expertise » (pièce n° 12), ainsi qu'un courrier de M. [D] du 17 septembre 2011 (pièce n° 13) dans lequel il lui a écrit : « Veuillez m'excusez de ce dossier complétement désordonné. Je n'ai pu, après en avoir fait la copie tout remettre en ordre... » ; qu'enfin, il a invoqué les propres conclusions des consorts [D] (p. 11-12), dans lesquelles ils affirmaient que les « documents » qui lui avaient été communiqués étaient « des copies », mais que « leur collection, leur recensement et leur organisation en un dossier d'expertise contribuent à en faire un travail original », toutes pièces établissant que le dossier médical qui lui avait été transmis n'était composé que de copies, dont la perte ne pouvait avoir causé de dommage aux consorts [D], puisqu'ils en détenaient eux-mêmes la copie et que les pièces originales étaient détenues par le docteur [E] ; qu'en estimant cependant que « le fait pour M. [S], expert, qui avait reçu des pièces médicales dans le cadre d'une mission d'expertise, de s'en être dessaisi sans avoir préalablement pris la peine de s'assurer auprès des consorts [D], de leur accord en vue de cette destruction, consacre une négligence fautive », étant précisé que les pièces en cause étaient « particulièrement anciennes et d'origines diverses, dont la collecte nécessiterait de nombreuses et coûteuses démarches », sans se prononcer sur les chefs de conclusions de M. [S] et les pièces invoquées à leur appui établissant l'absence de tout préjudice subi par les consorts [D], M. [D] disposant des pièces dont il avait fait les copies, pour les remettre à M. [S], et dont les originaux étaient détenus par le docteur [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE celui qui réclame l'indemnisation d'un préjudice doit en faire la preuve ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 9), M. [S], après avoir rappelé que les consorts [D] « indiquent que la jeune [N] a initié une procédure par devant le pôle social du tribunal de grande instance afin de voir réévalué son handicap » et « prétendent ne pas être en mesure d'obtenir gain de cause en raison de l'absence des documents sur la période précitée », a fait valoir que, « s'agissant d'une réévaluation, cette dernière se fonde nécessairement sur son état de santé actuel » et que « l'évaluation de son état actuel ne peut se faire que sur la base des documents médicaux actualisés et non sur ses antécédents » ; que, pour retenir la responsabilité civile de M. [S], la cour d'appel a énoncé que les « copies de pièces médicales » perdues étaient « destinées à permettre aux consorts [D] de justifier, dans le cadre des démarches administratives et judiciaires afférentes au handicap, de l'étendue de celui-ci », et que leur préjudice moral était « établi, dès lors que cette perte les a contraints à de nouvelles démarches, par ailleurs incertaines compte tenu de l'ancienneté des documents, dans un contexte particulièrement douloureux », étant souligné que « la possibilité » qu'ils ont de « se prévaloir devant les juridictions ou les administrations, de la partie "I les faits" du rapport d'expertise, (?), n'est pas de nature à ôter toute consistance à leur préjudice, dès lors que ce document, s'il peut les aider dans leurs démarches, ne peut totalement se substituer à des pièces médicales », pour en conclure que « la disparition de ces documents » les a « privés d'éléments déterminants » ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les chefs de conclusions par lesquels M. [S] faisait valoir que le tribunal de l'incapacité devait seulement se prononcer sur l'état de santé actuel de Mme [D], de sorte la perte des copies des pièces médicales qui lui avaient été remises ne pouvait avoir causé de préjudice aux consorts [D], la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Demande d'avis n°Y 22-70.006 Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris Avis du 14 septembre 2022 n° 15011 B R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ COUR DE CASSATION _________________________ Deuxième chambre civile Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile : La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de M. Delbano, conseiller, en présence de Mme [J], auditrice au service de documentation, des études et du rapport et les conclusions de M. Aparisi, avocat général référendaire, entendu en ses observations orales ; Énoncé de la demande d'avis 1. La Cour de cassation a reçu le 4 mai 2022, une demande d'avis formée le 22 avril 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans une instance opposant la société civile Ateliers Chana Orloff, Mmes [X] [H] [R], [P] [R], [F] [R], [T] [R], MM. [K] [R], [A] [R], [M] [R], [W] [R] et [O] [R] aux sociétés Christie's France, Christie's Manson and Wood Limited, Christie's Inc et à M. [E]. 2. La demande est ainsi formulée : « 1°/ Le président du tribunal judiciaire saisi, selon la procédure accélérée au fond, d'un recours fondé sur l'article 17 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 est-il compétent pour statuer alors que ce texte vise la procédure « en la forme des référés » décrite à l'ancien article 492-1 du code de procédure civile supprimé par le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 ? 2°/ En cas de réponse affirmative à la première question, le président du tribunal judiciaire saisi sur le même fondement, peut-il statuer selon la procédure « en la forme des référés » décrite à l'ancien article 492-1 du code de procédure civile supprimé par le décret n°2019-1419 du 20 décembre 2019 ou peut-il qualifier son jugement de « rendu selon la procédure accélérée au fond » ? 3°/ En cas de réponse négative à la première question, le président du tribunal judiciaire doit-il se déclarer incompétent et désigner le tribunal judiciaire en application de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 81 du code de procédure civile, opérer une redistribution de l'affaire au juge compétent selon l'article 82-1 du code de procédure civile, ou doit-il déclarer la demande irrecevable pour défaut de pouvoir juridictionnel ? ». Examen de la demande d'avis 3. Selon l'article 17 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 portant deuxième application de l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi, dans les cas prévus par la présente ordonnance, la demande est portée devant le président du tribunal civil ou en matière commerciale devant le président du tribunal civil ou du tribunal de commerce au choix du demandeur, lesquels, statuant en la forme des référés, décident au fond sur toutes les questions soulevées par l'application de la présente ordonnance, quelles que soient les personnes mises en cause. 4. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance « dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation [?], les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d'harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai. ». 5. Prise sur habilitation de cette loi, l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, applicable selon son article 30 aux demandes introduites à compter du 1er janvier 2020, a remplacé par l'appellation procédure accélérée au fond, les expressions faisant état de procédure « en la forme des référés », « dans la forme des référés », « comme en matière de référé », en précisant expressément les textes codifiés et non codifiés, certains relevant, dès lors, de la procédure accélérée au fond, d'autres étant désormais soumis à la procédure de droit commun au fond, sur requête ou en référé. 6. Le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance n° 2019-738 indique : « Compte-tenu de la nature des dispositions modifiées, la réforme entreprise doit s'articuler en deux temps : un projet d'ordonnance qui concerne les dispositions légales et un projet de décret qui portera sur les dispositions réglementaires. Cette réforme a pour ambition première de clarifier la procédure « en la forme des référés » en la renommant, de manière à mettre en évidence le fait qu'il s'agit d'une décision statuant au fond, obtenue rapidement, tout en supprimant la référence expresse au « référé », source d'erreurs. La terminologie de « procédure accélérée au fond » remplit cet objectif. Le projet entend ensuite préserver la philosophie de la procédure « en la forme des référés » dans les matières dans lesquelles il est indispensable de pouvoir disposer d'une voie procédurale permettant d'obtenir un jugement au fond dans des délais rapides. Comme dans le cadre d'une procédure à jour fixe, le demandeur se verra indiquer une date d'audience à bref délai, sans qu'il n'ait à justifier préalablement d'une urgence particulière. Il entreprend toutefois, dans la mesure du possible, d'harmoniser les déclinaisons existant dans les différentes matières. En effet, de nombreuses dispositions, tout en renvoyant à la procédure « en la forme des référés », s'écartent de manière plus ou moins significative du dispositif de droit commun tel que décrit par le code de procédure civile et nuisent ainsi à sa lisibilité. ». 7. Mais il apparaît qu'à l'exception de son article 28, qui généralise la procédure accélérée au fond dans les hypothèses de procédure « en la forme des référés » prévues par des conventions bilatérales, l'ordonnance du 17 juillet 2019 n'opère pas une substitution générale de la procédure « en la forme des référés » en la transformant automatiquement en procédure accélérée au fond, mais procède texte par texte, en écartant de la nouvelle procédure des textes qui étaient auparavant soumis à la procédure « en la forme des référés ». 8. L'article L 213-2 du code de l'organisation judiciaire, issu de la même ordonnance, dispose que dans les cas prévus par la loi ou le règlement, le président du tribunal judiciaire statue selon la procédure accélérée au fond. 9. Le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 a abrogé l'article 492-1 relatif à la procédure en la forme des référés et a créé une sous-section consacrée à la procédure accélérée au fond, sous l'article 481-1. Il a, en outre, modifié les dispositions d'autres codes, en substituant, pour les procédures qui n'ont pas été intégrées au domaine du référé, des requêtes ou de la procédure contentieuse au fond, respectivement, aux termes « en la forme des référés », l'expression « selon la procédure accélérée au fond » et au terme « ordonnance » le mot « jugement » ou « décision ». 10. L'article 17 de l'ordonnance du 21 avril 1945, qui attribue compétence, notamment, au président du tribunal civil, devenu président du tribunal judiciaire, n'a été modifié ni par l'ordonnance du 17 juillet 2019, ni par le décret du 20 décembre 2019 et n'est visé par aucun de ces textes. 11. Selon l'exposé des motifs de l'ordonnance du 21 avril 1945, la nouvelle ordonnance qui s'inscrit dans le cadre de la déclaration de Londres du 5 janvier 1943, permet, par une procédure aussi rapide et peu coûteuse que possible, aux propriétaires dépossédés de rentrer légalement en possession de leurs biens, droits ou intérêts, par application du principe de la nullité des actes de transfert. 12. Dès lors, il est conforme aux objectifs et à l'esprit de l'ordonnance du 21 avril 1945 que le président du tribunal judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 17 précité, statue selon la procédure accélérée au fond prévue à l'article 481-1 du code de procédure civile. En conséquence, la Cour : EST D'AVIS QUE : En ce qui concerne la première et la deuxième questions réunies : Le président du tribunal judiciaire, est compétent pour connaître des demandes formées en application de l'article 17 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945. Il statue selon la procédure accélérée au fond prévue à l'article 481-1 du code de procédure civile. En ce qui concerne la troisième question : Il n'y a pas lieu à avis. Par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française. Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 14 septembre 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 13 septembre 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire et Mme Thomas, greffier de chambre ; Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre. Le conseiller rapporteurLe président Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 31 août 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 622 F-B Pourvoi n° K 21-10.075 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 AOUT 2022 La société Sermdial, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-10.075 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Grenke location, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Sermdial, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de la société Grenke location, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 novembre 2020), le 5 mars 2015, par contrat conclu hors établissement, la société Grenke location (le bailleur) a donné à bail à la société Sermdial (le preneur) un matériel de vidéosurveillance. 2. Après avoir prononcé la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers, le bailleur a assigné le preneur en paiement d'une indemnité de résiliation et en restitution du matériel loué. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le preneur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au bailleur diverses sommes et de rejeter sa demande reconventionnelle en annulation du contrat de location, alors « que dans les contrats conclus à distance et hors établissement, le consommateur bénéficie d'un droit de rétractation d'ordre public qui lui est ouvert par les dispositions impératives des articles L. 121-16-1 et suivants, devenus les articles L. 221-18 et suivants du code de la consommation dont la violation est sanctionnée par une nullité relative ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation du contrat de location, que les articles L. 121-16-1 et suivants du code de la consommation ouvrent au contractant client, une faculté de rétractation de quatorze jours, délai prolongé de douze mois lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 6 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 121-17,I, 2°, et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 4. Il résulte du second de ces textes que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées au premier ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue. 5. Pour rejeter la demande d'annulation du contrat formée par le preneur, l'arrêt retient qu'il résulte des articles L. 121-16-1 et suivants du code de la consommation que, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur, celui-ci dispose d'une prolongation de douze mois pour exercer la faculté de rétractation de quatorze jours qui lui est offerte. 6. En statuant ainsi, alors que le preneur pouvait également invoquer la nullité du contrat litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les fins de non-recevoir opposées par la société Grenke location, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la société Grenke location aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Grenke location et la condamne à payer à la société Sermdial la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un août deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Sermdial PREMIER MOYEN DE CASSATION La société SERMDIAL fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à la société GRENKE LOCATION, la somme de 20.348,57 €, outre les intérêts légaux, et à restituer le matériel loué sous astreinte, DE L'AVOIR condamnée à payer à la société GRENKE LOCATION, une indemnité de non-restitution de 15.901,20 € et D'AVOIR écarté la demande qu'elle avait formée afin de voir annuler le contrat de location financière qu'elle avait conclu ; ALORS QUE dans les contrats conclus à distance et hors établissement, le consommateur bénéficie d'un droit de rétractation d'ordre public qui lui ouvert par les dispositions impératives des articles L. 121-16-1 et suivants, devenus les articles L. 221-18 et suivants du code de la consommation dont la violation est sanctionnée par une nullité relative ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'annulation du contrat de location, que les articles L. 121-16-1 et suivants du code de la consommation ouvrent au contractant client, une faculté de rétractation de quatorze jours, délai prolongé de douze mois lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 6 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION La société SERMDIAL fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR condamnée à payer à la société GRENKE LOCATION, la somme de 20.348,57 €, outre les intérêts légaux, et à restituer le matériel loué sous astreinte, et DE L'AVOIR condamnée à payer à la société GRENKE LOCATION, une indemnité de non-restitution de 15.901,20 € ; ALORS QU'il est défendu aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; que la société SERMDIAL a soutenu dans ses conclusions que « la clause de restitution constitue une clause pénale excessive qui devra être réduite. / En effet, elle ne tient pas compte de la clause de résiliation anticipée, de sorte qu'en faisant application des deux clauses, la société GRENKE LOCATION se voit indemnisée deux fois de la valeur du bien » (conclusions, p. 29, deux derniers alinéas) ; qu'en affirmant que la société SERMDIAL ne s'expliquait pas sur le caractère manifestement excessif de l'indemnité de non-restitution, quand elle s'est effectivement prévalue de la disproportion manifeste de la clause, en soutenant qu'elle indemnisait deux fois le même préjudice, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, en violation du principe précité.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 31 août 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 632 F-B Pourvoi n° E 21-12.968 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 AOUT 2022 La société Eco environnement, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-12.968 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [U], 2°/ à Mme [W] [S], domiciliés tout deux [Adresse 3], 3°/ à la société Franfinance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la société Cofidis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Des pourvois incidents ont été formés par la société Franfinance et la société Cofidis contre le même arrêt. La demanderesse, au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. La société Franfinance, invoque à l'appui de son pourvoi incident le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt pourvois La société Cofidis, invoque à l'appui de son pourvoi incident les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Eco environnement, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Franfinance, de Me Occhipinti, avocat de M. [U], de Mme [S], après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 février 2021), le 10 août 2016, M. [U] a conclu hors établissement avec la société Eco environnement deux contrats de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques, lesquels ont été financés par deux crédits souscrits le même jour avec Mme [S] auprès des sociétés Franfinance et Cofidis. 2. M. [U] et Mme [S] ont assigné les sociétés Eco environnement, Franfinance et Cofidis en annulation des contrats précités. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal, le premier moyen du pourvoi incident de la société Cofidis et le moyen unique du pourvoi incident de la société Franfinance, pris en leurs deux premières branches, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, le premier moyen du pourvoi incident de la société Cofidis et le moyen unique du pourvoi incident de la société Franfinance, pris en leur troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé du moyen 4. Les sociétés Eco environnement, Cofidis et Franfinance font grief à l'arrêt de prononcer la nullité des contrats de fourniture et d'installation, alors « que si la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer, la reproduction intégrale des différents articles du code de la consommation en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente suffit à permettre au consommateur d'avoir connaissance de l'irrégularité formelle affectant les mentions du contrat ; qu'en retenant au contraire que « le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à relever à l'emprunteur les vices affectant ce bon », la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 5. Il résulte de ce texte que la confirmation d'un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l'affecte. 6. La reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. 7. Pour exclure la confirmation des contrats de fourniture et d'installation litigieux, l'arrêt retient que le seul fait que les conditions générales figurant au verso du bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à révéler au souscripteur les vices affectant ce bon. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen du pourvoi incident de la société Cofidis et le moyen unique, pris en sa dernière branche, du pourvoi incident de la société Franfinance, réunis Enoncé du moyen 9. Par le second moyen de son pourvoi incident, la société Cofidis fait grief à l'arrêt de constater la nullité du contrat de crédit qu'elle a consenti à M. [U] et Mme [S], alors « que la cassation qui interviendra du chef de dispositif attaqué par le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif visé par le second moyen de cassation qui en dépend. 10. Par le moyen unique de son pourvoi incident, pris en sa dernière branche, la société Franfinance fait grief à l'arrêt de constater la nullité du contrat de crédit qu'elle a consenti à M. [U] et Mme [S], alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant prononcé la nullité du contrat conclu entre M. [U] et la société Eco environnement emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Franfinance et M. [U] et Mme [S]. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 11. Il résulte de ce texte que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 12. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Cofidis et sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi incident de la société Franfinance entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l'arrêt constatant la nullité du contrat de crédit consenti par les sociétés Cofidis et Franfinance à M. [U] et Mme [S], qui se trouvent avec elle dans un lien de dépendance nécessaire. Portée et conséquences de la cassation Vu l'article 624 du code de procédure civile : 13. Il résulte de ce texte que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 14. La cassation prononcée au titre du premier moyen du pourvoi principal entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l'arrêt condamnant la société Eco environnement à rembourser à M. [U] le prix payé au titre de chacun des contrats de fourniture et d'installation, qui se trouvent avec elle dans un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; Condamne M. [U] et Mme [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un août deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Eco environnement PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Eco Environnement fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité des deux contrats conclus par M. [U] et la société Eco Environnement le 10 août 2016 (bon de commande n° 53388 et bon de commande 52002) ; 1) Alors que si l'article L. 221-9 du code de la consommation exige que le contrat comprenne toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 du même code, lequel exige que le professionnel communique au consommateurs les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2, l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui impose une information sur le prix du bien ou du service, n'exige pas que le bon de commande décompose, en les distinguant, le prix des matériaux et le prix de la main d'oeuvre; que pour prononcer la nullité des contrats de vente, l'arrêt attaqué retient que les mentions du bon de commande étaient « insuffisantes pour satisfaire à l'exigence d'indication du prix des biens et du service », motifs pris de ce qu'elles ne comportaient « qu'un prix global, sans décomposition entre le coût des panneaux et le coût des travaux de pose » et « que le montant élevé du prix de l'opération et la complexité de cette dernière imposaient a minima la distinction entre le prix des matériaux et celui de la main d'oeuvre, à défaut de quoi le client n'est pas en mesure d'effectuer des comparaisons » (arrêt p. 10, § 2) ; qu'en se déterminant ainsi, quand aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait à la société Eco Environnement de détailler le prix unitaire de chacun des composants de l'installation et de les distinguer du prix de la pose, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 111-1, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation ; 2) Alors que le juge est tenu en toutes circonstances de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour prononcer la nullité des contrats de vente, l'arrêt attaqué retient « les coordonnées du démarcheur ne figurent pas sur les contrats » (arrêt p. 10, § 3) ; qu'en se déterminant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur cette irrégularité soulevée d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3) Alors, subsidiairement, que si la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer, la reproduction intégrale des différents articles du code de la consommation en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente suffit à permettre au consommateur d'avoir connaissance de l'irrégularité formelle affectant les mentions du contrat ; qu'en retenant au contraire que « le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à révéler à l'emprunteur les vices affectant ce bon », la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Eco Environnement fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'elle était tenue de rembourser les sommes de 25 000 euros et 27 900 euros au titre des prix payés en exécution des deux bons de commande et de l'AVOIR condamnée à rembourser à M. [U] ces deux sommes ; Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en jugeant que la société Eco Environnement était tenue de rembourser les sommes de 25 000 et 27 900 euros au titre des prix payés en exécution des deux bons de commande, quand il résultait de ses propres constatations et énonciations que M. [U] n'avait formé aucune demande financière à l'encontre de la société Eco Environnement, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Cofidis PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille le 22 février 2019 qui a prononcé la nullité du contrat principal conclu le 10 août 2016 entre M. [U] et la société Eco Environnement (bon de commande n° 52002) ; ALORS DE PREMIERE PART QUE si l'article L. 221-9 du code de la consommation exige que le contrat comprenne toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 du même code, lequel exige que le professionnel communique au consommateur les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2, l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui impose une information sur le prix du bien ou du service, n'exige pas que le bon de commande décompose, en les distinguant, le prix des matériaux et le prix de la main d'oeuvre ; que pour prononcer la nullité des contrats de vente, l'arrêt attaqué retient que les mentions du bon de commande étaient « insuffisantes pour satisfaire à l'exigence d'indication du prix des biens et du service », motifs pris de ce qu'elles ne comportaient « qu'un prix global, sans décomposition entre le coût des panneaux et le coût des travaux de pose » et « que le montant élevé du prix de l'opération et la complexité de cette dernière imposaient a minima la distinction entre le prix des matériaux et celui de la main d'oeuvre, à défaut de quoi le client n'est pas en mesure d'effectuer des comparaisons » (arrêt p. 10, § 2) ; qu'en se déterminant ainsi, quand aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait à la société Eco Environnement de détailler le prix unitaire de chacun des composants de l'installation et de les distinguer du prix de la pose, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 111-1, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation ; ALORS DE DEUXIEME PART QUE le juge est tenu en toutes circonstances de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour prononcer la nullité des contrats de vente, l'arrêt attaqué retient que « les coordonnées du démarcheur ne figurent pas sur les contrats » (arrêt p. 10, § 3) ; qu'en se déterminant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur cette irrégularité soulevée d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS DE TROISIEME ET DERNIERE PART, subsidiairement, QUE si la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer, la reproduction intégrale des différents articles du code de la consommation en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente suffit à permettre au consommateur d'avoir connaissance de l'irrégularité formelle affectant les mentions du contrat ; qu'en retenant au contraire que « le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à révéler à l'emprunteur les vices affectant ce bon », la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille le 22 février 2019 en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de prêt conclu le 10 août 2016 entre la société Cofidis, d'une part, et M. [U] et Mme [S], d'autre part ; ALORS QUE la cassation qui interviendra du chef de dispositif attaqué par le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif visé par le second moyen de cassation qui en dépend. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Perrier, avocat aux Conseils, pour la société Franfinance La société FRANFINANCE fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité des deux contrats conclus par M. [U] et la société ECO ENVIRONNEMENT le 10 août (bon de commande N° 53388 et bon de commande n° 52002), d'AVOIR, en conséquence, constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société FRANFINANCE et M. [U] et Mme [S] et d'AVOIR dit que M. [U] et Mme [S] sont tenus de rembourser le capital emprunté auprès de FRANFINANCE, soit la somme de 25.000 euros sous déduction des règlements opérés par leurs soins et de les AVOIR condamnés en tant que de besoin solidairement au paiement de ladite somme au profit de FRANFINANCE. 1) ALORS QUE si l'article L. 221-9 du code de la consommation exige que le contrat comprenne toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 du même code, lequel exige que le professionnel communique aux consommateurs les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2, l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui impose une information sur le prix du bien ou du service, n'exige pas que le bon de commande décompose, en les distinguant, le prix des matériaux et le prix de la main d'oeuvre ; que pour prononcer la nullité des contrats de vente, l'arrêt attaqué retient que les mentions du bon de commande étaient « insuffisantes pour satisfaire à l'exigence d'indication du prix des biens et du service », motifs pris de ce qu'elles ne comportaient « qu'un prix global, sans décomposition entre le coût des panneaux et coût des travaux de pose » et « que le montant élevé du prix de l'opération et la complexité de cette dernière imposaient a minima la distinction entre le prix des matériaux et celui de la main d'oeuvre, à défaut de quoi le client n'est pas en mesure d'effectuer des comparaisons » (arrêt, p. 10, § 2) ; qu'en se déterminant ainsi, quand aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait à la société ECO ENVIRONNEMENT de détailler le prix unitaire de chacun des composants de l'installation et de les distinguer du prix de la pose, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 111-1, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation ; 2) ALORS QUE le juge est tenu en toutes circonstances de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour prononcer la nullité des contrats de vente, l'arrêt attaqué retient que « les coordonnées du démarcheur ne figurent pas sur les contrats » (arrêt, p. 10, § 3) ; qu'en se déterminant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur cette irrégularité soulevée d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. 3) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE, si la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer, la reproduction intégrale des différents articles du code de la consommation en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente suffit à permettre au consommateur d'avoir connaissance de l'irrégularité formelle affectant les mentions du contrat ; qu'en retenant au contraire que « le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à relever à l'emprunteur les vices affectant ce bon », la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2010. 4) ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant prononcé la nullité du contrat conclu entre M. [U] et la société ECO ENVIRONNEMENT emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société FRANFINANCE et M. [U] et Mme [S].
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 avril 2023 Cassation sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 489 FS-B Pourvoi n° J 21-23.092 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023 La société Catalent France Beinheim, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-23.092 contre le jugement rendu le 17 août 2021 par le conseil de prud'hommes d'Haguenau (section industrie), dans le litige l'opposant à M. [U] [W], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Catalent France Beinheim, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [W], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, MM. Le Corre, Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (Haguenau, 17 août 2021) rendu en dernier ressort, M. [W] a été engagé en qualité d'opérateur encapsulation, le 11 mai 2006, par la société Catalent France Beinheim. 2. Licencié pour motif économique par lettre du 1er octobre 2018, le salarié a adhéré au congé de reclassement qui lui a été proposé d'une durée de 12 mois, préavis inclus, à l'issue duquel son contrat de travail a été rompu. 3. Estimant avoir droit à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat pour l'année 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à payer au salarié la somme de 800 euros brut au titre de la prime litigieuse, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 1er mars 2019, alors « que selon l'article 1, II, 2°, de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales, le montant de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la durée de présence effective pendant l'année 2018 ; que la décision unilatérale du 28 janvier 2019 instaurant la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat au sein de la société Catalent France Beinheim prévoit, en son article 4, relatif au mode de calcul de ladite prime, que "La prime est versée en conjuguant les 2 deux prorata suivants : * Prorata du temps de travail contractuel pour les salariés à temps partiel ; * Prorata au temps de présence pour les personnes entrées au courant de l'année 2018 ou absentes, selon la règle qui suit : 100 % du montant pour 12 mois de présence, 80 % pour 11 mois et 0 % pour 10 mois et moins" ; que pour condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 800 euros bruts au titre de la prime dite Macron, soit 100 % du montant pour 12 mois, le conseil de prud'hommes, après avoir relevé que "M. [W] était présent et travaillait dans l'entreprise jusqu'au 10 octobre 2018, date à laquelle il a été placé en préavis dispensé par l'employeur puis en congé de reclassement à compter du 10 décembre 2018" a considéré que "M. [W] était présent dans l'entreprise durant 12 mois" ; qu'en statuant comme il l'a fait, alors pourtant qu'à supposer même que la période de préavis coïncidant avec le congé de reclassement puisse être assimilé à du temps de présence effective, le préavis du salarié s'était achevé le 10 décembre 2018, de sorte que M. [W], présent dans l'entreprise durant 11 mois seulement, ne pouvait bénéficier de l'intégralité de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat mais seulement un prorata de 80 % du montant de référence de la prime, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 4 de la décision unilatérale du 28 janvier 2019, ensemble l'article 1, II, 2°, de la loi du 24 décembre 2018 et les articles L. 1233-71, L. 1233-72 et L. 1234-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles 1, II, 2°, de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 et 4 de la décision unilatérale du 28 janvier 2019 instaurant la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat au sein de la société Catalent France Beinheim, l'article L. 1233-72 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, et l'article L. 1234-5 du même code : 5. D'abord, selon le premier texte, le montant de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat qui bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure, peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de critères tels que la rémunération, le niveau de classification ou la durée de présence effective pendant l'année 2018 ou la durée de travail prévue au contrat de travail. Les congés maternité, paternité, adoption et éducation des enfants sont assimilés à des périodes de présence effective. 6. Aux termes du deuxième texte, la prime allouée aux salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail en vigueur au 31 décembre 2018, d'un montant de référence de 800 euros pour les salaires inférieurs à 40 000 euros brut, est versée en conjuguant les deux prorata suivants : - prorata du temps de travail contractuel pour les salariés à temps partiel, - prorata au temps de présence pour les personnes entrées au courant de l'année 2018 ou absentes, selon la règle qui suit : 100 % du montant pour 12 mois de présence, 80 % pour 11 mois, 0 % pour 10 mois et moins. 7. Ensuite, selon le troisième texte, le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement. 8. Il en résulte que, si le salarié en congé de reclassement demeure salarié de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé, la période de congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à du temps de travail effectif. 9. Enfin, selon l'article L. 1234-5 du code du travail, la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le préavis ne doit entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai aucune diminution des salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail. 10. Il en résulte que le salarié en congé de reclassement a droit au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat pour la période correspondant à celle du préavis, même si la décision unilatérale de l'employeur proratise le bénéfice de cette prime au temps de présence effective dans l'entreprise. 11. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme correspondant à l'intégralité de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, le jugement retient que le salarié était présent et travaillait dans l'entreprise jusqu'au 10 octobre 2018, date à laquelle il a été placé en préavis dispensé par l'employeur puis en congé de reclassement à compter du 10 décembre 2018. Il ajoute que le salarié était présent dans l'entreprise durant 12 mois, même s'il était dispensé de son préavis, son contrat n'était pas suspendu, en tout cas pas avant le 31 décembre 2018. 12. En statuant ainsi, alors qu'il constatait que la période du congé de reclassement correspondant à celle du préavis expirait le 10 décembre 2018, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 13. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice, alors « que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Catalent France Beinheim à payer à M. [W] la somme de 800 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice, le conseil de prud'hommes a retenu que "Compte tenu du procédé et de l'attitude fautive de la société Catalent qui visait à écarter du bénéfice de la prime dite Macron des salariés en congé de reclassement alors qu'ils avaient travaillé jusqu'en octobre 2018 et ce d'autant que la société défenderesse a fait preuve d'une résistance abusive. Le conseil en apprécie souverainement l'étendue. En l'espèce, M. [W] a été privé de la prime au moment du versement. Au vu de ce qui précède, la société Catalent est condamnée au titre de la prime dite Macron. En conséquence, le conseil condamne la société Catalent au paiement de la somme de 800 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice." ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence, pour le salarié, d'un préjudice distinct du retard de paiement par l'employeur de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et causé par la mauvaise foi de celui-ci, le conseil de prud'hommes a violé l'article 1231-6 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1153, alinéa 4, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 14. Aux termes de ce texte, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. 15. Pour condamner l'employeur à payer au salarié des dommages-intérêts, le jugement retient que compte tenu du procédé et de l'attitude fautive de la société qui visait à écarter du bénéfice de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat des salariés en congé de reclassement alors qu'ils avaient travaillé jusqu'en octobre 2018 et ce d'autant que la société a fait preuve d'une résistance abusive, il sera alloué au salarié la somme de 800 euros en réparation du préjudice. 16. En statuant ainsi, alors que le salarié n'invoquait aucun préjudice distinct de celui résultant du retard apporté par l'employeur au paiement de la prime litigieuse, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 19. Son préavis s'étant achevé le 10 décembre 2018, le salarié en congé de reclassement pouvait bénéficier, en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat pour un montant correspondant à 80 % du montant de référence de la prime, soit la somme de 640 euros. 20. La société sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2019. 21. Le salarié n'invoquant aucun préjudice distinct de celui résultant du retard apporté par l'employeur au paiement de la prime litigieuse, il sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 août 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Haguenau ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne la société Catalent France Beinheim à payer à M. [W] la somme de 640 euros au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2019 ; Déboute M. [W] de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne la société Catalent France Beinheim aux dépens, en ce compris les dépens de première instance ; En application de l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande de la société Catalent France Beinheim et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-83.109 F-B 26 JUILLET 2023 Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 26 JUILLET 2023 M. [V] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'apologie publique d'actes de terrorisme, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [V] [F], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 juillet 2023 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, M. Maziau, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 8 avril 2022, M. [V] [F] a été mis en examen du chef d'apologie d'actes de terrorisme et placé en détention provisoire. 3. Par ordonnance du 28 septembre 2022, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction du 13 octobre suivant, le juge des libertés et de la détention a prolongé une première fois sa détention provisoire pour une durée de six mois à compter du 8 octobre 2022. 4. Par ordonnance du 31 mars 2023, le juge des libertés et de la détention a de nouveau prolongé la détention provisoire de M. [F] pour une durée de six mois à compter du 8 avril suivant sur le fondement de l'article 706-24-3 du code de procédure pénale. 5. M. [F] a formé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa troisième branche 6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant de nouveau ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [F] pour une durée de six mois sur le fondement de l'article 706-24-3 du code de procédure pénale, alors « que les dispositions dérogatoires de l'article 706-24-3 du code de procédure pénale, fixant la durée de détention provisoire pour l'instruction des délits de terrorisme, en ce qu'elles s'appliquent aux personnes mises en examen du chef d'apologie d'actes de terrorisme, sont contraires à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 protégeant la liberté de communication, au troisième alinéa de l'article 4 de la Constitution consacrant le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions et à l'article 66 de la Constitution duquel résulte le principe selon lequel la liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité en application de l'article 61-1 de la Constitution, portant sur ces dispositions privera de base légale l'arrêt attaqué. » Réponse de la Cour 8. Le moyen est devenu sans objet dès lors que, par décision de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant de nouveau ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [F] pour une durée de six mois sur le fondement de l'article 706-24-3 du code de procédure pénale, alors : « 1°/ que le placement en détention provisoire d'une personne mise en examen du chef d'apologie d'actes de terrorisme est incompatible avec le droit à la liberté d'expression garanti par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'en prolongeant pour une durée de six mois à compter du 8 avril 2023 la détention provisoire de M. [F], décidée le 8 avril 2022 pour des faits d'apologie d'actes de terrorisme, quand son placement même en détention provisoire se heurtait déjà à son droit à la liberté d'expression, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 10 de la convention européenne des droits de l'homme et 706-24-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même code ; 2°/ que M. [F] faisait valoir dans son mémoire que sa détention provisoire portait, par sa durée, une atteinte disproportionnée à son droit à la liberté d'expression ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [F] pour une durée de 6 mois à compter du 8 avril 2023, portant ainsi la durée totale de la détention provisoire à 18 mois, sans répondre à cette articulation péremptoire de son mémoire et en s'abstenant de rechercher si sa détention ne présentait pas un caractère disproportionné en mettant en balance sa situation personnelle et les faits qui lui étaient reprochés, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 10 de la convention européenne des droits de l'homme et 706-24-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale : 10. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à la liberté d'expression, et que l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale. 11. Selon le second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 12. Pour confirmer la prolongation de la détention provisoire de la personne mise en examen, la chambre de l'instruction s'est prononcée au regard des seuls critères des articles 144 et 145-1 du code de procédure pénale, sans rechercher, comme l'y invitait le mémoire régulièrement déposé par l'intéressé, si ladite prolongation ne constitue pas une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, telle que garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. 13. En statuant ainsi, les juges ont méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 14. En effet, la détention provisoire de la personne mise en examen du chef d'apologie publique d'actes de terrorisme constitue une contrainte réelle et effective et, de ce fait, une ingérence dans l'exercice de son droit à la liberté d'expression. 15. La détention provisoire entre dès lors dans le champ de l'article 10 précité et doit respecter les conditions posées par le second paragraphe de ce texte. 16. La limitation du droit à la liberté d'expression est prévue par la loi et répond à l'objectif de défense de l'ordre et de prévention des infractions pénales. 17. Il appartient donc à la juridiction devant laquelle une telle atteinte est invoquée, de vérifier le caractère proportionné de la détention provisoire au regard du but légitime poursuivi. 18. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 avril 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juin 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 412 FS-B Pourvois n° S 22-10.545 U 22-11.099 V 22-11.100 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 JUIN 2023 I - 1°/ La société Groupe Lactalis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ la société Lactalis Nestlé ultra frais MDD, société en nom collectif, (LNUF MDD) 3°/ la société Lactalis beurres & crèmes, société en nom collectif, ayant toutes deux leur siège [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° S 22-10.545 contre un arrêt n° RG 20/04265 rendu le 24 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Cora, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Supermarchés Match, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ à la société Eurial ultra frais, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], 4°/ à la société Novandie, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 6], défenderesses à la cassation. II - La société Eurial ultra frais, société par actions simplifiée unipersonnelle, a formé le pourvoi n° U 22-11.099 contre le même arrêt dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cora, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Supermarchés Match, société par actions simplifiée, 3°/ à la société Groupe Lactalis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, 4°/ à la société Lactalis beurres & crèmes, société en nom collectif, 5°/ à la société LNUF MDD, société en nom collectif, 6°/ à la société Novandie, société en nom collectif, défenderesses à la cassation. III - La société Novandie, société en nom collectif, a formé le pourvoi n° V 22-11.100 contre le même arrêt dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cora, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Supermarchés Match, société par actions simplifiée, 3°/ à la société Eurial ultra frais, société par actions simplifiée, 4°/ à la société Groupe Lactalis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, 5°/ à la société Lactalis beurres & crèmes, société en nom collectif, 6°/ à la société LNUF MDD, société en nom collectif, défenderesses à la cassation. Les sociétés Cora et Supermarchés Match ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt dans chacun des pourvois. Les demanderesses au pourvoi principal n° S 22-10.545 invoquent, à l'appui de leurs recours, quatre moyens et un moyen additionnel de cassation. La demanderesse au pourvoi n° U 22-11.099 invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi n° V 22-11.100 invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation. Les demanderesses aux pourvois incidents n° S 22-10.545, n° U 22-11.099 et n° V 22-11.100 invoquent, à l'appui de leurs recours, deux moyens de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Novandie et Eurial ultra frais, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Groupe Lactalis, Lactalis Nestlé ultra frais MDD, et Lactalis beurres & crèmes, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Cora et Supermarchés Match, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-10.545, 22-11.099, et 22-11.100 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2021) et les productions, par une décision N° 15-D-13 du 11 mars 2015, devenue définitive, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a dit que différentes entreprises avaient enfreint les dispositions des articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce en mettant en oeuvre des pratiques concertées sur le marché des produits laitiers frais vendus sous marque de distributeurs (MDD), pour une durée, variable selon les entreprises, comprise entre le 6 décembre 2006 et le 9 février 2012. 3. Les 21, 22, 23, 27 et 29 mars 2017, les sociétés Cora et Supermarchés Match (la société Match) ont assigné, notamment, les sociétés Groupe Lactalis, LNUF MDD, Lactalis beurres & crèmes (les sociétés Lactalis), Novandie et Eurial ultra frais (la société Eurial), devant un tribunal de commerce, en réparation du préjudice causé par ces pratiques. 4. Les parties ont produit des analyses économiques établies, s'agissant des sociétés Cora et Match, par le cabinet RBB, s'agissant des sociétés Lactalis, par le cabinet Compass-Lexecon, s'agissant de la société Novandie, par le cabinet CRA et, s'agissant de la société Eurial, par le cabinet Deloitte finance. Examen des moyens Sur le deuxième moyen, pris en ses troisième, sixième et dixième branches, du pourvoi n° 22-10.545, le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° 22-11.099 et le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° 22-11.100 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi n° 22-10.545 (responsabilité civile de la société mère) Enoncé du moyen 6. La société Groupe Lactalis fait grief à l'arrêt de la condamner à payer, in solidum avec la société Lactalis beurres & crèmes, la somme de 61 326,60 euros à la société Cora et la somme de 9 983,40 euros à la société Match, alors « que si l'article L 481-2 du code de commerce prévoit désormais qu'une pratique anticoncurrentielle "est présumée établie de manière irréfragable à l'égard de la personne physique ou morale désignée au même article dès lors que son existence et son imputation à cette personne ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l'objet d'une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l'Autorité de la concurrence ou par la juridiction de recours", cette présomption irréfragable de faute ou d'imputation de la faute ne vaut que pour les fautes commises après 2017, et ne peut pas s'appliquer de manière rétroactive à des fautes commises avant l'entrée en vigueur de la loi : qu'en affirmant que la société Groupe Lactalis ne pouvait pas contester sa faute dans la mesure où "il ressort du point 260 de la décision que la responsabilité de la société Groupe Lactalis est établie en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale Lactalis B&C détenue à 99,99 %, laquelle n'a pas contesté être l'auteur des pratiques anticoncurrentielles pendant la période de commission des pratiques", après avoir constaté que les pratiques illicites en cause ayant été commises entre décembre 2006 et février 2012, soit avant la date de transposition de la directive de 2014, il ne pouvait être fait application des présomptions légales insérées depuis 2017" et que l'affaire devait donc être examinée au regard du droit commun de la responsabilité civile, ce dont il résulte que la présomption de faute appliquée à une société mère censée exercer une influence déterminante ne pouvait non plus être appliquée à des faits antérieurs à 2017, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 7. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (CJUE, arrêt du 16 juin 2016, [M] [X] et [W]/Commission, C-155/14 P, point 27, CJUE, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, point 58 e). Lorsqu'une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale et que cette filiale a commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union européenne, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale ou, en cas de détention indirecte, sur le comportement de la société interposée, et par l'intermédiaire de cette dernière, sur le comportement de la filiale (arrêts Akzo Nobel e.a., précité, point 60 , CJUE, arrêt du 8 mai 2013, Eni, C-508/11 P, point 48, CJUE, arrêt du 15 avril 2021, Italmobiliare e.a., C-694/19, points 47 et 55 ). Afin de renverser cette présomption, une société mère doit apporter tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer que cette dernière avait un comportement autonome sur le marché et qu'elles ne constituent pas une seule entité économique (arrêts du 15 avril 2021, Italmobiliare et al., C-694/19, points 47 et 55, CJUE, arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a, C-90/09 P, point 51). 8. Ces règles s'appliquent en droit interne de la concurrence. 9. Ayant relevé que la société Groupe Lactalis détenait 99,9 % du capital de la société Lactalis beurres & crèmes, laquelle n'avait pas contesté être l'auteur des pratiques anticoncurrentielles en cause, la cour d'appel a exactement retenu, dès lors qu'il ressort de ses conclusions que la société Groupe Lactalis ne soutenait pas que sa filiale avait un comportement autonome sur le marché, et sans faire une application rétroactive de la directive (UE) 2014/104 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines des règles régissant les actions en dommage et intérêts en doit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l'Union européenne (la directive dite « dommages » ) , que la société Groupe Lactalis devait répondre, comme sa filiale avec laquelle elle formait une seule entreprise, de la faute résultant des agissements de cette filiale. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n ° 22-10.545 et les premiers moyens, pris en leur quatrième branche, rédigés en des termes identiques, des pourvois n° 22-11.099 et n° 22-11.100, réunis (méthode de détermination du surcoût : problématique de la temporalité de la période de comparaison des données sur les produits affectés, par rapport aux points de départ et de terme de l'entente) Enoncé des moyens 11. Par le deuxième moyen, pris en sa première branche, de leur pourvoi, les sociétés Lactalis font grief à l'arrêt de dire que les sociétés Cora et Match ont subi un préjudice « financier » certain du fait de l'entente illicite entre fabricants de produits laitiers sur la période de décembre 2006 à février 2012, de fixer celui subi par la société Cora à la somme globale de 2 044 220 euros et celui subi par la société Match à la somme globale de 332 780 euros et, en conséquence, de condamner in solidum les sociétés LNUF MDD, Lactalis Nestlé ultra frais et Lactalis Nestlé produits frais à payer la somme de 838 130,20 euros à la société Cora et la somme de 136 439,80 euros à la société Match, de condamner in solidum les sociétés Lactalis beurres & crèmes et Groupe Lactalis à payer la somme de 61 326,60 euros à la société Cora et la somme de 9 983,40 euros à la société Match et de dire que ce préjudice doit être actualisé en appliquant le taux d'intérêt de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt, alors « qu'il incombe à celui qui sollicite l'indemnisation de préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles de démontrer l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ces fautes et le préjudice ; que seul ouvre droit à réparation le dommage en lien causal direct et certain avec la faute commise ; qu'en considérant qu'il importait peu, pour caractériser le préjudice direct et certain lié à l'entente, que les périodes dites affectées choisies par le cabinet RBB pour étudier les effets de l'entente sur les situations respectives des supermarchés Cora et Match ne correspondent pas exactement à la période des pratiques illicites, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code. » 12. Par les premiers moyens, pris en leur quatrième branche, de leur pourvoi, rédigés en des termes identiques, les sociétés Eurial et Novandie font grief à l'arrêt de dire que les sociétés Cora et Match ont subi un préjudice « financier » certain du fait de l'entente illicite entre fabricants de produits laitiers sur la période de décembre 2006 à février 2012, de fixer ce préjudice, pour la société Cora, à la somme globale de 2 044 220 euros et, pour la société Match, à la somme globale de 332 780 euros, de les condamner à payer, pour la société Eurial, la somme de 429 286,20 euros à la société Cora et la somme de 69 883,80 euros à la société Match, et, pour la société Novandie, la somme de 715 477 euros à la société Cora et la somme de 116 473 euros à la société Match et de dire que ce préjudice serait actualisé en appliquant le taux d'intérêt de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt, alors « que l'Autorité avait relevé dans sa décision du 11 mars 2015 que "l'utilisation, comme période de référence, de la période antérieure aux pratiques (soit antérieure à décembre 2006) est peu pertinente dès lors que les pratiques en cause ont pu débuter avant la date de début des pratiques retenue par la notification des griefs" et qu' "au cas d'espèce, certaines pièces du dossier révèlent l'existence d'une réunion en date du 31 janvier 2002 au cours de laquelle des informations sensibles ont été échangées" (point 316) ; que la cour d'appel de Paris avait à son tour constaté dans son arrêt du 23 mai 2017 que "serait irrémédiablement privé de fiabilité le résultat d'une étude fondée sur une période contrefactuelle aussi incertaine que l'est en l'espèce la période antérieure aux pratiques" (point 287) ; qu'en approuvant le parti contraire choisi par le consultant privé des demanderesses d'étudier les effets de l'entente sur les situations respectives de ses mandantes en tenant la période écoulée entre janvier 2007 et septembre 2007 comme une période de référence "non affectée" par l'entente, sans s'expliquer sur les circonstances relevées par l'Autorité et sa juridiction de contrôle de nature à retirer toute fiabilité à une étude économique construite sur de telles bases, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 13. L'arrêt constate que, pour évaluer le préjudice né du surcoût qu'elles prétendent avoir subi du fait de l'entente, les sociétés Cora et Match s'appuient sur des analyses fondées sur des données empiriques comparant celles observées sur une période considérée comme affectée par l'entente, soit d'octobre 2007 à décembre 2015, et incluant la quasi-totalité des produits vendus sous MDD achetés par elles, avec celles relevées sur des périodes de référence considérées comme concurrentielles, soit de janvier 2007 à septembre 2007, puis de janvier 2016 à octobre 2016, et retient qu'il se dégage de ces données un surcoût dans leurs prix d'achat aux fabricants. 14. Il observe que l'Autorité a défini trois phases dans la période durant laquelle les pratiques anticoncurrentielles ont eu lieu, une première, de décembre 2006 à août 2009, d'entente sur une augmentation des prix, une deuxième, de septembre 2009 à juin 2010, dite de « guerre des prix », et une troisième, de juillet 2010 à février 2012, relative à une entente sur les volumes et appels d'offres principalement, mais aussi sur des augmentations de prix au cours de l'année 2011. 15. L'arrêt retient que si les périodes dites « affectées », choisies par l'étude économique invoquée par les sociétés Cora et Match pour étudier les effets de l'entente sur leur situation respective, ne correspondent pas exactement à la période des pratiques illicites, elles sont bien comprises dans la période dite d'entente fixée par la décision de l'Autorité et constate que l'étude explique son choix de reculer la date de début de la période affectée de quelques mois en relevant, à bon escient, que les périodes de 2007 à 2009 correspondent très probablement aux effets des réunions du cartel tenues de fin 2006 à 2009 et notamment à partir des réunions du 8 février 2007 et du 4 juillet 2007 pour lesquelles des notes d'une partie à l'entente mentionnent des demandes de hausses de prix pour la société Cora et font état d'un accord des membres du cartel pour augmenter les prix sur le secteur, ce cartel correspondant à 90 % des fabricants de produits laitiers frais vendus sous MDD, dès lors qu'il existe un décalage dans le temps entre les réunions du cartel et les négociations tarifaires effectives. 16. Il ajoute qu'il ressort également de la décision de l'Autorité que des demandes de hausses de prix concertées ont été décidées par les membres de l'entente courant 2011, notamment au cours de réunions du 4 janvier 2011 et du 22 juin 2011, mentionnant des demandes de hausses de prix pour les sociétés Cora et Match, ce qui est confirmé par les lettres de demande d'augmentation de leurs tarifs en 2010 et 2011 émanant des sociétés Novandie, Senagral (devenue Eurial) et LNUF MDD, reçues par la centrale d'achat de la société Cora et de la société Match et produites aux débats, et que, même si une demande d'augmentation des fabricants n'est pas toujours effective du fait du fort pouvoir de négociation des distributeurs de grande surface, néanmoins, ce pouvoir de négociation se trouve affaibli en période d'entente qui lie la quasi-totalité (90 %) des fabricants du secteur concerné. 17. Il retient également que l'existence d'un surcoût lié à l'entente sur le secteur concerné n'est d'ailleurs pas démentie par la décision de l'Autorité qui se fonde sur l'étude économétrique produite par les rapporteurs indiquant que les pratiques illicites mises en oeuvre entre décembre 2006 et août 2009 ont effectivement engendré un surprix sur le marché des produits laitiers frais vendus sous MDD et jusqu'à la fin de l'entente en 2012. Il relève que l'étude des rapporteurs, sur laquelle s'appuie cette décision, identifie un surprix causé par les pratiques illicites de décembre 2006 à septembre 2009, allant de 5,7 à 10 % dans le cadre de la méthode « avant-après » et de 7,4 % dans le cadre de la méthode de la « double différence », ces chiffres étant en concordance avec ceux de l'étude relative au surcoût réalisée par les experts des sociétés Cora et Match sur cette même période. 18. L'arrêt en déduit que l'analyse en cause, en présentant un échantillon représentatif des produits objet de l'entente sur des périodes « affectées » en lien avec les effets probables de l'entente, tout au moins pour les périodes antérieures à décembre 2012, l'entente ayant pris fin en février 2012, est suffisamment robuste pour permettre de démontrer l'existence d'un surcoût effectivement subi par les sociétés Cora et Match et directement lié à la pratique concertée d'augmentation des prix pour les produits concernés, telle qu'établie par la décision, en tenant compte d'un décalage entre les accords du cartel et leur mise en oeuvre. Il estime, en revanche, que la période d'inertie doit être considérée comme prenant fin en décembre 2012, un délai maximum de 10 mois après la fin des pratiques, fixée à février 2012, étant conforme à ce qu'a retenu la décision, selon laquelle la période d'inertie relative aux effets de cette entente pouvait varier de 0 à 10 mois, sans pouvoir atteindre la date excessivement lointaine retenue par l'étude, s'agissant du terme de l'effet du cartel. 19. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l'absence de coïncidence parfaite, entre la date du début des pratiques relevée par l'Autorité, d'un côté, et la date de début de la période considérée comme affectée par l'étude économique produite par les sociétés Cora et Match, de l'autre, ne privait pas de pertinence l'analyse des effets de la pratique sur les coûts subis par les acheteurs des produits objet de l'entente réalisée par cette étude, la cour d'appel, qui a relevé que l'Autorité avait également retenu, sur le fondement d'une étude des rapporteurs ne reposant pas sur la même analyse temporelle que celle produite par les demanderesses à la réparation, l'existence de surcoûts cohérents avec ceux invoqués par ces dernières, a pu, sans avoir à s'expliquer davantage sur l'analyse de l'Autorité et de l'arrêt statuant sur recours contre sa décision avec laquelle elle n'était pas en contradiction quant à l'existence d'un surcoût, décider que l'existence de surcoûts subis à cause des pratiques illicites était avérée. 20. Les moyens ne sont donc pas fondés. Sur les premiers moyens, pris en leur première branche, rédigés en des termes identiques, des pourvois n° 22-11.099 et n° 22-11.100, réunis (méthode de détermination du surcoût : effet de l'épisode de « guerre des prix » sur la détermination de la période affectée) Enoncé des moyens 21. Les sociétés Eurial et Novandie font grief à l'arrêt de dire que les sociétés Cora et Match ont subi un préjudice « financier » certain du fait de l'entente illicite entre fabricants de produits laitiers sur la période de décembre 2006 à février 2012, de fixer ce préjudice, pour la société Cora, à la somme globale de 2 044 220 euros et, pour la société Match, à la somme globale de 332 780 euros, de les condamner, pour la société Eurial, à payer la somme de 429 286,20 euros à la société Cora et la somme de 69 883,80 euros à la société Match, et pour la société Novandie, à payer la somme de 715 477 euros à la société Cora et la somme de 116 473 euros à la société Match et de dire que ce préjudice serait actualisé en appliquant le taux d'intérêt de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt, alors « que le juge saisi d'une action indemnitaire engagée en conséquence d'une entente sanctionnée par une autorité de concurrence doit tenir compte des constatations matérielles que celle-ci a effectuées dans l'exercice de ses pouvoirs d'instruction et ne saurait s'en écarter qu'à la condition de justifier, par une motivation concrète et spécifique, des raisons qui commandent, à l'égard des relations particulières des parties, d'y déroger ; qu'en l'espèce, il ressortait de la décision de l'Autorité du 11 mars 2015 que les sociétés Novandie et Senoble s'étaient livrées entre mi-2009 et fin octobre 2010 à une intense « guerre des prix » venant perturber le fonctionnement de l'entente, à telle enseigne que l'Autorité avait constaté qu'au cours de cette période de guerre des prix, les rapporteurs n'avaient pu identifier de « surprix significatif » (§ 323) ; que, statuant sur les recours formés contre cette décision, la cour d'appel de Paris avait à son tour constaté que cet épisode s'était caractérisé par un retour à des prix concurrentiels, que l'absence de surprix au cours de cet épisode avait été expressément constatée dans l'étude économique produite par les rapporteurs et en avait déduit que cette période de guerre des prix était même un contrefactuel pertinent pour apprécier ce dommage à l'économie (§§ 299 à 301) ; que, pour rejeter les critiques articulées par les sociétés défenderesses à l'encontre de la méthodologie retenue par le consultant privé des demanderesses, la cour d'appel retient qu'il n'était "pas incohérent", de la part de ce dernier, d'évaluer le surprix causé par l'entente, en traitant cet épisode de guerre des prix comme une "période affectée par l'entente", compte tenu de ce que cette guerre des prix s'était concentrée sur les enseignes Carrefour et Systeme U et avait eu pour effet de perturber le fonctionnement de l'entente sans l'interrompre totalement ; qu'en se prononçant par ses seuls motifs, impropres à justifier des raisons de s'écarter des constatations mêmes de l'Autorité et de sa juridiction de contrôle ayant analysé cette période de guerre des prix comme un "contrefactuel pertinent" marqué par des prix concurrentiels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 22. L'arrêt retient que le choix fait par le cabinet RBB d'intégrer la période dite de « guerre des prix » entre les sociétés Novandie et Senoble dans les périodes dites « affectées » n'est pas incohérent compte tenu de la situation singulière des sociétés Cora et Match, la « guerre des prix » s'étant concentrée sur les seuls distributeurs Carrefour et Système U, ainsi qu'il résulte des paragraphes 153 à 159 de la décision de l'Autorité, et dès lors que, selon le paragraphe 160 de celle-ci, si cet épisode a eu pour effet de perturber le fonctionnement de l'entente, il ne l'a toutefois pas interrompu. 23. Par cette appréciation, la cour d'appel ne s'est écartée, s'agissant de la durée de l'entente et de ses effets potentiels sur les prix payés par les distributeurs aux fournisseurs pendant cette période, ni de l'analyse de l'Autorité, laquelle, si elle a constaté l'absence, pendant l'épisode de « guerre des prix », de surprix significatif, ce qui n'en exclut pas l'existence, a, en outre, conclu à la caractérisation d'un dommage à l'économie sur toute la durée de la pratique, ni de celle de l'arrêt ayant statué sur le recours formé contre cette décision, lequel, s'il a relevé l'absence vraisemblable de surprix au cours de l'épisode de « guerre des prix » et l'absence de preuve d'un surprix significatif à compter de septembre 2009 et jusqu'à la fin de l'entente, a également retenu l'existence d'un dommage à l'économie sur cette période. Elle a fait ressortir qu'elle avait estimé, au regard des éléments soumis aux débats devant elle et propres à la situation concrète des parties présentes dans l'instance en réparation, qui n'a pas le même objet que celle relative à la constatation et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, que les sociétés Cora et Match n'avaient pas été concernées par le rétablissement de prix concurrentiels au cours de la période dite de « guerre des prix », ce dont elle a déduit que cette période pouvait, pour évaluer l'existence et, le cas échéant, l'étendue du préjudice de surcoût invoqué par ces sociétés sur cette période, dans le respect du principe de la réparation intégrale du préjudice, être considérée comme étant affectée par l'entente. En cet état, elle a légalement justifié sa décision. Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 22-10.545 et les premiers moyens, pris en leur septième branche, rédigés en des termes identiques, des pourvois n° 22-11.099 et n° 22-11.100, réunis (méthode de détermination du surcoût : problématique des données utilisées pour le groupe de contrôle) Enoncé des moyens 24. Par le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, de leur pourvoi, les sociétés Lactalis font le même grief à l'arrêt, alors « qu'il incombe à celui qui sollicite l'indemnisation de préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre ces fautes et le préjudice ; que seul ouvre droit à réparation, le dommage en lien causal direct et certain avec la faute commise ; qu'en considérant, concernant la pertinence du choix des groupes de contrôle, et plus particulièrement le groupe de produits sous marque de fabricants (MDF), qu'il ne pouvait être légitimement reproché à l'étude RBB d'avoir, à défaut de données disponibles sur les produits sous MDF en 2007 et 2008, utilisé des données qui n'étaient pas exactement sur la même période que les données du groupe affecté, quand ce biais méthodologique rendait impossible toute comparaison fiable de nature à caractériser un lien de causalité direct et certain entre l'entente et le préjudice invoqué, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code. » 25. Par les premiers moyens, pris en leur septième branche, de leur pourvoi, rédigés de façon identique, les société Eurial et Novandie font le même grief à l'arrêt, alors « que seul est réparable un préjudice en lien de causalité direct avec la faute invoquée ; qu'en l'espèce, il ressortait des termes mêmes de l'un des rapports du cabinet RBB, consultant privé des sociétés demanderesses, "[qu']en l'absence de données pour les années 2007 et 2008, l'observation comparée des indices de prix des produits MDD affectés et des MDF pendant le cartel ne permet de conclure ni à l'existence d'un effet du cartel, ni à l'absence d'effet du cartel" (Rapport du 22 mai 2020, p. 10, point 23) ; qu'après avoir constaté que le consultant privé des demanderesses avait, pour identifier le surcoût causé par l'entente, mis en oeuvre une analyse en "double différence", dont le but était de comparer au cours des mêmes périodes, antérieure, concomitante puis postérieure à l'entente, l'évolution des prix des produits affectés par l'entente et celle des prix des produits non affectés par celle-ci, la cour d'appel a considéré qu'il ne pouvait être légitimement reproché à l'étude RBB d'avoir, à défaut de données disponibles sur les produits de marques de fabricant en 2007 et 2008, utilisé des données d'une autre période, laquelle ne coïncidait pas exactement avec celle des données du groupe affecté dès lors que "les principes de base de l'économétrie ne s'y opposent pas" ; qu'en se prononçant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher si les principes de base de la responsabilité civile n'étaient pas de nature à s'opposer à l'application d'une méthode ainsi viciée par l'absence de coïncidence temporelle des données employées pour comparer l'évolution des prix des produits affectés par l'entente à celle des prix des produits épargnés par cette entente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 26. L'arrêt retient, se référant à un ouvrage d'économétrie, qu'il cite, que, concernant la pertinence du choix des groupes de contrôle, retenus pour rechercher l'existence d'un surcoût sur les produits vendus sous MDD ayant fait l'objet de l'entente, et plus particulièrement le groupe de produits sous marque de fabricant (MDF), il ne peut être reproché à l'étude économique du cabinet RBB d'avoir, à défaut de données disponibles sur les produits vendus sous MDF en 2007 et 2008, utilisé des données qui ne relèvent pas exactement de la même période que les données du groupe affecté, dès lors que, dans ce cas, les principes de base de l'économétrie ne s'y opposent pas. 27. En cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, en se fondant sur une analyse théorique relative à la composition de panels de données pour opérer des comparaisons dont la pertinence, ainsi qu'il ressort des conclusions échangées devant elle, a été discutée entre les parties, a estimé que la méthodologie qui lui était soumise était, malgré la thèse adverse, de nature à établir l'existence d'un préjudice de surcoût par l'emploi de la méthode des double-différences, procédant ainsi à la recherche prétendument omise. 28. Les moyens ne sont donc pas fondés. Sur le cinquième moyen (moyen additionnel) du pourvoi n° 22-10.545 et les premiers moyens, pris en leurs cinquième et sixième branches, rédigés en des termes identiques, des pourvois n ° 22-11.099 et n° 22-11.100, réunis (caractérisation de « l'effet d'ombrelle ») Enoncé des moyens 29. Par le cinquième moyen de leur pourvoi, les sociétés Lactalis font le même grief à l'arrêt, alors « que l'appréciation de l'existence et du montant d'un préjudice anticoncurrentiel selon la méthode dite de "double différence" consiste à comparer l'évolution des prix des produits affectés par l'entente par rapport à un groupe de contrôle de produits témoins non affectés par l'entente ; qu'en considérant que le groupe de contrôle de produits laitiers sous MDD non affectés par l'entente retenu par les sociétés Cora et Match était représentatif et pouvait être pris en compte, tout en admettant ensuite qu'elles pouvaient néanmoins invoquer un préjudice d'ombrelle sur ce même groupe de produits, ce dont il résultait que l'entente n'avait pas été sans conséquence sur les produits en cause et ôtait nécessairement toute représentativité à ce groupe de contrôle, la cour d'appel qui a entaché sa décision d'une contradiction manifeste, a violé de plus fort l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code. » 30. Par les premiers moyens, pris en leurs cinquième et sixième branches, de leur pourvoi, les sociétés Eurial et Novandie font le même grief à l'arrêt, alors : « 5°/ que les juges du fond ne peuvent, sans entacher leur décision d'une contradiction de motifs, considérer qu'une même catégorie de produits, en l'espèce fournis par des entreprises extérieures à l'entente, peut valablement être utilisée comme un "groupe de contrôle" composé de produits non affectés par l'entente, afin de faire apparaître, par effet de contraste, le surprix causé par l'entente, et, dans le même temps, considérer que les prix de cette même catégorie de produits ont subi un "effet d'ombrelle", ce qui postule au contraire qu'ils ont été affectés par l'entente, du fait du comportement consistant, de la part de leurs fournisseurs, à fixer, dans le sillage des membres de l'entente, leurs propres prix à un niveau plus élevé que celui qu'auraient permis des conditions normales de concurrence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les produits laitiers sous marque de distributeur fournis par des entreprises extérieures à l'entente pouvaient valablement être utilisés comme un "groupe de contrôle" de produits non affectés par l'entente, dans le cadre du modèle économétrique des doubles différences, dès lors que l'échantillon retenu était suffisamment représentatif des produits sous marque de distributeur achetés par Cora et Match ; qu'elle a toutefois retenu plus bas que les prix des produits laitiers fournis par des entreprises non membres de l'entente et commercialisés sous marque de distributeur avaient subi un "effet d'ombrelle", lui-même révélé par l'examen de leur évolution dans le temps ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°/ que "l'effet d'ombrelle" désigne la situation dans laquelle des entreprises qui ne sont pas elles-mêmes parties à une entente ont, par mimétisme, pu fixer, dans le sillage des membres de l'entente, les prix de leurs propres produits à un niveau plus élevé que ne l'auraient permis les conditions normales d'une concurrence non faussée (CJUE, arrêt du 5 juin 2014, [N] e.a., C-557/12) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les sociétés Cora et Match avaient apporté la preuve d'un tel effet d'ombrelle ayant concerné les produits laitiers sous marque de distributeur que leur avaient livrés des entreprises tierces à l'entente ; qu'en jugeant néanmoins que, dans la mise en oeuvre de la méthode dite des "doubles différences", laquelle a pour objet de comparer, au cours de plusieurs périodes, l'évolution des prix des produits affectés par l'entente et celle des prix de produits d'un "groupe de contrôle" composé de produits similaires non affectés par l'entente, les sociétés demanderesses avaient valablement pu intégrer à ce "groupe de contrôle" les produits laitiers sous marque de distributeur que leur avaient livrés des entreprises tierces à l'entente dès lors que l'échantillon utilisé était suffisamment représentatif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres appréciations selon lesquelles les prix de ces produits avaient subi un effet d'ombrelle et n'avaient donc pas été épargnés par tout effet de contamination de l'entente ; que, ce faisant, elle a violé de plus fort l'article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 31. L'arrêt retient que les sociétés Cora et Match invoquent « l'effet d'ombrelle » sur les prix, lequel consiste dans la circonstance où des entreprises, qui ne sont pas elles-mêmes parties à une entente, fixent, délibérément ou non, dans le sillage des agissements de cette entente, leurs propres prix à un niveau plus élevé que ce que les conditions de la concurrence leur auraient permis de faire. Il constate qu'en se fondant sur les prix d'achat des sociétés Cora et Match relatifs aux produits laitiers sous MDD non affectés par l'entente, l'étude RBB établit que ces derniers ont connu une augmentation tarifaire fin 2007 et début 2008 de moindre ampleur que ceux objet du cartel et quelques mois après les hausses constatées sur ces derniers produits. Il retient que le choix du cabinet RBB des produits sous MDD non affectés est suffisamment pertinent, en ce qu'il s'agit de données empiriques fondées sur les achats effectifs des sociétés Cora et Match sur cette période. 32. En cet état, c'est sans se contredire et sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel a pu décider que, au regard des données qui étaient versées aux débats, les prix relevés sur les produits, qui n'étaient pas l'objet de l'entente, pouvaient révéler l'existence d'un « effet d'ombrelle » sur ces produits, et que ces produits pouvaient aussi être inclus dans le groupe de contrôle destiné à examiner l'existence d'un surprix sur les produits objet de l'entente, leur inclusion dans ce groupe de contrôle, cependant qu'ils auraient eux-mêmes été vendus à un prix plus élevé que ceux qui auraient prévalu en l'absence d'entente, n'ayant pour conséquence que de réduire l'ampleur du surcoût relevé, le cas échéant, sur les produits objet de l'entente. 33. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en ses huitième et neuvième branches, du pourvoi n° 22-10.545 et les troisièmes moyens des pourvois n° 22-11.099 et n° 22-11.100, rédigés en des termes identiques, réunis (caractérisation du « préjudice d'ombrelle » : lien de causalité entre les hausses de prix relevées sur les produits non affectés par l'entente et les pratiques illicites au regard de la prise en compte du prix d'un intrant) Enoncé des moyens 34. Par le deuxième moyen, pris en ses huitième et neuvième branches, de leur pourvoi, les sociétés Lactalis font le même grief à l'arrêt, alors : « 8°/ que si toute personne peut obtenir réparation par les membres d'une entente d'un "effet d'ombrelle" qu'elle a subi, encore faut-il caractériser l'existence d'un lien de causalité entre l'entente et le surprix invoqué à ce titre ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer que les sociétés Cora et Match avaient subi un "préjudice d'ombrelle" certain de 2009 à février 2012, que les parties à l'entente n'étaient pas fondées à critiquer le choix du cabinet RBB des produits MDD non affectés par l'entente dans la mesure où ce choix était suffisamment pertinent puisqu'il s'agissait de données empiriques fondées sur les achats effectifs des sociétés Cora et Match pendant cette période, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la hausse des prix des produits laitiers sous marques de distributeurs non affectés par l'entente ne résultait pas de facteurs extérieurs à ladite entente et spécialement de la hausse du prix du lait pendant cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240, du même code ; 9°/ que si toute personne peut obtenir réparation par les membres d'une entente d'un "effet d'ombrelle" qu'elle a subi, encore faut-il caractériser l'existence d'un lien de causalité entre l'entente et le surprix invoqué à ce titre ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer que les sociétés Cora et Match avaient subi un "préjudice d'ombrelle" certain de 2009 à février 2012, que les sociétés Cora et Match "font valoir que cet effet d'ombrelle est d'autant plus probable quand il s'agit comme en l'espèce de pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire national par des fabricants de produits laitiers frais sous MDD qui représentent plus de 90 % du marché concerné" ou encore que les parties à l'entente n'étaient pas fondées à critiquer le choix du cabinet RBB des produits MDD (Marques de distributeurs) non affectés par l'entente dans la mesure où ce choix était suffisamment pertinent puisqu'il s'agissait de données empiriques fondées sur les achats effectifs des sociétés Cora et Match pendant cette période, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'entente alléguée et le préjudice invoqué, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240, du même code. » 35. Par les troisièmes moyens de leur pourvoi, les sociétés Eurial et Novandie font le même grief à l'arrêt, alors « que le "préjudice d'ombrelle" désigne le préjudice complémentaire qu'a pu subir l'acheteur lorsque ceux de ses fournisseurs qui n'étaient pas eux-mêmes parties à une entente ont, par mimétisme, pu fixer, dans le sillage des membres de l'entente, les prix de leurs propres produits à un niveau plus élevé que ne l'auraient permis les conditions normales de concurrence (CJUE, arrêt du 5 juin 2014, [N] et a., C-557/12) ; que, pour juger que les prix des produits laitiers commercialisés sous marque de distributeur fournis par des entreprises non membres de l'entente avaient subi un "effet d'ombrelle", la cour d'appel s'est bornée à relever que l'étude du cabinet RBB avait établi que ces prix avaient connu une augmentation tarifaire fin 2007 et début 2008, quoique de moindre ampleur que ceux affectés par le cartel et quelques mois après les hausses constatées sur les produits affectés ; qu'en négligeant de rechercher si l'augmentation des prix qu'elle constatait ne s'expliquait pas par l'élévation du prix du lait, matière première employée par tous les industriels de la filière laitière qu'ils fussent, ou non, membres de l'entente, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser un préjudice d'ombrelle, privant par-là sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 36. L'arrêt estime que l'étude RBB produite dans les dernières conclusions des sociétés Cora et Match prend en considération de manière pertinente la variante du prix du lait, principal intrant dans le secteur, en neutralisant les effets des variations du prix de celui-ci dans l'étude du surcoût subi par ces sociétés et en tenant compte d'un léger décalage temporel pour étudier les effets de ces augmentations sur les prix effectivement pratiqués sur le marché des produits laitiers frais. Il relève que les sociétés Cora et Match se prévalent de ce que les pratiques anticoncurrentielles ont été mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire national par des fabricants de produits laitiers frais sous MDD, qui représentent plus de 90 % du marché concerné. Il retient qu'il est établi que les produits laitiers sous MDD, qui ne faisaient pas l'objet de l'entente, ont connu une augmentation tarifaire fin 2007 et début 2008, de moindre ampleur que ceux affectés par le cartel et quelques mois après les hausses constatées sur les produits affectés, et qu'il en est résulté une hausse pour la société Cora de 1,8 % pendant la période de « guerre des prix », de 2,4 % pendant la période d'entente, de 1,6 % pendant la période d'inertie et, pour la société Match, de 2,4 %, de 2,8 % et de 1,4 % pendant ces mêmes périodes. Il retient encore que ces sociétés ont démontré l'existence d'un « effet d'ombrelle » entre 2009 et février 2012, la période postérieure étant trop éloignée des pratiques anticoncurrentielles telles qu'établies par la décision de l'Autorité pour pouvoir la prendre en considération, et que les hausses de prix constitutives de cet « effet d'ombrelle » sont un préjudice certain subi par les sociétés Cora et Match. 37. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les caractéristiques du marché étaient suffisantes pour relier les hausses de prix, subies par les sociétés Cora et Match sur les produits qui ne faisaient pas l'objet de l'entente, aux pratiques illicites mises en oeuvre par les fournisseurs appelés à la réparation, établissant ainsi « un effet d'ombrelle », la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision. Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième, cinquième et septième branches, du pourvoi n ° 22-10.545 et les deuxièmes moyens, pris en leurs première, deuxième, troisième et quatrième branches, rédigés en des termes identiques, des pourvois n ° 22-11.099 et n ° 22-11.100, réunis (répercussion du surcoût) Enoncé du moyen 38. Par le deuxième moyen, pris en ses quatrième, cinquième et septième branches, de leur pourvoi, les sociétés Lactalis font le même grief à l'arrêt, alors : « 4°/ que les orientations de la Commission publiée le 9 août 2019, à l'intention des juridictions nationales, sur la façon d'estimer la part du surcoût répercutée sur les acheteurs indirects et le guide pratique qui les accompagnent, trouvent leur fondement juridique dans l'article 16 de la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014, dite « dommages et intérêts » ; qu'en se fondant sur ces orientations de la Commission, pour écarter certains principes admis par la doctrine économique permettant de caractériser l'existence et le montant du préjudice, après avoir constaté que ni la directive du 26 novembre 2014, ni l'ordonnance de transposition n'était applicable au litige dans la mesure où les faits étaient antérieurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code ; 5°/ que les orientations de la Commission et le guide pratique sur le surcoût ne fournissent aux juges nationaux que de simples indications ; qu'en considérant que ces documents s'imposaient à elle, la cour d'appel a violé l'article 16 de la directive du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne, ensemble l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code ; 7°/ que l'existence d'un préjudice direct et certain n'est établie qu'à la condition de démontrer que les distributeurs ont été dans l'impossibilité de répercuter la hausse des prix provoquée par l'entente sur les clients ; que l'allocation de dommages et intérêts ne doit pas conduire à un enrichissement sans cause et que si l'indemnisation doit être intégrale, elle ne doit jamais profiter à la victime ; que dès lors, en retenant que les sociétés Cora et Match avaient subi un préjudice direct et certain, du fait d'un surcoût non répercuté lié à l'entente, après avoir constaté que "le document marketing intitulé "Méthodologie de développement produits Cora" justifie que l'entreprise Cora a, dans un choix unilatéral, décidé de maintenir un écart de prix entre les produits MDD et MDF d'au moins 20 %, malgré le surprix dû à l'entente" ce qui démontrait que l'absence partielle de répercussion des surcoûts liés à l'entente sur le consommateur ne résultait pas d'une impossibilité, mais d'une décision commerciale unilatérale de la société Cora, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code. » 39. Par les deuxièmes moyens, pris en leurs première, deuxième, troisième et quatrième branches, rédigés en des termes identiques, de leur pourvoi, les sociétés Eurial et Novandie font le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que le juge ne peut, pour asseoir la preuve des faits dont la matérialité est débattue, se fonder exclusivement sur une expertise privée réalisée à la demande de la partie sur laquelle repose la charge de les établir ; que, par ailleurs, il appartient à la partie qui se prétend victime d'une entente entre ses fournisseurs, de justifier de ce qu'il n'a pu, en tout ou partie, répercuter sur ses propres acheteurs les surcoûts que l'entente lui a occasionnés ; qu'il se déduit de ces principes que le juge ne saurait tenir pour établi le taux de répercussion des surcoûts allégué par le demandeur à l'action indemnitaire en se fondant sur les seules affirmations contenues dans le rapport d'expertise privée produit au soutien de ses intérêts et doit s'assurer de leur exactitude, au besoin en désignant un expert judiciaire aux fins de contrôler leur concordance avec des pièces justificatives ; qu'en l'espèce, pour considérer comme suffisamment démontrés les taux de répercussion de surcoûts allégués par les sociétés Cora et Match, estimés respectivement à 32,7 % et 35,4 % dans le rapport d'expertise de leur consultant privé, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que ces taux n'étaient pas utilement critiqués par les sociétés défenderesses, que les analyses précises et chiffrées de l'étude RBB ne se fondaient pas seulement sur des considérations théoriques, mais sur les données spécifiques à leur enseigne concernant les prix de gros et les prix de détails de chaque article et, enfin, que le document marketing intitulé "Méthodologie de développement produits Cora" justifie de ce que la société Cora a, dans un choix unilatéral, décidé de maintenir un écart de prix entre les produits MDD et MDF d'au moins 20 %, malgré le surprix dû à l'entente ; qu'en se prononçant par de tels motifs, lesquels ne révèlent aucun contrôle juridictionnel de la réalité des taux de répercussion allégués dans le rapport d'expertise privée produit par les sociétés demanderesses, ni même un simple examen de leur concordance avec les pièces sur la base desquelles ce consultant privé avait fondé ses estimations, la cour d'appel a violé les articles 16 et 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 2°/ qu'un opérateur économique n'est pas fondé à solliciter la réparation d'un préjudice qui n'est que la conséquence directe d'un choix de politique commerciale qui lui est propre ; qu'en estimant que les sociétés demanderesses étaient fondées à solliciter la réparation de la fraction des surcoûts qu'elles n'avaient pas répercutée, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que cette absence partielle de répercussion n'avait pas été subie, mais résultait de leur "choix unilatéral" de maintenir un écart de prix entre les produits MDD et MDF d'au moins 20 %, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil ; 3°/ qu'en se bornant, pour considérer comme suffisamment établis les taux de répercussion des surcoûts estimés par le consultant privé des sociétés Cora et Match à hauteur de 32,7 % et de 35,4 %, à relever que le document marketing intitulé "Méthodologie de développement produits Cora" justifiait de ce que la société Cora avait, dans un choix unilatéral, décidé de maintenir un écart de prix entre les produits MDD et MDF d'au moins 20 %, malgré le surprix dû à l'entente, sans s'assurer de ce que cet objectif avait été effectivement mis en oeuvre par l'entreprise, ainsi que le requiert la Commission européenne, dans sa communication relative aux orientations à l'intention des juridictions nationales sur la façon d'estimer la part du surcoût répercutée sur les acheteurs indirects (§ 109), ni même rechercher si cet objectif de maintien d'un écart entre les produits MDD et MDF n'avait pas été atteint par une élévation corrélative du prix de ces derniers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil ; 4°/ qu'en s'abstenant de répondre aux moyens par lesquels la société Eurial faisait valoir, premièrement, que se trouvaient en l'espèce réunis plusieurs facteurs que l'analyse économique identifie comme propices à des taux de répercussion très élevés des augmentations de prix (ampleur de l'entente, réunissant plus de 90 % des produits laitiers MDD offerts sur le marché selon la décision de l'Autorité, produits d'entrée de gamme pour lesquels les consommateurs ont une faible sensibilité au prix), deuxièmement, que les estimations des taux de répercussions établies par le cabinet RBB étaient erronées, puisque reposant sur le postulat inexact consistant à poser que la relation entre les prix de gros et de détail des produits est restée constante entre octobre 2007 et décembre 2015, et, troisièmement, que le choix commercial prétendument affiché par la société Cora de maintenir un écart de prix d'au moins 20 % entre les produits MDD et les produits MDF se trouvait démenti par l'observation du comportement même de ce distributeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 40. L'arrêt constate que, dans la dernière version de l'étude de l'expert des sociétés Cora et Match, le taux de répercussion du surcoût est estimé à 32,7 % pour la première et à 35,4 % pour la seconde, et relève que ce taux est critiqué par les défenderesses à la réparation, qui s'appuient sur des contre-études prenant en compte les niveaux de répercussion, élevés, habituellement observés dans le secteur des produits laitiers frais de MDD et sur le fait que l'entente a concerné la quasi-totalité des fabricants de ces produits. Il ajoute que ces dernières font valoir que cette tendance générale est confirmée par les études économiques concernant ce secteur spécifique, et notamment l'étude académique établie par Toulouse School of Economics intitulée « Price transmission in Food Chains : The Case of the Dairy Industry ». 41. Il retient que si les juges du fond ne peuvent ignorer les analyses économiques relatives au marché concerné, ils doivent toutefois prendre en compte les éléments concrets de politique interne de l'entreprise concernée quand ceux-ci sont produits au dossier, relevant que, conformément aux orientations de la Commission européenne sur la façon d'estimer la part du surcoût répercutée, « les documents internes qui décrivent la politique tarifaire d'une entreprise peuvent revêtir une importance particulière. » Il observe que les analyses précises et chiffrées de l'étude RBB ne se fondent pas seulement sur des considérations générales, mais sur les données spécifiques aux enseignes Cora et Match concernant les prix de gros et les prix de détail, tels qu'identifiés via le système européen utilisé dans les codes-barres apposés sur les produits dit EAN (« European article numbering »), et pratiqué par leurs supermarchés. Il retient également que le document intitulé « Méthodologie de développement produits Cora » démontre que l'entreprise Cora a choisi de maintenir un écart de prix entre les produits MDD et MDF d'au moins 20 %, malgré le surprix dû à l'entente. 42. Il ressort de ces constatations et appréciations que, pour retenir l'existence d'une répercussion seulement partielle du surcoût fixé par l'arrêt à un certain taux, lequel est vainement critiqué par la troisième branche du deuxième moyen qui, sous le couvert de manque de base légale, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de l'étendue du préjudice, la cour d'appel a analysé tant l'étude produite par les demanderesses à l'indemnisation que celles, la contestant, fournies par les défenderesses à la réparation, ainsi que des pièces internes des sociétés Cora et Match reposant sur un constat de leurs prix effectifs d'achat et de revente pouvant être contrôlés. En cet état, c'est sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office, le principe de la contradiction ou, en dépit d'une formulation inadéquate, le caractère seulement indicatif des orientations de la Commission européenne qu'elle a pu prendre en considération, peu important que ces orientations aient été émises en exécution de la directive dite « dommages », tout comme les préconisations du guide pratique concernant la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions aux articles 101 ou 102 du TFUE, que la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, et dès lors que la victime n'est pas tenue de minimiser son dommage, a, à bon droit, décidé que le choix des sociétés victimes de l'entente de ne répercuter que partiellement le surcoût en résultant n'excluait pas la réparation de la partie de celui resté à leur charge, constitutive du préjudice subi par elles. 43. Les moyens ne sont donc pas fondés. Sur le premier moyen des pourvois incidents (obligation à la dette) Enoncé du moyen 44. Les sociétés Cora et Match font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés LNUF MDD, Lactalis Nestlé ultra frais et Lactalis Nestlé produits frais, Lactalis beurres & crèmes et Groupe Lactalis, Novandie et Eurial à réparer leur préjudice et en conséquence de condamner la société Eurial à payer la somme de 429 286,20 euros à la société Cora et la somme de 69 883,80 euros à la société Match, de condamner la société Novandie à payer la somme de 715 477 euros à la société Cora et la somme de 116 473 euros à la société Match, de condamner in solidum les sociétés LNUF MDD, Lactalis Nestlé ultra frais et Lactalis Nestlé produits frais à payer la somme de 838 130,20 euros à la société Cora et la somme de 136 439,80 euros à la société Match, et condamner in solidum les sociétés Lactalis beurres & crèmes et Groupe Lactalis à payer la somme de 61 326,60 euros à la société Cora et la somme de 9 983,40 euros à la société Match, alors « que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée ; qu'en retenant, pour refuser de condamner in solidum les sociétés LNUF MDD, Lactalis Nestlé ultra frais, Lactalis Nestlé produits frais, Lactalis beurres & crèmes, Groupe Lactalis, Novandie et Eurial à réparer le préjudice des sociétés Cora et Match, qu'il convenait de tenir compte de la gravité de l'implication de chacune d'elles dans les pratiques illicites en cause, cependant que les agissements anticoncurrentiels de ces sociétés avaient contribué à la création d'un même dommage, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 45. C'est à tort que la cour d'appel a statué comme elle a fait, dès lors qu'il lui appartenait de condamner l'ensemble des coauteurs d'un même dommage in solidum. 46. Néanmoins, dès lors qu'il n'est pas contesté que la condamnation a été exécutée, le moyen, qui est devenu sans objet, est irrecevable, faute d'intérêt. Mais sur les quatrièmes moyens des pourvois n° 22-11.099 et n° 22-11.100, rédigés en des termes identiques, réunis (caractérisation du préjudice additionnel pris de l'indisponibilité des sommes perdues du fait de l'entente) Enoncé du moyen 47. Les sociétés Eurial et Novandie font grief à l'arrêt de dire que le préjudice financier serait actualisé en appliquant le taux d'intérêt de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt, alors « que si le préjudice complémentaire de trésorerie afférent à la privation de la jouissance de sommes représentatives de pertes subies par un opérateur économique en conséquence de pratiques anticoncurrentielles doit par lui-même être réparé, compte tenu de l'écoulement du temps entre le moment où les pertes ont été subies et le jour où le juge statue sur leur indemnisation, il incombe au demandeur qui entend, de ce chef, obtenir une réparation supérieure au rendement moyen d'un placement financier sans risque tel que le taux légal des intérêts d'administrer de manière concrète la preuve de l'emploi qu'il aurait raisonnablement pu faire des sommes qui lui ont manqué ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande subsidiaire des société Cora et Match tendant à l'attribution d'un taux d'intérêt représentatif du "taux marginal de financement" de chacune de ces deux sociétés, la cour d'appel a énoncé que le préjudice financier subi par ces deux sociétés du fait des pratiques anticoncurrentielles les avaient empêchées de disposer de cette somme et avait "nécessairement" eu un impact sur leur trésorerie, ce qui "impliqu(ait)" un accroissement de leur besoin de financement et donc de leurs frais financiers ; qu'en posant par-là, en faveur des demanderesses à l'action indemnitaire, une présomption d'accroissement de leur besoin de trésorerie que ne justifiaient ni les principes du droit commun de la responsabilité civile, ni les principes d'équivalence et d'effectivité du droit de l'Union européenne, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 101 du TFUE. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 48. Pour appliquer aux dommages et intérêts principaux alloués un taux d'intérêt de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match représentant le taux marginal auquel ces sociétés se financent, l'arrêt retient que ces sociétés ont été privées, par les pratiques anticoncurrentielles, de disposer de ces sommes, ce qui a nécessairement eu un impact sur leur trésorerie et impliqué un accroissement de leur besoin de financement et donc de leurs frais financiers. 49. En se déterminant par ces motifs, impropres à établir la nature de l'usage qu'auraient fait les sociétés Cora et Match des sommes perdues et permettant l'octroi d'un taux d'intérêt supérieur au taux légal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Sur le troisième moyen du pourvoi n° 22-10.545 (fixation du régime des intérêts réparant le préjudice additionnel pris de l'indisponibilité des sommes perdues du fait de l'entente) Enoncé du moyen 50. Les sociétés Lactalis font grief à l'arrêt de dire que le préjudice financier doit être actualisé en appliquant le taux d'intérêt de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt, alors « que le juge doit réparer intégralement le préjudice, sans perte ni profit pour la victime ; qu'ainsi la réparation doit correspondre à l'exact préjudice personnellement subi par la victime ; qu'en décidant d'actualiser le préjudice financier subi par les sociétés Cora et Match en appliquant un taux d'intérêt moyen de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 51. Les sociétés Cora et Match contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que les sociétés Lactalis n'ont pas contesté le taux marginal d'actualisation du préjudice dont elles réclamaient l'application. Elles estiment que le grief est nouveau et mélangé de fait et de droit. 52. Cependant, il résulte des conclusions des sociétés Lactalis que celles-ci ont contesté la demande subsidiaire d'indemnisation formulée par les sociétés Cora et Match, fondée sur l'allocation du taux marginal auquel leurs ressources de financement étaient obtenues et qui ne faisait pas état d'une moyennisation des taux qu'elles exposaient avoir subis. 53. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit : 54. Selon ce texte, tout fait de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 55. Pour fixer le montant du taux d'intérêt représentant le préjudice subi par les sociétés Cora et Match du fait de l'indisponibilité des sommes dont elles ont été privées en raison des pratiques anticoncurrentielles, l'arrêt retient que les taux d'intérêts appliqués concernant la société Cora ont été de 4,16 % en 2012, de 4,06 % en 2013, de 3,75 % en 2014, de 3,55 % en 2015, de 3,63 % en 2016, de 3,08 % en 2017, de 3,56 % en 2018, de 3,56 % en 2019 et de 3,56 % en 2020 et que les taux d'intérêts appliqués concernant la société Match ont été de 3,85 % en 2012, de 3,95 % en 2013, de 2,60 % en 2014, de 2,52 % en 2015, de 2,17 % en 2016, de 2,44 % en 2017, de 2,52 % en 2018, de 2,04 % en 2019 et de 3,05 % en 2020 et qu'il en ressort une moyenne du taux d'intérêts ad hoc de 3,65 % concernant la société Cora et de 2,79 % concernant la société Match, de sorte qu'il convient d'indemniser ce préjudice en appliquant ces mêmes taux, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt. 56. En statuant ainsi, alors que le principe de la réparation intégrale impliquait la fixation d'un taux d'intérêt égal à celui supporté, le cas échéant et à le supposer distinct du taux légal, par les sociétés victimes de l'entente pour chaque année d'indisponibilité des sommes dont elles ont été privées, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés. Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 22-10.545 (contribution à la dette) Enoncé du moyen 57. Les sociétés Lactalis font grief à l'arrêt de condamner in solidum les sociétés LNUF MDD, Lactalis Nestlé ultra frais et Lactalis Nestlé produits frais à payer la somme de 838 130,20 euros à la société Cora et la somme de 136 439,80 euros à la société Match et les sociétés Lactalis beurres & crèmes et Groupe Lactalis à payer la somme de 61 326,60 euros à la société Cora et la somme de 9 983,40 euros à la société Match, alors « que la contribution à la dette de réparation du dommage entre les coobligés fautifs a lieu en proportion de la gravité de leurs fautes respectives ; qu'en décidant, sous le couvert de prononcer des condamnations in solidum, de déterminer la part de chaque cartelliste dans la réparation du préjudice selon la gravité de l'implication de chacune des sociétés mises en cause au vu des niveaux d'amendes fixées par l'arrêt de la présente cour du 23 mai 2017 statuant en appel de la décision de l'Autorité, quand le niveau des amendes prononcées ne dépend pas exclusivement de la gravité des pratiques anticoncurrentielles reprochées individuellement à chacun des participants à l'entente, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240, du même code. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 58. Il résulte de ce texte que la contribution à la dette de réparation du dommage causé par plusieurs auteurs a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives de ces derniers. 59. Pour fixer le montant de la contribution à la dette, l'arrêt retient qu'il est justifié de prendre en compte la gravité de l'implication de chacune des sociétés responsables des pratiques illicites en cause, au regard des montants des amendes fixées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2017 statuant sur recours contre la décision de l'Autorité. 60. En statuant ainsi, alors que les sanctions prononcées sur le fondement de l'article L. 462-8, alinéa 2, du code de commerce, dans sa version applicable au litige, par l'Autorité ou par la cour d'appel de Paris statuant sur recours, ne se fondent pas sur la seule gravité du comportement des auteurs de pratiques anticoncurrentielles, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen des pourvois incidents (point de départ des intérêts compensatoires) Enoncé du moyen 61. Les sociétés Cora et Match font grief à l'arrêt de dire que le préjudice financier devait être actualisé en appliquant le taux d'intérêt de 3,65 % pour la société Cora et de 2,79 % pour la société Match, à compter du 9 février 2012 et jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt, alors « que les intérêts compensatoires destinés à pallier l'indisponibilité des sommes dont la victime a été privée courent de la naissance du dommage à l'extinction de la créance de réparation ; qu'en retenant néanmoins que le préjudice financier des sociétés Cora et Match devait être actualisé en appliquant un taux d'intérêt à compter du 9 février 2012, date de la fin des pratiques prohibées, et jusqu'au seul jour du prononcé de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 62. L'arrêt retient que les intérêts compensatoires du préjudice principal sont dus depuis le moment où l'entier préjudice a été constitué, soit à partir du 9 février 2012. 63. En statuant ainsi, alors que les intérêts destinés à compenser le préjudice pris de la privation des sommes, dont le cours s'achève à la date du jugement, la créance de réparation produisant ensuite intérêts au taux légal de plein droit jusqu'à complet paiement en application de l'article 1231-7 du code civil, doivent être alloués en tenant compte de la progressivité de la constitution de ce préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 64. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui condamne in solidum les sociétés LNUF MDD, Lactalis Nestlé ultra frais et Lactalis Nestlé produits frais à payer la somme de 838 130,20 euros à la société Cora et la somme de 136 439,80 euros à la société Match et de celui qui condamne in solidum les sociétés Lactalis beurres & crèmes et Groupe Lactalis à payer la somme de 61 326,60 euros à la société Cora et la somme de 9 983,40 euros à la société Match entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui condamne la société Eurial à payer la somme de 429 286,20 euros à la société Cora et la somme de 69 883,80 euros à la société Match et de celui qui condamne la société Novandie à payer la somme de 715 477 euros à la société Cora et la somme de 116 473 euros à la société Match, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. Demande de mise hors de cause 65. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause les sociétés Cora et Match, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la onzième branche du deuxième moyen du pourvoi n° 22-10.545, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevables les conclusions n° 2 des sociétés du groupe Lactalis et de la société Eurial ultra frais du 30 août 2021 et en ce que, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il déboutait les sociétés Cora et Supermarchés Match de l'ensemble de leurs demandes et les condamnait aux dépens et à payer les frais irrépétibles, il le confirme pour le surplus, et, statuant à nouveau des chefs infirmés, dit que les sociétés Cora et Supermarchés Match ont subi un préjudice « financier » certain du fait de l'entente illicite entre fabricants de produits laitiers sur la période de décembre 2006 à février 2012, et fixe celui subi par la société Cora à la somme globale de 2 044 220 euros et celui subi par la société Supermarchés Match à la somme globale de 332 780 euros, l'arrêt rendu le 24 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Dit n'y avoir lieu à la mise hors de cause des sociétés Cora et Supermarchés Match ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juillet 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 624 FS-B+R Pourvoi n° P 22-17.902 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 JUILLET 2023 1°/ L'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 3], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 5], dont le siège est Les [Adresse 6], représentée par Mme [R] [V], en qualité de directrice nationale de la DUA, 2°/ l'AGS, dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° P 22-17.902 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société [M], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de son gérant M. [E] [M], prise en qualité de mandataire liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire de la société Ets Audis, 2°/ à la société AJ UP, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de son cogérant M. [J] [S], prise en qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire de la société Ets Audis, défenderesses à la cassation. Partie intervenante volontaire : Le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ), dont le siège est [Adresse 4]. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'UNEDIC, ès qualités, et de l'AGS, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société [M], ès qualités, et de la société AJ UP, ès qualités, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ), et l'avis de Mme Henry, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, Fontaine, Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mmes Barbot, Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Intervention 1. Il est donné acte au Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ) de son intervention volontaire au soutien de la société AJ UP et de la société [M], en leurs qualités respectives d'administrateur et de liquidateur de la société Ets Audis. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 juin 2022), le 20 novembre 2020, la société Ets Audis a été mise en redressement judiciaire, la société AJ UP étant désignée en qualité d'administrateur et la société [M] en celle de mandataire judiciaire. 3. Par un jugement du 16 avril 2021, le tribunal a arrêté un plan de cession des actifs de la société Ets Audis au profit de la société Ridoret menuiserie. Il a fixé la date d'entrée en jouissance au 1er mai 2021 et celle du transfert de propriété à la date de signature des actes. Le prix de cession a été consigné entre les mains du mandataire judiciaire. 4. Par un jugement du 30 avril 2021, la procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire, la société [M] étant désignée en qualité de liquidateur. 5. Le 5 mai 2021, la société [M] a saisi le Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 5] d'une demande d'avance par l'Association de garantie des salaires (l'AGS) pour assurer le paiement des salaires du mois d'avril 2021 et d'heures supplémentaires. 6. Le CGEA lui ayant partiellement opposé un refus en invoquant la subsidiarité de son intervention, le liquidateur l'a assigné devant le tribunal de la procédure collective pour obtenir le versement d'une somme correspondant au montant du solde ressortant du relevé des créances salariales. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa cinquième branche 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches Enoncé du moyen 8. L'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, fait grief à l'arrêt de la condamner au versement d'une somme équivalente au solde du relevé des créances salariales, alors : « 1°/ que ce n'est que si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, que le mandataire judiciaire peut demander, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14 ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail ; 2°/ que l'AGS a un droit propre pour contester le principe et l'étendue de sa garantie, dans tous les cas où les conditions de celle-ci ne paraissent pas remplies ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail, ensemble l'article L. 625-4 du code de commerce ; 3°/ que la charge de la preuve de ce que les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail repose sur le mandataire judiciaire ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ; 4°/ qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en jugeant qu'il n'appartiendrait pas au mandataire judiciaire de prouver que les créances salariales ne pouvaient pas être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, pour demander l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. D'une part, selon l'article L. 3253-19, 1° et 3°, du code du travail, en cas d'ouverture d'une procédure collective, il incombe au mandataire judiciaire d'établir le relevé des créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4 de ce code dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture et, pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3° et ce, jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du même code. 10. D'autre part, l'article L. 3253-20 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que si les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code. Le second alinéa de ce texte prévoit pour sa part, qu'en cas d'ouverture d'une sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire. 11. Faisant l'exacte application de ces textes, la cour d'appel a retenu, sans méconnaître les règles gouvernant l'administration de la preuve, ni la subsidiarité de l'intervention de l'AGS, que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde et en a déduit qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, et afin de répondre à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, et l'AGS aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, et l'AGS et les condamne à payer à la société [M] et à la société AJ UP, en leurs qualités de liquidateur et d'administrateur de la société Ets Audis, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er mars 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 160 FS-B Pourvois n° R 20-18.356 E 20-20.416 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER MARS 2023 I - 1°/ La société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ la société Orange Caraïbe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 20-18.536 contre l'arrêt n° RG 17/23041 rendu le 17 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant à la société Digicel Antilles françaises Guyane, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. II - La société Digicel Antilles françaises Guyane, société anonyme, a formé le pourvoi n° E 20-20.416 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Orange, société anonyme, 2°/ à la société Orange Caraïbe, société anonyme, défenderesses à la cassation. Les demanderesses au pourvoi n° R 20-18.356 invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° E 20-20.416 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont a été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Orange et Orange Caraïbe, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Digicel Antilles françaises Guyane, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, M. Calloch, conseillers, Mmes Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-18.356 et 20-20.416 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2020) et les productions, la société France Telecom, devenue la société Orange, commercialise dans les départements de Guadeloupe, Martinique et Guyane (la zone Antilles-Guyane) des services de téléphonie fixe et d'accès à l'internet haut débit. La société Orange Caraïbe, filiale de la société Orange, est un opérateur de télécommunications mobiles qui a bénéficié d'un monopole de fait pour les services de téléphonie mobile dans la même zone jusqu'au mois de décembre 2000, date d'arrivée sur ce marché de la société Bouygues Telecom Caraïbe (la société BTC). La société Digicel Antilles françaises Guyane (la société Digicel) a racheté en 2006 la société BTC. Elle est spécialisée dans le secteur d'activité des télécommunications sans fil. 3. Le 9 juillet 2004, la société BTC a saisi le Conseil de la concurrence d'une plainte, avec demande de mesures conservatoires, aux fins de voir constater et condamner des pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par les sociétés Orange et Orange Caraïbe (les sociétés Orange) sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane. 4. Par une décision n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004, le Conseil de la concurrence a estimé que certaines pratiques dénoncées étaient susceptibles d'être constitutives d'entente ou d'abus de position dominante et a prononcé, à titre conservatoire, dans l'attente de la décision au fond, quatre injonctions répondant aux mesures conservatoires sollicitées. Cette décision a été confirmée pour l'essentiel par la cour d'appel de Paris par un arrêt du 28 janvier 2005, devenu irrévocable. 5. A la suite de cette décision, la société Orange Caraïbe a modifié son programme « Changez de Mobile » à compter du 14 avril 2005. 6. Le 10 mars 2009, la société Digicel a assigné les sociétés Orange en réparation du préjudice causé par les pratiques identifiées ayant, selon elle, anormalement bloqué son développement sur le marché de la téléphonie mobile aux Antilles et en Guyane. 7. Les pratiques définitivement sanctionnées par l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) et imputées aux sociétés Orange sur le fondement des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L. 420-2 du code de commerce ont consisté à avoir imposé, entre décembre 2000 et le 24 janvier 2005, des clauses d'exclusivité dans les accords de distribution conclus avec des distributeurs indépendants de la zone Antilles-Guyane, à avoir appliqué, entre le 1er avril 2003 et le 24 janvier 2005, une clause d'exclusivité insérée dans le contrat conclu avec l'unique réparateur agréé de terminaux dans les Caraïbes, à avoir mis en place, à partir d'avril 2002 jusqu'à avril 2005, un programme de fidélisation des abonnés dénommé « Changez de Mobile », en vertu duquel les clients d'Orange Caraïbe ne pouvaient utiliser leurs points de fidélité que pour l'acquisition d'un nouveau terminal en se réengageant pour 24 mois, à avoir pratiqué, entre l'année 2003 et le 14 avril 2005, une différenciation tarifaire abusive entre les appels « on net » (vers son réseau) et les appels « off net » (vers un réseau concurrent), à avoir, pour la société Orange, favorisé sa filiale Orange Caraïbe par rapport aux concurrents de cette dernière, en commercialisant, de décembre 2000 au 21 mai 2002, l'offre « Avantage Améris » consistant à appliquer à de nombreux clients professionnels une réduction sur les appels depuis un poste fixe vers le réseau mobile de la société Orange Caraïbe exclusivement, puis en maintenant cette offre jusqu'en décembre 2005 pour les clients qui l'avaient déjà souscrite. 8. Plusieurs rapports d'expertise établis par les cabinets Sorgem et Tera, à la demande de la société Digicel, et par le cabinet Mapp et M. [M], à la demande des sociétés Orange, ont été produits dans l'instance en réparation. 9. Statuant sur une requête en interprétation du jugement, la cour d'appel de Paris, a, par arrêt du 10 octobre 2018, dit qu'il y a lieu d'interpréter le jugement comme suit : « Condamne in solidum les sociétés Orange et Orange Caraïbe (anciennement France Telecom) à verser à la société Digicel Antilles françaises Guyane la somme de 179,64 millions d'euros en réparation de ses préjudices, cette somme portant intérêts au taux de 10,4 % à compter du 10 mars 2009, date de l'assignation jusqu'à complet paiement ». Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches, le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche, le troisième moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, le quatrième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° 20-18.356, ci-après annexés 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, de ce pourvoi Enoncé du moyen 11. Les sociétés Orange font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Digicel, premièrement, au titre du gain manqué, la somme de 173,64 millions d'euros, ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, deuxièmement, la somme de 7,12 millions d'euros en réparation des surcoûts engendrés par les exclusivités imposées aux distributeurs, ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018, troisièmement, la somme de 737 500 euros en réparation des surcoûts engendrés par l'exclusivité de réparation qu'elle a conclue, ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux capitalisé de 5,3 % à compter du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, alors : « 1°/ que la démonstration du lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles imputables au défendeur et chacun des préjudices concrètement allégués ne détermine pas seulement l'existence, mais également la mesure de la créance de réparation et incombe au demandeur à l'action en responsabilité ; qu'en l'espèce, à propos de chacune des pratiques en cause, la cour d'appel s'est bornée à reprendre la description que l'Autorité en avait donnée, à exposer les effets anticoncurrentiels seulement "potentiels" qu'elle leur avait attribués, à constater que les parts de marchés de BTC avaient stagné concomitamment avec leur mise en oeuvre, au mépris de la progression "normale" qui aurait dû être celle d'un second entrant sur un marché de téléphonie mobile, puis, sur la base de ces seuls constats, à considérer que le lien de causalité entre ces pratiques et le retard de développement de BTC était établi, de sorte qu'il incombait désormais aux sociétés Orange de rapporter la preuve de ce que le retard de développement de BTC résultait, en tout ou partie, de causes étrangères ; qu'en procédant de la sorte, cependant que la démonstration du lien de causalité n'impliquait pas seulement de déterminer si la stagnation des parts de marché de BTC/Digicel avait été causée par les pratiques en cause, mais aussi de déterminer si l'intégralité du déficit de croissance de BTC/Digicel allégué par cette dernière devait être attribuée aux pratiques des sociétés Orange et qu'à ce titre, ces dernières n'assumaient pas le fardeau d'administrer la preuve contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, et 1315, devenu 1353, du code civil ; 3°/ que la détermination du lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles imputables au défendeur et les gains manqués allégués par le demandeur ne saurait se fonder sur la seule observation du fonctionnement comparé de plusieurs marchés géographiques et doit tenir compte de toutes les circonstances concrètes pertinentes, tirées notamment des choix stratégiques respectifs du demandeur et de ses concurrents, des moyens dont ils se sont dotés pour réaliser leurs objectifs et, plus généralement, de leurs mérites concurrentiels respectifs ; que les sociétés Orange faisaient valoir que la stagnation des parts de marché de BTC au cours des années 2003 à 2005 trouvait son explication dans les choix stratégiques de cette dernière et, notamment, dans une politique de sous-investissement flagrant en comparaison des investissements corporels engagés dans le même temps par Orange Caraïbe ; qu'en rejetant ce moyen au motif que "même à admettre un sous-investissement de BTC en comparaison des investissements d'Orange Caraïbe, le lien de causalité avec le plafonnement de la part de marché de BTC n'est pas démontré, étant rappelé qu'il appartient à l'auteur de la pratique fautive, de démontrer que le préjudice, en l'espèce, la limitation anormale du développement de BTC, serait dû à une faute de la victime", cependant que le caractère opérant de ce moyen, qui invitait la cour à apprécier l'influence des choix stratégiques du demandeur à l'action indemnitaire sur sa capacité d'atteindre, en l'absence des pratiques, le même développement commercial que celui d'autres seconds entrants sur des marchés géographiques distincts, ne pouvait être subordonné à la démonstration d'une faute du demandeur, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 12. L'arrêt retient, d'abord, que les pratiques, constituées par l'offre fidélisante du programme « Changez de Mobile », par celle intitulée « Avantage Améris », par la différenciation tarifaire entre les appels « on net » et les appels « off net », ainsi que par les clauses d'exclusivité de distribution et de réparation, mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane, ont été irrévocablement qualifiées de pratiques anticoncurrentielles par l'Autorité et que la violation de la loi en résultant constitue nécessairement une faute civile. Analysant les effets généraux des pratiques sur le fonctionnement du marché, il estime, ensuite, que la pratique du programme « Changez de Mobile » était de nature à dissuader le consommateur de faire jouer la concurrence au moment où cela lui aurait été possible et ainsi à cristalliser les parts de marché de l'opérateur dominant au détriment de ses concurrents, que l'offre « Avantage Améris » a incité les entreprises clientes de la société Orange à se tourner vers la société Orange Caraïbe pour leur abonnement mobile, que les clauses d'exclusivité figurant dans les contrats de distribution de cette société ont eu pour effet de verrouiller le marché, ont généralisé une distribution mono-marque choisie par le premier entrant sur le marché, privant le consommateur de faire un choix à l'intérieur d'une même boutique, et que la discrimination tarifaire a créé un effet de fidélisation de la clientèle, en renforçant artificiellement l'attractivité de la société Orange Caraïbe à l'égard des consommateurs. Examinant la situation de la société BTC dans la période contemporaine ou postérieure aux pratiques, il estime, encore, que le programme « Changez de Mobile » a eu des effets concrets sur les possibilités de la société BTC de développer ses activités en verrouillant une partie de la clientèle « forfait » jusqu'en 2007, en relevant que cette offre, commercialisée en 2002, a permis à la société Orange Caraïbe de dissuader sa clientèle éligible à ce programme d'opter pour ses concurrents, laquelle s'est trouvée engagée pour une période de deux ans, observant que cette société, en monopole lors de l'arrivée de la société BTC en 2000, a vu ses parts de marché tomber à 75 % en 2002, avant de remonter à 83 % à la fin de l'année 2003, soit au moment où l'offre de fidélisation a commencé à produire ses effets. Il estime, également, qu'il est établi que les parts de marché de la société BTC sur le segment des forfaits a subi une stagnation dès l'année 2002 pour atteindre en 2005 un niveau équivalent à celui acquis en 2001, relevant qu'il s'agit d'une situation anormale pour un nouvel entrant sur un marché jusque-là en situation de monopole. Il ajoute que la fidélisation de la clientèle des entreprises résultant de l'offre « Avantage Améris » s'est opérée au détriment du développement de la société BTC, qui a été cantonné de façon anormale à moins de 5 % sur ce segment. Il retient, également, que les exclusivités de distribution ont eu pour conséquence de diminuer les ventes et d'augmenter les coûts de la société BTC, en réduisant sa capacité à s'appuyer sur un réseau de distributeurs indépendants spécialisés et bien implantés et en générant pour elle des surcoûts pour la construction d'un réseau. Il retient, en outre, que l'exclusivité de réparation a empêché la société BTC de bénéficier des services du seul réparateur existant, cependant qu'en tant que nouvel entrant détenant alors 20 % des parts du marché, elle ne disposait pas de la clientèle suffisante pour générer un flux de maintenance permettant d'amortir les coûts de la création d'un centre de réparation local. Il estime que la circonstance de l'arrivée tardive de la société BTC sur ce marché sur lequel la société Orange Caraïbe se trouvait en situation de monopole de fait, depuis le mois de juin 1996 aux Antilles, et le mois de septembre 1998 en Guyane, ne peut expliquer pourquoi sa croissance a été interrompue, en 2002, à une part de marché de 20 %, cependant qu'un nouvel entrant sur le marché pratiquant des produits compétitifs opère sa croissance, non seulement sur les primo-accédants, mais aussi sur les clients captés à son concurrent, en s'appuyant sur une comparaison faite dans d'autres pays dont les marchés ont été ouverts à la concurrence. Il retient que la situation ne s'explique pas par un éventuel sous-investissement de la société BTC, observant que le taux de couverture de la population de la société Digicel était de 99,5 % aux Antilles et de 83 % en Guyane. Il relève, enfin, que l'Autorité de régulation des communications électroniques et postales attribue les évolutions des parts de marché postérieures à la date de saisine du Conseil de la concurrence au prononcé, le 9 décembre 2004, des mesures conservatoires et en déduit que la société BTC a profité immédiatement de l'impact de ces mesures sur la base d'offres commerciales inchangées. 13. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte qu'elle ne s'est pas bornée à relever les effets anticoncurrentiels sur le marché considéré des pratiques d'abus de position dominante irrévocablement sanctionnées, mais qu'elle a examiné, pour chacune des pratiques en cause, les conséquences concrètes qui en étaient résulté pour les sociétés BTC puis Digicel qui opéraient sur ce marché, qu'elle a procédé à une comparaison des performances de la société BTC/Digicel sur l'évolution des parts de marché observées avant et après la mise en oeuvre des mesures conservatoires, qu'elle a pris en considération également les enseignements issus d'une étude du fonctionnement de marchés estimés semblables, qu'elle a analysé les éléments pris de la stratégie ou du comportement commercial de la société BTC ou de la société Digicel qui lui étaient soumis au soutien d'une autre explication des résultats de ces sociétés au moment ou au terme des pratiques en cause, et qu'elle a écarté le caractère causal de ces éléments dans ces résultats, la cour d'appel a pu décider, sans inverser la charge de la preuve dès lors que les sociétés Orange n'avaient pas établi, comme il leur appartenait en l'état de leur comportement fautif à l'origine du dommage, que les sociétés BTC et/ou Digicel avaient eu, elles-mêmes, un comportement fautif de nature à conduire, le cas échéant, à un partage de responsabilité, que ce comportement des sociétés Orange était à l'origine de l'entier préjudice de développement de ces sociétés. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches, de ce pourvoi Enoncé du moyen 15. Les sociétés Orange font le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise privée réalisée à la demande de l'une des parties pour asseoir la preuve des faits dont l'existence est débattue ; qu'il s'en déduit que lorsque le demandeur à une action indemnitaire, sur lequel pèse la charge de la preuve de son préjudice, produit un rapport d'expertise privée aux fins de chiffrer son préjudice et que la partie défenderesse conteste l'exactitude même des données sur lesquelles se fonde ce rapport d'expertise privée, telle la marge brute réalisée par la partie demanderesse, le juge ne saurait tenir ces données pour établies en se fondant sur les seules allégations contenues dans ce rapport d'expertise privée et doit requérir la preuve de leur exactitude par la production de pièces justificatives ; qu'en l'espèce, les sociétés Orange faisaient valoir que les évaluations de gains manqués auxquelles s'étaient livrées les cabinets Sorgem et Tera à la demande de la société Digicel reposaient sur l'allégation d'une marge brute moyenne réalisée par BTC/Digicel entre 2002 et 2009 calculée par le cabinet Sorgem sur la base de données communiquées par cette dernière, qui n'étaient étayées d'aucune pièce justificative de nature à établir la matérialité, le montant et l'affectation des coûts allégués ; qu'en repoussant ce moyen, aux motifs inopérants que les sociétés Orange échouaient à démontrer que BTC/Digicel aurait engagé des coûts de réseaux plus importants en cas de croissance supérieure, de nature à invalider le taux de marge sur coûts variables retenu par le cabinet Sorgem et que "le rapport Sorgem (pièce 44, pp. 24 et 25) répondant aux critiques du Cabinet MAPP sur le taux de marge appliqué, observe que ce taux de marge sur coûts variables de 38 % est inférieur au taux de marge sur coûts complets d'Orange Caraïbe (...) qui oscille entre 37 et 51 % sur la période de 1999 à 2006 alors que ce taux est mécaniquement plus faible que le taux de marge sur les seuls coûts variables, ce qui démontre le caractère raisonnable de l'évaluation Sorgem", la cour d'appel, qui s'est par-là exclusivement fondée sur les allégations d'un rapport d'expertise privée non corroborées par des pièces justificatives, a violé les articles 16 et 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 2°/ qu'en négligeant de s'assurer de l'exactitude des données sur lesquelles les rapports d'expertise privée produits par la partie demanderesse s'étaient fondés, notamment pour établir la marge moyenne sur coûts variables réalisée par BTC/Digicel entre 2002 et 2009, cependant que ces données étaient expressément contestées par les défenderesses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°/ que la réparation des préjudices consécutifs à des pratiques anticoncurrentielles doit tendre à replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée en l'absence de ces pratiques, sans perte ni profit ; que la société Orange Caraïbe faisait valoir dans ses conclusions que la perte de marge de BTC/Digicel, telle qu'elle avait été calculée par le cabinet Sorgem, était surévaluée à au moins deux titres : premièrement, en ce que ce consultant n'avait pas neutralisé l'économie de coûts de six millions d'euros par an (soit 20 % du préjudice) dont BTC/Digicel avait profité entre 2004 et 2011 par l'effet de décisions de l'ARCEP lui accordant le bénéfice d'une terminaison d'appel supérieure à celle d'Orange Caraïbe, compte tenu de l'assymétrie de leurs parts de marché, alors même que le même avantage ne lui aurait pas été accordé dans le scénario contrefactuel retenu d'une progression soutenue des parts de marché de BTC jusqu'en 2004 ; deuxièmement, en ce que ce consultant n'avait pas tenu compte du rééquilibrage qui se serait nécessairement produit dans le scénario contrefactuel retenu en faveur des offres prépayées et au détriment des offres post-payées et qui aurait donc dégradé le taux de marge ; qu'en se bornant, pour rejeter ce moyen, à énoncer, par voie d'emprunt aux conclusions de Digicel, que "les rapports Sorgem et TERA ont retenu la marge sur coûts variables, de sorte que les coûts évités si BTC avait connu un meilleur développement ont été pris en compte", sans préciser sur quelle pièce elle fondait cette affirmation, laquelle ne ressortait nullement du rapport Sorgem du 27 mars 2015, ni de ses annexes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ qu'il ressortait du rapport d'expertise privée du cabinet Tera du 15 avril 2014 que, pour estimer le préjudice de développement subi par la société BTC/Digicel, ce consultant se fondait sur le présupposé que "la permanence de certaines pratiques a pu être constatée après le prononcé des mesures conservatoires", puisque "la pratique de fidélisation abusive, qui a permis à Orange Caraïbe de capter la frange [de] clientèle la plus rentable a été maintenue après 2005, même si l'Autorité de la concurrence ne s'est pas prononcée sur ce point" et que "du fait des pratiques de fidélisation qui ont perduré après 2005, Digicel a eu beaucoup plus de difficultés à développer sa part de marché sur le segment des forfaits, segment le plus rémunérateur du marché" ; que, pour justifier la condamnation indemnitaire des sociétés Orange à hauteur de la somme, proposée par le cabinet Tera, de 173,64 millions d'euros avant actualisation, la cour d'appel énonce que l'approche globale soutenue par la société Digicel et ses consultants doit être retenue puisque "toutes les pratiques abusives dénoncées sont retenues", contribuant à un résultat global et unique, puis ajoute qu'il convient de retenir, conformément à la demande, un préjudice de développement constitué d'un gain manqué issu de l'ensemble des pratiques, de 173,64 millions d'euros ; qu'en se prononçant de la sorte, après avoir pourtant jugé que c'est à tort que la société Digicel prétendait que la société Orange Caraïbe ne s'était pas pleinement conformée à l'injonction qui lui avait été faite par le Conseil de la concurrence de modifier son offre "Changez de Mobile" et pareillement à tort que les premiers juges avaient retenu que l'effet fidélisant à l'origine du caractère anticoncurrentiel de l'offre "Changez de Mobile" avait perduré après les mesures conservatoires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qu'appelaient ses propres constatations, lesquelles lui interdisaient d'entériner purement et simplement l'évaluation proposée par le rapport Tera, et ainsi violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 16. En premier lieu, l'arrêt relève, d'abord, que les rapports des cabinets Sorgem et Tera ont retenu, au titre de la valorisation des clients manqués, la marge sur coûts variables, le rapport Sorgem estimant ce taux à 38 %. Il retient, ensuite, que les coûts évités, si la société BTC avait connu un meilleur développement sans les pratiques en cause, ont été pris en compte et estime qu'il n'est pas démontré que des coûts de réseaux plus importants auraient été encourus en cas de croissance supérieure. L'arrêt observe, en outre, que ce rapport Sorgem, répondant aux critiques du rapport Mapp produit par les sociétés Orange, relève que ce taux de marge sur coûts variables de 38 % est inférieur aux taux de marge sur coûts complets de la société Orange Caraïbe, cependant que ce taux est mécaniquement plus faible que le taux de marge sur les seuls coûts variables, ce qui démontre le caractère raisonnable de l'évaluation du rapport Sorgem. 17. En cet état, et dès lors qu'il résulte du rapport Sorgem, suivi en cela par le rapport Tera, que les coûts variables retenus par cet expert de la société Digicel ont été reconsidérés et modifiés à la suite des critiques effectuées par le rapport [M] produit par les sociétés Orange sur la pertinence des données issues de la comptabilité analytique de la société Digicel, la cour d'appel, qui ne s'est pas exclusivement fondée sur une expertise privée réalisée à la demande d'une partie et n'a pas inversé la charge de la preuve, mais a tranché entre deux analyses divergentes sur la nature des coûts à prendre en compte pour déterminer la marge brute pertinente devant servir de base au calcul du préjudice de développement subi par la société Digicel et l'effet qu'aurait eu sur ces coûts un développement non entravé de cette dernière, a pu statuer comme elle a fait. 18. En second lieu, l'arrêt retient, d'un côté, que le programme « Changez de Mobile », dans sa version initiale de juin 2002 jusqu'au mois d'avril 2005, a produit ses effets du fait de la durée des engagements sur 24 mois, jusqu'à avril 2007, et causé un préjudice à la société BTC/Digicel pendant toute cette période, et, de l'autre, que, s'agissant de la seconde version de ce programme, son effet fidélisant n'est pas établi. Il estime que la méthode d'évaluation du rapport Sorgem ne prend pas en considération la poursuite alléguée, après 2006, des effets de cette seconde pratique de fidélisation. 19. En l'état de ces appréciations, c'est sans méconnaître la portée de ses constatations sur la durée des pratiques de fidélisation fautives que la cour d'appel, qui a pris en considération, pour estimer le préjudice de développement, tant l'évaluation du rapport Tera que celle du rapport Sorgem au regard de leur convergence, en retenant celle du rapport Tera en raison de son caractère moins-disant sur le préjudice de développement, a statué comme elle a fait. 20. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen de ce pourvoi, pris en ses quatre premières branches Enoncé du moyen 21. Les sociétés Orange font le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que la réparation des préjudices consécutifs à des pratiques anticoncurrentielles doit tendre à replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée en l'absence de ces pratiques, sans perte ni profit ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations mêmes de la cour d'appel que les diverses pratiques reprochées aux sociétés Orange avaient été mises en oeuvre à des époques distinctes, leur chevauchement dans le temps n'étant que partiel et qu'elles avaient affecté des segments de clientèle distincts (la clientèle des forfaits postpayés pour le programme "Changez de Mobile", la clientèle d'entreprises pour "l'Avantage Améris", la clientèle des offres et cartes prépayées pour la pratique de différenciation tarifaires) ; que, pour justifier néanmoins l'approche proposée par Digicel et ses consultants consistant à évaluer de manière globale les préjudices consécutifs à l'ensemble de ces pratiques, la cour d'appel énonce que les pratiques dénoncées se sont cumulées dans le temps et se sont renforcées les unes les autres, contribuant à un résultat global et unique, l'obstacle au développement de BTC sur le marché antillo-guyanais de la téléphonie mobile, et ajoute qu'au regard de la difficulté d'isoler les effets propres de chacune, l'approche globale est justifiée ; qu'en se prononçant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constatations que les diverses pratiques en cause avaient produit des effets sur des périodes différentes et sur des segments de clientèle distincts et nettement circonscrits, de sorte que les préjudices en résultant étaient susceptibles d'être distinctement évalués, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ qu'en tant qu'elles privent les concurrents de la faculté de concourir à armes égales afin de conquérir de nouveaux clients, les pratiques de verrouillage, telles que les offres fidélisantes et les clauses d'exclusivité, mises en oeuvre par un opérateur dominant donnent naissance à un préjudice économique qui, compte tenu de l'aléa inhérent à la vie des affaires, ne peut s'analyser autrement que comme une perte de chance de réaliser des gains ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'offre "Changez de Mobile" avait eu pour effet de dissuader les clients d'Orange Caraïbe de migrer vers d'autres opérateurs et de réduire ainsi le nombre potentiel de clients de ses concurrents, de sorte qu'il avait eu des effets concrets sur les possibilités de BTC de développer ses activités, que "l'Avantage Améris" avait pareillement fidélisé les clients "entreprises" de France Telecom au détriment du développement de BTC sur ce segment et que les clauses d'exclusivité de distribution avaient eu pour effet de réduire la capacité de BTC de s'appuyer sur un réseau de distributeurs indépendants spécialisés et bien implantés ; que pour juger néanmoins que le préjudice de développement résultant de ces pratiques ne pouvait être qualifié de perte d'une chance de réaliser des gains, la cour d'appel retient que ce préjudice s'analysait en une "perte certaine de se développer sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane" (sic) et revêtait le caractère d'un manque à gagner certain attribuable à une limitation de ses ventes "sans qu'il n'existe aucun aléa de décision (victime ou partie tierce) venant rompre la chaîne causale entre la faute et le préjudice" ; qu'elle en a déduit qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer aux évaluations de gains manqués proposées par les consultants de Digicel fondées "sur un unique scénario considéré comme le plus probable" un coefficient d'aléa, lequel aurait constitué un frein à l'indemnisation intégrale des victimes d'infractions aux articles 101 et 102 du TFUE, commandée par l'effet utile du TFUE ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la réalisation de tels gains était nécessairement tributaire de l'aléa de décision du consommateur ainsi que de l'aléa de comportement des autres opérateurs, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°/ qu'en l'état de pratiques de l'opérateur dominant sur un marché ayant altéré la capacité d'un autre opérateur de concourir à armes égales afin de conquérir de nouveaux clients, l'évaluation des gains manqués, doit, quelle que soit leur qualification juridique, tenir compte de l'aléa inhérent à la vie des affaires, dès lors que la réalisation de tels gains est toujours tributaire du pouvoir de décision du consommateur ; qu'en l'espèce, il ressortait des rapports du cabinet Tera des 15 avril 2015 et 27 mars 2015, dont l'évaluation a été reprise à son compte par la cour d'appel, que, pour calculer les gains manqués par Digicel pendant une période de huit années s'échelonnant entre 2001 et 2008, ce consultant avait sélectionné un échantillon de quatre marchés géographiques de téléphonie mobile (Malte, Luxembourg, Bulgarie et Irlande) ayant une structure de concurrence supposée comparable à celle de la zone Antilles-Guyane, puis avait déterminé une "trajectoire" ou "situation de référence" égale à la moyenne des parts de marché du deuxième entrant au cours de ses huit premières années d'exploitation, présentée comme représentative de la progression "normale" qui aurait été celle de BTC/Digicel en l'absence des pratiques et avait enfin appliqué à chaque client non conquis la marge brute moyenne de BTC/Digicel au cours de chacune de ces huit années ; qu'en retenant qu'une telle méthode avait permis de construire un scénario contrefactuel de "l'évolution qu'aurait dû connaître BTC en l'absence de pratiques anticoncurrentielles", quand une telle évolution, si elle était théoriquement possible ne pouvait en aucun cas revêtir un caractère de certitude, ni même de probabilité suffisante, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ que la réparation des préjudices consécutifs à des pratiques anticoncurrentielles doit tendre à replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée, compte tenu de ses mérites propres, en l'absence de ces pratiques et ne saurait, sauf à méconnaître l'exigence d'individualisation du préjudice, se fonder de manière exclusive sur un modèle théorique déconnecté de tout examen concret du dynamisme et des mérites concurrentiels propres du demandeur et de ses concurrents ; que, pour repousser le moyen par lequel les sociétés Orange reprochaient à Digicel et à ses consultants de s'être exclusivement déterminés par référence à une modélisation théorique de développement, décorrélée de tout examen des facteurs propres à BTC, tels que le niveau anormalement faible de ses investissements pour un second entrant ou ses erreurs stratégiques l'ayant conduit à axer sa communication et son marketing sur les forfaits prépayés au mépris de la préférence des consommateurs locaux pour les offres et cartes prépayées, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que ces facteurs n'expliquaient pas l'insuffisance de la part de marché de BTC et à renvoyer aux motifs par lesquels elle avait considéré qu'ils n'étaient pas de nature à interrompre le lien de causalité entre les pratiques reprochées et le préjudice développement invoqué ; qu'en se prononçant par un tel motif, cependant que l'impératif d'individualisation du préjudice imposait de tenir compte des mérites concurrentiels propres du demandeur à l'action indemnitaire pour déterminer la situation dans laquelle il se serait trouvé en l'absence des pratiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 22. En premier lieu, l'arrêt retient que les différentes pratiques mises en oeuvre se sont cumulées dans le temps et se sont renforcées les unes les autres, contribuant toutes à un résultat global et unique constitué par l'obstacle au développement de la société Dicigel sur le marché antillo-guyanais de la téléphonie mobile, portant atteinte à sa croissance. 23. En l'état de ces énonciations, c'est dans l'exercice souverain de son pouvoir d'appréciation que la cour d'appel, qui a relevé l'existence d'un seul et même préjudice de développement causé par différentes pratiques fautives, a décidé que son évaluation devait être effectuée de manière globale. 24. En deuxième lieu, l'arrêt énonce qu'en application du principe de la réparation intégrale, il convient de placer la partie lésée dans la situation où elle se serait trouvée si l'infraction ne s'était pas produite, ce qui conduit à construire un scénario contrefactuel de ce qu'aurait été l'évolution normale du marché si les pratiques n'avaient pas existé. Il décrit les scenarii élaborés par les deux experts de la société Digicel, fondés, l'un, sur l'estimation de ce qui se serait produit en l'absence d'infraction en s'intéressant à la période qui a suivi la fin des pratiques en la comparant à la situation réelle pendant la période au cours de laquelle l'infraction a produit ses effets, l'autre, sur la comparaison d'autres marchés géographiques similaires à celui de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane pour évaluer la part de marché qui aurait été celle de la société Digicel en l'absence des pratiques. Il répond aux critiques formulées par les sociétés Orange sur la méthode et les hypothèses de ces scenarii, en les écartant, et, relevant que les deux méthodes aboutissent approximativement à la même évaluation du préjudice, retient celle conduisant à la somme la moins élevée. 25. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que le préjudice subi par un opérateur présent sur un marché faussé par des pratiques de fidélisation, de discrimination tarifaire et d'exclusivité abusives verrouillant l'accès à la clientèle consiste en une limitation des ventes dont le montant a été reconstitué, par la mise en oeuvre de méthodes contrefactuelles, admises par la doctrine économique et reposant nécessairement sur des hypothèses dont la pertinence a été débattue par les parties et analysée par l'arrêt, sur la base d'un fonctionnement du marché qui n'aurait pas été faussé par les comportements fautifs relevés, la cour d'appel a exactement décidé que ce préjudice n'était pas une perte de chance mais un gain manqué. 26. En troisième lieu, l'arrêt retient que si les sociétés Orange reprochent aux rapports des cabinets Sorgem et Tera de ne pas avoir pris en compte des facteurs extérieurs aux pratiques qu'elles avaient mises en oeuvre, ni la stratégie commerciale de la société Digicel ni sa politique d'investissement n'expliquent l'insuffisance de la part de marché de cette dernière. 27. En l'état de ces appréciations, dont il résulte que, contrairement à ce que soutenaient ces sociétés, le comportement propre de la société Digicel n'avait eu aucun rôle causal dans son préjudice, ni dans sa survenance, ni dans son étendue, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef. 28. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le quatrième moyen, pris en ses sixième, septième, huitième et neuvième branches, de ce pourvoi Enoncé du moyen 29. Les sociétés Orange font grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité des demandes de la société Digicel tendant à la capitalisation des intérêts et à l'application d'un taux d'intérêt de 5,3 % de 2001 à 2005 et de 9 % à partir de 2006, de déclarer ces demandes recevables, et de les condamner in solidum à payer à la société Digicel, en réparation de son préjudice financier, premièrement les intérêts de la somme de 173,64 millions d'euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, deuxièmement, les intérêts de la somme de 7,12 millions d'euros au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018 et, troisièmement, les intérêts de la somme de 737 500 euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, alors : « 6°/ que la capitalisation des intérêts compensatoires a pour fonction de compenser le préjudice financier consécutif à l'indisponibilité des seuls intérêts, préjudice lui-même distinct du préjudice financier consécutif à l'indisponibilité du principal que réparent les intérêts simples ; qu'elle ne tend donc pas aux mêmes fins que la demande d'intérêts simples ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Digicel ne formulait pas clairement en première instance une demande d'actualisation impliquant que les intérêts octroyés en réparation de son préjudice de trésorerie fussent annuellement capitalisés ; qu'en jugeant néanmoins recevable cette demande de capitalisation des intérêts, explicitement présentée pour la première fois dans ses conclusions d'appel du 18 décembre 2018, au motif que la société Digicel ne formulait pas en cause d'appel une demande d'anatocisme au sens de l'article 1154 du code civil, mais se bornait à modifier les modalités de calcul du préjudice financier dont elle avait demandé réparation dès la première instance, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile ; 7°/ que selon l'article 566 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige compte tenu de la date de la déclaration d'appel, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Digicel ne formulait pas clairement en première instance une demande d'actualisation impliquant que les intérêts octroyés en réparation de son préjudice de trésorerie fussent annuellement capitalisés ; qu'en jugeant néanmoins que cette demande, présentée pour la première fois dans ses conclusions d'appel du 18 décembre 2018, était recevable en ce qu'elle constituait un complément à sa demande initiale de réparation de son préjudice financier, sans préciser en quoi elle en aurait été le complément "nécessaire", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile ; 8°/ que selon l'article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent, à peine d'irrecevabilité, présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond et ne peuvent, dans des conclusions ultérieures, émettre des prétentions nouvelles, si ce n'est celles destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, il ressortait des premières conclusions d'intimée et d'appel incident régularisées le 20 juillet 2018 par la société Digicel que cette société avait, à titre principal, demandé la confirmation du jugement entrepris en tant qu'il lui avait alloué, en réparation du préjudice financier allégué, le taux "WACC " pour Weight Average Cost Of Capital (en français : coût moyen pondéré du capital (CMPC)), correspondant au taux de rémunération du capital en matière de téléphonie mobile fixé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (l'ARCEP) et avait sollicité sa réformation sur le seul point de départ de cette actualisation, qu'elle souhaitait voir fixée au 1er janvier 2002 ; qu'il ressortait de ces mêmes conclusions que la seule demande subsidiaire que la société Digicel avait alors formée tendait à se voir allouer le taux de l'intérêt légal, majoré de 0,5 point ; que, pour juger la société Digicel recevable à présenter dans ses conclusions du 18 décembre 2018 une nouvelle demande subsidiaire tendant, à défaut du taux WACC, à obtenir en réparation de son préjudice financier, un taux d'intérêt capitalisé de 5,3 % de 2001 à 2005 correspondant au taux d'intérêt moyen de son propre endettement, et un taux de 9 % à partir de 2006, correspondant au taux des prêts intragroupe qu'elle aurait pu consentir à sa société mère, la cour d'appel retient que dès lors que demeurent recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, Digicel était recevable à présenter une demande subsidiaire, sans encourir la fin de non-recevoir fondée sur l'article 910-4 du code de procédure civile ; qu'en se prononçant de la sorte, sans préciser en quoi l'énonciation de cette nouvelle demande subsidiaire aurait été destinée à répliquer à des conclusions et pièces adverses nouvelles, alors que les sociétés Orange avaient elles-mêmes critiqué l'application du taux WACC dès leurs premières conclusions d'appel, ni caractériser en quoi elle aurait été destinée à faire juger une question, née postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 9°/ qu'il ressort des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que la demande initiale de la société Digicel tendait à la réparation de la perte d'une chance de mener à bien des projets d'investissements dans le secteur de la téléphonie mobile, qui, selon ses dires, lui auraient rapporté la rentabilité moyenne que les actionnaires de sociétés de télécommunication mobile attendent de leurs investissements, soit le "WACC", tandis que sa demande subsidiaire d'application de deux taux d'intérêt successifs (5,3 % entre 2001 et 2005 et 9 % à partir de 2006) tendait à la réparation de la perte d'une chance pour la société de se désendetter entre 2001 et 2005 et, à partir de 2006, de consentir des prêts intragroupes rémunérés à sa société mère ; qu'il suit de là que ces deux demandes, qui reposaient sur l'allégation d'emplois distincts et mutuellement exclusifs les uns des autres de la même somme d'argent et qui tendaient à la réparation de préjudices eux-mêmes distincts, ne tendaient pas aux mêmes fins et n'étaient pas unies par un rapport de complémentarité ; qu'en affirmant néanmoins que "[la] demande subsidiaire [de Digicel] d'indemnisation de son préjudice financier selon le taux de prêt intragroupe est recevable, s'agissant d'une méthode alternative d'indemnisation moins disante qui constitue le complément des demandes formées devant le premier juge et qui tend aux mêmes fins que sa demande initiale d'indemnisation de son préjudice financier ", la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 30. En premier lieu, l'arrêt retient que la société Digicel sollicite la réparation d'un préjudice financier évalué selon une formule mathématique qui intègre les intérêts d'une année dans l'assiette de calcul l'année suivante : Valeur actualisée = (1+10,4) * nombre d'années x Valeur initiale (le nombre d'années devant se lire en exposant), ce qui ne constitue pas une demande d'anatocisme en application de l'article 1154 ancien du code civil, mais une demande tendant à voir calculer son préjudice financier accessoire au gain manqué selon un taux différent de ceux retenus par le tribunal, par application d'une actualisation nécessitant la capitalisation des intérêts. 31. En l'état de ces constatations et appréciations, et dès lors qu'une demande d'actualisation d'un préjudice, pris de la perte de chance de faire un certain usage de sommes perdues par la faute d'autrui, exprimé par l'application d'un taux d'intérêt, quel que soit son niveau, sur le montant des sommes perdues, nécessite, pour garantir la réparation intégrale de ce préjudice, la capitalisation des intérêts compensatoires le réparant, laquelle se distingue de la capitalisation des intérêts moratoires au sens de l'article 1343-2 du code civil, c'est à bon droit que la cour d'appel, a, sans être tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la septième branche, décidé que la demande en appel de la société Digicel, qui tendait à la réparation du préjudice financier qu'elle invoquait, selon des modalités différentes de celles qui lui avaient été accordées par le tribunal aux termes de l'arrêt interprétant le jugement, n'était pas nouvelle. 32. En deuxième lieu, l'arrêt énonce que demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. 33. En l'état de ces énonciations, et dès lors que la demande subsidiaire de la société Digicel tendant à voir réparer la perte de chance qu'elle prétendait avoir subie en raison de l'impossibilité de se désendetter ou d'être rémunérée pour des prêts inter-groupe, était une réplique aux conclusions de la société Orange, qui contestait sa prétention tendant à réparer la perte de chance prise de l'impossibilité de percevoir le rendement issu d'un investissement auquel elle n'avait pas pu procéder, et s'analysait comme une défense à la demande de rejet de l'indemnisation de son préjudice financier sur cette base, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de déclarer recevables ces demandes subsidiaires. 34. En troisième lieu, la cour d'appel a exactement retenu que la demande subsidiaire, formée en cause d'appel par la société Digicel, qui tendait à la réparation du préjudice découlant de l'impossibilité de prêter à son groupe les sommes qu'elle aurait dû percevoir si les pratiques anticoncurrentielles n'avaient pas été mises en oeuvre, valorisé selon le taux rémunérant, selon elle, de tels prêts, tendait aux mêmes fins que celles formées en première instance et tendant à la réparation de la perte d'une chance de mener à bien des projets d'investissements dans le secteur de la téléphonie mobile, qui lui auraient rapporté la rentabilité moyenne que les actionnaires de sociétés de télécommunication mobile attendent de leurs investissements, dès lors que ces demandes tendaient toutes deux à obtenir la réparation de la perte de chance d'obtenir une rémunération du réemploi des sommes dont elle avait été privées du fait du comportement fautif des sociétés Orange. 35. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-20.416 Enoncé du moyen 36. La société Digicel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Orange à lui verser, en réparation de son préjudice financier, (i) la somme de 520 538 327 euros, correspondant à l'application, sur la base d'un intérêt capitalisé, du taux WACC annuel publié par l'ARCEP, aux sommes dont la société Digicel a été privée depuis le début des pratiques et jusqu'au 31 décembre 2018 du fait de son préjudice de développement (gain manqué) ; et (ii) la somme de 29,56 millions d'euros correspondant à l'application du même taux aux surcoûts liés à l'exclusivité de distribution (25 893 122 euros) et de réparation (3 660 134 euros), et de limiter ainsi la condamnation des sociétés Orange, au titre de la réparation du préjudice financier, au paiement, s'agissant du gain manqué, des intérêts de la somme de 173,64 millions d'euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005 puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, s'agissant des surcoûts engendrés par les exclusivités imposées aux distributeurs, les intérêts de la somme de 7,12 millions d'euros au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018, et s'agissant des surcoûts engendrés par l'exclusivité de réparation, des intérêts de la somme de 737 500 euros au taux capitalisé de 5,3 % à compter du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, alors : « 1°/ que la réparation du préjudice financier ou de trésorerie résultant de la perte de chance de faire fructifier les sommes dont la victime de pratiques anticoncurrentielles a été privée au taux "WACC", notamment à travers des investissements identifiés, ne peut être subordonnée à la preuve de ce que celle-ci n'aurait pu réaliser, en tout ou partie, les projets d'investissement invoqués en utilisant des fonds propres ou en recourant à d'autres sources de financement ; qu'en écartant néanmoins l'indemnisation d'un tel préjudice par la considération inopérante tirée de ce que la société Digicel disposait de la trésorerie suffisante pour mener une partie des deux projets examinés ou encore qu'elle aurait pu réaliser ces projets en demandant à sa société mère de les financer ou en trouvant d'autres sources de financement, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble les articles 101 et 102 du TFUE ; 2°/ que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; que la cour d'appel a relevé que la société Digicel "ne rapporte pas la preuve du refus de sa maison mère de financer les projets de déploiement de la FttH et de la 4G ainsi que de l'impossibilité de trouver d'autres sources de financement" ; qu'en reprochant ainsi à la société Digicel de ne pas avoir démontré son impossibilité de recourir à des solutions de financement alternatives afin de pallier l'indisponibilité des sommes dont elle avait été indûment privée, la cour d'appel a fait peser sur la société Digicel l'obligation de limiter son préjudice dans l'intérêt des sociétés Orange, de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ; 3°/ qu''en reprochant à la société Digicel, pour refuser d'indemniser son préjudice financier au taux "WACC", de ne pas avoir rapporté la preuve du refus de sa maison mère de financer les projets de déploiement de la FttH et de la 4G ainsi que de l'impossibilité de trouver d'autres sources de financement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 4°/ qu'en relevant que la société Digicel disposait d'une trésorerie suffisante pour mener une "partie" des deux projets examinés (déploiement de la FttH et de la 4G), ce dont il résultait qu'elle ne disposait pas d'une trésorerie suffisante pour réaliser la totalité de ces deux projets, la cour d'appel s'est prononcée par une motivation impropre à justifier l'absence de toute réparation du préjudice financier au taux "WACC", de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 5°/ que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; en relevant qu'"il n'est pas établi que Digicel aurait conservé la trésorerie accumulée entre 2001 et 2008 pour financer des projets d'investissement à lancer en 2016 et qu'elle n'aurait pas distribué ces sommes en amont de la transaction de 2006 et en aval via des dividendes comme [le montre] le cabinet Accuracy", la cour d'appel, qui statuait sur la réparation d'une perte de chance, ne pouvait exiger de la société Digicel qu'elle démontre, de manière certaine, qu'elle aurait pris la décision d'utiliser la trésorerie accumulée afin de financer les projets d'investissements litigieux, de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 6°/ qu'en relevant "qu'il n'est pas établi que Digicel aurait conservé la trésorerie accumulée entre 2001 et 2008 pour financer des projets d'investissement à lancer en 2016 et qu'elle n'aurait pas distribué ces sommes en amont de la transaction de 2006 et en aval via des dividendes comme le cabinet Accuracy", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Digicel n'avait pas, à tout le moins, perdu une chance de prendre la décision de conserver la trésorerie qui aurait été accumulée en vue de réaliser les projets d'investissement litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 7°/ qu'en retenant que le projet "LTE & Network Upgrade" n'avait pas été abandonné puisque le LTE (4G) avait été déployé en Guadeloupe, Martinique et Guyane, sans répondre aux conclusions d'appel de la société Digicel soutenant que tout l'intérêt de ce projet résidait dans le fait pour celle-ci d'intervenir, de manière anticipée, avant l'octroi des licences 4G, de sorte que sa rentabilité était intrinsèquement liée à sa date de réalisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8°/ qu'en retenant que le projet "LTE & Network Upgrade" n'avait pas été abandonné puisque le LTE (4G) a été déployé en Guadeloupe, Martinique et Guyane, la cour d'appel s'est, en tout état de cause, prononcée par un motif impropre à écarter la réparation du préjudice financier au taux "WACC" s'agissant du projet de déploiement du FttH, de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 9°/ que les règles nationales régissant l'exercice du droit à réparation du préjudice causé par une infraction à l'article 101 ou 102 du TFUE doivent être appliquées de manière à ce que l'exercice du droit de réparation garanti par ce traité ne soit pas rendu excessivement difficile ou pratiquement impossible ; qu'en imposant à la société Digicel, pour pouvoir obtenir l'indemnisation de son préjudice financier par application du taux "WACC" aux sommes dont elle a été privée, de démontrer, de manière certaine, qu'elle avait été contrainte de renoncer aux projets d'investissement litigieux du fait de l'indisponibilité des sommes correspondant au préjudice subi et qu'elle s'était trouvée dans l'impossibilité de financer lesdits projets au moyen d'emprunts ou de fonds propres, la cour d'appel, qui a subordonné à des conditions excessives la réparation du préjudice financier subi par une victime de pratiques anticoncurrentielles, a violé les articles 101 et 102 du TFUE, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 37. L'entreprise victime de pratiques d'éviction a droit à la réparation du préjudice en résultant. Elle peut, en outre, demander la réparation d'un préjudice additionnel né, le cas échéant, de la perte de chance de réemployer, avec rémunération, les sommes dont elle a été privée. Lorsque la perte de chance invoquée est prise de l'impossibilité de réaliser un investissement, dont l'indemnisation demandée est estimée à la rentabilité moyenne des capitaux investis dans le secteur considéré, il appartient à la victime d'établir le caractère certain et direct de cette perte de chance, en prouvant la réalité du projet d'investissement qui n'a pu être réalisé ainsi que l'impossibilité de le financer autrement que par les sommes dont elle a été privée. 38. En cet état, c'est à bon droit, sans inverser la charge de la preuve et sans méconnaître le principe d'effectivité du droit de l'Union, que la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre la société Digicel dans le détail de son argumentation, ni à procéder à la recherche invoquée à la sixième branche, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les quatrième et huitième branches, subordonné la réparation de la perte de chance invoquée à la démonstration de l'impossibilité du financement des projets en cause par d'autres sources que les sommes dont la société Digicel avait été privée du fait des pratiques mises en oeuvre par les sociétés Orange, seule à même d'établir le caractère certain de cette perte et son lien direct avec les pratiques fautives. 39. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi n° E 20-20.416 Enoncé du moyen 40. La société Digicel fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en relevant, s'agissant de la réparation du préjudice financier afférent à la période postérieure à 2006, que la société Digicel ne produisait aucun document de nature à justifier qu'elle aurait affecté les sommes dont elle avait été privée à des prêts intragroupe alors que les profits générés par la société Digicel avaient été distribués sur cette période, et en limitant ainsi la réparation de la perte de chance subie à l'application du taux d'intérêt légal correspondant à un placement sans risque à compter du mois de janvier 2006, la cour d'appel, qui ne pouvait exiger de la victime d'une perte de chance qu'elle démontre, de manière certaine, l'usage invoqué des sommes dont elle avait été privée, a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 2°/ qu'en relevant, s'agissant de la réparation du préjudice financier afférent à la période postérieure à 2006, que la société Digicel ne produisait aucun document de nature à justifier qu'elle aurait affecté les sommes dont elle avait été privée à des prêts intragroupe alors que les profits générés par la société Digicel avaient été distribués sur cette période, et en limitant ainsi la réparation de la perte de chance subie à l'application du taux d'intérêt légal correspondant à un placement sans risque à compter du mois de janvier 2006, la cour d'appel, qui a subordonné à des conditions excessives la réparation du préjudice financier subi par une victime de pratiques anticoncurrentielles, a violé les articles 101 et 102 TFUE, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 41. Après avoir relevé que la société Digicel ne produisait aucun document de nature à justifier qu'elle aurait affecté, postérieurement à l'acquisition de la société BTC, les sommes dont elle avait été privée à des prêts intra-groupe, cependant que les profits qu'elle avait générés pendant cette période avaient été distribués, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître le principe d'effectivité du droit de l'Union, que sa perte de chance devait être évaluée pour la période postérieure à 2006, en appliquant à la somme dont elle avait été privée le taux d'intérêt légal correspondant à un placement sans risque. 42. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches, réunies, du pourvoi n° R 20-18.356 Enoncé du moyen 43. Les sociétés Orange font grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité des demandes de la société Digicel tendant à la capitalisation des intérêts et à l'application d'un taux d'intérêt de 5,3 % de 2001 à 2005 et de 9 % à partir de 2006, de déclarer ces demandes recevables, et de les condamner in solidum, à payer à la société Digicel Antilles françaises Guyane, en réparation de son préjudice financier, premièrement les intérêts de la somme de 173,64 millions d'euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, deuxièmement, les intérêts de la somme de 7,12 millions d'euros au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018 et, troisièmement, les intérêts de la somme de 737 500 euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, alors : « 1°/ que le préjudice consécutif à des pratiques anticoncurrentielles doit être réparé intégralement, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; qu'à ce titre, le préjudice de trésorerie afférent à la privation de la jouissance de sommes représentatives des gains manqués par un opérateur économique en conséquence de pratiques anticoncurrentielles doit par lui-même être réparé, compte tenu de l'écoulement du temps entre le moment où de tels gains ont été manqués et le jour où le juge statue sur leur indemnisation ; que toutefois, les intérêts octroyés ne sauraient, sauf à entraîner une surcompensation de ce préjudice de trésorerie, courir sur une assiette constituée de l'intégralité de ces gains manqués à partir d'une date antérieure à celles à partir desquelles ces gains auraient été périodiquement encaissés en l'absence des pratiques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les pratiques imputées aux sociétés Orange s'étaient déroulées entre avril 2002 et avril 2005 avec un effet persistant de verrouillage de clientèle jusqu'en 2007 s'agissant de l'offre "Changez de Mobile", entre fin 2000 et mai 2002 s'agissant de l'offre "Avantage Améris", entre fin 2000 et janvier 2005 s'agissant des clauses d'exclusivité de distribution, entre avril 2003 et janvier 2005 s'agissant de l'exclusivité de réparation stipulée avec le réparateur local Cetelec, et entre 2003 et 2004 s'agissant de la différenciation tarifaire entre les appels "off net" et "on net" ; qu'elle a considéré que "sans ces pratiques, la part de marché de BTC/Digicel aurait progressé durant les quatre années de 2002 à 2005 (?) puisque dans des conditions normales de marché, la progression d'un nouvel entrant est en principe régulière" et a, en conséquence, accordé à la société Digicel, au titre de ce préjudice de développement, une somme principale de 173,64 millions d'euros représentative des gains manqués que cette société aurait engrangés si sa progression n'avait pas été entravée ; qu'en décidant néanmoins, au titre du préjudice de trésorerie afférent à la perte de la jouissance de ces gains manqués, que l'intégralité de cette somme de 173,64 millions d'euros porterait intérêts dès le 1er avril 2003, cependant qu'il s'évinçait de ses propres constatations que le préjudice de base afférent à ces gains manqués avait été subi pour une large partie postérieurement à cette date du 1er avril 2003 sa valeur ayant seulement commencé à se constituer progressivement à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ; 2°/ qu'il ressortait des rapports d'expertise privée du 27 mars 2015 et du 15 avril 2014 du cabinet Tera, dont l'évaluation a été purement et simplement entérinée par la cour d'appel, que la somme principale de 173,64 millions d'euros, était composée, selon ce consultant privé, de l'agrégation de tous les gains supposément manqués par BTC, devenue Digicel, année après année, à partir de l'année 2001 et jusqu'à la fin de l'année 2008 ; qu'en décidant néanmoins, au titre du préjudice de trésorerie afférent à la privation de la jouissance de ces gains manqués, que l'intégralité de cette somme de 173,64 millions d'euros porterait intérêts dès le 1er avril 2003, au motif inopérant qu'il s'agissait là de la "date à laquelle toutes les pratiques qui ont donné lieu à une évaluation globale, ont été mises en oeuvre", la cour d'appel, qui a par-là fait courir des intérêts sur une assiette composée, pour sa plus grande partie, de gains manqués postérieurement à cette date et dont la valeur a seulement commencé à se constituer progressivement à compter de cette date, a de plus fort violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 44. La société Digicel conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il ne résulte ni des conclusions d'appel de la société Orange ni de celles de la société Orange Caraïbe que celles-ci aient instauré une discussion sur les modalités de calcul des intérêts, discussion qui aurait été limitée à la contestation de leur point de départ global et en déduit que les griefs sont mélangés de fait et de droit. 45. Cependant, il résulte des conclusions des sociétés Orange que celles-ci critiquaient la demande de la société Digicel de voir réparer le préjudice financier qu'elle invoquait sous forme d'intérêts courant à compter du 1er janvier 2002, et qu'elles contestaient plus généralement l'existence du préjudice financier invoqué par la société Digicel et subsidiairement l'évaluation de ce dernier. 46. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, et le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit : 47. Selon ce texte, tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 48. Pour déterminer le point de départ des intérêts réparant le préjudice pris de l'indisponibilité des sommes dues au titre du préjudice de développement, l'arrêt retient qu'il doit être fixé au 1er avril 2003, date à laquelle toutes les pratiques, qui ont donné lieu à une évaluation globale, ont été mises en oeuvre. 49. En statuant ainsi, en retenant, comme point de départ des intérêts réparant le préjudice additionnel né de l'indisponibilité de la somme qu'elle a allouée au titre du préjudice de développement, celui des pratiques fautives, qui avaient duré plusieurs années, alors qu'à cette date, ce préjudice n'était pas entièrement constitué et qu'il était nécessairement progressif, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au 1er avril 2003 le point de départ des intérêts sur la somme de 173,64 millions d'euros, l'arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Digicel Antilles française Guyane aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Digicel Antilles française Guyane et la condamne à payer aux sociétés Orange et Orange Caraïbe la somme globale de 10 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi n° R 20-18.356 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Orange et Orange Caraïbe. PREMIER MOYEN DE CASSATION – sur le lien de causalité – Les sociétés Orange Caraïbe et Orange font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnées in solidum à payer à la société Digicel Antilles Françaises Guyane, premièrement, au titre du gain manqué, la somme de 173,64 millions d'euros ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, deuxièmement, la somme de 7,12 millions d'euros en réparation des surcoûts engendrés par les exclusivités qu'elle a imposées aux distributeurs ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018, troisièmement, la somme de 737.500 euros en réparation des surcoûts engendrés par l'exclusivité de réparation qu'elle a conclue, ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux capitalisé de 5,3 % à compter du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018 ; 1) ALORS QUE la démonstration du lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles imputables au défendeur et chacun des préjudices concrètement allégués ne détermine pas seulement l'existence, mais également la mesure de la créance de réparation et incombe au demandeur à l'action en responsabilité ; qu'en l'espèce, à propos de chacune des pratiques en cause, la cour d'appel s'est bornée à reprendre la description que l'Autorité de la concurrence en avait donnée, à exposer les effets anticoncurrentiels seulement « potentiels » qu'elle leur avait attribués, à constater que les parts de marchés de BTC avaient stagné concomitamment avec leur mise en oeuvre, au mépris de la progression « normale » qui aurait dû être celle d'un second entrant sur un marché de téléphonie mobile, puis, sur la base de ces seuls constats, à considérer que le lien de causalité entre ces pratiques et le retard de développement de BTC était établi, de sorte qu'il incombait désormais aux sociétés Orange Caraïbe et Orange de rapporter la preuve de ce que le retard de développement de BTC résultait, en tout ou partie, de causes étrangères ; qu'en procédant de la sorte, cependant que la démonstration du lien de causalité n'impliquait pas seulement de déterminer si la stagnation des parts de marché de BTC/Digicel avait été causée par les pratiques en cause, mais aussi de déterminer si l'intégralité du déficit de croissance de BTC/Digicel allégué par cette dernière devait être attribuée aux pratiques d'Orange Caraïbe et Orange et qu'à ce titre, ces dernières n'assumaient pas le fardeau d'administrer la preuve contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, et 1315, devenu 1353, du code civil. 2) ALORS QUE pour affirmer l'existence d'un lien de causalité entre les pratiques relevées à l'encontre des sociétés Orange Caraïbe et Orange, notamment l'offre de fidélisation « changez de mobile », et le préjudice de développement invoqué par BTC, devenue Digicel, la cour d'appel énonce que « Orange Caraïbe, en monopole lors de l'arrivée de BTC fin 2000, a vu ses parts de marché tomber à 75 % en 2002 avant de remonter à 83 % à la fin de l'année 2003, soit au moment où l'offre de fidélisation a pu commencer à produire ses effets » (p. 22, al. 1er) ; que, cependant, la cour d'appel relève plus bas « qu'une grande partie de la baisse de la part de marché en 2003 de BTC est liée au nettoyage de la base de données » (arrêt, p. 37, alinéa 1er) et explique que ce « nettoyage massif par BTC de sa base clients en 2002 et 2003 (?), qui a consisté à supprimer les clients inactifs, a eu pour effet de donner une vision exacte des parts de marché de BTC » (p. 43, al. 4) ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs contradictoires quant à la réalité même de la diminution des parts de marché de BTC et à ses causes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE la détermination du lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles imputables au défendeur et les gains manqués allégués par le demandeur ne saurait se fonder sur la seule observation du fonctionnement comparé de plusieurs marchés géographiques et doit tenir compte de toutes les circonstances concrètes pertinentes, tirées notamment des choix stratégiques respectifs du demandeur et de ses concurrents, des moyens dont ils se sont dotés pour réaliser leurs objectifs et, plus généralement, de leurs mérites concurrentiels respectifs ; que les sociétés Orange Caraïbe et Orange faisaient valoir que la stagnation des parts de marché de BTC au cours des années 2003 à 2005 trouvait son explication dans les choix stratégiques de cette dernière et, notamment, dans une politique de sous-investissement flagrant en comparaison des investissements corporels engagés dans le même temps par Orange Caraïbe ; qu'en rejetant ce moyen au motif que « même à admettre un sous-investissement de BTC en comparaison des investissements d'Orange Caraïbe, le lien de causalité avec le plafonnement de la part de marché de BTC n'est pas démontré, étant rappelé qu'il appartient à l'auteur de la pratique fautive, de démontrer que le préjudice, en l'espèce, la limitation anormale du développement de BTC, serait dû à une faute de la victime », cependant que le caractère opérant de ce moyen, qui invitait la cour à apprécier l'influence des choix stratégiques du demandeur à l'action indemnitaire sur sa capacité d'atteindre, en l'absence des pratiques, le même développement commercial que celui d'autres seconds entrants sur des marchés géographiques distincts, ne pouvait être subordonné à la démonstration d'une faute du demandeur, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4) ALORS QUE les sociétés Orange Caraïbe et Orange faisaient valoir que, quelle que soit l'année considérée entre 2001 et 2007, les investissements corporels cumulés d'Orange Caraïbe étaient toujours restés entre 2 et 2, 6 fois plus élevés que ceux de BTC/Digicel ; qu'en rejetant ce moyen aux motifs que l'existence d'une corrélation entre le niveau d'investissement sur une année et la part de marché « la même année » n'était pas démontrée, que les investissements ne sont pas linéaires en matière de téléphonie mobile et qu'existe un « décalage » entre l'engagement d'un investissement et son impact sur le marché, quand la société Digicel demandait l'indemnisation de gains manqués sur plus de huit années consécutives entre 2001 et 2008, de sorte qu'il lui incombait de rechercher si, nonobstant le phénomène de décalage temporel inhérent à tout retour sur investissement, le sous-investissement global de BTC/Digicel n'expliquait pas, au moins pour partie, le retard de développement allégué, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 5) ALORS QUE l'obligation de motivation prévue à l'article 455 du code de procédure civile interdit aux juges du fond de se déterminer par voie d'emprunt des motifs de décisions prononcées sur d'autres causes, fussent-elles connexes ; qu'en réponse au moyen par lequel Orange Caraïbe et Orange faisaient valoir que la stagnation des parts de marché de BTC au cours des années 2003 à 2005 trouvait, au moins pour partie, son explication dans la circonstance qu'au mépris de la préférence de la clientèle locale de la zone Antilles-Guyane pour les offres et les cartes prépayées, BTC avait massivement orienté sa stratégie publicitaire et marketing sur le segment plus rémunérateur, mais délaissé, des forfaits postpayés, la cour d'appel oppose qu'« ainsi que l'a retenu la Cour dans son arrêt du 4 juillet 2013, il n'est pas établi que BTC a ignoré les spécificités du marché antillo-guyanais sur lequel elle a fortement investi » ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6) ALORS QUE si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise privée réalisée à la demande de l'une des parties pour asseoir la preuve des faits dont l'existence est débattue ; qu'en l'espèce, pour établir que la stagnation des parts de marché de BTC au cours des années 2003 à 2005 trouvait, au moins pour partie, son explication dans la circonstance que BTC avait massivement orienté sa stratégie publicitaire et marketing sur le segment des forfaits postpayés au mépris de la préférence de la clientèle locale de la zone Antilles-Guyane pour les offres et les cartes prépayées, Orange Caraïbe faisait valoir que ce choix stratégique était attesté, tant par les déclarations de la direction de BTC contenues dans un rapport de gestion du 6 avril 2004 selon lesquelles « la stratégie Marketing a été réorientée massivement depuis juillet 2003 vers la conquête de clients Forfaits, porteurs de valeur. A fin d'année, la part des Forfaits dans la base clients a ainsi dépassé les 50 % », que dans le témoignage du dirigeant d'Outremer Télécom lors de la procédure d'enquête administrative ; qu'elle ajoutait que Digicel ne versait aux débats aucune preuve matérielle de ce que des offres locales spécifiques, telle que l'offre « local étendu » ou l'offre « la carte à tarif unique » aient été commercialisées avant mars 2006, au moment où le rachat de BTC par Digicel était publiquement annoncé ; qu'en réponse à ce moyen, la cour d'appel se borne encore à opposer que « l'étude réalisée par le cabinet Sorgem (pièce 42 Digicel p 22) retient que le rachat de BTC par Digicel en avril 2006 n'a pas entraîné de modifications profondes des offres existantes, s'agissant des offres "forfaits" et des offres "à la carte" et qu'un changement significatif n'a été opéré qu'en août 2008 » et en déduit qu' « ainsi, Digicel s'est bien développée sur le segment des offres prépayées en reprenant l'offre mise en place par BTC qu'elle a conservé jusqu'en 2008 » ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a méconnu les articles 16 et 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION – sur l'office du juge, confronté à des expertises privées pour l'évaluation des préjudices réparables – Les sociétés Orange Caraïbe et Orange font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnées in solidum à payer à la société Digicel Antilles Françaises Guyane, premièrement, au titre du gain manqué, la somme de 173,64 millions d'euros ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018 et, deuxièmement, la somme de 7,12 millions d'euros en réparation des surcoûts engendrés par les exclusivités qu'elle a imposées aux distributeurs ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018. 1) ALORS QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise privée réalisée à la demande de l'une des parties pour asseoir la preuve des faits dont l'existence est débattue ; qu'il s'en déduit que lorsque le demandeur à une action indemnitaire, sur lequel pèse la charge de la preuve de son préjudice, produit un rapport d'expertise privée aux fins de chiffrer son préjudice et que la partie défenderesse conteste l'exactitude même des données sur lesquelles se fonde ce rapport d'expertise privée, telle la marge brute réalisée par la partie demanderesse, le juge ne saurait tenir ces données pour établies en se fondant sur les seules allégations contenues dans ce rapport d'expertise privée et doit requérir la preuve de leur exactitude par la production de pièces justificatives ; qu'en l'espèce, les sociétés Orange Caraïbe et Orange faisaient valoir que les évaluations de gains manqués auxquelles s'étaient livrées les cabinets Sorgem et Tera à la demande de la société Digicel reposaient sur l'allégation d'une marge brute moyenne réalisée par BTC/Digicel entre 2002 et 2009 calculée par le cabinet Sorgem sur la base de données communiquées par cette dernière, qui n'étaient étayées d'aucune pièce justificative de nature à établir la matérialité, le montant et l'affectation des coûts allégués ; qu'en repoussant ce moyen, aux motifs inopérants qu'Orange Caraïbe et Orange échouaient à démontrer que BTC/Digicel aurait engagé des coûts de réseaux plus importants en cas de croissance supérieure, de nature à invalider le taux de marge sur coûts variables retenu par le cabinet Sorgem et que « le rapport Sorgem (pièce 44 pages 24 et 25) répondant aux critiques du Cabinet MAPP sur le taux de marge appliqué, observe que ce taux de marge sur coûts variables de 38 % est inférieur au taux de marge sur coûts complets d'Orange Caraïbe (?) qui oscille entre 37 et 51 % sur la période de 1999 à 2006 alors que ce taux est mécaniquement plus faible que le taux de marge sur les seuls coûts variables, ce qui démontre le caractère raisonnable de l'évaluation Sorgem », la cour d'appel, qui s'est par-là exclusivement fondée sur les allégations d'un rapport d'expertise privée non corroborées par des pièces justificatives, a violé les articles 16 et 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 2) ALORS, en outre, QU'EN négligeant de s'assurer de l'exactitude des données sur lesquelles les rapports d'expertise privée produits par la partie demanderesse s'étaient fondés, notamment pour établir la marge moyenne sur coûts variables réalisée par BTC/Digicel entre 2002 et 2009, cependant que ces données étaient expressément contestées par les défenderesses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. 3) ALORS, ensuite, QUE la réparation des préjudices consécutifs à des pratiques anticoncurrentielles doit tendre à replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée en l'absence de ces pratiques, sans perte ni profit ; que la société Orange Caraïbe faisait valoir dans ses conclusions que la perte de marge de BTC/Digicel, telle qu'elle avait été calculée par le cabinet Sorgem, était surévaluée à au moins deux titres : premièrement, en ce que ce consultant n'avait pas neutralisé l'économie de coûts de 6 millions d'euros par an (soit 20 % du préjudice) dont BTC/Digicel avait profité entre 2004 et 2011 par l'effet de décisions de l'ARCEP lui accordant le bénéfice d'une terminaison d'appel supérieure à celle d'Orange Caraïbe, compte tenu de l'asymétrie de leurs parts de marché, alors même que le même avantage ne lui aurait pas été accordée dans le scénario contrefactuel retenu d'une progression soutenue des parts de marché de BTC jusqu'en 2004 ; deuxièmement, en ce que ce consultant n'avait pas tenu compte du rééquilibrage qui se serait nécessairement produit dans le scénario contrefactuel retenu en faveur des offres prépayées et au détriment des offres post-payées et qui aurait donc dégradé le taux de marge ; qu'en se bornant, pour rejeter ce moyen, à énoncer, par voie d'emprunt aux conclusions de Digicel (§. 708), que « les rapports Sorgem et TERA ont retenu la marge sur coûts variables, de sorte que les coûts évités si BTC avait connu un meilleur développement ont été pris en compte », sans préciser sur quelle pièce elle fondait cette affirmation, laquelle ne ressortait nullement du rapport Sorgem du 27 mars 2015, ni de ses annexes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. 4) ALORS, en toute hypothèse, QU'IL ressortait du rapport d'expertise privée du cabinet Tera du 15 avril 2014 que, pour estimer le préjudice de développement subi par BTC/Digicel, ce consultant se fondait sur le présupposé que « la permanence de certaines pratiques a pu être constatée après le prononcé des mesures conservatoires », puisque « la pratique de fidélisation abusive, qui a permis à Orange Caraïbe de capter la frange [de] clientèle la plus rentable a été maintenue après 2005, même si l'Autorité de la concurrence ne s'est pas prononcée sur ce point » (p. 10) et que « du fait des pratiques de fidélisation qui ont perduré après 2005, Digicel a eu beaucoup plus de difficultés à développer sa part de marché sur le segment des forfaits, segment le plus rémunérateur du marché » (p. 23) ; que, pour justifier la condamnation indemnitaire d'Orange Caraïbe et Orange à hauteur de la somme, proposée par le cabinet Tera, de 173,64 millions d'euros avant actualisation, la cour d'appel énonce que l'approche globale soutenue par Digicel et ses consultants doit être retenue puisque « toutes les pratiques abusives dénoncées sont retenues », contribuant à un résultat global et unique (arrêt, p. 41), puis ajoute qu'il convient de retenir, conformément à la demande, un préjudice de développement constitué d'un gain manqué issu de l'ensemble des pratiques, de 173,64 millions d'euros ; qu'en se prononçant de la sorte, après avoir pourtant jugé que c'est à tort que Digicel prétendait qu'Orange Caraïbe ne s'était pas pleinement conformée à l'injonction qui lui avait été faite par le Conseil de la concurrence de modifier son offre « changez de mobile » et pareillement à tort que les premiers juges avaient retenu que l'effet fidélisant à l'origine du caractère anticoncurrentiel de l'offre "Changez de mobile" avait perduré après les mesures conservatoires (arrêt, pp. 23-24), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qu'appelaient ses propres constatations, lesquelles lui interdisaient d'entériner purement et simplement l'évaluation proposée par le rapport Tera, et ainsi violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; 5) ALORS QU'A l'appui de leur critique du rapport Tera, les sociétés Orange et Orange Caraïbe faisaient notamment valoir que l'observation de la progression du second entrant au cours de ses quatre premières années d'exploitation sur les quatre marchés étudiés n'autorisait aucune extrapolation raisonnable de ce qu'aurait pu être la progression de BTC/Digicel, compte tenu de spécificités non prises en compte dans ce rapport, en particulier la circonstance que le second entrant sur le marché de la téléphonie mobile à Malte n'était autre que l'opérateur historique maltais pour la téléphonie fixe, qui disposait, pour cette raison, d'atouts sans commune mesure avec ceux de BTC/Digicel ; qu'elles soulignaient également que les résultats du rapport Tera se trouvaient discrédités par leur confrontation avec ceux que le même consultant privé avait, par application de la même méthode, donnés dans un rapport en faveur d'Outremer Télécom dans le procès l'opposant aux sociétés Orange et Orange Caraïbe, cette confrontation faisant apparaître qu'à suivre ce consultant, l'addition des parts de marché contrefactuelles de BTC/Digicel et d'Outremer Télécom en 2008 aurait totalisé les deux tiers du marché, reléguant l'opérateur historique qu'était Orange Caraïbe au rang d' « outsider » ; qu'en négligeant de répondre à ces moyens pourtant pleinement opérants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION – sur les griefs de fond que suscitent la détermination, la qualification et l'évaluation des préjudices réparables – Les sociétés Orange Caraïbe et Orange font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnées in solidum à payer à la société Digicel Antilles Françaises Guyane, premièrement, au titre du gain manqué, la somme de 173,64 millions d'euros ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018 et, deuxièmement, la somme de 7,12 millions d'euros en réparation des surcoûts engendrés par les exclusivités qu'elle a imposées aux distributeurs ainsi qu'en réparation de son préjudice financier, les intérêts de cette somme au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018. 1) ALORS QUE la réparation des préjudices consécutifs à des pratiques anticoncurrentielles doit tendre à replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée en l'absence de ces pratiques, sans perte ni profit ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations mêmes de la cour d'appel que les diverses pratiques reprochées à Orange Caraïbe et Orange avaient été mises en oeuvre à des époques distinctes, leur chevauchement dans le temps n'étant que partiel et qu'elles avaient affecté des segments de clientèle distincts (la clientèle des forfaits postpayés pour le programme « changez de mobile », la clientèle d'entreprises pour « l'avantage Ameris », la clientèle des offres et cartes prépayées pour la pratique de différenciation tarifaires) ; que, pour justifier néanmoins l'approche proposée par Digicel et ses consultants consistant à évaluer de manière globale les préjudices consécutifs à l'ensemble de ces pratiques, la cour d'appel énonce que les pratiques dénoncées se sont cumulées dans le temps et se sont renforcées les unes les autres, contribuant à un résultat global et unique, l'obstacle au développement de BTC sur le marché antillo-guyanais de la téléphonie mobile, et ajoute qu'au regard de la difficulté d'isoler les effets propres de chacune, l'approche globale est justifiée ; qu'en se prononçant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constatations que les diverses pratiques en cause avaient produit des effets sur des périodes différentes et sur des segments de clientèle distincts et nettement circonscrits, de sorte que les préjudices en résultant étaient susceptibles d'être distinctement évalués, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2) ALORS QU'EN tant qu'elles privent les concurrents de la faculté de concourir à armes égales afin de conquérir de nouveaux clients, les pratiques de verrouillage, telles que les offres fidélisantes et les clauses d'exclusivité, mises en oeuvre par un opérateur dominant donnent naissance à un préjudice économique qui, compte tenu de l'aléa inhérent à la vie des affaires, ne peut s'analyser autrement que comme une perte de chance de réaliser des gains ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'offre « changez de mobile » avait eu pour effet de dissuader les clients d'Orange Caraïbe de migrer vers d'autres opérateurs et de réduire ainsi le nombre potentiel de clients de ses concurrents (p. 21), de sorte qu'il avait eu des effets concrets sur les possibilités de BTC de développer ses activités (p. 22), que « l'avantage Améris » avait pareillement fidélisé les clients "entreprises" de France Télécom au détriment du développement de BTC sur ce segment et que les clauses d'exclusivité de distribution avaient eu pour effet de réduire la capacité de BTC de s'appuyer sur un réseau de distributeurs indépendants spécialisés et bien implantés (p. 30) ; que pour juger néanmoins que le préjudice de développement résultant de ces pratiques ne pouvait être qualifié de perte d'une chance de réaliser des gains, la cour d'appel retient que ce préjudice s'analysait en une « perte certaine de se développer sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane » (sic) et revêtait le caractère d'un manque à gagner certain attribuable à une limitation de ses ventes « sans qu'il n'existe aucun aléa de décision (victime ou partie tierce) venant rompre la chaîne causale entre la faute et le préjudice » ; qu'elle en a déduit qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer aux évaluations de gains manqués proposées par les consultants de Digicel fondées « sur un unique scénario considéré comme le plus probable » un coefficient d'aléa, lequel aurait constitué un frein à l'indemnisation intégrale des victimes d'infractions aux articles 101 et 102 du TFUE, commandée par l'effet utile du TFUE ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la réalisation de tels gains était nécessairement tributaire de l'aléa de décision du consommateur ainsi que de l'aléa de comportement des autres opérateurs, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QU'EN l'état de pratiques de l'opérateur dominant sur un marché ayant altéré la capacité d'un autre opérateur de concourir à armes égales afin de conquérir de nouveaux clients, l'évaluation des gains manqués, doit, quelle que soit leur qualification juridique, tenir compte de l'aléa inhérent à la vie des affaires, dès lors que la réalisation de tels gains est toujours tributaire du pouvoir de décision du consommateur ; qu'en l'espèce, il ressortait des rapports du cabinet Tera des 15 avril 2015 et 27 mars 2015, dont l'évaluation a été reprise à son compte par la cour d'appel, que, pour calculer les gains manqués par Digicel pendant une période de huit années s'échelonnant entre 2001 et 2008, ce consultant avait sélectionné un échantillon de quatre marchés géographiques de téléphonie mobile (Malte, Luxembourg, Bulgarie et Irlande) ayant une structure de concurrence supposée comparable à celle de la zone Antilles-Guyane, puis avait déterminé une « trajectoire » ou « situation de référence » égale à la moyenne des parts de marché du deuxième entrant au cours de ses huit premières années d'exploitation, présentée comme représentative de la progression « normale » qui aurait été celle de BTC/Digicel en l'absence des pratiques et avait enfin appliqué à chaque client non conquis la marge brute moyenne de BTC/Digicel au cours de chacune de ces huit années ; qu'en retenant qu'une telle méthode avait permis de construire un scénario contrefactuel de « l'évolution qu'aurait dû connaître BTC en l'absence de pratiques anticoncurrentielles », quand une telle évolution, si elle était théoriquement possible ne pouvait en aucun cas revêtir un caractère de certitude, ni même de probabilité suffisante, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; 4) ALORS QUE la réparation des préjudices consécutifs à des pratiques anticoncurrentielles doit tendre à replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée, compte tenu de ses mérites propres, en l'absence de ces pratiques et ne saurait, sauf à méconnaître l'exigence d'individualisation du préjudice, se fonder de manière exclusive sur un modèle théorique déconnecté de tout examen concret du dynamisme et des mérites concurrentiels propres du demandeur et de ses concurrents ; que, pour repousser le moyen par lequel Orange Caraïbes et Orange reprochaient à Digicel et à ses consultants de s'être exclusivement déterminés par référence à une modélisation théorique de développement, décorrélée de tout examen des facteurs propres à BTC, tels que le niveau anormalement faible de ses investissements pour un second entrant ou ses erreurs stratégiques l'ayant conduit à axer sa communication et son marketing sur les forfaits prépayés au mépris de la préférence des consommateurs locaux pour les offres et cartes prépayées, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que ces facteurs n'expliquaient pas l'insuffisance de la part de marché de BTC et à renvoyer aux motifs par lesquels elle avait considéré qu'ils n'étaient pas de nature à interrompre le lien de causalité entre les pratiques reprochées et le préjudice développement invoqué (arrêt, p. 45, alinéa 7) ; qu'en se prononçant par un tel motif, cependant que l'impératif d'individualisation du préjudice imposait de tenir compte des mérites concurrentiels propres du demandeur à l'action indemnitaire pour déterminer la situation dans laquelle il se serait trouvé en l'absence des pratiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; 5) ALORS QUE sont seules réparables des pertes certaines ; qu'une provision pour risques ne constate jamais en comptabilité une perte certaine irrémédiablement consommée, mais n'est qu'une simple écriture d'anticipation d'une perte probable imposée par le principe de prudence comptable, représentative, selon l'article 212-3 du plan comptable général, d'« un passif dont l'échéance ou le montant n'est pas fixé de façon précise » et passée, selon l'article 39, 1, 5° du code général des impôts, « en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables » ; que, si, à l'appui de sa demande d'indemnisation de ce qu'elle présentait comme des « surcoûts » liés aux exclusivités de distribution, la société Digicel soutenait avoir subi de lourds impayés de la part de ses distributeurs entre 2003 et 2005, la somme de 7,12 millions d'euros qu'elle réclamait de ce chef avait été déterminée par le cabinet Tera, non d'après des impayés ayant donné lieu à des écritures de pertes dûment enregistrées comme telles, mais d'après les provisions pour impayés qu'elle avait dû passer (cf. rapport Tera du 15 avril 2014, p. 28) ; qu'en jugeant cette demande d'indemnisation justifiée, au motif que les clauses d'exclusivité critiquées avaient « occasionné à BTC des surcoûts de gestion de son réseau commercial, notamment au regard du niveau élevé de provisions pour impayés de ses distributeurs qu'elle a dû supporter », cependant que la définition même des provisions données par les normes comptables et fiscales excluait de les assimiler à des surcoûts ou à des pertes certaines, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble les articles 212-3 du plan comptable général et 39, 1, 5° du code général des impôts ; 6) ALORS, en toute hypothèse, QUE sont seuls réparables les préjudices qui découlent directement de l'accomplissement des pratiques anticoncurrentielles imputées au défendeur à l'action en responsabilité, ce dont il appartient au juge de s'assurer ; qu'en se bornant à affirmer que les clauses d'exclusivité de distribution avaient eu pour effet de fermer à BTC l'accès aux réseaux de distributeurs existants et de la contraindre à se tourner vers des distributeurs restés disponibles, sans caractériser l'existence d'un lien de causalité direct entre ces clauses et les provisions pour impayés que cette société avait dû passer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION – sur l'assiette, le point de départ, le taux et la capitalisation des intérêts accordés en réparation du préjudice financier – Les sociétés Orange Caraïbe et Orange font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité des demandes de la société Digicel tendant à la capitalisation des intérêts et à l'application d'un taux d'intérêt de 5,3 % de 2001 à 2005 et de 9 % à partir de 2006, d'avoir déclaré ces demandes recevables, et de les avoir condamnées in solidum, à payer à la société Digicel Antilles Françaises Guyane, en réparation de son préjudice financier, premièrement les intérêts de la somme de 173,64 millions d'euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, deuxièmement, les intérêts de la somme de 7,12 millions d'euros au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018 et, troisièmement, les intérêts de la somme de 737.500 euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018 ; 1) ALORS QUE le préjudice consécutif à des pratiques anticoncurrentielles doit être réparé intégralement, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; qu'à ce titre, le préjudice de trésorerie afférent à la privation de la jouissance de sommes représentatives des gains manqués par un opérateur économique en conséquence de pratiques anticoncurrentielles doit par lui-même être réparé, compte tenu de l'écoulement du temps entre le moment où de tels gains ont été manqués et le jour où le juge statue sur leur indemnisation ; que toutefois, les intérêts octroyés ne sauraient, sauf à entraîner une surcompensation de ce préjudice de trésorerie, courir sur une assiette constituée de l'intégralité de ces gains manqués à partir d'une date antérieure à celles à partir desquelles ces gains auraient été périodiquement encaissés en l'absence des pratiques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les pratiques imputées aux sociétés Orange et Orange Caraïbe s'étaient déroulées entre avril 2002 et avril 2005 avec un effet persistant de verrouillage de clientèle jusqu'en 2007 s'agissant de l'offre « changez de mobile », entre fin 2000 et mai 2002 s'agissant de l'offre « avantage Ameris », entre fin 2000 et janvier 2005 s'agissant des clauses d'exclusivité de distribution, entre avril 2003 et janvier 2005 s'agissant de l'exclusivité de réparation stipulée avec le réparateur local Cetelec, et entre 2003 et 2004 s'agissant de la différenciation tarifaire entre les appels off-net et on-net ; qu'elle a considéré que « sans ses pratiques, la part de marché de BTC/Digicel aurait progressé durant les quatre années de 2002 à 2005 (?) puisque dans des conditions normales de marché, la progression d'un nouvel entrant est en principe régulière » (p. 44, al. 1) et a, en conséquence, accordé à la société Digicel, au titre de ce préjudice de développement, une somme principale de 173,64 millions d'euros représentative des gains manqués que cette société aurait engrangés si sa progression n'avait pas été entravée ; qu'en décidant néanmoins, au titre du préjudice de trésorerie afférent à la perte de la jouissance de ces gains manqués, que l'intégralité de cette somme de 173,64 millions d'euros porterait intérêts dès le 1er avril 2003, cependant qu'il s'évinçait de ses propres constatations que le préjudice de base afférent à ces gains manqués avait été subi pour une large partie postérieurement à cette date du 1er avril 2003 sa valeur ayant seulement commencé à se constituer progressivement à compter de cette date, la Cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ; 2. ALORS, en outre, QU'IL ressortait des rapports d'expertise privée du 27 mars 2015 et du 15 avril 2014 du cabinet Tera Consultants, dont l'évaluation a été purement et simplement entérinée par la cour d'appel, que la somme principale de 173,64 millions d'euros, était composée, selon ce consultant privé, de l'agrégation de tous les gains supposément manqués par BTC, devenue Digicel, année après année, à partir de l'année 2001 et jusqu'à la fin de l'année 2008 ; qu'en décidant néanmoins, au titre du préjudice de trésorerie afférent à la privation de la jouissance de ces gains manqués, que l'intégralité de cette somme de 173,64 millions d'euros porterait intérêts dès le 1er avril 2003, au motif inopérant qu'il s'agissait là de la « date à laquelle toutes les pratiques qui ont donné lieu à une évaluation globale, ont été mises en oeuvre », la cour d'appel, qui a par-là fait courir des intérêts sur une assiette composée, pour sa plus grande partie, de gains manqués postérieurement à cette date et dont la valeur a seulement commencé à se constituer progressivement à compter de cette date, a de plus fort violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ; 3) ALORS, en toute hypothèse, QUE la société Digicel ne prétendait pas avoir été, dès le 1er avril 2003, privée de la jouissance de l'intégralité de la somme de 173,64 millions d'euros et obtenir des intérêts sur la totalité de cette somme à partir de cette date ; qu'en effet, dans ses dernières conclusions d'appel (§. 844), la société Digicel invitait, certes, la cour d'appel à lui octroyer, en réparation de son préjudice de trésorerie, des intérêts à appliquer aux gains manqués depuis le début des pratiques, mais renvoyait, pour les modalités pratiques de détermination de l'assiette, du taux et du point de départ des intérêts réclamés, aux rapports d'expertise privée des cabinets Sorgem et Tera ; qu'il ressortait des rapports de ceux-ci, que, pour tenir compte de ce que la part de marché de BTC, devenue Digicel, aurait en l'absence des pratiques imputées aux sociétés Orange et Orange Caraïbe, progressivement augmenté selon le scénario contrefactuel proposé, ces consultants avaient déterminé, pour chaque année comprise entre 2001 et 2008, le montant des gains annuels manqués, puis avaient déterminé, année par année, le montant des intérêts à appliquer sur une assiette glissante augmentant progressivement dans son montant pour atteindre, selon le rapport Tera, la somme de 173,64 millions fin 2008 ; qu'en décidant néanmoins au titre du préjudice de trésorerie consécutif à la perte de la jouissance de ces gains manqués, que l'intégralité de cette somme de 173,64 millions d'euros porterait intérêts dès le 1er avril 2003, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 4) ALORS QU'EN se prononçant de la sorte, la cour d'appel a statué extra petita, en violation de l'article 5 du code de procédure civile ; 5) ALORS, ensuite, QUE s' « il résulte du principe d'effectivité et du droit du particulier de demander réparation du dommage causé par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence que les personnes ayant subi un préjudice doivent pouvoir demander réparation non seulement du dommage réel (damnum emergens), mais également du manque à gagner (lucrum cessans) ainsi que le paiement d'intérêts » (CJUE, 13 mars 2006, [V], C-295/04 à C-298/04), il n'en résulte pas, pour autant, que la compensation des effets préjudiciables de l'écoulement du temps devrait être invariablement assurée depuis la survenance du fait dommageable, ni qu'il serait interdit aux juridictions nationales de tenir compte de l'inertie du demandeur dans l'exercice de son droit à réparation lorsqu'elle est la cause de tout ou partie du préjudice financier allégué ; que, pour fixer le point de départ des intérêts au 1er avril 2003 s'agissant du préjudice de développement, au 1er avril 2005 s'agissant des surcoûts de l'exclusivité de réparation et au 1er janvier 2007 s'agissant des surcoûts de l'exclusivité de distribution, la cour d'appel énonce que la Cour de justice a précisé que la réparation intégrale doit inclure la compensation des effets négatifs de l'écoulement du temps depuis la survenance du préjudice causé par l'infraction, à savoir, l'érosion monétaire, mais également la perte de chance subie par la partie lésée du fait de l'indisponibilité du capital ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le préjudice financier consécutif à l'écoulement du temps survenu depuis la mise en oeuvre des pratiques n'avait pas été, au moins pour partie, causé par l'inertie de BTC, puis de Digicel, laquelle avait différé jusqu'en mars 2009 l'assignation en réparation délivrée à Orange Caraïbe et Orange, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne et l'article 102 du TFUE ; 6) ALORS, ensuite, QUE la capitalisation des intérêts compensatoires a pour fonction de compenser le préjudice financier consécutif à l'indisponibilité des seuls intérêts, préjudice lui-même distinct du préjudice financier consécutif à l'indisponibilité du principal que réparent les intérêts simples ; qu'elle ne tend donc pas aux mêmes fins que la demande d'intérêts simples ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Digicel ne formulait pas clairement en première instance une demande d'actualisation impliquant que les intérêts octroyés en réparation de son préjudice de trésorerie fussent annuellement capitalisés (arrêt, p. 19, al. 4) ; qu'en jugeant néanmoins recevable cette demande de capitalisation des intérêts, explicitement présentée pour la première fois dans ses conclusions d'appel du 18 décembre 2018, au motif que Digicel ne formulait pas en cause d'appel une demande d'anatocisme au sens de l'article 1154 du code civil, mais se bornait à modifier les modalités de calcul du préjudice financier dont elle avait demandé réparation dès la première instance, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile ; 7) ALORS QUE selon l'article 566 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige compte tenu de la date de la déclaration d'appel, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Digicel ne formulait pas clairement en première instance une demande d'actualisation impliquant que les intérêts octroyés en réparation de son préjudice de trésorerie fussent annuellement capitalisés (arrêt, p. 19, al. 4) ; qu'en jugeant néanmoins que cette demande, présentée pour la première fois dans ses conclusions d'appel du 18 décembre 2018, était recevable en ce qu'elle constituait un complément à sa demande initiale de réparation de son préjudice financier, sans préciser en quoi elle en aurait été le complément « nécessaire », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile. 8) ALORS QUE selon l'article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent, à peine d'irrecevabilité, présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond et ne peuvent, dans des conclusions ultérieures, émettre des prétentions nouvelles, si ce n'est celles destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, il ressortait des premières conclusions d'intimée et d'appel incident régularisées le 20 juillet 2018 par la société Digicel que cette société avait, à titre principal, demandé la confirmation du jugement entrepris en tant qu'il lui avait alloué, en réparation du préjudice financier allégué, le taux « WACC », correspondant au taux de rémunération du capital en matière de téléphonie mobile fixé par l'ARCEP et avait sollicité sa réformation sur le seul point de départ de cette actualisation, qu'elle souhaitait voir fixée au 1er janvier 2002 ; qu'il ressortait de ces mêmes conclusions que la seule demande subsidiaire que la société Digicel avait alors formée tendait à se voir allouer le taux de l'intérêt légal, majoré de 0,5 point ; que, pour juger la société Digicel recevable à présenter dans ses conclusions du 18 décembre 2018 une nouvelle demande subsidiaire tendant, à défaut du taux WACC, à obtenir en réparation de son préjudice financier, un taux d'intérêt capitalisé de 5,3 % de 2001 à 2005 correspondant au taux d'intérêt moyen de son propre endettement, et un taux de 9 % à partir de 2006, correspondant au taux des prêts intragroupe qu'elle aurait pu consentir à sa société mère, la cour d'appel retient que dès lors que demeurent recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, Digicel était recevable à présenter une demande subsidiaire, sans encourir la fin de non-recevoir fondée sur l'article 910-4 du code de procédure civile ; qu'en se prononçant de la sorte, sans préciser en quoi l'énonciation de cette nouvelle demande subsidiaire aurait été destinée à répliquer à des conclusions et pièces adverses nouvelles, alors que les sociétés Orange et Orange Caraïbes avaient elles-mêmes critiqué l'application du taux WACC dès leurs premières conclusions d'appel, ni caractériser en quoi elle aurait été destinée à faire juger une question, née postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 9) ALORS QU'IL ressort des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué (pp. 50 et s.) que la demande initiale de la société Digicel tendait à la réparation de la perte d'une chance de mener à bien des projets d'investissements dans le secteur de la téléphonie mobile, qui, selon ses dires, lui auraient rapporté la rentabilité moyenne que les actionnaires de sociétés de télécommunication mobile attendent de leurs investissements, soit le « WACC », tandis que sa demande subsidiaire d'application de deux taux d'intérêt successifs (5,3 % entre 2001 et 2005 et 9 % à partir de 2006) tendait à la réparation de la perte d'une chance pour la société de se désendetter entre 2001 et 2005 et, à partir de 2006, de consentir des prêts intragroupes rémunérés à sa société mère ; qu'il suit de là que ces deux demandes, qui reposaient sur l'allégation d'emplois distincts et mutuellement exclusifs les uns des autres de la même somme d'argent et qui tendaient à la réparation de préjudices eux-mêmes distincts, ne tendaient pas aux mêmes fins et n'étaient pas unies par un rapport de complémentarité ; qu'en affirmant néanmoins que « [la] demande subsidiaire [de Digicel] d'indemnisation de son préjudice financier selon le taux de prêt intragroupe est recevable, s'agissant d'une méthode alternative d'indemnisation moins disante qui constitue le complément des demandes formées devant le premier juge et qui tend aux mêmes fins que sa demande initiale d'indemnisation de son préjudice financier », la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° E 20-20.416 par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Digicel Antilles françaises Guyane. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Digicel Antilles Françaises Guyane fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Orange et Orange Caraïbe à lui verser, en réparation de son préjudice financier, (i) la somme de 520.538.327 euros, correspondant à l'application, sur la base d'un intérêt capitalisé, du taux WACC annuel publié par l'Arcep, aux sommes dont la société Digicel a été privée depuis le début des pratiques et jusqu'au 31 décembre 2018 du fait de son préjudice de développement (gain manqué) ; et (ii) la somme de 29,56 millions d'euros correspondant à l'application du même taux aux surcoûts liés à l'exclusivité de distribution (25.893.122 euros) et de réparation (3.660.134 euros), et d'avoir ainsi limité la condamnation des sociétés Orange et Orange Caraïbe envers la société Digicel Antilles Françaises Guyane, au titre de la réparation du préjudice financier, au paiement, s'agissant du gain manqué, des intérêts de la somme de 173,64 millions d'euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005 puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, s'agissant des surcoûts engendrés par les exclusivités imposées aux distributeurs, les intérêts de la somme de 7,12 millions d'euros au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018, et s'agissant des surcoûts engendrés par l'exclusivité de réparation, des intérêts de la somme de 737 500 euros au taux capitalisé de 5,3 % à compter du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018 ; 1°) ALORS QUE la réparation du préjudice financier ou de trésorerie résultant de la perte de chance de faire fructifier les sommes dont la victime de pratiques anticoncurrentielles a été privée au taux WACC, notamment à travers des investissements identifiés, ne peut être subordonnée à la preuve de ce que celle-ci n'aurait pu réaliser, en tout ou partie, les projets d'investissement invoqués en utilisant des fonds propres ou en recourant à d'autres sources de financement ; qu'en écartant néanmoins l'indemnisation d'un tel préjudice par la considération inopérante tirée de ce que la société Digicel disposait de la trésorerie suffisante pour mener une partie des deux projets examinés ou encore qu'elle aurait pu réaliser ces projets en demandant à sa société mère de les financer ou en trouvant d'autres sources de financement, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble les articles 101 et 102 du traité de fonctionnement de l'Union européenne ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; que la cour d'appel a relevé que la société Digicel « ne rapporte pas la preuve du refus de sa maison mère de financer les projets de déploiement de la FttH et de la 4G ainsi que de l'impossibilité de trouver d'autres sources de financement » (arrêt attaqué, p. 51, § 3) ; qu'en reprochant ainsi à la société Digicel de ne pas avoir démontré son impossibilité de recourir à des solutions de financement alternatives afin de pallier l'indisponibilité des sommes dont elle avait été indument privée, la cour d'appel a fait peser sur la société Digicel l'obligation de limiter son préjudice dans l'intérêt des sociétés Orange et Orange Caraïbe, de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ; 3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en reprochant à la société Digicel, pour refuser d'indemniser son préjudice financier au taux « WACC », de ne pas avoir rapporté la preuve du refus de sa maison mère de financer les projets de déploiement de la FttH et de la 4G ainsi que de l'impossibilité de trouver d'autres sources de financement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ; 4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en relevant que la société Digicel disposait d'une trésorerie suffisante pour mener une « partie » des deux projets examinés (déploiement de la FttH et de la 4G), ce dont il résultait qu'elle ne disposait pas d'une trésorerie suffisante pour réaliser la totalité de ces deux projets, la cour d'appel s'est prononcée par une motivation impropre à justifier l'absence de toute réparation du préjudice financier au taux « WACC », de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 5°) ALORS QUE toute perte de chance ouvre droit à réparation ; en relevant qu'« il n'est pas établi que Digicel aurait conservé la trésorerie accumulée entre 2001 et 2008 pour financer des projets d'investissement à lancer en 2016 et qu'elle n'aurait pas distribué ces sommes en amont de la transaction de 2006 et en aval via des dividendes comme le cabinet Accuracy » (arrêt attaqué, p. 51, § 4), la cour d'appel, qui statuait sur la réparation d'une perte de chance, ne pouvait exiger de la société Digicel qu'elle démontre, de manière certaine, qu'elle aurait pris la décision d'utiliser la trésorerie accumulée afin de financer les projets d'investissements litigieux, de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en relevant qu'« il n'est pas établi que Digicel aurait conservé la trésorerie accumulée entre 2001 et 2008 pour financer des projets d'investissement à lancer en 2016 et qu'elle n'aurait pas distribué ces sommes en amont de la transaction de 2006 et en aval via des dividendes comme le cabinet Accuracy » (arrêt attaqué, p. 51, § 4, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Digicel n'avait pas, à tout le moins, perdu une chance de prendre la décision de conserver la trésorerie qui aurait été accumulée en vue de réaliser les projets d'investissement litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 7°) ALORS QU'en retenant que le projet LTE & Network Upgrade n'avait pas été abandonné puisque le LTE (4G) avait été déployé en Guadeloupe, Martinique et Guyane, sans répondre aux conclusions d'appel de la société Digicel (p. 185, § 818) soutenant que tout l'intérêt de ce projet résidait dans le fait pour celle-ci d'intervenir, de manière anticipée, avant l'octroi des licences 4G, de sorte que sa rentabilité était intrinsèquement liée à sa date de réalisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8°) ALORS QU'en retenant que le projet « LTE & Network Upgrade » n'avait pas été abandonné puisque le LTE (4G) a été déployé en Guadeloupe, Martinique et Guyane, la cour d'appel s'est, en tout état de cause, prononcée par un motif impropre à écarter la réparation du préjudice financier au taux « WACC » s'agissant du projet de déploiement du FttH, de sorte qu'elle a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 9°) ALORS QUE les règles nationales régissant l'exercice du droit à réparation du préjudice causé par une infraction à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être appliquées de manière à ce que l'exercice du droit de réparation garanti par ce traité ne soit pas rendu excessivement difficile ou pratiquement impossible ; qu'en imposant à la société Digicel, pour pouvoir obtenir l'indemnisation de son préjudice financier par application du taux WACC aux sommes dont elle a été privée, de démontrer, de manière certaine, qu'elle avait été contrainte de renoncer aux projets d'investissement litigieux du fait de l'indisponibilité des sommes correspondant au préjudice subi et qu'elle s'était trouvée dans l'impossibilité de financer lesdits projets au moyen d'emprunts ou de fonds propres, la cour d'appel, qui a subordonné à des conditions excessives la réparation du préjudice financier subi par une victime de pratiques anticoncurrentielles, a violé les articles 101 et 102 du traité de fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire La société Digicel Antilles Françaises Guyane fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation solidaire des sociétés Orange et Orange Caraïbe à lui verser, en réparation de son préjudice financier (i) la somme de 360 283 944 euros, correspondant à l'application d'un taux d'intérêt capitalisé de 5,3 % de 2001 à 2005 et de 9 % à compter de 2006, qui sont les taux que BTC aurait pu économiser et auxquels la société Digicel aurait pu prêter les sommes en cause, au préjudice principal de développement subi par Digicel (gain manqué) depuis le début du préjudice jusqu'au 31 décembre 2018 et (ii) la somme de 19,12 millions d'euros correspondant à l'application du même taux aux surcoûts liés à l'exclusivité de réparation (2 434 885 euros) et de distribution (16 676 716 euros), et d'avoir ainsi limité la condamnation des sociétés Orange et Orange Caraïbe envers la société Digicel Antilles Françaises Guyane, au titre de la réparation du préjudice financier, au paiement, s'agissant du gain manqué, des intérêts de la somme de 173,64 millions d'euros au taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005 puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018, s'agissant des surcoûts engendrés par les exclusivités imposées aux distributeurs, les intérêts de la somme de 7,12 millions d'euros au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2007 jusqu'au 31 décembre 2018, et s'agissant des surcoûts engendrés par l'exclusivité de réparation, des intérêts de la somme de 737 500 euros au taux capitalisé de 5,3 % à compter du 1er avril 2005 au 31 décembre 2005, puis au taux légal capitalisé à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018 ; 1°) ALORS QUE toute perte de chance ouvre droit à réparation ; qu'en relevant, s'agissant de la réparation du préjudice financier afférent à la période postérieure à 2006, que la société Digicel ne produisait aucun document de nature à justifier qu'elle aurait affecté les sommes dont elle avait été privée à des prêts intragroupe alors que les profits générés par la société Digicel avaient été distribués sur cette période, et en limitant ainsi la réparation de la perte de chance subie à l'application du taux d'intérêt légal correspondant à un placement sans risque à compter du mois de janvier 2006, la cour d'appel, qui ne pouvait exiger de la victime d'une perte de chance qu'elle démontre, de manière certaine, l'usage invoqué des sommes dont elle avait été privée, a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en relevant, s'agissant de la réparation du préjudice financier afférent à la période postérieure à 2006, que la société Digicel ne produisait aucun document de nature à justifier qu'elle aurait affecté les sommes dont elle avait été privée à des prêts intragroupe alors que les profits générés par la société Digicel avaient été distribués sur cette période, et en limitant ainsi la réparation de la perte de chance subie à l'application du taux d'intérêt légal correspondant à un placement sans risque à compter du mois de janvier 2006, la cour d'appel, qui a subordonné à des conditions excessives la réparation du préjudice financier subi par une victime de pratiques anticoncurrentielles, a violé les articles 101 et 102 du traité de fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 385 FS-B Pourvoi n° F 21-18.558 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023 La société FHF International, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-18.558 contre l'ordonnance rendue le 9 juin 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société FHF International, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Crocq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 9 juin 2021), un juge des libertés et de la détention (JLD) a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à effectuer des opérations de visite et saisies dans divers locaux situés à Paris, susceptibles d'être occupés par diverses personnes physiques et morales, dont la société de droit luxembourgeois FHF International (la société FHF) et/ou toutes entités contrôlées par le groupe informel FHF, en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales commises par la société FHF. 2. Les opérations de visite et saisies se sont déroulées le 14 novembre 2019. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa huitième branche Enoncé du moyen 4. La société FHF fait grief à l'ordonnance de confirmer l'ordonnance du JLD, alors « que si le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, qui établit des règles relatives à la protection des données à caractère personnel, ne s'applique pas au traitement de données effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, cette dérogation ne s'applique pas aux agents de l'administration fiscale, l'initiative des poursuites en matière de fraude fiscale appartenant au ministère public, seul compétent pour mettre en oeuvre l'action publique ; qu'il en résulte que les mesures de visite domiciliaire sollicitées et réalisées par les agents de l'administration fiscale, qui n'est pas une autorité de poursuite investie du pouvoir d'engager des poursuites du chef de fraude fiscale, relèvent du champ d'application matériel du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ; qu'en décidant le contraire, pour en déduire que l'administration fiscale avait pu soumettre au juge des libertés et de la détention des pièces concernant des informations provenant de données ou de sites d'accès au public dans le respect des règles garantissant la protection des données, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 2 du règlement (UE) 2016/679 susvisé, ensemble l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour Vu l'article 2 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (le RGPD), et l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : 5. Selon le paragraphe 1er de l'article 2 du RGPD, ce règlement s'applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier. 6. Selon le paragraphe 2, le RGPD ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces. 7. La Cour de justice de l'Union européenne juge que les exceptions au champ d'application du RGPD, tel que défini à son article 2, § 1, doivent recevoir une interprétation stricte (CJUE, arrêt du 16 juillet 2020, Facebook Ireland et Schrems, C-311/18, point 84, CJUE, arrêt du 24 février 2022, Valsts ienemumu dienests, C-175/20, points 40 à 42, CJUE, arrêt 8 décembre 2022, Inspektor v Inspektorata kam Visshia sadeben savet, C-180-2, points 73 et 74). 8. Sous l'empire de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, abrogée par le RGPD, qui prévoyait, en son article 3, § 2, que les traitements de données à caractère personnel ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l'État et les activités de l'État relatives à des domaines du droit pénal étaient exclus du champ d'application de la directive, la Cour de justice a retenu qu'un traitement de données créé par l'administration fiscale pour recenser les dirigeants fictifs de sociétés relevait des règles fixées par cette directive, après avoir souligné que, « même s'il n'apparaît pas exclu que lesdites données puissent être utilisées dans le cadre de poursuites pénales qui pourraient être exercées, en cas d'infraction dans le domaine fiscal, contre certaines personnes dont les noms figurent sur la liste litigieuse, les données en cause au principal n'apparaissent pas avoir été collectées dans l'objectif spécifique de l'exercice de telles poursuites pénales ou dans le cadre des activités de l'État relatives à des domaines du droit pénal » (CJUE, arrêt du 27 septembre 2017, Pu¿kár, C-73/16, points 39 et 40). 9. La Cour de justice a ensuite retenu que, s'agissant de la collecte, par une administration fiscale, auprès d'un opérateur économique, de données à caractère personnel relatives à certains contribuables aux fins de la perception de l'impôt et de la lutte contre la fraude fiscale, « il n'apparaît pas que l'administration fiscale d'un État membre puisse être considérée comme une "autorité compétente", au sens de l'article 3, point 7, de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, ni, partant, que de telles demandes d'informations puissent relever de l'exception prévue à l'article 2, § 2, sous d), du règlement 2016/679 », et que « même s'il n'est pas exclu que les données à caractère personnel en cause au principal puissent être utilisées dans le cadre de poursuites pénales qui pourraient être exercées, en cas d'infraction dans le domaine fiscal, contre certaines des personnes concernées, il n'apparaît pas que ces données soient collectées dans l'objectif spécifique d'exercer de telles poursuites pénales ou dans le cadre des activités de l'État relatives à des domaines du droit pénal » (CJUE, arrêt du 24 février 2022, Valsts ien mumu dienests, C-175/20, points 44 et 45). 10. Il s'en déduit que le traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'administration fiscale aux fins d'obtenir l'autorisation de procéder à des opérations de visite et saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui a pour finalité d'obtenir le droit de procéder à une mesure d'enquête pouvant donner lieu à la constatation d'une infraction ou d'un manquement à la législation fiscale, dans le but de percevoir l'impôt et de lutter contre la fraude fiscale, entre dans le champ d'application matériel du RGPD. 11. Dès lors, le juge doit notamment vérifier si, dans le litige qui lui est soumis, le responsable du traitement est tenu de fournir à la personne concernée les informations prévues à son article 14 ou si sont réunies les conditions des exceptions ou limitations à cette obligation d'information qu'il prévoit. 12. En effet, si l'article 14 du RGPD soumet le responsable du traitement à l'obligation de fournir un certain nombre d'informations à la personne concernée lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès d'elle, il résulte du paragraphe 5 de ce texte que cette obligation ne s'applique pas dans la mesure où elle est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. 13. En outre, l'article 23 du RGPD prévoit que le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis peut, par la voie de mesures législatives, limiter la portée de l'obligation d'informer la personne concernée par le traitement de données à caractère personnel prévue à l'article 14 du RGPD lorsqu'une telle limitation respecte l'essence des libertés et droits fondamentaux et qu'elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir la prévention et la détection d'infractions pénales, les enquêtes et les poursuites en la matière et d'autres objectifs importants d'intérêt public général d'un Etat membre, notamment un intérêt économique ou financier important, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal. 14. En application de l'article 23 précité, l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 a modifié l'article 48 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. 15. Ainsi, l'administration fiscale n'a pas l'obligation de fournir à la personne concernée les informations prévues à l'article 14 de ce règlement si sont réunies les conditions de l'exception prévue au paragraphe 5 de ce texte ou des limitations prévues à l'article 23. 16. Pour rejeter le moyen selon lequel l'administration a collecté des données issues de bases de données ou de sites d'accès public sans en informer les personnes concernées en violation des règles du RGPD, l'ordonnance énonce que ce règlement ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces, et que le droit de visite de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales vise à lutter contre la fraude fiscale, tout en respectant la liberté individuelle et le droit au recours juridictionnel effectif. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 juin 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et le condamne à payer la société FHF International la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION FB CHAMBRE MIXTE Audience publique du 25 mars 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme ARENS, première présidente Arrêt n° 289 B+R Pourvoi n° W 20-15.624 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 25 MARS 2022 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 20-15.624 contre l'arrêt rendu le 29 août 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [T] [D] [E], veuve [X], 2°/ à M. [R] [N] [E], 3°/ à Mme [T] [M] [X], 4°/ à Mme [Z] [J] [E], 5°/ aux héritiers de [U] [C] [E], décédée, 6°/ à Mme [A] [B] [G] [E], tous domiciliés [Adresse 6], défendeurs à la cassation. L'affaire, initialement orientée à la deuxième chambre civile, a été renvoyée, par une ordonnance du 27 septembre 2021 de la première présidente, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la deuxième chambre civile et de la chambre criminelle. Le demandeur au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Delvové-Trichet, avocat du FGTI. Un mémoire en défense et en demande de mise hors de cause a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [T] [D] [E], veuve [X], M. [R] [N] [E], Mme [Z] [J] [E], les héritiers de [U] [C] [E], Mme [A] [B] [E]. Un mémoire en rectification d'erreur matérielle a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [T] [D] [E], veuve [X], M. [R] [N] [E], Mme [Z] [J] [E], les héritiers de [U] [C] [E], Mme [A] [B] [E] et Mme [T] [H] [X]. Des observations complémentaires avant audience ont été déposées par la SCP Delvové-Trichet, avocat du FGTI. Le rapport de MM. Besson et Samuel, conseillers rapporteurs, désignés conformément à l'article R. 431-14 du code de l'organisation judiciaire, et l'avis écrit de M. Grignon-Dumoulin, avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Un avis 1015 du code de procédure civile a été mis à disposition des parties. Sur le rapport de MM. Besson et Samuel, assisté de MM. Allain et Dureux, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Delvové-Trichet et la SCP Buk Lament-Robillot, et l'avis de M. Grignon-Dumoulin, avocat général auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 11 mars 2022 où étaient présents Mme Arens, première présidente, MM. Chauvin, Pireyre, Soulard, présidents, MM. Besson et Samuel, conseillers rapporteurs, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, Martinel, doyens de chambre, Mme Durin-Karsenty, M. Mornet, Mmes Labrousse, Kerner-Menay, conseillers, M. Grignon-Dumoulin, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée de la première présidente, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 29 août 2019), le 5 juillet 2014, à 22h20, la gendarmerie a été avisée de ce qu'un individu avait porté plusieurs coups de couteau à [R] [X]. Ce dernier est décédé le [Date décès 2], à 0h40, à l'hôpital où il avait été transporté en arrêt cardio-respiratoire. 2. Mme [T] [D] [E], veuve [X], M. [R] [N] [E], Mme [Z] [J] [E], Mme [A] [B] [E], Mme [T] [H] [X] et [U] [C] [E] ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pour obtenir réparation des préjudices. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a contesté l'indemnisation allouée au titre des préjudices éprouvés par [R] [X]. Sur l'irrecevabilité partielle du pourvoi, relevée d'office après avis adressé aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile Vu les articles 615 et 975, alinéa 2, du code de procédure civile : 3. Il résulte de ces textes que le recours en cassation constitue une instance nouvelle qui ne peut être introduite contre une personne décédée et que le demandeur ayant connaissance du décès d'une partie doit diriger son pourvoi contre ses ayants droit. 4. La déclaration de pourvoi, déposée au greffe de la Cour de cassation le 11 mai 2020 est dirigée, notamment, contre [U] [C] [E], décédée le [Date décès 1] 2018. 5. Formé alors que le FGTI avait connaissance du décès de [U] [C] [E], le pourvoi est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre celle-ci. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le FGTI fait grief à l'arrêt de confirmer la décision entreprise en tant qu'elle a alloué aux ayants droit de [R] [X], la somme de 1 500 000 FCP au titre de la souffrance morale liée la conscience de la mort imminente entre le moment de son agression et son décès, après avoir déjà alloué à l'indivision successorale représentée en l'état par Mme [T] [E], veuve [X], et Mme [M] [X], la somme de 1 500 000 FCP au titre des souffrances endurées par [R] [X] avant son décès alors « que les différentes souffrances psychiques et troubles qui y sont associés sont inclus dans le poste de préjudice des souffrances endurées ; que ce poste inclut donc le préjudice moral de mort imminente consistant pour la victime décédée à être demeurée, entre la survenance du dommage et sa mort, suffisamment consciente pour avoir envisagé sa propre fin ; qu'en allouant aux ayants droit de la victime, la somme de 150 000 FCP au titre du préjudice d'angoisse de mort imminente subi par celle-ci, après leur avoir alloué la même somme de 150 000 FCP au titre des souffrances endurées par celle-ci avant son décès, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour 7. L'arrêt, par motifs adoptés, après avoir constaté que les lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche présentes sur le corps de la victime lui avaient causé une souffrance importante, énonce qu'il convient d'évaluer à 1 500 000 FCP l'indemnisation de l'indivision successorale au titre des souffrances endurées par la victime entre son agression et son décès. 8. Il précise que, pour caractériser l'existence d'un préjudice distinct « d'angoisse de mort imminente », il est nécessaire de démontrer l'état de conscience de la victime en se fondant sur les circonstances de son décès. 9. Il retient que la nature et l'importance des blessures, rapportées au temps de survie de la victime, âgée de seulement vingt-sept ans, dont l'état de conscience a conduit sa famille à juger possible son transport en voiture légère jusqu'à l'hôpital, démontrent que [R] [X] a souffert d'un préjudice spécifique lié à la conscience de sa mort imminente, du fait de la dégradation progressive et inéluctable de ses fonctions vitales causée par une hémorragie interne et externe massive, et que le premier juge a procédé à sa juste évaluation. 10. C'est, dès lors, sans indemniser deux fois le même préjudice que la cour d'appel, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour la victime, a réparé, d'une part, les souffrances endurées du fait des blessures, d'autre part, de façon autonome, l'angoisse d'une mort imminente. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 12. Le FGTI fait grief à l'arrêt de le condamner aux dépens de l'instance d'appel, alors « que les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infraction sont à la charge du Trésor public ; qu'en condamnant néanmoins le Fonds de garantie aux dépens de l'instance d'appel, la cour d'appel a violé les articles R. 91 et R. 93, II, 11°, du code de procédure pénale, applicable en Polynésie française par application de l'article 804 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 804, R. 91 et R. 93, II, 11°, du code de procédure pénale : 13. Selon ces textes, les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel de Polynésie française statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infractions sont à la charge du Trésor public. 14. L'arrêt condamne le FGTI aux dépens. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 17. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre [U] [C] [E] ; CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions aux entiers dépens de l'instance d'appel, l'arrêt rendu le 29 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Laisse les dépens de l'instance devant la Cour de cassation et d'appel à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé le vingt-cinq mars deux mille vingt-deux par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Delvolvé-Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision entreprise en tant qu'elle a alloué aux ayants droits de [R] [X], la somme de 1 500 000 FCP au titre de la souffrance morale liée la conscience de la mort imminente entre le moment de son agression et son décès, après avoir déjà alloué à l'indivision successorale représentée en l'état par Mme [T] [E], veuve [X], et Mme [H] [X], la somme de 1 500 000 FCP au titre des souffrances endurées par [R] [X] avant son décès ; Aux motifs que « le Fonds de Garantie conteste l'allocation par le premier juge aux ayants droit de M. [R] [X], décédé des suites de ses blessures par arme blanche le [Date décès 2] 2014, d'une double indemnité, d'une part, en réparation des souffrances endurées et, d'autre part, en réparation de son préjudice d'angoisse de mort imminente, en soutenant que ce dernier est nécessairement inclus dans le poste de préjudice des souffrances endurées de sorte, qu'en l'espèce, il y a eu double indemnisation ; qu'en premier lieu, il convient de rappeler que la jurisprudence de la Cour de cassation n'exclut pas l'indemnisation spécifique du préjudice dit "d'angoisse de mort imminente", lorsqu'il est rapporté la preuve d'une souffrance particulière causée à la victime par la conscience de sa mort imminente ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne refuse pas d'indemniser ce chef de préjudice, puisqu'elle admet l'indemnisation de la souffrance liée à la conscience de la gravité de son état et du caractère inéluctable de son décès, ainsi que des souffrances morales et psychologiques caractérisées par la perte d'espérance de vie ou l'angoisse de mort ; qu'en revanche, il est vrai que, nonobstant l'identification distincte de ce chef de ce préjudice, elle inclut sa réparation dans le poste des souffrances endurées ; que toutefois, cette différence de méthodologie, reposant sur la définition large du poste anciennement qualifié de "pretium doloris" retenue par la nomenclature dite "Dintilhac", ne conduit pas à exclure la prise en compte du préjudice d'angoisse de mort imminente ; que c'est d'ailleurs ce à quoi tend la prétention accessoire formée par les consorts [X]-[E] qui réclament, à titre subsidiaire, l'allocation d'une indemnité globale de 3 millions FCP en réparation des souffrances endurées par la victime, en lieu et place de l'octroi d'une indemnité de 1 500 000 FCP au titre des souffrances endurées et 1 500 000 FCP au titre de la souffrance morale liée à la conscience de la mort imminente ; que, de surcroît, il sera observé que : d'une part, les travaux préparatoires ayant conduit à l'adoption de la nomenclature "Dintilhac" avaient précisé que celle-ci ne faisait pas obstacle à la détermination d'un chef de préjudice ne figurant pas dans la liste des postes annexée et, d'autre part, la jurisprudence administrative a également reconnu le droit à réparation du préjudice de conscience d'une espérance de vie réduite ; qu'en revanche, il demeure nécessaire de caractériser l'existence de ce préjudice distinct, notamment en démontrant l'état de conscience de la victime et en se fondant sur les circonstances particulières de son décès ; qu'or, en l'espèce, par des motifs pertinents que la cour approuve, le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause, en retenant que : "si le rapport d'autopsie fait mention d'une "mort violente" de [R] [X], en revanche, il ne s'est pas agi d'un décès immédiat, puisqu'il résulte des pièces de procédure et des pièces médicales versées au dossier, que la victime n'est pas décédée sur le coup, qu'il a pu encore marcher jusqu'au bord de la route et qu'il a été ensuite transporté en voiture légère jusqu'à l'hôpital de [Localité 4], et en arrêt cardio-respiratoire à son arrivée aux urgences ; qu'ainsi, apparaît que [R] [X] a conservé sa pleine conscience jusqu'à son arrivée aux urgences, et qu'au regard du nombre de coups portés, de la gravité de ses blessures, et du fait qu'il est décédé des suites d'une hémorragie interne massive et externe, associée à une asphyxie, il a nécessairement éprouvé une angoisse de mort imminente ; que cet état de fait n'est pas nié par le Fonds de garantie, qui, au sein de ses écritures en date du 1er juin 2017, a estimé que : "il est certain que Monsieur [X] a éprouvé une forte angoisse à l'idée de perdre la vie" ; qu'il importe en outre de quantifier le délai de souffrance pour prendre en considération l'évaluation du préjudice en cause ; qu'à ce titre, il convient de prendre en compte la durée de survie de la victime, temps durant lequel celle-ci a eu pleinement conscience de sa mort imminente, pour évaluer au plus près l'indemnisation de ce poste de préjudice ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de procédure versées au dossier que l'intervention des services de gendarmerie de TARAVAO est requise le 5 juillet 2014 à 22h20 pour un homme qui s'est fait poignarder au PK14,200 à [Localité 5], et que la victime est décédée de ses blessures le [Date décès 2] 2014 à 0h40 ; qu'il est manifeste qu'à tout le moins, entre le 5 juillet 2014 22h20 et le [Date décès 2] 2014 à 0h40, [R] [X] a pu éprouver, au regard des pièces médicales versées au dossier, une angoisse de mort" ; qu'en effet, il résulte du rapport d'autopsie medico-légale du Docteur [V] du 30 septembre 2014 que M. [R] [X] a été victime de multiples coups de couteau, ayant entraîné des coupures de défense, mais également une blessure de la cuisse et surtout une "vaste plaie latéro-thoracique gauche, deux plaies profondes du diaphragme et une plaie transfixiante de la grande courbure de l'estomac" ; que ces dernières ont provoqué "une hémorragie interne massive et externe associée à une asphyxie Lb consécutive à un hémopneumothorax gauche majeur (avec plaie transfixiante du lobe inférieure du poumon gauche) et un hémopneumopéritoine (par plaies diaphragmiques et gastriques)" ; que la nature et l'importance de ces blessures, rapportées au temps de survie de la victime, seulement âgé de 27 ans à la date des faits, dont l'état de conscience a conduit sa famille à juger possible son transport en voiture légère jusqu'à l'hôpital de [Localité 4], démontrent que M. [R] [X] a souffert d'un préjudice spécifique lié à la conscience de sa mort imminente, du fait de la dégradation progressive et inéluctable de ses fonctions vitales, causée par une hémorragie interne et externe massive ; que, par conséquent, le jugement sera confirmé de ce chef, y compris quant à l'appréciation de l'indemnité allouée en réparation, dès lors que la cour considère que le premier juge a procédé à une juste évaluation de celle-ci et que l'appelante, qui propose de verser une indemnité globale de 8 000 euros (soit 954 654 FCP), ne démontre pas suffisamment la meilleure adéquation de cette indemnité au cas d'espèce, en se prévalant d'une seule décision prononcée le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Douai ; qu'au surplus, il sera observé que l'indemnité de 1 500 000 FCP (soit 12 570 euros), arbitrée par le premier juge au titre de ce chef de préjudice, correspond à l'indemnisation usuelle de souffrances endurées qualifiées de "moyennes" ; qu'il n'est donc pas justifié de réformer le jugement sur ce point » (arrêt, p. , § et s.) ; Alors que les différentes souffrances psychiques et troubles qui y sont associés sont inclus dans le poste de préjudice des souffrances endurées ; que ce poste inclut donc le préjudice moral de mort imminente consistant pour la victime décédée à être demeurée, entre la survenance du dommage et sa mort, suffisamment consciente pour avoir envisagé sa propre fin ; qu'en allouant aux ayants droit de la victime, la somme de 150 000 FCP au titre du préjudice d'angoisse de mort imminente subi par celle-ci, après leur avoir alloué la même somme de 150 000 FCP au titre des souffrances endurées par celle-ci avant son décès, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le Fonds de garantie aux dépens de l'instance d'appel ; Alors que les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infraction sont à la charge du Trésor public ; qu'en condamnant néanmoins le Fonds de garantie aux dépens de l'instance d'appel, la cour d'appel a violé les articles R. 91 et R. 93, II, 11°, du code de procédure pénale, applicable en Polynésie française par application de l'article 804 du code de procédure pénale.
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COUR DE CASSATION BD CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 292 B+R Pourvoi n° D 21-19.936 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21 JUILLET 2023 La société Hyundai Motor France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° D 21-19.936, contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Cerdan occasion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité d'assureur de la société Cerdan occasion, 3°/ à Mme [K] [R], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Cerdan occasion, défenderesses à la cassation. L'affaire initialement orientée à la première chambre civile, a été renvoyée, par une ordonnance du 4 janvier 2023 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. La demanderesse au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, un moyen de cassation. Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Zribi et Téxier, avocat de la société Hyundai Motor France. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SARL Didier et Pinet, avocat de la société Groupama Rhône-Alpes-Auvergne. Le rapport de Mme Bacache, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Bacache, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Zribi et Téxier, de la SARL Didier et Pinet, et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Bacache, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, Mme Fontaine, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Abgrall, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 mai 2021), le 27 octobre 2010, M. [I] et Mme [P] (les acquéreurs) ont acheté un véhicule d'occasion de la société Cerdan occasion (le vendeur) qui l'avait elle-même acheté, le 23 mars 2007, de la société Hyundai Motor France (le fabricant). 2. Le 23 décembre 2014, invoquant des dysfonctionnements, les acquéreurs ont assigné en référé, pour obtenir la désignation d'un expert, leur assureur et le vendeur, lequel a, le 29 juin 2015, assigné le fabricant afin de lui voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise. 3. Les 19 avril et 3 mai 2016, les acquéreurs ont assigné en indemnisation, sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'assureur, le vendeur et le fabricant. Le vendeur a sollicité la garantie du fabricant qui a opposé la prescription des actions à son encontre. 4. Le vendeur a été condamné à indemniser les acquéreurs au titre de la garantie des vices cachés. La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, son assureur, est intervenue volontairement à l'instance d'appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société Hyundai Motor France fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action récursoire de la société Cerdan Occasion dirigée à son encontre et de la condamner à garantir celle-ci de toutes les condamnations prononcées contre elle alors « que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être formée par l'acquéreur, non seulement dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, mais encore dans le délai de la prescription extinctive de droit commun ; que la prescription de cette action fait obstacle à ce que le vendeur intermédiaire, qui ne dispose pas de plus de droits que l'acquéreur final, puisse exercer son action récursoire contre le constructeur ; qu'en jugeant que la prescription de l'action récursoire de la société Cerdan Occasion a commencé à courir à compter de son assignation par les consorts [I]-[P], le 23 décembre 2014, quand il résultait de ses propres constatations qu'à cette date, la prescription de l'action contre le constructeur était d'ores et déjà acquise pour avoir couru à compter de la vente initiale intervenue le 23 mars 2007, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 1648, alinéa 1, du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. 7. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun, dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV, n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III, n° 222). 8. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, qui prévoyait une prescription de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 précitée, d'une durée de trente ans. 9. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 10. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ. 11. Elle a également introduit à l'article 2232, alinéa 1, du code civil une disposition nouvelle selon laquelle le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. 12. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié). 13. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459, publié ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031, publié ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237, publié ; Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié). 14. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil, à savoir la découverte du vice. 15. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés. 16. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. 17. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008, selon lequel les dispositions qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur et il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. 18. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. 19. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 20. La cour d'appel a constaté que la vente à l'origine de la garantie invoquée au soutien de l'action récursoire avait été conclue par le fabricant le 23 mars 2007. 21. Il en résulte que l'action récursoire intentée le 29 juin 2015 par le vendeur contre le fabricant, moins de vingt ans après, est recevable. 22. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action récursoire du vendeur contre le fabricant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Hyundai Motor France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois. Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 (rejet) ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222 (cassation partielle sans renvoi) ;3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, Bull., (cassation partielle) ;3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités.3e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 21-18.218 (rejet), et les arrêts cités
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COUR DE CASSATION LM CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 Cassation partielle M. SOULARD, premier président Arrêt n° 290 B+R Pourvoi n° T 21-15.809 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21JUILLET 2023 1°/ la compagnie d'assurances Zurich Insurance PLC, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ la société DS Smith France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° T 21-15.809, contre l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Gaifin SRL, dont le siège est [Adresse 3] (Italie), défenderesse à la cassation. L'affaire initialement orientée à la chambre commerciale a été renvoyée, par une ordonnance du 22 septembre 2022 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. Les demanderesses au pourvoi invoquent, devant la chambre mixte, des moyens de cassation. Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la compagnie d'assurances Zurich Insurance PLC et de la société DS Smith France SAS. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de la société Gaifin SRL. Des observations en réplique ont été déposées par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la compagnie d'assurances Zurich Insurance PLC et de la société DS Smith France SAS. Le rapport de Mme Fontaine, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Abgrall, Bacache, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2021), la société Greci Agro-Industriale SRL (la société Greci), producteur de produits alimentaires longue conservation à destination des professionnels, se fournissait en poches de conditionnement stériles et hermétiques auprès de la société Rapak. 2. Des clients ayant soutenu qu'un gonflement anormal des poches avait entraîné la détérioration de leurs produits, la société Greci a déclaré le sinistre à son assureur, la société Zurich Insurance PLC (la société Zurich), qui a diligenté une expertise amiable. 3. Le 16 mai 2013, la société Greci a saisi une juridiction italienne qui a désigné un expert le 24 septembre 2013. 4. Le 25 novembre 2015, la société italienne Gaifin, cessionnaire de la créance de la société Greci, a assigné les sociétés DS Smith France, venant aux droits de la société Rapak, et Zurich en réparation de son préjudice. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Les sociétés DS Smith France et Zurich font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en garantie des vices cachés engagée par la société Gaifin et de dire cette dernière recevable en ses demandes, alors « que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable au délai de forclusion de la garantie des vices cachés ; qu'en énonçant que "le délai de 2 ans [de l'article 1648, alinéa 1, du code civil] est suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du code civil, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée" (arrêt p. 5, dernier §), pour en déduire qu'était recevable l'action en garantie des vices cachés intentée par la société Gaifin par assignation au fond du 25 novembre 2015, soit moins de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 19 décembre 2013 (arrêt p. 6, § 3), la cour d'appel a violé les articles 1648 et 2239 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. 8. En application de l'article 1648 de ce code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, l'action résultant de tels vices rédhibitoires devait être intentée par l'acquéreur dans un bref délai, suivant la nature de ces vices et l'usage du lieu où la vente avait été faite. 9. L'article 3 de l'ordonnance précitée a substitué à ce bref délai un délai biennal. 10. Dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 mars 2009, issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, l'article 1648 du code civil prévoit, en son premier alinéa, que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, en son second alinéa, que, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents. 11. Dans ce second alinéa, le législateur a pris le soin de préciser qu'il s'agissait d'un délai de forclusion. 12. En revanche, il n'a pas spécialement qualifié le délai imparti par le premier alinéa à l'acheteur pour agir en garantie contre le vendeur en application de l'article 1641 du code civil. 13. La Cour de cassation l'a parfois qualifié de délai de forclusion (3e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-24.289 ; 3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-22.670, publié), parfois de délai de prescription (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-24.365 ; 1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.824 ; 1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-15.070 ; Com., 28 juin 2017, pourvoi n° 15-29.013). 14. Les exigences de la sécurité juridique imposent de retenir une solution unique. 15. Dans le silence du texte, il convient de rechercher la volonté du législateur. 16. D'une part, tant le rapport au président de la République accompagnant l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 que le rapport n° 2836 du 1er février 2006 fait au nom de la commission des affaires économiques de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de ratification de cette ordonnance ainsi que le rapport n° 277 du 23 mars 2006 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale du Sénat sur ce même projet de loi de ratification mentionnent un délai de prescription pour l'action en garantie des vices cachés du code civil. 17. D'autre part, l'objectif poursuivi par le législateur étant de permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d'une réparation en nature, d'une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d'un vice caché, l'acheteur doit être en mesure d'agir contre le vendeur dans un délai susceptible d'interruption et de suspension. 18. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger que le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil est un délai de prescription. 19. La cour d'appel a énoncé, en premier lieu, que le délai de deux ans prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil pour intenter l'action en garantie des vices rédhibitoires est interrompu par une assignation en référé conformément à l'article 2241 de ce code, en second lieu, que ce délai est en outre suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du même code, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée. 20. Après avoir retenu que la saisine de la juridiction italienne, le 16 mai 2013, avait interrompu la prescription jusqu'au 24 septembre 2013, date de l'ordonnance ayant désigné l'expert, elle a relevé que celui-ci avait déposé son rapport le 19 décembre 2013 et que l'assignation au fond avait été signifiée le 25 novembre 2015. 21. Ayant ainsi retenu à bon droit que le délai prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil pour exercer l'action en garantie des vices cachés est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action n'était pas prescrite. 22. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 23. Les sociétés DS Smith France et Zurich font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Gaifin la somme de 377 343,78 euros en réparation de son préjudice économique, avec intérêts légaux et capitalisation, alors « que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de la société Gaifin, à savoir un rapport de son expert-comptable (sa pièce 56 en appel), pour retenir que celle-ci démontrait, qu'au préjudice résultant des poches (prétendument) défectueuses livrées aux clients, évalué par le jugement à la somme de 13 795,04 euros, s'ajoutait un préjudice lié aux pulpes de tomates détectées par la société Greci avant commercialisation s'élevant à la somme de 363 548,74 euros, soit la somme totale de 377 343,78 euros (arrêt p. 8, §§ 3 à 6), la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 24. En application de ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties. 25. Pour condamner les sociétés DS Smith France et Zurich au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice économique subi par la société Gaifin, l'arrêt constate qu'au vu du rejet partiel de ses prétentions en première instance, la société Gaifin produit une nouvelle pièce, le rapport de M. [I], expert-comptable. 26. Après avoir analysé ce seul rapport, il retient qu'il est ainsi démontré qu'au préjudice résultant des poches défectueuses livrées aux clients, justement évalué par le jugement, s'ajoute un préjudice lié aux poches défectueuses détectées par la société Greci avant leur commercialisation. 27. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier l'existence du second chef de préjudice, s'est fondée exclusivement sur le rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement à la demande de la société Gaifin et produit par elle en appel, sans relever l'existence d'autres éléments de preuve le corroborant, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 28. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant in solidum les sociétés DS Smith et Zurich à payer à la société Gaifin une certaine somme en réparation de son préjudice économique entraîne la cassation des chefs de dispositif portant sur la capitalisation des intérêts, les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit la société Gaifin recevable en ses demandes et constate que la société DS Smith France vient aux droits de la société Rapak, l'arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Gaifin SRL aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-22.670, Bull., (rejet).
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COUR DE CASSATION LM CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 293 B+R Pourvoi n° N 20-10.763 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21 JUILLET 2023 La société Arbre construction, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société des Etablissements Boulesteix, a formé le pourvoi n° N 20-10.763, contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société SPA Edilfibro, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3] (Italie), 2°/ à la société Bois et matériaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Wolseley France bois et matériaux, défenderesses à la cassation, L'affaire initialement orientée à la deuxième chambre civile puis à la chambre commerciale, a été renvoyée, par une ordonnance du 4 janvier 2023 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. La demanderesse au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, des moyens de cassation. Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arbre construction. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Bois et matériaux. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Edilfibro. Des observations en réplique et des observations en réplique complémentaires ont été déposées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arbre construction. Des observations complémentaires en réponse ont été déposées par la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Edilfibro. Des observations en vue de l'audience ont été déposées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arbre construction. Le rapport de Mme Abgrall, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, Mme Fontaine, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Bacache, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 26 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Com., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.477), et les productions, le 17 mars 2003, la société Vallade Delage a confié la réalisation de travaux de charpente, couverture et bardage d'un bâtiment agricole à la société Boulesteix, devenue la société Arbre construction (le constructeur), qui s'est approvisionnée en plaques de couverture en fibrociment auprès de la société PBM Aquitaine, devenue la société Wolseley France bois matériaux, puis la société Bois et matériaux (le fournisseur), laquelle s'était elle-même fournie auprès de la société de droit italien Edilfibro (le fabricant). 2. Les plaques ont été livrées le 31 décembre 2003 selon une facture émise par la société PBM Aquitaine. 3. Le 29 juillet 2013, la société Vallade Delage, se plaignant d'infiltrations dans la toiture, a assigné le constructeur en référé pour obtenir la désignation d'un expert. 4. Les opérations d'expertise ont été étendues au fournisseur par une ordonnance rendue le 16 octobre 2013 à la suite d'une assignation délivrée par le constructeur le 17 septembre 2013 et au fabricant par une ordonnance rendue le 8 janvier 2014 à l'initiative du fournisseur ; le rapport d'expertise a été déposé le 28 mai 2015. 5. Les 22, 24 et 29 juillet 2015, la société Vallade Delage a assigné le constructeur, le fournisseur et le fabricant en indemnisation de ses préjudices. 6. Le constructeur a appelé en garantie le fournisseur et le fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi additionnel et sur le premier moyen du pourvoi principal La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Thomas, greffier de chambre. 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen du pourvoi principal 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le constructeur fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action exercée contre le fournisseur et le fabricant et de dire irrecevables ses demandes envers eux, alors « que les dispositions de l'article 2232 du code civil, issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ont porté à vingt ans à compter du jour de la naissance du droit le délai butoir général des actions civiles et commerciales, lequel doit se substituer au délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce appliqué par la jurisprudence à l'action en garantie des vices cachés sous l'empire du droit antérieur ; qu'en énonçant que contrairement à ce que soutenait l'exposante au visa de l'article 2232 du code civil, c'était bien le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce qui constituait le délai butoir de la prescription extinctive de l'action en garantie des vices cachés et ce, y compris depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, pour en déduire que son action en garantie des vices cachés dirigée contre les sociétés Bois et Matériaux et Edilfibro était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil, par refus d'application, et l'article L. 110-4 du code de commerce, par fausse application, ensemble l'article 1648 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 10. Le fournisseur et le fabricant contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que la cour d'appel de renvoi a statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait. 11. Cependant, l'arrêt de cassation qui a saisi la cour d'appel de renvoi ne s'est prononcé que sur le régime de l'action principale engagée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur et non sur celui de l'action récursoire engagée par celui-ci contre le fournisseur et le fabricant, objet du présent moyen. 12. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1648, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, 2232, alinéa 1, et 2224 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, L. 110-4, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la même loi, et 26, I, de ladite loi : 13. Selon le premier de ces textes, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai à compter de la découverte du vice. 14. Selon le quatrième, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. 15. Selon le troisième, le délai de prescription de cinq ans des actions personnelles et mobilières court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 16. Selon le deuxième, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. 17. Selon le cinquième, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. 18. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans un bref délai, devenu un délai de deux ans depuis l'ordonnance du 17 février 2005 précitée, à compter de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222). 19. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce précité, d'une durée de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, d'une durée de trente ans. 20. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 21. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ. 22. Elle a également introduit, à l'article 2232, alinéa 1, du code civil, précité, une disposition selon laquelle le délai de prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter de la naissance du droit. 23. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié). 24. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459, publié ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031, publié ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237, publié ; Com., 25 janvier 2023, pourvoi n° 20-12.811, publié). 25. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil, à savoir la découverte du vice. 26. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés. 27. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le bref délai, devenu un délai de deux ans, à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. 28. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008 précitée. 29. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. 30. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil, relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 31. Pour déclarer prescrites les actions récursoires du constructeur, l'arrêt énonce que le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce constitue le délai-butoir de la prescription extinctive de l'action en garantie des vices cachés et ce, y compris depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qu'il appartenait au constructeur d'agir, non seulement dans le délai de deux ans à compter de la révélation du vice apportée par les conclusions du rapport d'expertise, mais aussi avant l'expiration du délai de l'article L. 110-4, lequel, ramené de dix à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 et non encore échu à l'entrée en vigueur de ce texte, les matériaux ayant été livrés le 31 décembre 2003, expirait le 18 juin 2013, et en déduit que les actions du constructeur étaient prescrites lorsqu'il a assigné le fabricant et le fournisseur le 17 septembre 2013. 32. En se déterminant ainsi, alors que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'est pas expiré à cette date, l'action en garantie des vices cachés est encadrée par le délai-butoir de vingt ans de l'article 2232 du code civil courant à compter de la vente conclue par la partie recherchée en garantie, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, à la date du recours du constructeur contre son fournisseur, d'une part, et contre le fabricant, d'autre part, le délai de dix ans courant à compter de chacune des ventes conclues par ces parties n'était pas expiré, et, dans la négative, si les recours avaient été engagés dans le délai de vingt ans suivant la date de chacune des ventes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne les sociétés Edilfibro et Bois et matériaux aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION BD CHAMBRE MIXTE Audience publique du 21 juillet 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 291 B+R Pourvoi n° V 21-17.789 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 21 JUILLET 2023 La société Nissan Center Europe GmbH, dont le siège est [Adresse 2] (Allemagne), a formé le pourvoi n° V 21-17.789, contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [X] [D]-[O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. L'affaire initialement orientée à la première chambre civile, a été renvoyée, par une ordonnance du 4 janvier 2023 du premier président, devant une chambre mixte composée de la première chambre civile, de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale. La demanderesse au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, un moyen de cassation. Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Nissan Center Europe GmbH. Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X] [D]-[O]. Des observations en réplique ont été déposées par la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Nissan Center Europe GmbH. Des observations complémentaires sur l'article 1015 du code de procédure civile ont été déposées par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X] [D]-[O]. Des observations en réponse à l'article 1015 du code de procédure civile ont été déposées par la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Nissan Center Europe GmbH. Le rapport de Mme Bacache, conseiller rapporteur, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties. Sur le rapport de Mme Bacache, conseiller, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, de la SARL Lyon-Caen et Thiriez, et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, Mme Teiller, M. Vigneau, présidents, Mme Bacache, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, Mme Fontaine, MM. Boyer, Fulchiron, Mmes Abgrall, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 février 2021), le 7 mars 2008, M. [D]-[O] (l'acheteur) a acquis de la société Leader Car (le vendeur) un véhicule qui avait été vendu à l'origine par la société Nissan Center Europe (le fabricant) et mis en circulation le 30 mars 2007. 2. Les 23 août et 29 novembre 2013, l'acheteur, alléguant l'existence de vices cachés affectant l'usage du véhicule, a assigné le fabricant en référé pour obtenir la désignation d'un expert. 3. Les 6 mai et 6 juin 2016, à la suite du dépôt du rapport d'expertise le 28 janvier 2015, l'acheteur a assigné en restitution du prix et paiement de dommages et intérêts le fabricant, sur le fondement de la garantie des vices cachés, lequel a opposé la prescription de l'action. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le fabricant fait grief a l'arrêt de déclarer recevables les demandes présentées par l'acheteur à son encontre, alors : « 1°/ que l'action en garantie des vices cachés prévue à l'article 1648 du code civil, qui doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription fixé par l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel, d'une durée de dix ans ramenée à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, court à compter de la vente initiale, lorsque le sous acquéreur agit contre le fabricant ou le vendeur initial ; qu'en ayant jugé que l'action en garantie des vices cachés intentée par M. [D]-[O] contre la société Nissan Center Europe, était recevable, car la prescription n'avait pu courir que depuis la découverte du vice affectant le véhicule, soit le 28 janvier 2015, date du dépôt du rapport d'expertise, quand la première mise en circulation du véhicule datant de 30 mars 2007, le délai quinquennal de prescription de l'action contre l'exposante était expiré le 19 juin 2013, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ; 2°/ que si le sous-acquéreur agit directement en garantie des vices cachés contre le constructeur du véhicule, la prescription quinquennale court depuis la vente initiale et non depuis le jour où l'acquéreur a connu le vice, ce point de départ n'étant opérant que pour la prescription biennale ; qu'en ayant jugé que la prescription quinquennale avait couru depuis la connaissance, par M. [D] [O], du vice affectant le véhicule, quand ce point de départ ne concernait que la seconde prescription, biennale, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ; 3°/ que si le sous-acquéreur agit directement en garantie des vices cachés contre le fabricant du véhicule, la prescription quinquennale court depuis la vente initiale et non depuis le jour où l'acquéreur a connu le vice, ce point de départ n'étant opérant que pour la prescription biennale ; qu'en ayant jugé que la prescription quinquennale avait couru depuis la connaissance, par M. [D]-[O], du vice affectant le véhicule, prétexte pris de ce que le vendeur initial connaissait l'existence de ce vice, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 1648, alinéa 1, du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. 6. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun, dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV, n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III, n° 222). 7. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, qui prévoyait une prescription de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 précitée, d'une durée de trente ans. 8. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 9. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ. 10. Elle a également introduit à l'article 2232, alinéa 1, du code civil une disposition nouvelle selon laquelle le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. 11. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié). 12. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459, publié ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031, publié ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237, publié ; Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié). 13. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil, à savoir la découverte du vice. 14. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés. 15. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. 16. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008, selon lequel les dispositions qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur et il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. 17. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. 18. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 19. La cour d'appel a constaté que le véhicule avait été vendu par le fabricant et mis en circulation le 30 mars 2007. 20. Il en résulte que l'action directe intentée le 6 mai 2016 par l'acquéreur à l'encontre du fabricant, moins de vingt ans après, est recevable. 21. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de l'acquéreur à l'encontre du fabricant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Nissan Center Europe aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt et un juillet deux mille vingt-trois. Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 (rejet) ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222 (cassation partielle sans renvoi) ;3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, Bull., (cassation partielle) ;3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités ;3e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 21-18.218 (rejet), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION MAS2 ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE Audience publique du 28 juillet 2023 Non lieu à statuer, Non-admission, Cassation partielle sans renvoi, Cassation sans renvoi M. SOMMER, président faisant fonction de premier président Arrêt n° 671 B+R Pourvois n° S 21-86.418, W 21-87.457, A 22-80.634, E 22-81.029, H 22-83.929, G 22-83.930, D 22-83.949, et Y 22-85.784 Jonction R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ______________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ______________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 28 JUILLET 2023 M. [B] [P] a formé des pourvois contre : - l'ordonnance de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (la commission d'instruction) du 17 août 2021 qui, dans l'information suivie contre lui du chef de prises illégales d'intérêts, a statué sur une demande de mesure d'instruction complémentaire, - les arrêts de la commission d'instruction des 3 novembre 2021 et 14 juin 2022 (arrêt n° 3) qui, dans la même information, ont prononcé sur ses demandes d'annulation d'actes de la procédure, - les arrêts de la commission d'instruction des 26 janvier, 9 février et 14 juin 2022 (arrêts n° 1 et 2) qui, dans la même information, ont rejeté ses demandes de mesures d'instruction complémentaires, - l'arrêt de la commission d'instruction du 3 octobre 2022 qui l'a renvoyé devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République sous la prévention de prises illégales d'intérêts. La SCP Spinosi a déposé, au greffe de la Cour de cassation, des mémoires. Le rapport écrit de Mme Dard, conseiller, et l'avis écrit de M. Desportes, premier avocat général, ont été mis à disposition des parties. La SCP Spinosi a déposé, au greffe de la Cour de cassation, des observations complémentaires. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, assistée de M. Dureux, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi, et l'avis de M. Desportes, premier avocat général, auquel la SCP Spinosi, invitée à le faire, a répliqué, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2023, où étaient présents M. Sommer, président de chambre faisant fonction de premier président, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, présidents, M. Huglo, Mme Duval-Arnould, doyens de chambre faisant fonction de présidents, Mme Taillandier-Thomas, conseiller faisant fonction de président, Mme Dard, conseiller rapporteur, M. Echappé, Mme Darbois, doyens de chambres, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Capitaine, Guihal, Renault-Malignac, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, MM. Boyer, Martin, Seguy, Gouton, Calloch, conseillers, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. En raison de leur connexité, il y a lieu de procéder à la jonction des pourvois S 21-86.418, W 21-87.457, A 22-80.634, E 22-81.029, H 22-83.929, G 22-83.930, D 22-83.949 et Y 22-85.784. Faits et procédure 2. Il résulte des décisions attaquées et des pièces de la procédure ce qui suit. 3. Par décision du 8 janvier 2021, la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (la commission des requêtes) a transmis au procureur général près ladite Cour (le procureur général) des plaintes émanant d'une association de lutte contre la corruption et de deux syndicats de magistrats, aux fins de saisine de la commission d'instruction du chef de prises illégales d'intérêts à l'encontre de M. [B] [P], garde des sceaux, ministre de la justice, relativement à des enquêtes administratives diligentées contre des magistrats, et émis un avis favorable aux demandes formées aux mêmes fins par le procureur général. 4. Par réquisitoire du 13 janvier 2021, la commission d'instruction a été saisie aux fins d'informer à l'encontre de M. [P] du chef de prises illégales d'intérêts, délit prévu et réprimé par l'article 432-12 du code pénal. 5. Le 1er juillet 2021, la commission d'instruction a procédé à une perquisition au sein des locaux du ministère de la justice. 6. Le 16 juillet 2021, M. [P] a été mis en examen par la commission d'instruction du chef précité. 7. Le 20 juillet 2021, il a saisi la commission d'instruction, sur le fondement des articles 82-1, alinéa 1, 81, alinéa 10, et 82-2 du code de procédure pénale, d'une demande d'acte. 8. Par une décision, qualifiée d'ordonnance, du 17 août 2021, la commission d'instruction a statué sur cette demande. 9. M. [P] a formé un pourvoi contre cette décision. Le 5 janvier 2022, le premier président de la Cour de cassation a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à examen immédiat de ce pourvoi. 10. Le 7 septembre 2021, M. [P] a déposé une requête en nullité des pièces de la procédure. 11. Par un arrêt du 3 novembre 2021, la commission d'instruction a rejeté cette requête. 12. M. [P] s'est pourvu en cassation contre cette décision. Le 1er décembre 2021, le premier président de la Cour de cassation a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à examen immédiat de ce pourvoi. 13. Entre le 12 janvier et le 3 mai 2022, M. [P] a saisi la commission d'instruction, sur le fondement des articles 82-1, alinéa 1, 81, alinéa 10, et 82-2 du code de procédure pénale, de quatre demandes d'actes. 14. Par quatre arrêts, le premier du 26 janvier 2022, le deuxième du 9 février 2022 et les deux derniers, portant les numéros 1 et 2, du 14 juin 2022, la commission d'instruction a rejeté ces demandes. 15. M. [P] s'est pourvu en cassation contre ces décisions. Par ordonnances respectivement des 9 février 2022, 2 mars 2022 et, pour les deux dernières, 13 juillet 2022, le premier président de la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à examen immédiat de ces pourvois. 16. Le 29 avril 2022, M. [P] a, sur le fondement de l'article 23 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République (la loi organique), déposé une nouvelle requête en nullité, portant sur les mêmes actes que la précédente. 17. Par arrêt, portant le numéro 3, du 14 juin 2022, la commission d'instruction a rejeté cette requête. 18. M. [P] a formé un pourvoi contre cette décision. Le 13 juillet 2022, le premier président de la Cour de cassation a rendu une ordonnance disant n'y avoir lieu à examen immédiat de ce pourvoi. 19. Par arrêt du 3 octobre 2022, la commission d'instruction a ordonné le renvoi de M. [P] devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République du chef de prises illégales d'intérêts. 20. M. [P] a formé un pourvoi contre cette décision. Non-lieu à statuer sur le pourvoi N° W 21-87.457 formé contre la décision, qualifiée d'ordonnance, du 17 août 2021 Vu l'article 606 du code de procédure pénale : 21. Saisie d'une demande d'audition de M. Molins en qualité de témoin, la commission d'instruction a ordonné, par décision du 17 août 2021, les auditions concomitantes de Mme [W], MM. [R] et [N], témoins, en présence du procureur général près la Cour de cassation, pris en sa qualité de représentant du ministère public près la Cour de justice de la République, et des avocats de M. [P]. 22. Celui-ci n'était recevable à critiquer cette décision qu'en ce qu'elle avait omis de statuer sur sa demande d'audition de M. Molins en qualité de témoin ou rejeté celle-ci. 23. Par requête du 27 janvier 2022, M. [P] a de nouveau sollicité cette audition. Par arrêt du 9 février 2022, cette demande a été rejetée. Dans le pourvoi formé contre cet arrêt, il ne critique pas ce chef de décision. 24. Il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur le pourvoi formé contre la décision du 17 août 2021, devenu sans objet. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, huitième, neuvième moyens et le dixième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021, et les moyens uniques des pourvois n° A 22-80.634, E 22-81.029, H 22-83.929 et D 22-83.949 formés respectivement contre les arrêts du 26 janvier 2022, du 9 février 2022, et n° 1 et 2 du 14 juin 2022 25. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen du pourvoi n° Y 22-85.784 formé contre l'arrêt du 3 octobre 2022 Enoncé du moyen 26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le renvoi de M. [P] devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République, alors « que le Ministre de la Justice, qui a comparu à l'audience devant la commission d'instruction du 6 septembre 2022 et s'est exprimé au cours de celle-ci, ne s'est pas vu notifier son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14.3 g) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 26 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République et de l'article 199 alinéa 4 du Code de procédure pénale ; qu'en conséquence, l'arrêt encourt la censure. » Réponse de la Cour 27. En premier lieu, le chapitre III, intitulé « Des débats et du jugement », du titre II de la loi organique, dans lequel est inséré l'article 26 de ladite loi, renvoie aux règles fixées par le code de procédure pénale concernant les débats et le jugement en matière correctionnelle. Cet article ne s'applique, dès lors, qu'à la formation de jugement de la Cour de justice de la République. 28. Selon l'article 18 de la loi organique, sauf disposition dérogatoire, la commission d'instruction procède à tous les actes qu'elle juge utiles à la manifestation de la vérité selon les règles édictées par le code de procédure pénale et spécialement celles relatives aux droits de la défense. 29. Il n'est ainsi renvoyé qu'au chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale relatif à la juridiction d'instruction du premier degré. 30. Aucune autre disposition du chapitre II du titre II de la loi organique, afférent à la procédure suivie devant la commission d'instruction, ne rend applicable à celle-ci l'article 199, alinéa 4, du code de procédure pénale, propre à la chambre de l'instruction, juridiction d'instruction du second degré. 31. En second lieu, l'article 14, § 3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques consacre le droit de ne pas être contraint à témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable. 32. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de se taire sont au coeur de la notion de droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, arrêt du 10 mars 2009, Bykov c. Russie, n° 4378/02, § 92). 33. La Convention visant à garantir des droits non pas théoriques et illusoires mais concrets et effectifs, cette Cour estime donc inhérent au droit de garder le silence celui d'en être informé (CEDH, arrêt du 13 septembre 2016, Ibrahim et autres c. Royaume-Uni, n° 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09, § 272). 34. A cet égard, l'article préliminaire, III, avant-dernier alinéa, du code de procédure pénale, prévoit qu'en matière de crime ou de délit, le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, lors de sa première présentation devant une juridiction. 35. La Cour de cassation juge qu'aucun texte ne fait obligation au magistrat instructeur de renouveler, à l'occasion de chaque acte, l'avertissement du droit de se taire (Crim., 4 novembre 2020, pourvoi n° 20-84.046, publié). 36. La commission d'instruction, juridiction unique, procède aux actes utiles à la manifestation de la vérité, notamment aux auditions et interrogatoires des membres du Gouvernement, en application des dispositions des articles 18 à 21 de la loi organique, puis au règlement de la procédure, ainsi qu'en disposent les articles 22 et 23 de la même loi. 37. Il en résulte que la notification faite à la personne mise en examen du droit de se taire lors de son interrogatoire de première comparution vaut pour l'ensemble de la procédure d'information conduite par la commission d'instruction jusqu'à sa clôture, de sorte que la commission d'instruction n'a pas l'obligation de réitérer cet avertissement à chaque comparution devant elle de la personne mise en examen. 38. En l'espèce, les juges ayant notifié à M. [P] le droit de se taire lors de son interrogatoire de première comparution, ils n'avaient pas à réitérer cet avertissement à l'audience du 6 septembre 2022, consacrée au règlement de la procédure. 39. La commission d'instruction n'a donc méconnu aucune des exigences des textes visés au moyen, lequel, en conséquence, doit être rejeté. Sur les troisième et cinquième moyens du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021 Enoncé des moyens 40. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [P] sans lui avoir donné accès à l'audition de Mme [I] [K] réalisée le 12 octobre 2021, alors « que les principes du droit à un procès équitable, du contradictoire et des droits de la défense, tels que protégés par les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du Code de procédure pénale, impliquent la communication au mis en examen, par la juridiction chargée à la fois de la réalisation des investigations et du contrôle de la régularité de celles-ci, et antérieurement à l'audience au cours de laquelle la régularité de la procédure est appréciée, de tout élément du dossier susceptible d'influer sur l'appréciation du moyen de nullité qui lui est soumis ; qu'en s'abstenant de communiquer au Ministre de la Justice l'audition de Mme [I] [K], conseillère justice du Président de la République, réalisée le 12 octobre 2021, qui affirmait avoir eu un contact avec M. Molins au sujet de la saisine de l'Inspection générale de la Justice s'agissant des magistrats du PNF, lorsque la requête en nullité décriait précisément l'intervention de M. Molins dans ces faits sans évoquer cet élément déterminant jusqu'alors inconnu de la défense, la Commission d'instruction a méconnu les principes précités. » 41. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré du défaut d'impartialité du procureur général près la Cour de cassation exerçant le ministère public près la Cour de justice de la République, alors « qu'est entachée d'inéquité, en violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne et de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, une information judiciaire ouverte à l'initiative de M. Molins, Procureur général, qui a en amont écrit une tribune pour dénoncer les faits, qui a rendu public tant le déclenchement des poursuites que la mise en examen, et dont les éléments de l'information ont révélé qu'il a participé, en donnant des conseils à différentes autorités, et notamment à Mme [W], chef de cabinet du Ministère de la Justice, mais également à Mme [K], Conseiller Justice de l'Elysée, au sujet de la décision d'engager une enquête administrative à l'égard des magistrats du Parquet national financier, qui est précisément l'objet des poursuites ; qu'il est également apparu que M. Molins a donné à M. [O], magistrat du parquet, son accord pour participer à l'émission de télévision dans laquelle M. [G] est intervenu, au prix de soupçons de violation du secret de l'instruction ; que la violation du droit à un procès équitable, du contradictoire et de l'égalité des armes, que la Commission d'instruction a refusé la demande formulée par la défense d'entendre M. Molins comme témoin, ce dernier s'étant borné à un courrier livrant des éléments sélectifs sur ses diverses interventions ; que la Commission d'instruction ne pouvait, dans ces conditions, se refuser à annuler la procédure. » Réponse de la Cour 42. Les moyens sont réunis. 43. Le représentant du ministère public ne décidant pas du bien-fondé d'une accusation en matière pénale, le moyen pris de la partialité supposée de ce magistrat est inopérant (Crim., 6 janvier 1998, pourvoi n° 97-81.466, Bull. crim. 1998, n° 1 ; Crim., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-80.291). 44. L'application faite par la commission d'instruction de ce principe suffit à justifier sa décision de rejeter le moyen tiré du défaut d'impartialité du procureur général. 45. Par conséquent, le troisième moyen, qui invoque l'absence de communication préalable d'une pièce présentée comme déterminante pour l'examen de ce grief, est inopérant. 46. Les moyens, dès lors, doivent être écartés. Sur le sixième moyen du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021 Enoncé du moyen 47. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité des actes de recherche et des demandes de documents émanant du procureur général antérieurement à la délivrance du réquisitoire introductif, alors « qu'il résulte des articles 15 et 19 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 que devant la Cour de justice de la République, les investigations sont menées par la Commission d'instruction postérieurement au réquisitoire à fin d'informer ou, à titre exceptionnel, et en cas de plainte insuffisamment motivée ou insuffisamment justifiée par les pièces produites, par l'un de ses membres selon les formes prévues par les articles 75, 76 et 77-1 du Code de procédure pénale ; qu'encourait en conséquence l'annulation pour excès de pouvoir les actes par lesquels le Procureur général a, dès le 2 octobre 2020, sollicité puis obtenu la transmission de certains éléments de procédure auprès du Parquet de Nanterre. » Réponse de la Cour 48. Selon les articles 68-2, alinéa 4, de la Constitution et 17 de la loi organique, le procureur général peut saisir d'office la Cour de justice de la République, après avoir recueilli l'avis conforme de la commission des requêtes. 49. Il en résulte que, sans préjudice des pouvoirs que la commission des requêtes tient de l'article 15, alinéa 1, de la loi organique ni des pouvoirs réservés à la commission d'instruction par l'article 19 de la même loi, le procureur général dispose de la faculté de procéder à des vérifications sommaires afin d'apprécier la pertinence des signalements dont il est rendu destinataire et la suite à y donner. 50. Est constitutif d'une telle vérification, le recueil d'éléments de procédure auprès d'une autre autorité judiciaire. 51. Pour écarter le moyen tiré de la nullité des actes de recherche et des demandes de documents émanant du procureur général, l'arrêt retient que celui-ci a seulement sollicité du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre la transmission de copies de pièces déjà établies, dans l'unique perspective d'examiner la pertinence d'un signalement dont le ministère public avait été saisi et d'émettre un avis sur ses suites. 52. En l'état de ces seules constatations et énonciations, la commission d'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 53. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le septième moyen du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021 Enoncé du moyen 54. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité du réquisitoire introductif non signé par le procureur général, alors « qu'en vertu des articles 8 et 19 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, la saisine de la Cour de justice de la République revient au Procureur général près la Cour de cassation, qui doit prendre un réquisitoire à fin d'informer, sans possibilité de délégation de signature de cet acte de saisine aux avocats généraux qui l'assistent ; que la Commission d'instruction ne pouvait refuser d'annuler le réquisitoire à fin d'informer signé en l'espèce non par le Procureur général, M. Molins, mais par son avocat général, M. [Y]. » Réponse de la Cour 55. Selon l'article 8 de la loi organique, le ministère public près la Cour de justice de la République est exercé par le procureur général près la Cour de cassation, assisté d'un premier avocat général et de deux avocats généraux qu'il désigne. 56. L'article 19 de la même loi, selon lequel la commission d'instruction informe en vertu d'un réquisitoire du procureur général, n'exige pas que cet acte soit signé personnellement par celui-ci. 57. Le seul recours, à l'article 8 précité, à la notion d'assistance, reprise de l'article 13 de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice, ne suffit pas à considérer que le législateur aurait entendu déroger, au sein du parquet ainsi institué devant la Cour de justice de la République, au principe d'indivisibilité du ministère public, selon lequel tout magistrat d'un parquet puise dans sa seule qualité, en dehors de toute délégation de pouvoirs, le droit d'accomplir tous les actes rentrant dans l'exercice de l'action publique (Crim, 3 juillet 1990, n° 90-82.418, Bull. crim. 1990, n° 275). 58. Il en résulte que la commission d'instruction a été régulièrement saisie par un réquisitoire signé au nom du procureur général par un avocat général désigné par celui-ci pour l'assister dans l'exercice du ministère public près la Cour de justice de la République. 59. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le quatrième moyen du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021 Enoncé du moyen 60. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine de la commission d'instruction en raison de l'irrecevabilité des plaintes à l'origine de celle-ci, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 13 alinéa 1er de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, il est prévu que "sous peine d'irrecevabilité, la plainte portée auprès de la commission des requêtes par une personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions doit contenir le nom du membre du Gouvernement visé par ladite plainte et l'énoncé des faits allégués à son encontre ; elle doit être signée par le plaignant" ; qu'il résulte de ce texte que le non-respect du formalisme imposé par la loi organique s'agissant de la plainte qui permet in fine la saisine de la Commission d'instruction doit pouvoir faire l'objet d'une critique de la part de l'ensemble des parties, et notamment de la défense ; qu'en jugeant que "tout nouvel examen par la commission d'instruction de la recevabilité d'une plainte admise par la commission des requêtes apparaît exclu par l'article 14 alinéa 3 [de la loi organique]" (Arrêt, p. 19), la Commission d'instruction a méconnu l'article 13 de cette loi, interprété à la lumière du droit à un recours effectif protégé par l'article 6 de la Convention européenne ; 2°/ qu'il résulte de l'article 68-2 de la Constitution que le Procureur général près la Cour de cassation se trouve en situation de compétence liée, devant saisir la Commission des requêtes si la Commission d'instruction lui transmet une plainte ; qu'en conséquence, c'est à tort que la Commission d'instruction a jugé – là où en l'espèce l'existence d'une saisine d'office est à exclure, considérant les plaintes qui avaient été déposées – que "les irrégularités éventuelles pouvant affecter la décision de la commission des requêtes, nonobstant le fait qu'elle n'est pas susceptible de recours, ne sauraient affecter la régularité de la saisine de la commission d'instruction, laquelle en application de l'article 19 susvisé, n'est saisie que par le réquisitoire du procureur général" (Arrêt, p. 19) ; 3°/ qu'en outre, a méconnu l'article 13 de la loi organique précitée, qui exclut l'applicabilité des articles 2-1 et suivants du Code de procédure pénale permettant à des associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile concernant certaines infractions, la Commission d'instruction qui a jugé, s'agissant d'ANTICOR, qu'elle pouvait agir sur le fondement de l'article 2-23 du même code pour en déduire que "le requérant n'est pas fondé à invoquer l'absence de préjudice direct et personnel de l'association" (Arrêt, p. 19), après avoir relevé que cet article avait été invoqué de manière "superfétatoire" ; 4°/ que de plus fort, des syndicats de magistrat ne peuvent se prévaloir de l'atteinte à un intérêt collectif du fait des "agissements en matière disciplinaire d'un ministre de la justice, anciennement avocat, à l'encontre de magistrats contre lesquels il a, en son nom ou celui des clients qu'il représentait, précédemment déposé plainte ou qu'il a accusés publiquement notamment d'user de méthodes qualifiées de "barbouzardes" (CJR, D776)" (Arrêt, p. 20) ; 5°/ que par ailleurs, il résulte de l'article L. 2132-3 du Code du travail que le représentant d'une organisation syndicale doit justifier d'un pouvoir spécial ou d'une disposition des statuts l'habilitant à agir en justice ; qu'a méconnu ce principe et n'a pas justifié sa décision la Commission d'instruction qui a considéré que "l'absence au dossier de pouvoir spécial ou d'habilitation autorisant les représentants des syndicats à se constituer partie civile ne saurait être utilement invoquée, dès lors d'une part qu'ils n'ont jamais réclamé cette qualité, d'autre part que la loi organique l'interdit [?]" (Arrêt, p. 20) ; 6°/ qu'enfin, il appartenait à la Commission d'instruction de se pencher sur l'ensemble des critiques qui lui étaient soumises s'agissant des plaintes de l'association [1] et des plaintes des deux syndicats [4] et [4], sinon pour annuler l'ensemble de la procédure, serait-ce, a minima, pour écarter ces éléments du dossier de la procédure, au même titre que les auditions de témoin de ces plaignants par la Commission d'instruction (D120, D25, D130) ; que l'Assemblée plénière, dans l'exercice du contrôle en droit et en fait qui est le sien, constatera l'irrecevabilité de ces plaintes, la condition de signature par la partie lésée n'étant pas remplie s'agissant de la plainte d'ANTICOR pas plus que celles tenant à la qualité et à l'intérêt à agir ; que ces deux dernières conditions font également défaut s'agissant de la plainte commune du [3], les représentants de ces syndicats ne disposant pas, en outre, d'une habilitation ou d'un pouvoir spécial pour agir en justice ; que l'Assemblée plénière ne pourra que constater l'irrecevabilité de ces plaintes, et la méconnaissance des articles 13 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, 2, 2-23 et 3 du Code de procédure pénale et L. 2132-3 du Code du travail. » Réponse de la Cour 61. Aux termes de l'article 68-2, alinéas 2 à 4, de la Constitution, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes. Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République. Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d'office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes. 62. Selon l'article 19 de la loi organique, la commission d'instruction informe en vertu d'un réquisitoire du procureur général près la Cour de cassation. 63. En l'espèce, la commission d'instruction a été saisie par un réquisitoire du procureur général fondé, d'une part, sur la décision de la commission des requêtes de lui transmettre les plaintes de l'association [1] et des syndicats de magistrats aux fins de poursuites à l'encontre de M. [P] du chef de prises illégales d'intérêts, d'autre part, sur l'avis favorable donné par cette commission à sa demande aux mêmes fins. 64. La commission d'instruction est régulièrement saisie par le réquisitoire du procureur général agissant d'office sur avis conforme de la commission des requêtes. 65. Il en résulte que le moyen, qui critique la régularité de la saisine de la commission d'instruction en raison de l'irrecevabilité des plaintes de l'association [1] et des syndicats de magistrats, est devenu inopérant par suite du rejet des cinquième, sixième et septième moyens du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021. Mais sur le dixième moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt du 3 novembre 2021 Enoncé du moyen 66. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de la perquisition, alors : « 4°/ qu'un greffier ne peut recevoir pour mission de trier les objets découverts au cours d'une perquisition ; que dès lors, la Commission d'instruction devait prononcer la nullité de ces opérations de tri des éléments utiles à la manifestation de la vérité effectuées par la greffière, en violation des articles 9 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, 56, 57, 66 et 92 du Code de procédure pénale, 4 du décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires. » Réponse de la Cour Vu les articles 56 et 81 du code de procédure pénale : 67. Il résulte du premier de ces textes que le tri de documents découverts lors d'une perquisition à l'effet de sélectionner ceux qui sont en rapport avec l'objet de l'information procède de la réalisation de la mesure d'investigation elle-même, en ce qu'il tend à la recherche des éléments utiles à la manifestation de la vérité. 68. Aucun texte n'autorise le juge d'instruction à déléguer au greffier tout ou partie des pouvoirs d'investigation qu'il tient du second. 69. Il s'en déduit que, lorsqu'il se transporte sur les lieux pour procéder à une perquisition, le juge d'instruction ne peut confier une telle tâche au greffier. 70. Pour rejeter le grief pris de la participation d'un greffier à des opérations de tri des documents découverts au cours de la perquisition, l'arrêt énonce que le greffier a un rôle d'assistance du juge d'instruction dans le déroulement de la procédure, qu'il authentifie les actes auxquels il participe et qu'il est tenu au secret de l'instruction. 71. Il précise que le greffier est soumis à l'autorité fonctionnelle du juge d'instruction et à ce titre exécute les consignes qui lui sont données par celui-ci. 72. Il ajoute que, dès lors qu'il assiste le magistrat à l'occasion d'un transport susceptible d'aboutir à l'appréhension puis à la saisie de pièces à conviction, aucun texte n'interdit au greffier de participer, sous la direction du juge d'instruction, au bon ordonnancement des opérations de tri de documents. 73. En statuant ainsi, la commission d'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés. 74. La cassation de l'arrêt est donc encourue de ce chef. Et sur le moyen relevé d'office dans le pourvoi n° G 22-83.930 formé contre l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022, mis dans le débat par le ministère public et pris de l'irrecevabilité de la requête en nullité du 29 avril 2022 Vu les articles 18 et 23 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République et 173-1, alinéa 1, du code de procédure pénale : 75. Selon l'article 18 de la loi organique, sauf disposition dérogatoire, la commission d'instruction procède à tous les actes qu'elle juge utiles à la manifestation de la vérité selon les règles édictées par le code de procédure pénale et spécialement celles relatives aux droits de la défense. 76. Aux termes de l'article 23 de la loi organique, aussitôt que l'information lui paraît terminée, la commission d'instruction communique le dossier au procureur général pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. Les membres du Gouvernement et leurs avocats en sont avisés. Ils disposent d'un délai de vingt jours à compter de cet avis pour demander à la commission d'instruction de statuer sur d'éventuelles nullités. 77. Ce texte n'introduit pas de disposition dérogatoire au droit commun dès lors que, selon l'article 175 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à la date d'adoption de la loi organique, les parties disposaient également d'un délai identique pour déposer une requête en nullité. 78. Aux termes de l'article 173-1, alinéa 1, du code de procédure pénale, introduit dans ce code par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, dans sa rédaction modifiée par les lois n° 2002-307 du 4 mars 2002 et n° 2016-731 du 3 juin 2016, sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n'aurait pu les connaître. Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs ou des actes qui lui ont été notifiés en application de ce code. 79. Si l'avis de fin d'information prévu à l'article 175 précité, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ouvre aux parties la possibilité de déposer des requêtes en nullité, c'est à la condition que celles-ci soient recevables en application de l'article 173-1. 80. Les règles applicables, en vertu des articles 18 et 26 de la loi organique, à la procédure suivie devant la Cour de justice de la République sont celles en vigueur au moment de l'acte ou de la décision de ladite Cour (Ass. plén., 26 avril 2022, pourvoi n° 21-86.158, publié ; Ass. plén., 4 juin 2021, pourvoi n° 21-81.656, publié). 81. Il en résulte que l'article 173-1, alinéa 1, du code de procédure pénale est applicable aux demandes en nullité des actes de la procédure d'information suivie par la commission d'instruction. 82. Dès lors, les membres du Gouvernement et leurs avocats ne peuvent demander à la commission d'instruction de statuer sur d'éventuelles nullités en application de l'article 23 de la loi organique que sous réserve que leur requête ne soit pas irrecevable en application de l'article 173-1 du code de procédure pénale. 83. Le 29 avril 2022, les avocats de M. [P] ont déposé une requête en nullité dirigée contre la mise en examen qui lui avait été notifiée lors de l'interrogatoire de première comparution du 16 juillet 2021 et des actes antérieurs à celui-ci. 84. Pour la déclarer recevable, l'arrêt n° 3 rendu par la commission d'instruction le 14 juin 2022 retient que les dispositions de l'article 23 de la loi organique, exorbitantes du droit commun en ce qu'elles autorisent le dépôt d'une requête en fin de procédure, confèrent en cela un droit complémentaire aux membres du Gouvernement mis en examen et à leurs avocats. 85. En statuant ainsi, alors qu'il s'était écoulé plus de six mois depuis l'interrogatoire de première comparution de M. [P], la commission d'instruction a violé les textes précités. 86. La cassation de l'arrêt susvisé est donc encourue. Portée et conséquences de la cassation partielle de l'arrêt du 3 novembre 2021 et de la cassation totale de l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022 87. La Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3, alinéa 3, du code de l'organisation judiciaire, la cassation des arrêts du 3 novembre 2021 et n° 3 du 14 juin 2022 aura lieu sans renvoi. 88. Eu égard à ce qui a été énoncé aux paragraphes n° 67 à 74, il y a lieu de prononcer la nullité des saisies de pièces ayant donné lieu aux scellés DIRCAB ADJ 1 à DIRCAB ADJ 11. 89. Il y a lieu de prononcer également la nullité des copies de pièces saisies, faisant l'objet des annexes 2, 3, 4 et 5 de la pièce 3-61 du procès-verbal n° 34/2021 de la section de recherches de la gendarmerie de [Localité 2] (D1219/10 à D1219/16) et de canceller les mentions se référant aux pièces annulées dans les actes figurant en cotes D903, D1002, D1219 et D1579. 90. L'arrêt du 3 octobre 2022 ordonnant le renvoi de M. [P] devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République du chef de prises illégales d'intérêts se réfère à l'une des pièces dont la saisie est annulée, celle faisant l'objet du scellé DIRCAB ADJ 10, mention figurant en page 131, § 2, dont il y a lieu d'ordonner la cancellation. 91. La décision de la commission d'instruction repose sur d'autres motifs dont elle déduit l'existence de charges qu'elle estime suffisantes pour ordonner le renvoi et qu'il appartiendra à la formation de jugement d'apprécier. En conséquence, la cassation de l'arrêt du 3 novembre 2021 n'entraîne pas celle de l'arrêt de renvoi. 92. Enfin, eu égard à ce qui a été énoncé aux paragraphes n° 75 à 86, il y a lieu de déclarer irrecevable la requête en nullité déposée le 29 avril 2022. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens de cassation proposés au soutien du pourvoi n° G 22-83.930 formé contre l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022, la Cour : Sur le pourvoi n° W 21-87.457 formé contre la décision rendue par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 17 août 2021 : DIT n'y avoir lieu à statuer ; Sur les pourvois n° A 22-80.634, E 22-81.029, H 22-83.929 et D 22-83.949 formés respectivement contre les arrêts de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République du 26 janvier 2022, du 9 février 2022 et n° 1 et 2 du 14 juin 2022 : Les DÉCLARE NON ADMIS ; Sur le pourvoi n° Y 22-85.784 formé contre l'arrêt rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 3 octobre 2022 : Le REJETTE ; Sur le pourvoi n° S 21-86.418 formé contre l'arrêt rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 3 novembre 2021 : CASSE et ANNULE l'arrêt de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République du 3 novembre 2021, mais seulement en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité des opérations de tri de documents effectuées par le greffier ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ANNULE les saisies des pièces placées sous scellés DIRCAB ADJ 1 à DIRCAB ADJ 11 ; ORDONNE la restitution de ces pièces ; PRONONCE l'annulation des copies de celles de ces pièces figurant en cotes D1219/10 à D1219/16 ; ORDONNE leur retrait du dossier de la procédure et leur classement au greffe de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République et DIT qu'il sera interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties ; ORDONNE la cancellation après qu'il aura été pris une copie certifiée conforme par le greffier, pour être classée au greffe de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République, des pièces concernées : - de la cote D903/12, à partir du paragraphe commençant par « Dans le même temps » ; - de la cote D903/13, jusqu'au paragraphe se terminant par « sous scellé DIRCAB ADJ 11 » inclus ; - dans la cote D1002/3, du passage allant de « DIRCABADJ1 "entretien avec Mme [C] [A]..." » jusqu'à « 45 feuillets de notes manuscrites écrites par M. [R] » ; - dans la cote D1219/3, de la mention « et scellé DIRCABADJ1 » ; - dans la cote D1219/4, de la mention « et scellé DIRCABADJ2 » et à partir de la mention « scellé n°DIRCABADJ3 » jusqu'à la mention « mission sur le PNF. » ; - de la cote D1219/5, de la mention « scellé n°DIRCABADJ5 » jusqu'à la mention « Annexe 5, 2 feuillets, (copie) » ; - dans la cote D1579/2, du passage allant de « DIRCABADJ1 "entretien avec Mme [C] [A]..." » jusqu'à « 45 feuillets de notes manuscrites écrites par M. [R] D903 CJR » ; - à la page 131 de l'arrêt rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 3 octobre 2022, du paragraphe commençant par « une "note pour le ministre" » et se terminant par « le ministre "n'estimait pas se trouver en situation de conflit d'intérêts" (D 858/9). » Sur le pourvoi n° G 22-83.930 formé contre l'arrêt n° 3 rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 14 juin 2022 : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° 3 rendu par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République le 14 juin 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête en nullité déposée le 29 avril 2022 par M. [P] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt du 3 novembre 2021 partiellement cassé et de l'arrêt n° 3 du 14 juin 2022 cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-huit juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 532 FS-B Pourvoi n° R 21-25.214 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ la société GRB, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ la société B1 associés, administrateur, en la personne de M. [G] [S], domicilié [Adresse 4], en qualité d'administrateur de la société GRB , 2°/ la société [K], dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [B] [K], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société GRB, ont formé le pourvoi n° R 21-25.214 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [J] [E], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société [E] Carozzino architectes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, 3°/ à M. [O] [T], 4°/ à Mme [P] [M], épouse [T], domiciliés tous deux [Adresse 3], 5°/ à la société Losoa, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. et Mme [T] et la SCI Losoa ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident éventuel. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société GRB, de la société Selas B1 et associés et de la société [K], ès qualités, de Me Balat, avocat de M. et Mme [T] et de la société Losoa, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [E] et de la société [E] Carozzino architectes, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2021), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-12.092, Bull. 2017, III, n° 50) M. et Mme [T] ont confié à la société GRB, désormais en redressement judiciaire, des travaux de réfection d'une maison, sous la maîtrise d'oeuvre de la société [E] Carozzino architectes (la société [E]), aux droits de laquelle vient la société Punto architectes. 2. La réception est intervenue le 1er avril 2010 avec réserves. 3. Le 5 mai 2010, la société GRB a adressé son mémoire définitif à la société [E] puis a mis en demeure, le 15 juillet suivant, les maîtres de l'ouvrage de lui notifier le décompte général définitif. 4. Par lettre du 21 juillet 2010, le maître d'oeuvre a adressé à la société GRB un décompte général définitif, déduction faite notamment de pénalités de retard et du montant du marché portant sur les pierres intérieures et extérieures. 5. La société GRB a assigné M. et Mme [T] en paiement du solde du marché. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. La société GRB et les sociétés B1 et associés et [K] prises respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société GRB, font grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation à paiement prononcée contre M. et Mme [T] au titre du solde du marché, alors « que le maître de l'ouvrage qui ne conteste pas le mémoire définitif dans les délais prévus par la norme AFNOR NF P 03 001 applicable à un marché de travaux, est réputé l'avoir accepté ; que la cour d'appel a constaté que dans son mémoire définitif, la société GRB avait établi à 376 092,99 euros, soit 396 778 euros TTC, le montant du marché, soit un solde restant dû s'élevant à 137 087,39 euros ; qu'elle a ajouté que M. et Mme [T] s'étant abstenus de répondre à ce mémoire dans le délai qui leur était imparti, étaient réputés avoir accepté ce montant ; qu'en appliquant néanmoins au montant du mémoire des déductions au titre de pénalités de retard et au titre de la reprise de malfaçons, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que le solde du marché réclamé dans le mémoire du 4 mai 2010 était définitif et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable ensemble les articles 19.6.1 et 19.6.2 de la norme AFNOR NF P 03- 001. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 7. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites. 8. Il en résulte, lorsque les parties sont convenues d'une procédure contractuelle de vérification des comptes conforme à la norme AFNOR NF P 03- 001, que le maître de l'ouvrage, qui ne conteste pas le mémoire définitif de l'entreprise dans les délais prévus par la procédure de clôture des comptes organisée par cette norme, est réputé l'avoir accepté et ne peut, passé ces délais, former de réclamation au titre des pénalités de retard ou du coût de reprise d'un désordre réservé à la réception. 9. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de M. et Mme [T] au titre du solde du marché, l'arrêt déduit, par compensation entre créances réciproques, du solde restant dû, tel que résultant du mémoire définitif de l'entreprise, une somme au titre des pénalités de retard et le coût de reprise d'un désordre réservé à la réception. 10. En statuant ainsi, après avoir retenu que les maîtres de l'ouvrage, qui n'avaient pas formulé de contestation dans les délais prévus par la procédure de vérification des comptes, étaient réputés avoir accepté le mémoire définitif de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel Enoncé du moyen 11. M. et Mme [T] et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes dirigées contre la société [E], aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, alors « que la cassation qui pourrait éventuellement intervenir sur le pourvoi principal, qui critique la condamnation de l'entrepreneur à payer au maître de l'ouvrage des pénalités de retard, s'étendra nécessairement par voie de conséquence et par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, au chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui, par confirmation du jugement, déboute le maître de l'ouvrage de sa demande indemnitaire dirigée contre l'architecte au motif que son préjudice se trouvait réparé notamment par les pénalités contractuelles de retard. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 12. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 13. Pour rejeter l'appel en garantie formé par M. et Mme [T] à l'encontre de la société [E], l'arrêt retient que les retards dans l'exécution des travaux sont d'ores et déjà réparés par l'octroi de dommages-intérêts représentant les pénalités de retard. 14. Il en ressort que la cassation du chef de dispositif limitant à une certaine somme la condamnation prononcée contre M. et Mme [T] au titre du solde du marché de la société GRB, en ce que des pénalités de retard ont été déduites du solde réclamé par celle-ci dans son mémoire définitif, entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant l'appel en garantie formé par les maîtres de l'ouvrage à l'encontre de la société [E], maître d'oeuvre, au titre des pénalités de retard, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 80 934,39 euros, la condamnation prononcée in solidum contre M. et Mme [T] au bénéfice de la société GRB et en ce qu'il rejette l'appel en garantie de M. et Mme [T] à l'encontre de la société [E] Carozzino architectes, aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, au titre des pénalités de retard, l'arrêt rendu le 29 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Dit que la société [E] Carozzino architectes, aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, supportera les dépens du pourvoi incident éventuel de M. et Mme [T] et condamne ceux-ci aux autres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 18 novembre 2009, pourvoi n° 08-13.676, Bull. 2009, III, n° 251 (cassation partielle sans renvoi ) ; 3e Civ., 26 novembre 2014, pourvoi n° 13-24.888, Bull. 2014, III, n° 158 (cassation) ; 3e Civ., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-12.092, Bull. 2017, III, n° 50 (cassation) ; 3e Civ., 18 mars 2021, pourvoi n° 20-12.596, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 528 FS-B Pourvoi n° D 22-12.741 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 M. [H] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-12.741 contre les arrêts rendus les 20 février 2018 (RG 17/03982 et 17/03983) par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile) et 28 juin 2013 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Laurent Mayon, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société les Jardins du Trait, 2°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société BNP Paribas Invest Immo, 3°/ à la société Les Jardins du Trait, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6], 4°/ à la société Le Crédit Industriel et Commercial, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société CIC Iberbanco, 5°/ à M. [P] [X], domicilié [Adresse 4], 6°/ à M. [V] [K], 7°/ à Mme [B] [W], épouse [K], tous deux domiciliés [Adresse 3], 8°/ à la société Esdée, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 9], 9°/ à M. [R] [N], domicilié [Adresse 8], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de M. Haas, avocat de M. [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Le Crédit Industriel et Commercial, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre ; la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 28 juin 2013, (n° RG 17/03982), Bordeaux, 20 février 2018, (n° RG 17/03983)), la société civile immobilière Les Jardins du trait (la SCI) a souhaité faire construire un immeuble destiné à la vente en l'état futur d'achèvement, une garantie d'achèvement lui ayant été consentie par la société Banco Popular France, devenue la société CIC Iberbanco, aux droits de laquelle vient la société Crédit industriel et commercial. 2. Les travaux de construction n'ont pas débuté après la démolition de l'existant et la SCI a été placée en liquidation judiciaire. 3. M. [I], acquéreur en l'état futur d'achèvement selon acte notarié du 27 mars 2008, a assigné la SCI, la banque qui lui avait consenti un prêt et la société CIC Iberbanco en résolution des contrats de vente et de prêt, et a sollicité la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente. 4. M. [X], M. et Mme [K] et la société civile immobilière Esdée (la SCI Esdée), acquéreurs en l'état futur d'achèvement selon actes notariés, respectivement, des 18 septembre 2007, 23 novembre 2007 et 15 juillet 2008, ont assigné en réparation le notaire et le garant d'achèvement en imputant à faute à celui-ci la caducité du permis de construire, dont la validité avait été prorogée jusqu'au 20 décembre 2009. 5. Par un arrêt du 28 juin 2013, la cour d'appel de Poitiers a rejeté les demandes de M. [I] à l'encontre du garant d'achèvement et, par deux arrêts du 20 février 2018, la cour d'appel de Bordeaux a accueilli les demandes des acquéreurs formées à l'encontre de celui-ci. Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense 6. Selon l'article 621 du code de procédure civile, la partie qui a formé un pourvoi, qui a été rejeté, n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618, et il en est de même lorsque la Cour de cassation constate son dessaisissement, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance. 7. Selon l'article 618 du même code, le pourvoi en cassation fondé sur une contrariété de jugements, lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu'aucune d'elles n'est susceptible d'un recours ordinaire, est recevable, même si l'une des décisions avait déjà été frappée d'un pourvoi en cassation et que celui-ci avait été rejeté et même après expiration du délai prévu à l'article 612. 8. Il en résulte que le premier de ces textes, propre aux pourvois formés contre un jugement, ne fait pas obstacle à la recevabilité d'un pourvoi formé sur le fondement du second contre plusieurs décisions inconciliables entre elles, lorsqu'un premier pourvoi pour contrariété de décisions a été déclaré irrecevable sans examen au fond et que l'irrecevabilité constatée a été régularisée. 9. Le pourvoi est donc recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 10. M. [I] fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 28 juin 2013 de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de la société CIC Iberbanco et aux deux arrêts de la cour d'appel de Bordeaux du 20 février 2018 de condamner la société CIC Iberbanco, in solidum avec le notaire, à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts à M. [X], à M. et Mme [K] et à la SCI Esdée, alors « que lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique, la Cour de cassation, si la contrariété est constatée, annulant l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ; que, du rapprochement des décisions attaquées, il résulte un déni de justice conduisant tout à la fois à considérer que la société CIC Iberbanco, tenue d'une garantie d'achèvement unique et indivisible pour l'opération de construction immobilière "Les Jardins du trait", a et n'a pas commis de négligence fautive à l'égard des acquéreurs de nature à engager sa responsabilité dans l'exécution de sa garantie, de sorte qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de la cause, de prononcer l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 28 juin 2013 en application de l'article 618 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 11. Il ressort des décisions critiquées que M. [I], qui poursuivait la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement et l'annulation subséquente du contrat de prêt souscrit pour financer l'opération, sollicitait la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente, tandis que M. [X], d'une part, et M. et Mme [K] et la SCI Esdée, d'autre part, qui ne poursuivaient pas la nullité des contrats de vente en l'état futur d'achèvement, recherchaient la responsabilité du garant d'achèvement en lui imputant à faute d'avoir laissé périmer le permis de construire, les privant ainsi du bénéfice de la garantie d'achèvement. 12. Ces décisions, qui ont statué sur des moyens distincts soutenus par les acquéreurs d'une même opération immobilière, qui invoquaient des fautes et des dommages différents, ne sont pas inconciliables entre elles. 13. Il n'y a donc pas contrariété de décisions au sens de l'article 618 du code de procédure civile. 14. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 529 FS-B Pourvoi n° Y 21-15.239 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 La société Delta Construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 21-15.239 contre les arrêts rendus les 16 février 2018 et 15 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Blanconorte, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1] (Portugal), 2°/ à la société Bouygues immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La société Blanconorte a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Delta Construction, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Blanconorte, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Bouygues immobilier, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Delta construction (la société Delta) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bouygues immobilier (la société Bouygues). Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 16 février 2018 et 15 février 2021), la société Bouygues a confié à la société Delta deux marchés de construction que celle-ci a sous-traités, respectivement, les 29 novembre 2012 et 23 juillet 2013, à la société de droit portugais Blanconorte. 3. Après avoir fait l'objet d'une procédure collective au Portugal, la société Blanconorte, invoquant la nullité des deux contrats de sous-traitance, a assigné les sociétés Delta et Bouygues en paiement des travaux exécutés à leur juste prix. Examen des moyens Sur les deux moyens du pourvoi principal de la société Delta 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident de la société Blanconorte Enoncé du moyen 5. La société Blanconorte fait grief à l'arrêt du 15 février 2021 de confirmer le jugement en ce qu'il a mis la société Bouygues hors de cause, alors « que le maître de l'ouvrage doit, en l'absence de délégation de paiement au profit du sous-traitant exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution ; que cette obligation lui impose de vérifier la délivrance effective et en temps utile de ce cautionnement ; qu'ayant elle-même constaté que les cautionnements n'avaient pu être fournis lors de la conclusion du contrat de sous-traitance puisqu'ils étaient postérieurs à cette conclusion, la cour d'appel ne pouvait décider que la société Bouygues immobilier avait rempli ses obligations car elle "dispose d'une procédure particulière pour l'acceptation des sous-traitants" lui ayant permis de constater que la demande d'agrément du sous-traitant était accompagné de la copie du contrat et de la caution bancaire prévue par la loi, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de la l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant, mettre l'entrepreneur principal en demeure de le lui présenter et de lui faire agréer ses conditions de paiement et, si le sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées ne bénéficie pas d'une délégation de paiement, exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni une caution personnelle et solidaire obtenue par lui auprès d'un établissement qualifié. 7. Satisfait aux obligations prévues par ce texte le maître de l'ouvrage qui s'assure, à la date à laquelle il a connaissance d'un marché en sous-traitance, de la délivrance d'une caution au bénéfice du sous-traitant, peu important que celui-ci fasse le choix, plutôt que de mettre en oeuvre la garantie de paiement qui lui bénéficie, de poursuivre la nullité du contrat, au motif que la caution n'a pas été obtenue préalablement ou concomitamment au sous-traité. 8. La cour d'appel, qui a souverainement relevé que la société Bouygues justifiait avoir eu communication, lors de son acceptation de la société Blanconorte en qualité de sous-traitant de la société Delta, de la copie du contrat de sous-traitance et de la caution bancaire prévue par la loi, a exactement retenu que le maître de l'ouvrage avait satisfait à ses obligations et que la demande en réparation formée à son encontre par la société Blanconorte, au motif de la nullité du sous-traité, ne pouvait être accueillie. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué de la société Bouygues immobilier qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Delta aux dépens afférents à son pourvoi et la société Blancanorte aux autres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 531 FS-B Pourvoi n° E 22-13.179 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ Mme [C] [O], 2°/ M. [B] [I], domiciliés tous deux [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° E 22-13.179 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [E] [V], 2°/ à M. [J] [V], domiciliés tous deux [Adresse 1], 3°/ à Mme [K] [T], veuve [V], domiciliée [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O] et de M. [I], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de MM. [E] et [J] [V] et de Mme [T], veuve [V], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 janvier 2022), M. [I] et Mme [O] (les acquéreurs) ont acquis de Mme [V], ainsi que de MM. [E] et [J] [V] (les vendeurs), la propriété d'une maison édifiée sur une parcelle dans le sous-sol de laquelle ils ont découvert, à l'occasion de la réalisation d'un projet d'extension, l'existence d'une canalisation enterrée faisant partie du réseau public des eaux usées empêchant la réalisation des travaux tels qu'envisagés. 2. Ils ont assigné les vendeurs en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la garantie de l'article 1638 du code civil au titre des servitudes non apparentes non déclarées et pour manquement du vendeur à son devoir d'information. Examen des moyens Sur le premier moyen , pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'acquéreur d'un immeuble grevé d'une charge occulte a droit à une indemnité équivalente à la diminution de la valeur du terrain qui en résulte, quand bien même il n'établit pas qu'il n'aurait pas acquis s'il en avait eu connaissance ; qu'en déboutant les demandeurs de leur demande d'indemnisation en raison de l'existence d'un réseau public d'eaux usées traversant leur terrain, au motif qu'il était nécessaire que la servitude occulte soit d'une importance telle que le bien n'aurait pas été acquis si l'acheteur en avait eu connaissance et partant que la servitude occulte ne revêt pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité, sans établir que cette charge ne diminuait en rien la valeur du bien acquis, la cour d'appel a violé l'article 1638 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1638 du code civil : 5. Aux termes de ce texte, si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité. 6. Cette disposition, qui figure au nombre des articles régissant la garantie en cas d'éviction, est une application du principe général posé par l'article 1626 du même code selon lequel le vendeur, dont l'obligation légale est d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue, est obligé de droit à le garantir de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente. 7. Il s'ensuit que l'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 précité ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente. 8. L'indemnisation est alors appréciée par le juge en fonction de l'existence et de l'importance du préjudice en résultant pour l'acquéreur. 9. Pour rejeter la demande d'indemnisation des acquéreurs, l'arrêt retient que l'acquisition du tènement immobilier n'était pas conditionnée à la possibilité de réalisation d'une extension du bâtiment et que la présence de la servitude occulte ne revêtait pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie que d'une demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom ; Condamne Mme [K] [T], veuve [V], MM. [E] et [J] [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] [T], veuve [V], MM. [E] et [J] [V] et les condamne à payer à Mme [O] et à M. [I] la somme globale de 3 000 euros. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 534 FS-B Pourvoi n° N 22-15.923 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 La société du Pavillon de flore, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-15.923 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [H] [Z], épouse [D], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Mme [Z] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société du Pavillon de Flore, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [Z], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, M. Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 mars 2022), le 1er mars 2002, la société civile immobilière du Pavillon de Flore (la bailleresse) a donné en location à Mme [Z] (la locataire) un local à usage commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété. 2. Au motif de divers manquements de la locataire à ses obligations contractuelles, la bailleresse l'a, le 16 août 2017, assignée en résiliation du bail, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. 3. Invoquant l'inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance à raison d'infiltrations d'eau dans les locaux loués, la locataire a conclu au rejet des demandes dirigées contre elle et a reconventionnellement sollicité l'autorisation de procéder à la consignation des loyers. Sur le moyen du pourvoi incident 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La bailleresse fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à prononcer la résiliation du bail, de la débouter de ses prétentions tendant à voir ordonner l'expulsion de la locataire et fixer l'indemnité d'occupation et d'ordonner la consignation du montant des loyers, alors « que le non-respect de ses obligations par le bailleur ne dispense le locataire de remplir les siennes que lorsque ce manquement rend impossible la jouissance des lieux loués ; qu'en affirmant, pour décider que Mme [Z] était fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution et à retenir les loyers, qu'il existe des infiltrations affectant le local loué et concernant le clos et le couvert, qu'il a laissé perdurer des désordres sans demander de travaux à la copropriété, qu'il refuse de laisser réaliser des travaux par la copropriété, et qu'il a manqué à une obligation essentielle du bail de procéder aux réparations exigées par l'état des lieux et de garantir la jouissance d'un local conforme à celui loué, la cour d'appel qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement du bailleur à ses obligations rendait impossible la jouissance des lieux, a violé l'article 1728 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 16 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1184, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 du code civil : 6. Aux termes du premier de ces textes, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. 7. Selon le second, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. 8. Pour rejeter les demandes de la bailleresse et ordonner la consignation des loyers, l'arrêt retient que, peu important que l'exploitation ne soit pas totalement impossible, l'exception d'inexécution est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail. 9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ; Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la société civile immobilière du Pavillon de Flore la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 21 décembre 1987, pourvoi n° 86-13.861, Bull. 1987, III, n° 212 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 530 FS-B Pourvoi n° K 22-10.884 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 4], en sa qualité d'assureur de la société A2D, 2°/ la société A2D, atelier d'architecture du domaine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° K 22-10.884 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à M. [J] [R], 3°/ à Mme [K] [S], épouse [R], domiciliés tous deux [Adresse 2], 4°/ à la société Gauthier Lamellés Collés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 5°/ à la société O. Hervieux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 6°/ à la société Atlantic mobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français et de la société Atelier d'Architecture du Domaine, de la SCP Marc Lévis, avocat de M. et Mme [R], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société A2D, atelier d'architecture du domaine (société A2D) et à la Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SMABTP et la société Atlantic mobilier. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 octobre 2021), M. et Mme [R] ont confié à la société A2D, assurée auprès de la MAF, la maîtrise d'oeuvre complète de la construction d'une maison, la société Gauthier lamellés collés (société GLC) étant chargée du lot charpente et la société O. Hervieux (société Hervieux) du lot étanchéité. 3. La réception a été prononcée par lots le 25 juin 2008, le lot charpente ayant fait l'objet d'une réception tacite avec réserves. 4. Se plaignant notamment d'un défaut de conformité des hauteurs sous plafond, M. et Mme [R] ont, après expertise, assigné les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs en sollicitant l'indemnisation de leur préjudice à hauteur du coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 6. La société A2D et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec les sociétés GLC et Hervieux, à payer une certaine somme à M. et Mme [R], de fixer les parts de responsabilité entre locateurs d'ouvrages et de statuer sur les appels en garantie en conséquence, alors : « 2°/ que le juge doit apprécier la proportionnalité entre la demande indemnitaire du maître d'ouvrage, d'un montant équivalant au coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage, et l'absence ou le caractère limité des conséquences dommageables de la non-conformité affectant l'ouvrage ; que pour faire droit à la demande indemnitaires des époux [R] à hauteur du montant de la démolition et de la reconstruction de la maison, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la non-conformité contractuelle est sanctionnée par l'exécution en nature de l'obligation méconnue sur le fondement de l'article 1184 du code civil et qu'il résulte de l'expertise que la démolition-reconstruction est la seule solution pour remédier à la non-conformité contractuelle de la hauteur insuffisante du sous-plafond du rez-de-chaussée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par la MAF et la société A2D, si la demande indemnitaire des maîtres d'ouvrage était disproportionnée par rapport à la gravité des non-conformités constatées, qui consistaient seulement en une hauteur sous plafond de 2,48 m au lieu des 2,53 m acceptés par les maîtres d'ouvrage au rez-de-chaussée, et 2,20 à 2,22 m au lieu de 2,50 m à l'étage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°/ que pour faire droit à la demande indemnitaires des époux [R], à hauteur du montant de la démolition et de la reconstruction de la maison, la cour d'appel a énoncé que l'importance des travaux de rehaussement du premier étage d'un montant de 169.435 euros et le taux d'aléa important de cette situation, particulièrement exceptionnelle selon l'expert, ne permettaient pas de retenir que la démolition-reconstruction de l'immeuble était disproportionnée ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, quand il lui appartenait d'opérer un contrôle de proportionnalité entre la réparation du préjudice subi et la gravité des non-conformités présentées par l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1147, 1149 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 7. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. 8. En application du deuxième, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869, Bull. 2009, III, n° 170). 9. Il est jugé, au visa du troisième, que la demande de démolition et de reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affecte peut ne pas être accueillie si elle se heurte au principe de proportionnalité du coût de celle-ci au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées (3e Civ., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-17.218, publié au Bulletin). 10. En l'état de la jurisprudence, la demande de démolition et de reconstruction peut faire l'objet d'un contrôle de proportionnalité lorsqu'elle est formée au titre de l'exécution forcée ou en nature du contrat, tandis que si elle est présentée sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts d'un montant égal à celui de la démolition et de la reconstruction, le juge saisi, qui apprécie souverainement les modalités de réparation et leur coût, n'est pas tenu à un tel contrôle. 11. La différence de traitement qui en résulte, tant au regard des droits et obligations des parties placées dans une situation semblable qu'en ce qui concerne l'office du juge, n'apparaît pas justifiée. 12. Il résulte des considérations qui précédent que le juge saisi d'une demande de démolition-reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affectent, que celle-ci soit présentée au titre d'une demande d'exécution forcée sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ou, depuis la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, sur le fondement de l'article 1221 du même code, ou sous le couvert d'une demande en réparation à hauteur du coût de la démolition-reconstruction, doit rechercher, si cela lui est demandé, s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées. 13. En cas de disproportion manifeste, les dommages-intérêts alloués sont souverainement appréciés au regard des seules conséquences dommageables des non-conformités retenues, dans le respect du principe de la réparation sans perte ni profit énoncé au point 8. 14. Pour allouer aux maîtres de l'ouvrage, à titre de réparation, une somme correspondant au coût de la complète démolition-reconstruction de l'immeuble, l'arrêt retient que la non-conformité contractuelle est sanctionnée par l'exécution en nature de l'obligation méconnue sur le fondement de l'article 1184 du code civil, qu'il s'agit de la seule solution pour remédier à la non-conformité contractuelle résultant de la hauteur insuffisante du plafond du rez-de-chaussée et que le coût et l'importance des travaux portant sur le seul rehaussement du premier étage, associés à l'aléa d'une telle opération, ne permettent pas de retenir le caractère disproportionné d'une démolition-reconstruction. 15. En se déterminant ainsi, sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la solution réparatoire consistant en la démolition-reconstruction du complet ouvrage n'était pas manifestement disproportionnée au regard des conséquences dommageables des non-conformités retenues, la cour d'appel, qui ne s'est déterminée qu'en fonction du coût comparé des solutions réparatoires entre elles, n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate le désistement d'appel de la SMABTP à l'égard de la société Atlantic mobilier et constate le désistement de M. et Mme [R] à l'égard de la société Atlantic mobilier, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ; Condamne M. et Mme [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n° 14-23.612, Bull. 2015, III, n° 97 (cassation partielle) ; 3e Civ., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-17.218, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 533 FS-B Pourvoi n° Z 22-22.052 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 La société Hôtel Rochambeau, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 22-22.052 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Compagnie française d'investissement (CFI), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Hôtel Rochambeau, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Compagnie française d'investissement, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mmes Andrich, Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2022) et les productions, le 1er juillet 1997, la société Comaco, aux droits de laquelle s'est trouvée la société Compagnie française d'investissement (la bailleresse), a donné à bail commercial à la société Hôtel Rochambeau (la locataire) un immeuble à usage d'hôtel, bar et restaurant. 2. Le 21 mars 2016, le bail a été renouvelé, avec restriction de la destination des lieux à l'activité d'hôtel avec salle de petit-déjeuner et bar. 3. Le 23 avril 2021, la bailleresse a, en vertu de l'acte de renouvellement précité, procédé à une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la locataire en garantie du paiement d'une créance correspondant aux loyers des deux premiers trimestres de l'année 2021 ainsi qu'à des charges et accessoires. 4. Le 20 mai 2021, la locataire a assigné la bailleresse en annulation ou mainlevée de la saisie et paiement de dommages et intérêts. Examen des moyens Sur le second moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu d'annuler ou de donner mainlevée de la saisie conservatoire, d'en cantonner les effets à une certaine somme et de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts, alors « qu'en application de l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, applicable à compter du 17 octobre 2020 jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cessait d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des textes relatifs à la crise sanitaire, la mise en oeuvre de toute action, sanction ou voie d'exécution forcée pour retard ou non paiement des loyers et charges locatives, était interdite à l'encontre de toute personne morale de droit privé exerçant une activité économique soumise aux dispositions du 2° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 et de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, permettant aux pouvoirs publics de "réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissement recevant du public ainsi que les lieux de réunion" ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'"il n'est pas contestable qu'à l'époque de la mise en place de la saisie conservatoire querellée, l'importance de la clientèle accédant à l'hôtel avait diminué de par les mesures prises par le gouvernement pour tenter d'endiguer l'épidémie de Covid 19. En effet, à partir du mois d'avril 2021, les dispositions qui étaient déjà applicables dans 19 départements reconfinés depuis le 19 mars 2021 ont été étendues à tout le territoire, pour une durée de quatre semaines, à savoir un couvre-feu de 19 heures à 6 heures, et surtout l'interdiction des déplacements interrégionaux à partir du 5 avril 2021, sauf pour motif impérieux ; les déplacements étant restreints, cela a nécessairement eu pour effet une baisse de fréquentation de l'hôtel, alors que les règles de distanciation et le nécessaire respect des gestes barrières rendaient compliquée la gestion de l'établissement" ; qu'il résultait de ces constatations que les conditions d'accès et de présence du public à l'hôtel exploité par la société Hôtel Rochambeau étaient réglementées par les mesures de reconfinement, consistant en un couvre-feu de 19 heures à 6 heures et en l'interdiction des déplacements interrégionaux, ainsi que par les mesures de distanciation sociale, de sorte que l'article 14 précité était applicable ; qu'en jugeant au contraire, pour statuer comme elle l'a fait, que "les conditions d'accès au public à l'hôtel exploité par la société Hôtel Rochambeau n'étaient pas modifiées pour autant par les diverses mesures prises par le gouvernement", la cour d'appel a violé l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020. » Réponse de la Cour 7. L'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 a interdit aux bailleurs de pratiquer des mesures conservatoires à l'encontre de locataires, satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité et exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, soit la fermeture provisoire et la réglementation de l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, des catégories d'établissements recevant du public concernées. 8. Les mesures de police administrative relatives à la sortie des personnes de leur domicile et à leur circulation, prises en application de dispositions autres que celles susvisées, quand bien même elles affecteraient l'activité économique des locataires, n'interdisent pas la mise en oeuvre de mesures conservatoires par les bailleurs. 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Hôtel Rochambeau aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hôtel Rochambeau et la condamne à payer à la société Compagnie française d'investissement la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 juillet 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 466 FS-D Pourvoi n° H 22-13.457 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUILLET 2023 1°/ Le Mouvement international pour les réparations Martinique (MIR), dont le siège est Volga plage, [Adresse 26], 2°/ l'association Comité d'organisation du 10 mai, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ le Comité international des peuples noirs (CIPN), dont le siège est Lot. [Adresse 18], 4°/ M. [VD] [GL], domicilié [Adresse 22], 5°/ M. [IB] [LG], domicilié [Adresse 5], 6°/ M. [R] [KC], domicilié [Adresse 11], 7°/ M. [V] [CA], domicilié [Adresse 1], 8°/ Mme [YU] [L], domiciliée [Adresse 7], 9°/ M. [EK] [O], 10°/ Mme [X] [K], épouse [O], domiciliés tous deux [Adresse 3], 11°/ Mme [NH] [N], domiciliée [Adresse 24], 12°/ M. [YI] [JR], 13°/ Mme [MD] [D], domiciliés tous deux [Adresse 15], 14°/ M. [C] [TZ], domicilié [Adresse 9], 15°/ Mme [I] [NT], domiciliée [Adresse 14], 16°/ Mme [TN] [US], domiciliée [Adresse 6], 17°/ M. [LS] [F], domicilié [Adresse 25], 18°/ M. [PI] [ZY], domicilié [Adresse 2], 19°/ M. [Y] [G], domicilié [Adresse 20], 20°/ M. [B] [M], domicilié [Adresse 19], 21°/ Mme [EW] [BG], domiciliée [Adresse 23], 22°/ M. [S] [U], domicilié [Adresse 21], 23°/ Mme [P] [OL], épouse [H], domiciliée [Localité 12], 24°/ M. [W] [DG], domicilié [Localité 13], 25°/ Mme [A] [J], épouse [T], domiciliée [Adresse 10], 26°/ M. [E] [Z], domicilié [Adresse 16], ont formé le pourvoi n° H 22-13.457 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié [Adresse 17], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Fort-de-France, domicilié en son parquet général, [Adresse 8], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat du Mouvement international pour les réparations Martinique, de l'association Comité d'organisation du 10 mai, du Comité international des peuples noirs, de MM. [GL], [LG], [KC], [CA], [JR], [TZ], [F], [ZY], [G], [M], [U], [DG], [Z], de Mmes [L], [N], [D], [NT], [US], [BG], [H], [T] et de M. et Mme [O], la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 janvier 2022), le 20 mars 2014, estimant que l'Etat français était responsable des crimes contre l'humanité que constituent la traite négrière et l'esclavage, quarante-huit personnes physiques, l'association Mouvement international pour les réparations (MIR), l'association Comité d'organisation du 10 mai, ainsi que le Comité international des peuples noirs (le CIPN), ont assigné l'agent judiciaire de l'Etat en réparation des préjudices subis par ces personnes physiques à titre personnel et en leur qualité d'ayants droit. L'Agent judiciaire de l'Etat leur a opposé la prescription de leur action. Examen des moyens Sur le deuxième moyen 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Les associations MIR et Comité d'organisation du 10 mai, le CIPN et vingt-trois personnes physiques font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de réparation présentées par ces personnes en leur qualité d'ayants droit des victimes de faits d'esclavage, alors : « 1°/ que, en premier lieu, conformément à l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, en jugeant irrecevables comme prescrites au sens du texte précité les demandes présentées par les ayants droit des victimes de faits d'esclavage, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, à quelle date se situait le point de départ d'une telle action, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ; 2°/ que, en deuxième lieu, conformément à l'article 1 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, sont prescrites, au profit de l'Etat toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'en l'espèce, en jugeant irrecevables comme prescrites au sens du texte précité les demandes présentées par les ayants droit des victimes de faits d'esclavage, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, à quelle date se situait le point de départ d'une telle action, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ; 3°/ que, en troisième lieu, à titre subsidiaire, en jugeant irrecevables comme prescrites au sens du texte précité les demandes présentées par les ayants droit des victimes de faits d'esclavage à l'encontre de l'Etat, au motif que leur action est "en toutes hypothèses prescrite" après l'entrée en vigueur de la "loi Taubira", et ce au regard "des dispositions des articles 2224 du code civil, 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 1 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968", lorsque, qualifiant de crime contre l'humanité les faits d'esclavage et de traite négrière, la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 ne saurait constituer le point de départ d'un quelconque délai de prescription, la cour d'appel a violé les textes précités, ensemble la loi n° 2008-561 du 18 juin 2008. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a retenu que, si l'esclavage avait été définitivement aboli par le décret provisoire de la République française du 27 avril 1848, les esclaves affranchis n'avaient pu avoir immédiatement ni la capacité ni la conscience de leur droit d'agir. 5. Elle en a déduit que la prescription n'avait commencé à courir qu'à compter du jour où les nations civilisées avaient reconnu la notion de crime contre l'humanité avec l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée par l'assemblée générale des Nations Unies du 9 décembre 1948 et la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. 6. Elle a estimé que les ayants droit des victimes avaient alors été à même d'apprécier les conséquences des atteintes résultant de l'esclavage et de la traite négrière, sans qu'il soit démontré qu'ils avaient été empêchés d'agir au-delà de cette période. 7. Elle a ainsi procédé aux recherches prétendument omises. 8. Abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, elle a légalement justifié sa décision. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 9. Les associations MIR et Comité d'organisation du 10 mai, le CIPN et vingt-trois personnes physiques font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes au titre du préjudice personnellement éprouvé, alors « que, défini comme un phénomène de transmission entre ascendants et descendants d'une violence sociale provoquant des conséquences traumatisantes sur les descendants, le préjudice transgénérationnel, tel que mis en lumière par les travaux scientifiques relatifs à l'épi-génétique, se déduit de la seule qualité de descendant d'un fait traumatique ; qu'en l'espèce, en retenant qu'à défaut de produire des "pièces suffisamment probantes de nature à établir souffrir individuellement d'un dommage propre", les exposants devaient être déboutés de leurs demandes d'indemnisation, lorsqu'elle constatait pourtant que ceux-ci étaient les descendants de "victimes de la traite et de l'esclavage", de sorte qu'elle n'avait d'autre choix que d'indemniser leur préjudice transgénérationnel, ainsi qu'il lui était demandé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1240 du code civil, ensembles les articles 4 et 14 puis 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 10. Après avoir constaté qu'aucune des personnes physiques ne produisait de pièces établissant qu'elle souffrait individuellement d'un dommage propre rattachable de manière directe et certaine aux crimes subis par ses ascendants victimes de la traite et de l'esclavage, la cour d'appel a exactement retenu que les seules références, d'une part, à des travaux universitaires mettant en évidence des préjudices transgénérationnels liés à l'influence de l'environnement de l'homme sur la génétique et à l'existence de phénomènes de transmission de traumatismes collectifs historiques à caractère déshumanisant, d'autre part, à des préjudices matériels et moraux vécus par l'ensemble des descendants d'esclaves, ne caractérisaient pas l'existence d'un préjudice certain, direct et personnel en lien avec la traite négrière et l'esclavage. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association Mouvement international pour les réparations, l'association Comité d'organisation du 10 mai et le Comité international des peuples noirs aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 420 F-B Pourvoi n° E 22-18.400 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 1°/ M. [C] [E], 2°/ Mme [M] [E], 3°/ M. [A] [E], tous trois domiciliés [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° E 22-18.400 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Polyclinique [7], société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à Mme [T] [J], domiciliée [Adresse 4], 3°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 3], pris tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille [F] [W], 4°/ à Mme [G] [W], épouse [P], domiciliée [Adresse 2], 5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de MM. [C] et [A] [E] et de Mme [E], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 décembre 2021), les 24 février et 24 octobre 2012, [H] [E] a subi successivement une lipoaspiration et une abdominoplastie, réalisées par M. [V], au sein de la société Polyclinique [7] (la clinique). A la suite de la survenue d'une infection, deux reprises chirurgicales ont été pratiquées, le 2 novembre 2012 par M. [V] et le 15 novembre 2012 par M. [U]. Le 16 novembre, [H] [E] est décédée d'une embolie pulmonaire. 2. M. [E], son époux, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de [M] et [A] [E], ayant ensuite repris l'instance, ainsi que Mme [J], Mme [W] et M. [W], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de [F] [W], ont assigné en responsabilité et indemnisation la société Polyclinique [7], M. [V] et M.[U]. 3. M. [V] et M. [U] ont été condamnés in solidum à réparer les préjudices subis à la suite du décès de [H] [E] à hauteur de 80% au titre de négligences dans sa prise en charge. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 1142-1, I, alinéa 2, L. 1142-1-1, 1°, et L. 1142-3-1 du code de la santé publique : 5.Selon le premier de ces textes, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes de prévention de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. 6. Selon le deuxième, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. 7. Selon le dernier, le dispositif de réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l'article L. 1142-1 et aux articles L. 1142-1-1 et L.1142-15 du code de la santé publique n'est pas applicable aux demandes d'indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi. 8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique d'une intervention, à l'origine d'une infection nosocomiale, lorsqu'ils déterminent le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable. 9. Pour déclarer irrecevables les demandes formées contre la polyclinique [7], l'arrêt énonce que le législateur a instauré un régime d'indemnisation spécifique des dommages les plus graves découlant des infections nosocomiales dont la réparation incombe exclusivement à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en application de l'article L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique et dont les dispositions s'imposent aux victimes. 10. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la finalité de l'intervention en cause et sans permettre, en conséquence, à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 11. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ordonner à la clinique de mettre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en cause, alors « qu'aux termes de l'article L. 1142-21, I, alinéa 1, du code de la santé publique, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'ONIAM est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement ; qu'en déboutant les consorts [E] de leur demande tendant à la mise en cause de l'ONIAM, après avoir constaté que les dommages subis étaient indemnisables au titre de l'article L. 1142- 1-1 du code de la santé publique et que "seul l'ONIAM est tenu d'en assurer la réparation", de sorte qu'il lui appartenait d'ordonner la mise en cause de cet organisme avant toute décision sur le fond, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-21, I, alinéa 1, du code de la santé publique et l'article 332 du code de procédure civile » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1142-21, alinéa 1, du code de la santé publique 12. Aux termes de ce texte, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. 13. Pour écarter la demande des consorts [E] d'ordonner à la clinique de mettre en cause l'ONIAM, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article L. 1142-1-1, 1°, s'imposent aux victimes qui doivent former leurs demandes d'indemnisation contre celui-ci. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Polyclique [7] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 408 FS-B Pourvoi n° Y 22-17.520 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 M. [F] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-17.520 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [J] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I], de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [G], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 6 avril 2022), à l'issue du prononcé du divorce de M. et Mme [I], un jugement du 26 janvier 2012 a statué sur les opérations de liquidation de leur régime matrimonial. Le 26 mars 2012, M. [I], représenté par M. [G] (l'avocat), en a interjeté appel. Par ordonnance du 9 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel à la date du 26 juin 2012. 2. Le 16 octobre 2017, M. [I] a assigné en responsabilité civile l'avocat, qui lui a opposé la prescription de son action. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 2225 du code civil, l'article 412 du code de procédure civile et l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat : 4. Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. 5. Il résulte du deuxième que la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existant contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci. 6. Selon le troisième, l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission. 7. La Cour de cassation juge que l'action en responsabilité contre un avocat se prescrit à compter du prononcé de la décision juridictionnelle obtenue (1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.200, Bull. 2016, I, n° 14). 8. Si cette jurisprudence permet de fixer un point de départ unique à la prescription de l'action en responsabilité formée contre un avocat, elle se concilie toutefois difficilement avec d'autres dispositions, telles que celles des deux derniers textes précités. 9. Il y a lieu de déduire désormais de la combinaison des textes précités que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date. 10. Pour déclarer irrecevable l'action de M. [I], l'arrêt retient que la mission de l'avocat a pris fin au jour de la décision constatant la caducité de l'appel. 11. En statuant ainsi, après avoir constaté que M. [I] avait mis fin à sa collaboration avec l'avocat par lettre du 23 octobre 2012, de sorte que la prescription avait commencé à courir à compter de cette date, précédant celle de l'expiration du délai de déféré, et que, le 16 octobre 2017, elle n'était pas acquise, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [I] la somme 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois. Evolution par rapport à : 1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.200, Bull. 2016, I, n° 14 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 554 FS-B Pourvoi n° S 22-17.146 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 1°/ la société Cleaone Holding, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Echiquier Enghien, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° S 22-17.146 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 chambre 1), dans le litige les opposant : 1°/ à la société La Française Real Estate Managers, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Crédit Mutuel Pierre 1, société civiles professionnelle immobilière, toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], 3°/ à la société Nexity conseil et transaction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cleaone Holding, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société La Française Real Estate Managers et de la société Crédit Mutuel Pierre 1, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Echiquier Enghien du désistement pur et simple de son pourvoi. 2. Il est donné acte à la société Cleaone Holding du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Nexity conseil et transaction. Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2022), la société Crédit mutuel pierre 1 (la société CMP 1) ayant pour gérante la société La Française Real Estate Managers, et la société France Investipierre, propriétaires indivis d'un immeuble, ont donné mandat à la société Nexity conseil et transaction de le vendre. 4. Le 15 décembre 2015, la société Cleaone Holding (la société Cleaone) a fait une offre d'achat que la société CMP 1 a acceptée le 22 décembre 2016, sous réserve de l'accord de son coïndivisaire. 5. L'acceptation a été réitérée avec la même réserve le 2 février 2017, la signature de la promesse de vente étant fixée au 15 mars 2017. 6. A la suite du refus, par la société France Investipierre, de vendre le bien, celui-ci a été remis en vente et la société Cleaone a fait une nouvelle offre d'achat le 8 mars 2017. 7. Le 28 mars 2017, la société CMP 1 a informé la société Cleaone de l'absence d'acceptation ferme de cette offre faute d'accord de la société France Investipierre, et s'est prévalue de la caducité, au 15 mars 2017, des accords donnés à la suite de l'offre d'achat initiale du 15 décembre 2015. 8. Le 13 novembre 2017, la société CMP 1 a acquis les parts indivises de la société France Investipierre. 9. La société Cleaone a assigné les sociétés CMP 1, France Investipierre et Nexity conseil et transaction afin qu'il soit jugé qu'à la suite de l'acceptation de l'offre initiale par la société CMP 1 et à l'acquisition, par elle, de la totalité des parts indivises du bien, la vente était parfaite au prix de la première offre et que, le jugement valant acte de vente, elle soit condamnée à régulariser cette dernière et à lui payer des dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le second moyen 10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. La société Cleaone fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire parfaite la vente acceptée par la société CMP1 le 22 décembre 2016, alors « que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager ; que la vente est parfaite entre les parties dès qu'elles sont convenues de la chose et du prix ; que, par ailleurs, tout acte mettant fin à une indivision est un partage et que par l'effet déclaratif du partage, celui qui reçoit le bien est censé en avoir été propriétaire depuis le jour de son entrée dans l'indivision ; qu'en l'espèce, après avoir admis que "la SCPI CMP1 est devenue propriétaire unique de l'ensemble immobilier litigieux à la suite de l'acquisition des droits indivis détenus par la société France investipierre le 13 novembre 2017" et que "ce partage a un effet déclaratif qui a pour effet de réputer la SCPI CMP1 seule propriétaire du bien indivis depuis la date de son entrée dans l'indivision", soit depuis le 6 novembre 1997, la cour d'appel a pourtant jugé que "cet effet déclaratif ne permet pas de faire revivre l'acceptation qu'elle avait donnée à la proposition d'achat de la société Cleaone atteinte de caducité depuis le 15 mai 2017" ; qu'en se prononçant ainsi , lorsque l'effet déclaratif du partage avait justement eu pour effet de rendre la vente de l'ensemble immobilier parfaite entre les parties du fait de l'acceptation valablement émise par la société CMP 1 le 22 décembre 2016, peu important que la société Investipierre, alors coïndivisaire, n'ait pas donné son accord à cette vente avant la date prévue à l'acte, soit le 15 mai 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a, ce faisant, violé l'article 883 du code civil, ensemble les articles 1113 et 1583 du code civil. » Réponse de la Cour 12. Il résulte de l'article 883 du code civil que le partage a un effet déclaratif et non constitutif, qui confère au titulaire du lot dont le bien fait partie l'ensemble des actes valablement accomplis sur ce bien depuis son entrée dans l'indivision. 13. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé qu'après l'offre d'achat de l'intégralité du bien immobilier pour 18 millions d'euros, il n'y avait pas eu d'acceptation ferme et définitive de vente de la part de la société CMP 1, celle-ci n'ayant jamais manifesté son intention de ne vendre que ses droits indivis et ayant subordonné son consentement à celui de son coïndivisaire, la société France Investipierre. 14. La cour d'appel a retenu à juste titre qu'à la suite du refus par la société France Investipierre de vendre, l'acceptation donnée sous condition par la CMP 1 était devenue caduque à l'issue du délai fixé pour la signature de la promesse de vente. 15. Elle en a exactement déduit que si, du fait du rachat des parts de son coïndivisaire, la société CMP 1 était devenue seule propriétaire de l'immeuble, l'effet déclaratif du partage ne permettait pas de faire revivre l'acceptation qu'elle avait donnée à la proposition d'achat de la société Cleaone, atteinte de caducité depuis le 15 mai 2017, l'effet déclaratif du partage ne s'appliquant qu'aux actes ou droits existants et valablement constitués. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Cleaone Holding aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cleaone Holding et la condamne à payer aux sociétés Crédit Mutuel Pierre 1 et La Française Real Estate Managers la somme globale de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Delbano, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Cassation partielle Mme Teiller, président Arrêt n° 557 FS-B Pourvoi n° P 22-13.233 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 1°/ M. [U] [T], 2°/ Mme [H] [N], épouse [T], tous deux domiciliés, [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 22-13.233 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société MJ [V], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [O] [V] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 5], 2°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [T], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société MJ [V], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [K], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents, Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 décembre 2021), la société civile de construction vente [Adresse 5] (la SCCV) a obtenu l'autorisation de construire dix maisons sur un terrain dont elle était propriétaire, qu'elle a divisé et vendu par lots en l'état futur d'achèvement, notamment à M. et Mme [T] et à M. [K]. 2. Se plaignant d'une violation, par la SCCV et M. [K], de règles contractuelles du groupement d'habitations, M. et Mme [T] les ont assignés aux fins de démolition de la maison de M. [K] et paiement de dommages-intérêts. 3. La SCCV a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 16 avril 2021 et la société MJ [V] a été désignée en qualité de liquidateur. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. et Mme [T] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en démolition des ouvrages appartenant à M. [K] et leurs demandes indemnitaires, alors « que les documents afférents à un groupe d'habitations, dès lors qu'ils ont donné lieu aux formalités de la publicité foncière, sont opposables à tout propriétaire d'un lot au sein du groupe ; qu'en retenant que les documents intitulés Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]" et Plan de composition n'étaient pas opposables à M. [K], dès lors que son acte d'acquisition du 17 août 2016, qui les mentionnait à titre d'informations préalables, ne les reproduisait pas, ni ne les mentionnait comme figurant en annexe, quand pourtant ils constataient que les documents afférents au groupe ont donné lieu aux formalités de la publicité foncière, les juges du fond ont violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 : 5. Il résulte de ces textes que les restrictions au droit de propriété grevant les lots d'un groupement d'habitations ont un caractère réel et s'imposent aux acquéreurs des lots de ce groupement, même si elles ne figurent pas dans leur acte de vente, dès lors que les documents qui les contiennent ont été publiés au fichier immobilier. 6. Pour rejeter la demande de démolition des ouvrages construits sur le lot vendu à M. [K], fondée sur la violation du règlement du groupement d'habitations et de son plan de composition, l'arrêt retient que ces documents ne peuvent pas être considérés comme figurant dans l'acte notarié d'acquisition du 17 août 2016 à titre de clauses contractuelles opposables mais uniquement à titre d'informations préalables, dans la mesure où leur contenu respectif n'est ni directement reproduit dans l'acte authentique d'acquisition, ni mentionné comme étant annexé dans ce même acte d'acquisition. 7. Il ajoute que la mention de ces documents dans l'acte de vente a un caractère informatif, résultant de son intitulé même et que leur dépôt aux minutes du notaire instrumentaire ne permet leur consultation que par une démarche totalement dissociée de la formalisation de l'acte authentique. 8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le règlement du groupement d'habitation et son plan avaient été publiés au service de la publicité foncière, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 9. M. et Mme [T] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'interdiction est faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant que le Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]" ne fixent pas les modalités et conditions constructives propres à chacun des lots privatifs, quand, en son article 2.07 intitulé Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, il prévoit : "Les constructions seront réalisées suivant le plan de composition", les juges du fond ont dénaturé le Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]". » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 10. Pour rejeter la demande de démolition fondée sur la violation du règlement du groupement d'habitations et de son plan de composition, l'arrêt retient que les articles 1.01 et 1.02 du règlement de l'ensemble résidentiel « [Adresse 5] » limitent le périmètre de compétence des dispositions de ce document aux seules règles et servitudes d'intérêt général de cet ensemble résidentiel ainsi qu'au respect des règles d'urbanisme applicables sur le territoire de la commune d'[Localité 4], à l'exclusion des modalités et conditions constructives propres à chacun des lots privatifs, qui relèvent sur un plan général du plan local d'urbanisme. 11. En statuant ainsi, alors que le règlement litigieux prévoyait des règles de dimension, d'aspect et d'implantation des constructions sur les lots privatifs, en renvoyant, s'agissant des distances à observer par rapport aux limites séparatives, au plan de composition, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme [T] de leur demande en démolition de la maison en cours de construction appartenant à M. [K] et en ce qu'il les déboute de leurs demandes subsidiaires d'indemnités en allégation de préjudices de perte de vue et d'ensoleillement ainsi que de valeur vénale de leur maison d'habitation, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne M. [K] et la société MJ [V], prise en sa qualité de liquidateur de la société civile de construction vente [Adresse 5], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [K] et la société MJ [V], prise en sa qualité de liquidateur de la société civile de construction vente [Adresse 5], à payer à M. et Mme [T] la somme de globale de 2 000 euros et rejette la demande de M. [K] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 9 décembre 1986, pourvoi n° 85-14.348, Bull. 1986, III, n° 174 (cassation) ; 3e Civ., 20 décembre 1989, pourvoi n° 88-19.438, Bull. 1989, III, n° 248 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 556 FS-B Pourvoi n° D 22-14.535 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 La Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-14.535 contre l'arrêt rendu le 8 février 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ au syndicat des copropriétaires de l'Ensemble immobilier [Localité 5], dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société C&M immobilier, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la société Etude Bouvet-Guyonnet, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Acim (agences Chauvin immobilier Maurienne), 3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la Compagnie européenne de garanties et cautions, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du syndicat des copropriétaires Ensemble immobilier [Localité 5], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Etude Bouvet-Guyonnet, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 février 2022, RG n° 21/00041), le 31 mars 2018, la société Agences Chauvin immobilier Maurienne (la société ACIM) a informé ses clients, parmi lesquels, le syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5], dont elle était le syndic, de détournements de fonds commis par l'un de ses salariés depuis 2015. 2. Elle a déclaré ce sinistre à sa compagnie d'assurance responsabilité civile, la société Allianz IARD (la société Allianz), et à sa garante financière, la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC). 3. La société ACIM n'ayant pas donné suite à la demande de remboursement des sommes détournées, le syndicat des copropriétaires l'a assignée en référé, ainsi que les sociétés Allianz et CEGC, aux fins de paiement d'une provision correspondant aux sommes détournées majorées du préjudice financier et à titre subsidiaire, d'expertise. 4. Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACIM et désigné la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur, laquelle a été appelée en la cause par le syndicat des copropriétaires. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société CEGC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer et de la condamner à payer la somme provisionnelle de 231 267,22 euros au syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5], alors : « 1°/ que la déclaration d'une créance de restitution de fonds prétendument détenus par un professionnel de l'immobilier faisant l'objet d'une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire demeure sans incidence sur l'obligation de mise en oeuvre de la garantie financière obligatoire souscrite par ce professionnel, l'existence de cette garantie serait-elle non contestée ; qu'en jugeant cependant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], pour la circonstance que "la créance a été admise à titre définitif par ordonnance du juge-commissaire", la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à établir le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de garantie de la société CEGC, violant ainsi le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile ; 2° / que, subsidiairement, la garantie financière obligatoire souscrite par les professionnels de l'immobilier ne peut être mise en oeuvre lorsque la défaillance du professionnel garanti est imputable à ses fautes de gestion, relevant exclusivement de sa responsabilité civile dont les conséquences sont prises en charge par son assureur ; qu'en jugeant cependant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], et que la "garantie responsabilité civile" assumée par la société Allianz, assureur de la société ACIM, revêtait un "caractère subsidiaire" au regard de la garantie financière de la société CEGC, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à l'étendue respectives de la garantie financière de la société CECG et de l'assurance responsabilité civile de la société Allianz, relevant pourtant de champs d'application distincts ; que la cour d'appel a ainsi violé le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile ; 3°/ que, à tout le moins, en jugeant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société ACIM, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], sans répondre aux conclusions de la société CEGC faisant valoir que sa garantie financière était exclue puisqu'à supposer que les fonds litigieux aient été remis à titre précaire à la société ACIM, celle-ci les avaient fautivement affectés à d'autres syndicats de copropriétaires pour les besoins d'une opération de "cavalerie", ce qui traduisait l'existence de fautes de gestion relevant exclusivement de la responsabilité civile professionnelle de la société ACIM, et non de sa garantie financière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 39 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, d'une part, que la garantie financière exigée des personnes exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce s'applique à toute créance ayant pour origine un versement, ou une remise, effectué à l'occasion de l'une de ces opérations, d'autre part, qu'elle produit effet sur les seules justifications que la créance est certaine, liquide et exigible, et que la personne garantie est défaillante, quelle que soit la cause de cette défaillance. 7. Ayant souverainement retenu que l'existence d'un détournement de fonds à hauteur de 231 627,22 euros au préjudice du syndicat des copropriétaires était établie, notamment par un audit comptable et l'admission à titre définitif par le juge-commissaire de la créance pour ce même montant, et relevé que la société ACIM n'avait pas restitué les fonds malgré mise en demeure, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes relatives à l'existence de fautes de gestion de la société ACIM et aux conséquences en découlant quant aux garanties susceptibles d'être mises en oeuvre, en a déduit à bon droit, sans trancher de contestation sérieuse, que l'obligation de garantie n'était pas sérieusement contestable et pouvait donner lieu à l'allocation d'une provision. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie européenne de garanties et cautions et la condamne à payer la somme de 1 000 euros à la société Allianz IARD, celle de 1 000 euros à la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur de la société Agences Chauvin immobilier Maurienne et celle de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5] ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Cassation sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 553 FS-B Pourvoi n° W 21-23.747 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 M. [L] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-23.747 contre l'arrêt rendu le 9 août 2021 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant à la Société moderne des terrassements parisiens, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [R], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Société moderne des terrassements parisiens, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 août 2021), et les productions, M. [R] (le maître de l'ouvrage) a confié la réalisation de travaux à la société Mag (l'entrepreneur principal), qui en a sous-traité une partie à la Société moderne des Terrassements parisiens (le sous-traitant). 2. Par jugement du 12 juin 2014, l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire immédiate sans avoir réglé le solde du marché au sous-traitant. 3. Ayant adressé en vain, le 6 octobre 2014, une lettre mettant en demeure l'entrepreneur principal de lui payer le solde du marché, le sous-traitant a exercé l'action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 12, alinéas 1 et 3, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 : 6. Selon ce texte, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage. Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites. 7. Il est jugé que lorsque l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire, le sous-traitant est tenu pour exercer l'action directe, prévue à l'article susvisé, contre le maître de l'ouvrage, d'adresser à celui-ci une copie de sa production au passif de l'entrepreneur principal, cette production tenant lieu de mise en demeure (Com., 12 mai 1992, pourvoi n° 89-17.908, Bull. 1992, IV, n° 178 ; Com., 9 mai 1995, pourvoi n° 93-10.568, Bull 1995, IV, n° 131). 8. Pour condamner le maître de l'ouvrage à payer une certaine somme au sous-traitant ayant agi directement contre lui, l'arrêt retient que ce dernier démontre avoir adressé à l'entrepreneur principal, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 octobre 2014, une mise en demeure de payer le solde du marché, la mise en liquidation judiciaire antérieure de l'entrepreneur principal étant indifférente. 9. En statuant ainsi, alors que faute de mise en demeure préalable à la liquidation judiciaire, seule la déclaration de créance vaut mise en demeure de l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. La mise en demeure adressée, le 6 octobre 2014, par le sous-traitant à l'entrepreneur principal, dessaisi de la gestion de ses biens à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, est inefficace. En l'absence de déclaration de créance au passif de l'entrepreneur principal valant mise en demeure, l'action directe exercée par le sous-traitant contre le maître de l'ouvrage est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DECLARE irrecevable la Société moderne des Terrassements parisiens en son action directe en paiement formée contre M. [R] ; Condamne la Société moderne des Terrassements parisiens aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois. Com., 9 mai 1995, pourvoi n° 93-10.568, Bull. 1995, IV, n° 131 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 juillet 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 555 FS-B Pourvoi n° U 22-17.010 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023 La société Deloffre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne Maisons Axcess, a formé le pourvoi n° U 22-17.010 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [K], 2°/ à Mme [O] [P], domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Deloffre, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] et de Mme [P], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2022), le 16 août 2011, M. [K] et Mme [P] ont conclu avec la société Deloffre un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan. 2. La réception de l'ouvrage est intervenue le 30 septembre 2013 avec réserves. 3. Se plaignant de désordres et retards, M. [K] et Mme [P] ont assigné la société Deloffre en indemnisation de leurs préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur les deuxième et quatrième moyens 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 4 716,40 euros au titre des surcoûts pris en charge par les maîtres de l'ouvrage, alors « que le constructeur de maison individuelle n'est pas tenu de réaliser des équipements qui ne sont ni prévus par le contrat de construction et ses annexes ni indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, quand bien même ils seraient rendus nécessaires par l'autorisation d'urbanisme ; qu'ayant constaté que la notice descriptive ne portait pas mention de la réalisation de la clôture végétalisée du terrain sur lequel la maison a été édifiée, la cour d'appel qui a cependant jugé que son coût devait être pris en charge par le constructeur, au seul motif, inopérant, que le permis de construire avait été accordé sous réserve de prescriptions relatives aux clôtures, et sans constater que cette clôture aurait été indispensable à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 6. Dès lors que, selon l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, le contrat de construction avec fourniture du plan doit comporter l'affirmation de la conformité du projet aux règles du code de l'urbanisme, le coût des ouvrages dont la réalisation conditionne l'autorisation de construire doit être intégré dans le prix forfaitaire demandé par le constructeur ou, s'il est laissé à la charge du maître de l'ouvrage, faire l'objet d'un chiffrage de la part du constructeur. 7. Une telle interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par ce texte, dont la finalité est d'informer exactement le maître de l'ouvrage du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourrait mener à son terme. 8. La cour d'appel a relevé que le plan local d'urbanisme en vigueur au jour de la signature du contrat de construction, prévoyait, dans la zone d'implantation de la maison, la clôture des terrains par des haies végétales, que les plans de la demande de permis de construire faisaient apparaître la clôture et que le permis de construire était accordé à M. [K] et Mme [P] sous réserve du respect des prescriptions relatives aux clôtures. 9. Ayant constaté que le coût de la clôture, qui devait obligatoirement être édifiée pour respecter les règles locales d'urbanisme et l'autorisation de construire, n'avait pas été inclus dans le prix forfaitaire ni chiffré au titre des prestations restant à la charge des maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il devait être mis à la charge du constructeur. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le sixième moyen Enoncé du moyen 11. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 2 585,44 euros TTC au titre des frais exposés en expertise et procès-verbal d'huissier de justice, alors : « 1°/ qu'il ne peut y avoir de responsabilité civile sans faute ; qu'en condamnant la société Deloffre à payer des dommages-intérêts aux consorts [K] / [P] au titre de l'expertise amiable de l'expert [C], au seul motif, inopérant, que cette expertise a été utile à la résolution du litige, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°/ qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi le fait pour le maître de l'ouvrage de se faire assister lors de la réception du chantier par un huissier de justice constituerait un préjudice en lien de causalité direct et certain avec une faute commise par le constructeur, le coût de son intervention étant dû que des réserves soient ou non formulées, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 12. La cour d'appel s'est fondée sur les conclusions de l'expertise non judiciaire et le constat de l'huissier de justice pour condamner le constructeur à indemniser les maîtres de l'ouvrage du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves. 13. Par motifs propres et adoptés, elle a retenu que ces actes avaient été utiles à la résolution du litige et que les frais y afférents avaient été exposés à la suite des nombreuses réserves relevées lors de la réception de l'ouvrage, consécutives au manquement contractuel de la société Deloffre. 14. Ayant retenu que le déroulement des travaux et la gestion du chantier avaient été chaotiques, elle a suffisamment fait ressortir que les frais litigieux, en ce compris les frais de l'intervention d'un huissier de justice lors des opérations de réception, étaient imputables aux fautes du constructeur. 15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 16. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros au titre de sa garantie de parfait achèvement, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 30 septembre 2014, alors « que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ; qu'en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an, ne peut suppléer, les demandes indemnitaires du maître de l'ouvrage fondées sur la garantie de parfait achèvement ne peuvent être accueillies ; qu'en retenant, pour accueillir les demandes indemnitaires des consorts [K] / [P] fondées sur la garantie de parfait achèvement, que l'assignation devant le tribunal de la société Deloffre par leurs soins est intervenue par acte du 30 septembre 2014, soit dans le délai d'un an et qu'il y a donc lieu d'examiner les désordres qu'ils allèguent, tout en constatant que le seul courrier adressé le 28 octobre 2013 par les maîtres de l'ouvrage au constructeur ne concernait pas les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1792-6 du code civil : 17. Selon ce texte, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. 18. Ainsi, en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an prévu à l'article 1792-6 du code civil, ne peut suppléer, le maître de l'ouvrage ne peut être indemnisé sur le fondement de la garantie de parfait achèvement. 19. Pour accueillir les demandes de M. [K] et Mme [P] sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, l'arrêt retient que l'assignation délivrée à la société Deloffre, valant mise en demeure, est intervenue dans le délai d'un an courant à compter de la réception de l'ouvrage. 20. En se déterminant ainsi, sans constater que les désordres avaient, préalablement à l'assignation, été notifiés à l'entrepreneur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre sur le fondement de la garantie de parfait achèvement entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'entrepreneur à indemniser le préjudice moral des maîtres de l'ouvrage, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 22. En effet, la condamnation prononcée au titre du préjudice moral se fonde sur l'existence de multiples désordres. 23. La cassation des chefs de dispositif relatifs à la garantie de parfait achèvement et au préjudice moral n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Deloffre à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros TTC au titre de la garantie de parfait achèvement et la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice moral, l'arrêt rendu le 26 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne M. [K] et Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois. 3e Civ., 12 octobre 2022, pourvoi n° 21-12.507, Bull., (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 299 FS-B Pourvoi n° T 21-14.843 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023 1°/ la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH, société de droit allemand, venant aux droits de la société TÜV Rheinland Products Safety GmbH, dont le siège est [Adresse 3] (Allemagne), 2°/ la société TÜV Rheinland France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° T 21-14.843 contre l'arrêt RG n° 17/02231 rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 2], et 8515 parties. défendeurs à la cassation. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation. Mme [N] et deux mille cent deux autres parties, Mme [I] et huit autres parties, représentées par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat, ont formé, respectivement, un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt et invoquent, respectivement, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation. Mme [R] et six mille cinquante-cinq autres parties, représentées par la SCP Spinosi, avocat, ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt et invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer et les plaidoiries de Me Périer, avocat des sociétés TÜV Rheinland LGA Products GmbH et TÜV Rheinland France, de la SAS Buk Lament-Robillot et les plaidoiries de Me Robillot, avocat de Mme [N] et de deux mille cent deux autres parties, et de Mme [I] et huit autres parties, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, et plaidoiries de Me Pinatel, avocat de Mme [D] et de deux-cent-trente-trois autres parties, de la SCP Spinosi, avocat de Mme [R] et de six mille cinquante-cinq autres parties, et plaidoires de Me Spinosi, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [Y] et de cinquante-quatre autres parties, et plaidoiries de Me Gaschignard, et l'avis écrit et oral de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2021, RG n° 17/02231), la société Poly implant prothèse (la société PIP), qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (la société TRLP), de procéder à l'évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final, ainsi qu'à l'examen du dossier de conception de ces dispositifs médicaux, en sa qualité d'organisme notifié par les Etats membres à la Commission européenne et aux autres Etats membres, au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux. 2. Une première inspection de certification a été réalisée auprès de la société PIP, suivie d'audits visant à renouveler la première certification. Ainsi, le 22 octobre 1997, la société TRLP a rendu une décision d'approbation du système de qualité de la société PIP, qu'elle a renouvelée les 17 octobre 2002, 15 mars 2004 et 13 décembre 2007. Le 25 février 2004, à la suite de la nouvelle classification des implants mammaires en classe III de la directive 93/42, la société PIP a soumis la conception du dispositif médical dénommé « implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité (IMGHC) » à la société TRLP, qui a délivré, le 15 mars 2004, un certificat d'examen CE, valable jusqu'au 14 mars 2009, et, le 27 mai 2009, saisie d'une nouvelle demande de la société PIP, un second certificat. 3. Ces audits ont été réalisés par ou avec des auditeurs de la société TÜV Rheinland France (la société TRF), également membre du groupe TÜV. 4. A la suite d'une inspection, les 16 et 17 mars 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d'un gel de silicone différent du gel de marque Nusil qui figurait dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la directive. En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français et différentes autorités sanitaires étrangères ont recommandé aux femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à leur explantation. 5. Le 30 mars 2010, la société PIP a été placée en liquidation judiciaire et, par arrêt du 2 mai 2016, ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d'escroquerie et condamnés, l'enquête pénale ayant établi que la société PIP avait utilisé ce gel à compter du mois d'octobre 2002. 6. Le 14 avril 2014, la société B & S Centro de Excelencia en Cirurgia Plastica, clinique ayant utilisé des implants mammaires PIP, a assigné les sociétés TRLP et TRF en responsabilité, indemnisation et expertise quant à son préjudice. 7. Sont intervenues volontairement à l'instance aux mêmes fins les sociétés Peter Olandier Medica Forsalinings AB, Chang Sing Trading, Vaj Technology, Big One, E-Ximed Co Ltd et Vidal Medical, distributrices d'implants PIP, ainsi que de nombreuses personnes physiques porteuses d'implants, de nationalité française ou étrangère. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF et les premiers moyens des pourvois incidents de Mme [I] et autres, Mme [N] et autres et Mme [R] et autres, réunis 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses autres branches, des sociétés TRLP et TRF Enoncé du moyen 9. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de juger que la société TRLP, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, que leurs responsabilités professionnelles sont « avérées » et qu'elles doivent réparer solidairement les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16 février 2017, Schmitt, C-219/15), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose pas, en l'absence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive, de vérifier les éléments comptables ou commerciaux relatifs à l'approvisionnement du fabricant en toutes matières entrant dans la composition des dispositifs fabriqués ; que, s'agissant de vérifier l'application par le fabricant des processus d'achat faisant partie du système de qualité certifié, l'organisme notifié est uniquement tenu de vérifier, au moyen d'audits périodiques et d'investigations réalisées par sondages, c'est-à-dire par la revue de documents, le questionnement de salariés, ou le suivi de lot(s) d'implants sélectionné(s) de façon aléatoire, que les matières premières sont commandées, réceptionnées, contrôlées, et stockées conformément au système de qualité certifié ; qu'en jugeant que les sociétés TRLP et TRF étaient tenues par principe de contrôler, par une analyse de la comptabilité matières du fabricant PIP, que celui-ci se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, lequel avait fait l'objet d'une fraude, quand une telle obligation ne relevait pas de l'exercice normal des obligations de l'organisme notifié et ne se serait imposée à celui-ci qu'en présence d'indices de non-conformité des dispositifs qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ que, devant les juges du fond, les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir qu'il résultait des normes professionnelles NF EN ISO 17021:2006, NF EN ISO 13485.2000 et ISO 9001:1994, auxquelles les organismes notifiés se réfèrent pour l'exécution de leurs missions, qu'hors le cas où ils auraient eu connaissance d'indices de non conformité des dispositifs médicaux, la mission de ces organismes était de procéder à des audits périodiques et à un contrôle par échantillonnage visant à vérifier l'application du système de qualité approuvé ; qu'en reprochant aux sociétés TRLP et TRF de ne pas avoir procédé à une inspection de la comptabilité matières pour contrôler spécifiquement que le fabricant PIP commandait de manière régulière et suffisante du gel de remplissage NuSil MED3-6300 pour alimenter sa production, quand de telles diligences ne pouvaient être attendues d'un organisme notifié qu'en présence d'indices de non-conformité qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°/ au surplus qu'en imposant à l'organisme notifié TRLP de contrôler que le fabricant PIP se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, la cour d'appel a mis à la charge de l'organisme notifié l'obligation de procéder à un contrôle complexe de cohérence comptable ; que, comme l'avaient fait valoir les sociétés TRLP et TRF devant les juges du fond, l'insuffisance des achats du gel NuSil MED3-6300 ne pouvait résulter du simple constat de la faiblesse ou de l'absence de commandes sur une période déterminée, mais imposait, à chaque audit, de recenser les commandes correspondant spécifiquement au gel NuSil MED3-6300 parmi les très nombreuses matières premières commandées par PIP pour l'ensemble de sa production d'implants, y compris implants mammaires et implants remplis d'autres matières de remplissage que de silicone, y compris d'autres références de matières premières en silicone de NuSil, d'isoler les quantités d'implants IMGHC produits (parmi tous les produits) pour en déduire la quantité de matière première correspondante nécessaire, et de procéder à un rapprochement entre ces données, en tenant compte notamment des stocks précédemment constitués ou d'éventuelles annulations de commandes, ce qui n'aurait eu de sens qu'en présence d'indices de non-conformité ; qu'en reprochant aux sociétés TRLP et TRF de ne pas avoir vérifié si la société PIP se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, quand une telle vérification ne se serait imposée qu'en présence d'indices de non-conformité des implants qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ subsidiairement, que ne peuvent constituer des indices imposant le recours à des mesures d'investigation additionnelles que des faits connus de l'organisme notifié et donnant à penser que les dispositifs concernés sont susceptibles de pas être conformes aux exigences essentielles découlant de la directive 93/42/CEE ; qu'en relevant, pour juger que les sociétés TRF et TRLP auraient dû vérifier les éléments comptables ou commerciaux relatifs à l'approvisionnement en gel NuSil MED3-6300, que les implants mammaires en gel de silicone en général avaient fait l'objet depuis 1995 de plusieurs mesures de suspension en raison de suspicions sur des risques de rupture des enveloppes, ce qui avait entrainé leur intégration dans les dispositifs de classe III au sens de la directive 93/42/CEE, que le 20 décembre 2000, les implants mammaires en silicone IMGHC produits par la société PIP avaient fait l'objet d'une suspension levée le 18 avril 2001 après examen de pièces justificatives fournies par le fabricant, qu'en mai 2000 l'administration américaine avait refusé, par une décision non communiquée à l'organisme notifié, une autorisation de mise sur le marché de ces implants en silicone, que la société TRLP avait eu connaissance « d'incidents » de matériovigilance sur le territoire français, et que les autorités britanniques avaient informé les autorités sanitaires allemandes de ruptures, faits qui au regard de leur nature, de leur date, de leur lieu, et/ou de l'absence de connaissance par les sociétés TRF et TRLP, ne pouvaient être regardés comme des indices mettant à la charge de ces sociétés une obligation de vigilance renforcée pouvant impliquer un contrôle de cohérence de la comptabilité matières, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'indices de non-conformité des implants IMGHC imposant aux sociétés TRLP et TRF de vérifier que la société PIP commandait de façon régulière et suffisante des quantités de gel NuSil MED3-6300, et a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 5°/ qu'il ne saurait plus encore être reproché à l'organisme notifié de ne pas avoir procédé à un examen de la comptabilité matières pour contrôler spécifiquement que le fabricant commandait de façon régulière et suffisante une des matières entrant dans la composition, la fabrication ou la stérilisation du dispositif qu'en présence d'indices laissant soupçonner une fraude portant sur l'achat ou l'utilisation de cette matière ; qu'en déduisant des prétendus "indices" susvisés, l'obligation pour les sociétés TRLP et TRF d'analyser la comptabilité matières de l'entreprise PIP afin de contrôler que ce dernier se fournissait de façon régulière et suffisante en gel NuSil MED3-6300 pour alimenter sa production d'implants IMGHC, quand aucun de ces indices allégués ne portait, en outre, sur une défaillance du gel de remplissage des implants, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 7°/ qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que "des affaires judiciaires ont opposé en Grande Bretagne la SA P.I.P. a de nombreuses porteuses britanniques d'implants victimes" et que ce fait "n'a pu en aucun cas échapper à la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des "Notifiés" de la Commission de Bruxelles", sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que la société TRLP aurait eu connaissance de ces plaintes, ni répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que le tribunal n'avait fait que reprendre une affirmation non étayée de certaines demanderesses selon laquelle des "centaines de plaintes" auraient été déposées au Royaume-Uni, alors qu'il résultait au contraire du rapport établi par l'AFSSAPS et la direction générale de la santé à la suite de la révélation de la fraude que seule une vingtaine de plaintes isolées avaient au total été déposées au Royaume-Uni, sans que les autorités sanitaires britanniques ou européennes n'en soient informées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 8°/ de même, qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que "les multiples déclarations de matériovigilance concernant les produits de la SA P.I.P" n'avaient également pu échapper à "la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des "Notifiés" de la Commission de Bruxelles", sans répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que, contrairement aux affirmations du jugement, il résultait du rapport établi par l'AFSSAPS et la direction générale de la santé que sur la période allant de 2002 à 2007, le taux cumulé de rupture des implants en gel de silicone de PIP, qui oscillait autour de 0,04 %, était demeuré dans la moyenne des taux cumulés de rupture des implants en gel de silicone d'autres fabricants, une augmentation n'étant constatée qu'à la fin de l'année 2009, ni préciser en quoi les données connues des sociétés TRLP et TRF, qui n'étaient pas destinataires des déclarations de matériovigilance aux termes de la réglementation, imposaient ainsi le recours à des mesures additionnelles, alors que tout dispositif médical génère nécessairement des déclarations de matériovigilance et que seul le constat d'une hausse subite des déclarations ou le dépassement du taux moyen aurait été de nature à laisser présumer une non-conformité d'un dispositif médical, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 9°/ enfin, qu'il résulte de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16 février 2017, Schmitt, C-219/15, § 40), que l'organisme notifié ne supporte aucune obligation de procéder à un contrôle des dispositifs eux-mêmes, à des visites inopinées ou à une visite dans les locaux des fournisseurs, sauf en présence d'indices laissant suggérer une non-conformité des dispositifs aux exigences essentielles de la directive ; qu'à supposer adoptés les motifs par lesquels le tribunal de commerce a relevé que "la société TUV n'a pas effectué durant son mandat Menu [venu ?] de Bruxelles, le moindre prélèvement sur la chaîne, pendant et en fin de fabrication, d'un quelconque implant pour en analyser ses composants comme le lui prescrivait la Directive", qu'elle s'était contentée "d'aviser par avance la direction de la SA P.I.P. de sa prochaine venue pour l'inspection quasi-annuelle", et qu'elle n'avait procédé à aucune visite dans les locaux du fabricant américain NuSil, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 10. Aux termes de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et de l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne l'annexe II de la directive 93/42, modifiée par le règlement n° 1882/2003 du 29 septembre 2003, successivement applicables, le fabricant fournit à l'organisme habilité les informations utiles pour s'assurer du respect des obligations attachées à son système de qualité et il l'autorise à effectuer toutes les inspections nécessaires, et cet organisme procède périodiquement aux inspections et évaluations appropriées et il peut, lors de visites inopinées, réaliser ou faire réaliser des essais pour vérifier le fonctionnement du système de qualité. 11. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les dispositions de l'annexe II de la directive 93/42, telle que modifiée par le règlement n° 1882/2003, doivent être interprétées en ce sens que, si l'organisme notifié n'est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d'examiner les documents commerciaux du fabricant, cet organisme, en présence d'indices suggérant qu'un dispositif médical est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de cette directive telle que modifiée, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s'acquitter de ses obligations au titre de l'article 16, § 6, de ladite directive et des points 3.2, 3.3, 4.1 à 4.3 et 5.1 de l'annexe II de celle-ci (CJUE, arrêt du 16 février 2017, Schmitt, C-219/15). 12. Il résulte de cette décision que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093, Bull.). 13. Après avoir relevé que, lors des audits de surveillance et de certification effectués entre novembre 2004 et février 2009, le service achat de la société PIP avait été contrôlé et qu'il ressortait des auditions de certificateurs des sociétés TRLP et TRF recueillies au cours de l'enquête pénale que la vérification de l'approvisionnement des matières premières constituait l'une des premières étapes d'un audit de surveillance, la cour d'appel a constaté que l'enquête pénale avait établi l'existence d'une chute brutale d'achat de gel Nusil à compter de 2002 par la société PIP et l'absence de tout achat de ce gel au cours de l'année 2004, alors que celle-ci avait produit pendant cette même année environ vingt mille prothèses IMGCH, soit l'équivalent des trois années antérieures, et que, si la société PIP faisait disparaître les achats de gel non autorisé de la base achat informatique, aucune falsification n'était opérée dans cette base achat et dans la comptabilité concernant la fourniture de gel Nusil. 14. Elle a retenu que l'absence de tout achat de gel en 2004, ainsi que l'incohérence entre la quantité de gel commandé et le nombre de prothèses fabriquées constituaient une anomalie évidente dans le procédé de fabrication, suggérant que le dispositif médical en cause était susceptible d'être non conforme aux prescriptions de la directive et justifiant une visite des locaux sans avertissement, laquelle aurait nécessairement conduit les auditeurs des sociétés TRLP et TRF à découvrir la substitution de gel, les manoeuvres pour dissimuler les gels non homologués n'ayant été mises en place par les employés de la société PIP que lorsque ceux ci avaient été informés de la survenance d'un audit, et que, de même, une simple interrogation du fournisseur du seul gel autorisé sur les quantités livrées aurait permis de confirmer que les prothèses produites étaient nécessairement remplies à l'aide d'une autre substance. 15. Elle n'a pu qu'en déduire que la société TRLP avait manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité. 16. Inopérant en ses quatrième, septième et huitième branches critiquant des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus. Sur le sixième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF Enoncé du moyen 17. La société TRF fait grief à l'arrêt de juger que sa responsabilité professionnelle est « avérée » et qu'elle doit réparer, solidairement avec la société TRLP, les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, alors : « 1°/ que la responsabilité d'une société ne peut être mise en jeu sans qu'il ne soit relevé l'existence, à son égard, d'un fait générateur de responsabilité ; qu'en jugeant que la responsabilité professionnelle de la société TRF était avérée et qu'elle était tenue de réparer, solidairement avec la société TRLP, les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs de produits de la SA PIP ainsi que les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, sans relever l'existence d'une quelconque faute commise par TRF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ en toute hypothèse que le contrôle des opérations d'audit et la délivrance et le maintien des certificats au fabricant relèvent de la seule responsabilité de l'organisme notifié et non des sous-traitants ou personnels auxquels celui-ci est autorisé à recourir dans les conditions prévues par la directive 93/42/CEE ; qu'en jugeant que la société TRF avait engagé sa responsabilité à l'égard des demanderesses personnes physiques, cliniques et distributeurs, au motif inopérant qu'elle aurait "participé" aux opérations et qu'elle se serait contractuellement "engagée à effectuer une mission de contrôle, d'inspection et de service dans le cadre des opérations de certification", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et des articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°/ en outre qu'en relevant que la société TRF s'était "engagée contractuellement à effectuer une mission de contrôle, d'inspection et de service dans le cadre des opérations de certification", quand il ne résultait d'aucune des mentions des contrats conclus entre les sociétés PIP, TRLP et TRF que cette dernière se serait contractuellement engagée à effectuer de telles missions ou qu'elle se serait engagée à assumer la mission d'organisme notifié, la cour d'appel a dénaturé l'"agreement" et l' "Acknowledgement" conclus entre TÜV Rheinland et PIP les 15 et 21 octobre 1997 ainsi que le "General agreement" conclu entre TÜV Rheinland et PIP les 13 et 20 juin 2001, en violation de l'article 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 18. Conformément au point 2 de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et à l'article R. 5211-56, du même code, successivement applicables, d'une part, un organisme habilité peut confier à un sous-traitant des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, à condition de s'assurer préalablement que les dispositions du livre V bis du code précité, dans sa rédaction applicable en la cause, et, en particulier, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47, laquelle fixe les critères minimaux pour la désignation des organismes habilités, soient respectées par le sous-traitant, d'autre part, le personnel chargé du contrôle doit exécuter les opérations d'évaluation et de vérification avec la plus grande compétence requise dans le secteur des dispositifs médicaux. 19. La cour d'appel a retenu qu'en application d'un contrat conclu le 21 octobre 1997 entre les sociétés PIP, TRLP et TRF, la société TRF avait, en qualité de sous-traitante, participé conjointement avec la société TRLP aux opérations de vérification ayant permis à la société PIP d'obtenir le certificat CE le 15 mars 2004 et aux nombreux audits de surveillance entre novembre 2004 et février 2009 et qu'elle avait, comme la société TRLP, manqué à ses obligations de vigilance lors des contrôles effectués au service achats. 20. Elle a pu en déduire que la société TRF avait manqué aux engagements inhérents à l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité. 21. Inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus. Sur le second moyen du pourvoi incident de Mme [R] et autres Enoncé du moyen 22. Mme [R] et autres font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 20 janvier 2017 en ce qu'il a dit que l'intervention de TRF dans le dossier de certification avait été réalisée en fraude des dispositions de la directive 93/42 CEE, alors : « 1°/ d'une part, qu'en vertu de l'annexe XI, point 2, de la directive 93/42/CEE, l'organisme notifié ne peut confier à un sous-traitant que "des travaux spécifiques [...] portant sur la constatation et la vérification des faits" ; qu'en se bornant à constater que la société TRF, qui avait effectué au profit de la société PIP des opérations complètes d'audit et de vérifications, avait exercé "cette activité en qualité de sous-traitant de la société TRLP" au sens de l'article R. 4211-56 du code de la santé publique, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société TRF n'était pas intervenue dans le processus de certification au-delà des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, de sorte qu'elle ne pouvait pas être qualifiée de sous-traitant au sens de l'annexe XI de la directive et l'article R. 4256-11 du code de la santé publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ; 2°/ d'autre part, que l'annexe XI de la directive 93/42/CEE impose à l'organisme notifié qui confie des tâches à un sous-traitant dans l'exercice de sa mission de certification de s'assurer que ce sous-traitant satisfait lui-même aux exigences de compétence et d'indépendance du personnel en charge des contrôles fixées par la directive ; qu'en se bornant à constater que la société TRF, qui avait effectué au profit de la société PIP des opérations complexes d'audit et de vérifications, avait exercé "cette activité en qualité de sous-traitant de la société TRLP" au sens de l'article R. 4211-56 du code de la santé publique (page 320 de l'arrêt), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée si la société TRF, qui n'était pas un organisme notifié au sens de la directive 93/42/CEE, disposait des compétences, de la documentation et de l'indépendance requises pour s'acquitter des tâches qui lui étaient confiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'Annexe XI de la directive 93/42/CEE et de l'article R. 5211-56 du code de la santé publique. » Réponse de la Cour 23. En retenant que la société TRF avait exercé l'activité de sous-traitant prévue à l'article R. 5211-56 code de la santé publique, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise alléguée par la première branche et n'était dès lors pas tenue de procéder à celle invoquée par la seconde branche que ses constatations rendaient inopérante. 24. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF Enoncé du moyen 25. Les sociétés TRLP et TRF font le même grief à l'arrêt, alors « que, en jugeant que le défaut de vigilance allégué des sociétés TRLP et TRF avait eu pour conséquence de permettre à la société PIP d'apposer la certification CE sur les implants IMGHC dès avril 2001, quand il résultait de ses constatations que les incohérences que les sociétés TRLP et TRF auraient prétendument dû déceler dataient de 2004 voire de 2002 et que l'utilisation frauduleuse d'un gel de remplissage non homologué avait débuté à la fin de l'année 2002, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 26. La recevabilité du moyen est contestée en défense. Il est soutenu que le moyen est nouveau et mélangé de fait. 27. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée. 28. Il est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 455 du code de procédure civile : 29. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à une absence de motifs. 30. Pour condamner les sociétés TRLP et TRF à réparer l'ensemble des préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires PIP, l'arrêt retient que les manquements des sociétés TRLP et TRF ont eu pour conséquence de permettre à la société PIP d'apposer la certification CE sur les prothèses IMGHC d'avril 2001 à mars 2010. 31. En statuant ainsi, après avoir retenu que l'utilisation frauduleuse d'un gel non autorisé avait débuté à la fin de l'année 2002 et que les incohérences dans la comptabilité matière qui auraient dû être décelées lors de l'audit des 24 au 26 novembre 2004, tenant notamment à l'absence d'achat de gel Nusil cette année-là alors que la société PIP avait produit environ 20 000 prothèses IMGHC, étaient postérieures, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et les pourvois incidents de Mme [I] et autres et de Mme [N] et autres qui ne sont qu'éventuels, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, que la responsabilité professionnelle de la société TÜV Rheinland France est avérée et que l'intervention de cette société en qualité de sous-traitante de la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH est licite, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Laisse à chacune des parties les dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois. 1re Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 22-11.541, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 543 FS-D Pourvoi n° R 22-17.030 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 La société caisse de Crédit mutuel région [Localité 3], association coopérative à responsabilité limitée et à capital variable , dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-17.030 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [M] [N], domicilié chez ADC Nord Picardie, [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] et de Me Laurent Goldman, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2022), par acte notarié du 30 septembre 1999, la société Caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] (la banque) a consenti à M. [N] (l'emprunteur) un prêt immobilier in fine souscrit en francs suisses, à taux variable et indexé sur le LIBOR francs suisses 3 mois. 2. Faute de paiement de l'intégralité du capital emprunté à l'échéance, la banque a mis en oeuvre des mesures d'exécution, levées à la suite du règlement du solde du prêt au moyen d'un nouvel emprunt souscrit auprès d'une autre banque. 3. Le 6 novembre 2014, l'emprunteur a assigné la banque en constatation du caractère abusif de clauses de remboursement et de change, ainsi qu'en restitution. Examen des moyens Sur le deuxième moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée aux demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 5.3 et 10.5, de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors : « 1°/ que l'action tendant à la restitution de sommes versées sur le fondement de clauses prétendument abusives relatives au remboursement d'un prêt en devise et au risque de change supporté par l'emprunteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le consommateur a été en mesure de constater une importante dépréciation de l'euro par rapport à la devise empruntée ; que pour dire non-prescrite l'action en restitution fondée sur le caractère prétendument abusif des clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a retenu que les effets du changement de parité entre le franc suisse et l'euro s'étaient manifestés à la date de l'échéance du remboursement du capital du prêt in fine, soit le 31 juillet [lire : août] 2014, de sorte que l'action introduite le 6 novembre 2014 n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'appréciation significative du franc suisse par rapport à l'euro ne s'était pas faite ressentir sur le marché des changes dès janvier 2009, mettant ainsi l'emprunteur en mesure de prendre conscience du risque de change encouru, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ; 2°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt censuré ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 5.3 et 10.5 emportera sa censure en ce qu'il a condamné la Caisse à restituer à M. [N] les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, en application de l'article 624 du code de procédure civile.» Réponse de la Cour 6. Par arrêt du 10 juin 2021 (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive. 7. Elle a précisé que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive relèvent de l'ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l'autonomie procédurale, que, cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne (principe d'effectivité) (point 27). 8. Par arrêt du 9 juillet 2020 (CJUE, arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank, C-698/18), elle a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13 ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions. 9. Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil et à l'article L. 110-4 du code de commerce, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. 10. La cour d'appel a jugé abusives les clauses 5.3 et 10.5 du contrat. 14. Il en résulte que l'action en restitution fondée sur le caractère abusif de ces clauses était recevable. 15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions des articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 9. La banque fait grief à l'arrêt de juger abusives les clauses 5.3 et 10.5, de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, de condamner l'emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors : « 1°/ que les clauses définissant l'objet principal du contrat ne peuvent être contrôlées au titre de la législation sur la lutte contre les clauses abusives que si elles ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible et, dans cette hypothèse, elles ne peuvent être déclarées abusives que si elles instaurent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur ; que des clauses relatives au remboursement d'un prêt libellé en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, et qui définissent ainsi l'objet principal du contrat, sont rédigées de manière claire et compréhensible si elles contiennent des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, la cour d'appel, après avoir admis qu'elles définissaient l'objet principal du contrat, a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en déduisant l'existence du déséquilibre significatif du seul fait que les clauses litigieuses n'étaient pas rédigées de manière claire et compréhensible, sans se prononcer sur l'incidence des clauses sur les droits et obligations des parties, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ; 2°/ que les clauses d'un prêt en devise relatives au remboursement et au risque de change pesant sur l'emprunteur, qui définissent l'objet principal du contrat, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur si le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte des clauses litigieuses ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel, après avoir admis qu'elles définissaient l'objet principal du contrat, a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la Caisse pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change résultant des clauses litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ; 3°/ que le caractère abusif d'une clause s'apprécie à la date de la conclusion du contrat qui la contient ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, au jour de la conclusion du prêt litigieux le 30 septembre 1999, la parité entre le franc et le franc suisse n'était pas suffisamment stable et équilibrée pour exclure tout déséquilibre significatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ; 4°/ qu'une clause est abusive si elle instaure, au jour de la conclusion du contrat, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les clauses litigieuses n'avaient pas, au jour du contrat, pour contrepartie le bénéfice d'un taux d'intérêt particulièrement attractif pour l'emprunteur, ce qui excluait tout déséquilibre significatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ; 5°/ que la clause d'un prêt en devise relative aux modalités de remboursement mettant le risque de change à la charge de l'emprunteur en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse n'est pas abusive dès lors que le prêteur assume de son côté le risque de dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si tout déséquilibre significatif n'était pas exclu du fait que, si l'article 10.5 prévoyait que l'emprunteur assumait le risque de change en cas de dépréciation de l'euro, le prêteur assumait pour sa part le même risque en cas d'appréciation de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995. » Réponse de la Cour 10. La cour d'appel a constaté que le contrat de prêt comportait une clause 5.3 « remboursement du crédit » qui disposait : « Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée. Les échéances seront débitées sur tout compte en devise ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. La monnaie de paiement est le franc français ou l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en francs français ou en euros les échéances au moment de leur prélèvement. Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en francs français ou en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. Les frais des garanties seront payables en francs ou en euros. Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en francs français ou en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en francs français ou en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré », ainsi qu'une clause 10.5 stipulant : « Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et le franc français ou l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt. » 11. Après avoir énoncé que l'exigence de clarté et d'intelligibilité d'une clause ne se réduisait pas au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical et que le contrat devait exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se référait la clause afin que le consommateur soit en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlaient pour lui, la cour d'appel a retenu que la première stipulation comportait des informations contradictoires sur la devise de remboursement du prêt, que le contrat ne comportait aucune information sur la manière selon laquelle elle était mise en oeuvre et sur les modalités de remboursements en francs suisses, alors que l'emprunteur percevait ses revenus en francs français puis en euros, que les autres clauses du contrat ne permettaient pas de déterminer le taux de change applicable pour le paiement des intérêts et le remboursement du capital payable in fine, qu'il n'était justifié d'aucune information délivrée à l'emprunteur sur les éléments fondamentaux tenant au risque de change susceptibles d'avoir une incidence sur la portée de son engagement et que celui-ci n'avait pas pu évaluer les conséquences économiques de la clause sur ses obligations financières et prendre conscience des difficultés auxquelles il serait confronté en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus. 12. Faisant ainsi ressortir, d'une part, que la banque n'avait pas fourni à l'emprunteur, en sa qualité de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses litigieuses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, d'autre part, que la banque ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard de l'emprunteur, à ce que celui-ci acceptât, à la suite d'une négociation individuelle, les risques disproportionnés susceptibles de résulter de telles clauses, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la clause de remboursement, qui portait sur l'objet du contrat, n'était ni claire ni compréhensible et qu'elle créait un déséquilibre significatif entre la banque et les emprunteurs, de sorte qu'elle devait, avec la clause de change en lien avec elle, être réputée non écrite. 13. Le moyen, nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable, en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus. 14. La demande de question préjudicielle, formée hors délai, est irrecevable. Sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 15. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, de condamner l'emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors « que l'accipiens tenu de restituer la contrevaleur en euros d'une somme d'argent perçue en devise doit opérer la restitution en appliquant le taux de change en vigueur au jour où il restitue ; qu'au cas présent, après avoir déclaré non-écrites les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devise in fine et au risque de change, la cour d'appel, jugeant que le remboursement en devises ne pouvait subsister, a condamné M. [N] à restituer à la Caisse la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change en vigueur à la date de la mise à disposition des fonds ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995. » Réponse de la Cour 16. Par arrêt du 21 décembre 2016 (CJUE, arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo, C-154/15), la CJUE a jugé que l'article 6, § 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu'une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n'ayant jamais existé, de sorte qu'elle ne saurait avoir d'effet à l'égard du consommateur et que, partant, la constatation judiciaire du caractère abusif d'une telle clause doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l'absence de ladite clause et emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l'égard de ces mêmes sommes. 17. Ayant relevé que les clauses réputées non écrites constituaient l'objet principal du contrat et que celui-ci n'avait pu subsister sans elles, la cour d'appel a exactement retenu que l'emprunteur devait restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et que celle-ci devait lui restituer toutes les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen auquel la société Caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] a déclaré renoncer, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 484 FS-B Pourvoi n° M 21-21.185 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 Mme [W] [L], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-21.185 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à M. [E] [D], domicilié chez M. [Y], [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [L], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Dard, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, M. Buat-Ménard et Mme Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2021), M. [D] et Mme [L], tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés en Tunisie le 8 avril 2006. Ils ont acquis la nationalité française le 25 janvier 2016. 2. Le 8 août 2019, Mme [L] a saisi un juge aux affaires familiales d'une requête en divorce. 3. M. [D] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement de divorce prononcé le 26 décembre 2017, sur sa demande unilatérale, par le tribunal de première instance de Sousse (Tunisie) et ayant acquis force de chose jugée sur le principe du divorce. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que le jugement du 26 décembre 2017, l'arrêt de la cour d'appel de Sousse du 16 mai 2018 et l'arrêt de la Cour de cassation tunisienne du 12 décembre 2018 sont opposables en France et de déclarer irrecevable sa requête en divorce, alors « que la décision d'une juridiction étrangère constatant la volonté unilatérale du mari de mettre fin au mariage sans justification aucune, sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, et donc à l'ordre public international ; qu'en retenant, pour considérer que le jugement de divorce tunisien n'était pas contraire à l'ordre public international et en conséquence déclarer la requête en divorce de Mme [L] irrecevable, que le divorce prononcé par volonté unilatérale de M. [D] n'était pas assimilable à une répudiation et était ouvert de manière identique à chacun des conjoints, quand le juge tunisien qui avait prononcé le divorce s'était borné à constater la volonté unilatérale de M. [D] de mettre fin au mariage et n'avait pas donné d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme, pour ensuite statuer sur les seules conséquences de la rupture du mariage, la cour d'appel a violé l'article 15 de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 et l'article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 15, d), de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions tunisiennes, en matière civile, n'ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire français que si elles ne contiennent rien de contraire à l'ordre public international. 6. Aux termes de l'article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. 7. L'article 31, alinéas 1 à 4, du Livre second du code du statut personnel tunisien du 13 août 1956, consacré au divorce, qui ne peut avoir lieu que devant le tribunal selon l'article 30, dispose : « Le Tribunal prononce le divorce : 1) en cas de consentement mutuel des époux ; 2) à la demande de l'un des époux en raison du préjudice qu'il a subi ; 3) à la demande du mari ou de la femme. » 8. La cour d'appel a énoncé que l'article 31, 3), du code du statut personnel tunisien édicte un cas de divorce qui n'est pas assimilable à une répudiation unilatérale, accordée au seul mari, dès lors que celui-ci est ouvert de manière identique à chacun des conjoints. 9. Elle a retenu que, régulièrement citée et représentée par un avocat devant les juridictions tunisiennes, Mme [L] ne démontrait pas que les décisions, qui avaient été obtenues à la suite d'un débat contradictoire et à l'encontre desquelles elle avait exercé les voies de recours mises à sa disposition, avaient été rendues en fraude de ses droits. 10. Elle en a déduit à bon droit que les décisions tunisiennes invoquées par M. [D] n'étaient pas contraires au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage et donc à l'ordre public international. 11. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 505 F-B Pourvois n° W 21-25.587 X 21-25.588 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 1°/ M. [H] [T], 2°/ Mme [L] [P], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé les pourvois n° W 21-25.587 et X 21-25.588 contre deux arrêts rendus le 4 novembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant à la société Banque Palatine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de chaque pourvoi, trois moyens et deux moyens de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Banque Palatine, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-25.587 et 21-25.588 sont joints. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 4 novembre 2021), par actes notariés du 1er mars 2007, la société Banque Palatine (la banque) a consenti à M. et Mme [T] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers. 3. Les 9 et 12 décembre 2011, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des sommes dues au titre des deux prêts. Par ordonnance du 16 novembre 2012, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision pénale définitive à la suite de l'information judiciaire et de la constitution de partie civile des emprunteurs. 4. Se prévalant des titres constitués par les actes authentiques de prêt, la banque a, d'une part, le 25 juin 2019, pris une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'un des biens immobiliers financés et, d'autre part, suivant procès-verbaux du 20 août 2019, procédé à la saisie-attribution de certaines sommes dont les emprunteurs étaient créanciers. 5. Les 23 juillet et 26 septembre 2019, ces derniers ont assigné la banque en nullité et mainlevée de l'inscription d'hypothèque et des saisies-attribution en invoquant la prescription des créances. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 21-25.587 et sur le second moyen du pourvoi n° 21-25.588 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé des moyens 7. Par le premier moyen du pourvoi n° 21-25.587, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et valider les saisies attributions à exécution successive pratiquées à la requête de la banque en cantonnant ses créances à certains montants, alors « que la prescription de l'action en recouvrement d'une créance en vertu d'un titre exécutoire ne peut être interrompue par une action qui a pour objet distinct une demande en paiement d'une créance en vue d'obtenir un titre exécutoire ; qu'en décidant que l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Grasse délivrée par la Banque Palatine par actes des 9 et 12 décembre 2011 en vue d'obtenir un titre exécutoire aurait interrompu la prescription de l'action en recouvrement de la créance en vertu du titre exécutoire que constitue l'acte notarié, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil, L. 111-2 et L. 111-3, 4°, du code des procédures civiles d'exécution. » 8. Par le premier moyen du pourvoi n° 21-25.588, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et valider l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire en cantonnant la créance de la banque à un certain montant, alors « que la prescription de l'action en recouvrement d'une créance en vertu d'un titre exécutoire ne peut être interrompue par une action qui a pour objet distinct une demande en paiement d'une créance en vue d'obtenir un titre exécutoire ; qu'en décidant que l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Grasse délivrée par la Banque Palatine par actes des 9 et 12 décembre 2011 en vue d'obtenir un titre exécutoire aurait interrompu la prescription de l'action en recouvrement de la créance en vertu du titre exécutoire que constitue l'acte notarié, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil, L. 111-2 et L. 111-3, 4°, du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel, qui a relevé que par actes des 9 et 12 décembre 2011, la banque avait assigné les emprunteurs en paiement du solde restant dû sur les deux emprunts et que cette instance était toujours en cours à la date à laquelle la banque avait procédé à l'inscription d'hypothèque et diligenté la saisie-attribution sur le fondement des actes authentiques de prêt, en a exactement déduit que ces actions ayant le même but, à savoir le désintéressement du prêteur, l'introduction de la première avait interrompu le délai de la prescription des secondes et que l'effet interruptif ayant continué de produire ses effets, aucune prescription n'était acquise au moment de l'inscription d'hypothèque du 25 juin 2019 et des saisies du 20 août 2019. 10. Les moyens ne sont donc pas fondés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne M. et Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. et Mme [T] et les condamne à payer à la société Banque Palatine la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 546 FS-D Pourvoi n° P 21-22.843 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 1°/ la société Allianz IARD, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Ziemex, anciennement dénommée Ziemann France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 3°/ la société [N]-Hermont, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [V] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la société CICR, ont formé le pourvoi n° P 21-22.843 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Générali Deutschland Versicherung AG, venant aux droits de la société AaschenMünchener Versicherung AG, dont le siège est [Adresse 3] (Allemagne), 2°/ à M. [X] [E], domicilié [Adresse 5] (Allemagne), pris en qualité d'administrateur de la faillite de la société Meh Maschinen-Und Edelstahlhandel Gmbh, 3°/ à la société d'assurances R+V Versicherung, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne), défendeurs à la cassation. La société Générali Deutschland Versicherung AG et la société d'assurances R+V Versicherung ont formé, chacune, un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation. Les demanderesses aux pourvois incidents éventuels invoquent, respectivement, à l'appui de leur recours, un moyen et deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat des sociétés Allianz IARD, Ziemex, [N]-Hermont, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Générali Deutschland Versicherung AG, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société d'assurances R+V Versicherung, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Mme Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Allianz IARD, à la société Ziemex, anciennement Ziemann France, et à la société [N]-Hermont, prise en la personne de M. [V] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CICR, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [X] [E], en sa qualité d'administrateur de la faillite de la société MEH. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 juin 2021), en 2007, la société Roquette a confié à la société Ziemann France, devenue Ziemex, assurée auprès de la société Allianz IARD, la fabrication d'un fermenteur. 3. La société Ziemann a sous-traité la fabrication de l'échangeur thermique à la société CICR, assurée auprès de la société Allianz IARD, et commandé des tubes en acier à la société allemande Edelsthal Handelsgeselleschaft (la société EHG), devenue ultérieurement Maschinen und Edelstalhandel (la société MEH), assurée en responsabilité civile auprès de la compagnie AachenMünchener Versicherung, aux droits de laquelle se trouve la société Generali Deutschland Versicherung (la société Generali), puis de la compagnie R+V Versicherung (la société R+V). 4. Le 30 juin 2014, à la suite de la constatation par une expertise judiciaire de dysfonctionnements du fermenteur survenus lors de sa mise en service en novembre 2008 et de la transaction intervenue entre la société Roquette et les sociétés Ziemann, CICR et Allianz IARD, celles-ci ont engagé contre la société MEH et ses assureurs une action fondée sur la cession des créances stipulée par l'accord transactionnel. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi incident de la société Generali et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société R+V, réunis, qui sont préalables Enoncé des moyens 5. Par son moyen, la société Generali fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors : « 1°/ que le maître de l'ouvrage dispose contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur les objets défectueux intégrés à l'ouvrage d'une action contractuelle directe ; qu'en refusant de conférer une nature contractuelle à l'action directe exercée par les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD, en leur qualité de subrogées dans les droits du maître de l'ouvrage, contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur des objets défectueux et son assureur, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil ; 2°/ que la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels, en ce qu'elle précise, en son article 5, ne pas s'appliquer "aux effets de la vente à l'égard de toutes personnes autres que les parties", ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit mise en oeuvre pour la désignation de la loi applicable à une action directe en responsabilité exercée par le maître d'ouvrage contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur, dans le cadre d'une vente à caractère international, des objets défectueux intégrés à l'ouvrage ; qu'en refusant de faire application du traité susvisé à l'action directe en indemnisation exercée par les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD, subrogées dans les droits du maître de l'ouvrage, contre la société MEH et son assureur, la cour d'appel a violé la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels ; 3°/ en outre, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en conférant un caractère délictuel à l'action directe exercée par les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD en considération de sa qualification comme telle dans les différents actes de la procédure ainsi que dans le protocole d'accord transactionnel, et de l'absence de contestation par l'exposante de son obligation de couvrir les sinistres résultant de la responsabilité quasi-délictuelle de son assuré, quand celle-ci revendiquait dans ses écritures le caractère contractuel de l'action susvisée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 4°/ enfin, la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits ne s'applique qu'à la responsabilité extracontractuelle ; qu'en considérant qu'elle pouvait régir l'action directe du maître de l'ouvrage contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur des objets défectueux intégrés à l'ouvrage, qu'elle fût de nature contractuelle ou délictuelle, la cour d'appel a violé le traité susdit. » 6. Par son premier moyen, la société R+V fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'au cas présent, pour juger que la possibilité de l'action directe ne pouvait pas être déterminée au regard de la loi allemande applicable au contrat de fourniture liant les sociétés Ziemman (entrepreneur) et EHG (fournisseur) et qu'elle devait s'apprécier au regard de la loi française désignée par la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, la cour d'appel a retenu que la chaîne de contrats entre les sociétés Roquette (maître d'ouvrage), Ziemann et EHG était hétérogène et que la conception interne des groupes de contrats n'était pas consacrée en droit international privé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ; 2°/ qu'au cas présent, il résultait des actes versés aux débats que la société Roquette avait conclu un contrat d'entreprise pour la réalisation d'un fermenteur avec la société Ziemann, laquelle s'était fournie en tubes auprès de la société EHG par bon de commande du 5 octobre 2007 ; qu'il en résultait que le sous-traitant CICR n'était pas inclus dans la chaîne de contrats translative de propriété par laquelle la propriété des tubes avait été accessoirement transmise à la société Roquette par l'intermédiaire de la société Ziemann ; qu'en énonçant pourtant qu'en l'espèce, une chaîne de contrats lierait fabricant, sous-traitant, entreprise générale et maître d'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'ainsi, la loi applicable au contrat de vente liant l'entrepreneur et le fournisseur ne peut être déterminée au regard de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, qui déclare expressément ne pas s'appliquer aux relations entre vendeur et acheteur ; qu'en appliquant pourtant cette Convention pour déterminer la loi applicable à la possibilité de l'action directe, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, ensemble l'article 1, alinéa 2, de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 ; 4°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'au cas présent, pour juger que la possibilité de l'action directe ne pouvait pas être déterminée au regard de la loi allemande applicable au contrat de fourniture liant les sociétés Ziemann (entrepreneur) et EHG (fournisseur) et qu'elle devait s'apprécier au regard de la loi française désignée par la règle française de conflit de lois en matière de responsabilité délictuelle, la cour d'appel a dit que la chaîne de contrats entre les sociétés Roquette (maître d'ouvrage), Ziemann et EHG était hétérogène et que la conception interne des groupes de contrats n'était pas consacrée en droit international privé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, ensemble l'article 3 du code civil ; 5°/ qu'en l'espèce, la qualification délictuelle de la responsabilité encourue par la société EHG, fournisseur, envers la société Roquette, maître d'ouvrage, était contestée par les deux assureurs allemands de la société EHG ; qu'en énonçant pourtant que cette qualification délictuelle ressortait des actes de la procédure et que les assureurs allemands ne contestaient pas couvrir la responsabilité extra-contractuelle, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 6°/ que le protocole d'accord du 31 janvier 2013 ne mentionne pas la nature de la responsabilité encourue par la société EHG envers la société Roquette ; qu'en disant pourtant que cette responsabilité avait été qualifiée de délictuelle par ce protocole, la cour d'appel a dénaturé ce dernier, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les actes de la cause ; 7°/ que le juge doit restituer aux actes et aux faits du litige leur exacte qualification ; qu'au cas présent, pour dire que l'action de la société Roquette contre la société EHG présentait une nature délictuelle, la cour d'appel a énoncé que cette qualification avait été adoptée par les actes de la procédure et le protocole d'accord du 31 janvier 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas exercé le pouvoir qu'elle tient de l'article 12 du code de procédure civile, a violé ce texte ; 8°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'au cas présent, la loi applicable au contrat de vente entre la société Ziemann (entrepreneur) et la société EHG (fournisseur) devait être déterminée au regard de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes d'objets mobiliers corporels à caractère international ; qu'il importait peu que cette Convention déclare ne pas s'appliquer aux effets de la vente à l'égard des tiers dans la mesure où elle n'était invoquée que pour déterminer la compétence juridictionnelle au regard du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, et non pour désigner la loi applicable au fond du litige ; qu'ainsi, en écartant l'application de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 au motif qu'elle ne s'appliquait pas eux effets de la vente sur le tiers, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, ensemble l'article 5.4 de cette Convention. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de la combinaison des articles 11, § 2, 9 et 10 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) que, lorsque l'action directe est possible, la personne lésée peut attraire devant le tribunal du lieu de son domicile ou, en matière d'assurance de responsabilité, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit, l'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre. 8. La possibilité de l'action directe, au sens de l'article 11, § 2, précité, est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi. 9. Ayant relevé que les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD agissaient sur le fondement de la cession de créance consentie, à la suite de son indemnisation, par la société Roquette, tiers lésé, contre les assureurs du fournisseur de tubes d'acier dont il était allégué que les défauts étaient à l'origine des désordres du fermenteur, la cour d'appel en a exactement déduit que la règle de conflit devait être recherchée dans la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, qui ne distingue pas selon la nature de la responsabilité encourue et s'applique à la responsabilité des fabricants et fournisseurs pour les dommages causés aux personnes et aux biens par leurs produits, et non dans la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes d'objets mobiliers corporels à caractère international, dont l'article 5, § 4, stipule qu'elle ne s'applique pas aux effets de la vente à l'égard de toutes personnes autres que les parties. 10. Ayant constaté que les désordres s'étaient produits à [Localité 4] (Pas-de-Calais), où se trouvait également le siège de la société Roquette, c'est à bon droit qu'elle en a déduit que la loi française était désignée par l'article 4 de la Convention du 2 octobre 1973, en tant que loi de l'Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s'était produit et sur lequel était située la résidence habituelle de la personne directement lésée, de sorte qu'en vertu de l'article L. 124-3 du code des assurances, l'action directe était possible à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. 11. Les moyens, inopérants en ce qu'ils contestent la qualification de responsabilité délictuelle, ne sont donc pas fondés pour le surplus. Sur le second moyen du pourvoi incident de la société R+V Enoncé du moyen 12. La société R+V fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que le cessionnaire de la créance de la victime peut exercer l'action directe devant les juridictions du domicile de cette dernière, mais à condition qu'il ne soit pas un professionnel de l'assurance ; qu'au cas présent, la société Allianz IARD se prévalait de sa qualité de cessionnaire de la créance de la société Roquette, victime, pour agir par voir directe devant le tribunal de commerce d'Arras dans le ressort duquel cette dernière a son domicile ; que la société Allianz IARD étant un professionnel de l'assurance, elle ne pouvait exercer l'action directe devant les juridictions du domicile de la victime ; qu'en déclarant pourtant le tribunal de commerce d'Arras territorialement compétent, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ; 2°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que le cessionnaire de la créance de la victime peut exercer l'action directe devant les juridictions du lieu du fait dommageable, mais à condition qu'il ne soit pas un professionnel de l'assurance ; qu'au cas présent, la société Allianz IARD se prévalait de sa qualité de cessionnaire de la créance de la société Roquette, victime, pour agir par voir directe devant le tribunal de commerce d'Arras dans le ressort duquel le fait dommageable s'est produit ; que la société Allianz IARD étant un professionnel de l'assurance, elle ne pouvait exercer l'action directe devant les juridictions du lieu du fait dommageable ; qu'en déclarant pourtant le tribunal de commerce d'Arras territorialement compétent, la cour d'appel a violé les articles 10 et 11.2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000. » Réponse de la Cour 13. Selon les articles 9, § 1, 10 et 11, § 2, du règlement Bruxelles I, compris dans la section 3 relative à la compétence en matière d'assurances, lorsque l'action directe est possible, la personne lésée peut attraire devant le tribunal du lieu de son domicile ou, en matière d'assurance de responsabilité, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit, l'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre. 14. Il résulte du considérant n° 13 que les règles de compétence en matière d'assurances sont destinées à protéger la partie faible, dont la Cour de justice de l'Union européenne déduit que les dispositions de la section 3 ne bénéficient pas à l'assureur, demandeur en vertu d'une cession de créance de la partie directement lésée (CJUE, arrêt du 27 février 2020, Balta, C-803/18, points 27 et 28). 15. Toutefois, la Cour de justice considère que, dans une telle hypothèse, la demande est susceptible de relever de l'article 5, § 3, du règlement qui permet, en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, d'agir devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire, par dérogation à la compétence générale des juridictions de l'État membre de la résidence du défendeur (CJUE, arrêt du 20 mai 2021, CNP, C-913/19, point 46 ; CJUE, arrêt du 21 octobre 2021, T.B., C-393/20, point 50). 16. Selon la Cour de justice, la matière délictuelle, au sens de l'article 5, § 3, du règlement Bruxelles I est une notion autonome, comprenant « toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité du défendeur, et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5-1° » (CJUE, arrêt du 27 septembre 1988, Kalfelis, C-189/87, point 17). 17. Quant à la notion de « matière contractuelle », la Cour de justice juge que celle-ci ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n'existe aucun engagement librement assumé d'une partie envers une autre. Elle en déduit que l'article 5, § 1, ne s'applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d'une chose au fabricant, qui n'est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l'impropriété de celle-ci à l'usage auquel elle est destinée (CJUE, arrêt du 17 juin 1992, Jakob Handte, C-26/91). 18. La cour d'appel a constaté qu'il n'existait aucun engagement librement consenti entre la société Roquette et la société MEH. 19. Il en résulte que la société Allianz IARD pouvait exercer son action en responsabilité contre la société MEH et ses assureurs devant la juridiction française du lieu où le fait dommageable s'est produit et que l'exception d'incompétence devait en conséquence être rejetée. 20. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié du chef de la compétence. Mais sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 21. Les sociétés Allianz IARD et Ziemex font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action directe des sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD à l'encontre des sociétés R+V et Generali, alors : « 1°/ qu'en matière extra-contractuelle, le tiers lésé peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit ; que lorsque le dommage se produit en France, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité de l'auteur des dommages, puisque le droit français prévoit une telle action directe ; qu'en l'espèce, la société Roquette, dont le siège social se situe en France, a cédé aux sociétés Allianz IARD, Ziemex et CICR la créance de réparation de nature extra-contractuelle qu'elle détenait à l'égard de la société MEH, laquelle lui avait un causé un dommage survenu au sein de son usine située, en France, dans la commune de [Localité 4] ; que la cour d'appel a constaté que "la loi applicable à l'obligation non contractuelle, la loi du lieu du dommage étant la loi française, cette dernière prévoit, ce qui n'est contesté par quiconque", l'exercice d'une action directe de la victime à l'encontre de l'assureur du responsable du dommage ; qu'en vertu du droit français, les sociétés Allianz IARD, Ziemex et CICR étaient donc recevables à introduire, devant les juridictions françaises, une action directe contre les sociétés Generali Deutschland Versicherung AG et R+V Versicherung, assureurs de responsabilité de la société MEH, afin d'obtenir leur condamnation à prendre en charge la dette extra-contractuelle de cette dernière ; que la cour d'appel a néanmoins déclaré cette action irrecevable, au motif que l'article 115 du code des assurances allemand n'autorise l'action directe contre l'assurance que dans des cas limités, ne correspondant pas à l'espèce ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que le droit français autorisait l'exercice de l'action directe, de sorte que cette dernière était recevable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 3 du code civil et l'article L. 124-3 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 11, § 2, du règlement Bruxelles I, les principes régissant le conflit de lois en matière d'action directe de la partie lésée contre l'assureur du responsable et l'article L. 124-3 du code des assurances : 22. Il résulte du premier de ces textes que la possibilité de l'action directe est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi. 23. Selon les seconds, l'action directe est possible si elle est permise, soit par la loi de l'obligation principale, soit par la loi du contrat d'assurance, de sorte que, si la loi de l'obligation principale l'autorise, la loi du contrat d'assurance ne peut y faire obstacle et ne peut être invoquée que dans ses dispositions qui régissent les relations entre l'assureur et l'assuré, dispositions à laquelle la question de l'action directe est étrangère. 24. Aux termes du troisième, la personne lésée dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. 25. Pour déclarer irrecevable l'action directe des sociétés Allianz, Ziemex et CICR contre les sociétés Generali et R+V, assureurs de responsabilité de la société MEH, l'arrêt retient que l'article 115 du code des assurances allemand n'autorise l'action directe contre l'assureur que dans des cas limités, qui ne correspondent pas aux circonstances de l'espèce. 26. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le droit français, désigné par la règle de conflit de lois du juge saisi autorisait l'exercice de l'action directe, de sorte que celle-ci était recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action directe des sociétés Allianz IARD, Ziemex et CICR, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne la société R+V Versicherung et la société Generali Deutschland Versicherung AG aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 533 FS-D Pourvoi n° P 22-22.180 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 Mme [S] [U] [D], domiciliée [Adresse 3] (Argentine), a formé le pourvoi n° P 22-22.180 contre l'arrêt rendu le 30 août 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre de la famille), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [P] [L], domicilié [Adresse 1], 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Orléans, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [U] [D], de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [L], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 30 août 2022) et les productions, du mariage de Mme [U] [D] et de M. [L] sont issus deux enfants, [Z], né le 3 décembre 2003, et [K], née le 13 août 2009. 2. En 2018, les époux, qui résidaient en Argentine, se sont séparés, M. [L] revenant en France et Mme [U] [D] demeurant en Argentine avec les enfants. 3. Au terme d'un séjour en France en juillet 2021, les enfants ne sont pas retournés en Argentine. 4. Le 10 septembre 2021, Mme [U] [D] a saisi l'autorité centrale argentine d'une demande de retour de ses enfants. 5. Le 6 décembre 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans a assigné M. [L] sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants afin de voir ordonner le retour immédiat des enfants en Argentine. 6. Mme [U] [D] est intervenue volontairement à l'instance. 7. Mme [U] [D] a interjeté appel de la décision ayant rejeté la demande de retour en intimant M. [L] et le ministère public. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Mme [U] [D] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu au retour des mineurs en Argentine, alors « que lorsque le ministère public agit comme partie principale, notamment lorsqu'il agit dans le cadre d'une demande de retour régie par la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, il a l'obligation d'être présent à l'audience ; qu'en l'espèce, si le ministère public a déposé le 18 mai 2022 des réquisitions écrites, communiquées aux parties le 20 mai 2022 (arrêt, p. 5, alinéa 2), il ne résulte d'aucune des mentions de l'arrêt qu'il aurait été présent à l'audience du 21 juin 2022 ; qu'en statuant pourtant dans ces circonstances, la cour d'appel a violé l'article 431 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen, contestée en défense 9. M. [L] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est incompatible avec la position adoptée par Mme [U] [D] devant les juges du fond. 10. Cependant, si, dans ses conclusions d'appel, Mme [U] [D] a indiqué improprement que le litige se déroulait en présence du procureur général et non contre celui-ci, il résulte de la déclaration d'appel, qui fait apparaître le ministère public comme intimé, que cette erreur purement matérielle a été sans incidence. 11. Le moyen est donc recevable. Bien fondé du moyen Vu l'article 431 du code de procédure civile : 12. Il résulte de ce texte que le ministère public est tenu d'assister à l'audience lorsqu'il est partie principale. 13. Tel est le cas lorsque le ministère public, partie principale en première instance, est intimé devant la cour d'appel. 14. Il ne résulte ni des mentions de l'arrêt ni d'aucun autre moyen de preuve que le ministère public, partie principale, ait été présent à l'audience des débats. 15. Il n'a donc pas été satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047852591.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 juillet 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 544 FS-D Pourvoi n° F 22-16.653 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023 Mme [M] [T], épouse [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-16.653 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Créatis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à M. [B] [G], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La société Créatis a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [T], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Créatis, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [G], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2021), la société Créatis a consenti à M. [G] et à Mme [T] un prêt de restructuration. 2. A la suite d'une demande d'ouverture d'une procédure de surendettement déposée par M. [G] et déclarée recevable le 29 juin 2015, une ordonnance du 12 octobre 2015 a rendu exécutoires les recommandations de la commission de surendettement qui prévoyaient notamment un moratoire de quatorze mois pour le remboursement de la dette contractée à l'égard de la société Créatis. 3. Le 12 février 2016, celle-ci a mis Mme [T] en demeure de régulariser la situation et, par lettres recommandées du 14 juin 2016, elle a notifié la déchéance du terme du prêt à Mme [T] et M. [G]. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'égard de M. [G], alors « que la déchéance du terme notifiée à un codébiteur solidaire à la suite d'une mise en demeure restée sans effet produit ses effets à l'égard des coemprunteurs solidaires, sans qu'il soit nécessaire que ceux-ci soient eux-mêmes mis en demeure ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des considérations inopérantes, quand la déchéance du terme notifiée à Mme [G], ne bénéficiant pas du plan de surendettement, à la suite d'une mise en demeure préalable du 12 février 2016, entraînait nécessairement la même déchéance à l'égard de M. [G], coemprunteur solidaire, peu important que celui-ci fut bénéficiaire d'une mesure de surendettement homologué dont le non-respect n'était pas établi, la cour d'appel a violé les articles 1205, 1134 et 1184, dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, du code civil, ensemble l'article L. 331-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 331-3-1, alinéas 2 et 3, du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, repris à l'article L. 722-5, alinéa 1, du même code, que la décision déclarant recevable la demande d'ouverture d'une procédure de surendettement emporte interdiction pour le débiteur, sauf autorisation judiciaire, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire jusqu'à l'homologation, par le juge, des mesures recommandées par la commission de surendettement. 7. Ayant relevé que la demande d'ouverture d'une procédure de surendettement de M. [G] avait été déclarée recevable le 29 juin 2015 et qu'une ordonnance du 12 octobre 2015 avait rendu exécutoires les recommandations de la commission de surendettement qui prévoyaient un rééchelonnement de la dette contractée à l'égard de la société Créatis, précédée d'un moratoire de quatorze mois, c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits que la cour d'appel, nonobstant le motif, erroné mais surabondant, visé par le moyen, a fait ressortir qu'il n'était pas établi que les conditions d'acquisition de la déchéance du terme, laquelle ne pouvait résulter que d'impayés antérieurs au 29 juin 2015, aient été réunies à l'égard de M. [G]. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 23-82.146 F-B 20 JUIN 2023 QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 JUIN 2023 M. [X] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 19 mai 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 1er mars 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 6 décembre 2022, pourvoi n° 22-85.289), dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, importation, détention ou transport de marchandises prohibées, en récidive, et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté. Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X] [L], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 148-1 du Code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la Cour de cassation comme interdisant au prévenu ayant formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui a d'une part statué sur le fond et d'autre part maintenu l'intéressé en détention d'invoquer l'illégalité de son titre de détention dans le cadre d'une demande de mise en liberté, méconnaissent-elles le droit à un recours juridictionnel effectif, la liberté individuelle et le droit à la sûreté, garantis par l'article 2, 7 et 16 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution ? ». 2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure en ce que la première phrase de son troisième alinéa dispose que, « en cas de pourvoi et jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation, il est statué sur la demande de mise en liberté par la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond ». 3. Par sa décision n° 2023-1047 QPC du 4 mai 2023, le Conseil constitutionnel a déjà déclaré cette première phrase du troisième alinéa de l'article 148-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable aux faits résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, conforme à la Constitution. 4. La jurisprudence constante invoquée au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité, illustrée au mémoire par un arrêt du 13 juin 2019 (Crim., 13 juin 2019, pourvoi n° 19-82.360), étant antérieure à cette décision, aucun changement des circonstances de droit ne saurait être invoqué. 5. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 23-80.106 F-B 21 JUIN 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2023 M. [TN] [ZB] et Mme [B] [F], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 9 décembre 2022, qui, dans l'information suivie contre le premier, des chefs de viols et agressions sexuelles, aggravés, a prononcé sur une demande de constat d'acquisition de la prescription de l'action publique. Par ordonnance en date du 20 février 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [B] [F] et [EG] [D], parties civiles, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [TN] [ZB], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de l'association [2], partie civile, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de MM. [EF] [N] et [GW] [TL], parties civiles, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [JW] [BK] et de la [1], parties civiles, les observations de Me Balat, avocat de M. [EL] [Y], partie civile, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mmes [AO] [PP] et [MS] [YZ], parties civiles, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. L'exploitation de documents saisis les 2 mai et 11 juillet 2017 a permis de soupçonner l'existence de centaines d'infractions sexuelles commises par M. [TN] [ZB], à l'occasion de son activité de chirurgien, sur des victimes, pour la plupart mineures. 3. Une information a été ouverte et M. [ZB] a été mis en examen le 15 octobre 2020 des chefs de viols et agressions sexuelles, aggravés, ces qualifications visant trois-cent-douze victimes. 4. Par requête du 12 avril 2021, M. [ZB] a soulevé la prescription de l'action publique concernant quatre-vingt-cinq faits. 5. Par ordonnance du 12 mai 2021, le juge d'instruction a rejeté cette requête. 6. M. [ZB] a relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen proposé pour M. [ZB] Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a partiellement confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lorient ayant rejeté sa demande de constat de la prescription de l'action publique, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; que le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité, et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date du 1er juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier de la procédure au plus tard la veille de l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. L'arrêt attaqué vise les réquisitions du procureur général du 1er juin 2022, puis le dépôt du dossier au greffe de la chambre de l'instruction. 9. Le mémoire déposé pour l'appelant, reçu au greffe de ladite chambre le 16 septembre 2022, fait état du réquisitoire produit en vue de l'audience du 20 septembre 2022, ce qui implique qu'il a été régulièrement déposé dans les délais prévus par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. 10. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le deuxième moyen proposé pour M. [ZB] Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a partiellement confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lorient ayant rejeté sa demande de constat de la prescription de l'action publique s'agissant des faits concernant MM. [EF] [ZD], [PW] [EM], [PS] [KC] et [TS] [JU] et Mmes [ZJ] [JS], [J] [M] et [KE] [PP], alors « qu'une personne ayant autorité, au sens des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 98-468 du 17 juin 1998, s'entend d'une personne ayant reçu délégation de tout ou partie des attributs de l'autorité parentale ; que, pour dire que la prescription n'apparaissait pas acquise s'agissant des faits prétendument commis sur MM. [EF] [ZD], [PW] [EM], [PS] [KC] et [TS] [JU] et Mmes [ZJ] [JS], [J] [M] et [KE] [PP], la chambre de l'instruction a retenu à l'encontre du mis en examen la qualité de personne ayant autorité au regard de la circonstance que les patients mineurs lui avaient été confiés, en sa qualité de chirurgien, et se trouvaient dans un rapport de dépendance lors de l'exécution de soins et d'actes chirurgicaux, même temporairement et ponctuellement ; qu'en statuant par un tel motif lorsque l'abus par un médecin de l'autorité qui lui confère ses fonctions ne saurait se confondre avec l'autorité qu'une personne peut avoir sur un mineur du fait du transfert partiel ou total de l'autorité parentale sur celle-ci, la chambre de l'instruction a violé les articles 7 et 8 du code de procédure pénale dans leur rédaction antérieure à la loi n° 98-468 du 17 juin 1998. » Réponse de la Cour 12. Pour dire que M. [ZB] avait autorité sur les mineurs victimes d'agressions sexuelles aggravées, ce qui justifiait de reporter à leur majorité le point de départ de la prescription, l'arrêt attaqué énonce que les patients mineurs lui ont été confiés, en sa qualité de chirurgien, et se sont trouvés dans un rapport de dépendance lors de l'exécution de soins et d'actes chirurgicaux, même temporairement et ponctuellement. 13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance, exposé les circonstances qui établissent que la personne mise en examen avait autorité sur les victimes, au sens de l'article 7 du code de procédure pénale, dans sa version alors en vigueur, dont il résulte que le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à leur majorité. 14. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen proposé pour M. [ZB] Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a partiellement confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lorient ayant rejeté sa demande de constat de la prescription de l'action publique s'agissant des faits concernant Mmes [R] [H], [NA] [BO], [S] [C], M. [EA] [E], Mmes [KE] [HC], [TF] [MP], MM. [EL] [EK], [V] [PU], [G] [TJ], [L] [BF], [X] [W], [U] [TH], [WL] [WH], [L] [PN], Mme [WJ] [Z], MM. [PS] [T], [HE] [MY], [GW] [TL], [PW] [KA], Mme [ZH] [ZF], MM. [GW] [GY], [WD] [EB], [EL] [PL], [MW] [K], [HG] [HA], [JY] [A], [MU] [WF], Mme [WB] [EE], MM. [BJ] [TP], [I] [P], [EJ] [O], [PW] [YX] et [HI] [BN], alors : « 1°/ que l'absence de souvenirs, trouverait-elle son origine dans le fait que l'infraction aurait été commise sur une victime endormie ou anesthésiée, ne constitue pas un obstacle insurmontable de fait assimilable à la force majeure ayant pu suspendre le délai de prescription ; qu'en retenant, pour caractériser un obstacle insurmontable, que les patients auraient été, pour certains, endormis et, pour d'autres, sous anesthésie au moment des faits, la chambre de l'instruction a violé l'article 9-3 du code de procédure pénale ; 2°/ que la chambre de l'instruction relève que des plaignants et parties civiles se sont interrogés après leur sortie de l'hôpital sur des sensations, modifications ou douleurs de la zone génito-anale ; qu'en considérant néanmoins que la circonstance que les faits auraient eu lieu sur des personnes endormies ou sous anesthésie constituait un obstacle insurmontable de fait assimilable à la force majeure, la chambre de l'instruction a violé les articles 9-3 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la chambre de l'instruction retient, s'agissant des plaignants et parties civiles qui se sont interrogés après leur sortie de l'hôpital sur des sensations, modifications ou douleurs de la zone génito-anale, que leur agression par leur médecin ne pouvait être raisonnablement prévue en amont ni même suspectée a posteriori, tant en raison des circonstances et de la cause médicale de leur venue dans l'établissement de soins que du fait du grand nombre de personnel soignant susceptible de les entourer ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la chambre de l'instruction a violé les articles 9-3 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que le mode opératoire ayant consisté, pour un médecin, à commettre des agressions sexuelles sur des patients, la plupart du temps de manière fugace, après la vérification de l'absence de tierce personne au moment de l'acte ou détournement de l'attention du personnel soignant et avec transformation du geste à connotation sexuelle en geste à connotation médicale lorsqu'il craignait d'être surpris, ne constitue pas un obstacle insurmontable de fait assimilable à la force majeure ayant pu suspendre le délai de prescription ; qu'en retenant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 9-3 du code de procédure pénale ; 5°/ qu'en retenant l'existence d'un obstacle insurmontable lorsqu'elle constatait que dès 2006, et alors que le mis en examen avait déjà été condamné par le tribunal correctionnel de Vannes le 17 novembre 2005 pour des faits de détention et d'importation de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, des propos à connotation sexuelle du mis en examen envers un de ses patients avait attiré l'attention du personnel soignant qui en avait informé la direction par courrier du 14 juin 2006 et l'ordre des médecins dès le 19 juillet 2006, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 9-3 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 16. Pour rejeter partiellement la demande tendant à constater que l'action publique était prescrite, s'agissant des faits commis sur trente-trois victimes, l'arrêt attaqué énonce que M. [ZB] a admis, lors des interrogatoires devant le magistrat instructeur, qu'il savait que les victimes ayant subi des actes de nature sexuelle au bloc opératoire, ou dans les moments proches de l'entrée ou de la sortie du bloc opératoire, alors qu'elles étaient « prémédiquées », anesthésiées ou en phase de surveillance avant leur réveil, ne pouvaient en garder aucun souvenir, soit en raison de leur sommeil anesthésique, soit en raison de l'amnésie provoquée par cette médication. 17. Les juges ajoutent que l'intéressé agissait, dans ces hypothèses, selon un mode opératoire parfaitement rodé, mis en évidence comme ayant existé depuis de très nombreuses années, sans jamais être découvert, soit après avoir vérifié l'absence de tierce personne au moment de l'acte ou détourné l'attention du personnel soignant, soit lorsque, craignant d'être surpris, il transformait l'attouchement en un geste en apparence médical. 18. Ils relèvent, s'agissant des victimes qui se sont interrogées, après leur hospitalisation, sur des sensations de gêne ou de douleur dans la zone génito-anale, qu'elles ne pouvaient en rattacher l'origine à une agression sexuelle commise par ce chirurgien, lequel agissait dans un contexte et selon un mode opératoire qui lui permettait de parvenir à une complète dissimulation des faits. 19. Ils en concluent, d'une part, qu'il existait une impossibilité d'agir pour les victimes potentielles à la conscience abolie, en sommeil anesthésique, « prémédiquées » ou en phase de réveil, liée à des circonstances irrésistibles qui leur sont parfaitement extérieures, d'autre part, qu'en raison du mode opératoire et des stratagèmes utilisés par M. [ZB] entourant la commission des actes et de l'absence de souvenirs des patients en résultant, les autorités compétentes, qui ne pouvaient être mises en mesure de connaître l'existence même des faits, ont été empêchées d'agir pour interrompre la prescription de l'action publique. 20. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 21. En effet, elle a souverainement constaté, par des motifs dénués de toute insuffisance comme de contradiction, qu'il existait un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites, ce dont il résulte que le délai de prescription avait été suspendu jusqu'au 2 mai 2017, date de la révélation des faits, pour en déduire à bon droit que la prescription n'était pas acquise. 22. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le quatrième moyen proposé pour M. [ZB] Enoncé du moyen 23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a partiellement confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lorient ayant rejeté sa demande de constat de la prescription de l'action publique s'agissant des faits concernant Mmes [R] [H], [NA] [BO], [S] [C], M. [EA] [E], Mmes [KE] [HC], [TF] [MP], MM. [EL] [EK], [V] [PU], [G] [TJ], [L] [BF], [X] [W], [U] [TH], [WL] [WH], [L] [PN], Mme [WJ] [Z], MM. [PS] [T], [HE] [MY], [GW] [TL], [PW] [KA], Mme [ZH] [ZF], MM. [GW] [GY], [WD] [EB], [EL] [PL], [MW] [K], [HG] [HA], [JY] [A], [MU] [WF], Mme [WB] [EE], MM. [BJ] [TP], [I] [P], [EJ] [O], [PW] [YX] et [HI] [BN], alors « qu'en constatant que dès 2006 des propos à connotation sexuelle du mis en examen envers un de ses patients avait attiré l'attention du personnel soignant qui en avait informé la direction par courrier du 14 juin 2006 et l'ordre des médecins dès le 19 juillet 2006, sans en déduire qu'à cette date, s'agissant des infractions commises avant le 14 juin 2006, la cause de suspension avait pris fin et le délai de prescription avait repris son cours, la chambre de l'instruction a violé l'article 9-3 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 24. L'arrêt attaqué retient comme point de départ du délai de prescription la découverte des écrits de M. [ZB] lors de la première perquisition à son domicile le 2 mai 2017, au motif que ces écrits ont permis de révéler la possibilité de la commission des crimes et délits sexuels, objet de la saisine ultérieure du magistrat instructeur. 25. En prononçant ainsi, dès lors, d'une part, que les pièces de la procédure établissent que les infractions, qui lui sont reprochées dans la présente information, ne sont pas apparues dans des conditions ayant permis la mise en oeuvre de l'action publique avant la date précitée, et, d'autre part, que la prescription de l'action publique n'a pu être interrompue par la révélation de faits distincts, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 26. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le moyen proposé pour Mme [F] Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que l'action publique était acquise concernant les faits d'agression sexuelle avec violence ou surprise sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1990 sur la personne de Mme [F], alors : « 1 °/ que tout obstacle de droit ou de fait, insurmontable et assimilable à la force majeure, rend impossible la mise en mouvement de l'action publique et suspend la prescription ou reporte son point de départ ; que l'impossibilité pour une personne endormie médicalement, d'avoir connaissance des actes sexuels commis sur elle par le chirurgien qui l'opère, constitue un obstacle insurmontable rendant impossible la mise en mouvement de l'action publique ; que la cour d'appel a constaté que « compte tenu de l'ensemble des éléments, il existait une impossibilité d'agir pour les victimes potentielles à la conscience abolie, en sommeil anesthésique, pré-médiquée ou en phase d'éveil, liée à des circonstances irrésistibles qui leur sont parfaitement extérieures. En raison du mode opératoire et des stratagèmes utilisés par [TN] [ZB] entourant la commission des actes et de l'absence de souvenirs des patients en résultant, les autorités compétentes qui ne pouvaient être mises en mesure de connaître l'existence même des faits, ont été empêchées d'agir pour interrompre la prescription de l'action publique » ; qu'en énonçant cependant que l'infraction serait prescrite, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 8, 9-3, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'un acte interruptif de prescription concernant une infraction a un même effet à l'égard d'une autre infraction lorsque celle-ci est connexe ; que sont connexes les infractions commises en série sur des victimes différentes en cas de similitude dans le mode opératoire, dans l'approche et le sort réservé aux victimes ; que M. [ZB] a commis des mêmes infractions sexuelles selon le même mode opératoire, la même approche et choix des victimes et le même sort leur était réservé ; que la cour d'appel a constaté que les actes étaient « similaires » procédaient « d'un même mode opératoire » et « d'un même mode [...] de prédation » ; qu'en énonçant l'absence de connexité en ce que les faits « en ce qu'ils sont commis sur des victimes distinctes [...] demeurent séparables », la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les dispositions susvisées ainsi que les articles 8, 9-2 et suivants, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 28. Pour déclarer prescrite l'action publique relative aux faits concernant Mme [F], l'arrêt attaqué énonce que ceux-ci, commis en 1990, alors que l'intéressée était âgée de moins de quinze ans, sont normalement prescrits, et qu'il convient de vérifier si la prescription n'a pas été suspendue par l'effet d'un obstacle de fait insurmontable. 29. Les juges ajoutent que cette victime a confirmé lors de son audition avoir subi une opération à la clinique où exerçait M. [ZB], sans se souvenir de gestes à connotation sexuelle qu'on lui aurait imposés. 30. Ils précisent que, dans ses écrits relatifs à ces faits, M. [ZB] a évoqué des attouchements sur la vulve et le clitoris, sans toutefois indiquer leurs conditions de réalisation (état de veille ou de somnolence de l'enfant, lieu, anesthésie, etc.). 31. Ils en concluent que les conditions fixées pour retenir l'obstacle insurmontable ne sont pas remplies. 32. En l'état de ces énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine, et dont il résulte que les éléments de fait du dossier ne permettent pas de caractériser que cette victime avait subi des faits alors qu'elle était inconsciente, et d'en déduire l'existence d'un obstacle insurmontable ayant rendu impossible l'exercice de l'action publique, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. Sur le moyen, pris en sa seconde branche 33. C'est à tort que les juges ont considéré que les crimes et délits sexuels, y compris commis par le même auteur, ne peuvent être considérés comme des infractions connexes au sens de l'article 9-2 du code de procédure pénale, en ce qu'ils sont commis sur des victimes distinctes ayant subi des actes qui, bien que similaires comme procédant d'un même mode opératoire et de prédation, demeurent séparables les uns des autres tant dans leur matérialité que dans leur intentionnalité. 34. En effet, de tels faits peuvent être connexes dès lors qu'ils présentent entre eux des rapports étroits qu'il appartient aux juges du fond de caractériser. 35. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que la connexité entre ces faits n'était pas de nature à permettre à une victime, dont il n'est pas établi qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'agir, de bénéficier de la suspension du délai de prescription accordée pour ce motif à une autre victime d'un fait connexe. 36. Ainsi, le moyen doit être écarté. 37. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. FIXE à 2 500 euros la somme que M. [ZB] devra payer à M. [EL] [Y] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [ZB] devra payer à MM. [EF] [N] et [GW] [TL] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. [ZB] devra payer à Mme [JW] [BK] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. [ZB] devra payer à l'association [2] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 1 500 euros la somme que M. [ZB] devra payer à Mme [AO] [PP] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. [ZB] devra payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-et-un juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 22-86.463 F-B 1ER JUIN 2023 Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER JUIN 2023 M. [U] [L] et Mme [O] [R], épouse [L], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de recel, blanchiment, association de malfaiteurs, exportation illégale d'un bien culturel, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 9 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [U] [L] et de Mme [O] [L], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [U] [L] et Mme [O] [L] ont été mis en examen des chefs susvisés. 3. Un voilier de plaisance leur appartenant a été saisi. 4. Par ordonnance du 14 décembre 2021, le juge d'instruction a ordonné la remise à l'AGRASC du navire en vue de son aliénation. 5. M. et Mme [L] ont relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné la remise à l'agence de gestion et de recouvrement du navire Téthys appartenant a M. et Mme [L] en vue de son aliénation, alors « que constitue une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile, la confiscation du domicile des mis en examen, dans le cadre d'une information pénale ; que cette mesure doit être strictement proportionnée au but poursuivi par l'autorité publique et il appartient au juge de contrôler la proportionnalité de l'atteinte portée par la mesure de confiscation au droit au respect de la vie privée et familiale, en se fondant sur la situation personnelle du prévenu et sur la gravité concrète des faits ; qu'en relevant, pour dire que l'atteinte portée par la mesure n'était pas disproportionnée au droit à la vie privée des époux [L] et au droit au respect de leurs biens, que le navire Téthys ne constituait pas le domicile des époux [L] dès lors que lors de leur garde à vue, les époux [L] n'ont pas indiqué que le navire constituait leur domicile, qu'ils avaient indiqué être usufruitiers de leur maison située à [Localité 1] et qu'un seul des témoignages produits attestait de « leur attachement affectif » au navire, cependant que ces motifs était impropres à exclure que le navire constituaient effectivement le domicile des époux [L], dès lors qu'il était établi que les époux [L] occupaient durant la majeure partie de l'année le voilier, avec lequel ils entretenaient nécessairement, de ce seul fait, des liens étroits et qu'elle avait elle-même constaté qu'ils ne résidaient que pour des périodes limitées dans leur maison, laquelle constituait la résidence principale de l'un de leurs enfants, ce qui démontrait que cette maison ne pouvait pas être considérée comme leur domicile, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 7. Pour écarter le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée au droit à une vie privée et familiale et au domicile de M. et Mme [L], et confirmer l'ordonnance de remise à l'AGRASC, l'arrêt attaqué énonce que le contrôle de proportionnalité de l'atteinte portée par la décision de remise à l'AGRASC au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile doit tenir compte de la gravité des faits et de la situation personnelle des personnes mises en examen. 8. Les juges relèvent, en premier lieu, que la gravité des faits découle, notamment, du nombre de ventes de l'or prélevé sur l'épave du « Prince de Conty », ainsi que de ventes réalisées aux Etats-Unis par l'intermédiaire de tiers et au profit du British Museum par l'intermédiaire du beau-frère de M. [L], ces faits ayant été commis à un niveau international et supposant, par leur complexité, une certaine expertise, de la logistique, une organisation et une répartition des rôles. 9. Ils ajoutent que cette gravité se dégage également du montant du profit réalisé, les ventes ayant procuré des sommes importantes aux personnes mises en examen au vu de l'enquête patrimoniale diligentée et de l'estimation, entre 16 et 18 kg, des monnaies d'or volées sur l'épave, du nombre d'ouverture de comptes à l'étranger (Etats-Unis et Suisse), dénotant une volonté de dissimulation, et de la qualité des biens vendus, les lingots d'or étant soustraits au patrimoine archéologique et culturel français et mondial dans un esprit de lucre. 10. Les juges retiennent en deuxième lieu, en ce qui concerne la situation personnelle des personnes mises en examen, notamment, que bien qu'âgés de 75 et 72 ans, ils ont continué à faire le tour du monde jusqu'à la saisie du bateau et qu'ils ont pu par le passé, alors qu'ils n'avaient pas leur patrimoine actuel, s'adonner à leur passion du voyage et de la mer en effectuant un tour de l'Atlantique. 11. Ils soulignent que leur situation financière actuelle est favorable, constituée de leurs retraites et de l'assurance-vie de Mme [L], dont la valeur est de 232 300,88 euros, et qu'elle leur permettrait potentiellement de continuer à s'adonner à leurs passions et de fixer leur domicile ailleurs. 12. Les juges indiquent, en troisième lieu, s'agissant du domicile, que M. et Mme [L] n'ont à aucun moment indiqué que le bateau leur sert de domicile, et ce même lors de leur interrogatoire en garde-à-vue, près de sept mois après la saisie du bateau. 13. Ils observent qu'ils sont usufruitiers de la maison de [Localité 1], habitée par leur fils, et qu'ils y sont accueillis, pendant un temps certes limité, pour rendre visite à leurs enfants et petits-enfants. 14. Ils précisent que parmi les pièces produites par les personnes mises en examen, seul un des six membres de la famille atteste leur attachement affectif au bateau. 15. Ils en concluent que si la mesure ordonnée induit nécessairement une atteinte au droit de propriété, au respect de la vie privée, familiale et au domicile, cette atteinte ne peut être considérée comme disproportionnée au regard de la gravité intrinsèque des faits et de la situation personnelle des personnes co-mises en examen. 16. Le moyen est inopérant, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, bien qu'elle ait écarté la qualité de domicile du bateau des demandeurs, la chambre de l'instruction a opéré un contrôle de la proportionnalité de l'atteinte portée à leur droit à une vie privée et familiale et au domicile par la décision de remise de leur bateau à l'AGRASC en vue de son aliénation, en considération des éléments relatifs à la gravité concrète des faits et à la situation personnelle des personnes mises en examen. 17. Ainsi, le moyen doit être écarté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois. Sur le contrôle que doit opérer le juge, quand cette garantie est invoquée, sur l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale du propriétaire du bien saisi ou confisqué :Crim., 15 mars 2017, pourvoi n° 16-80.801, Bull. crim. 2017, n° 74 (rejet).Sur les critères du contrôle à opérer :Crim., 22 mars 2017, pourvoi n° 16-82.051, Bull. crim. 2017, n° 80 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 22-81.075 F-B 1ER JUIN 2023 CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 1ER JUIN 2023 L'administration des douanes, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 12 janvier 2022, qui, pour importation de marchandises prohibées, blanchiment douanier, blanchiment, infractions à la législation sur les stupéfiants et refus de remettre ou mettre en oeuvre une convention secrète de chiffrement d'un moyen de cryptologie, a condamné M. [D] [U] notamment à une mesure de confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. de Lamy, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. La brigade des douanes a procédé au contrôle d'un véhicule immatriculé en Belgique [Immatriculation 1] conduit par M. [D] [U]. 3. Les douaniers ont trouvé dans ce véhicule une cache aménagée au niveau de la roue de secours dont la fouille a permis la découverte d'herbe de cannabis et de cocaïne. 4. M. [U] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel qui l'a déclaré coupable des chefs susvisés et a, notamment, ordonné la confiscation du véhicule au profit de l'administration des douanes. 5. M. [U] et le ministère public ont interjeté appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement ordonnant la confiscation au profit de l'administration des douanes du véhicule Audi A3, immatriculé [Immatriculation 1], comportant une cache aménagée et a confisqué ce véhicule au profit de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, alors : « 1°/ que tout fait de contrebande de marchandise prohibée fait encourir la sanction fiscale de confiscation ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement et ordonner la confiscation du véhicule au profit de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), qu'« il n'existe pas de « confiscation douanière » (arrêt, p. 7 , § 1er ), quand elle avait retenu, sur l'action douanière, la culpabilité de M. [U] pour des faits « de transport, de détention et d'importation de marchandises prohibées sans justification d'origine dangereuses pour la santé publique » (arrêt, p. 5, dernier paragraphe), la cour d'appel a violé les articles 343 et 414 du code des douanes ; 2°/ que les confiscations douanières ont un caractère mixte, répressif et indemnitaire ; qu'en excluant toute « affectation à la douane des objets saisis par celle-ci » et confisqués (arrêt, p. 7, § 1er), cependant que la mesure de confiscation douanière participe de la réparation du préjudice causé par le délit douanier, la cour d'appel, qui a privé l'administration des douanes d'une partie de l'indemnisation qui devait lui revenir, a violé les articles 343 et 414 du code des douanes ; 3°/ que toute condamnation pour contrebande de marchandises prohibées entraîne la confiscation des moyens de transport lorsque les actes de contrebande ont été commis par dissimulation dans des cachettes spécialement aménagées ; que la cour d'appel a relevé que, « dans la voiture, les douaniers avaient identifié au niveau de la roue de secours une cache aménagée dont la fouille permettait la découverte de 289 grammes d'herbe de cannabis et de 91 grammes de cocaïne » (arrêt, p. 4, § 16) ; qu'en libérant néanmoins le contrevenant de la confiscation douanière du moyen de transport, fût ce pour en ordonner la confiscation sur le fondement des dispositions du code pénal, cependant qu'elle retenait elle-même que le véhicule comportait une cache aménagée dans laquelle la marchandise de fraude avait été dissimulée, en sorte que la confiscation douanière était obligatoire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 369 et 414 du code des douanes ; 4°/ que la confiscation d'un moyen de transport saisi, au cours de l'enquête, par les agents des douanes ne peut être prononcée qu'à titre de sanction fiscale ; qu'en se fondant, pour ordonner la confiscation du véhicule au profit de la MILDECA , sur « les dispositions de l'article 131-21 du code pénal » (arrêt, p. 7, § 1er), quand le moyen de transport de la marchandise de fraude avait été saisi par les agents des douanes, en sorte que seule une confiscation douanière pouvait être ordonnée, et en retenant que « le code pénal et le code de procédure pénale ne distinguent pas les saisies pénales selon l'infraction ou l'autorité ayant initialement appréhendé le bien », la cour d'appel , qui s'est déterminée par un motif inopérant, a méconnu le privilège du Trésor et violé les articles 323, 343, 379 et 414 du code des douanes ; 5°/ qu'en toute hypothèse, en ordonnant, « sur l'action douanière » (arrêt, p. 7, § 1 1), la confiscation du véhicule Audi A3 au profit de la MILDECA, quand seul le produit des recettes provenant de la confiscation, ordonnée sur l'action publique, des biens des personnes reconnues coupables du délit de trafic de stupéfiants prévu par le code pénal peut abonder le fonds de concours « drogue » que gère cette Mission interministérielle, la cour d'appel a violé , par fausse application, les articles 706-161 du code de procédure pénale et 1er du décret n° 95-322 du 17 mars 1995 et, par refus d'application, les articles 390 et 391 du code des douanes. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1124-1 du code général de la propriété des personnes publiques : 7. Aux termes de ce texte, les biens, à caractère mobilier ou immobilier, dont la confiscation a été prononcée par décision de justice sont, sauf disposition particulière prévoyant leur destruction ou leur attribution, dévolus à l'État. 8. Pour confirmer la confiscation du véhicule immatriculé [Immatriculation 1], l'arrêt attaqué relève que les dispositions de l'article 131-21 du code pénal permettent au juge de confisquer tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. 9. L'arrêt relève que le code pénal et le code de procédure pénale ne distinguent pas les saisies pénales selon l'infraction ou l'autorité ayant initialement appréhendé le bien et que c'est alors à tort que le premier juge a prononcé la confiscation dudit véhicule au profit de l'administration des douanes. 10. Les juges ajoutent qu'il n'existe pas de « confiscation douanière » au sens d'une affectation à la douane des objets saisis par celle-ci. 11. Ils en déduisent que le jugement sera infirmé sur ce point et que le véhicule immatriculé [Immatriculation 1] sera affecté à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. 12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 13. En premier lieu, en l'absence de disposition prévoyant l'attribution du bien confisqué, il ne relève pas de l'office du juge qui prononce une mesure de confiscation de décider de l'attribution dudit bien. 14. En second lieu, l'affectation du bien confisqué relève de l'exécution de la mesure de confiscation. 15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation, par voie de retranchement, portera sur l'affectation du véhicule immatriculé [Immatriculation 1] à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. 17. Les autres dispositions seront donc maintenues. 18. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 janvier 2022, en ses seules dispositions relatives à l'affectation du véhicule immatriculé en Belgique [Immatriculation 1] à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois. Sur l'affectation d'une somme saisie aux pénalités douanières auxquelles le prévenu a été condamné :Crim., 15 mai 1997, pourvoi n° 96-81.046, Bull. crim. 1997, n° 187 (cassation partielle sans renvoi).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 23-81.655 F-B 7 JUIN 2023 IRRECEVABILITE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 JUIN 2023 M. [M] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 28 juin 2005, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du Rhône sous l'accusation de tentative d'homicide aggravé. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [M] [C], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une information a été ouverte, le 8 juin 2000, contre personne non dénommée, du chef de tentative de meurtre sur un militaire de la gendarmerie. 3. Le juge d'instruction a délivré, le 27 juillet 2000, un mandat d'arrêt contre M. [M] [C]. 4. Par l'arrêt attaqué du 28 juin 2005, la chambre de l'instruction a ordonné son renvoi devant la cour d'assises. 5. Par un arrêt rendu le 15 février 2008, la cour d'assises, statuant par défaut, a déclaré M. [C] coupable du crime de tentative d'homicide aggravé. 6. En exécution du mandat d'arrêt, M. [C] a été incarcéré en France le 11 septembre 2021, puis placé sous contrôle judiciaire. 7. L'arrêt du 15 février 2008 ayant été mis à néant, le président de la cour d'assises a ordonné, le 12 octobre 2021, un supplément d'information en vue d'un nouvel examen de l'affaire devant la cour d'assises. Examen de la recevabilité du pourvoi 8. L'arrêt de mise en accusation est devenu définitif, compte tenu du jugement par défaut de l'accusé devant la cour d'assises, qui ne permet pas au demandeur de former un pourvoi en cassation contre la décision de mise en accusation, mais implique un nouvel examen de l'affaire par la cour d'assises, en application de l'article 379-4 du code de procédure pénale (Crim., 23 août 2017, pourvoi n° 17-83.386). 9. Cependant, selon l'article 269-1 du code de procédure pénale, qui résulte de la loi du 22 décembre 2021, lorsque l'accusé n'a pas été régulièrement informé, selon les cas, de sa mise en examen, de l'avis de fin d'information judiciaire ou de l'ordonnance de mise en accusation et que cette défaillance ne procède pas d'une manoeuvre de sa part ou de sa négligence, il peut saisir le président de la chambre de l'instruction, alors même que l'ordonnance de mise en accusation est devenue définitive, et au plus tard dans les trois mois avant la date de sa comparution, d'une requête contestant les éventuelles irrégularités de la procédure d'information. 10. Dès lors, si le demandeur prétend s'être trouvé dans la situation prévue par l'article 269-1 précité, il peut engager le recours prévu par ce texte. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047700814.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 21-87.352 F-B 14 JUIN 2023 CASSATION PARTIELLE IRRECEVABILITÉ M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 JUIN 2023 M. [R] [X] et Mme [V] [J], épouse [X], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 23 novembre 2021, qui a condamné, le premier, pour recel aggravé, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, la seconde, pour escroqueries aggravées, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, cinq ans d'inéligibilité, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R] [X] et Mme [V] [J], épouse [X], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Centre national de la recherche scientifique, partie civile, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat la société [2], de l'[3] et de l'[4], parties civiles, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [V] [J], qui était salariée de la société [2], a été mise à la disposition, en qualité de directrice administrative et financière, du laboratoire Sol solide structure et risque dit 3SR (le laboratoire), structure chargée d'une mission de service public de recherches implantée au sein de l'[4] ([4]), financée et placée sous la tutelle de personnes morales de droit public ou privé qui utilisaient ses services : l'[4], sa filiale de droit privé la société [5] (nom commercial : [1]), ainsi que l'[3] ([3]) et sa filiale la société [2] (société [2]), ainsi que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). 3. En mai 2018, des plaintes ont été déposées contre Mme [J] par le directeur général de l'[4], la directrice générale des services de l'[3], le directeur et président du directoire de la société [2], et la directrice générale de [1], qui reprochaient à Mme [J] d'avoir profité de ses fonctions au sein du laboratoire pour commander de nombreux équipements et marchandises destinés soit à son usage personnel, soit à la revente. 4. Mme [J] a été poursuivie devant le tribunal correctionnel du chef d'escroqueries par personne chargée d'une mission de service public, et M. [X] pour recel commis à titre habituel. 5. Par jugement du 21 janvier 2020, les époux [X] ont été déclarés coupables de ces délits, et condamnés tous deux à un an d'emprisonnement et une mesure de sanction-réparation, le tribunal ordonnant en outre la confiscation d'une voiture, et accordant, sur les intérêts civils, des dommages-intérêts à l'[4], à l'[3], à la société [2], à [1] et au CNRS. 6. Les prévenus, le ministère public et certaines des parties civiles ont fait appel de ce jugement. Examen de la recevabilité des pourvois formés le 29 novembre 2021 7. Les demandeurs, ayant épuisé, par l'exercice qu'ils en avaient fait le 26 novembre 2021, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, étaient irrecevables à se pourvoir à nouveau contre la même décision. Seuls sont recevables les pourvois formés le 26 novembre 2021. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, huitième, neuvième, dixième, onzième et douzième moyens, le sixième moyen, pris en sa première branche, et le septième moyen, pris en sa première branche 8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le sixième moyen, pris en sa deuxième branche et le septième moyen, pris en sa seconde branche Énoncé des moyens 9. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [J], épouse [X], à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire pendant trois ans, à l'interdiction des droits et a ordonné la confiscation d'un véhicule de marque Mini, alors : « 2°/ qu'en vertu de l'article 132-25 du code pénal, si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, la cour d'appel doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur ; que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur les motifs qui l'amenaient, tout en accordant un aménagement de la peine d'emprisonnement, à renvoyer au juge de l'exécution des peines le soin d'en fixer les modalités, malgré la présence de la prévenue à l'audience ; qu'elle a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 132-19, 132-25 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » 10. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [X] à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire pendant trois ans et a ordonné la confiscation d'un véhicule de marque Mini, alors : « 2°/ qu'en vertu de l'article 132-25 du code pénal, si la peine prononcée ou la partie ferme de la peine prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, la cour d'appel doit décider, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur ; que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur les motifs qui l'amenait, tout en accordant un aménagement de la peine d'emprisonnement, à renvoyer au juge de l'exécution des peines le soin d'en fixer les modalités, malgré la présence du prévenu à l'audience ; qu'elle a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 132-19, 132-25 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 11. Les moyens sont réunis. 12. Les prévenus ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel, après avoir ordonné l'aménagement de la peine dans son principe, a laissé au juge de l'application des peines territorialement compétent le choix de la mesure d'aménagement sans mieux motiver cette décision, dès lors que les dispositions de l'article 464-2, 2°, du code de procédure pénale ne prévoient pas une telle motivation. 13. Ainsi, le moyen doit être écarté. Mais sur le sixième moyen, pris en sa troisième branche Énoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [J], épouse [X], à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire pendant trois ans, à l'interdiction des droits et a ordonné la confiscation d'un véhicule de marque Mini, alors : « 3°/ que la cour d'appel a ordonné la confiscation du véhicule Mini appartenant à Mme [X] comme étant le produit des escroqueries ; qu'en n'expliquant pas en quoi le véhicule pouvait être considéré comme acquis avec des fonds provenant des escroqueries, ce véhicule n'ayant pas été acquis par les moyens frauduleux de commandes faussement présentées comme destinées aux parties civiles, ce qui ne permet pas de s'assurer que le véhicule était le produit au moins indirect des escroqueries, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21, alinéa 3, et 313-7, 4°, du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 15. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 16. Les juges, qui ont confirmé la confiscation d'un véhicule de marque Mini sans déterminer si ce véhicule avait été acquis grâce à des fonds provenant des infractions retenues à l'encontre des prévenus, n'ont pas établi qu'il en était le produit direct ou indirect et n'ont ainsi pas justifié leur décision. 17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 18. La cassation à intervenir ne concerne que les peines prononcées à l'encontre de Mme [J]. Les autres dispositions seront donc maintenues. Examen des demandes fondées sur l'article 618-1 du code de procédure pénale 19. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. et Mme [X] étant devenue définitive par suite de la non-admission des premier au cinquième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur les pourvois formés par les demandeurs le 29 novembre 2021 : Les déclare IRRECEVABLES ; Sur les pourvois formés par les demandeurs le 26 novembre 2021 : CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 23 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de Mme [J], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. et Mme [X] devront payer aux parties représentées par la SCP Waquet, Farge et Hazan en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. et Mme [X] devront payer au Centre national de la recherche scientifique en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois. Sur les conditions de l'aménagement de peine ab inito pour une peine d'emprisonnement sans sursis inférieure ou égale à un an, à rapprocher :Crim., 11 mai 2021, pourvoi n° 20-85.576, Bull. crim. 2021 (4) (cassation partielle et rejet).
CASS/JURITEXT000047700602.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 22-86.165 F-B 6 JUIN 2023 IRRECEVABILITE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 JUIN 2023 Le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels de ladite cour d'appel, en date du 16 septembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre Mme [R] [J] du chef de blessures involontaires, a refusé d'homologuer sa proposition de peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Poursuivie du chef de blessures involontaires selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, Mme [R] [J] a accepté la proposition de peines du procureur de la République. Le juge délégué par le président du tribunal judiciaire a rendu une ordonnance d'homologation de ces peines. 3. Mme [J] a relevé appel de l'entier dispositif de cette ordonnance et le ministère public appel incident de ses dispositions pénales. 4. La prévenue a ultérieurement limité son appel aux peines prononcées. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel en ce qu'elle a refusé d'homologuer la peine proposée par le procureur général à Mme [J] à l'occasion d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, alors que, selon l'article 495-11 du code de procédure pénale, l'ordonnance d'homologation de peine a les effets d'un jugement de condamnation et s'assimile à un jugement correctionnel, que l'appel de cette ordonnance relevé par le condamné s'assimile dès lors à l'appel d'un jugement correctionnel et s'effectue selon les mêmes modalités prévues aux articles 498, 500, 502 et 503 dudit code, comme pouvant notamment être limité aux peines prononcées, qu'il résulte de l'article 495-15, dernier alinéa, du même code que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est applicable devant la cour d'appel à la condition que le prévenu condamné par le tribunal correctionnel ait limité son appel aux peines prononcées, que les dispositions de l'article 520-1 du même code, selon lesquelles, en cas d'appel de l'ordonnance d'homologation, la cour d'appel évoque l'affaire et statue sur le fond ne sont applicables qu'à l'hypothèse du prévenu contestant sa culpabilité, mais non lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le prévenu a limité son appel aux peines ; que, dès lors, en jugeant que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne peut être mise en oeuvre devant la cour d'appel lorsque le prévenu a interjeté appel d'une ordonnance d'homologation de peine en le limitant aux peines prononcées, le président de la chambre des appels correctionnels a violé les textes susvisés. Réponse de la Cour 6. Pour refuser d'homologuer les peines proposées par le procureur général à Mme [J] à l'occasion d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, l'ordonnance attaquée énonce qu'il se déduit des dispositions combinées des articles 495-15, dernier alinéa, et 520-1 du code de procédure pénale qu'une telle procédure ne peut être mise en oeuvre lorsque le prévenu a interjeté appel d'une ordonnance d'homologation de peine rendue à l'issue d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité mise en oeuvre devant la juridiction de première instance. 7. En statuant ainsi, le président de la chambre des appels correctionnels n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 8. En effet, la procédure en cause n'est applicable qu'au prévenu qui relève appel, en le limitant aux peines, d'un jugement de condamnation prononcé par le tribunal correctionnel, ce que n'est pas une ordonnance d'homologation de peine rendue par le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui. 9. C'est donc à juste titre que le président de la chambre des appels correctionnels a renvoyé Mme [J] à comparaître à l'audience de la chambre correctionnelle de la cour d'appel. 10. Il appartient dès lors à celle-ci, saisie de l'appel de l'ordonnance d'homologation de peine relevé par Mme [J], d'évoquer l'affaire et de statuer sur le fond, le cas échéant en fonction de la portée de l'appel. 11. L'examen du pourvoi ne faisant apparaître aucun risque d'excès de pouvoir, il y a lieu de déclarer le pourvoi irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 22-84.804 FS-B 27 JUIN 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 27 JUIN 2023 M. [V] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 3 mars 2022, qui, pour infractions au code de l'urbanisme et au code de l'environnement, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [V] [D], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 2], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [V] [D], propriétaire de parcelles situées sur le territoire de la commune de [Localité 2], a été poursuivi des chefs d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, construction ou aménagement dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels, infraction au plan local d'urbanisme et poursuite de travaux malgré arrêté interruptif. 3. Le juge du premier degré l'a déclaré coupable de l'ensemble des faits objet de la prévention, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils. 4. M. [D] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [D] à une peine d'amende de 3 000 euros et a ordonné la mise en conformité des lieux et la démolition des seuls ouvrages irréguliers exécutés sur la parcelle cadastrée section H n° [Cadastre 1] dans un délai de six mois à compter du prononcé du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard, alors : « 1°/ que toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que pour condamner M. [D] au paiement d'une peine d'amende de 3.000 euros et à une peine complémentaire de démolition des ouvrages irréguliers, l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu' « en considération de ce qui précède et des ressources du prévenu, dirigeant d'une société de travaux publics, il y a lieu d'infirmer le jugement dont appel sur la peine principale d'amende qui sera réduite à hauteur de 3.000 euros » et qu' « au titre de la peine complémentaire, il n'y a lieu de confirmer la mise en conformité des lieux et la démolition des seuls ouvrages irréguliers exécutés sur la parcelle cadastrée section H n° [Cadastre 1] sous la même astreinte [...] » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi la gravité des faits, la personnalité et la situation personnelle de M. [D] auraient justifié le prononcé d'une telle amende et d'une telle peine complémentaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 485-1 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l'article 132-1 du code pénal. » Réponse de la Cour Sur le moyen en ce qu'il concerne la remise en état 7. En ordonnant la remise en état des lieux, qui ne constitue pas une peine mais une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, les juges d'appel n'ont fait qu'user de la faculté que leur accorde l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme. 8. Ainsi, le grief doit être écarté. Sur le moyen en ce qu'il concerne la peine d'amende Vu les articles 132-1 du code pénal, 485, 485-1, 512 et 593 du code de procédure pénale : 9. En matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale. 10. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 11. Pour condamner M. [D] à 3 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué se borne à statuer en considération des dispositions de l'article 132-20 du code pénal et des ressources du prévenu, dirigeant d'une société de travaux publics. 12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas motivé le choix de cette peine au regard des circonstances de l'infraction, n'a pas justifié sa décision. 13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief. Portée et conséquences de la cassation 14. La cassation sera limitée à la peine d'amende, dès lors que la déclaration de culpabilité et la mesure de remise en état n'encourent pas la censure, les dispositions civiles de l'arrêt attaqué n'étant par ailleurs pas critiquées. Les autres dispositions seront donc maintenues. Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale 15. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [D] étant devenue définitive par suite de la non-admission des premier et deuxième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 3 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la peine d'amende, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. [V] [D] devra payer à la commune de [Localité 2] au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-trois. Sur les ressources et charges à considérer pour le prononcé d'une amende, à rapprocher :Crim., 31 mai 2023, pourvoi n° 22-87.124, Bull. crim. 2023 (rejet), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 22-87.423 F-B 21 JUIN 2023 QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 JUIN 2023 M. [Z] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 3 avril 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Isère, en date du 25 novembre 2022, qui, pour viols et agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle et une interdiction définitive d'activité en lien avec les mineurs ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils. Des observations ont été produites. Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z] [L], la SCP Spinosi, avocat de M. [U] [O], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « L'article 347 du code de procédure pénale qui autorise le président de la cour d'assises à conserver en vue de la délibération « la décision de renvoi et, en cas d'appel, l'arrêt rendu par la cour d'assises ayant statué en premier ressort ainsi que la feuille de motivation qui l'accompagne » est-il contraire à la Constitution et plus précisément aux droits de la défense et au droit à un procès équitable garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, pour interdire au président de conserver également une trace écrite de l'argumentation de la défense établie par celle-ci, et notamment une critique de la motivation de première instance dont la défense sollicite qu'elle soit conservée par la cour d'assises pendant le délibéré ? » 2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. 4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent. 5. La disposition contestée prévoit que, lors de la clôture des débats devant la cour d'assises, le président ordonne la remise du dossier entre les mains du greffier, et ne conserve, en vue de la délibération de la cour et du jury, que la décision de renvoi ainsi que la décision rendue en premier ressort et la feuille de motivation qui l'accompagne, lorsque la juridiction statue en appel, que cet appel concerne une décision de condamnation ou d'acquittement. Si la cour d'assises estime nécessaire, au cours de la délibération, d'examiner une pièce de la procédure, le dossier est transporté dans la salle des délibérations pour être rouvert en présence du ministère public et des avocats des parties. 6. Cette disposition interdit à la cour d'assises de conserver, en vue de la délibération, tout document résumant une argumentation qui lui serait remis, non seulement par la défense, mais aussi par le ministère public ou la partie civile. Elle ne porte donc pas atteinte à l'égalité des droits entre les parties. 7. Elle ne porte pas non plus atteinte aux droits de la défense, qui, lors des débats devant la cour d'assises, prend la parole en dernier. 8. Les seuls documents conservés en vue de la délibération n'émanent ni du ministère public ni des parties, mais constituent des actes des juridictions d'instruction et de jugement, dont il est donné connaissance à l'ouverture des débats devant la cour d'assises et dont le contenu est débattu tout au long de l'audience. 9. La disposition contestée, qui est la conséquence du caractère oral des débats devant la cour d'assises à laquelle participent des jurés, ne méconnaît aucun droit ni aucune liberté protégée par la Constitution. 10. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-et-un juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 21-87.002 FS-B 28 JUIN 2023 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JUIN 2023 La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 166/2021 de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 24 novembre 2021, qui a prononcé sur sa demande de restitution d'objet saisi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de SAS Hannotin Avocats, avocat de la société [3], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 1er juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Piazza, MM. Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Les difficultés financières rencontrées par le [8] au début des années 1990 ont conduit l'Etat à organiser la défaisance de la banque, c'est-à-dire le cantonnement de ses actifs à risque ou compromis, par un protocole du 5 avril 1995 conclu avec la banque, puis par la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995. 3. La défaisance a été confiée à une société chargée d'assurer la réalisation des actifs litigieux dénommée [7] (la société [7]) et un Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), établissement public administratif national doté de l'autonomie financière et placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie, ayant pour mission de gérer le soutien financier apporté par l'Etat au [8] dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la société [7] et de veiller à ce que soient respectés les intérêts financiers de l'Etat dans le cadre du plan de redressement de la banque. 4. Initialement filiale du [8], la société [7] a vu son actionnariat transféré à l'EPFR en 1998. Elle constitue une société anonyme holding ayant notamment pour filiale la société [7] constituée à partir d'une filiale du [8], la [14] (la [14]), banque du groupe [H]. 5. Au-delà du risque lié à la qualité des créances détenues par le groupe [7], est ultérieurement apparu un risque consécutif au développement des contentieux qui a reçu l'appellation de risques non chiffrables. 6. Ces risques incluaient notamment celui généré par le contentieux opposant [B] [H] et le [8], ainsi que la [14], sa filiale, à la suite de la vente des titres de la société de droit allemand [B] [H] [13], filiale de la société anonyme [B] [H] [10] (la société [5]), elle-même contrôlée par la société en nom collectif Groupe [B] [H], et propriétaire des participations dans le capital de la société allemande [2] à la suite de leur acquisition au début des années 1990 pour un prix de 1,6 milliard de francs. 7. En 1996, à la suite du placement en liquidation judiciaire des époux [H] par jugement du tribunal de commerce du 14 décembre 1994, puis de l'ensemble des sociétés du groupe, à l'exception de la société [5], par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mai 1995, le litige opposant [B] [H] au [8] a donné lieu à une action engagée par les liquidateurs du groupe [H] contre la société [7], nouvelle dénomination de la [14], et le [8]. 8. Par arrêt du 30 septembre 2005, la cour d'appel de Paris a notamment condamné solidairement la société [7] et le [8] à payer la somme de 135 millions d'euros en réparation du préjudice résultant de la vente des participations [2]. 9. Par arrêt du 9 octobre 2006, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel du chef des condamnations prononcées contre la société [7] et le [8], et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée (Ass. plén., 9 octobre 2006, pourvois n° 06-11.307, n° 06-11.056, Bull. 2006, Ass. plén, n° 11). 10. La cour d'appel de Paris autrement composée a été saisie par les liquidateurs judiciaires du groupe [H] et les époux [H]. 11. Le 16 novembre 2007, les liquidateurs judiciaires, les époux [H], et les sociétés [7] et [7] ont signé un compromis prévoyant que le contentieux les opposant donnerait lieu à des désistements d'instance et serait soumis à l'arbitrage de trois arbitres, MM. [R] [X], [V] [M] et [R] [D]. 12. Par une sentence du 7 juillet 2008, le tribunal arbitral a condamné solidairement les sociétés [7] et [7] à payer aux liquidateurs judiciaires la somme de 240 000 000 euros, outre intérêts, a fixé à 45 000 000 euros le préjudice moral des époux [H] et à 8 448 529,29 euros les dépenses engagées sur frais de liquidation. 13. Trois autres sentences ont été rendues par les arbitres le 27 novembre 2008, dont l'une a statué sur les frais de liquidation et les deux autres sur des requêtes en interprétation de la sentence principale. 14. Le 28 juin 2013, les sociétés [7] et [7], alléguant le défaut d'impartialité de M. [D], ont introduit un recours en révision des sentences arbitrales devant la cour d'appel de Paris. 15. Par arrêt du 17 février 2015, cette juridiction a ordonné la rétractation de la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008, ainsi que des trois sentences du 27 novembre 2008, et enjoint aux parties de conclure sur le fond du litige afin qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. 16. Les pourvois formés contre cette décision ont été rejetés par arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2016 (1re Civ., 30 juin 2016, pourvois n° 15-14.145, n° 15-13.755, n° 15-13.904, Bull. 2016, I, n° 151). 17. Par arrêt du 3 décembre 2015, la cour d'appel de Paris, statuant au fond sur le contentieux qui était soumis aux arbitres aux termes du compromis du 16 novembre 2007, a notamment rejeté toutes les demandes formulées à l'encontre des sociétés [7] et [7], et a condamné solidairement les sociétés [9], [11], les liquidateurs judiciaires de [B] [H] et des sociétés [1] (la société [1]) et [B] [H] [12] (la société [6]), et Mme [H] à restituer aux sociétés [7] et [7] la somme de 404 623 082,04 euros avec intérêts au taux légal depuis le jour du paiement en exécution de la sentence et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil. 18. Les pourvois formés contre cette décision ont été rejetés par arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2017 (Com., 18 mai 2017, pourvois n° 15-28.683, n° 16-10.339 et n° 16-10.344). 19. [B] [H] a par ailleurs été mis en cause pénalement pour avoir frauduleusement organisé le recours à la procédure d'arbitrage, avec la complicité de son avocat, M. [C] [F], et de M. [D]. 20. La procédure pénale a également conduit à la mise en cause de Mme [J] [N], ministre de l'économie et des finances, de l'industrie et de l'emploi, M. [A] [O], son directeur de cabinet, M. [K] [S], président du conseil d'administration de la société [7], et M. [B] [Y], président de l'EPFR. 21. Au terme de l'enquête puis de l'information judiciaire, Mme [N] a été déclarée coupable de négligence par une personne dépositaire de l'autorité publique dont il est résulté un détournement de fonds publics par un tiers, par arrêt définitif du 19 décembre 2016 de la Cour de justice de la République. 22. [B] [H] et MM. [D], [F], [O] et [S], notamment, ont quant à eux été renvoyés devant le tribunal correctionnel. 23. Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal correctionnel a notamment renvoyé les prévenus des fins de la poursuite. 24. Le procureur de la République, ainsi que les sociétés [7] et [7], notamment, ont interjeté appel de la décision. 25. La société [3] est intervenue en instance d'appel. 26. Elle a sollicité, à son seul bénéfice et dans la limite de sa créance vis-à-vis de [B] [H] au titre d'un contrat de prêt du 23 novembre 2012, la mainlevée de la saisie pénale de la créance figurant sur le contrat d'assurance vie n° 988/31 souscrit par ce dernier auprès de la société [4]. 27. Elle a notamment exposé que cette créance a fait l'objet d'un acte de délégation à son profit antérieur à la saisie pénale, en garantie du prêt de 18,9 millions d'euros souscrit par [B] [H] auprès d'elle le 23 novembre 2012. 28. Par arrêt n° 164/2021 du 24 novembre 2021, la cour d'appel a notamment déclaré coupables MM. [F] et [D] du chef d'escroquerie, et MM. [F], [S] et [O] du chef de complicité de soustraction, détournement ou destruction de biens d'un dépôt public. Examen de la recevabilité du pourvoi 29. L'intervention de la société [3], qui prétend avoir des droits sur la créance saisie pénalement, et sollicite la mainlevée de la saisie pénale à son seul bénéfice et dans la limite de sa créance vis-à-vis de [B] [H], s'analyse en une demande de restitution au sens de l'article 479 du code de procédure pénale. 30. L'intervention et le pourvoi de la société [3] sont donc recevables. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, troisième et neuvième branches 31. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 32. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a « rejeté la requête en mainlevée de la saisie pénale en date du 28 juin 2013 sur le contrat d'assurance-vie souscrit par [B] [H] auprès de la société [4], contrat n° 988/31 « Sélection multi investissement », au seul bénéfice du délégataire, la société [3], et dans la limite de la créance de cette dernière vis-à-vis de feu [B] [H] au titre du contrat de prêt en date du 23 novembre 2012 », alors : « 2°/ que le juge du principal saisi d'une demande de mainlevée de la saisie pénale ordonnée pendant l'instruction ne pouvait, en l'état du droit en vigueur à la date des faits infractionnels comme de la saisie pénale de l'espèce, refuser cette mainlevée que dans une hypothèse et une seulement : « lorsque celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens » ; que ce n'est que postérieurement tant aux faits de l'espèce qu'à la saisie litigieuse, par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, que le législateur a ajouté à ce premier cas de refus de mainlevée un second cas tiré de la circonstance que « le bien saisi est [...] le produit direct ou indirect de l'infraction » ; qu'au cas présent, la cour d'appel a écarté la demande de mainlevée formulée par la société [3], délégataire des contrats d'assurance-vie objets des saisies pénales ordonnées en 2013, pour des faits infractionnels remontant à 2008, au motif que « la créance qui figure sur le contrat d'assurance sur la vie est le produit indirect du délit d'escroquerie commis par [C] [F] et [R] [D] et de complicité de détournement de biens publics dont [C] [F], [K] [S] et [A] [O] sont coupables » (p. 6) et que « la cour refuse par conséquent la mainlevée de la saisie pénale en date du 28 juin 2013 de la créance figurant sur le contrat d'assurance sur la vie souscrit par [B] [H] auprès de la société [4], contrat n° 988/31 « sélection multi investissement », qui est le produit indirect des infractions d'escroquerie et de détournement de biens publics par un particulier, en application des articles 481 et 484 du code de procédure pénale » (arrêt p. 6, al. 2) ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant elle-même (arrêt p. 4) que la faculté pour le juge de refuser la demande de mainlevée de la saisie pénale pour le cas où les biens saisis apparaîtraient comme le « produit indirect de l'infraction » résulte d'un ajout tardif, par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, la cour d'appel, qui a fait une application non pas post-active mais bien rétroactive d'une loi pénale, manifestement plus sévère en ce qu'elle instituait un nouveau motif de non-restitution post-sentencielle donc définitive, partant assimilable à une peine, a violé les articles 481 et 484 du code de procédure pénale, l'article 112-1 du code pénal, ensemble les principes de sécurité juridique, de la non-rétroactivité in pejus de la loi pénale et le droit au respect des biens, les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 7§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4°/ que la confiscation du produit de l'infraction n'est pas une peine complémentaire obligatoire non plus que, en l'absence de confiscation, le refus de restituer un bien saisi dans la mesure où il serait le produit de l'infraction ne s'impose obligatoirement au juge pénal, ce dernier disposant dans un cas comme dans l'autre d'une marge d'appréciation et d'une liberté de confisquer ou non comme de restituer ou non ; qu'il en résulte que le juge pénal qui refuse de restituer un bien placé sous main de justice par suite d'une saisie spéciale, en dépit de l'absence de prononcé d'une peine de confiscation relative à ce bien dans la décision sur l'action publique, ne doit pas se borner à constater que ce bien est le produit direct ou indirect de l'infraction mais doit motiver plus avant son refus de mainlevée au regard notamment des circonstances de l'infraction, de la personnalité de ses auteurs ou de leur situation personnelle ; qu'au cas présent, pour écarter la demande de mainlevée formulée par la société [3], délégataire des contrats d'assurance-vie objets des saisies pénales, l'arrêt attaqué s'est borné à affirmer que « les créances qui figurent sur les contrats d'assurance sur la vie sont le produit indirect du délit d'escroquerie commis par [C] [F] et [R] [D] et de complicité de détournement de biens publics dont [C] [F], [K] [S] et [A] [O] sont coupables » et que « la cour refuse par conséquent la mainlevée de la saisie pénale en date du 28 juin 2013 de la créance figurant sur le contrat d'assurance sur la vie souscrit par [B] [H] auprès de la société [4], contrat n° 988/31 « sélection multi investissement », qui est le produit indirect des infractions d'escroquerie et de détournement de biens publics par un particulier, en application des articles 481 et 484 du code de procédure pénale » (arrêt p. 6) ; que – à supposer même, par extraordinaire, qu'elle ait pu légalement appliquer à la présente espèce l'article 481 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 –, en se déterminant ainsi, au regard de la seule nature de « produit indirect de l'infraction » des biens objets de la saisie dont elle refusait la mainlevée, la cour d'appel, qui a opéré comme si le refus post-sentenciel de mainlevée était obligatoire dès lors que la saisie spéciale porte sur le produit de l'infraction, sans égard notamment pour les circonstances de l'infraction, la personnalité de ses auteurs, leur situation personnelle ou tout autre critère permettant de motiver sa décision de refus de restituer le bien saisi pour laquelle elle disposait d'une marge d'appréciation dont elle devait compte, a méconnu le sens et la portée des articles 481, 484, 591, 593, 706-141 et 706-155 du code de procédure pénale, ensemble l'article 131-21 du code pénal. 5°/ que lorsque le bien objet de la saisie pénale apparaissant comme le produit indirect de l'infraction fait par ailleurs l'objet d'un droit dont la solidité, la validité ou l'efficacité n'est pas en soi affectée par la saisie pénale, au bénéfice d'un tiers de bonne foi, et que ce tiers de bonne foi demande la mainlevée de la saisie pénale afin de pouvoir exercer son droit, le juge ne peut pas rejeter purement et simplement ladite demande de mainlevée ; qu'il doit, à tout le moins, ménager les droits du tiers de bonne foi ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les créances de rachat résultant de la conclusion des contrats d'assurance-vie, si elles avaient pu faire l'objet d'un « gel » par suite des ordonnances de saisies pénales intervenues en 2013, avaient par ailleurs été affectées en garantie à la société [3], par l'effet d'une délégation dont la validité n'était pas en soi remise en cause par les saisies pénales ; qu'en rejetant la demande de mainlevée de la saisie portant sur un bien (une créance de rachat) dont il n'était pas contesté qu'elle faisait l'objet de droits au bénéfice d'un tiers ([3], par l'effet de la délégation), et ce sans relever que ce tiers aurait été de mauvaise foi, la cour d'appel, qui n'a pas préservé les droits du tiers de bonne foi, a violé les articles 481, 484, 706-141 et 706-155 du code de procédure pénale, 131-21 du code pénal, lus, en tant que de besoin, à la lumière des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005 « relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime » ainsi que des articles 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 « concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne », ensemble les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6°/ que si l'effet de gel attaché à la saisie pénale des contrats d'assurance-vie consiste bien à paralyser l'exercice de la créance de rachat, y compris par le bénéficiaire d'une délégation antérieure dudit contrat d'assurance-vie, au point que le délégataire du contrat d'assurance-vie ne peut, à compter de la saisie pénale, procéder à une voie d'exécution qui serait destinée à appréhender cette créance de rachat, cette efficacité de la saisie pénale prise en soi face à la délégation antérieure et en cas de tentative de réalisation de son droit sur la créance de rachat, par voie d'exécution forcée, par le délégataire, ne dit rien de la nécessité pour le juge de reconnaître la prééminence de la délégation face à la saisie pénale postérieure au stade du dénouement de ladite saisie pénale ; qu'au cas présent, il est constant que le juge pénal n'a pas prononcé de mesure de confiscation des contrats d'assurance-vie objets des saisies pénales ; que, pour déterminer si les contrats d'assurance-vie devaient malgré tout être appréhendés par l'Etat, plutôt que de permettre au délégataire, la société [3], d'en bénéficier, la cour d'appel devait dès lors procéder à une comparaison de la date de la saisie pénale et de la date de la délégation ; que dès lors que la délégation était antérieure à la saisie pénale, elle devait être considérée comme primant la saisie pénale ; qu'en refusant au contraire la mainlevée au bénéfice de la société [3] au motif que la délégation n'aurait pas interdit la constitution d'une saisie pénale, et que la saisie pénale aurait par suite interdit la mise en oeuvre d'une voie d'exécution par le délégataire primant l'Etat saisissant, la cour d'appel, qui a négligé la circonstance qu'elle était saisie d'une question de dénouement des droits concurrents constitués tant par l'Etat (par voie de saisie pénale) que par le délégataire ([3]), question se résolvant par référence aux dates respectives de ces deux mesures, a violé les articles 481, 484, 706-141, 706-145 et 706-155 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6-§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 7°/ que la délégation du contrat d'assurance-vie consentie au bénéfice du prêteur de deniers par l'emprunteur, par ailleurs souscripteur du contrat d'assurance-vie, a pour effet de créer un droit de créance direct au bénéfice du délégataire (le prêteur) contre le délégué (l'assureur-vie) ; que l'assureur-vie-délégué se trouve, par l'effet de la constitution de cette garantie, directement engagé à l'égard du prêteur-délégataire, sans pouvoir invoquer à l'égard de ce dernier les exceptions tirées de la relation l'unissant (l'assureur-vie) au souscripteur-emprunteur ; que ce droit direct, dont la cour d'appel constate formellement l'existence (« il n'y a pas substitution mais adjonction de débiteur. Par ce mécanisme, une obligation nouvelle est créée, le délégué devenant débiteur de la banque [3] » - arrêt p. 5, al. 7), n'est ni affecté, ni appréhendé par la saisie pénale du contrat d'assurance-vie, celle-ci ayant, ainsi que la cour d'appel le constate par ailleurs, un objet distinct, à savoir la créance de rachat ; que ce droit direct et autonome, né de la délégation, ne peut non plus être considéré comme le « produit direct ou indirect » d'une quelconque infraction commise par le souscripteur-emprunteur, le droit direct étant régi par le principe de l'inopposabilité des exceptions ; qu'en refusant d'ordonner la mainlevée au bénéfice du délégataire [3] dans la mesure de ce qui lui était dû, du fait de la défaillance de l'emprunteur ainsi que de son décès, la cour d'appel, qui n'a pris en compte cette créance autonome née de la délégation, dont l'exécution par l'assureur-vie était parasitée par le maintien sans raison des saisies pénales, a violé les articles 481, 484, 706-141 et 706-155 du code de procédure pénale, ensemble les articles 1275 et suivants du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, le principe de l'inopposabilité des exceptions et les articles 6-1 de la CEDH et 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 8°/ que le juge appelé à prononcer la mainlevée d'une mesure de saisie pénale doit s'expliquer sur la nécessité actuelle de la mesure en cause et vérifier que le maintien de la mesure ne cause pas à un tiers de bonne foi une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens dont il devrait avoir la libre disposition ; qu'au cas présent, la saisie pénale des assurances-vie déléguées au bénéfice d'[3] n'était plus d'aucune utilité pour l'Etat, qui n'avait ni obtenu, ni semble-t-il requis, de mesure de confiscation de ces assurances-vie ; qu'en maintenant ces saisies spéciales, qui gelaient depuis 2013 le droit au rachat des contrats d'assurance-vie pourtant délégué au bénéfice de l'établissement de crédit exposant, sans vérification de l'utilité de cette mesure de réglementation de l'usage des biens devant revenir au délégataire, la cour d'appel a violé les articles 481, 484, 706-141 et 706-155 du code de procédure pénale, l'article 131-21 du code pénal, lus à la lumière de la décision-cadre 2005/212/JAI et des articles 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes du respect des biens et de proportionnalité, les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa deuxième branche 33. La demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel a rejeté sa requête au motif que la créance saisie constitue le produit indirect des infractions d'escroquerie et de détournement de biens publics par un particulier, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article 481 du code de procédure pénale qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, énonce que la restitution peut être refusée lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction. 34. En effet, si les décisions de non-restitution du produit de l'infraction ont pour effet, comme la peine complémentaire de confiscation de celui-ci, de transférer à l'Etat la propriété des biens sur lesquels ces mesures portent, la non-restitution ne constitue pas pour autant une peine, comme ayant pour seul objet de lutter contre toute forme d'enrichissement illicite (Cons. const., 3 décembre 2021, décision n° 2021-951 QPC), de sorte que les dispositions précitées de la loi du 3 juin 2016 constituent une loi de procédure s'appliquant aux faits commis avant son entrée en vigueur. 35. Dès lors, le grief doit être écarté. Sur le moyen, pris en sa quatrième branche 36. Le grief est infondé, dès lors que la restitution d'un bien saisi constituant le produit direct ou indirect de l'infraction constitue une faculté pour la juridiction saisie, de sorte que la décision qui la refuse n'a pas lieu d'être motivée. Sur le moyen, pris en ses cinquième à huitième branches 37. Pour rejeter la requête de la demanderesse aux fins de mainlevée de la saisie, l'arrêt relève qu'une partie des fonds détournés par [B] [H] a été utilisée par ce dernier, à hauteur de 9 millions d'euros, pour souscrire le contrat d'assurance sur la vie précité, de sorte que la créance de rachat figurant sur ce contrat constitue le produit indirect des infractions poursuivies. 38. Les juges constatent cependant que le contrat a été mis en garantie, au moyen d'un acte de délégation de créance, d'un contrat de prêt de 18,9 millions d'euros consenti par acte sous seing privé du 23 novembre 2012 entre la société [3] et [B] [H], et que, devant l'absence de règlement des échéances, la banque s'est prévalue de la déchéance du terme et le contrat de prêt a été résolu, [B] [H] restant devoir à la banque la somme de 19 898 361,34 euros à la date du 18 juillet 2014, selon les calculs de cette dernière. 39. Pour néanmoins considérer que la délégation de créance n'est pas de nature à justifier la mainlevée de la saisie, les juges retiennent qu'il ressort de la jurisprudence que le droit de créance, qui est indisponible à compter de l'acceptation du délégataire, la société [3], demeure dans le patrimoine du délégant, [B] [H], et qu'au cas d'espèce, le droit de créance est indisponible mais demeure donc bien dans le patrimoine de ce dernier compte tenu du gel et de l'absence de rachat par la banque. 40. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 41. En premier lieu, en cas de saisie pénale d'une créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie ayant préalablement fait l'objet d'un acte de délégation imparfaite, en garantie d'une dette par ailleurs souscrite par le titulaire de la créance, le délégataire, fût-il de bonne foi, qui est sans droit sur la créance saisie pénalement demeurée dans le patrimoine de son titulaire, est pour ce motif infondé à obtenir la mainlevée de la mesure de saisie pénale. 42. En second lieu, le délégataire de la créance saisie pénalement, qui est lui-même titulaire d'une créance ayant le même objet à l'encontre du débiteur de la créance saisie pénalement, par l'effet de l'acte de délégation, ne saurait se faire un grief de ce que la mesure de saisie pénale le prive de la faculté d'obtenir le paiement de sa propre créance. 43. En effet, la saisie pénale entraîne l'indisponibilité de la créance sur laquelle elle porte et interdit pour ce motif le paiement de la créance dont est titulaire le délégataire à l'encontre du délégué, y compris lorsque l'acte de délégation est antérieur à la saisie pénale, dès lors qu'à défaut, le paiement par le délégué de sa dette éteindrait la créance saisie pénalement à due concurrence en application de l'article 1339 du code civil. 44. Cependant, d'une part, en cas d'antériorité de la délégation par rapport à la saisie pénale, la créance du délégataire à l'encontre du délégué est opposable à l'Etat lors de l'exécution de la peine de confiscation ou de la décision de non-restitution. 45. Cette opposabilité s'exerce, en cas de confiscation de la créance saisie pénalement, au moment de l'exécution de cette peine, qui, en application des articles L. 160-9 du code des assurances, L. 223-29 du code de la mutualité ou L. 932-23-2 du code de la sécurité sociale, entraîne la résolution judiciaire de la convention et le transfert des fonds confisqués à l'Etat. 46. Il en est de même en cas de décision définitive de non-restitution de la créance saisie pénalement, qui entraîne le transfert de la propriété de la créance à l'Etat dans les conditions du troisième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, ainsi que la résolution du contrat d'assurance sur la vie et le transfert des fonds à l'Etat, en application des textes précités (Crim., 8 mars 2023, pourvoi n° 22-81.100, Bull.). 47. D'autre part, il est loisible au délégataire, au cours de l'enquête ou de l'information, lorsque l'acte de délégation est antérieur à l'ordonnance de saisie, de former devant le magistrat ayant ordonné cette mesure une requête relative à l'exécution de celle-ci, en application de l'article 706-144 du code de procédure pénale, afin de solliciter l'autorisation de poursuivre le paiement de sa créance à l'encontre du délégué, la saisie pénale se reportant sur le solde restant dû par ce dernier au délégant au titre de la créance qu'il détient à son encontre. 48. Dès lors, le moyen doit être écarté. 49. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois. N1> Sur l'application immédiate des dispositions du troisième alinéa de l'article 481 du code de procédure pénale :Crim., 28 février 2018, pourvoi n° 17-81.577, Bull. crim. 2018, n° 41 (rejet).N3>Sur la motivation de la décision de restituer le bien saisi, à rapprocher :Crim., 20 janvier 2021, pourvoi n° 20-81.118, Bull. crim. (rejet)
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 21-87.417 FS-B 28 JUIN 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 28 JUIN 2023 MM. [N] [V], [H] [Y], [R] [E], [G] [A], et les sociétés [14], [13], [26], [30], [8], [22], [5], [25], [41], [46] et [7] ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 164/2021 de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 24 novembre 2021, qui a condamné le premier, pour escroquerie, à trois ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende, le deuxième, pour escroquerie et complicité de détournement de biens publics commis par un particulier, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, 300 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction professionnelle, le troisième, pour complicité de détournement de biens publics commis par un particulier, à un an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d'amende, le quatrième, pour complicité de détournement de biens publics commis par un particulier, à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 25 000 euros d'amende, des confiscations et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés [14], [13], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [R] [E], les observations du cabinet Munier-Apaire, avocat des sociétés [22], [5], [25], [41], [46], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [A], les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des sociétés [30], [8], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [H] [Y], les observations de la SCP Poulet-Odent, avocat de la société [26], les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [N] [V], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'agent judiciaire de l'Etat, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 1er juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Piazza MM. Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Les difficultés financières rencontrées par le [16] au début des années 1990 ont conduit l'Etat à organiser la défaisance de la banque, c'est-à-dire le cantonnement de ses actifs à risque ou compromis, par un protocole du 5 avril 1995 conclu avec la banque, puis par la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995. 3. La défaisance a été confiée à une société chargée d'assurer la réalisation des actifs litigieux dénommée [14] (la société [13]) et un Etablissement public de financement et de restructuration ([18]), établissement public administratif national doté de l'autonomie financière et placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie, ayant pour mission de gérer le soutien financier apporté par l'Etat au [16] dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la société [13] et de veiller à ce que soient respectés les intérêts financiers de l'Etat dans le cadre du plan de redressement de la banque. 4. Initialement filiale du [16], la société [13] a vu son actionnariat transféré à l'EPFR en 1998. Elle constitue une société anonyme holding ayant notamment pour filiale la société [13] constituée à partir d'une filiale du [16], la [36] (la [34]), banque du groupe [D]. 5. Au-delà du risque lié à la qualité des créances détenues par le groupe [13], est ultérieurement apparu un risque consécutif au développement des contentieux qui a reçu l'appellation de risques non chiffrables. 6. Ces risques incluaient notamment celui généré par le contentieux opposant [C] [D] et le [16], ainsi que la [34], sa filiale, à la suite de la vente des titres de la société de droit allemand [11], filiale de la société anonyme [9] (la société [12]), elle-même contrôlée par la société en nom collectif [26], et propriétaire des participations dans le capital de la société allemande [4] à la suite de leur acquisition au début des années 1990 pour un prix de 1,6 milliard de francs. 7. En 1996, à la suite du placement en liquidation judiciaire des époux [D] par jugement du tribunal de commerce du 14 décembre 1994, puis de l'ensemble des sociétés du groupe, à l'exception de la société [12], par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mai 1995, le litige opposant [C] [D] au [16] a donné lieu à une action engagée par les liquidateurs du groupe [D] contre la société [13], nouvelle dénomination de la [34], et le [16]. 8. Par arrêt du 30 septembre 2005, la cour d'appel de Paris a notamment condamné solidairement la société [13] et le [16] à payer la somme de 135 millions d'euros en réparation du préjudice résultant de la vente des participations [3]. 9. Par arrêt du 9 octobre 2006, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel du chef des condamnations prononcées contre la société [13] et le [16], et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée (Ass. plén., 9 octobre 2006, pourvois n° 06-11.307, n° 06-11.056, Bull. 2006, Ass. plén, n° 11). 10. La cour d'appel de Paris autrement composée a été saisie par les liquidateurs judiciaires du groupe [D] et les époux [D]. 11. Le 16 novembre 2007, les liquidateurs judiciaires, les époux [D], et les sociétés [13] et [13] ont signé un compromis prévoyant que le contentieux les opposant donnerait lieu à des désistements d'instance et serait soumis à l'arbitrage de trois arbitres, MM. [N] [W], [Z] [S] et [N] [V]. 12. Par une sentence du 7 juillet 2008, le tribunal arbitral a condamné solidairement les sociétés [13] et [13] à payer aux liquidateurs judiciaires la somme de 240 000 000 euros, outre intérêts, a fixé à 45 000 000 euros le préjudice moral des époux [D] et à 8 448 529,29 euros les dépenses engagées sur frais de liquidation. 13. Trois autres sentences ont été rendues par les arbitres le 27 novembre 2008, dont l'une a statué sur les frais de liquidation et les deux autres sur des requêtes en interprétation de la sentence principale. 14. Le 28 juin 2013, les sociétés [13] et [13], alléguant le défaut d'impartialité de M. [V], ont introduit un recours en révision des sentences arbitrales devant la cour d'appel de Paris. 15. Par arrêt du 17 février 2015, cette juridiction a ordonné la rétractation de la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008, ainsi que des trois sentences du 27 novembre 2008, et enjoint aux parties de conclure sur le fond du litige afin qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. 16. Les pourvois formés contre cette décision ont été rejetés par arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2016 (1re Civ., 30 juin 2016, pourvois n° 15-14.145, n° 15-13.755, n° 15-13.904, Bull. 2016, I, n° 151). 17. Par arrêt du 3 décembre 2015, la cour d'appel de Paris, statuant au fond sur le contentieux qui était soumis aux arbitres aux termes du compromis du 16 novembre 2007, a notamment rejeté toutes les demandes formulées à l'encontre des sociétés [13] et [13], et a condamné solidairement les sociétés [19], [21], les liquidateurs judiciaires de [C] [D] et des sociétés [6] (la société [2]) et [10] (la société [10]), et Mme [D] à restituer aux sociétés [13] et [13] la somme de 404 623 082,04 euros avec intérêts au taux légal depuis le jour du paiement en exécution de la sentence et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil. 18. Les pourvois formés contre cette décision ont été rejetés par arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2017 (Com., 18 mai 2017, pourvois n° 15-28.683, n° 16-10.339, n° 16-10.344). 19. [C] [D] a par ailleurs été mis en cause pénalement pour avoir frauduleusement organisé le recours à la procédure d'arbitrage, avec la complicité de son avocat, M. [H] [Y], et de M. [V]. 20. La procédure pénale a également conduit à la mise en cause de Mme [M] [O], ministre de l'économie et des finances, de l'industrie et de l'emploi, M. [R] [E], son directeur de cabinet, M. [G] [A], président du conseil d'administration de la société [13], et M. [C] [I], président de l'EPFR. 21. Au terme de l'enquête puis de l'information judiciaire, Mme [O] a été déclarée coupable de négligence par une personne dépositaire de l'autorité publique dont il est résulté un détournement de fonds publics par un tiers, par arrêt définitif du 19 décembre 2016 de la Cour de justice de la République. 22. [C] [D] et MM. [V], [Y], [E] et [A], notamment, ont quant à eux été renvoyés devant le tribunal correctionnel. 23. Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal correctionnel a notamment renvoyé les prévenus des fins de la poursuite. 24. Le procureur de la République, ainsi que les sociétés [13] et [13], notamment, ont interjeté appel de la décision. Déchéance du pourvoi formé par la société [7] 25. La société [7] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. Sur la recevabilité des mémoires additionnels produits pour MM. [Y] et [V] 26. Les mémoires additionnels produits pour MM. [Y] et [V] après le dépôt du rapport du conseiller rapporteur sont irrecevables en application de l'article 590 du code de procédure pénale, dès lors que les demandeurs ne démontrent pas, ni même n'allèguent, qu'ils se trouvaient, avant le dépôt du rapport, dans l'incapacité de saisir la Cour de cassation des moyens développés dans lesdits mémoires. 27. La mise en oeuvre de ces dispositions, qui répondent à la nécessité de la mise en état des procédures, ne procède pas en conséquence d'un formalisme excessif. Examen des moyens Sur les premier moyen, deuxième moyen, troisième moyen, quatrième moyen, cinquième moyen, pris en ses première, cinquième et sixième branches, sixième moyen, septième moyen, pris en sa première branche, neuvième moyen, pris en sa première branche, onzième moyen, douzième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, et quinzième moyen, proposés pour M. [Y] Sur les premier moyen, troisième moyen, quatrième moyen, cinquième moyen, sixième moyen, septième moyen, pris en sa deuxième branche, neuvième moyen, dixième moyen, onzième moyen, douzième moyen, pris en sa deuxième branche, treizième moyen et quinzième moyen, proposés pour M. [V] Sur les premier moyen, deuxième moyen, troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, quatrième moyen, sixième moyen, pris en sa quatrième branche, et huitième moyen, proposés pour M. [E] Sur les premier moyen, deuxième moyen, quatrième moyen, pris en sa deuxième branche, et cinquième moyen, proposés pour M. [A] Sur le troisième moyen proposé pour les sociétés [30] et [8] Sur le moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches, proposé pour les sociétés [22], [5], [25], [41] et [46] Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour les sociétés [13] et [13] 28. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen proposé pour M. [V] Enoncé du moyen 29. Le deuxième moyen critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de copie de notes d'audience du 25 mai 2021, alors « que tout accusé a droit aux facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'il en résulte que les juridictions correctionnelles doivent communiquer à la demande des parties ou de leurs conseils les notes d'audience avant que soit rendue la décision, notamment quand cette communication a pour but d'éclairer les parties sur une requalification proposée par le ministère public; qu'en l'espèce, le conseil de M. [V] avait demandé la communication des notes d'audience en cours de procès ; que pour rejeter cette demande, la cour d'appel a énoncé qu'« aucun texte ni aucune jurisprudence ne prévo[it] que les copies des notes d'audience soient délivrées avant la fin des débats » (arrêt attaqué, p. 85) ; qu'en statuant ainsi, quand le respect des droits de la défense commandait la communication de ces notes en cours de procès, la cour d'appel a méconnu l'article 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 30. Le moyen est infondé, dès lors qu'aucune disposition légale ni réglementaire ne prévoit que la note du déroulement des débats doive être communiquée aux parties en cours d'instance, l'article 453 du code de procédure pénale disposant au contraire que cette note peut être visée par le président dans les trois jours suivant l'audience. 31. Le moyen est en tout état de cause inopérant en ce qu'il invoque la méconnaissance de l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'il ressort des pièces de procédure que la requalification proposée par le ministère public avait été mise dans le débat et contradictoirement discutée par les parties. Sur le quatorzième moyen proposé pour M. [Y], troisième moyen proposé pour M. [A], et cinquième moyen proposé pour M. [E] Enoncé des moyens 32. Le quatorzième moyen proposé pour M. [Y] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable du délit de complicité de détournement de biens d'un dépôt public, alors : « 1°/ que le dépositaire public est celui dont la fonction est de percevoir et de reverser des fonds ; que la mission de la société [14] consistait à acquérir les actifs du [16] considérés comme compromis et d'en assurer la liquidation ; que si la société [13] recevait pour l'exécution de cette mission des fonds de l'Etablissement public de financement et de restructuration, ces versements de fonds ne constituaient que les modalités de financement de la société ; qu'en retenant au motif inopérant que le [13] recevait des fonds de l'EPFR, sa qualité de dépositaire public, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le dépositaire public est celui qui perçoit et reverse des sommes qu'il détient en vertu d'un titre légal ; que la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 a pour objet d'instituer l'Etablissement public de financement et de restructuration et de lui donner la mission de « gérer le soutien financier apporté par l'Etat au [16] » ; que ces dispositions n'investissent le [13] d'aucune mission ; qu'ainsi que la cour d'appel le relève, les modalités de financement du Consortium de réalisation sont fixées par l'avenant n° 13 au protocole du 5 avril 1995 entre l'Etat et le [16], qui est un contrat de droit privé (arrêt p. 147) ; qu'ainsi, à supposer que la perception de fonds puisse être regardée comme la fonction du [13], ce dernier n'en est pas investi par un titre légal ; qu'en jugeant pourtant que le [13] répondait à la notion légale de dépositaire public, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'est chargée d'une mission de service public la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général ; que pour retenir la qualité de personne chargée d'une mission de service public de la société [14], l'arrêt attaqué se fonde sur la circonstance que la société est détenue par l'EPFR, financée par ce dernier et que son mandataire social était agréé par le ministre chargé de l'économie ; qu'en statuant par ces motifs, inopérants pour caractériser des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ qu'est chargée d'une mission de service public la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général ; que l'arrêt constate que le [13] était une société anonyme de droit privé ayant pour mission l'acquisition et la cession d'actifs dans des conditions normales de marché, dans le cadre d'une opération de cantonnement et de défaisance ; qu'il constate encore que la défense des intérêts financiers de l'Etat était assurée par l'EPFR dans le cadre de sa mission de surveillance ; qu'en jugeant pourtant que le [13] était chargé d'une mission de service public, quand elle constatait que les actes par lui accomplis n'avaient pas pour but de satisfaire à l'intérêt général mais répondaient à un intérêt privé d'apurement de la comptabilité du [16], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 33. Le troisième moyen proposé pour M. [A] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de biens contenus dans un dépôt public commis par un particulier, alors : « 1°/ que le dépositaire public est celui dont la fonction est de percevoir et reverser des fonds ; que la mission de la société [14] consistait à acquérir les actifs du [16] considérés comme compromis et d'en assurer la liquidation ; que si la société [13] recevait pour l'exécution de cette mission des fonds en vertu d'un prêt consenti par l'Etablissement public de financement et de restructuration, ces versements de fonds ne constituaient que les modalités de financement de la société ; qu'en retenant, au motif inopérant que le [13] recevait des fonds de l'EPFR, sa qualité de dépositaire public, la cour d'appel a violé l'article 433-4 du code pénal ; 2°/ que le dépositaire public est celui qui perçoit et reverse des sommes qu'il détient en vertu d'un titre légal ; que la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 a pour objet d'instituer l'Etablissement public de financement et de restructuration et de lui donner la mission de « gérer le soutien financier apporté par l'Etat au [16] » ; que ces dispositions n'investissent le [13] d'aucune mission ; qu'ainsi que la cour d'appel le relève, les modalités de financement du Consortium de réalisation sont fixées par l'avenant n° 13 au protocole du 5 avril 1995 entre l'Etat et le [16], qui est un contrat de droit privé (arrêt p. 147) ; qu'ainsi, à supposer que la perception de fonds puisse être regardée comme la fonction du [13], ce dernier n'en est pas investi par un titre légal ; qu'en jugeant pourtant que le [13] répondait à la notion légale de dépositaire public, la cour d'appel a encore violé l'article 433-4 du code pénal ; 3°/ qu'est chargée d'une mission de service public la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général ; que pour retenir la qualité de personne chargée d'une mission de service public de la société [14], l'arrêt attaqué se fonde sur la circonstance que la société est détenue par l'EPFR, financée au moyen d'un prêt consenti par ce dernier et que son mandataire social était agréé par le ministre chargé de l'économie ; qu'en statuant par ces motifs, inopérants pour caractériser des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général, la cour d'appel a violé l'article 433-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ qu'est chargée d'une mission de service public la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général ; que l'arrêt constate que le [13] était une société anonyme de droit privé ayant pour mission l'acquisition et la cession d'actifs dans des conditions normales de marché, dans le cadre d'une opération de cantonnement et de défaisance ; qu'il constate encore que la défense des intérêts financiers de l'Etat était assurée par l'EPFR dans le cadre de sa mission de surveillance ; qu'en jugeant pourtant que le [13] était chargé d'une mission de service public, quand elle constatait que les actes par lui accomplis n'avaient pas pour but de satisfaire à l'intérêt général mais répondaient à un intérêt privé d'apurement de la comptabilité du [16], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a encore violé l'article 433-4 du code pénal. » 34. Le cinquième moyen proposé pour M. [E] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de biens d'un dépôt public, alors : «1°/ que le dépositaire public est celui dont la fonction est de percevoir et reverser des fonds ; que la mission de la société [14] consistait à acquérir les actifs du [16] considérés comme compromis et d'en assurer la liquidation ; que si la société [13] recevait pour l'exécution de cette mission des fonds de l'Etablissement public de financement et de restructuration, ces versements de fonds ne constituaient que les modalités de financement de la société ; qu'en retenant, au motif inopérant que le [13] recevait des fonds de l'EPFR, sa qualité de dépositaire public, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le dépositaire public est celui qui perçoit et reverse des sommes qu'il détient en vertu d'un titre légal ; que la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 a pour objet d'instituer l'Etablissement public de financement et de restructuration et de lui donner la mission de « gérer le soutien financier apporté par l'Etat au [16] » ; que ces dispositions n'investissent le [13] d'aucune mission ; qu'ainsi que la cour d'appel le relève, les modalités de financement du Consortium de réalisation sont fixées par l'avenant n° 13 au protocole du 5 avril 1995 entre l'Etat et le [16], qui est un contrat de droit privé (arrêt p. 147) ; qu'ainsi, à supposer que la perception de fonds puisse être regardée comme la fonction du [13], ce dernier n'en est pas investi par un titre légal ; qu'en jugeant pourtant que le [13] répondait à la notion légale de dépositaire public, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'est chargée d'une mission de service public la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général ; que pour retenir la qualité de personne chargée d'une mission de service public de la société [14], l'arrêt attaqué se fonde sur la circonstance que la société est détenue par l'EPFR, financée par ce dernier et que son mandataire social était agréé par le ministre chargé de l'économie ; qu'en statuant par ces motifs, inopérants pour caractériser des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ qu'est chargée d'une mission de service public la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général ; que l'arrêt constate que le [13] était une société anonyme de droit privé ayant pour mission l'acquisition et la cession d'actifs dans des conditions normales de marché, dans le cadre d'une opération de cantonnement et de défaisance ; qu'il constate encore que la défense des intérêts financiers de l'Etat était assurée par l'EPFR dans le cadre de sa mission de surveillance ; qu'en jugeant pourtant que le [13] était chargé d'une mission de service public, quand elle constatait que les actes par lui accomplis n'avaient pas pour but de satisfaire à l'intérêt général mais répondaient à un intérêt privé d'apurement de la comptabilité du [16], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 35. Les moyens sont réunis. 36. Pour déclarer les prévenus coupables de complicité de détournement de biens publics commis par un particulier au préjudice des sociétés [13] et [13], l'arrêt relève notamment que ces sociétés répondaient à la définition légale de dépositaire public, en ce qu'elles recevaient des fonds de l'EPFR en vertu de la loi du 28 novembre 1995 pour les besoins de la défaisance du [16]. 37. Les juges ajoutent que, par ailleurs, la mission majeure de l'EPFR était la défense des intérêts financiers de l'Etat, qu'il disposait de représentants de l'Etat dans son conseil d'administration et agissait sous le contrôle du ministre de l'économie et des finances, et qu'ainsi il était d'évidence chargé d'une mission de service public. 38. Ils énoncent encore que la société [13] était une filiale à 100 % de l'EPFR, et que la mission de cette société, sous le contrôle de l'EPFR, consistait, grâce à un prêt accordé par l'établissement, à acquérir les actifs du [16] considérés comme compromis, la société remboursant ce prêt grâce aux produits générés par la vente des actifs du [16], quand les moins-values réalisées lors de la vente de ces actifs étaient compensées par des abandons de créances consentis par l'EPFR, dont la dette était garantie par l'Etat, donc en définitive par le contribuable qui supportait ainsi les pertes générées par la revente des actifs compromis du [16]. 39. Ils retiennent enfin que, dans la convention de gestion entre l'Etat et l'EPFR du 30 janvier 1998, il est préalablement exposé que la stratégie de la société [13] ne serait plus exclusivement liquidative mais que la société devrait déterminer la stratégie de cession de ses actifs dans le seul souci de les valoriser au mieux et d'optimiser le résultat financier pour l'Etat, c'est-à-dire en prenant pleinement en compte l'ensemble des coûts de financement du [13]. 40. En prononçant ainsi, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants relatifs à la qualité de dépositaires publics des sociétés [13] et [13] à qui l'EPFR ne remettait pas de fonds en dépôt, la cour d'appel, qui a établi que les sociétés [13] et [13] accomplissaient des actes ayant pour but de satisfaire à l'intérêt général, a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés aux moyens. 41. Dès lors, les moyens doivent être écartés. Sur le cinquième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, proposé pour M. [Y], sixième moyen, pris en ses première à troisième branches, proposé pour M. [E], quatrième moyen, pris en sa première branche, et sixième moyen proposé pour M. [A] Enoncé des moyens 42. Le cinquième moyen proposé pour M. [Y] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de biens d'un dépôt public, alors : « 2°/ que la complicité n'est caractérisée qu'autant qu'il y a un fait principal punissable dont l'existence est établie en tous ses éléments constitutifs ; que le délit de détournement de biens d'un dépôt public exige, à titre de condition préalable, une remise librement consentie de l'objet ensuite détourné ; qu'en déclarant M. [Y] coupable complicité de détournement de biens d'un dépôt public après avoir relevé que « la remise des fonds [...] n'a été ni volontaire, ni librement consentie, mais la conséquence d'une escroquerie commise par MM. [Y] et [V] » (arrêt, p. 193), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 121-6, 121-7, 433-4 du code pénal et 591 du code de procédure pénale ; 3°/ que la caractérisation de l'infraction de détournement de biens d'un dépôt public nécessite que le bien détourné ait été remis à titre précaire ; qu'en déclarant M. [Y] coupable de complicité de détournement de biens d'un dépôt public pour avoir facilité le détournement des sommes qui avaient été remises à M. et Mme [D] et aux mandataires liquidateurs des sociétés du groupe [D] en exécution de la sentence arbitrale, lorsque ces sommes leur avaient été remises en pleine propriété, la cour d'appel a violé les articles 121-6, 121-7, 433-4 du code pénal et 591 du code de procédure pénale ; 4°/ que la remise des fonds est une condition préalable du détournement ; qu'en déclarant M. [Y] coupable de complicité de détournement de biens d'un dépôt public sans relever au titre de l'infraction principale aucun acte de détournement postérieur à la remise des sommes à M. et Mme [D] et à ses liquidateurs en exécution de la sentence arbitrale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation des articles 121-6, 121-7, 433-4 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. » 43. Le sixième moyen proposé pour M. [E] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de biens d'un dépôt public, alors : « 1°/ que le délit de détournement de biens d'un dépôt public exige, à titre de condition préalable, une remise librement consentie de l'objet ensuite détourné ; qu'en déclarant M. [E] coupable complicité de détournement de biens d'un dépôt public après avoir relevé que « la remise des fonds [...] n'a été ni volontaire, ni librement consentie, mais la conséquence d'une escroquerie commise par MM. [Y] et [V] » (arrêt, p. 193), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que la caractérisation de l'infraction de détournement de biens d'un dépôt public nécessite que le bien détourné ait été remis à titre précaire ; qu'en déclarant M. [E] coupable de complicité de détournement de biens d'un dépôt public pour avoir facilité le détournement des sommes qui avaient été remises à M. et Mme [D] et aux mandataires liquidateurs des sociétés du groupe [D] en exécution de la sentence arbitrale, lorsque ces sommes leur avaient été remises en pleine propriété, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la remise des fonds est une condition préalable du détournement ; qu'en déclarant M. [E] coupable de complicité de détournement de biens d'un dépôt public sans relever au titre de l'infraction principale aucun acte de détournement postérieur à la remise des sommes à M. et Mme [D] et à ses liquidateurs en exécution de la sentence arbitrale, la cour d'appel a méconnu les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 44. Le quatrième moyen proposé pour M. [A] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de biens contenus dans un dépôt public commis par un particulier, alors : « 1°/ que la complicité suppose un fait principal punissable ; que M. [G] [A] a été poursuivi, sur le fondement de l'article 433-4 du code pénal, en sa qualité de président du [13], pour avoir été complice par aide et assistance « du détournement par [C] [D] de fonds publics détenus par l'EPFR, en l'espèce de la somme d'environ 403 millions d'euros octroyée indûment par le tribunal arbitral aux mandataires liquidateurs des sociétés du groupe [D] et à M. et Mme [D], pour un préjudice inexistant, au terme d'un arbitrage frauduleux » ; que M. [C] [D] a été poursuivi sur ce même fondement pour avoir « détourné les fonds publics détenus par l'EPFR, dépositaire public » ; que l'acte matériel de détournement au sens de l'article 433-4 du code pénal implique une inversion de titre, soit par substitution d'une possession à titre de propriétaire à une simple détention précaire d'un bien, soit, en l'absence de détention matérielle, par usurpation de certaines fonctions ou d'une mission lui permettant l'accès audit bien; qu'il suppose donc, en amont de l'acte qui consomme le détournement, soit que l'auteur du détournement avait déjà la détention précaire du bien placé en dépôt public, soit, à défaut de détention matérielle, qu'il détenait ou avait détenu, à raison de sa mission ou de ses fonctions, un accès à ce bien ou une prérogative sur ce bien ; que cette exigence préalable nécessaire fait défaut en l'espèce ; qu'il y a eu paiement, en exécution d'une sentence arbitrale ; que la remise des fonds est directement intervenue à titre de propriétaire et a opéré transfert de propriété aux liquidateurs des époux [D] et du groupe [D]; qu'elle s'est doublée d'un abandon de créances aux fins d'exécution de cette même sentence ; que M. [C] [D] ne disposait, en amont de ces paiements, en vertu d'une quelconque fonction ou mission, d'aucun accès ni d'aucun pouvoir d'aucune sorte sur les fonds ou effets en tenant lieu; que dès lors, en l'absence de fait matériel principal constitutif d'un détournement au sens l'article 433-4 du code pénal, la cour d'appel ne pouvait déclarer M. [A] coupable de complicité de détournement de biens contenus dans un dépôt public par un particulier sans violer les articles 111-3, 111-4, 121-6, 121-7 et 433-4 du code pénal. » 45. Le sixième moyen proposé pour M. [A] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de biens contenus dans un dépôt public commis par un particulier, alors : « 1°/ que le délit de détournement de biens d'un dépôt public exige, à titre de condition préalable, une remise librement consentie de l'objet ensuite détourné ; que l'arrêt attaqué constate p. 193 que la remise des fonds n'a été « ni volontaire ni librement consentie, mais la conséquence d'une escroquerie commise par MM. [Y] et [V] » ; que dès lors la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'infraction de détournement de biens d'un dépôt public suppose que le bien détourné a été remis à titre précaire ; qu'en l'espèce, comme l'arrêt le constate, les sommes ont été remises à M. et Mme [D] et au mandataire liquidateur des sociétés du groupe [D] en exécution de la sentence arbitrale, en pleine propriété ; que dès lors en déclarant M. [A] coupable de détournement de biens d'un dépôt public, la Cour d'appel a violé les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la remise des fonds est une condition préalable du détournement ; qu'en l'espèce aucun acte de détournement n'est relevé à l'encontre de M. [A], postérieur à la remise des sommes à M. et Mme [D] et leurs liquidateurs en exécution de la sentence arbitrale ; que dès lors, en le déclarant néanmoins coupable de détournement de biens d'un dépôt public, l'arrêt attaqué à violé les articles 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 46. Les moyens sont réunis. 47. Le délit de détournement de biens publics commis par un particulier n'a pas pour condition que les biens détournés aient été préalablement remis à l'auteur du détournement, dès lors que l'article 433-4 du code pénal dispose que ce délit a pour objet un acte ou un titre, des fonds publics ou privés, ou des effets, pièces ou titres en tenant lieu ou tout autre objet qui ont été remis, non pas au particulier auteur de l'infraction mais, en raison de ses fonctions, à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, à un comptable public, à un dépositaire public ou à l'un de ses subordonnés. 48. L'acte de détournement s'entend ainsi du fait de priver le dépositaire public ou la personne chargée d'une mission de service public, à qui les biens ont été remis, de son contrôle légitime sur ceux-ci. 49. Dès lors, les moyens, qui sont infondés, doivent être écartés. Sur les septième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [Y], et septième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [V] Enoncé des moyens 50. Le septième moyen proposé pour M. [Y] critique l'arrêt en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une amende de 300 000 euros, alors : « 2°/ que le juge qui prononce une amende doit tenir compte des charges résultant de sa décision ; qu'en affirmant péremptoirement, pour condamner M. [Y] au paiement d'une amende de 300 000 euros, que ce montant était en rapport avec son état de fortune, sans mieux s'en expliquer, quand elle le condamnait à verser aux parties civiles les sommes totales de 392 623 082,54 euros de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel, 145 000 euros en réparation de leur préjudice moral, 600 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale et qu'elle ordonnait par ailleurs à son encontre, à titre de peine complémentaire, la confiscation de la somme de 99 230,63 euros figurant au crédit de son compte bancaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1, 132-20 du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme. » 51. Le septième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt en ce qu'il l'a condamné à verser une amende de 300 000 euros, alors : « 1°/ que le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'il appartient à la juridiction de jugement qui prononce une peine d'amende de prendre en compte, au titres des charges, celles qui résultent des condamnations qu'elle prononce sur l'action civile, en particulier lorsqu'elles sont considérables ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [N] [V] était âgé de 95 ans au moment du prononcé de l'arrêt et qu'il était atteint de graves problèmes de santé ; que la cour a condamné M. [V], sur l'action civile, à verser aux parties civiles au titre de dommages-intérêts et frais irrépétibles une somme totale s'élevant à plus de 400 millions d'euros ; qu'en condamnant M. [V], un homme âgé de plus de 95 ans atteint de graves problèmes de santé, au paiement d'une amende de 300 000 euros sans examiner les charges d'un montant exceptionnel nées de la condamnation sur l'action civile, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 132-20, alinéa 2, du code pénal, ensemble l'article 132-1 du même code. » Réponse de la Cour 52. Les moyens sont réunis. 53. D'une part, si, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, et s'il est en outre tenu, s'il prononce une amende, de motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu, celles-ci ne comprennent pas les charges résultant de la déclaration de culpabilité, telles que les condamnations au paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par les parties civiles, dès lors que l'importance du préjudice peut au contraire constituer un critère d'appréciation de la gravité de l'infraction. 54. D'autre part, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [Y] aurait saisi la cour d'appel du moyen pris du caractère disproportionné de l'atteinte portée à son droit de propriété par le niveau global des peines pécuniaires, lequel moyen aurait en tout état de cause été inopérant en l'espèce, dès lors que la confiscation avait pour objet un bien qui était dans sa totalité, en valeur, le produit des infractions dont le prévenu a été déclaré coupable. 55. Dès lors, les moyens, qui sont infondés, doivent être écartés. Sur les dixième moyen proposé pour M. [Y], et huitième moyen proposé pour M. [V] Enoncé des moyens 56. Le dixième moyen proposé pour M. [Y] critique l'arrêt en ce qu'il a prononcé la confiscation en valeur de la somme de 99 230,63 euros inscrite au crédit de son compte bancaire n° [XXXXXXXXXX01], alors : « 1°/ que peuvent seuls constituer le produit d'une infraction les fonds et biens générés par celle-ci ; que, dès lors, en énonçant, pour confisquer en valeur la somme de 99 230, 63 euros figurant au crédit du compte bancaire du prévenu, que celui-ci avait perçu une rémunération d'au moins deux millions d'euros à l'issue de l'arbitrage en sa qualité d'avocat de mandataires liquidateurs du groupe [D] et de [C] [D] et que la part de rémunération correspondant à ses conseils et actions relatifs à l'arbitrage frauduleux et au détournement de biens publics était au moins égale au montant de la somme confisquée, sans établir que les fonds qu'il avait ainsi perçus en règlement de ses honoraires provenaient en partie de ceux qui avaient été versés à ses clients par le [13] et le [13] en exécution de la sentence arbitrale litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas établi l'origine illicite de cette rémunération, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 et 313-7 du code pénal dans leur rédaction applicable ; 2°/ qu'en affirmant péremptoirement, pour confisquer en valeur la somme de 99 230, 63 euros figurant au crédit du compte bancaire du prévenu, qu'elle « estime certain que [la] part de la rémunération correspondant aux conseils et actions de [H] [Y] relatifs à l'arbitrage frauduleux et au détournement de biens publics est au moins égale au montant de la somme saisie » (arrêt, p. 203), sans déterminer le montant exact des honoraires perçus par M. [Y] dans le cadre de la procédure d'arbitrage, lesquels correspondaient, selon elle, au produit des infractions dont elle le déclarait coupable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 et 313-7 du code pénal dans leur rédaction applicable. » 57. Le huitième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt en ce qu'il a ordonné la confiscation à hauteur de 389 000 euros de l'ensemble immobilier situé à [Adresse 32], alors : « 1°/ que la confiscation peut porter sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction ; que le produit indirect de l'infraction est constitué par la transformation de ce qui a été généré directement par l'action ou l'abstention incriminée ; que le produit direct du délit d'escroquerie est constitué par l'objet de la remise opérée par la dupe et son produit indirect par la transformation de l'objet de cette remise ; que pour ordonner la confiscation à hauteur de 389 000 euros de l'ensemble immobilier situé à [Adresse 32], la cour d'appel a énoncé que « si le produit direct de l'infraction est tout avantage économique tiré de l'infraction pénale elle-même, le produit indirect de l'infraction vise, quant à lui, à appréhender toutes les formes d'enrichissement susceptibles d'avoir un lien avec la commission des faits, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant du bien immobilier saisi, financé avec la rémunération de M. [V] en qualité d'arbitre » (arrêt attaqué, p. 206) ; qu'en statuant ainsi, quand la rémunération de M. [V] ne constituait pas le produit indirect du délit d'escroquerie pour lequel il a été condamné, la cour d'appel a méconnu l'article 131-21 du code pénal ; 2°/ que selon les propres constatations de l'arrêt, la « cour considère que le produit de l'infraction s'élève au montant des sommes versées aux liquidateurs (305 495 780,97 euros), auquel doit s'ajouter la créance abandonnée de la [34] sur la liquidation [D] (87 127 301,57 euros), [qu'] il est donc de 392 623 082,54 euros » (arrêt attaqué, p. 222), la cour d'appel ayant par ailleurs énoncé que « ce montant total constitue le produit direct des infractions connexes d'escroquerie et de complicité de détournement de biens publics par un particulier » (eod. loc.) ; qu'en énonçant néanmoins par ailleurs que le bien immobilier des époux [V] était le produit indirect de l'escroquerie car financé avec sa rémunération d'arbitre, rémunération qui n'est pas la transformation des sommes qu'elles considérait elle-même comme le produit de l'escroquerie, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; que l'ensemble immobilier situé à Saint-Martin dont la cour d'appel a ordonné la confiscation n'est pas, ainsi qu'il a été démontré par les deux premières branches du moyen, le produit de l'escroquerie pour lequel l'exposant a été condamné ; qu'en ordonnant la confiscation de ce bien sans s'être assurée de son caractère confiscable en application des conditions légales, sans préciser le fondement de la mesure, la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 58. Les moyens sont réunis. 59. Pour condamner M. [Y] à la confiscation en valeur, à titre de produit des infractions dont il a été déclaré coupable, de la somme de 99 230,63 euros figurant sur un compte bancaire dont il est titulaire au [15], l'arrêt attaqué relève que ce dernier, en qualité d'avocat des mandataires liquidateurs du groupe [D] et de [C] [D], a perçu la somme d'au moins 2 millions d'euros à l'issue de l'arbitrage, et que cette somme peut s'analyser, au moins pour partie, en l'avantage économique qu'il a retiré de la commission des infractions d'escroquerie et de complicité de détournement de biens publics par un particulier. 60. Les juges précisent que M. [Y] a fait valoir que cette somme était la rémunération de la défense de [C] [D] dans ses procès l'opposant au [16] et à la société [13], et n'incluait donc que pour partie son concours lors de la préparation et la tenue de l'arbitrage, mais qu'ils estiment certain que cette part de la rémunération correspondant aux conseils et actions du prévenu relatifs à l'arbitrage frauduleux et au détournement de biens publics est au moins égale au montant de la somme saisie. 61. Pour par ailleurs condamner M. [V] à la confiscation, à hauteur de 389 000 euros, d'un ensemble immobilier dont son épouse et lui sont propriétaires à [Localité 31] (97), à titre de produits des infractions dont il a été déclaré coupable, l'arrêt retient que les époux [V] sont propriétaires de cet ensemble immobilier dont la construction a été financée, à hauteur de 389 000 euros, au moyen des fonds perçus par M. [V], pour un montant de 399 262,66 euros, à titre d'honoraires à la suite de la sentence arbitrale. 62. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen. 63. En effet, d'une part, les juges ont souverainement évalué l'avantage économique tiré des infractions dont les prévenus ont été déclarés coupables. 64. D'autre part, cet avantage, qui constitue le produit de ces infractions pour chacun des prévenus, se distingue de l'objet du délit de complicité de détournement de biens publics commis par un particulier, lequel, identique pour l'ensemble des participants à l'infraction comme étant un élément constitutif de celle-ci, correspond aux fonds versés par les sociétés [13] et [13] en exécution de la sentence arbitrale frauduleuse. 65. Dès lors, les moyens doivent être écartés. Sur le neuvième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [Y] Enoncé du moyen 66. Le neuvième moyen critique l'arrêt en ce qu'il a assorti la peine d'interdiction d'exercer la profession d'avocat et de conseil juridique prononcée à son encontre de l'exécution provisoire, alors : « 2°/ qu'en déclarant exécutoire par provision la peine d'interdiction d'exercer la profession d'avocat ou de conseil juridique qu'elle prononçait à l'encontre de M. [Y], sans relever la commission, par celui-ci, d'autres faits délictueux dans l'exercice de ses fonctions depuis les faits poursuivis, anciens de plus de dix ans, ni établir l'existence d'un risque de récidive, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-10, 131-26 du code pénal, 471, 512 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 67. Aucune disposition législative ne prévoit l'obligation pour les juges de motiver leur décision par laquelle ils déclarent exécutoire par provision une peine d'interdiction professionnelle. 68. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. Sur le premier moyen proposé pour les sociétés [30] et [8] Enoncé du moyen 69. Le premier moyen critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de condamnation formées contre les sociétés [8] et [30] ès qualités par les sociétés [13] et [13], alors « que la créance née postérieurement au jugement d'ouverture n'est payée par les organes de la procédure collective que si elle est née régulièrement ; qu'une créancé née de la commission d'un fait délictueux ne saurait être regardée comme née régulièrement ; qu'en jugeant au contraire que la condition de naissance régulière n'est pas affectée par le caractère délictueux ou dommageable de l'acte générateur de la créance pour déclarer les demandes de condamnation des exposantes recevables, la cour d'appel a violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, applicable en l'espèce. » Réponse de la Cour 70. Est régulière, au sens de l'article 40 de la loi n° 85-98 du 5 janvier 1985, la créance qui ne résulte pas d'un acte accompli en méconnaissance des règles gouvernant les pouvoirs du débiteur et des organes de la procédure de liquidation judiciaire, quand bien même cette créance serait née d'un acte fautif du débiteur. 71. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le moyen proposé pour la société [26] Enoncé du moyen 72. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de la société [26] en mainlevée des saisies pénales et restitution du solde du contrat d'assurance capitalisation souscrit le 12 juin 2009 par la société [21] auprès de [40], des soldes des comptes bancaires de la société [21] n° 95721002781 et n° 72741279 ouverts dans les livres de la [35] et des soldes des comptes bancaires de la société [21] n° 175937 et n° 175938 ouverts dans les livres de l'[45], alors : « 1°/ que tout jugement doit être suffisamment motivé ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence; que, dans ses écritures d'appel, la société [21] faisait valoir que ses actifs étaient insuffisants pour faire face au montant de son passif, de sorte qu'il convenait d'ordonner la mainlevée des biens saisis pour préserver le gage des créanciers (conclusions d'appel de la société [21], p. 2, in fine, p. 3, in limine); qu'en refusant d'ordonner la mainlevée des saisies pratiquées aux seuls motifs que les biens saisis étaient le produit indirect de l'infraction, et que la société [21] n'était pas de bonne foi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société [21], à l'égard de laquelle la saisie avait été pratiquée, n'était pas de nature à justifier la mainlevée des saisies afin de préserver le gage des créanciers de la société, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que la mesure de saisie pénale, de nature provisoire, a pour objet de garantir la peine complémentaire de confiscation selon les conditions définies à l'article 131-21 du code pénal ; que la mesure de saisie pénale n'opère pas transfert de propriété du bien saisi ; que le maintien d'une mesure de saisie pénale d'un bien appartenant au débiteur d'une procédure collective sans prononcé d'une peine complémentaire de confiscation a pour effet de maintenir le bien saisi dans le patrimoine du débiteur tout en empêchant la détermination de son insuffisance d'actifs et, en conséquence, la clôture de la procédure collective ; qu'en refusant d'ordonner la mainlevée des saisies pratiquées tout en s'abstenant de prononcer une peine complémentaire de confiscation, la cour d'appel a maintenu artificiellement les biens saisis dans le patrimoine de la société [21] sans terme, empêchant la détermination de l'actif réalisable et rendant impossible la clôture de la liquidation judiciaire ouverte à l'endroit de cette dernière, en violation de l'article 706-141 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 622-21 et L. 643-9 du code de commerce. » Réponse de la Cour 73. La demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel n'a pas répondu au moyen tiré des conséquences de l'ouverture d'une procédure collective à son encontre, dès lors que la mise en liquidation judiciaire, qui ne s'oppose ni au prononcé d'une peine de confiscation, ni à une mesure préalable de saisie destinée à en garantir l'exécution (Crim., 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-85.820, Bull.), n'est pour ce motif pas propre à imposer la mainlevée d'une telle mesure. 74. Par ailleurs la non-restitution d'un bien saisi ne revient pas à le maintenir sous main de justice sans limitation de durée, dès lors qu'il résulte du troisième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale que les biens non restitués deviennent la propriété de l'Etat, sous réserve des droits des tiers, dans les conditions de ce texte. 75. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième, sixième, septième et huitième branches, proposé pour les sociétés [22], [5], [25], [42] et [46] Enoncé du moyen 76. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il rejeté la demande des sociétés [22], [41], [25], [5] et [46] en mainlevée de saisies pénales et restitution concernant le bien immobilier situé sur la commune de [Localité 33], les comptes ouverts au nom de la société [22] à l'[45] et à la [39], ceux ouverts au nom de la société [41] à la [37] de [Localité 33], à la [37] de [Localité 29] et à l'[45], celui ouvert au nom de la société [5] à la [39], celui ouvert au nom de la société [25] à [28] et ceux ouverts au nom de la société [46] à la [39], alors : « 2°/ que la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, qui a ajouté au troisième alinéa de l'article 481 du code de procédure pénale que le tribunal correctionnel peut refuser la restitution « lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction » est postérieure aux faits reprochés aux prévenus ; que, partant, à supposer même que l'article 481 alinéa 3 du code de procédure pénale ait été applicable en l'espèce, il ne pouvait l'être que dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 juin 2016 conformément au principe de non-rétroactivité des délits et des peines applicable au refus de restitution au stade du jugement, qui équivaut à une peine de confiscation dès lors qu'il conduit à la perte de la propriété du bien saisi ; que la cour d'appel, qui a refusé la restitution du produit des infractions aux exposantes en se fondant sur l'article 481 alinéa 3 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 3 juin 2016, a violé le principe précité et ainsi méconnu les articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49.1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 112-1 du code pénal ; 4°/ que la bonne foi de la société propriétaire, qui sollicite la restitution, s'apprécie en la personne de son représentant légal à la date de la demande en restitution et ce a fortiori lorsque la société a changé de statut juridique et se trouve en liquidation judiciaire, les anciens dirigeants se trouvant dessaisis de la gestion de ses actifs au profit du liquidateur, qui a pour mission légale de les liquider dans l'intérêt des créanciers ; qu'en l'espèce, l'absence de caractère frauduleux du changement de représentant légal des sociétés exposantes résultait du fait que les liquidateurs judiciaires (curateurs de justice) avaient été désignés par une autorité judiciaire et qu'il n'existait aucun soupçon de collusion entre eux et [C] [D] ou ses ayants droit ; qu'en outre, la liquidation judiciaire n'avait pas seulement eu pour effet de changer les représentants légaux des sociétés exposantes mais plus radicalement de changer leur statut juridique et de donner mandat aux liquidateurs de vendre leurs actifs dans l'intérêt de leurs créanciers, à savoir les sociétés [13] et [13], qui étaient également des tiers de bonne foi et même les victimes des infractions commises ; qu'en refusant d'apprécier la bonne foi des sociétés exposantes à l'aune de leur changement de statut juridique et de celle de leurs actuels liquidateurs judiciaires ainsi que de la mission légale de ceux-ci, qui est d'agir dans l'intérêt des créanciers, la cour d'appel a violé les articles 481 et 484 du code de procédure pénale, ensemble l'article 131-21 du code pénal ; 6°/ que la bonne foi d'une personne morale s'apprécie au regard de la bonne ou mauvaise foi de ses dirigeants ; que si à la date du remploi des fonds provenant du protocole d'exécution des sentences arbitrales le capital des sociétés exposantes était détenu directement ou indirectement par [C] [D], il est constant que ce dernier était en liquidation judiciaire et que les fonds avaient été versés aux liquidateurs judiciaires des époux [D] et du Groupe [D] (par le [13] et le [13]) (arrêt p. 193 § 9 et p. 208 § 5), ce dont il résultait que la bonne foi des sociétés exposantes devait s'apprécier au regard de la bonne ou mauvaise foi des liquidateurs judiciaires des époux [D] et du Groupe [D], c'est-à-dire de la Selafa [30] et de société [17] (arrêt p. 215 § 5), et non pas au regard de celle de [C] [D] ; qu'en retenant la mauvaise foi des exposantes, pour rejeter leur demande en restitution, sans vérifier ni constater que la Selafa [30] et la société [17] auraient été de mauvaise foi lorsque les fonds ont été remployés au bénéfice des exposantes, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 481 et 484 du code de procédure pénale, et de l'article 131-21 du code pénal ; 7°/ que le refus de restitution d'un bien saisi constituant le produit direct ou indirect de l'infraction est une simple faculté pour la juridiction saisie ; qu'en rejetant la demande de restitution formée par les exposantes aux motifs que les biens saisis constituaient le produit indirect des infractions d'escroquerie et de complicité de détournement de fonds publics et que les exposantes n'étaient pas de bonne foi au moment de la commission des faits, sans répondre aux conclusions par lesquelles elles faisaient valoir que, compte tenu des particularités de l'espèce, il était inopportun de rejeter leur demande de restitution dès lors, d'une part, que les exposantes, dont les intérêts ne se confondaient plus aujourd'hui avec ceux de [C] [D] ou de ses ayants droit, sollicitaient la restitution des biens afin de désintéresser les créanciers dans le cadre de leur liquidation, dont principalement le [13] et le [13], parties civiles dans le cadre de l'instance, sans qu'aucune somme ne puisse revenir à l'avenir aux ayants droits de [C] [D] et, d'autre part, que la restitution des biens aux exposantes aurait le même effet que leur confiscation – à savoir servir à l'indemnisation du [13] et du [13] – à ceci près que les diligences seraient effectuées par le liquidateur et les curateurs plutôt que l'AGRASC, ce qui serait plus rapide pour les parties civiles et moins coûteux pour l'Etat, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants et ainsi violé l'article 593 du code de procédure pénale ; 8°/ que le tiers, y compris celui de mauvaise foi, n'est pas assimilable à un condamné et doit bénéficier du plus haut standard de protection, notamment de l'application en tout état de cause du contrôle de proportionnalité de toute atteinte portée à son droit de propriété ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisaient valoir les exposantes (conclusions p. 18-20), le refus de leur restituer les biens saisis dont elles sont propriétaires prive d'indemnisation leurs créanciers, dont les sociétés [13] et [13], également privés de leur indemnisation en tant que parties civiles dès lors que l'article 706-164 du code de procédure pénale, qui permet l'indemnisation des parties civiles sur les fonds confisqués, ne s'applique pas en cas de refus de restitution, ce qui ne peut se trouver justifié ici par l'objectif d'éviter l'enrichissement du condamné en cas de restitution, les ayants droit de [C] [D] n'ayant aucune chance de percevoir des sommes après que les sociétés [13] et [13] aient été désintéressées dans le cadre de la liquidation judiciaire des sociétés exposantes ; qu'ainsi, à supposer même que les exposantes soient considérées comme des tiers de mauvaise foi et quand bien même les biens dont elles sollicitaient la restitution étaient le produit d'infractions, la cour d'appel aurait dû vérifier, comme elle y était invitée, si le refus de restitution qu'elle leur opposait n'était pas disproportionné ; qu'en ne le faisant pas, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 77. Pour rejeter, en application de l'article 481 du code de procédure pénale, la demande de restitution de biens placés sous main de justice présentée par les sociétés [22], [5], [25], [41] et [46], l'arrêt relève que ces biens constituent le produit des infractions connexes d'escroquerie et de complicité de détournement de biens publics par un particulier, par suite du réemploi par [C] [D] et la société [26], à partir de 2009, de la somme de 305 495 780,97 euros versée aux liquidateurs en exécution de la sentence arbitrale litigieuse, à laquelle doit être ajoutée la créance abandonnée par la [34] sur la liquidation [D] pour un montant de 87 127 301,57 euros, le produit total s'élevant ainsi à la somme de 392 623 082,54 euros. 78. Les juges ajoutent que, si la restitution du produit de l'infraction ne peut être refusée à un requérant de bonne foi, les sociétés requérantes ne sont pas en l'espèce de bonne foi. 79. Ils précisent que la bonne foi du tiers propriétaire apparent ou réel de la société doit s'apprécier au moment de la commission des faits, puisque la rechercher chez ses nouveaux dirigeants ou liquidateurs au moment de la demande de restitution aurait notamment pour conséquence de rendre impossible tout refus de restitution, y compris du produit infractionnel, en cas de changement de représentant de la personne morale. 80. Ils énoncent encore que l'absence de bonne foi renvoie ainsi à la connaissance qu'avaient la société [22], détenue à 100 % par [C] [D], et ses filiales et sous-filiales détenues elles-même à 100 %, de l'utilisation des fonds et de leur origine illicite, les intérêts de [C] [D] se confondant avec ceux de l'ensemble de ces sociétés qui ne pouvaient ignorer, dans les circonstances de la cause, la provenance frauduleuse de leurs biens. 81. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 82. En effet, d'une part, si les décisions de non-restitution du produit de l'infraction ont pour effet, comme la peine complémentaire de confiscation de celui-ci, de transférer à l'Etat la propriété des biens sur lesquels ces mesures portent, la non-restitution ne constitue pas pour autant une peine, comme ayant pour seul objet de lutter contre toute forme d'enrichissement illicite (Cons. const., 3 décembre 2021, décision n° 2021-951, QPC), de sorte que les dispositions de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ayant modifié les dispositions de l'article 481 du code de procédure pénale en prévoyant que le tribunal peut refuser la restitution lorsque le bien saisi est le produit direct ou indirect de l'infraction, s'analysent en une loi de procédure s'appliquant aux faits commis avant son entrée en vigueur. 83. D'autre part, en matière de restitution, la bonne foi du requérant doit être appréciée à la date où ce dernier a acquis ses droits sur les biens objet de sa requête, et non à la date de celle-ci, de sorte que le moyen tiré du placement en liquidation judiciaire des requérantes dans l'ordre juridique belge est inopérant, celui-ci étant intervenu postérieurement au transfert de la propriété des fonds litigieux. 84. La circonstance que [C] [D] avait déjà été placé en liquidation judiciaire à la date où la société [22] et ses filiales se sont vues transférer la propriété du produit de l'infraction est sans emport, dès lors que le jugement de liquidation judiciaire d'une personne physique emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, notamment des parts dans le capital de sociétés, mais ne le dessaisit pas de ses fonctions de représentant légal de celles-ci (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 97-22.086, Bull. 2001, IV, n° 189), de sorte que la cour d'appel était fondée à apprécier la bonne foi de ces sociétés en la personne de [C] [D], lequel, d'une part était organe et représentant de ces personnes morales, l'une ou l'autre de ces qualités justifiant une telle appréciation, d'autre part, avait accepté la possession des fonds litigieux pour le compte de celles-ci. 85. Enfin, la restitution d'un bien saisi constituant le produit direct ou indirect de l'infraction constitue une faculté pour la juridiction saisie, de sorte que la décision qui la refuse n'a pas lieu d'être motivée. 86. Par ailleurs, le moyen pris du caractère disproportionné de l'atteinte portée au droit de propriété par ce refus est inopérant. 87. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour les sociétés [13] et [13] Enoncé du moyen 88. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a, d'une part, rejeté leur demande de restitution du contrat de capitalisation souscrit par la société [21] auprès de [40] et des sommes figurant au crédit des comptes bancaires saisis de [C] [D] et de ses sociétés, à savoir du compte ouvert à la [37] succursale de [Localité 33] au nom de la société [43], de celui ouvert par la société [20] dans les livres de la [28] à [Localité 27], du compte à vue au nom de la société [43] et ouvert auprès de la [38], des comptes ouverts auprès d'[45] et dont sont titulaires M. [D] et plusieurs de ses sociétés (compte ouvert le 25 novembre 2011 au nom de la société [43], deux comptes ouverts le même jour au nom de la société [26] SNC, le compte ouvert le 9 février 2012 au nom de la société [23]) et des comptes ouverts auprès de la [39] (au nom de [24], de [23], de [C] [D], d'Aircraft management services, de [46] et de [44]) et a, d'autre part, rejeté toutes les autres demandes de mainlevée des saisies pénales et de restitution formées respectivement par la SNC [26], représentée par son liquidateur judiciaire, Maître [J], et par les sociétés [22], [41], [25], [5] et [46], représentées par leur administrateur, alors : « 3°/ que la saisie par le magistrat instructeur de biens qui sont les produits directs et indirects d'une infraction contre les biens est une mesure de caractères provisoire et conservatoire destinée à préserver l'efficacité d'une peine ultérieure de confiscation et, le cas échéant, à permettre à la partie civile, victime de l'infraction, d'exercer la faculté que lui octroie l'article 706-164 du code de procédure pénale d'obtenir de l'AGRASC un paiement prioritaire des dommages et intérêts par prélèvement sur les sommes et valeurs liquidatives des biens saisis ; que la juridiction de jugement qui constate l'existence d'un délit d'escroquerie et prononce au bénéfice de la victime une condamnation à dommages-intérêts, mais ne prononce pas de peine de confiscation des produits directs et indirects de cette infraction, compte tenu du décès, survenu en cours d'instance, de l'un des prévenus, est tenue de se prononcer sur le dénouement des saisies ordonnées lors de l'instruction préparatoire d'une manière telle que les biens saisis soient restitués à la partie civile si celle-ci peut faire valoir un droit sur ces biens ou, à défaut, restitués à leur propriétaire, de telle sorte que la partie civile et les autres créanciers soient en mesure d'appréhender ces biens par des voies d'exécution individuelles ou collectives ; qu'en l'espèce, les sociétés [13] et [13] formaient une demande de restitution des actifs placés sous main de justice, tantôt à titre principal, tantôt à titre subsidiaire pour le cas où les demandes des mandataires judiciaires des sociétés du groupe [D] tendant à en obtenir, dans l'intérêt des créanciers, la restitution ne seraient pas accueillies ; que, tout en constatant que ces actifs constituaient des produits directs ou indirects des infractions connexes d'escroquerie et de détournement de biens publics dont elle a caractérisé l'existence, la cour d'appel n'en a pas prononcé la confiscation, compte tenu du décès de [C] [D], titulaire direct ou indirect de ces actifs ; qu'en refusant de faire droit à la fois aux demandes de restitution formées par les sociétés [13] et [13] et aux demandes de restitution formées par les liquidateurs judiciaires des diverses sociétés du groupe [D], la cour d'appel qui a, par-là placé les sociétés [13] en situation de ne pouvoir, ni procéder à des voies d'exécution sur les produits de l'infraction commise à son détriment, ni faire utilement valoir ses droits dans les procédures collectives de [C] [D] et des sociétés de son groupe, a méconnu les droits des parties civiles, en particulier leur droit de propriété et leur droit à l'exécution de la décision de justice rendue en leur faveur, et a ainsi violé l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 6 §1 de cette convention. » Réponse de la Cour 89. Les sociétés [13] et [13] ne sauraient se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué a rejeté leur demande de restitution du produit des infractions commises à leur préjudice, ainsi que les demandes de restitution des liquidateurs des sociétés du groupe [D], ce dont elles déduisent que la cour d'appel les aurait ainsi placées en situation de ne pouvoir, ni procéder à des voies d'exécution sur les produits de l'infraction commise à leur détriment, ni faire utilement valoir leurs droits dans la liquidation judiciaire de [C] [D] et des sociétés de son groupe, pour les motifs qui suivent. 90. Les demanderesses sont fondées à obtenir de l'AGRASC, dans les conditions de l'article 706-164 du code de procédure pénale, que les dommages-intérêts et les frais leur soient payés par prélèvement sur les fonds ou sur la valeur liquidative des biens dont la non-restitution a été prononcée par décision définitive, à compter du transfert de la propriété des biens à l'Etat en application du troisième alinéa de l'article 41-4 du même code. 91. En effet, l'article 481 de ce code doit être interprété à la lumière de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, dont l'article 4, § 2, dispose que, lorsqu'il n'est pas possible de procéder à la confiscation à la suite d'une condamnation définitive, au moins lorsque cette impossibilité résulte d'une maladie ou de la fuite du suspect ou de la personne poursuivie, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation des instruments ou produits dans le cas où une procédure pénale a été engagée concernant une infraction qui est susceptible de donner lieu, directement ou indirectement, à un avantage économique et où ladite procédure aurait été susceptible de déboucher sur une condamnation pénale si le suspect ou la personne poursuivie avait été en mesure de comparaître en justice. 92. Ces dispositions ont été transposées par l'article 84 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 qui a modifié l'article 481 du code de procédure pénale en prévoyant que le tribunal correctionnel peut refuser la restitution d'un bien saisi lorsqu'il est le produit direct ou indirect de l'infraction. 93. Il s'en déduit que, si la non-restitution de l'instrument et du produit de l'infraction ne constitue pas une peine, dès lors que le seul objet de cette mesure est de prévenir le renouvellement d'infractions et de lutter contre toute forme d'enrichissement illicite, dans l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public, la décision de non-restitution de l'instrument et du produit prononcée par la juridiction de jugement constitue néanmoins une alternative à la confiscation, lorsque le prononcé de celle-ci est impossible en raison, comme en l'espèce, d'une circonstance personnelle à la personne poursuivie, et en partage les effets comme emportant la dévolution du bien non restitué à l'Etat en application du troisième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale. 94. En conséquence, pour l'application de l'article 706-164 du code de procédure pénale, la non-restitution de l'instrument et du produit direct ou indirect de l'infraction produit les mêmes effets que la confiscation lorsque la non-restitution a été décidée par la juridiction de jugement en application de l'article 481 du code de procédure pénale, après la caractérisation par les juges des éléments constitutifs de l'infraction et de l'impossibilité d'entrer en voie de condamnation en raison d'une circonstance propre à la personne de l'auteur, telle que le décès, de nature à rendre impossible la déclaration de culpabilité et le prononcé de la confiscation. 95. Dès lors, le moyen, qui soutient à tort que les dispositions de l'article 706-164 du code de procédure pénale ne pourraient être mises en oeuvre, doit être écarté. Mais sur le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour M. [A], et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [E] Enoncé des moyens 96. Le quatrième moyen proposé pour M. [A] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de biens contenus dans un dépôt public commis par un particulier, alors : « 3°/ que la complicité punissable suppose une aide et assistance apportée sciemment à l'auteur principal du délit de détournement de biens dans un dépôt public, ce qui suppose, en l'espèce, la connaissance du caractère frauduleux de la sentence arbitrale en exécution de laquelle la remise des fonds est intervenue ; que dès lors que l'arrêt retient que M. [A], relaxé de ce chef, n'a pas participé à l'escroquerie à la sentence arbitrale et qu'il n'apparait pas qu'il savait que l'arbitrage était frauduleux, la cour d'appel ne pouvait retenir, faute de l'élément intentionnel requis, sa complicité du chef de détournement de biens contenus dans un dépôt public ; que la cour d'appel a violé les articles 121-6, 121-7 et 433-4 du code pénal ; 4°/ qu'en retenant que l'intention coupable de M. [A] a consisté à favoriser clandestinement la partie adverse du [13] au détriment des intérêts de ce dernier, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles 121-6, 121-7, 433-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. » 97. Le troisième moyen proposé pour M. [E] critique l'arrêt en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité de détournement de fonds publics, alors : « 3°/ que le détournement de fonds publics implique la conscience d'utiliser les fonds à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été remis ; que la cour d'appel a jugé qu'« il n'apparaît pas qu'il [M. [E]] savait que l'arbitrage serait frauduleux » ; qu'en estimant cependant que M. [E] a concouru à un détournement des fonds en exécutant la sentence arbitrale conformément à ce que celle-ci prévoyait, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a de nouveau méconnu les dispositions des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 121-7, 433-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 98. Les moyens sont réunis. Vu les articles 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 99. Selon le premier de ces textes, est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. 100. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 101. Pour déclarer les prévenus coupables de complicité de détournement de biens publics commis par un particulier au préjudice des sociétés [13] et [13], l'arrêt relève en substance que les concessions accordées par M. [A] à [C] [D] dissimulées au conseil d'administration de la société [13], au président et au conseil d'administration de l'EPFR et à l'Agence des participations de l'Etat, de par leur nombre et leur importance, ne peuvent être mises sur le compte d'une simple négligence, mais ne peuvent que résulter d'un choix délibéré et orienté de gestion personnelle du contentieux qui s'écartait de la défense des intérêts de la société [13] et des finances publiques pour venir favoriser la partie adverse. 102. Les juges ajoutent que les actes de M. [E] ne peuvent être considérés comme de la simple négligence, du fait de leur caractère délibéré, répété et déterminant pour la poursuite du processus délictuel, mais ne peuvent que résulter de l'intention d'agir, à propos du contentieux litigieux, à l'encontre des intérêts qu'il aurait dû défendre, pour favoriser la partie adverse. Ils précisent qu'en agissant clandestinement, à l'insu parfois de la ministre dont il était pourtant le directeur de cabinet, le prévenu a démontré la parfaite conscience qu'il avait du caractère anormal de ses actes. 103. Ils énoncent encore qu'en contribuant de manière décisive au renoncement de la société [13] à l'exercice d'un recours contre la sentence arbitrale, au mépris des intérêts de cette société et des finances publiques qu'ils étaient chargés de défendre, MM. [A] et [E] ont délibérément apporté leur aide à la partie adverse qui a pu ainsi recevoir une somme d'environ 403 millions d'euros en exécution d'un arbitrage frauduleux, ce versement consommant l'infraction de détournement de biens publics par un particulier. 104. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui a par ailleurs, pour relaxer les prévenus du délit de complicité d'escroquerie à la sentence arbitrale, retenu qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère frauduleux de l'arbitrage, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et n'a ainsi pas justifié sa décision. 105. La cassation est par conséquent encourue. Et sur le huitième moyen proposé pour M. [Y] Enoncé du moyen 106. Le huitième moyen critique l'arrêt en ce qu'il a interdit à M. [Y] l'exercice de la profession d'avocat ou de conseil juridique pendant une durée de cinq ans, alors : « 1°/ qu'en condamnant M. [Y] à cinq ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat ou de conseil juridique lorsque, dans les motifs de sa décision, il est énoncé qu'il y a lieu de condamner l'intéressé à l'interdiction d'exercer la profession d'avocat seulement, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-27, 131-28, 313-7, 433-22 du code pénal et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que la profession de conseil juridique n'existe plus depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 dont l'article 1er a modifié l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; que, dès lors, en interdisant l'exercice de cette profession à M. [Y] pour une durée de cinq ans, la cour d'appel a violé ces textes, ensemble les articles 131-27, 131-28, 313-7, 433-22 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 107. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 108. Après avoir énoncé dans ses motifs qu'il est indispensable de prononcer à l'encontre de M. [Y] l'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant une durée de cinq ans, l'arrêt le condamne, dans son dispositif, à cinq d'ans d'interdiction d'exercice de la profession d'avocat ou de conseil juridique. 109. En se déterminant ainsi, par des motifs en contradiction avec le dispositif de la décision, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 110. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. Et sur les douzième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Y], douzième moyen, pris en sa première branche, seizième moyen, proposés pour M. [V], et deuxième moyen proposé pour les sociétés [30] et [8] Enoncé des moyens 111. Le douzième moyen proposé pour M. [Y] critique l'arrêt en ce qu'il l'a condamné solidairement avec M. [V] à verser la somme de 301 124 236,27 euros à la société [13] et la somme de 91 498 846,27 euros à la société [13] à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel et l'a condamné solidairement avec M. [V] à verser à ces deux sociétés la somme de 45 000 euros de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, alors : « 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en condamnant solidairement M. [Y] et M. [V], à verser aux sociétés [13] et [13] la somme totale de 392 623 082,54 euros en réparation de leur préjudice matériel, correspondant à « toutes les sommes versées du fait de la sentence arbitrale frauduleuse » (arrêt, p. 218), quand elle constatait que, par un arrêt définitif du 3 décembre 2015, la cour d'appel de Paris avait annulé la sentence arbitrale (arrêt, p. 218) et condamné solidairement les sociétés [19], [21], les mandataires liquidateurs des époux [D] et des sociétés [6] et [10] à restituer au [13] et au [13] la somme de 404 623 082,04 euros que ceux-ci leur avait versée en exécution de la sentence arbitrale litigieuse, outre les intérêts à taux légal et la capitalisation (arrêt, p. 109), la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. » 112. Le douzième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt en ce qu'il l'a condamné solidairement à verser à la société [13] la somme de 301 124 236,27 euros et à la société [13] la somme de 91 498 846,27 euros de dommages-intérêts au titre de leur préjudice matériel, alors : « 1°/ que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et que cette réparation doit avoir lieu sans perte ni profit ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que par arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015, les sociétés [13] et [13] ont obtenu la restitution des sommes versées en exécution de la sentence arbitrale annulée ; que pour condamner solidairement M. [N] [V] à verser à la société [13] la somme de 301 124 236,27 euros et à la société [13] la somme de 91 498 846,27 euros de dommages-intérêts au titre de leur préjudice matériel, la cour d'appel a énoncé que « le fait que les parties civiles disposent déjà d'un titre exécutoire à l'encontre d'un débiteur ne les empêche pas de demander réparation de leur préjudice à un autre débiteur, ou bien au même débiteur mais pour une cause différente de celle retenue par la juridiction civile » (arrêt attaqué, p. 218-219) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale. » 113. Le seizième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt en ce qu'il l'a condamné solidairement à verser à la société [13] la somme de 301 124 236,27 euros et à la société [13] la somme de 91 498 846,27 euros de dommages-intérêts au titre de leur préjudice matériel, alors « que les sociétés [13] et [13] demandaient à la cour d'appel la condamnation « en deniers ou quittance » de M. [V], tenant compte de la condamnation prononcée par la juridiction civile le 3 décembre 2015 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les limites du litige en violation de l'article 2 du code de procédure pénale. » 114. Le deuxième moyen proposé pour les sociétés [30] et [8] critique l'arrêt en ce qu'il les a condamnées ès qualités à verser la somme de 301 124 236,27 euros à la société [13] et la somme de 91 498 846,23 euros à la société [13] en réparation de leur préjudice matériel, in solidum avec MM. [V] et [Y], alors : « 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en indemnisant le préjudice subi par les sociétés [13] et [13] créances quand celles-ci avaient déjà été indemnisées de leur préjudice par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé en violation des articles 593 du code de procédure pénale et 1240 du code civil ; 2°/ que les sociétés [13] et [13] demandaient à la cour d'appel la condamnation « en deniers ou quittance » des sociétés [8] et [30] ès qualités, tenant compte de la condamnation prononcée par la juridiction civile le 3 décembre 2015 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les limites du litige en violation de l'article 2 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 115. Les moyens sont réunis. Vu les articles 1382 devenu 1240 du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale : 116. Il résulte de ces textes que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties. 117. Les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions des parties. 118. Pour condamner solidairement MM. [Y] et [V], in solidum avec les sociétés [30] et [8], à verser 301 124 236,27 euros à la société [13] et 91 498 846,27 euros à la société [13], en réparation de leur préjudice matériel, l'arrêt retient notamment que, par arrêt en date du 3 décembre 2015, la cour d'appel de Paris, statuant au fond sur le contentieux qui était soumis aux arbitres aux termes du compromis, a rejeté toutes les demandes formulées à l'encontre des sociétés [13] et [13], et condamné solidairement les sociétés [19], [21], les mandataires liquidateurs de [C] [D] et des sociétés [2] et [10], et Mme [D] à restituer aux sociétés [13] et [13] la somme de 404 623 082,04 euros avec intérêts au taux légal depuis le jour du paiement en exécution de la sentence et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil. 119. Les juges relèvent cependant que le fait que les parties civiles disposent déjà d'un titre exécutoire à l'encontre d'un débiteur ne les empêche pas de demander réparation de leur préjudice à un autre débiteur, ou bien au même débiteur mais pour une cause différente de celle retenue par la juridiction civile. 120. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas prononcé la condamnation en deniers ou quittances dans les limites de la demande dont elle était saisie, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 121. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. Et sur les treizième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Y], quatorzième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [V], septième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [A] et septième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [E] Enoncé des moyens 122. Le treizième moyen proposé pour M. [Y] critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'agent judiciaire de l'Etat, alors : « 1°/ que l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie, c'est-à-dire dans les faits visés à la prévention ; que, dès lors, en déclarant recevable la constitution de partie civile de l'Agent judiciaire de l'Etat venant aux droits de l'EPFR, après avoir retenu que l'Etat était une victime « par ricochet » des délits d'escroquerie et de complicité de détournement d'un bien public poursuivis « du fait de la garantie des fonds du [13] et de [13] par l'EPFR » (arrêt, p. 214), la cour d'appel a violé l'article 2 du code de procédure pénale. » 123. Le quatorzième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt en ce qu'il l'a condamné in solidum à verser 100 000 euros en réparation du préjudice moral de l'Etat, alors : « 2°/ que l'action civile devant les juridictions répressives, qui n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement et directement souffert des faits, objet de l'infraction poursuivie ; qu'en énonçant que l'« Etat a donc bien été victime directe, par ricochet, du fait de la garantie des fonds du [13] et de [13] par l'EPFR » (arrêt attaqué, p. 214) du délit d'escroquerie commis par M. [N] [V], la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. » 124. Le septième moyen proposé pour M. [A] critique l'arrêt en ce qu'il déclaré recevable la constitution de partie civile de l'agent judiciaire de l'Etat et l'a condamné solidairement avec MM. [V], [Y] et [E] à lui verser la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral de l'Etat, alors : « 1°/ que l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de l'agent judiciaire de l'Etat venant aux droits de l'EPFR, après avoir retenu que l'Etat était une victime « par ricochet » des délits d'escroquerie et de complicité de détournement d'un bien public poursuivi « du fait de la garantie des fonds du [13] et de [13] par l'EPFR » (arrêt p. 124), la Cour d'appel a violé les articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 125. Le septième moyen proposé pour M. [E] critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'agent judiciaire de l'Etat et a condamné M. [E], solidairement avec MM. [V], [Y] et [A], à verser à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 100 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral de l'Etat, alors : « 1°/ que l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie, c'est-à-dire dans les faits visés à la prévention ; que, dès lors, en déclarant recevable la constitution de partie civile de l'Agent judiciaire de l'Etat venant aux droits de l'EPFR, après avoir retenu que l'Etat était une victime « par ricochet » des délits d'escroquerie et de complicité de détournement d'un bien public poursuivis « du fait de la garantie des fonds du [13] et de [13] par l'EPFR » (arrêt, p. 214), la cour d'appel a méconnu les articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 126. Les moyens sont réunis. Vu les articles 2 et 593 du code de procédure pénale : 127. Selon le premier de ces textes, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. 128. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 129. Pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'agent judiciaire de l'Etat, l'arrêt retient que ce dernier, agissant au nom de l'Etat, vient aux droits de l'EPFR à la suite de la dissolution de celui-ci le 1er janvier 2015, les éléments de passif et d'actif ainsi que les biens, droits et obligations de son activité, tels que les créances liées aux garanties consenties par l'EPFR aux sociétés [13] et [13], ayant été transférés à l'Etat. 130. Les juges ajoutent que l'EPFR ayant participé au versement des sommes obtenues par les mandataires liquidateurs du groupe et des époux [D] en exécution de l'arbitrage, comme étant chargé du financement de la garantie de la société [13], l'Etat a été victime directe, par ricochet, du fait de la garantie des fonds des sociétés [13] et [13] par l'EPFR, des infractions dont les prévenus ont été déclarés coupables et des fautes civiles commises par [C] [D]. 131. En prononçant ainsi, par des motifs dont il résulte que les préjudices susceptibles d'avoir été subis par l'Etat n'avaient pas pour cause directe les infractions poursuivies, mais étaient la conséquence de la garantie des dettes des sociétés [13] et [13] par l'EPFR, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 132. La cassation est par conséquent à nouveau encourue. Portée et conséquence de la cassation 133. La cassation sur le huitième moyen proposé pour M. [Y] aura lieu sans renvoi et par voie de retranchement. 134. La cassation sur les douzième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Y], douzième moyen, pris en sa première branche, et seizième moyen, proposés pour M. [V], et deuxième moyen proposé pour les sociétés [30] et [8] aura également lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 135. Le renvoi ne concernera que l'action publique et l'action civile relatives à MM. [A] et [E], ainsi que l'action civile relative à l'agent judiciaire de l'Etat. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le treizième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [Y], le quatorzième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [V], le septième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [A], et le septième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [E], relatifs à l'étendue du droit à réparation de l'Etat, la Cour : Sur le pourvoi formé par la société [7] : CONSTATE la déchéance du pourvoi ; Sur les pourvois formés par MM. [N] [V], [H] [Y], [R] [E], [G] [A], et les sociétés [13], [13], [26], [30], [8], [22], [5], [25], [41] et [46] : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 24 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'action publique et à l'action civile concernant MM. [E] et [A], relatives aux intérêts civils concernant l'Etat, relatives à la peine de cinq ans d'interdiction professionnelle prononcée à l'encontre de M. [Y], mais seulement en ce que l'arrêt a interdit à ce prévenu d'exercer la profession de conseil juridique, et relatives à la condamnation solidaire de MM. [Y] et [V], in solidum avec les sociétés [30] et [8], à réparer le préjudice matériel des sociétés [13] et [13], mais seulement en ce que la cour d'appel s'est abstenue de prononcer cette condamnation en deniers ou quittances, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT que la condamnation de MM. [Y] et [V], et des sociétés [30] et [8], à réparer le préjudice matériel des sociétés [13] et [13], telle qu'énoncée par l'arrêt susvisé, interviendra en deniers ou quittances ; DIT que l'interdiction professionnelle d'une durée de cinq ans prononcée par l'arrêt susvisé, a pour seul objet la profession d'avocat ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites du surplus de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois. N2>Sur la remise préalable des biens détournés, à rapprocher :Crim., 19 octobre 1993, pourvoi n° 93-83.225, Bull. crim. 1993, n° 297 (rejet).N7>Sur l'application immédiate des dispositions du troisième alinéa de l'article 481 du code de procédure pénale, à rapprocher :Crim., 28 février 2018, pourvoi n° 17-81.577, Bull. crim. 2018, n° 41 (rejet).N9>Sur l'appréciation de la bonne foi de la personne morale en la personne de l'organe ou du représentant, à rapprocher :Crim., 15 janvier 2014, pourvoi n° 13-81.874, Bull. crim. 2014, n° 12 (rejet) ;Crim., 10 mars 2021, pourvoi n° 20-84.117, Bull. crim. (rejet).N10>Sur la motivation de la décision de refus de restitution, à rapprocher :Crim., 20 janvier 2021, pourvoi n° 20-81.118, Bull. crim. (rejet).N11>Sur l'application de l'article 706-164, à rapprocher :Crim., 19 avril 2017, pourvoi n° 16-80.718, Bull. crim. 2017, n° 108 (cassation).N12 >Sur l'élément moral de la complicité par aide ou assistance, à rapprocher :Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 19-87.367, Bull. crim. (cassation).N13 >Sur le préjudice direct en matière d'escroquerie, à rapprocher :Crim., 27 juin 1963, pourvoi n° 62-91.086, Bull. crim. 1963 n° 238 (cassation) ; Crim., 2 mai 1983, pourvoi n° 81-94.911, Bull. crim. 1983, n° 122 (rejet) ;Crim., 4 novembre 1969, pourvoi n° 68-91.999, Bull. crim. 1969, n° 280 (rejet).
CASS/JURITEXT000047454860.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 13 avril 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 287 FS-B Pourvoi n° E 20-22.095 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2023 La société Rugoway, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-22.095 contre le jugement rendu en référé le 3 novembre 2020 par le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France, dans le litige l'opposant à la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes (SAGPC), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société Rugoway, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Poillot-Peruzzetto, M. Calloch, conseillers, Mmes Comte, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué, rendu en référé (Fort-de-France, 3 novembre 2020) et les productions, la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes (SAGPC) a procédé à un appel à concurrence pour l'attribution d'un marché à bon de commandes portant sur la réalisation de travaux de signalisation horizontale et verticale sur les chaussées de l'aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes. 2. Après avoir appris que ses offres pour les deux lots du marché n'avaient pas été retenues, la société Rugoway a assigné comme en matière de référé devant le président d'un tribunal judiciaire la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes sur le fondement de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, en demandant, notamment, l'annulation de la décision de rejet de son offre et qu'il lui soit enjoint de reprendre la procédure afférente au marché au stade de l'analyse des offres. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Rugoway fait grief au jugement de rejeter ses prétentions, alors « que manque à ses obligations de publicité et de mise en concurrence le pouvoir adjudicateur qui attribue le marché à un candidat dont l'offre ne remplissait pas les conditions de recevabilité posées par le règlement de la consultation ; qu'en ne recherchant pas, comme il y était pourtant invité, si la société attributaire avait produit, à l'appui de son offre, d'une part, les éléments justifiant de sa capacité économique et financière et, d'autre part, les éléments, tels ses références professionnelles, justifiant de sa capacité technique, le juge du tribunal judiciaire n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3 du code de la commande publique et l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 : 4. Aux termes du premier de ces textes, les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. 5. Aux termes du second, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire. 6. Le principe d'égalité de traitement des candidats implique que le pouvoir adjudicateur ne puisse, sans commettre une erreur d'appréciation, attribuer le marché à un candidat dont l'offre ne respecte pas les exigences et conditions du cahier des charges ou du règlement de consultation. 7. Pour rejeter les demandes de la société Rugoway, le jugement relève que, s'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation, cette société n'est pas en mesure de démontrer quels sont les éléments chiffrés avancés par la société concurrente. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si la société attributaire avait produit, à l'appui de son offre, les éléments justifiant de sa capacité économique et financière, le président du tribunal judiciaire n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 3 novembre 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ; Condamne la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes et la condamne à payer à la société Rugoway la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047636299.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er juin 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 407 F-B Pourvoi n° H 21-22.446 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023 1°/ la société Larzul, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ la société Vectora, dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° H 21-22.446 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Groupe française de gastronomie, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Angers, domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Larzul et de la société Vectora, de la SCP Spinosi, avocat de la société Groupe française de gastronomie, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 9 septembre 2020, n° 19-15.422, publié au Bulletin), par un acte du 14 décembre 2004, la société UGMA, filiale de la société Groupe française de gastronomie (la société FDG), qui était son associée unique, a conclu avec la société Larzul un traité d'apport à cette dernière de son fonds de commerce. Par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora, associée unique de la société Larzul, a approuvé cette opération d'apport et l'augmentation de capital subséquente. 2. Par un acte du 20 septembre 2005, la société FDG a décidé la dissolution de la société UGMA. 3. Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004. 4. Le 3 avril 2012, la société Larzul a obtenu du greffier d'un tribunal de commerce que des modifications soient apportées à son inscription au registre du commerce et des sociétés en y mentionnant l'arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de modifications « suite à cette décision ». 5. La société FDG a, par voie de requête, demandé au juge commis à la surveillance de ce registre d'enjoindre au greffier de procéder à l'annulation de ces modifications et de rétablir l'état antérieur de ces inscriptions. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l'arrêt d'enjoindre au greffe du tribunal de commerce de procéder à l'annulation des modifications inscrites à l'extrait Kbis de la société Larzul le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l'état antérieur à ces modifications, et d'enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, alors « que ni le greffier ni le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n'ont le pouvoir de porter une appréciation sur la validité ou l'efficacité des actes et pièces déposés en vue de l'inscription d'une mention au registre du commerce et des sociétés ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les inscriptions portées au registre du commerce et des sociétés le 3 avril 2012 relatives à la forme sociale de la société Larzul et à la réduction de son capital étaient justifiées par une délibération du 24 mars 2012, par laquelle la société Vectora, en qualité d'associé unique de la société Larzul, avait décidé, en conséquence de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, de constater que la société Larzul était une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 3 300 000 euros, et de modifier ses statuts pour adopter à nouveaux ceux en vigueur antérieurement ; que, pour ordonner l'annulation de ces inscriptions, à la demande de la société FDG, qui prétendait qu'elle n'avait pas perdu la qualité d'associé et qu'ainsi la société Larzul ne disposait pas d'un associé unique, la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que l'arrêt du 24 janvier 2012 ne statue pas sur les conséquences des annulations prononcées et qu'un retour à la situation antérieure ne résulte pas expressément de cet arrêt ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a remis en cause le statut de société à associé unique de la société Larzul et la perte de la qualité d'associé de la société FDG, et ainsi la validité de la délibération prise le 24 janvier [lire : mars] 2012, par l'interprétation qu'elle a faite de l'arrêt du 24 janvier 2012, a tranché un débat de fond ne relevant pas de sa compétence et violé l'article L. 123-3 du code de commerce. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article R. 123-95 du code de commerce que le greffier vérifie que les énonciations d'une demande d'inscription au registre du commerce et des sociétés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe et sont compatibles, dans le cas d'une demande de modification ou de radiation, avec l'état du dossier, mais qu'il ne dispose d'aucun pouvoir d'interpréter lesdits actes et pièces justificatives. 8. Il résulte de l'article L. 123-6 du code de commerce que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, compétent pour connaître de toutes contestations entre l'assujetti et le greffier, ne peut, à l'occasion d'une telle contestation, trancher un différend opposant la société assujettie à un tiers, telle la reconnaissance à ce dernier de sa qualité d'associé, qui ressortit au juge compétent sur le fond. 9. Ayant constaté que l'arrêt du 24 janvier 2012 s'était borné à annuler l'apport de fonds de commerce et l'augmentation de capital en résultant, mais qu'il n'en résultait ni l'anéantissement du protocole d'accord du 14 décembre 2004 et de tous les actes qui en sont la suite ni, par voie de conséquence, le retour à la situation antérieure à ce protocole, ce dont il se déduit que les énonciations de la demande de modification de l'inscription de la société Larzul au registre du commerce et des sociétés formée en 2012 n'étaient pas compatibles avec l'état du dossier, la cour d'appel, qui n'a pas tranché le débat de fond concernant la persistance de la qualité d'actionnaire de la société FDG et qui ne pouvait le faire sauf à méconnaître les limites de sa compétence juridictionnelle, a, à bon droit, confirmé l'ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l'annulation des inscriptions modificatives litigieuses, portées le 3 avril 2012 au vu de cet arrêt. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 11. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l'arrêt d'enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt du 24 janvier 2012, alors « que si l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce permet au juge commis à la surveillance du registre d'enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle n'aurait pas fait porter dans les délais ou qui s'avéreraient nécessaires en cas de déclaration inexacte ou incomplète, ni ce texte ni aucune autre disposition légale ne l'autorise à enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d'en adopter de nouveaux ; qu'en enjoignant à la société Larzul de modifier ses statuts, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce : 12. Selon ce texte, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut enjoindre à toute personne immatriculée à ce registre qui ne les aurait pas requises dans les délais prescrits, de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation. 13. L'arrêt confirme la décision du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ayant fait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique. 14. En statuant ainsi, alors que le pouvoir d'injonction conféré au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne peut porter que sur les mentions inscrites sur ce registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 15. Ainsi qu'il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 17. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne disposant pas du pouvoir d'enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d'en adopter de nouveaux, la demande tendant à ce que les statuts de la société Larzul soient mis en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt du 24 janvier 2012, ne peut qu'être déclarée irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, il enjoint à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2014, et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DECLARE irrecevable la demande de la société Groupe française de gastronomie tendant à ce que la société Larzul soit enjointe de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2014 ; Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois. Sur les pouvoirs du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, à rapprocher : Com., 29 novembre 2016, pourvoi n° 15-13.396, Bull. 2016, IV, n° 149 (cassation).