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CASS/JURITEXT000047700742.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 416 FS-B Pourvoi n° U 21-21.330 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023 L'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-21.330 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [V] [F], domicilié [Adresse 2], 2°/ à M. [Z] [F], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. [V] et [Z] [F], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mme Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2021), le 29 octobre 2015, un jugement correctionnel a condamné la société Boulangerie Aurélia (la société) et ses dirigeants, MM. [Z] et [V] [F] (MM. [F]), pour l'infraction de travail dissimulé, reçu l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiale Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) en sa constitution de partie civile, déclaré la société et MM. [F] solidairement responsables du préjudice subi par l'URSSAF et, sur les intérêts civils, renvoyé l'affaire à une audience ultérieure. 2. Le 30 mai 2016, la société a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde. 3. Le 4 avril 2017, un arrêt a confirmé le jugement correctionnel du 29 octobre 2015 et déclaré MM. [F] et la société solidairement responsables du préjudice subi par l'URSSAF entre 2008 et 2010, et M. [Z] [F] et la société solidairement responsables de ce préjudice entre 2006 et 2007. 4. Le 4 septembre 2017, le plan de sauvegarde de la société a été arrêté pour une durée de dix ans. 5. Statuant sur les intérêts civils, un arrêt du 11 février 2019 a condamné M. [Z] [F] à indemniser le préjudice financier subi par l'URSSAF entre 2006 et 2007, condamné solidairement MM. [F] à indemniser le préjudice financier subi entre 2008 et 2010, ainsi que les préjudices matériels et d'atteinte aux finances publiques, et condamné les mêmes au paiement d'indemnités procédurales, en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Cet arrêt a, en outre, fixé les créances de l'URSSAF au passif de la procédure collective de la société débitrice à concurrence des mêmes montants, à ces différents titres. 6. Le 11 avril 2019, l'URSSAF a déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société débitrice pour les montants fixés par l'arrêt du 11 février 2019. 7. L'URSSAF a diligenté une saisie des droits d'associés ou de valeurs mobilières détenus par MM. [F] dans deux sociétés tierces pour le paiement des sommes dues en exécution de l'arrêt du 11 février 2019. 8. MM. [F] ont saisi un juge de l'exécution en mainlevée de ces mesures, en se prévalant de leur qualité de coobligés de la société débitrice, bénéficiaires de la suspension des poursuites édictée à l'article L. 626-11 du code de commerce. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, et sur le moyen relevé d'office, réunis Enoncé des moyens 9. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de cantonner les saisies aux sommes dues sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale et d'en ordonner la mainlevée pour le surplus, alors « que le dirigeant d'une société commerciale, personnellement tenu de réparer le préjudice découlant des infractions dont il a été déclaré coupable, ne saurait invoquer, pour échapper à ses obligations, la procédure collective intéressant la société dont il était dirigeant, dès lors qu'il n'est pas concerné par ladite procédure ; qu'en l'espèce, statuant sur les intérêts civils, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 11 février 2019, a condamné MM. [F], reconnus coupables de travail dissimulé dans le cadre de la gestion de la société Boulangerie Aurélia, à payer des dommages et intérêts à l'URSSAF PACA d'un montant équivalent aux cotisations sociales éludées ; qu'en retenant que le recouvrement de cette créance de dommages et intérêts détenue sur les dirigeants ne pouvait être poursuivi du fait de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société débitrice condamnée également à une telle indemnité, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, 1382, devenu 1240, du code civil et L. 622-7 du code de commerce par fausse application. » Réponse de la Cour 10. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile sur le moyen relevé d'office, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 622-7 et L. 622-21, I, du code de commerce : 11. Il résulte du premier de ces textes que le jugement d'ouverture de la sauvegarde interdit de payer toute créance née antérieurement à ce jugement. 12. Selon le second, le jugement d'ouverture de la sauvegarde interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. 13. Les dispositions de ces textes ne profitant qu'au seul débiteur en procédure collective, les dirigeants sociaux ne peuvent s'en prévaloir. 14. Pour cantonner aux seules condamnations prononcées au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale les saisies diligentées par l'URSSAF sur le fondement de l'arrêt du 11 février 2019, l'arrêt retient, par motifs propres, que l'argumentation de l'URSSAF tend à « faire échec à la suspension des poursuites prévue à l'article L. 622-7 du code de commerce » en l'état de la procédure de sauvegarde dont fait l'objet la société débitrice et que, s'agissant de la créance, unique, détenue par l'URSSAF au titre des cotisations éludées entre 2006 et 2010, son recouvrement ne peut être poursuivi du fait de cette procédure, ouverte le 30 mai 2016. 15. En statuant ainsi, par des motifs desquels il ressort qu'elle a appliqué à MM. [F], dirigeants de la société débitrice, la règle de l'interdiction des paiements ou celle de l'interdiction des poursuites individuelles, alors que ceux-ci ne pouvaient en bénéficier, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 16. L'URSSAF fait le même grief à l'arrêt, alors « que le dirigeant d'une société commerciale, personnellement tenu de réparer le préjudice découlant des infractions dont il a été déclaré coupable, ne saurait invoquer, pour échapper à ses obligations, la procédure collective intéressant la société dont il était dirigeant, dès lors qu'il n'est pas concerné par ladite procédure ; qu'il ne peut dès lors invoquer la qualité de coobligé de la société dirigée afin de se prévaloir du plan de sauvegarde et échapper à son obligation personnelle envers la victime de l'infraction titulaire d'une créance indemnitaire ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que MM. [F], condamnés à indemniser l'URSSAF PACA, ne pouvaient être poursuivis en recouvrement en ce qu'ils étaient coobligés de la société Boulangerie Aurélia au sens des articles L. 626-11 et L. 622-26 du code de commerce et pouvaient ainsi se prévaloir du plan de sauvegarde ainsi que du prétendu défaut de déclaration de la créance indemnitaire à la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé ces articles, ensemble les articles 2 du code de procédure pénale et 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 622-26, alinéa 2, et L. 626-11, alinéa 2, du code de commerce, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 et le second dans celle issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, applicables en la cause : 17. Selon le premier de ces textes, les créances non régulièrement déclarées sont, pendant l'exécution du plan de sauvegarde, inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. 18. En application du second, à l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde. 19. Seules les personnes physiques dont l'engagement est de nature conventionnelle ont la qualité de coobligés au sens de ces deux textes. 20. Pour cantonner la saisie aux seules condamnations prononcées par la juridiction pénale sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que la société débitrice fait l'objet d'un plan de sauvegarde non étendu à MM. [F]. Il retient, ensuite, que, soit cette créance indemnitaire n'a pas été déclarée par l'URSSAF dans la procédure de sauvegarde, de sorte qu'elle est inopposable aux personnes physiques coobligées pendant l'exécution du plan, soit cette créance a été déclarée, de sorte que, pendant l'exécution du plan, les coobligés peuvent se prévaloir des dispositions du plan. Il en déduit que, dès lors qu'il n'est pas fait état du non-respect du plan de sauvegarde, l'URSSAF ne pouvait diligenter contre MM. [F] une mesure de saisie pour recouvrer sa créance indemnitaire. 21. En statuant ainsi, alors que l'obligation à paiement de MM. [F] résultait de l'arrêt irrévocable du 11 février 2019 les condamnant à réparer le préjudice causé par une infraction pénale dont ils avaient été déclarés coupables avec la société débitrice, de sorte que, n'ayant pas la qualité de coobligés de cette dernière, au sens des textes susvisés, ils ne pouvaient se prévaloir ni de l'inopposabilité de la créance de l'URSSAF pour cause de non-déclaration au passif ni de la suspension des poursuites pendant l'exécution du plan de sauvegarde de la société débitrice, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il ordonne la jonction des instances et en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par MM. [V] et [Z] [F], l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne MM. [V] et [Z] [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [V] et [Z] [F] et les condamne à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 435 F-B Pourvois n° U 21-24.458 B 21-25.638 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023 I - La société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [E] [L], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pram Invest, a formé le pourvoi n° U 21-24.458 contre un arrêt n° RG 20/02160 rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Banque française mutualiste (BFM), société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à Mme [D] [R], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de président de la société Pram Invest, 3°/ à la société Frageco, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. II - La société Frageco, société anonyme, a formé le pourvoi n° B 21-25.638 contre le même arrêt n° RG 20/02160 rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Banque française mutualiste (BFM), société anonyme, 2°/ à Mme [D] [R], prise en qualité de président de la société Pram Invest, 3°/ à la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, en la personne de M. [E] [L], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pram Invest, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° U 21-24.458 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. La demanderesse au pourvoi n° B 21-25.638 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de la société Actis mandataires judiciaires, ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Frageco, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Banque française mutualiste, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-24.458 et 21-25.638 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2021), par trois actes notariés du 10 août 2005, la Banque française, devenue la Banque française mutualiste (la banque), a consenti à la société Pram Invest (la société Pram) un prêt destiné à financer l'acquisition de biens immobiliers, remboursable au plus tard le 10 août 2010 et garanti par l'inscription du privilège de prêteur de deniers et une hypothèque. 3. Après la délivrance d'une mise en demeure, le 29 août 2008, pour non-paiement des échéances contractuelles, la créance de prêt est devenue exigible. 4. La banque et la société Pram ont successivement régularisé trois protocoles d'accord, chacun se substituant au précédent, et, dans le dernier, conclu le 25 mai 2012, la société Pram a reconnu devoir à la banque la somme de 1 352 019,93 euros et les parties ont organisé les modalités de la cession des derniers biens immobiliers dont la société Pram demeurait propriétaire au profit d'une société tierce, la banque s'engageant à donner mainlevée des sûretés réelles dont elle bénéficiait contre le paiement de la somme de 760 000 euros. 5. Le 14 avril 2013, la banque a informé la société Pram de ce qu'à défaut de régularisation de la cession des biens immobiliers avant le 30 avril 2013, elle constaterait la caducité du protocole et engagerait une saisie immobilière. 6. Le 29 avril 2014, la liquidation judiciaire ouverte le 8 novembre 2012 à l'égard de la société Floreal Invest a été étendue à la société Pram, pour confusion de leurs patrimoines, la société Actis mandataires judiciaires étant nommée en qualité de liquidateur. 7. La banque a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société Pram sa créance au titre du solde du prêt consenti le 10 août 2005, à titre privilégié. 8. Cette créance a été partiellement contestée par la société débitrice et, devant le juge-commissaire, la société Frageco, nommée en qualité de contrôleur, est intervenue pour contester également la créance et soulever l'incompétence du juge-commissaire, aux motifs que le protocole du 25 mai 2012 avait emporté novation des obligations des parties, de sorte que la banque ne pouvait plus se prévaloir du prêt du 10 août 2005 et que son éventuelle créance, résultant de l'inexécution de ce protocole, ne pouvait qu'être chirographaire. 9. Par une ordonnance du 19 septembre 2018, le juge-commissaire a retenu que cette contestation soulevait une difficulté sérieuse ne relevant pas de son office et renvoyé la banque à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois prévu à l'article R. 624-5 du code de commerce. 10. Les 12 et 18 octobre 2018, la banque a assigné le liquidateur de la société Pram et la société Frageco devant un tribunal de commerce, en demandant la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Pram, à titre privilégié. 11. Le 10 avril 2019, la banque a assigné en intervention forcée la dirigeante de la société Pram, Mme [R]. 12. Le liquidateur de la société Pram a soulevé l'inopposabilité de la créance de la banque à la procédure collective, au motif que la mise en cause de la dirigeante de la société débitrice était intervenue postérieurement au délai d'un mois prévu à l'article R. 624-5, alinéa 1, précité. Examen des moyens Enoncé des moyens 13. Par son moyen, le liquidateur de la société Pram fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action de la banque, alors « que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties et que cette mise en cause doit intervenir à peine de forclusion dans le mois de la notification de l'ordonnance d'incompétence rendue par le juge-commissaire, sans régularisation possible passé ce délai ; qu'ayant constaté que la Banque française mutualiste, créancière, n'avait assigné dans ce délai d'un mois devant la juridiction désignée comme compétente par le juge-commissaire que le liquidateur judiciaire et le contrôleur, la débitrice n'ayant été assignée que postérieurement à l'expiration de ce délai, la cour d'appel ne pouvait considérer que la banque échappait à la forclusion dès lors que la débitrice avait "été attraite devant cette juridiction avant que celle-ci ait statué", la forclusion étant nécessairement encourue dès lors que l'une des parties au litige indivisible portant sur l'admission de la créance n'avait pas été assignée devant la juridiction compétente dans le délai utile d'un mois, sans régularisation possible s'agissant d'une irrégularité affectant la validité de l'assignation, sans violer l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2014-736 du 30 juin 2014, par refus d'application, ensemble les articles 121 du code de procédure civile et 2241 du code civil par fausse application. » 14. Par son moyen, la société Frageco fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion et de dire que le protocole d'accord transactionnel du 25 mai 2012 ne stipule aucune novation des obligations des parties, alors « que le créancier ayant déclaré sa créance, invité par le juge-commissaire à saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation relative à sa créance, doit mettre en cause devant ce juge le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur dans le délai de forclusion d'un mois de l'article R. 624-5 du code de commerce, lequel ne prévoit aucune faculté de régularisation ultérieure, cependant que le litige est indivisible ; qu'en écartant au contraire cette forclusion au motif que la société BFM pouvait mettre en cause la dirigeante de la société Pram Invest tant que le tribunal compétent n'avait pas statué, donc y compris après l'expiration du délai de forclusion d'un mois, la cour d'appel a violé l'article R. 624-5 du code de commerce. » Réponse de la Cour 15. L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances s'inscrit dans cette procédure qui est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur. Il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties. Par conséquent, dès lors qu'elle a saisi la juridiction compétente dans le délai de l'article R. 624-5 du code de commerce, elle n'encourt pas la forclusion qu'il prévoit et a la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai jusqu'à ce que le juge statue. 16. Ayant relevé qu'à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire notifiée aux parties le 27 septembre 2018, la banque avait saisi le tribunal de commerce de la contestation de sa créance par des assignations délivrées au liquidateur de la société débitrice et à la société Frageco les 12 et 18 octobre 2018, soit dans le délai d'un mois prévu à l'article R. 624-5 précité, et que Mme [R], représentante légale de la société débitrice, avait été assignée devant ce tribunal le 10 avril 2019, avant que le tribunal ne statue, la cour d'appel en a exactement déduit que la forclusion prévue par ce texte ne pouvait être opposée à la banque. 17. Les moyens ne sont donc pas fondés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Actis mandataires judiciaires, en qualité de liquidateur de la société Pram Invest, et la société Frageco aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Actis mandataires judiciaires, en qualité de liquidateur de la société Pram Invest, et la société Frageco, et condamne la société Frageco à payer à la société Banque française mutualiste la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois. Sur l'indivisibilité de l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire, à rapprocher : Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 419 F-B Pourvoi n° W 21-24.207 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023 Mme [U] [S], épouse [M], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-24.207 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [Z] [R], domiciliée [Adresse 4], prise en qualité de liquidateur de Mme [U] [S], épouse [M], 2°/ à la société BRED banque populaire, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic la société Avcimmo, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [S], épouse [M], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [R], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 13 septembre 2021), les 22 juin puis 22 décembre 2017, Mme [S], épouse [M] (Mme [S]), qui exerce à titre individuel une activité de vente de bijoux fantaisie à [Localité 8], a été mise en redressement puis liquidation judiciaires par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, Mme [R] étant désignée liquidateur. 2. Sur requête du liquidateur, le juge-commissaire a ordonné la vente par adjudication d'un bien immobilier situé dans le Val d'Oise. Mme [S] s'est opposée à la vente en soutenant qu'il s'agissait de sa résidence principale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme [S] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge-commissaire, alors : « 1°/ que les droits d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ; qu'il appartient à celui qui poursuit la vente sur adjudication d'un immeuble, dont le débiteur lui oppose l'insaisissabilité, de rapporter la preuve que ce bien ne constitue pas sa résidence principale ; qu'en décidant néanmoins qu'en l'absence de déclaration d'insaisissabilité, il incombait à Mme [S] de rapporter la preuve qu'à la date de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire, elle occupait à titre de résidence principale les biens objets de la vente par adjudication poursuivie par le liquidateur, à qui elle opposait leur insaisissabilité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 526-1 du code de commerce ; 2°/ que le juge, qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des pièces qui n'ont pas été versées aux débats et soumises à la libre discussion des parties ; qu'en se fondant néanmoins, pour décider que Mme [S] ne rapportait pas la preuve qu'elle occupait à titre de résidence principale les biens objets de la vente par adjudication poursuivie par le liquidateur, à qui elle opposait leur insaisissabilité, sur des pièces selon lesquelles la direction des finances publiques avait confirmé que Mme [S] n'avait jamais versé de taxes d'habitation à titre personnel pour ces deux appartements et que ces taxes avaient été émises au profit de locataires, bien qu'aucune pièce de cette nature n'ait été communiquée à Mme [S], la cour d'appel, qui s'est fondée sur des pièces qui n'avaient pas été régulièrement versées aux débats, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3°/ que la preuve du caractère de résidence principale de l'immeuble dont le débiteur oppose l'insaisissabilité au créancier qui en poursuit la vente peut être rapportée par tous moyens, ce qui exclut toute hiérarchie des preuves ; qu'en considérant néanmoins que les éléments de preuve versés aux débats par Mme [S] n'étaient pas de nature à établir la preuve qu'elle occupait à titre de résidence principale les biens objets de la vente par adjudication poursuivie par le liquidateur à qui elle opposait leur insaisissabilité, en l'absence de paiement de taxes d'habitation qui constituait, selon elle, l'offre de preuve la plus probante en la matière, la cour d'appel, qui a instauré une hiérarchie entre les éléments de preuve, selon leur nature, a violé l'article 1358 du code civil, ensemble l'article L. 526-1 du code de commerce ; 4°/ que les droits d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ; qu'en se bornant à affirmer que Mme [S] ne rapportait pas la preuve qu'elle occupait à titre de résidence principale les biens objets de la vente par adjudication poursuivie par le liquidateur à qui elle opposait leur insaisissabilité, à la date d'ouverture de la procédure collective, le 26 juin 2017, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [S] rapportait cette preuve au moyen d'un certificat de travail attestant qu'elle avait été employée en qualité de responsable d'agence, pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018, à [Localité 9], commune limitrophe de celle sur laquelle étaient situés les biens objets de la vente, et mentionnant qu'elle demeurait au [Adresse 3] à [Localité 6], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 526-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 642-18 du même code ; 5°/ que les droits d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ; qu'en se bornant à affirmer que Mme [S] ne rapportait pas la preuve qu'elle occupait à titre de résidence principale les biens situés à [Localité 6], objets de la vente par adjudication poursuivie par le liquidateur à qui elle opposait leur insaisissabilité, à la date d'ouverture de la procédure collective, le 26 juin 2017, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [S] rapportait cette preuve par les bordereaux listant les remboursements dont elle avait bénéficié de la part de l'assurance maladie du Val d'Oise, pour la période du 9 mai 2017 au 9 novembre 2018, au titre des soins qu'elle avait reçus et qui lui avaient été envoyés à l'adresse des biens litigieux, ainsi que par l'attestation de droits à l'assurance maladie du Val d'Oise, envoyée à cette même adresse, le 4 août 2017, et par la carte de tiers-payant pour l'année 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 526-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 642-18 du même code. » Réponse de la Cour 4. Après avoir énoncé qu'il résulte de l'article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, que la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, soumise à une procédure collective, peut opposer au liquidateur l'insaisissabilité des droits qu'elle détient sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale, l'arrêt retient exactement qu'il incombe à la débitrice de rapporter la preuve qu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure, les biens dont la vente est requise par le liquidateur constituaient sa résidence principale. 5. Ayant constaté que le fonds de commerce appartenant à Mme [S] était exploité directement par elle dans le département de la Guadeloupe, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les recherches visées aux quatrième et cinquième branches que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes, sans inverser la charge de la preuve, ni violer le principe de la contradiction dès lors que l'identité des débiteurs de la taxe d'habitation de l'immeuble était expressément mentionnée par l'ordonnance dont Mme [S] faisait appel, a légalement justifié sa décision. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [S], épouse [M], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 425 F-B Pourvoi n° R 21-14.841 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023 1°/ La société Ergo Insurance, établissement de Lituanie, dont le siège est [Adresse 3] (Lituanie), 2°/ la société Baltic Transline, société de droit lituanien, dont le siège est [Adresse 4] (Lituanie), ont formé le pourvoi n° R 21-14.841 contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16 - chambre commerciale internationale), dans le litige les opposant à la société Labeyrie Fine Foods France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Delabli, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des sociétés Ergo Insurance et Baltic Transline, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Labeyrie Fine Foods France, venant aux droits de la société Delabli, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2020), ayant vendu 22,5 tonnes de harengs surgelés à la société française Delabli, aux droits de laquelle vient la société Labeyrie Fine Foods France, la société islandaise Iceland Pelagic (la société Pelagic) a confié l'acheminement de la marchandise à un commissionnaire de transport, la société polonaise Euro Forwarding and Shipping Agency (la société EFSA), qui en a confié le transport de Pologne vers la France à la société lituanienne Baltic Transline UAB (la société Baltic), assurée par la société lituanienne Ergo Insurance (la société Ergo). 2. N'ayant pas reçu livraison de la marchandise, remise le 24 avril 2013 par erreur à la société Ledun Pêcheurs d'Islande (la société Ledun PI), la société Delabli a refusé de payer la facture émise le 19 avril 2013 par le vendeur. 3. Après avoir indemnisé la société Pelagic, qui, par acte subrogatoire du 15 avril 2016, lui a cédé son droit d'agir contre la société Baltic, la société EFSA a assigné cette dernière en responsabilité devant une juridiction lituanienne, laquelle a retenu la responsabilité du transporteur. 4. Les sociétés Baltic et Ergo ont versé à la société EFSA certaines sommes en exécution de la décision lituanienne. 5. Le 20 avril 2018, soutenant être subrogées dans les droits du vendeur de la marchandise, les sociétés Baltic et Ergo ont assigné la société Delabli, qui avait entre-temps acquis le fonds de commerce de la société Ledun PI, en paiement de la facture du 19 avril 2013 et, subsidiairement, en revendication de la marchandise. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et le second moyen 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. Les sociétés Baltic et Ergo font grief à l'arrêt de constater la prescription de leur action en paiement de la facture du 19 avril 2013 et de les dire en conséquence irrecevables à agir, alors « que l'indication sur une facture de la date d'exigibilité des sommes qu'elle porte ne vaut pas en soi accord des parties sur cette date d'exigibilité ; qu'en supposant même que la cour d'appel ait implicitement considéré qu'un tel accord des parties puisse résulter des mentions de la facture du 19 avril 2013, son arrêt est entaché d'un manque de base légale au regard de l'article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa version modifiée par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012. » Réponse de la Cour 8. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 9. Après avoir énoncé que, selon l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes et constaté que les parties ne contestaient pas que le point de départ de ce délai était, conformément à l'article 2224 du code civil, l'exigibilité de l'obligation de l'acheteur, l'arrêt relève que leur désaccord porte sur la date à laquelle le paiement était exigible. 10. Après avoir énoncé que, selon l'article L. 441-3 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, la facture mentionne la date à laquelle le règlement doit intervenir, l'arrêt retient que, la facture litigieuse mentionnant, au titre du paiement, « due date : 19.04.13 », la créance du vendeur était exigible à compter de cette date, rien n'interdisant aux parties de prévoir le paiement du prix avant la remise de la marchandise. 11. Ayant ainsi retenu que le vendeur avait lui-même fixé l'exigibilité de sa facture au 19 avril 2013, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations et énonciations rendaient inopérante, a légalement fixé le point de départ du délai de prescription à cette date. 12. Le moyen n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Baltic Transline et Ergo Insurance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Baltic Transline et Ergo Insurance et les condamne à payer à la société Labeyrie Fine Foods France, venant aux droits de la société Delabli, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 417 F-B Pourvoi n° R 21-24.018 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023 La société Optical finance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-24.018 contre l'arrêt n° RG 19/01209 rendu le 8 septembre 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, section commerciale), dans le litige l'opposant à M. [D] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Optical finance, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 8 septembre 2021), la société [Z] Optic (la société débitrice) exploite un fonds de commerce d'optique et lunetterie. M. [Z], le dirigeant de la société, s'est porté caution des sommes dues par la société débitrice au franchiseur, la société Optical finance. 2. Le 22 février 2017, la société débitrice a été mise en sauvegarde et, le 24 janvier 2018, un plan a été arrêté, la société Odile Stutz, désignée mandataire judiciaire, devenant commissaire à l'exécution du plan. 3. Après la résiliation du contrat de franchise par une ordonnance du juge-commissaire, la société Optical finance a déclaré sa créance à la procédure et, le 20 octobre 2017, assigné M. [Z], en sa qualité de caution, et demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision à l'issue de la période d'observation. M. [Z] a opposé une fin de non-recevoir en soutenant qu'il pouvait se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses trois premières branches 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 5. La société Optical finance fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable, alors « que toute atteinte au droit d'agir doit être proportionnée ; qu'en jugeant irrecevable l'action engagée par la société de franchise contre M. [Z] en sa qualité de caution des engagements de la société [Z] Optic au motif que la créance de la caution, qui pouvait se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde de la débitrice principale, n'était pas exigible, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette irrecevabilité n'avait pas pour effet de priver la société de franchise de son droit d'agir en justice contre M. [Z] en sa qualité de caution en l'état d'une interprétation des dispositions du contrat de cautionnement conclu par M. [Z] en sa faveur, lues comme prévoyant un délai de forclusion imposant au créancier d'agir contre la caution dans un délai de six mois suivant la résiliation du contrat de franchise prononcée à effet du 21 avril 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 6. Si les poursuites du créancier contre M. [Z], caution personne physique, ont été suspendues, en application de l'article L. 622-28, alinéa 2, du code de commerce, par l'effet de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, le 22 février 2017, jusqu'au jugement arrêtant le plan de sauvegarde du 24 janvier 2018, pour autant, la société créancière n'a pas été privée de toute action contre la caution. 7. En effet, le créancier, bénéficiaire d'un cautionnement, peut, pour obtenir un titre exécutoire, prendre des mesures conservatoires contre la caution, personne physique, soit pendant la période d'observation, en application de l'article L. 622-28, alinéa 3, du code de commerce, soit pendant l'exécution du plan de sauvegarde en application de l'article R. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. 8. Il bénéficie, par ailleurs, de l'interruption du délai de la prescription, à compter de sa déclaration de créance à la procédure collective de la société débitrice principale jusqu'à la clôture de la procédure collective. 9. Dès lors, en l'absence de toute perte du droit d'agir de la société Optical finance contre la caution, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui était inopérante. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Optical finance aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Optical finance et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 423 F-B Pourvoi n° E 21-25.204 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023 1°/ La société Eurotitrisation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits du fonds commun de titrisation Isodev, compartiment Génération 2, représenté par la société France titrisation, venant lui-même aux droits de la société Isodev, 2°/ la société France titrisation, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation FCT Isodev, compartiment Génération 2, venant aux droits de la société Isodev, ont formé le pourvoi n° E 21-25.204 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, 3°/ à la société ADJE administrateurs judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [M] [Z], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Eurotitrisation, ès qualités, et France titrisation, ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 septembre 2021), le 3 février 2014, la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul (la société Sifferlin) a emprunté à la société Isodev une somme de 103 500 euros pour une durée de cinq ans. Le 31 juillet 2014, la société Isodev a cédé sa créance au fonds commun de titrisation dénommé « FCT Isodev » dont la société de gestion était la société France titrisation. 2. En février 2015, la société Isodev a été mise en liquidation judiciaire. Par une lettre du 2 avril 2015, la société Eos Credirec a informé la société Sifferlin de la titrisation intervenue et l'a invitée à prendre attache avec elle en sa qualité de nouveau gestionnaire du contrat. 3. La société Sifferlin n'ayant plus été en mesure de rembourser les échéances du prêt, la société Eos Credirec a prononcé, le 12 janvier 2016, la déchéance du terme. 4. Le 30 janvier 2017, la société Sifferlin a été mise en redressement judiciaire, la société ADJE administrateurs judiciaires étant nommée administrateur et Mme [K] mandataire judiciaire. Le 15 mars 2017, la société France titrisation, en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Isodev, a déclaré la créance de celui-ci que la société Sifferlin a contestée. 5. Le 10 octobre 2019, la créance a été cédée au fonds commun de titrisation Credinvest, géré par la société Eurotitrisation. 6. Par une ordonnance du 16 décembre 2020, le juge-commissaire a déclaré recevable la déclaration de créance du 15 mars 2017 et admis la créance du fonds commun de titrisation Credinvest, représenté par la société Eurotitrisation, à concurrence de la somme de 113 750,48 euros à titre chirographaire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 7. Les sociétés Eurotitrisation et France titrisation, en leurs qualités respectives de représentantes des fonds communs de titrisation Credinvest et Isodev, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la déclaration de créance de la société France titrisation en raison de son défaut de qualité à agir, de rejeter la créance et de la déclarer inopposable au plan pour un montant total de 113 750,78 euros TTC, alors : « 2°/ qu'il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-172 et L. 214-180 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple ; que toutefois, en application de l'article 126 du code de procédure civile, cette fin de non-recevoir a disparu à la suite de l'entrée en vigueur, en cours d'instance, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 puis de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, modifiant l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, qui a conféré à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées ; qu'en affirmant, au contraire, que "la circonstance que France Titrisation ait ultérieurement obtenu la qualité légale pour déclarer la créance n'a pu faire disparaître son défaut de qualité au jour où la créance était déclarée en son nom, date à laquelle la créance ne pouvait être déclarée que par la société Eos Credirec", la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et l'article 126 du code de procédure civile ensemble l'article L. 622-24 du code de commerce ; 3°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, et l'article 126 du code de procédure civile ensemble l'article L. 622-24 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et l'article 126 du code de procédure civile : 8. Il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-172 et L. 214-80 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation était, à l'égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartenait à celui qui lui transférait des créances par bordereau, ou à l'entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d'exercer les actions en justice nécessaires, et, le cas échéant, de déclarer les créances au passif du débiteur lorsqu'il avait été mis en procédure collective, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple. Si, par suite, la déclaration de créance opérée par un fonds commun de titrisation sous l'empire des textes précités était irrecevable, la disparition de cette fin de non-recevoir, en application du second texte susvisé, résulte de l'entrée en vigueur au cours de l'instance en vérification et admission des créances, le 3 janvier 2018, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, puis, le 24 mai 2019, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice ou d'une déclaration de créance, tout ou partie du recouvrement des créances transférées. 9. Pour dire irrecevable la déclaration de créance de la société France titrisation du 15 mars 2017, l'arrêt énonce que seule la société chargée du recouvrement de la créance bénéficie du droit d'agir en justice et retient que la société France titrisation n'a obtenu la qualité légale pour agir en recouvrement et déclarer la créance que du fait de la modification de l'article L. 214-172 par l'ordonnance du 4 octobre 2017, entrée en vigueur le 3 janvier 2018, soit après la déclaration de créance effectuée en son nom, de sorte qu'au jour où elle a été faite, la déclaration de créance l'a été au nom d'une personne dépourvue de qualité à cet effet, la circonstance que la société France titrisation ait ultérieurement obtenu la qualité légale pour déclarer la créance n'ayant pu faire disparaître son défaut de qualité au jour où la créance a été déclarée en son nom. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'au cours de la procédure de vérification et d'admission des créances, la société France titrisation avait obtenu, en tant que représentante du fonds commun de titrisation auquel la créance avait été transférée, qualité légale pour déclarer la créance, ce dont il résultait que la fin de non-recevoir avait disparu, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, Mme [K], en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et la société ADJE administrateurs judiciaires, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois. Sur la qualité à agir de la société de gestion d'un fonds commun de titrisation, à rapprocher :Com., 9 septembre 2020, pourvoi n° 19-10.651, Bull.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 469 FS-B Pourvoi n° X 21-16.940 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023 Le syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 4], représenté par son syndic, la société Sudeco, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-16.940 contre l'arrêt rendu le 26 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Securitas France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat du syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Securitas France, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2021), le 27 septembre 2012, le syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5] (le syndicat), représenté par son syndic, la société Sudeco, a conclu avec la société Securitas France (la société Securitas) un contrat par lequel celle-ci était chargée de la mise en oeuvre des prestations de sécurité incendie, surveillance et gardiennage de son site. 2. Ce contrat prévoyait qu'il devait prendre effet le 3 octobre 2012, pour une durée d'un an tacitement reconductible pour une période indéterminée. Il pouvait ensuite être résilié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un préavis de trois mois. 3. Soutenant que la société Sudeco avait, au nom du syndicat, par lettre du 9 mars 2015, résilié le contrat à compter du 13 avril suivant, la société Securitas les a assignés en réparation pour non-respect du préavis contractuel et rupture brutale d'une relation commerciale établie. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le syndicat fait grief à l'arrêt de dire qu'il a rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Securitas et, en conséquence, de le condamner à lui payer la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts, alors « que la qualité de commerçants des membres d'un syndicat de copropriétaires ne fait pas perdre sa personnalité civile à ce dernier ni conférer une nature commerciale à la relation contractuelle qu'il entretient avec un prestataire de services, au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; qu'en retenant néanmoins que c'est dans l'intérêt de l'exploitation des établissements de chacun des commerçants des membres du syndicat de copropriétaires que les prestations de services de la société Securitas ont été souscrites, pour juger que la relation de ce syndicat avec la société Securitas était commerciale au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce et le condamner à indemniser sa rupture brutale, sans constater que le syndicat, doté de la personnalité civile et chargé de la gestion de l'immeuble, aurait lui-même une activité économique de production, de distribution ou de services, la cour d'appel a violé la disposition légale précitée, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, ensemble l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 410-1 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, que les règles définies au livre IV de ce code s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services. 6. Après avoir relevé que la société Securitas avait conclu avec le syndicat des copropriétaires commerçants du centre commercial de [Localité 5] un contrat pour la sécurité incendie, la surveillance et le gardiennage de son site, l'arrêt retient que ce syndicat a agi dans l'intérêt de l'exploitation des établissements commerciaux de chacun de ses membres et en déduit que la nature civile de sa personnalité ne fait pas écran à la nature commerciale de la relation des parties au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable. 7. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte qu'il avait conclu un contrat ayant exclusivement pour objet d'assurer une prestation de service pour les besoins de l'activité commerciale de ses membres, la cour d'appel a exactement retenu que le syndicat, bien que de nature civile, avait entretenu une relation commerciale avec la société Securitas, entrant dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5°, précité. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 9. Le syndicat fait le même grief à l'arrêt, alors « que seul le préjudice causé par le caractère brutal de la rupture doit être indemnisé et non celui résultant de la rupture elle-même ; qu'en allouant des dommages-intérêts d'un montant de 6 000 euros à la société Securitas correspondant à la marge brute dont elle a été privée pendant la période d'insuffisance du préavis, l'indemnisant ainsi de la perte subie en raison de la rupture du contrat et non du préjudice causé par le caractère brutal de cette rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce que le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période. 11. Après avoir retenu, d'une part, que le syndicat avait brutalement rompu la relation commerciale qu'il entretenait avec la société Securitas depuis deux ans et demi, d'autre part, qu'au regard de cette durée, le préavis aurait dû être de quatre mois, l'arrêt en déduit à bon droit que l'assiette de l'indemnisation de la rupture brutale de cette relation commerciale ne pouvait comprendre l'équivalent du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pendant ces quatre mois, comme le prétend la société Securitas, mais celui de la marge brute, qu'il a évaluée au regard des éléments du dossier. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Securitas la somme de 57 410,78 euros de dommages-intérêts pour non-respect du délai contractuel de préavis, alors « qu'il soutenait avoir respecté le délai de préavis prévu dans le contrat conclu avec la société Securitas, le 27 septembre 2012, en se prévalant expressément de sa production numéro 3, à savoir une lettre recommandée avec avis de réception du 29 décembre 2014 adressée à la société Securitas pour dénoncer la convention conclue entre eux pour son terme contractuel du 31 mars 2015 ; qu'en retenant que le délai contractuellement prévu n'avait pas été respecté après avoir relevé que le syndicat des copropriétaires soutenait avoir respecté ce délai en mettant aux débats un avis de réception du 31 mars 2014 dénonçant le contrat pour le centre commercial "Géant Casino Cap de Cres à [Localité 3]", non celui conclu pour le centre commercial de [Localité 5], la cour d'appel a dénaturé les conclusions et les bordereaux de communication de pièces du syndicat, visant un courrier relatif au contrat qu'il avait lui-même conclu avec la société Securitas et non celui conclu pour le centre commercial de Cap de Cres avec cette société, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 14. Pour condamner le syndicat à payer à la société Securitas une certaine somme à titre de dommages et intérêts pour n'avoir pas respecté le délai contractuel de préavis, l'arrêt, après avoir relevé que celui-ci n'avait produit qu'un avis de réception d'une lettre dénonçant à la société Securitas le contrat pour le centre commercial « Géant Casino Cap de Cres à [Localité 3] », retient que cette pièce ne permet pas d'établir que le contrat en cause, conclu pour des prestations au nom et au profit du centre commercial de [Localité 5], avait été régulièrement dénoncé dans le délai convenu entre les parties. 15. En statuant ainsi, alors que les conclusions du syndicat visaient une pièce n° 3 intitulée « LRAR du 29 décembre 2014 adressée par Sudeco ès qualité de syndic du syndicat de copropriétaires du Centre commercial de [Localité 5], à la SARL Securitas dénonçant la convention pour son terme contractuel du 31 mars 2015, 2 feuillets », cette pièce étant mentionnée en tant que telle, d'une part, dans la liste des pièces visées figurant en annexe de ses conclusions, d'autre part, dans le « Bordereau récapitulatif des pièces communiquées à annexer aux dernières conclusions du 6 janvier 2021 », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces conclusions ainsi que, par omission, de ces bordereaux, a violé le principe susvisé. Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 16. Le syndicat fait le même grief à l'arrêt, alors « que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; qu'en allouant des dommages et intérêts d'un montant de 57 410,78 euros à la société Securitas correspondant au chiffre d'affaires dont elle a été privée durant deux mois en raison du non-respect du délai de préavis contractuel, quand le montant de l'indemnisation devait correspondre à la perte de marge brute subie par la société Securitas, soit à la différence hors taxe entre le prix de ses services et le coût de revient de ces services qu'elle n'avait finalement pas eu à supporter, le contrat n'ayant pas été exécuté pendant les deux mois en cause, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (devenu l'article 1231-2 du même code). » Réponse de la Cour Vu l'article 1149, devenu 1231-2, du code civil : En application de ce texte, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé. 17. Pour fixer le montant des dommages et intérêts au paiement duquel le syndicat est condamné, pour le non-respect du délai de préavis contractuel, l'arrêt, après avoir relevé que la société Securitas a produit des factures des prestations qu'elle a réalisées pour le syndicat durant les trois mois qui ont précédé la rupture des relations contractuelles, retient qu'il doit lui être alloué, en réparation du préjudice subi, la somme correspondant au chiffre d'affaires qu'elle aurait perçu si elle n'avait pas été privée de deux mois de préavis. 18. En statuant ainsi, alors que le préjudice subi par la société Securitas en raison du non-respect du préavis contractuel consiste en la perte de la marge brute escomptée, dans les conditions précisées au paragraphe 10, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ses dispositions condamnant le syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5] à payer à la société Securitas France la somme de 57 410,78 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai contractuel de préavis, l'arrêt rendu le 26 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Securitas France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Securitas France et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 478 F-B Pourvoi n° D 22-11.752 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023 M. [I] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-11.752 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Axess Online, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Regis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [H], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Axess Online, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Regis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 novembre 2021), invoquant des soupçons d'actes de déloyauté et de concurrence déloyale de la part d'un ancien salarié, M. [H], et de la société Sadigh Group, prestataire informatique qui venait de la remplacer auprès de l'un de ses clients, le groupe Bymycar, la société Axess Online a déposé une requête, sur le fondement des articles 145 et 493 du code de procédure civile, afin de voir ordonner diverses mesures d'instruction. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches Enoncé du moyen 3. M. [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête, alors : « 1°/ que le juge des requêtes ne peut faire droit à une demande que s'il justifie concrètement de la nécessité pour le requérant de déroger à la contradiction, sans pouvoir se contenter d'affirmations d'ordre général ; qu'en l'espèce, pour refuser de rétracter la demande, la cour d'appel a jugé que l'ordonnance sur requête était suffisamment motivée à ce titre, après avoir simplement relevé que "la requête déposée le 4 décembre 2020 au président du tribunal judiciaire de Dijon par la société Axess Online mentionne en pages 16 et 17 que : "les circonstances de l'espèce font que la mesure d'instruction sollicitée ne peut être efficace que si elle est ordonnée sans débat contradictoire préalable sur le fondement de l'article 493 du code de procédure civile, afin notamment que les informations et documents probants ne soient pas détruits, dissimulés ou altérés. En effet, si M. [H] était informé de la mesure d'instruction dans le cadre d'un débat contradictoire, il ne manquerait pas de dissimuler, voire de supprimer toute preuve tenant à démontrer des actes de concurrence déloyale et de manquements à ses obligations de loyauté, et notamment : transmission d'éléments techniques, commerciaux ou financiers appartenant à la société Axess Online et concernant son client Bymycar, favorisation du départ du client Bymycar vers la société Sadigh Group, démarchage de salariés de la société Axess Online, éventuellement écrits tendant à dénigrer la société Axess Online, actions de M. [H] ayant pour objet de démarcher les clients de la société Axess Groupe. Dans le cadre d'un débat contradictoire, M. [H] ne produirait à aucun moment lui-même les éléments qui seraient demandés, ce qui empêcherait de caractériser ses manquements et fautes envers la société Axess Online" " et que "la requérante a exposé de façon détaillée le contexte laissant craindre des agissements fautifs de M. [H] de nature à constituer des manquements à son obligation de loyauté et/ou des actes de concurrence déloyale", ce dont elle a déduit que "c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que la requérante avait énoncé de manière précise les points sur lesquels portaient ses craintes de voir disparaître certains éléments de preuve et fait référence à des éléments spécifiques au contexte de leur relation contractuelle et qu'il a pu justement retenir que le risque de dissimulation et de dépérissement des preuves recherchées et la nécessité de ménager un effet de surprise étaient motivés par référence à ce contexte, alors que la mesure d'instruction sollicitée portait sur des éléments de preuve pouvant facilement être détruits puisqu'il s'agissait essentiellement de documents stockés sur des outils informatiques" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'ordre général et susceptibles de correspondre à n'importe quel dossier, sans caractériser notamment ce qui permettait de considérer que M. [H] pouvait se livrer à des dissimulations ou destructions d'informations, la cour d'appel a violé les articles 493 et 495 du code de procédure civile ; 2°/ que le juge saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut faire droit à la demande que s'il constate que le demandeur justifie d'un motif légitime à la solliciter, ce qui suppose que le requérant fonde sur prétentions sur des faits précis, objectifs et vérifiables permettant de présumer les manquements qu'il impute à la personne visée par la mesure sollicitée pour la justifier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la mesure sollicitée reposait sur un motif légitime, aux motifs que "le principal client Bymycar de la société Axess Online, après avoir résilié son contrat avec cette dernière, a signé un contrat avec la société concurrente Sadigh Group, au sein de laquelle M. [H] ne conteste pas exercer une activité salariée, alors qu'il avait été précédemment en charge du client Bymycar pendant de nombreuses années, avant son départ de la société Axess Online", que d'autres salariés de la société Axess Online en lien avec ce client avaient rejoint la société Sadigh Group et que M. [H] aurait sollicité avant son départ de l'entreprise l'ensemble du fichier salarié pour "leur dire au revoir", de sorte que ces indices sérieux caractérisaient le motif légitime de la société Axess Online à agir ; qu'en statuant ainsi, sans faire état d'aucun fait objectif et prouvé imputable à M. [H] et de nature à laisser penser qu'il aurait commis la moindre déloyauté et le moindre acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ; 5°/ que constituent des mesures légalement admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile, des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi, de sorte qu'il incombe au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, ce qui implique notamment de constater l'absence d'autres moyens d'obtenir les pièces recherchées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la mesure sollicitée était limitée et proportionnée, pour permettre de "concilier le droit à la preuve de la société demanderesse et le droit au respect dû à la vie privée du défendeur" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni si cette mesure était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la société Axess Online, ni si celle-ci ne disposait pas d'autres moyens d'obtenir les preuves recherchées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble le principe du droit à la preuve et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. En premier lieu, après avoir relevé que les sociétés du groupe Bymycar avaient mis fin à leurs relations contractuelles avec la société Axess Online, avec qui elles étaient en affaire depuis plus de dix ans, et que M. [H], qui avait en charge ce groupe lorsqu'il était encore salarié de cette société et venait de prendre sa retraite, était désormais salarié de la société Sadigh Group, ayant remplacé la société Axess Online auprès de ce groupe de sociétés, l'arrêt retient que la société Axess Online avait exposé, de façon détaillée, ce contexte dans sa requête et établi que M. [H] avait essayé d'obtenir la liste de ses salariés après son départ à la retraite et qu'il avait sollicité plusieurs d'entre eux pour qu'ils viennent travailler pour la société Sadigh Group, laissant craindre de sa part des agissements fautifs. Il ajoute que le risque de dissimulation et de dépérissement des preuves recherchées et la nécessité de ménager un effet de surprise étaient justifiés par la référence à ce contexte et par le fait que la mesure d'instruction sollicitée portait, pour l'essentiel, sur des documents informatiques, pouvant être facilement détruits. 5. En cet état, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié l'existence d'un motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction au regard de l'existence d'indices objectifs faisant craindre la réalisation d'actes de déloyauté et de concurrence déloyale de la part d'un ancien salarié de la société Axess Online et ne s'est pas prononcée par des motifs d'ordre général, a caractérisé les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction. 6. Le moyen, pris en ses deux premières branches, n'est donc pas fondé. 7. En second lieu, ayant énoncé que l'exercice du droit à la preuve, en ce qu'il tend à la protection des droits et libertés d'autrui, poursuit un but légitime permettant de porter atteinte au respect dû à la vie privée et que seules les mesures circonscrites dans le temps, dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi sont légalement admissibles, l'arrêt relève, d'abord, que les recherches étaient limitées aux fichiers, documents et correspondances en rapport avec les faits litigieux et qu'elles ne ciblaient pas les documents personnels de M. [H]. Il retient, ensuite, que les fichiers informatiques étaient identifiés au moyen de mots-clefs précis et en rapport avec les faits dénoncés, dès lors que les termes génériques de « centre de gestion » et « CDS (centre de service) » se rapportaient à l'objet du contrat signé avec les sociétés du groupe Bymycar et que les mots-clefs Corhofi et [J] concernaient l'activité de vente de matériel informatique de la société Axess Online, la société Corhofi ayant pour activité le financement des acquisitions de matériel pour les clients d'Axess Online, tandis que M. [J] était le contact de M. [H] auprès de la société Corhofi. 8. L'arrêt relève, encore, que la mesure portait sur les documents et fichiers postérieurs au mois de janvier 2019 et en déduit qu'elle était limitée dans le temps. Il retient, enfin, que l'autorisation donnée à l'huissier de justice de pénétrer au domicile de M. [H], hors sa présence et sans son autorisation, était assortie d'une garantie du respect de ses droits par la présence de deux témoins et qu'en l'absence d'autorisation de « craquer » les mots de passe et les « codes PIN », la mesure ordonnée aurait perdu toute utilité. 9. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont elle a déduit que les mesures d'instruction ordonnées étaient nécessaires à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnées aux intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la cinquième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à la société Axess Online la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois. 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 20-14.309, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 483 F-B Pourvoi n° E 22-13.317 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023 La société Richardson, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 22-13.317 contre l'arrêt n° RG 19/03942 rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Ets Bellucci, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Richardson, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Ets Bellucci, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2022), la société Ets Bellucci (la société Bellucci), qui a pour objet le commerce de détail, gros et demi-gros d'appareils sanitaires, plomberie, chauffage, électroménager et climatisation, a assigné la société Richardson, dont l'objet comprend le négoce de matériel de chauffage, sanitaire et produits sidérurgiques, afin de voir juger qu'en se dispensant de respecter la réglementation applicable à la vente de climatiseurs « prêts à poser » préchargés en gaz fluoré, à système « split » ou « bi-bloc », constitués d'une unité externe et d'une unité interne, à raccorder lors de leur installation, cette société s'est placée dans une situation anormalement favorable par rapport à elle, et que ces faits sont constitutifs d'une faute caractérisant des actes de concurrence déloyale, demandant sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait de ces actes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société Richardson fait grief à l'arrêt de dire que les dispositions du règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 étaient applicables sur le territoire français dès le 1er janvier 2015, de dire qu'en se dispensant, à compter du 1er janvier 2015, de respecter la réglementation applicable à la vente des climatiseurs préchargés à système « split » ou « bi bloc », elle s'est placée dans une situation anormalement favorable par rapport à la société Bellucci, de dire que les faits reprochés sont constitutifs d'une faute caractérisant des actes de concurrence déloyale, de dire qu'il s'en infère nécessairement un trouble commercial, générateur de préjudice et d'ordonner en conséquence une mesure d'expertise, alors « que faute de définir précisément et concrètement les obligations qui découlent, pour le vendeur, de l'interdiction générale qu'il pose, l'article 11, 5°, du règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, aux termes duquel "les équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés ne sont vendus à l'utilisateur final que lorsqu'il est établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée conformément à l'article 10", n'a pas d'effet direct et ne peut être invoqué à l'encontre des personnes de droit privé tant que les mesures d'application nécessaires n'ont pas été adoptées par les États membres, qu'en retenant le contraire, pour dire que la société Richardson était tenue de s'assurer dès le 1er janvier 2015 que les climatiseurs vendus à des particuliers seraient installés par une personne disposant de la certification requise et qu'en ne satisfaisant pas à cette obligation elle s'était placée dans une situation anormalement favorable par rapport à la société Bellucci, la cour d'appel a violé l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ensemble l'article 11, 5°, du règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 288, alinéa 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), un règlement est obligatoire dans tous ses éléments et est directement applicable dans tout État membre. 5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'en vertu de cette disposition et en raison même de la nature des règlements et de leur fonction dans le système des sources du droit de l'Union européenne, les dispositions des règlements ont, en général, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu'il soit besoin, pour les autorités nationales, de prendre des mesures d'application. Néanmoins, certaines de ces dispositions peuvent nécessiter, pour leur mise en oeuvre, l'adoption de mesures d'application par les États membres (notamment CJUE, arrêt du 11 janvier 2001, Monte Arcosu, C-403/98 ; CJUE, arrêt du 24 juin 2004, Handlbauer, C-278/02 ; CJUE, arrêt du 28 octobre 2010, Belgisch Interventie-en Restitutiebureau et SGS Belgium, C-367/09 ; CJUE, arrêt du 14 avril 2011, Vlaamse Dierenartsenvereniging et Janssens, C-42/10, C-45/10 et C-57/10 ; CJUE, arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor, C-528/15 ; CJUE, arrêt du 15 juin 2021, Facebook, C-645/19). 6. Après avoir énoncé que l'article 11, § 5, du règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, lequel modifie et complète le règlement (CE) n° 842/2006 du 17 mai 2006 qu'il abroge, dispose que « les équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés ne sont vendus à l'utilisateur final que lorsqu'il est établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée conformément à l'article 10 », l'arrêt retient que l'applicabilité de ce règlement n'est pas conditionnée à la mise en place ou l'adaptation par la France de programmes de certification, de formation et de procédures d'évaluation concernant l'installation desdits équipements, dès lors que, d'une part, le paragraphe 7 de l'article 10 du règlement prévoit que « les certificats et les attestations de formation existants, délivrés conformément au règlement (CE) n° 842/2006, demeurent valides, conformément aux conditions dans lesquelles ils ont été initialement délivrés » et que, d'autre part, l'article 5 du règlement n° 842/2006 organisait déjà la mise en place de programmes de formation et de certification, destinés tant aux entreprises qu'au personnel concernés par l'installation, la maintenance ou l'entretien des équipements en cause. 7. Il ajoute que l'interdiction, énoncée par l'article 11, § 5, du règlement précité n° 517/2014, de vente des équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés à l'utilisateur final sans qu'il soit établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée, est claire et inconditionnelle et qu'elle n'est assortie d'aucune réserve subordonnant sa mise en oeuvre à un acte de droit interne. 8. Ayant ensuite relevé que le décret n° 2015-1790 du 28 décembre 2015 s'était borné à ajouter à l'article R. 543-84 du code de l'environnement la précision selon laquelle la cession par les distributeurs des équipements préchargés contenant des fluides frigorigènes et nécessitant, pour leur assemblage ou mise en service, le recours à un opérateur disposant d'une attestation de capacité, n'était autorisée qu'auprès des autres distributeurs, des opérateurs disposant de l'attestation de capacité, et des personnes justifiant avoir conclu, pour l'assemblage et la mise en service des équipements, un contrat auprès d'un opérateur disposant de l'attestation de capacité, l'arrêt en déduit, d'une part, que ce décret n'est pas, comme le soutient la société Richardson, le texte national permettant l'application du règlement n° 517/2014 et imposant, pour la vente des équipements en cause, que l'installation soit effectuée par une entreprise certifiée, mais qu'il a seulement eu pour objet de définir avec précision les modalités requises pour la preuve de ce fait, d'autre part, que si l'exigence de la production d'un tel contrat pour la vente aux particuliers de ces équipements n'est entrée en vigueur qu'au 31 décembre 2015, l'obligation de ne pas vendre des équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés à un utilisateur final sans qu'il soit établi que l'installation soit effectuée par une entreprise certifiée, telle qu'imposée par le règlement n° 517/2014, était déjà applicable en France, à partir du 1er janvier 2015, conformément à l'article 27 de ce règlement. 9. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il résulte que l'obligation prévue à l'article 11, § 5, du règlement précité n° 517/2014 ne nécessitait pas, pour sa mise en oeuvre, l'adoption de mesures d'application, la cour d'appel a exactement retenu que cette disposition était directement applicable en France à compter du 1er janvier 2015. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Richardson aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Richardson et la condamne à payer à la société Ets Bellucci la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 mai 2023 Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 468 FS-B Pourvoi n° Y 21-20.690 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023 1°/ M. [V] [E] [F], 2°/ Mme [D] [G], épouse [F], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° Y 21-20.690 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige les opposant à la société France titrisation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, dénommé Marsollier Mortgages, ayant désigné comme entité en charge du recouvrement la société MCS et associés, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société JP Morgan Bank Dublin Public Limited Company, anciennement dénommée Bear Stearns Bank Public Limited Company sise à [Localité 4] (Irlande), en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 29 avril 2009, défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [F], de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, M. Waguette, Mme Caillard, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Latreille, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2021), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Bear Stearns Bank, aux droits de laquelle est venu le Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages représenté par la société France titrisation, à l'encontre de M. et Mme [F], un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée du bien. 2. M. et Mme [F] ont relevé appel de ce jugement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur appel, alors « qu'en cas d'appel d'un jugement d'orientation, la cour est valablement saisie par la remise par voie électronique au greffe de la seule assignation, sans que l'appelant soit tenu de lui remettre également la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, l'ordonnance du premier président et la déclaration d'appel, lesquels constituent des documents distincts de l'assignation ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel des époux [F], que l'assignation remise était incomplète dès lors qu'elle ne comprenait ni la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, ni l'ordonnance du premier président, ni une copie de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 922 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. Il résulte du premier de ces textes que dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque. 5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/ Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018). 6. La question posée par le moyen est celle de savoir si l'article 922 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose ou non, pour que la cour d'appel soit saisie, que soient jointes à la copie de l'assignation les copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel. 7. En application de l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour. L'ordonnance signée et datée du premier président figure au dossier de la procédure (2e Civ., 20 mai 2021, pourvois n° 19-19.258 et n° 19-19.259). 8. L'article 922 du code de procédure civile, quant à lui, a pour seul objet d'énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d'appel, celle-ci, devant être saisie par la remise d'une copie de l'assignation. 9. Il en résulte que l'article 922 du code de procédure civile n'impose pas que soient jointes à la copie de l'assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l'information de l'intimé, mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile. 10. Toute autre interprétation constituerait une entrave disproportionnée à l'accès au juge en méconnaissance de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que la cour d'appel n'a pas été valablement saisie par le dépôt au greffe d'une copie complète de l'assignation faute de comprendre la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, de l'ordonnance du premier président et d'une copie de la déclaration d'appel. 12. En statuant ainsi, en déclarant l'appel irrecevable, alors, d'une part, que la cour est valablement saisie par la remise de la seule copie de l'assignation, sans qu'il soit nécessaire d'y joindre les copies mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile, d'autre part, que l'absence de remise de cette assignation est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages et la condamne à payer à M. et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 juin 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 429 FS-B Pourvoi n° D 21-20.396 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023 M. [Y] [H], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° D 21-20.396 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [R] [D], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à M. [M] [H], domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y] [H], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [D], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juin 2021), [W] [O] [F] est décédée le 3 juillet 2010, en laissant pour lui succéder ses enfants, MM. [Y] et [M] [H], et en l'état d'un testament authentique reçu le 4 juin 2010 et instituant Mme [D] légataire des biens et droits immobiliers dont elle était propriétaire à [Localité 5], sis [Adresse 1] et [Adresse 3]. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. M. [Y] [H] fait grief à l'arrêt de dire que Mme [D] a le droit de disposer et de jouir de l'appartement situé [Adresse 1], depuis le 3 juillet 2010, de rejeter les demandes de MM. [H] en paiement d'une indemnité pour l'occupation de ce bien par Mme [D] à compter de cette date et de condamner celle-ci au paiement d'une indemnité de réduction, alors « que le légataire particulier qui n'a pas la qualité d'héritier réservataire est tenu en toute hypothèse de solliciter la délivrance de la chose léguée ; qu'en retenant, pour écarter la prescription soulevée par les consorts [H] et les débouter de leur demande d'indemnité d'occupation, que Mme [D] n'avait pas à solliciter la délivrance du legs de l'appartement situé [Adresse 1], à [Localité 5], dès lors que "le légataire mis en possession du bien légué par le testateur avant le décès de celui-ci et qui se maintient en possession après ce décès n'est pas tenu de faire une demande de délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien légué", la cour d'appel a violé l'article 1014 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1014 du code civil : 3. Il résulte de ce texte que, si le légataire particulier devient, dès l'ouverture de la succession, propriétaire de la chose léguée, il est néanmoins tenu, pour faire reconnaître son droit, de demander la délivrance du legs, peu important qu'il ait été mis en possession de cette chose par le testateur avant son décès. 4. Pour rejeter les demandes de MM. [H] tendant à voir constater la prescription de la délivrance du legs de l'appartement sis à [Adresse 1] et à voir condamner Mme [D] au paiement d'une indemnité d'occupation, l'arrêt retient qu'il ressort des dispositions de l'article 1014, alinéa 2, du code civil que le légataire qui est mis en possession du bien légué par le testateur avant le décès de celui-ci et qui se maintient en possession après ce décès n'est pas tenu de demander la délivrance pour bénéficier de la pleine jouissance du bien légué et qu'en conséquence, c'est en vain que MM. [H] soulèvent le moyen tiré de la prescription de l'action en délivrance. 5. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. [Y] [H] fait grief à l'arrêt de dire que l'action en délivrance du legs portant sur le local commercial situé [Adresse 3], à [Localité 5] est prescrite dans le sens où Mme [D] n'a aucun droit sur les revenus nets produits par ce bien depuis le décès de [W] [O] [F] et avant la demande de délivrance, de fixer la date de la demande de délivrance de ce bien au 29 septembre 2017 et de dire que Mme [D] a le droit de percevoir les revenus nets produits par ce bien à compter de cette date, alors « que le bénéficiaire d'un legs à titre particulier qui s'abstient d'en solliciter la délivrance dans le délai de prescription est privé de tout droit sur la chose léguée ; qu'en retenant, d'une part, que Mme [D] n'avait pas formé de demande de délivrance du legs portant sur le local commercial situé [Adresse 3] dans le délai de 5 ans après le décès de [W] [O] [F] et qu'elle était donc prescrite, et, d'autre part, que les conclusions de Mme [D] du 29 septembre 2017 valaient demande de délivrance des legs et que cette dernière était donc créancière des loyers nets produits par le local commercial à compter de cette date, la cour d'appel a violé les articles 1014 et 2219 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1014, alinéa 2, et 2219 du code civil : 7. Aux termes du premier de ces textes, le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu'à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l'ordre établi par l'article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie. 8. Le second dispose : « La prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. » 9. Il en résulte que, lorsque l'action en délivrance du légataire particulier est atteinte par la prescription, celui-ci, qui ne peut plus se prévaloir de son legs, ne peut prétendre aux fruits de la chose léguée. 10. Après avoir dit que l'action en délivrance du legs portant sur le local commercial sis à [Adresse 3] était prescrite, l'arrêt retient que Mme [D] est créancière des loyers nets produits par le local commercial à compter du 29 septembre 2017, date de ses conclusions devant le premier juge valant demande de délivrance des legs. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions visées par les premier et deuxième moyens entraîne la cassation de l'ensemble des chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne Mme [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [D] et la condamne à payer à M. [Y] [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois. 1re Civ., 22 octobre 1975, pourvoi n° 74-11.694, Bull. 1975, I, n° 293 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 juin 2023 Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 430 FS-B Pourvoi n° W 21-24.851 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023 M. [J] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-24.851 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à Mme [W] [F], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M.[I], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 septembre 2021), un jugement du 15 janvier 2003 a prononcé le divorce de M. [I] et de Mme [F], mariés sans contrat préalable. 2. Des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de « récompense » au titre du remboursement anticipé du solde d'un prêt souscrit avant le mariage, en application de l'article 1355 du code civil, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché par son dispositif ; que le jugement du 26 août 2011 n'a pas, dans son dispositif, statué sur une demande de M. [I] tendant au bénéfice d'une récompense due par la communauté au titre du remboursement anticipé auquel il avait procédé sur ses deniers propres, en mai 1994, du prêt immobilier souscrit indivisément, avant le mariage, pour l'acquisition d'un appartement situé à [Localité 3], à hauteur de 292 375,14 francs (44 572,30 euros), demande dont il n'a pas davantage été fait mention dans les motifs de ce jugement, lorsque le tribunal a examiné la question du financement de l'acquisition de cet appartement, seule étant envisagée la récompense due au titre du financement de l'acquisition de la maison de [Localité 4], après mariage ; que la cour d'appel qui, pour dire irrecevable la demande de M. [I] aux fins de récompense au titre du remboursement anticipé du prêt souscrit pour l'acquisition de l'appartement de [Localité 3], a énoncé que le tribunal avait, dans les motifs de son jugement du 26 août 2011, examiné la prétention de M. [I] aux fins de récompense au titre du remboursement anticipé d'un autre prêt UCB souscrit pour l'acquisition de l'appartement de [Localité 3] et que, dans son dispositif, le tribunal, après l'énoncé des sommes allouées dont la récompense de 12 504,64 euros au titre du remboursement d'un prêt immobilier souscrit pour l'acquisition de la maison de [Localité 4], avait rejeté tous autres moyens et prétentions des parties, a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil et l'article 480 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil et l'article 480 du code de procédure civile : 4. Il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif. 5. Pour déclarer irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, la demande de « récompense » formée par M. [I] au titre du remboursement anticipé, en mai 1994, d'un emprunt souscrit pour l'acquisition, avant le mariage, d'un immeuble situé à [Localité 3], l'arrêt retient que le tribunal a, dans les motifs de son jugement du 26 août 2011, examiné cette prétention pour la rejeter et, dans le dispositif de cette décision, expressément rejeté tous autres moyens ou prétentions des parties. 6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que, devant le tribunal, M. [I] s'était borné à demander une récompense au titre du financement de l'immeuble de [Localité 4], de sorte que le jugement du 26 août 2011 ne pouvait se voir attacher l'autorité de la chose jugée à l'égard d'une demande sur laquelle il n'avait pas statué, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en réévaluation d'une récompense fixée à son profit à hauteur de 12 504,64 euros au titre d'un solde de prêt ayant financé des travaux, alors « que la décision qui fixe le montant des sommes devant entrer dans la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, à la suite de la dissolution du mariage, sans fixer la date de jouissance divise, est dépourvue d'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive des biens ; que le jugement du 26 août 2011 a fixé à la somme de 12 504,64 euros la récompense due par la communauté à M. [I] au titre du remboursement d'un prêt immobilier souscrit pour l'acquisition de la maison de [Localité 4] sans fixer la date de jouissance divise ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation de cette récompense selon la règle du profit subsistant, que ses droits avaient été fixés par le jugement du 26 août 2011, devenu définitif, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 829, 1469, alinéas 1 et 3, et 1351, devenu 1355, du code civil : 8. Le premier de ces textes dispose : « En vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité. » 9. Aux termes du deuxième, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. 10. Selon le troisième, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. 11. Il en résulte que la décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette récompense. 12. Pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation d'une récompense au titre du remboursement d'un emprunt afférent à un immeuble commun, l'arrêt retient que le jugement du 26 août 2011 a définitivement statué sur la valeur de cette récompense. 13. En statuant ainsi, alors que le jugement du 26 août 2011 n'avait pas fixé la date de la jouissance divise, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 14. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en réévaluation d'une créance fixée à son profit envers l'indivision post-communautaire à hauteur de 39 637,67 euros, alors « que la décision qui fixe le montant des sommes devant entrer dans la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, à la suite de la dissolution du mariage, sans fixer la date de jouissance divise, est dépourvue d'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive des biens ; que le jugement du 26 août 2011 a fixé à la somme de 39 637,67 euros le montant de la créance post-communautaire de M. [I] au titre de prêts immobiliers consentis par la Société Générale, sans fixer la date de jouissance divise ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation de cette créance selon la règle du profit subsistant, que ses droits avaient été fixés par le jugement du 26 août 2011, devenu définitif, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 829, 815-13, alinéa 1, et 1351, devenu 1355, du code civil : 15. Le premier de ces textes dispose : « En vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité. » 16. Selon le deuxième, lorsqu'un indivisaire a avancé de ses deniers les sommes nécessaires à la conservation d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité et eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. 17. Selon le troisième, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. 18. Il en résulte que la décision qui se prononce sur une créance d'un époux à l'encontre de l'indivision au titre de dépenses de conservation sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette créance. 19. Pour déclarer irrecevable la demande de M. [I] tendant à la réévaluation d'une créance à son profit envers l'indivision post-communautaire au titre du remboursement d'emprunts souscrits pour l'acquisition d'un immeuble commun, l'arrêt retient que le jugement du 26 août 2011 a définitivement statué sur la valeur de cette créance. 20. En statuant ainsi, alors que le jugement du 26 août 2011 n'avait pas fixé la date de la jouissance divise, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [I] irrecevable en sa demande à bénéficier d'une « récompense supplémentaire » en lien avec le remboursement anticipé du solde d'un prêt indivis, en application de l'article 1355 du code civil, en ce qu'il déclare irrecevables les autres demandes de M. [I] relatives à une autre récompense de 12 504,64 euros au titre d'un solde de prêt travaux et à une créance post-communautaire de 39 637,67 euros due par l'indivision au patrimoine propre de M. [I], et en ce qu'il statue sur les dépens de première instance et d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne Mme [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-et-un juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 juin 2023 Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 439 F-B Pourvoi n° W 21-17.077 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023 Mme [L] [K], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-17.077 contre deux arrêts rendus les 8 février 2017 (3e chambre B) et 25 mars 2021 (2e chambre de la famille) par la cour d'appel de Montpellier, dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de représentante légale de son fils mineur [G] [W], 2°/ à M. [V] [W], domicilié [Adresse 2], 3°/ à M. [A] [W], domicilié [Adresse 4], 4°/ à Mme [M] [W], épouse [N], domiciliée [Adresse 3], 5°/ à M. [G] [W], domicilié [Adresse 1], devenu majeur le 8 mai 2022, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [K], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme [J] et de M. [W], après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à M. [G] [W], devenu majeur, de sa reprise d'instance en son nom. Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 8 février 2017 et 25 mars 2021), deux jugements des 7 février 1995 et 4 novembre 1996 ont, pour le premier, prononcé le divorce de Mme [K] et de [B] [W] et, pour le second, homologué leur accord prévoyant le paiement de la prestation compensatoire mise à la charge de l'époux sous la forme d'une rente mensuelle d'un certain montant. 3. Après le décès de celui-ci, survenu le 28 octobre 2012, Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [V] et [G] [W], issus de ses relations avec [B] [W], a assigné Mme [K], M. [A] [W] et Mme [M] [W], enfants issus du mariage, en suppression de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, subsidiairement, en diminution de celle-ci ou, très subsidiairement, en sa conversion en capital. 4. M. [V] [W], devenu majeur, est intervenu volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. Mme [K] fait grief à l'arrêt du 25 mars 2021 de déclarer recevable la demande de M. [V] [W] et de Mme [J], en sa qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire d'[G], aux fins de suppression ou de diminution du montant de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère et, en conséquence, de supprimer celle-ci à compter du décès de [B] [W], alors « qu'en l'absence d'accord de l'ensemble des héritiers pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, le décès de l'époux débiteur entraîne de plein droit sa conversion en un capital immédiatement exigible, si bien que l'action en révision ou en suppression de la rente n'est plus ouverte aux héritiers, faute d'objet, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elle a été fixée avant ou après l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action intentée par Mme [U] [J], agissant ès qualités et M. [V] [W], motif pris que la rente litigieuse aurait été fixée sous l'empire du droit antérieur à la loi du 30 juin 2000 et que resterait en ce cas ouverte aux héritiers l'action en révision ou en suppression de la rente fondée sur l'avantage manifestement excessif que procurerait son maintien, ce nonobstant l'absence de tout accord des héritiers pour maintenir le service de cette rente, la cour d'appel a violé les articles 280 et 280-1 du code civil, ensemble les articles 33, VI, et 33, X, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004. » Réponse de la Cour Vu les articles 276-3, 280 et 280-1 du code civil et l'article 33 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 : 6. Il résulte de la combinaison de l'article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et de l'article 276-3 du code civil, issu de cette loi, que la révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qu'elles aient été fixées par le juge ou par convention des époux, peut être demandée par le débiteur ou ses héritiers, soit lorsque leur maintien procure au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères définis à l'article 276 du code civil, soit en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties. 7. Selon l'article 33, X, de la loi précitée, les dispositions des articles 280 et 280-1 du code civil, issus de la même loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif à cette date. 8. Selon l'article 280 du code civil, à la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n'y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l'actif successoral. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. 9. Selon l'article 280-1 du même code, par dérogation à l'article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l'époux débiteur, en s'obligeant personnellement au paiement de cette prestation. A peine de nullité, l'accord est constaté par un acte notarié. Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l'époux créancier lorsque celui-ci n'est pas intervenu à l'acte. 10. Pour supprimer la prestation compensatoire versée sous forme de rente à Mme [K], l'arrêt retient que les articles 280 à 280-2 du code civil sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 en l'absence de partage définitif intervenu entre les différents héritiers, sauf en ce qui concerne la révision, suspension ou suppression des prestations compensatoires sous forme de rente viagère fixées par le juge ou par convention avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000. 11. En statuant ainsi, alors que les articles 280 et 280-1 du code civil étaient applicables à la prestation compensatoire allouée sous forme de rente avant le 1er juillet 2000, de sorte qu'en l'absence d'accord des héritiers de [B] [W] pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, celle-ci était capitalisée en raison du décès du débiteur, ce dont il se déduisait que l'action en révision engagée par Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants alors mineurs, [G] et [V] [W], et reprise par ceux-ci, était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond du chef de la révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire. 14. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 25 mars 2021 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 8 février 2017, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 8 février 2017 et 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire ; DECLARE irrecevable l'action en révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire servie à Mme [K] engagée par Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants alors mineurs, [V] et [G] [W], et reprise par ceux-ci ; Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée pour qu'elle statue sur leur demande subsidiaire de conversion de la rente en capital ; Condamne M. [V] [W] et M. [G] [W] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel et les frais d'expertise ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] [W] et M. [G] [W] et les condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois. 1re Civ., 4 novembre 2015, pourvoi n° 14-20.383, Bull. 2015, I, n° 266 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 474 FS-B Pourvoi n° H 21-10.256 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023 La société Jezo Le Ludec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13], a formé le pourvoi n° H 21-10.256 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [J] [W], domicilié [Adresse 5], 2°/ à M. [U] [W], domicilié [Adresse 8], 3°/ à la société Financière Tony Greg, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], 4°/ à M. [C] [P], 5°/ à Mme [G] [O], épouse [P], tous deux domiciliés [Adresse 1], 6°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 4], 7°/ à M. [X] [P], domicilié [Adresse 10], 8°/ à la société Guyot recyclage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 14], 9°/ à la société Eiffage route Ile-de-France, Centre Ouest, société en nom collectif, dont le siège est ZAC La Courrouze, [Adresse 3], venant aux droits de la société Eiffage route Ouest, nouvelle dénomination d'Eiffage travaux publics Ouest, 10°/ à la société Eiffage infrasructures, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], nouvelle dénomination d'Eiffage travaux publics, 11°/ à la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 11], 12°/ à la société Restech, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 13°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 12], 14°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 9], 15°/ à l'Union départementale des associations familiales du Morbihan (UDAF du Morbihan), dont le siège est [Adresse 7], prise en qualité de curateur de M. [L] [W], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Jezo Le Ludec, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la SMABTP, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Jezo Le Ludec du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [G] [P], MM. [J], [U] et [L] [W] et MM. [C], [D] et [X] [P], l'union départementale des associations familiales (UDAF) du Morbihan prise en sa qualité de curateur de M. [L] [W] et les sociétés Financière Tony Greg, Guyot recyclage, Eiffage route Ile-de-France/Centre Ouest, Eiffage infrastructures, Restech et Gan assurances. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 octobre 2020), en 2006, la société Guyot recyclage a confié à la société Jezo Le Ludec, assurée auprès de la Société Mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment de « stockage de déchets ». 3. Le lot « voirie et réseaux divers, terrassements » a été confié à la société EGTP, assurée auprès de la société Gan assurances. 4. La société EGTP a sous-traité une partie des travaux à la société Bretagne réseaux, aux droits de laquelle est venue la société Restech. 5. Se plaignant de dysfonctionnements des réseaux d'évacuation et de déversements de liquides polluants en périphérie des installations, la société Guyot recyclage a assigné la société Eiffage travaux publics Ouest, venant aux droits de la société EGTP, la société Eiffage travaux publics et la société Jezo Le Ludec sur le fondement des articles 1792 et 1147 du code civil. Les sociétés du groupe Eiffage ont assigné en intervention forcée les consorts [W] et [P], la société Financière Tony Greg, la société Restech, venant aux droits de la société Bretagne Réseaux, la société Gan assurances, la société Jezo Le Ludec et la SMABTP. Examen des moyens Sur le second moyen 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. La société Jezo Le Ludec fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie contre la SMABTP, alors « que le contrat d'assurance destiné à garantir notamment la responsabilité décennale d'un constructeur susceptible d'être engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil couvre tous les travaux de construction d'un ouvrage, sauf exception limitativement énumérée à l'article L. 243-1-1 du code des assurances ; que cet article, dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, applicable au litige, exclut de l'assurance obligatoire les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages, mais ne vise pas les ouvrages de stockage de déchets ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre passé le 12 juin 2006 entre la société Jézo Le Ludec et la société Guyot portait sur "la construction d'un bâtiment de stockage de déchets" ; que pour décider que ces travaux n'étaient pas couverts par le contrat d'assurance souscrit par la société Jézo Le Ludec, la cour a retenu que l'opération globale portait sur la construction d'un centre de tri et de valorisation des déchets, et que le bassin d'orage en était l'accessoire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 243-1-1 du code des assurances dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 8 juin 2005. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 243-1-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 : 8. Ce texte édicte, en son premier alinéa, une liste d'ouvrages qui sont exclus en toutes circonstances de l'obligation d'assurance et, en son second alinéa, une liste d'ouvrages qui n'en sont exclus que s'ils ne constituent pas l'accessoire d'un ouvrage soumis à l'obligation. 9. Dès lors qu'il prévoit des exceptions aux obligations d'assurance d'ordre public édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances, ce texte est d'interprétation stricte. 10. Il en résulte qu'un ouvrage non visé à l'article L. 243-1-1 du code des assurances reste soumis à l'obligation d'assurance, serait-il l'accessoire d'un ouvrage qui en est exclu. 11. Pour rejeter le recours en garantie formé par la société Jezo Le Ludec contre la SMABTP, l'arrêt retient que l'opération portait sur la construction d'un centre de tri et de valorisation des déchets non soumis aux obligations d'assurance et que le bassin d'orage litigieux en était l'accessoire. 12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de garantie de la société Jezo Le Ludec formée contre la SMABTP, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la condamne à payer à la société Jezo Le Ludec la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 22 juin 2023 IRRECEVABILITÉ Mme TEILLER, président Arrêt n° 576 FS-B Affaire n° K 23-40.006 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023 Le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a transmis à la Cour de cassation le 31 mars 2023, par jugement rendu le 29 mars 2023, des questions prioritaires de constitutionnalité, dans l'instance mettant en cause : D'une part, - M. [E] [O], domicilié [Adresse 3], D'autre part, - le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, établissement public de l'Etat à caractère administratif, dont le siège est [Adresse 2], représenté par sa directrice en exercice, Mme [Z] [T]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [O], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. M. [O] occupe depuis 1995, sur le territoire de la commune des [Localité 4], des parcelles dénommées [Adresse 1], qui ont été acquises par le Conservatoire de l'Espace littoral et des rivages lacustres (le Conservatoire du littoral) le 31 mars 2005. 2. Par une délibération du 21 novembre 2013, le conseil d'administration du Conservatoire du littoral a classé ces parcelles dans son domaine propre. 3. Par jugement irrévocable du 15 mai 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a dit que M. [O] bénéficiait d'un bail rural depuis 1995. 4. Le 18 août 2020, le Conservatoire du littoral lui a notifié un congé portant refus de renouvellement du bail à effet au 31 mars 2022, que le preneur a contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 5. Les questions posées par M. [O] dans son mémoire distinct, déposé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, sont ainsi rédigées : « - Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? - Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe ? - Les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit, spécifiquement les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article premier du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 6, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ? » 6. Toutefois, par jugement du 29 mars 2023, sans pour autant refuser de transmettre une partie de ces questions pour l'un des motifs prévus par les articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le tribunal paritaire des baux ruraux a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe fondamental reconnu par les lois de la République compte tenu des valeurs qu'il protège ? » 7. Si les questions posées peuvent être reformulées par le juge à l'effet de les rendre plus claires ou de leur restituer leur exacte qualification, il n'appartient pas au juge d'en modifier l'objet ou la portée. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi des questions prioritaires de constitutionnalité telles qu'elles ont été soulevées dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui les lui a transmises. Recevabilité des questions prioritaires de constitutionnalité 8. Par arrêt du 8 septembre 2022 (3e Civ., 8 septembre 2022, QPC n° 22-40.011), la Cour de cassation a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité invoquant une atteinte portée par l'article L. 322-9 du code de l'environnement aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, transmise par la même juridiction dans la même instance opposant les mêmes parties, aux motifs, d'une part, que la partie n'avait pas formulé de question dans son écrit distinct, d'autre part, que l'affaire n'avait pas été communiquée au ministère public qui n'est pas partie à l'instance. 9. Ces causes d'irrecevabilité ayant disparu, la Cour de cassation peut être, de nouveau, saisie de cette question prioritaire de constitutionnalité. 10. Cependant, en premier lieu, les questions prioritaires de constitutionnalité ne sont pas recevables en ce qu'elles allèguent la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention. 11. En second lieu, les autres questions, dès lors qu'elles n'explicitent pas ce que recouvrirait le « principe du statut d'ordre public du fermage agricole », ni ne précisent les droits conférés par le statut du fermage, tel qu'institué par le titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime, dont le fermier entend se prévaloir, et dès lors qu'elles ne précisent pas en quoi la disposition législative critiquée porterait atteinte aux principes constitutionnels garantis par les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ne permettent pas à la Cour de cassation d'en vérifier le sens et la portée. 12. Ces questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 juin 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 470 FS-B Pourvoi n° A 22-17.476 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023 1°/ M. [D] [B], 2°/ Mme [M] [G], épouse [B], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° A 22-17.476 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Auroroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [B], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Auroroutes Paris-Rhin-Rhône, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 29 mars 2022, RG n° 19/00003), par décret du 20 avril 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, a déclaré d'utilité publique le projet de mise en deux fois deux voies de la route centre Europe Atlantique RN 79. 2. Par arrêtés des 26 septembre 2017 et 31 janvier 2018, des parcelles appartenant à M. et Mme [B], comprises dans le périmètre de cette opération, ont été déclarées cessibles au profit de la société Autoroute Paris-Rhin-Rhône (la société APRR). 3. Faute d'accord entre les parties sur le montant des indemnités revenant aux expropriés, la société APRR a saisi le tribunal de grande instance de Montluçon, qui s'est déclaré incompétent et a renvoyé le dossier de l'affaire au juge de l'expropriation du département de l'Allier siégeant au tribunal de grande instance de Moulins. 4. Le greffe du tribunal de grande instance de Moulins n'a pas adressé aux parties l'avis prévu par l'article 82 du code de procédure civile les invitant à poursuivre l'instance devant lui. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du jugement et de déclarer irrecevables leurs demandes indemnitaires, alors : « 1°/ qu'en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l'affaire lui est transmis par le greffe, à défaut d'appel dans le délai ; que dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l'instance et, s'il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de cet avis ; qu'encourt l'annulation le jugement rendu en l'absence de transmission de cet avis, dès lors que cette irrégularité a privé une partie de la possibilité d'organiser sa défense devant la juridiction de première instance ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir qu'ils n'avaient "appris la reprise de la saisine du juge de l'expropriation [de Moulins], initiée à [Localité 3] par l'expropriant près d'un an auparavant (début février 2018) par la société APRR, que 15 jours exactement avant l'audience du juge de l'expropriation du 8 février 2019", en sorte que "le silence de la juridiction au regard des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile fait grief (...) car ce silence les a empêchés de rédiger leur mémoire en défense avant l'audience des parties, leur demande de report de l'audience ayant même été refusée" ; que la cour d'appel a elle-même constaté que "le greffe de la juridiction d'expropriation de Moulins n'a pas invité les parties, et notamment les époux [B], à poursuivre l'instance et à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de l'avis qui devait leur être adressé" ; que pour rejeter pourtant la demande d'annulation du jugement, la cour d'appel a retenu qu'aucun grief ne serait établi au prétexte que le conseil des expropriés connaissait, avant la décision d'incompétence de la juridiction de Montluçon, l'information "encore officieuse à cette époque" que "c'était bien le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Moulins qui allait s'occuper de cette affaire" ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à établir que les expropriés auraient eu connaissance en temps utile de la poursuite effective de l'instance devant le juge de l'expropriation de Moulins aux fins de pouvoir organiser leur défense, la cour d'appel a violé l'article 82 du code de procédure civile, ensemble l'article 15 du même code et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que lorsqu'il dispose des éléments suffisants pour rédiger son mémoire de saisine du juge de l'expropriation, l'expropriant notifie ce mémoire à l'exproprié ; qu'à défaut d'accord dans le délai d'un mois, l'expropriant saisit le juge de l'expropriation en adressant son mémoire de saisine au greffe et notifie simultanément une copie de son mémoire de saisine à l'exproprié, qui dispose d'un délai de six semaines pour lui adresser son mémoire en réponse ; qu'il en résulte qu'en cas de transmission du mémoire de saisine à une juridiction incompétente, le délai du mémoire en réponse ne peut commencer à courir avant la poursuite régularisée de l'instance devant la juridiction compétente ; qu'en l'espèce, la société expropriante avait adressé son mémoire de saisine à la juridiction de Montluçon pourtant incompétente, cette irrégularité n'ayant pas été régularisée dès lors que "le greffe de la juridiction d'expropriation de Moulins n'a pas invité les parties, et notamment les époux [B], à poursuivre l'instance et à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de l'avis qui devait leur être adressé" ; qu'il en résultait que le délai de l'article R. 311-11 du code de l'expropriation n'avait pas commencé à courir ; qu'en retenant pourtant que la demande de report de l'audience formée par les exposants n'avait pas été accordée du fait "de l'absence de mémoire en réponse des expropriés dans les délais prescrits par les articles R. 311-11 du code de l'expropriation", la cour d'appel a violé l'article R. 311-11 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 3°/ qu'en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l'affaire lui est transmis par le greffe, à défaut d'appel dans le délai ; que dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l'instance et, s'il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de cet avis ; qu'encourt l'annulation le jugement rendu en l'absence de transmission de cet avis, dès lors que cette irrégularité a privé une partie de la possibilité d'organiser sa défense devant la juridiction de première instance ; qu'il est indifférent à cet égard que cette partie ait pu déposer des écritures devant la cour d'appel, dès lors que les demandes qu'elle y a présentées ont été jugées irrecevables comme nouvelles pour n'avoir pas été présentées devant le premier juge ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'annulation du jugement nonobstant l'absence d'invitation des parties à poursuivre l'instance devant le juge de l'expropriation de Moulins ayant privé les exposants de la possibilité de conclure en temps utile devant lui, la cour d'appel a retenu l'absence de grief au prétexte des "écritures que le conseil des appelants a eu tout loisir de produire à la cour dans chaque affaire déférée, témoignant ainsi d'une parfaite capacité à soutenir leurs intérêts" ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à écarter le grief causé par la méconnaissance des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile dès lors qu'elle jugeait irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes présentées par les expropriés dans leurs écritures d'appel, la cour d'appel a derechef violé l'article 82 du code de procédure civile, ensemble l'article 15 du même code et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 6. Le délai de six semaines imparti au défendeur pour notifier au demandeur son mémoire en réponse, prévu à l'article R. 311-11 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, commence à courir dès la notification du mémoire du demandeur même lorsque la juridiction saisie par celui-ci est incompétente, dès lors qu'en cas de renvoi devant une autre juridiction de l'expropriation, l'instance régulièrement engagée devant la juridiction initialement saisie se poursuit en l'état devant la juridiction de renvoi, sans suspension ou interruption de l'instance. 7.Il s'ensuit que le moyen, qui, en sa troisième branche, critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juin 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 386 FS-B Pourvoi n° W 21-50.036 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-50.036 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [Y] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 mars 2021), un procureur de la République a engagé des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [C], notaire (le notaire), devant un tribunal judiciaire. 2. La cour d'appel a annulé l'assignation et le jugement déféré. Examen des moyens Sur le premier moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 4. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement déféré, alors « que, lorsque les décisions ont pu être annulées quand elles faisaient mention d'une sanction amnistiée, ce n'était pas sur l'appréciation de la culpabilité mais sur le constat qu'il résultait des motifs de la décision que la prise en considération de la décision amnistiée avait influé sur l'appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle infraction poursuivie ; que lorsque la nullité est prononcée, c'est dans les situations où la sanction amnistiée a été déterminante dans l'appréciation de la nouvelle sanction ; qu'au contraire, la nullité n'est pas encourue lorsque la mention erronée n'a pas été déterminante ; que la cour a dénaturé le jugement prononcé le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne ; que ce jugement n'évoque aucunement les faits de 1994 prétendument amnistiés dans son appréciation de la culpabilité du notaire sur les faits objets de la nouvelle poursuite ; que le jugement de première instance évoque les faits de 1994 uniquement dans le chapitre "sur la sanction" [...] ; que la cour a bien dénaturé les termes précis et clairs du jugement de première instance en prononçant son annulation par les motifs rappelés, le jugement n'ayant jamais évoqué les faits de 1994 avant la motivation sur la sanction et la motivation de la sanction n'a pas considéré comme déterminants la sanction de 1994 mais bien les nouveaux faits et la sanction de 2015 ; qu'en particulier la phrase partiellement citée dans l'arrêt montre dans la lecture in extenso du jugement que lorsque celui-ci écrit "dès fin 2016 il réitère des faits", cela se réfère aux faits sanctionnés en 2015 et non aux faits de 1994 ; que le grief formulé au moyen porte bien sur une dénaturation et non sur une remise en question de l'appréciation souveraine des juges du fond ; que la cour a violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel a constaté que la sanction disciplinaire prononcée le 15 septembre 1994 contre le notaire avait été effacée par les lois portant amnistie n° 95-884 du 3 août 1995 et n° 2002-1062 du 6 août 2002. 6. Elle a souverainement estimé, hors toute dénaturation, que le jugement déféré, en retenant que le notaire, sanctionné par la chambre des notaires en 1994 et en 2015, n'en avait pas tiré les conséquences, avait pris en considération la sanction effacée qui avait influé sur la nouvelle sanction prononcée. 7. Elle en a exactement déduit que le jugement devait être annulé. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler l'assignation délivrée au notaire, alors « que les nullités prévues par l'article 114 du code de procédure civile sont des nullités découlant de l'inobservation de formalités substantielles ou d'ordre public ; que le prononcé de la nullité de l'assignation au motif que celle-ci évoquerait des faits couverts par la loi d'amnistie n'entre pas dans les prévisions de l'article 114 du code de procédure civile, les articles 133-9 et 133-11 du code pénal, à supposer que les faits puissent être considérés comme amnistiés, ne permettent pas d'annuler l'assignation du procureur de la République ; que si l'article 133-9 du code pénal pose le principe de l'effacement des faits amnistiés, l'article 133-11 du code pénal fixe les conditions dans lesquelles s'applique l'interdiction d'évoquer des faits amnistiés sans pour autant que cette évocation entraîne la nullité de l'acte, sauf quand il résulte des motifs de la décision que la prise en considération de la condamnation amnistiée a influé sur l'appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle poursuite ; que le ministère public ne peut se voir interdire de viser dans son assignation une décision de condamnation de la chambre de discipline régionale du 20 mai 2015 et le rapport annexé, relatifs à une poursuite disciplinaire pour des faits de 2014 et 2015, même si celle-ci évoque des faits de 1994 ; que telle est bien la portée de l'arrêt de la cour dès lors que celui-ci en tire pour conséquence la nullité de l'assignation du ministère public ; qu'en considérant que l'assignation du ministère public devait être annulée, la cour a violé par fausse application les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile et les articles 133-9 et 133-1 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu les articles 114, alinéa 1, du code de procédure civile, 133-9 du code pénal, 14, 17 et 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie, 11 et 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie : 10. Aux termes du premier de ces textes, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. 11. Il résulte des suivants que les dispositions des lois d'amnistie qui interdisent le rappel d'une condamnation amnistiée ne prévoient pas la nullité de l'acte contenant la mention prohibée et que seule la décision prenant en considération la condamnation amnistiée pour l'appréciation de la nouvelle peine encourt une telle nullité. 12. Pour annuler l'assignation, l'arrêt retient que celle-ci évoque une sanction disciplinaire effacée par deux lois d'amnistie et que la prise en considération de la sanction effacée a influé sur la nouvelle sanction prononcée. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 14. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement déféré et de constater que l'effet dévolutif ne s'applique pas, alors « que dès lors qu'il a été conclu sur le fond, fût-ce à titre subsidiaire, la dévolution s'opère pour le tout, même si l'appel tend à la nullité du jugement ; que lorsque la cour estime devoir prononcer la nullité du jugement de première instance pour mention prohibée d'amnistie, elle se doit par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le fond de la poursuite dès lors qu'il a été conclu au fond et de déterminer la sanction, sans se déterminer au regard des faits de 1994 si elle les estime couverts par l'amnistie ; qu'en considérant que l'effet dévolutif de l'appel ne pouvait opérer, la cour a violé par fausse application les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile et les articles 133-9 et 133-11 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 15. La cassation prononcée sur le deuxième moyen emporte, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif constatant que l'effet dévolutif ne s'opère pas en raison de l'annulation de l'assignation, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement déféré prononcé le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne, l'arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juin 2023 Cassation partielle Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 401 F-B Pourvoi n° J 22-15.552 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023 1°/ M. [C] [S], 2°/ Mme [F] [S], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° J 22-15.552 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2022 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section instance), dans le litige les opposant à la société banque CIC EST, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société banque CIC EST a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [S], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société banque CIC EST, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 1er mars 2022), le 16 juillet 2014, M. et Mme [S] (les emprunteurs) ont souscrit auprès de la société CIC Est (la banque) un crédit renouvelable, puis, le 5 septembre 2015, un prêt personnel remboursable en 84 mensualités. 2. Le 3 juin 2019, la banque a assigné les emprunteurs devant un tribunal d'instance aux fins de paiement de diverses sommes en remboursement de ces prêts. Les emprunteurs ont formé une demande reconventionnelle de condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde. Examen des moyens Sur le second moyen et la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux emprunteurs la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en conséquence, lorsque le juge retient qu'une banque a manqué à son obligation de mise en garde à laquelle il était tenu à l'égard d'un emprunteur non averti auquel il a consenti un prêt, il ne peut faire droit à la demande de celui-ci s'il est certain que si la banque avait exécuté son obligation de mise en garde, l'emprunteur aurait tout de même contracté ce prêt ; que pour accueillir la demande d'indemnisation d'une perte de chance au titre d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde à l'égard des emprunteurs lors de l'octroi du prêt personnel de 24 000 euros du 5 septembre 2015, la cour d'appel, après avoir relevé que les emprunteurs sont en droit d'être indemnisés du préjudice qu'ils subissent en lien avec la faute de la banque, c'est-à-dire de ne pas souscrire ce second concours financier si le prêteur avait exécuté correctement son devoir de mise en garde, retient qu'"il doit être relevé que l'affectation des fonds empruntés correspondant au financement des études des enfants, ce que, selon leurs propres déclarations, les emprunteurs ne pouvaient se permettre d'engager sans aide, il n'est pas acquis qu'une information et une mise en garde effective de la part du prêteur les aurait conduits à renoncer à leur projet d'emprunter, étant ajouté qu'ils sont parvenus à rembourser leurs crédits durant tout de même un peu plus de trois ans" avant de retenir qu'"une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts sera en cela "de nature à réparer de façon juste leur préjudice"" ; qu'en accueillant partiellement la demande d'indemnisation d'une perte de chance après avoir pourtant caractérisé l'absence de toute perte de chance des emprunteurs de ne pas contracter le prêt du 5 septembre 2014, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 » Réponse de la Cour 5. En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. 6. La cour d'appel, a fait ressortir qu'il existait une incertitude sur la décision que les emprunteurs auraient prise en cas de respect par la banque de son obligation de mise en garde, et que le risque d'endettement excessif s'était réalisé au bout de trois ans, caractérisant ainsi l'existence de la perte de chance par eux subie. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à déchéance de la banque du droit aux intérêts, alors « qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations pré-contractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche pré-contractuelle d'information normalisée européenne constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires ; qu'à cet égard, la fiche d'informations pré-contractuelles normalisées, produite par la banque devant le juge, ne comportant pas la signature des emprunteurs ni même leurs initiales, ne saurait valablement compléter la formule pré-imprimée figurant dans l'offre de prêt ; qu'en estimant que la banque avait rempli ses obligations légales au vu d'une fiche d'information pré-contractuelle normalisée, versée aux débats, ne comportant ni la signature ni le paraphe des emprunteurs venue compléter une formule pré-imprimée figurant sur l'offre, la cour d'appel a violé les articles L. 311-6 et R. 311-3 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 311-6, I, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 9. En application de ce texte, la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations, lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne, constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. 10. Pour retenir que la banque avait satisfait à son obligation d'information pré-contractuelle, l'arrêt retient que la production par la banque de la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, renseignée notamment des chefs de l'identité du prêteur, de la description des principales caractéristiques du crédit et du coût du crédit, le document portant sur chacune des 3 pages comme référence le numéro du contrat de prêt, même si elle ne portait pas la signature des emprunteurs ni même l'indication de leurs initiales, s'agissant d'un document rédigé avec les caractéristiques essentielles du contrat de prêt, confortait utilement l'offre selon laquelle les emprunteurs reconnaissaient que la fiche d'informations précontractuelles leur a fait été remise lors de la conclusion du contrat de prêt. 11. En statuant ainsi, alors qu'un document émanant de la seule banque ne pouvait utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle a condamné la société banque CIC Est à payer à M. et Mme [C] [S]-[X] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts l'arrêt rendu le 1er mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société banque CIC Est aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par elle et la condamne à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois. 1re Civ., 5 juin 2019, pourvoi n° 17-27.066, Bull., (rejet) ; 1re Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 19-20.890, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juin 2023 Cassation partielle Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 397 F-B Pourvoi n° H 22-50.004 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023 Le procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du parlement de Bretagne, CS 66423, 35063 Rennes cedex, a formé le pourvoi n° H 22-50.004 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2022 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [E] [T], épouse [B], 2°/ à M. [N] [I], tous deux domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 janvier 2022), M. [I], né le 15 août 2000 à Diego-Suarez (Madagascar), a été adopté le 7 juillet 2009 par Mme [T], de nationalité malgache, selon une déclaration auprès de l'officier d'état civil de la commune de Diego-Suarez, déclarée exécutoire en France par une ordonnance du 18 septembre 2014. 2. Mme [T] a acquis la nationalité française selon déclaration souscrite le 9 août 2011 et enregistrée le 20 juillet 2012, par suite de son mariage célébré le 2 juin 2006 avec M. [B], de nationalité française. 3. Ayant souscrit le 30 mai 2018 une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, M. [I] s'est vu refuser son enregistrement le 19 septembre 2018. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le procureur général près la cour d'appel de Rennes fait grief à l'arrêt de confirmer l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [I] le 30 mai 2018 et dire qu'il est de nationalité française, alors « qu'en application de l'article 21-12, 2°, du code civil, peut, jusqu'à sa majorité, réclamer la nationalité française par déclaration, l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; que le texte subordonne l'acquisition de la nationalité française à la condition que l'enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; qu'en considérant que l'article 21-12, 2°, du code civil imposait uniquement que l'enfant ait été recueilli en France et ait bénéficié d'une formation dispensée par des organismes français, la cour d'appel violé les dispositions de cet article. » Réponse de la Cour Vu l'article 21-12 du code civil : 5. Il résulte de ce texte que peuvent réclamer la nationalité française, par déclaration souscrite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants du code civil, jusqu'à sa majorité et à condition qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française ; l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ou encore l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat. 6. Pour ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par M. [I] le 30 mai 2018, l'arrêt retient d'une part, que l'article 21-12, alinéa 3, 2°, prévoit l'accès à la nationalité française à l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat et n'impose pas que l'enfant ait été recueilli par un organisme public autre que le service de l'aide sociale à l'enfance, mais seulement qu'il ait été recueilli en France, d'autre part, que M. [I] ayant été recueilli en France par Mme [T] et M. [B] depuis 2010, tous deux de nationalité française et justifiant avoir reçu, pendant cinq années au moins, une formation française dispensée par des organismes publics français, la condition posée par l'article 21-12, alinéa 3, 2°, visant à s'assurer que l'enfant a bénéficié, pendant une durée suffisante fixée à cinq ans, une formation dispensée par des organismes français de nature à s'assurer de l'intégration par l'enfant de la langue et des valeurs attachées à l'acquisition de la nationalité française est satisfaite. 7. En statuant ainsi, alors que la souscription d'une déclaration de nationalité en application de l'article 21-12, alinéa 3, 2°, requiert que l'enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne M. [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juin 2023 Cassation partielle Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 392 F-B Pourvoi n° T 22-14.709 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023 1°/ M. [F] [E], 2°/ Mme [R] [C], épouse [E], tous deux domiciliés [Adresse 2], agissant en qualité de représentants légaux de [R] [Z] [C] [E], ont formé le pourvoi n° T 22-14.709 contre l'arrêt rendu le 15 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige les opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Bruyère, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2022), Mme [C] et M. [E] (les époux [E]), agissant en qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure [R] [Z], ont assigné le ministère public en contestation du refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite sur le fondement de l'article 21-12 du code civil. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont anifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 3. Les époux [E], en tant que représentants légaux de leur fille adoptive mineure, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite par celle-ci, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, alors « qu'il appartient au juge d'apprécier, lorsque cela lui est demandé, si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des dispositions légales applicables ne porte pas aux droits fondamentaux de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ; qu'en se bornant à confirmer le jugement entrepris ayant débouté les époux [E], agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure, de l'ensemble de leurs demandes tendant à l'annulation de la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par celle-ci sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si ce refus ne portait pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de leur fille adoptive mineure à la vie privée et familiale, dès lors qu'il affectait un élément de son identité personnelle et qu'il la privait de la possibilité de circuler librement avec ses parents adoptifs français avec lesquels elle avait toujours vécu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 4. D'après ce texte « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » 5. Pour rejeter la demande de contestation du refus d'enregistrement de déclaration acquisitive de nationalité sur le fondement de l'établissement de la filiation adoptive, l'arrêt retient que l'intéressée ne dispose pas d'un état civil fiable et certain. 6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ce refus n'entravait pas de façon disproportionnée la jouissance du droit au respect de la vie privé et familiale garanti par la Convention alors que la détermination de la nationalité de l'intéressée dépend directement de sa filiation adoptive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, l'arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juin 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 388 FS-B Pourvoi n° W 22-12.757 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023 M. [I] [D], domicilié [Adresse 1], exerçant sous l'enseigne Immobilier et Stratégie, a formé le pourvoi n° W 22-12.757 contre l'arrêt rendu le 3 février 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige l'opposant à la société Edifices de France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [D], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Edifices de France, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 3 février 2022) M. [D] et la société Financière Vauban ont formé devant la cour d'appel de Douai un recours en annulation de la sentence rendue le 15 novembre 2013 par un arbitre unique statuant comme amiable compositeur dans le litige les opposant à la société Edifices de France. Par deux arrêts des 17 mars 2016 et 18 janvier 2018, la cour d'appel a déclaré le recours recevable et annulé la sentence. 2. Par un arrêt du 26 septembre 2019, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt du 17 mars 2016, dit n'y avoir lieu à renvoi, déclaré le recours en annulation formé par M. [D] et la société Financière Vauban irrecevable et constaté l'annulation de l'arrêt du 18 janvier 2018. 3. La société Edifices de France, agissant en vertu de la sentence arbitrale et de l'arrêt de la Cour de cassation, a signifié à M. [D] un commandement de payer aux fins de saisie-vente. 4. M. [D] l'a assignée devant le juge de l'exécution en contestation de la saisie-vente. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 5. M. [D] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la saisie-vente et de mainlevée, alors : « 1°/ que, selon l'article 1498, alinéa 2, du code de procédure civile, seul le rejet de l'appel ou du recours en annulation confère l'exequatur à la sentence arbitrale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que l'arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2019, qui a cassé sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 mars 2016 ayant déclaré le recours en annulation recevable, déclaré irrecevable le recours en annulation formé par M. [D] et la société Financière Vauban à l'encontre de la sentence arbitrale du 15 novembre 2013 et constaté l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 18 janvier 2018 qui avait annulé cette sentence, a conféré l'exequatur à cette sentence, la cour d'appel a violé l'article 1498, alinéa 2, du code de procédure civile ; 2°/ subsidiairement, que, selon l'article 1487 du code de procédure civile, la sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une ordonnance d'exequatur émanant du tribunal judiciaire dans le ressort duquel cette sentence a été rendue ; que selon l'article 1498 du même code, lorsque la sentence est assortie de l'exécution provisoire ou qu'il est fait application du 2° de l'article 1497, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état, peut conférer l'exequatur à la sentence arbitrale et le rejet de l'appel ou du recours en annulation confère l'exequatur à la sentence arbitrale ou à celles de ses dispositions qui ne sont pas atteintes par la censure de la cour ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que l'arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2019, qui a cassé sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 mars 2016 ayant déclaré le recours en annulation recevable, déclaré irrecevable le recours en annulation formé par M. [D] et la société Financière Vauban à l'encontre de la sentence arbitrale du 15 novembre 2013 et constaté l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 18 janvier 2018 qui avait annulé cette sentence, a conféré l'exequatur à cette sentence, la cour d'appel a violé les articles 1487 et 1498 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1498, alinéa 2, du code de procédure civile : 6. Aux termes de ce texte, le rejet de l'appel ou du recours en annulation confère l'exequatur à la sentence arbitrale ou à celles de ses dispositions qui ne sont pas atteintes par la censure de la cour. 7. Il en résulte que l'arrêt qui déclare irrecevable le recours en annulation de la sentence n'emporte pas exequatur de celle-ci et ne dispense pas celui qui entend en poursuivre l'exécution forcée d'obtenir du tribunal judiciaire une ordonnance d'exequatur à l'issue du contrôle de l'existence de la convention d'arbitrage et de l'absence de violation manifeste de l'ordre public, prévu par les articles 1487 et 1488 du code de procédure civile. 8. Pour rejeter la demande d'annulation et de mainlevée de la saisie-vente, l'arrêt retient que le recours en annulation de la sentence arbitrale a été rejeté par l'effet de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2019, qui a cassé sans renvoi l'arrêt la cour d'appel du 17 mars 2016, constaté l'annulation de l'arrêt du 18 janvier 2018 et déclaré irrecevable le recours en annulation formé par M. [D] et la société Financière Vauban, et qu'en application de l'article 1498, alinéa 2, du code de procédure civile, ce rejet emportait l'exequatur de la sentence. 9. En statuant ainsi, alors que le recours en annulation avait été déclaré irrecevable, ce qui n'avait pas eu pour effet de conférer l'exequatur à la sentence, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition relative à la demande d'annulation et de mainlevée de la saisie-vente entraîne la cassation du rejet de la demande de dommages-intérêts formée par M. [D] pour saisie abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne la société Edifices de France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Edifices de France et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 juin 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 387 FS-B Pourvoi n° F 21-16.833 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023 M. [U] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-16.833 contre le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (4e chambre, 1re section), dans le litige l'opposant au garde des sceaux, ministre de la justice, domicilié direction des affaires civiles et du sceau, [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 11 mai 2021), rendu en dernier ressort, M. [F] a été nommé notaire en résidence à [Localité 3] par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 14 décembre 2017. 2. Par un contrat conclu le 10 octobre 2018, M. [M], notaire nommé en résidence à [Localité 4], a cédé à M. [F], pour une somme d'un euro, son droit de présentation afin que celui-ci puisse postuler à la reprise de son office. 3. La direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice n'a pas répondu à la demande formée le 13 octobre 2018 par M. [F] et tendant à la suppression de son office à [Localité 3] et à sa nomination pour occuper l'office de M. [M]. 4. Par requête du 23 janvier 2019, M. [F] a saisi le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et d'injonction sous astreinte au garde des sceaux de le nommer sans délai à [Localité 4] et de supprimer l'office de [Localité 3]. 5. Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a sursis à statuer sur la requête de M. [F] jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se soit prononcé sur la licéité du contrat et lui a transmis la question de savoir si la cession du droit de présentation pour un prix symbolique en vue d'accéder à la titularité d'un office à [Localité 4] ne réalisant aucune activité contrevenait ou non aux dispositions des articles 1128 et 1169 du code civil, ou à toute autre disposition de ce code. 6. Devant le tribunal judiciaire, le garde des sceaux, ministre de la justice, a conclu sans ministère d'avocat. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le second moyen, pris en sa première branche 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer par une décision spécialement motivée ni sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, qui est irrecevable, ni sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, ni le second moyen, pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, délibéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après débats à l'audience publique du 4 octobre 2022, où étaient présents : M. Pireyre président, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre. Enoncé du moyen 8. M. [F] fait grief au jugement de déclarer recevables les conclusions signifiées par le ministre de la justice le 2 mars 2021, déclarer que la cession litigieuse du droit de présentation pour un prix symbolique en vue d'accéder à la titularité d'un office notarial à [Localité 4] nouvellement créé et n'ayant eu aucune activité contrevient à l'article 1162 du code civil, dire n'y avoir lieu de déclarer nul le traité de cession conclu le 10 octobre 2018 entre M. [F] et M. [M], réserver les dépens, rejeter la demande des parties fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et déclarer que le dossier de l'affaire sera transmis par le greffe au tribunal administratif de Paris, accompagné d'une copie de sa décision, alors : « 1° / que selon l'article 760 du code de procédure civile, "les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire", les actes de procédure devant être remis à la juridiction par voie électronique à peine d'irrecevabilité relevée d'office, selon l'article 850 du même code ; que, selon l'article 761 du même code : "Les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et dans les cas suivants : 1° Dans les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ; 2° Dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l'organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l'organisation judiciaire ; 3° A l'exclusion des matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros [...]. Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire qui ne sont pas dispensées du ministère d'avocat, les parties sont tenues de constituer avocat quel que soit le montant sur lequel porte la demande. L'Etat, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration" ; que ce dernier texte, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, a été pris pour la mise en oeuvre, notamment, de l'article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, selon lequel : "I.- Le I de l'article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit est ainsi rédigé : I. -Par dérogation au premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal de grande instance, outre par un avocat, par : 1° Leur conjoint ; 2° Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ; 3° Leurs parents ou alliés en ligne directe ; 4° Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ; 5° Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. Sous réserve des dispositions particulières, l'Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. Un décret en Conseil d'Etat précise les critères mentionnés au premier alinéa qui dispensent de la représentation obligatoire par ministère d'avocat. Le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial." ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevables les écritures du ministre, qui n'avait pas constitué avocat, ni n'avait donc transmis ses conclusions par voie électronique, le tribunal judiciaire a relevé que "Si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, cette situation étant au demeurant régie par l'article 762 du code de procédure civile qui ne comprend pas le texte litigieux" ; qu'en se déterminant ainsi, le tribunal judiciaire a violé l'article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, relatif à l'extension de la représentation obligatoire par avocat, et les articles 760, 761 et 762 du code de procédure civile, issus du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 ; 2°/ que, subsidiairement, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif réglementaire, les juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non répressive sursoient à statuer jusqu'à ce que la question de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, sauf lorsqu'il apparaît manifeste, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge judiciaire ; qu'en l'espèce, l'exposant soutenait devant le tribunal judiciaire que le ministre de la justice devait constituer avocat en vertu de l'application combinée des articles 760 et 761 du code de procédure civile, ces dispositions, dans leur rédaction leur issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, constituant des mesure d'application réglementaires de l'article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, la légalité de l'article 761 précité n'étant donc pas contestée ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable les écritures du ministre, le tribunal judiciaire a relevé que "Si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, cette situation étant au demeurant régie par l'article 762 du code de procédure civile qui ne comprend pas le texte litigieux" ; qu'il appartiendra dès lors à la Cour de cassation, en cas de rejet de la première branche du premier moyen de cassation, de demander à titre préjudiciel au Conseil d'État d'apprécier la légalité du dernier alinéa de l'article 761 du code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, au regard de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, notamment de son article 5, relatif à l'extension de la représentation obligatoire par avocat, conformément principe de séparation des pouvoirs, ensemble les lois des 16-24 août 1790 et du 16 fructidor an III et l'article 49 du code de procédure civile.» Réponse de la Cour 9. D'une part, selon l'article 2, I, de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, dans sa rédaction issue de l'article 5, I, de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de l'article 35 de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, par dérogation au premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal judiciaire, outre par un avocat, par l'une des personnes énumérées aux numéros 1° à 5° de ce texte. Ce texte prévoit, en outre, que, sous réserve des dispositions particulières, l'Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. 10. Si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire. 11. Ainsi l'article 2, I, de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 doit être interprété en ce sens que la faculté pour l'Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics de se faire représenter ou assister devant le tribunal judiciaire par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, autonome dans sa mise en oeuvre, n'est pas restreinte aux seules matières dans lesquelles les parties sont dispensées de constituer avocat, de sorte qu'elle s'applique également lorsque la représentation par avocat est, en principe, obligatoire, sauf disposition particulière présentant alors un caractère dérogatoire. 12. D'autre part, ne présente pas de caractère sérieux la contestation de la légalité du dernier alinéa de l'article 761 du code de procédure civile, dont le libellé reprend les termes de la loi organisant le mécanisme de représentation de l'Etat et des entités publiques devant le juge judiciaire, et qui ne tend en conséquence qu'à remettre en discussion l'interprétation de la loi telle qu'elle résulte des §§ 8 à 10 et qui ne démontre pas en quoi le texte serait contraire à une norme de nature législative. 13. Ayant retenu que, si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, cette situation étant au demeurant régie par l'article 762 du code de procédure civile qui ne comprend pas le texte litigieux, et qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 761, qui énonce les cas de dispense à l'obligation de constituer avocat prévue par l'article 760, que l'État bénéficie d'une dispense générale et peut dès lors se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de son administration lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le tribunal, statuant en matière de procédure avec représentation obligatoire, hors cas dérogatoire, en a exactement déduit que les conclusions du ministre de la justice, dispensé de l'obligation d'être représenté par un avocat, étaient recevables. 14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. 15. La demande subsidiaire de renvoi préjudiciel devant le Conseil d'Etat sera rejetée. Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 16. M. [F] fait grief au jugement de déclarer que la cession litigieuse du droit de présentation pour un prix symbolique en vue d'accéder à la titularité d'un office notarial à [Localité 4] nouvellement créé et n'ayant eu aucune activité contrevient à l'article 1162 du code civil et de dire n'y avoir lieu de déclarer nul le traité de cession conclu le 10 octobre 2018 entre lui-même et M. [M], alors : « 2°/ que, tant qu'il n'a pas été destitué, le notaire est titulaire du droit patrimonial de présentation qu'il exerce librement, en contrepartie d'un prix de cession représentatif des produits de l'office et de sa clientèle ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire a constaté que le notaire cédant avait régulièrement prêté serment, qu'il n'avait pas été déclaré démissionnaire d'office, qu'il était donc régulièrement investi du droit de présentation, que la convention de cession n'était pas dépourvue de tout contenu, qu'elle prévoyait un prix dont il n'était pas établi qu'il était dérisoire, le cessionnaire exerçant quant à lui régulièrement en sa qualité de notaire ; que pour retenir néanmoins que la convention de cession du 10 octobre 2018 était illicite, le tribunal a relevé que la cession était intervenue très peu de temps après la nomination du cédant, que le cédant n'avait reçu aucun client ni instrumenté aucun acte depuis sa prestation de serment, qu'il n'avait ouvert aucun compte auprès de la Caisse des dépôts et consignation, ni demandé de clé Real, et retenu qu'il n'avait jamais cherché à développer et exercer son activité, en dépit de son obligation d'instrumenter ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, le tribunal judiciaire n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816, de l'article 45 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945, de l'article 55-1 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 et de l'article 3 de la loi du 25 ventôse an XI ; 3°/ que la fraude ne se présume pas, ne peut se déduire des conventions licites qui sont passées et qu'elle doit résulter d'actes clairs et non équivoques par lesquels est manifestée la volonté d'éluder l'application de la loi normalement applicable ; qu'un notaire en exercice, dont les qualités personnelles et l'activité régulière sont incontestées, peut valablement être cessionnaire d'un office nouvellement créé, peu important qu'il n'avait pas lui-même été tiré au sort en rang utile au titre de l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, une telle circonstance ne caractérisant par elle-même aucune fraude ; qu'en l'espèce, le ministre, tout en excluant sa réalisation au cas d'espèce, se bornait à s'inquiéter d'un risque général et hypothétique de "volatilité des prix" ; que le tribunal judiciaire, qui a considéré, en dépit de l'analyse contraire du ministre, que la convention de cession du 10 octobre 2018 n'était pas dépourvue d'objet et que son prix n'était pas dérisoire, a toutefois retenu qu'elle était illicite en relevant qu'elle avait eu "pour effet de contrevenir aux dispositions d'ordre public de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et du décret [précité] n° 73-609 en permettant à un notaire évincé par le tirage au sort, M. [F], de disposer d'un office dépourvu de toute consistance et nouvellement créé à [Localité 4]" ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser la fraude, le tribunal judiciaire a violé le principe et les textes précités, ensemble l'article 1162 du code civil. » Réponse de la Cour 17. Aux termes de l'article 1162 du code civil, le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. 18. Selon l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dans les zones dites « d'installation libre », où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services, les candidats remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommés notaires ont vocation à pouvoir librement s'installer, dans la limite d'un rythme de création recommandé, et qui doit être compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée, afin de ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants. 19. Aux termes de l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 pris pour l'application de la loi précitée, dans les zones d'installation libre, le garde des sceaux, ministre de la justice, nomme les demandeurs au regard des recommandations dont est assortie la carte et suivant l'ordre d'enregistrement de leur demande. Toutefois, lorsque le nombre des demandes de création d'office enregistrées dans les vingt-quatre heures suivant la date d'ouverture du dépôt des demandes est supérieur, pour une même zone, aux recommandations, l'ordre de ces demandes est déterminé par tirage au sort, en présence d'un représentant du conseil supérieur du notariat, dans des conditions prévues par un arrêté du garde des sceaux. 20. Le tribunal a relevé, d'abord, que le notaire cessionnaire avait déposé une demande portant sur un office créé à [Localité 4] et obtenu, après tirage au sort, le rang n° 1677 pour un objectif de création de quatre-vingt-seize offices. 21. Il a constaté, ensuite, que le notaire cédant n'avait reçu aucun client ni instrumenté aucun acte depuis sa prestation de serment, qu'il n'avait pas ouvert de compte auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui lui interdisait tout fonctionnement de l'office puisqu'aucun flux financier ne pouvait être perçu ou attribué à un client, qu'il n'avait pas demandé de clé dite Real, condition indispensable à la réalisation de tout acte, qu'il avait indiqué à la chambre des notaires avoir renoncé à s'installer comme notaire, qu'il avait cédé son office et que, si cette cession était refusée, il demanderait sa suppression pure et simple. 22. Il a relevé, enfin, que la cession du droit de présentation était intervenue peu de temps après la nomination, par arrêté du 27 décembre 2017, du notaire cédant. 23. Le tribunal en a exactement déduit que le contrat, qui avait pour effet de contrevenir aux dispositions d'ordre public ayant pour objet de prévoir des modalités de départage entre des demandeurs disposant, en vertu de la loi, d'un égal droit à être nommé, était illicite. 24. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 25. M. [F] fait le même grief au jugement, alors « que la nullité d'une convention conclue en méconnaissance des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, modifié par le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016, qui posent, sous certaines conditions, le principe de la libre installation des notaires et se bornent à assurer l'égalité de traitement entre candidats, est une nullité relative en ce que ces règles tendent à la sauvegarde d'intérêts privés ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire pour déclarer que la cession litigieuse du droit de présentation contrevenait à l'article 1162 du code civil, a relevé que les règles précitées violées par le contrat ont indiscutablement pour objet la sauvegarde de l'intérêt général et non celle d'un intérêt privé, si bien qu'il s'agit d'une nullité absolue pouvant être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt conformément aux articles 1179 et 1180 du code civil, et que la chancellerie disposait indéniablement d'un intérêt à soutenir l'annulation de ce contrat ; qu'en se déterminant ainsi, le tribunal judiciaire a violé les textes précités, et les articles 1179 et 1180 du code civil. » Réponse de la Cour 26. Aux termes de l'article 1179, alinéa 1, du code civil, la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général. 27. Aux termes de l'article 1180, alinéa 1, du code civil, la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, ainsi que par le ministère public. 28. Le tribunal qui a retenu, à bon droit, que les règles violées par le contrat de cession du droit de présentation, lesquelles régissaient les conditions d'accès aux fonctions de notaire, avaient pour objet la sauvegarde de l'intérêt général, en a exactement déduit que l'acte était atteint d'une nullité absolue que le garde des sceaux, ministre de la justice, avait un intérêt à soutenir. 29. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : Rejette la demande de question préjudicielle ; REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 juillet 2023 Cassation partielle sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 467 FS-B Pourvoi n° Z 23-10.096 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [T]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 2 décembre 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUILLET 2023 Mme [R] [T], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 23-10.096 contre l'ordonnance rendue le 2 septembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant : 1°/ au directeur du centre hospitalier de [Localité 4], domicilié [Adresse 2], 2°/ à l'association Tutelia, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de curateur, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Beauvois, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 2 septembre 2022), le 16 août 2022, Mme [T] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier de Marne-la-Vallée, par décision du directeur d'établissement, en application de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, à la demande d'un tiers. 2. Le 22 août 2022, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure. 3. Le 25 août 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de cette mesure. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [T] fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors « que la personne faisant l'objet des soins psychiatriques, fût-elle un majeur protégé, a qualité pour saisir seule le juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate de la mesure et interjeter appel de la décision ; qu'en relevant le défaut de capacité de Mme [T] en sa qualité de majeure sous curatelle à relever seule appel sans l'assistance de son curateur et sans régularisation de cet appel, la magistrate déléguée par le premier président a violé les articles 459 et 468, alinéa 3, du code civil, ensemble les articles L. 3211-12, R. 3211-8 et R. 3211-28 du code de la santé publique, 117 et 121 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 415 et 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique : 5. Selon le premier de ces textes, les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne, a pour finalité l'intérêt de la personne protégée et favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. 6. Selon le deuxième, la personne protégée ne bénéficie, pour les actes relatifs à sa personne, d'une assistance que si son état ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, ou encore, après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, d'une représentation, au cas où cette assistance ne suffirait pas. 7. Selon le troisième, le juge des libertés et de la détention peut être notamment saisi par la personne faisant l'objet des soins. 8. Il s'en déduit que tant la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins d'obtenir la mainlevée d'une mesure de soins sans consentement que l'appel de sa décision maintenant une telle mesure constituent des actes personnels que la personne majeure protégée peut accomplir seule. 9. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par Mme [T] seule, l'arrêt retient qu'en sa qualité de majeure sous curatelle celle-ci ne pouvait ester ou se défendre en justice sans l'assistance de son curateur et relève que celui-ci n'a, à aucun moment, relevé appel lui-même de cette décision, ni régularisé l'appel de l'intéressée. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 juillet 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 515 FS-B Pourvoi n° P 22-18.914 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUILLET 2023 Mme [T] [C], épouse [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-18.914 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Sanofi Pasteur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Sanofi Pasteur, l'avis écrit de M. Chaumont, avocat général, et l'avis oral de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 31 mai 2022), le 20 mars 2003, Mme [M] a été vaccinée contre la diphtérie, le tétanos et la polyomyélite au moyen du vaccin Revaxis, fabriqué par la société Sanofi Pasteur (la société). 2. Le 17 juin 2020, éprouvant différents troubles imputés par elle à une myofasciite à macrophages consécutive à la vaccination, elle a assigné la société en responsabilité et indemnisation. La société lui a opposé la prescription de son action. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et seconde branches Enoncé du moyen 3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de constater l'irrecevabilité de son action à l'encontre de la société, de déclarer irrecevables ses demandes fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et de constater l'extinction de l'instance, alors : « 1°/ que l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que, lorsque le dommage est un dommage corporel, la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage est celle de la consolidation, qui est la date de la manifestation du dommage et, donc, la seule permettant au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ; qu'il en résulte que le point de départ du délai de prescription auquel est soumise l'action en réparation d'un dommage corporel fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être fixé à une date antérieure à la date de la consolidation ; que, d'autre part, la date de la consolidation d'un dommage corporel est la date de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques, c'est-à-dire celle à laquelle les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société Sanofi Pasteur fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M], fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M], et la société Sanofi Pasteur, qu'au plus tard le 15 octobre 2013, Mme [M], disposait d'éléments complets sur ses différentes pathologies et sur leur étiologie prétendue, c'est-à-dire sur leur cause résidant dans la défectuosité prétendu du vaccin à l'origine du syndrome de myofasciite à macrophage diagnostiqué au mois de mars 2008 et qu'au plus tard à la date du 15 octobre 2013, Mme [M], avait une connaissance précise du dommage, c'est-à-dire des diverses pathologies alléguées à la suite des multiples examens et bilans réalisés en 2013, quand, en se déterminant de la sorte, elle ne caractérisait pas que le 15 octobre 2013 était la date de consolidation des pathologies invoquées par Mme [M], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1386-17 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et des dispositions de l'article 1245-16 du code civil ; 2°/ que l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que, lorsque le dommage est un dommage corporel, la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage est celle de la consolidation, qui est la date de la manifestation du dommage et, donc, la seule permettant au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ; qu'il en résulte que le point de départ du délai de prescription auquel est soumise l'action en réparation d'un dommage corporel fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être fixé à une date antérieure à la date de la consolidation ; que la circonstance que le dommage est un dommage corporel présentant un caractère évolutif est de nature à faire obstacle à la fixation de la date de la consolidation ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que l'action de Mme [M] à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M] et la société, qu'au plus tard le 15 octobre 2013, Mme [M] disposait d'éléments complets sur ses différentes pathologies et sur leur étiologie prétendue, c'est-à-dire sur leur cause résidant dans la défectuosité prétendu du vaccin à l'origine du syndrome de myofasciite à macrophage diagnostiqué au mois de mars 2008 et qu'au plus tard à la date du 15 octobre 2013, Mme [M] avait une connaissance précise du dommage, c'est-à-dire des diverses pathologies alléguées à la suite des multiples examens et bilans réalisés en 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [M], si les pathologies invoquées par Mme [M] ne présentaient pas un caractère évolutif et si cette circonstance n'avait pas eu pour conséquence que le délai de prescription auquel était soumise l'action de Mme [M] à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux n'avait pu commencer à courir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1386-17 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et des dispositions de l'article 1245-16 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1386-17, devenu 1245-16, du code civil : 4. Selon ce texte, l'action en réparation fondée sur les dispositions des articles 1245 et suivants de ce code se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur. 5. En cas de dommage corporel, la date de la connaissance du dommage doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage. 6. En cas de pathologie évolutive, qui rend impossible la fixation d'une date de consolidation, le délai de prescription fixé par le texte susvisé ne peut commencer à courir. 7. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux, l'arrêt retient que celle-ci a subi, en 2013, de multiples examens et bilans de ses différentes pathologies, dont la plupart étaient apparues entre 2004 et 2007 et qu'au plus tard le 15 octobre 2013, jour du dernier examen médical, elle avait donc une connaissance précise de son dommage. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le dommage de Mme [M] était consolidé et, à défaut, si sa pathologie présentait un caractère évolutif faisant obstacle à la consolidation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 9. Mme [M] fait grief à l'arrêt de constater l'irrecevabilité de son action à l'encontre de la société, de déclarer irrecevables ses demandes fondées sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil et de constater l'extinction de l'instance, alors « que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; qu'en retenant, par conséquent, pour constater que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité délictuelle pour faute était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M], fondées sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M], et la société, que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité délictuelle pour faute était soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par les dispositions de l'article 2224 du code civil, quand il résultait de ses propres constatations que cette action était née d'un événement ayant entraîné un dommage corporel et quand il en résultait que cette action était soumise à un délai de prescription de dix ans, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2224 et 2226 du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 10. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit. 11. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée. 12. Il est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 2226 du code civil : 13. Aux termes de ce texte, l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé. 14. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur la responsabilité pour faute, l'arrêt fait application de l'article 2224 du code civil. 15. En statuant ainsi, après avoir constaté que Mme [M] agissait en réparation de préjudices résultant d'un dommage corporel, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par refus d'application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les conclusions déposées au greffe et notifiées par Mme [M] le 8 mars 2022 comme étant tardives, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ; Condamne la société Sanofi Pasteur aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sanofi Pasteur et la condamne à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 793 F-B Pourvoi n° J 22-19.623 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 Mme [X] [K], épouse [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 22-19.623 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Mutuelle assurances corps santé français, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la société Mutuelle Intériale, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [K], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Mutuelle assurances corps santé français, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 mai 2022), Mme [G] a été victime, le 24 mai 2015, alors qu'elle était passagère d'une motocyclette, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile assuré par la société Mutuelle assurances corps santé français (l'assureur). 2. Mme [G] a assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] et de la mutuelle Intériale, en indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches Enoncé du moyen 4. Mme [G] fait grief à l'arrêt de limiter à 4 014 euros l'indemnisation due au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne, et de la débouter de sa demande d'indemnisation pour le poste d'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016 et après consolidation médico-légale fixée au 18 janvier 2017, alors : « 1°/ que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne ; qu'en jugeant qu'elle ne justifiait pas d'un besoin en aide humaine postérieurement à l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2016, dans la mesure où elle aurait elle-même déclaré aux experts être en mesure d'effectuer depuis cette date les actes « ordinaires » de la vie quotidienne, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'elle serait en mesure d'effectuer l'ensemble des actes de la vie quotidienne, a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ; 4°/ que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne ; qu'en jugeant, pour écarter tout besoin en tierce personne postérieurement à l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2016 et à la consolidation, que le docteur [N], médecin-conseil de l'assureur du responsable, aurait précisé, dans le cadre d'un avis du 18 janvier 2019, qu'il n'existait pas à ce jour d'impossibilité de réaliser les tâches ménagères « légères » de la maison, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à exclure l'absence de tout besoin en tierce personne, a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 5. Il résulte de ce principe que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne. 6. Pour refuser d'allouer à Mme [G] une indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016, l'arrêt retient que depuis cette date, elle peut assumer sans aide les actes ordinaires de la vie quotidienne, et que, depuis le 18 janvier 2019, elle n'est pas dans l'impossibilité de réaliser les tâches ménagères légères. 7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter le besoin d'assistance de Mme [G] dans la réalisation de l'ensemble des actes de la vie quotidienne, la cour d'appel a violé le principe susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8.En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt fixant le préjudice de Mme [G] pour le poste d'assistance temporaire par tierce personne à la somme de 4 014 euros et la déboutant de ses demandes d'indemnisation de ce même poste après le 23 novembre 2016 ainsi qu'au titre de l'assistance après la consolidation entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'assureur à lui verser la somme de 120 798,84 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le préjudice de Mme [G] pour le poste d'assistance temporaire par une tierce personne à la somme de 4 014 euros , la déboute de sa demande d'indemnisation pour le poste d'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016 et après consolidation et condamne la société Mutuelle assurances corps santé français à verser à Mme [G] la somme de 120 798,84 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Mutuelle assurances corps santé français aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mutuelle assurances corps santé français, ainsi que la demande formée par Mme [G] à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] et de la mutuelle Intériale, et condamne la société Mutuelle assurances corps santé français à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 532 FS-B Pourvoi n° R 21-25.214 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ la société GRB, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ la société B1 associés, administrateur, en la personne de M. [G] [S], domicilié [Adresse 4], en qualité d'administrateur de la société GRB , 2°/ la société [K], dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [B] [K], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société GRB, ont formé le pourvoi n° R 21-25.214 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [J] [E], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société [E] Carozzino architectes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, 3°/ à M. [O] [T], 4°/ à Mme [P] [M], épouse [T], domiciliés tous deux [Adresse 3], 5°/ à la société Losoa, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. et Mme [T] et la SCI Losoa ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident éventuel. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société GRB, de la société Selas B1 et associés et de la société [K], ès qualités, de Me Balat, avocat de M. et Mme [T] et de la société Losoa, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [E] et de la société [E] Carozzino architectes, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2021), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 20 avril 2017, pourvoi n° 16-12.092, Bull. 2017, III, n° 50) M. et Mme [T] ont confié à la société GRB, désormais en redressement judiciaire, des travaux de réfection d'une maison, sous la maîtrise d'oeuvre de la société [E] Carozzino architectes (la société [E]), aux droits de laquelle vient la société Punto architectes. 2. La réception est intervenue le 1er avril 2010 avec réserves. 3. Le 5 mai 2010, la société GRB a adressé son mémoire définitif à la société [E] puis a mis en demeure, le 15 juillet suivant, les maîtres de l'ouvrage de lui notifier le décompte général définitif. 4. Par lettre du 21 juillet 2010, le maître d'oeuvre a adressé à la société GRB un décompte général définitif, déduction faite notamment de pénalités de retard et du montant du marché portant sur les pierres intérieures et extérieures. 5. La société GRB a assigné M. et Mme [T] en paiement du solde du marché. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. La société GRB et les sociétés B1 et associés et [K] prises respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société GRB, font grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation à paiement prononcée contre M. et Mme [T] au titre du solde du marché, alors « que le maître de l'ouvrage qui ne conteste pas le mémoire définitif dans les délais prévus par la norme Afnor NF P 03 001 applicable à un marché de travaux, est réputé l'avoir accepté ; que la cour d'appel a constaté que dans son mémoire définitif, la société GRB avait établi à 376 092,99 euros, soit 396 778 euros TTC, le montant du marché, soit un solde restant dû s'élevant à 137 087,39 euros ; qu'elle a ajouté que M. et Mme [T] s'étant abstenus de répondre à ce mémoire dans le délai qui leur était imparti, étaient réputés avoir accepté ce montant ; qu'en appliquant néanmoins au montant du mémoire des déductions au titre de pénalités de retard et au titre de la reprise de malfaçons, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que le solde du marché réclamé dans le mémoire du 4 mai 2010 était définitif et a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable ensemble les articles 19.6.1 et 19.6.2 de la norme Afnor NF P 03- 001. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 7. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites. 8. Il en résulte, lorsque les parties sont convenues d'une procédure contractuelle de vérification des comptes conforme à la norme Afnor NF P 03- 001, que le maître de l'ouvrage, qui ne conteste pas le mémoire définitif de l'entreprise dans les délais prévus par la procédure de clôture des comptes organisée par cette norme, est réputé l'avoir accepté et ne peut, passé ces délais, former de réclamation au titre des pénalités de retard ou du coût de reprise d'un désordre réservé à la réception. 9. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de M. et Mme [T] au titre du solde du marché, l'arrêt déduit, par compensation entre créances réciproques, du solde restant dû, tel que résultant du mémoire définitif de l'entreprise, une somme au titre des pénalités de retard et le coût de reprise d'un désordre réservé à la réception. 10. En statuant ainsi, après avoir retenu que les maîtres de l'ouvrage, qui n'avaient pas formulé de contestation dans les délais prévus par la procédure de vérification des comptes, étaient réputés avoir accepté le mémoire définitif de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel Enoncé du moyen 11. M. et Mme [T] et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes dirigées contre la société [E], aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, alors « que la cassation qui pourrait éventuellement intervenir sur le pourvoi principal, qui critique la condamnation de l'entrepreneur à payer au maître de l'ouvrage des pénalités de retard, s'étendra nécessairement par voie de conséquence et par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, au chef de dispositif de l'arrêt attaqué qui, par confirmation du jugement, déboute le maître de l'ouvrage de sa demande indemnitaire dirigée contre l'architecte au motif que son préjudice se trouvait réparé notamment par les pénalités contractuelles de retard. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 12. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. 13. Pour rejeter l'appel en garantie formé par M. et Mme [T] à l'encontre de la société [E], l'arrêt retient que les retards dans l'exécution des travaux sont d'ores et déjà réparés par l'octroi de dommages-intérêts représentant les pénalités de retard. 14. Il en ressort que la cassation du chef de dispositif limitant à une certaine somme la condamnation prononcée contre M. et Mme [T] au titre du solde du marché de la société GRB, en ce que des pénalités de retard ont été déduites du solde réclamé par celle-ci dans son mémoire définitif, entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant l'appel en garantie formé par les maîtres de l'ouvrage à l'encontre de la société [E], maître d'oeuvre, au titre des pénalités de retard, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 80 934,39 euros, la condamnation prononcée in solidum contre M. et Mme [T] au bénéfice de la société GRB et en ce qu'il rejette l'appel en garantie de M. et Mme [T] à l'encontre de la société [E] Carozzino architectes, aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, au titre des pénalités de retard, l'arrêt rendu le 29 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Dit que la société [E] Carozzino architectes, aux droits de laquelle vient la société Punto architectes, supportera les dépens du pourvoi incident éventuel de M. et Mme [T] et condamne ceux-ci aux autres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 528 FS-B Pourvoi n° D 22-12.741 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 M. [H] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-12.741 contre les arrêts rendus les 20 février 2018 (RG 17/03982 et 17/03983) par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile) et 28 juin 2013 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Laurent Mayon, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société les Jardins du Trait, 2°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société BNP Paribas Invest Immo, 3°/ à la société Les Jardins du Trait, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6], 4°/ à la société Le Crédit Industriel et Commercial, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société CIC Iberbanco, 5°/ à M. [P] [X], domicilié [Adresse 4], 6°/ à M. [V] [K], 7°/ à Mme [B] [W], épouse [K], tous deux domiciliés [Adresse 3], 8°/ à la société Esdée, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 9], 9°/ à M. [R] [N], domicilié [Adresse 8], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de M. Haas, avocat de M. [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Le Crédit Industriel et Commercial, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre ; la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 28 juin 2013, (n° RG 17/03982), Bordeaux, 20 février 2018, (n° RG 17/03983)), la société civile immobilière Les Jardins du trait (la SCI) a souhaité faire construire un immeuble destiné à la vente en l'état futur d'achèvement, une garantie d'achèvement lui ayant été consentie par la société Banco Popular France, devenue la société CIC Iberbanco, aux droits de laquelle vient la société Crédit industriel et commercial. 2. Les travaux de construction n'ont pas débuté après la démolition de l'existant et la SCI a été placée en liquidation judiciaire. 3. M. [I], acquéreur en l'état futur d'achèvement selon acte notarié du 27 mars 2008, a assigné la SCI, la banque qui lui avait consenti un prêt et la société CIC Iberbanco en résolution des contrats de vente et de prêt, et a sollicité la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente. 4. M. [X], M. et Mme [K] et la société civile immobilière Esdée (la SCI Esdée), acquéreurs en l'état futur d'achèvement selon actes notariés, respectivement, des 18 septembre 2007, 23 novembre 2007 et 15 juillet 2008, ont assigné en réparation le notaire et le garant d'achèvement en imputant à faute à celui-ci la caducité du permis de construire, dont la validité avait été prorogée jusqu'au 20 décembre 2009. 5. Par un arrêt du 28 juin 2013, la cour d'appel de Poitiers a rejeté les demandes de M. [I] à l'encontre du garant d'achèvement et, par deux arrêts du 20 février 2018, la cour d'appel de Bordeaux a accueilli les demandes des acquéreurs formées à l'encontre de celui-ci. Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense 6. Selon l'article 621 du code de procédure civile, la partie qui a formé un pourvoi, qui a été rejeté, n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618, et il en est de même lorsque la Cour de cassation constate son dessaisissement, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance. 7. Selon l'article 618 du même code, le pourvoi en cassation fondé sur une contrariété de jugements, lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu'aucune d'elles n'est susceptible d'un recours ordinaire, est recevable, même si l'une des décisions avait déjà été frappée d'un pourvoi en cassation et que celui-ci avait été rejeté et même après expiration du délai prévu à l'article 612. 8. Il en résulte que le premier de ces textes, propre aux pourvois formés contre un jugement, ne fait pas obstacle à la recevabilité d'un pourvoi formé sur le fondement du second contre plusieurs décisions inconciliables entre elles, lorsqu'un premier pourvoi pour contrariété de décisions a été déclaré irrecevable sans examen au fond et que l'irrecevabilité constatée a été régularisée. 9. Le pourvoi est donc recevable. Examen du moyen Enoncé du moyen 10. M. [I] fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 28 juin 2013 de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de la société CIC Iberbanco et aux deux arrêts de la cour d'appel de Bordeaux du 20 février 2018 de condamner la société CIC Iberbanco, in solidum avec le notaire, à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts à M. [X], à M. et Mme [K] et à la SCI Esdée, alors « que lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique, la Cour de cassation, si la contrariété est constatée, annulant l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ; que, du rapprochement des décisions attaquées, il résulte un déni de justice conduisant tout à la fois à considérer que la société CIC Iberbanco, tenue d'une garantie d'achèvement unique et indivisible pour l'opération de construction immobilière "Les Jardins du trait", a et n'a pas commis de négligence fautive à l'égard des acquéreurs de nature à engager sa responsabilité dans l'exécution de sa garantie, de sorte qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de la cause, de prononcer l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 28 juin 2013 en application de l'article 618 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 11. Il ressort des décisions critiquées que M. [I], qui poursuivait la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement et l'annulation subséquente du contrat de prêt souscrit pour financer l'opération, sollicitait la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente, tandis que M. [X], d'une part, et M. et Mme [K] et la SCI Esdée, d'autre part, qui ne poursuivaient pas la nullité des contrats de vente en l'état futur d'achèvement, recherchaient la responsabilité du garant d'achèvement en lui imputant à faute d'avoir laissé périmer le permis de construire, les privant ainsi du bénéfice de la garantie d'achèvement. 12. Ces décisions, qui ont statué sur des moyens distincts soutenus par les acquéreurs d'une même opération immobilière, qui invoquaient des fautes et des dommages différents, ne sont pas inconciliables entre elles. 13. Il n'y a donc pas contrariété de décisions au sens de l'article 618 du code de procédure civile. 14. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 529 FS-B Pourvoi n° Y 21-15.239 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 La société Delta Construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 21-15.239 contre les arrêts rendus les 16 février 2018 et 15 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Blanconorte, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1] (Portugal), 2°/ à la société Bouygues immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La société Blanconorte a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ; Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Delta Construction, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Blanconorte, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Bouygues immobilier, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Delta construction (la société Delta) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bouygues immobilier (la société Bouygues). Faits et procédure 2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 16 février 2018 et 15 février 2021), la société Bouygues a confié à la société Delta deux marchés de construction que celle-ci a sous-traités, respectivement, les 29 novembre 2012 et 23 juillet 2013, à la société de droit portugais Blanconorte. 3. Après avoir fait l'objet d'une procédure collective au Portugal, la société Blanconorte, invoquant la nullité des deux contrats de sous-traitance, a assigné les sociétés Delta et Bouygues en paiement des travaux exécutés à leur juste prix. Examen des moyens Sur les deux moyens du pourvoi principal de la société Delta 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident de la société Blanconorte Enoncé du moyen 5. La société Blanconorte fait grief à l'arrêt du 15 février 2021 de confirmer le jugement en ce qu'il a mis la société Bouygues hors de cause, alors « que le maître de l'ouvrage doit, en l'absence de délégation de paiement au profit du sous-traitant exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution ; que cette obligation lui impose de vérifier la délivrance effective et en temps utile de ce cautionnement ; qu'ayant elle-même constaté que les cautionnements n'avaient pu être fournis lors de la conclusion du contrat de sous-traitance puisqu'ils étaient postérieurs à cette conclusion, la cour d'appel ne pouvait décider que la société Bouygues immobilier avait rempli ses obligations car elle "dispose d'une procédure particulière pour l'acceptation des sous-traitants" lui ayant permis de constater que la demande d'agrément du sous-traitant était accompagné de la copie du contrat et de la caution bancaire prévue par la loi, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de la l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant, mettre l'entrepreneur principal en demeure de le lui présenter et de lui faire agréer ses conditions de paiement et, si le sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées ne bénéficie pas d'une délégation de paiement, exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni une caution personnelle et solidaire obtenue par lui auprès d'un établissement qualifié. 7. Satisfait aux obligations prévues par ce texte le maître de l'ouvrage qui s'assure, à la date à laquelle il a connaissance d'un marché en sous-traitance, de la délivrance d'une caution au bénéfice du sous-traitant, peu important que celui-ci fasse le choix, plutôt que de mettre en oeuvre la garantie de paiement qui lui bénéficie, de poursuivre la nullité du contrat, au motif que la caution n'a pas été obtenue préalablement ou concomitamment au sous-traité. 8. La cour d'appel, qui a souverainement relevé que la société Bouygues justifiait avoir eu communication, lors de son acceptation de la société Blanconorte en qualité de sous-traitant de la société Delta, de la copie du contrat de sous-traitance et de la caution bancaire prévue par la loi, a exactement retenu que le maître de l'ouvrage avait satisfait à ses obligations et que la demande en réparation formée à son encontre par la société Blanconorte, au motif de la nullité du sous-traité, ne pouvait être accueillie. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué de la société Bouygues immobilier qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la société Delta aux dépens afférents à son pourvoi et la société Blancanorte aux autres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 531 FS-B Pourvoi n° E 22-13.179 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ Mme [C] [O], 2°/ M. [B] [I], domiciliés tous deux [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° E 22-13.179 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [E] [V], 2°/ à M. [J] [V], domiciliés tous deux [Adresse 1], 3°/ à Mme [K] [T], veuve [V], domiciliée [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O] et de M. [I], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de MM. [E] et [J] [V] et de Mme [T], veuve [V], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 janvier 2022), M. [I] et Mme [O] (les acquéreurs) ont acquis de Mme [V], ainsi que de MM. [E] et [J] [V] (les vendeurs), la propriété d'une maison édifiée sur une parcelle dans le sous-sol de laquelle ils ont découvert, à l'occasion de la réalisation d'un projet d'extension, l'existence d'une canalisation enterrée faisant partie du réseau public des eaux usées empêchant la réalisation des travaux tels qu'envisagés. 2. Ils ont assigné les vendeurs en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la garantie de l'article 1638 du code civil au titre des servitudes non apparentes non déclarées et pour manquement du vendeur à son devoir d'information. Examen des moyens Sur le premier moyen , pris en sa seconde branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'acquéreur d'un immeuble grevé d'une charge occulte a droit à une indemnité équivalente à la diminution de la valeur du terrain qui en résulte, quand bien même il n'établit pas qu'il n'aurait pas acquis s'il en avait eu connaissance ; qu'en déboutant les demandeurs de leur demande d'indemnisation en raison de l'existence d'un réseau public d'eaux usées traversant leur terrain, au motif qu'il était nécessaire que la servitude occulte soit d'une importance telle que le bien n'aurait pas été acquis si l'acheteur en avait eu connaissance et partant que la servitude occulte ne revêt pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité, sans établir que cette charge ne diminuait en rien la valeur du bien acquis, la cour d'appel a violé l'article 1638 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1638 du code civil : 5. Aux termes de ce texte, si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité. 6. Cette disposition, qui figure au nombre des articles régissant la garantie en cas d'éviction, est une application du principe général posé par l'article 1626 du même code selon lequel le vendeur, dont l'obligation légale est d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue, est obligé de droit à le garantir de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente. 7. Il s'ensuit que l'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 précité ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente. 8. L'indemnisation est alors appréciée par le juge en fonction de l'existence et de l'importance du préjudice en résultant pour l'acquéreur. 9. Pour rejeter la demande d'indemnisation des acquéreurs, l'arrêt retient que l'acquisition du tènement immobilier n'était pas conditionnée à la possibilité de réalisation d'une extension du bâtiment et que la présence de la servitude occulte ne revêtait pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie que d'une demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom ; Condamne Mme [K] [T], veuve [V], MM. [E] et [J] [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] [T], veuve [V], MM. [E] et [J] [V] et les condamne à payer à Mme [O] et à M. [I] la somme globale de 3 000 euros. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 534 FS-B Pourvoi n° N 22-15.923 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 La société du Pavillon de flore, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-15.923 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [H] [Z], épouse [D], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Mme [Z] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société du Pavillon de Flore, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [Z], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, M. Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 mars 2022), le 1er mars 2002, la société civile immobilière du Pavillon de Flore (la bailleresse) a donné en location à Mme [Z] (la locataire) un local à usage commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété. 2. Au motif de divers manquements de la locataire à ses obligations contractuelles, la bailleresse l'a, le 16 août 2017, assignée en résiliation du bail, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. 3. Invoquant l'inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance à raison d'infiltrations d'eau dans les locaux loués, la locataire a conclu au rejet des demandes dirigées contre elle et a reconventionnellement sollicité l'autorisation de procéder à la consignation des loyers. Sur le moyen du pourvoi incident 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La bailleresse fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à prononcer la résiliation du bail, de la débouter de ses prétentions tendant à voir ordonner l'expulsion de la locataire et fixer l'indemnité d'occupation et d'ordonner la consignation du montant des loyers, alors « que le non-respect de ses obligations par le bailleur ne dispense le locataire de remplir les siennes que lorsque ce manquement rend impossible la jouissance des lieux loués ; qu'en affirmant, pour décider que Mme [Z] était fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution et à retenir les loyers, qu'il existe des infiltrations affectant le local loué et concernant le clos et le couvert, qu'il a laissé perdurer des désordres sans demander de travaux à la copropriété, qu'il refuse de laisser réaliser des travaux par la copropriété, et qu'il a manqué à une obligation essentielle du bail de procéder aux réparations exigées par l'état des lieux et de garantir la jouissance d'un local conforme à celui loué, la cour d'appel qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement du bailleur à ses obligations rendait impossible la jouissance des lieux, a violé l'article 1728 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 16 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1184, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 du code civil : 6. Aux termes du premier de ces textes, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. 7. Selon le second, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. 8. Pour rejeter les demandes de la bailleresse et ordonner la consignation des loyers, l'arrêt retient que, peu important que l'exploitation ne soit pas totalement impossible, l'exception d'inexécution est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail. 9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ; Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la société civile immobilière du Pavillon de Flore la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 530 FS-B Pourvoi n° K 22-10.884 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 4], en sa qualité d'assureur de la société A2D, 2°/ la société A2D, atelier d'architecture du domaine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° K 22-10.884 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à M. [J] [R], 3°/ à Mme [K] [S], épouse [R], domiciliés tous deux [Adresse 2], 4°/ à la société Gauthier Lamellés Collés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 5°/ à la société O. Hervieux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 6°/ à la société Atlantic mobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français et de la société Atelier d'Architecture du Domaine, de la SCP Marc Lévis, avocat de M. et Mme [R], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société A2D, atelier d'architecture du domaine (société A2D) et à la Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SMABTP et la société Atlantic mobilier. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 octobre 2021), M. et Mme [R] ont confié à la société A2D, assurée auprès de la MAF, la maîtrise d'oeuvre complète de la construction d'une maison, la société Gauthier lamellés collés (société GLC) étant chargée du lot charpente et la société O. Hervieux (société Hervieux) du lot étanchéité. 3. La réception a été prononcée par lots le 25 juin 2008, le lot charpente ayant fait l'objet d'une réception tacite avec réserves. 4. Se plaignant notamment d'un défaut de conformité des hauteurs sous plafond, M. et Mme [R] ont, après expertise, assigné les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs en sollicitant l'indemnisation de leur préjudice à hauteur du coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 6. La société A2D et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec les sociétés GLC et Hervieux, à payer une certaine somme à M. et Mme [R], de fixer les parts de responsabilité entre locateurs d'ouvrages et de statuer sur les appels en garantie en conséquence, alors : « 2°/ que le juge doit apprécier la proportionnalité entre la demande indemnitaire du maître d'ouvrage, d'un montant équivalant au coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage, et l'absence ou le caractère limité des conséquences dommageables de la non-conformité affectant l'ouvrage ; que pour faire droit à la demande indemnitaires des époux [R] à hauteur du montant de la démolition et de la reconstruction de la maison, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la non-conformité contractuelle est sanctionnée par l'exécution en nature de l'obligation méconnue sur le fondement de l'article 1184 du code civil et qu'il résulte de l'expertise que la démolition-reconstruction est la seule solution pour remédier à la non-conformité contractuelle de la hauteur insuffisante du sous-plafond du rez-de-chaussée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par la MAF et la société A2D, si la demande indemnitaire des maîtres d'ouvrage était disproportionnée par rapport à la gravité des non-conformités constatées, qui consistaient seulement en une hauteur sous plafond de 2,48 m au lieu des 2,53 m acceptés par les maîtres d'ouvrage au rez-de-chaussée, et 2,20 à 2,22 m au lieu de 2,50 m à l'étage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 3°/ que pour faire droit à la demande indemnitaires des époux [R], à hauteur du montant de la démolition et de la reconstruction de la maison, la cour d'appel a énoncé que l'importance des travaux de rehaussement du premier étage d'un montant de 169.435 euros et le taux d'aléa important de cette situation, particulièrement exceptionnelle selon l'expert, ne permettaient pas de retenir que la démolition-reconstruction de l'immeuble était disproportionnée ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, quand il lui appartenait d'opérer un contrôle de proportionnalité entre la réparation du préjudice subi et la gravité des non-conformités présentées par l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1147, 1149 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 7. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. 8. En application du deuxième, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869, Bull. 2009, III, n° 170). 9. Il est jugé, au visa du troisième, que la demande de démolition et de reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affecte peut ne pas être accueillie si elle se heurte au principe de proportionnalité du coût de celle-ci au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées (3e Civ., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-17.218, publié au Bulletin). 10. En l'état de la jurisprudence, la demande de démolition et de reconstruction peut faire l'objet d'un contrôle de proportionnalité lorsqu'elle est formée au titre de l'exécution forcée ou en nature du contrat, tandis que si elle est présentée sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts d'un montant égal à celui de la démolition et de la reconstruction, le juge saisi, qui apprécie souverainement les modalités de réparation et leur coût, n'est pas tenu à un tel contrôle. 11. La différence de traitement qui en résulte, tant au regard des droits et obligations des parties placées dans une situation semblable qu'en ce qui concerne l'office du juge, n'apparaît pas justifiée. 12. Il résulte des considérations qui précédent que le juge saisi d'une demande de démolition-reconstruction d'un ouvrage en raison des non-conformités qui l'affectent, que celle-ci soit présentée au titre d'une demande d'exécution forcée sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ou, depuis la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, sur le fondement de l'article 1221 du même code, ou sous le couvert d'une demande en réparation à hauteur du coût de la démolition-reconstruction, doit rechercher, si cela lui est demandé, s'il n'existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées. 13. En cas de disproportion manifeste, les dommages-intérêts alloués sont souverainement appréciés au regard des seules conséquences dommageables des non-conformités retenues, dans le respect du principe de la réparation sans perte ni profit énoncé au point 8. 14. Pour allouer aux maîtres de l'ouvrage, à titre de réparation, une somme correspondant au coût de la complète démolition-reconstruction de l'immeuble, l'arrêt retient que la non-conformité contractuelle est sanctionnée par l'exécution en nature de l'obligation méconnue sur le fondement de l'article 1184 du code civil, qu'il s'agit de la seule solution pour remédier à la non-conformité contractuelle résultant de la hauteur insuffisante du plafond du rez-de-chaussée et que le coût et l'importance des travaux portant sur le seul rehaussement du premier étage, associés à l'aléa d'une telle opération, ne permettent pas de retenir le caractère disproportionné d'une démolition-reconstruction. 15. En se déterminant ainsi, sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la solution réparatoire consistant en la démolition-reconstruction du complet ouvrage n'était pas manifestement disproportionnée au regard des conséquences dommageables des non-conformités retenues, la cour d'appel, qui ne s'est déterminée qu'en fonction du coût comparé des solutions réparatoires entre elles, n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate le désistement d'appel de la SMABTP à l'égard de la société Atlantic mobilier et constate le désistement de M. et Mme [R] à l'égard de la société Atlantic mobilier, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ; Condamne M. et Mme [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 533 FS-B Pourvoi n° Z 22-22.052 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 La société Hôtel Rochambeau, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 22-22.052 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Compagnie française d'investissement (CFI), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Hôtel Rochambeau, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Compagnie française d'investissement, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mmes Andrich, Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2022) et les productions, le 1er juillet 1997, la société Comaco, aux droits de laquelle s'est trouvée la société Compagnie française d'investissement (la bailleresse), a donné à bail commercial à la société Hôtel Rochambeau (la locataire) un immeuble à usage d'hôtel, bar et restaurant. 2. Le 21 mars 2016, le bail a été renouvelé, avec restriction de la destination des lieux à l'activité d'hôtel avec salle de petit-déjeuner et bar. 3. Le 23 avril 2021, la bailleresse a, en vertu de l'acte de renouvellement précité, procédé à une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la locataire en garantie du paiement d'une créance correspondant aux loyers des deux premiers trimestres de l'année 2021 ainsi qu'à des charges et accessoires. 4. Le 20 mai 2021, la locataire a assigné la bailleresse en annulation ou mainlevée de la saisie et paiement de dommages et intérêts. Examen des moyens Sur le second moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu d'annuler ou de donner mainlevée de la saisie conservatoire, d'en cantonner les effets à une certaine somme et de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts, alors « qu'en application de l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, applicable à compter du 17 octobre 2020 jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cessait d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des textes relatifs à la crise sanitaire, la mise en oeuvre de toute action, sanction ou voie d'exécution forcée pour retard ou non paiement des loyers et charges locatives, était interdite à l'encontre de toute personne morale de droit privé exerçant une activité économique soumise aux dispositions du 2° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 et de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, permettant aux pouvoirs publics de "réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissement recevant du public ainsi que les lieux de réunion" ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'"il n'est pas contestable qu'à l'époque de la mise en place de la saisie conservatoire querellée, l'importance de la clientèle accédant à l'hôtel avait diminué de par les mesures prises par le gouvernement pour tenter d'endiguer l'épidémie de Covid 19. En effet, à partir du mois d'avril 2021, les dispositions qui étaient déjà applicables dans 19 départements reconfinés depuis le 19 mars 2021 ont été étendues à tout le territoire, pour une durée de quatre semaines, à savoir un couvre-feu de 19 heures à 6 heures, et surtout l'interdiction des déplacements interrégionaux à partir du 5 avril 2021, sauf pour motif impérieux ; les déplacements étant restreints, cela a nécessairement eu pour effet une baisse de fréquentation de l'hôtel, alors que les règles de distanciation et le nécessaire respect des gestes barrières rendaient compliquée la gestion de l'établissement" ; qu'il résultait de ces constatations que les conditions d'accès et de présence du public à l'hôtel exploité par la société Hôtel Rochambeau étaient réglementées par les mesures de reconfinement, consistant en un couvre-feu de 19 heures à 6 heures et en l'interdiction des déplacements interrégionaux, ainsi que par les mesures de distanciation sociale, de sorte que l'article 14 précité était applicable ; qu'en jugeant au contraire, pour statuer comme elle l'a fait, que "les conditions d'accès au public à l'hôtel exploité par la société Hôtel Rochambeau n'étaient pas modifiées pour autant par les diverses mesures prises par le gouvernement", la cour d'appel a violé l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020. » Réponse de la Cour 7. L'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 a interdit aux bailleurs de pratiquer des mesures conservatoires à l'encontre de locataires, satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité et exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, soit la fermeture provisoire et la réglementation de l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, des catégories d'établissements recevant du public concernées. 8. Les mesures de police administrative relatives à la sortie des personnes de leur domicile et à leur circulation, prises en application de dispositions autres que celles susvisées, quand bien même elles affecteraient l'activité économique des locataires, n'interdisent pas la mise en oeuvre de mesures conservatoires par les bailleurs. 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Hôtel Rochambeau aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hôtel Rochambeau et la condamne à payer à la société Compagnie française d'investissement la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 789 F-B Pourvoi n° K 22-11.045 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ Mme [D] [Y], 2°/ M. [U] [Y], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° K 22-11.045 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société BPCE Prévoyance, société anonyme, anciennement dénommée ABP Prévoyance, anciennement dénommée Assurances Banque Populaire Prévoyance, 2°/ à la société BPCE Vie, société anonyme, anciennement dénommée ABP vie, anciennement dénommée Assurances Banque Populaire Vie, toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], 3°/ à la société Banque populaire Val-de-France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [D] [Y] et M. [U] [Y], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat des sociétés BPCE Prévoyance et BPCE Vie, de Me Bouthors, avocat de la société Banque populaire Val-de-France, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 novembre 2021), en vue de garantir le paiement d'un prêt professionnel consenti par la Banque populaire Val-de-France (la banque), [P] [Y] a adhéré à l'assurance couvrant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail souscrite par la banque auprès des sociétés Assurance banque populaire prévoyance et Assurance banque populaire vie, aux droits desquelles viennent les sociétés BPCE Prévoyance et BPCE Vie (l'assureur). 2. [P] [Y] est décédé le 24 juillet 2012. L'assureur a refusé sa garantie en invoquant de fausses déclarations intentionnelles de l'assuré. 3. Mme [D] [Y], sa fille, et Mme [I] [Y], sa veuve, agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, [U] [Y], ont assigné la banque et l'assureur devant un tribunal de grande instance afin que ce dernier prenne en charge le capital restant dû au jour du décès de [P] [Y]. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [D] [Y] et M. [U] [Y], devenu majeur, (les consorts [Y]), font grief à l'arrêt d'annuler l'adhésion à l'assurance de [P] [Y] du 26 janvier 2011 et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « qu'en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle faite par l'assuré à l'occasion de la souscription d'une police garantissant plusieurs risques distincts, l'appréciation de la portée, en ce qui concerne l'assureur, de cette réticence ou fausse déclaration, doit se faire par rapport à chaque risque en litige, indépendamment des circonstances du sinistre ; qu'en retenant en l'espèce que les fausses déclarations de [P] [Y] avait influé sur l'appréciation par l'assureur du risque d'arrêt de travail, s'agissant de son opération du canal carpien, ou du risque d'incapacité temporaire de travail, s'agissant de sa phlébite, quand se trouvait en cause, par suite du décès de [P] [Y], l'assurance-décès souscrite par ce dernier, la cour d'appel a violé l'article L. 113-8 du code des assurances. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 5. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que les consorts [Y] n'ont pas fait valoir, devant la cour d'appel, que l'appréciation de la fausse déclaration devait se faire par rapport à chaque risque en litige, de sorte que la critique est nouvelle. 6. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est recevable comme étant de pur droit. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 113-8 du code des assurances : 7. Il résulte de ce texte que le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, lorsque cette réticence ou fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur. 8. L'appréciation de la portée de cette réticence ou fausse déclaration sur l'opinion du risque pour l'assureur doit se faire indépendamment des circonstances du sinistre mais, s'agissant d'une police garantissant plusieurs risques distincts, par rapport à chacun des risques garantis. 9. Pour déclarer nulle l'adhésion de [P] [Y] au contrat d'assurance, l'arrêt retient qu'il ne peut être sérieusement soutenu qu'une intervention sur le canal carpien chez un homme exerçant la profession manuelle de boucher, qui nécessite la répétition continue de mouvements requérant une bonne force dans les mains, ne constitue pas un antécédent important de nature à influer sur l'appréciation du risque d'arrêt de travail. Il relève que, s'agissant de la phlébite, le manuel de tarification produit par l'assureur préconise une exclusion de garantie du risque « incapacité temporaire ». 10. L'arrêt ajoute que lorsque l'assurance couvre, comme en l'espèce, l'incapacité de travail, les renseignements que l'assureur a besoin de connaître pour apprécier ce risque sont beaucoup plus étendus que pour la seule assurance décès, car les causes d'incapacité de travail sont plus diverses que celles du décès. Il en déduit que les fausses déclarations ont nécessairement diminué l'opinion du risque pour l'assureur, même si ce risque a été sans incidence sur le sinistre, causé par le suicide de l'assuré. 11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les fausses déclarations retenues avaient été de nature à changer l'objet du risque « décès » ou à en modifier l'opinion pour l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne les sociétés BPCE Prévoyance, BPCE Vie et Banque populaire Val-de-France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés BPCE Prévoyance, BPCE Vie et Banque populaire Val-de-France, et les condamne in solidum à payer à Mme [D] [Y] et à M. [U] [Y] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 782 F-B Pourvoi n° S 19-24.655 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 M. [S] [D], domicilié [Adresse 1], Singapore (Singapour), a formé le pourvoi n° S 19-24.655 contre l'ordonnance n° RG : 18/12908 rendue le 24 septembre 2019 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 OP), dans le litige l'opposant à la société [U] [F], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [D], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société [U] [F], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 24 septembre 2019), M. [D] a confié à la société [U] [F], avocat, la défense de ses intérêts dans plusieurs procédures pénales. Des conventions d'honoraires ont été régularisées en juin 2016. 2. M. [D] a contesté cinq factures d'honoraires que lui avait adressé son avocat les 15 septembre et 4 novembre 2016, les 20 janvier, 6 mars et 5 mai 2017. 3. L'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre aux fins de fixation de ses honoraires. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 5. M. [D] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à l'avocat à 71 889,04 euros pour les diligences accomplies entre le 1er juillet et le 31 août 2016, selon facture du 15 septembre 2016, à 188 122,60 euros pour les diligences accomplies entre le 1er septembre et le 31 octobre 2016, selon facture du 4 novembre 2016, à 232 243,04 euros pour les diligences accomplies entre le 1er novembre et le 31 décembre 2016, selon facture du 20 janvier 2017, à 241 993,85 euros pour les diligences accomplies entre le 1er janvier et le 28 février 2017, selon facture du 6 mars 2017, de fixer les honoraires dus par M. [D] à l'avocat au titre des diligences faisant l'objet de la facture du 5 mai 2017, accomplies entre le 1er mars et le 30 avril 2017, à la somme de 66 000 euros TTC, l'ensemble de ces condamnations avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, alors : « 2°/ que, seul le paiement des honoraires, après service rendu, prive le juge de la faculté d'en réduire le montant ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que si les factures comportaient la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord » suivie de la signature de M. [D], seule la facture en date du 8 juillet 2016 avait été acquittée pour un montant de 100 505,09 euros, M. [D] ayant expressément refusé de s'acquitter du paiement des cinq facturations suivantes ; qu'en jugeant que le montant des honoraires de M. [F] figurant sur ces dernières factures ne pouvait être remis en cause devant lui dès lors que par cette formule manuscrite et sa signature, M. [D] avait accepté le principe et le montant de l'honoraire après service rendu, quand ce dernier n'avait procédé à aucun paiement et s'y était refusé, le premier président a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; 3°/ que, seul le paiement des honoraires, après service rendu, prive le juge de la faculté d'en réduire le montant ; qu'en relevant que M. [D] n'avait émis, jusqu'à la procédure de taxation, aucune contestation sur les prestations facturées ou sur le montant des note d'honoraires présentées, le premier président, qui a statué à la faveur d'une motivation totalement inopérante à faire échec à la demande de M. [D] en contestation d'honoraires, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; 4°/ que, manque à son obligation de bonne foi contractuelle l'avocat qui, alors que son client n'a pas réglé une première facture d'un montant substantiel, ne suspend pas sa mission et ne le met pas en demeure de payer comme le prévoit le contrat, et continue de lui délivrer des factures d'un montant exorbitant ; qu'en confirmant l'ordonnance de taxe sans rechercher, comme il y était invité si l'avocat, qui avait émis une deuxième facture en date du 15 septembre 2016 d'un montant de 71 899,04 euros, que M. [D] n'avait pas réglée, n'avait pas manqué à la bonne foi contractuelle en continuant d'en émettre, respectivement les 4 novembre 2016, 20 janvier 2017, 6 mars 2017 et 5 mai 2017, pour des montants exorbitants de 188 122,60 euros, de 232 243,04 euros, de 241 993,55 euros et de 153 320,88 euros, au lieu de suspendre ses diligences et de mettre son client en demeure de s'acquitter de la première facture, comme le prévoyait le contrat, le premier président a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble, l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. » Réponse de la Cour 6. Ayant relevé que M. [D], qui n'avait pas mis fin au mandat, avait apposé la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord », suivie de sa signature, sur les factures des 4 novembre 2016, 20 janvier 2017 et 6 mars 2017 et souverainement estimé qu'il avait ainsi accepté l'honoraire après service rendu, l'absence de paiement effectif par le client étant sans incidence à cet égard, le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'il n'avait pas le pouvoir de le réduire. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches Enoncé du moyen 8. M. [D] fait le même grief à l'ordonnance, alors : « 5°/ que les factures d'avocat ne répondant pas aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peuvent être remises en cause, nonobstant leur acceptation par le client ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que les factures en litige ne présentaient pas le temps consacré à chaque diligence ; qu'en jugeant néanmoins que du fait de leur acceptation par M. [D], elles ne pouvaient pas être remises en cause, le premier président a violé les articles 10 de la loi n° 1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce ; 6°/ que, les factures d'avocat ne répondant pas aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peuvent être remises en cause, nonobstant leur acceptation par le client ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que les factures en litige ne présentaient pas le temps consacré à chaque diligence ; qu'en retenant que l'indication du nombre d'heures pour chaque diligence aurait rendu fastidieuse l'exploitation d'un document comportant déjà entre 18 et 54 pages, et que la datation précise de chaque prestation permettait à M. [D] d'en contrôler la réalité, le premier président, qui a statué à la faveur d'une motivation totalement inopérante à écarter l'exigence de l'indication de la durée de chacune des diligences accomplies, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 10 de la loi n° 1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce. » Réponse de la Cour 9. Ayant relevé que chaque facture d'honoraires produite aux débats indiquait le détail et la date des diligences effectuées, le nombre d'heures consacré par l'avocat par type de prestations ainsi que le taux horaire conforme à la convention, le premier président, a ainsi fait ressortir que les honoraires avaient été acceptés sur présentation de factures répondant aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peu important que le temps consacré à chaque diligence ne soit pas mentionné. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 11. M. [D] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à l'avocat au titre des diligences faisant l'objet de la facture du 5 mai 2017, accomplies entre le 1er mars et le 30 avril 2017, à la somme de 66 000 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, alors « que, dans ses écritures délaissées, il faisait valoir que compte tenu de sa domiciliation à Singapour, il n'était pas assujetti à la TVA ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 12. Le premier président, qui statuait en matière de fixation des honoraires d'avocat, n'avait pas le pouvoir de se prononcer sur une contestation se rapportant à l'application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat, de sorte qu'il n'était pas tenu de répondre à un moyen inopérant. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et le condamne à payer à la société [U] [F] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 777 F-B Pourvoi n° D 21-24.283 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 1°/ M. [T] [S], 2°/ Mme [G] [F], épouse [S], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° D 21-24.283 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel de Douai (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Mutuelle assurance instituteur France (MAIF), dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits et obligations de la société FILIA MAIF, 2°/ à la caisse mutualité sociale agricole Picardie (MSA), dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La société Mutuelle assurance instituteur France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [S], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Mutuelle assurance instituteur France, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Isola, conseiller rapporteur, M. Martin, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement du pourvoi incident 1. Il est donné acte à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France du désistement de son pourvoi incident. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 septembre 2021), le 15 novembre 2015, M. [S] qui circulait, sans ceinture de sécurité et sous l'empire d'un état alcoolique, à bord de son véhicule assuré par la société Pacifica crédit agricole a été victime d'un accident de la circulation, impliquant un véhicule qui était assuré par la société FILIA MAIF, aux droits de laquelle se trouve la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (l'assureur). 3. Le 22 février 2017, une transaction a été signée entre M. [S] et la société FILIA MAIF, aux termes de laquelle, les parties ont fixé le droit à indemnisation de M. [S] à hauteur de 75 % de son préjudice. 4. M. [S] et Mme [S], son épouse, ont assigné la société FILIA MAIF et la caisse de mutualité sociale agricole de Picardie (la caisse) devant un tribunal de grande instance en indemnisation de leurs préjudices. 5. L'assureur est intervenu à l'instance d'appel, comme venant aux droits de la société FILIA MAIF. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à 45 euros la condamnation de l'assureur au titre de ses dépenses de santé actuelles, alors « que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; qu'en limitant à 45 euros la somme due par l'assureur à M. [S] au titre des dépenses de santé actuelles, cependant que le droit de préférence de la victime sur la caisse impliquait, d'abord, que la créance de cette dernière, d'un montant de 143 728,17 euros, soit imputée sur les dépenses de santé actuelles évaluées à 143 788,17 euros, sans tenir compte du partage de responsabilité, puis que le préjudice subsistant de la victime, égal à son reste à charge, soit intégralement réparé, puisqu'il était inférieur à l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, d'un montant de 107 841,13 euros, et enfin que le tiers payeur ne puisse exercer son recours que sur le reliquat, qui s'élevait à la somme de 107 781,13 euros, la cour d'appel a violé les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. » Réponse de la Cour Vu l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 : 7. Selon ce texte, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie. En ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence au tiers payeur subrogé. Il en résulte que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat. 8. Pour condamner l'assureur à payer à M. [S] la somme de 45 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles, l'arrêt, qui a relevé que la créance de la caisse à ce titre s'élevait à la somme de 143 728,17 euros, énonce qu'une somme de 60 euros, relative à l'achat d'un fauteuil roulant, est restée à la charge de M. [S], soit une somme de 45 euros après application du droit à indemnisation de 75 %. 9. En statuant ainsi, en appliquant la limitation du droit à indemnisation de la victime sur le solde resté à sa charge après déduction des prestations versées par la caisse, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 6 528,25 euros l'indemnité due par l'assureur au titre des pertes de gains professionnels actuels et de le débouter de sa demande en paiement de celle de 7 789,50 euros au titre des besoins d'assistance complémentaires nécessaires pour maintenir le revenu par économie, alors « que le préjudice doit être réparé intégralement, sans qu'il en résulte pour la victime une perte ou un profit ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande formulée par M. [S], tendant à l'indemnisation du besoin, rendu nécessaire par la survenance de l'accident, d'une assistance par tierce personne pour assurer à sa place l'activité personnelle de culture et d'élevage qu'il réalisait avant l'accident, que cette demande « ne correspond aucunement au poste de préjudice « perte de gains professionnels actuels » », cependant que, peu important le classement qu'en avait fait la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, dépourvue de valeur normative, il lui appartenait d'apprécier l'existence de cet élément de préjudice, et, le cas échéant, de l'indemniser, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ». Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 11. Pour limiter à la somme de 6 528,25 euros l'indemnité due par l'assureur au titre des pertes de gains professionnels actuels, l'arrêt énonce que M. [S] reconnaît dans ses écritures que son épouse a repris une partie d'une activité de maraîchage et de petit élevage que les séquelles de son accident l'empêchent d'exercer et que l'absence de pièces suffisantes versées par M. et Mme [S] ne permet pas d'établir la réalité de cette perte de revenu alléguée. 12. Pour, ensuite, débouter M. [S] de sa demande subsidiaire relativement à l'aide humaine apportée par son épouse, l'arrêt retient que si celle-ci est recevable en cause d'appel en ce qu'une victime d'un accident corporel est recevable à solliciter l'indemnisation de nouveaux postes de préjudices en lien avec les faits dont elle a été victime, cette demande ne correspond pas au poste de préjudice de la perte de gains professionnels actuels. 13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le préjudice invoqué par M. [S] au titre du besoin d'assistance par son épouse pour l'activité de maraîchage et de petit élevage était ou non établi, et, dans l'affirmative, de le réparer, peu important la qualification qui lui avait été donnée par la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, la cour d'appel a violé le principe susvisé. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 14. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à 16 244,92 euros l'indemnisation de ses dépenses de santé futures, alors « que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; qu'en jugeant, s'agissant des « aides techniques », que M. [S] « ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de son préjudice, à savoir une somme restant le cas échéant à sa charge après la perception des sommes versées par la MSA à ce titre », sans évaluer préalablement le préjudice de la victime résultant des dépenses de santé futures, et sans préciser dans quelle mesure il était et serait pris en charge par les prestations servies par la caisse ni procéder aux imputations correspondantes, la cour d'appel a violé l'article 31, alinéa 1er, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ». Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 15. Pour limiter à la somme 16 244,92 euros la condamnation de l'assureur au titre des dépenses de santé futures, l'arrêt énonce que M. [S] ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de son préjudice, à savoir une somme restant, le cas échéant, à sa charge après la perception des sommes versées par la caisse à ce titre. Il ajoute que le relevé de la caisse du 20 juillet 2018 fait état de frais futurs viagers d'appareillage pour un montant de 194 408,06 euros, M. [S] ne contestant pas que ces frais comprennent ceux occasionnés par l'acquisition de ce matériel et leur renouvellement. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui aurait dû évaluer préalablement ce poste de préjudice et déterminer la dette du tiers responsable en faisant application de la réduction du droit à indemnisation, avant d'allouer à la victime la somme demeurée, le cas échéant, à sa charge après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste, dans la limite de la dette du tiers responsable, a violé le principe susvisé. Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 17. M. [S] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels futurs, alors « que le préjudice doit être réparé intégralement, sans qu'il en résulte pour la victime une perte ou un profit ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande formulée par M. [S], tendant à l'indemnisation du besoin, rendu nécessaire par la survenance de l'accident, d'une assistance par tierce personne pour assurer à sa place l'activité personnelle de culture et d'élevage qu'il réalisait avant l'accident, que cette demande « ne correspond aucunement au poste de préjudice « perte de gains professionnels [?] » », cependant que, peu important le classement qu'en avait fait la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, dépourvue de valeur normative, il lui appartenait d'apprécier l'existence de cet élément de préjudice, et, le cas échéant, de l'indemniser, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ». Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 18. Pour rejeter la demande de M. [S] au titre d'une « perte de gains professionnels futurs » en raison d'un besoin d'assistance par son épouse pour l'activité de maraîchage et de petit élevage, l'arrêt énonce que, pour les mêmes motifs que ceux exposés relativement au poste « perte de gains professionnels actuels », seules les deux activités salariées de M. [S] exercées avant l'accident seront prises en compte pour la fixation de ce poste de préjudice et, dès lors, pour la détermination du salaire de référence. 19. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le préjudice invoqué par M. [S] au titre du besoin d'assistance par son épouse pour l'activité de maraîchage et de petit élevage, après la consolidation, était ou non établi, et, dans l'affirmative, de le réparer, peu important la qualification qui lui avait été donnée par la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, la cour d'appel a violé le principe susvisé. Sur le sixième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 20. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l'assureur à payer les intérêts au double du taux légal sur le total du montant des sommes en capital qui lui ont été allouées, avant déduction de la provision, et de la créance de l'organisme social, soit 920 839,60 euros, alors « qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; qu'en jugeant que la circonstance qu'« au cours des mois de juin à novembre 2016, des discussions ont lieu de manière fondée entre la MAIF et la société Pacifica, assureur de M. [S], en raison des fautes de conduite qui étaient opposées à ce dernier, à savoir une conduite sous l'empire d'un état alcoolique et un défaut de port de ceinture de sécurité » et que « la procédure pénale a ainsi été communiquée à la MAIF en juin 2016 » dispensaient l'assureur de formuler une offre d'indemnisation provisionnelle complète et suffisante, dans un délai de huit mois à compter de l'accident, la cour d'appel a violé l'article L. 211-9 du code des assurances ». Réponse de la Cour Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances : 21. En application du premier de ces textes, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, de présenter une offre d'indemnité à la victime qui subit une atteinte à sa personne. En application du deuxième, lorsque l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. 22. Pour limiter à la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l'assureur à payer les intérêts au double du taux légal sur la somme allouée en capital à la victime, l'arrêt énonce qu'il ressort des lettres produites que, au cours des mois de juin à novembre 2016, des discussions ont eu lieu entre l'assureur et la société Pacifica, en raison des fautes de conduite opposées à M. [S] et relève que la procédure pénale a ainsi été communiquée à l'assureur en juin 2016. 23. Il en déduit que, en raison de ces circonstances particulières non imputables à l'assureur, il ne peut être retenu le caractère tardif de son offre provisionnelle du 9 février 2017. 24. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations qu'une offre provisionnelle n'avait pas été faite par l'assureur dans les huit mois de l'accident, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune des causes de suspension prévues aux articles R. 211-29 et suivants du code des assurances, a violé les textes susvisés. Et sur le moyen relevé d'office 25. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 26. Il résulte du second de ces textes que le recours des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. 27. Selon le premier, l'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme. 28. La Cour de cassation juge, depuis 2013, que cette pension indemnise, d'une part, les préjudices de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 13 juin 2013, n° 12-10.145 Bull. II, n°125 ; 2e Civ., 29 mars 2018, pourvoi n° 17-15.260, Bull. 2018, II, n° 66 ; 2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.242). 29. Cette jurisprudence, qui se justifiait par le souhait d'éviter des situations de double indemnisation du préjudice, se conciliait imparfaitement, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, avec les modalités selon lesquelles cette pension est calculée. En effet, selon les articles R. 341-4 et suivants du code de la sécurité sociale, elle est déterminée, de manière forfaitaire, en fonction du salaire annuel moyen de l'assuré et de la catégorie d'invalidité qui lui a été reconnue. 30. La Cour de cassation, qui décidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle ainsi que celui du déficit fonctionnel permanent (notamment 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155), a remis en cause sa jurisprudence par deux arrêts rendus en assemblée plénière qui ont jugé que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, publiés). 31. Le calcul de la rente accident du travail se fait, comme pour la pension d'invalidité, sur une base forfaitaire, de sorte qu'une distinction entre les modalités de recours des tiers payeurs selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre prestation ne se justifie pas. 32. L'ensemble de ces considérations conduit à juger, désormais, que la pension d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. 33. Pour fixer l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent à la somme de 140 048,13 euros, l'arrêt énonce qu'il est constant que, en application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la pension d'invalidité servie par l'organisme social s'impute, même si celui-ci n'exerce pas son recours, sur les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent. 34. Il ajoute que le premier juge a justement évalué ce poste de préjudice à la somme de 196 000 euros, soit 147 000 euros après application du droit à indemnisation de 75 % et que le reliquat de la pension d'invalidité de 6 951,87 euros, après imputation sur le poste de la perte de gains professionnels futurs, devra être déduit de la somme fixée au titre du déficit fonctionnel permanent. 35. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à payer à M. [S] les sommes de 45 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 6 528,25 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, 16 244,92 euros au titre des dépenses de santé futures, 140 048,13 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, rejette la demande de M. [S] au titre de la perte de gains professionnels futurs et condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à payer les intérêts au double du taux légal sur le total du montant des sommes en capital ainsi allouées à M. [S], avant déduction de la provision, et de la créance de l'organisme social, soit 920 839,60 euros, pour la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. et Mme [S] à l'encontre de la caisse de mutualité sociale agricole de Picardie et par la société Mutuelle assurance des instituteurs de France et condamne cette dernière à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 779 F-B Pourvoi n° B 21-24.833 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 M. [O] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-24.833 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MMA IARD, 2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2021) et les productions, M. [R], afin de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à l'occasion du dispositif dit « Girardin Industriel », prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts, a souscrit, le 17 mai 2011, au produit « Snc GIR Réunion », proposé par la société Gesdom, pour l'acquisition et la mise en location des stations autonomes d'éclairage (SAE), alimentées par des panneaux photovoltaïques sur l'Ile de La Réunion. 2. M. [R] a versé à la société Gesdom la somme de 23 751 euros, outre 493 euros de frais de dossiers. 3. L'attestation fiscale lui permettant de bénéficier de la réduction d'impôt escomptée ne lui ayant pas été remise par la société Gesdom, celle-ci invoquant, en premier lieu, que l'administration fiscale avait remis en cause les réductions d'impôts des montages des années précédentes faute de mise en service du matériel avant le 31 décembre de l'année concernée et, en second lieu, que l'éligibilité des SAE à la réduction fiscale était également remise en cause, après la loi de finances n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 pour l'année 2011 ayant rendu inéligibles à la défiscalisation les investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil, M. [R] a assigné, aux fins d'indemnisation, devant un tribunal de grande instance, la société Covea Risks, assureur de la société Gesdom au titre de sa responsabilité civile. 4. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les assureurs), venant aux droits de la société Covea Risks, sont intervenues à l'instance. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors « que la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle, justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; qu'à cet égard, la connaissance de l'existence du risque de réalisation d'un dommage ne peut être assimilée à celle de la certitude de sa survenance ; qu'il s'ensuit qu'un manquement, même délibéré, à l'obligation de prudence de l'assuré, qui rend seulement possible la réalisation d'un dommage, ne peut être assimilé à un manquement qui conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; qu'en l'espèce, pour imputer à la société Gesdom une faute dolosive ayant abouti à la réalisation inéluctable du dommage, la cour d'appel a retenu « qu'il est établi qu'au moment de la souscription du contrat, la société Gesdom avait pleinement conscience, d'une part de l'exclusion résultant de la loi de finance 2011, et du risque qu'elle faisait courir aux investisseurs », et que « bien que consciente du risque évident qu'elle faisait courir aux investisseurs, la société Gesdom n'en a pas moins volontairement décidé de commercialiser des SAE, ce manquement délibéré à son obligation de prudence ayant abouti à la réalisation inéluctable du dommage, faisant ainsi disparaitre l'aléa attaché à la couverture du risque » ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser la conscience qu'avait la société Gesdom de la réalisation inéluctable du dommage de nature à faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances : 6. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. 7. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables. 8. Pour rejeter les demandes de M. [R], l'arrêt énonce qu'il est constant que l'article 36-1 de la loi de finances pour l'année 2011 du 29 décembre 2010 a exclu du champ d'application de la loi dite « Girardin » les investissements portant « sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil » et observe que les SAE produisent de l'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques grâce à cette énergie. 9. L'arrêt énonce encore qu'il est certain que tous les professionnels du secteur ne pouvaient que conclure à l'inéligibilité à la défiscalisation des SAE et ne pouvaient faire valoir auprès des investisseurs potentiels un avantage fiscal devenu manifestement exclu. Il ajoute que la société Gesdom aurait dû suspendre la commercialisation des produits concernés et interroger l'administration fiscale plus tôt qu'elle ne l'a fait. 10. Il relève, à cet égard, que cette administration a été interrogée au mois d'avril 2013 seulement, et considère que c'est sans l'ombre d'une hésitation et sans surprise qu'elle a pris position en indiquant que l'exclusion définie par l'article 36 précité, concernant toutes les installations générant de l'électricité par la conversion photovoltaïque de l'énergie solaire, ne pouvait qu'appréhender également les SAE. Il ajoute que l'argument tiré du délai de réponse de cette même administration, pour expliquer que la commercialisation se soit faite sans attendre sa réponse, est inopérant, au regard des enjeux et des risques que la société Gesdom faisait courir aux investisseurs en la poursuivant. 11. L'arrêt relève encore que si M. [R] conteste tout risque délibéré pris par la société Gesdom, dès lors qu'elle a consulté un cabinet d'avocat spécialisé en matière fiscale, cette consultation est intervenue tardivement, plus de huit mois après l'entrée en vigueur de la loi précitée, et après la souscription par M. [R] de son investissement. Il considère que la société Gesdom a sollicité cette consultation parce qu'elle connaissait la nouvelle exclusion figurant à l'article 36-1 précité, et en déduit qu'elle avait pleinement conscience du risque évident qu'elle faisait courir aux investisseurs au moment où le contrat a été souscrit. 12. Il retient, enfin, que le manquement délibéré de cette société à son obligation de prudence a abouti à la réalisation inéluctable du dommage qui a fait disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, et en déduit qu'en vendant, en mai 2011, un tel produit de défiscalisation dont l'avantage fiscal n'était plus garanti, elle a commis une faute dolosive exclusive de tout aléa, de telle sorte que les assureurs sont fondés à opposer à M. [R] une exclusion de garantie. 13. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait la société Gesdom du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès de M. [R], qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles et les condamne in solidum à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2023 Cassation partielle Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 778 F-B Pourvoi n° G 21-25.667 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023 M. [J] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-25.667 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 12), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pedron, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [H], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pedron, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2021), à la suite d'une agression subie sur son lieu de travail le 4 décembre 2013 alors qu'il était âgé de 52 ans, prise en charge au titre de la législation du travail, M. [H] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions en réparation de ses préjudices. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches Enoncé du moyen 3. M. [H] fait grief à l'arrêt de lui allouer la seule somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors : « 1°/ qu'en jugeant, pour débouter M. [H] de sa demande au titre des pertes de droit à la retraite qu'il subissait à raison de ce que, du fait de l'accident, il a été licencié pour inaptitude, qu'il ne démontrait pas l'incidence sur des droits à la retraite, après avoir pourtant constaté que la perte de son emploi étant imputable à l'agression dont il a été victime et qu'il a subi une perte de gains professionnels future totale, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 4°/ qu'en se bornant à affirmer que les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnaient lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en raison de l'accident le montant de la retraite de M. [H] serait inférieur à celui qu'il aurait eu en l'absence de cet accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 4. Pour rejeter la demande formée par M. [H] au titre de la perte de droits à la retraite incluse dans le poste incidence professionnelle, l'arrêt énonce qu'aucune incidence sur les droits à la retraite de base n'est démontrée dès lors que, d'une part, M. [H] bénéficie d'une rente accident du travail qui continuera à être versée après qu'il aura fait valoir ses droits à la retraite, d'autre part, les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnent lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base. 5. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. [H], qui était âgé de 55 ans à la date de la consolidation, avait été licencié pour inaptitude le 23 mars 2016, que la perte de son emploi était imputable à l'agression dont il avait été victime et qu'il avait subi une perte de gains professionnels futurs totale, ce dont il résultait, en l'absence d'éléments contraires, qu'il avait nécessairement subi une diminution de ses droits à la retraite, qui ne dépendent pas uniquement du nombre des trimestres validés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le principe susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. [H], en réparation de son préjudice corporel la somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
CASS/JURITEXT000047635822.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 301 FS-B Pourvoi n° Z 22-11.541 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023 1°/ la société TÜV Rheinland France (TRF), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 41], 2°/ la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (TRLP), société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1081] (Allemagne), venant aux droits de la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, ont formé le pourvoi n° Z 22-11.541 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ à la société EMI Importação e Distribuição Ltda, dont le siège est [Adresse 556] (Brésil), 2°/ à la société J&D Aestheticals, dont le siège est [Adresse 1076] (Roumanie), 3°/ à la société J&D Medicals, dont le siège est [Adresse 1093] (Bulgarie), 4°/ à Mme [WAP] [CZ], domiciliée [Adresse 27] (Bulgarie), 5°/ à Mme Kalina [VMI], domiciliée [Adresse 956] (Bulgarie), 6°/ à Mme [NXJ] [CTD], domiciliée [Adresse 749] (Colombie), 7°/ à Mme [NXJ] [YKP], domiciliée [Adresse 562] (Colombie), 8°/ à Mme [APY] [SYC], domiciliée [Adresse 841] (Colombie), 9°/ à Mme [VJO] [VBV], domiciliée [Adresse 1211] (Colombie), 10°/ à Mme [IAX] [EGN] [N], domiciliée [Adresse 625] (Venezuela), 11°/ à Mme [DDN] [G], domiciliée [Adresse 1033] (Venezuela), 12°/ à Mme [DUX] [HCP], domiciliée [Adresse 612] (Venezuela), 13°/ à Mme [HUN] [JMV] [T], domiciliée [Adresse 577] (Venezuela), 14°/ à Mme [HYB] [EYA] [X], domiciliée [Adresse 272] (Venezuela), 15°/ à Mme [BNJ] [UXF] [A], domiciliée [Adresse 1020] (Venezuela), 16°/ à Mme [OG] [WCB] [Y], domiciliée [Adresse 1199] (Venezuela), 17°/ à Mme [DTA] [E], domiciliée [Adresse 324] (Venezuela), 18°/ à Mme [VV] [VY] [IC], domiciliée [Adresse 946] (Venezuela), 19°/ à Mme [YAM] [BLX] [CF], domiciliée [Adresse 269] (Venezuela), 20°/ à Mme [DDN] [BD] [DC], domiciliée [Adresse 172] (Venezuela), 21°/ à Mme [EYA] [WBD], domiciliée [Adresse 1156] (Venezuela), 22°/ à Mme [PTO] [BD] [JXA], domiciliée [Adresse 162] (Venezuela), 23°/ à Mme [VV] [VY] [BD] [PJE], domiciliée [Adresse 641] (Venezuela), 24°/ à Mme [HHR] [O] [MK], domiciliée [Adresse 823] (Venezuela), 25°/ à Mme [HDZ] [WF] [FY], domiciliée [Adresse 274] (Venezuela), 26°/ à Mme [BT] [VY] [FY] [IP], domiciliée [Adresse 1141] (Venezuela), 27°/ à Mme [VZM] [GO] [FY] [JXA], domiciliée [Adresse 1185] (Venezuela), 28°/ à Mme [BMO] [FO] [FY] [VGV], domiciliée [Adresse 1119] (Venezuela), 29°/ à Mme [LR] [GH] [GWN], domiciliée [Adresse 1098] (Venezuela), 30°/ à Mme [YZV] [KPU] [FY] [GRY], domiciliée [Adresse 428] (Venezuela), 31°/ à Mme Siuly [FD] [JOV], domiciliée [Adresse 1115] (Venezuela), 32°/ à Mme Mariana [ROJ], domiciliée [Adresse 547] (Venezuela), 33°/ à Mme [MV] [YF] [NHV], domiciliée [Adresse 1137] (Venezuela), 34°/ à Mme [NMP] [SP] [FN], domiciliée [Adresse 834] (Venezuela), 35°/ à Mme [DC] [OUR] [UB] [LAY], domiciliée [Adresse 1142] (Venezuela), 36°/ à Mme [LRU] [IJ], domiciliée [Adresse 196] (Venezuela), 37°/ à Mme [DC] [EYA] [XK], domiciliée [Adresse 175] (Venezuela), 38°/ à Mme [DDN] [NX], domiciliée [Adresse 1182] (Venezuela), 39°/ à Mme [OUR] [PN] [YR], domiciliée [Adresse 287] (Venezuela), 40°/ à Mme [EYA] [MVH], domiciliée [Adresse 243] (Venezuela), 41°/ à Mme [UBB] [IUA] [CUI], domiciliée [Adresse 32] (Venezuela), 42°/ à Mme [EYA] [GYE] [NIN], domiciliée [Adresse 1215] (Venezuela), 43°/ à Mme [RRF] [RS], domiciliée [Adresse 165] (Venezuela), 44°/ à Mme [SX] [JL], domiciliée [Adresse 239] (Venezuela), 45°/ à Mme [KB] [EYA] [ZO], domiciliée [Adresse 571] (Venezuela), 46°/ à Mme [WF] [STL] [FJ], domiciliée [Adresse 554] (Venezuela), 47°/ à Mme [SRL] [VN], domiciliée [Adresse 922] (Venezuela), 48°/ à Mme [EPL] [HHM] [OT] [JXA], domiciliée [Adresse 596] (Venezuela), 49°/ à Mme [FX] [YCD] [OT] [WYK], domiciliée [Adresse 606] (Venezuela), 50°/ à Mme [LLP] [SFU] [GL], domiciliée [Adresse 215] (Venezuela), 51°/ à Mme [MFA] [JH], domiciliée Urb. [Adresse 1078] (États-Unis), 52°/ à Mme [NMZ] [JJ] [HN], domiciliée [Adresse 1162] (Venezuela), 53°/ à Mme [AUL] [GA], domiciliée [Adresse 236] (Venezuela), 54°/ à Mme [CBM] [ERY] [NF], domiciliée [Adresse 622] (Venezuela), 55°/ à Mme [VZ] [PTO] [YX], domiciliée [Adresse 923] (Venezuela), 56°/ à Mme [BOL] [AA] [EB], domiciliée [Adresse 385] (Venezuela), 57°/ à Mme [DMW] Marina [XD] [OT], domiciliée [Adresse 1152] (Venezuela), 58°/ à Mme [LMS] [EGN] [VK], domiciliée [Adresse 835] (Venezuela), 59°/ à Mme [LVV] [BZ] [XV], domiciliée [Adresse 232] (Venezuela), 60°/ à Mme [TY] [GF] [TF], domiciliée [Adresse 230] (Venezuela), 61°/ à Mme [DC] [MYB] [LIR], domiciliée [Adresse 638] (Venezuela), 62°/ à Mme [BPD] [OY], domiciliée [Adresse 177] (Venezuela), 63°/ à Mme [XLM] [KYN] [VJ], domiciliée [Adresse 647] (Venezuela), 64°/ à Mme [EYA] [SXS] [NP], domiciliée [Adresse 506] (Venezuela), 65°/ à Mme [CB] [ZI] [EA], domiciliée [Adresse 1116] (Venezuela), 66°/ à Mme [ZLU] [BM], domiciliée [Adresse 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à Mme [VZM] [GO] [TP], domiciliée [Adresse 619] (Espagne), 83°/ à Mme [TDB] [STL] [PC], domiciliée [Adresse 960] (Venezuela), 84°/ à Mme [GO] [PA], domiciliée [Adresse 794] (Venezuela), 85°/ à Mme Karina [EGN] [OA] [PCJ], domiciliée [Adresse 262] (Venezuela), 86°/ à Mme [EKW] Karina [MW], domiciliée [Adresse 1201] (Venezuela), 87°/ à Mme [JVN] [IE], domiciliée [Adresse 583] (Venezuela), 88°/ à Mme [DUX] [AW], domiciliée [Adresse 180] (Venezuela), 89°/ à Mme [TSK] [WH], domiciliée [Adresse 828] (Venezuela), 90°/ à Mme [KKV] [EU], domiciliée [Adresse 1197] (Venezuela), 91°/ à Mme [KIG] [TT], domiciliée [Adresse 1169] (Venezuela), 92°/ à Mme [HGE] Karina [KA], domiciliée [Adresse 624] (Venezuela), 93°/ à Mme [AA] [KE], domiciliée [Adresse 1131] (Venezuela), 94°/ à Mme [DNA] [FKE] [ES], domiciliée [Adresse 263] (Venezuela), 95°/ à Mme [EWG] [BZ] [NI] [XKJ], domiciliée [Adresse 184] (Venezuela), 96°/ à Mme [FIK] [NUP], domiciliée [Adresse 1173] (Venezuela), 97°/ à Mme Margil [HBS] [MY], 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[EYA] [WKI] [OG], domiciliée [Adresse 1104] (Venezuela), 260°/ à Mme [DDN] [GMM], domiciliée Urb. 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[DC] [PDW], domiciliée [Adresse 1203] (Venezuela), 427°/ à Mme [FCP] [EGN] [JJH], domiciliée [Adresse 241] (Venezuela), 428°/ à Mme [CAV] [WWO], domiciliée [Adresse 1061] (Venezuela), 429°/ à Mme [HUV] [DDN] [ASA] [EVB], domiciliée [Adresse 1159] (Venezuela), 430°/ à Mme [CBC] [ASA] [EVB], domiciliée [Adresse 258] (Venezuela), 431°/ à Mme [VDW] [DB], domiciliée [Adresse 634] (Venezuela), 432°/ à Mme [KZL] [VW], domiciliée [Adresse 579] (Venezuela), 433°/ à Mme [DWN] [EGN] [ZUW], domiciliée [Adresse 67] (États-Unis), 434°/ à Mme [BOT] [GTW] [NDA], domiciliée [Adresse 1035] (Venezuela), 435°/ à Mme [LRU] [OZK] [BPK], domiciliée [Adresse 1095] (Venezuela), 436°/ à Mme [ABH] [ZPG] [ELG] [RDI], domiciliée [Adresse 1021] (Venezuela), 437°/ à Mme [YYS] [LDD] [BCA], domiciliée [Adresse 211] (Venezuela), 438°/ à Mme [UP] [UWS], domiciliée [Adresse 173] (Venezuela), 439°/ à Mme [JJA] [AA] [EDK] [OS], domiciliée [Adresse 246] (Venezuela), 440°/ à Mme [MCK] [PTO] [ENS], domiciliée [Adresse 209] 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à Mme [OUL] [SD], domiciliée [Adresse 89] (Royaume-Uni), 487°/ à Mme [EZU] [FV], domiciliée chez M. [LTF] [EDV], [Adresse 138], 488°/ à Mme [FSX] [ZH], domiciliée [Adresse 124] (Royaume-Uni), 489°/ à Mme [STL] [ICC], épouse [NY], domiciliée [Adresse 96], 490°/ à Mme [LVV] [GU], domiciliée bâtiment [Adresse 98], 491°/ à Mme [LDM] [JP], domiciliée [Adresse 987], 492°/ à Mme [NKF] [VHT], épouse [XJ], domiciliée [Adresse 5], 493°/ à Mme [RE] [YB], domiciliée [Adresse 1029], 494°/ à Mme Karine [NK], domiciliée [Adresse 140], 495°/ à Mme [DHB] [NXJ], épouse [RG], domiciliée [Adresse 21], 496°/ à Mme [LVV] [KL], domiciliée [Adresse 134], 497°/ à Mme [HPM] [BYG], domiciliée [Adresse 117], 498°/ à Mme [SO] [IWB], domiciliée [Adresse 125] (Royaume-Uni), 499°/ à Mme [GZ] [WRB], domiciliée [Adresse 70] (Royaume-Uni), 500°/ à Mme [VV] [PM], épouse [NAL], domiciliée [Adresse 65] (Royaume-Uni), 501°/ à Mme [IOK] [USV], domiciliée [Adresse 94], 502°/ à Mme [ZM] [MPS], domiciliée [Adresse 1231], 503°/ à Mme [FL] [EAE], domiciliée [Adresse 19] (Royaume-Uni), 504°/ à Mme [ZTA] [SIS], épouse [PYE], domiciliée [Adresse 121] (Royaume-Uni), 505°/ à Mme [INI] [JAJ], domiciliée [Adresse 114], 506°/ à Mme [LT] [PZH], domiciliée [Adresse 1228] (Italie), 507°/ à Mme [LRU] [AHA], domiciliée [Adresse 796] (Royaume-Uni), 508°/ à Mme [LRU] [XSF], domiciliée [Adresse 137]), 509°/ à Mme [YYS] [KEY], domiciliée [Adresse 126] (Royaume-Uni), 510°/ à Mme [SBN] [TSZ], domiciliée [Adresse 37] (Royaume-Uni), 511°/ à Mme [ZTF] [JBO], épouse [FOM], domiciliée [Adresse 122], 512°/ à Mme [FB] [ISY], épouse [RBW], domiciliée [Adresse 68], 513°/ à Mme [NMZ] [HGH], domiciliée [Adresse 91] (Royaume-Uni), 514°/ à Mme [DBJ] [PRJ], domiciliée [Adresse 76], 515°/ à Mme [CV] [CLU], domiciliée [Adresse 1008] (Royaume-Uni), 516°/ à Mme [MF] [WNC], épouse [EAW], domiciliée [Adresse 57], 517°/ à Mme [FPB] [DJX], épouse [ITF], domiciliée [Adresse 51], 518°/ à Mme [UEY] [HXU], épouse [UKG], domiciliée [Adresse 133], 519°/ à Mme [YAM] [NOZ], domiciliée [Adresse 15] (Royaume-Uni), 520°/ à Mme [NYH] [EFW], domiciliée [Adresse 82] (Royaume-Uni), 521°/ à Mme [DUX] [OI], épouse [CEP], domiciliée [Adresse 55], 522°/ à Mme [BB] [ANM], domiciliée [Adresse 39] (Royaume-Uni), 523°/ à Mme [JYW] [ELR], domiciliée [Adresse 945] (Royaume-Uni), 524°/ à Mme [RKX] [UXP], domiciliée [Adresse 97], 525°/ à Mme [RLL] [GI], domiciliée [Adresse 878] (Colombie), 526°/ à Mme [CU] [TV], domiciliée [Adresse 132] (Nouvelle-Zélande), 527°/ à Mme [EP] [UV], domiciliée [Adresse 53] (Royaume-Uni), 528°/ à Mme [GO] [DVH], domiciliée [Adresse 429] (Colombie), 529°/ à Mme [EYA] [ZPG] [W], domiciliée [Adresse 918] (Colombie), 530°/ à Mme [DOF] [J], domiciliée [Adresse 969] (Colombie), 531°/ à Mme [BC] [U], domiciliée [Adresse 865] (Colombie), 532°/ à Mme [GY] [S], domiciliée [Adresse 909]. 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[Adresse 10] (Colombie), 1020°/ à Mme [AFG] [GPT], domiciliée [Adresse 703] (Colombie), 1021°/ à Mme [ADH] [NCW], domiciliée [Adresse 485]. [Adresse 46] (Colombie), 1022°/ à Mme [K] [XDY], domiciliée [Adresse 816] (Colombie), 1023°/ à Mme [EC] [LRF], domiciliée [Adresse 400] (Colombie), 1024°/ à Mme [RSX] [LRF], domiciliée [Adresse 400] (Colombie), 1025°/ à Mme [LFS] [ZGU], domiciliée [Adresse 344] (Colombie), 1026°/ à Mme [URX] [AZB], domiciliée Cra. [Adresse 131] (Colombie), 1027°/ à Mme [EKO] [KAD], domiciliée [Adresse 948] (Colombie), 1028°/ à Mme [ZSC] [ZPL], domiciliée [Adresse 523] (Colombie), 1029°/ à Mme [BBP], domiciliée [Adresse 380] (Colombie), 1030°/ à Mme [EOX] [KRI], domiciliée [Adresse 566]), 1031°/ à Mme [BZT] [DSL], domiciliée [Adresse 893] (Colombie), 1032°/ à Mme [FXF] [XMP], domiciliée [Adresse 873] (Colombie), 1033°/ à Mme [RJF] [EZR], domiciliée [Adresse 314] (Colombie), 1034°/ à Mme [VKM] [WFF], domiciliée [Adresse 1000] (Colombie), 1035°/ à Mme [DZM] [FPW], domiciliée [Adresse 339] (Colombie), 1036°/ à Mme [PI] [XZO], domiciliée [Adresse 1027]), 1037°/ à Mme [FTE] [MYK], domiciliée [Adresse 892] (Colombie), 1038°/ à Mme [M] [CVA], domiciliée [Adresse 706] (Colombie), 1039°/ à Mme [TUV] [HXM], domiciliée [Adresse 398] (Colombie), 1040°/ à Mme [EZC] [HCM], domiciliée [Adresse 730] (Colombie), 1041°/ à Mme [HH] [VWT], domiciliée [Adresse 574]. [Adresse 22]), 1042°/ à Mme [CC] [OKB], domiciliée [Adresse 26] (Royaume-Uni), 1043°/ à Mme [OJ] [FUR], domiciliée [Adresse 559] (Colombie), 1044°/ à Mme [RYF] [RMX], domiciliée [Adresse 416] (Colombie), 1045°/ à Mme [RJF] [JJO], domiciliée [Adresse 744]), 1046°/ à Mme [VBC] [EZF], domiciliée [Adresse 361] (Colombie), 1047°/ à Mme [MFA] [CXL], domiciliée [Adresse 912] (Colombie), 1048°/ à Mme [RLL] [SYL], domiciliée [Adresse 467] (Colombie), 1049°/ à Mme [OHH] [SII], domiciliée [Adresse 310] (Colombie), 1050°/ à Mme [OG] [BUB], domiciliée [Adresse 739] (Colombie), 1051°/ à Mme [FM] [CWJ], domiciliée [Adresse 643] (Colombie), 1052°/ à Mme [CBC] [TDU], domiciliée [Adresse 464] (Colombie), 1053°/ à Mme [MB] [RLV], domiciliée [Adresse 680]), 1054°/ à Mme [IJN] [TUZ], domiciliée [Adresse 1082] (Colombie), 1055°/ à Mme [O] [ULE], domiciliée [Adresse 916] (Colombie), 1056°/ à Mme [XU] [FVT], domiciliée [Adresse 844] (Colombie), 1057°/ à Mme [GSJ] [VGP], domiciliée [Adresse 1018] (Colombie), 1058°/ à Mme [IUO] [NSU], domiciliée [Adresse 410] (Colombie), 1059°/ à Mme [XCH] [NSU], domiciliée [Adresse 704] (Colombie), 1060°/ à Mme [SJG] [CZX], domiciliée [Adresse 670] (Colombie), 1061°/ à Mme [TOV] [XWK], domiciliée [Adresse 758] (Colombie), 1062°/ à Mme [ACV] [ABD], domiciliée [Adresse 680]), 1063°/ à Mme [MHO] [BXO], domiciliée [Adresse 491]), 1064°/ à Mme [IIL] [HHJ], domiciliée [Adresse 908] (Colombie), 1065°/ à Mme [IUO] [HBK], domiciliée Cra. [Adresse 1030] (Colombie), 1066°/ à Mme [RLZ] [BRP], domiciliée [Adresse 171] (Colombie), 1067°/ à Mme [BRX] [OET], domiciliée [Adresse 996] (Colombie), 1068°/ à Mme [JTI] [XJL], domiciliée [Adresse 912] (Colombie), 1069°/ à Mme [TTI] [AMK], domiciliée [Adresse 417] (Colombie), 1070°/ à Mme [TVI] [AFY], domiciliée [Adresse 680]), 1071°/ à Mme [DAA] [WXM], domiciliée [Adresse 928] (Colombie), 1072°/ à Mme [DW] [MTC], domiciliée [Adresse 930] (Colombie), 1073°/ à Mme [TDP] [YEX], domiciliée [Adresse 778] (Colombie), 1074°/ à Mme [HKB] [BHH], domiciliée [Adresse 397] (Colombie), 1075°/ à Mme [RBM] [LKS], domiciliée [Adresse 558] (Colombie), 1076°/ à Mme [SVW] [JOL], domiciliée [Adresse 546] (Colombie), 1077°/ à Mme [DZM] [KFR], domiciliée [Adresse 536] (Colombie), 1078°/ à Mme [DZM] [DCI], domiciliée [Adresse 756] (Colombie), 1079°/ à Mme [PUD] [LGL], domiciliée [Adresse 390]), 1080°/ à Mme [TNX] [ZAI], domiciliée [Adresse 572]), 1081°/ à Mme [XM] [ZWX], domiciliée [Adresse 991]), 1082°/ à Mme [LSW] [LBC], domiciliée [Adresse 903] (Colombie), 1083°/ à Mme [VY] [YOM], domiciliée [Adresse 190] (Colombie), 1084°/ à Mme [PZ] [KLA], domiciliée [Adresse 968] (Colombie), 1085°/ à Mme [FF] [ZVU], domiciliée [Adresse 340] (Colombie), 1086°/ à Mme [CBC] [JUV], domiciliée [Adresse 487] (Colombie), 1087°/ à Mme [WB] [XUB], domiciliée [Adresse 1062] (Argentine), 1088°/ à Mme [TDK] [MMT], domiciliée [Adresse 408] (Colombie), 1089°/ à Mme [LNP] [GRV], domiciliée [Adresse 248] (Colombie), 1090°/ à Mme [MSN] [WYP], domiciliée [Adresse 861] (Colombie), 1091°/ à Mme Mariana [DVZ], domiciliée [Adresse 413] (Colombie), 1092°/ à Mme [XXT] [VRF], domiciliée [Adresse 352]. [Adresse 101] (Colombie), 1093°/ à Mme [XU] [HMG], domiciliée [Adresse 463] (Colombie), 1094°/ à Mme [PCE] [GWN], domiciliée [Adresse 705] (Colombie), 1095°/ à Mme [PI] [PLA], domiciliée [Adresse 812] (Colombie), 1096°/ à Mme [IAX] [RCF], domiciliée [Adresse 902] (Colombie), 1097°/ à Mme Margie [RCF], domiciliée [Adresse 850] (Colombie), 1098°/ à Mme [GO] [TNJ], domiciliée [Adresse 284] (Colombie), 1099°/ à Mme [DDV] [RTK], domiciliée [Adresse 1058]), 1100°/ à Mme [XXT] [IYX], domiciliée [Adresse 1084] (Colombie), 1101°/ à Mme [EW] [FJX], domiciliée [Adresse 334] (Colombie), 1102°/ à Mme [GMU] [ETS], domiciliée [Adresse 337] (Colombie), 1103°/ à Mme [FTL] [UAI], domiciliée [Adresse 478] (Colombie), 1104°/ à Mme [EW] [RGL], domiciliée [Adresse 1006] (Colombie), 1105°/ à Mme [PI] [TJD], domiciliée [Adresse 720] (Colombie), 1106°/ à Mme [VCF] [RXR], domiciliée [Adresse 455] (Colombie), 1107°/ à Mme [DLC] [SSY], domiciliée [Adresse 299] (Colombie), 1108°/ à Mme [ULJ] [CET], domiciliée [Adresse 389] (Colombie), 1109°/ à Mme [UD] [AMS], domiciliée [Adresse 565]. 302, Bogota, Cundinamarca (Colombie), 1110°/ à Mme [YPA] [SNW], domiciliée [Adresse 7] (États-Unis), 1111°/ à Mme [KTY] [DYK], domiciliée [Adresse 85]), 1112°/ à Mme [DTK] [ATC], domiciliée [Adresse 360]. [Adresse 101] (Colombie), 1113°/ à Mme [O] [URS], domiciliée [Adresse 419]. [Adresse 104] (Colombie), 1114°/ à Mme [KR] [ETW], domiciliée [Adresse 870] (Colombie), 1115°/ à Mme [MBI] [NZF], domiciliée [Adresse 802] (Colombie), 1116°/ à Mme [OOM] [III], domiciliée [Adresse 839] (Colombie), 1117°/ à Mme [VBC] [GAL], domiciliée [Adresse 433]), 1118°/ à Mme [UJN] [NUZ], domiciliée [Adresse 663] (Colombie), 1119°/ à Mme [NXJ] [XDA], domiciliée [Adresse 367] (Colombie), 1120°/ à Mme [O] [LWJ], domiciliée [Adresse 48] (États-Unis), 1121°/ à Mme [UPB] [MII], domiciliée [Adresse 553] (Colombie), 1122°/ à Mme [FAW] [KLE], domiciliée [Adresse 652] (Colombie), 1123°/ à Mme [AS] [XYL], domiciliée [Adresse 838] (Colombie), 1124°/ à Mme [TTI] [DHW], domiciliée [Adresse 707] (Colombie), 1125°/ à Mme [WU] [BOI], domiciliée [Adresse 425] (Colombie), 1126°/ à Mme [VRA] [JZF], domiciliée [Adresse 393] (Colombie), 1127°/ à Mme [MB] [ZRJ], domiciliée [Adresse 498] (Colombie), 1128°/ à Mme [XUU] [DCE], domiciliée [Adresse 680]), 1129°/ à Mme [CE] [YTX], domiciliée [Adresse 476] (Colombie), 1130°/ à Mme [CD] [TI] [LXV], domiciliée [Adresse 901] (Colombie), 1131°/ à Mme [DU] [EDH], domiciliée [Adresse 818] (Colombie), 1132°/ à Mme [MB] [EDH], domiciliée [Adresse 881] (Colombie), 1133°/ à Mme [PI] [XBO], domiciliée [Adresse 659] (Colombie), 1134°/ à Mme [BEB] [JOH], domiciliée [Adresse 752] (Colombie), 1135°/ à Mme [JTI] [YVY], domiciliée [Adresse 533] (Colombie), 1136°/ à Mme [PJJ] [LKW], domiciliée [Adresse 457] (Colombie), 1137°/ à Mme [ASS] [MTG], domiciliée [Adresse 290] (Colombie), 1138°/ à Mme [VD] [ICR], domiciliée [Adresse 444]. [UH] [MIM], Medellin, Antioquia (Colombie), 1139°/ à Mme [DRR] [HLL], domiciliée [Adresse 392] (Colombie), 1140°/ à Mme [YW] [ELJ], domiciliée [Adresse 399]), 1141°/ à Mme [ZPB] [L] [WTC], domiciliée [Adresse 531]), 1142°/ à Mme [TJ] [DKH], domiciliée [Adresse 680]), 1143°/ à Mme [ZKL] [HBO], domiciliée [Adresse 680]), 1144°/ à Mme [IOS] [GRA], domiciliée [Adresse 780] (Colombie), 1145°/ à Mme [DDN] [AOL], domiciliée [Adresse 883]), 1146°/ à Mme [DU] [VXR], domiciliée [Adresse 651] (Colombie), 1147°/ à Mme [PRA] [UPG], domiciliée [Adresse 696] (Colombie), 1148°/ à Mme [DN] [PRN], domiciliée [Adresse 680]), 1149°/ à Mme [LW] [INF], domiciliée [Adresse 761] (Colombie), 1150°/ à Mme [YWR] [FVO], domiciliée [Adresse 333]), 1151°/ à Mme [JGT] [JEK], domiciliée [Adresse 72]), 1152°/ à Mme [HOY] [FEJ], domiciliée [Adresse 312] (Colombie), 1153°/ à Mme [UIV], domiciliée [Adresse 347]. [Adresse 103] (Colombie), 1154°/ à Mme [KN] [ARI], domiciliée [Adresse 377]), 1155°/ à Mme [XU] [TPO], domiciliée [Adresse 568] (Colombie), 1156°/ à Mme [ZJT] [SYP], domiciliée [Adresse 304] (Colombie), 1157°/ à Mme [NAG] [RRZ], domiciliée [Adresse 451]), 1158°/ à Mme [CD] [GJR], domiciliée [Adresse 330] (Colombie), 1159°/ à Mme [TTI] [DPH], domiciliée [Adresse 898] (Colombie), 1160°/ à Mme [EEM] [DPE], domiciliée [Adresse 1218]), 1161°/ à Mme [YW] [LPW], domiciliée Cra. [Adresse 2] (Colombie), 1162°/ à Mme [LSW] [YPY], domiciliée [Adresse 913]. [Adresse 112] (Colombie), 1163°/ à Mme [LXL] [YYX], domiciliée [Adresse 357] (Colombie), 1164°/ à Mme [O] [YPK], domiciliée [Adresse 958] (Colombie), 1165°/ à Mme [EUU] [XIA], domiciliée [Adresse 9] (Royaume-Uni), 1166°/ à Mme [VL] [JEN], domiciliée [Adresse 679] (Colombie), 1167°/ à Mme [RJF] [FEG], domiciliée [Adresse 318] (Colombie), 1168°/ à Mme [OF] [WMO], domiciliée [Adresse 358]. [Adresse 112] (Colombie), 1169°/ à Mme [STH] [NUF], domiciliée [Adresse 767] (Colombie), 1170°/ à Mme [ET] [VFE], domiciliée [Adresse 560]), 1171°/ à Mme [DUX] [PBP], domiciliée [Adresse 517]), 1172°/ à Mme [CKS] [WEC], domiciliée [Adresse 959] (Colombie), 1173°/ à Mme [ZSC] [RBH], domiciliée [Adresse 680]), 1174°/ à Mme [TU] [STW], domiciliée Cra. 1k # 59B26 Apto. [Adresse 102] (Colombie), 1175°/ à Mme [YE] [SMY], domiciliée [Adresse 567]), 1176°/ à Mme [TFG] [RYK], domiciliée [Adresse 824] (Colombie), 1177°/ à Mme [DZM] [TIJ], domiciliée [Adresse 729] (Colombie), 1178°/ à Mme [XHV] [EAZ], domiciliée [Adresse 311]), 1179°/ à Mme [NM] [CCE], domiciliée [Adresse 244] (Colombie), 1180°/ à Mme [JYM] [HLZ], domiciliée [Adresse 710] (Colombie), 1181°/ à Mme [ZTK] [GWV], domiciliée [Adresse 570] (Colombie), 1182°/ à Mme [GO] [BMA], domiciliée [Adresse 821] (Colombie), 1183°/ à Mme [FYI] [WGR], domiciliée [Adresse 999]), 1184°/ à Mme [BX] [ERD], domiciliée [Adresse 768] (Colombie), 1185°/ à Mme [SI] [IHK], domiciliée [Adresse 575]), 1186°/ à Mme [LSW] [IYP], domiciliée [Adresse 680]), 1187°/ à Mme [DZM] [ETZ], domiciliée [Adresse 809] (Colombie), 1188°/ à Mme [DU] [MNM], domiciliée [Adresse 468] (Colombie), 1189°/ à Mme [LOE] [LXH], domiciliée [Adresse 736] (Colombie), 1190°/ à Mme [GGS] [YJM], domiciliée [Adresse 765] (Colombie), 1191°/ à Mme [LRU] [LGC], domiciliée [Adresse 843] (Colombie), 1192°/ à Mme [AAL] [ZRX], domiciliée [Adresse 548] (Colombie), 1193°/ à Mme [WN] [JUB], domiciliée [Adresse 1009] (Colombie), 1194°/ à Mme [LFS] [ZFI], domiciliée [Adresse 501] (Colombie), 1195°/ à Mme [CBC] [LBL], domiciliée [Adresse 482] (Colombie), 1196°/ à Mme [GO] [AFR], domiciliée C/ [Adresse 1051] (Espagne), 1197°/ à Mme [YA] [LBW], domiciliée [Adresse 453]), 1198°/ à Mme [UG] [ZEY], domiciliée [Adresse 494] (Colombie), 1199°/ à Mme [TTI] [JUL], domiciliée [Adresse 456] (Colombie), 1200°/ à Mme [JRH] [YSZ], domiciliée [Adresse 871] (Colombie), 1201°/ à Mme [O] [YJX], domiciliée [Adresse 952]), 1202°/ à Mme [GBV] [CLX], domiciliée [Adresse 925] (Colombie), 1203°/ à Mme [ZSC] [MNC], domiciliée [Adresse 551] (Colombie), 1204°/ à Mme [GN] [XCM], domiciliée [Adresse 152] (Colombie), 1205°/ à Mme [RJF] [JPF], domiciliée [Adresse 382] (Colombie), 1206°/ à Mme [UWM] [IZA], domiciliée [Adresse 920] (Colombie), 1207°/ à Mme [MNH] [YWW], domiciliée [Adresse 286] (Colombie), 1208°/ à Mme [BLP] [MSI], domiciliée [Adresse 538]), 1209°/ à Mme [IDT] [NZT], domiciliée [Adresse 521]. [Adresse 141] (Colombie), 1210°/ à Mme [KRE] [GFF], domiciliée [Adresse 708] (Colombie), 1211°/ à Mme [BV] [IDO], domiciliée [Adresse 854] (Colombie), 1212°/ à Mme [UXK] [GWK], domiciliée [Adresse 280] (Colombie), 1213°/ à Mme [ZVZ] [HMJ], domiciliée [Adresse 129] (États-Unis), 1214°/ à Mme [ZMM] [YBK], domiciliée [Adresse 665] (Colombie), 1215°/ à Mme [WNH] [DWC], domiciliée [Adresse 721]), 1216°/ à Mme [HL] [OVE], domiciliée [Adresse 537] (Colombie), 1217°/ à Mme [FWY] [URE], domiciliée [Adresse 483] (Colombie), 1218°/ à Mme [RYF] [AIM], domiciliée [Adresse 321] (Colombie), 1219°/ à Mme [RYF] [RGV], domiciliée [Adresse 680]), 1220°/ à Mme [VM]-de-[MKN], domiciliée [Adresse 701]), 1221°/ à Mme [TI] [RLB], domiciliée [Adresse 934] (Colombie), 1222°/ à Mme [JGT] [ASH], domiciliée [Adresse 671]), 1223°/ à Mme [PJJ]-[LGP] [UWH], domiciliée [Adresse 681] (Colombie), 1224°/ à Mme [PJO] [WDS], domiciliée [Adresse 14]), 1225°/ à Mme [AEW] [PGG], domiciliée [Adresse 88] (Royaume-Uni), 1226°/ à Mme [LSW] [VTB], domiciliée [Adresse 737] (Colombie), 1227°/ à Mme [PGU]-[GK], domiciliée [Adresse 965] (Colombie), 1228°/ à Mme [VBC] [PWD], domiciliée [Adresse 431]. [Adresse 123] (Colombie), 1229°/ à Mme [TDP] [TUK], domiciliée [Adresse 515]), 1230°/ à Mme [BU] [KG], domiciliée [Adresse 74], 1231°/ à Mme [VIR] [ZT], domiciliée [Adresse 61], 1232°/ à M. [UFW] [PK], domicilié [Adresse 139], 1233°/ à Mme [PTY] [HY], domiciliée [Adresse 35], 1234°/ à Mme [DEP] [JDP], épouse [HY], domiciliée [Adresse 953], 1235°/ à Mme [BOB] [RC], épouse [DMI], domiciliée [Adresse 38], 1236°/ à Mme [GS] [DZ], épouse [JAR], domiciliée [Adresse 11], 1237°/ à Mme [RE] Martin, épouse [XYR], domiciliée [Adresse 36], 1238°/ à Mme [UNK] [LCO], domiciliée [Adresse 17], 1239°/ à M. [HGO] [CPA], domicilié [Adresse 47], 1240°/ à Mme [KOI] [PMM], domiciliée [Adresse 980], 1241°/ à Mme [RKX] [RDS], domiciliée [Adresse 110], 1242°/ à Mme [GZ] [RIH], domiciliée [Adresse 49], 1243°/ à Mme [KDC] [LTU], épouse [NOP], domiciliée [Adresse 4], 1244°/ à Mme [SIX] [GLH], domiciliée [Adresse 23], 1245°/ à Mme [MM] [APN], domiciliée [Adresse 977], 1246°/ à Mme [IF] [OAD], domiciliée [Adresse 100], 1247°/ à Mme [ACF] [MJZ], épouse [ETO], domiciliée [Adresse 40], 1248°/ à Mme [HAF] [KVU], épouse [NMU], domiciliée [Adresse 109], 1249°/ à Mme [CS] [SF], domiciliée [Adresse 957]), 1250°/ à Mme [MH] [EYA] [ENA], domiciliée [Adresse 1092]), 1251°/ à Mme [JJK] [LBH], domiciliée [Adresse 1052]), 1252°/ à Mme [DCB] [OPB], domiciliée [Adresse 295] (Pays-Bas), défenderesses à la cassation. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Mme [N] et mille-cent-cinquante-cinq autres parties, Mme [MXM] [SWK] et dix autres parties, représentées par la SCP Spinosi, avocat, ont formé, respectivement, un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt et invoquent, respectivement, à l'appui de leur recours, un moyen unique commun de cassation. La société EMI Importação e Distribuição Ltda et trente-cinq autres parties, représentées par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt et invoquent, à l'appui de leur recours, cinq moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. [VSD] le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer et les plaidoiries de Me Périer, avocat des sociétés TÜV Rheinland France et TÜV Rheinland LGA Products GmbH, de la SAS Buk Lament-Robillot et les plaidoires de Me Robillot, avocat de la société EMI Importação e Distribuição Ltda et de cinquante-neuf autres parties, de la SCP Spinosi et les plaidoiries de Me Spinosi, avocat de Mme [N] et mille-cent-cinquante-cinq autres parties, Mme [MXM] [SWK] et dix autres parties, et Mme [ZT] et quinze autres parties, et l'avis écrit et oral de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2021) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvois n° 16-19.430, n° 17-14.401, n° 15-26.093, n° 15-28.891, n° 15-28.531, n° 15-26.115 et n° 15-26.388), la société Poly implant prothèse (la société PIP), qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (la société TRLP), de procéder à l'évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final, ainsi qu'à l'examen du dossier de conception de ces dispositifs médicaux, en sa qualité d'organisme notifié par les Etats membres à la Commission européenne et aux autres Etats membres, au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux. 2. Une première inspection de certification a été réalisée auprès de la société PIP, suivie d'audits visant à renouveler la première certification. Ainsi, le 22 octobre 1997, la société TRLP a rendu une décision d'approbation du système de qualité de la société PIP, qu'elle a renouvelée les 17 octobre 2002, 15 mars 2004 et 13 décembre 2007. Le 25 février 2004, à la suite de la nouvelle classification des implants mammaires en classe III de la directive 93/42, la société PIP a soumis la conception du dispositif médical dénommé « implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité (IMGHC) » à la société TRLP, qui a délivré, le 15 mars 2004, un certificat d'examen CE valable jusqu'au 14 mars 2009 et, le 27 mai 2009, saisie d'une nouvelle demande de la société PIP, un second certificat. 3. Ces audits ont été réalisés par ou avec les auditeurs de la société TÜV Rheinland France (la société TRF), également membre du groupe TÜV en application d'un contrat cadre conclu le 30 avril 1999 avec la société TRLP. 4. A la suite d'une inspection, les 16 et 17 mars 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d'un gel de silicone différent du gel de marque [MAZ] qui figurait dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la directive. En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français et différentes autorités sanitaires étrangères ont recommandé aux femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à leur explantation. 5. Le 30 mars 2010, la société PIP a été placée en liquidation judiciaire et, par arrêt du 2 mai 2016, ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d'escroquerie et condamnés, l'enquête pénale ayant établi que la société PIP avait utilisé ce gel à compter du mois d'octobre 2002. 6. La société Allianz, assureur de la société PIP, a assigné celle-ci en annulation des contrats d'assurance par elle souscrits. Les sociétés GF Electromedics Srl, EMI Importaçao E Distribuiçao Ltda et J & D Medicals, distributeurs d'implants mammaires, sont intervenues volontairement à l'instance pour soutenir que l'assureur devait sa garantie et ont assigné en intervention forcée les sociétés TRLP et TRF en responsabilité et indemnisation. 7. D'autres distributeurs et de nombreuses personnes physiques, porteuses d'implants de la société PIP, de nationalité française ou étrangère, sont intervenus volontairement à l'instance aux mêmes fins. Examen des moyens [VSD] les premier à quatrième moyens du pourvoi incident de la société J & D Medicals et autres 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer par une décision spécialement motivée ni sur le premier moyen, qui est irrecevable, ni sur les deuxième à quatrième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. [VSD] le premier moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF Enoncé du moyen 9. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de retenir que la société TRLP, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, de les déclarer in solidum responsables, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de leurs manquements et abstention fautifs à leurs missions et obligations dans la surveillance du système de qualité de la société PIP, de les condamner in solidum à réparer les dommages résultant du maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de les condamner, en conséquence, à verser différentes indemnités aux personnes physiques déclarées recevables et à certains distributeurs et d'ordonner une expertise à l'égard de certaines personnes physiques, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16/02/2017, Schmitt, C-219/15) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 10 octobre 2018 (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093, publié au Bulletin), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose d'entreprendre des mesures additionnelles, telles qu'une visite inopinée, qu'en présence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive ; que l'organisme notifié détermine librement les mesures pertinentes pour le contrôle de la mise en oeuvre par le fabricant du système de qualité approuvé, et ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir effectué de visite inopinée dans les locaux dudit fabricant qu'à la condition non seulement qu'aient été portés à sa connaissance des indices suggérant que les dispositifs médicaux concernés étaient susceptibles d'être non conformes aux exigences posées par la directive, mais aussi que ces indices aient, du fait de leur nature et de leur objet, spécifiquement imposé le recours à de telles visites, à l'exclusion de toute autre mesure additionnelle ; qu'en l'espèce, après avoir recensé divers événements concernant les dispositifs médicaux survenus entre 1997 et 2006 et relevé que les audits de surveillance du système de qualité de PIP effectués au cours de cette période avaient conclu à l'existence de points d'amélioration ou d'écarts par rapport au référentiel applicable, la cour d'appel a conclu, sans autre forme de motivation, qu'au 1er septembre 2006, les indices connus de TRLP auraient dû la conduire à effectuer une visite inopinée dans les locaux de la société PIP ; qu'en se prononçant de la sorte, sans identifier les indices qui, à cette date précisément, auraient imposé à l'organisme notifié TRLP, au regard des règles précitées, de procéder à une telle visite inopinée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ en toute hypothèse que le constat de l'existence d'écarts du système de qualité approuvé par rapport au référentiel applicable ne justifie le recours à une visite inopinée dans les locaux du fabricant que lorsqu'ils portent sur des circonstances suggérant des non-conformités du produit concerné aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 et imposent, au regard de leur nature et de leur consistance, une telle visite ; qu'en se fondant sur le fait que les audits réalisés par les auditeurs de TRLP entre 1997 et 2006 avaient révélé l'existence d'écarts du système de qualité approuvé sur des éléments tels que la production de l'eau déminéralisée alimentant la machine à laver des prothèses, la gestion des réclamations clients, ou le non-respect de certains aspects du processus de stérilisation, points qui, compte tenu de leur objet, ne caractérisaient pas des indices de non-conformité imposant le recours à une visite inopinée à l'exclusion de toute autre mesure, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 3°/ en outre, que, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir qu'il résultait de la lecture des rapports d'audit que chaque écart, non critique, du système de qualité par rapport au référentiel applicable, avait fait l'objet de mesures correctives et/ou préventives appropriées qui avaient été mises en oeuvre par le fabricant dans des conditions garantissant le respect des exigences prévues par la directive 93/42/CEE et la bonne application du système de qualité approuvé, ce dont il résultait que le recours à une visite inopinée ne s'imposait pas à l'époque des faits ; qu'en affirmant, pour retenir que l'absence de visite inopinée engageait la responsabilité de TRLP, que les "satisfécits" figurant dans les rapports d'audit étaient "totalement inopérants", que les auditeurs auraient procédé à "une appréciation erronée de l'incidence, en termes d'indices de non conformité des écarts constatés sur la capacité de la société PIP à se conformer à son système qualité et aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE", ou encore que "les sociétés TÜV ne sauraient utilement se retrancher derrière la méthode de sondage utilisée pendant les audits, le suivi des actions correctives et la levée des déviations constatées pour nier l'accumulation de difficultés importantes et récurrentes au sein de la société PIP dont elles connaissaient la place majeure en tant que fournisseur mondial d'implants mammaires", sans rechercher si les mesures correctives et/ou préventives adoptées par le fabricant PIP n'avaient pas répondu, dans des délais appropriés, à l'ensemble des écarts relevés par l'organisme notifié, écartant ainsi l'obligation de mettre en oeuvre une quelconque mesure additionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ en outre, que les visites inopinées auxquelles procèdent les organismes notifiés ne consistent pas dans des mesures d'investigation générale ni dans des mesures de perquisition mais ont pour seul objet de procéder aux vérifications additionnelles rendues nécessaires par les indices qui les ont provoquées ; que pour dire que la visite inopinée qu'aurait dû pratiquer l'organisme notifié TRLP en l'état des écarts que la cour d'appel a pu relever aurait abouti à la révélation de la fraude, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun indice relatif à une impropriété du gel de remplissage autorisé, a relevé que "la fabrication d'implants mammaires était particulièrement importante et la découverte par l'organisme notifié des fûts et des commandes de gel industriel ne fait nul doute en l'absence de temps pour les employés pour s'organiser de quelque façon que ce soit" ; qu'en retenant ainsi qu'une visite inopinée pratiquée par TRLP sur la base des indices qu'elle relevait aurait nécessairement révélé la fraude, la cour d'appel, qui a statué par voie de pure affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5°/ que, en se fondant encore, pour reprocher à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir procédé, en septembre 2006, à une visite inopinée dans les locaux de la société PIP, sur le fait qu'en 2000, la FDA avait adressé à PIP une lettre d'avertissement concernant des prothèses salines dont TRLP indiquait, sans être démentie par l'arrêt, n'avoir pas eu connaissance, que cette même année, la MDA avait adressé un courrier à PIP sur le devenir métabolique des implants en hydrogel, et sur le fait qu'en 2003, le TGA Australien avait relevé des "non conformités" consistant dans l'existence de trous dans le sol ou à l'ouverture simultanée de portes, circonstances également insusceptibles de constituer, par leur nature, leur date ou leur objet, des indices de non-conformité qui auraient imposé à l'organisme notifié TRLP de procéder en 2006 à une visite inopinée, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 6°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16/02/2017, Schmitt, C-219/15) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 10 octobre 2018 (Civ.1re, 10 oct. 2018, pourvoi n° 15-26.093, publié au Bulletin), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose d'entreprendre des mesures additionnelles qu'en présence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive ; que pour la vérification de l'application des processus d'achat faisant partie du système de qualité approuvé, l'organisme notifié est uniquement tenu de procéder, lors des audits périodiques, à des vérifications réalisées par sondage, c'est-à-dire par la revue de certains documents, le questionnement de certains salariés, ou le suivi de certain(s) lot(s) d'implants sélectionné(s) selon le principe du sondage, que les matières premières sont commandées, réceptionnées, contrôlées et stockées conformément au système de qualité approuvé ; qu'en retenant, pour faire grief à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir relevé l'insuffisance des achats de la matière première [MAZ] MED3-6300 par PIP pour alimenter sa production totale de prothèses IMGHC en 2004, qu'une "simple vérification des commandes" aurait révélé cette insuffisance, quand le contrôle de la suffisance des achats de matières premières effectués par PIP concernant une matière première déterminée, à savoir celle ayant précisément fait l'objet d'une fraude, ne s'imposait pas par principe à l'organisme notifié et ne se serait imposé à lui qu'en présence d'indices suggérant spécifiquement une non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE en lien avec le gel de remplissage que la cour d'appel n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 7°/ en outre que le constat de l'insuffisance d'achats par un fabricant de l'une des matières premières composant un dispositif médical suppose l'exercice d'un contrôle de cohérence qui, par sa nature et son ampleur, excède les missions ordinaires d'un organisme notifié ; que les sociétés TRLP et TRF faisaient valoir que la révélation de l'insuffisance des achats de la matière première [MAZ] MED3-6300 ne pouvait résulter du simple constat de la faiblesse ou de l'absence de commandes à un instant T de ladite matière première, mais aurait imposé, à chaque audit, de recenser les commandes correspondant spécifiquement à une matière première particulière (le gel NuSil MED3-6300) parmi les différentes matières premières commandées par PIP pour l'ensemble de sa production d'implants, y compris celles relatives aux commandes des sept autres gels de silicone produits par [MAZ] et achetés par PIP, d'isoler les quantités d'implants IMGHC produits (parmi tous les produits fabriqués par PIP) pour en déduire la quantité de matière première correspondante nécessaire, et de procéder à un rapprochement entre ces données, en tenant compte notamment, pour une période donnée, des stocks précédemment constitués ou d'éventuelles annulations de commandes, ce qui ne se serait imposé, en tant que mesure additionnelle, qu'en présence d'indices de non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE portant spécifiquement sur une impropriété du gel de remplissage utilisé ; qu'en reprochant dès lors à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir constaté qu'en 2004, la société PIP s'était suffisamment approvisionnée en gel [MAZ] MED3600 pour alimenter sa production totale de prothèses IMGHC, quand ce constat ne pouvait résulter d'"une simple vérification des commandes", mais supposait la mise en oeuvre d'une mesure additionnelle qui ne se serait imposée à l'organisme notifié qu'en présence d'indices de non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE portant sur le gel de remplissage, que la cour d'appel n'a pas caractérisés, la cour d'appel a violé derechef les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 8°/ que l'audit du système de qualité et la vérification, par l'organisme notifié, de l'application par le fabricant du système de qualité approuvé constitue une mission différente de l'analyse documentaire du dossier de conception ; que la vérification de l'application par le fabricant du système de qualité approuvé s'effectue par référence aux exigences posées par la directive 93/42/CEE, aux normes le cas échéant mises en oeuvre et au système de qualité préalablement certifié par l'organisme notifié, sans que les auditeurs ne soient tenus de prendre connaissance ou, plus encore, de détenir le dossier de conception du produit au cours de l'audit du système de qualité ; qu'en jugeant par hypothèse qu'une faute avait été commise par TRLP et/ou TRF au motif que les auditeurs n'avaient pas "détenu" le dossier de conception, que cette méconnaissance du dossier de conception serait de nature à expliquer "leur ignorance des préconisations de l'utilisation du gel [MAZ]" (présomption, durée de la garantie, et proportion de chacun des composants), et que les appelants objectaient vainement l'absence de nécessité pour les auditeurs de connaître le dossier de conception dans le cadre de l'évaluation du système de qualité, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 9°/ de même que la directive 93/42/CEE n'impose pas à l'organisme notifié de procéder à des audits selon une périodicité déterminée, et en particulier, de procéder à des audits annuels ; qu'en l'espèce, l'organisme notifié TRLP faisait précisément valoir qu'aucune obligation de cette sorte ne s'imposait à lui aux termes de la directive, et que l'absence de réalisation des audits selon un rythme annuel n'était d'ailleurs pas révélatrice d'une absence de vigilance de l'organisme notifié, treize audits ayant en l'espèce été réalisés selon une périodicité moyenne de 11,5 mois ; qu'en reprochant à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir procédé à un audit en 2005 et en relevant qu'aucune surveillance n'avait par conséquent été effectuée cette même année la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser l'existence d'une faute commise par l'organisme notifié TRLP, et a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ; 10°/ qu'en imputant l'absence de recours à une visite inopinée dans les locaux de PIP dès le mois de septembre 2006 à une "trop grande implication laissée à la société TRF", qui aurait méconnu son obligation objective d'indépendance dans ses rapports avec PIP, quand les éléments qu'elle relevait pour caractériser le manquement allégué de TRF à son obligation objective d'indépendance ne concernaient pas la période incriminée mais essentiellement une période postérieure à 2006, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 11°/ en outre qu'en se bornant, pour caractériser un prétendu manquement de TRF à son obligation d'indépendance, à relever d'une part que deux auditeurs avaient à la fois participé aux audits et géré les relations financières relatives à la certification, d'autre part que TRF avait diffusé une publication proposant des formations effectuées par elle-même ou par l'organisme notifié TRLP sur la préparation des entreprises à une inspection de la FDA, de troisième part qu'un auditeur salarié de TRF avait participé à une formation dispensée par un expert au sein de l'entreprise PIP et que cette dernière avait de ce fait obtenu une réduction de 31 %, de quatrième part que des audits de surveillance avaient été reportés en 2009 et 2010, de cinquième part que le 26 mars 2010, M. [CA] aurait, dans un premier temps, qualifié la fraude d'écart au dossier de conception auprès de TRLP avant de se raviser, de sixième part qu'un audit avait été reporté sans explication et enfin que les relations entre TRF et PIP avaient débuté en 1997 et étaient pérennes, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un quelconque manquement des auditeurs concernés ou des sociétés TRLP et TRF à leur obligation d'indépendance et a violé les articles 2 et 3 de l'annexe XI de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article R. 5211-56 du code de la santé publique ; 12°/ que l'organisme notifié, qui détermine librement les mesures pertinentes pour le contrôle de la mise en oeuvre par le fabricant du système de qualité approuvé, ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir effectué une visite inopinée dans les locaux dudit fabricant qu'à la condition, non seulement qu'aient été portés à sa connaissance des indices suggérant que les dispositifs médicaux concernés étaient susceptibles d'être non conformes aux exigences posées par la directive, mais aussi que ces indices aient, du fait de leur nature et de leur objet, spécifiquement imposé le recours à une telle visite, à l'exclusion de toute autre mesure additionnelle ; qu'en se bornant, pour énoncer que le défaut de vigilance de TRLP aurait perduré postérieurement au 1er septembre 2006, à relever que des écarts avaient été constatés sur des éléments tenant par exemple au fait qu'il n'était pas garanti que les notices soient disponibles dans toutes les langues de l'Union européenne, que les boîtes de carton n'étaient pas suffisamment identifiées dans les zones de stockage, ou qu'en 2007, l'autorité allemande ZLG avait transmis à TRLP une interrogation sur la "lenteur" du traitement des déclarations de matériovigilance, points dont elle relevait au demeurant à nouveau qu'ils avaient tous donné lieu à des mesures correctives, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'indices qui auraient spécifiquement imposé à l'organisme notifié TRLP de procéder à une visite inopinée dans les locaux de PIP, en violation des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ; 13°/ qu'en relevant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges d'une part qu'en 1995, une société américaine dénommée Dow Corning s'était rendue coupable d'une fraude, d'autre part que l'organisme notifié TRLP savait que les certificats délivrés étaient utilisés par PIP pour sa déclaration de conformité, de troisième part qu'un moratoire avait été ordonné en 2001 à l'égard de tous les fabricants de prothèses en gel de silicone avant que ces dernières ne soient à nouveau autorisées sur le marché français, et enfin qu'en décembre 2000 l'AFSSAPS avait pris une décision individuelle suspendant la mise sur le marché et l'utilisation des prothèses mammaires de marque PIP pour des motifs liés à l'absence de remise de documents avant que cette suspension ne soit levée dans les mois suivants du fait de la remise de cette documentation jugée conforme par l'autorité de santé française, la cour d'appel s'est de nouveau fondée sur des circonstances insusceptibles, par leur nature, leur objet et leur date, de constituer des indices de non-conformité des prothèses IMGHC de PIP imposant le recours à une visite inopinée, en violation des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ; 14°/ qu'en relevant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges, que "des affaires judiciaires ont opposé en Grande Bretagne la SA P.I.P. à de nombreuses porteuses britanniques d'implants victimes" et que ce fait "n'a pu en aucun cas échapper à la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des "Notifiés" de la Commission de Bruxelles", sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que la société TRLP aurait eu connaissance de ces plaintes, ni répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que le tribunal n'avait fait que reprendre une affirmation non étayée de certaines demanderesses selon laquelle des "centaines de plaintes" auraient été déposées au Royaume-Uni, alors qu'il résultait au contraire du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé à la suite de la révélation de la fraude que seule une vingtaine de plaintes isolées avaient au total été déposées au Royaume-Uni, sans que les autorités de santé britanniques ou européennes n'en soient informées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 15°/ qu'en affirmant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges, que "les multiples déclarations de matériovigilance concernant les produits de la SA P.I.P" n'avaient également pu échapper à "la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des "Notifiés" de la Commission de Bruxelles", sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que l'organisme notifié TRLP avait eu connaissance de ces données, alors qu'elle n'en était pas légalement destinataire et que TRLP faisait valoir qu'elles ne les lui avaient pas été retransmises, ni répondre aux conclusions d'appel par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir que tout dispositif médical génère nécessairement un taux incompressible de déclarations, que seul le constat d'une hausse subite des déclarations ou le dépassement du taux moyen est de nature à laisser présumer une non-conformité d'un dispositif médical, et que contrairement aux affirmations du jugement, il résultait du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé que sur la période allant de 2002 à 2007, le taux cumulé de rupture des implants mammaires en gel de silicone de PIP, qui oscillait autour de 0,04 %, était demeuré dans la moyenne des taux cumulés de rupture des implants mammaires en gel de silicone d'autres fabricants, qu'une augmentation de ce taux n'avait été constatée par l'AFSSAPS qu'à la fin de l'année 2009, et que dès lors, à supposer même que l'organisme notifié TRLP ait eu connaissance du taux relatif de déclarations de matériovigilance de PIP, ce qui n'était pas le cas, la connaissance de ce taux n'aurait pas même justifié le recours à des mesures additionnelles, mais aurait au contraire conforté l'organisme notifié dans l'absence d'indices de non-conformité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. Aux termes de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et de l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne l'annexe II de la directive 93/42, modifiée par le règlement n° 1882/2003 du 29 septembre 2003, successivement applicables, le fabricant fournit à l'organisme habilité les informations utiles pour s'assurer du respect des obligations attachées à son système de qualité et il l'autorise à effectuer toutes les inspections nécessaires, et cet organisme procède périodiquement aux inspections et évaluations appropriées et il peut, lors de visites inopinées, réaliser ou faire réaliser des essais pour vérifier le fonctionnement du système de qualité. 11. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les dispositions de l'annexe II de la directive 93/42 telle que modifiée par le règlement n° 1882/2003, doivent être interprétées en ce sens que, si l'organisme notifié n'est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d'examiner les documents commerciaux du fabricant, cet organisme, en présence d'indices suggérant qu'un dispositif médical est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de cette directive telle que modifiée, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s'acquitter de ses obligations au titre de l'article 16, paragraphe 6, de ladite directive et des points 3.2, 3.3, 4.1 à 4.3 et 5.1 de l'annexe II de celle-ci (CJUE, 16 février 2017, [BBF], C-219/15). 12. Il résulte de cette décision que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093). 13. En premier lieu, après avoir retenu que le contrôle des matières premières avait été effectué par les auditeurs au moyen de l'examen des bons de commande, la cour d'appel a constaté que les achats de gel [MAZ] à compter de 2002 par la société PIP ne correspondaient pas aux quantités nécessaires à la fabrication des implants mammaires et qu'aucun achat de ce gel n'avait été effectué au cours de l'année 2004. 14. En second lieu, elle a relevé qu'au cours des nombreux audits effectués exclusivement par les sociétés TRLP et TRF, dont un des 24 au 26 novembre 2004, soit huit mois après l'examen du dossier de conception, des écarts importants et récurrents avec le système de qualité approuvé avaient été constatés, lesquels concernaient, d'une part, la stérilisation lors de la fabrication des produits en raison des insuffisances du procédé employé, d'autre part, la matériovigilance et le traitement des réclamations en raison des insuffisances du système de surveillance des incidents avec des effets indésirables pour le patient et de l'impossibilité à laquelle s'étaient heurtés les auditeurs de procéder à des vérifications sur une base de données créée le 6 février 2006 et enregistrant les réclamations. 15. Elle a retenu que les sociétés TRLP et TRF ne sauraient utilement se retrancher derrière la méthode de sondage utilisée pendant les audits, le suivi des actions correctives et la levée des déviations constatées pour nier l'accumulation de difficultés importantes et récurrentes au sein de la société PIP. 16. Elle a retenu encore qu'à compter du 1er septembre 2006, les indices suggérant des non-conformités dont disposait la société TRLP justifiaient une visite inopinée des locaux de fabrication et de stockage des matières premières de la société PIP et l'examen des documents commerciaux relatifs aux produits afin de s'acquitter de ses obligations au titre de la directive 93/42 transposée, qu'à cette date, la découverte des fûts et des commandes de gel industriel ne faisait nul doute, en l'absence du temps nécessaire pour cacher les fûts ou containers de gel non autorisés et qu'aucune précaution particulière n'avait été prise pour dissimuler les commandes de produits non autorisés, hormis lors des audits, et que la société TRLP avait fait preuve d'inertie fautive en n'estimant pas utile d'approfondir ses diligences par une telle visite inopinée. 17. Elle n'a pu qu'en déduire que la société TRLP avait manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité, à tout le moins à compter du 1er septembre 2006. 18. Inopérant en ses cinquième et dixième à quinzième branches critiquant des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus. [VSD] le deuxième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF Enoncé du moyen 19. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de déclarer la société TRF responsable, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de ses abstention et manquements fautifs à ses missions et obligations dans l'exécution de la surveillance du système qualité de la société PIP, de condamner la société TRF à réparer les dommages consécutifs au maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de la condamner, en conséquence, à verser diverses indemnités, et d'ordonner une expertise, alors : « 1°/ qu'en relevant, pour juger la société TRF responsable, solidairement avec TRLP, des préjudices causés aux demanderesses, que les auditeurs de TRLP salariés de TRF avaient émis un avis favorable au maintien de la certification de PIP et qu'ils auraient fait preuve d'un défaut de vigilance à ce sujet en minorant la portée des écarts constatés lors des audits du système de qualité de PIP (ibid), quand l'analyse de la portée des écarts du système de qualité, la définition des éventuelles mesures additionnelles à réaliser et la reconduite de la certification relevaient de la seule responsabilité de l'organisme notifié TRLP, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'une faute commise par la société TRF, a violé les articles R. 5211-40 et R. 5211-56 du code de la santé publique, les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que la cour d'appel a elle-même relevé que la responsabilité de décider de recourir à des mesures additionnelles telle qu'une visite inopinée relevait de la responsabilité exclusive de l'organisme notifié ; qu'en jugeant néanmoins que la responsabilité de TRF était engagée au motif que les auditeurs de TRLP salariés de TRF avaient émis un avis favorable au maintien de la certification de PIP et qu'ils auraient fait preuve d'un défaut de vigilance à ce sujet en minorant la portée des écarts constatés lors des audits du système de qualité de PIP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles R. 5211-40 et R. 5211-56 du code de la santé publique, les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. » Réponse de la Cour 20. Conformément au point 2, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et à l'article R. 5211-56, du même code, successivement applicables, d'une part, un organisme habilité peut confier à un sous-traitant des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, à condition de s'assurer préalablement que les dispositions du livre V bis du code précité, dans sa rédaction applicable en la cause, et, en particulier, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47, laquelle fixe les critères minimaux pour la désignation des organismes habilités, soient respectées par le sous-traitant, d'autre part, le personnel chargé du contrôle doit exécuter les opérations d'évaluation et de vérification avec la plus grande compétence requise dans le secteur des dispositifs médicaux et son indépendance est garantie. 21. Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. 22. En premier lieu, après avoir relevé que le contrat cadre conclu le 30 avril 1999 entre les sociétés TRLP et TRF, en conformité avec les exigences de la directive 93/42 transposée, confiait à la société TRF la réalisation d'audits du système de gestion de la qualité, des contrôles du produit, des contrôles sur des aspects partiels, ainsi que la réalisation de contrôles d'efficacité et d'essais en rapport avec les produits médicaux, la cour d'appel a constaté que les audits de certification et de surveillance avaient été effectués uniquement par des auditeurs de la société TRF ou avec leur participation et que ceux-ci avaient été signataires des rapports finaux, à l'exception de celui de l'audit des 16 au 18 juillet 2002. 23. Elle a retenu que ceux-ci avaient minoré l'importance des écarts qu'ils avaient relevés sur la capacité de la société PIP à se conformer à son système de qualité et recommandé le maintien de la certification, faisant ainsi preuve d'un manque de vigilance, et que, lors des audits, leurs diligences avaient été insuffisantes quant aux indices suggérant des non-conformités. 24. En second lieu, elle a relevé que la société TRF, en relation commerciale avec la société PIP depuis 1997, avait fait preuve à son égard d'une proximité qui s'était progressivement accrue et notamment traduite par la gestion des relations commerciales de celle-ci avec la société TRLP, en particulier en fixant la rémunération de l'organisme notifié. 25. La cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la société TRF avait manqué aux engagements inhérents à sa mission et engagé ainsi sa responsabilité. 26. Le moyen n'est donc pas fondé. [VSD] le troisième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF Enoncé du moyen 27. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de les déclarer in solidum responsables, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de leurs manquements et abstention fautifs à leurs missions et obligations dans la surveillance du système de qualité de la société PIP, de les condamner à réparer les dommages consécutifs au maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de les condamner, en conséquence, à régler des indemnités aux sociétés J&D Aestheticals, J&D Medicals, Emi Importaçao E D Distribuiçao Ltd, enseigne EMI, ainsi qu'à des personnes physiques, intervenantes volontaires en première instance et domiciliées à l'extérieur de l'Union européenne et d'ordonner une expertise à l'égard de telles personnes physiques, alors : « 1°/ que le marquage CE prévu par la directive 93/42/CEE a pour objet de permettre la libre circulation du dispositif médical marqué sur le marché de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, selon les règles fixées par le législateur européen, dans l'intérêt du marché européen ; que l'apposition du marquage CE ne permet pas la commercialisation d'un dispositif médical sur les marchés en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, l'importation et la circulation d'un dispositif médical sur ces marchés dépendant exclusivement des règles de police sanitaire édictées par chaque Etat et des décisions souveraines prises par les autorités étrangères dans la mise en oeuvre de ces règles sur leur propre marché ; qu'en jugeant qu'il existait un lien de causalité entre la faute imputée à l'organisme notifié TRLP au regard de la directive 93/42/CEE et les dommages allégués par les personnes physiques et sociétés domiciliées à l'extérieur de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, au motif que la règlementation européenne avait pour objet "de garantir un niveau de protection élevé pour la santé", qu'une confiance était attachée de fait au marquage CE, ou encore que la suspension de certificat par l'organisme notifié TRLP aurait de fait mis fin à l'exportation des prothèses IMGHC de PIP en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, cependant que l'apposition du marquage CE, qui avait pour objet de permettre la circulation du dispositif médical au sein de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, était sans lien causal avec la commercialisation des dispositifs en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen et donc avec les préjudices subis par les parties ayant acquis ou ayant été implantées avec ces dispositifs en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article 1er de la directive 93/42/CEE ; 2°/ en outre que, en se prononçant de la sorte, quand les dommages subis par les personnes physiques et les distributeurs sur les marchés se situant en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen trouvaient leur cause directe et adéquate dans la fraude de PIP et dans les décisions souveraines prises par les autorités compétentes de leur pays, pour l'application des règles spécifiques concernant l'importation et la circulation des produits sur leurs propres marchés, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article 1er de la directive 93/42/CEE ; 3°/ enfin qu'en jugeant que des personnes physiques et sociétés domiciliées hors de l'Union européenne ou des pays de l'Espace économique européen étaient fondées à se prévaloir de manquements qui auraient été commis par l'organisme notifié TRLP dans l'application de la législation communautaire relative à l'apposition du marquage CE au sein de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, quand cette législation n'avait pour objet de garantir un niveau de protection élevé pour la santé qu'en faveur des personnes domiciliées sur le marché de l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen et qu'elle n'avait ni territorialement ni matériellement pour objet de protéger les intérêts des personnes physiques ou morales intervenant sur les marchés étrangers qui étaient soumis à leur propre réglementation sanitaire, la cour d'appel a violé l'article 1er de la directive 93/42/CEE. » Réponse de la Cour 28. Selon la CJUE, la directive 93/42 doit être interprétée en ce sens que l'intervention de l'organisme notifié dans le cadre de la procédure relative à la déclaration CE de conformité vise à protéger les destinataires finaux des dispositifs médicaux et les conditions dans lesquelles un manquement fautif de cet organisme aux obligations qui s'imposent à lui en vertu de cette directive, dans le cadre de cette procédure, peut être de nature à engager sa responsabilité à l'égard de ces destinataires, relèvent du droit national, sous réserve des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, arrêt du 16 février 2017, précité). 29. La cour d'appel a retenu, d'une part, que la réglementation européenne relative au marquage CE s'imposait au fabricant dès lors que sa fabrication était en tout ou partie destinée au territoire de l'Union européenne, que ce marquage apposé sur des dispositifs médicaux, en ce qu'il a pour finalité d'assurer que la fabrication des produits a été soumise à des contrôles stricts notamment en termes de sécurité sanitaire, suscite la confiance des utilisateurs, y compris de ceux résidant en dehors de l'Union européenne, que, dans les contrats passés avec les distributeurs liés à la société PIP par un contrat de distribution exclusive, il constituait également une caractéristique du produit vendu, d'autre part, qu'au vu de l'alerte de l'AFSSAPS fondée sur le non-respect des exigences essentielles de la directive 93/42, les autorités sanitaires colombienne, brésilienne et mexicaine avaient diffusé des alertes sanitaires, suspendu la commercialisation sur leur territoire ou recommandé aux distributeurs son arrêt. 30. La cour d'appel a pu en déduire qu'en l'absence de manquements des sociétés TRLP et TRF ayant permis la poursuite de la commercialisation des prothèses IMGHC dans les pays tiers du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, la suspension de leur commercialisation serait intervenue à compter du 1er septembre 2006 et que le préjudice subi au cours de cette période par les personnes physiques et les distributeurs résidant ou implantés en dehors de l'Union européenne, en lien causal avec ces manquements, ouvrait droit à indemnisation. 31. Le moyen n'est donc pas fondé. [VSD] le quatrième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF Enoncé du moyen 32. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt d'ordonner le paiement d'une indemnité de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral, au profit des personnes physiques, intervenantes volontaires en première instance, à l'exclusion de celles dont l'action a été déclarée irrecevables et de celles dont l'intégralité des demandes a été rejetée, en y ajoutant, de condamner les sociétés TRLP et TRF à verser à certaines personnes physiques une somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral, de les condamner à verser à ces personnes une somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété, et de les condamner à verser à certaines personnes physiques la somme de 6 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices moral et d'anxiété, alors : « 1°/ que la seule atteinte portée au droit fondamental à la santé ne présente pas le caractère d'un préjudice indemnisable, indépendamment des préjudices concrets susceptibles d'en résulter ; qu'en allouant à chacune des personnes physiques demanderesses déclarées recevables et non déboutées de leurs demandes, une indemnité de 3 000 euros au motif qu'elles avaient appris dans les suites de la découverte de la fraude PIP qu'elles étaient susceptibles d'être porteuses de prothèses mammaires remplies d'un gel non déclaré et que cette substitution leur aurait causé par elle-même « un préjudice moral dans la mesure où elle constituait une atteinte au respect qui était dû à leur droit fondamental à la santé reconnu en droit communautaire et international », la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 2°/ en outre qu'en allouant aux demanderesses personnes physiques déclarées recevables et non déboutées de leurs demandes une indemnité provisionnelle de 3 000 euros en raison de l'atteinte portée à leur droit fondamental à la santé, quand il résultait de ses propres constatations que certaines demanderesses personnes physiques ne subiront jamais d'atteinte à la santé, puisqu'il était établi que l'utilisation du gel non déclaré ne concernait qu'une partie de la production des prothèses IMGHC de PIP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 3°/ qu'en justifiant en outre le versement de cette indemnité provisionnelle de 3 000 euros par le fait que les porteuses concernées « avaient appris dans les suites de la découverte de la fraude PIP qu'elles étaient porteuses de prothèses mammaires remplies d'un gel non autorisé », la cour d'appel a statué par des motifs qui ne permettent pas de s'assurer qu'elle n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice, dès lors qu'elle indemnisait également pour la quasi-totalité des personnes physiques concernées un préjudice d'anxiété résultant de la crainte exprimée par les porteuses de prothèses IMGHC de PIP, compte tenu de l'aléa que cela représenterait pour leur santé, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ; 4°/ enfin, que, même au stade de la provision, le demandeur qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'anxiété doit justifier de l'existence d'un préjudice qui lui est personnel par la production de pièces médicales et/ou objectives attestant d'une angoisse lui causant des troubles dans ses conditions d'existence (Ass. Plèn. 5 avril 2019, n° 18-17.442) ; qu'en allouant une provision de 3.000 euros à la quasi-totalité des demanderesses personnes physiques jugées recevables, sans rechercher, comme elle y était invitée, si chacune des personnes considérées justifiait d'un préjudice d'anxiété personnel par la production de pièces attestant personnellement d'un syndrome d'angoisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble du principe de réparation intégrale du préjudice. » Réponse de la Cour 33. En premier lieu, la cour d'appel, qui a retenu qu'à la suite des recommandations des autorités sanitaires prônant un contrôle médical systématique et régulier et dans certains pays une explantation des prothèses commercialisées par la société PIP même en l'absence de signe clinique décelable, les patientes porteuses de telles prothèses se trouvaient dans une situation d'incertitude et étaient exposées à des incidents plus précoces et à un risque de complications pouvant nécessiter une explantation, a caractérisé le préjudice d'anxiété subi individuellement par chaque patiente qu'elle a indemnisée sans être tenue de procéder à d'autres constatations. 34. En second lieu, elle a caractérisé l'existence d'un préjudice moral distinct, tenant à la révélation d'une fraude, tardivement découverte, commise par la société PIP dans la fabrication des implants au moyen d'un gel à usage industriel et portant ainsi atteinte au droit au respect de la santé des patientes porteuses des prothèses. 35. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. [VSD] le cinquième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF, en ce qu'il concerne la société J&D Aestheticals Enoncé du moyen 36. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de les condamner à réparer le préjudice immatériel de perte d'image de la société J&D Aestheticals et à lui payer la somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice, alors « qu'en allouant à la société J&D Aestheticals, distributeur de prothèses mammaires IMGHC de PIP, une indemnité correspondant au préjudice d'image qui résulterait de son association avec la fraude commise par l'entreprise PIP, sans expliquer en quoi ce préjudice résultait non de cette seule fraude mais également de la négligence fautive imputée à l'organisme notifié TRLP et à la société TRF, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ». Réponse de la Cour 37. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que la société J&D Aestheticals avait subi, en vendant à compter de 2008 les prothèses mammaires de la société PIP, une détérioration de son image qui n'aurait pas été éprouvée si, en l'absence de manquements des société TRLP et TRF, la suspension de leur commercialisation était intervenue en 2006. 38. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le cinquième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident de la société J & D Medicals et autres Enoncé du moyen 39. La société J & D Medicals fait grief à l'arrêt de condamner in solidum les sociétés TRLP et TRF à lui payer, en réparation de son préjudice immatériel de perte d'image, ainsi que des préjudices relatifs à des impayés ou remises et à des frais liés à la décision de retrait des prothèses mammaires, la seule somme de 10 000 euros à valoir sur ces postes de préjudices, alors « que l'absence de cohérence entre les achats de matière première et la production d'un dispositif médical constitue un indice suggérant que le dispositif est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE, et justifiant que l'organisme notifié prenne toutes mesures nécessaires pour s'acquitter de ses obligations ; que dès lors en retenant que les sociétés TRLP et TRF ne pouvaient être tenues de recourir à des visites inopinées qu'à partir du 1er septembre 2006, après avoir constaté que dès 2002 les quantités de gel [MAZ] achetées et non dissimulées étaient tout à fait insuffisantes à la production des prothèses et que le volume des commandes de gel [MAZ] constituait un indice de nature à retenir l'attention des sociétés TRLP et TRF et à accroître leur devoir de prudence et de vigilance, circonstance qui justifiait à elle seule une obligation de contrôle renforcé et la réalisation de visites inopinées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles R. 5221 et suivants du code de la santé publique, ensemble les articles 3.2 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 et l'article 1382, devenu 1340 du code civil ». Réponse de la Cour Vu le point 5.1 de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne le point 5.1 de l'annexe II de la directive 93/42, successivement applicables en la cause, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 40. Il résulte de l'arrêt rendu le 16 février 2017 par la CJUE, précité, que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées. 41. Pour limiter à la somme de 10 000 euros la condamnation in solidum des sociétés TRLP et TRF à payer à la société J&D Medicals en réparation de ses préjudices immatériels de perte d'image, d'impayés ou remises et frais liés à la décision de retrait des prothèses mammaires, l'arrêt retient que celles-ci ne pouvaient être tenues de recourir à des visites inopinées des locaux de la société PIP qui auraient permis de découvrir la fraude qu'à partir du 1er septembre 2006. 42. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, antérieurement au 1er septembre 2006, les volumes de gel [MAZ] achetés et non dissimulés dans la comptabilité à laquelle les auditeurs avaient eu accès, étaient insuffisants à la production des prothèses et même nuls en 2004 et que ces volumes constituaient un indice suggérant une non-conformité aux exigences de la directive 93/42 transposée, de nature à justifier une visite inopinée, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ni sur les pourvois incidents de Mme [N] et autres et de Mme [MXM] [SWK] et autres, qui ne sont qu'éventuels, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les sociétés TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue TÜV Rheinland LGA Products GmbH et TÜV Rheinland France responsables in solidum des préjudices causés à la société J & D Medicals par le maintien des prothèses IMGHC sur le marché seulement entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne les sociétés TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue TÜV Rheinland LGA Products GmbH et TÜV Rheinland France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois. 1re Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 21-14.843, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2023 Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 354 F-B Pourvoi n° T 22-16.848 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023 1°/ M. [O] [C], domicilié [Adresse 2], 2°/ la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° T 22-16.848 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 5]-[Localité 6], dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C] et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 mars 2022), après avoir subi, le 21 mai 2013, une réparation de la coiffe associée à une acromioplastie sous arthroscopie, réalisée par M. [C], chirurgien orthopédique, (le chirurgien), assuré auprès de la Société hospitalière d'Assurance mutuelle (l'assureur), M. [D] a présenté une atteinte de la branche terminale du nerf supra-scapulaire. 2. Après avoir saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France et conformément à l'avis émis par celle-ci le 12 mai 2015, il a été indemnisé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) à hauteur de 124 652,30 euros. 3. Le 10 septembre 2018, l'ONIAM a assigné le chirurgien et son assureur en remboursement des sommes versées à M. [D]. La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 6] (la caisse) est intervenue à l'instance afin d'obtenir le remboursement de ses débours. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le chirurgien et son assureur font grief à l'arrêt de dire que M. [C] a commis une faute lors du geste chirurgical, de le déclarer responsable du préjudice subi par M. [D] et de les condamer in solidum à payer à l'ONIAM les sommes de 124 652,30 euros et de 1 750 euros au titre des frais d'expertise amiable et à la caisse la somme en capital de 45 115,93 euros représentant les prestations versées et les arrérages échus de la rente accident du travail au 8 septembre 2021, outre des intérêts ainsi que les arrérages à échoir, au fur et à mesure de leur échéance, d'une rente dont le capital constitutif est de 39 067,80 euros, outre des intérêts et une indemnité forfaitaire de gestion, alors : « 1°/ que l'atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas est jugée fautive en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique ; que la mise en oeuvre de cette présomption de faute implique toutefois qu'il soit tenu pour certain que l'atteinte a été causée par le chirurgien lui-même en accomplissant son geste chirurgical ; qu'en l'espèce, pour mettre en oeuvre cette présomption de faute, la cour d'appel a retenu qu'"il importe peu que le mécanisme exact de la lésion soit défini, dès lors que l'alternative présentée par les experts entre deux mécanismes conduit nécessairement à retenir l'une d'entre elles" et en a déduit que "dès lors que l'anesthésie n'a pu causer une telle lésion, seule une maladresse commise par le chirurgien au cours de l'intervention litigieuse doit être retenue, quelle que soit les modalités pratiques d'une telle maladresse" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres, en l'état d'une intervention considérée par les experts avoir été exécutée dans les règles de l'art médical, à caractériser de façon certaine que l'atteinte avait été causée par le chirurgien lui-même en accomplissant son geste chirurgical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique ; 2°/ subsidiairement, que l'atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est jugée fautive en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique ; qu'en retenant, pour écarter tout aléa thérapeutique, que "la faible probabilité de la lésion ne résulte en réalité pas de la faible fréquence du risque de survenue d'une telle lésion dans le cadre de ce type de chirurgie, mais de la fréquence limitée d'une faute identique à celle commise par le chirurgien dans le cadre d'une intervention qui aurait dû exclure une telle erreur", la cour d'appel, statuant par voie de simple affirmation, s'est prononcée par des motifs impropres à exclure la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relevait de l'aléa thérapeutique, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute dont la preuve incombe, en principe, au demandeur. 6. Cependant l'atteinte portée par un chirurgien, en accomplissant son geste chirurgical, à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est fautive, en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique . 7. Dès lors qu'elle a retenu que les experts n'avaient envisagé que deux mécanismes susceptibles d'expliquer l'atteinte du nerf, l'un imputable à l'anesthésie, qui avait été exclu en raison des aiguilles utilisées et de l'étendue de l'atteinte, et l'autre imputable à une lésion directe du nerf sus-épineux lors de l'arthrolyse des adhérences entre la coiffe et la face profonde du deltoïde, que, s'ils n'expliquaient pas une telle lésion et estimaient peu plausible un tel mécanisme, l'alternative présentée conduisait nécessairement à retenir la seconde éventualité, qu'aucun risque n'avait été identifié par les experts pour expliquer la survenance d'une telle lésion et que l'étude de la littérature médicale ne rapportait pas de complication de ce type de sorte que l'atteinte était due à une maladresse technique, la cour d'appel a caractérisé la cause de l'atteinte et l'exclusion d'un aléa thérapeutique, justifiant ainsi légalement sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et la Société hospitalière d'assurances mutuelles et les condamne à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois. 1re Civ., 26 février 2020, pourvoi n° 19-13.423, Bull., (cassation), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 25 mai 2023 M. SOULARD, premier président Arrêt n° 345 FS-B Pourvoi n° M 22-10.954 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023 M. [JC] [C], domicilié [Adresse 12], a formé le pourvoi n° M 22-10.954 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant : 1°/ au Conseil national des barreaux (CNB), dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à M. [ZT] [N] [UN], domicilié [Adresse 15], 3°/ à M. [BJ] [I], domicilié [Adresse 21], 4°/ à Mme [DX] [K], domiciliée [Adresse 5], 5°/ à M. [V] [R], domicilié [Adresse 9], 6°/ à M. [W] [E], domicilié [Adresse 22], 7°/ à Mme [S] [A], domiciliée [Adresse 7], 8°/ à M. [OJ] [Y], avocat, domicilié [Adresse 24], 9°/ à M. [M] [Z], domicilié [Adresse 11], 10°/ à M. [ZX] [T], domicilié [Adresse 2], 11°/ à M. [DZ] [G], domicilié [Adresse 19], 12°/ à Mme [ZU] [L], domiciliée [Adresse 25], 13°/ à Mme [US] [O], domiciliée [Adresse 6], 14°/ à Mme [H] [D], domiciliée [Adresse 13], 15°/ à Mme [DX] [F], domiciliée [Adresse 20], 16°/ à Mme [ZV] [UP], domiciliée [Adresse 18], 17°/ à Mme [ZV] [DY], domiciliée [Adresse 17], 18°/ à Mme [J] [ZW], domiciliée [Adresse 8], 19°/ à Mme [X] [OI], domiciliée [Adresse 14], 20°/ à M. [ZY] [OK], domicilié [Adresse 26], 21°/ à Mme [B] [JD], domiciliée [Adresse 23], 22°/ à M. [P] [UR], domicilié [Adresse 10], 23°/ à Mme [UO] [DW], domiciliée [Adresse 16], 24°/ à M. [JE] [U], domicilié [Adresse 3], 25°/ à M. [OL] [JF], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [C], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Conseil national des barreaux, de MM. [N] [UN], [I], [R], [E], [Y], [Z], [T], [G], [OK], [UR], [U] et [JF], de Mmes [K], [A], [L], [O], [D], [F], [UP], [DY], [ZW], [OI], [JD] et [DW], et l'avis écrit et oral de M. Poirret, premier avocat général, de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Chauvin, président, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2021) et les pièces de la procédure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 décembre 2020, adressée au greffier en chef de la cour d'appel de Paris et réceptionnée le 8 décembre 2020 par le « service courrier » de la cour, M. [C], avocat, a formé un recours contre l'élection des membres de la circonscription nationale du collège ordinal du conseil national des barreaux (CNB) qui s'est déroulée le 24 novembre 2020, afin d'en obtenir l'annulation. 2. Le procureur général, le CNB et les avocats élus ont opposé l'irrecevabilité de ce recours. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [C] fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors « qu'en vertu des articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le recours introduit contre l'élection des membres du conseil national des barreaux doit être formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef ; que la finalité poursuivie par ces textes consiste à s'assurer que le greffier en chef est informé du recours déposé ; qu'ainsi, un recours formé par lettre recommandée adressée au greffier en chef, et non au secrétariat-greffe, est recevable dès lors qu'il a nécessairement été porté à la connaissance du greffier en chef ; que pour déclarer irrecevable le recours formé par M. [C], la cour d'appel a retenu qu'il avait été formé par lettre recommandée adressée au greffier en chef, et non au secrétariat-greffe, et qu'il s'ensuivait que le recours, dans sa forme choisie par M. [C], n'avait pas été adressé au destinataire spécialement prévu par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16 et 33 de ce décret. » Réponse de la Cour Vu les articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1258 du 26 septembre 2022 : 4. Il résulte de ces textes que le recours formé par tout avocat à l'encontre de l'élection des membres du CNB est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel de Paris ou remis contre récépissé à son greffier en chef. 5. Pour déclarer le recours de M. [C] irrecevable, l'arrêt retient qu'ayant été formé par lettre recommandée envoyée au greffier en chef et non au secrétariat-greffe, ce recours n'a pas été adressé au destinataire prévu au premier de ces textes. 6. En statuant ainsi, alors que cette lettre avait été réceptionnée par le greffe de la cour d'appel de Paris, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS,et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne le Conseil national des barreaux aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois, par lui et Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 420 F-B Pourvoi n° E 22-18.400 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 1°/ M. [C] [E], 2°/ Mme [M] [E], 3°/ M. [A] [E], tous trois domiciliés [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° E 22-18.400 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Polyclinique [7], société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ à Mme [T] [J], domiciliée [Adresse 4], 3°/ à M. [D] [W], domicilié [Adresse 3], pris tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille [F] [W], 4°/ à Mme [G] [W], épouse [P], domiciliée [Adresse 2], 5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de MM. [C] et [A] [E] et de Mme [E], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 décembre 2021), les 24 février et 24 octobre 2012, [H] [E] a subi successivement une lipoaspiration et une abdominoplastie, réalisées par M. [V], au sein de la société Polyclinique [7] (la clinique). A la suite de la survenue d'une infection, deux reprises chirurgicales ont été pratiquées, le 2 novembre 2012 par M. [V] et le 15 novembre 2012 par M. [U]. Le 16 novembre, [H] [E] est décédée d'une embolie pulmonaire. 2. M. [E], son époux, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de [M] et [A] [E], ayant ensuite repris l'instance, ainsi que Mme [J], Mme [W] et M. [W], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de [F] [W], ont assigné en responsabilité et indemnisation la société Polyclinique [7], M. [V] et M.[U]. 3. M. [V] et M. [U] ont été condamnés in solidum à réparer les préjudices subis à la suite du décès de [H] [E] à hauteur de 80% au titre de négligences dans sa prise en charge. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 1142-1, I, alinéa 2, L. 1142-1-1, 1°, et L. 1142-3-1 du code de la santé publique : 5.Selon le premier de ces textes, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes de prévention de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. 6. Selon le deuxième, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. 7. Selon le dernier, le dispositif de réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l'article L. 1142-1 et aux articles L. 1142-1-1 et L.1142-15 du code de la santé publique n'est pas applicable aux demandes d'indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi. 8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique d'une intervention, à l'origine d'une infection nosocomiale, lorsqu'ils déterminent le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable. 9. Pour déclarer irrecevables les demandes formées contre la polyclinique [7], l'arrêt énonce que le législateur a instauré un régime d'indemnisation spécifique des dommages les plus graves découlant des infections nosocomiales dont la réparation incombe exclusivement à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en application de l'article L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique et dont les dispositions s'imposent aux victimes. 10. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la finalité de l'intervention en cause et sans permettre, en conséquence, à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 11. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ordonner à la clinique de mettre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en cause, alors « qu'aux termes de l'article L. 1142-21, I, alinéa 1, du code de la santé publique, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'ONIAM est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement ; qu'en déboutant les consorts [E] de leur demande tendant à la mise en cause de l'ONIAM, après avoir constaté que les dommages subis étaient indemnisables au titre de l'article L. 1142- 1-1 du code de la santé publique et que "seul l'ONIAM est tenu d'en assurer la réparation", de sorte qu'il lui appartenait d'ordonner la mise en cause de cet organisme avant toute décision sur le fond, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-21, I, alinéa 1, du code de la santé publique et l'article 332 du code de procédure civile » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1142-21, alinéa 1, du code de la santé publique 12. Aux termes de ce texte, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. 13. Pour écarter la demande des consorts [E] d'ordonner à la clinique de mettre en cause l'ONIAM, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article L. 1142-1-1, 1°, s'imposent aux victimes qui doivent former leurs demandes d'indemnisation contre celui-ci. 14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Polyclique [7] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Cassation partielle Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 419 F-B Pourvoi n° C 22-15.224 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 21 juin 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 La société Hôpital privé [5] (HP[5]), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 22-15.224 contre l'arrêt rendu le 16 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [H] [Z], domicilié [Adresse 3], 2°/ à M. [U] [C], domicilié [Adresse 2], 3°/ à l'association Hôpital [6], dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. M. [C] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hôpital privé [5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C], de l'association Hôpital [6], après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué rendu (Paris, 16 février 2022), rendu en référé, le 3 novembre 1994, M. [Z] est né par césarienne au sein de la société Hôpital privé [5], et a été transféré par M. [C], pédiatre, exerçant son activité à titre libéral, dans le service de néonatologie de l'hôpital [6], où a été diagnostiquée une hémorragie intra-cérébrale gauche étendue. Il a conservé une triplégie droite. 2. Le 3 septembre 2020, M. [Z] a assigné la société Hôpital privé [5], M. [C] et l'association Hôpital [6] en communication sous astreinte de ses dossiers médicaux et paiement d'une provision. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. la société Hôpital privé [5] fait grief à l'arrêt de le condamner à communiquer le dossier médical de M. [Z], sous astreinte de 200 euros par jour passé le délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance de référé du 3 mai 2021, alors « que le juge des référés peut ordonner l'exécution d'une obligation qu'à la condition qu'elle ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de M. [Z], né le 3 novembre 1994 dans cet établissement puis transféré à l'hôpital [6], de communication de son dossier médical, formée par acte du 3 septembre 2020, la société Hôpital privé [5] a fait valoir qu'il n'était pas soumis à l'obligation de conserver le dossier médical de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de ce dernier, cette obligation n'ayant été instaurée que par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006 codifié à l'article R. 1112-7 du code de la santé publique, le dossier de M. [Z] ayant été détruit par la société d'archivage le 30 janvier 2015, soit plus de vingt ans après le séjour de M. [Z] au sein de son établissement ; que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant ordonné la communication du dossier médical de M. [Z], la cour d'appel a énoncé qu'"à la date invoquée de destruction des dossiers de 1994, l'article R. 1112-7 [du code de la santé publique], dans sa rédaction issue du décret du 4 janvier 2006, avait vocation à recevoir application" et que "la société Hôpital privé [5] était, aux termes de cet article tenu de conserver le dossier de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de l'intéressé, ce que l'établissement s'est abstenu de faire" ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse sur l'existence de l'obligation pour la société Hôpital privé [5] de conserver le dossier de M. [Z], eu égard à la date du séjour de ce dernier dans son établissement, a violé l'article 835 du code de procédure civile » ; Réponse de la cour 4. C'est à bon droit et sans trancher de contestation sérieuse que la cour d'appel a retenu que, même si le dossier médical de M. [B] avait été ouvert en 1994, la société Hôpital privé [5] était tenue de conserver son dossier jusqu'au 3 novembre 2022 en application des dispositions de l'article R. 1112-7, modifié par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006, ayant imposé, lorsque la durée de conservation d'un dossier s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, de proroger la conservation du dossier jusqu'à cette date. 5. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 6. la société Hôpital privé [5] fait le même grief à l'arrêt alors « que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que les éléments produits par la société Hôpital privé [5] "ne démontrent nullement qu'il ait été procédé à la destruction du dossier en cause" tout en énonçant "la société Hôpital privé [5] était, aux termes de [l'article R. 1112-7 du code de la santé publique] tenu de conserver le dossier de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de l'intéressé, ce que l'établissement s'est abstenu de faire", la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile » Réponse de la cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs. 8. Pour condamner la société Hôpital privé [5] à communiquer, sous astreinte, le dossier médical de M. [Z], l'arrêt retient à la fois que l'établissement s'est abstenu de le conserver jusqu'au 3 novembre 2022, comme il y était tenu, et que la destruction de ce dossier n'est pas établie. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. Et sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis Enoncé du moyen 10. La société Hôpital privé [5] et M. [C] font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros à titre de provision, alors « que lorsque l'obligation du défendeur n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut le condamner au versement d'une provision à valoir sur sa créance ; que la cour d'appel a retenu qu'il résultait des éléments du dossier que "subsistent des inconnues dans les circonstances de la naissance de M. [Z] et que la responsabilité de la société Hôpital privé [5] et de M. [U] [C] n'est pas à exclure avec toute l'évidence requise", et que "la demande de provision pour supporter les frais d'un procès destiné à rechercher la responsabilité éventuelle de la société Hôpital privé [5] et de M. [U] [C]" ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs dont il résultait qu'il existait une contestation sérieuse sur la possibilité de mettre en jeu la responsabilité civile de la société Hôpital privé [5], la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile : 11. Il résulte de ce texte que le juge ne peut, en référé, accorder une provision au créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. 12. Pour condamner la société Hôpital privé [5] et M. [C] à payer une provision à M. [Z], l'arrêt retient qu'il subsiste des inconnues dans les circonstances de la naissance du demandeur, que la responsabilité de cet établissement n'est pas à exclure avec toute l'évidence requise et que la demande de provision pour supporter les frais d'un procès destiné à rechercher sa responsabilité éventuelle et celle de M. [C] n'est dans ces conditions pas sérieusement contestable. 13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations l'existence d'une contestation sérieuse sur la responsabilité de la société Hôpital privé [5] et celle de M. [C], la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé. Mise hors de cause 14. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'hôpital [6] dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en ce qu'il ordonne la communication sous astreinte du dossier médical et en ce qu'il condamne solidairement la société Hôpital privé [5] et M. [C] à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros à titre de provision, l'arrêt rendu le 16 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Met hors de cause l'hôpital [6] ; Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Cassation sans renvoi Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 413 F-B Pourvoi n° M 22-16.198 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [O]. Admission au bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 mars 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 M. [C] [O], domicilié chez M. [R] [Z], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-16.198 contre l'ordonnance rendue le 13 décembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant au préfet des Hauts-de-Seine, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. [O], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Mornet, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 13 décembre 2021) et les pièces de la procédure, le 8 décembre 2021, M. [O], de nationalité russe, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français. 2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi, le 10 décembre 2021, par M. [O] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et, le 11 décembre 2021, par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [O] fait grief à l'ordonnance de prolonger sa rétention administrative, alors « que constitue une interpellation déloyale le fait d'inviter l'étranger à se présenter à un rendez-vous pour examiner sa situation sans l'informer du risque d'un placement en rétention ; que le délégué du premier président a constaté que M. [O] s'était présenté à la préfecture après un courriel adressé à son avocat, puis que sa situation avait été vérifiée et qu'il avait été placé en rétention ; qu'en estimant cette procédure régulière, au motif inopérant que M. [O] n'avait pas reçu de convocation en bonne et due forme, et sans relever qu'il avait été averti du risque de vérification de sa situation et de placement en rétention, le délégué du premier président a violé les articles 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 552-1 du CESEDA . » Réponse de la Cour Vu les articles 5, § 1, f), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 741-10 du CESEDA : 4. Il résulte de ces textes qu'est irrégulier le placement en rétention administrative d'un étranger lorsqu'il a été procédé, dans les locaux de la préfecture, à son interpellation de manière déloyale au regard de l'objet de sa convocation. 5. Pour rejeter la contestation du placement en rétention de M. [O], fondée sur le caractère déloyal de son interpellation, l'ordonnance relève que celui-ci a été convoqué par l'intermédiaire de son avocat à la préfecture pour procéder au renouvellement de son attestation de demandeur d'asile, qu'à cette occasion les services préfectoraux ont vérifié sa situation administrative et constaté qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, notifiée le 26 juillet 2021, et que les services de police, informés de cette situation, l'ont interpellé. 6. En se déterminant ainsi, par un motif impropre à écarter le caractère déloyal de l'interpellation invoqué au regard de l'objet de la convocation, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision. Portée et conséquences de la cassation 7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l' ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois. 1re Civ., 6 février 2007, pourvoi n° 05-10.880, Bull. 2007, I, n° 53 (rejet), et les arrêts cités ; 1re Civ., 11 mars 2009, pourvoi n° 07-21.961, Bull. 2009, I, n° 51 (rejet), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2023 Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 408 FS-B Pourvoi n° Y 22-17.520 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023 M. [F] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-17.520 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [J] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I], de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [G], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 6 avril 2022), à l'issue du prononcé du divorce de M. et Mme [I], un jugement du 26 janvier 2012 a statué sur les opérations de liquidation de leur régime matrimonial. Le 26 mars 2012, M. [I], représenté par M. [G] (l'avocat), en a interjeté appel. Par ordonnance du 9 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel à la date du 26 juin 2012. 2. Le 16 octobre 2017, M. [I] a assigné en responsabilité civile l'avocat, qui lui a opposé la prescription de son action. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 2225 du code civil, l'article 412 du code de procédure civile et l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat : 4. Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. 5. Il résulte du deuxième que la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existant contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci. 6. Selon le troisième, l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission. 7. La Cour de cassation juge que l'action en responsabilité contre un avocat se prescrit à compter du prononcé de la décision juridictionnelle obtenue (1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.200, Bull. 2016, I, n° 14). 8. Si cette jurisprudence permet de fixer un point de départ unique à la prescription de l'action en responsabilité formée contre un avocat, elle se concilie toutefois difficilement avec d'autres dispositions, telles que celles des deux derniers textes précités. 9. Il y a lieu de déduire désormais de la combinaison des textes précités que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date. 10. Pour déclarer irrecevable l'action de M. [I], l'arrêt retient que la mission de l'avocat a pris fin au jour de la décision constatant la caducité de l'appel. 11. En statuant ainsi, après avoir constaté que M. [I] avait mis fin à sa collaboration avec l'avocat par lettre du 23 octobre 2012, de sorte que la prescription avait commencé à courir à compter de cette date, précédant celle de l'expiration du délai de déféré, et que, le 16 octobre 2017, elle n'était pas acquise, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [I] la somme 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 422 FS-B Pourvoi n° Q 21-23.902 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023 Mme [Z] [F], épouse [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-23.902 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à Mme [O] [L], veuve [I], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [H], de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [I], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller président, Mme Andrich, conseiller rapporteur faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2021), Mme [H] (la locataire) est, depuis le 2 juin 2008, cessionnaire d'un fonds de commerce comprenant un bail commercial portant sur un bien à usage de restaurant et de vente à emporter appartenant à Mme [I] (la bailleresse). 2. Une ordonnance du 17 décembre 2019, rendue en référé et signifiée le 9 janvier 2020, a autorisé la locataire à s'acquitter d'un arriéré locatif en vingt-quatre mensualités à compter du 15 du mois suivant sa signification, a ordonné la suspension de la clause résolutoire du bail et, prévu, qu'à défaut de paiement à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, d'une seule des mensualités, la clause résolutoire sera acquise, huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure et l'expulsion pourra être poursuivie. 3. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a cessé son activité à compter du 14 mars 2020. 4. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 3 septembre 2020, la bailleresse a mis la locataire en demeure de payer trois mensualités de l'échéancier fixé et deux termes de loyer échus pendant la période de protection, puis a notifié le 29 octobre 2020, en exécution de l'ordonnance précitée, un commandement de quitter les lieux dont la locataire a contesté la validité. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du commandement de quitter les lieux délivré le 29 octobre 2020, alors : « 1°/ que les personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, lorsque ces loyers et charges locatives étaient échus entre le 12 mars et le 10 septembre 2020 ; que le défaut de paiement des loyers intervenu entre le 12 mars et 10 septembre 2020 ne peut donc entraîner la mise en oeuvre d'une clause résolutoire, peu important que les effets de ladite clause ait été, avant le commencement de la période protégée, suspendus par une décision de justice sous réserve de paiement des loyers ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 17 décembre 2019, le juge des référés a suspendu les effets de la clause résolutoire invoquée par Mme [L] sous réserve du paiement des loyers et d'un arriéré locatif par Mme [H] durant 24 mois ; que, durant la période protégée, et en raison des conséquences de la crise sanitaire, Mme [H] n'a pas été en mesure de s'acquitter des échéances des mois d'avril et mai 2020 ; qu'un tel défaut de paiement des loyers pendant la période protégée ne pouvait justifier l'acquisition de la clause résolutoire ; qu'en retenant pourtant, pour dire régulier le commandement de quitter les lieux, que "la locataire s'est abstenue de payer, aux dates prévues par l'ordonnance de référé du 17 décembre 2019, les mensualités imparties pour l'apurement de l'arriéré locatif, de même que les loyers et charges courants, aux mois d'avril et mai 2020", la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 ; 2°/ que les personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, et ce, entre les 12 mars et 10 septembre 2020 ; que le défaut de paiement d'un arriéré de charges et loyers qu'un jugement rendu antérieurement au commencement de la période protégée avait ordonné au preneur de payer sous peine d'acquisition de la clause résolutoire, ne peut donc donner effet à ladite clause ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 17 décembre 2019, le juge des référés a suspendu les effets de la clause résolutoire invoquée par Mme [L] sous réserve du paiement des loyers et d'un arriéré locatif par Mme [H] durant 24 mois ; que, durant la période protégée, et en raison des conséquences de la crise sanitaire, Mme [H] n'a pas été en mesure de s'acquitter des échéances des arriérés locatifs des mois d'avril et mai 2020 ; que ce défaut de paiement de ces arriérés locatifs pendant la période protégée ne pouvait justifier l'exécution de la clause résolutoire ; qu'en retenant que "ces dispositions ne s'appliquent qu'aux loyers et charges locatives dont l'échéance est intervenue pendant les périodes protégées susvisées, et non pas aux chefs de dispositif d'une décision de justice exécutoire condamnant au paiement d'une dette locative née antérieurement à ces périodes protégées", la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 ; 3°/ que ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux les personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ; qu'il n'est donc pas nécessaire d'avoir effectivement bénéficié du fonds de solidarité pour jouir du statut protecteur, mais uniquement d'avoir été susceptible d'en jouir, c'est-à-dire d'en remplir les conditions ; qu'en retenant pourtant en l'espèce, pour dire régulier le commandement de quitter les lieux adressé à Mme [H] qu'"en ce qui concerne l'applicabilité de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316, même si Mme [H] justifie de plusieurs récépissés de demandes d'aide aux "entreprises fragilisées Covid-19", déposées les 30 avril, 6 juillet, 3 août et 29 octobre 2020, elle ne justifie pas en avoir bénéficié finalement" la cour d'appel a violé les articles 1er et 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, ensemble les articles 1er, 3-1 de de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ; 4°/ que sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, les personnes ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ; que le bénéfice du fonds de solidarité n'est donc aucunement subordonné à une interdiction générale et absolue de recevoir du public ; qu'ainsi, une interdiction, serait-elle partielle et ne frappant qu'une partie de l'activité concernée, rend éligible les commerçants concernés au bénéfice du fonds de solidarité ; qu'afin de ralentir la propagation du virus covid-19, n'ont pas pu recevoir du public du 14 mars au 15 avril 2020, les établissements relevant de la catégorie N de l'arrêté du 25 juin 1980, à savoir les restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter ; qu'en conséquence, une personne exploitant un restaurant et un établissement de vente à emporter, en ce qu'elle a fait l'objet d'une interdiction partielle de recevoir du public, était bien éligible au fonds de solidarité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a pourtant considéré que Mme [H] n'aurait pu bénéficier du fonds de solidarité au prétexte que "la destination des lieux loués visée au bail liant les parties est stipulée être la restauration et la vente à emporter. Or l'article 1, I, de l'arrêté du 15 mars 2020, complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, prévoit la fermeture administrative des restaurants, sauf pour leurs activités de vente à emporter" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1er et 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, ensemble les articles 1er, 3-1 de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et 1er de l'arrêté du 15 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19. » Réponse de la Cour 6. Selon la combinaison des articles 1er et 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, 1er et 3-1 de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et 1er de l'arrêté du 15 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, les personnes physiques et morales de droit privé qui, exerçant une activité économique particulièrement touchée par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour la limiter, sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité, ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. 7. Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. 8. Il en résulte que faute de libération dans les conditions fixées par le juge, l'effet résolutoire de la clause est réputé avoir joué au jour où le bénéfice de cette clause a été acquis au bailleur, soit un mois après délivrance d'un commandement de payer resté infructueux. 9. Il s'en évince que l'interdiction des sanctions pour défaut de paiement des « loyers et charges » dont l'échéance de paiement intervient pendant la période protégée, prévue à l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, ne s'applique pas aux effets d'une clause résolutoire acquise antérieurement à la période protégée, dont la suspension était conditionnée au respect d'un échéancier fixé par le juge. 10. La cour d'appel a d'abord relevé, que l'ordonnance de référé du 17 décembre 2019 avait constaté les effets de la clause résolutoire insérée au bail et, en avait suspendu les effets à l'apurement de l'arriéré locatif par fractions mensuelles devant intervenir le 15 de chaque mois suivant sa signification. 11. Elle a, ensuite, exactement retenu que les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 ne s'appliquaient pas au non-respect d'une échéance au paiement duquel les effets de la clause résolutoire étaient suspendus par une décision de justice antérieure qui emporte résiliation du bail un mois après délivrance d'un commandement de payer la mettant en oeuvre. 12. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 / EXPTS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2023 Annulation partielle Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 608 F-B Recours n° R 23-60.021 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023 Mme [X] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le recours n° R 23-60.021 en annulation d'une décision rendue le 4 novembre 2022 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Mme [I] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans les rubriques « estimations immobilières, loyers d'habitation » (C-02.02.01), « loyers commerciaux » (C-02.02.02) et « fonds de commerce, indemnités d'éviction » (C-02.02.03). 2. Par décision du 4 novembre 2022, contre laquelle Mme [I] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande. Examen des griefs Exposé des griefs 3. Mme [I] fait valoir qu'en rejetant sa demande d'inscription en visant les besoins des juridictions et un conflit d'intérêt en raison de son activité professionnelle d'administration des copropriétés alors qu'elle inscrivait d'autres experts dans ces rubriques et qu'elle n'exerce pas l'activité visée au conflit d'intérêt, l'assemblée générale a commis une double erreur manifeste d'appréciation. Réponse de la Cour Vu les articles 2, 6°, et 8, alinéa 1er, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 : 4. Selon le premier de ces textes, une personne ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d'experts que si elle n'exerce aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice des missions d'expertise. 5. Il résulte du second de ces textes qu'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation le refus d'inscription d'un candidat sur la liste des experts judiciaires d'une cour d'appel motivé par l'absence de besoin en l'état de l'inscription concomitante d'autres candidats sous la même rubrique. 6. Pour rejeter les demandes de Mme [I], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel s'est fondée sur les besoins des juridictions du ressort ainsi que sur le conflit d'intérêt en raison de son activité professionnelle d'administration des copropriétés. 7. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces de la procédure, d'une part, qu'avaient été inscrits trois autres candidats, à titre probatoire, sur la liste des experts dans les rubriques sollicitées par Mme [I], d'autre part, que l'activité d'administrateur de copropriété ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, l'assemblée générale des magistrats du siège a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. 8. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne Mme [I]. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 novembre 2022, en ce qu'elle a refusé l'inscription de Mme [I]. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois. 2e Civ., 15 juin 2023, pourvoi n° 23-60.013, Bull. (annulation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 425 FS-B Pourvoi n° J 21-22.816 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023 La Société hydro-électrique du [Adresse 2], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est lieudit [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-22.816 contre l'arrêt rendu le 21 juillet 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société hydro-électrique du [Adresse 2], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la commune de [Localité 1], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 21 juillet 2021), par acte du 18 mars 2013, la commune de [Localité 1] (la commune) a donné à bail emphytéotique à la société hydro-électrique du [Adresse 2] (la société) une centrale hydraulique installée sur un barrage. 2. Par arrêté du 30 janvier 2017, le préfet du Loir-et-Cher a mis en demeure la société de satisfaire aux prescriptions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement par l'installation de dispositifs maintenant dans le lit du cours d'eau un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux et empêchant la pénétration du poisson dans le canal d'entrée. 3. Par arrêté du 27 février 2019, il a refusé d'accorder à la société l'autorisation d'exploiter la centrale hydroélectrique. 4. Le 28 février 2019, la société a assigné la commune en condamnation à réaliser les travaux de mise en conformité et en indemnisation. La commune a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société fait grief à l'arrêt de dire que le contrat liant les parties est un bail emphytéotique administratif et que les juridictions de l'ordre administratif sont compétentes pour connaître du litige né de ce contrat, alors : « 1°/ que pour qu'un bail emphytéotique soit qualifié d'administratif, l'activité du bailleur ou l'opération en vue de laquelle le bail est conclu doivent se rattacher à l'intérêt général par un lien direct et principal ; que sauf dans le cas où elle est assujettie à des obligations particulières de continuité ou de volume, la production d'électricité à des fins commerciales ne constitue pas une activité d'intérêt général ; qu'en se fondant, pour qualifier le contrat de bail emphytéotique administratif et se déclarer incompétente, sur la circonstance qu'il devait permettre la production d'électricité non carbonée, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que cette production était soumise à des sujétions particulières, a violé l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales ; 2°/ que le bail emphytéotique qui a essentiellement une finalité commerciale et ne remplit un objectif d'intérêt général que de façon accessoire et incidente ne peut être qualifié de bail emphytéotique administratif ; qu'en se fondant, pour qualifier le contrat de bail emphytéotique administratif et se déclarer incompétente, sur la circonstance que l'exploitation du barrage devait permettre non seulement la production d'électricité non carbonée mais également la conservation d'un plan d'eau utilisé à des fins touristiques, sportives et de loisirs, et que la société hydro-électrique du [Adresse 2] avait accepté de financer pour partie les travaux de mise en transparence nécessaire au maintien du barrage, la cour d'appel a violé l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 1311-2, alinéa 1, du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur au 18 mars 2013, un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif. 7. Selon l'article L. 1311-3, 4°, du même code, les litiges relatifs aux baux emphytéotiques administratifs sont de la compétence des tribunaux administratifs. 8. Selon les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l'énergie, dans leur version en vigueur au 18 mars 2013, la politique énergétique vise notamment à préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre. Pour atteindre cet objectif, l'Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales, veille, en particulier, à diversifier les sources d'approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale. 9. Selon l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, les communes concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement et à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie. 10. Il en résulte que la mise à disposition, par l'effet d'un bail emphytéotique, d'une centrale hydroélectrique, en vue de la production et de la vente d'électricité à un fournisseur d'énergie, en ce qu'elle favorise la diversification des sources d'énergie et participe au développement des énergies renouvelables, constitue une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune. 11. La cour d'appel a, dès lors, retenu, à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, que la convention liant la commune et la société était un bail emphytéotique administratif. 12. Elle en a exactement déduit que le litige né de ce bail relevait des juridictions de l'ordre administratif. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la Société hydro-électrique du [Adresse 2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société hydro-électrique du [Adresse 2] et la condamne à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 399 FS-B Pourvoi n° B 22-12.302 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023 1°/ M. [Z] [W], 2°/ Mme [X] [U] épouse [W], tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° B 22-12.302 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Lyon (1e chambre civile A), dans le litige les opposant à M. [R] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. et Mme [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 octobre 2021), M. et Mme [W] ont conclu le 20 juillet 2012 avec la société Hérios finance un contrat de mandat portant sur la recherche de biens immobiliers afin de procéder à un investissement à but de défiscalisation dit « Scellier Pacifique ». 2. Par l'intermédiaire de M. [T], avec lequel la société Hérios finance les avait mis en contact, ils ont conclu, le même jour, un contrat de réservation d'un appartement situé en Nouvelle-Calédonie, investissement éligible au dispositif Scellier Pacifique à la condition d'être résident métropolitain. 3. Se plaignant de ne pouvoir bénéficier du dispositif en raison de leur nouvelle résidence fiscale en Nouvelle-Calédonie, ils ont assigné M. [T] aux fins d'indemnisation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'indemnisation, alors « que tenu à l'égard de son client d'une obligation de conseil et d'information, le conseil en gestion de patrimoine qui propose à celui-ci de souscrire à une opération de défiscalisation immobilière doit lui délivrer une information sincère et complète sur les conditions du bénéfice de l'avantage fiscal escompté ; que l'intervention d'un autre conseiller ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d'information et de conseil ; qu'en décidant néanmoins que M. [T] n'était pas débiteur à l'égard de M. et Mme [W] d'une obligation d'information et de conseil portant sur l'avantage fiscal "Scellier Pacifique", attaché à l'investissement auquel il leur proposait de souscrire, motifs pris qu'il appartenait à la société Hérios finance, en sa qualité de mandataire de M. et Mme [W], qui l'avaient saisie avant M. [T], de délivrer à ces derniers une information précontractuelle afférente aux conditions de bénéfice de ce dispositif, de sorte que M. [T] n'était tenu qu'à la recherche d'un bien correspondant aux critères de choix de M. et Mme [W], après avoir pourtant constaté que M. [T] ne contestait pas avoir été saisi en vue de proposer à ces derniers un investissement dans le cadre du dispositif « Scellier Pacifique », afin de leur permettre de procéder à une opération de défiscalisation, ce dont il résultait qu'il était tenu à un devoir d'information et de conseil sur les conditions requises pour bénéficier de ce dispositif, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 5. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 6. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme [W], l'arrêt retient que l'information précontractuelle relative à l'avantage fiscal « Scellier Pacifique » devait être donnée par la société Hérios finance au moment de la signature du mandat à l'occasion de laquelle avaient été définies les caractéristiques du bien recherché. Il relève que M. [T] est intervenu ensuite, dans un cadre prédéterminé, pour identifier un bien correspondant aux critères de choix de M. et Mme [W] inscrits au mandat. 7. En statuant ainsi, alors que l'intervention d'un autre professionnel ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d'information et de conseil, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 8. M. et Mme [W] font le même grief à l'arrêt, alors « que tenu à l'égard de son client d'une obligation de conseil et d'information, le conseil en gestion de patrimoine qui propose à celui-ci de souscrire à une opération de défiscalisation immobilière doit lui délivrer spontanément une information sincère et complète sur les conditions du bénéfice de l'avantage fiscal escompté ; qu'en décidant néanmoins que M. [T] n'était pas tenu d'informer M. et Mme [W] de ce qu'un changement de résidence fiscale en dehors du territoire métropolitain leur ferait perdre l'avantage fiscal attaché à leur investissement, au motif inopérant que M. [T] n'avait pas été informé du projet de déménagement de M. et Mme [W] en Nouvelle-Calédonie et donc d'un changement de résidence fiscale, bien qu'il ait été tenu d'informer d'office M. et Mme [W] de l'ensemble des conditions requises pour continuer à bénéficier de l'avantage fiscal attaché à l'investissement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 10. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme [W], l'arrêt retient qu'il n'était pas établi qu'ils aient informé M. [T] de leur projet d'établissement familial à [Localité 3] à la date à laquelle celui-ci a exécuté sa mission. 11. En statuant ainsi, alors que le conseil en gestion de patrimoine, qui doit recueillir auprès de la personne qu'il conseille l'ensemble des éléments lui permettant d'assurer l'adéquation du projet à sa situation, doit informer son client des conditions de succès de l'opération projetée, en particulier quant à la condition de résider fiscalement en métropole pendant toute la durée du dispositif, et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ; Condamne M. [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 393 FS-B Pourvoi n° R 21-15.692 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023 1°/ M. [D] [J], domicilié [Adresse 1], 2°/ M. [T] [PE], domicilié [Adresse 14], 3°/ M. [P] [X], domicilié [Adresse 32], 4°/ M. [C] [M], domicilié 3[Adresse 25] (Belgique), 5°/ M. [ZE] [W], domicilié [Adresse 22], 6°/ M. [K] [L], domicilié [Adresse 2], 7°/ M. [ME] [V], domicilié [Adresse 13], 8°/ M. [ZE] [F], domicilié [Adresse 5], 9°/ Mme [N] [E], domiciliée [Adresse 17], 10°/ Mme [IN] [JE], domiciliée [Adresse 19], 11°/ Mme [R] [GE], domiciliée [Adresse 15], 12°/ M. [B] [DE], domicilié [Adresse 7], 13°/ M. [H] [WE], 14°/ Mme [Y] [WE], 15°/ M. [G] [AJ], 16°/ Mme [YN] [AJ], domiciliés tous les quatre [Adresse 8], 17°/ M. [RX] [WV], 18°/ Mme [U] [WV], domiciliés tous deux [Adresse 20], 19°/ M. [FN] [CN], 20°/ Mme [TE] [A], épouse [CN], domiciliés tous deux [Adresse 8], 21°/ la société Colmat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], 22°/ la société DP2L, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 27], 23°/ la société HM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 10], 24°/ la société MPFD, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12], 25°/ la société Netene, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 29], 26°/ la société Occelli Invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], ont formé le pourvoi n° R 21-15.692 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 16], 2°/ à la société Fides, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 21], en la personne de M. [I] [S], domicilié [Adresse 11], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Résidence du Guilvinec, 3°/ à la société Euro Credim Ingenierie, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 11], 4°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 5°/ à la société [Z]-Texier, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], en la personne de M. [Z], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ker Ar Mor, 6°/ à la société TPF Ingenierie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 28], 7°/ à M. [PV] [O], domicilié [Adresse 24], pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation amiable de la société Imagine architecture, 8°/ à la société Celt'Etanch, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 23], 9°/ à la société Plassart menuiserie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 34], 10°/ à la société Maugin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 33], 11°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 26], 12°/ à la société Laurent Garin, dont le siège est [Adresse 30], 13°/ à la société LGA, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 18], anciennement dénommée société Pimouget-Leuret-Devot Bot, mandataires judiciaires associés, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bat ingenierie située [Adresse 31], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jariel, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], de Mmes [E], [JE], [GE], de M. [DE], de M. et Mme [WE], de M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], de M. et Mme [CN], de la société Colmat, de la société DP2L, de la société HM, de la société MPFD, de la société Netene, et de la société Occelli Invest, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [O], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Maugin, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Zurich Insurance Public Limited Company, de la société TPF Ingenierie, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Celt'Etanch, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller rapporteur, Mme Andrich faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, Mme Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 février 2021), la société Euro Crédim ingénierie a conclu avec la société Ker Ar Mor un contrat de promotion immobilière portant sur la construction d'un immeuble livrable au quatrième trimestre 2010, destiné à être exploité comme résidence-services, qui a été vendu en l'état futur d'achèvement et soumis au statut de la copropriété. 2. Se plaignant d'un retard de livraison, de non-conformités et de malfaçons, MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest, propriétaires de lots (les copropriétaires) et la société Euro Crédim ingénierie ont assigné en indemnisation de leurs préjudices la société Ker Ar Mor, la société AXA France IARD, assureur de responsabilité du constructeur non-réalisateur et dommages-ouvrage, la société Imagine architecture, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre de conception, la société TPF ingénierie, venue aux droits de la société Ouest coordination, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la société Zurich Insurance Public Limited Company, ses assureurs, la société Celt'étanch, pour le lot étanchéité, la société Maugin, pour le lot menuiseries extérieures, la société Plassart menuiserie, pour le lot menuiseries intérieures, la société Laurent Garin, pour le lot électricité, et la société Bat ingénierie, pour le lot piscine. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Les copropriétaires font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise des désordres et non-conformités affectant l'immeuble, alors « que le copropriétaire subissant un préjudice personnel résultant de l'action, sur une partie commune d'un tiers à la copropriété a qualité et intérêt à agir en réparation des désordres et non-conformités imputables à ce dernier ; que, dans leurs conclusions d'appel, les copropriétaires ont soutenu que leurs demandes dirigées contre les constructeurs étaient recevables, en ce qu'ils s'étaient engagés dans une opération globale de construction et d'exploitation de la résidence et avaient, à cet effet, conclu des baux commerciaux concomitamment à la conclusion des actes d'acquisition des biens immobiliers, baux par lesquels ils avaient donné jouissance non seulement de leurs lots respectifs mais également des quotes-parts des parties communes qui s'y rattachent et ce afin que l'exploitant puisse jouir de l'ensemble de la résidence, ce dont ils ont déduit que les non-conformités et désordres, empêchent l'exploitation pleine et entière de la résidence par le preneur, et qu'ainsi ils justifient d'un préjudice personnel distinct de la communauté ; que, pour déclarer irrecevables les demandes des copropriétaires dirigées contre les constructeurs, la cour d'appel a énoncé que les sommes allouées au titre des travaux de reprise visent à réparer des désordres constructifs et non conformités à la réglementation personnes à mobilité réduite (PMR) qui affectent les parties communes (toitures terrasses accessibles, pompe à chaleur, spa, circulations intérieures, coffrets électriques en pied de colonne) et une partie des parties privatives (non conformités à la réglementation des escaliers intérieurs des duplex et des poignées des fenêtres des appartements) et que les copropriétaires concernés par la seconde catégorie ne forment aucune demande subsidiaire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la répercussion des désordres et non-conformités affectant les parties communes sur l'exploitation commerciale des lots de copropriété ne rendait pas recevables les demandes formulées individuellement par les copropriétaires à l'encontre des constructeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 14, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes. 6. Aux termes de l'article 15, alinéa 1, de la même loi, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que si un copropriétaire peut, lorsque l'atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, qu'il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d'affecter à la réalisation de ces travaux. 8. Ayant relevé que les sommes réclamées visaient à réparer des désordres constructifs et des non-conformités à la réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite affectant les parties communes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les demandes des copropriétaires contre les constructeurs au titre des travaux de reprise étaient irrecevables. 9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest et les condamne à payer à la société Celt'étanch la somme de 3 000 euros, à la société Maugin la somme de 3 000 euros, à M. [O], en qualité de liquidateur amiable de la société Imagine architecture, la somme de 3 000 euros, et, in solidum, à la société AXA France IARD la somme de 3 000 euros et à la société Zurich Insurance Public Limited Company la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 392 FS-B Pourvoi n° Y 21-24.738 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023 1°/ M. [H] [X], domicilié [Adresse 2], 2°/ M. [Y] [X], domicilié [Adresse 3], 3°/ la société [X] frères, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ la société [U] [I] - [P] [R], société civile professionnelle, prise en la personne de M. [P] [R], agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société [X] frères, dont le siège est [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° Y 21-24.738 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [E] [M], 2°/ à Mme [S] [D], épouse [M], tous deux domiciliés [Adresse 1], 3°/ à la société du grand Vaucouard, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [H] et [Y] [X], de la société [X] frères et de la société civile professionnelle [U] [I] - [P] [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [M] et de la société du Grand Vaucouard, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims,15 septembre 2021), par acte authentique du 1er août 2007, M. et Mme [M], seuls gérants de l'exploitation agricole à responsabilité limitée du Grand Vaucouard (la société Vaucouard), ont consenti un bail rural à long terme sur des parcelles antérieurement exploitées par cette société, à MM. [H] et [Y] [X] (les consorts [X]) qui les ont mises à disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères (la société [X] frères). 2. Par acte authentique du même jour, M. et Mme [M] ont vendu à la société [X] frères un corps de ferme, le cheptel, les stocks ainsi que le matériel incluant le coût des arrière-fumures. 3. Le 9 septembre 2019, les consorts [X] et la société [X] frères ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une action en répétition de cette somme dirigée contre M. et Mme [M], puis soutenant que la société Vaucouard avait perçu le montant des arrière-fumures, ils l'ont appelée en intervention forcée. 4.La société [X] frères a été mise en redressement judiciaire et la société [I]-[R] (le mandataire judiciaire) a été désignée, en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan. Examen des moyens Sur le second moyen Enoncé du moyen 5. Les consorts [X], la société [X] frères et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de dire irrecevable leur demande en répétition de l'indu dirigée contre la société Vaucouard, alors « que la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, MM. [X] et la société [X] Frères faisaient valoir que les époux [M] avaient imaginé un montage juridique pour contourner l'interdiction édictée par les dispositions du code rural, qu'ils soulignaient en ce sens que bien que l'acte authentique de vente du 1er août 2007 mettant à la charge de la société [X] Frères le paiement des arrières fumures ait été conclu entre les époux [M] et la société [X] Frères seuls, la société du Grand Vaucouard, qui n'était ainsi pas intervenue à cet acte et qui n'avait donc aucune vocation à en percevoir le prix mais dont les époux [M] étaient alors les deux seuls associés, avait néanmoins établi la facture et perçu le prix de vente pourtant passé, pour le montant hors taxe, par la comptabilité du notaire ; qu'en se bornant à retenir, pour statuer comme elle l'a fait, que les juges de première instance ont pu constater que l'action en répétition de l'indu dont bénéficiaient les preneurs s'est avérée prescrite le 20 juin 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en procédant ainsi, les époux [M] et la société du Grand Vaucouard n'avaient pas eu recours à un montage frauduleux de sorte qu'ils ne pouvaient se prévaloir de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-69 et L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'adage selon lequel la fraude corrompt tout. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, énoncé, à bon droit, d'une part, que l'action en répétition prévue par l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime était, sauf lorsqu'elle est exercée à l'encontre du bailleur, soumise à la prescription de droit commun, d'autre part, que, par l'effet de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription avait été réduit de trente ans à cinq ans. 7. Elle a constaté qu'il ressortait des pièces produites aux débats que la société [X] frères avait réglé par chèque du 1er août 2007 la somme de 77 000 euros HT au titre des arrière-fumures, puis payé le montant de la TVA par chèque du 30 septembre 2007. 8. Sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur l'existence d'un montage frauduleux, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que l'action en répétition de l'indu dirigée contre la société Vaucouard, preneur sortant, était prescrite depuis le 20 juin 2013, a légalement justifié sa décision de ce chef. Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 9. Les consorts [X], la société [X] frères et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en répétition de l'indu formée contre M. et Mme [M], alors « que l'indemnisation des améliorations culturales apportées au fonds par le preneur sortant incombe au seul bailleur et que les conventions en mettant le coût à la charge du preneur entrant, illicites quelle qu'en soit la forme, donnent lieu à répétition des sommes indûment perçues ; qu'en conséquence, le preneur entrant qui a réglé une indemnité pour amélioration du fonds en exécution d'une convention illicite conclue avec le seul bailleur, est en droit d'en obtenir la restitution auprès de ce dernier, peu important que la somme indue ait été perçue par le preneur sortant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que ce n'était pas les époux [M], bailleurs, qui avaient supporté le coût de l'indemnité pour améliorations due au preneur sortant, la société du Grand Vaucouard, mais la société [X] Frères, preneur entrant, en signant avec les époux [M] un acte authentique de vente du 1e août 2007 prévoyant le paiement des arrières-fumures ; qu'en retenant, pour débouter MM. [X] et la société [X] Frères de leur action en répétition de l'indu à l'encontre des époux [M], que la société [X] Frères aurait payé la somme indue de 92.092 euros sur facture établie par la société du Grand Vaucouard de sorte que cette somme aurait été perçue non par les époux [M] mais par cette dernière, quand il ressortait de ses propres constatations que, par acte authentique de vente du 1er août 2007, les époux [M], bailleurs, avaient mis le coût des améliorations à la charge de la société [X] Frères et qu'ils étaient donc seuls créanciers de ces sommes, la société du Grand Vaucouard, qui n'était pas intervenue à cet acte, n'ayant aucune vocation à en percevoir le prix, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 411-69 et L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la cour Vu les articles L. 411-69, alinéa 1, et L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime et 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 10. Aux termes du premier de ces textes, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail. 11. Selon le deuxième, sont sujettes à répétition les sommes indûment perçues par tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci. L'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé. 12. Il résulte du troisième que l'action en répétition de l'indu peut être engagée non seulement contre celui qui a reçu le paiement mais aussi contre celui pour le compte duquel il a été reçu. 13. Pour rejeter la demande en répétition de l'indu formée contre M. et Mme [M], l'arrêt retient que la société [X] frères a réglé le coût des arrière-fumures sur la base d'une facture émise par la société Vaucouard et qu'aucun élément ne permet de déterminer que M. et Mme [M] ont bénéficié, directement ou indirectement, de cette somme. 14. En statuant ainsi, tout en relevant que les sommes payées, par le preneur entrant, en exécution de l'acte de vente du 1er août 2007 conclu avec M. et Mme [M] et auquel la société Vaucouard n'était pas partie, correspondaient aux arrière-fumures dont le paiement prohibé par l'article L. 411-74 précité, était indu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que le paiement avait été reçu par la société Vaucouard pour le compte de M. et Mme [M], a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de MM. [H] et [Y] [X] et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères formée contre M. et Mme [M], l'arrêt rendu le 15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne M. et Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [M] et l'exploitation agricole à responsabilité limitée du Grand Vaucouard et les condamne in solidum à payer à MM. [H] et [Y] [X], l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères et à la société civile professionnelle [I]-[R], ès qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères, la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois. N2 > 3e Civ., 4 juillet 2012, pourvoi n° 10-21.249, Bull. 2012, III, n° 102 (Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 396 FS-B Pourvoi n° B 22-10.393 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023 La société Sovel promotion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-10.393 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre - section 1), dans le litige l'opposant à la Société française des travaux et d'aménagement Guyane (SFTAG), société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Sovel promotion, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société française de travaux d'aménagement Guyane, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 octobre 2021), suivant marché à forfait du 23 décembre 2011, la société Sovel promotion a confié à la Société française des travaux et d'aménagement Guyane (la SFTAG) l'exécution de travaux de construction d'un immeuble à usage d'habitation. 2. Le maître de l'ouvrage a notifié à l'entreprise un décompte général définitif lui réclamant un solde de 671 471,54 euros, que l'entreprise a contesté en invoquant un solde en sa faveur de 781 813,96 euros. 3. La SFTAG a assigné la société Sovel promotion en paiement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 4. La société Sovel promotion fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SFTAG la somme de 298 573,15 euros au titre de la retenue de 5 % sur le marché à forfait ainsi que la somme de 781 573,15 euros, alors « que dans le cadre d'un marché de construction à forfait, les réclamations portant sur des travaux supplémentaires sont soumises à acceptation écrite ou approbation expresse et non équivoque du maître de l'ouvrage, seules les réclamations autres que celles portant sur des travaux supplémentaires pouvant faire l'objet d'une acceptation tacite par celui-ci lorsqu'elles ne sont pas contestées ; que la cour d'appel a constaté que les travaux dont la société SFTAG sollicitait le paiement consistaient en des "changements apportés au projet, en moins ou en plus dans le volume, la technique, le choix des matériaux ou des prestations", ainsi qu'en "un nombre considérable d'adaptations, de corrections du projet" (ibid.), ce dont il résultait que la société SFTAG justifiait le différentiel de prix entre le forfait initial et le coût final des travaux par la réalisation de travaux supplémentaires, soumis, comme tels, à acceptation expresse du maître de l'ouvrage, laquelle ne pouvait dès lors, résulter de son silence ; qu'en jugeant néanmoins que la société Sovel, par son silence durant 30 jours, "était réputé avoir accepté le solde du prix des travaux fixé par [la société SFTAG]", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait qu'une acceptation par écrit ou une approbation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires était nécessaire, a violé l'article 1793 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1793 du code civil : 5. En application de ce texte, lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un ouvrage, il ne peut réclamer le paiement de travaux supplémentaires que si ces travaux ont été préalablement autorisés par écrit et leur prix préalablement convenu avec le maître de l'ouvrage ou si celui-ci les a acceptés de manière expresse et non équivoque, une fois réalisés. 6. La procédure contractuelle de clôture des comptes mise en place par les parties ne peut prévaloir sur la qualification donnée au contrat. 7. Il en résulte que, dans un marché à forfait, le silence gardé par le maître de l'ouvrage à réception du mémoire définitif de l'entreprise ou le non-respect par celui-ci de la procédure de clôture des comptes ne vaut pas acceptation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires dont celle-ci réclame le paiement. 8. Pour condamner la société Sovel promotion à payer à la SFTAG les sommes qu'elle réclamait, l'arrêt retient que les parties se sont soumises, conformément au marché, à la procédure d'établissement du décompte définitif telle que définie par la norme NF P 03-001 et qu'à défaut de toute réponse du maître de l'ouvrage dans le délai de trente jours dont il disposait pour accepter ou refuser les observations de l'entreprise, celui-ci est réputé avoir accepté le solde du prix des travaux chiffré par cette dernière. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les parties étaient convenues d'un prix forfaitaire et que l'entrepreneur réclamait, au-delà de ce prix, le paiement de travaux supplémentaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il condamne la société Sovel promotion à payer à la Société française des travaux d'aménagement Guyane la somme de 298 573,15 euros au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2018 capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et la somme de 781 573,15 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2014 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 4 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne la Société française des travaux et d'aménagement Guyane aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société française des travaux et d'aménagement Guyane et la condamne à payer à la société Sovel promotion la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois. 3e Civ., 24 mai 1972, pourvoi n° 71-10.959, Bull. 1972, III, n° 323 (rejet) ; 3e Civ., 18 mars 2021, pourvoi n° 20-12.596, Bull., (cassation partielle) (2), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2023 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 395 FS-B Pourvoi n° U 22-13.330 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023 La société Bernard Brignon, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-13.330 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Eiffage génie civil, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Bernard Brignon, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Eiffage génie civil, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2022), la société civile immobilière Carré du roi a confié le lot gros oeuvre d'une opération de construction immobilière à la société Bernard Brignon, laquelle a sous-traité la réalisation des pieux de fondation et d'une paroi micro-berlinoise butonnée à la société RESIREP, aux droits de laquelle vient la société Eiffage génie civil (la société Eiffage). 2. Pendant les opérations d'expertise judiciaire, ordonnées en raison de malfaçons signalées sur les travaux sous-traités, la société Eiffage a procédé à la reprise des pieux défaillants. 3. Elle a ensuite assigné la société Bernard Brignon en annulation du contrat de sous-traitance et en fixation du juste prix de ses prestations. Celle-ci a demandé, à titre reconventionnel, l'indemnisation de ses préjudices résultant des défauts d'exécution des travaux sous-traités. Examen des moyens Sur le premier moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 5. La société Bernard Brignon fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Eiffage la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, alors « que l'annulation d'un contrat de sous-traitance confère au sous-traitant le droit d'obtenir le règlement de travaux réalisés à leur juste coût, ce qui ne peut s'étendre aux travaux de reprise réalisés pour corriger les malfaçons et désordres dont il a été l'auteur ; qu'en allouant à la société Eiffage génie civil la somme de 149 500 euros correspondant aux travaux de reprise qu'elle a été contrainte de réaliser pour corriger les désordres et malfaçons dont elle était responsable, la cour d'appel a violé l'article 1178 ancien du code civil, ensemble les principes régissant les conséquences de l'annulation des actes juridiques. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. La société Eiffage conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que ce moyen est nouveau dès lors que l'appelant se limitait, dans ses conclusions, à évoquer des travaux mal exécutés sans demander, ni justifier d'écarter du montant de l'indemnisation le coût des travaux de reprise des malfaçons. 7. Cependant, le moyen portant sur l'assiette de la créance de restitution était inclus dans le débat devant la cour d'appel. 8. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 9. Il résulte de ces textes que, dans le cas où le sous-traité annulé a été exécuté, la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l'exclusion de ceux qu'il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l'auteur. 10. Pour dire que la valeur réelle de la prestation de la société Eiffage s'élève à la somme de 375 841,30 euros, l'arrêt retient que le sous-traitant est en droit d'obtenir la restitution de toutes les sommes réellement déboursées, comprenant le coût réel des travaux réalisés initialement et celui des travaux réalisés en reprise des malfaçons affectant les premiers. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tenu compte de la valeur des travaux réalisés par le sous-traitant pour reprendre ceux qu'il avait mal exécutés, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 12. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 et ordonnant la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Bernard Brignon aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 15. Le coût réel des travaux réalisés par la société Eiffage en exécution du sous-traité annulé s'élevant à 226 341,30 euros, il convient de condamner la société Bernard Brignon à lui payer cette somme au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation du sous-traité, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 5 novembre 2018. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage génie civil la somme de 375 841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 et ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage génie civil la somme de 226 341,30 euros au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation du sous-traité, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 5 novembre 2018 ; Maintient les dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédures prononcées par les juges du fond ; Condamne la société Eiffage génie civil aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eiffage génie civil et la condamne à payer à la société Bernard Brignon la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois. 3e Civ., 13 septembre 2006, pourvoi n° 05-11.533, Bull. 2006, III, n° 175 (cassation partielle) ; 3e Civ., 18 novembre 2009, pourvoi n° 08-19.355, Bull. 2009, III, n° 252 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 397 FS-B Pourvoi n° Q 22-13.855 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023 La société publique locale La Fabrique de Bordeaux Métropole (la SPL), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-13.855 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant à Mme [C] [M], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société publique locale La Fabrique de Bordeaux Métropole, et l'avis de Mme Vassalo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. L'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 janvier 2022) fixe les indemnités revenant à Mme [M] à la suite de l'expropriation, au profit de la société publique locale La Fabrique de Bordeaux Métropole (la SPL), d'une parcelle lui appartenant. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième à sixième branches 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3. La SPL fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait les indemnités d'expropriation revenant à Mme [M], alors « que la qualification de terrains à bâtir, au sens du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, est réservée aux terrains qui, à la date de référence, sont situés dans un secteur désigné comme constructible au sens des documents d'urbanisme et sont desservis par une voie d'accès et des réseaux suffisants ; qu'en qualifiant de terrain à bâtir la partie du terrain détachée de la construction et en déniant à l'expropriante la possibilité de se prévaloir de l'inconstructibilité du terrain à la date de référence compte tenu du classement de la parcelle en zone rouge inconstructible du plan de prévention des risques d'inondations à cette date, en se fondant sur le porter à connaissance du 20 juillet 2016 selon lequel la parcelle allait passer en zone verte lors de la révision du plan, quand ce porter à connaissance, qui n'alertait pas sur un accroissement du risque, ne pouvait être pris en considération et remettre en cause les dispositions toujours en vigueur du plan de prévention des risques, la cour d'appel a violé l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble les articles L. 562-4 du code de l'environnement et L. 32-2 du code de l'urbanisme. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : 4. Selon ce texte, la qualification de terrains à bâtir est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune. 5. Pour qualifier de terrain à bâtir une bande de terrain détachée de la parcelle expropriée, l'arrêt retient que, si elle est située en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), ce dernier est en cours de révision et les services de l'Etat, par « porter à connaissance » du 20 juillet 2016, classent la parcelle litigieuse en zone verte du PPRI, soit en zone de faible aléa à l'inondation et qu'il convient de tenir compte de cette information antérieure à la date de référence. 6. En statuant ainsi, alors que le projet de révision du plan de prévention des risques naturels porté à la connaissance de la métropole n'avait pas eu pour effet de modifier la teneur du plan de prévention des risques naturels approuvé, classant la parcelle expropriée en zone inconstructible, qui seul était annexé au plan local d'urbanisme, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne Mme [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société publique locale La Fabrique de Bordeaux Métropole ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois. 3e Civ., 11 février 2009, pourvoi n° 07-13.853, Bull. 2009, III, n° 36 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 398 FS-B Pourvoi n° M 22-17.992 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023 Le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 8], dont le siège est [Adresse 7], représenté par son syndic la société Foncia Alpes Dauphiné, dont le siège est [Adresse 2] et pris en son établissement sis [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-17.992 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [P] [U], domiciliée [Adresse 6], 2°/ à M. [E] [U], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 8], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [E] et de Mme [P] [U], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 avril 2022), par acte authentique du 8 juin 1995, Mme [P] [U], MM. [E] et [B] [U] et [R] [M], veuve [U] (les consorts [U]) ont vendu à la société civile immobilière [Adresse 7] (la SCI) deux parcelles de terrain cadastrées DT [Cadastre 4] et [Cadastre 5]. 2. L'acte stipulait une faculté de réméré au profit des vendeurs sur la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4] pendant cinq ans en contrepartie du paiement, à l'acquéreur, de la somme de 40 000 francs payable au terme des cinq ans. 3. La SCI a fait édifier, sur ces deux parcelles, un immeuble dénommé [Adresse 8], soumis au statut de la copropriété. 4. Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 30 mars et 28 avril 2000, les consorts [U] ont informé la SCI et la société Foncia Andrevon, syndic de la copropriété, de leur volonté d'user de la faculté de réméré et de redevenir propriétaires de la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4]. 5. Le 10 juillet 2003, l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] a refusé la cession. 6. Le 18 février 2016, Mme [P] [U] et M. [E] [U], à titre personnel et comme héritiers de [R] [M], veuve [U] et de [B] [U], décédés, (les vendeurs) ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] (le syndicat des copropriétaires) pour faire constater qu'ils avaient régulièrement fait valoir leurs droits sur la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4] et juger qu'ils en étaient les propriétaires. 7. Le syndicat des copropriétaires leur a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des vendeurs, alors « que l'action qui tend à faire juger qu'une partie a valablement exercé une faculté de rachat entraînant la résolution de la vente est de nature personnelle et se prescrit par cinq ans ; qu'en affirmant, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires, que l'action formée par les consorts [U] était imprescriptible, quand cette action, qui tendait à ce qu'il soit jugé "qu'ils avaient valablement exercé leur faculté de rachat et, en conséquence seulement, que leur soit reconnue la qualité de propriétaire, était une action personnelle qui se prescrivait par cinq ans", la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2224 et 1659 du code civil : 10. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 11. Selon le second, le contrat de vente peut être résolu par l'exercice de la faculté de rachat. 12. L'exercice du droit de réméré constitue l'accomplissement, par le vendeur qui en bénéficie, d'une condition résolutoire replaçant les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente sans opérer une nouvelle mutation (3e Civ., 31 janvier 1984, pourvoi n° 82-13.549, Bull. 1984, III, n° 21). 13. Il en résulte que le vendeur ne retrouve la propriété de son bien, qui a été transférée à l'acquéreur par la vente avec faculté de rachat, que par l'effet de l'exercice régulier de son droit personnel de rachat qui entraîne la résolution de la vente. 14. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande des vendeurs tendant à voir constater qu'ils ont régulièrement usé de leur faculté de rachat et qu'en conséquence ils sont propriétaires de la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4], l'arrêt retient que les consorts [U] sont redevenus propriétaires dès la notification de leur choix d'user de leur faculté de rachat et que leur action n'a d'autre objet qu'une revendication immobilière par nature imprescriptible. 15. En statuant ainsi, alors que l'action des vendeurs, en ce qu'elle était fondée sur l'exercice régulier de la faculté contractuelle de rachat prévue à l'acte de vente, était une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne Mme [P] [U] et M. [E] [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 446 FS-B Pourvoi n° D 21-24.720 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023 1°/ M. [R] [S], 2°/ Mme [T] [B], épouse [S], tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° D 21-24.720 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [S], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 septembre 2021), suivant offres des 4 juin et 21 octobre 2004, la société caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe (la banque) a consenti à M. et Mme [S] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers in fine, libellés en francs suisses et remboursables respectivement les 31 juillet 2017 et 31 octobre 2016, aux taux d'intérêt variables indexés sur l'indice Libor trois mois. 2. Le 26 avril 2016, les emprunteurs ont assigné la banque en responsabilité et en constatation du caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt. Examen des moyens Sur le premier moyen, en tant qu'il est dirigé contre le chef du dispositif qui déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il est dirigé contre le chef du dispositif qui déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information Enoncé du moyen 4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action en responsabilité fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information, alors « que le point de départ de l'action en responsabilité exercée contre une banque pour manquement à son devoir d'information court à compter du jour où l'emprunteur a eu connaissance du risque qu'il n'avait pas été mis en mesure d'appréhender lors de la conclusion du contrat ; qu'en retenant, pour juger que la prescription avait commencé à courir au jour de la conclusion des prêts, que les offres de prêt faisaient apparaître de manière nette et sans ambiguïté que le montant emprunté était libellé en francs suisses, monnaie dans laquelle devaient s'effectuer les remboursements et que les emprunteurs n'établissaient pas qu'ils pouvaient, à cette date, légitimement ignorer le risque de préjudice invoqué au titre d'un manquement de la banque à son devoir d'information, cependant que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour où les emprunteurs avaient eu connaissance du risque né de la conclusion de prêts en devises étrangères, dont ils n'avaient pas été informés, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce : 5. Il résulte de ces textes que l'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information portant sur le fonctionnement concret de clauses d'un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement. 6. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information, l'arrêt retient que ceux-ci n'établissent pas qu'ils ont pu légitimement ignorer les risques de leur préjudice au moment de la souscription des contrats, de sorte que le point de départ du délai quinquennal de la prescription doit être fixé à la date de conclusion des contrats, et qu'en tout état de cause les conséquences de la dégradation de la parité entre le franc suisse et l'euro se sont nécessairement manifestées dès l'année 2009, une dégradation significative de cette parité étant constatée à partir de janvier 2011. 7. En statuant ainsi, alors que les emprunteurs n'avaient pu connaître l'existence du dommage résultant d'un tel manquement à la date de la conclusion des prêts, la cour d'appel, à qui il incombait de caractériser la date de leur connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières, a violé les textes susvisés. Et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir réputer non écrites les clauses 5.3 et 10.5 incluses dans les offres de prêt émises le 4 juin 2004 et le 21 octobre 2004 et de rejeter en conséquence leur demande tendant à voir juger que l'ensemble des paiements intervenus depuis l'origine des remboursements était réputé être intervenu en euros et à ce qu'il soit ordonné à la banque de recalculer les paiements sur ces bases et de leur verser le surcoût engendré par l'effet de change Euro/CHF lors des versements qu'ils ont effectués en euros pour honorer les échéances d'intérêts libellées en CHF, ainsi que leur demande tendant à cantonner à 218 942 euros le montant du capital du prêt in fine à restituer au titre de l'offre du prêt n° 203361-001-50 au 31 juillet 2017, en substitution du montant de 353 000 CHF prévu par le contrat litigieux, et à 147 444 euros au titre du prêt n° 203361-002-51 au 31 octobre 2016, en substitution du montant de 237 725 CHF prévu par le contrat litigieux, alors : « 1°/ que l'exigence selon laquelle les clauses définissant l'objet principal du contrat doivent être rédigées de façon claire et compréhensible implique que les clauses indexant le remboursement d'un prêt sur le cours d'une devise étrangère soient comprises par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à leur portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à juger, pour écarter l'application de la réglementation des clauses abusives, que les clauses des conditions particulières des prêts prévoyant le remboursement en devises étrangères, qui relevaient de l'objet principal des prêts, étaient rédigées en des termes clairs et compréhensibles, dénués d'ambiguïté ou de contradiction, en ce qu'elles décrivaient le mécanisme à mettre en place pour procéder au paiement des échéances en francs suisses, ce qui avait dû nécessairement interpeller les emprunteur qui ne disposaient pas de ressources d'origine suisse, cependant que la seule indication dans les offres de prêt, d'une part, d'un prélèvement des échéances du prêt sur un compte en devises étrangères (art. 4.3) et, d'autre part, de la circonstance, sans mention du terme de risque, que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourraient intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt (art. 10.5), ne pouvait permettre aux consommateurs de connaître les risques réels encourus, pendant toute la durée du contrat, en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où ils étaient domiciliés et d'une hausse du taux d'intérêt étranger et d'ainsi comprendre qu'ils s'exposaient à un risque de change qui pourrait être économiquement difficile à assumer, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; 2°/ que l'exigence selon laquelle les clauses définissant l'objet principal du contrat doivent être rédigées de façon claire et compréhensible oblige les établissements financiers consentant des prêts libellés en devise étrangère à informer concrètement l'emprunteur des risques réels qu'il encourt en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où il est domicilié ; qu'en se bornant à juger que les attestations par lesquelles les emprunteurs exposaient avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse suffisaient à démontrer que les emprunteurs avaient pu prendre la mesure de leurs engagements, cependant que telles attestations, dont elle relevait elle-même qu'elles avaient été signées le jour même ou le lendemain de l'émission des offres de prêt et qui ne précisaient pas le contenu de l'information transmise, ne permettaient pas de retenir que les consommateurs avaient été informés des risques réels encourus, pendant toute la durée du contrat, en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où ceux-ci sont domiciliés et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 132-1 du code la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 9. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 10. Par arrêt du 10 juin 2021 (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, § 2, de la directive 93/13/CE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu'il s'agit d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. 11. Pour rejeter la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses 5.3 et 10.5 des contrats relatives aux modalités de remboursement des prêts et aux possibilités de conversion en euro des prêts souscrits en franc suisse, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la description du mécanisme permettant le paiement des échéances a nécessairement dû alerter les emprunteurs qui ne disposaient pas de ressources en franc suisse, que le recours à la devise suisse n'emportait aucune incidence sur la durée du prêt sauf en cas de remboursement anticipé et que la banque produit pour chaque prêt une attestation annexée à l'offre, signée des emprunteurs, par laquelle ils déclarent expressément avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse. 12. En statuant ainsi, sans constater que le professionnel avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée des contrats, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ceux-ci percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité formée par M. et Mme [S] au titre d'un manquement de la société caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe à son devoir d'information et qu'il rejette la demande tendant à réputer non écrites les clauses 5.3 et 10.5 des offres de prêt émises les 4 juin et 21 octobre 2004, rejette en conséquence leur demande tendant à voir juger que l'ensemble des paiements intervenus depuis l'origine des remboursements est réputé être intervenu en euros et à ce qu'il soit ordonné à la banque de recalculer les paiements sur ces bases et de leur verser le surcoût engendré par l'effet de change Euro/CHF lors des versements qu'ils ont effectués en euros pour honorer les échéances d'intérêts libellées en CHF, ainsi que leur demande tendant à cantonner le montant du capital du prêt in fine à restituer au titre de l'offre du prêt n° 203361-001-50 au 31 juillet 2017 à 218 942 euros, en substitution du montant de 353 000 CHF prévu par le contrat litigieux et au titre du prêt n° 203361-002-51 au 31 octobre 2016 à 147 444 euros, en substitution du montant de 237 725 CHF prévu par le contrat litigieux, condamne M. et Mme [S] aux dépens, rejette leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamne in solidum à payer à la société Crédit mutuel Mulhouse Europe la somme de 2 500 euros, l'arrêt rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Crédit mutuel Mulhouse Europe aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société caisse Crédit mutuel Mulhouse Europe et la condamne à payer à M. et Mme [S] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois. 1re Civ. 28 juin 2023, pourvoi n° 22-13.969, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 447 FS-B Pourvoi n° U 21-24.067 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023 M. [K] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-24.067 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant à l'Institut national des formations notariales (INFN), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [B], de la SARL Cabinet Briard, avocat de l'Institut national des formations notariales, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2021), M. [B] a accompli un stage de formation professionnelle en vue d'obtenir le diplôme de notaire, puis a établi et soutenu son rapport de stage. 2. Après avoir sollicité auprès de l'Institut national des formations notariales (INFN) la délivrance d'un certificat de fin de stage, il a saisi une cour d'appel aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet, d'injonction à l'INFN de lui délivrer ce certificat et, à tout le moins, de prolonger son stage. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa quatrième branche 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable. Sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 4. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que la délivrance du certificat de fin de stage de l'impétrant notaire est seulement subordonnée à la réalisation effective d'un stage d'une durée de trente mois, à la rédaction d'un rapport de stage et à sa soutenance, à l'exclusion de toute autre condition ; que la cour d'appel a débouté cependant M. [B], élève notaire dont il n'était pas discuté qu'il avait réalisé un stage professionnel d'une durée de trente mois et avait rédigé et soutenu un rapport de stage, de sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de fin de stage, aux motifs qu'il avait obtenu la note de 8/20 lors de la soutenance de son rapport de stage, ce qui ne traduisait pas "de manière chiffrée que ses capacités professionnelles ont acquis un niveau suffisant" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc subordonné la délivrance du certificat de fin de stage à des conditions de note minimale que ne prévoyaient pas les articles 36 et 40 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, ensemble l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013, violant ainsi ces dispositions ; 2°/ que, pour écarter son raisonnement faisant valoir qu'aucune note minimale n'était requise pour obtenir le certificat de fin de stage, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que "le raisonnement de M. [B] sur l'indifférence de la note attribuée reviendrait à délivrer un certificat même à l'étudiant ayant obtenu la note de zéro à la soutenance de son rapport de stage, ce qui serait absurde" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était pourtant demandé, si l'absence de nécessité d'une note minimale pour la soutenance du rapport de stage résultait de la comparaison des dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013, ne précisant pas qu'une note minimale était nécessaire pour la délivrance du certificat de fin de stage, avec celles de l'article 7 du même arrêté, imposant quant à lui expressément une note minimale pour la validation des modules théoriques dispensés par l'INFN, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 36 et 40 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, ensemble l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013 ; 3°/ que, pour rejeter sa demande tendant à l'obtention du certificat de fin de stage, la cour d'appel s'est également fondée sur la circonstance que "M. [B] ne relève aucune irrégularité procédurale et n'invoque ni a fortiori ne justifie d'aucune erreur manifeste d'appréciation du jury" ayant décidé de sa note, ce dont elle a déduit qu'il était "mal fondé à solliciter l'annulation de la décision implicite de refus de délivrance du certificat de stage et sa demande sera rejetée de ce chef" ; qu'en se fondant ainsi sur des considérations inopérantes relatives à l'absence de contestation, par M. [B], des notes obtenues lors de ses soutenances de rapport de stage, tandis que, précisément, M. [B] faisait valoir que l'obtention d'une note minimale lors la soutenance n'était pas nécessaire pour obtenir le certificat de fin de stage, ce qui privait de tout intérêt une action en contestation de ces notes, la cour d'appel a violé les articles 36 et 40 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, ensemble l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 36 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1298 du 7 octobre 2022, pour l'obtention du diplôme de notaire, les travaux de pratique professionnelle du notaire stagiaire sont complétés par la rédaction d'un rapport de stage soutenu devant un jury qui, aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 8 août 2013, lui attribue une note de 0 à 20. 6. Selon l'article 40 du même décret, le certificat de fin de stage peut être refusé par le conseil d'administration du centre de formation au notaire stagiaire qui n'a pas satisfait à ses obligations. 7. Si la délivrance de ce certificat n'est pas subordonnée à l'attribution par le jury d'une note de soutenance minimale, en revanche, un refus peut être justifié par la note et l'avis circonstancié donnés par le jury. 8. La cour d'appel a retenu à bon droit qu'il ne suffisait pas, pour satisfaire aux obligations prévues à l'article 36 du décret précité, que le notaire stagiaire ait effectué un stage professionnel, rédigé un rapport de stage et soutenu ce rapport devant un jury, mais qu'il fallait encore que cette soutenance démontrât l'aptitude professionnelle de l'intéressé. 9. Elle a relevé que le troisième jury avait attribué à M. [B] une note de 8/20 en indiquant que le rapport était purement descriptif, qu'il manquait d'analyse de fond, que son plan était trop peu développé et ses annexes pour partie inexploitables et pour partie inutiles, que les qualités de la présentation orale ne suffisaient pas à pallier les carences trop importantes de forme et de fond du rapport de stage, qui dénotaient, outre un manque de prise en considération des conseils dispensés lors des deux premières soutenances, un manque d'investissement, de travail et de sérieux dans l'élaboration d'un rapport de fin d'études, enfin, que la note attribuée ne permettait pas l'obtention du diplôme de notaire. 10. Elle a pu en déduire, abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif à l'obtention d'une note au moins égale à 10 sur une échelle de 20, que l'insuffisance du niveau de M. [B], lequel n'avait invoqué aucune irrégularité procédurale ou erreur manifeste d'appréciation du jury, justifiait le refus de délivrance du certificat de fin de stage par le conseil d'administration de l'INFN. 11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à l'Institut national des formations notariales la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 445 FS-B Pourvoi n° H 21-21.181 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023 Mme [L] [W], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° H 21-21.181 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2020 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, société coopérative de banque à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Winner-Winner, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par son liquidateur judiciaire la société [B], prise en la personne de M. [T] [B], 3°/ à la société LGA, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Pimouguet, Leuret, Devos, Bot, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société [Adresse 7], 4°/ à la société Edouard Montagut et Romain Moles, notaires, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 8], 5°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Edouard Montagut et Romain Moles notaires et de la société MMA IARD, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2020), le 17 octobre 2009, Mme [W] (l'acquéreur) a conclu avec la société [Adresse 7] (le vendeur) un contrat de réservation en vue de l'acquisition d'une « habitation légère de loisirs » au sein d'un ensemble immobilier. 2. Le contrat prévoyait un engagement de location du bien à usage de résidence de tourisme par l'acheteuse au profit d'une société exploitante, selon un projet de bail commercial joint en annexe. 3. Il a été conclu par l'intermédiaire de la société Winner-Winner, agent immobilier mandaté par le vendeur (l'agent immobilier). 4. L'acquisition a été financée au moyen d'un crédit souscrit par l'acquéreur auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes (le prêteur), suivant offre acceptée le 12 décembre 2009. 5. Le 21 décembre 2009, M. [I], notaire associé au sein de la SCP de notaires [C] [I] - François Chayla, devenue Edouard Montagut et Romain Moles (la SCP notariale), a reçu l'acte de vente de cet immeuble. 6. La société locataire a cessé de payer les loyers et a fait l'objet d'un redressement judiciaire. Le 4 mars 2013, son administrateur judiciaire a informé l'acquéreur de son intention de ne pas poursuivre le bail conclu avec elle. 7. L'acquéreur a assigné le vendeur, l'agent immobilier et son assureur, la société Allianz IARD, le prêteur, la SCP notariale et son assureur, la société MMA IARD, en nullité de la vente pour vices du consentement et, consécutivement, du prêt immobilier, ainsi qu'en responsabilité et indemnisation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la SCP notariale, alors : « 1°/ que le notaire tenu d'une obligation de conseil est tenu d'éclairer les parties et d'attirer leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et risques des actes qu'il reçoit ; qu'en l'espèce, il appartenait au notaire qui a reçu l'acte authentique de vente d'un lot d'une résidence de tourisme dont l'acquisition était réalisée dans le cadre d'une opération de défiscalisation, d'attirer l'attention de l'acquéreur sur les risques de cette opération et notamment sur la possibilité d'une défaillance de l'exploitant ; qu'en se fondant pour écarter la responsabilité du notaire qui n'a pas exécuté son obligation de conseil, sur la circonstance inopérante qu'il ne serait pas intervenu au stade de la négociation, dans l'élaboration de la plaquette d'information dans le cadre de la commercialisation du projet, et n'aurait pas établi le contrat de réservation et le bail commercial, et sans constater que le notaire dont elle a relevé qu'il était le notaire choisi par le vendeur promoteur pour recevoir tous les actes authentiques de vente de tous les lots de l'ensemble immobilier litigieux et qui avait établi le règlement de copropriété du « parc résidentiel de tourisme » des [Adresse 6], ignorait cependant que l'acquisition de l'acheteuse relevait d'une opération de défiscalisation, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ en toute hypothèse, qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de l'acheteuse qui faisait valoir que le notaire qui était intervenu de façon habituelle pour toutes les opérations de défiscalisation proposées par le vendeur et l'agent immobilier, aux autres investisseurs, qui avait été chargé de la vente des 83 chalets de la résidence ainsi que de l'établissement du règlement de copropriété de la résidence de tourisme, lequel règlement mentionne l'existence d'un bail commercial concédé à une société de gestion et qui a eu communication du contrat de réservation qui mentionne un engagement de location et précise que le bien est situé dans une résidence de tourisme classée, avait dès lors connaissance du but recherché par la vente du lot n° 67 de la résidence, à savoir la réalisation d'une opération de défiscalisation et devait attirer son attention sur les risques de l'opération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 9. La SCP notariale conteste la recevabilité du moyen, en sa première branche, en raison de sa nouveauté, l'acquéreur n'ayant pas reproché au notaire de ne pas l'avoir mis en garde contre le risque de défaillance de l'exploitant. 10. Cependant, l'acquéreur a soutenu devant la cour d'appel que le notaire avait commis un manquement à son devoir de conseil quant aux risques de l'opération et aux risques propres au bail commercial. 11. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable. Bien-fondé du moyen 12. La cour d'appel a relevé d'abord qu'il n'était justifié d'aucune circonstance qui aurait dû alerter le notaire sur une anomalie ou un déséquilibre contractuel lié à l'acte authentique à établir, de nature à l'amener à surseoir à ses opérations, à solliciter des précisions ou à réaliser des investigations complémentaires. 13. Elle a retenu ensuite que le notaire n'était pas intervenu au stade de la négociation au cours de laquelle la plaquette de présentation comprenant la formule « loyers garantis par le bail commercial de 9 ans fermes » avait été remise à l'acquéreur, que le contrat de réservation auquel était joint le projet de bail commercial n'avait pas été établi par le notaire mais par signatures privées et n'était pas annexé à l'acte authentique, et que le bail commercial avait été signé hors la présence du notaire le lendemain de l'acte authentique de vente qui ne faisait référence à aucun bail. 14. Elle a encore retenu que l'acte authentique d'acquisition précisait uniquement que, conformément à la législation applicable aux parcs résidentiels de loisirs, l'entretien, la gestion des parties communes, la surveillance et le gardiennage du parc étaient assurés par une société d'exploitation, laquelle facturait ses prestations à chaque copropriétaire, et que le fait que le notaire ait été chargé de la réalisation de tous les actes authentiques ainsi que de l'élaboration du règlement de copropriété ne permettait nullement d'établir son intervention dans l'élaboration de la plaquette de présentation du projet lors de la commercialisation menée par le vendeur par l'intermédiaire de l'agent immobilier et du contrat de réservation. 15. Ayant ainsi fait ressortir que le notaire n'avait pas eu connaissance du projet de défiscalisation de l'acquéreur, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu en déduire qu'il ne pouvait être reproché à celui-ci de ne pas avoir informé l'acquéreur sur les risques inhérents à un bail commercial auquel il était étranger ou sur l'absence de sécurité du placement et qu'il n'avait ainsi pas commis de faute. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 17. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner l'agent immobilier à réparer le préjudice résultant du défaut de restitution du prix de vente en raison de l'insolvabilité du vendeur en liquidation judiciaire et en conséquence de limiter la condamnation prononcée contre lui au paiement de la somme de 3 678 euros au titre des frais de l'acte de vente et de celle de 69 629,33 euros outre intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2015, alors « que en énonçant que la perte du bien immobilier découle du seul choix procédural de l'acheteuse de maintenir sa demande de nullité de la vente nonobstant l'état de liquidation judiciaire de son vendeur insolvable, et serait étrangère à la faute imputable à l'agent immobilier, après avoir constaté que l'acheteuse avait été victime d'un dol, que l'exploitation du village [Adresse 6] était déjà déficitaire à la date de la signature du contrat de réservation, que l'agent immobilier ne l'avait pas informée des aléas financiers de l'opération et que si l'acheteuse avait été informée de ces aléas, elle ne se serait pas engagée dans cette opération, ce dont il résulte que la faute de l'agent immobilier constituait la cause directe du préjudice résultant pour l'acheteuse de l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix de la vente en raison de l'insolvabilité du vendeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil qu'elle a violés. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 18. Il résulte de ce texte que, si la restitution du prix par suite de l'annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, l'agent immobilier dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l'anéantissement de l'acte peut être condamné à en garantir le paiement en cas d'insolvabilité démontrée du vendeur. 19. Pour rejeter la demande de l'acquéreur formée contre l'agent immobilier et tendant à la réparation du préjudice lié à l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix de vente du fait de l'insolvabilité du vendeur, l'arrêt retient que la perte du bien immobilier découle du seul choix procédural de l'acquéreur de maintenir sa demande de nullité de la vente nonobstant l'état de liquidation judiciaire de son vendeur et est étrangère à la faute imputable à l'agent immobilier. 20. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'agent immobilier avait commis une faute sans laquelle l'acquéreur ne se serait pas engagé et que le vendeur était placé en liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 21. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre de la perte du placement financier annulé et en conséquence de limiter à 131 560 euros et 3 678 euros, les sommes fixées au passif du vendeur et de limiter la condamnation prononcée à l'encontre de l'agent immobilier au paiement de la somme de 3 678 euros au titre des frais de l'acte de vente, et de celle 69 629,33 euros, alors « que le dommage causé doit être réparé intégralement sans perte ni profit ; que Mme [W] dont la cour d'appel constate qu'elle a été victime d'un dol commis par les sociétés Winner-Winner et [Adresse 7], responsables de la nullité de la vente du bien qu'elle destinait à la location dans le cadre d'une opération de défiscalisation, était fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la perte des loyers attendus, laquelle constituait une conséquence directe du dol ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 22. Il résulte de ce texte que le vendeur dont le dol est à l'origine de l'annulation de la vente et l'agent immobilier dont la faute a concouru à la nullité de la vente sont tenus de réparer toutes les conséquences dommageables qui en résultent pour l'acquéreur. 23. Pour rejeter la demande de l'acquéreur tendant à l'indemnisation de la perte des loyers escomptés, l'arrêt retient que, à la suite de l'annulation à effet rétroactif de la vente, l'acquéreur ne peut prétendre avoir subi un préjudice imputable à son vendeur au titre de loyers impayés, l'immeuble acquis étant censé n'être jamais entré dans son patrimoine, et que, à défaut de s'être engagé, il n'aurait pu prétendre à des loyers en exécution d'un bail qu'il n'aurait pas souscrit, de sorte que les indemnisations qu'il réclame au titre des loyers impayés ne constituent pas un préjudice en lien de causalité avec les manquements reprochés à l'agent immobilier. 24. En statuant ainsi, alors que la faute de l'agent immobilier avait contribué à l'annulation de l'acte qu'elle avait prononcée pour dol, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Mise hors de cause 25. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la Caisse d'Epargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, la SCP Edouard Montagut et Romain Moles et la société MMA IARD, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [W] tendant à voir condamner la société Winner-Winner à réparer le préjudice résultant du défaut de restitution du prix de vente et sa demande d'indemnisation contre la société [Adresse 7] et la société Winner-Winner au titre de la perte du placement financier annulé, l'arrêt rendu le 30 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Met hors de cause la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, la SCP Edouard Montagut et Romain Moles et la société MMA IARD ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Winner-Winner, représentée par son liquidateur judiciaire la Selarl [B] prise en la personne de M. [T] [B], et la société LGA, en qualité de mandataire liquidateur de la société [Adresse 7], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 448 FS-B Pourvoi n° P 22-13.969 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023 La société Masill, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-13.969 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la caisse de Crédit mutuel de la région d'Illfurth, association coopérative, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La caisse de Crédit mutuel de la région d'Illfurth a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. La demanderesse au pourvi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de la société Masill, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la caisse de Crédit mutuel de la région d'Illfurth, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 25 janvier 2022), par actes des 27 octobre 2005 et 2 juin 2006, la société caisse de Crédit mutuel de la région d'Illfurth (la banque) a consenti à la société civile immobilière Masill (la SCI) deux prêts immobiliers respectivement remboursables en cent-quatre-vingt et deux-cent-quarante échéances mensuelles et libellés en francs suisses. 2. Le 17 janvier 2019, la SCI a assigné la banque en nullité des clauses d'indexation des contrats de prêt, en constatation du caractère abusif de certaines clauses, en responsabilité et en indemnisation. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à dire abusives et réputées non écrites les clauses d'indexation, alors : « 1°/ qu'une clause définissant la prestation essentielle du contrat peut être regardée comme abusive lorsqu'elle n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible ; que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose non seulement que celle-ci doit pouvoir être comprise par le consommateur ou le non-professionnel sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur ou non-professionnel moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se contentant de relever, pour juger que les clauses litigieuses étaient claires et compréhensibles, leur intelligibilité sur un plan grammatical et le fait qu'elles exposaient de manière transparente le risque de variation du taux de change, sans rechercher si elles exposaient de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de devise étrangère, ainsi que les conséquences économiques, potentiellement importantes, qu'une variation du taux de change pouvait avoir, de sorte que l'emprunteur était mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les risques que lui faisaient courir les clauses litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°/ qu'en jugeant qu'"on peut attendre d'une SCI qui contracte deux emprunts en vue de placer de l'argent en défiscalisation qu'elle lise complètement les contrats rédigés en termes clairs et qu'elle accepte le risque d'une variation du taux de change avec les conséquences économiques qui peuvent en découler", la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 4. En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 5. Une société civile immobilière agit en qualité de professionnel lorsqu'elle souscrit des prêts immobiliers pour financer l'acquisition d'immeubles conformément à son objet. 6. La cour d'appel a constaté que la SCI avait souscrit deux prêts immobiliers afin d'acquérir des immeubles à des fins d'investissement locatif. 7. Il en résulte qu'étant réputée agir conformément à son objet, la SCI a agi à des fins professionnelles et ne pouvait donc invoquer à son bénéfice le caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt. 8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. Mais sur le second moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 9. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, sa demande tendant à voir reconnue la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde, alors « que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparaît la simple éventualité de cette réalisation ; que le dommage résultant d'un manquement d'une banque à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde sur le risque que faisait courir, en matière d'emprunt dans une devise étrangère, la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, ainsi que sur les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle variation sur les obligations financières de l'emprunteur, consiste en une perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé ; que dès lors, le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à compter de la manifestation du dommage, c'est-à-dire lorsque du fait du renforcement du taux de change, l'augmentation des mensualités payées en euros alourdissant considérablement le coût du crédit, l'emprunteur a eu connaissance des conséquences préjudiciables et du coût excessif, pour lui, du prêt en devises ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité courrait à compter de la signature des contrats de prêt, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce : 10. Il résulte de ces textes que l'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information portant sur le fonctionnement concret de clauses d'un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement. 11. Pour déclarer l'action prescrite, l'arrêt retient que le dommage, qui ne peut consister qu'en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste nécessairement dès l'octroi des crédits et que l'action a été introduite par la SCI après le 19 juin 2013, date d'expiration du délai pour agir conformément aux dispositions transitoires de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. 12. En statuant ainsi, alors que la SCI, qui invoquait une augmentation de ses échéances à compter de février 2015, n'avait pu connaître l'existence du dommage résultant d'un tel manquement à la date de la conclusion des prêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables la demande formée par la SCI Masill en nullité des clauses d'indexation et des contrats de prêt et en ce qu'il déclare recevable la SCI Masill en sa demande tendant à dire abusives et non écrites les clauses d'indexation des contrats de prêts mais l'en déboute, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société caisse de Crédit mutuel de la région d'Illfurth aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société caisse de Crédit mutuel de la région d'Illfurth et la condamne à payer à la SCI Masill la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois. 1re Civ., 28 juin 2023, pourvoi n° 21-24.720, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 444 FS-B Pourvoi n° G 22-10.560 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023 1°/ M. [T] [H], 2°/ Mme [G] [C], épouse [H], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° G 22-10.560 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Financo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société [L] Ponroy, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rev'Solaire, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. et Mme [H], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Financo, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2021), par acte du 11 mars 2013 conclu à la suite d'un démarchage à domicile, M. et Mme [H] (les acquéreurs) ont acquis de la société Rev'Solaire (le vendeur) une installation de panneaux photovoltaïques et un ballon d'eau chaude financés par un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la société Financo (la banque). 2. Le vendeur a été placé en liquidation judiciaire et M. [L] a été désigné en qualité de liquidateur. 3. Invoquant le défaut de remboursement des échéances du crédit, la banque a assigné en paiement les acquéreurs, qui ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur, en nullité des contrats et en indemnisation. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, alors « que les ventes conclues au cours d'un démarchage à domicile doivent faire l'objet d'un contrat remis au client au moment de la conclusion de la vente, lequel doit mentionner, à peine de nullité, le prix global à payer et les modalités de paiement ; qu'en cas de vente à crédit, le contrat doit en outre préciser, notamment, le montant du crédit et éventuellement de ses fractions périodiquement disponibles, le coût total ventilé du crédit et s'il y a lieu, son taux effectif global ; que la cour d'appel a expressément constaté que les mentions relatives aux modalités de paiement du contrat de vente n° 57201 du 11 mars 2013 signé par les époux [H] étaient "incomplètes", en ce qu'elles ne précisaient que le taux d'intérêt nominal, le taux effectif global et le nombre de mensualités du crédit affecté, sans renseigner sur le montant des mensualités, ni le montant du crédit et coût total ventilé ; qu'en refusant néanmoins de prononcer la nullité de ce contrat, au motif inopérant que M. et Mme [H] avaient signé le même jour l'offre de crédit proposée par la société Financo, laquelle contenait quant à elle toutes les indications requises et notamment le montant emprunté, celui des mensualités et le coût total du crédit, la cour d'appel a violé l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, ensemble l'article R. 311-5 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-136 du 1er février 2011. » Réponse de la Cour 6. Ayant constaté que les acquéreurs avaient accepté, au moment de la conclusion du contrat de vente, une offre de crédit qui, annexée au contrat, comportait toutes les mentions obligatoires prévues par la loi, s'agissant des modalités de paiement de l'installation, notamment le montant du capital emprunté et des mensualités, ainsi que le coût total du crédit, la cour d'appel en a exactement déduit que le vendeur avait satisfait à son obligation légale d'information, de sorte que la nullité du contrat de vente n'avait pas lieu d'être prononcée. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 8. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de dire que la somme de 25 800 euros qu'ils ont été condamnés à payer à la banque devait être augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2016, alors « que la sanction attachée au manquement de l'établissement de crédit à ses obligations précontractuelles doit revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif ; que lorsqu'il prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels de l'établissement de crédit, le juge doit, même d'office, écarter l'application du taux d'intérêt légal majoré quand son application tend à faire peser sur le débiteur une charge similaire ou supérieure à celle du taux contractuel écarté à titre de sanction ; qu'après avoir dit que la société Financo était déchue de son droit de percevoir les intérêts au taux contractuel, faute de justifier de la remise par les emprunteurs de la fiche d'informations précontractuelle prévue par l'article L. 311-6 du code de la consommation, la cour d'appel a condamné M. et Mme [H] à lui payer la somme de 25 800 euros augmentée des intérêts au taux légal ; qu'en ne s'assurant pas que l'application du taux d'intérêt légal, une fois majoré, ne conduisait pas à faire peser sur les emprunteurs une charge égale ou supérieure au taux contractuel écarté à titre de sanction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-6 et L. 311-48 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-6 et L. 311-48 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : 9. Selon le premier de ces textes, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement. 10. En application du deuxième, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 311-6 est déchu du droit aux intérêts. 11. Le troisième prévoit que, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. 12. Le dernier dispose : « En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant. » 13. Les articles L. 311-6 et L. 311-48 du code de la consommation précités transposent, en droit français, les articles 5 et 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs. 14. L'article 23 de cette directive prévoit que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. 15. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que ce texte devait être interprété en ce sens que l'examen du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions prévues à cette disposition, en cas, notamment, de non-respect de l'obligation d'examiner la solvabilité du consommateur prévue à l'article 8 de cette directive, devait être effectué en tenant compte, conformément à l'article 288, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), non seulement de la disposition adoptée spécifiquement, dans le droit national, pour transposer ladite directive, mais également de l'ensemble des dispositions de ce droit, en les interprétant, dans toute la mesure possible, à la lumière du libellé et des objectifs de la même directive, de manière à ce que lesdites sanctions satisfassent aux exigences fixées à l'article 23 de celle-ci (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, C-303/20). 16. Saisie plus particulièrement de la question de savoir si l'exigence de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives prévue par l'article 23 de la directive 2008/48/CE, en cas de manquements des prêteurs aux obligations énoncées par celle-ci, s'opposait à l'existence de règles permettant au prêteur, sanctionné de la déchéance de son droit aux intérêts tel que le prévoit la législation française, de bénéficier, après le prononcé de la sanction, d'intérêts exigibles de plein droit à un taux légal, majoré de cinq points deux mois après une décision de justice exécutoire, sur les sommes restant dues par le consommateur, la CJUE a dit pour droit que l'article 23 de la directive 2008/48 devait être interprété en ce sens qu'il s'opposait à l'application d'un régime national de sanctions en vertu duquel, en cas de violation par le prêteur de son obligation précontractuelle d'évaluer la solvabilité de l'emprunteur en consultant une base de données appropriée, le prêteur était déchu de son droit aux intérêts conventionnels, mais bénéficiait de plein droit des intérêts au taux légal, exigibles à compter du prononcé d'une décision de justice condamnant cet emprunteur au versement des sommes restant dues, lesquels étaient en outre majorés de cinq points si, à l'expiration d'un délai de deux mois qui suivait ce prononcé, celui-ci ne s'était pas acquitté de sa dette, lorsque la juridiction de renvoi constatait que, dans un cas tel que celui de l'affaire au principal, impliquant l'exigibilité immédiate du capital du prêt restant dû en raison de la défaillance de l'emprunteur, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l'application de la sanction de la déchéance des intérêts n'étaient pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s'il avait respecté son obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur (CJUE, arrêt du 27 mars 2014, C-565/12). 17. La Cour de cassation juge que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne dispense pas l'emprunteur du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure (1re Civ., 26 novembre 2002, pourvoi n° 00-17.119, Bull. 2002, I, n° 288 ; 1re Civ., 18 mars 2003, pourvoi n° 00-17.761, Bull. 2003, I, n° 84). 18. Dès lors, afin de garantir l'effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48/CE, il incombe au juge de réduire d'office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d'information, le taux résultant de l'application des deux derniers textes précités, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel. 19. Après avoir constaté que la banque avait méconnu l'obligation d'information prévue à l'article L. 311-6 du code de la consommation, la cour d'appel a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et condamné les acquéreurs à lui payer le montant du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. 20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 21. La cassation du chef de dispositif qui condamne solidairement M. et Mme [H] à payer à la société Financo les intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2016 sur la somme de 25 800 euros n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant M. et Mme [H] aux dépens et rejetant les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [H] à payer à la société Financo les intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2016 sur la somme de 25 800 euros, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Financo aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Financo et la condamne à payer à M. et Mme [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois. 1re Civ., 18 mars 2003, pourvoi n° 00-17.761, Bull. 2003, I, n° 84 (cassation partielle) ; 1re Civ., 3 mai 2007, pourvoi n° 05-21.458, Bull. 2007, I, n° 169 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 juin 2023 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 443 FS-B Pourvoi n° U 21-19.766 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023 M. [P] [X], domicilié [Adresse 1] (États-Unis), agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'administrateur de la succession d'[D] [X] et au nom des héritiers d'[D] [X], a formé le pourvoi n° U 21-19.766 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant à la République islamique d'Iran, représentée par son ministre des affaires étrangères, dont le siège est ministère des affaires étrangères, [Adresse 2], [Localité 3] (République islamique d'Iran), défenderesse à la cassation. La République islamique d'Iran a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Spinosi, avocat de M. [X] et de la SCP Foussard et Froger, avocat de la République islamique d'Iran, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), par jugement du 11 mars 1998, la cour fédérale des Etats-Unis pour le district de Columbia a condamné la République islamique d'Iran, le ministère iranien de l'information et de la sécurité, l'ayatollah [C] [S], M. [T] [U] et M. [Y] à payer à M. [P] [X], agissant à titre personnel et pour le compte de la succession, diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant du décès, en Israël, de sa fille [D] à la suite d'un attentat commis au moyen d'un véhicule chargé d'explosifs et revendiqué par une faction palestinienne du jihad islamique. 2. M. [X] a assigné la République islamique d'Iran aux fins d'obtenir l'exequatur de cette décision en France. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. M. [X] fait grief à l'arrêt de dire la République islamique d'Iran recevable et bien fondée à se prévaloir de l'immunité de juridiction à son profit et, en conséquence, de déclarer irrecevable sa demande d'exequatur, alors : « 1°/ que, de première part, le juge de l'exequatur, qui se borne à introduire dans l'ordre juridique français une décision étrangère, ne peut procéder à la révision au fond d'une décision étrangère ; que sauf à méconnaître l'étendue de son pouvoir, ce juge doit ainsi s'en tenir à vérifier la compétence de la juridiction à l'origine de la décision, la conformité de cette décision à l'ordre public international et l'absence de fraude à la loi, et ne peut outrepasser cet office pour apprécier à nouveaux frais la recevabilité ou le bien-fondé de l'action du demandeur ayant été accueillie par le juge étranger ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger la République islamique d'Iran recevable et bien fondée à se prévaloir de l'immunité de juridiction à son profit, que "la circonstance que le juge américain a lui-même écarté cette immunité de juridiction de l'Iran, en vertu de sa propre loi, dans la décision dont l'exequatur est sollicité, ne saurait empêcher le juge français d'exercer son pouvoir juridictionnel afin d'apprécier si la République islamique d'Iran est recevable et bien fondée à invoquer cette immunité devant lui", la cour d'appel, qui a apprécié à nouveaux frais la recevabilité et le bien-fondé de cette immunité dont le jugement dont l'exequatur était requis avait précisément retenu qu'elle ne pouvait être opposée au demandeur, a méconnu le principe de prohibition de la révision au fond des décisions étrangères et, partant, a outrepassé son pouvoir juridictionnel et violé l'article 509 du code de procédure civile ; 2°/ que, de deuxième part, et en tout état de cause, les États étrangers ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'État ; que la participation d'un État à la préparation et à la mise en oeuvre d'actes de terrorisme ne saurait être qualifiée d'acte de souveraineté ; qu'en l'espèce, en jugeant la République islamique d'Iran recevable et bien fondée à se prévaloir de l'immunité de juridiction à son profit lorsqu'elle avait préalablement constaté que le jugement dont l'exequatur était sollicité avait "[...] condamné la République islamique d'Iran et d'autres défendeurs conjointement et solidairement à payer des dommages-intérêts à M. [X], au motif qu'ils ont fourni une aide et des ressources matérielles à un groupe terroriste ayant causé l'homicide de [D] [X]", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les principes régissant l'immunité de juridiction des États étrangers ; 3°/ que, de troisième part, et en tout état de cause, la prohibition des actes de terrorisme constitue une norme impérative du droit international dont la nature même doit s'opposer de façon absolue à l'invocation d'une immunité de juridiction par un État reconnu responsable d'avoir activement participé à de tels actes ; qu'en l'espèce, en jugeant la République islamique d'Iran recevable et bien fondée à se prévaloir de l'immunité de juridiction à son profit lorsqu'elle avait constaté que le jugement dont l'exequatur était sollicité avait "[...] condamné la République islamique d'Iran et d'autres défendeurs conjointement et solidairement à payer des dommages-intérêts à M. [X], au motif qu'ils ont fourni une aide et des ressources matérielles à un groupe terroriste ayant causé l'homicide de [D] [X]", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les principes régissant l'immunité de juridiction des États étrangers ; 4°/ que, de quatrième part, le droit d'accès à un tribunal consacré par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être restreint par le principe de l'immunité de juridiction des États étrangers que si cette limitation est strictement proportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que l'impossibilité, pour une partie ayant obtenu la condamnation définitive et irrévocable d'un État étranger au titre de son implication directe dans une attaque terroriste, d'obtenir la reconnaissance de cette condamnation en France, constitue une atteinte manifestement disproportionnée au droit d'accès à un tribunal ; qu'en l'espèce, en jugeant la République islamique d'Iran recevable et bien fondée à se prévaloir de l'immunité de juridiction à son profit lorsqu'elle avait constaté que le jugement dont l'exequatur était sollicité avait "[...] condamné la République islamique d'Iran et d'autres défendeurs conjointement et solidairement à payer des dommages-intérêts à M. [X], au motif qu'ils ont fourni une aide et des ressources matérielles à un groupe terroriste ayant causé l'homicide de [D] [X]", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°/ que, de cinquième part, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger la République islamique d'Iran recevable et bien fondée à se prévaloir de l'immunité de juridiction à son profit, que "les circonstances de l'espèce ne permettent pas qu'il soit fait une exception à cette immunité alors que la condamnation de l'État iranien au paiement des dommages-intérêts prononcée par la juridiction américaine ne repose ni sur une déclaration de responsabilité pénale de l'État iranien [...], ni même sur la démonstration de l'implication directe de l'État iranien ou d'agents de cet État dans l'attentat suicide à la bombe dont a été victime [D] [X]", lorsque le jugement du 11 mars 1998 dont l'exequatur était demandé disposait au contraire expressément que "l'explosion a été causée par une bombe qui a été délibérément conduite dans le bus par un membre de la faction de [G] du Jihad islamique palestinien agissant sous les instructions des défendeurs, [notamment] la République islamique d'Iran" (Prod. 5, § 22), la cour d'appel a dénaturé les termes du jugement du 11 mars 1998 en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause. » Réponse de la Cour 4. En premier lieu, il résulte de l'article 509 du code de procédure civile que, pour accorder l'exequatur en l'absence de Convention internationale, le juge français doit, après avoir vérifié la recevabilité de l'action, s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l'absence de fraude. 5. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, dans une instance en exequatur, le juge français doit s'abstenir de toute révision au fond du jugement qui a été rendu par la juridiction étrangère et dont il apprécie la régularité internationale et que, lorsque l'immunité de juridiction est revendiquée par un État étranger, il lui incombe de statuer préalablement sur cette fin de non-recevoir. 6. Elle a exactement retenu que la circonstance que le juge américain avait lui-même écarté une telle immunité de juridiction, en vertu de sa propre loi, dans la décision dont l'exequatur était sollicité, ne dispensait pas le juge français d'exercer son pouvoir juridictionnel afin d'apprécier si la République islamique d'Iran était recevable et bien fondée à invoquer cette immunité devant lui. 7. En second lieu, les Etats étrangers bénéficient de l'immunité de juridiction lorsque l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de leur souveraineté et n'est donc pas un acte de gestion. 8. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé (CEDH, arrêt du 21 novembre 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni, n° 35763/97) qu'il « faut considérer l'octroi de l'immunité non pas comme un tempérament à un droit matériel, mais comme un obstacle procédural à la compétence des cours et tribunaux nationaux pour statuer sur ce droit », que « l'octroi de l'immunité souveraine à un Etat dans une procédure civile poursuit le but légitime d'observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre Etats grâce au respect de la souveraineté d'un autre Etat », que « la Convention doit autant que faire se peut s'interpréter de manière à se concilier avec les autres règles de droit international, dont elle fait partie intégrante, y compris celles relatives à l'octroi de l'immunité aux Etats », et qu'on « ne peut dès lors de façon générale considérer comme une restriction disproportionnée au droit d'accès à un tribunal tel que le consacre l'article 6, § 1, des mesures prises par une Haute Partie contractante qui reflètent des règles de droit international généralement reconnues en matière d'immunité des Etats. De même que le droit d'accès à un tribunal est inhérent à la garantie d'un procès équitable accordée par cet article, de même certaines restrictions à l'accès doivent être tenues pour lui être inhérentes ; on en trouve un exemple dans les limitations généralement admises par la communauté des Nations comme relevant de la doctrine de l'immunité des Etats » (dans le même sens, CEDH, arrêt du 12 octobre 2021, J.C. e.a. c/ Belgique, n° 11625/17). 9. Il en résulte que le droit d'accès à un tribunal, tel que garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dont l'exécution d'une décision de justice constitue le prolongement nécessaire, ne s'oppose pas à une limitation à ce droit d'accès, découlant de l'immunité des Etats étrangers, dès lors que cette limitation est consacrée par le droit international et ne va pas au-delà des règles généralement reconnues en matière d'immunité des Etats. 10. La Cour internationale de justice a jugé qu' « en l'état actuel du droit international coutumier, un État n'est pas privé de l'immunité pour la seule raison qu'il est accusé de violations graves du droit international des droits de l'homme ou du droit international des conflits armés », qu'il n'existe pas de conflit entre une « règle, ou des règles, de jus cogens et la règle de droit coutumier qui fait obligation à un Etat d'accorder l'immunité à un autre », que « à supposer [...] que les règles du droit des conflits armés qui interdisent de tuer des civils en territoire occupé ou de déporter des civils ou des prisonniers de guerre pour les astreindre au travail forcé soient des normes de jus cogens, ces règles n'entrent pas en conflit avec celles qui régissent l'immunité de l'État. Ces deux catégories de règles se rapportent en effet à des questions différentes. Celles qui régissent l'immunité de l'État sont de nature procédurale et se bornent à déterminer si les tribunaux d'un État sont fondés à exercer leur juridiction à l'égard d'un autre. Elles sont sans incidence sur la question de savoir si le comportement à l'égard duquel les actions ont été engagées était licite ou illicite [...] », qu'une « règle de jus cogens est une règle qui ne souffre aucune dérogation, mais les règles qui déterminent la portée et l'étendue de la juridiction, ainsi que les conditions dans lesquelles cette juridiction peut être exercée, ne dérogent pas aux règles de nature matérielle ayant valeur de jus cogens et il n'est rien d'intrinsèque à la notion de jus cogens qui imposerait de les modifier ou d'en écarter l'application » et que, « même en admettant que les actions intentées devant les juridictions italiennes mettaient en cause des violations de règles de jus cogens, l'application du droit international coutumier relatif à l'immunité des États ne s'en trouvait pas affectée » (CIJ, 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l'État, Allemagne c/ Italie ; Grèce (intervenant), C.I.J. Recueil 2012, p. 99). 11. La Cour de cassation a jugé « qu'à supposer que l'interdiction des actes de terrorisme puisse être mise au rang de norme de jus cogens du droit international, laquelle prime les autres règles du droit international et peut constituer une restriction légitime à l'immunité de juridiction, une telle restriction serait en l'espèce disproportionnée au regard du but poursuivi dès lors que la mise en cause de l'Etat étranger n'est pas fondée sur la commission des actes de terrorisme mais sur sa responsabilité morale » (1re Civ., 9 mars 2011, pourvoi n° 09-14.743, Bull. 2011, I, n° 49). 12. La cour d'appel a retenu à bon droit que les actes ayant donné lieu au litige entre M. [X] et la République islamique d'Iran, en ce qu'ils avaient consisté en un soutien financier apporté à un groupe terroriste ayant commis un attentat suicide dans lequel la fille de M. [X] avait trouvé la mort, ne relevaient pas d'actes de gestion de cet Etat. 13. Elle a relevé que l'immunité de juridiction de l'Etat iranien avait été écartée par le juge américain en application de la loi sur l'immunité de juridiction des Etats étrangers prévoyant une exception spécifique pour les actions en justice relatives aux dommages corporels ou décès résultant d'actes de terrorisme parrainés par un Etat étranger et permettant ainsi la recherche de la responsabilité civile de cet Etat. 14. Elle a exactement retenu qu'à supposer même que l'interdiction des actes de terrorisme puisse constituer une norme de jus cogens du droit international de nature à constituer une restriction légitime à l'immunité de juridiction, ce qui ne ressort pas de l'état actuel du droit international, les circonstances de l'espèce ne permettaient pas qu'il soit fait une exception à cette immunité, dès lors que la condamnation de l'Etat iranien au paiement des dommages-intérêts prononcée par la juridiction américaine ne reposait pas sur la démonstration de l'implication directe de la République islamique d'Iran et de ses agents dans l'attentat, mais seulement sur le fondement de la responsabilité civile que cet Etat devrait supporter au titre de l'aide ou des ressources matérielles apportées au groupe ayant revendiqué l'attentat. 15. Elle n'a pu qu'en déduire, sans dénaturation, que la République islamique d'Iran pouvait opposer son immunité de juridiction. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [X] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois. 1re Civ., 9 mars 2011, pourvoi n° 09-14.743, Bull. 2011, I, n° 49 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 478 FS-B Pourvoi n° G 22-16.034 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023 La société SEAC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° G 22-16.034 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [K] [C], domiciliée [Adresse 5], 2°/ à Mme [D] [C], domiciliée [Adresse 2], 3°/ à Mme [G] [C], domiciliée [Adresse 7], 4°/ à la société Ipsom, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 5°/ à M. [E] [B], notaire, domicilié [Adresse 1], membre de la société civile professionnelle [E] [B] et [J] [B]-Granger, notaires associés, 6°/ à la société Financière Perdis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société SEAC, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [B], de la SCP Duhamel- Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Financière Perdis, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Ipsom, de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mmes [K], [D] et [G] [C], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, M. Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 mars 2022), le 2 janvier 1997, Mmes [G], [K] et [D] [C] (les consorts [C]), propriétaires indivises d'un ensemble immobilier, l'ont donné à bail commercial à la société TP Bat, aux droits de laquelle s'est trouvée la société SEAC (la locataire). 2. Par acte reçu le 31 août 2017 par M. [B] (le notaire), les consorts [C] ont, par l'intermédiaire de la société Ipsom, vendu les biens loués à la société Financière Perdis. 3. Invoquant une atteinte au droit de préférence dont elle bénéficiait, la locataire a, le 5 octobre 2017, assigné les consorts [C] et la société Financière Perdis en annulation de la vente et indemnisation de son préjudice. 4 Les consorts [C] ont appelé le notaire et la société Ipsom en garantie. Examen des moyens Sur le moyen d'annulation 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de la vente et en paiement d'une certaine somme à titre de dommages et intérêts, alors : « 1°/ qu'en vertu des dispositions d'ordre public de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, le locataire commercial bénéficie d'un droit de préemption lorsque le propriétaire envisage de vendre le local dans lequel il exerce une activité artisanale ou commerciale ; qu'exerce une activité commerciale le locataire qui accompli des actes de commerce à des fins spéculatives, telles que l'achat d'importantes quantités de matériaux pour les revendre après les avoir travaillés et mis en oeuvre ; qu'une telle activité ne devient industrielle qu'à partir du moment où, en raison de la mécanisation et de l'automatisation de la chaîne de production, le rôle des installations techniques, des matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant dans l'exploitation par rapport à l'activité humaine ; qu'en considérant, pour dire le droit de préemption du locataire inapplicable à la cause, qu'au vu de la définition du dictionnaire Larousse selon laquelle constituait un usage industriel « la production de biens matériels par la transformation et la mise en oeuvre de matières premières », l'activité de fabrication d'éléments de construction exercée par la société SEAC sur le site de Châteauneuf-sur-Loire avait, par nature, un caractère industriel, la cour d'appel a violé les articles L. 110-1, L. 145-1 et L. 145-46-1 du code de commerce ; 2°/ que, subsidiairement, la société SEAC faisait valoir, dans ses dernières conclusions, qu'aucune activité industrielle n'était exercée dans les locaux objet du bail commercial litigieux dès lors, d'une part, que son activité de fabrication était réalisée sur commande et non pas pour la vente en gros, d'autre part, que cette activité de fabrication était cantonnée à trois des treize produits vendus par son établissement de [Localité 6] et, enfin, que la mécanisation de la fabrication était réduite à une presse pour le moulage, la cure de béton étant affectée au seul séchage des éléments ; qu'en affirmant que l'activité de fabrication exercée par la société SEAC au sein des locaux loués était industrielle sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette qualification juridique n'était pas exclue compte tenu de la fabrication sur commande des produits et du caractère limité des moyens techniques mis en oeuvre à cette fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-46-1 du code de commerce ; 3°/ que le locataire commercial bénéficie d'un droit de préemption dès lors que le local pris à bail, dont le propriétaire envisage la vente, est affecté à un usage artisanal ou commercial ; qu'en excluant la société SEAC du bénéfice du droit de préemption accordé par la loi au locataire exerçant une activité commerciale du seul fait que l'activité de négoce qu'elle exerçait à titre habituel, même si elle représentait plus du tiers de son chiffre d'affaires, n'était pas exclusive, la cour d'appel a violé, par adjonction d'une condition qu'il ne comporte pas, l'article L. 145-46-1 du code de commerce ; 4°/ que le locataire commercial bénéficie d'un droit de préemption dès lors que le local pris à bail, dont le propriétaire envisage la vente, est affecté à un usage artisanal ou commercial ; qu'en retenant, pour exclure tout droit de préemption de la société SEAC, qu'il n'était ni établi ni allégué que son activité de négoce correspondait à une activité de vente ou de réception de clients sur place, la cour d'appel a violé, par adjonction d'une condition qu'il ne comporte pas, l'article L. 145-46-1 du code de commerce. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 145-1 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, le statut des baux commerciaux s'applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce. 8. L'article L. 145-46-1 du même code, créé par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dispose que lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement, cette notification valant offre de vente au preneur. 9. Les locaux à usage industriel se trouvant donc exclus du champ d'application de ce texte, le pourvoi pose la question de leur définition. 10. Ni le libellé de l'article L. 145-46-1 précité, ni aucune autre disposition du code de commerce, ne permettant de donner un sens certain à la notion de local à usage industriel, il convient de rechercher l'intention du législateur. 11. Il résulte des travaux parlementaires de la loi du 18 juin 2014 qu'alors que le projet de loi initial prévoyait au profit du locataire l'instauration d'un droit de préférence en cas de vente d'un local à usage commercial, industriel ou artisanal, deux amendements excluant les locaux industriels du champ d'application du droit susvisé ont été adoptés, sans qu'il soit possible de déterminer les motifs de cette exclusion. 12. La Cour de cassation n'a, à ce jour, pas rendu de décision relative à la notion de local à usage industriel. 13. Le Conseil d'Etat a quant à lui jugé que, au sens des articles 44 septies (CE, 28 février 2007, n° 283441), 244 quater B (CE, 13 juin 2016, n° 380490) et 1465 (CE, 3 juillet 2015, n° 369851) du code général des impôts, ont un caractère industriel les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant. 14. Si la définition donnée par le juge administratif relève de la matière fiscale, les critères dégagés sont opérants, au regard de l'objet de l'article L. 145-46-1 précité, pour délimiter la portée de l'exclusion des locaux à usage industriel du droit de préférence. 15. Dès lors, au sens de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l'exercice d'une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant. 16. La cour d'appel a constaté que la locataire n'invoquait aucun usage artisanal, que les locaux loués étaient notamment destinés à un usage de fabrication d'agglomérés et que l'extrait du registre du commerce et des sociétés de la locataire mentionnait les activités de « pré-fabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite plancher murs et autres » ainsi que de « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton ». 17. Elle a retenu que l'activité de négoce également exercée sur le site de [Localité 6], seul en litige, n'était qu'accessoire. 18. Sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et abstraction faite de motifs surabondants, critiqués par la quatrième branche du moyen, elle a pu en déduire que le local donné à bail n'était pas à usage commercial ou artisanal au sens de l'article L. 145-46-1 du code de commerce. 19. Par conséquent, le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le second moyen Enoncé du moyen 20. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que le juge est tenu d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la société SEAC faisait valoir, d'une part, que son bail commercial du 2 janvier 1997 portait sur "un terrain de 20 000 m² environ" comprenant "deux bâtiments" et, d'autre part, qu'il résultait clairement de la clause "Conditions de la location" stipulée à l'acte authentique du 31 août 2017 que l'immeuble objet de la vente litigieuse d'une superficie de "02 h 34 a 02 ca" était, dans son intégralité et sans réserve, couvert par son bail commercial ; qu'en affirmant qu'à partir du moment où l'acte authentique de vente portait sur "un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments dont une maison en état d'insalubrité et terrains", il était établi que cette maison ne faisait "pas partie du local pris à bail par la société SEAC" sans analyser, même sommairement, le contrat du 2 janvier 1997 dont il résultait clairement que le bail commercial portait sur plusieurs bâtiments implantés sur un terrain d'une superficie comparable à celle de l'immeuble vendu, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que le droit de préemption est inapplicable en cas de vente globale d'un immeuble qui n'est que partiellement loué au locataire commercial ; qu'en se bornant à affirmer, après avoir constaté que l'acte authentique de vente du 31 août 2017 faisait état d'"une maison d'habitation en état d'insalubrité", que sa location à un tiers devait néanmoins être admise compte tenu de la demande de transmission d'un bail d'habitation y afférent faite par le notaire instrumentaire à la société SEAC postérieurement à la vente et du mandat de mise en location donné à cette fin par l'acquéreur à une agence immobilière, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments inopérants en ce qu'ils sont, d'une part, dépourvus de toute valeur contractuelle à l'égard de la société SEAC et, d'autre part, impropres à contredire la clause de l'acte authentique du 31 août 2017 selon laquelle l'immeuble vendu par les consorts [C] était loué à la société SEAC, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-46-1, alinéa 6, du code de commerce ; 3°/ que c'est sur celui qui se prévaut d'une cause d'exclusion du droit de préemption du locataire commercial que pèse la charge et, par suite, le risque de la preuve ; qu'en retenant, pour juger que la vente litigieuse portait sur un immeuble qui n'était que partiellement loué au locataire commercial, que « la société SEAC n'allègue pas qu'elle consent elle-même une sous-location sur cette maison qui ferait partie des lieux qu'elle loue », quand c'est à la société financière Perdis, demanderesse à l'allégation, qu'il incombait d'établir que la maison d'habitation visée à l'acte de vente n'était pas comprise dans le bail commercial du 2 janvier 1997, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315, devenu 1353, du code civil et 9 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 21. Ayant retenu par des motifs non utilement critiqués par le premier moyen que le local donné à bail à la locataire n'était pas à usage commercial ou artisanal au sens de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que le droit de préférence du locataire prévu par ce texte n'était pas applicable. 22. Dès lors, les motifs relatifs aux autres causes d'exclusion du droit de préférence du locataire, critiqués par le second moyen, sont surabondants. 23. Le moyen est donc inopérant. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société SEAC aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SEAC et la condamne à payer à Mmes [K], [D] et [G] [C] la somme globale de 3 000 euros, à la société Financière Perdis la somme de 3 000 euros, à M. [B] la somme de 3 000 euros et à la société Ipsom la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois. CE, 28 février 2007, n° 283441, mentionné aux tables du Recueil Lebon ; CE, 13 juin 2016, n° 380490, inédit au Recueil Lebon ; CE, 3 juillet 2015, n° 369851, inédit au Recueil Lebon.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 477 FS-B Pourvoi n° H 21-25.390 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023 1°/ M. [O] [X], 2°/ Mme [B] [I], épouse [X], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° H 21-25.390 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à M. [E] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. et Mme [X], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 septembre 2021), M. et Mme [X] sont propriétaires d'une parcelle cadastrée [Cadastre 4], contiguë, au sud, à celle appartenant à M. [H], cadastrée [Cadastre 3], laquelle desservait un autre fonds dont M. [U] était propriétaire. 2. Le 18 mars 2009, contestant l'emplacement d'un mur édifié en 1986 par M. et Mme [X], M. [H] et M. [U] les ont, en référé, assignés en expertise. 3. Après un bornage judiciaire, M. et Mme [X] ont, le 9 décembre 2016, assigné M. [H] en revendication de la propriété de la bande de terrain correspondant à l'assiette du mur litigieux, sur le fondement de la prescription acquisitive abrégée et, subsidiairement, trentenaire. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 5. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en revendication de la propriété du mur litigieux séparant les parcelles cadastrées section [Cadastre 4] et [Cadastre 3], alors : « 1°/ que seule une assignation dont l'objet des demandes tend à la détermination des droits de propriétés respectives des parties est interruptive de prescription acquisitive ; qu'en énonçant, pour rejeter leur revendication par prescription trentenaire de la parcelle sur laquelle ils ont édifié un mur en 1986 que "l'assignation en référé du 18 mars 2009 délivrée par M. [U] et M. [H] revêt incontestablement ce caractère [interruptif] en ce qu'elle invoque un empiétement réalisé par le mur litigieux sur la parcelle [Cadastre 3] construit sans concertation avec les voisins", quand M. [U] et M. [H] sollicitaient uniquement par cette assignation qu'une expertise soit ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et la désignation d'un géomètre-expert, sans solliciter la détermination des droits de propriété respectives des parties, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil ; 2°/ que seule une assignation dont l'objet des demandes tend à la détermination des droits de propriétés respectives des parties est interruptive de prescription acquisitive ; qu'en énonçant par motifs adoptés, pour rejeter leur revendication par prescription trentenaire de la parcelle sur laquelle ils ont édifié le mur litigieux en 1986, que "la multiplication des actions en bornage relatives à la parcelle en cause, initiée par [E] [H], démontre que cette prescription n'a pas été paisible à tout le moins depuis le 30 octobre 2009, faisant ainsi obstacle à la prescription acquisitive", quand une action en bornage n'a pas pour objet la détermination des droits de propriétés respectives des parties, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 2244, devenu 2241, du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription. 7. Une assignation en référé-expertise, qui tend à faire établir avant tout procès la preuve d'un empiétement, est interruptive de la prescription acquisitive trentenaire. 8. Après avoir relevé que par l'assignation en référé du 18 mars 2009, M. [H] dénonçait l'empiétement réalisé par le mur édifié par ses voisins sur sa parcelle [Cadastre 3] et demandait l'organisation d'une mesure d'expertise contradictoire, en application de l'article 145 du code de procédure civile, en se prévalant de la propriété de la bande de terrain litigieuse, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, que le délai de prescription trentenaire avait été interrompu par cette demande en justice, en sorte que M. et Mme [X] n'avaient pu en acquérir la propriété. 9. Par conséquent, le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [X] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [X] et les condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2023 Mme TEILLER, président Arrêt n° 476 FS-B Pourvoi n° E 21-21.708 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023 La société DESS, société civile, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-21.708 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société Agence immobilière Baumann, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société DESS, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 2], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 1er juillet 2021), le 5 janvier 2017, la société DESS (la société), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble en annulation de l'assemblée générale du 30 mars 2015, et subsidiairement, de diverses décisions prises lors de cette assemblée. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors : « 1°/ que le délai de contestation d'une assemblée de copropriétaires commence à courir le lendemain du jour de la première présentation au domicile du destinataire de la lettre recommandée contenant le procès-verbal de cette assemblée ; que, toutefois, ce délai ne court pas lorsque le pli n'a jamais été retiré, le syndic de copropriété devant, dans cette hypothèse, notifier le procès-verbal d'assemblée générale par voie de signification ; qu'en jugeant que le délai de contestation d'une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ensemble l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65- 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; 2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans provoquer les explications des parties, le moyen tiré de ce que l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-293 du 4 avril 2000, avait pour objectif de sécuriser la gestion des copropriétés, en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions de l'assemblée générale, de sorte que ce texte ne portait pas d'atteinte disproportionnée au droit du copropriétaire à un recours effectif et à un procès équitable, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en tout état de cause, un délai d'action ou de recours ne peut courir si l'intéressé n'est pas en mesure d'agir ; qu'en jugeant que le délai de contestation d'une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, et donc même si l'intéressé n'était pas effectivement en mesure d'agir, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ainsi que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ qu'à tout le moins, tout jugement doit être motivé, et ne peut reposer sur une simple supposition du juge ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la date de première présentation de la lettre de notification n'était, en l'espèce, pas renseignée ; qu'en énonçant pourtant qu'au vu de la date d'envoi du courrier, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l'assignation délivrée le 5 janvier 2017, la cour d'appel, qui s'est, ce faisant, livrée à une supposition gratuite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 3. En premier lieu, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, qu'en application de l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d'un procès-verbal d'assemblée générale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir, dès lors que l'article 670-1 du code de procédure civile, qui invite les parties à procéder par voie de signification, concerne la seule notification des décisions de justice. 4. En deuxième lieu, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, elle a relevé que cette disposition avait pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions d'assemblée générale. 5. En troisième lieu, elle en a exactement déduit que cette disposition, en l'absence de disproportion avec le droit d'un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l'assemblée générale, ne portait pas une atteinte injustifiée au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. En quatrième lieu, ayant constaté que le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2015 avait été adressé à la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 avril 2015, cachet de la poste faisant foi, et que cette lettre avait été retournée à l'expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la cour d'appel, motivant sa décision, a souverainement retenu que, bien que la date n'en soit pas renseignée, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l'assignation délivrée le 5 janvier 2017. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société DESS aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DESS et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 22-80.632 FS-B 12 AVRIL 2022 Mme INGALL-MONTAGNIER conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 AVRIL 2022 M. [L] [M] et Mme [P] [N] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 6 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, d'association de malfaiteurs, fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme, importation d'un moyen de cryptologie sans déclaration préalable, blanchiment, blanchiment en bande organisée, a prononcé sur une demande formée en application de l'article 221-3 du code de procédure pénale. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire a été produit pour M. [M]. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L] [M], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents Mme Ingall-Montagnier, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet et Coirre, conseillers de la chambre, MM. Leblanc et Rouvière, conseillers référendaires, M. Aldebert, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. En 2016, une enquête a été ouverte aux Pays-Bas et en Belgique concernant la société [4]. Cette société fournissait notamment des solutions de chiffrement pour les téléphones portables via une application et une infrastructure dédiées. 3. Une demande d'entraide européenne a été adressée aux autorités judiciaires françaises concernant l'identification des serveurs de la société [4] hébergés par une société française implantée à [Localité 3]. 4. Une information a été ouverte des chefs d'association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes ou de délits punis de dix ans d'emprisonnement, fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme, fourniture d'un moyen de cryptologie n'assurant pas exclusivement des fonctions d'authentification ou de contrôle d'intégrité sans déclaration préalable, importation d'un moyen de cryptologie n'assurant pas exclusivement des fonctions d'authentification ou de contrôle d'intégrité sans déclaration préalable, blanchiment d'importation de produits stupéfiants, blanchiment du délit de trafic de produits stupéfiants, et blanchiment de crimes ou délits en bande organisée. 5. Un mandat d'arrêt a été émis à l'encontre de M. [L] [M] et de Mme [P] [N], sa compagne. Ils ont été interpellés à [Localité 1] et mis en examen notamment des chefs susvisés. 6. M. [M] a déposé une requête en examen de l'ensemble de la procédure en application de l'article 221-3 du code de procédure pénale. 7. Le président de la chambre de l'instruction a, par ordonnance du 12 octobre 2021, saisi la chambre de l'instruction sur le fondement de ces dispositions. 8. Un mémoire a été déposé à la chambre de l'instruction le 11 décembre 2021 par le conseil de M. [M]. Déchéance du pourvoi formé par Mme [N] 9. En tout état de cause, Mme [N] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur les troisième et quatrième moyens 10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué le 6 janvier 2022 sur saisine directe déposée le 4 octobre 2021, sur le fondement de l'article 221-3 du code de procédure pénale par M. [M], suivie d'une ordonnance de saisine en date du 12 octobre 2021 du président de la chambre de l'instruction, a dit mal fondée la requête et dit n'y avoir lieu à évoquer, et à procéder aux actes demandés, dit qu'il sera statué par arrêt séparé sur les demandes d'actes et les requêtes en nullité, puis a rejeté la demande de mise en liberté de M. [M], alors : « 1°/ que la chambre de l'instruction saisie par voie de saisine directe sur le fondement de l'article 221-3 du code de procédure pénale, doit examiner l'ensemble de la procédure d'instruction et répondre à toutes les demandes d'actes et d'annulation soulevées devant elle à cette occasion dans le délai impératif de trois mois à compter de sa saisine par le président de la chambre de l'instruction, à défaut de quoi la personne placée en détention doit être remise en liberté ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction ayant été saisie aux fins de contrôle de l'ensemble de la procédure d'information par la requête, puis par l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction en date du 12 octobre 2021, devait statuer sur cette requête dans le délai de trois mois, soit au plus tard le 12 janvier 2021, à défaut de quoi M. [M] devait être mis en liberté ; qu'en s'abstenant de statuer, dans son arrêt du 6 janvier 2022, sur l'ensemble de la procédure, et notamment sur les demandes d'actes et sur les demandes en nullité et en renvoyant pour ce faire à une date ultérieure qu'elle n'a pas fixée, en prétextant la nécessité de permettre au ministère public d'y répondre, alors même que le ministère public avait nécessairement eu connaissance de l'intégralité de la requête, la chambre de l'instruction qui n'a pas vidé sa saisine, a méconnu les exigences de l'article 221-3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, cette méconnaissance devant entrainer la remise en liberté immédiate de M. [M] ; 2°/ qu'une juridiction pénale ne peut pas interrompre le cours de la justice ; en renvoyant l'examen de requête en nullité à une audience ultérieure, sans donner aucune date, la chambre de l'instruction a violé le principe susvisé. » Réponse de la Cour 12. Selon le I - de l'article 221-3 du code de procédure pénale, lorsqu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis le placement en détention provisoire de la personne mise en examen, que cette détention est toujours en cours et que l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 du code de procédure pénale n'a pas été délivré, le président de la chambre de l'instruction peut, d'office ou à la demande du ministère public ou de la personne mise en examen, décider de saisir cette juridiction afin qu'elle examine l'ensemble de la procédure. 13. Deux jours ouvrables au moins avant la date prévue pour l'audience, les parties peuvent déposer des mémoires consistant soit en des demandes de mise en liberté, soit en des demandes d'actes, y compris s'il s'agit d'une demande ayant été précédemment rejetée en application de l'article 186-1, soit en des requêtes en annulation, sous réserve des articles 173-1 et 174, soit en des demandes tendant à constater la prescription de l'action publique. 14. Selon le II - du même article, la chambre de l'instruction, après avoir le cas échéant statué sur ces demandes, peut, notamment, ordonner la mise en liberté, assortie ou non du contrôle judiciaire, d'une ou plusieurs des personnes mises en examen, même en l'absence de demande en ce sens, prononcer la nullité d'un ou plusieurs actes dans les conditions prévues par l'article 206 du code de procédure pénale, évoquer et procéder dans les conditions prévues par les articles 201, 202, 204 et 205 du même code ou procéder à une évocation partielle du dossier en ne procédant qu'à certains actes avant de renvoyer le dossier au juge d'instruction. 15. Il se déduit de ces dispositions, d'une part, que la demande d'examen de l'ensemble de la procédure formée par la personne mise en examen a pour seul objet de justifier auprès du président de la chambre de l'instruction du bien fondé d'un tel examen et ne saisit pas par elle-même la chambre de l'instruction, d'autre part, que les demandes dont cette personne entend saisir la chambre de l'instruction doivent être présentées par un mémoire déposé dans les conditions rappelées au paragraphe 13. 16. En cet état, le moyen est inopérant en ce qu'il invoque des demandes figurant dans la requête par laquelle M. [M] a saisi le président de la chambre de l'instruction. 17. En effet, cette juridiction, d'une part, n'était pas saisie par cette requête, mais par l'ordonnance de son président ayant décidé un examen de l'ensemble de la procédure, d'autre part, n'a fait que rappeler que, déjà saisie par ailleurs de demandes pendantes, elle y répondrait dans ce cadre distinct. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit mal fondée la saisine directe, et dit que la loi française est applicable et les juridictions françaises compétentes, alors : « 1°/ que toute mise en examen doit reposer sur l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne concernée ait pu participer comme auteur ou comme complice à la commission d'infractions sur le sol français ou en lien d'indivisibilité avec une infraction commise en France ; qu'il faut donc pour que la loi pénale française soit applicable à ces faits, que l'un des faits constitutifs ait eu lieu sur le territoire de la République ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction saisie de l'incompétence territoriale des juridictions d'instruction françaises, considère que la présence de serveurs Sky ECC à [Localité 3] en France, de revendeurs de la marque en France et la transformation de liquidités en bitcoins sur le sol français, constituent des éléments de rattachement avec les faits commis à l'étranger permettant de retenir la compétence des juridictions françaises ; que rien n'indique cependant que ces faits soit répréhensibles et qu'ils soient en tout état de cause imputables à M. [M], personnellement, sa présence en France n'étant pas établie et la chambre de l'instruction ne relevant aucun indice grave ou concordant qu'il ait pu participer comme auteur ou comme complice à un quelconque des faits constitutifs des infractions poursuivies sur le territoire français ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction a violé l'article 113-2 du code pénal, ensemble les articles 80-1 du code de procédure pénale, 689, 593 du même code ; 2°/ que la loi française n'est pas applicable aux crimes et délits commis à l'étranger par un étranger, et les juridictions d'instruction ne peuvent se saisir de tels faits ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que les faits poursuivis auraient été commis au Canada et à l'étranger par une société de droit canadien, M. [M] étant lui-même de nationalité canadienne et ayant été interpellé en Espagne sans avoir transité par la France ; qu'ainsi, se bornant à constater que « les faits commis à l'étranger sont indivisibles de ceux commis en France, et qu'ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprenait pas sans l'existence des autres puisqu'ils sont tous reliés par l'usage du téléphone Sky ECC répertorié sur les serveurs à [Localité 3] », sans préciser en quoi l'utilisation de serveurs localisés en France constituerait un quelconque élément constitutif des infractions reprochées, la société roubaisienne [2] n'ayant d'ailleurs pas été appelée en la cause, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour 19. Pour dire la loi française applicable et les juridictions françaises compétentes, l'arrêt attaqué énonce que la loi pénale française est applicable à une infraction commise par une personne de nationalité étrangère lorsque cette infraction ou l'un de ses faits constitutifs sont commis sur le territoire de la République. 20. Les juges ajoutent qu'il en est de même lorsque l'infraction est commise à l'étranger, dans le seul cas où il existe un lien d'indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire de la République, les faits étant indivisibles lorsqu'ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres. 21. Ils relèvent que la société [4] a fourni des solutions de chiffrement pour les téléphones portables grâce à une application et une infrastructure dédiées, l'analyse technique du logiciel ayant montré qu'il constituait un système de sécurité particulièrement sophistiqué, comportant quatre couches dotées de clefs de chiffrement et de cryptage. 22. Ils retiennent que, selon les autorités belges, l'utilisation de la solution Sky ECC ne servait que pour des activités criminelles et que les investigations néerlandaises ont démontré que les téléphones configurés avec le logiciel Sky ECC ne pouvaient pas être achetés directement sur le site de la société, mais qu'après un premier contact par courriel, la société renvoyait le client vers un revendeur local, qu'aucune facture n'était fournie, que le paiement se faisait en espèces et que seules les coordonnées du revendeur et du service après-vente étaient communiquées. 23. Les juges indiquent que, selon ces investigations, un identifiant est délivré par la société lors de l'achat, les utilisateurs étant anonymes, aucune pièce d'identité ou justificatif de domicile n'étant demandé. 24. Ils rappellent que l'un des revendeurs français de téléphones équipés du logiciel Sky ECC a déclaré avoir pu revendre ces appareils sans structure officielle, qu'un autre a affirmé ne connaître aucun de ses clients personnellement, avoir l'interdiction de leur demander pour quelle raison ils achetaient un téléphone crypté et avoir envoyé, à la demande d'un des collaborateurs de la société [4], un message à ses contacts leur recommandant de ne pas montrer leurs mains en photo. 25. Ils relèvent que ces téléphones, équipés du logiciel de cryptage, ont été commercialisés en France par six revendeurs et que l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information a indiqué qu'aucune demande ou déclaration concernant ce logiciel, pourtant exigées par la réglementation pour utiliser sur le territoire national ces moyens de cryptologie, n'ont été déposées auprès d'elle. 26. Ils retiennent que les deux serveurs de la société [4], le serveur principal et le serveur de sauvegarde, sont hébergés auprès de la société française [2] à [Localité 3] et que les interceptions ont révélé l'existence de 2 500 utilisateurs du logiciel Sky ECC en France avec des revendeurs identifiés, interpellés et dont plusieurs ont été mis en examen. 27. Ils ajoutent que les échanges interceptés sur la messagerie cryptée font aussi état de collectes d'argent organisées via l'utilisation, la plupart du temps, de la photographie du numéro de série d'un billet de banque servant de validation à la récupération de l'argent lors de la collecte. 28. Ils relèvent qu'il résulte des investigations que le téléphone [4] est vendu et payé avec des liquidités et que l'argent provenant des ventes est transformé en bitcoins. 29. Ils rappellent que M. [M] a occupé un poste stratégique pour le compte de la société [4] en sa qualité de « distributeur international », c'est-à-dire de distributeur de haut niveau dans la hiérarchie des ventes de la société, ayant des contacts avec la structure dirigeante et ayant le pouvoir de bloquer les accès au système pour les revendeurs placés sous ses ordres en cas de non-paiement des dettes. 30. Ils relèvent également qu'il est identifié comme le distributeur des appareils de la société [4] à travers le monde, qu'il a vendu au moins directement cent trente et un téléphones cryptés et qu'il a recruté directement des revendeurs de téléphones pour le compte de cette dernière. 31. Ils ajoutent que M. [M] est aussi identifié comme le collecteur de liquidités auprès de clients, sommes ensuite converties en cryptomonnaies, avec prise d'un pourcentage au titre de commissions, et qu'il a été capable d'organiser avec des complices ou des intermédiaires des remises d'argent pour le paiement de leurs dettes, démontrant ainsi l'existence d'une structure installée, cohérente et pérenne. 32. Ils retiennent de plus qu'il s'occupait des circuits financiers de la société [4] et du blanchiment des fonds pour le compte de cette dernière, grâce à ses connaissances en cryptomonnaie. 33. Ils relèvent encore que, le 18 décembre 2020, Mme [N], compagne de M. [M], a rencontré une personne dans un hôtel parisien pour échanger la somme de 160 000 euros en bitcoins pour le compte de celui-ci. 34. Ils retiennent que la présence de deux serveurs en France a permis le transit sur le territoire national de toutes les conversations entre les protagonistes des différents réseaux criminels, que des revendeurs de téléphones [4] ont été identifiés en France, que des utilisateurs de ces téléphones ont été repérés en train de se livrer à des trafics de stupéfiants et que des transformations de liquidités en bitcoins sont intervenues sur le sol français. 35. Ils en déduisent que les faits commis à l'étranger sont indivisibles de ceux commis en France en ce qu'ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres, dès lors qu'ils sont tous reliés par l'usage des téléphones [4] répertoriés sur les serveurs à [Localité 3], que les flux de données illicites utilisées à des fins criminelles ont été enregistrés sur ces serveurs et que des revendeurs des produits de la société [4] ont distribué ces téléphones en France, où ils ont servis à des fins criminelles. 36. Ils en concluent, d'une part, qu'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de M. [M], de nationalité canadienne, aux faits qui lui sont reprochés, d'autre part, que les faits constitutifs des infractions, objets de l'information, se sont déroulés en France et sont indivisibles des infractions identiques commises en divers pays étrangers. 37. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 38. Dès lors, le moyen doit être écarté. 39. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par Mme [N] : CONSTATE la déchéance du pourvoi ; Sur le pourvoi formé par M. [M] : LE REJETTE. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze avril deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 21-82.877 F-B 21 AVRIL 2022 M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 AVRIL 2022 Mme [T] [S] et M. [U] [J], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 9 avril 2021, qui a déclaré irrecevable leur constitution de partie civile contre personne non dénommée, du chef d'homicide involontaire. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit. Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de Mme [T] [S] et M. [U] [J], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 27 décembre 2014, [I] [J], qui, circulait à bord d'un véhicule automobile sur une route départementale, dans les Côtes d'Armor, est décédée dans une collision avec un véhicule circulant sur la voie opposée. 3. La procédure, ouverte après l'accident, a été classée par le procureur de la République. 4. Les parents de la victime, Mme [T] [S] et M. [U] [J], ont alors déposé plainte avec constitution de partie civile du chef d'homicide involontaire le 26 novembre 2018. 5. Le 27 décembre 2019, le juge d'instruction a rendu une ordonnance d'irrecevabilité de cette plainte avec constitution de partie civile. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de Mme [S] et M. [J] en l'absence de plainte préalable, alors : « 1°/ que constitue une plainte le courrier adressé au procureur de la République par la victime de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, lui demandant d'enquêter sur ces faits afin que puissent être rassemblées les preuves de la responsabilité pénale de leur auteur ; que dans leur courrier adressé le 23 avril 2015 au procureur de la République, Mme [S] et M. [J] indiquaient expressément que l'accident ayant provoqué le décès de leur fille [I] avait pu être causé par « la vitesse » du véhicule conduit par M. [G] [H], ou encore par « un acte de malveillance sur le véhicule », en soulignant que cela pouvait « entraîner une recherche en responsabilité pénale », et sollicitaient tout aussi expressément « une réouverture du dossier pour un complément d'enquête » afin que leur soient offerts « les moyens de cette preuve » que les lacunes de l'enquête effectuée par la gendarmerie ne leur avaient pas permis d'obtenir ; qu'en retenant, pour juger que ce courrier ne pouvait s'analyser comme une plainte préalable, qu'« il ressort de la lecture de ce document qu'ils sollicitent l'organisation d'investigations complémentaires afin que soient déterminées les circonstances exactes du décès de leur fille, sans qu'à aucun moment ils n'indiquent déposer plainte », quand il en ressortait pourtant que Mme [S] et M. [J] y informaient le procureur de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale en lui demandant d'user de ses prérogatives pour qu'une enquête approfondie soit menée, ce qui constitue le propre d'une plainte pénale, la chambre de l'instruction a violé les articles 40 et 85 du code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que la personne qui, s'étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d'instruction, a omis de justifier du dépôt préalable d'une plainte auprès du procureur de la République ou d'un service de police judiciaire, demeure recevable à apporter cette justification devant la chambre de l'instruction au soutien de son appel de l'ordonnance du magistrat instructeur ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable ; que pour juger que « la condition d'une plainte préalable à la constitution de partie civile prévue par l'article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale n'est pas remplie », la chambre de l'instruction a également retenu que « le courrier du 23 avril 2015 que les requérants présentent comme étant une plainte n'était pas joint à leur plainte avec constitution de partie civile contrairement à ce prévoit le texte susvisé », qu'en statuant ainsi, elle a, de nouveau, violé l'article 85 du code de procédure pénale et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 85 du code de procédure pénale : 7. Constitue une plainte, au sens de cet article, toute information portée, sans formalisme particulier, à la connaissance de l'autorité judiciaire ou d'un officier ou agent de police judiciaire, et relative à des faits susceptibles de revêtir une qualification pénale. 8. La personne qui, s'étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d'instruction, a omis de justifier du dépôt préalable d'une plainte auprès du procureur de la République ou d'un service de police judiciaire dans les conditions fixées par le deuxième alinéa du texte susvisé, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l'instruction au soutien de son appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable. 9. Pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile des demandeurs devant le juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce qu'aucune plainte n'a été déposée dans le cadre de la procédure établie par les services de gendarmerie à la suite de l'accident dans lequel leur fille est décédée et que leur courrier adressé, le 23 avril 2015, au procureur de la République ne constitue pas une plainte. 10. Les juges relèvent que, s'ils y sollicitent l'organisation d'investigations complémentaires afin que soient déterminées les circonstances exactes du décès de leur fille, ils ne déclarent pas porter plainte. 11. Ils ajoutent que la correspondance adressée par leur avocat au procureur de la République le 29 novembre 2016, laquelle a pour objet de communiquer à ce magistrat le rapport de l'expertise qu'ils ont fait réaliser et de solliciter la mise en oeuvre de réquisitions téléphoniques destinées à déterminer si M. [H], conducteur de l'autre véhicule impliqué dans l'accident, utilisait son téléphone portable au moment de la collision, ne mentionne pas que cette demande ferait suite à une plainte déposée par les intéressés. 12. Les juges ajoutent que le courrier du 23 avril 2015, que les requérants présentent comme étant une plainte préalable, n'était pas joint à leur constitution de partie civile. 13. Ils en concluent que celle-ci est irrecevable. 14. En prononçant ainsi, alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les demandeurs avaient entendu saisir le procureur de la République de faits constituant une infraction pénale, d'une part, et qu'ils avaient justifié devant la chambre de l'instruction du dépôt d'une plainte préalable, d'autre part, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 15. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 9 avril 2021 ; DÉCLARE recevables les constitutions de partie civile de Mme [T] [S] et M. [U] [J] ; ORDONNE le retour du dossier au doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc aux fins d'application des articles 88 et suivants du code de procédure pénale. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 21-81.889 FS-B 20 AVRIL 2022 CASSATION SANS RENVOI M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 20 AVRIL 2022 La société [2] SA a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 4 mars 2021, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs, notamment, de financement d'entreprise terroriste, complicité de crimes contre l'humanité et mise en danger de la vie d'autrui, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa contestation de la recevabilité des constitutions de partie civile de MM. [J] [R], [RS] [J] [H], [K] [F], [I] [M], [T] [S] [B], [Y] [E] [A], [G] [D], [C] [U] [J], [V] [U] [N], [O] [WU], [W] [RR], [J] [P], [AR] [GL] et [L] [X] du chef de financement d'entreprise terroriste. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2] SA, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de MM. [J] [R], [RS] [J] [H], [K] [F], [I] [M], [T] [S] [B], [Y] [E] [A], [G] [D], [C] [U] [J], [V] [U] [N], [O] [WU], [W] [RR], [J] [P], [AR] [GL] et [L] [X], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. La société [2] SA (la société [2]), de droit français, dont le siège social se trouvait à [Localité 5], a fait construire une cimenterie près de Jalabiya (Syrie), qui a été mise en service en 2010. Cette cimenterie était exploitée par une de ses sous-filiales, dénommée [3] (la société [3]), de droit syrien, détenue à plus de 98 % par la société mère. 3. Entre 2012 et 2015, le territoire sur lequel se trouve la cimenterie a fait l'objet de combats et d'occupations par différents groupes armés, dont l'organisation dite Etat islamique (EI). 4. Pendant cette période, les salariés syriens de la société [3] ont poursuivi leur travail, permettant le fonctionnement de l'usine, tandis que l'encadrement de nationalité étrangère a été évacué en Egypte dès 2012, d'où il continuait d'organiser l'activité de la cimenterie. Logés à [Localité 4] par leur employeur, les salariés syriens ont été exposés à différents risques, notamment d'extorsion et d'enlèvement par différents groupes armés, dont l'EI. 5. La cimenterie a été évacuée en urgence au cours du mois de septembre 2014, peu avant que l'EI ne s'en empare. 6. A la suite d'une plainte du ministre des finances du 21 septembre 2016 du chef de relations financières illicites entre la France et la Syrie, une enquête a été ordonnée qui a conclu que le groupe [2], en maintenant son activité en Syrie, avait contribué indirectement aux financements de groupes armés locaux dont certains sont considérés par la communauté internationale comme terroristes. 7. Parallèlement, le 15 novembre 2016, onze employés syriens de la société [3], ainsi que les associations [6] et [1] ([1]), ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès du doyen des juges d'instruction des chefs de financement d'entreprise terroriste, complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, exploitation abusive du travail d'autrui, négligence, mise en danger de la vie d'autrui. 8. Le ministère public, le 9 juin 2017, a requis le juge d'instruction d'informer sur les faits notamment de financement d'entreprise terroriste, de soumission de plusieurs personnes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine et de mise en danger de la vie d'autrui. 9. Par courriers adressés au magistrat instructeur les 14 mars 2018, 4 avril 2018 et 9 mai 2018, MM. [J] [P], [AR] [GL] et [L] [X], également anciens employés syriens de la société [3], se sont constitués partie civile par voie d'intervention sans préciser sous quelles qualifications pénales. 10. Le 28 juin 2018, le juge d'instruction a procédé à la mise en examen de la société [2] des chefs, notamment, de complicité de crimes contre l'humanité, financement d'entreprise terroriste, mise en danger de la vie d'autrui. 11. Par mémoire du 13 février 2020, la société [2] a contesté la recevabilité de la constitution de partie civile des quatorze anciens salariés du chef de financement d'entreprise terroriste en exposant qu'ils ne justifiaient pas d'un préjudice direct et personnel. 12. Par ordonnance du 8 avril 2020, le juge d'instruction a rejeté la requête de la société [2]. 13. La société mise en examen a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches 14. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant rejeté la contestation, par la société [2], des constitutions de partie civile du chef de financement d'entreprise terroriste de MM. [R], [H], [F], [M], [B], [A], [D], [J], [N], [WU], [RR], [P], [Z] et [GK], alors : « 3°/ qu'une constitution de partie civile qui porte sur des faits insusceptibles d'avoir causé un préjudice direct et personnel au plaignant est irrecevable les concernant, quand bien même ces faits seraient indivisibles de faits délictuels pour lesquels cette constitution de partie civile est par ailleurs recevable ; que, dès lors, en se fondant exclusivement, pour déclarer recevables les constitutions de partie civile du chef de financement d'entreprise terroriste des quatorze anciens salariés de la société [3], sur la possible existence d'un lien d'indivisibilité entre ces faits et ceux de mise en danger délibérée de la vie d'autrui pour lesquels la recevabilité de leurs constitutions de partie civile n'était pas contestée, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé les articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale ; 4°/ que l'indivisibilité entre les éléments d'une prévention suppose qu'ils soient dans un rapport mutuel de dépendance, et rattachés entre eux par un lien tellement intime, que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres ; que le délit de mise en danger délibérée de la vie d'autrui supposant, pour être constitué, que l'exposition au risque immédiat de mort ou de blessure résulte de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, seuls sont indivisibles de ce délit les faits qui ne peuvent se comprendre sans la violation de cette obligation ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence possible d'un lien d'indivisibilité entre les faits de mise en danger délibérée de la vie d'autrui et ceux de financement d'une entreprise terroriste poursuivis et en déduire la recevabilité des constitutions de partie civile contestées de ce dernier chef, la chambre de l'instruction a affirmé que « l'infraction de mise en danger délibérée de la vie d'autrui pour laquelle [2] SA est mise en examen est susceptible d'être caractérisée par le maintien de l'activité de l'usine exploitée par [3], dans un contexte de guerre civile survenue en Syrie et du contrôle de la zone géographique où se situait l'usine par des groupes terroristes », que « le maintien de cette activité n'a été possible que par le versement de rémunérations » à ces groupes et que ces versements étaient « de nature à caractériser l'infraction de financement de terrorisme » ; qu'en se déterminant ainsi, lorsque le délit de mise en danger poursuivi, qui consisterait, pour la société [2], à avoir exposé les salariés de l'usine exploitée par [3] à un risque de mort ou de blessures en violant les obligations particulières prévues par les articles R. 4121-1 et 2 et R. 4141-13 du code de travail, n'est pas susceptible d'être caractérisé par la seule poursuite de l'activité de cette usine, la chambre de l'instruction, qui n'a pas expliqué en quoi la violation supposée de ces obligations particulières de prudence et de sécurité « entre 2011 et juillet 2014 » ne pourrait être envisagée indépendamment des faits de financement de terrorisme poursuivis supposément commis « courant 2013 et 2014 » dans des lieux distincts, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale et 223-1 du code pénal ; 5°/ que dans son mémoire régulièrement déposé, la société [2] soutenait qu'il ne pouvait exister de lien d'indivisibilité entre les faits de mise en danger délibérée de la vie d'autrui et les faits de financement de terrorisme qui lui sont reprochés dès lors que les premiers sont antérieurs aux seconds et ces deux infractions n'ont pas été commises dans les mêmes lieux, selon les termes des mises en examen prononcées à son encontre ; qu'en retenant l'existence possible d'un lien d'indivisibilité entre ces faits, sans répondre à cette articulation essentielle du mémoire dont elle était saisie, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale et 223-1 du code pénal. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa troisième branche 16. Le moyen pose la question de savoir si les parties civiles recevables à se constituer par voie d'action du chef de mise en danger d'autrui le sont également du chef de financement d'une entreprise terroriste, dans l'hypothèse où il existerait un possible lien d'indivisibilité entre ces faits. 17. La Cour de cassation énonce, de façon constante, que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. 18. Elle juge également que, lorsqu'une information judiciaire a été ouverte à la suite d'une atteinte volontaire à la vie d'une personne, les parties civiles constituées de ce chef sont recevables à mettre en mouvement l'action publique pour l'ensemble des faits dont il est possible d'admettre qu'ils se rattachent à ce crime par un lien d'indivisibilité, peu important que ces faits ne soient pas susceptibles de leur causer un préjudice personnel et direct, au sens de l'article 2 du code de procédure pénale (Crim., 4 avril 2012, pourvoi n° 11-81.124, Bull. crim. 2012, n° 86). 19. L'indivisibilité des faits, qui suppose un lien tellement intime entre eux que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans celle des autres (Crim., 31 mai 2016, pourvoi n° 15-85.920, Bull. crim. 2016, n° 165), commande en effet qu'ils fassent simultanément l'objet de poursuites, même en cas d'inaction du ministère public. 20. Cette règle s'impose notamment lorsque les faits indivisibles ne sont susceptibles de porter atteinte qu'à l'intérêt général lui-même. Tel est le cas du financement d'entreprise terroriste incriminé à l'article 421-2-2 du code pénal (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 19-87.367, publié au Bulletin). 21. Une interprétation différente, qui exclurait la possibilité pour la partie civile de saisir le juge d'instruction des faits indivisibles susceptibles de caractériser une infraction d'intérêt général, aurait pour conséquence de faire obstacle à la manifestation de la vérité relativement aux faits pour lesquels la partie civile est recevable à se constituer. 22. Dès lors, le grief doit être écarté. Mais sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches Vu les articles 1, 2 et 85 du code de procédure pénale : 23. Il ressort de ces textes que, hors l'hypothèse d'indivisibilité, une constitution de partie civile n'est recevable devant la juridiction d'instruction que lorsque les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. 24. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction rejetant la requête de la société [2] tendant à voir déclarer irrecevable la constitution de partie civile de quatorze anciens salariés de la société [3] du chef de financement d'entreprise terroriste, l'arrêt retient, d'une part, qu'il résulte de l'information judiciaire que l'infraction de mise en danger délibérée de la vie d'autrui, pour laquelle la société requérante est mise en examen, est susceptible d'être caractérisée par le maintien de l'activité de l'usine exploitée par [3], dans le contexte de la guerre civile survenue en Syrie et du contrôle de la zone géographique où se situait l'usine par des groupes terroristes, dont l'EI, ce, alors que des salariés étaient enlevés et séquestrés depuis 2012 et que l'ensemble des salariés expatriés avait été évacué depuis cette date. 25. Les juges ajoutent que le maintien de cette activité n'a été possible que par le versement de rémunérations via différents intermédiaires afin, d'une part, d'assurer l'approvisionnement de la cimenterie en matières premières par l'organisation EI ou tout autre groupe terroriste, d'autre part, de garantir la circulation des employés et des marchandises de celle-ci sur le territoire occupé par lesdites organisations terroristes et, enfin, de permettre la vente du ciment fabriqué sur place au bénéfice de l'organisation terroriste EI. 26. Ils relèvent que ce sont ces versements qui sont de nature à caractériser l'infraction de financement d'une entreprise terroriste pour laquelle la société requérante est mise en examen. 27. Ils en déduisent qu'en l'état de l'information judiciaire, l'existence d'un lien d'indivisibilité entre les faits de mise en danger délibérée de la vie d'autrui et de financement d'une entreprise terroriste apparaît possible dans la mesure où ce financement avait pour objet de permettre la poursuite de l'activité de l'usine dans des circonstances telles qu'elle exposait les salariés syriens à un danger pour leur vie ou, en tous cas, leur intégrité physique. 28. Ils en concluent que les salariés en cause, qui se sont constitués partie civile pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui, que ce soit par la mise en mouvement de l'action publique ou ultérieurement par voie d'intervention, sont recevables à se constituer partie civile pour l'ensemble des faits, notamment ceux susceptibles de caractériser l'infraction de financement d'une entreprise terroriste, dont il est possible d'admettre qu'ils se rattachent au délit de mise en danger délibérée de la vie d'autrui par un lien d'indivisibilité. 29. En l'état de ces motifs, desquels il résulte que le financement d'entreprise terroriste n'a pas seulement servi à permettre les déplacements des salariés et qui ne caractérisent ainsi que l'existence d'un lien de la connexité, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 30. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 31. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 4 mars 2021 ; DÉCLARE irrecevable la constitution de partie civile de MM. [J] [R], [RS] [J] [H], [K] [F], [I] [M], [T] [S] [B], [Y] [E] [A], [G] [D], [C] [U] [J], [V] [U] [N], [O] [WU], [W] [RR], [J] [P], [AR] [GL] et [L] [X] du chef de financement d'entreprise terroriste ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt avril deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 19-84.831 F - B 13 AVRIL 2022 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2022 M. [B] [T] et la société [1], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, chambre correctionnelle, en date du 4 juin 2019, qui, pour abus de biens sociaux, banqueroute, recel, infractions à la législation sur les sociétés, a condamné le premier à douze mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits. Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats de M. [B] [T], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocats de la société [1], partie civile, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, Mme Planchon, M. d'Huy, M. Wyon, M. Pauthe, M. de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, Mme Fouquet, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A l'issue d'une enquête ouverte le 8 octobre 2012 sur la gestion de la société [8] ([8]), placée en liquidation judiciaire par jugement du 5 octobre 2012, M. [T], gérant de cette société, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 10 mars 2016, l'a relaxé du chef d'abus de confiance et condamné pour abus de biens sociaux, banqueroute, infractions à la législation sur les sociétés, recel d'abus de biens sociaux, recel de banqueroute, à douze mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils. 3. Il a relevé appel de cette décision. 4. Le ministère public et la société [1], partie civile, ont formé appel incident. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, sixième, pris en ses quatrième et cinquième branches, et septième moyens proposés pour M. [T] 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le troisième moyen proposé pour M. [T] Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, confirmant le jugement entrepris, condamné pénalement et civilement M. [B] [T] pour recel d'abus de biens sociaux et de banqueroute au préjudice de la société [8] ; alors « que nul ne peut être condamné pour recel du produit des infractions qu'il a commises ; qu'en condamnant M. [T] pour recel des délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute qu'il avait commis, la cour d'appel a violé les articles 321-1 du code pénal, L. 241-3 et L. 654-2 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles 321-1 du code pénal, L. 241-3 et L. 654-2 du code de commerce : 7. Selon une jurisprudence constante et ancienne de la Cour de cassation, l'infraction de recel ne peut être retenue à l'égard de celui qui a commis l'infraction originaire dont provient la chose recélée (Crim., 29 juin 1848, B., n° 192 ; 2 décembre 1971, pourvoi n° 71-90.215, Bull. n° 337). 8. La Cour de cassation, infléchissant son interprétation antérieure, a jugé qu'un ou des faits identiques ne peuvent donner lieu à plusieurs déclarations de culpabilité concomitantes contre une même personne, outre le cas où la caractérisation des éléments constitutifs d'une infraction exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs d'une autre, lorsque l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes : dans la première, l'une des qualifications, telle qu'elle résulte des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; dans la seconde, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-81.864, publié au Bulletin). 9. Dès lors, la question de savoir si ledit infléchissement de jurisprudence est de nature à modifier celle décrite au paragraphe 7 se pose. 10. Il convient de relever que la jurisprudence portant sur l'infraction de recel et l'infraction d'origine interdit non seulement de cumuler les qualifications mais également de retenir le recel, délit continu, à l'égard de l'auteur de l'infraction originaire lorsque cette dernière est prescrite (Crim., 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-83.073, Bull. crim. 2015, n° 253). 11. La Cour de cassation considère ainsi ces infractions comme exclusives l'une de l'autre, de sorte qu'elles se rattachent à la catégorie des infractions incompatibles. 12. Cette exclusion étant étrangère au principe ne bis in idem, l'infléchissement de la jurisprudence relative à ce principe est sans incidence sur elle. 13. Par conséquent, les délits de recel d'abus de biens sociaux et de recel de banqueroute ne peuvent être retenus à l'encontre de la personne qui a commis les infractions principales. 14. Pour déclarer le prévenu coupable d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actif au préjudice de la société [8], l'arrêt attaqué retient que M. [T] a volontairement financé les autres sociétés qu'il contrôlait, au nombre desquelles figurent les société civiles immobilières (SCI) [2], [3], [4], [5] et [6] sans respecter les procédures sociales et comptables exigées en tel cas et ce, en connaissance de cause, et que ces dépenses, poursuivies après la date de cessation des paiements, caractérisent des détournements d'actif constitutifs de banqueroute. 15. Les juges ajoutent, pour confirmer le jugement ayant également condamné M. [T] des chefs de recel d'abus de biens sociaux et de recel de banqueroute, que les faits de recel sont établis à l'encontre de ce dernier et de ces SCI dont il était le gérant. 16. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a déclaré le prévenu receleur du produit des infractions principales dont il était l'auteur, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Et sur le moyen proposé pour la société [1] Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, après relaxe de M. [T] du chef d'abus de confiance résultant du marché signé le 28 avril 2010, débouté la société [1], partie civile, de ses demandes, alors : « 1°/ que la faute civile peut être retenue à l'encontre de celui qui détourne un bien qui lui a été remis à titre précaire ; qu'il y a détention à titre précaire d'un bien lorsqu'il a été convenu de la remise d'un bien à un mandataire à charge pour lui de le restituer à autrui ; qu'en l'espèce, avaient été versés aux débats : les deux conventions du 19 mai 2010, le procès-verbal d'audition de M. [K] en date du 13 mai 2014, la convention conclue le 1er août 2011 entre les sociétés [1] et [9], l'attestation du 29 février 2016 établie par le président de la CANBT, le récapitulatif des mandats émis par la CANBT en date du 30 septembre 2013, les factures adressées par la société [1] à la société [9], la lettre de mise en demeure envoyée par M. [K] le 15 février 2012 en règlement des factures F 2008300, F 2008301 et F 2011532, la déclaration de créance du 25 février 2012, faite par M [K], et ainsi que le soutenait la société [1] dans ses écritures, l'existence d'un contrat conclu entre les société [8] et [1] - tout d'abord verbal, puis écrit - en vertu duquel la société [9], mandataire du groupement solidaire d'entreprises [8]/[1], s'engageait à reverser à la société [1] la moitié des rémunérations perçues pour la réalisation des deux chantiers CANBT ; qu'en énonçant, sans examiner ces divers documents et sans en tout état de cause s'en expliquer, qu'il n'était pas démontré que la société [9] avait perçu les fonds remis par la CANBT à charge de les rendre à la société [1], la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1240, ancien 1382, du code civil, 314-1 du code pénal, 2, 427, 497 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que la faute civile peut être retenue à l'encontre de celui qui détourne un bien qui lui a été remis à titre précaire ; qu'il y a détention à titre précaire d'un bien lorsqu'il a été convenu de la remise d'un bien à un mandataire à charge pour lui de le restituer à autrui ; qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, plus particulièrement, si l'attestation fournie par le président de la CANBT en date du 29 février 2016 ne démontrait pas le caractère précaire de la remise faite à la société [9], et donc l'existence d'un détournement de cette somme constitutive d'une faute civile, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1240, ancien 1382, du code civil, 314-1 du code pénal, 2, 427, 497 et 593 du code de procédure pénale; 3°/ que la remise précaire d'un bien peut être établie au moyen d'un contrat dont la validité est contestable ; que si la convention du 1er août 2011, signée entre les sociétés [9] et [1], aux fins de voir le maître de l'ouvrage verser directement à la société [1] la rémunération de son travail, ne pouvait pas être mise en oeuvre en ce qu'elle était contraire aux règles applicables aux groupements solidaires d'entreprises, elle n'en demeurait pas moins une preuve de ce que la société [8] accomplissait la moitié des travaux prévus par les contrats signés avec la CANBT et donc de ce que le mandataire du groupement aurait dû lui reverser la moitié de la somme qu'il avait perçue du maître de l'ouvrage et de ce que, à défaut de restituer à la société [1] cette somme qu'il avait reçue à titre précaire, le mandataire avait commis un détournement constitutif d'une faute civile ; qu'en jugeant cependant sans s'en expliquer davantage que cette convention devait être écartée et qu'elle ne pouvait établir la remise précaire des fonds à la société [9] et donc le détournement qu'elle en avait fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1240, ancien 1382, du code civil, 314-1 du code pénal, 2, 497 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que par ses conclusions d'appel, la société [1] faisait valoir que la faute de M. [T] résultait de ce que le 5 janvier 2012, la SARL [8] avait été placée en redressement judiciaire avec une simple mission d'assistance de la Selas [7], administrateur judiciaire, pour tous les actes de gestion et de disposition et que M. [B] [T], qui avait ainsi conservé l'administration de la société [8], devait conformément à l'article L.622-17 du code de commerce régler à l'échéance les contrats qui étaient poursuivis, ce qu'il n'avait pas fait ; qu'en effet la société [1] avait effectué, suite au jugement de redressement judiciaire, pas moins de 12 prestations entre mars 2012 et novembre 2012 et que le récapitulatif des mandats indiquait que la CANBT avait payé la somme totale de 1.233.391,56 € à la Société [8] pendant la période d'observation, ce qui correspondait à un paiement mensuel régulier ; que cependant la société [1] n'avait reçu que trois règlements d'un montant respectif de 51.248,88 € en paiement des factures mensuelles F2011597 (51.248,88 €), F2011598 (51.248,88€) et F2011599 (51.248,88€) alors qu'elle aurait dû recevoir la somme totale de 437.508,57€ ; qu'il en résultait que M. [T] qui avait manqué à son obligation de payer en priorité le contrat poursuivi et à l'échéance par application de l'article L.622-17 du code de commerce avait commis une faute civile dont il devait réparation à la société [1] ; qu'en omettant de procéder à cette recherche pourtant nécessaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1240, ancien 1382, du code civil, 314-1 du code pénal, 2, 497 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article L.622-17 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 19. Le délit d'abus de confiance, prévu au premier de ces textes, ne suppose pas nécessairement que la somme détournée ait été remise en vertu d'un contrat. 20. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 21. Pour relaxer M. [T] du chef d'abus de confiance au préjudice de la société [1], l'arrêt attaqué énonce qu'il n'est pas démontré que la société [8], dont ce dernier était le gérant, a perçu des fonds qui lui ont été remis par la Communauté d'agglomération du nord Basse-Terre (CANBT) à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. 22. Les juges ajoutent qu'en l'absence de convention écrite entre la société [8] et la société [1], il n'est pas possible de caractériser un usage contraire au mandat, et que la convention signée entre les deux sociétés le 1er août 2011 prévoyant une répartition à hauteur de 50 % pour chacune d'entre elles ne peut pas fonder un abus de confiance, les parties reconnaissant que cette convention n'a jamais pu être mise en oeuvre. 23. Il concluent qu'il s'agit d'un litige civil portant sur le bien-fondé des factures émises entre les deux sociétés. 24. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société [1] faisant valoir que la société [8], mandataire du groupement solidaire d'entreprises formé avec la société [1], s'était engagée à reverser à cette dernière la moitié des rémunérations perçues pour la réalisation des deux chantiers confiés par la CANBT, ni rechercher si la signature de la convention du 1er août 2011 pouvait établir l'existence d'un tel engagement, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 25. La cassation est à nouveau encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 26. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité des chefs de recel d'abus de biens sociaux et de recel de banqueroute ainsi qu'aux peines prononcées à l'égard de M. [T], et, en l'absence de pourvoi du ministère public, aux intérêts civils concernant la société [1], dès lors que les autres dispositions n'encourent pas la censure. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens proposés. 27. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de statuer, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, sur l'existence d'une éventuelle faute civile de nature à justifier la réparation des préjudices invoqués par la société [1]. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 4 juin 2019, mais en ses seules dispositions ayant déclaré M. [T] coupable de recel et aux peines prononcées à son encontre, et ayant statué sur les intérêts civils concernant la société [1], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize avril deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 21-80.653 FS- B 13 AVRIL 2022 M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 AVRIL 2022 M. [T] [D], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 janvier 2021, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef de recel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction. Un mémoire ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [T] [D], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, Mme Planchon, M. d'Huy, M. Wyon, M. Pauthe, M. Turcey, M. de Lamy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, Mme Chafaï, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 6 novembre 2014, M. [D] a déposé plainte avec constitution de partie civile du chef de recel d'abus de biens sociaux qui aurait notamment été commis par la société [1] à l'occasion d'une opération de promotion immobilière s'étant déroulée à compter de 1991. 3. Le 30 novembre 2005, la société [2], alors actionnaire unique de la société [1], avait décidé de la dissolution par anticipation de cette dernière et la transmission universelle de son patrimoine à son propre bénéfice. 4. Le 27 mai 2020, le juge d'instruction a ordonné un non-lieu. 5. M. [D] a formé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le second moyen 6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, confirmant l'ordonnance entreprise, dit n'y avoir lieu à poursuivre alors « que la société absorbante peut être déclarée coupable et condamnée à une peine d'amende ou de confiscation pour des faits commis par la société absorbée ; que si le principe de prévisibilité juridique s'oppose à ce que cette règle soit appliquée aux fusions antérieures au 25 novembre 2020, réserve est cependant faite des cas de fraude ; qu'en décidant que la responsabilité pénale de la société [2], absorbante, ne pouvait être recherchée pour des faits de recel d'abus de biens sociaux commis par la société [1], absorbée, y compris lorsque la fusion-absorption procédait d'une fraude, les juges du fond ont violé l'article 121-1 du code pénal. » Réponse de la Cour Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 8. Selon le second de ces textes, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 9. Selon le premier, les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. 10. La Cour de cassation juge (Crim., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-86.955) qu'en cas de fusion-absorption d'une société par une autre société, la société absorbante peut être condamnée pénalement pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la société absorbée avant l'opération dans deux hypothèses : - lorsque l'opération, conclue postérieurement au 25 novembre 2020, entre dans le champ de l'application de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017. Dans ce cas seule une peine d'amende ou de confiscation peut être prononcée à l'encontre de la société absorbante ; - lorsque l'opération, quelle que soit sa date et quelle que soit la nature des sociétés concernées, a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale et qu'elle constitue ainsi une fraude à la loi. Dans ce cas, toute peine encourue peut être prononcée. 11. Il s'en déduit que les juridictions d'instruction ne sauraient prononcer une décision de non-lieu fondée sur la dissolution de la société absorbée contre laquelle elles relèvent des charges suffisantes d'avoir commis les faits dont elles sont saisies, sans vérifier, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, au besoin en ordonnant un supplément d'information, si les conditions pour exercer des poursuites à l'encontre de la société absorbante ne sont pas susceptibles d'être remplies. 12. En l'espèce, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, l'arrêt attaqué relève que la société [1], qui se serait rendue coupable du recel d'abus de bien social dénoncé à compter de 1991, a fait l'objet d'une fusion ayant consisté en une dissolution sans liquidation et un transfert universel de ses actifs et passifs à la société [2] à la date du 5 décembre 2005. 13. Il énonce que l'article 121-1 du code pénal pose le principe selon lequel nul n'est responsable pénalement que de son propre fait et que selon la jurisprudence alors constante de la Cour de cassation, ce principe s'opposait à ce que la société absorbante soit poursuivie et condamnée pour des faits commis par la société absorbée antérieurement à une opération de fusion absorption, cette société ayant perdu sa personnalité juridique par l'effet de la fusion, de sorte que l'action publique était éteinte à son encontre. 14. Il précise que cette jurisprudence a été maintenue par la Cour de cassation après un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 5 mars 2015 ayant dit pour droit qu'une fusion par absorption entraîne la transmission à la société absorbante de l'obligation de payer une amende infligée après cette fusion pour des infractions commises par la société absorbée avant la fusion. 15. Les juges ajoutent que le Conseil constitutionnel a néanmoins rappelé qu'en dehors de la matière pénale, le principe de la responsabilité personnelle pouvait faire l'objet d'adaptations, justifiées par la nature de la sanction et par l'objet qu'elle poursuit, et que la responsabilité de la personne morale a par ailleurs évolué, même en matière pénale. 16. Ils relèvent que l'appelant demande à la cour de retenir une nouvelle interprétation de la responsabilité pénale des personnes morales au regard des réalités économiques de la fusion-absorption et du fait qu'elle peut constituer un moyen pour une société d'échapper aux conséquences des infractions qu'elle aurait commises. 17. La cour d'appel considère qu'une telle interprétation ne saurait cependant, sans porter atteinte au principe de prévisibilité juridique garanti par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, s'appliquer à une opération conduite en 1991, suivie d'une fusion-absorption à une date où seule l'interprétation classique de la responsabilité pénale des personnes morales pouvait être envisagée par les acteurs et bénéficiaires de cette opération économique. 18. Elle en déduit que la responsabilité pénale de la société [2] ne peut dès lors être recherchée du fait de recels d'abus de biens sociaux commis par la société [1]. 19. En statuant ainsi, sans se prononcer sur l'existence d'une éventuelle fraude à la loi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. 20. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 janvier 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize avril deux mille vingt-deux. Revirement : Crim., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-86.955, Bull. crim. (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 21-83.696 F-B 12 AVRIL 2022 M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 AVRIL 2022 La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 19 avril 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 2 mai 2018, n° 17-81.643), dans la procédure suivie contre elle du chef d'infractions au code de l'environnement, a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [2], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'association [1], partie civile, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. La société [2] (la société) a été poursuivie du chef d'abandon et de dépôt illégal de déchets dangereux, pour avoir, entre le 1er janvier 2002 et le 31 janvier 2006, sur le territoire de plusieurs communes du Calvados, déversé des résidus de broyage automobile dans des sites non habilités pour les recevoir. 3. Les premiers juges ont constaté l'extinction de l'action publique du fait de la prescription et déclaré l'association [1] (le [1]) irrecevable en sa constitution de partie civile. 4. Le [1] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, alors : « 1°/ que le point de départ du délai de prescription du délit de dépôt illégal de déchet dangereux ne saurait être reporté au jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique prétexte pris qu'il était dissimulé lorsque ce délit a été commis plus de trois ans l'entrée en vigueur de l'article 9-1 du code de procédure pénale issu de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 ; qu'en l'espèce où les faits poursuivis ont été commis entre le 1er janvier 2002 et le 31 janvier 2006, la cour d'appel, en reportant le point de départ du délai de prescription au mois d'octobre 2008, date de la dénonciation des faits commis sur le site de Versainville par une association de défense de l'environnement parce que le dépôt des déchets dangereux sur ce site avait été dissimulé, a méconnu les articles 112-2, 4° du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que si, en principe, le point de départ doit être fixé au jour de la commission de l'infraction, il en va différemment en cas d'infractions occultes ou dissimulées. 8. Les juges ajoutent que la société a été poursuivie pour avoir déposé ou fait déposer des déchets dangereux de résidus de broyage automobile sur différents sites entre mai 2002 et le 31 janvier 2006. 9. Ils relèvent que cette activité avait un caractère occulte se traduisant par la dissimulation du dépôt de ces déchets dangereux, certains étant enfouis comme sur le premier site visé par la plainte, d'autres dissimulés sous une quarantaine de centimètres de remblais, d'autres encore servant eux-mêmes de remblais sur un terrain destiné à être cultivé. 10. Ils retiennent que l'existence de ces déchets était ignorée des utilisateurs de ces terrains, leur présence dans les remblais n'apparaissant pas sur les factures et les enquêteurs n'ayant pu retracer leur cheminement et leur importance qu'à travers la comptabilité analytique de la société. 11. Ils en déduisent que le point de départ de la prescription doit être fixé au mois d'octobre 2008, date de la dénonciation des faits par une association de défense de l'environnement concernant un des sites et qui a amené la découverte des déchets sur les autres sites. 12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 13. En effet, le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction, qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites. 14. Ainsi, le moyen doit être écarté. 15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. FIXE à 2 500 euros la somme que la société [2] devra payer à l'association [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze avril deux mille vingt-deux. Crim., 19 mai 2004, pourvoi n° 03-86.192, Bull. crim. 2004, n° 131 (rejet) ; Crim., 19 mars 2008, pourvoi n° 07-82.124, Bull. crim. 2008, n° 71 (rejet) ; Crim., 13 octobre 2020, pourvoi n° 19-87.787, Bull. crim., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 22-80.276 F-B 6 AVRIL 2022 M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 AVRIL 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 3-6, en date du 18 novembre 2021, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu à placement en détention provisoire de [V] [H]. Des mémoires en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [V] [H], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Mallard, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. [V] [H], né le [Date naissance 1] 2004, a fait l'objet de poursuites pour vol aggravé, en récidive. 3. Le 24 octobre 2021, le procureur de la République lui a notifié une convocation à comparaître devant le tribunal pour enfants statuant en audience unique, et a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de placement de l'intéressé en détention provisoire jusqu'à sa comparution, prévue le 9 novembre 2021. 4. Par ordonnance du 24 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu à placement en détention provisoire, ni à toute autre mesure de sûreté. 5. Le procureur de la République a relevé appel de cette ordonnance. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen est pris de la violation des articles L. 322-3 à L. 322-6, L. 423-4 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs. 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé que la saisine du juge des libertés et de la détention était irrégulière, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, alors que l'article L. 423-9 du même code, qui seul, en matière d'enfance délinquante, régit la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention d'un mineur, n'exige nullement que le rapport prévu à l'article L. 423-4 précité soit joint, dès cette phase, à la procédure, et ne sanctionne d'aucune irrecevabilité l'absence de cette formalité. Réponse de la Cour Vu les articles L. 322-5, L. 423-4 et L. 423-9 du code de la justice pénale des mineurs : 8. Il résulte de ces textes que, lorsque le procureur de la République, après avoir fait déférer un mineur devant lui, le poursuit devant le tribunal pour enfants, selon la procédure exceptionnelle de l'audience unique, il peut saisir le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire jusqu'à l'audience, si les conditions prévues par le dernier des articles susvisés sont remplies. Avec ses réquisitions, le procureur de la République doit produire le recueil de renseignements socio-éducatifs, prévu par le premier des textes susvisés, qui est obligatoire à ce stade de la procédure, au contraire du rapport prévu par l'article L. 423-4, 2°, a), qui doit être versé au dossier avant l'audience de jugement. 9. Pour dire que le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi de la demande de placement en détention provisoire de [V] [H], l'arrêt attaqué énonce que l'article L. 423-4, 2°, a), ne laisse place à aucune ambiguïté quant au moment où le rapport visé à ce texte doit être versé au dossier par le parquet, dès lors qu'il précise que, si ce rapport n'a pas déjà été déposé et versé au dossier unique de personnalité alors qu'il aurait dû l'être, il peut toujours être requis par le procureur de la République au moment du défèrement. 10. Les juges ajoutent que ce rapport doit d'autant plus être versé au dossier au moment du défèrement que le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de placement du mineur en détention provisoire, doit pouvoir en prendre connaissance dans le cadre de son appréciation de la nécessité de cette détention. 11. Ils en concluent que, en l'absence au dossier du rapport éducatif prescrit par l'article L. 423-4 précité, le juge des libertés et de la détention n'était pas régulièrement saisi, et qu'il n'y avait pas lieu en conséquence de faire droit à la demande tendant au placement en détention provisoire du mineur. 12. En prononçant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le recueil de renseignements socio-éducatifs avait été établi et figurait au dossier, la chambre des mineurs a méconnu les textes susvisés. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 800-2 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 21-84.092 F-B 6 AVRIL 2022 M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 AVRIL 2022 M. [B] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 11 juin 2021, qui, pour association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [B] [H], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Après avoir reçu un renseignement portant sur un trafic de stupéfiants, la police a ouvert une enquête préliminaire. A l'issue de celle-ci, sept personnes, dont le demandeur, ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de la comparution immédiate. 3. Condamné par le tribunal correctionnel, qui a rejeté les exceptions de nullité de la procédure qu'il avait soulevées, M. [B] [H] a relevé appel et le ministère public a formé appel incident. Examen des moyens Sur le quatrième moyen 4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'exposant tirée de l'irrégularité de la fouille du sac poubelle réalisée le 24 juin 2020, alors « que, toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée doit faire l'objet d'un contrôle judiciaire efficace de nature à garantir sa stricte nécessité ; que la fouille d'un sac poubelle déposé dans un conteneur sur la voie publique constitue une mesure d'ingérence dans la vie privée nécessitant l'autorisation préalable d'un juge ou du procureur de la République ; qu'en l'espèce, les officiers de police ont procédé d'initiative, en enquête préliminaire, à la fouille d'un sac poubelle déposé aux fins de destruction dans un conteneur sur la voie publique, en dehors de tout contrôle d'un juge ; qu'en conséquence, en rejetant l'exception de nullité soulevée par le conseil de l'exposant aux motifs que l'acte n'entrerait pas « dans le champ légal des actes soumis à l'autorisation préalable d'un juge ou le contrôle en amont du procureur de la République », la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 39-3 et 41 du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des pièces de procédure que, lors d'une surveillance, les enquêteurs ont remarqué qu'un homme qui avait été observé sur la terrasse de l'appartement où, selon leur renseignement, le trafic de stupéfiants se déroulait, a déposé un sac poubelle dans un conteneur à ordures à usage collectif. Les enquêteurs ont pris ce sac et découvert, à l'intérieur de celui-ci, un ticket de recharge d'une ligne téléphonique pré-payée. La saisie de ce ticket et l'exploitation des informations qu'il contenait ont permis d'identifier les auteurs du trafic. 7. Pour rejeter l'exception de nullité présentée par M. [H], qui estimait que la fouille de ce sac poubelle et l'exploitation de son contenu, sans autorisation judiciaire, avaient porté à sa vie privée une ingérence excessive au regard des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel retient que l'atteinte ainsi portée à la vie privée du demandeur est restée modérée et proportionnée au but recherché, consistant dans la recherche de preuves susceptibles de démanteler un trafic de stupéfiants. 8. En prononçant ainsi, dès lors que la saisie, par les enquêteurs, dans le but de rechercher les auteurs d'une infraction, d'un objet découvert abandonné sur la voie publique ou dans un conteneur collectif d'ordures ménagères ne constitue pas une atteinte à la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, nécessitant une autorisation judiciaire préalable à l'exploitation de son contenu, la cour d'appel a justifié sa décision. 9. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'exposant tirée de l'irrégularité des procès-verbaux de surveillance exploitant un dispositif de captation et d'enregistrement d'images sur la voie publique, alors « que, toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée doit faire l'objet d'un contrôle judiciaire efficace de nature à garantir sa stricte nécessité ; que la mise en place par les enquêteurs d'un dispositif de surveillance au moyen de l'exploitation d'un dispositif de captation et d'enregistrement d'images sur la voie publique constitue une ingérence dans la vie privée nécessitant l'autorisation préalable et le contrôle d'un juge ; qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité soulevée par le conseil de l'exposant aux motifs « les photographies et leur exploitation querellées, réalisées de manière discontinues dans un lieu public ne constituent pas un « recueil systématique de données » mais s'assimilent à la surveillance des actes et déplacements d'individus dans un lieu public en utilisant un système de prises de vues sans enregistrement de données, et ne constituent pas en soi une ingérence dans la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le cadre de l'enquête préliminaire sous le contrôle du parquet et le but poursuivi de rechercher des preuves d'infractions à la législation sur les stupéfiants étant légal, adapté et proportionné », lorsqu'il résultait pourtant des éléments et pièces de la procédure que le dispositif de surveillance avait été mis en place sur une durée de près de trois mois, sans autorisation préalable d'un juge, la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 11. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de ce qu'un dispositif de surveillance accompagné de la captation et de l'enregistrement d'images sur la voie publique, constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée nécessitant l'autorisation préalable et le contrôle d'un juge, l'arrêt attaqué énonce qu'à l'occasion de l'enquête préliminaire, la police a, lors de surveillances physiques, pris des clichés photographiques de M. [H]. 12. Les juges relèvent que ces prises de vue ont été réalisées sur la voie publique, de manière non continue, les appareils en cause n'étant pas fixés ou installés durablement sur place et ne fonctionnant pas en permanence, compte tenu de la présence intermittente des enquêteurs. 13. Ils en concluent que les photographies et leur exploitation, réalisées de manière discontinue dans un lieu public, ne constituent pas un recueil systématique de données mais s'assimilent à la surveillance des actes et déplacements d'individus dans un lieu public en utilisant un système de prise de vues sans enregistrement de données et ne constituent ainsi pas en soi une ingérence dans la vie privée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le cadre de l'enquête préliminaire sous le contrôle du parquet et le but poursuivi de recherche des preuves d'infractions à la législation sur les stupéfiants étant légal, adapté et proportionné, de sorte que l'exception de nullité doit être rejetée. 14. En statuant ainsi la cour d'appel n'a pas méconnu la disposition conventionnelle visée au moyen et a justifié sa décision, les actes incriminés, soit la prise de clichés photographiques, ne pouvant être assimilés à la mise en place d'un dispositif de captation et d'enregistrement continu d'images de personnes se trouvant dans un lieu privé, qui requiert l'autorisation préalable et le contrôle d'un juge. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par l'exposant tirée de l'irrégularité de la mise en place du dispositif de sonorisation et de captation d'images, en ce qu'elle n'a pas été réalisée par un agent qualifié ou spécialement désigné, alors « qu'est irrégulière la mise en place d'un dispositif de sonorisation et de captation d'images réalisée par un agent non qualifié et non spécialement requis par le procureur de la République ; qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité soulevée par le conseil de l'exposant lorsqu'il résultait des éléments et pièces de la procédure que les agents ayant installé le dispositif en cause n'ont pas été spécialement requis et ne figurent pas sur la liste limitative des agents spécialement compétents, la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-96, 706-96-1, 706-95-17, 706-95-18, D. 15-1-5 du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'absence de désignation, par le procureur de la République, des officiers de police judiciaire qui ont procédé à la pose des dispositifs de sonorisation et de captation des images dans des lieux privés, la cour d'appel énonce qu'il a été recouru à ces techniques spéciales d'enquête conformément à l'autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, les dispositifs techniques nécessaires ayant été installés par deux officiers de police judiciaire appartenant au service requis par le procureur de la République pour procéder à l'enquête préliminaire dans le cadre de laquelle il a été recouru à ces techniques d'investigation. 18. Au surplus, les pièces de procédure indiquent que cette surveillance a été réalisée par un officier de police judiciaire appartenant à la sûreté départementale de [Localité 1]. Celui-ci est un service territorial de police judiciaire, au sens de l'article D. 15-1-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, l'expression de service territorial de police judiciaire n'étant pas limitée aux services déconcentrés de la direction centrale de la police judiciaire, cités par ailleurs dans le même texte. 19. En cet état, et dès lors qu'aucune disposition de la loi n'impose une désignation nominative, par le juge d'instruction ou par le procureur de la République, de l'officier ou de l'agent de police judiciaire chargé de la mise en place des dispositifs techniques prévus à l'article 706-96 du code de procédure pénale, dont l'utilisation a été autorisée par le juge des libertés et de la détention, la juridiction du second degré a justifié sa décision. 20. En conséquence le moyen doit être écarté. 21. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 21-83.457 F-B 6 AVRIL 2022 CASSATION PARTIELLE M. SOULARD président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 6 AVRIL 2022 M. [R] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 2021, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis et cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné sa convocation devant le juge d'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de l'emprisonnement et une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [R] [X], et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 18 juin 2019, le tribunal correctionnel de Thionville a reconnu M. [R] [X] coupable d'agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. 3. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement. Examen des moyens Sur le premier moyen 4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [X] à un emprisonnement délictuel de trente mois, dit qu'il sera sursis partiellement pour une durée de quinze mois et ordonné la convocation de M. [X] devant le juge de l'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement, alors : « que l'aménagement des peines relève à titre principal de l'office du juge correctionnel qui doit soit décider de celui-ci dans ses modalités ou dans son seul principe, soit, dans les cas prévus, décerner mandat de dépôt ou mandat d'arrêt, soit, pour les peines d'au moins six mois, décerner un mandat de dépôt à effet différé, faisant obstacle à un aménagement ultérieur de la peine ; qu'afin d'exclure toute impossibilité d'aménager la peine d'emprisonnement ferme prononcée, la juridiction de jugement doit interroger le prévenu comparant sur sa situation personnelle et, le cas échéant, ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation, en application de l'article 132-70-1 du code pénal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a prononcé une peine d'emprisonnement de trente mois, dont quinze mois assortis d'un sursis simple, s'est contentée d'ordonner « la convocation de [R] [X] devant le juge de l'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement » ; qu'en abandonnant ainsi au juge de l'application des peines le soin de dire si la partie ferme de la peine d'emprisonnement prononcée était effectivement aménageable, quand il lui appartenait de statuer elle-même sur le principe de cet aménagement en interrogeant M. [X], présent à l'audience et, au besoin, en ajournant le prononcé de la peine aux fins d'investigation sur sa situation personnelle et familiale, la cour d'appel a violé les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-19, dans ses rédactions antérieure et postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale : 6. Il se déduit de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est supérieure à un an et inférieure ou égale à deux ans au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, et à deux ans lorsque les faits ont été commis avant le 24 mars 2020 (Crim., 20 octobre 2020, pourvoi n° 19-84.754, publié au Bulletin), son aménagement est le principe et le juge ne peut l'écarter que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné. 7. Il s'ensuit que le juge ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'il ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée ; dans ce cas, il doit ordonner, d'une part, l'aménagement de la peine, d'autre part, la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines qui déterminera cette mesure, en application de l'article 464-2, I, 1° et 2°, du code de procédure pénale. 8. Après avoir condamné M. [X] à une peine d'emprisonnement dont la partie ferme est de quinze mois, la cour d'appel constate que cette peine est aménageable et qu'il n'existe aucune raison pour priver celui-ci d'une telle mesure. 9. Les juges ajoutent qu'ils ne disposent pas d'éléments suffisants, notamment au regard des conditions de logement de M. [X] pour déterminer la forme d'aménagement de la peine la plus adaptée. 10. Ils en concluent que M. [X] devra être convoqué par le juge de l'application des peines, et ordonnent cette convocation pour un éventuel aménagement de la partie ferme de l'emprisonnement. 11. En renvoyant ainsi au juge de l'application des peines la décision d'aménager la peine, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 12. En effet, dès lors que la cour d'appel estimait que ni la situation ou la personnalité du condamné, ni une impossibilité matérielle empêchaient l'aménagement de la peine, il lui appartenait, d'une part, de l'ordonner explicitement, dans son principe, et, d'autre part, soit de déterminer la forme de cet aménagement si elle obtenait les éléments d'appréciation nécessaires à cette fin, en interrogeant le prévenu présent à l'audience, soit, dans le cas inverse, d'ordonner sa convocation devant le juge de l'application des peines pour qu'il en règle les modalités conformément aux dispositions de l'article 464-2, I, 1° et 2°, précité. 13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 14. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que les autres dispositions n'encourent pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 25 mars 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 22-80.434 F- B 5 AVRIL 2022 NON LIEU À RENVOI M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 5 AVRIL 2022 [Z] [D] a présenté, par mémoire spécial reçu le 21 février 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 janvier 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vols aggravés, dégradations aggravées, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraires, violences aggravées, escroquerie et tentative d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat d'[Z] [D], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « L'interprétation jurisprudentielle constante que la Cour de cassation donne à l'article 145 alinéa 6 du code de procédure pénale à la suite de la décision n° 2021-93[5] QPC du 30 septembre 2021, interprétation selon laquelle le défaut de notification du droit de se taire par le juge des libertés et de la détention n'est pas sanctionnée par la nullité de sa décision, est-elle conforme à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » 2. Le fait que la jurisprudence constante critiquée soit, en l'espèce, applicable à une obligation créée par une réserve d'interprétation transitoire émise par le Conseil constitutionnel, réserve qui fait corps avec le texte législatif, n'est pas de nature à faire échec à la transmission. 3. La disposition législative contestée, telle qu'interprétée transitoirement par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-935 QPC du 30 septembre 2021, est applicable au litige. Elle doit être considérée comme ayant été déclarée, par l'effet de cette même décision, conforme à la Constitution. 4. Si une interprétation jurisprudentielle constante d'une disposition législative déclarée conforme à la Constitution peut constituer un changement des circonstances de droit, ouvrant la possibilité d'en saisir à nouveau le Conseil constitutionnel, c'est à la condition que cette interprétation jurisprudentielle soit intervenue postérieurement à la déclaration de conformité. Tel n'est pas le cas en l'espèce, l'interprétation jurisprudentielle de l'article 145, alinéa 6, du code de procédure pénale visée par la question lui étant antérieure. 5. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du cinq avril deux mille vingt-deux. Le Rapporteur Le Président Le Greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 31 mars 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 341 FS-B Pourvoi n° U 20-19.992 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022 Mme [C] [Z], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 20-19.992 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [T], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3], dont le siège est [Adresse 5], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [Z], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Talabardon, Ittah, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 janvier 2020), Mme [Z] a été victime, le 7 juillet 1980, d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [T], assuré auprès de la société Gan assurances. Une cour d'appel a liquidé son préjudice par un arrêt du 29 novembre 1985. 2. Mme [Z] a, par la suite, été indemnisée de l'aggravation de ses dommages, par deux décisions de cette même cour d'appel des 25 janvier 1995 et 12 septembre 2012. 3. Alléguant une nouvelle aggravation de son état, Mme [Z] a assigné, les 17 et 25 octobre 2016, M. [T] et son assureur devant un tribunal de grande instance, afin d'obtenir la réparation de son préjudice. A cette occasion, elle a sollicité l'indemnisation d'un préjudice de perte de droits à la retraite lié aux conséquences de son dommage initial. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il la déboute du surplus de ses demandes indemnitaires, et y ajoutant, la déclare prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial, alors « que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de retraite résultant du dommage initial ; que, dans le même temps, elle a déclaré cette demande irrecevable comme prescrite ; qu'en déclarant la demande de Mme [Z] tout à la fois irrecevable et mal fondée, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel ayant constaté que la demande de réparation d'un préjudice de retraite avait été formée devant le premier juge au titre de l'aggravation de son préjudice, alors qu'elle était sollicitée devant elle au titre de l'indemnisation de son préjudice initial, c'est sans commettre d'excès de pouvoir qu'elle a confirmé le jugement en l'absence de lien de causalité avec l'aggravation et déclaré la demande présentée devant elle irrecevable comme prescrite. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 7. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de la déclarer prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial, alors : « 1°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite la demande de Mme [Z], la cour d'appel considéré que « l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial » ; qu'en se prononçant ainsi tandis que l'action tendant à la réparation du dommage initial comprend tous les chefs de préjudice qui n'ont pas encore été réparés de sorte qu'elle interrompt le délai de prescription de l'action tendant à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices non réparés qui sont consécutifs à ce dommage, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code ; 2°/ que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, Mme [Z] faisait valoir qu'elle avait engagé plusieurs actions en réparation de son préjudice initial puis en réparation de l'aggravation de celui-ci et que ces actions qui constituaient des actes interruptifs du délai de prescription, concernaient l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle dont fait partie le préjudice de retraite ; qu'en déclarant prescrite la demande de Mme [Z] tendant à l'indemnisation du préjudice de retraite au titre du dommage initial, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les demandes de Mme [Z] tendant à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle, à chaque aggravation, ne comprenaient pas virtuellement le préjudice de retraite, non réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code. » Réponse de la Cour 8. L'arrêt relève d'abord que Mme [Z] sollicitait l'indemnisation d'un préjudice de retraite résultant de son préjudice initial, alors que son état avait été consolidé avec une incapacité permanente partielle de 58 %, consacrant une incapacité de travail, ce dont elle avait parfaitement connaissance puisqu'elle n'a jamais repris d'activité salariée depuis son accident. 9. Retenant ensuite exactement que l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la demande formée par Mme [Z] au titre de son préjudice de retraite était prescrite, puisque, si la demande en justice aux fins d'indemnisation de son préjudice initial avait interrompu le délai de prescription jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 1986, un nouveau délai de 10 ans avait commencé à courir à compter de cette date, lequel avait expiré le 16 décembre 1996. 10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme [C] [Z] du surplus de ses demandes indemnitaires, et y ajoutant d'AVOIR déclaré Mme [Z] prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la prescription de l'action Il est constant que ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, prohibée devant la cour, une demande d'indemnisation d'un poste de préjudice qui n'aurait pas été présentée précédemment, car elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge à savoir obtenir l'indemnisation intégrale de l'ensemble des postes de dommage effectivement subis en relation de causalité avec l'accident initial, étayés par les nouvelles pièces produites, situation expressément autorisée par les articles 563 à 565 du code de procédure civile. De ce chef la demande est donc recevable. Il est également constant que Mme [Z] sollicite l'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial alors que son dommage avait été consolidé avec une incapacité permanente partielle de 58%, consacrant une incapacité de travail, ce dont elle avait parfaitement connaissance puisqu'elle n'a jamais repris d'activité salariée depuis son accident. Par ailleurs, l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial. La société Gan soutient que cette demande est prescrite. En effet, elle l'est puisque l'accident est survenu le 7 juillet 1980 à un moment où l'action en réparation de son préjudice corporel se prescrivait par 30 ans ; délai que la loi du 5 juillet 1985 entrée en vigueur le 1er janvier 1986 a ramené à 10 ans. La demande en justice alors formée par Mme [Z], pour obtenir l'indemnisation d'un poste de préjudice rattaché à son préjudice initial, a interrompu le délai de prescription jusqu'à la décision de la Cour de cassation intervenue le 16 décembre 1986. A compter de cette date, un nouveau délai de 10 ans a recommencé à courir et il a expiré le 16 décembre 1996. En conséquence, les 17 et 27 octobre 2016, Mme [Z] était largement prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite en lien direct et certain avec son préjudice initial ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le préjudice de retraite Il résulte des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions. Mme [C] [Z] sollicite la somme de 147.757,48 euros au titre de son préjudice de retraite. Celle-ci ne justifie cependant pas d'un quelconque lien entre l'aggravation et ce préjudice. Elle sera dès lors déboutée de sa demande à ce titre ; ALORS QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de retraite résultant du dommage initial ; que, dans le même temps, elle a déclaré cette demande irrecevable comme prescrite ; qu'en déclarant la demande de Mme [Z] tout à la fois irrecevable et mal fondée, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Mme [Z] prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial ; AUX MOTIFS QUE sur la prescription de l'action (?) Il est également constant que Mme [Z] sollicite l'indemnisation d'un préjudice de retraite au titre de son préjudice initial alors que son dommage avait été consolidé avec une incapacité permanente partielle de 58%, consacrant une incapacité de travail, ce dont elle avait parfaitement connaissance puisqu'elle n'a jamais repris d'activité salariée depuis son accident. Par ailleurs, l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial. La société Gan soutient que cette demande est prescrite. En effet, elle l'est puisque l'accident est survenu le 7 juillet 1980 à un moment où l'action en réparation de son préjudice corporel se prescrivait par 30 ans ; délai que la loi du 5 juillet 1985 entrée en vigueur le 1er janvier 1986 a ramené à 10 ans. La demande en justice alors formée par Mme [Z], pour obtenir l'indemnisation d'un poste de préjudice rattaché à son préjudice initial, a interrompu le délai de prescription jusqu'à la décision de la Cour de cassation intervenue le 16 décembre 1986. A compter de cette date, un nouveau délai de 10 ans a recommencé à courir et il a expiré le 16 décembre 1996. En conséquence, les 17 et 27 octobre 2016, Mme [Z] était largement prescrite en sa demande d'indemnisation d'un préjudice de retraite en lien direct et certain avec son préjudice initial ; 1) ALORS QUE la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour déclarer prescrite la demande de Mme [Z], la cour d'appel considéré que « l'action en aggravation d'un préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial » ; qu'en se prononçant ainsi tandis que l'action tendant à la réparation du dommage initial comprend tous les chefs de préjudice qui n'ont pas encore été réparés de sorte qu'elle interrompt le délai de prescription de l'action tendant à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices non réparés qui sont consécutifs à ce dommage, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code ; 2) ALORS QUE la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, Mme [Z] faisait valoir qu'elle avait engagé plusieurs actions en réparation de son préjudice initial puis en réparation de l'aggravation de celui-ci et que ces actions qui constituaient des actes interruptifs du délai de prescription, concernaient l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle dont fait partie le préjudice de retraite (concl. p. 7 § 1) ; qu'en déclarant prescrite la demande de Mme [Z] tendant à l'indemnisation du préjudice de retraite au titre du dommage initial, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les demandes de Mme [Z] tendant à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'incapacité professionnelle, à chaque aggravation, ne comprenaient pas virtuellement le préjudice de retraite, non réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil, anciennement l'article 2244 du même code.
CASS/JURITEXT000033645842.xml
N° R 16-81.912 FS-P+B LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ; CASSATION sur le pourvoi formé par M. X..., contre l'arrêt n° 336 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 mars 2016, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement ukrainien, a rejeté sa demande de mise en liberté ; Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme et 66 de la Constitution, 5, § 1, f, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale : "en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté ; "1°) alors que seul le déroulement de la procédure d'extradition justifie la privation de liberté ; que, par arrêt définitif du 24 octobre 2014, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon a émis un avis favorable à la demande d'extradition formée par l'Ukraine ainsi que, par arrêt définitif du même jour, à la demande d'extradition parallèlement formée par la Fédération de Russie, avec priorité accordée à la remise de M. X... à la Russie ; que le gouvernement a consécutivement pris un décret d'extradition en faveur de la Russie le 17 septembre 2015 ; que la décision de la chambre de l'instruction en faveur de la Russie faisant obstacle à la remise de M. X... aux autorités ukrainiennes, le maintien de ce dernier sous écrou extraditionnel dans le cadre de la demande ukrainienne n'est plus justifié par les strictes nécessités de la présente procédure ; que la cassation interviendra sans renvoi et avec remise en liberté immédiate si M. X... n'est détenu pour autre cause ; "2°) alors que la privation de liberté d'une personne placée sous écrou extraditionnel en vue d'être jugée par un Etat étranger pour des faits de nature correctionnelle et qui, comme en l'espèce, excède le maximum de la détention provisoire autorisée sur le territoire français pour ce type de faits, constitue une rigueur non nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et une privation de liberté d'une durée excessive au sens de l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ; "3°) alors que si la procédure d'extradition n'est pas menée par les autorités avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le fait que l'intéressé ait normalement exercé les voies de recours qui lui sont ouvertes ne décharge pas l'Etat des conséquences d'un retard injustifié ; qu'en déniant à M. X... le droit d'invoquer la durée déraisonnable de sa privation de liberté au motif qu'il a exercé de nombreuses voies de recours et que l'article 5, § 3, de la Convention ne trouve pas à s'appliquer, la chambre de l'instruction a violé l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ; "4°) alors que M. X... est placé sous écrou extraditionnel et privé de liberté depuis le 1er août 2013 ; qu'un délai de plus d'un an s'est écoulé depuis l'arrêt de la Cour de cassation, du 4 mars 2015, ayant rejeté le pourvoi formé contre l'avis favorable de la chambre de l'instruction, sans qu'aucun décret d'extradition n'ait été pris au profit de l'Ukraine, en sorte que la durée de la privation de liberté de M. X... dans le cadre de la présente procédure d'extradition a, de ce seul fait, excédé un délai raisonnable, en violation de l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la cassation interviendra sans renvoi et avec remise en liberté immédiate s'il n'est détenu pour autre cause ; "5°) alors qu'en s'abstenant de répondre autrement que par un rappel insuffisant des décisions intervenues durant la procédure, aux écritures précises et circonstanciées de M. X... faisant état d'un certain nombre de retards pris du fait des autorités (mandat d'arrêt transmis tardivement, délai de presque cinq mois entre la notification de la demande et son examen le 12 décembre 2013, demande de renvoi du parquet non justifiée par un élément nouveau...) et en ne s'expliquant notamment pas, bien qu'elle y fût expressément invitée, sur l'absence de suite donnée à l'avis favorable à l'extradition devenu définitif depuis le 4 mars 2015, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme ; "6°) alors que l'arrêt n'a pas répondu au moyen tiré de la violation du droit au respect de la vie privée et familiale de M. X..., privant ainsi sa décision de motifs" ; Sur le moyen, pris en sa première branche : Attendu que le moyen, en sa première branche, est nouveau et comme tel irrecevable pour ne pas avoir été proposé par le demandeur dans le mémoire déposé devant la chambre de l'instruction ; Mais sur le moyen, pris en ses autres branches : Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5, § 1, f, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été placé sous écrou extraditionnel respectivement le 1er août 2013 dans le cadre d'une demande d'extradition présentée par le gouvernement ukrainien puis le 5 novembre suivant à la suite d'une demande formée par le gouvernement russe ; que, par arrêts du 24 octobre 2014, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, statuant sur renvoi après cassation, a donné un avis favorable assorti de réserves à chacune de ces demandes ; que les pourvois formés par M. X... ont été rejetés par arrêts de la Cour de cassation du 4 mars 2015 ; qu'un décret du 17 septembre suivant a fait droit à la demande d'extradition présentée par le gouvernement russe, M. X... ayant ensuite exercé un recours devant le Conseil d'Etat contre cette décision ; qu'en revanche, aucun décret n'a été pris concernant la demande présentée par le gouvernement ukrainien ; Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, qui invoquait la durée excessive de sa privation de liberté et l'atteinte injustifiée portée au respect de sa vie familiale, la chambre de l'instruction, après avoir relevé que la procédure avait été menée avec toute la diligence requise, a retenu que la personne réclamée ne pouvait, s'agissant de la durée de sa détention, invoquer la violation du principe du délai raisonnable, prévu par l'article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, inapplicable en matière d'extradition ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la personne réclamée dans ses conclusions, si les autorités françaises conduisaient la procédure d'extradition avec une diligence suffisante, de sorte que la durée de la privation de liberté n'excédait pas le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but visé par l'article 5, § 1, f, de la Convention précitée, et, en outre, sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire de l'intéressé invoquant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen de cassation proposé : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 mars 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, conseillers référendaires ; Avocat général : M. Bonnet ; Greffier de chambre : Mme Randouin ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 février 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 148 FS-D Pourvoi n° G 21-10.211 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022 M. [Z] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-10.211 contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Z] [S], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [W] [V], domicilié c/o [Adresse 3], pris en sa qualité de directeur de publication de Mediapart, 3°/ à la société Editrice de Mediapart, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations écrites et plaidoiries de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [S], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Gargoullaud, Mme Dazzan, Mme Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [T] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [V] et la société Editrice de Mediapart. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2020), rendu en référé, le 26 novembre 2018, M. [T] a été placé en garde à vue à la suite d'une plainte pour des faits de viol qui auraient été commis en 2011. Le 11 mars 2019, cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée. 3. Le 25 juin 2019, M. [H] dit [S] a mis en ligne sur son blog [05], ainsi que sur son compte facebook, un article intitulé « #Metoo, le théâtre français aussi », dans lequel il évoque des agressions sexuelles de la part d'un tiers et de M. [T] sur plusieurs femmes et met en exergue, notamment, la plainte classée sans suite déposée contre ce dernier. 4. Le 23 juillet 2019, M. [T], estimant que cet article avait porté atteinte à sa présomption d'innocence, a assigné M. [S], M. [V] en qualité de directeur de publication et la société Editrice de Mediapart sur le fondement des articles 809 du code de procédure civile, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9-1 du code civil, 6-I-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et de l'article préliminaire du code de procédure pénale, afin d'obtenir la suppression de l'article en cause, la publication d'un communiqué sur le blog et le compte facebook de M. [S] et la condamnation solidaire de celui-ci, de M. [V] et de la société Editrice de Mediapart à lui payer une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [T] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, alors : « 1°/ que l'atteinte à la présomption d'innocence consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne ayant fait l'objet d'une enquête de police ; qu'en retenant que « la protection de la présomption d'innocence [était] [...] limitée à la durée de l'enquête ou de l'instruction judiciaire », quand elle bénéficie aussi, jusqu'à ce qu'une éventuelle décision de condamnation devienne définitive, à celui qui a été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire, la cour d'appel a violé les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9-1 du code civil et préliminaire du code de procédure pénale ; 2°/ que, en retenant, pour le débouter de ses demandes, que « M. [T] ne faisa[it] l'objet d'aucune poursuite pénale du fait du classement sans suite de la plainte déposée à son encontre », après avoir elle-même relevé que ce classement sans suite ne constituait qu'un « abandon provisoire des poursuites » et quand le droit au respect de la présomption d'innocence n'est pas subordonné à l'existence de poursuites actuelles, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9-1 du code civil et préliminaire du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en toute hypothèse la présomption d'innocence exige de tenir compte, après l'abandon de poursuites pénales, du fait que l'intéressé n'a pas été condamné ; qu'en déboutant M. [T] de ses demandes, quand elle relevait elle-même qu'il avait bénéficié d'un « classement sans suite de la plainte déposée à son encontre », en sorte qu'il ne pouvait être publiquement présenté comme coupable des faits dénoncés dans la plainte, la cour d'appel a violé les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9-1 du code civil et préliminaire du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 9-1 du code civil et de l'article préliminaire, III, alinéa 1, du code de procédure pénale que le droit au respect de la présomption d'innocence est celui de ne pas être présenté publiquement comme coupable d'une infraction, tant qu'une procédure pénale est en cours. 7. En l'absence d'une telle procédure, les propos imputant à autrui une infraction sont susceptibles de caractériser une diffamation. 8. Après avoir constaté que, lors de la parution de l'article litigieux, M. [T] ne faisait l'objet d'aucune poursuite pénale, dès lors que la plainte déposée à son encontre avait été classée sans suite, la cour d'appel a, à bon droit, écarté l'application des dispositions protégeant la présomption d'innocence et déduit qu'il n'y avait pas lieu à référé. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux. Le conseiller rapporteur le president Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [T] M. [T] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé à l'égard de M. [S] et d'AVOIR rejeté les demandes de M. [T] à l'égard de M. [S] ; 1°) ALORS QUE l'atteinte à la présomption d'innocence consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne ayant fait l'objet d'une enquête de police ; qu'en retenant que « la protection de la présomption d'innocence [était] [...] limitée à la durée de l'enquête ou de l'instruction judiciaire » (arrêt, p. 7, § 2), quand elle bénéficie aussi, jusqu'à ce qu'une éventuelle décision de condamnation devienne définitive, à celui qui a été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire, la cour d'appel a violé les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9-1 du code civil et préliminaire du code de procédure pénale ; 2°) ALORS QU'en retenant, pour le débouter de ses demandes, que « M. [T] ne faisa[it] l'objet d'aucune poursuite pénale du fait du classement sans suite de la plainte déposée à son encontre » (arrêt, p. 8, § 1), après avoir elle-même relevé que ce classement sans suite ne constituait qu'un « abandon provisoire des poursuites » (arrêt, p. 7, dernier paragraphe) et quand le droit au respect de la présomption d'innocence n'est pas subordonné à l'existence de poursuites actuelles, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9-1 du code civil et préliminaire du code de procédure pénale ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la présomption d'innocence exige de tenir compte, après l'abandon de poursuites pénales, du fait que l'intéressé n'a pas été condamné ; qu'en déboutant M. [T] de ses demandes, quand elle relevait elle-même qu'il avait bénéficié d'un « classement sans suite de la plainte déposée à son encontre » (arrêt, p. 8, § 1), en sorte qu'il ne pouvait être publiquement présenté comme coupable des faits dénoncés dans la plainte, la cour d'appel a violé les articles 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9-1 du code civil et préliminaire du code de procédure pénale. Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2022 Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1087 F-B Pourvoi n° M 21-19.092 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022 M. [G] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-19.092 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], mandataire, prise en la personne de M. [R] [P], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Modulaire Système Services (MSS), sise [Adresse 3], 2°/ à la société MMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], mandataire, prise en la personne de M. [R] [P], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Elteo, sise [Adresse 3], 3°/ à l'Unédic AGS-CGEA d'Ile-de-France Est, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [J], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MMJ, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mai 2021), M. [J] a été engagé à compter du 2 décembre 2013 en qualité d'exploitant par la société Modulaire Système Service (MSS), qui appartenait à un groupe de huit sociétés dont la société Elteo, société holding. 2. Par jugement du 3 janvier 2017, dont les sociétés MSS et Elteo ont relevé appel le 9 janvier 2017, un tribunal d'instance a déclaré que ces huit sociétés formaient une unité économique et sociale (UES) au sein de laquelle devaient être organisées les élections du personnel. 3. Par jugement du 4 septembre 2017, un tribunal de commerce a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société MSS et désigné M. [R] [P] en qualité de liquidateur. 4. Convoqué le 6 septembre 2017 à un entretien préalable au licenciement, fixé au 14 septembre 2017, le salarié s'est vu notifier, le 18 septembre 2017 le motif économique de la rupture du contrat de travail et a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé. 5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement justifié par un motif économique et de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, alors : « 1°/ que lorsque les projets de licenciement ont été décidés au niveau d'une UES, c'est à ce niveau qu'il convient se placer pour vérifier si les conditions d'effectif et de nombre de licenciements imposant la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi sont remplies ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait expressément que la décision de licencier les salariés pour motif économique avait été prise au niveau de l'UES ; qu'il appartenait en conséquence à la juridiction judiciaire, dès lors qu'il était soutenu devant elle que les licenciements avaient été décidés au niveau de cette UES, d'apprécier l'incidence de la reconnaissance d'une UES quant à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et à la validité des licenciements ; qu'en retenant, pour débouter le salarié, que si en principe le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère déclaratif à la date introductive d'instance, en l'espèce il était établi qu'au jour du licenciement du salarié par M. [P], la procédure d'appel étant toujours en cours, la décision du Tribunal d'instance n'était pas définitive, que celle-ci n'était au demeurant pas assortie de l'exécution provisoire et donc qu'elle ne s'imposait pas à M. [P] peu important que celui-ci se soit ultérieurement désisté de son appel, que le licenciement du salarié n'avait pu être décidé au niveau de l'UES dont la reconnaissance était alors privée d'effet, que c'était donc au seul niveau de la société MSS que devaient s'apprécier les conditions pouvant justifier la mise en place d'un PSE, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, la privant de toute base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail ; 2°/ que le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère simplement déclaratif à la date introductive d'instance ; que le jugement reconnaissant l'existence d'une UES, même frappée d'appel et non assortie de l'exécution provisoire, a autorité de chose jugée entre les parties jusqu'à réformation éventuelle devant la cour d'appel pour tout ce qui concerne les éléments établis par les premiers juges ; qu'il s'en déduit que le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale, ayant un caractère déclaratif et rétroactif, a autorité de chose jugée, même si le jugement est frappé d'appel et non assorti de l'exécution provisoire ; qu'en retenant, pour débouter le salarié, que si en principe le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère déclaratif à la date introductive d'instance, en l'espèce il était établi qu'au jour du licenciement du salarié par M. [P], la procédure d'appel étant toujours en cours, la décision du Tribunal d'instance n'était pas définitive, que celle-ci n'était au demeurant pas assortie de l'exécution provisoire et donc qu'elle ne s'imposait pas à M. [P] peu important que celui-ci se soit ultérieurement désisté de son appel, que le licenciement du salarié n'avait pu être décidé au niveau de l'UES dont la reconnaissance était alors privée d'effet, que c'était donc au seul niveau de la société MSS que devient s'apprécier les conditions pouvant justifier la mise en place d'un PSE, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile, ensemble des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. D'abord, il résulte des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, que les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur. Il n'en va autrement que lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale (UES), la décision de licencier a été prise au niveau de l'UES. 8. Ensuite, aux termes de l'article 539 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif. Il en résulte qu'une décision frappée d'appel ne peut servir de base à une demande en justice tendant à la réalisation des effets qu'elle comporte. 9. La cour d'appel, qui a constaté que le jugement ayant reconnu l'existence de l'UES non assorti de l'exécution provisoire faisait l'objet d'un appel formé par les sociétés, dont la société MSS, toujours pendant lors de l'engagement de la procédure de licenciement, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que c'était au seul niveau de la société employeur que devaient s'apprécier les conditions de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, en ayant délibéré en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [J] M. [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement justifié par un motif économique et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes indemnitaires au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; 1) ALORS d'abord QUE lorsque les projets de licenciement ont été décidés au niveau d'une UES, c'est à ce niveau qu'il convient se placer pour vérifier si les conditions d'effectif et de nombre de licenciements imposant la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi sont remplies ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait expressément que la décision de licencier les salariés pour motif économique avait été prise au niveau de l'UES (écritures d'appel p. 20 et s.) ; qu'il appartenait en conséquence à la juridiction judiciaire, dès lors qu'il était soutenu devant elle que les licenciements avaient été décidés au niveau de cette UES, d'apprécier l'incidence de la reconnaissance d'une UES quant à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et à la validité des licenciements ; qu'en retenant, pour débouter le salarié, que si en principe le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère déclaratif à la date introductive d'instance, en l'espèce il était établi qu'au jour du licenciement du salarié par M. [P], la procédure d'appel étant toujours en cours, la décision du Tribunal d'instance n'était pas définitive, que celle-ci n'était au demeurant pas assortie de l'exécution provisoire et donc qu'elle ne s'imposait pas à M. [P] peu important que celui-ci se soit ultérieurement désisté de son appel, que le licenciement du salarié n'avait pu être décidé au niveau de l'UES dont la reconnaissance était alors privée d'effet, que c'était donc au seul niveau de la société MSS que devaient s'apprécier les conditions pouvant justifier la mise en place d'un PSE, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, la privant de toute base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail ; 2) ALORS en tout état de cause QUE le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère simplement déclaratif à la date introductive d'instance ; que le jugement reconnaissant l'existence d'une UES, même frappée d'appel et non assortie de l'exécution provisoire, a autorité de chose jugée entre les parties jusqu'à réformation éventuelle devant la cour d'appel pour tout ce qui concerne les éléments établis par les premiers juges ; qu'il s'en déduit que le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale, ayant un caractère déclaratif et rétroactif, a autorité de chose jugée, même si le jugement est frappé d'appel et non assorti de l'exécution provisoire ; qu'en retenant, pour débouter le salarié, que si en principe le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère déclaratif à la date introductive d'instance, en l'espèce il était établi qu'au jour du licenciement du salarié par M. [P], la procédure d'appel étant toujours en cours, la décision du Tribunal d'instance n'était pas définitive, que celle-ci n'était au demeurant pas assortie de l'exécution provisoire et donc qu'elle elle ne s'imposait pas à M. [P] peu important que celui-ci se soit ultérieurement désisté de son appel, que le licenciement du salarié n'avait pu être décidé au niveau de l'UES dont la reconnaissance était alors privée d'effet, que c'était donc au seul niveau de la société MSS que devient s'apprécier les conditions pouvant justifier la mise en place d'un PSE, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile, ensemble des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 septembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 626 F-B Pourvoi n° A 20-20.826 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 Mme [N] [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-20.826 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la société Jyske Bank A/S, dont le siège se trouve [Adresse 3], (Danemark), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [H], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Jyske Bank A/S, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 février 2020), suivant offre de prêt acceptée le 20 juin 2007 et acte authentique du 30 octobre 2007, la société Jyske Bank (la banque) a consenti à Mme [H] (l'emprunteur) un prêt multidevises d'un montant de 500 000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ». Le prêt a été tiré pour un montant de 834 750 francs suisses. Le 16 juin 2011, la banque a procédé à la conversion en euros. 2. Invoquant l'irrégularité d'une telle conversion et le manquement de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde, l'emprunteur l'a assignée en annulation de la conversion, en déchéance du droit aux intérêts pour l'avenir et en paiement de dommages-intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de dire que l'offre de prêt ne comporte pas de clauses abusives et de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit condamnée à rembourser le prêt sur la base du capital originellement emprunté en euros soit la somme de 500 000 euros, alors « que l'exigence selon laquelle les clauses définissant l'objet principal du contrat doivent être rédigées de façon claire et compréhensible implique que les clauses indexant le remboursement d'un prêt sur le cours d'une devise étrangère soient comprises par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à leur portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à affirmer que les articles 2 et 4 du contrat de prêt étaient clairs et compréhensibles, sans constater que le contrat informait l'emprunteuse du risque de dépréciation de l'euro et des conséquences potentiellement significatives que les clauses litigieuses pouvaient avoir sur le montant des remboursements, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. La banque conteste la recevabilité partielle du moyen en faisant valoir que l'emprunteur n'a pas invoqué, devant la cour d'appel, le caractère abusif de l'article 2 du contrat de prêt. 5. Cependant, la cour d'appel, tenue d'examiner d'office si les clauses du contrat de prêt étaient abusives, dès lors qu'elle disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, a retenu que cet article 2 définissait l'objet du contrat et était clair et compréhensible. 6. Le moyen, qui est né de la décision attaquée, est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : 7. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 8. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, § 2, de la directive 93/13 du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu'il s'agit d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. 9. Pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives les articles 2 et 4 du contrat, l'arrêt retient que ces clauses, relatives au montant du prêt, à la devise choisie par l'emprunteur, au taux d'intérêt, aux modalités de remboursement et au coût du crédit, portent sur l'objet du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 11. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de dire que la banque n'a pas manqué à son obligation d'information et de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors « que le banquier est tenu de délivrer à son client une information sincère et complète quant à l'opération envisagée, en ce compris ses inconvénients et ses caractéristiques les moins favorables ; qu'en retenant que la banque n'avait pas manqué à son obligation d'information au motif que les clauses du contrat de prêt étaient claires, que quant à la variation possible du taux de change euro/franc suisse, et à ses conséquences sur le prêt, il est mathématiquement connu par tout investisseur normalement avisé" que l'article 11 de l'offre de prêt intitulé "Variation des taux de change" était rédigé en des termes de nature à attirer l'attention de l'emprunteur sur la possibilité qu'ensuite de la variation du taux de change, le capital emprunté ne devienne excessif" et que, dans un courrier du 24 avril 2007, la Jyske Bank AS avait informél'emprunteur que si elle envisageait de souscrire son prêt dans une devise autre que celle de ses revenus et biens, elle devez prendre en considération le fait que le taux de change sont sujets aux fluctuations du marché, que toute dépréciation de sa devise de base/revenu par rapport à la devise choisie se traduirait par une augmentation effective du coût de ses échéances de remboursements et que souscrire un prêt en devise étrangère pouvait en conséquence être considéré comme à "haut risque", sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'établissement bancaire avait informé l'emprunteur du risque de dépréciation de l'euro et de ses conséquences précises et concrètes sur ses obligations financières, en lui présentant des données prospectives à titre indicatif, notamment les moins favorables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 12. Lorsqu'elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger. 13. Pour écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information, l'arrêt retient que la variation possible du taux de change euro/franc suisse et ses conséquences sur le prêt sont connus par tout investisseur normalement avisé, que l'emprunteur avait pris connaissance de l'article 11 du contrat prévoyant les mesures pouvant être prises par la banque en cas d'augmentation du capital à rembourser au delà d'un certain montant en livres sterling et que celle-ci avait adressé à l'emprunteur, avant la signature de l'offre, une lettre l'informant des possibles variations du marché, du risque de dépréciation de la devise choisie se traduisant par une augmentation du coût des échéances de remboursement et précisant que la souscription d'un prêt en devise étrangère pouvait en conséquence être considéré comme « à haut risque ». 14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs du dispositif de l'arrêt condamnant l'emprunteur à payer à la banque, en exécution du contrat de prêt, la somme de 106 498,93 euros au titre des échéances des intérêts et capital du prêt échus à la date du 30 août 2019, disant que la Jyske Bank AS n'avait pas respecté les termes du contrat de prêt en procédant le 16 juin 2011 à une conversion dans une monnaie différente de celle prévue par les parties et a rejeté la demande de résolution du contrat de prêt, lesquelles s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable comme tardif l'appel incident de Mme [H] en ce que le jugement déféré a déclaré irrecevable la demande de nullité de l'article 4 du contrat de prêt et a rejeté la demande de publication, et en ce que la banque n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Jyske Bank aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Jyske Bank et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [H] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [H] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'offre de prêt du 5 juin 2007 ne comportait pas de clauses abusives, et de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à ce qu'elle soit condamnée à rembourser le prêt sur la base du capital originellement emprunté en euros soit la somme de 500 000 € ; 1° ALORS QUE l'exigence selon laquelle les clauses définissant l'objet principal du contrat doivent être rédigées de façon claire et compréhensible implique que les clauses indexant le remboursement d'un prêt sur le cours d'une devise étrangère soient comprises par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à leur portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à affirmer que les articles 2 et 4 du contrat de prêt étaient clairs et compréhensibles, sans constater que le contrat informait l'emprunteuse du risque de dépréciation de l'euro et des conséquences potentiellement significatives que les clauses litigieuses pouvaient avoir sur le montant des remboursements, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; 2° ALORS QUE le caractère clair et compréhensible des clauses d'un contrat doit être apprécié au regard des seules stipulations contractuelles ; qu'en affirmant que les articles 2 et 4 du contrat de prêt étaient clairs et compréhensibles au motif que l'emprunteuse avait été informée par un courrier du 24 avril 2007 du risque de dépréciation de l'euro par rapport à la devise choisie, quand une telle information extra-contractuelle, non reprise par les stipulations du contrat, ne saurait conférer à celles-ci un caractère clair et compréhensible, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; 3° ALORS QU'en toute hypothèse, l'exigence selon laquelle les clauses définissant l'objet principal du contrat doivent être rédigées de façon claire et compréhensible oblige les établissements financiers consentant des prêts libellés en devise étrangère à informer les emprunteurs de l'incidence sur les remboursements d'une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où l'emprunteur est domicilié ; qu'en se bornant à affirmer que les articles 2 et 4 du contrat de prêt étaient clairs et compréhensibles après en avoir reproduit la lettre et en constatant que l'emprunteuse avait été informée par un courrier du 24 avril 2007 du risque de dépréciation de l'euro par rapport à la devise choisie, sans rechercher si Mme [H] avait été concrètement informée du risque de dépréciation importante de l'euro et de ses incidences sur ses obligations financières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; 4° ALORS QU'en toute hypothèse, le caractère clair et compréhensible des clauses contractuelles doit être apprécié en se référant à toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat ; qu'en se bornant à affirmer que les articles 2 et 4 du contrat de prêt étaient clairs et compréhensibles après en avoir reproduit la lettre et en constatant que l'emprunteuse avait été informée par un courrier du 24 avril 2007 du risque de dépréciation de l'euro par rapport à la devise choisie, sans rechercher si les circonstances économiques, et notamment le cours du franc suisse en 2007 et l'attractivité exceptionnelle de cette devise, n'étaient pas de nature à justifier une information spécifique quant au risque de dépréciation, afin que les clauses d'indexation sur le cours du franc suisse puissent être jugées claires et compréhensibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; 5° ALORS QU'en toute hypothèse, les clauses indexant sur une devise étrangère le taux d'intérêt et l'obligation de remboursement pesant un emprunteur ne participent pas de la définition de l'objet principal du contrat et peuvent donc être abusives tout en étant claires et compréhensibles ; qu'en affirmant, pour juger que le prêt ne comportait pas de clause abusive, que les articles 2 et 4 définissaient l'objet principal du contrat et étaient clairs et compréhensibles, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [H] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la Jyske Bank AS n'avait pas manqué à son obligation d'information et de l'AVOIR déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; ALORS QUE le banquier est tenu de délivrer à son client une information sincère et complète quant à l'opération envisagée, en ce compris ses inconvénients et ses caractéristiques les moins favorables ; qu'en retenant que la société Jyske Bank n'avait pas manqué à son obligation d'information au motif que les clauses du contrat de prêt étaient claires (arrêt, p. 11, al. 1er et s.), que « quant à la variation possible du taux de change euro/franc suisse, et à ses conséquences sur le prêt, il est mathématiquement connu par tout investisseur normalement avisé » que « l'article 11 de l'offre de prêt intitulé "Variation des taux de change" était rédigé en des termes de nature à attirer l'attention de l'emprunteur sur la possibilité qu'ensuite de la variation du taux de change, le capital emprunté ne devienne excessif » (arrêt, p. 11, antépén. al.) et que, dans un courrier du 24 avril 2007, la Jyske Bank AS avait informé Mme [H] « que si elle envisageait de souscrire son prêt dans une devise autre que celle de ses revenus et biens, elle devez prendre en considération le fait que le taux de change sont sujets aux fluctuations du maché, que toute dépréciation de sa devise de base/revenu par rapport à la devise choisie se traduirait par une augmentation effective du coût de ses échéances de remboursements et que souscrire un prêt en devise étrangère pouvait en conséquence être considéré comme à "haut risque" » (arrêt, p. 12, al. 2), sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'établissement bancaire avait informé Mme [H] du risque de dépréciation de l'euro et de ses conséquences précises et concrètes sur ses obligations financières, en lui présentant des données prospectives à titre indicatif, notamment les moins favorables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. 1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 19-11.599, Bull., (cassation partielle) ; 1re Civ., 30 mars 2022, pourvoi n° 19-17.996, Bull., (cassation partielle).