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CASS/JURITEXT000046651883.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 22-85.114 F-B 15 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [L] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 28 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L] [U], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [L] [U] a été mis en examen du chef susvisé le 20 mai 2022, puis placé en détention provisoire. 3. Il a rempli un imprimé disponible à la maison d'arrêt, qu'il a daté du 30 mai 2022, dans lequel il a indiqué qu'il voulait relever appel de son placement en détention provisoire, enregistré au greffe de l'établissement pénitentiaire le 1er juin suivant. 4. Par courriers des 18 et 20 juillet 2022, l'avocat de M. [U] a demandé au procureur général la mise en liberté d'office de l'intéressé, au motif que la chambre de l'instruction n'avait pas encore statué sur cet appel. 5. Sur demande du parquet général, un acte d'appel a été formalisé le 20 juillet par le greffe de l'établissement pénitentiaire sur le registre prévu à cet effet, que l'intéressé a refusé de signer, et qui a été enregistré au greffe du tribunal judiciaire le même jour. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel interjeté par M. [L] [U] à l'encontre de l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Auxerre le 20 mai 2022, alors : « 1°/ que dénature les pièces du dossier et méconnait les articles 186, 194, 503 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui déclare irrecevable l'appel interjeté par M. [U] contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Auxerre du 20 mai 2022, par une déclaration en date du 30 mai 2022, en énonçant que si « la volonté de M. [U] de faire appel de son placement en détention provisoire ressort clairement du document dont la maison d'arrêt lui a accusé réception le 1er juin 2022 (cf. accusé de réception), soit hors du délai légal de dix jours qui expirait le 30 mai à minuit, seule cette date de réception est en effet certaine, aucun élément de la procédure ne permettant d'établir que [L] [U] a fait connaître de façon certaine le 30 mai 2022 au greffe de la maison d'arrêt, de quelque façon que ce soit et non équivoque, sa volonté de faire appel », alors même qu'il ressortait précisément dudit accusé de réception que le document dont s'agit par lequel M. [U] indiquait « demander l'appel de (son) placement en détention », sur la date de la demande était bien le 30 mai 2022 ; 2°/ que tout document dans lequel une personne provisoirement détenue manifeste sa volonté d'interjeter appel d'une décision de placement en détention ou de rejet de demande de mise en liberté, vaut appel de cette décision à la date à laquelle cette volonté est émise sans équivoque possible ; que l'arrêt ne pouvait ainsi considérer que « seule la date de réception est certaine » et qu'aucun grief tiré d'une absence de diligence ne peut être tiré de ce que la maison d'arrêt a enregistré l'appel le 1er juin 2022, sans s'expliquer précisément sur la date à laquelle a été émise le volonté de M. [U] d'interjeter appel, laquelle figure exactement sur l'accusé de réception comme « date de la demande », même si la « réception par les services du greffe a été datée du surlendemain 1er juin à 15h18 », étant précisé qu'il était mentionné une estimation de temps nécessaire pour une réponse à la demande de dix jours ; qu'en effet, la date de l'appel ne peut dépendre de la diligence mise par l'administration à enregistrer la déclaration d'appel et à y répondre, la chambre de l'instruction a donc méconnu les textes susvisés, ensemble les articles 502 et 503 du code de procédure pénale et les droits de la défense ; 3°/ qu'en matière de déclaration d'appel, c'est la date à laquelle a été émise la demande qui doit être prise en considération, non point la date à laquelle le greffe a traité cet appel qui dépend de circonstances tout à fait étrangères à la volonté de l'appelant, l'enregistrement tardif d'une déclaration d'appel ne constituant pas une circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, justifiant le retard dont s'agit ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et le principe du droit à un recours effectif ; 4°/ qu'enfin le délai dont dispose la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance de mise en détention provisoire est de 10 jours à compter de cet appel, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté ; que le retard d'acheminement du document manifestant la volonté de la personne détenue d'interjeter appel de cette ordonnance ne saurait constituer une cause de prorogation de ce délai ; qu'en statuant le 28 juillet 2022 sur les mérites d'un appel formé le 30 mai 2022 et enregistré le 1er juin suivant, la chambre de l'instruction a violé les dispositions sus-rappelées et l'article 194 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense. La cassation interviendra sans renvoi avec mise en liberté. » Réponse de la Cour 7. Pour déclarer irrecevable l'appel de M. [U], l'arrêt attaqué énonce que la demande établie par ce dernier en vue d'une déclaration d'appel a été faite sur un imprimé destiné aux requêtes internes à l'établissement pénitentiaire, enregistré au greffe de celui-ci le 1er juin 2022, et qu'un formulaire d'appel a ensuite été établi le 20 juillet suivant, retranscrit au greffe de la juridiction le même jour. 8. Les juges relèvent que, si l'intéressé a ainsi clairement manifesté sa volonté de faire appel, seule peut être retenue comme certaine la date du 1er juin 2022, aucun élément de la procédure ne permettant d'établir que M. [U] a fait connaître, de quelque façon que ce soit et non équivoque, sa volonté de faire appel dès le 30 mai 2022, date mentionnée sur sa requête adressée au greffe de la maison d'arrêt. 9. Ils en déduisent que, si l'établissement pénitentiaire devait enregistrer cet appel au 1er juin 2022 et y donner les suites qui s'imposent, aucun grief ne peut être tiré de cette absence de diligence, l'appel étant alors irrecevable. 10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 11. D'une part, la requête, dont seul l'enregistrement, le 1er juin 2022 au greffe de l'établissement pénitentiaire, lui conférait date certaine, soit postérieurement à l'expiration du délai pour faire appel, ne pouvait produire les mêmes effets qu'une déclaration d'appel. 12. D'autre part, le demandeur ne saurait se faire grief du caractère tardif de l'arrêt de la chambre de l'instruction, dès lors que celle-ci n'était pas saisie d'un appel. 13. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté. 14. L'arrêt est par ailleurs régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 22-85.167 FS-B 16 NOVEMBRE 2022 IRRECEVABILITÉ M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [U] [J] a présenté, par mémoire spécial reçu le 30 août 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion de la requête formée par lui en renvoi, pour cause de suspicion légitime, de la procédure suivie, sur sa plainte, devant le juge d'instruction au tribunal judiciaire de Limoges, des chefs de faux public et usage, recel et complicité de faux public. Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Leprieur, Sudre, MM. Turbeaux, Gouton, Brugère, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Sur quoi la Cour de cassation transmettra la QPC au Conseil constitutionnel aux fins de faire déclarer inconstitutionnelle la disposition de l'Art. 662, § 3, du CPP issu de l'ordonnance de 1960 portant signification (par voie d'huissier) ». 2. La présente question n'est pas posée à l'occasion d'un pourvoi mais d'une requête présentée devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Si cette juridiction a jugé qu'une question prioritaire de constitutionnalité ne pouvait être posée qu'au soutien d'un pourvoi en cassation (Crim., 16 décembre 2014, pourvoi n° 14-88.038, Bull. crim. 2014, n° 274), une telle restriction doit être abandonnée. 3. En effet, l'article 61-1 de la Constitution et l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, pris pour son application, ouvrent la faculté de contester la constitutionnalité d'une disposition législative à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, y compris pour la première fois en cassation, sans limiter la nature de l'instance au cours de laquelle une question prioritaire de constitutionnalité peut être présentée. 4. Ainsi une question prioritaire de constitutionnalité peut-elle être présentée à l'occasion d'une requête formée devant la Cour de cassation. 5. La question ne mentionne pas les droits et libertés garantis par la Constitution auxquels la disposition contestée porterait atteinte. 6. En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité, posée en ces termes, ne répond pas aux exigences de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. En sens contraire :Crim., 16 décembre 2014, pourvoi n° 14-88.038, Bull. crim. 2014, n° 274 (Irrecevabilité).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 22-85.101 F-B 15 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [U] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 27 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [U] [S], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [U] [S] a été mis en examen des chefs précités puis placé en détention provisoire le 29 octobre 2021. 3. Le 7 juillet 2022, il a présenté une demande de mise en liberté à la chambre de l'instruction, en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le second moyen du mémoire ampliatif et le moyen du mémoire personnel 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen du mémoire ampliatif Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande en mise en liberté de M. [U] [S], alors « que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté doit, dès l'ouverture des débats, être informée de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué (page 2) que si l'exposant a été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de garder le silence, cette information ne lui a été donnée que postérieurement au rapport oral de la présidente, aux observations de son conseil et aux réquisitions de l'avocat général ; qu'en cet état, la décision entreprise a méconnu les exigences du procès équitable et violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 6. La notification du droit de se taire, après l'ouverture des débats, à la personne mise en examen qui comparaît devant la chambre de l'instruction, n'est pas contraire à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a lieu avant que l'intéressé ne soit entendu sur les faits qui lui sont reprochés, conformément à l'alinéa 4, de l'article 199 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021. 7. Tel est le cas en l'espèce. 8. Ainsi, le moyen doit être écarté. 9. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 21-86.010 F-B 22 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2022 Mme [G] [O] et la société [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 17 mars 2021, qui, pour pratique commerciale trompeuse, a condamné, la première, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende, la seconde, à 500 000 euros d'amende, a ordonné des mesures de publication et de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demanderesses, a été produit. Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [G] [O] et de la société [1], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Une enquête a été diligentée, à la suite de plaintes de consommateurs qui s'estimaient trompés par la communication de la société [2], devenue société [1], agence de publicité dont l'activité intègre la vente par correspondance de produits alimentaires, via les enseignes « Délices et gourmandises » et « Les délices d'Annie », pour leur avoir fait miroiter des gains de loterie inexistants dans le cadre de publipostages. 3. Les comportements incriminés consistaient, notamment, en l'utilisation d'emballages, de vocabulaire et d'univers graphique propres à entretenir une confusion avec des documents officiels, présentant comme une certitude un événement hypothétique, soit le gain d'un lot de l'ordre de 9 000 euros, et entretenant l'amalgame entre participation au jeu et nécessité de passer commande. 4. Le tribunal correctionnel a déclaré la société et sa présidente, Mme [G] [O], coupables de pratique commerciale trompeuse, les a condamnées à diverses peines et à payer solidairement des sommes à quatre parties civiles en réparation de leurs préjudices matériels ou moraux. 5. Les prévenues et le ministère public ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le huitième moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement en ses dispositions civiles, alors : « 1°/ que seul le préjudice direct et personnel résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que, dès lors, en condamnant les prévenues à payer aux parties civiles, au titre de leur préjudice matériel, le montant des gains promis par les jeux dont elles avaient été destinataires, la cour d'appel, qui s'est placée sur le terrain quasi-contractuel pour fixer le montant de l'indemnisation, a méconnu la nature délictuelle de l'action civile et a violé les articles 2, 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil ; 2°/ que, en tout état de cause, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice causé par une infraction, il ne saurait en résulter pour la victime ni perte ni profit ; qu'en confirmant le jugement déféré en ce qu'il a condamné les prévenues à payer à Mme [W] la somme de 52 895,24 euros en réparation de son préjudice matériel, comme correspondant à hauteur de 50 000 euros au montant des gains promis dans les « documents » reçus par celle-ci et à hauteur de 2 895,24 euros au montant des 154 commandes qu'elle a passées entre mars 2013 et septembre 2014 auprès de la société prévenue, sans constater que ces « documents » correspondaient aux jeux concernés par la prévention ni s'expliquer sur leur nombre et sur le montant du gain promis par chacun d'entre eux, et sans expliquer en quoi les 154 commandes passées par Mme [W], dont il n'est pas contesté qu'elle a reçu et consommé les produits commandés, s'analyseraient comme un préjudice résultant directement des faits dont les prévenues ont été déclarées coupables, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 9. Pour confirmer le jugement sur les intérêts civils, l'arrêt attaqué énonce, par motifs adoptés, que le préjudice matériel de Mme [H] [W] et de MM. [V] [E], [K] [S] et [J] [B] doit être réparé à hauteur de 50 000 euros, notamment, pour la première et de 8 000 euros pour le deuxième au titre des gains promis et non perçus, de 9 000 euros pour le troisième et de 5 000 euros pour le quatrième sans autre précision. 10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, pour les motifs qui suivent. 11. En premier lieu, l'absence de perception des gains promis n'est de nature à constituer par la déception qu'elle engendre, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, qu'un préjudice moral. 12. En second lieu, les juges n'ont pas suffisamment caractérisé l'intérêt patrimonial auquel les comportements sanctionnés avaient porté atteinte. 13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions civiles. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 17 mars 2021, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 22-83.221 F-B 22 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2022 M. [O] [U] et M. [K] [L] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 28 avril 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes et importation de produits stupéfiants, en récidive, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 6 juillet 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [O] [U] et de M. [K] [L], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 27 janvier 2019 a été ouverte une information judiciaire, dans le cadre de laquelle MM. [K] [L] et [O] [U] ont été mis en examen des chefs susvisés. 3. Les 13 décembre 2021 et 17 février 2022, leurs avocats respectifs ont présenté devant la chambre de l'instruction des requêtes en nullité qui ont été examinées conjointement par cette juridiction. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité et les demandes présentées par les exposants, alors : « 1°/ qu'en retenant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de l'inconventionnalité, au regard de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des mesures d'obtention, exploitation et conservation des données dont les exposants ont fait l'objet, que ces mesures ne pouvaient être contestées sur le fondement de leur inconstitutionnalité, la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant, impropre à répondre aux conclusions de l'exposant et par conséquent insuffisant, et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en retenant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de l'inconventionnalité, au regard de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des mesures d'obtention, exploitation et conservation des données dont les exposants ont fait l'objet, que « les deux requêtes des mis en examen, de même que le mémoire en réplique aux réquisitions du ministère public, ne précisent pas quels actes ou quelles pièces de procédure seraient frappés de nullité parce que réalisés sur le fondement de l'article L. 34-2 du CPCE », quand les requêtes présentées par Messieurs [U] et [L] visaient de manière générale tous les actes par lesquels les enquêteurs avaient requis les « opérateurs téléphoniques français », « afin d'obtenir le détail géolocalisé » des puces qui leur étaient attribuées et l'exploitation subséquente de ces données par les agents de police dans le cadre d' « analyses techniques » et, de manière plus spécifique, les cotes D. 1462, D. 1512, D. 1513, D. 1514, D. 1531, D. 1593, D. 1610, D. 1611 et D. 1612, de sorte que les exposants visaient précisément les actes et les pièces dont ils contestaient la régularité, la chambre de l'instruction a statué par un motif erroné, impropre à répondre aux conclusions de l'exposant, et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la chambre de l'instruction saisie d'une contestation relative à l'accès aux données de trafic et de localisation d'une personne mise en examen doit s'assurer d'une part que la procédure visait à la lutte contre la criminalité grave et d'autre part que les réquisitions étaient tout à la fois nécessaires et proportionnées à la poursuite des infractions objet de la procédure dont elle est saisie ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [U] et Monsieur [L] contestaient la conventionnalité des mesures aux cours desquelles les enquêteurs avaient eu accès à leurs données de trafic et de localisation ; qu'en se contentant d'énoncer, pour dire régulier l'accès aux données de connexion de Monsieur [U] et Monsieur [L], que les enquêteurs agissaient sur commission rogatoire, sans s'assurer de la gravité des faits reprochés aux exposants ni de la nécessité et de la proportionnalité de l'accès à ces données, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Pour écarter les moyens de nullité et les demandes présentées par les requérants, pris de la non-conformité du droit français aux exigences européennes en matière de conservation des données de connexion, l'arrêt attaqué retient que ni les deux requêtes des personnes mises en examen, ni le mémoire en réplique aux réquisitions du ministère public, ne précisent quels actes ou quelles pièces de procédure seraient frappés de nullité parce que réalisés sur le fondement de l'article L. 34-2 du code de postes et des communications électroniques. 7. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 8. En effet le grief pris de la violation des exigences européennes en matière de conservation et d'accès aux données de connexion ainsi que de celles énoncées à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas d'ordre public, n'affecte qu'un intérêt privé. 9. Il s'en déduit que le demandeur, lorsqu'il présente une requête en nullité d'actes de la procédure, doit indiquer précisément à la chambre de l'instruction chacun des actes dont il sollicite l'annulation. 10. Dès lors, le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'elle critique un motif surabondant, doit être écarté. 11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux novembre deux mille vingt-deux. A rapprocher :Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-83.710, Bull. crim. (rejet)
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 21-85.655 FP-B-R 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Versailles, MM. [E] [P] et [B] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 9e chambre, en date du 15 septembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre les deux derniers et MM. [R] [G], [J] [A] et [X] [Z], des chefs de complicité de corruption active, recel, abus de biens sociaux, faux et usage, a prononcé l'annulation partielle des poursuites et ordonné le renvoi pour le surplus. Par ordonnance du 30 novembre 2021, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [E] [P] et [B] [K], les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [X] [Z] et [J] [A] et les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [J] et [U] [F] et de Mme [N] [F], en leur nom personnel et venant aux droits de [H] [C], et de la société [3], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Ingall-Montagnier, Labrousse, M. d'Huy, Mmes Ménotti, Leprieur, Sudre, MM. Samuel, Maziau, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, MM. Ascensi, Joly, Violeau, Mallard, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 26 juin 2002, le procureur de la République a ouvert une information des chefs de corruption et trafic d'influence à la suite d'un signalement de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Hauts-de-Seine concernant les conditions du renouvellement en 2000 de la délégation de service public de production et de distribution du chauffage du quartier de la Défense au profit de la société [2]. [S] [L], alors maire de [Localité 4] et président du syndicat intercommunal délégant, était soupçonné d'avoir fait approuver par celui-ci la décision de n'engager des négociations qu'avec l'entité [2] représentée par M. [J] [A], associé à M. [R] [G] et à M. [X] [Z], en contrepartie du versement de commissions occultes en espèces entre juin 2001 et janvier 2002. 3. De nombreux réquisitoires supplétifs ont été délivrés entre 2004 et 2005 pour des faits de recel, d'abus de biens sociaux et complicité de ce délit, de favoritisme et d'entente et de recel de ces infractions, et de faux et usage, ces derniers faits ayant été dénoncés par les consorts [F]. Par ailleurs, le 27 juin 2005, le juge d'instruction a ordonné la jonction de cette procédure avec l'information ouverte le 23 janvier 2003 du chef d'abus de biens sociaux impliquant la société [3] dirigée par M. [E] [P]. 4. Six personnes, dont [S] [L], décédé le [Date décès 1] 2019, ont été mises en examen et, le 7 novembre 2019, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de MM. [G], [A], [Z], [P] et [K] devant le tribunal correctionnel qui a annulé l'ensemble de la procédure d'enquête et d'information, par un jugement du 11 janvier 2021 à l'encontre duquel le ministère public et les parties civiles ont interjeté appel. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [P], contestée en défense par les consorts [F] 5. L'existence d'un mandat d'arrêt décerné à l'encontre de M. [P] est sans incidence sur la recevabilité de son pourvoi. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens proposés par le procureur général et le moyen proposé pour MM. [P] et [K], pris en ses première et troisième branches 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le quatrième moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 7. Le quatrième moyen proposé par le procureur général est pris de la violation des articles préliminaire, 427, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale. 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé les poursuites ayant conduit au renvoi de MM. [G], [A] et [Z] devant le tribunal correctionnel de Nanterre ainsi qu'à celui de MM. [P] et [K] pour les faits en relation avec le volet de l'affaire relatif à des faits de corruption, alors : 1°/ que la méconnaissance de la recommandation énoncée à l'article préliminaire du code de procédure pénale relative au respect d'un délai raisonnable pour statuer sur l'accusation d'une personne ne porte pas nécessairement atteinte aux principes de fonctionnement de la justice pénale et aux droits de la défense et ne compromet pas irrémédiablement l'équité du procès et l'équilibre des droits des parties et est en tout état de cause sans incidence directe sur la validité des procédures ; 2°/ que l'impossibilité pour la cour d'appel d'interroger personnellement des témoins à charge ou des co-prévenus ou de permettre aux parties de les interroger ou de les faire interroger n'est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure et ne porte pas nécessairement atteinte au respect des droits de la défense. Réponse de la Cour Vu les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire et 802 du code de procédure pénale : 9. L'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce le droit de tout accusé de voir sa cause jugée par un tribunal dans un délai raisonnable, une fois le processus judiciaire entamé. Ce droit trouve son assise dans la nécessité de veiller à ce qu'un accusé ne demeure pas trop longtemps dans l'incertitude de la solution réservée à l'accusation pénale qui sera portée contre lui (CEDH, arrêt du 3 décembre 2009, Kart c. Turquie, n° 8917/05, § 68). 10. Le moyen pose la question des conséquences du dépassement du délai raisonnable sur la validité de la procédure. 11. La Cour de cassation juge de manière constante que le dépassement du délai raisonnable défini à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans incidence sur la validité de la procédure. Il ne saurait conduire à son annulation et, sous réserve des lois relatives à la prescription, il ne constitue pas une cause d'extinction de l'action publique (Crim., 3 février 1993, pourvoi n° 92-83.443, Bull. crim. 1993, n° 57 ; Ass. plén., 4 juin 2021, pourvoi n° 21-81.656, publié au Bulletin). 12. Il résulte du paragraphe 9 que le droit à être jugé dans un délai raisonnable protège les seuls intérêts des personnes concernées par la procédure en cours. La méconnaissance de ce droit ne constitue donc pas la violation d'une règle d'ordre public. Elle ne constitue pas davantage la violation d'une règle de forme prescrite par la loi à peine de nullité, ni l'inobservation d'une formalité substantielle au sens de l'article 802 du code de procédure pénale. En effet, elle ne compromet pas en elle-même les droits de la défense, ses éventuelles conséquences sur l'exercice de ces droits devant en revanche être prises en compte au stade du jugement au fond, dans les conditions indiquées aux paragraphes 23 à 26. 13. Au demeurant, en cas d'information préparatoire, l'article 385 du code de procédure pénale prévoit que, lorsque la juridiction est saisie par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du juge d'instruction, les parties sont irrecevables à invoquer devant la juridiction de jugement des exceptions de nullité de la procédure antérieure, dès lors que ladite ordonnance purge les vices de la procédure en application de l'article 179, alinéa 6, du même code (Crim., 26 mai 2010, pourvoi n° 10-81.839, Bull. crim. 2010, n° 95). En vertu du même texte, les juridictions de jugement, lorsqu'elles constatent une irrégularité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, n'ont pas qualité pour l'annuler mais peuvent seulement renvoyer l'affaire au ministère public pour saisine du juge d'instruction aux fins de régularisation de cet acte (Crim., 13 juin 2019, pourvoi n° 19-82.326, Bull. crim. 2019, n° 112). 14. Enfin, la durée excessive d'une procédure ne peut aboutir à son invalidation complète, alors que chacun des actes qui la constitue est intrinsèquement régulier. 15. Ces règles ne méconnaissent aucun principe conventionnel. 16. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme juge que les recours dont un justiciable dispose au plan interne pour se plaindre de la durée d'une procédure sont effectifs au sens de l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'ils permettent soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies, soit de fournir au justiciable une réparation adéquate pour les retards déjà accusés (CEDH, arrêt du 24 janvier 2017, Hiernaux c. Belgique, n° 28022/15, § 45). 17. Elle n'a jamais estimé qu'une méconnaissance du droit d'être jugé dans un délai raisonnable constituait une atteinte aux droits de la défense. 18. Plusieurs mécanismes de droit interne répondent aux exigences conventionnelles. 19. Tout d'abord, au stade de l'information, les articles 221-1 à 221-3 du code de procédure pénale permettent aux parties, sous certaines conditions, et au président de la chambre de l'instruction qui, en vertu de l'article 220 du même code, s'emploie à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié, de saisir cette juridiction, qui, après évocation, peut poursuivre elle-même l'information, ou la clôturer ou la confier à un autre juge d'instruction. 20. Ensuite, en vertu de l'article 175-1 du même code, une partie peut demander au juge d'instruction la clôture de l'information. 21. Enfin, l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire prévoit la possibilité, pour la partie concernée, d'engager la responsabilité de l'Etat à raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice, en particulier en cas de dépassement du délai raisonnable (1re Civ., 4 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.955, Bull. 2010, I, n° 219). 22. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que doit être maintenu le principe selon lequel la méconnaissance du délai raisonnable et ses éventuelles conséquences sur les droits de la défense sont sans incidence sur la validité des procédures. 23. Par conséquent, la juridiction de jugement qui constate le caractère excessif de la durée de la procédure ne peut se dispenser d'examiner l'affaire sur le fond. Dans cet office, elle dispose de plusieurs voies de droit lui permettant de prendre cette situation en compte. 24. Tout d'abord, il lui appartient, en application de l'article 427 du code de procédure pénale, d'apprécier la valeur probante des éléments de preuve qui lui sont soumis et sont débattus contradictoirement devant elle. Elle doit, à ce titre, prendre en considération l'éventuel dépérissement des preuves imputable au temps écoulé depuis la date des faits, et l'impossibilité qui pourrait en résulter, pour les parties, d'en discuter la valeur et la portée. Ainsi, elle doit appliquer le principe conventionnel selon lequel une condamnation ne peut être prononcée sur le fondement d'un unique témoignage émanant d'un témoin auquel le prévenu n'a jamais été confronté malgré ses demandes. Le dépérissement des preuves peut, le cas échéant, conduire à une décision de relaxe. 25. Ensuite, selon le dernier alinéa de l'article 10 du code de procédure pénale, en présence de parties civiles, lorsqu'il constate que l'état mental ou physique du prévenu rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d'exercer sa défense, le juge peut, d'office ou à la demande des parties, décider, après avoir ordonné une expertise permettant de constater cette impossibilité, qu'il sera tenu une audience pour statuer uniquement sur l'action civile, après avoir constaté la suspension de l'action publique et sursis à statuer sur celle-ci. 26. Enfin, dans le cadre de l'application des critères de l'article 132-1 du code pénal, le juge peut déterminer la nature, le quantum et le régime des peines qu'il prononce en prenant en compte les éventuelles conséquences du dépassement du délai raisonnable et, le cas échéant, prononcer une dispense de peine s'il constate que les conditions de l'article 132-59 du code pénal sont remplies. 27. En l'espèce, pour annuler les poursuites ayant conduit au renvoi de MM. [G], [A] et [Z] devant le tribunal correctionnel, et de MM. [P] et [K] pour « les faits en relation avec le volet corruption », l'arrêt attaqué énonce que l'évaluation globale du déroulement de la procédure qui a duré près d'une vingtaine d'années, en fonction de la complexité de l'affaire, du comportement des parties et des autorités compétentes, permet de retenir que la procédure a excédé un délai raisonnable. 28. L'arrêt souligne ensuite que ce dépassement empêche MM. [G] et [A], qui n'en ont plus la capacité physique et intellectuelle, de participer à leur procès, de suivre les débats et de les commenter, de vérifier l'exactitude de leurs moyens de défense et de les comparer aux déclarations des autres prévenus, victimes ou témoins, d'être confrontés à ceux-ci et d'exercer de manière effective les droits de la défense, ces manquements ne pouvant être compensés par la représentation des prévenus par leur avocat à l'audience, et que les faits de corruption, abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux ne pouvant être débattus contradictoirement à l'audience, les intéressés se verraient privés de leur droit à un procès équitable. 29. Les juges relèvent encore que si M. [Z] est capable d'assister à son procès, il ne pourra répondre des infractions qui lui sont reprochées en l'absence de [S] [L] et de MM. [G] et [A], qu'il lui appartiendrait de se défendre seul sur l'ensemble des faits, y compris sur des questions pour lesquelles il ne peut s'expliquer en lieu et place des personnes concernées, que n'étant pas en mesure de répondre utilement aux déclarations de certains témoins avec lesquels il n'a jamais eu le moindre échange, il devrait réfuter les accusations portées à l'encontre de chacun des trois autres prévenus sans pouvoir leur être confronté et en étant privé de toute possibilité de voir corroborer ses déclarations. 30. Ils ajoutent qu'il en est de même pour MM. [P] et [K] qui, s'ils sont capables d'assister à leur procès, seraient privés de débats contradictoires et ne pourraient, en l'absence des principaux mis en cause, exercer de manière effective les droits de la défense. 31. S'agissant des conséquences du constat du caractère déraisonnable de la procédure, de l'atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire et à l'équilibre des droits des parties, ainsi qu'aux droits de la défense, pour MM. [G], [A] et [Z], la cour d'appel, après avoir constaté que la procédure relative aux faits en relation avec le « volet corruption » viole la norme d'un délai raisonnable et porte atteinte de façon irrémédiable à l'ensemble des principes de fonctionnement de la justice pénale, notamment le respect des droits de la défense et des règles d'administration de la preuve, conclut qu'elle ne peut participer elle-même à cette violation en laissant se poursuivre un procès dépourvu de tout caractère équitable. 32. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe rappelé au paragraphe 22. 33. D'une part, elle a déduit faussement de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article préliminaire du code de procédure pénale qu'elle devait annuler les poursuites. 34. D'autre part, elle n'a pas statué sur le bien-fondé de la prévention au regard des éléments qui lui étaient soumis conformément à l'article 427 du code de procédure pénale. 35. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Sur le moyen proposé pour MM. [P] et [K], pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 36. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a évoqué s'agissant des faits de faux et usage de faux, d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société [3] reprochés à MM. [P] et [K] et a renvoyé pour que ces derniers soient jugés au fond de ces chefs, alors : « 2°/ qu'en se bornant, pour évoquer et permettre le jugement de MM. [P] et [K] des chefs de faux et usage de faux, d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux commis au préjudice de [3], à énoncer que « le délai déraisonnable de la procédure, quoique caractérisé, ne porte pas atteinte aux droits de la défense de MM. [P] et [K] qui sont en capacité de les exercer de manière effective », quand l'exercice effectif de ces droits suppose que MM. [P] et [K] puissent faire interroger des témoins et mis en cause, ce que l'écoulement du temps et la violation de l'exigence de délai raisonnable les empêchent de faire, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 37. La cassation prononcée sur le pourvoi du procureur général rend inopérant le grief. Portée et conséquences de la cassation 38. L'arrêt est cassé en toutes ses dispositions sauf celles ayant ordonné le renvoi à l'égard de MM. [P] et [K] pour être jugés des chefs d'abus de biens sociaux, de recel, de faux et d'usage. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur les pourvois formés par MM. [P] et [K] : Les REJETTE ; Sur le pourvoi formé par le procureur général : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 septembre 2021, en toutes ses dispositions sauf celles ayant ordonné le renvoi à l'égard de MM. [P] et [K] pour être jugés des chefs d'abus de biens sociaux, de recel, de faux et d'usage ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Fixe à 2 500 euros la somme globale que MM. [P] et [K] devront verser aux consorts [F] et à la société [3] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux. Crim., 24 avril 2013, pourvoi n° 12-82.863, Bull. crim. 2013, n° 100 (cassation), et l'arrêt cité ; Ass. plén., 4 juin 2021, pourvoi n° 21-81.656, Bull. crim., Ass. plén. (rejet) ; Cf. : CEDH, arrêt du 3 décembre 2009, Kart c. Turquie, n° 8917/05 ; CEDH, arrêt du 24 janvier 2017, Hiernaux c. Belgique, n° 28022/15.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 21-86.996 F-B 9 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 novembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de fraude fiscale, a déclaré sans objet son appel de l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [G] [I], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 22 mai 2020, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire détenu par M. [G] [I]. 3. Ce dernier a formé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que l'appel formé par M. [I] contre l'ordonnance « d'autorisation de maintien d'une saisie pénale de sommes inscrites au crédit du compte bancaire » était devenu sans objet, alors « que la saisie pénale ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine de confiscation, ses effets ne cessent que lorsque la peine de confiscation est exécutoire ; que l'appel formé contre l'ordonnance de saisie pénale ou de maintien d'une saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire rendue par le juge des libertés et de la détention au cours d'une enquête préliminaire devient sans objet uniquement si le jugement du tribunal correctionnel, postérieur à cet appel, statuant sur la culpabilité de la personne dont le bien a été saisi et prononçant la confiscation du bien saisi a ordonné l'exécution provisoire de la confiscation ou si, en l'absence de prononcé de l'exécution provisoire, le jugement est devenu définitif au jour de l'examen de l'appel ; qu'en se bornant à retenir, pour dire qu'était devenu sans objet l'appel formé par M. [I] contre l'ordonnance d'autorisation de maintien d'une saisie pénale de sommes inscrites au crédit de son compte bancaire pour un montant de 181 874,56 euros rendue par le juge des libertés et de la détention au cours d'une enquête préliminaire, que par une décision du 24 septembre 2021, la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre avait reconnu M. [I] coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement de l'impôt et l'avait condamné à la confiscation de la somme de 300 904,67 euros et de celle de 181 874,56 euros à titre de peine complémentaire et que la chambre correctionnelle était désormais saisie de l'appel de ces confiscations (arrêt p.8), sans relever dans ses motifs que le tribunal correctionnel aurait ordonné l'exécution provisoire de la peine de confiscation et cependant qu'elle constatait l'appel formé contre ce jugement (arrêt p. 8) pris en toutes ses dispositions par le prévenu (arrêt p. 4), de sorte que ce jugement n'était pas définitif au jour où elle a statué, la chambre de l'instruction a violé les articles 131-21 du code pénal, 708, 706-153, 706-154, 591 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 708, 706-141, 706-143, 706-145 et 706-150 du code de procédure pénale : 5. Il se déduit des quatre premiers de ces textes qu'une ordonnance de saisie pénale cesse irrévocablement de produire ses effets uniquement lorsque la décision ordonnant la mainlevée de la mesure ou la confiscation du bien saisi est devenue définitive. 6. Il résulte du dernier que l'ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision. 7. Pour dire que l'appel formé contre l'ordonnance de saisie des sommes figurant sur un compte bancaire appartenant à M. [I] est devenu sans objet, l'arrêt attaqué énonce que par décision du 24 septembre 2021, le tribunal correctionnel a reconnu l'intéressé coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement de l'impôt, l'a condamné notamment à la confiscation de la somme de 300 904,67 euros et de celle de 181 874,56 euros à titre de peine complémentaire. 8. Les juges en déduisent que la chambre correctionnelle étant désormais saisie de l'appel de ces confiscations, l'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est devenu sans objet. 9. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la peine complémentaire de confiscation ne présentait pas un caractère définitif, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés. 10. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 21-85.747 F-B 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [M] [O], la société [2] [O] [3], M. [D] [F] et la société [12] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, en date du 16 septembre 2021, qui, pour importations sans déclaration de marchandises prohibées et fausse déclaration en valeur, les a condamnés solidairement à des amendes douanières. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, commun aux demandeurs, un mémoire additionnel, un mémoire en défense et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et droits indirects d'[Localité 1], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. L'importation d'ail extérieure à la Communauté européenne est soumise à un droit de douane sur la valeur et à un droit spécifique additionnel. Ce droit spécifique peut ne pas être dû dès lors que l'importateur a obtenu de l'établissement FranceAgriMer des certificats d'importation l'exonérant du paiement de ce droit pour certaines périodes de temps et certaines quantités, dans le cadre de contingents définis par la Commission européenne. L'importateur bénéficiant de ces certificats d'importation ne peut plus prétendre à l'exonération du droit spécifique additionnel lorsqu'il a importé la quantité d'ail indiquée sur les certificats qui lui ont été attribués. En application de l'article 6, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 341/2007 du 29 mars 2007, instaurant le régime de certificats d'importation et de certificats d'origine pour l'ail, les certificats d'importation étaient, à l'époque des faits, incessibles. 3. Le 26 juin 2010, les services des douanes ont initié un contrôle sur les importations d'ail du Mexique et d'Argentine effectuées entre 2009 et 2011 par la société [6] (société [5]), devenue la société [11], spécialisée dans le commerce d'ail en gros. 4. Par procès-verbal du 9 décembre 2013 ont été notifiées à la société [5] les infractions de fausse déclaration de destinataire réel commises à l'aide de documents inapplicables ayant conduit à éluder 341 628 euros de droits spécifiques, 1 479 euros de droits de douane et 30 821 euros de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), fausse déclaration ou manoeuvre ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation et fausse déclaration de valeur. 5. Par procès-verbal du 10 décembre 2013 les mêmes infractions ont été notifiées à la société [2] [O] [3] en qualité d'intéressée à la fraude. 6. Selon l'administration des douanes, la société [5] avait élaboré avec la complicité de la société [2] [O] [3] un montage commercial frauduleux lui permettant de continuer à bénéficier des avantages tarifaires attachés aux certificats, consistant, après avoir épuisé son quota de certificats, à importer de l'ail argentin que la société [10] vendait avant dédouanement à différentes entités du groupe hollandais [2] [O] [3] lequel dédouanait l'ail grâce aux certificats dont il disposait au moment de l'opération, le dédouanement lui permettant d'être exonéré du paiement du droit spécifique. 7. L'administration des douanes leur a également reproché d'avoir déposé en douane au cours de l'année 2010 des déclarations sur lesquelles était faussement indiqué que les marchandises importées étaient destinées à être mises à la consommation dans un autre Etat membre de l'Union européenne, alors qu'elles n'avaient pas quitté le territoire français, ce qui avait permis à la société [5] de bénéficier indûment d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée. 8. Enfin les agents des douanes ont indiqué avoir constaté que le montant facturé figurant sur deux déclarations en douane avait été sous-évalué. 9. À la suite de ces notifications, deux avis de mise en recouvrement reprenant le total des droits des taxes dues ont été émis à l'encontre des sociétés [5] et [2] [O] [7], qui les ont contestés. 10. Par arrêt en date du 11 juin 2020, statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Grenoble a annulé le résultat d'enquête du 16 septembre 2013, le procès-verbal de notification d'infraction du 9 décembre 2013 et l'avis de mise en recouvrement. 11. Entre temps, MM. [F] et [O], ainsi que les sociétés [5] et [2] [O] [3] ont été cités, le 4 novembre 2016, devant le tribunal correctionnel pour avoir, d'une part, commis des manoeuvres ayant eu pour effet d'éluder le paiement de 341 628 euros de droits de douane et 8 863 euros de TVA, faits constitutifs d'un délit douanier qualifié d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, d'autre part, sollicité indûment le bénéfice de l'article 262 ter, I, du code général des impôts, et ainsi éludé 25 053 euros de TVA, faits constitutifs d'un délit douanier qualifié d'importation en contrebande de marchandises prohibées, enfin, commis une fausse déclaration de valeur ayant permis d'éluder le paiement de 1 479 euros de droits de douane et 4 205 euros de TVA, contravention connexe. 12. Par jugement en date du 27 juin 2018, le tribunal correctionnel a rejeté les différentes exceptions de nullité soulevées par la défense, a déclaré l'ensemble des prévenus coupable des faits de la prévention et les a condamnés solidairement au paiement de trois amendes douanières d'un montant respectif de 1 500 euros, 645 754 euros et 314 193 euros. 13. Les prévenus et le procureur de la République ont interjeté appel de cette décision. Examen des moyens Sur les premiers moyens, pris en leur deuxième branche, proposés pour les demandeurs, le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, proposé pour M. [F] et la société [11], le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [7] et le moyen additionnel, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [7] 14. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur les premiers moyens, pris en leurs premières, troisièmes, quatrièmes et cinquièmes branches proposés pour M. [F], la société [11], M. [O] et la société [2] [O] [7], Enoncé des moyens 15. Le moyen proposé pour M. [F] et la société [11] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, alors : « 1°/ que si les agents de douanes peuvent consigner dans un procès-verbal de constat les résultats des contrôles opérés dans les conditions de l'article 65 du code des douanes et recueillir des déclarations, l'article 334 de ce même code ne leur confère pas un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée ; qu'il résulte des propres constatations de la décision attaquée et des pièces de la procédure que M. [F], représentant de la société [11], a fait l'objet d'une audition formelle sur les fraudes supposées et sa connaissance des mécanismes mis en place ; qu'en rejetant néanmoins l'exception de nullité de ces auditions réalisées en dehors de tout cadre légal, la cour d'appel a méconnu les articles 334 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que le principe du contradictoire implique pour les parties le droit d'accès aux informations et la communication de toutes les pièces de la procédure ; qu'ainsi, l'administration des douanes doit communiquer à l'opérateur l'ensemble des éléments fondant sa position afin qu'il puisse utilement y répondre avant qu'elle ne lui délivre un procès-verbal d'infraction ; qu'en relevant, pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal de notification d'infraction du 10 décembre 2013, pris de la violation du contradictoire, que l'article 67 A du code des douanes applicable au moment des faits n'exigeait pas que les documents ayant fondé l'avis de résultat d'enquête soient communiqués au redevable mais que lui soit précisé la référence des documents et informations sur lesquelles l'administration s'est fondée, lorsque l'absence de communication de l'intégralité des éléments sur lesquels l'administration se fonde prive le redevable de son droit d'accès aux informations et de la communication de toutes les pièces de la procédure, la cour d'appel a méconnu le droit à un procès équitable tel qu'il est défini par l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que l'action de l'administration des douanes en répression des délits douaniers se prescrit dans les mêmes délais et dans les mêmes conditions que l'action publique en matière de délits de droit commun ; qu'en rejetant l'exception de prescription de l'action fiscale, lorsque les procès-verbaux de notification du 9 et du 10 décembre 2013, entachés de nullité, n'ont pu ni interrompre ni suspendre la prescription de l'action publique à l'égard de quiconque, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles 351 du code des douanes, 8 du code de procédure pénale en sa rédaction applicable à l'époque des faits, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que le juge pénal doit prendre en compte la nullité des actes définitivement prononcée par le juge civil ; que sur renvoi après cassation (Cass. com. 2 octobre 2019, pourvoi n° 18-11.286), par une décision définitive rendue le 11 juin 2020, la cour d'appel de Grenoble, statuant sur la contestation élevée par la société [10] contre l'avis de mise en recouvrement, a annulé le résultat d'enquête du 16 septembre 2013, le procès-verbal de notification d'infraction du 9 décembre 2013 et l'avis de mise en recouvrement du 23 décembre 2013 ; qu'en refusant de tenir compte de cette décision et de prononcer la nullité desdits actes, aux motifs inopérants que la décision civile ne peut s'imposer au juge pénal faute d'identité d'objet et de cause, la cour d'appel a méconnu les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » 16. Le moyen proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [7] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, alors : « 1°/ que si les agents de douanes peuvent consigner dans un procès-verbal de constat les résultats des contrôles opérés dans les conditions de l'article 65 du code des douanes et recueillir des déclarations, l'article 334 de ce même code ne leur confère pas un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée ; qu'il résulte des propres constatations de la décision attaquée et des pièces de la procédure que M. [F], représentant de la société [11], a fait l'objet d'une audition formelle sur les fraudes supposées et sa connaissance des mécanismes mis en place ; qu'en rejetant néanmoins l'exception de nullité de ces auditions réalisées en dehors de tout cadre légal, la cour d'appel a méconnu les articles 334 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que le principe du contradictoire implique pour les parties le droit d'accès aux informations et la communication de toutes les pièces de la procédure ; qu'ainsi, l'administration des douanes doit communiquer à l'opérateur l'ensemble des éléments fondant sa position afin qu'il puisse utilement y répondre avant qu'elle ne lui délivre un procès-verbal d'infraction ; qu'en relevant, pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal de notification d'infraction du 10 décembre 2013, pris de la violation du contradictoire, que l'article 67 A du code des douanes applicable au moment des faits n'exigeait pas que les documents ayant fondé l'avis de résultat d'enquête soient communiqués au redevable mais que lui soit précisé la référence des documents et informations sur lesquelles l'administration s'est fondée, lorsque l'absence de communication de l'intégralité des éléments sur lesquels l'administration se fonde prive le redevable de son droit d'accès aux informations et de la communication de toutes les pièces de la procédure, la cour d'appel a méconnu le droit à un procès équitable tel qu'il est défini par l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que l'action de l'administration des douanes en répression des délits douaniers se prescrit dans les mêmes délais et dans les mêmes conditions que l'action publique en matière de délits de droit commun ; qu'en rejetant l'exception de prescription de l'action fiscale, lorsque les procès-verbaux de notification du 9 et du 10 décembre 2013, entachés de nullité, n'ont pu ni interrompre ni suspendre la prescription de l'action publique à l'égard de quiconque, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles 351 du code des douanes, 8 du code de procédure pénale en sa rédaction applicable à l'époque des faits, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que le juge pénal doit prendre en compte la nullité des actes définitivement prononcée par le juge civil ; que sur renvoi après cassation (Cass. com. 2 octobre 2019, pourvoi n° 18-11.286), par une décision définitive rendue le 11 juin 2020, la cour d'appel de Grenoble, statuant sur la contestation élevée par la société [10] contre l'avis de mise en recouvrement, a annulé le résultat d'enquête du 16 septembre 2013, le procès-verbal de notification d'infraction du 9 décembre 2013 et l'avis de mise en recouvrement du 23 décembre 2013 ; qu'en refusant de tenir compte de cette décision et de prononcer la nullité desdits actes, aux motifs inopérants que la décision civile ne peut s'imposer au juge pénal faute d'identité d'objet et de cause, la cour d'appel a méconnu les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Les moyens sont réunis. Sur les premiers moyens, pris en leurs premières branches 18. Pour écarter l'exception tirée de la nullité de l'audition de M. [F] réalisée par les agents des douanes, l'arrêt attaqué énonce que l'article 334 du code des douanes, qui impose aux agents de l'administration des douanes de consigner dans les procès-verbaux de constat les résultats des contrôles opérés dans les conditions de l'article 65 du même code et d'une manière générale ceux des enquêtes et interrogatoires effectués par eux, prévoit ainsi expressément la possibilité pour les agents des douanes de procéder à des interrogatoires et qu'il est constant que les agents des douanes peuvent procéder à l'occasion des opérations de contrôle à des auditions. 19. Il relève qu'en l'espèce les personnes n'ont pas refusé d'être entendues par les enquêteurs et que dès le commencement du contrôle la société a eu connaissance de sa nature. 20. Les juges ajoutent que les agents des douanes peuvent parfaitement procéder à des interrogatoires en lien avec les enquêtes qu'ils diligentent à l'occasion de leurs missions de contrôle sans qu'il soit porté atteinte au respect des droits de la défense et que ces auditions, effectuées sans contrainte, ne sauraient être confondues avec le placement en garde à vue ou la retenue douanière. 21. Ils constatent que les personnes auditionnées n'ont pas demandé à être assistées par un avocat et qu'au moment des faits l'article 67 F relatif à l'audition libre en matière douanière instaurant des droits n'était pas en vigueur, le seul cadre d'une audition étant l'audition simple prévue par l'article 334 du code des douanes ou l'audition en cas de retenue douanière avec la notification des droits comme en garde à vue en cas d'exercice d'une contrainte. 22. La cour d'appel retient que, par ailleurs, le tribunal a justement rappelé que les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes font foi jusqu'à preuve contraire de l'exactitude de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent. 23. C'est à tort que la cour d'appel a rejeté l'exception de nullité. 24. En effet, les dispositions de l'article 65 du code des douanes, qui prévoient au profit des agents des douanes un droit de communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service, ainsi que celles de l'article 334 du même code, qui concernent uniquement la forme sous laquelle doivent être consignés les résultats des contrôles et enquêtes réalisés par ces agents, si elles ne leur interdisent pas de recueillir des déclarations spontanées relatives aux éléments communiqués, ne leur confèrent pas un pouvoir général d'audition. 25. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que les juges pour retenir la culpabilité des prévenus se sont fondés sur d'autres éléments, soumis au débat contradictoire, notamment sur les constatations matérielles contenues dans les procès-verbaux. 26. Le grief sera donc écarté. Sur les premiers moyens, pris en leurs troisièmes branches 27. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal de notification d'infraction du 10 décembre 2013, tiré de ce que l'administration des douanes, en violation du principe du contradictoire, n'avait pas communiqué au redevable, préalablement à son établissement, les documents sur lesquels elle a fondé sa décision, l'arrêt attaqué énonce que le principe du contradictoire, applicable au cours de l'enquête aboutissant à l'établissement d'un procès-verbal de notification d'infraction implique que le destinataire d'une décision susceptible de lui faire grief doit être à même avant cette décision de faire connaître utilement son point de vue et bénéficier pour ce faire d'un délai suffisant. 28. Il constate que l'article 67 A du code des douanes, dans sa version applicable au moment des faits, n'exige pas que les documents ayant fondé l'avis de résultat d'enquête soient communiqués au redevable mais que lui soit précisée la référence des documents et informations sur lesquels l'administration s'est fondée. 29. Les juges relèvent que l'échange préalable contradictoire prévu par ledit article a eu lieu après réception par la société [2] [O] [3] de l'avis de résultat d'enquête auquel elle a répondu en présentant des observations. 30. Ils ajoutent qu'il résulte du procès-verbal du 10 décembre 2013 que le représentant de la société [2] [O] [3], régulièrement convoqué le 5 novembre 2013 afin que lui soient notifiées les infractions douanières retenues à son encontre, ne s'est pas présenté auprès de l'administration. 31. La cour d'appel en conclut que la société [2] [O] [3] a bien été mise en mesure de solliciter auprès de l'administration la communication des documents visés dans l'avis d'enquête et de faire valoir ses moyens de défense dans un délai suffisant préalablement à l'établissement du procès-verbal d'infraction et avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement. 32. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions de l'article 67 A du code des douanes. 33. En effet, il résulte de l'article 67 D du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, que ne s'appliquent pas aux décisions conduisant à la notification d'infractions prévues par le code des douanes les dispositions de l'article 67 A de ce code organisant la mise en oeuvre du droit d'être entendu préalablement à toute décision prise en application du code des douanes communautaire et de ses dispositions d'application, lorsqu'elle est défavorable ou lorsqu'elle notifie une dette douanière telle que définie à l'article 4, paragraphe 9, du code des douanes communautaire (Crim., 6 novembre 2019, pourvoi n° 18-82.724). 34. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il résulte de ses motifs que les prévenus, qui pouvaient solliciter auprès de l'administration des douanes la remise des documents sur lesquels était fondée sa décision, dont la liste leur avait été communiquée, avaient été mis en mesure de faire connaître leur point de vue sur les importations litigieuses dans un délai suffisant et en connaissance de cause. 35. Ainsi, le grief doit être écarté. Sur les premiers moyens, pris en leurs cinquièmes branches 36. La question posée par les moyens est de savoir si une partie ayant obtenu du juge civil l'annulation de la procédure au cours de laquelle des infractions douanières ont été constatées par l'administration des douanes, peut invoquer l'autorité de la chose jugée de cette décision devant le juge pénal, saisi en vue de la répression de ces infractions. 37. L'action portée devant le juge civil tend à contester la validité de l'avis de mise en recouvrement émis par l'administration des douanes et des droits indirects en application de l'article 345 du code des douanes. 38. L'action portée devant le juge pénal tend à l'appréciation de la culpabilité de la personne poursuivie et à l'application, le cas échéant, des sanctions pénales et douanières prévues par le code des douanes. 39. Ces instances, si elles peuvent concerner les mêmes parties, n'ont ni le même objet, ni la même cause. 40. Cette distinction explique que la régularité de la procédure douanière puisse être appréciée différemment par les juridictions civiles et pénales. Les premières doivent s'assurer que l'administration des douanes a régulièrement établi un avis de mise en recouvrement, qui constitue un titre exécutoire par la loi et autorise en conséquence le recouvrement forcé de la créance sur les biens du débiteur, avant toute intervention judiciaire. Les secondes vérifient la régularité de la notification d'infractions douanières, dont les fondements juridiques et factuels seront discutés contradictoirement au cours de la procédure pénale préalablement à l'application de toute sanction. 41. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la décision du juge civil, saisi de la contestation de l'avis de mise en recouvrement de droits douaniers éludés, constatant une irrégularité de la procédure douanière, ne peut avoir au pénal l'autorité de la chose jugée et ne saurait s'imposer à la juridiction correctionnelle. 42. Le grief n'est donc pas fondé. Sur les premiers moyens, pris en leurs quatrièmes branches 43. Les griefs, devenus sans objet du fait du rejet des deuxièmes, troisièmes et cinquièmes branches des moyens, doivent être écartés. Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, proposé pour M. [F] et la société [11] et le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [3] Enoncé des moyens 44. Le moyen proposé pour M. [F] et la société [11] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement sur la culpabilité, alors : « 1°/ que l'article 6, paragraphe 4, du règlement n° 341/2007 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas, en principe, à des opérations par lesquelles un importateur, titulaire de certificats d'importation à taux réduit, achète une marchandise hors de l'Union auprès d'un opérateur, lui-même importateur traditionnel mais ayant épuisé ses propres certificats d'importation à taux réduit, puis la lui revend après l'avoir importée dans l'Union, sauf lorsque ces opérations ont été conçues artificiellement, soit que l'importateur titulaire des certificats n'assume aucun risque commercial, soit que la marge bénéficiaire de l'importateur soit insignifiante ou que les prix de la vente par les importateurs à l'acheteur dans l'Union soient inférieurs aux prix du marché ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que les infractions reprochées aux prévenus sont établies, que les agissements poursuivis sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 426-4 du code des douanes, sans jamais démontrer l'absence de risque commercial pour l'importateur ou le caractère insignifiant de la marge réalisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, paragraphe 4, du règlement n° 341/2007, 426-4 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu' en se bornant à juger qu'en dépit de la régularité formelle de chaque opération, celles-ci, envisagées dans leur ensemble, ne permettent pas d'atteindre l'objectif poursuivi par la réglementation européenne, sans s'en expliquer davantage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et méconnu de plus fort les articles 6, paragraphe 4, du règlement n° 341/2007, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et faisant l'objet de poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée ; qu'en déclarant le prévenu coupable de fausse déclaration en douane ou manoeuvre afin d'obtenir un remboursement, une exonération, une réduction ou un avantage attaché à l'import, infraction prévue par l'article 426 alinéa 1 4° du code des douanes, lorsque cette incrimination a été abrogée par l'article 30 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020, entrée en vigueur le 27 décembre 2020, la cour d'appel a violé les articles 112-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » 45. Le moyen proposé pour M. [O] et la société [11] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement sur la culpabilité, alors : « 1°/ que l'article 6, paragraphe 4, du règlement n° 341/2007 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas, en principe, à des opérations par lesquelles un importateur, titulaire de certificats d'importation à taux réduit, achète une marchandise hors de l'Union auprès d'un opérateur, lui-même importateur traditionnel mais ayant épuisé ses propres certificats d'importation à taux réduit, puis la lui revend après l'avoir importée dans l'Union, sauf lorsque ces opérations ont été conçues artificiellement, soit que l'importateur titulaire des certificats n'assume aucun risque commercial, soit que la marge bénéficiaire de l'importateur soit insignifiante ou que les prix de la vente par les importateurs à l'acheteur dans l'Union soient inférieurs aux prix du marché ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que les infractions reprochées aux prévenus sont établies, que les agissements poursuivis sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 426-4 du code des douanes, sans jamais démontrer l'absence de risque commercial pour l'importateur ou le caractère insignifiant de la marge réalisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, paragraphe 4, du règlement n° 341/2007, 426-4 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en se bornant à juger qu'en dépit de la régularité formelle de chaque opération, celles-ci, envisagées dans leur ensemble, ne permettent pas d'atteindre l'objectif poursuivi par la réglementation européenne, sans s'en expliquer davantage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et méconnu de plus fort les articles 6, paragraphe 4, du règlement n° 341/2007, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ qu'une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et faisant l'objet de poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée ; qu'en déclarant le prévenu coupable de fausse déclaration en douane ou manoeuvre afin d'obtenir un remboursement, une exonération, une réduction ou un avantage attaché à l'import, infraction prévue par l'article 426 alinéa 1, 4°, du code des douanes, lorsque cette incrimination a été abrogée par l'article 30 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020, entrée en vigueur le 27 décembre 2020, la cour d'appel a violé les articles 112-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 46. Les moyens sont réunis. Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [F] et la société [11], et le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [3] 47. Pour écarter le moyen tiré de l'application de la loi pénale plus douce, l'arrêt attaqué énonce que si le règlement (UE) n° 2020/760 de la Commission du 17 décembre 2019, entré en application le 1er janvier 2021, a abrogé le règlement (CE) n° 341/2007 de la Commission du 29 mars 2007 et de l'article 426, 4°, du code des douanes, le premier précise néanmoins expressément que le second et le règlement d'exécution continuent de s'appliquer aux certificats d'importation et d'exportation qui ont été délivrés sur sa base jusqu'à l'expiration de ces certificats d'importation et d'exportation. 48. Il relève que, de même, si l'article 7 dudit règlement autorise la transmissibilité des certificats d'importation, celle-ci est soumise à des conditions strictes et qu'en tout état de cause la loi pénale en tant que telle n'a pas été abrogée, les articles 414 et 426, 4°, du code des douanes étant toujours en vigueur. 49. La cour d'appel en conclut que le règlement européen du 17 décembre 2019 n'a aucun impact sur la caractérisation des infractions, qu'à l'époque des faits les certificats n'étaient pas transmissibles et que les infractions étaient donc bien constituées. 50. C'est à tort que la cour d'appel a considéré que l'article 426, 4°, du code des douanes était toujours en vigueur. 51. En effet, ce texte a été abrogé par la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020. 52. Cependant l'arrêt n'encourt pas la censure. 53. En effet, en premier lieu, il n'est pas contesté que les faits retenus contre les prévenus entrent tant dans les prévisions de l'article 426, 4°, du code des douanes, applicable au moment où ils ont été commis, que dans celles de l'article 414-2 dudit code applicable aujourd'hui, seules les peines plus douces encourues sous l'empire du premier texte pouvant être prononcées. 54. En second lieu, il résulte des articles 112-1 du code pénal et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 7 août 2018 (Clergeau e.a., C-115/17), que le principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce ne trouve pas à s'appliquer en cas d'abrogation des dispositions communautaires méconnues par les prévenus, lorsque les poursuites ont été engagées à raison d'un comportement qui reste incriminé et que les sanctions encourues n'ont pas été modifiées dans un sens moins sévère. 55. Les griefs ne sont donc pas fondés. Sur le second moyen proposé pour M. [F] et la société [11] et le deuxième moyen proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [3], pris en leurs premières et deuxièmes branches 56. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 341/2007 de la Commission, du 29 mars 2007, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires et instaurant un régime de certificats d'importation et de certificats d'origine pour l'ail et certains autres produits agricoles importés des pays tiers, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas, en principe, à des opérations par lesquelles un importateur, titulaire de certificats d'importation à taux réduit, achète une marchandise hors de l'Union européenne auprès d'un opérateur, lui-même importateur traditionnel au sens de l'article 4, paragraphe 2, de ce règlement, mais ayant épuisé ses propres certificats d'importation à taux réduit, puis la lui revend après l'avoir importée dans l'Union. 57. La Cour précise que toutefois, de telles opérations sont constitutives d'un abus de droit lorsqu'elles ont été conçues artificiellement dans le but essentiel de bénéficier du tarif préférentiel. 58. La Cour conclut qu'il appartient au juge national de vérifier l'existence d'une pratique abusive, en prenant en compte les faits et les circonstances de l'espèce, y compris les opérations commerciales précédant et suivant l'importation en cause (CJUE, arrêt du13 mars 2014, SICES e.a, C-155/13). 59. L'existence d'un abus de droit implique la réunion d'un élément objectif et d'un élément subjectif. 60. Ainsi, en premier lieu, il doit ressortir d'un ensemble de circonstances objectives que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l'Union, l'objectif poursuivi par cette réglementation n'a pas été atteint. 61. En second lieu, il doit être établi que le but essentiel des opérations en cause est l'obtention d'un avantage indu. 62. En l'espèce, pour déclarer les prévenus coupables du délit de fausses déclarations ayant pour effet d'obtenir en tout ou partie un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il n'est pas contestable qu'au terme de l'enquête, le fait pour la société [5], qui avait épuisé son quota de certificats, d'avoir commandé de l'ail à son fournisseur argentin, de l'avoir revendu sous douane à [2] [O] [3] puis, de l'avoir acheté après dédouanement, lui a permis de ne pas payer le droit spécifique, même si prises individuellement, les opérations d'achat, d'importation et de revente sont juridiquement valides et que la discussion porte donc sur le point de savoir si ces opérations peuvent trouver une autre justification que celle de permettre à la société [5] d'importer de l'ail en exonération de droits spécifiques ou si celle-ci, avec la complicité de la société [2] [O] [3], a élaboré un montage commercial lui permettant de continuer à bénéficier des avantages tarifaires attachés aux certificats. 63. Il retient que lors de deux périodes situées entre le 7 janvier 2010 et le 1er mars 2010 et entre le 8 février 2011 et le 10 mars 2011, correspondant au moment où la société [5] avait épuisé ses certificats d'importation, cette dernière a procédé aux opérations suivantes : elle a continué à importer de l'ail argentin qu'elle a vendu avant dédouanement à différentes entités du groupe hollandais [2] [O] [3], alors que cette dernière société bénéficiait de certificats lui permettant d'être exonérée au moment du dédouanement du paiement de droits spécifiques ; immédiatement après dédouanement la société [5] a racheté exactement la quantité d'ail qu'elle avait préalablement vendue à un prix augmenté d'une marge de l'ordre de 5 à 7 %, puis, une fois dédouanée, la marchandise arrivée à [Localité 9] et stockée à [Localité 4], a été directement transportée à [Localité 8] dans les locaux de la société [5]. 64. L'arrêt relève que la société [5] a toujours avancé deux arguments pour justifier économiquement ses opérations d'achat et de revente, à savoir d'une part que l'opération d'importation d'ail originaire d'Argentine et sa revente à la société [5] ont permis à la société [2] [O] [3] de bénéficier d'une marge de 5 à 7 % pour les années 2010 et 2011 entre la valeur d'achat et la valeur de revente, d'autre part que la société [2] [O] [3], qui disposait de certificats d'importation, avait tout intérêt à importer les quantités d'ailleurs reprises sur ces documents pour éviter de s'exposer à la sanction prévue par le règlement relatif aux contingents tarifaires de l'ail importé d'Argentine. 65. Il relève également que le détail des opérations d'achat et de revente réalisées permet de recenser trente-cinq opérations qui seraient d'après M. [F] de simples opérations spéculatives, ce dernier soutenant qu'il vend sa marchandise car il n'en a pas besoin et la rachète en fonction du marché, mais que ce n'est pas la société [2] [O] [3] qui est à l'origine de l'importation d'ail mais bien la société [5], qui achète l'ail en Argentine à son fournisseur et achemine ensuite la marchandise vers l'Union européenne, [2] [O] [3] ne procédant en fait qu'au dédouanement. 66. Les juges exposent que si la société [2] [O] [3] a certes un intérêt économique à procéder à la revente à [5] puisqu'elle en tire un bénéfice, il peut être remarqué également que cette dernière a perdu au total au moins en deux mois plus de 100 000 euros lors de ces opérations d'achat et de revente, que vingt-quatre des trente-cinq opérations d'achat/revente se déroulent dans la même journée ou sur deux jours, que les autres opérations se déroulent également dans un délai très court et que cette manière de procéder tend effectivement à démontrer que la société [5] est assurée de disposer d'une marchandise comme bon lui semble, qu'elle a pourtant vendue à [2] [O] [3] et dont elle n'est en conséquence plus le propriétaire. 67. Ils soulignent que l'argument de la simple logique spéculative invoqué par la défense cède au vu du constat des pertes de plus de 100 000 euros enregistrées par la société [5] sur la période considérée et engendrées par les transactions opérées avec [2] [O] [3], alors que le mécanisme suivi décrit, qui n'intervient que lorsque la société [5] ne dispose plus de ses propres certificats et qui représente environ 30 % de ses importations d'ail, lui permet d'éviter d'avoir à payer sur les quantités considérées 341 628 euros de droits spécifiques et que déduction faite du bénéfice réalisé par [2] [O] [3], soit 106 046 euros, la société [5] a pu bénéficier d'un gain net de 235 582 euros. 68. Ils en déduisent que la société [5] peut être donc considérée comme l'importateur effectif ayant bénéficié du tarif préférentiel auquel elle ne pouvait normalement pas prétendre. 69. Les juges ajoutent que les prévenus invoquent vainement la position de la Cour de justice de l'Union européenne qui leur permettrait selon eux désormais de procéder aux opérations considérées par les douanes comme litigieuses, l'application de la réglementation de l'Union ne pouvant être étendue jusqu'à couvrir des pratiques abusives d'opérateurs, c'est-à-dire des opérations réalisées non pas dans le cadre de transactions commerciales normales, mais seulement dans le but de tirer abusivement avantage du droit de l'Union. 70. Ils énoncent à ce titre qu'il ressort des éléments qui précèdent et en dépit de la régularité formelle de chaque opération, que celles-ci, envisagées dans leur ensemble, sur deux campagnes successives, ne permettent pas d'atteindre l'objectif poursuivi par la réglementation européenne. 71. Ils indiquent qu'il a pu être observé que la société [5] a procédé ainsi uniquement avec la société [2] [O] [3] et n'avait pas d'autres fournisseurs dans ce domaine spécifique et que les opérations ont ainsi permis à la société [5], acheteur dans l'Union, qui est également un importateur ayant épuisé ses propres certificats, de se fournir en ail importé à tarif préférentiel et d'étendre son influence sur le marché au-delà de la part du contingent tarifaire qui lui était attribuée. 72. Ils relèvent également que l'enquête a démontré que la marchandise provenant d'Argentine et vendue par la société [5] à [2] [O] [3], qui était rachetée le jour même de son dédouanement par [5], ne quittait jamais le territoire français après stockage et était directement acheminée dans les entrepôts de la société [5] sans jamais passer par les Pays-Bas, faisant de la société [5] le destinataire réel de la marchandise et qu'en outre, la société [5] assurait la totalité du transport et de la logistique, contactait d'ailleurs le commissionnaire en douane en vue du dédouanement pourtant réalisé au nom de [2] [O] [3] et in fine remboursait les droits de douane acquittés. 73. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments l'existence d'un abus de droit, a justifié sa décision. 74. En effet, en premier lieu, s'agissant de l'élément objectif de l'abus de droit et en ce qui concerne la finalité du règlement n° 341/2007, il ressort des considérants 13 et 14 de ce règlement, lus en combinaison avec les considérants 9 et 10 de ce même règlement, qu'il y a lieu, dans la gestion des contingents tarifaires, de sauvegarder la concurrence entre les véritables importateurs de sorte qu'aucun importateur individuel ne soit capable de contrôler le marché. 75. Or, les opérations litigieuses ne permettent pas d'atteindre cet objectif, dès lors qu'elles peuvent conduire l'acheteur dans l'Union, qui est également un importateur traditionnel ayant épuisé ses propres certificats « A » et n'étant par suite plus en mesure d'importer de l'ail au tarif préférentiel, de se fournir en ail importé à tarif préférentiel et d'étendre son influence sur le marché au-delà de la part du contingent tarifaire qui lui a été attribuée. 76. En second lieu, s'agissant de l'élément subjectif de l'abus de droit, il résulte des motifs de l'arrêt, que si les opérations litigieuses n'ont pas été dénuées de tout avantage pour la société [2] [O] [3], elles ont été conçues artificiellement dans le but essentiel de bénéficier du tarif préférentiel, l'importateur titulaire des certificats « A » n'ayant assumé aucun risque commercial. 77. Les griefs doivent en conséquence être écartés. Mais sur le moyen additionnel, pris en sa première branche, proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [3] Enoncé du moyen 78. Le moyen proposé pour M. [O] et la société [2] [O] [3] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement sur la culpabilité, alors : « 1°/ que l'article 399, § 1, du code des douanes punit « ceux qui ont participé comme intéressés d'une manière quelconque à un délit de contrebande ou à un délit d'importation ou d'exportation sans déclaration » ; qu'en retenant, pour déclarer la société [2] [O] [3] coupable de l'infraction de fausse déclaration en valeur prévue à l'article 412 du code des douanes, de nature contraventionnelle, que sa responsabilité est engagée en qualité d'intéressé à la fraude de l'infraction douanière relevée (arrêt attaqué p. 18), la cour d'appel a méconnu les articles 399, § 1 et 412 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 399 du code des douanes : 79. Il résulte de ce texte que l'intéressement à la fraude n'est punissable que si cette fraude à un caractère délictuel. 80. Pour déclarer M. [O] et la société [2] [O] [3] coupables du chef de fausse déclaration en valeur, contravention prévue et réprimée par l'article 412 du code des douanes, l'arrêt attaqué, après avoir caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction, retient que leur responsabilité est engagée en qualité d'intéressés à la fraude. 81. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 82. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 83. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [O] et de la société [2] [O] [3] du chef de la contravention de fausse déclaration en valeur et à l'amende douanière de 1 500 euros prononcée en répression à leur encontre. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur les pourvois formés par M. [F] et la société [12] anciennement [6] : REJETTE les pourvois ; Sur les pourvois formés par M. [O] et la société [2] [O] [3] : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 16 septembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [O] et de la société [2] [O] [3] du chef de la contravention de fausse déclaration en valeur et à l'amende douanière de 1 500 euros prononcée en répression à leur encontre, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-86.499 F-B 8 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2022 La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 8 septembre 2021, qui, pour exercice illégal de la profession de géomètre-expert, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société [1], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts et du Conseil régional des géomètres-experts de Lyon, parties civiles, et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le Conseil régional des géomètres-experts de Lyon et le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts ont fait citer la société [1] devant le tribunal correctionnel du chef d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert, à raison de l'établissement, les 17 avril et 19 octobre 2015, de deux documents d'arpentage relevant du monopole des géomètres-experts. 3. Les juges du premier degré l'ont déclarée coupable de ces faits et ont prononcé sur les intérêts civils. 4. La prévenue et le ministère public ont relevé appel de la décision. Examen des moyens Sur les premier et second moyens Enoncé des moyens 5. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour avoir établi le document d'arpentage en date du 17 avril 2015, alors : « 1°/ que l'interprétation jurisprudentielle d'une loi d'incrimination ayant pour effet, au détriment du prévenu, d'étendre le champ de cette incrimination n'est pas applicable à des faits non définitivement jugés et qui, commis antérieurement à cette nouvelle interprétation, ne constituaient pas une infraction ; qu'en se fondant sur la « lecture convergente que font les deux ordres de juridiction » des articles 1, 2, et 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 et en faisant dès lors application à la SARL [1], poursuivie pour l'établissement d'un document d'arpentage du 17 avril 2015, de l'interprétation de ces dispositions faite par la chambre criminelle dans son arrêt du 1er septembre 2015 (Crim., 1er septembre 2015, pourvoi n° 14-86.235, Bull. crim. 2015, n° 187) consistant à étendre l'application du délit d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert à la réalisation de certains documents d'arpentage en ce que destinés à être annexés ou à accompagner un acte translatif de propriété, ils participeraient à la rédaction de tels actes et fixeraient les limites des biens fonciers lorsque le Conseil d'Etat, qui n'a été saisi d'aucun recours contre l'arrêté du 30 juillet 2010 (JORF, 7 août 2010, NOR BCRE1018050A) ni contre la doctrine fiscale de 2012 affirmant la compétence des géomètres-topographes agréés pour établir tout document d'arpentage, n'a jamais inclus les documents d'arpentage dans le monopole avant le 1er septembre 2015 et que la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation antérieure au 1er septembre 2015 avait exclu les documents d'arpentage du champ du monopole des géomètres-experts soit en rejetant, dans un arrêt de principe publié, le pourvoi contre la relaxe du prévenu auquel était reproché d'avoir établi ces documents (Crim., 16 mai 2006, pourvoi n° 05-82.870, Bull. crim. 2006, n° 134) soit en faisant droit au pourvoi de la partie civile qui distinguait néanmoins les documents pénalement poursuivis des documents d'arpentage qu'elle reconnaissait non soumis à monopole (Crim., 8 février 2011, pourvoi n° 10-83.917), la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le respect du principe de légalité des délits et des peines interdit qu'un prévenu se voit appliquer une interprétation jurisprudentielle consacrée postérieurement à la commission des faits poursuivis, ayant pour effet d'étendre le champ de la répression et non prévisible ; qu'en faisant application à la SARL [1] poursuivie pour l'établissement d'un document d'arpentage en date du 17 avril 2015 de l'interprétation faite par la chambre criminelle dans son arrêt du 1er septembre 2015 (Crim., 1er septembre 2015, pourvoi n° 14-86.235, Bull. crim. 2015, n° 187) des articles 1, 2 et 7 de la loi n° 46-940 du 7 mai 1946 qui était imprévisible et n'a pas pu « s'insérer » dans la jurisprudence antérieure de la chambre criminelle ayant exclu les documents d'arpentage du champ du monopole des géomètres-experts soit en rejetant, dans un arrêt de principe publié, le pourvoi contre la relaxe du prévenu auquel était reproché d'avoir établi ces documents (Crim., 16 mai 2006, pourvoi n° 05-82.870, Bull. crim. 2006, n° 134) soit en faisant droit au pourvoi de la partie civile qui distinguait néanmoins les documents pénalement poursuivis des documents d'arpentage qu'elle reconnaissait non soumis à monopole (Crim., 8 février 2011, pourvoi n° 10-83.917), ce que confirmaient la modification de la doctrine fiscale dès le lendemain de l'arrêt du 1er septembre 2015 ainsi que l'envoi à la prévenue d'un courrier le 21 septembre 2015 par le service du cadastre qui, face à la modification du champ de compétences des professionnels autres que les géomètres-experts dans la doctrine fiscale, prévoyait même des dispositions transitoires autorisant le dépôt au cadastre de documents d'arpentage « accompagnant ou destinés à être suivis d'un acte notarié ou administratif », la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en ne répondant pas explicitement au moyen tiré de l'erreur sur le droit invoqué par la prévenue et en se bornant à invoquer la hiérarchie des normes sans examiner, comme elle y était invitée, si l'information donnée par l'administration fiscale, dans sa doctrine publiée, aux professionnels qu'elle agrée sur le champ de leurs compétences concernant les documents d'arpentage servant de fondement aux poursuites et sans rechercher si cette information, alors que ni le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 ni l'arrêté du 30 juillet 2010 (JORF, 7 août 2010, NOR BCRE1018050A) ni l'agrément délivré individuellement ne précisaient que des documents d'arpentage pouvaient relever du monopole des géomètres-experts, n'avait pas donné lieu à une erreur sur le droit au bénéfice de la prévenue, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 122-3 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que l'exercice illégal de la profession de géomètre-expert est une infraction intentionnelle, supposant la conscience et la volonté d'enfreindre le monopole des géomètres-experts ; qu'en déclarant la SARL [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour avoir établi le document d'arpentage du 17 avril 2015, cependant qu'au vu du libellé des articles 1er, 2 et 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 et des articles 25 et 30 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955 qui ne prévoient pas que certains documents d'arpentage relèveraient du monopole et de leur interprétation par la chambre criminelle ayant exclu dans ses arrêts antérieurs à celui du 1er septembre 2015 ces documents du monopole, la prévenue, même en ayant recours à des conseils éclairés, ne pouvait évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, que l'établissement d'un document d'arpentage tel que celui établi le 17 avril 2015 était de nature à constituer le délit d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-3 du code pénal, 1, 2 et 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que des dispositions réglementaires peuvent autoriser la commission d'une infraction ; que l'interprétation jurisprudentielle nouvelle et imprévisible de dispositions réglementaires qui prévoient un fait justificatif ayant pour effet, au détriment du prévenu, de restreindre le champ de ce fait justificatif n'est pas applicable à des faits non définitivement jugés et commis antérieurement à cette nouvelle interprétation ; qu'en faisant application de l'interprétation jurisprudentielle des articles 25 et 30 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955 faite par la chambre criminelle dans son arrêt du 1er septembre 2015 selon laquelle parmi les documents d'arpentage visés par ces dispositions réglementaires, certains constituent des travaux relevant du monopole des géomètres-experts, cependant qu'antérieurement à l'arrêt de la chambre criminelle du 1er septembre 2015, les articles 25 et 30 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955 autorisaient les géomètres-topographes à établir tout document d'arpentage, la cour d'appel a violé les articles 122-4 du code pénal et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » 6. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour avoir établi les documents d'arpentage du 17 avril 2015 et 19 octobre 2015, alors : « 1°/ qu'un document d'arpentage ne peut jamais fixer les limites de propriété ; qu'en relevant, pour déclarer la SARL [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour l'établissement de deux documents d'arpentage, que ces documents ont été établis afin de permettre la division d'une parcelle et l'édification d'une construction sur la nouvelle parcelle, qu'ils ont été visés dans l'acte notarié de cession de la parcelle et annexés à celui-ci et qu'ils constituaient un bornage destiné à fixer les nouvelles limites de propriété, cependant que le document d'arpentage, même annexé à un acte notarié et visé dans celui-ci, demeure un document cadastral inapte, par sa nature et son objet, à fixer des limites de propriété ainsi que l'Ordre des géomètres-experts le reconnaît lui-même, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, 25 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'un document d'arpentage ne peut jamais fixer les limites de propriété ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que le document d'arpentage établi le 17 avril 2015 par la prévenue était un bornage sans répondre aux conclusions d'appel se prévalant de la clause de l'acte notarié qui constatait expressément que les limites et la contenance cadastrale mentionnées dans le document annexé n'étaient qu'indicatives et que le cadastre n'était pas un document à caractère juridique mais à caractère fiscal, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1, 2, 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, 25 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que le document cadastral constatant une ligne de séparation au sein d'une parcelle entre une partie que le propriétaire entend conserver et une partie qu'il entend créer en vue de sa cession ne peut jamais constituer un plan fixant les limites de biens fonciers puisqu'au jour de l'établissement du document, la parcelle au sein de laquelle une ligne de séparation a été établie appartient à un seul propriétaire ; qu'en relevant que les documents d'arpentage divisant la parcelle appartenant à un unique propriétaire en deux ou trois nouvelles parcelles créent une nouvelle limite parcellaire entre deux fonds et constituaient un bornage, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, 25 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que les propriétaires de deux fonds voisins peuvent se mettre d'accord pour fixer les limites de leurs propriétés sans faire appel à un professionnel ; qu'en retenant, après avoir constaté que les documents d'arpentage litigieux comportaient la signature du propriétaire initial et des futurs acheteurs, que ces documents constituent en réalité un bornage destiné à fixer les nouvelles limites de propriété et entrent dans le champ du monopole des géomètres-experts, l'existence d'un accord entre propriétaires ou l'absence de désaccord et de conflit étant à cet égard indifférentes au regard de l'objet et de la finalité du monopole cependant que le monopole des géomètres-experts étant accessoire par rapport à l'accord des propriétaires quant à la fixation des limites de leur propriété, le projet de division entre l'actuel propriétaire d'une parcelle et l'acheteur potentiel d'une partie de celle-ci lors de l'établissement du document d'arpentage devient, au moment de la réalisation de la cession, un bornage amiable procédant régulièrement de l'accord de propriétaires de fonds voisins, la cour d'appel a violé les articles 646 du code civil, 1 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ; que l'alinéa 2 de l'article 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 prévoit que ne sont pas opposables aux services publics pour l'exécution des travaux qui leur incombent les dispositions de son premier alinéa prévoyant que peuvent seuls effectuer les travaux prévus au 1° de l'article 1 les géomètres-experts inscrits à l'ordre ; qu'en se bornant à relever que les dispositions de la loi de 1946 avaient dans la hiérarchie des normes une valeur supérieure aux textes réglementaires invoquées par la prévenue sans rechercher comme elle y était invitée si la SARL [1], bénéficiaire d'un agrément de l'administration fiscale pour établir des documents d'arpentage et délégataire à ce titre d'une mission de service public, celui du cadastre, n'avait pas établi les documents d'arpentage litigieux en application de l'alinéa 2 de l'article 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 de sorte que le monopole des géomètres-experts ne lui était pas opposable, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1, 2, 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, ensemble l'article 122-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ; 6°/ que ne saurait être pénalement responsable le professionnel ayant agi sur l'autorisation de l'administration qui a édicté des dispositions transitoires pour autoriser temporairement l'établissement et le dépôt d'actes enfreignant la loi pénale ; qu'en déclarant la SARL [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour l'établissement du document d'arpentage du 19 octobre 2015, cependant que la prévenue avait été autorisée par l'administration fiscale, par courrier du 21 septembre 2015 prévoyant « A titre de mesure transitoire, les documents d'arpentage en cours de confection à la date du 2 septembre 2015 c'est-à-dire les documents pour lesquels les géomètres agréés ont engagé les travaux de terrain où se sont engagés contractuellement avant cette date, pourront être déposés pour vérification et numérotage au service du cadastre jusqu'au 2 décembre 2015, quand même ils accompagneraient un tel acte », à établir un tel document et qu'elle bénéficiait à ce titre du fait justificatif de l'article 122-4 du code pénal ou à tout le moins de celui de l'article 122-3, la cour d'appel a violé ces textes, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Les moyens sont réunis. 8. Pour confirmer le jugement ayant déclaré la prévenue coupable, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée par la loi n° 87-998 du 15 décembre 1987, et de la lecture convergente qu'en font les deux ordres de juridiction judiciaire et administratif, que les documents de modification du parcellaire cadastral ou tout autre document d'arpentage qui établit une ligne de séparation au sein d'une parcelle entre une partie que le propriétaire entend conserver et une partie qu'il entend créer en vue de sa cession, et qui a donc vocation à devenir la limite séparative de deux fonds issus de la vente, entrent dans le champ du monopole des géomètres-experts en ce qu'ils fixent les nouvelles limites de biens fonciers et créent des droits réels qui y sont attachés, leur auteur participant directement à la rédaction d'un acte translatif de propriété. 9. Les juges ajoutent qu'il en résulte, d'une part, que les géomètres-experts peuvent effectuer tous les actes fixant les limites de biens fonciers, des relevés, plans et documents topographiques, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, dès lors que ces actes concernent la définition des droits attachés à la propriété foncière, que l'opération ait un caractère amiable ou contentieux, d'autre part, que les géomètres-topographes peuvent effectuer les mesurages de superficies et descriptions et, plus généralement, toutes les opérations techniques ou études sur l'évaluation, la gestion ou l'aménagement des biens fonciers, dès lors que ces travaux sont sans incidence, directe ou non, sur la propriété foncière et ses limites. 10. Ils précisent qu'il appartient donc aux géomètres-topographes de s'assurer, préalablement au commencement de leur mission, de l'objet et de la finalité du document de délimitation qui leur est demandé. 11. Ils relèvent également que le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre et l'arrêté du 30 juillet 2010 (JORF, 7 août 2010, NOR BCRE1018050A) fixant les modalités d'attribution des agréments pour l'exécution des travaux cadastraux ont, dans la hiérarchie des normes, une valeur moindre que la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 puisqu'il s'agit de textes réglementaires et non pas législatifs et que si les articles 25 et 30 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955 disposent que les documents d'arpentage constatant un changement de limites de propriétés, notamment par suite de divisions, lotissement, partage peuvent être réalisés par les personnes agréées à cette fin, ils ne peuvent avoir pour but ou pour effet de contrevenir aux dispositions de cette loi. 12. Ils retiennent encore qu'il ressort également de l'article 8 de l'arrêté du 30 juillet 2010 (JORF, 7 août 2010, NOR BCRE1018050A) que les personnes agréées s'interdisent de réaliser des études et travaux topographiques destinés à fixer eux-mêmes des limites des biens fonciers ou les droits qui y sont attachés, de sorte que l'agrément fiscal ne confère au géomètre agréé aucune des compétences dévolues par la loi au géomètre-expert et ne peut autoriser son titulaire à violer la loi. 13. Pour conclure ensuite que les documents du 17 avril 2015 et du 19 octobre 2015 ne constituent pas de simples arpentages, mais des bornages destinés à fixer de nouvelles limites de propriété et à en permettre le transfert, et entrent de la sorte dans le champ du monopole des géomètres-experts, les juges constatent que ces actes divisent une parcelle en plusieurs parcelles, créent une nouvelle limite parcellaire entre des fonds et comportent les signatures tant du propriétaire initial que du futur acquéreur de l'une de ces parcelles, ainsi que cela ressort des actes notariés ultérieurs qui en consacrent la vente et font expressément référence à cette division parcellaire certifiée et numérotée par le service du cadastre, qu'ils annexent. Ils en déduisent que cette division parcellaire était un préalable nécessaire à la cession de parcelles destinées à la construction et que la prévenue ne pouvait ignorer ce but au moment de l'établissement des actes. Ils précisent que l'existence ou non d'un accord entre propriétaires est indifférente au regard de l'objet et de la finalité du monopole instauré au profit des géomètres-experts. 14. Par motifs adoptés, ils énoncent également que la prévenue ne pouvait se méprendre sur la portée de la lettre de l'administration fiscale du 21 septembre 2015 autorisant à titre transitoire les géomètres-topographes agréés à déposer au cadastre les documents d'arpentage, en cours de confection au 2 septembre 2015, accompagnant un acte notarié ou destinés à être suivis d'un tel acte, que si cette lettre pouvait entretenir un certain flou, l'administration n'avait pas le pouvoir de régulariser des actes contraires à la loi en l'état d'un droit clair et constant depuis plusieurs années et que la prévenue pouvait consulter l'un de ses organismes professionnels avant de dresser des documents d'arpentage destinés à diviser des fonds et à être annexés à des actes notariés de vente, de sorte que l'erreur invincible sur le droit n'est pas établie. 15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a répondu à tous les chefs péremptoires des conclusions de la prévenue, a justifié sa décision, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen. 16. En premier lieu, elle a souverainement apprécié que les documents en cause ne consistaient pas en des documents fiscaux dépourvus d'incidence foncière, mais avaient au contraire pour effet de fixer de nouvelles limites de biens fonciers, peu important que le propriétaire actuel et le futur acquéreur soient d'accord pour la fixation de ces nouvelles limites. 17. En deuxième lieu, l'interprétation stricte des textes sur lesquels elle s'est fondée résulte non d'un arrêt qui aurait été rendu de manière imprévisible par la Cour de cassation le 1er septembre 2015 (Crim., 1er septembre 2015, pourvoi n° 14-86.235, Bull. crim. 2015, n° 187), mais de la jurisprudence dans laquelle cet arrêt s'insère, selon laquelle les actes réservés aux géomètres-experts sont ceux qui fixent les limites des biens fonciers pour l'établissement des droits réels, préparent, accompagnent ou suivent l'intervention d'un notaire et participent des actes translatifs ou déclaratifs de propriété, tandis que les actes relevant de la compétence des géomètres- topographes concernent les documents d'arpentage et tous travaux cadastraux relatifs à la situation fiscale du fonds concerné. 18. En troisième lieu, elle a caractérisé l'élément intentionnel, sans qu'il y ait lieu de distinguer, eu égard à ce qui est énoncé au paragraphe précédent, entre chacun des deux actes concernés, selon qu'il a été établi avant ou après l'arrêt du 1er septembre 2015. 19. Dès lors, les moyens doivent être écartés. 20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [1] devra payer au Conseil régional des géomètres-experts de Lyon et au Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux. Crim., 1er septembre 2015, pourvoi n° 14-86.235, Bull. crim. 2015, n° 187 (cassation et désignation de juridiction), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 22-85.880 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [M] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 14 septembre 2022, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique envers un particulier. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [M] [E], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [O] [Y], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 25 novembre 2020, M. [O] [Y] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier à l'encontre de M. [M] [E] en raison d'un livre paru en octobre 2020, intitulé « Vérités d'un capitaine de gendarmerie : un officier rompt le devoir de réserve », mis en vente sur le site internet « La librairie du capitaine ». 3. M. [E] y relate notamment, sur plusieurs pages, une enquête préliminaire dont le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon lui avait confié la direction en avril 2016 pour des faits d'abus de faiblesse sur personne vulnérable, pour lesquels M. [Y] a été mis en garde à vue, une information judiciaire relative à ces faits étant toujours en cours. 4. Bien qu'il ne soit pas cité nommément, M. [Y] estimait que les détails relatifs aux dates, aux lieux et aux faits, ainsi qu'à la personne gardée à vue permettaient de l'identifier. 5. Le 28 février 2022, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu au motif que l'information judiciaire n'a pas permis de qualifier les termes employés comme relevant de la diffamation envers un particulier, la personne visée dans l'extrait ne pouvant être identifiée. 6. Le 1er mars 2022, M. [Y] a relevé appel de cette décision. 5. Par arrêt en date du 18 mai 2022, la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information aux fins « de procéder à l'interrogatoire de première comparution de M. [E] et d'envisager sa mise en examen du chef de diffamation publique ». 7. Le 10 juin 2022, M. [E] a été mis en examen du chef précité. 8. Un arrêt de dépôt a été rendu le 22 juin 2022. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le renvoi de M. [E] devant le tribunal correctionnel pour diffamation envers un particulier, alors : « 1°/ qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la juridiction d'instruction saisie de faits qualifiés de diffamation de se prononcer sur les éléments constitutifs de l'infraction, dont l'identification de la personne visée par les propos incriminés, indissociable de l'appréciation de leur caractère diffamatoire ; qu'en infirmant l'ordonnance de non-lieu entreprise, aux motifs que les propos dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile visaient effectivement la partie civile, quand ce constat relève de la compétence de la seule juridiction de jugement, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ; 2°/ que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs ; que lorsqu'une personne est visée par des propos diffamatoires, s'il importe peu qu'elle n'ait pas été nommément ou expressément désignée, c'est à la condition que son identification soit rendue possible par les termes du discours ou de l'écrit, ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de manière à la rendre évidente ; que ces éléments extrinsèques doivent être antérieurs à la diffusion de l'écrit incriminé ; que pour estimer que la personne visée dans le passage incriminé était effectivement la partie civile, la chambre de l'instruction a estimé que si elle n'était pas désignée, elle était identifiable à partir des éléments d'information fournis dans le passage dénoncé, visant « un élu de la circonscription de [Localité 1] », un élu qui avait été placé en garde à vue, « l'homme de confiance de vieille dame spoliée », « comptable de cette vieille dame depuis 35 ans », « un homme à l'origine de la demande de carte bancaire d'une veuve nonagénaire sénile à faible mobilité (fauteuil roulant) se trouvant à l'EHPAD de [Localité 1] » ; qu'elle a ajouté qu'une lettre anonyme adressée à la partie civile après cette diffusion confirmait cette possible identification ; que dès lors que les éléments déduit du passage incriminé, sur lesquels la Cour de cassation peut porter son appréciation, ne permettent pas à eux seuls de procéder à l'identification certaine de la personne visée et que le seul élément extrinsèque sur lequel se fonde l'arrêt attaqué est postérieur à la diffusion de l'écrit, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 32 de la loi sur la presse, 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en estimant que cette identification était possible dès lors que la partie civile avait reçu une lettre anonyme mentionnant « Témoignage accablant pour le maire de [Localité 2] », sans avoir recherché, comme le sollicitait le mémoire déposé pour le gendarme mis en examen, si ce courrier postérieur à l'écrit n'avait pas été établi, par la partie civile, aux fins de se constituer une preuve de la possibilité de l'identifier, concernant des faits remontant à plusieurs années avant la rédaction de l'écrit, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 de la loi sur la presse,198 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 10. C'est à tort que la chambre de l'instruction, saisie, sur le seul appel de la partie civile, d'une ordonnance de non-lieu fondée sur l'absence d'identification de la personne visée par les propos diffamatoires, s'est prononcée sur cette question pour infirmer l'ordonnance de non-lieu, alors que les éléments relatifs à l'identification de la victime relèvent du débat contradictoire et que, soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond, ils échappent à la compétence de la juridiction d'instruction. 11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que le moyen, qui se borne à critiquer les énonciations de l'arrêt, relatives à l'identification de la personne visée par les propos diffamatoires, ne comportant aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n'aurait pas le pouvoir de modifier, est irrecevable en application de l'article 574 du code de procédure pénale. 12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; FIXE à 2 500 euros la somme que M. [E] devra payer à M. [Y] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 22-85.810 FS-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 [O] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 15 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat et infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de [O] [Z], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, Mme Ménotti, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Aldebert, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 26 août 2022, [O] [Z], mineur, a été mis en examen des chefs susvisés. 3. Devant le juge d'instruction, [O] [Z] a été assisté de M. [L], avocat substituant M. [T], ce dernier ayant été désigné par le mineur comme avocat choisi. 4. Au cours du débat contradictoire qui s'est tenu le même jour devant le juge des libertés et de la détention, [O] [Z] a confirmé la désignation de M. [T], et il a été assisté de M. [L], substituant M. [T]. Il a été placé en détention provisoire. 5. Le 30 août 2022, M. [T], seul avocat désigné par le mineur, a sollicité un permis de communiquer à son nom ainsi qu'à celui de l'ensemble des avocats associés et collaborateurs de son cabinet. 6. Le 31 août 2022, un avis de libre communication au seul nom de M. [T] a été délivré par le juge d'instruction, qui, par ordonnance en date du 5 septembre 2022, a dit n'y avoir lieu à l'établissement d'un permis de communiquer pour l'ensemble des avocats du cabinet de M. [T]. 7. Le même jour, [O] [Z] a relevé appel de la décision de placement en détention provisoire, ne demandant pas à comparaître devant la chambre de l'instruction. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par la défense et a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors : « 1°/ que la délivrance d'un permis de communiquer est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; que le défaut de délivrance de ce permis à l'avocat désigné par la personne mise en examen ou, si cet avocat en fait la demande, à ses associés et collaborateurs, avant une audience relative à la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; qu'il s'ensuit que lorsque l'avocat désigné par la personne mise en examen ne peut être présent à l'audience, la seule absence de délivrance d'un permis de communiquer à ses associés et collaborateurs aux noms desquelles une demande de permis de communiquer avait été formulée, avant le débat contradictoire méconnaît les droits de la défense, peu importe que l'avocat désigné par la personne mise en examen se soit personnellement vu délivrer un tel permis ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la demande de permis de communiquer formée en temps utile par Maître [T], au nom des collaborateurs et associés de son cabinets, a fait l'objet d'un refus de la part du juge d'instruction, de sorte qu'aucun des collaborateurs ou associés de Maître [T] n'a été mis en mesure de s'entretenir avec Monsieur [Z] en vue de l'audience relative à l'appel de son ordonnance de placement en détention provisoire, alors même que Maître [T] se trouvait dans l'impossibilité d'assister à cette audience ; qu'il incombait dès lors à la Chambre de l'instruction de constater la méconnaissance des droits de la défense et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [Z] ; qu'en retenant toutefois, pour rejeter cette demande de remise en liberté, que Maître [T], qui s'était vu délivrer un permis de communiquer, avait eu librement accès au mineur détenu à compter du 31 août 2022, quand ce motif est impropre à écarter l'atteinte aux droits de la défense caractérisée par le défaut de délivrance du permis de communiquer sollicité au nom des associés et collaborateurs de Maître [T] en amont de l'audience relative à l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, de sorte que, celui-ci n'ayant pu être personnellement présent à l'audience, aucun autre avocat ayant pu s'entretenir avec Monsieur [Z] ne pouvait assurer sa défense, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 115, 145, D. 32-1-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ que la délivrance d'un permis de communiquer est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; que le défaut de délivrance de ce permis à l'avocat désigné par la personne mise en examen ou, si cet avocat en fait la demande, à ses associés et collaborateurs, avant une audience relative à la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; qu'il s'ensuit que lorsque l'avocat désigné par la personne mise en examen ne peut être présent à l'audience, la seule absence de délivrance d'un permis de communiquer à ses associés et collaborateurs aux noms desquelles une demande de permis de communiquer avait été formulée, avant le débat contradictoire méconnaît les droits de la défense, sans qu'il ne puisse être reproché à la défense de ne pas avoir effectué d'autres démarches ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la demande de permis de communiquer formée en temps utile par Maître [T], au nom des collaborateurs et associés de son cabinets, avait fait l'objet d'un refus de la part du juge d'instruction, de sorte qu'aucun des collaborateurs ou associés de Maître [T] n'a été mis en mesure de s'entretenir avec Monsieur [Z] en vue de l'audience relative à l'appel de son ordonnance de placement en détention provisoire, alors même que Maître [T] se trouvait dans l'impossibilité d'assister à cette audience ; qu'il incombait dès lors à la Chambre de l'instruction de constater la méconnaissance des droits de la défense et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [Z] ; qu'en retenant toutefois, pour rejeter cette demande de remise en liberté et confirmer le placement en détention provisoire de l'exposant, qu'il incombait à la défense de Monsieur [Z] d'effectuer en temps utile les démarches nécessaires permettant à l'un des collaborateurs ou associés de Maître [T] d'obtenir un permis de communiquer, quand ces motifs sont impropres à écarter l'atteinte aux droits de la défense résultant justement du défaut de délivrance du permis de communiquer aux associés et collaborateurs de celui-ci, en dépit de la demande en ce sens formée dès le 30 août 2022 et alors que l'avocat de Monsieur [Z] n'avait aucune autre démarche à accomplir que cette demande à laquelle il aurait dû être spontanément fait droit, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 115, 145, D. 32-1-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. La Cour de cassation a jugé que si, en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l'homme, la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense, de telle sorte que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés qui en a fait la demande, avant une audience en matière de détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen, sauf s'il résulte d'une circonstance insurmontable, aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d'instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d'un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n'ont pas été personnellement désignés par l'intéressé dans les formes prévues par l'article 115 du code de procédure pénale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-85.670, publié au Bulletin). 10. L'article D. 32-1-2 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022, prévoit que le juge d'instruction établit un permis de communiquer pour les associés et collaborateurs de l'avocat choisi, désignés nominativement par ce dernier, lorsqu'il le sollicite. 11. Le moyen pose la question de savoir si la méconnaissance de ces dispositions fait nécessairement grief à la personne détenue. 12. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, en ce qu'elles permettent au juge d'instruction de refuser la délivrance d'un permis de communiquer à un avocat qui n'a pas été nominativement désigné selon les modalités prévues par cet article par la personne détenue, ne méconnaissent pas les droits de la défense dès lors que, d'une part, elles tendent à garantir la liberté de la personne mise en examen de choisir son avocat, d'autre part, la personne mise en examen peut à tout moment de l'information désigner un ou plusieurs avocats, appartenant le cas échéant à un même cabinet, qu'ils soient salariés, collaborateurs ou associés, lesquels peuvent alors solliciter la délivrance d'un permis de communiquer que le juge d'instruction est tenu de leur délivrer (Cons. const., 20 mai 2022, n° 2022-994 QPC). 13. Il se déduit de cette décision, qui entend garantir le libre choix de son avocat par la personne mise en examen, que l'absence de délivrance du permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l'avocat choisi, en conformité avec les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ceux-ci étant pleinement préservés par la délivrance d'un permis de communiquer aux seuls avocats qu'a choisis la personne mise en examen. 14. Dès lors, le demandeur ne saurait se prévaloir d'une violation des droits de la défense prise de la seule absence de délivrance du permis de communiquer aux avocats collaborateurs et associés de l'avocat choisi. 15. En l'espèce, pour écarter l'argumentation tirée de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, rejeter la demande de mise en liberté d'office de [O] [Z] et confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce qu'un permis de communiquer a été délivré à M. [T], seul avocat nommément désigné par l'intéressé, le 31 août 2022, lendemain de sa demande, et que cet avocat avait dès lors, depuis cette date, librement accès au mineur détenu. 16. Les juges ajoutent que, depuis l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, le 5 septembre 2022, l'avocat désigné, qui se savait indisponible depuis le 7 avril 2022, n'a fait aucune diligence pour en faire état. 17. En prononçant par ces seuls motifs, la chambre de l'instruction, devant laquelle, au surplus, le mineur a été représenté par un avocat commis d'office, et qui a constaté l'absence de toute atteinte aux droits de la défense de la personne détenue, a justifié sa décision. 18. Le moyen ne peut qu'être écarté. 19. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-85.602 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [U] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 528 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, en récidive, et association de malfaiteurs, a dit qu'elle n'était pas saisie. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [U] [Y], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 23 janvier 2022, M. [U] [Y] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire. 3. Le 12 juillet 2022, il a formé une demande de mise en liberté, rejetée par ordonnance du 18 juillet suivant. 4. Ce même jour, le greffier du juge saisi a transmis, pour notification de cette décision et remise de copie à l'intéressé, au greffe de l'établissement pénitentiaire, un récépissé que M. [Y] a renseigné le lendemain, 19 juillet, en y apposant, de sa main, la date, sa signature et, au-dessous de celle-ci, les mots « je veux faire appel du rejet ». 5. Le 5 septembre 2022, l'avocat de M. [Y] a saisi le juge d'instruction d'une demande de mise en liberté au motif que l'intéressé était détenu sans titre, faute pour la chambre de l'instruction d'avoir statué dans le délai légal sur l'appel interjeté dans les conditions sus-décrites. 6. Le même jour, le greffe du juge d'instruction a enregistré un appel, en annexant à cet acte le récépissé précité. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen d'annulation, a constaté qu'il n'avait pas été interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulon du 18 juillet 2022, et a constaté que M. [Y] était valablement en détention provisoire, alors : « 1°/ que la déclaration d'intention du prévenu, claire et dénuée d'ambiguïté de faire appel, entraîne, sans autre conditions de forme, l'obligation pour les agents du greffe pénitentiaire ou du greffe de la juridiction d'enregistrer sa déclaration d'appel sans délai, la déclaration d'intention faisant, à défaut de cet enregistrement à bref délai, courir le délai pour statuer à compter de sa date ; que la mention manuscrite « je veut faire appel du rejet » apposée, le 19 juillet 2022 par M. [Y] au bas du récépissé de notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention portant rejet d'une demande de mise en liberté, retourné au greffe de la juridiction, constitue une déclaration d'intention claire et dépourvue d'ambiguïté qu'il appartenait au greffe pénitentiaire qui avait procédé à la notification ou à celui de la juridiction auquel la notification avait été retournée d'enregistrer sans délai ; qu'en affirmant néanmoins que faute de déclaration au greffe pénitentiaire ou de transcription au greffe de la juridiction il n'y avait pas d'appel recevable la chambre de l'instruction violé les articles 194, 502 et 503 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'arrêt constate que l'appel du détenu a donné lieu à l'établissement d'une déclaration d'appel par le greffier de la juridiction le 5 septembre ; que l'arrêt attaqué se borne à relever que « la cour ignore les conditions et pour quelles raisons exactes cet acte d'appel avait été établi », sans relever aucune circonstance imprévisible et insurmontable justifiant le retard mis à l'enregistrement de l'appel que l'intéressé, le 19 juillet, avait clairement et précisément indiqué vouloir faire, et le report du point de départ délai pour statuer ; que dès lors en se prononçant sur cet appel le 16 septembre sans ordonner la mise en liberté d'office, l'arrêt attaqué a violé les articles 194, 502 et 203 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour constater qu'il n'a pas été relevé appel de l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'article 503 du code de procédure pénale n'ont pas été respectées, de sorte que la question soumise à la chambre de l'instruction est celle de l'existence même d'un appel et non de sa seule recevabilité. 9. Les juges relèvent qu'en l'absence de toute autre manifestation de l'intéressé, la réalité de cet appel repose sur la seule mention apposée par M. [Y] sur le récépissé de notification de l'ordonnance. 10. Ils observent qu'un tel document n'est pas destiné au greffe de l'établissement pénitentiaire mais à celui du magistrat et retiennent qu'aucun défaut de diligence ne peut être imputé à l'administration. 11. Ils en déduisent que la seule mention ci-dessus, apposée sur le formulaire de notification, dans les conditions sus-décrites, ne peut être considérée comme un appel. 12. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 13. D'une part, la mention « je veux faire appel du rejet », qui n'a été apposée, ni au pied de l'ordonnance contestée, ni en présence du greffier du juge saisi, mais sur un imprimé dédié à la notification de la décision, ne saurait valoir appel. 14. D'autre part, cet imprimé était destiné, non au greffe de l'établissement pénitentiaire, saisi pour seule exécution de la formalité, mais à celui du juge d'instruction, de sorte qu'il ne valait pas lettre d'intention. 15. Ainsi, le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche et, dès lors, est inopérant en sa seconde, doit être écarté. 16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 22-81.108 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [I] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 4 février 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 19 octobre 2021, n° 21-82.230), dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement marocain, a émis un avis favorable. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I] [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [I] [V], ressortissant marocain, a fait l'objet d'une demande d'extradition formée le 24 septembre 2018 par les autorités marocaines aux fins d'exécution d'une peine de dix ans d'emprisonnement prononcée par contumace le 22 février 2017 par la chambre criminelle de la cour d'appel de Rabat des chefs de constitution d'une association criminelle, recel d'objet provenant d'un crime, formation d'une association pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d'une entente visant à porter gravement atteinte à l'ordre public et assistance volontaire aux auteurs d'actes terroristes, faits commis en 2001. 3. Par arrêt du 15 novembre 2019, la chambre de l'instruction a donné un avis défavorable à l'extradition. 4. Sur pourvoi du procureur général, la Cour de cassation a cassé cette décision (Crim., 2 décembre 2020, pourvoi n° 19-87.428). 5. Par arrêt du 18 mars 2021, la chambre de l'instruction de renvoi, statuant après cassation, a rejeté une demande de renvoi et une exception d'incompétence et émis, avec une réserve, un avis favorable à l'extradition. 6. Sur pourvoi de M. [V], la Cour de cassation a cassé cette décision et renvoyé la cause et les parties devant une troisième chambre de l'instruction. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire en date du 24 janvier 2022 transmis par courriel au greffe de la chambre de l'instruction et a, en conséquence, émis un avis favorable à la demande d'extradition, alors « que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable le mémoire déposé par M. [V], sur la seule circonstance que ce mémoire avait été « transmis, par courriel », au greffe de la chambre de l'instruction (arrêt, p. 4, § 5), quand il résultait pourtant de ses propres constatations que ce mémoire avait été reçu la veille de l'audience et « visé à 16 heures 03 par le greffe de la chambre de l'instruction » (arrêt, p. 4, § 5), en sorte qu'elle devait l'examiner, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire et 198 du code de procédure pénale et a privé sa décision, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale. » Réponse de la Cour 8. Pour déclarer irrecevable le mémoire, l'arrêt attaqué énonce, après avoir rappelé les termes de l'article 198 du code de procédure pénale, que le conseil de M. [V] a transmis celui-ci par courriel. 9. Depuis lors, la Cour de cassation, prenant acte de la signature, le 5 février 2021, entre le ministère de la justice et le Conseil national des barreaux, de la convention ayant pour objet d'étendre, au niveau national, la possibilité de recourir à la communication électronique en matière pénale, a jugé que la communication des mémoires au greffe de la chambre de l'instruction peut être effectuée par un moyen de télécommunication électronique sécurisé selon des modalités précisées dans ladite convention (Crim., 23 février 2022, pourvoi n° 21-86.762, publié au Bulletin). 10. La Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de constater que l'envoi du mémoire litigieux a été effectué au moyen d'une messagerie ne répondant pas au format spécifique prévu par l'article 6.3 de la convention ainsi que dans ses annexes 5 et 9, dès lors insusceptible d'établir tant l'authenticité du courriel et des pièces jointes émanant de celle-ci que l'identité de l'auteur du mémoire, de telles vérifications relevant, dans l'intérêt même de la personne réclamée, d'un formalisme nécessaire. 11. Cet envoi par courriel ne saurait donc être régulier et la réception du mémoire, par le greffe de la chambre de l'instruction, en temps et en heure, remédier à cet état de fait. 12. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le second moyen Enoncé du moyen 13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis favorable à la demande d'extradition de M. [V] par les autorités marocaines, alors : « 1°/ que les dispositions des articles 194, 197, 198 et 609-1 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense en ce qu'elles dispensent une chambre de l'instruction, statuant comme cour de renvoi après cassation, de se référer et de répondre aux mémoires antérieurement déposés devant la chambre de l'instruction dont la décision a été annulée ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et de constater, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; 2°/ que M. [V] invoquait, dans des mémoires déposés devant les chambres de l'instruction dont les arrêts ont été annulés, l'existence de risques de traitements inhumains et dégradants et de torture qui pouvaient lui être infligés en cas de remise à autorités marocaines ; qu'en s'abstenant de répondre à cette articulation essentielle des mémoires régulièrement déposés devant les juges dont les décisions avaient été annulées, quand, à défaut de renonciation, elle s'en trouvait nécessairement saisie, la chambre de l'instruction a privé son arrêt, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale et a violé les articles 7 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 3 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, préliminaire, 198, 609-1, 614 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, au besoin d'office, si la personne réclamée pour des faits de terrorisme ne risquait pas d'être soumise à des traitements inhumains ou dégradants et à la torture en cas de remise aux autorités marocaines, au regard des pièces que M. [V] avait déjà produites, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 7, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 3 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a prononcé par un arrêt qui ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 14. Le grief est devenu sans objet dès lors que, par décision du 28 juin 2022, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Sur le moyen, pris en ses autres branches 15. L'arrêt attaqué, qui donne un avis favorable à l'extradition, ne contient pas de motifs relatifs au risque de traitement inhumain ou dégradant auquel pourrait être exposée la personne réclamée en cas de remise aux autorités de l'Etat requérant. 16. Il n'encourt cependant pas la censure pour ce motif. 17. En effet, d'une part, la chambre de l'instruction, qui statuait comme cour de renvoi après cassation, n'était tenue de se référer et de répondre qu'au mémoire susceptible d'être régulièrement produit, dans les conditions prévues par l'article 198 du code de procédure pénale, au cours de la procédure ainsi ouverte devant elle, et n'avait pas à faire mention des mémoires antérieurement déposés devant les chambres de l'instruction dont les décisions avaient été annulées. 18. D'autre part, à défaut d'allégations en ce sens de la personne réclamée, cette juridiction n'était pas tenue de rechercher l'existence d'un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de remise de celle-ci aux autorités judiciaires de l'Etat requérant, ce, même en vue de poursuites pour faits de terrorisme, la vérification n'ayant dès lors pas d'objet concret. 19. Ainsi, le moyen doit encore être écarté. 20. Il s'ensuit que l'arrêt satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. 21. Par ailleurs, il a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 21-87.333 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 Mme [O] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 8 décembre 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l'autorité publique et recel, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [O] [W], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Suite à une tentative d'assassinat survenue sur la personne de M. [T] [H] le 12 juillet 2014, M. [P] [B] et M. [J] [C] ont fait l'objet de perquisitions et ont été placés en garde à vue. 3. Lors de cette mesure, ils ont été assistés par Mme [O] [W], avocate. 4. Ni M. [C] ni M. [B] n'ont été déférés ou mis en examen à ce stade. 5. Le 24 juillet 2014, une information judiciaire a été ouverte. 6. Dans le cadre d'une commission rogatoire en date du 25 juillet 2014, la ligne téléphonique de M. [B] a fait l'objet d'une interception. 7. M. [C] a été, à nouveau, placé en garde à vue le 15 octobre 2014. Il a fait l'objet d'un premier mandat d'amener, a été laissé en liberté le 20 octobre 2014, puis a fait l'objet d'un nouveau mandat d'amener, a été mis en examen et placé en détention provisoire le 22 octobre 2014. 8. Plusieurs conversations entre M. [B] et Mme [W] ont été interceptées le 17 octobre 2014 et retranscrites le 21 octobre 2014. 9. Un procès-verbal de synthèse du 22 janvier 2015 y fait référence. 10. Par arrêt du 7 mars 2016, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné l'annulation ou la cancellation des pièces en cause, considérant que les interceptions ne révélaient pas d'indices de la participation de l'avocat à l'infraction. 11. Le 7 juin 2016, Mme [W] a déposé une plainte simple pour violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l'autorité publique et recel, qui a fait l'objet d'un classement sans suite le 7 juillet 2016. 12. Elle a déposé une plainte avec constitution de partie civile de ces mêmes chefs le 23 mars 2017. 13. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 14 juin 2021. 14. Mme [W] a interjeté appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu à suivre rendue le 14 juin 2021 par le juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Ajaccio, alors : « 1°/ que l'article 432-9 du code pénal incrimine le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances ; que l'élément intentionnel de ce délit est constitué par la seule volonté de l'auteur de porter atteinte au secret d'une correspondance, peu important les mobiles qui aient pu l'animer ; qu'après avoir retenu que l'élément légal de l'infraction d'atteinte au secret des correspondances était constitué par les procès-verbaux comportant les conversations tenues entre Me [W] et son client M. [P] [B] (arrêt attaqué, p. 7, 2ième §), la Chambre de l'instruction a retenu, pour dire que l'élément intentionnel n'était pas caractérisé, que la fonctionnaire de police ayant procédé aux interceptions avait déclaré ne pas avoir connaissance des éléments de l'enquête, agissant uniquement sur instructions des officiers de police judiciaire, et que le juge d'instruction qui avait ordonné les interceptions téléphoniques et versé les retranscriptions à la procédure avait considéré qu'il n'existait pas au moment de la conversation de relation client/avocat entre Me [W] et M. [B], faute de mise en examen de ce dernier, et que selon lui, la teneur des conversations interceptées était susceptible de constituer une violation par Me [W] du secret professionnel, celle-ci faisant état à un tiers du déroulement d'une garde à vue ; que la cour d'appel a également retenu que l'enquêteur ayant procédé à la retranscription des communications interceptées avait indiqué estimer que les conversations enregistrées ne lui avaient pas « paru avoir de rapport quelconque avec les droits de la défense de [P] [B] », et que le magistrat instructeur auquel il avait communiqué ces éléments lui avait indiqué que la retranscription des propos échangés pouvait s'effectuer dans un « cadre parfaitement légal », et qu'enfin, il n'apparaissait pas que les conservations interceptées auraient étaient relatives à la défense des intérêts de M. [B] ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à exclure l'élément moral de l'infraction objet de la plainte de Me [W], lequel découle de la seule conscience de l'auteur de porter atteinte au secret des correspondances, peu important le mobile l'y ayant conduit ni les circonstances, sauf cas expressément prévus par la loi, dans lesquelles l'interception des conversations litigieuses était intervenu, la Chambre de l'instruction a violé l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 591 du code de procédure pénale, et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 2°/ que les échanges entre un avocat et son client sont protégés quel qu'en soit l'objet, sous la seule réserve de l'existence de soupçons de participation de l'avocat à la commission d'une infraction ; qu'en écartant l'existence de charges suffisantes d'instruire du chef d'atteinte au secret des correspondances, quand il résultait de l'arrêt de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 mars 2016 ayant annulé les retranscriptions litigieuses pour violation de l'article 100-5 du code de procédure pénale, que l'interception et la transcription des échanges entre Me [W] et son client était illégale, et quand elle relevait en outre que les interceptions litigieuses avaient été effectuées afin de conforter la thèse des enquêteurs selon laquelle M. [B] aurait tenu un « rôle central de logisticien » dans une « équipe de malfaiteurs faisant l'objet d'investigations », non en raison de soupçons de participation de l'avocate à l'infraction, la Chambre de l'instruction a encore méconnu l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 3°/ que constitue le délit d'atteinte au secret des correspondances le fait d'intercepter en connaissance de cause une conversation entre un avocat et son client, peu important les mobiles de l'auteur de cette interception et sans que le fait d'avoir exécuté un ordre ne puisse constituer un fait justificatif ou une excuse ; qu'en se fondant sur les motifs inopérants que l'interception des communications entre Me [W] et M. [B] avait été réalisée dans le cadre d'une commission rogatoire et que le juge d'instruction avait indiqué aux deux enquêteurs ayant procédé à cette interception et à la retranscription des propos échangés sur procès-verbaux que cette retranscription pouvait s'effectuer dans un « cadre parfaitement légal », la Chambre de l'instruction a violé l'article 342-9 du code pénal, ensemble l'article 122-4 du même code les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ; 4°/ que le juge ne doit pas dénaturer les pièces du dossier ; qu'en énonçant qu'il résultait des échanges téléphoniques entre Me [W] et son client (pièces D 3638 à D 3641) que le déroulement de la mesure de garde à vue de M. [C] y était évoqué, quand Me [W] s'était bornée à évoquer les différentes éventualités procédurales qui pourraient survenir sans évoquer le déroulement de la garde à vue de M. [C], la Chambre de l'instruction a dénaturé les procès-verbaux de transcription litigieux et énoncé un fait contraire aux pièces de la procédure ; 5°/ qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué (p. 7 ; ordonnance de non-lieu, p. 2-3) que l'officier de policer judiciaire ayant procédé à la transcription des communications entre Me [W] et son client, ainsi que le fonctionnaire de police , s'étaient rapprochés du juge d'instruction, en prétendant que ce dernier lui avait indiqué la retranscription des communications interceptées entre Me [W] et M. [B] pouvait être effectuée dans un « cadre parfaitement légal » ; qu'en s'abstenant de rechercher si le fait que les enquêteurs se soient rapprochés du juge d'instruction pour l'informer des éléments recueillis dans le cadre de l'interception des conversations entre Me [W] et son client et solliciter son avis sur la légalité de l'intégration de ces éléments à la procédure pénale en cours ne caractérisait pas l'existence d'indices graves ou concordants de la commission du délit d'atteinte au secret des correspondances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 593 du code de procédure pénale, et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. » Réponse de la Cour 16. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué relève notamment que la lecture des transcriptions litigieuses permet de constater qu'il n'est à aucun moment question de la défense des intérêts de M. [B] mais qu'il est au contraire fait référence à la situation d'autres personnes, certaines faisant manifestement l'objet d'actes d'information en cours au moment de l'interception, comme M. [C], dont le placement en garde à vue, à compter du 15 octobre 2014, est évoqué. 17. Les juges ajoutent que la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a d'ailleurs pas indiqué que ces conversations relevaient « de l'exercice des droits de la défense », et qu'il ne saurait, en outre, être déduit de sa motivation que les transcriptions contestées caractériseraient l'élément intentionnel de l'infraction définie par l'article 432-9 du code pénal. 18. Ils en déduisent qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir eu l'intention de porter atteinte au contenu de correspondances protégées. 19. En l'état de ces énonciations, d'où il se déduit l'absence d'intention du juge d'instruction et des enquêteurs de porter atteinte au contenu des correspondances protégées, ce qui ne pourrait résulter que d'un détournement de procédure, la chambre de l'instruction, qui n'a pas dénaturé le contenu des transcriptions litigieuses, a justifié sa décision. 20. Ainsi, le moyen doit être écarté. 21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 22-80.610 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [D] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 janvier 2022, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement russe, a émis un avis favorable. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [D] [N], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 25 novembre 2020, les autorités de la Fédération de Russie ont formé, sur le fondement d'un mandat d'arrêt délivré le 28 juin 2018 par le tribunal du district de Moscou Presnensky, une demande d'extradition de M. [D] [N], ressortissant russe, aux fins de poursuites pénales des chefs d'enlèvement, séquestration et extorsion, faits commis le 19 août 2014 dans la région de [Localité 1]. 3. L'intéressé a déclaré ne pas consentir à sa remise. 4. Par trois arrêts avant dire droit, la chambre de l'instruction a sursis à statuer, d'abord dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur le recours de M. [N], puis aux fins de complément d'information sur les conditions de détention susceptibles d'être appliquées à la personne réclamée. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a émis un avis favorable à l'extradition de M. [N] vers la Fédération de Russie, alors : « 1°/ que l'Etat français doit refuser l'extradition de toute personne à qui il ne peut être garanti que ses droits et libertés fondamentaux seront respectés ; que la Fédération de Russie cessant d'être une Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme à compter du 16 septembre 2022 ; qu'en ce qu'il est fondé sur l'engagement solennel des autorités russes de respecter les droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt, qui se trouve privé de fondement juridique, ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale, au regard des articles 1er de la Convention européenne des droits de l'homme et 696-15 du code de procédure pénale ; 2°/ que constitue une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale l'incarcération d'une personne à une distance qui ne lui permet pas de bénéficier des visites autorisées des membres de sa famille ; qu'en se bornant à relever que M. [N] ne justifie pas de la situation actuelle de sa famille sur le territoire de la Fédération de Russie, quand il lui appartenait, au besoin, d'interroger l'intéressé, présent à l'audience, ou de solliciter un complément d'information, la chambre de l'instruction n'a pas justifié son arrêt au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que constitue une atteinte disproportionnée à la liberté religieuse de la personne détenue le fait de subordonner le respect de l'alimentation spécifique à l'exercice de sa religion à l'achat ou à la livraison des produits nécessaires ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Pour donner un avis favorable à l'extradition du demandeur, l'arrêt attaqué commence par énoncer que, s'agissant des risques de violation des articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, les autorités russes se sont solennellement engagées, dans la lettre jointe à la demande d'extradition, au respect des droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme. 7. Les juges poursuivent en retenant que, s'agissant du risque d'atteinte à la vie privée et familiale causée par les conditions d'incarcération provisoire en Russie de M. [N], les autorités russes ont rappelé que les faits pour lesquels le mandat d'arrêt a été émis ont été commis dans la région de [Localité 1] et sont poursuivis dans cette ville, que l'intéressé sera provisoirement détenu à la maison d'arrêt SIZO-1 où les visites sont autorisées et qu'il argue, sans en justifier, de la distance entre cet établissement et le lieu de résidence de sa famille restée sur le territoire de la Fédération de Russie. 8. Ils considèrent encore que, s'agissant du risque d'atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion du fait que l'intéressé ne pourra pas bénéficier en détention d'une alimentation conforme aux préceptes de sa religion, celui-ci pourra acheter les produits nécessaires ou les recevoir par colis. 9. Depuis que la chambre de l'instruction a statué, la Fédération de Russie a été exclue du Conseil de l'Europe et, selon résolution en date du 22 mars 2022, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré que, d'une part, cet Etat cesse d'être une Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme à compter du 16 septembre 2022, d'autre part, elle demeure compétente pour traiter les requêtes dirigées contre lui concernant les actions et omissions susceptibles de constituer une violation de la Convention qui surviendraient jusqu'au 22 septembre 2022. 10. Il en résulte que les engagements pris par les autorités russes concernant M. [N], s'il était extradé, au regard des droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, sont caducs. 11. Nonobstant ces circonstances nouvelles, il n'y a pas lieu à un nouvel examen de la demande d'extradition, pour les motifs qui suivent. 12. La Convention européenne des droits de l'homme ne régit pas les actes d'un Etat tiers, ni ne prétend exiger des Parties contractantes à la Convention qu'elles imposent ses normes à pareil Etat. L'article 1 de la Convention ne saurait s'interpréter comme consacrant un principe général selon lequel un Etat contractant, nonobstant ses obligations en matière d'extradition, ne peut livrer une personne réclamée sans se convaincre que les conditions escomptées dans le pays de destination cadrent pleinement avec chacune des garanties de la Convention (CEDH, arrêt du 7 juillet 1989, [S] c. [Localité 2], n° 14038/88, § 86). 13. La décision d'un Etat partie à la Convention européenne des droits de l'homme d'extrader une personne peut engager la responsabilité de cet Etat au regard des articles 2 et 3 de la Convention lorsqu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne, si elle est livrée à l'Etat requérant, y courra un risque réel d'être soumise à la peine de mort (CEDH, arrêt du 2 mars 2010, [Z] et [J] c. [Localité 2], n° 61498/08, §§ 123 et 140-143), ou à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CEDH, arrêt du 7 juillet 1989, précité, § 91). 14. Il en va de même au regard de l'article 6 de la Convention lorsqu'il existe des motifs de croire que la personne sera exposée à un risque de déni de justice flagrant (CEDH, arrêt du 7 juillet 1989, précité, § 113). 15. Or, le demandeur ne fait état que d'un risque d'atteinte, sur le territoire de la Fédération de Russie, à son droit au respect de la vie privée et familiale et à sa liberté religieuse, lesquels ne sont respectivement garantis, par les articles 8 et 9 de ladite convention, hors l'hypothèse, non alléguée en l'espèce, d'une persécution religieuse susceptible de s'apparenter à un traitement contraire à l'article 3, qu'aux personnes relevant de la juridiction des Etats parties à la Convention. 16. Dès lors, le moyen, en ses trois branches, est inopérant. 17. Il s'ensuit que l'arrêt satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale. 18. Par ailleurs, l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi et la procédure est régulière. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 22-81.851 F-B 13 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [W] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 10 juin 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W] [H], et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [W] [H] a été mis en examen du chef précité le 9 avril 2021, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 8 juillet 2018. 3. Par requête déposée le lundi 11 octobre 2021, il a soulevé la nullité de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de toutes les pièces se rattachant à la consultation du fichier LAPI concernant le véhicule Citroën C3, alors : « 1°/ que seuls les agents des services de police individuellement désignés et dûment habilités par leur chef de service peuvent accéder au fichier de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) ; qu'à défaut, la consultation de ce fichier peut résulter de réquisitions délivrées sur le fondement de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que selon un procès-verbal du 30 mars 2021 des renseignements ont été donnés sur les mouvements du véhicule Citroën immatriculé [Immatriculation 1], à partir des enregistrements effectués au fichier des immatriculations ; que l'arrêt attaqué constate également qu'il ne figure au dossier aucun procès-verbal relatif à la consultation du fichier LAPI ; qu'en refusant d'annuler les pièces se rattachant à la consultation du Fichier LAPI concernant ce véhicule, malgré l'absence au dossier d'acte justifiant que la consultation a été régulièrement faite par un agent régulièrement habilité ou sur des réquisitions conformes à l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 233-1, 233-2 du code de la sécurité intérieure, 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôles des données signalétiques de véhicules, 81, 170 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que le dossier de la procédure doit contenir toutes les pièces nécessaires à justifier de la régularité des actes accomplis ; que l'exposant demandait à la chambre de l'instruction de « constater que la consultation faite par les enquêteurs du fichier LAPI est irrégulière en ce qu'aucune pièce de la procédure ne mentionne l'identité de l'agent qui a procédé à cette consultation et n'établit point l'existence de l'habilitation et désignation spéciale de cet agent à cet effet » (mémoire de l'exposant devant la chambre de l'instruction, p. 7) ; qu'en énonçant que la « Cour de cassation a jugé que le demandeur n'est pas fondé à critiquer, par une requête en annulation, l'absence au dossier des pièces de l'information judiciaire initiale, dès lors qu'il dispose du droit de présenter une demande auprès du juge d'instruction à cette fin et d'interjeter appel de l'ordonnance de refus qui pourrait lui être opposé » (arrêt attaqué, p. 16) et qu'il « appartenait donc à M. [H] de demander la pièce manquante » (ibidem), la chambre de l'instruction a violé l'article 81 du code de procédure pénale ensemble l'article 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 et les articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure. » Réponse de la Cour 5. C'est à tort que les juges ont rejeté la demande de nullité de la consultation du système de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) au motif que M. [H] n'avait pas présenté de demande d'acte tendant à voir verser aux débats les pièces justifiant de sa régularité. 6. En effet, il n'appartient pas à la personne mise en examen de demander la communication de pièces nécessaires à la régularité de la procédure, qui doivent y figurer et dont, le cas échéant, la chambre de l'instruction doit ordonner le versement. 7. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que les actes d'investigation contestés ont été accomplis dans le cadre d'une commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, les enquêteurs à délivrer toutes réquisitions utiles à la manifestation de la vérité (D. 141/2), de sorte qu'en application des articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, la consultation du traitement automatisé de données que constitue le système LAPI était régulière. 8. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des vérifications opérées au fichier ADOC et de la mise sous surveillance d'un véhicule au fichier FOVeS, alors : « 1°/ que l'article 99-4 du code de procédure pénale soumet aux réquisitions de l'officier de police judiciaire agissant pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire la communication d'éléments utiles à la manifestation de la vérité issus d'un système informatique ou de traitement de données ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué constate qu'il résulte d'un procès-verbal de recherches qu'un officier de police judiciaire a consulté le fichier « accès au dossier des contraventions » (ADOC) et le système d'immatriculation des véhicules (SIV) et que le véhicule utilisé par M. [H] avait été placé sous surveillance au fichier « FOVES » des véhicules volés ; qu'en écartant néanmoins toute nullité au motif qu'aucun texte n'impose de réquisition judiciaire, l'arrêt attaqué a violé l'article 99-4 et les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure proportionnée et nécessaire ; que l'article 4 de l'arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé n'autorise l'accès aux données à caractère personnel que pour les infractions relatives à la circulation routière ou les infractions faisant l'objet d'une amende forfaitaire ; que l'arrêté du 7 juillet 2017 relatif au fichier FOVES précise que ce fichier a pour finalité la découverte et la restitution des véhicules volés ou des objets perdus ou volés et la surveillance des véhicules signalés ; qu'en revanche ces arrêtés ne comportent aucune autorisation d'accéder aux données personnelles collectées pour la recherche d'autres infractions ou pour d'autres fins que celles qui sont précisées ; que l'article 6 de la loi n° 78-17 relative à l'informatique aux fichiers et aux libertés n'autorise la collecte de données personnelles que pour des « finalités déterminées, explicites et légitimes » ; que dès lors en l'absence de loi autorisant la consultation et l'utilisation des fichiers ADOC, SIV, et FOVES par un officier de police judiciaire pour les besoins d'une enquête ayant un objet ou une finalité autre que ceux limitativement énumérés par les arrêtés précités, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler tous les actes résultant de la consultation ou de l'utilisation desdits fichiers ; qu'elle a ainsi violé outre les textes susvisés l'article 81 du code de procédure pénale, les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 10. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel les actes d'investigation contestés violent l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'ils n'ont fait l'objet ni de réquisitions judiciaires ni d'une information préalable du juge mandant, l'arrêt attaqué énonce notamment que les consultations litigieuses ressortent d'un procès-verbal du 2 mars 2021, lequel précise que l'officier de police judiciaire a agi en exécution d'une commission rogatoire. 11. Les juges ajoutent qu'aucun texte n'impose des réquisitions judiciaires ou une information préalable du juge mandant pour consulter le fichier d'accès aux dossiers de contraventions (ADOC) et mettre sous surveillance un véhicule au fichier des objets et véhicules volés (fichier FOVeS). 12. Ils précisent que la consultation du fichier ADOC et la mise sous surveillance du véhicule au FOVeS constituent une ingérence dans le droit du requérant à la vie privée mais sont prévues par la loi, poursuivent les buts légitimes de défense de l'ordre et de prévention des infractions pénales et apparaissent également proportionnées au but poursuivi. 13. En se déterminant ainsi, et dès lors que, d'une part, les articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, fondement légal des investigations opérées dans le cadre de la commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, toutes réquisitions utiles (D. 141/2), sont de nature législative et que, d'autre part, aucun des actes contestés ne nécessitait d'autorisation spécifique et préalable du juge d'instruction, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 14. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, alors « qu'est nul le réquisitoire introductif ou supplétif qui ne supporte ni le visa des faits, ni la mention des pièces jointes, ni le visa d'enregistrement des pièces justifiant l'élargissement de la saisine du juge d'instruction ; que pour rejeter la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, la chambre de l'instruction a énoncé que ces réquisitions s'appuyaient « implicitement sur les pièces figurant au dossier auquel le procureur de la République a un accès permanent » (arrêt attaqué, p. 20) ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80 du code de procédure pénale ensemble le principe de séparation des fonctions de poursuite et d'instruction. » Réponse de la Cour 16. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel le réquisitoire supplétif ne remplirait pas les conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt attaqué énonce notamment que, par ordonnance de soit-communiqué, en date du 8 avril 2021, le juge d'instruction a transmis le dossier au procureur de la République pour « réquisitions ou avis aux fins de réquisitions supplétives (extension de la période de prévention au 8 avril 2021) ». 17. Les juges ajoutent que, par mention manuscrite au bas de cette pièce, un substitut du procureur de la République a indiqué, en date du 8 avril 2021, qu'il requérait de bien vouloir instruire par toutes voies de droit contre personne non dénommée, jusqu'à cette date, pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. 18. Ils précisent que ces réquisitions supplétives interviennent après les interpellations de MM. [H], [R] [Y] et [J] [T], et qu'elles s'appuient implicitement sur les pièces figurant au dossier, auquel le procureur de la République a un accès permanent, même si elles ne les visent pas, de telle sorte que la saisine du juge d'instruction apparaît circonscrite aux faits identiques commis jusqu'au 8 avril 2021. 19. Ils en déduisent que le réquisitoire supplétif satisfait aux conditions essentielles de son existence légale. 20. En se déterminant ainsi, et dès lors que le réquisitoire supplétif daté et signé visait les qualifications retenues et la date de fin de prévention, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 21. Ainsi, le moyen doit être écarté. 22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 21-87.435 FS-B 13 DÉCEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 13 DÉCEMBRE 2022 M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de torture et actes de barbarie aggravés et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [E] [X], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mmes Labrousse, Ménotti, MM. Maziau, Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre de l'information judiciaire ouverte des chefs susvisés, le juge d'instruction a prescrit l'interception des communications téléphoniques sur la ligne attribuée à Mme [F] [S], compagne de M. [E] [X], alors en fuite au Maroc. 3. Interpellé, celui-ci a été mis en examen, le 23 novembre 2020, des chefs précités. 4. Par requête déclarée le 3 mars 2021, il a formé une demande d'annulation de la transcription des conversations interceptées entre le 31 août et le 30 septembre 2020. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [E] [X] tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne Mme [F] [S], et les différents cabinets d'avocats, alors « qu'en vertu du principe de confidentialité des échanges entre l'avocat et son client, qui est à la fois absolu et d'ordre public, la retranscription des conversations échangées entre l'avocat et son client, ne peut être effectuée que s'il existe, au préalable, des indices plausibles de participation de l'avocat à une infraction ; que M. [X] faisait valoir (requête en nullité, p. 3 et s) que les quatre procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne, Mme [F] [S], qui intervenait pour son compte comme intermédiaire et différents cabinets d'avocats, n'avaient révélé aucune participation desdits avocats à des infractions et qu'il s'en inférait la nullité de ces procès-verbaux de retranscription ainsi que de toute la procédure subséquente; qu'en refusant pourtant de prononcer une telle nullité, en subordonnant expressément l'applicabilité de cette garantie de confidentialité à la désignation officielle de l'avocat dans le cadre d'une procédure pénale, la chambre de l'instruction a ajouté une condition à la loi, en violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Sur les conversations transcrites entre les secrétaires des avocats et Mme [S] (cotes D 395 et D 396) 7. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas des échanges avec des avocats mais avec leur secrétariat et qu'elles n'entrent pas dans le champ de l'interdiction de la loi. 8. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions de l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale. Mais sur les conversations transcrites entre les avocats et Mme [S] (cotes D 397 et D 401) Vu les articles 6, § 3, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 100-5 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 : 9. Il résulte de ces textes que l'interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client, relevant de l'exercice des droits de la défense, s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci. Il n'en va autrement que s'il apparaît que le contenu et la nature des échanges sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction. 10. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux autres conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], entre celle-ci et des avocats, qu'elle a successivement sollicités afin que l'un d'eux assure la défense de son compagnon, M. [X], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas la défense de la personne placée sous surveillance. 11. Les juges constatent que, pour l'un, il n'a été donné aucune suite à cet échange et que, pour l'autre, M. [X] n'était pas encore son client à la date de la communication. 12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent. 13. En premier lieu, il ressort des procès-verbaux de transcription de ces conversations, dont la Cour de cassation a le contrôle, qu'elles relèvent de l'exercice des droits de la défense de M. [X]. 14. En second lieu, il ne résulte pas des conversations transcrites qu'elles sont de nature à faire présumer la participation de l'un ou l'autre des avocats à une infraction. 15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 décembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'irrégularité de la transcription des deux communications entre Mme [S] et des avocats (cotes D 397 et D 401), toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 22-80.249 F-B 14 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 M. [U] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 25 août 2021, qui, pour menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, trois ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [U] [D], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J] [N], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal correctionnel a reconnu M. [U] [D] coupable de menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. 3. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision. M. [D] a expressément demandé dans son acte d'appel que son affaire soit examinée par la formation collégiale de la cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable de menaces de mort et d'appels téléphoniques malveillants, alors « que lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale, l'appelant peut demander expressément, dans un délai d'un mois à compter de la déclaration d'appel, que l'affaire soit examinée par une formation collégiale ; que la déclaration d'appel mentionne que « l'appelant demande expressément l'examen de l'affaire en formation collégiale devant la cour d'appel » ; que le prévenu ayant ainsi expressément demandé que l'affaire soit examinée par une formation collégiale, en statuant en formation à juge unique, la cour d'appel a méconnu les articles 510 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 510, alinéa 2, du code de procédure pénale : 5. Il résulte de ce texte que lorsque le jugement attaqué a été rendu par le tribunal correctionnel statuant à juge unique, la chambre des appels correctionnels est composée d'un seul conseiller, sauf si le prévenu est en détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés ou si l'appelant demande expressément que l'affaire soit examinée par une formation collégiale. 6. La cour d'appel, statuant à juge unique, a reconnu le prévenu coupable de menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, et a prononcé une peine. 7. En statuant dans cette composition, alors que le prévenu avait expressément demandé que son affaire soit examinée par une formation collégiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 8. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 25 août 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 21-86.427 FS-B 14 DÉCEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 MM. [U] [H] [M] et [W] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 6 septembre 2021, qui, après avoir rejeté la demande de supplément d'information du second, les a condamnés, chacun, pour association de malfaiteurs en récidive à douze ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de séjour, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits. Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [U] [H] [M] et [W] [B], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, Me Périer ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Labrousse, Ménotti, Leprieur, MM. Maziau, Turbeaux, Seys, Dary, Mme Thomas, MM. Laurent, Brugère, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Mallard, Mmes Merloz, Guerrini, M. Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 15 janvier 2016, une fusillade a éclaté devant une épicerie à [Localité 1], faisant six blessés. 3. L'information a révélé que deux des trois armes utilisées avaient servi lors d'autres séquences de tirs les 1er janvier, 14 janvier et 18 février 2016. 4. Celle-ci a également établi que cette fusillade du 15 janvier 2016 avait été précédée, la veille, du meurtre d'une personne et de la tentative de meurtre d'[V] [E] [I], et été suivie, le 21 février 2016, de la tentative de meurtre de deux personnes dont [V] [E] [I] et, le 23 septembre 2017, du meurtre de ce dernier et d'une autre personne. 5. Enfin, elle a conduit à la mise en cause de MM. [U] [H] [M] et [W] [B]. 6. Par ordonnance du 26 février 2020, le juge d'instruction a renvoyé ces derniers devant le tribunal correctionnel des chefs de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, aggravées par trois circonstances, violences volontaires sans incapacité de travail avec arme et participation à une association de malfaiteurs, en récidive. 7. Par jugement du 18 juin 2020, le tribunal les a déclarés coupables des faits reprochés et les a condamnés, chacun, à douze ans d'emprisonnement avec une période de sûreté fixée aux deux-tiers de la peine, cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de séjour, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils. 8. MM. [H] [M] et [B] ont relevé appel de ce jugement et le ministère public a formé appel incident. Examen des moyens Sur le second moyen proposé pour M. [H] [M] et sur le second moyen proposé pour M. [B] 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen proposé pour M. [H] [M] et le premier moyen proposé pour M. [B] Enoncé des moyens 10. Le moyen proposé pour M. [H] [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de participation à une association de malfaiteurs alors « qu'une cour d'appel ne saurait fonder une déclaration de culpabilité sur des pièces issues d'une procédure distincte et « sélectionnées » pour être versées au dossier ; qu'en déclarant Monsieur [H] [M] coupable d'association de malfaiteurs sur la base de pièces issues de procédures distinctes que la défense n'avait pu, du fait de ce versement parcellaire, utilement discuter, la cour d'appel a violé les principe d'impartialité et des droits de la défense résultant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire code de procédure pénale. » 11. Le moyen proposé pour M. [B] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à supplément d'information et l'a déclaré coupable de participation à une association de malfaiteurs, alors « qu'une cour d'appel ne saurait fonder une déclaration de culpabilité sur des pièces issues d'une procédure distincte et « sélectionnées » pour être versées au dossier ; qu'en déclarant Monsieur [B] coupable d'association de malfaiteurs sur la base de pièces issues de procédures distinctes que la défense n'avait pu, du fait de ce versement parcellaire, utilement discuter, la cour d'appel a violé les principes d'impartialité et des droits de la défense résultant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 12. Les moyens sont réunis. 13. Les demandeurs soutiennent qu'une juridiction répressive ne peut, sans méconnaître les règles du procès équitable, fonder une condamnation sur des pièces extraites d'une procédure distincte, si elle a refusé son versement en totalité au dossier dont elle est saisie. 14. La Cour de cassation juge qu'aucune disposition de procédure pénale n'interdit aux juges de décider que soient annexés à une procédure pénale les éléments d'une autre procédure dont la production peut être de nature à les éclairer et à contribuer à la manifestation de la vérité, à la seule condition qu'une telle jonction ait un caractère contradictoire et que les pièces ou les procédures communiquées puissent être soumises à la discussion de toutes les parties (Crim., 16 mars 1981, pourvoi n° 80-95.343, Bull. crim. 1981, n° 91). 15. Elle juge également que l'opportunité d'ordonner un supplément d'information, notamment aux fins de versement au dossier de nouvelles pièces, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Crim., 13 mars 1997, pourvoi n° 96-81.081, Bull. crim. 1997, n° 197 ; Crim., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-81.980, publié au Bulletin). Elle rappelle que le refus d'ordonner un supplément d'information doit être spécialement motivé et exerce son contrôle sur la suffisance de la motivation de la décision de rejet d'une telle demande (Crim., 25 avril 2006, pourvoi n° 05-87.318, Bull. crim. 2006, n° 111 ; Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-81.743, Bull. crim. 2019, n° 88). 16. Ces règles ne méconnaissent aucun des principes de droit conventionnel ou de droit interne visés aux moyens, pour les motifs qui suivent. 17. La Cour européenne des droits de l'homme, sur le fondement de l'article 6 de la Convention, exige que l'accusation comme la défense puissent prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l'autre partie et soient en mesure de les discuter (CEDH, arrêt du 28 août 1991, Brandstetter c. Autriche, n° 11170/84, 12876/87, 13468/87). 18. Pour autant, elle juge que l'exigence d'équité du procès ne fait pas obligation à la juridiction de jugement d'ordonner une mesure d'instruction au seul motif que l'une des parties en a fait la demande, et que les juridictions sont libres, pourvu que la Convention soit respectée, de refuser d'ordonner une telle mesure (CEDH, arrêt du 26 juillet 2011, [N] et autres c. Azerbaïdjan, n° 35485/05, 35680/05, 36085/05). 19. Aucune décision de la Cour européenne des droits de l'homme ne censure le versement, au dossier d'une procédure, de pièces provenant d'une autre procédure, ni ne reconnaît le droit à la personne poursuivie d'obtenir le versement de la totalité de la procédure dont elles ont été extraites. 20. Par ailleurs, la Cour de cassation juge que, lorsque, dans le dossier de la procédure suivie contre elle, est versée depuis une autre procédure une pièce qui la concerne, la personne poursuivie peut, si elle a qualité pour agir, en demander l'annulation. Tel est le cas, par exemple, de transcriptions d'écoutes téléphoniques, de résultats d'une géolocalisation ou d'expertises provenant d'autres procédures (Crim., 16 février 2011, pourvoi n° 10-82.865, Bull. crim. 2011, n° 29 ; Crim., 8 juillet 2015, pourvoi n° 15-81.731, Bull. crim. 2015, n° 174). 21. Il résulte des motifs exprimés aux paragraphes 17 à 20 que la jurisprudence rappelée aux paragraphes 14 et 15 doit être maintenue. 22. En l'espèce, devant la cour d'appel, M. [B] a sollicité un supplément d'information, afin que soient produites, dans leur totalité, trois procédures d'information dont seules certaines pièces avaient été versées au dossier. Au soutien de sa demande, il a indiqué que ces pièces avaient conduit le juge d'instruction puis le tribunal à déduire l'existence d'un contexte criminogène venant étayer la déclaration de culpabilité en considérant que les faits poursuivis constituaient une action de représailles, cette appréciation n'étant fondée sur aucun élément objectif. 23. Pour rejeter cette demande, l'arrêt attaqué indique que les dossiers d'information dont la communication était demandée se rapportaient à deux tentatives de meurtre commises sur [V] [E] [I], les 14 janvier et 21 février 2016, et à l'homicide dont il a été victime, le 23 septembre 2017. Les juges retiennent que, pour chacune de ces procédures, les pièces nécessaires à la compréhension de leur contexte ont été transmises. Ils précisent que les pièces annexées, provenant de la procédure d'information n° 916/02, comprenaient non seulement le procès-verbal de synthèse initial mais également l'ensemble des auditions d'[V] [E] [I], lequel avait développé de manière complète les circonstances dans lesquelles s'inscrivaient les règlements de comptes et livré les noms de ses possibles agresseurs. 24. Les juges ajoutent que, selon une recherche opérée pendant le temps de l'audience, faite à la demande de la défense, et dont les résultats ont été communiqués pendant les débats, cette procédure a été clôturée par une ordonnance de non-lieu, sans que rien ne permette de confirmer ou d'infirmer la thèse avancée par [V] [E] [I]. Ils relèvent que le contexte ainsi parfaitement décrit par la victime elle-même était commun aux deux autres dossiers qui la concernent également et plus particulièrement à la procédure d'information n° 916/07, laquelle a également fait l'objet d'un non-lieu conformément à un réquisitoire définitif également annexé au dossier. 25. Ils constatent que la procédure d'information n° 916/003, relative à l'homicide d'[V] [E] [I], s'inscrivait dans le même contexte et qu'elle était toujours en cours, de sorte qu'une juridiction de jugement ne pourrait contraindre le juge d'instruction à communiquer des pièces toujours couvertes par le secret de l'instruction. 26. En l'état de ces motifs, dénués d'insuffisance et de contradiction, qui établissent que le supplément d'information sollicité n'aurait apporté aucun élément utile à la manifestation de la vérité et que la procédure, telle qu'elle était constituée, permettait un exercice des droits de la défense satisfaisant aux exigences du procès équitable, prévues par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision. 27. Les moyens sont, dès lors, écartés. 28. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 720 F-B Pourvoi n° C 21-16.071 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ L'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ M. [K] [M], domicilié [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° C 21-16.071 contre une ordonnance rendue le 1er octobre 2019 et un arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5], société civile coopérative, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et de M. [M], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5], après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 1er octobre 2019 Vu l'article 978 du code de procédure civile : 1. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. 2. Le mémoire en demande de l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac (l'AFUL) et de M. [M] ne contenant aucun moyen de droit contre l'ordonnance rendue le 1er octobre 2019 par le conseiller de la mise en état, il y a lieu de constater la déchéance de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision ; Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 4 mars 2021), l'AFUL était titulaire d'un compte bancaire dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5] (la banque), lequel devait fonctionner sous la signature du président de l'association, M. [M], et d'un représentant de la société Historia prestige, à laquelle avait été confiée une mission d'assistance du président. Invoquant des ordres de virement irrégulièrement passés à partir de son compte bancaire, l'AFUL a assigné la banque en indemnisation pour avoir manqué à son obligation de vigilance à l'occasion de l'exécution de ces opérations. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'AFUL et M. [M] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la banque, alors « que le président d'une association foncière urbaine libre a seul le pouvoir d'assurer la gestion, autonome et interne, de ses comptes bancaires ; que ces principes d'organisation imposés par la loi ne peuvent échapper à la connaissance de la banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis qu'en application de l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, la gestion des comptes de l'AFUL est nécessairement autonome et interne ; qu'en retenant néanmoins que la SARL Historia prestige pouvait avoir mandat d'ouvrir le compte bancaire au nom de l'AFUL et que ce compte pouvait fonctionner sous la double signature du représentant de cette société et du président de l'AFUL, au motif impropre que la SARL Historia prestige avait une mission d'assistance du président pour exercer tous les pouvoirs administratifs, pour en déduire l'absence de faute de la banque dans l'ouverture et le fonctionnement du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, le président de l'association foncière urbaine exécute les décisions du conseil des syndics et de l'assemblée générale, prépare le budget et le compte administratif des opérations de l'association et assure le paiement des dépenses. Il peut se faire assister par une personne, physique ou morale, agissant en qualité de prestataire de services, à laquelle peuvent être confiées toutes autres missions concernant la réalisation de l'objet de l'association. 7. Il résulte de ce texte qu'aucun paiement ou retrait ne peut être effectué à partir des comptes bancaires d'une association foncière urbaine s'il n'a pas été ordonné par son président, ce qui n'interdit pas qu'il soit donné mandat à un tiers d'ouvrir un compte bancaire au nom et pour le compte de l'association foncière urbaine et que la convention d'ouverture prévoie que les comptes fonctionneront sous la double signature du président et du prestataire auquel est confiée, par contrat, une mission d'assistance du président. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 1er octobre 2019 ; REJETTE le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 ; Condamne l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M] et les condamne à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M]. L'AFUL Franc de Cahuzac et M. [M] font grief à l'arrêt attaqué du 4 mars 2021 de les avoir déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de la caisse de crédit mutuel de [Localité 3] [Localité 5], 1) ALORS QUE le président d'une AFUL a seul le pouvoir d'assurer la gestion, autonome et interne, de ses comptes bancaires ; que ces principes d'organisation imposés par la loi ne peuvent échapper à la connaissance de la banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis qu'en application de l'article L.322-4-1 du code de l'urbanisme, la gestion des comptes de l'AFUL est nécessairement autonome et interne ; qu'en retenant néanmoins que la SARL Historia prestige pouvait avoir mandat d'ouvrir le compte bancaire au nom de l'AFUL et que ce compte pouvait fonctionner sous la double signature du représentant de cette société et du président de l'AFUL, au motif impropre que la SARL Historia prestige avait une mission d'assistance du président pour exercer tous les pouvoirs administratifs, pour en déduire l'absence de faute de la banque dans l'ouverture et le fonctionnement du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 2) ALORS QUE la banque est tenue d'un devoir de vigilance quant à l'ouverture et au fonctionnement du compte bancaire, en vertu duquel elle est tenue de détecter les anomalies apparentes ; qu'en affirmant en l'espèce qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence légale du constat que le formulaire d'ouverture de compte avait été signé avant même la tenue de l'assemblée générale constitutive de l'AFUL, quand il s'agissait d'une anomalie apparente nécessitant des vérifications de la banque, la cour d'appel a violé l'article L. 561-6 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 3) ALORS QU'en vertu de son devoir de vigilance, la banque est tenue de vérifier la régularité des ordres de virement et d'en détecter les anomalies apparentes ; qu'en l'espèce, en retenant que la présence de la signature de Mme [P] sur les ordres de virement du 21 décembre 2007 pour la société Historia prestige était sans incidence, dès lors que son nom avait été barré, pour en déduire que ces ordres ne présentaient aucune anomalie, quand elle venait pourtant de constater que la démission de Mme [P] de la direction de la société Historia prestige avait été actée le 29 décembre 2006, la cour d'appel a violé l'article L. 561-6 du code monétaire et financier et l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 4) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'AFUL Franc de Cahuzac faisait valoir dans ses conclusions d'appel (page 30) que l'ordre de virement du 11 juillet 2008 (cf. production n°4, avant-dernière page) comportait des anomalies apparentes puisqu'y figurait la signature de Mme [P], laquelle n'était plus gérante de la SARL Historia prestige depuis 2006, sans que son nom ne soit rayé, ainsi qu'une autre signature d'une personne non identifiée, de surcroit différente avec celle figurant sur la lettre d'accompagnement ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur les anomalies de cet ordre de virement du 11 juillet 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. 5) ALORS QUE les services bancaires de base comprennent l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ; que la banque est tenue de respecter cette obligation envers son client, afin de lui permettre de s'assurer du bon fonctionnement de son compte ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence de l'absence de justification par la caisse de crédit mutuel de [Localité 3] [Localité 5] du respect de son obligation d'envoi des relevés de compte, au motif impropre que ni l'AFUL ni M. [M] ne justifiaient avoir demandé la communication de ces relevés, quand l'initiative de la communication des relevés de compte doit reposer sur la banque et non sur le client, la cour d'appel a violé l'article D. 312-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. Sur la responsabilité d'une banque en présence d'un mandataire d'une association foncière urbaine, à rapprocher : Com., 7 avril 1998, pourvoi n° 95-13.413, Bull. 1998, IV, n° 124 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 717 F-B Pourvoi n° T 20-22.383 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [I] [U], 2°/ Mme [X] [P], épouse [U], tous deux domiciliés [Adresse 3]), ont formé le pourvoi n° T 20-22.383 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2020), M. et Mme [U] ont procédé à des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2004 à 2012. 2. Le 30 novembre 2010, l'administration fiscale a déposé à leur encontre une plainte ayant entraîné l'ouverture d'une enquête judiciaire pour des faits de fraude fiscale commis entre 2007 et 2009. 3. Le 23 octobre 2013, considérant que M. et Mme [U] avaient omis de déclarer au titre de l'ISF des avoirs détenus à l'étranger et les parts sociales d'une société, l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification portant rappel de cet impôt pour les années 2004 à 2012. 4. Après le rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [U] ont assigné l'administration en annulation de la décision de rejet et en décharge des impositions supplémentaires et pénalités mises en recouvrement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes leurs demandes tendant à voir prononcer le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à leur encontre pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'ISF pour les années 2004 à 2012, alors « que, selon les dispositions prévues à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique qu'au titre des années visées par la plainte de l'administration ; qu'en décidant que le droit de reprise de l'administration s'exerçait pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, cependant qu'elle avait relevé que, suivant la proposition de rectification, la plainte pénale visait exclusivement les années 2007, 2008 et 2009, de sorte que seules ces années pouvaient donner lieu à redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 180, L. 186 et L. 188 B du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. 8. Il en résulte que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique pas aux seules impositions dues au titre des années visées par la plainte de l'administration fiscale, mais à toutes les impositions comprises dans le délai initial de reprise non expiré à la date du dépôt de ladite plainte. 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [U] et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U]. M. [I] [U] et Mme [X] [P], épouse [U] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes tendant à prononcer le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à leur encontre pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2004 à 2012 ; 1° ALORS QUE selon les dispositions prévues à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique qu'aux titres des années visées par la plainte de l'administration ; qu'en décidant que le droit de reprise de l'administration s'exerçait pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, cependant qu'elle avait relevé que suivant la proposition de rectification, la plainte pénale visait exclusivement les années 2007, 2008 et 2009, de sorte que seules ces années pouvaient donner lieu à redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 180, L. 186 et L. 188 B du livre des procédures fiscales ; 2° ALORS QUE le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou fournis par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en énonçant, pour rejeter la contestation des époux [U], qu'en ce qui concernait les documents fondant les poursuites, ils avaient omis de présenter devant la cour les décisions qui avaient reconnu la validité des éléments de preuve les concernant, et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2016, la cour d'appel, qui s'est manifestement fondée sur des pièces étrangères aux débats comme ne figurant pas au bordereau de communication de pièces, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3° ALORS QUE sauf disposition expresse contraire, le principe de loyauté de la preuve a vocation à s'appliquer à tout contentieux soumis aux dispositions du code de procédure civile ; qu'en se fondant, pour rejeter la contestation des époux [U], sur les décisions qui avaient reconnu la validité des éléments de preuve concernant les époux [U], et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2016, sans même vérifier si les éléments de preuve produits aux débats dans le cadre de la procédure pénale satisfaisaient aux principes de loyauté et de licéité de la preuve, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile, 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; 4° ALORS QUE toute décision doit être motivée ; qu'en se bornant à rejeter l'étude produite par M. et Mme [U] pour évaluer les titres de la société Villette Viandes Argonne en se fondant sur les seules indications figurant dans le liminaire de cette étude sans même expliquer les raisons pour lesquelles il convenait de retenir l'évaluation de la commission de conciliation du 15 septembre 2015 sur les parts sociales de la société Villette Viandes Argonne au titre des années 2004 à 2012, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° ALORS QUE la pénalité pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts suppose, d'une part, la conscience de la part du contribuable d'éluder l'impôt, élément intentionnel et d'autre part, la création d'apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle ; qu'en énonçant que « M. et Mme [I] [U] ont délibérément occulté leurs avoirs détenus sur un compte étranger situé en Suisse solde de 1 341 625 euros en 2007, sous le profil « Emeth 55 » puis « Maclom 55 », y compris par les déclarations ultérieures de M. [U] devant les services de police en 2011 « l'existence de ce profil client est mensonger»; « oui je nie » et par la minoration prolongée de leur actif imposable, justifiant l'application des dispositions de l'article 1729 C du CGI, totalement distinctes de celles prévoyant l'application d'une amende pour défaut de déclaration d'un compte étranger article 1736 IV du CGI » sans caractériser la conscience de la part du contribuable d'éluder l'impôt et la création d'apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle, la cour d'appel a violé l'article 1729 du code général des impôts.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 722 F-B Pourvoi n° R 20-19.184 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ [W] [B], ayant été domicilié [Adresse 9], décédé, 2°/ la société Risa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ Mme [F] [B], domiciliée [Adresse 5], 4°/ M. [T] [B], domicilié [Adresse 6], 5°/ M. [Y] [B], domicilié [Adresse 1], tous trois agissant en qualité d'héritiers de [W] [B], ont formé le pourvoi n° R 20-19.184 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2020 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Soredom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Société financière des Antilles-Guyane (Sofiag), venant aux droits de la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (Sodega), elle-même venant aux droits de la Société de développement de la Guadeloupe (Soderag), 2°/ à la société Bred-Banque populaire, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. [T] et [Y] [B], de Mme [F] [B] et de la société Risa, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Soredom et de la société Bred-Banque Populaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 janvier 2020), suivant un protocole d'accord signé le 15 décembre 1992, [W] [B], aujourd'hui décédé, s'est engagé, en son nom propre et en sa qualité de caution de deux sociétés, à payer certaines sommes à la Banque régionale d'escompte et de dépôt (la Bred). 2. Le 20 janvier 1993, la Société de développement régional Antilles-Guyane (la Soderag), aux droits de laquelle est venue la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la Sodega), a consenti un prêt à la société Risa, dont [W] [B] s'est rendu caution. 3. La Sodega a fait l'objet, le 23 décembre 2004, d'une fusion-absorption par la Société financière des Antilles-Guyane (la Sofiag). Cette dernière a, le 22 février 2010, fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à [W] [B]. 4. [W] [B] et la société Risa ont assigné la Sofiag et la Bred, principalement en annulation du protocole d'accord du 15 décembre 1992, et subsidiairement en responsabilité. 5. [W] [B] est décédé le 28 février 2021, laissant pour lui succéder MM. [T] et [Y] [B] et Mme [F] [B], qui ont repris l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 7. MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de [W] [B] et de la société Risa, alors : « 2°/ que dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, les droits et les obligations de la société absorbée ne sont régulièrement transmis à la société absorbante que si le projet de fusion a été publié, peu important que la fusion ait ensuite été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 236-6 du code de commerce ; 3°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa qu'il résultait de l'extrait Kbis de la Sofiag que suivant mention du 31 janvier 2005, plusieurs sociétés avaient participé à une opération de fusion avec la Sofiag : la Sodega, la Sodema et la Sofideg, sans constater qu'étaient également indiquées les autres mentions exigées par l'article R. 123-69 du code de commerce, à savoir, la forme juridique et le siège social de toutes les sociétés ayant participé à l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-9, alinéa 1, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce ; 4°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en jugeant quel'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa, cependant qu'elle a relevé que l'extrait Kbis de la Sodega mentionnait que la société avait été radiée à la suite de son absorption par la SAS Antilles Guyane participations, immatriculée à [Localité 8] et non au profit de la Sofiag immatriculée à [Localité 7], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9, alinéa 1, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. Il résulte des articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce qu'en cas de fusion, sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée. 9. L'arrêt retient, par des motifs vainement critiqués par le premier moyen, pris en sa première branche, que la réalité de la fusion-absorption, le 23 décembre 2004, de la Sodega par la Sofiag est établie. 10. La Sofiag ayant, par l'effet de cette fusion-absorption, recueilli l'intégralité du patrimoine de la Sodega, elle avait qualité pour agir en exécution forcée contre [W] [B], indépendamment de l'accomplissement des formalités de publicité applicables à cette opération. 11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef. 12. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa et les condamne à payer à la société Soredom, anciennement dénommée Société financière des Antilles-Guyane, et à la société Bred-Banque populaire la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [B] et la société Risa font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de l'intégralité de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, sans répondre aux conclusions de M. [B] et de la société Risa selon lesquelles la Sofiag ne démontrait pas la réalité même de l'opération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, les droits et les obligations de la société absorbée ne sont régulièrement transmis à la société absorbante que si le projet de fusion a été publié, peu important que la fusion ait ensuite été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 236-6 du code de commerce ; 3°) ALORS QU'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa qu'il résultait de l'extrait Kbis de la Sofiag que suivant mention du 31 janvier 2005, plusieurs sociétés avaient participé à une opération de fusion avec la Sofiag : la Sodega, la Sodema et la Sofideg, sans constater qu'étaient également indiquées les autres mentions exigées par l'article R. 123-69 du code de commerce, à savoir, la forme juridique et le siège social de toutes les sociétés ayant participé à l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. 4°) ALORS QU'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en jugeant que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa, cependant qu'elle a relevé que l'extrait Kbis de la Sodega mentionnait que la société avait été radiée à la suite de son absorption par la SAS Antilles Guyane Participations, immatriculée à [Localité 8] et non au profit de la Sofiag immatriculée à [Localité 7], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [B] et la société Risa font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes ; ALORS QUE commet une faute l'établissement financier qui octroie un crédit dont il ne peut légitimement ignorer qu'il excède les capacités de remboursement du débiteur et qui ne peut que provoquer une croissance continue de ses charges financières insupportables pour l'équilibre de sa trésorerie ou incompatible avec toute rentabilité ; qu'en relevant, pour dire que le crédit de 4 300 0000 francs, accordé à la société Risa n'était pas ruineux et rejeté la responsabilité de la Sofiag et de la BRED, en sa qualité d'ancien administrateur de la société Soderag, que la société Risa avait disposé jusqu'en février 1994 de la trésorerie suffisante pour le rembourser, sans constater que la société Soderag et la BRED, avant d'octroyer le prêt, s'étaient enquises des pièces comptables de la société et s'étaient assurées, malgré son absence d'activité, que la société Risa était en mesure de faire face de façon pérenne aux charges de remboursement au regard de ses résultats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 729 F-B Pourvoi n° E 21-17.614 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-17.614 contre le jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle civil de proximité), dans le litige l'opposant à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [Z], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 7 mai 2021), rendu en dernier ressort, M. [Z], faisant valoir qu'après que lui-même avait introduit sa carte bancaire dans un distributeur automatique de billets d'une agence de la société Crédit lyonnais (la banque) pour procéder à un retrait et composé son code confidentiel, un tiers avait saisi un montant de retrait de 900 euros et s'était emparé des billets, a demandé à la banque le remboursement de cette somme. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. M. [Z] fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 133-3, L. 133-6, L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier : 3. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti au montant de l'opération. 4. Il résulte des deux derniers textes qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, et signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée, sauf si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19. 5. Pour rejeter la demande de remboursement formée par M. [Z], le jugement énonce que le fait qu'après que le titulaire d'une carte de paiement a introduit celle-ci dans un distributeur automatique de billets et a composé son code secret, un tiers compose à son insu le montant du retrait et s'empare des billets de banque, ne constitue pas un cas d'exemption de la responsabilité du payeur prévu par l'article L. 133-19 du code monétaire et financier. 6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si l'opération de paiement avait été autorisée par M. [Z], en particulier quant à son montant, et, dans la négative, sans constater que la responsabilité du payeur était engagée en application du I ou du IV de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, le tribunal a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ; Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit lyonnais et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [Z]. M. [Z] fait grief au jugement attaqué DE L'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ; ALORS, 1°), QU'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ; ALORS, 2°), QUE le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en retenant la qualification de vol d'espèces, exclusive de celle de retrait frauduleux, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que M. [Z] n'avait jamais eu la propriété des espèces que le malfaiteur avait appréhendées, le tribunal judiciaire a violé l'article 311-1 du code pénal, ensemble les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ; ALORS, 3°), QU'une décision de classement sans suite est dépourvue de l'autorité de la chose jugée ; que, dès lors, en se fondant sur les mentions de l'avis de classement sans suite pour retenir la qualification de vol plutôt que celle de retrait frauduleux, le tribunal judiciaire a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. Sur la responsabilité du titulaire d'un utilisateur de services de paiement, à rapprocher :Com., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.102, Bull. 2017, IV, n° 6 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 724 F-B Pourvoi n° R 20-23.554 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [X] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-23.554 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2020) et les productions, par un acte du 26 mars 2008, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à la société Du Levant un prêt in fine d'un montant de 10 500 000 euros, outre intérêts, remboursable le 26 mars 2013. Ce prêt, destiné à financer partiellement l'acquisition de 360 000 actions de la société Sea Tankers, était garanti par le nantissement des titres, objet du prêt, et par la cession de toutes les créances nées ou à naître au titre d'une promesse d'achat consentie par des sociétés tierces, débitrices cédées, dans le cadre d'un pacte d'actionnaires du 14 décembre 2007, portant sur les actions de la société Sea Tankers que la société Du Levant détiendrait. 2. Par un acte du 7 septembre 2011, M. [J] s'est rendu caution envers la banque du remboursement de ce prêt dans la limite de 10 500 000 euros. 3. La société Du Levant ayant été condamnée à payer à la banque une somme de 9 822 280,85 euros, outre intérêts, la banque a assigné en paiement la caution, qui a demandé sa décharge sur le fondement de l'article 2314 du code civil, en soutenant que la banque avait laissé perdre ses autres garanties, dont elle aurait pu bénéficier par subrogation. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. [J] fait grief à l'arrêt de le condamner en sa qualité de caution au paiement au profit de la banque en deniers ou quittances de la somme de 9 822 280,82 euros, outre intérêts, avec capitalisation, alors : « 1°/ que l'absence de radiation du nantissement résultant de la première déclaration de nantissement du 26 mars 2008 par le teneur du compte qui aurait reconnu l'existence de ce nantissement, n'était pas de nature à autoriser le créancier et partant la caution subrogée dans les droits de ce dernier, à mettre en oeuvre ce nantissement, dès lors qu'il avait été annulé par les parties au contrat ; qu'il résultait des conclusions de la banque que le 23 mars 2013, à l'occasion de la régularisation de l'avenant n° 2 à l'acte de prêt, la déclaration de gage de compte d'instruments financiers du 26 mars 2008 avait été annulée et remplacée par la déclaration de nantissement de compte de titres financiers souscrite le 26 mars 2013 par la société Du Levant ; que la déclaration du 26 mars 2013 précise expressément qu'elle annule et remplace la déclaration du 26 mars 2008 ; qu'en refusant de constater la perte du nantissement résultant de la première déclaration du 26 mars 2008 en raison de l'opinion du teneur de compte sur son existence et de la prétendue absence de radiation de ce nantissement par ce dernier, la cour d'appel a violé les articles L. 431-4 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 2°/ que la déclaration de nantissement de compte de titres financiers ne réalise le gage qu'à la condition d'être portée à la connaissance du teneur de compte ; que, comme le constate la cour d'appel, la société Sea Tankers avait déclaré par courrier du 2 mai 2018 qu'à sa connaissance, la banque ne disposerait que du nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte que la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 n'avait pas été portée à sa connaissance ; qu'en considérant cependant que le nantissement avait été réalisé par la déclaration précitée, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 3°/ qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si l'inscription des titres financiers nantis dans les livres de la société Sea Tankers ne constituait pas en l'espèce une condition contractuelle de validité de la constitution du nantissement et si, dès lors, en l'absence d'inscription du nantissement du compte financier issu de la déclaration du 26 mars 2013 dans les livres de la société Sea Tankers, ce nantissement n'était pas dépourvu de validité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 et 2314 du code civil ; 4°/ que si l'attestation de constitution de gage ne constitue pas une condition de validité du gage, l'absence de cette attestation interdit à la caution de mettre en oeuvre le nantissement, lorsque la société émettrice nie avoir été destinataire de la déclaration constitutive du gage ; qu'en refusant de prononcer la décharge de la caution à raison de la négligence de la banque, qui n'a pas sollicité la délivrance d'une attestation de constitution de gage, tout en constatant que la société Sea Tankers avait prétendu qu'à sa connaissance la banque ne disposerait que d'un unique nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte qu'elle niait avoir reçu la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 laquelle annulait et remplaçait celle du 26 mars 2008, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles L. 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil qu'elle a violé. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 211-20, I, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009, qui a succédé à l'article L. 431-4, I, du même code, rédigé en des termes similaires, le nantissement d'un compte-titres est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte, comportant les énonciations fixées par l'article D. 211-10 de ce code. 6. Il résulte de ces dispositions que, nonobstant toute clause contraire du contrat de nantissement, le nantissement est valable et opposable aux tiers, par le seul effet de cette déclaration, sans qu'aucune notification au teneur du compte-titres nanti ne soit requise. 7. Après avoir exactement énoncé qu'en application des dispositions de l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, le nantissement est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte et que la délivrance d'une attestation de nantissement, qui constitue une simple faculté offerte au créancier gagiste, ne constitue pas une condition de validité du nantissement, et constaté que la déclaration du 26 mars 2013 signée par la société Du Levant est conforme aux exigences légales, l'arrêt retient à juste titre que cette déclaration est valable, sans qu'il soit nécessaire d'exiger sa notification à la société Sea Tankers. 8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il se déduit que le nantissement était opposable aux tiers, y compris la société Sea Tankers, société émettrice des titres nantis et teneur du compte-titres, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la troisième branche, dès lors qu'il était constant que les titres nantis étaient bien inscrits au compte-titres tenu par la société Sea Tankers, ni d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a, à bon droit, statué comme elle l'a fait. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 10. M. [J] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation à un droit exclusif à être payé au titre d'une cession de créance professionnelle ne peut s'opérer en sa faveur par le fait du créancier ; que tel est le cas lorsque, en l'absence dans le bordereau de cession de créances des mentions exigées par l'article L 313-23 du code monétaire et financier, les cessions de créances ne sont pas opposables aux débiteur cédés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil. » Réponse de la Cour 11. Après avoir énoncé que l'article 2314 du code civil n'est applicable qu'en présence de droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance et qu'est ainsi qualifié tout droit susceptible de conférer à son titulaire une facilité plus grande dans la perception de sa créance ou une véritable position privilégiée, l'arrêt retient exactement que M. [J], qui invoque la perte du bénéfice de la subrogation dans les droits du cessionnaire, ne justifie pas de la perte d'un tel droit préférentiel, puisque la banque ne dispose pas d'un droit qui lui permette d'éviter le concours avec les autres créanciers chirographaires. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. M. [J] fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était invitée, si en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte d'instruments financiers à la date de la défaillance du débiteur principal, à laquelle la valeur des actions gagées était très supérieure au montant de la créance garantie, la banque n'avait pas compromis la subrogation de la caution dans ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 : 14. Aux termes de ce texte, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. 15. Pour condamner M. [J], en qualité de caution, à payer à la banque diverses sommes, l'arrêt retient que celui-ci a eu nécessairement connaissance des conditions stipulées dans l'acte de prêt, et notamment de l'obligation de maintien de la valeur des actions nanties, laquelle n'a pas été respectée eu égard à la procédure de liquidation judiciaire dont a fait l'objet la société Sea Tankers. Il retient encore que l'engagement de préservation de la valeur des actions à la hauteur du prêt souscrit incombe à l'emprunteur, titulaire de ces actions, qui les offre en garantie du prêt souscrit, et non à la banque, et qu'il appartenait donc à la société Du Levant, titulaire des actions nanties, de veiller à la préservation de leur valeur et de surveiller toutes modifications éventuelles. L'arrêt ajoute que, de surcroît, il n'est nullement établi que la banque a eu connaissance des difficultés économiques de la société Sea Tankers et de la perte de valeur des actions, dans la mesure où il n'est pas démontré qu'elle était la banque teneuse des comptes de cette société. Il en déduit que M. [J] ne peut se prévaloir du non-respect par la banque d'un éventuel devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du code civil. 16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte-titres à la date de la défaillance de la société Du Levant, débitrice principale, alors que la caution prétendait qu'à cette date, la valeur des actions nanties était très supérieure au montant du capital fixé dans l'acte de prêt, le créancier n'avait pas fait perdre à la caution un droit dont elle aurait pu bénéficier par subrogation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société BNP Paribas aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [J]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; 1°- Alors que l'absence de radiation du nantissement résultant de la première déclaration de nantissement du 26 mars 2008 par le teneur du compte qui aurait reconnu l'existence de ce nantissement, n'était pas de nature à autoriser le créancier et partant la caution subrogée dans les droits de ce dernier, à mettre en oeuvre ce nantissement, dès lors qu'il avait été annulé par les parties au contrat ; qu'il résultait des conclusions de la BNP Paribas (p.7) que le 23 mars 2013 à l'occasion de la régularisation de l'avenant n° 2 à l'acte de prêt, la déclaration de gage de compte d'instruments financiers du 26 mars 2008 avait été annulée et remplacée par la déclaration de nantissement de compte de titres financiers souscrite le 26 mars 2013 par la SARL Du Levant ; que la déclaration du 26 mars 2013 précise expressément qu'elle annule et remplace la déclaration du 26 mars 2008 ; qu'en refusant de constater la perte du nantissement résultant de la première déclaration du 26 mars 2008 en raison de l'opinion du teneur de compte sur son existence et de la prétendue absence de radiation de ce nantissement par ce dernier, la Cour d'appel a violé les articles L 431-4 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 2°- Alors que la déclaration de nantissement de compte de titres financiers ne réalise le gage qu'à la condition d'être portée à la connaissance du teneur de compte ; que comme le constate la Cour d'appel, la société Sea Tankers avait déclaré par courrier du 2 mai 2018 qu'à sa connaissance la BNP ne disposerait que du nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte que la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 n'avait pas été portée à sa connaissance ; qu'en considérant cependant que le nantissement avait été réalisé par la déclaration précitée, la Cour d'appel a violé les articles L 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 3°- Alors qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si l'inscription des titres financiers nantis dans les livres de la société Sea Tankers ne constituait pas en l'espèce une condition contractuelle de validité de la constitution du nantissement et si dès lors en l'absence d'inscription du nantissement du compte financier issu de la déclaration du 26 mars 2013 dans les livres de la société Sea Tankers, ce nantissement n'était pas dépourvu de validité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 et 2314 du code civil ; 4°- Alors que si l'attestation de constitution de gage ne constitue pas une condition de validité du gage, l'absence de cette attestation interdit à la caution de mettre en oeuvre le nantissement, lorsque la société émettrice nie avoir été destinataire de la déclaration constitutive du gage ; qu'en refusant de prononcer la décharge de la caution à raison de la négligence de la banque qui n'a pas sollicité la délivrance d'une attestation de constitution de gage, tout en constatant que la société Sea Tankers avait prétendu qu'à sa connaissance la BNP ne disposerait que d'un unique nantissement inscrit le 26 mars 2008 ce dont il résulte qu'elle niait avoir reçu la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 laquelle annulait et remplaçait celle du 26 mars 2008, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles L 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil qu'elle a violé ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; 1°- Alors que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était invitée, si en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte d'instruments financiers à la date de la défaillance du débiteur principal, à laquelle la valeur des actions gagées était très supérieure au montant de la créance garantie, la banque n'avait pas compromis la subrogation de la caution dans ses droits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ; 2°- Alors que la banque bénéficiaire d'un nantissement de compte de titres financiers est tenu de surveiller l'évolution des titres gagés et d'une obligation d'information et de conseil sur le suivi de ces titres ; qu'en énonçant que seul l'emprunteur titulaire des actions qu'il offre en garantie s'engage à en préserver la valeur et qu'il n'incombait pas à la BNP de veiller à la préservation de la valeur des actions nanties et de surveiller toutes modifications éventuelles et que M. [J] ne pourrait se prévaloir du non-respect par la banque d'un devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du code civil, la Cour d'appel a violé la convention du cautionnement, les articles 2314 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; Alors que la caution est déchargée, lorsque la subrogation à un droit exclusif à être payé au titre d'une cession de créance professionnelle ne peut s'opérer en sa faveur par le fait du créancier ; que tel est le cas lorsque en l'absence dans le bordereau de cession de créances des mentions exigées par l'article L 313-23 du code monétaire et financier, les cessions de créances ne sont pas opposables aux débiteur cédés ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil. N1 >Sur les conditions de validité et d'opposabilité d'un gage sur instruments financiers, à rapprocher : Com., 20 juin 2018, pourvoi n° 17-12.559, Bull. 2018, IV, n° 73 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 732 FS-B Pourvoi n° Q 20-18.884 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 La société [F] participations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-18.884 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [F] participations, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2020) et les productions, par acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, Mmes [H] [F] [R], [O] [F] et [G] [F] et MM. [T] [F], [D] [F], [W] [F] et [S] [F] (les consorts [F]), associés dans la société civile immobilière NSG, ont cédé l'usufruit temporaire des parts qu'ils détenaient dans cette société à la société [F] participations, qui a acquitté le droit fixe prévu à l'article 680 du code général des impôts. 2. Le 23 janvier 2015, soutenant que cet acte devait être soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts, applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, l'administration fiscale a notifié à la société [F] participations une proposition de rectification des droits d'enregistrement pour l'année 2012. 3. Après le rejet partiel de sa réclamation contentieuse, la société [F] participations a assigné l'administration fiscale en décharge des droits supplémentaires mis en recouvrement. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société [F] participations fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012, alors « que seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5 % ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7, 15 et 20 mars 2012 que la société civile immobilière NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de vingt ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] participations ; que cette dernière n'est devenue propriétaire, avec la jouissance qui y est attachée, que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participations, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts. » Réponse de la Cour Vu l'article 726 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, et l'article 578 du code civil : 5. Selon le premier de ces textes, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement proportionnel. 6. Aux termes du second, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. Il en résulte que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l'usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux. 7. Pour retenir que la cession de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, conclue entre les consorts [F] et la société [F] participations, entrait dans le champ d'application de l'article 726 du code général des impôts et rejeter la demande de décharge des droits d'enregistrement supplémentaires réclamés, l'arrêt énonce que le terme « cession », au sens de cet article, n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales, mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement, telle la cession de l'usufruit ou de la nue-propriété, le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci, même si d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à une telle différenciation. Il retient encore que la cession litigieuse a entraîné le transfert d'éléments de participation dès lors qu'en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de la société civile immobilière NSG, qui ont perdu leur droit au bénéfice des dividendes, ont également perdu leur droit de vote afférent aux parts sociales cédées. 8. En statuant ainsi, alors que la cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n'est pas soumise au droit d'enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. Il résulte de ce qui précède que l'acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, portant cession, par les consorts [F] à la société [F] participations, de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, n'est pas soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts. 12. En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement, d'annuler la décision du 16 mars 2015 ayant rejeté partiellement la réclamation de la société [F] participations et de prononcer la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement contre cette société. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme le jugement ; Annule la décision du 16 mars 2015 rejetant partiellement la réclamation de la société [F] participations ; Prononce la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement ; Condamne le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales et le condamne à payer à la société [F] participations la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société [F] participations. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société [F] Participations de ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012 ; AUX MOTIFS QUE contrairement à ce que soutient la société appelante le terme « cession » n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou son démembrement telle la cession d'usufruit ou de la nue-propriété ; que les premiers juges ont justement relevé que l'article 726, I, 2° du code général des impôts ne distingue pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement, peu important que d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à cette différenciation ; que les dispositions de l'article 726, I, 2° du code général des impôts étant claires donc exclusives d'interprétation, la société appelante est mal fondée à soutenir qu'il conviendrait de procéder à une interprétation stricte de la loi fiscale ; que la société appelante est également mal fondée à soutenir que, au sens de l'article précité, la cession en litige ne porterait sur aucune participation dès lors que la société cédante conserverait la nue-propriété des titres ; qu'en effet, en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de SCI NSG ont perdu leur droit de dividendes ainsi que leur droit de vote afférents aux parts sociales cédées ; que des éléments de participation ont été ainsi transférés et qu'il s'en déduit que la « cession d'usufruit temporaire de parts sociales » conclue les 7, 15 et 20 mars 2012 entre les consorts [F] et la société [F] participations de parts sociales de la SCI NSG entre dans le champ d'application de l'article 726, I, 2° du code général des impôts ; ALORS QUE seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5% ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7,15 et 20 mars 2012 que la SCI NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de 20 ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] Participation ; que cette dernière n'est devenue propriétaire avec la jouissance qui y est attachée que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participation, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 718 F-B Pourvoi n° B 21-17.703 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 La société DSL Distribution, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-17.703 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Crédit du Nord a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société DSL Distribution, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Crédit du Nord, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 8 avril 2021), la société Crédit du Nord (la banque) a consenti divers concours à la société DSL Distribution. Le 13 février 2014, la banque a dénoncé ces concours. 2. Ayant vainement mis en demeure la société DSL Distribution de régler la somme de 24 616,87 euros, la banque l'a assignée en paiement le 3 avril 2018. La société DSL Distribution a sollicité reconventionnellement la condamnation de la banque en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des concours bancaires. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires, alors « que l'obligation mise à la charge des établissements de crédit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier de fournir à l'entreprise concernée qui en fait la demande les raisons de la réduction ou de l'interruption d'un concours à durée indéterminée décidée à leur initiative ne s'applique que pour autant que cette décision ne soit pas encore effective ; qu'au cas présent, pour condamner la banque à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la banque "n'a[vait] fourni aucune explication à sa décision de rompre l'ensemble des concours accordés à la SASU DSL Distribution alors que cette dernière lui en a[vait] fait la demande à plusieurs reprises" et qu'"aucune des preuves qu'elle produi[sait] aux débats ne constitu[ait] la preuve qu'elle aurait fourni une explication à la SASU DSL Distribution directement ou à ses conseils avant la présente instance" ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était pourtant expressément demandé par la banque si la société DSL Distribution n'avait pas interrogé celle-ci pour la première fois sur les raisons de l'interruption des concours postérieurement à l'expiration du délai de soixante jours ayant précédé la mise en oeuvre effective de cette décision, de sorte qu'à supposer même que l'établissement de crédit n'ait pas fourni à l'entreprise concernée la raison de l'interruption des concours à durée indéterminée qu'elle lui avait consentis, cette abstention n'était pas de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier que l'entreprise qui subit la réduction ou l'interruption d'un concours bancaire peut, même après l'expiration du délai de préavis, en demander les raisons à la banque et qu'à défaut de réponse, la banque est susceptible de voir sa responsabilité engagée. 6. Le moyen, qui postule le contraire, doit donc être rejeté. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident Enoncé du moyen 7. La société DSL Distribution fait grief à l'arrêt de ne condamner la banque qu'à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture sans explication, des concours bancaires, alors « que si les juges du fond apprécient souverainement l'importance du dommage et le montant de l'indemnité destinée à le réparer, c'est à la condition de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice ; que le juge ne peut procéder à une évaluation forfaitaire de l'indemnisation ; qu'en procédant, pour condamner la société Crédit du Nord à payer une somme de 40 000 euros, à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture, sans explication, des concours bancaires accordés par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil alors applicable. » 8. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant à un montant forfaitaire de 40 000 euros l'indemnisation du préjudice prétendument subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture des concours bancaires consentis par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 313-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime : 9. Il résulte de ce principe que la réparation du dommage doit correspondre au préjudice subi et ne peut être appréciée de manière forfaitaire. 10. Pour condamner la banque à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que compte tenu de l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constatée au cours des exercices précédents, il ne peut être procédé qu'à une évaluation forfaitaire du préjudice subi. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé. Portée et conséquence de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la banque à payer à la société DSL Distribution la somme forfaitaire de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande d'expertise présentée par la société DSL Distribution, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande d'expertise et, l'infirmant partiellement, il condamne la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, condamne la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamne la société Crédit du Nord aux entiers dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société DSL Distribution. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué, DE L'AVOIR condamnée à payer la somme de 24 201,75 euros à la société Crédit du Nord avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2017 ; 1°) ALORS QUE le décompte produit par la société Crédit du Nord (pièce d'appel n° 27) est illisible et inintelligible, sauf à mentionner un solde débiteur de 24 201,75 euros, ne permettant pas d'établir à quelles factures correspondent les sommes mentionnées en « débit », ni si ces sommes correspondent à des sommes qui seraient dues par la société DSL Distribution au titre de cessions Dailly impayées ; qu'en affirmant, pour condamner la société DSL Distribution à payer la somme de 24 201,75 euros à la société Crédit du Nord, que l'établissement bancaire produirait un décompte (pièce n° 27) qui ferait apparaitre les créances litigieuses ainsi que les encaissements réalisés pour in fine un solde débiteur de 24 201,75 euros, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en condamnant la société DSL Distribution au paiement de la somme de 24 201, 75 euros, après avoir constaté que le décompte justifiant cette condamnation faisait apparaitre un solde dû de 24 616,87 euros, la cour d'appel qui s'est contredite a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné la société Crédit du Nord à lui payer la seule somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires ; ALORS QUE si les juges du fond apprécient souverainement l'importance du dommage et le montant de l'indemnité destinée à le réparer, c'est à la condition de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice ; que le juge ne peut procéder à une évaluation forfaitaire de l'indemnisation ; qu'en procédant, pour condamner la société Crédit du Nord à payer une somme de 40 000 euros, à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture, sans explication, des concours bancaires accordés par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil alors applicable. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de sa demande d'expertise ; ALORS QUE les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer, la demande ne pouvant être rejetée qu'autant que la mesure est dépourvue d'utilité ; que la société DSL Distribution sollicitait que soit ordonnée une expertise pour chiffrer le son préjudice dû à la rupture sans explication, des concours bancaires si les juges s'estimaient insuffisamment informés ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'y avait pas « lieu d'envisager l'organisation d'une expertise », après avoir évalué forfaitairement le préjudice subi par la société DSL Distribution sur le constat de « l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constateur au cours des exercices précédents », la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif d'ordre général et abstrait a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit du Nord. La société Crédit du Nord fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires ; 1° Alors que l'obligation mise à la charge des établissements de crédit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier de fournir à l'entreprise concernée qui en fait la demande les raisons de la réduction ou de l'interruption d'un concours à durée indéterminée décidée à leur initiative ne s'applique que pour autant cette décision ne soit pas encore effective ; qu'au cas présent, pour condamner la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la banque « n'a[vait] fourni aucune explication à sa décision de rompre l'ensemble des concours accordés à la SASU DSL DISTRIBUTION alors que cette dernière lui en a[vait] fait la demande à plusieurs reprises » et qu' « aucune des preuves qu'elle produi[sait] aux débats ne constitu[ait] la preuve qu'elle aurait fourni une explication à la SASU DSL DISTRIBUTION directement ou à ses conseils avant la présente instance » (arrêt, p. 6 , § 1) ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était pourtant expressément demandé par l'exposante (conclusions d'appel, p. 7) si la société DSL Distribution n'avait pas interrogé la banque pour la première fois sur les raisons de l'interruption des concours postérieurement à l'expiration du délai de soixante jours ayant précédé la mise en oeuvre effective de cette décision, de sorte qu'à supposer même que l'établissement de crédit n'ait pas fourni à l'entreprise concernée la raison de l'interruption des concours à durée indéterminée qu'elle lui avait consentis, cette abstention n'était pas de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; 2° Alors que le dommage réparable est celui qui est en relation directe et certaine avec la faute ; qu'au cas présent, après avoir relevé « l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constatée au cours des exercices précédents » (arrêt, p. 7, § 1), la cour d'appel a condamné la société Crédit du Nord au paiement de la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi par la société DSL Distribution ; qu'en statuant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constatations, selon lesquelles la démonstration d'un préjudice causé par la faute de la banque était impossible, que toute réparation était exclue, la cour d'appel a violé les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige) ; 3° Alors, en toute hypothèse, que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant à un montant forfaitaire de 40 000 euros l'indemnisation du préjudice prétendument subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture des concours bancaires consentis par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige) et L. 313-12 du code monétaire et financier.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 735 F-B Pourvoi n° W 21-19.860 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement dénommée Foncia GIEP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-19.860 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Valhestia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Foncia Marne-la-Vallée, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Valhestia, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2021), la société Foncia GIEP, devenue Foncia Marne-la-Vallée, qui exerce une activité d'administration d'immeubles, a assigné la société Valhestia en concurrence déloyale, reprochant à cette société, créée par deux de ses anciens salariés, MM. [I] et [W], d'avoir illicitement démarché sa clientèle. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 2. La société Foncia Marne-la-Vallée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée, anciennement Foncia GIEP, a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n° 76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit ; qu'en retenant que "l'activité concurrente incriminée de la société Valhestia n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail", sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les "actes préparatoires à la constitution de la société" visés par ailleurs par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 3. Constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d'une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci. 4. Pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par la société Foncia GIEP sur le fondement de la concurrence déloyale, après avoir constaté que M. [I], dont le contrat de travail conclu avec la société Foncia GIEP avait pris fin le 24 février 2017, avait créé en octobre 2016 une société civile immobilière, laquelle avait ensuite acquis un local commercial puis loué ce local à la société Valhestia, que celle-ci, dont l'activité était similaire à celle de la société Foncia GIEP, avait été constituée par la soeur de la compagne de M. [I] et immatriculée le 16 janvier 2017, qu'un nom de domaine et des adresses de messagerie au nom de la société Valhestia et de M. [I] avaient été créés le 29 janvier 2017 et que M. [I] était devenu le président de la société Valhestia à compter de juillet 2017, l'arrêt retient que la désignation de la société Valhestia par des copropriétés alors clientes de la société Foncia GIEP n'a été mise au vote que lors d'assemblées générales organisées à compter du 18 avril 2017 et que le comptable de la société Valhestia a précisé que les premiers encaissements pour celle-ci n'ont débuté qu'en juin 2017, ce qui confirmait un début d'activité effectif après la fin du contrat de travail du salarié mis en cause. L'arrêt en déduit que, le contrat de travail ne stipulant pas de clause de non-concurrence, il n'existe pas de faute imputable à l'ancien salarié dont la société Valhestia se serait rendue complice. 5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'envoi par la société Valhestia, le 24 février 2017, d'une proposition de contrat de syndic à un membre d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP ne constituait pas un acte d'exploitation commis antérieurement au terme du contrat de travail liant M. [I] et la société Foncia GIEP, constitutif d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société Foncia Marne-la-Vallée fait le même grief à l'arrêt, alors « que le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert "ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société Foncia" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil : 7. Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l'ancien salarié d'un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l'activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale. 8. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que le transfert par MM. [I] et [W] à la société Valhestia de listes de résidences gérées par la société Foncia GIEP et de listes des adresses de messagerie électronique des conseils syndicaux de résidences également gérées par cette société, obtenues alors qu'ils en étaient salariés, n'est pas fautif en l'absence de preuve de l'exploitation de ces informations par un moyen fautif de la part de ces anciens salariés de la société Foncia GIEP. 9. En statuant ainsi, alors que la seule détention par la société Valhestia d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Foncia GIEP, obtenues par d'anciens salariés de cette dernière en cours d'exécution de leurs contrats de travail et qui avaient contribué à sa création, constituait un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société Valhestia aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valhestia et la condamne à payer à la société Foncia Marne-la-Vallée la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Foncia Marne-la-Vallée. PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ; 1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'elle a ajouté que le fait qu'une demande de mise en concurrence, produite en pièce n°24, lui ait été adressée dès le lendemain, le 25 février 2017, confirmait que l'activité de démarchage avait bien débuté avant la fin du contrat de travail de M. [I] (conclusions du 22 janvier 2021, p. 18 ; prod. n° 5) ; que la cour d'appel, pour écarter ce moyen, a retenu que, s'agissant de la pièce produite n°24, « le seul courrier émanant d'un copropriétaire daté du 24 février 2017 demandant la mise au vote, pour une assemblée générale ultérieure, de la désignation de la société VALHESTIA est insuffisant à prouver que MM. [I] ou [W] l'aient personnellement démarché au préalable » (arrêt p. 7) ; qu'elle a ainsi dénaturé cette pièce qui, contrairement aux deux autres, n'était pas datée du 24 février 2017, mais du 25 février 2015, et ce alors que la date de ce document était essentielle à l'argumentation des parties ; la Cour d'appel a ainsi méconnu l'obligation précitée ; 2°/ ALORS QUE la réalisation d'actes d'exploitation d'une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail constitue une violation de son obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) a fait valoir qu'il résultait notamment de deux courriers du 24 février 2017, produits en pièce n°76, que la société Valhestia avait illicitement démarché sa clientèle avant la fin du contrat de travail de M. [I], salarié de la société Foncia GIEP qui avait contribué à la création et à l'activité de la société Valhestia, contrat se terminant le 24 février 2017 à minuit (conclusions du 22 janvier 2021, p. 17 et 18 ; prod. n° 4) ; qu'en retenant que « l'activité concurrente incriminée de la société VALHESTIA n'a effectivement démarré qu'après la fin de leurs contrats de travail» (arrêt p. 7), sans s'expliquer, comme elle y avait pourtant été invitée par les conclusions de la société Foncia Marne-la-Vallée, sur le fait que la société Valhestia avait transmis une offre commerciale à l'un des membres d'une copropriété cliente de la société Foncia GIEP avant la fin du contrat de travail de M. [I], acte qui ne saurait compter parmi les « actes préparatoires à la constitution de la société » visés par ailleurs par l'arrêt attaqué (arrêt p. 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Foncia Marne-la-Vallée (anciennement Foncia GIEP) de l'ensemble de ses demandes ; 1°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle, la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à tort une condition à la caractérisation d'un procédé déloyal rendant le démarchage fautif, s'agissant de l'exigence d'une exploitation des informations détournées par un moyen fautif, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; 2°/ ALORS QUE le seul détournement du fichier clientèle d'un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si M. [W] et M. [I] avaient transféré sur leur boîte mail personnelle la liste des e-mails des membres des conseils syndicaux des résidences gérées et la liste des résidences gérées, ce transfert « ne saurait être jugé comme fautif en l'absence de preuve de leur exploitation par un moyen fautif de la part des anciens salariés de la société FONCIA » (arrêt p. 7) ; que cependant elle a relevé que ne permettait pas de caractériser « un démarchage illicite », « le seul courrier isolé de M. [S] [client de la société Foncia] faisant état d'une démarche de M. [W] le 27 juin 2017 pour lui faire signer un courrier visant à inscrire à l'ordre du jour la désignation de la société Valhestia comme nouveau syndic » (arrêt p. 8) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il ressortait que les informations détournées avaient fait l'objet d'au moins une exploitation, s'agissant du démarchage de M. [S] par M. [W], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 740 F-B Pourvoi n° R 19-22.538 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Concurrence, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 19-22.538 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Samsung Electronics France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les neuf moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Concurrence, de la SCP Richard, avocat de la société Samsung Electronics France, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2019), la société Concurrence est un distributeur indépendant de produits électroniques grand public. Elle exploitait à ce titre un point de vente physique et un site de vente en ligne sous le nom de domaine concurrence.fr. La société Samsung Electronics France (la société Samsung) est spécialisée dans la distribution de produits dits bruns, sur le marché français. 2. La société Concurrence a distribué, à compter des années 2000, des produits de la marque Samsung. Les relations entre les deux sociétés se sont ensuite détériorées. Par lettre du 20 mars 2012, la société Samsung a notifié à la société Concurrence la rupture de la relation commerciale avec effet au 30 juin 2013. 3. Soutenant que la société Samsung avait rompu de manière abusive et infondée leurs relations contractuelles et sans respecter le préavis accordé, la société Concurrence l'a assignée en réparation de son préjudice. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, et sixième branches, et les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième et huitième branches, et les troisième et quatrième moyens, réunis Enoncé du moyen 5. Par le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième et huitième branches, la société Concurrence fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie sans respect du préavis, alors : « 1°/ qu'en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas que ces engagements (les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur "market places", la non-signature du contrat sélectif, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, les remises de gré à gré de 21 % réduites entre 3 % et 0 %, la remise de 3 % pour ventes internet, la prévision de commandes, la reprise des invendus et les ventes ordinateurs et appareils photos) étaient la pratique entre les parties avant la rupture, quand elle a visé les lettres de la société Samsung du 15 janvier 2010 et du 9 décembre 2011 établissant la réalité de ces engagements, la société Samsung ayant au surplus reconnu dans ses conclusions que "Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010", la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) qu'en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas plus que ces conditions particulières lui ont été supprimées par la société Samsung pendant l'exécution du préavis, aucune pièce n'étant produite en ce sens, quand la société Samsung avait reconnu dans ses conclusions que "Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010", et soutenait précisément ne pas être tenue par de tels engagements au-delà d'un an, et qu'ainsi il ressort de ses propres constatations que la société Samsung avait reconnu ne pas devoir reconduire ces conditions durant le préavis ni les avoir maintenues et avait même mis en demeure la société Concurrence le 22 novembre 2012 de cesser toute commercialisation de produits Elite sur la « market place Amazon » sous 48 heures, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 3°) que si les conditions commerciales sont négociées annuellement, rien n'y oblige si cela n'a pas été expressément prévu, et tel n'est plus le cas une fois la rupture décidée, les conditions commerciales devant demeurer inchangées ; qu'en retenant que les parties ayant négocié en 2011 et 2012 notamment les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties, la cour d'appel n'a pas justifié ce prétendu principe de négociation annuelle et a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; 7°) que le fait d'imposer sans préavis les réductions des remises de gré à gré de 21,85 % à 3 %, la suppression de la remise de classement de 3 %, annoncés les 20 et 24 février 2012, et appliqués à compter du 1er mars 2012, constitue une rupture brutale partielle des relations commerciales entre les parties en application de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; 8°) que l'obligation de passer les commandes par des grossistes (circuit long) au lieu d'acheter en direct au fabriquant (circuit court) constitue un changement de condition commerciale qui ne peut être imposé pour la première fois durant le préavis accordé, à supposer même que les conditions d'achat demeurent stables, ce qui n'a d'ailleurs pas été constaté par la cour d'appel ; qu'en ne condamnant pas cette obligation imposée dès la rupture la cour d'appel a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. » 6. Par son troisième moyen, la société Concurrence fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°) que le principe d'une négociation annuelle n'interdit pas des accords de plus d'une année ; que des accords ne peuvent être brutalement dénoncés sans préavis ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon immédiat des conditions antérieures à la rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; 2°) que la lettre du directeur du 15 janvier 2010 qui annonce l'octroi d'une remise supplémentaire de 3 %, implique une durée supérieure à une année, puisqu'elle est décidée pour tenir compte de relations de qualité anciennes, de la volonté d'aller en avant, et de l'axe stratégique pris par la société Concurrence ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon de cette remise imposé sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; 3°) que la société Samsung a reconnu que "Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010" ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon brutal et sans préavis de ces conditions commerciales à compter de la rupture décidée le 20 mars 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. » 7. Par son quatrième moyen, la société Concurrence fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°) que la société Concurrence avait démontré que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos ; que la cour d'appel ne pouvait d'autant moins ignorer ces factures, qu'elle les avait consultées à l'occasion du problème des remises ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos, la cour d'appel a méconnu l'obligation imposée au juge de ne pas dénaturer les conclusions ; 2°) que la société Samsung avait créé chez Concurrence une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues, en proposant un plan d'achats et surtout des remises supplémentaires "aux fins d'encouragement au développement de l'activité Samsung" ; que la modification immédiate des conditions commerciales, dès l'annonce de la rupture et au cours de préavis, constitue une violation de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; que la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies dès l'annonce de la rupture, a statué en violation de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; 3°) que l'obligation de devoir passer commande auprès des grossistes est constitutive d'un refus de vente en direct et donc d'une modification des relations commerciales en cours qui ne peut être imposée durant le préavis ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung a refusé de lui vendre des ordinateurs portables et appareils photos après la rupture, quand il était constant que la société Samsung avait imposé sans préavis dès l'annonce de la rupture l'obligation de passer désormais les commandes auprès des grossistes, la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies, a statué en violation de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. Lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l'objet d'une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l'exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l'effectivité de ce dernier. 9. Après avoir relevé que la société Samsung négociait annuellement les conditions commerciales avec ses distributeurs, l'arrêt énonce qu'il est normal que celles-ci puissent évoluer, dans la mesure où un accord annuel n'est, par principe, pas immuable, l'existence de négociations annuelles permettant une évolution des conditions commerciales, y compris pendant l'exécution du délai de préavis. Il retient, ensuite, que les parties ont négocié, en 2011 et 2012, les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties. Il retient, en outre, qu'elle ne démontre ni que les engagements dont elle fait état, qui n'auraient pas été exécutés durant le préavis, étaient la pratique entre les parties avant la rupture, ni que la société Samsung s'était engagée à lui garantir ces conditions particulières concernant notamment les entretiens courants réguliers avec le président et directeur général, l'autorisation de vente sur une place de marché, l'autorisation de vente sans mise en service et sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, l'autorisation de vente dans toute l'Europe, la prévision de commandes et la reprise des invendus. 10. Il retient, encore, que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung ait supprimé ces conditions particulières pendant l'exécution du préavis et qu'elle lui ait, antérieurement à l'année 2012, vendu des ordinateurs ou appareils photos ni qu'elle ait refusé de les lui vendre, les courriels des 24 février et 1er mars 2012 de cette société ne faisant aucune référence au passé, et que l'achat de produits par des grossistes n'est pas, en soi, un changement de condition commerciale, si les conditions d'achat demeurent stables. 11. En l'état de ces énonciations et appréciations, faisant ressortir que le changement de mode d'approvisionnement aux mêmes conditions tarifaires ne caractérisait pas une modification substantielle de la relation commerciale interdite durant le préavis, c'est à bon droit, et sans dénaturer les écritures de la cause, qu'au terme d'une appréciation souveraine des éléments de preuve versés au débat, dont elle a déduit que la preuve d'un changement, en cours de préavis, des autres conditions commerciales existant, le cas échéant, entre les parties avant la rupture, n'avait pas été rapportée, la cour d'appel a rejeté la demande formée par la société Concurrence au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie sans respect du préavis. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Concurrence aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Concurrence et la condamne à payer à la société Samsung Electronics France la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Concurrence. PREMIER MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies sans respect du préavis AUX MOTIFS QUE Sur la brutalité de la rupture Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent. La société Concurrence ne précise pas quel était son chiffre d'affaires global les années précédant l'annonce de la rupture ni quelle était la part de la société Samsung dans son chiffre d'affaires. Eu égard à la durée de la relation commerciale établie de 12 années, du secteur d'activité et du temps nécessaire pour que la société Concurrence puisse se réorganiser et re-déployer son activité, il apparaît que le préavis de 15 mois qui lui a été accordé par la société Samsung est suffisant, de sorte que la rupture n'est pas brutale. ALORS QUE la société Concurrence avait justifié de son chiffre d'affaires total en 2011 et de la part réalisée avec la société Samsung (pièce n° 86) ; que la société Samsung dans ses conclusions (Pages 42/53 et 43/53), pièces visées et produites à l'appui, avait justifié du chiffre d'affaires de la société Concurrence et de la part réalisée avec les produits Samsung en 2010 et 2011 ; qu'ainsi la cour d'appel en lisant les conclusions échangées et les pièces produites avait tous les éléments pour juger ; qu'en s'en abstenant la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies sans respect du préavis Sur l'effectivité du préavis La société Concurrence reproche à la société Samsung de ne pas avoir respecté les accords dits « Mollet », ce que conteste cette dernière. Par courrier du 15 janvier 2010, M. Mollet, alors directeur de la société Samsung France, indique à la société Concurrence qu'en raison du différend les opposant, il propose de « solder ce malentendu en acceptant de régler une somme de 200.000 euros en considération de quoi vos factures seront annulées et nous reprenons une relation commerciale fondée sur nos tarifs nets envoyés début novembre 2009 avec 3 % supplémentaires, compte-tenu de l'axe stratégique pris pour votre société sur le commerce électronique ». Par courriel du 9 décembre 2011, la société Samsung écrit à la société Concurrence : « Lors de nos rendez-vous tenus en début d'année [2011], je vous ai exposé les conditions commerciales pour l'année 2011 et vous ai confirmé les montants et les conditions des ristournes et des remises qui seraient applicables à Concurrence. Je vous les ai confirmées par email. Vous me contraignez donc à vous répondre, mais pour la dernière fois. Ristournes : En 2009, Concurrence bénéficiait de 6 % (3 % + 3 %). En 2010, Concurrence bénéficiait de 7 % (1 % + 6 %, ces derniers étaient la consolidation des 3 + 3 de l'année précédente). En 2011, Concurrence bénéficie de 7 % (1 % + 6 %). Remise de base : En 2009, Concurrence bénéficiait de la remise de base de 21 %. En 2010, Concurrence bénéficiait de la remise de base de 21 %. En 2011, Concurrence bénéficie de la remise de base de 25 %. Dans le même temps, les remises de gré à gré sont restées appliquées. Leur montant a varié parce que, pour la première fois et ce depuis 2011, les baisses de nos tarifs sont, désormais, régulièrement enregistrées dans nos systèmes et répercutées à nos clients. La remise de gré à gré est donc maintenue. Simplement, elle baisse en montant, car les tarifs de base baissent. Il y a donc là une adéquation qui fait qu'au final, la proportion de la remise de gré à gré par rapport au tarif de base est restée la même. Cette manière de procéder en faisant bénéficier à tous nos clients des baisses de tarif, régulièrement, a été saluée par tous ; sauf par vous, évidemment. J'en tire deux enseignements : - les conditions commerciales 2011 vous sont appliquées, avec des taux clairement définis, au moins équivalents à celui de 2010, - vous bénéficiez de la remise de base de 25 %, alors que vous ne devriez bénéficier que de celle de 21 %. Concurrence est en effet un VADiste. Vous le reconnaissez d'ailleurs (cf. votre mail du 24 novembre 2011), puisque vous réalisez plus de 95 % de vos ventes sur Internet, à distance ». Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que la société Samsung négocie annuellement les conditions commerciales avec ses fournisseurs, y compris nécessairement la société Concurrence, de sorte qu'il est normal que celles-ci puissent évoluer, y compris pendant l'exécution du délai de préavis. La société Concurrence explique que les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur marketplace, la non-signature du contrat sélectif, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, les remises de gré à gré de 21 % réduites entre 3 % et 0 %, la remise de 3 % pour ventes internet, la prévision de commandes, la reprise des invendus et les ventes ordinateurs et appareils photos ont été supprimées pendant l'exécution du préavis. Toutefois, la société Concurrence ne démontre pas que ces engagements étaient la pratique entre les parties avant la rupture ni que la société Samsung s'était engagée auprès de la société Concurrence à lui garantir ces conditions particulières, notamment concernant les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur marketplace, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, la prévision de commandes et la reprise des invendus. Elle ne démontre pas plus que ces conditions particulières lui ont été supprimées par la société Samsung pendant l'exécution du préavis, aucune pièce n'étant produite en ce sens. Il ne peut être tiré aucune conséquence des courriels des 24 février et 1er mars 2012 de la société Samsung relatifs à la vente de produits photo et notebook ; celui-ci ne faisait en effet aucune référence au passé et ne mentionnait que les conditions commerciales sur l'année 2012 quant à ces produits. Par ailleurs, l'achat de produits par des grossistes n'est pas en soi un changement de condition commerciale, si les conditions d'achat demeurent stables. De même, le refus de signer un contrat de distribution sélective avec la société Concurrence ne peut être une condition commerciale acquise, alors que ces contrats sont conclus pour une durée d'un an et que la société Concurrence ne démontre pas avoir signé un tel contrat au jour de l'envoi de la lettre de rupture, alors que la société Samsung lui a indiqué par courriel du 8 novembre 2011 qu'elle constatait que cette dernière refusait toute régularisation d'un contrat de distribution sélective concernant les produits Elite. Enfin, il n'est pas démontré que pendant l'exécution du préavis les remises ont été réduites, étant relevé que les factures communiquées en pièce 90 démontrent au contraire que le taux de remise était au minimum de 31 %. En outre, il convient de relever que la société Samsung n'est pas obligée d'appliquer à la société Concurrence les conditions tarifaires les plus favorables qu'elle applique à certains de ses fournisseurs. Dès lors, si la société Concurrence refuse les conditions tarifaires de la société Samsung, dont il n'est pas démontré qu'elles sont discriminatoires, abusives ou moins avantageuses que précédemment, elle ne peut demander l'application pour l'avenir d'un accord ponctuel intervenu entre les parties pour solutionner un conflit les opposant. Il convient d'ailleurs de relever que la teneur et le ton des courriels envoyés par la société Concurrence à la société Samsung entre 2009 et 2012 démontrent que la société Concurrence est très agressive et menaçante avec son interlocuteur, ce qui empêche toute négociation annuelle sereine entre les parties (pièces 7, 11, 12, 13, 57, 60, 62, 64, 91, 114, 127, 126, 128, 129, 130, 131, 132, 133). Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de la société Concurrence pour rupture brutale des relations commerciales établies et pour défaut d'effectivité du préavis. 1°) ALORS QUE en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas que ces engagements (les entretiens courants réguliers avec le PDG, l'autorisation de vente sur market places, la non-signature du contrat sélectif, l'autorisation de vente sans mise en service dans toute l'Europe, l'autorisation de vente sans démonstration à domicile dans toute l'Europe, les remises de gré à gré de 21 % réduites entre 3 % et 0 %, la remise de 3 % pour ventes internet, la prévision de commandes, la reprise des invendus et les ventes ordinateurs et appareils photos) étaient la pratique entre les parties avant la rupture, quand elle a visé les courriers de la société Samsung du 15 janvier 2010 et du 9 décembre 2011 établissant la réalité de ces engagements, la société Samsung ayant au surplus reconnu dans ses conclusions que « Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010 » (conclusions Samsung page 21/53), la cour d'appel a violé le l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QUE en énonçant que la société Concurrence ne démontre pas plus que ces conditions particulières lui ont été supprimées par la société Samsung pendant l'exécution du préavis, aucune pièce n'étant produite en ce sens, quand la société Samsung avait reconnu dans ses conclusions que « Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010 » (conclusions Samsung page 21/53), et soutenait précisément ne pas être tenue par de tels engagements au-delà d'un an, et qu'ainsi il ressort de ses propres constatations que la société Samsung avait reconnues de pas devoir reconduire ces conditions durant le préavis ni les avoir maintenues et avait même mis en demeure Concurrence le 22 novembre 2012 de cesser toute commercialisation de Produits Elite sur la market place Amazon sous 48 heures, la cour d'appel a violé le l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 3°) ALORS QUE si les conditions commerciales sont négociées annuellement, rien n'y oblige si cela n'a pas été expressément prévu, et tel n'est plus le cas une fois la rupture décidée, les conditions commerciales devant demeurer inchangées ; qu'en retenant que les parties ayant négocié en 2011 et 2012 notamment les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties, la cour d'appel n'a pas justifié ce prétendu principe de négociation annuelle et a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 4°) ALORS QUE l'annonce brutale, sans préavis, de l'obligation de signer un contrat sélectif, quand les produits de ce contrat étaient livrés jusqu'alors sans signature de ce contrat, constitue une rupture brutale des relations en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; qu'en ne sanctionnant pas cette obligation imposée sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 5°) ALORS QUE Concurrence vendait sur market places en 2010, en 2011, 2012, ce qui était proscrit par SAMSUNG dans ses contrats sélectifs ; qu'au demeurant, la cour d'appel qui a reproduit une lettre de Samsung décrivant les conditions au 9 décembre 2011, a omis d'en retranscrire la partie démontrant que Samsung était au courant et approuvait le fait que Concurrence utilise le market place, Samsung l'y encourageant pour développer son activité en accordant une remise de 3 % ; que l'interdiction de vendre sur les market places a été imposée par l'obligation de signer un contrat sélectif dès la rupture sans respect d'un préavis ; qu'en ne sanctionnant pas cette obligation imposée sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 6°) ALORS QUE en retenant qu'il n'est pas démontré que pendant l'exécution du préavis les remises ont été réduites, les factures communiquées en pièce 90 démontrant au contraire que le taux de remise était au minimum de 31 %, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et donc privé de motifs sa décision, lesdites factures étant relatives aux années 2011 et 2012, donc antérieures à la période du préavis ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE le fait d'imposer sans préavis les réductions des remises de gré à gré de 21,85 % à 3 %, la suppression de la remise de classement de 3 %, annoncés le 20 et 24 février 2012, et appliqués à compter du 1er mars 2012, constitue une rupture brutale partielle des relations commerciales entre les parties en application de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce 8°) ALORS QUE l'obligation de passer les commandes par des grossistes (circuit long) au lieu d'acheter en direct au fabriquant (circuit court) constitue un changement de condition commerciale qui ne peut être imposé pour la première fois durant le préavis accordé, à supposer même que les conditions d'achat demeurent stables, ce qui n'a d'ailleurs pas été constaté par la cour d'appel ; qu'en ne condamnant pas cette obligation imposée dès la rupture la cour d'appel a validé une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies sans respect du préavis AUX MOTIFS QUE Sur les conditions commerciales appliquées à la société Concurrence et les accords dits « Mollet » La société Concurrence soutient que les accords 2010, dit « accords Mollet », qu'elle estimait privilégiés puisque comprenant des remises de gré à gré, la livraison de produits Elite, les ventes sur Internet et market place, avaient vocation à être maintenus. Elle estime que leur remise en cause au début de l'année 2012 a été brutale et doit être sanctionnée au regard de l'article L. 442-6, IV du code de commerce. S'agissant des remises de gré à gré, elle fait valoir que la société Samsung n'apporte aucune preuve afin d'étayer ses affirmations, ni facture, ni document comptable, ni barème de prix. Elle explique que la société Samsung ne pouvait limiter les remises consenties à son égard en violation des accords « Mollet ». En tout état de cause, elle demande à ce que soit constatée la nullité des conditions de vente de la société Samsung et que lui soit remboursée la différence entre les conditions appliquées à la société Concurrence et les conditions consenties aux autres revendeurs. Elle allègue que la demande de nullité des conditions de vente ne constitue aucunement une demande nouvelle. La société Samsung affirme que les « accords Mollet » n'ont jamais existé et ne correspondent à aucun engagement spécifique de sa part et relève qu'en tout état de cause aucun accord ne peut résister à l'obligation de négociation annuelle. Elle explique que cette obligation telle qu'elle ressort des dispositions des articles L. 441-6, I, alinéa 1 et L. 441-7, alinéas 1 et 3 du code de commerce, s'oppose au caractère immuable allégué de ces accords, dont, au surplus, elle estime que la société Concurrence n'apporte pas la preuve. Elle ajoute que la société Concurrence a systématiquement refusé toute négociation commerciale, de sorte qu'elle ne saurait se plaindre de ce qu'elle n'aurait pas obtenu à cette occasion certaines conditions commerciales. Elle précise que le courrier du 15 janvier 2010 visait à régler un différend en octroyant à la société Concurrence une indemnité transactionnelle et une remise supplémentaire de 3 % prenant en compte le développement de la société Concurrence sur la distribution par Internet (et non sur marketplace) et que le courrier de M. [Y] [X] à M. [B] [H] du 1er juin 2011, ne faisait que réaffirmer le principe de l'octroi de remises de gré à gré en application de la politique commerciale uniforme de la société Samsung. Elle ajoute qu'en tout état de cause la société Samsung n'a aucune obligation de communiquer les informations produites devant l'Autorité de la concurrence en 2014. Il convient d'abord de relever avec la société Samsung que des conventions annuelles sont signées entre cette dernière et ses distributeurs, de sorte qu'aucun accord annuel n'est par principe immuable, le principe des négociations annuelles supposant une évolution des conditions commerciales et un accord entre elles sur ces conditions commerciales. Il apparaît que les parties ont négocié en 2011 et 2012 notamment les conditions particulières les liant, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à l'application illimitée dans le temps de conditions commerciales favorables temporaires accordées pour une année et nécessairement remises en cause par le principe de la négociation annuelle entre les parties. En outre, la société Samsung n'a aucune obligation de communiquer l'ensemble des pièces soumises à l'Autorité de la concurrence, la présente instance étant indépendante de l'instruction menée par cette Autorité. Enfin, il a déjà été relevé ci-dessus que la preuve de la remise en cause des pratiques antérieures entre les parties n'est pas démontrée, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. ET AUX MOTIFS QUE Sur la demande relative à la remise supplémentaire internet de 3 % La société Concurrence soutient que la société Samsung ne lui a pas versé la remise supplémentaire internet de 3 % sur les années 2011 et 2012 en vertu des accords dits Mollet, alors qu'il a été jugé ci-dessus que les accords Mollet n'avaient pas vocation à s'appliquer sur plusieurs années, alors que les parties négocient chaque année les conditions commerciales de leurs relations, de sorte que la société Concurrence n'est pas bien fondée à solliciter le paiement de la remise de 3 % sur les années 2011 et 2012, les accords invoqués n'étant valable que pour une année. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. 1°) ALORS QUE le principe d'une négociation annuelle n'interdit pas des accords de plus d'une année ; que des accords ne peuvent être brutalement dénoncés sans préavis ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon immédiat des conditions antérieures à la rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 2°) ALORS QUE la lettre du Directeur du 15 janvier 2010 qui annonce l'octroi d'une remise supplémentaire de 3 %, implique une durée supérieure à une année, puisqu'elle est décidée pour tenir compte de relations de qualité anciennes, de la volonté d'aller en avant, et de l'axe stratégique pris par Concurrence ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon de cette remise imposé sans préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; 3°) ALORS QUE la société Samsung a reconnu que « Samsung a fonctionné avec Concurrence en 2011 et 2012 et continue de fonctionner sur les conditions commerciales de 2011 qui ne sont autres que celles de 2010 » (conclusions de Samsung du 2 avril 2019 p. 21/53) ; qu'en ne sanctionnant pas l'abandon brutal et sans préavis de ces conditions commerciales à compter de la rupture décidée le 20 mars 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce. QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la rupture brutale) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société Concurrence au titre du refus de vente brutal des ordinateurs et appareils photos sans respect du préavis ET AUX MOTIFS QUE Sur le refus de vente brutal des ordinateurs et appareils photos Il a déjà été indiqué ci-dessus que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos, qu'elle a refusé de les lui vendre, la circonstance de devoir les commander auprès d'un grossiste ne pouvant caractériser un refus de vente. Dès lors, la société Concurrence ne justifie ni de l'antériorité de ces échanges ni de l'arrêt des commandes ni de la brutalité de cet arrêt. Il y a donc lieu de rejeter la demande de ce chef. 1°) ALORS QUE société Concurrence avait démontré que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos (Conclusions, page 17 et 18) ; que la Cour d'appel ne pouvait d'autant moins ignorer ces factures, qu'elle les avait consultées à l'occasion du problème des remises ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung lui avait antérieurement à l'année 2012 vendu des ordinateurs ou appareils photos la cour d'appel a méconnu l'obligation imposée au juge de ne pas dénaturer les conclusions 2°) ALORS QUE la société Samsung avait créé chez Concurrence une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues, en proposant un plan d'achats et surtout des remises supplémentaires « aux fins d'encouragement au développement de l'activité Samsung » ; que la modification immédiate des conditions commerciales, dès l'annonce de la rupture et au cours de préavis, constitue une violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce ; que la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies dès l'annonce de la rupture, a statué en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce 3°) ALORS QUE l'obligation de devoir passer commande auprès des grossistes est constitutive d'un refus de vente en direct et donc d'une modification des relations commerciales en cours qui ne peut être imposée durant le préavis ; qu'en retenant que la société Concurrence ne démontre pas que la société Samsung a refusé de lui vendre des ordinateurs portables et appareils photos après la rupture quand il était constant que Samsung avait imposé sans préavis dès l'annonce de la rupture l'obligation de passer désormais les commandes auprès des grossistes, la cour d'appel, qui a refusé de sanctionner une modification des relations commerciales établies, a statué en violation de l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de Commerce. CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur le refus de vente des produits Elite comme standards) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à la réparation du préjudice subi suite au refus de livraison des téléviseurs Elite AUX MOTIFS QUE Sur le refus de vente des produits Elite comme standards par la société Samsung La société Concurrence reproche à la société Samsung de refuser de lui livrer les téléviseurs Elite à compter du 1er juillet 2013, alors que son magasin répond aux exigences du contrat de distribution sélective, comme l'a constaté cette dernière lors d'une visite des locaux du 30 septembre 2015, un contrat de distribution sélective ayant d'ailleurs été signé le 15 octobre 2015 concernant ce site entre les parties. Elle indique que malgré des demandes répétées, la société Samsung a refusé de lui livrer les téléviseurs Elite, de sorte que son magasin n'a jamais pu fonctionner. Elle se fonde sur la motivation de l'arrêt du 3 décembre 2015 de la cour d'appel de Paris. La société Samsung réplique que la rupture au 30 juin 2013 est définitivement acquise et qu'elle est libre de contracter ou non avec la société Concurrence et donc de cesser de livrer la société Concurrence en produits Elite comme standard. Elle relève que la rupture étant licite, elle n'a aucune obligation de contracter à nouveau avec la société Concurrence. Elle rappelle que la preuve du refus de vente de ses produits n'est pas rapportée. Il a été jugé ci-dessus que la rupture des relations commerciales au 30 juin 2013 était licite, de sorte que la société Concurrence ne peut prétendre à la poursuite des relations commerciales avec la société Samsung, celle-ci étant libre de choisir ses partenaires commerciaux et de cesser les relations commerciales avec la société Concurrence, sous réserve de respecter un délai de préavis suffisant, comme en l'espèce. Dans ces conditions, aucune obligation ne pesait à compter du 1er juillet 2013 sur la société Samsung de livrer la société Concurrence en produits standards comme Elite. Par ailleurs, il a été relevé supra que la société Concurrence a toujours refusé de signer un contrat de distribution sélective concernant les produits Elite, ce que la société Samsung lui avait pourtant proposé le 14 mars 2011 par courriel, alors que cette dernière distribue justement ces produits au travers d'un réseau de distribution sélective. Dès lors, la société Concurrence ne peut faire grief à la société Samsung de ne pas lui avoir livré de produits Elite, n'ayant pas signé de contrat de distribution sélective. En outre, la société Concurrence ne peut tirer argument de la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015, pour en déduire que la seule condition à lever, pour être livrée en produits Samsung, était l'ouverture d'un magasin aux normes du contrat de distribution sélective et que donc, cette condition ayant depuis été levée par elle, la société Samsung est tenue de la livrer. Ce litige opposait alors les parties concernant le recours de la décision de l'Autorité de la concurrence des 23 juillet et 6 octobre 2014, qui ne peut s'imposer dans le cadre de cette instance pour en déduire qu'il a été déjà jugé dans le sens invoqué par la société Concurrence. Enfin, si les parties ont signé le 15 octobre 2015 un contrat de distribution sélective concernant la vente de produits Elite, la société Concurrence ne démontre pas que son magasin était ouvert à compter de cette date pour proposer à la vente ses différents produits dont les téléviseurs Samsung de la gamme Elite et que donc il était en mesure de commercialiser dans des conditions normales les produits, ce que relève la société Samsung dans sa réponse à la société Concurrence par courriel du 24 mars 2016, le site internet indiquant « magasin et site fermé » alors que le contrat impose la commercialisation dans un magasin de vente au détail. En effet, elle ne peut utilement relever que le refus de livraison par la société Samsung des produits Elite est la cause de l'impossibilité d'ouverture de son magasin, étant aussi relevé que la preuve de commande passées à la société Samsung par la société Concurrence en produits Elite comme standards à compter du 15 octobre 2015 jusqu'au 29 février 2016, date de la fin du contrat de distribution sélective, n'est pas rapportée. Ainsi, aucune faute de la société Samsung n'est établie à cet égard, aucun refus de vente n'étant prouvé. En conséquence, la société Concurrence ne démontre aucune faute de la société Samsung de ce chef. Il y a lieu de la débouter de sa demande sur ce point. 1°) ALORS QU'ont été produits aux débats les accords de distribution 2012, 2013, 2014 et 2015 dont il est constant qu'ils ont tous été signés ; qu'en retenant successivement que les parties n'ont pas signé un accord de distribution, puis que les parties ont signé un accord de distribution le 15 octobre 2015, la cour d'appel s'est au moins contredite sur ce dernier point, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE la société Concurrence a justifié devant la cour d'appel qu'après visite du nouveau point de vente le 30 septembre 2015, la société Samsung a constaté sans avoir besoin de demander des modifications, le respect des critères, ce qui a abouti à la signature d'un nouveau contrat sélectif le 15 octobre 2015 et quelques jours plus tard le site internet a lui aussi été agréé sans problème ; que cependant en dépit de l'agrément du magasin et du site, la société Samsung a toujours refusé de vendre les produits ELITE objets du contrat sélectif ; que pour justifier ce refus de livraison, la cour d'appel s'est fondée sur le courriel du 24 mars 2016 de la société Samsung faisant état de ce que le site internet indique « magasin et site fermé » ; que cependant un magasin ne peut être ouvert s'il n'a pas de stocks, ce qui nécessite au préalable d'être livré ; que par suite, les refus de vente des produits Samsung à compter de la signature du contrat sélectif le 15 octobre 2015 sont bien à l'origine de l'impossibilité d'ouverture du magasin, et la société Samsung est en faute de ne pas avoir livré ainsi qu'elle s'y était engagée ; qu'en rejetant la demande en réparation du préjudice subi par la société Concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil devenu 1231-1. 3°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que « la preuve de commande passées à la société Samsung par la société Concurrence en produits Elite comme standards à compter du 15 octobre 2015 jusqu'au 29 février 2016, date de la fin du contrat de distribution sélective, n'est pas rapportée » quand dans ses conclusions la société concurrence avait justifié avoir demandé à nouveau d'être livrée par courriel du 7 décembre 2015 (pièce n° 9), puis par un rappel du 15 décembre 2015 (pièce n° 10), la cour d'appel a statué en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil. SIXIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la distribution sélective) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à voir prononcer la nullité du système de distribution sélective mis en place par la Société Samsung pour les téléviseurs de la gamme Elite et à la réparation du préjudice qu'elle a subi AUX MOTIFS QUE Sur la distribution sélective Les parties s'accordent à reconnaître que le réseau, mis en place par la société Samsung, qui consiste à agréer des distributeurs selon des critères de sélection objectifs, est un système de distribution sélective qualitative. Elles ne contestent pas l'application du droit européen de la concurrence. La société Concurrence n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les conditions d'application par la société Samsung de son contrat de distribution sélective des produits de la gamme Elite. Il est constant que la distribution sélective limite nécessairement la concurrence entre les différents acteurs économiques en entravant l'accès au marché des revendeurs non-membres du réseau. Mais un système de distribution sélective qualitative peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'article 101 du TFUE ou de l'article L. 420-1 du code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement : 1. la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer l'usage, 2. les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, 3. les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire. La question de l'exemption individuelle de l'article 101, § 3, du TFUE ne se pose que si le réseau de distribution sélective n'est pas considéré comme licite en vertu de l'article 101, § 1, de sorte que la licéité de ce réseau au regard du § 1 doit d'abord être examinée, comme le souligne la société Samsung. Il ressort des éléments du dossier que : - le contrat de distribution sélective contesté ne porte que sur les produits de la gamme Elite de la société Samsung, doté de la technologie « smart interaction » permettant à l'utilisateur d'interagir avec le téléviseur. Il n'est pas contesté que ces produits sont des téléviseurs haut de gamme. Ces produits contiennent des innovations techniques telles que le contrôle vocal du produit, un contrôle gestuel, ce qui permet de remplacer la télécommande, ou encore la reconnaissance faciale, fonctionnalités qui nécessitent d'être présentées et expliquées par un vendeur « formé et qualifié » selon les termes du contrat, les autres téléviseurs ne proposant pas ce type d'options dont l'utilisation est donc inconnue par le consommateur. La nature de ces produits dits « dernière génération » justifie donc le recours à un système de distribution sélective. - les différents critères fixés pour choisir les revendeurs sont objectifs, de caractère qualitatif, sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire. En effet, la société Samsung liste en annexe 2 de son contrat ses critères d'agrément, à savoir : l'exploitation d'un magasin de vente au détail spécialiste de l'électronique grand public, ou la possession d'un département spécialisé, le point de vente physique devant être perçu comme étant professionnel et de qualité ; la vente et la promotion pourra se faire via un site internet qui doit être préalablement agréé par la société Samsung ; les techniques de vente de nature à nuire à l'image des produits sont prohibées ; la présentation des produits dans le point de vente physique doit permettre une identification des produits Elite aisée, dans une espace à la superficie suffisante ; les produits présentés doivent être en nombre suffisant et la mise en exergue de la technologie « smart interaction » suffisante, le personnel doit être formé et le service de qualité. Ces critères sont tous objectifs, ceux-ci étant clairement détaillés et explicité dans ladite annexe 3. - ces critères ne vont pas au-delà du nécessaire, ceux-ci étant justifiés au regard de la nature et de la qualité technologique des produits visés et adaptés à ces produits sans disproportion. En effet, au regard de la nature des produits, il est justifié que la société Samsung demande à ses détaillants Elite d'avoir un point de vente physique, de sorte que les produits puissent être exposés et expliqués au regard des technologies innovantes qu'ils contiennent, permettant ainsi au consommateur de se voir expliqué physiquement lesdites fonctionnalités, un site internet isolé ne permettant pas une présentation complète et un échange global du consommateur au vendeur, qui recherchera d'abord plutôt des explications par un vendeur dans un point de vente physique. En outre, la vente par internet des produits Samsung par le détaillant agréé étant autorisée, la clause est donc proportionnée. Dans ces conditions, le réseau de distribution sélective de la société Samsung de ses produits de la gamme Elite est licite au regard de l'article 101, § 1, du TFUE et en droit national il n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce. Le contrat de distribution sélectif étant licite au regard de l'article 101, § 1, du TFUE, il n'y a pas lieu d'examiner les règles d'exemption définies par l'article 101, § 3, du TFUE ou de l'article 3 du Règlement CA n° 330-2010, ces dispositions n'ayant vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse d'un réseau déclaré illicite au regard de l'article 101, § 1, du TFUE, afin de l'exempter de l'application des dispositions de cet article et donc examiner son éventuelle licéité au regard de ces textes d'exemption, étant relevé que la société Concurrence n'invoque pas les dispositions des articles 4 et 5 dudit Règlement. Enfin, le réseau étant déclaré licite, la condition de commercialisation par le détaillant des produits Elite dans un point de vente physique aux côtés d'un site internet n'est pas en soit discriminatoire à son égard, alors qu'il souhaite commercialiser les produits Elite uniquement par l'intermédiaire de son site internet, et ne répondant donc pas, dans ces conditions, aux critères objectifs posés par la société Samsung pour être agréé. Les demandes de la société Concurrence sur ce point doivent être rejetées. 1°) ALORS QUE les téléviseurs produits de la gamme Elite de la société Samsung, dotés de la technologie « smart interaction » permettant à l'utilisateur d'interagir avec le téléviseur ne présentent pas un degré de technicité tel qu'un système de distribution sélective soit justifié pour en préserver la qualité ou en assurer le bon usage ; que la société Samsumg vend en dehors de tout système de distribution sélective des produits au moins aussi sophistiqués que des téléviseurs, tels des ordinateurs et des smartphones que le consommateur moyen parvient à maîtriser sans l'assistance d'un vendeur ; qu'en jugeant licite le système de distribution sélective mis en place par la société Samsung la cour d'appel a violé les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ; 2°) ALORS QUE la clause imposant la détention d'un magasin physique pour la vente de téléviseurs haut de gamme a pour objet de restreindre la concurrence, et constitue un critère qui va bien au-delà de ce qui serait nécessaire au bon fonctionnement du réseau, qu'elle présente donc un caractère discriminatoire ; que le critère de détention d'un magasin physique est en effet doublement anticoncurrentiel, en ce qu'il génère d'une part un risque d'éviction des opérateurs « pure players », non seulement de la distribution de ces téléviseurs haut de gamme, mais aussi de la distribution de tous autres téléviseurs et en ce que l'éviction des opérateurs « pure players » risque d'autre part de limiter considérablement la concurrence par les prix sur le marché de la vente de téléviseurs ; qu'en jugeant licite le système de distribution sélective mis en place par la société Samsung la cour d'appel a violé les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ; 3°) ALORS QUE la société Samsung ne peut bénéficier d'une exemption au titre du Règlement (UE) n° 330/2010 relatif à des catégories d'accords verticaux et au titre des articles 101, § 3, TFUE ou L. 420-4 du code de commerce, dès lors qu'elle dispose d'une position prépondérante sur le marché de la vente de téléviseurs, avec une part de marché en valeur supérieure à 30 % depuis plus de 3 ans et de 36 % en 2013, que si un marché distinct était identifié pour la vente de téléviseurs haut de gamme, la part de marché de Samsung s'élèverait à environ 50 %, et Samsung serait ainsi en position dominante sur ce marché ; qu'un réseau de distribution sélective n'est susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle au titre des articles 101, § 3, TFUE du code de commerce, que si il améliore la distribution des produits et les restrictions qu'il emporte sont indispensables pour atteindre ces améliorations ; que tel n'étant pas le cas, en jugeant licite le système de distribution sélective mis en place par la société Samsung la cour d'appel a violé le Règlement (UE) n° 330/2010 relatif à des catégories d'accords verticaux et les articles 101, § 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce. SEPTIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur la nullité de 3 clauses du contrat de distribution sélective) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à la nullité de trois clauses du contrat de distribution sélective déclarées illicites par la Commission Européenne, à savoir, la mise en service dans toute l'Europe, la démonstration à domicile pour les ventes internet, et un délai de rétractation de 30 jours, et à la réparation du préjudice subi AUX MOTIFS QUE Sur la nullité de 3 clauses du contrat de distribution sélective et le refus de livraison du 1er mars au 27 septembre 2012 La société Concurrence reproche à la société Samsung d'avoir inséré en 2012 trois clauses nulles dans le contrat de distribution sélective, qui imposaient la mise en service et l'installation dans toute l'Europe pour les ventes en magasin, la démonstration à domicile avant un éventuel achat pour les internautes habitant à plus de 100 kms du magasin, et un délai de rétractation porté à 30 jours. Elle en déduit qu'elle a subi un préjudice relatif au refus de livraison par la société Samsung des produits Elite du fait de la nullité de ces clauses du 1er mars au 27 septembre 2012. La société Samsung réplique que son contrat de distribution est licite et que la seule cause du défaut de livraison des produits Elite à la société Concurrence durant cette période est le refus de signature du contrat de distribution sélective en raison de la contestation par celle-ci de très nombreuses clauses de ce contrat et non spécialement ces 3 clauses. Elle en conclut que seule la société Concurrence est responsable de cette suspension des livraisons jusqu'à la signature par elle du contrat de distribution sélective et son agrément par elle au mois de septembre 2012. La cour constate d'abord que les clauses dont la validité est contestée par la société Concurrence ne sont pas reproduites et leur désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, ces clauses n'étant pas identifiable, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle. En tout état de cause, la société Concurrence demande la réparation de son préjudice du fait du refus de vente de la société Samsung du fait de la nullité de trois clauses du contrat de distribution sélective, alors qu'il ressort clairement des différents échanges entre les parties à compter du 28 février 2012 (pièces Samsung 93 à 102) que les négociations entre les parties portaient sur de très nombreux points contractuels de tous ordres et que la société Concurrence contestait l'application de différentes clauses la concernant, de sorte qu'il ne peut être soutenu que le délai pour qu'elle ait été agréée uniquement le 20 septembre 2012 par la société Samsung soit la conséquence de la nullité de 3 clauses contractuelles. Le lien de causalité entre la faute alléguée, à la supposer établie, et le préjudice invoqué, n'est pas démontré par la société Concurrence. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. 1°) ALORS QUE la cour d'appel était parfaitement en mesure d'identifier les trois clauses contractuelles litigieuses, dès lors qu'elle disposait des contrats de distribution sélective ; qu'en prétextant que les clauses dont la validité est contestée par la société Concurrence ne sont pas reproduites et leur désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, la cour d'appel a manqué à son office, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'en retenant qu'il ne peut être soutenu que le délai pour qu'elle (la société Concurrence) ait été agréée uniquement le 20 septembre 2012 par la société Samsung soit la conséquence de la nullité de 3 clauses contractuelles, la cour d'appel s'est nécessairement référée à ces trois clauses contractuelles et a ainsi entaché sa décision d'une contradiction de motifs ; 3°) ALORS QU'il résulte de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-D-07 du 23 juillet 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des produits bruns, en particulier des téléviseurs, qui a été versée aux débats, que la société Concurrence a allégué le caractère illicite des contrats de distribution sélective de Samsung et leur application discriminatoire, et versé plusieurs modèles ou extraits de contrats de son fournisseur, notamment ceux de 2012 et 2014 auxquels elle a adhéré ; que concernant la licéité de cette convention, la Commission européenne a sollicité la suppression de la clause de démonstration à domicile pour les achats en ligne et de celle d'augmentation à 30 jours du délai de rétractation, ainsi que la modification de celle d'installation dans toute l'Europe ; qu'il apparaît que la clause 5.2, b) du contrat de 2012 prévoyant l'installation et la mise en service des produits ELITE dans toute l'Europe a été maintenue en des termes identiques dans la nouvelle version de septembre 2012, et que si le contrat de distribution sélective 2014 de Samsung adopte une formulation plus prudente, l'acte renvoie cependant à la notion de « Zone d'Installation » dont le périmètre n'est pas défini ; qu'ainsi la cour d'appel était parfaitement en mesure d'identifier les trois clauses contractuelles litigieuses, dès lors qu'elle disposait des contrats de distribution sélective et de la décision précitée de l'Autorité de la concurrence ; qu'en se refusant à constater leur illicéité la cour d'appel a violé les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. HUITIÈME MOYEN DE CASSATION (Sur l'interdiction de vente sur « market place ») ll est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Concurrence tendant à la nullité de l'interdiction de vente sur les market place AUX MOTIFS QUE Sur l'interdiction de vente sur des market place La société Concurrence considère également que l'interdiction de revente des téléviseurs Elite sur market place constitue une restriction caractérisée de concurrence. Elle demande à ce que soit prononcée la nullité de cette clause. Elle indique d'ailleurs que cette question est soumise à l'examen de la Commission européenne et de l'Autorité de la concurrence. Elle soutient qu'il ressort de la décision de l'Autorité de la concurrence du 24 octobre 2018, que l'interdiction de la vente sur market place pouvait être autorisée sous certaines conditions, notamment que les produits interdits justifient l'usage d'un contrat de distribution sélective. Or elle estime que tel n'est pas le cas en l'espèce, les téléviseurs Elite ne nécessitant pas le recours à un réseau de distribution sélective. Elle estime que cette clause est en outre mise en oeuvre de manière discriminatoire, ce qui justifie également sa nullité. Elle soutient avoir bénéficié depuis 2010 de dérogations, tel que cela ressort notamment d'un courrier du président de la société Samsung du 9 décembre 2011, de sorte qu'elle a pu développer son activité par ce biais, laquelle représentait 50 % de son activité. Or en 2012 elle explique que la société Samsung a mis fin à ces dérogations de manière brutale, sans le moindre préavis, la contraignant à cesser la commercialisation des produits Elite pas ce biais. Elle demande à la cour de prononcer la nullité de la clause et autoriser la société Concurrence à vendre sur marketplaces. La société Samsung estime que la société Concurrence ne peut réclamer réparation d'un préjudice qu'elle aurait subi ni du fait de la stipulation d'une clause portant définition d'un périmètre de zone d'installation pour le service d'installation à proposer au consommateur, dès lors que cette clause a fait l'objet d'un accord entre les parties, ni en raison de la clause d'interdiction de revente sur market place, cette clause n'étant pas prohibée dans une distribution sélective dès lors qu'elle ne constitue pas per se une restriction caractérisée, la Commission et l'Autorité de la concurrence n'ayant d'ailleurs pas invalidé cette clause. Elle ajoute n'avoir jamais accepté que la société Concurrence procède à la vente de ses produits sur le site de market place Amazon, puisque par courrier de mise en demeure elle lui demandait de « cesser toute commercialisation de Produits Elite sur la marketplace Amazon sous 48 heures) à réception de la présente lettre ». Là encore, la cour constate d'abord que la clause, dont la validité est contestée par la société Concurrence, n'est pas reproduite et sa désignation par un numéro dans le contrat n'est pas reprise, de sorte que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, cette clause n'étant pas identifiable, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle. En tout état de cause, la société Concurrence explique que son préjudice est né du fait de la nullité de cette clause, qui seule peut désormais être constatée en l'absence d'un contrat de distribution sélective, alors qu'il a été jugé ci-dessus que le contrat de distribution sélective des produits Elite de la société Samsung est licite, de sorte qu'aucun préjudice ne peut être réclamé par la société Concurrence à ce titre. ALORS QUE la cour d'appel était parfaitement en mesure d'identifier la clause d'interdiction du market place qui figure à l'annexe 2 article 1.3 du contrat de distribution sélective des produits Samsung 2012 et qui est inchangé pour 2013 et 2014 et 2015 dès lors qu'elle disposait des contrats de distribution sélective ; qu'en jugeant que la cour ne sait pas quelle clause spécifique est remise en cause dans le cadre de cette instance, cette clause n'étant pas identifiable, la seule référence générale à son objet ne pouvant suffire à saisir la cour d'une demande en nullité d'une clause contractuelle, la cour d'appel a manqué à son office, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. NEUVIEME MOYEN DE CASSATION (Sur la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Concurrence de sa demande relative à la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective version 2013 AUX MOTIFS QUE Sur la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective version 2013 L'article 4 du contrat sélectif 2013 article 4 était rédigé comme suit : « L'agrément suppose que le Détaillant Elite ait convenu par ailleurs de conditions d'achats-vente par écrit (convention annuelle) avec l'entité l'approvisionnant en produits ELITE, à savoir (i) Samsung, et/ou (ii) tout Détaillant Elite ou grossiste Elite. Le Détaillant Elite s'engage à respecter cette condition en permanence pendant l'exécution du présent Contrat ». La société Concurrence demande la nullité de l'article 4 du contrat de distribution sélective dans sa version 2013, en raison de son inapplication dans les faits. Mais, la société Samsung réplique à juste titre qu'elle a mis fin à ses relations commerciales avec la société Concurrence au 30 juin 2013 et qu'il lui appartenait de rechercher des solutions alternatives. Elle ne peut reprocher à la société Samsung que les autres détaillants ou grossistes n'aient pas signé avec elle des conditions d'achats-vente. En outre, après la fin licite de la relation commerciale avec la société Concurrence par la société Samsung au 30 juin 2013, la société Concurrence ne peut reprocher à la société Samsung de ne pas signer de contrat d'achats-vente avec elle en produits Samsung. Il convient par ailleurs de relever que le défaut d'application d'une clause, à le supposer établi, ne peut constituer une cause de nullité d'une clause contractuelle. Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Concurrence de ce chef. ALORS QUE il appartient au fournisseur de faire respecter le contrat sélectif qu'il a signé avec les distributeurs agréés ; qu'en l'espèce la clause 4 du contrat de distribution sélective détaillant consiste à veiller à ce que le détaillant soit en mesure de s'approvisionner en Produits Elite auprès d'un fournisseur agréé pour vendre ces produits, ce qui suppose qu'il lui soit proposé des conditions d'achat-vente ; que la société Concurrence, détaillant agréé puisqu'ayant signé avec Samsung le contrat de distribution sélective, était donc fondée à se plaindre auprès de Samsung de ce que l'article 4 du contrat n'était pas appliqué par les grossistes, les centrales d'achats et les revendeurs, qui ont refusé par principe de répondre à ses demandes, ce qui lui a interdit de pouvoir acheter des produits ELITE ; qu'en rejetant sa demande la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Sur le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures durant l'exécution du préavis, à rapprocher :Com., 10 février 2015, pourvoi n° 13-26.414, Bull. 2015, IV, n° 19 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 679 FS-B Pourvoi n° W 21-10.614 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Vacama, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-10.614 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Pastificio Service SL, société de droit espagnol, dont le siège est [Adresse 2] (Espagne), 2°/ à la société La Tagliatella, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Vacama, de la SCP Didier et Pinet, avocat des sociétés Pastificio Service SL et La Tagliatella, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2020), le 6 juillet 2012, la société Vacama, exploitant un restaurant, a conclu un contrat de franchise avec la société de droit espagnol Pastificio Service SL, contenant une clause compromissoire. La société Pastificio Service SL a cédé le contrat de franchise à la société La Tagliatella, en demeurant néanmoins le fournisseur exclusif de toutes les denrées alimentaires utilisées par les restaurants du réseau. 2. Estimant avoir été abusée du fait d'un concept déficitaire en France comme en Allemagne, la société Vacama a engagé une procédure d'arbitrage en saisissant, en 2016, la Chambre de commerce internationale (la CCI), désignée par les parties dans le contrat de franchise pour régler leurs différends, aux fins d'annulation de ce contrat. Le 22 mars 2018, la CCI s'est dessaisie, faute d'avoir reçu des parties l'intégralité de la provision à valoir sur les frais d'arbitrage. 3. Un jugement du 9 avril 2018 a mis la société Vacama en procédure de sauvegarde, M. [L] étant désigné administrateur et la société Etude Balincourt étant désignée mandataire judiciaire. 4. Le 5 juin 2018, M. [L], ès qualités, a été mis en demeure par la société La Tagliatella de prendre parti sur la continuation du contrat de franchise. Le 26 juin suivant, estimant que le contrat comprenait deux conventions autonomes, le contrat de franchise stricto sensu et la clause compromissoire, l'administrateur a répondu qu'il résiliait avec effet immédiat la clause compromissoire, ce qui avait pour conséquence, selon lui, de permettre la saisine du tribunal de commerce du litige initié devant le tribunal arbitral, et qu'il demandait au juge-commissaire une prolongation du délai de réponse pour le contrat de franchise stricto sensu, laquelle a été accordée, pour une durée de deux mois, par une ordonnance du 6 juillet 2018. Aucune réponse n'a été apportée par l'administrateur dans le délai ainsi prorogé. 5. La société La Tagliatella a formé un recours contre l'ordonnance. Par un jugement du 19 octobre 2018, le tribunal, retenant que le débat sur la dissociation ou non du contrat de franchise et de la clause compromissoire relevait du juge du fond, s'est déclaré incompétent au titre de la demande de clause compromissoire, a invité les parties à saisir la juridiction compétente, a rejeté toutes les demandes de la société La Tagliatella, confirmé l'ordonnance du juge-commissaire et constaté la résiliation du contrat de franchise. 6. Le 18 septembre 2018, la société Vacama et son mandataire judiciaire ont assigné les sociétés La Tagliatella et Pastificio Service SL devant le tribunal aux fins d'annulation du contrat de franchise, pour dol et pour absence de transmission par le franchiseur d'un savoir-faire économiquement exploitable, et d'indemnisation du préjudice subi. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La société Vacama fait grief à l'arrêt de dire le tribunal incompétent pour connaître du litige en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 6 juillet 2012 et de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse, ou lorsque l'administrateur répond à la mise en demeure, dans le délai d'un mois, en décidant expressément de résilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur avait été mis en demeure par la société La Tagliatella de se prononcer sur la poursuite du contrat de franchise, sur le fondement de l'article L. 622-13 du code de commerce, ledit contrat comportant une clause compromissoire ; qu'elle a également constaté que l'administrateur avait répondu au franchiseur dans le délai d'un mois, en opérant à juste titre une distinction entre le contrat de franchise stricto sensu et la convention d'arbitrage autonome stipulée dans le même instrumentum, la cour d'appel constatant enfin la décision expresse de l'administrateur consistant à résilier la clause compromissoire avec effet immédiat ; qu'en refusant néanmoins de constater la résiliation de la convention d'arbitrage, et dire la juridiction étatique incompétente au profit de la juridiction arbitrale, à défaut de mise en demeure adressée par la société La Tagliatella à M. [L] lui demandant de prendre parti sur la continuation de la convention d'arbitrage, et faute de saisine par l'administrateur du juge-commissaire pour ordonner une telle résiliation sur le fondement de l'article L. 622-13, IV, du code de commerce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, l'article L. 622-13, III, du code de commerce et, par fausse application, l'article L. 622-13, IV, du même code ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Vacama faisait valoir que la décision de l'administrateur concernant la résiliation de la convention d'arbitrage était devenue définitive, faute de recours formé par le franchiseur contre cette décision devant le juge-commissaire sur le fondement de l'article R. 621-21 du code de commerce ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant de nature à établir le caractère définitif de la résiliation décidée par l'administrateur, pour se borner à énoncer, de manière générale, abstraite et inopérante, qu'en présence d'une clause d'arbitrage le juge-commissaire doit se déclarer incompétent au profit de l'arbitre en vertu du principe dit de "compétence-compétence", à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement inapplicable ou nulle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article 1447 du code de procédure civile que la convention d'arbitrage, qui est indépendante du contrat auquel elle se rapporte, a pour objet le droit d'action attaché aux obligations découlant du contrat et non la création, la modification, la transmission ou l'extinction de ces obligations. Il se déduit de cet objet qu'elle n'est pas un contrat en cours, au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, dont l'exécution pourrait être ou non exigée par l'administrateur. 9. La réponse de l'administrateur de la société Vacama à la mise en demeure délivrée, le 5 juin 2018, par la société La Tagliatella, selon laquelle il résiliait avec effet immédiat la seule clause compromissoire, ne pouvait donc produire aucun effet. 10. L'arrêt constate qu'il n'est pas allégué en l'espèce que la clause compromissoire était manifestement nulle et retient, sans être critiqué, qu'elle n'était pas manifestement inapplicable. 11. Il en résulte que le litige, qui opposait la société Vacama aux franchiseurs, relevait de la convention d'arbitrage et que les juridictions étatiques étaient incompétentes pour en connaître. 12. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Vacama aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Vacama. La société Vacama fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le tribunal de commerce de Montpellier incompétent pour connaître du litige au profit d'un tribunal arbitral constitué sous l'égide de la Chambre du Commerce International de Paris (CCI) en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 6 juillet 2012, et d'avoir débouté la société Vacama de ses demandes ; 1°) ALORS QUE le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse, ou lorsque l'administrateur répond à la mise en demeure, dans le délai d'un mois, en décidant expressément de résilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur avait été mis en demeure par la société La Tagliatella de se prononcer sur la poursuite du contrat de franchise, sur le fondement de l'article L. 622-13 du code de commerce, ledit contrat comportant une clause compromissoire (arrêt p. 2, 3 et 7) ; qu'elle a également constaté que l'administrateur avait répondu au franchiseur dans le délai d'un mois, en opérant à juste titre une distinction entre le contrat de franchise stricto sensu et la convention d'arbitrage autonome stipulée dans le même instrumentum, la cour d'appel constatant enfin la décision expresse de l'administrateur consistant à résilier la clause compromissoire avec effet immédiat (arrêt attaqué, p. 7) ; qu'en refusant néanmoins de constater la résiliation de la convention d'arbitrage, et dire la juridiction étatique incompétente au profit de la juridiction arbitrale, à défaut de mise en demeure adressée par la société Tagliatelle à M. [L] lui demandant de prendre parti sur la continuation de la convention d'arbitrage, et faute de saisine par l'administrateur du juge-commissaire pour ordonner une telle résiliation sur le fondement de l'article L. 622-13 IV du code de commerce (arrêt attaqué, p. 7), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, l'article L. 622-13 III du code de commerce et, par fausse application, l'article L. 622-13 IV du même code ; 2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Vacama faisait valoir que la décision de l'administrateur concernant la résiliation de la convention d'arbitrage était devenue définitive, faute de recours formé par le franchiseur contre cette décision devant le juge-commissaire sur le fondement de l'article R. 621-21 du code de commerce (conclusions p. 11 et 12) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant de nature à établir le caractère définitif de la résiliation décidée par l'administrateur, pour se borner à énoncer, de manière générale, abstraite et inopérante, qu'en présence d'une clause d'arbitrage le juge-commissaire doit se déclarer incompétent au profit de l'arbitre en vertu du principe dit de « compétence-compétence », à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement inapplicable ou nulle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Sur la portée d'une clause compromissoire en présence d'une procédure collective, à rapprocher : 1re Civ., 1er avril 2015, pourvoi n° 14-14.552, Bull. 2015, I, n° 76 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 696 F-B Pourvoi n° Y 20-18.593 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Ziegler France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 20-18.593 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [U], domicilié [Adresse 7], [Localité 2] (Suisse), 2°/ à la société Transafos, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 6], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Ziegler France, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Transafos, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 octobre 2019), M. [U] a fait l'acquisition auprès de la société Tradimpex d'un navire dont le transport entre [Localité 5] (Emirats Arabes Unis) et [Localité 4] (France) a été confié à la société Ami International, suivant un connaissement du 20 mai 2012. A l'arrivée du navire, le 24 juin 2012, la société Ziegler France (la société Ziegler), mandatée par M. [U], l'a reçu sans réserve et l'a acheminé jusqu'à l'entrepôt de la société Transafos, à [Localité 6], laquelle l'a également reçu sans réserve, le 11 juillet 2012, et l'a entreposé sur son parking extérieur clôturé. Le 30 octobre 2012, M. [U] s'est présenté dans les locaux de la société Transafos et a établi avec cette dernière la constatation écrite de divers dégâts et manquants. 2. Le 28 octobre 2013, la société Ziegler a assigné la société Transafos afin de voir juger qu'elle était responsable des dommages causés au navire, qu'elle serait tenue de la relever et garantir de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle et de lui payer une certaine somme au titre des réparations. Les 10 et 13 mars 2015, M. [U] a assigné respectivement la société Transafos et la société Ziegler en indemnisation de son préjudice. Les deux instances ont été jointes. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société Ziegler fait grief à l'arrêt rectifié de rejeter sa demande en condamnation de la société Transafos à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. [U], alors : « 1°/ que le commissionnaire de transport a qualité à agir en garantie contre son substitué s'il est assigné par la victime du dommage, sans avoir à dédommager cette dernière ni à s'engager à le faire ; que le défaut de qualité à agir du commissionnaire de transport contre son substitué est régularisable tant qu'il n'a pas été statué sur cette action, peu important que cette régularisation intervienne après l'échéance du délai de prescription de cette action ; qu'en retenant que l'action en garantie engagée par la société Ziegler contre la société Transafos dans le délai de prescription était irrecevable comme prescrite, au seul constat qu'elle n'avait pas désintéressé M. [U] ni ne s'était engagée à le faire avant l'expiration de ce délai, tout en relevant que celui-ci l'avait assignée en responsabilité avant qu'il n'ait été statué sur cette action en garantie, ce qui suffisait à régulariser son défaut de qualité à agir initial, la cour d'appel a violé les articles 31 et 126 du code de procédure civile ; 2°/ que le commissionnaire de transport est recevable à agir contre son substitué à fin déclaratoire tant qu'il n'a pas été assigné par la victime du dommage ; que le juge doit alors statuer sur cette demande et déclarer irrecevables les demandes en paiement éventuellement formulées contre ce substitué, qui sont divisibles de la demande formulée à titre déclaratoire ; qu'ayant constaté que, dans son assignation contre la société Transafos, la société Ziegler demandait à être "relevée et garantie de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle", la cour d'appel, en déclarant irrecevable cette demande formulée à titre déclaratoire au motif que l'assignation comportait également une demande en paiement pour laquelle la société Ziegler n'avait pas encore qualité à agir, a violé l'article 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Le commissionnaire de transport dont la responsabilité est recherchée en tant qu'il est garant de ses substitués, ne justifie d'un intérêt à exercer à l'encontre de ces derniers une action principale en garantie que s'il a désintéressé le créancier d'indemnité ou s'est obligé à dédommager ce créancier qui a accepté d'attendre le résultat de la procédure engagée par le commissionnaire contre ses substitués ou leurs assureurs. La régularisation, jusqu'à ce que le juge statue, de la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir d'une telle action en garantie, exercée à titre principal, ne peut résulter que de l'indemnisation du créancier ou de l'engagement d'indemniser pris par le commissionnaire de transport. 5. Après avoir relevé que le délai de prescription convenu entre les sociétés Transafos et Ziegler était d'un an à compter de l'exécution de la prestation litigieuse du contrat, soit le 30 octobre 2012, jour du constat contradictoire des dommages, établi par M. [U] et la société Transafos, l'arrêt relève que la société Ziegler a assigné cette dernière le 28 octobre 2013 en paiement d'une somme de 13 613 euros au titre des réparations sur le navire de M. [U] mais qu'elle n'a ni désintéressé ce dernier ni pris l'engagement de le faire. 6. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit à bon droit que l'action engagée par la société Ziegler n'était pas une action déclaratoire mais une action principale en garantie et que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir de cette action n'avait pas été régularisée, la cour d'appel a exactement retenu que l'assignation en garantie délivrée par la société Ziegler à la société Transafos n'avait pas interrompu le délai de prescription. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Ziegler France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ziegler France et la condamne à payer à la société Transafos la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Ziegler France. La société Ziegler France fait grief à l'arrêt attaqué (arrêt n°2019/344 du 17 octobre 2019, tel que rectifié par l'arrêt r n°2020/84 du 1er juillet 2020) D'AVOIR rejeté sa demande en condamnation de la société SAS Transafos à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. [E] [U] ; 1°) ALORS QUE le commissionnaire de transport a qualité à agir en garantie contre son substitué s'il est assigné par la victime du dommage, sans avoir à dédommager cette dernière ni à s'engager à le faire ; que le défaut de qualité à agir du commissionnaire de transport contre son substitué est régularisable tant qu'il n'a pas été statué sur cette action, peu important que cette régularisation intervienne après l'échéance du délai de prescription de cette action ; qu'en retenant que l'action en garantie engagée par la société Ziegler contre la société Transafos dans le délai de prescription était irrecevable comme prescrite, au seul constat qu'elle n'avait pas désintéressé M. [U] ni ne s'était engagée à le faire avant l'expiration de ce délai, tout en relevant que celui-ci l'avait assignée en responsabilité avant qu'il n'ait été statué sur cette action en garantie, ce qui suffisait à régulariser son défaut de qualité à agir initial, la cour d'appel a violé les articles 31 et 126 du code de procédure civile ; 2°) ALORS en toute hypothèse QUE le commissionnaire de transport est recevable à agir contre son substitué à fin déclaratoire tant qu'il n'a pas été assigné par la victime du dommage ; que le juge doit alors statuer sur cette demande et déclarer irrecevables les demandes en paiement éventuellement formulées contre ce substitué, qui sont divisibles de la demande formulée à titre déclaratoire ; qu'ayant constaté que, dans son assignation contre la société Transafos, la société Ziegler demandait à être « relevée et garantie de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle », la cour d'appel, en déclarant irrecevable cette demande formulée à titre déclaratoire au motif que l'assignation comportait également une demande en paiement pour laquelle la société Ziegler n'avait pas encore qualité à agir, a violé l'article 31 du code de procédure civile. Sur la régularisation du défaut d'intérêt à agir du commissionnaire de transport, à rapprocher : Com., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.195, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 681 F-B Pourvoi n° F 21-13.613 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ La société Laugier Saint-Germain, société civile immobilière, 2°/ la société Nevile Foster Delaunay Belleville (NFDB), société anonyme, toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], et représentées par leur liquidateur amiable M. [S] [K], ont formé le pourvoi n° F 21-13.613 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [Z] [V], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à la société [V] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V] et de la société [V] Yang-Ting, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Riffaud, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), la société Nevile Foster Delaunay Belleville (la société NFDB), exerçant l'activité de marchande de biens immobiliers, a été mise en redressement judiciaire le 4 mai 2004, puis en liquidation judiciaire le 10 mai 2005. La procédure a été étendue à sa filiale la SCI Laugier Saint-Germain (la société Laugier). La société [V] Yang-Ting, en la personne de Mme [V], a été successivement désignée mandataire judiciaire puis liquidateur. 2. La clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif a été prononcée le 21 janvier 2015. Le compte rendu de fin de mission du liquidateur a été déposé et notifié aux sociétés NFDB et Laugier le 3 mars 2015. 3. Le 6 octobre 2015, les sociétés NFDB et Laugier ont désigné M. [K], en qualité de liquidateur amiable, lequel a demandé à l'administration fiscale, le 26 janvier 2016, un remboursement de crédit de TVA pour le compte de la société NFDB afférent aux dépenses engagées après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire pendant la période 2006-2012. La demande a été déclarée irrecevable par l'administration fiscale pour cause de prescription le 8 juillet suivant. 4. Considérant que le liquidateur judiciaire avait commis une faute engageant sa responsabilité personnelle en omettant d'entreprendre les formalités permettant d'obtenir le remboursement du crédit de TVA, les sociétés NFDB et Laugier l'ont assigné en paiement de dommages et intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Laugier et la société NFDB font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors : « que la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, arrêt du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique, dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Mme [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité "d'assujettie" au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. La société [V] Yang-Ting et Mme [V] contestent la recevabilité du moyen en soutenant que celui-ci, qui part du postulat qu'il aurait existé un lien direct et immédiat entre les paiements litigieux et l'activité antérieure de la société NFDB, introduit devant la Cour de cassation une discussion purement factuelle qui aurait dû être étayée en cause d'appel, et est nouveau et mélangé de fait et de droit. 7. Cependant la cour d'appel ayant déjà été saisie du moyen dont la recevabilité est contestée, celui-ci n'est pas nouveau. 8. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 271 du code général des impôts : 9. Aux termes du premier texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération, et la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. 10. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit (CJCE, arrêt du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03), d'une part, que selon les termes de l'article 4, § 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil du 10 avril 1995, la notion d'assujetti est définie en relation avec celle d'activité économique et que c'est l'existence d'une telle activité qui justifie la qualification d'assujetti qui se voit reconnaître, par la sixième directive, le droit à déduction. Elle a dit pour droit, d'autre part, que les coûts des opérations réalisées par une société assujettie pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérés comme inhérents à l'activité économique, de sorte que le droit à déduction doit lui être reconnu si ces opérations présentent un lien direct et immédiat avec l'activité, pour autant que sa mise en oeuvre ne donne pas lieu à des situations frauduleuses ou abusives, et que toute autre interprétation reviendrait à procéder à une distinction arbitraire entre, d'un côté, les dépenses effectuées pour les besoins d'une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci et celles réalisées au cours de ladite exploitation, et, de l'autre, les dépenses effectuées pour mettre fin à cette exploitation. 11. L'administration fiscale considère ainsi qu'une entreprise qui a cessé son activité commerciale mais qui continue de supporter des dépenses afférentes à cette activité est considérée comme un assujetti et peut déduire la TVA sur les montants acquittés, pour autant qu'il existe un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive est établie et qu'il en est ainsi notamment de la TVA ayant grevé les honoraires des mandataires liquidateurs (BOI-TVA-DED-50-20-20). 12. Pour retenir que le liquidateur n'avait commis aucune faute, l'arrêt retient que la perte de la qualité de redevable ouvrant droit au remboursement d'un crédit de TVA résulte de l'impossibilité pour l'assujetti de récupérer, par voie d'imputation sur les taxes dont il est redevable, le crédit dont il disposait, qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA, et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il ait cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il ait cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA. Ayant relevé qu'en l'espèce, il était constant et non contesté que le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité, l'arrêt retient ensuite que cette société, représentée par Mme [V], ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts au sein du port de [Localité 3], ce qui constituait son activité antérieure, étant observé que le bail qui la liait au Port Autonome de [Localité 4] avait été résilié le 30 août 2000, et que le liquidateur établit, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation, que la société NFDB n'a, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession était soumise à la TVA. Il en déduit que la société NFDB a perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvant plus être récupérée par la société NFDB, le liquidateur n'avait commis aucune faute en ne demandant pas le remboursement d'un crédit de TVA afférent aux opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire. 13. En statuant ainsi, alors que la société NFDB n'avait pas perdu sa qualité d'assujettie du seul fait de sa cessation d'activité, et qu'elle pouvait déduire la TVA grevant les dépenses engagées pour mettre fin à son exploitation après le jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, en obtenant, à la demande de son liquidateur, le remboursement du crédit de TVA ainsi généré, pour autant qu'il existait un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale ou qu'ils aient été exposés pour mettre fin à l'exploitation et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive était établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société [V] Yang-Ting et Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [V] Yang-Ting et Mme [V] et les condamne à payer à la société Nevile Foster Delaunay Belleville et à la société Laugier Saint-Germain la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique (pt. 24), dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction (pt. 26), le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités (pt. 25) ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité « d'assujettie » au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 2°) ALORS QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 15 s.), la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE, 22 février 2001, Abbey National, aff. C-408/98, CJCE 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03 ; CJUE, 22 octobre 2015, Sveda, aff. C 126/14), ainsi que celle issue des juridictions administratives d'appel (Versailles, 19 juin 2012, n° 10VE00294 ; Paris, 11 décembre 2012 n° 11PA04376), d'où il résulte, notamment, qu'en application du système de neutralité du système de TVA, la société en liquidation conserve son droit à déduction de la TVA acquittée pendant le cours des opérations de cessation de son activé, de tels frais (opérations en amont) étant en lien avec les opérations qu'elles a menées pendant son activité (opérations en aval) ; qu'elle ont ensuite fait valoir que « les dépenses engagées par Me [V] étaient liées aux procédures judiciaires opposant la société NFDB au Port autonome et à ses sous-locataires et destinées à mettre fin à l'activité de location de la société et à restituer les locaux libres de toute occupation » et qu' « elles participaient des frais généraux de la société » (concl., p. 19), comme, ainsi que cela ressortait du compte analytique produit par le liquidateur lui-même, les factures réglées en 2012 au Port autonome de [Localité 4], les « encaissements de recouvrement de créances liés à l'activité antérieure de la société », les frais afférents aux cessions d'actifs et de toutes autres factures relatives à des frais généraux et mentionnant la TVA (concl., p. 20) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions établissant que la société NFDB pouvait récupérer la TVA acquittée par elle pendant le cours des opérations de liquidation, puisque découlant de dépenses effectuées pour liquider son exploitation, et ouvrant droit à déduction, dès lors qu'elles étaient en lien direct avec ladite exploitation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le Conseil d'Etat a dit pour droit (CE, 30 décembre 2011, n° 323188) qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il a cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il a cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que la perte de la qualité d'assujettie à la TVA ne découle pas d'un acte juridique en lui-même, tel un placement en liquidation judiciaire, mais de la réalité de la cessation d'activités permettant de déduire la TVA, même postérieurement au jugement de mise en liquidation, que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en retenant ainsi que la société NFDB avait, du fait de sa liquidation judiciaire, perdu sa qualité « d'assujettie », qualité qu'elle conservait nécessairement, nonobstant la perte, à la supposer avérée, de sa qualité de redevable, la cour d'appel a encore violé les articles 271, IV, du code général des impôts, 242-0 A de l'annexe II au même code, 242-0 C et 242-0 G de la même annexe, et R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 9-10) la faute commise par le liquidateur judiciaire qui a différé, sans raison valable, les opérations de clôture de la liquidation jusqu'au mois de novembre 2014 alors même qu'elle avait procédé au début de l'année 2012 à la vente du dernier immeuble appartenant au débiteur, qu'elle avait établi le 20 juin 2012 sa requête de taxation – tout en ne la déposant sans justification que le 27 juin 2013 -, qu'elle avait été la destinataire de nombreuses demandes tendant à ce que la liquidation soit clôturée, attendant ainsi encore 17 mois après le dépôt de sa requête en taxation pour déposer, le 17 novembre 2014, une requête aux fins de clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 10) la faute commise par le liquidateur judiciaire déduite de ce qu'elle avait soumis, le 17 novembre 2014, au tribunal une demande erronée inutile et coûteuse de désignation d'un liquidateur amiable, contraignant leur ancien dirigeant à interjeter appel et à obtenir une décision judiciaire conforme aux dispositions de l'article 1844-8 du code civil, ce qui a eu pour effet de retarder encore les opérations de liquidation d'un an jusqu'à l'arrêt du 15 septembre 2015 ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de leur demande d'expertise ; 1°) ALORS QUE les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible ; que, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, la cour d'appel, par adoption des motifs du premier juge, a énoncé que le liquidateur judiciaire a « communiqué le compte-rendu de fin de mission qu'elle a déposé à l'issue de la procédure de liquidation litigieuse en application de l'article R. 626-39 du code de commerce, mentionnant précisément la manière dont les fonds ont été distribués, sans que la réalité de cette distribution ne soit discutée », que « le fait que ladite répartition ne soit pas conforme à ce que le liquidateur avait annoncé en cours de procédure est indifférent », et, enfin, que « le trop-versé allégué en faveur d'un des créanciers, le Port autonome de [Localité 4], ne repose que sur les propres affirmations des sociétés demanderesses, à elles seules insuffisamment probantes, d'autant qu'aucune observation n'a été émise à ce sujet - ou un autre - à l'encontre du compte-rendu de fin de mission dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 précité du code de commerce » ; qu'en conditionnant ainsi l'expertise demandée à la formulation d'observations sur le compte rendu de fin de mission du liquidateur, dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 du code de commerce, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 143 du code de procédure civile une condition qu'il ne comporte pas, l'a nécessairement violé ; 2°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, auquel cas il lui appartient d'ordonner toute production ou mesure d'instruction nécessaires pour trancher l'entier litige ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par adoption des motifs du premier juge, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, cependant qu'il lui appartenait, si elle s'estimait insuffisamment éclairée par les éléments rapportés par ces dernières pour établir la responsabilité civile professionnelle du liquidateur judiciaire, d'ordonner une mesure d'expertise propre à lui permettre de trancher le litige, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. Sur la qualification d'assujetti, cf : CJCE, arrêt du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 638 F-B Pourvoi n° E 20-20.830 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-20.830 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant à la Société civile des Mousquetaires, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société civile des Mousquetaires, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2020) et les productions, M. [Y] est devenu associé de la Société civile des Mousquetaires (la SCM) en 1996, en acquérant vingt-sept parts au prix unitaire de 10 740 francs (1 637,30 euros). Le 7 décembre 1997, il a notifié son retrait de la SCM. Par assemblée générale du 16 juin 1998, la SCM a fixé la valeur de la part à 14 990 francs (2 285 euros) et ratifié la démission de M. [Y]. Une somme représentative de la valeur totale de ses parts ainsi calculée lui a été versée en quatre échéances, la dernière intervenant le 28 janvier 2002. 2. M. [Y] a contesté la valorisation de ses parts. En dernier lieu, par une ordonnance du 17 mars 2009, le président d'un tribunal de grande instance, saisi en application de l'article 1843-4 du code civil, a désigné M. [N], lequel a déposé son rapport le 20 février 2012, fixant la valeur unitaire de la part à 48 546 euros, en se fondant notamment sur les derniers résultats comptables obtenus en 2009 et 2010. 3. Sur le fondement de ce rapport, M. [Y] a, le 20 mars 2012, assigné la SCM devant le tribunal de grande instance en paiement du complément de la somme lui restant due sur ses parts, telles qu'évaluées par l'expert. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches Enoncé du moyen 5. M. [Y] reproche à l'arrêt d'annuler le rapport d'expertise déposé par M. [N] le 20 février 2012, de le débouter de l'intégralité de ses demandes et de dire que les frais de l'expertise seront supportés par moitié par chacune des parties, alors : « 1°/ que l'article 17-7 des statuts de la SCM prévoyait que "la société étant une société à capital variable, chaque associé dispose également de la possibilité de "démissionner", c'est-à-dire que souhaitant se retirer, il peut demander à la société de lui acheter ses parts. Dans ce cas, il doit adresser une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la gérance, qui dispose d'un délai de deux mois pour lui répondre. La gérance peut accepter elle-même la décision mais sous réserve de ratification par la plus proche réunion des associés statuant dans les conditions de quorum et de majorité requises pour les décisions ordinaires, laquelle fixe également les conditions et les délais du paiement de la valeur des parts, à moins que ces modalités aient été fixées par le Règlement Intérieur. En cas de démission, les parts sont achetées par la société par diminution du capital effectif et des réserves. La valeur retenue est celle déterminée par le Règlement Intérieur. A défaut, elle est fixée par l'assemblée des associés qui statue sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance. En cas de contestation, la valeur est déterminée à dire d'Expert, comme indiqué ci-dessus en matière de cession" ; qu'il résulte uniquement de cette clause que l'assemblée générale saisie pour ratifier la décision qui peut être prise par la gérance d'accepter la "démission" d'un associé, fixe les conditions et délais du paiement de la valeur des parts, et que la valeur des parts de l'associé désirant se retirer de la SCM est celle déterminée par le règlement intérieur, ou à défaut celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance, sans que ne soit déterminée la date devant être prise en considération pour évaluer les parts de l'associé retrayant ; qu'en jugeant que, "en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations", de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la société SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, la cour d'appel a dénaturé l'article 17-7 des statuts de la SCM, en violation de l'article 1134, devenu 1192, du code civil, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents qui sont soumis à leur examen ; 2°/ qu'en toute hypothèse, en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en jugeant qu'en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations, de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, quand cette clause se bornait à prévoir que la valeur des parts de l'associé retrayant était celle fixée par le règlement intérieur ou à défaut, celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou l'acceptation de celle-ci par la gérance, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une clause statutaire qui dérogerait au principe selon lequel la valeur des droits de l'associé retrayant doit être fixée à la date la plus proche possible du remboursement, a méconnu les articles 1134, devenu 1103, et 1843-4 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 ; 4°/ qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que la valeur des parts de M. [Y] devait être déterminée à la date à laquelle la démission de M. [Y] avait été acceptée par l'assemblée générale de la SCM, soit le 16 juin 1998, date à laquelle cette assemblée générale avait également fixé la valeur des parts sociales de M. [Y], la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles 1843-4 et 1869 du code civil qu'en l'absence de dispositions contraires des statuts, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits, auquel il est procédé selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts, sans préjudice du droit pour l'associé qui conteste cette valeur, de la faire déterminer, à la date du remboursement ainsi effectué, par un expert désigné dans les conditions prévues par le premier de ces textes. 7. Si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que la date à laquelle est statutairement fixée l'évaluation des parts est nécessairement celle, s'imposant à l'expert, du jour où est officiellement acté le retrait de l'associé, soit en l'espèce en 1998, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors qu'en se plaçant à la date d'établissement de son rapport, en 2012, et non à la date à laquelle la SCM a, le 28 janvier 2002, remboursé ses parts sociales à M. [Y] à la valeur fixée par l'assemblée des associés, l'expert a commis une erreur grossière. 8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. 9. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y] et le condamne à payer à la Société civile des Mousquetaires la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [Y]. M. [K] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le rapport d'expertise rendu par M. [N] le 20 février 2012, de l'avoir débouté de l'intégralité de ses demandes et d'avoir dit que les frais de l'expertise seraient supportés par moitié par chacune des parties ; Alors 1°) que l'article 17-7 des statuts de la Société Civile des Mousquetaires (pièce n° 1 produite devant la cour d'appel par M. [Y]) prévoyait que « la société étant une société à capital variable, chaque associé dispose également de la possibilité de « démissionner », c'est-à-dire que souhaitant se retirer, il peut demander à la société de lui acheter ses parts. Dans ce cas, il doit adresser une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la gérance, qui dispose d'un délai de deux mois pour lui répondre. La gérance peut accepter elle-même la décision mais sous réserve de ratification par la plus proche réunion des associés statuant dans les conditions de quorum et de majorité requises pour les décisions ordinaires, laquelle fixe également les conditions et les délais du paiement de la valeur des parts, à moins que ces modalités aient été fixées par le Règlement Intérieur. En cas de démission, les parts sont achetées par la société par diminution du capital effectif et des réserves. La valeur retenue est celle déterminée par le Règlement Intérieur. A défaut, elle est fixée par l'Assemblée des Associés qui statue sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance. En cas de contestation, la valeur est déterminée à dire d'Expert, comme indiqué ci-dessus en matière de cession » ; qu'il résulte uniquement de cette clause que l'assemblée générale saisie pour ratifier la décision qui peut être prise par la gérance d'accepter la « démission » d'un associé fixe les conditions et délais du paiement de la valeur des parts, et que la valeur des parts de l'associé désirant se retirer de la SCM est celle déterminée par le règlement intérieur, ou à défaut celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance, sans que ne soit déterminée la date devant être prise en considération pour évaluer les parts de l'associé retrayant ; qu'en jugeant qu' « en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations », de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la société SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, la cour d'appel a dénaturé l'article 17-7 des statuts de la SCM, en violation de l'article 1134 (devenu 1192) du code civil, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents qui sont soumis à leur examen ; Alors 2°) et en toute hypothèse, qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en jugeant qu'en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations, de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, quand cette clause se bornait à prévoir que la valeur des parts de l'associé retrayant était celle fixée par le règlement intérieur ou à défaut, celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou l'acceptation de celle-ci par la gérance, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une clause statutaire qui dérogerait au principe selon lequel la valeur des droits de l'associé retrayant doit être fixée à la date la plus proche possible du remboursement, la cour d'appel a méconnu les articles 1134 (désormais 1103) et 1843-4 du code civil (ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014) ; Alors 3°) et en outre que sous l'empire de l'article 1843-4 du code civil, dans sa version applicable antérieurement à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, l'expert désigné sur le fondement de ce texte est libre du choix de la méthode d'évaluation des titres sociaux et n'est en particulier pas tenu par celle choisie par les parties, ou par les critères d'évaluation qui pourraient résulter des statuts ; qu'en faisant application de l'article 17-7 des statuts de la SCM prévoyant que l'assemblée générale de la société statuant sur l'acceptation de la démission fixerait également les conditions et délais de paiement de la valeur des parts, et qui disposait qu'en cas de démission, les parts seraient rachetées par la société à une valeur déterminée par le règlement intérieur ou à défaut, fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou l'acceptation de celle-ci par la gérance, la cour d'appel, sous couvert de déterminer la date à laquelle l'expert devait se placer pour évaluer les droits sociaux de M. [Y], a imposé à l'expert une modalité d'évaluation de ces droits, en violation de l'article 1843-4 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014) ; Alors 4°) et enfin qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement de première instance, p. 14-15), que la valeur des parts de M. [Y] devait être déterminée à la date à laquelle la démission de M. [Y] avait été acceptée par l'assemblée générale de la SCM, soit le 16 juin 1998, date à laquelle cette assemblée générale avait également fixé la valeur des parts sociales de M. [Y], la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014). Sur la date d'évaluation des droits sociaux de l'associé en cas de retrait, à rapprocher : Com., 4 mai 2010, pourvoi n° 08-20.693, Bull. 2010, IV, n° 85 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 658 F-B Pourvoi n° Z 20-19.077 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [L] [V]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 Mai 2021 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [R] [V], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-19.077 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société HEP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à M. [L] [V], domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [V], de Me Balat, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juin 2020), la société à responsabilité limitée HEP a été constituée le 5 mai 2014 entre Mme [V], M. [V] et M. [D], Mme [V] en étant la gérante. 2. La société HEP a notamment pour objet social l'exploitation d'un café, bar, brasserie ainsi que toutes opérations immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à cette exploitation. Elle a, pour exercer son activité, conclu le 17 juillet 2014 un bail commercial portant sur un local à usage commercial situé à [Localité 4] (Hauts-de-France). 3. La SCI des Collières, constituée entre Mme [V] et M. [D], a, le 14 mars 2017, acquis l'immeuble comprenant le local à usage commercial loué par la société HEP pour exercer son activité. 4. M. [V] a, par un acte du 1er septembre 2017, assigné Mme [V] et la société HEP, représentée par Mme [V], aux fins de voir condamner Mme [V] à payer des sommes en réparation de son préjudice et de celui subi par la société HEP. Mme [V] a opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que la société HEP n'était pas valablement représentée faute de désignation d'un mandataire ad hoc. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de dire que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué à son devoir de loyauté à l'égard de M. [V] et de la condamner à payer à M. [V] une somme en réparation de son préjudice moral, et sur le quatrième moyen, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que la société HEP n'est pas régulièrement représentée dans l'instance relative à l'action sociale exercée par M. [V], de dire que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué à son devoir de loyauté à l'égard de la société HEP et de la condamner à payer à la société HEP une somme à titre de dommages-intérêts Enoncé du moyen 6. Mme [V] fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir présentée en défense, de dire qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et, en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP engageant sa responsabilité, et de condamner Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce, avec intérêts au taux légal, alors : « 1° / qu'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui se prononce sur les mérites de l'action ut singuli tant que la société n'est pas valablement représentée à l'instance ; qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'en retenant pourtant que "l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action" , la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 2°/ qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'il appartient à la juridiction saisie de désigner ce mandataire ad hoc ; qu'en retenant, par motifs propres et éventuellement adoptés, que M. [V] n'avait pas qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc et que Mme [V] n'avait elle-même pas formé une demande aux fins de désignation d'un tel mandataire ad hoc, quand il appartenait au juge lui-même de procéder à cette désignation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 3°/ que le représentant légal de la société en exercice se trouve nécessairement en état de conflit d'intérêts lorsque l'action ut singuli est exercée à son encontre, et non contre l'un de ses prédécesseurs ; qu'en retenant pourtant qu'en l'absence de demande de Mme [V] contre la société HEP, il n'existerait pas de conflit d'intérêts, quand Mme [V], partie dont était sollicitée la condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la société HEP, était représentant légal de la société HEP, la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 223-32 du code de commerce et les principes qui régissent l'excès de pouvoir : 7. Selon ce texte, lorsque l'action sociale est intentée par un associé, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux. Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l'instance lorsqu'il existe un conflit d'intérêts entre celle-ci et ses représentants légaux. 8. Il en résulte que l'action sociale exercée par un associé n'est recevable que si la société est régulièrement représentée dans l'instance. Lorsqu'il existe un conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société ne peut être régulièrement représentée que par un mandataire ad hoc, qu'il appartient au juge de désigner à la demande de l'associé ou du représentant légal ou, le cas échéant, d'office. 9. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que la société HEP n'était pas régulièrement représentée dans l'instance relative à l'action sociale exercée par M. [V] et condamner Mme [V] à payer à cette société des dommages-intérêts en réparation de son préjudice, l'arrêt, après avoir constaté, dans son en-tête, que Mme [V] était assignée à la fois à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de la société HEP, retient, par motifs propres et adoptés, que si l'action ut singuli exige, en raison de sa nature sociale, la mise en cause régulière de la société par l'intermédiaire de son représentant légal, l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action, que Mme [V] ne sollicite pas elle-même la désignation d'un mandataire ad hoc et qu'il n'existe pas de conflit d'intérêts entre cette dernière et la société HEP, dès lors que Mme [V] ne forme aucune demande à l'encontre de la société. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme [V] avait été assignée à la fois à titre personnel et en tant que représentante légale de la société HEP et que, par suite, il existait un conflit d'intérêts entre la société HEP, prétendument victime des agissements de sa gérante, et cette dernière, ce dont elle aurait dû déduire qu'elle devait désigner un mandataire ad hoc pour que la société HEP soit régulièrement représentée, peu important qu'elle n'ait pas été saisie d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il écarte la fin de non-recevoir soulevée par Mme [V] et en ce qu'il dit que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP et la condamne à verser à la société HEP la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, l'arrêt rendu le 11 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne M. [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme [V]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la fin de non-recevoir présentée en défense, d'avoir dit qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP engageant sa responsabilité, et d'avoir condamné Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal, et d'avoir condamné Mme [V] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la recevabilité des demandes : que la cour relève en premier lieu qu'aucune des parties n'a fait signifier ses écritures à la société HEP partie défaillante ; que pour autant les demandes de M. [L] [V] ne sont pas faites contre la société HEP mais à son profit, et Mme [R] [V] ne forme pas plus de demande à l'encontre de la société HEP ; que Mme [R] [V] conclut à l'irrecevabilité des demandes de M. [L] [V] faute de désignation d'un mandataire ad hoc appelé à représenter dans la présente procédure la société HEP ; qu'elle expose que ses intérêts sont divergents de ceux de la société HEP et que cette dernière n'est pas valablement représentée dans le cadre de la procédure ; qu'il résulte de l'article L223-22 du Code de commerce que le gérant d'une société est tenu à l'égard tant de la société que de ses associés à une obligation de loyauté et qu'il engage sa responsabilité si l'inexécution de cette obligation engendre un préjudice ; que selon l'article R223-32 du même code : "Lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs associés, agissant soit individuellement, soit dans les conditions prévues à l'article R. 223-31, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux. Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l'instance, lorsqu'il existe un conflit d'intérêt entre celle-ci et ses représentants légaux" ; qu'ainsi, la loi autorise l'exercice de l'action sociale par un associé agissant individuellement à l'effet d'obtenir, outre l'allocation de dommages et intérêts à son profit, l'allocation de dommages et intérêts au profit de la société ; qu'il s'agit donc d'un droit propre des associés de présenter des demandes en réparation au profit de la société ; qu'en conséquence, si l'action ut singuli exige, en raison de sa nature sociale, la mise en cause régulière de la société par l'intermédiaire de son représentant légal, l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action ; que la fin de non-recevoir soulevée par l'action de Mme [R] [V], qui ne sollicite pas elle-même une telle désignation d'un mandataire ad hoc et qui au demeurant ne forme aucune demande à l'encontre de la société HEP, sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef» ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « si elle estimait se trouver en conflit d'intérêts, il appartenait à la gérante de la personne morale, co-assignée de solliciter la désignation d'un mandataire distinct chargé de représenter cette société dans le cadre du présent procès, tandis que le demandeur, associé de la SARL et non pas son représentant, n'avait pas qualité à solliciter une telle désignation ; que l'absence de requête en telle désignation de la part de Mme [R] [D]-[V], première défenderesse, ne rend pas pour autant irrecevable l'action de M. [L] [V], étant aussi observé qu'aucune demande n'est d'ailleurs présentée au fond par la gérante envers la SARL, d'où l'absence de conflit d'intérêts en ce sens ; que la fin de non-recevoir sera donc écartée et qu'il sera statué par jugement réputé contradictoire, sachant quant au fond et au vu de l'article 472 du CPC, qu'envers la partie non comparante il ne peut être fait droit à la demande que dans la mesure où elle se trouve bien fondée » ; 1/ ALORS QU'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui se prononce sur les mérites de l'action ut singuli tant que la société n'est pas valablement représentée à l'instance ; qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'en retenant pourtant que « l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action », la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 2/ ALORS QU'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'il appartient à la juridiction saisie de désigner ce mandataire ad hoc ; qu'en retenant, par motifs propres et éventuellement adoptés, que M. [V] n'avait pas qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc et que Mme [V] n'avait elle-même pas formé une demande aux fins de désignation d'un tel mandataire ad hoc, quand il appartenait au juge lui-même de procéder à cette désignation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 3/ ALORS QUE le représentant légal de la société en exercice se trouve nécessairement en état de conflit d'intérêts lorsque l'action ut singuli est exercée à son encontre, et non contre l'un de ses prédécesseurs ; qu'en retenant pourtant qu'en l'absence de demande de Mme [V] contre la société HEP, il n'existerait pas de conflit d'intérêts, quand Mme [V], partie dont était sollicitée la condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la société HEP, était représentant légal de la société HEP, la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'avoir dit qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté tant à l'égard de la société HEP que de M. [V], engageant sa responsabilité, d'avoir condamné Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal, et d'avoir condamné Mme [V] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS QUE : « sur la faute de gestion reprochée à Mme [V] : que l'action ut singuli de M. [L] [V] est fondée sur le droit commun des sociétés en vertu duquel le gérant d'une société est tenu d'une obligation de loyauté et ne doit pas commettre de faute de gestion ; qu'il reproche à Mme [R] [V], gérante de la SARL HEP, d'avoir gardé le silence quant au projet de cession de l'immeuble d'exploitation de la société HEP et des garages associés, d'avoir acquis par l'intermédiaire de la SCI des Collières l'ensemble immobilier litigieux au détriment des intérêts de la société HEP et d'avoir ainsi commis des fautes de gestion qui ont causé un préjudice direct et certain tant à la société HEP qu'à lui-même en sa qualité d'associé minoritaire de ladite société ; que Mme [R] [V] fait valoir en substance qu'elle n'a réalisé aucune manoeuvre au préjudice de son frère ou de la société HEP, laquelle n'avait pas pour objet social l'acquisition de biens immobiliers et ne disposait d'aucune capacité financière à procéder à l'acquisition des locaux litigieux ; elle ajoute que le bailleur n'avait aucune obligation de notifier à l'un de ses locataires le projet de cession globale, raison pour laquelle le notaire du bailleur s'est contenté d'une présentation informelle et orale de la mise en vente d'un ensemble immobilier et qu'elle n'avait elle-même aucune raison de convoquer une assemblée générale des associés de la société HEP pour les informer de la mise en vente d'un ensemble immobilier comprenant notamment le bien constituant le local commercial au sein duquel le fonds de commerce était exploité ; qu'elle poursuit en indiquant que son frère, [L] [V], était informé de la vente de l'immeuble par les anciens propriétaires et se prévaut à l'appui de cette affirmation d'attestations dont celle de M. [D], ainsi que du courrier que lui a adressé M. [V] le 2 mars 2017 ; qu'il est constant que figure parmi les obligations du dirigeant social celle de veiller et d'agir en toute circonstance dans l'intérêt exclusif de la société et qu'à ce titre, son comportement ne doit pas affecter la situation ou le développement économique de la société ; que de façon plus générale, il est tenu d'agir en toutes circonstances de bonne foi dans l'intérêt de la société et de ses associés ; qu'il convient donc en l'espèce de rechercher si Mme [R] [V] a agi dans le respect de cette obligation ; que Mme [R] [V] a, en sa qualité de gérante de la société HEP, été avertie par le bailleur et/ou le notaire habituel des parties que le bailleur entendait céder une partie de son patrimoine immobilier, dont principalement l'immeuble exploité par la société HEP et les garages attachés, et M. [L] [V] démontre avoir eu connaissance de cette information par un tiers ; qu'à cet égard l'attestation de M. [D] selon laquelle les trois associés étaient informés de la décision de la fille des propriétaires de procéder à la vente de l'ensemble immobilier ne peut emporter la conviction de la cour dès lors que le témoin est le concubin de Mme [V], lui-même associé de la société HEP et par ailleurs cogérant avec Mme [V] de la SCI des Collières créée spécifiquement en vue de l'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 3] ; que les autres attestations produites par Mme [R] [V] selon lesquelles M. [L] [V] était présent lors de l'annonce de la mise en vente de l'immeuble le 18 septembre 2016, sont tout aussi dénuées de portée, quel que soit l'endroit, le jour ou l'heure où M. [V] fêtait son anniversaire, dès lors que les témoins ne font état que d'une prétendue discussion informelle entre le notaire et Mme [V] à laquelle aurait assisté M. [V], ce d'autant qu'il résulte aussi d'un autre témoignage que Mme [V] a indiqué courant janvier 2017 que l'immeuble n'était pas à vendre et qu'en tout état de cause il n'était pas dans ses intentions de l'acheter ; qu'enfin le courrier de M. [L] [V] adressé à sa soeur Mme [V] le 2 mars 2017, soit 12 jours avant la signature de l'acte de vente du bien intervenue le 14 mars 2017, resté sans réponse, et aux termes duquel, ce dernier se fondant sur la croyance erronée de l'existence d'un droit de préemption au profit de la société HEP, sollicitait des informations "sur la vente de l'immeuble" n'est pas de nature à dispenser Mme [V], dirigeante de la société HEP, de sa propre obligation de loyauté et d'information en cette qualité ; qu'il résulte de ces éléments qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières constituée à cet effet le 23 décembre 2016 et immatriculée le 3 février 2017, et dont elle est cogérante avec son concubin M. [D], Mme [R] [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société tant à l'égard de la société HEP en tant que personne morale qu'à l'égard de M. [L] [V] en tant qu'associé ; qu'elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité et susceptible de causer un préjudice » ; ALORS QUE ne manque pas à son devoir de loyauté le dirigeant social qui informe ses associés de son projet d'acquisition de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté l'existence d'un « courrier de M. [L] [V] adressé à sa soeur Mme [V] le 2 mars 2012, soit 12 jours avant l'acte de vente du bien intervenu le 14 mars 2017, resté sans réponse, et aux termes duquel, ce dernier se fondant sur la croyance erronée de l'existence d'un droit de préemption au profit de la société HEP, sollicitait des informations « sur la vente de l'immeuble » » ; qu'il en résultait nécessairement que M. [V], avant même la vente, était informé de l'existence du projet d'acquisition de Mme [V], de sorte que cette dernière avait rempli ses obligations ; qu'en retenant pourtant que cette lettre ne serait « pas de nature à dispenser Mme [V], dirigeante de la société HEP, de sa propre obligation de loyauté et d'information en cette qualité » (arrêt, p. 5, dernier alinéa), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 223-22 du code de commerce. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS QUE : « sur le préjudice : que s'agissant de la société HEP, l'appelant invoque la perte de chance de préserver ses intérêts et limiter tout risque de contentieux lié à un bail commercial, de réaliser des économies quant au règlement des loyers commerciaux, de réaliser des profits sur l'exploitation de son patrimoine immobilier et d'accroître les actifs immobilisés et donc le gage de ses créanciers ; que M. [L] [V] fait ainsi valoir que la société HEP a perdu une chance certaine d'acquérir l'immeuble en cause et de réaliser de substantielles économies et de réels profits. Il indique que la société HEP aurait eu la capacité financière d'acquérir l'immeuble, notamment avec son intervention, et qu'elle avait d'ailleurs tout intérêt à l'acquérir, que le bail qui lui est consenti par la SCI Des Collières pour la location des locaux servant à l'exploitation de son fonds de commerce représente à lui seul un loyer mensuel de 1 950 euros et que l'ensemble des loyers perçus par la SCI des Collières s'élèverait a minima à la somme de 2 430 euros chaque mois, que le bénéfice mensuel minimal est donc de 2 880 euros une fois le crédit amorti sur 15 ans et verse aux débats en pièce n° 15 un "tableau de calcul du préjudice de la société HEP actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble" chiffrant le préjudice de la société HEP sur une durée de 30 ans à la somme de 645 073, 20 euros [..] ; que Mme [R] [V] réplique que la société HEP ne pouvait réaliser une opération immobilière, qu'elle n'a subi aucun préjudice ni n'a été écartée d'aucun profit potentiel faute pour elle de disposer des ressources qui lui auraient permis l'acquisition de ses locaux d'exploitation, que la société est titulaire d'un bail commercial notarié et bénéficie donc de la garantie accordée par le statut des baux commerciaux à tout locataire commercial, en ce compris le droit au renouvellement ; qu'elle ajoute que les réclamations personnelles de M. [V] font le cas échéant double emploi puisque celui-ci ne peut à la fois voir reconstituer par une action ut singuli un actif social dont il serait bénéficiaire au prorata de sa détention dans le capital social, et formuler par ailleurs la même demande à l'encontre de la même personne physique que celle qui aurait à restaurer l'actif social ; qu'il résulte des statuts de la société HEP que celle-ci avait notamment pour objet social d'acquérir l'immeuble litigieux dès lors qu'il permettait de sauvegarder directement ou indirectement ses intérêts commerciaux ou financiers ; que la société HEP a donc été privée de la possibilité de faire entrer dans son patrimoine un immeuble dont la valeur a été estimée à 345 000 euros en 2017 ; que par ailleurs, si la société HEP n'avait manifestement pas les capacités financières de procéder à l'acquisition de l'immeuble, M. [L] [V] se plaignant lui-même de difficultés dans un courrier adressé à Mme [R] [V] daté du 11 mars 2019 et faisant suite à une assemblée du 11 décembre 2018, il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire, la SCI des Collières, cogérée par Mme [R] [V] ayant elle-même acquis l'immeuble au moyen d'un prêt consenti par la Banque Populaire du Nord, remboursable en 15 ans par mensualités de 2 176,26 euros avec un taux d'intérêt de 1, 5 % selon l'acte de cession versé aux débats ; qu'enfin l'acquisition de l'immeuble rendait nécessairement le bail commercial dont bénéficie la société HEP sans objet et la demande de remboursement de son compte courant d'associé par M. [L] [V] n'a aucune incidence sur le préjudice subi par la société HEP ; que le loyer mensuel de la société HEP est à ce jour de 1 950 euros ; que le coût du crédit octroyé à la SCI des Collières pour l'acquisition de l'immeuble est de 2 176, 26 euros sur une durée de 15 ans et la SCI perçoit actuellement des revenus locatifs de 750 euros par mois qui seront portés à 810 euros mensuels lorsque le deuxième garage sera loué, et dont devront être déduites les charges foncières imputables au propriétaire ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la perte de chance de la société HEP doit être fixée à la somme de 50 000 euros » ; 1/ ALORS QUE le manquement du dirigeant qui omet d'informer la société et ses associés de son projet d'acquisition immobilière, dont il a eu connaissance à l'occasion de son mandat social, ne cause un dommage à la société que si elle était en mesure elle-même de mener à bien l'acquisition ; qu'il est donc nécessaire que l'acquisition immobilière ait été susceptible de s'inscrire dans l'objet social de la société ; qu'en l'espèce, Mme [V] soulignait dans ses conclusions qu'avait été mis en vente un ensemble immobilier comprenant non seulement le local au sein duquel était exploité le fonds de commerce, mais également des locaux à usage d'habitation et deux garages totalement étrangers à l'exploitation commerciale de la société HEP, de sorte que l'opération excédait son objet social (conclusions, p. 7) ; qu'en retenant pourtant qu' « il résulte des statuts de la société HEP que celle-ci avait notamment pour objet social d'acquérir l'immeuble litigieux dès lors qu'il permettait de sauvegarder directement ou indirectement ses intérêts commerciaux ou financiers » (arrêt, p. 7, alinéa 2), sans s'expliquer, comme elle était invitée à le faire, sur la circonstance que l'immeuble litigieux était un ensemble immobilier dont l'usage excédait sensiblement les nécessités de l'exploitation commerciale et financière du fonds de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-22 du code de commerce ; 2/ ALORS QU'il appartient à celui qui se prétend victime d'un dommage d'en établir l'existence ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'est pas établi qu'elle [la société HEP] n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire » pour financer l'acquisition d'un montant de 345 000 euros, quand il incombait à M. [V], agissant au bénéfice de la société HEP, d'établir l'existence du supposé dommage causé par la prétendue faute de Mme [V], la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 3/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le manquement du dirigeant qui omet d'informer la société et ses associés de son projet d'acquisition immobilière, dont il a eu connaissance à l'occasion de son mandat social, ne cause un dommage à la société que si elle était en mesure elle-même de mener à bien l'acquisition ; qu'il est donc nécessaire que la société ait été en mesure de financer l'acquisition litigieuse ; qu'en l'espèce, Mme [V] soulignait dans ses conclusions qu'il résultait du premier bilan de la société HEP, pour la période du 5 mai 2014 au 30 juin 2015, que la société était très endettée dès sa création puisqu'elle avait acquis à crédit un fonds de commerce d'une valeur nette de 112 000 euros, qu'elle restait devoir au titre de l'emprunt une somme de 93 601 €, et que son capital social n'était que de 5 000 euros ; qu'elle établissait encore que le deuxième exercice s'était soldé par une perte de 5 630 euros, et que le troisième exercice ne révélait un bénéfice comptable de la société HEP que de 14 595 euros ; que Mme [V] versait aux débats, au soutien de ce moyen, les trois premiers bilans comptables de la société HEP (pièces n° 1 à 3) ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire » pour financer l'acquisition d'un montant de 345 000 euros sans s'expliquer, serait-ce sommairement, sur ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Mme [V] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, et ce avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS QUE : « sur le préjudice [...] : s'agissant de son propre préjudice, M. [L] [V] invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre ultérieurement ses parts sociales avec valorisation ; que compte tenu du fait qu'il détient 30 % du capital de la société HEP, il évalue son préjudice personnel à la somme de 193 521, 96 euros selon "tableau de calcul du préjudice de M. [V] actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble" qu'il produit en pièce n° 16 ; qu'enfin il invoque un préjudice moral résultant du fait que la gérante de la société HEP est sa soeur en qui il avait pleine confiance, ajoutant que sans son intervention financière, la société HEP n'aurait pas pu exister ni prospérer et qu'il se retrouve désormais associé minoritaire dans une société au climat délétère, qu'il évalue à la somme de 15 000 euros [...] ; que s'agissant du préjudice personnel de M. [L] [V], celui-ci invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre à meilleur prix ses parts sociales ; que l'indemnisation de ce préjudice personnel ne fait pas double emploi avec celui subi par la société dès lors qu'il est expressément prévu par l'article L223-22 du Code du commerce en sus de l'action sociale en responsabilité contre les gérants ; qu'il est rappelé que les dividendes n'ont pas d'existence juridique avant l'approbation de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé ; que ces conditions multiples, ajoutées au fait qu'en l'espèce Mme [R] [V] et M. [D] sont associés majoritaires de la SARL HEP rendent la perte de chance invoquée par M. [L] [V] totalement incertaine ; que par ailleurs, s'il est possible de considérer que l'acquisition des murs aurait augmenté la valeur de la société, encore aurait-il fallu que celle-ci ait pu supporter le remboursement total du prêt d'acquisition, ce qui n'est pas plus certain en l'espèce ; qu'il en résulte que M. [L] [V] qui ne démontre pas une perte de chance certaine, doit être débouté de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice personnel ; qu'il a en revanche subi un préjudice moral de par la perte de confiance en son associée, qui est par ailleurs sa soeur, qui sera réparée par l'octroi de la somme de 3 000 euros » ; ALORS QUE Mme [V] soulignait dans ses conclusions que la faute qui lui était imputée n'était pas à l'origine du dommage moral invoqué par son frère dès lors que leurs relations s'étaient dégradées de longue date, de sorte que si M. [V] avait perdu confiance en sa soeur, cette circonstance n'était en rien imputable à l'acquisition litigieuse (conclusions, p. 12) ; qu'en retenant pourtant que M. [V] aurait « subi un préjudice moral de par la perte de confiance en son associée, qui est par ailleurs sa soeur » (arrêt, p. 8, alinéa 1er), sans aucunement rechercher si ce préjudice était imputable à la faute supposée de Mme [V], ou s'il ne résultait pas d'une dégradation antérieure de leurs relations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-22 du code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 768 F-B Pourvoi n° C 21-16.048 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société MJ Synergie, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [E] [T], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Loire Offset Titoulet, a formé le pourvoi n° C 21-16.048 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [J] [C], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de président de la société Loire Offset Titoulet, 2°/ à M. [F] [U], domicilié [Adresse 2], 3°/ à la société Star Lease, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société MJ Synergie, ès qualités, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Star Lease, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 4 mars 2021), le 18 mars 2011, la société Star Lease (le crédit-bailleur) a conclu avec la société Loire Offset Titoulet (le crédit-preneur) un contrat de crédit-bail portant sur une machine d'impression. 2. Le 28 octobre 2011, ce contrat a fait l'objet d'une mesure de publicité, qui n'a pas été renouvelée avant l'expiration du délai de prescription de cinq ans prévu à l'article L. 313-11 du code monétaire et financier. 3. A la suite de la mise en redressement judiciaire du crédit-preneur, le 17 février 2016, son administrateur judiciaire, la société AJ Partenaires, a opté pour la poursuite du contrat de crédit-bail. 4. Par un jugement du 17 mai 2017, publié au BODACC le 1er juin 2017, le crédit-preneur a bénéficié d'un plan de redressement. 5. Un jugement du 9 janvier 2019 a prononcé la résolution de ce plan et ouvert la liquidation judiciaire du crédit-preneur, la société AJ Partenaires étant nommée en qualité d'administrateur judiciaire et la société MJ Synergie de liquidateur. 6. Le 12 février 2019, le crédit-bailleur a vainement mis en demeure l'administrateur judiciaire de se prononcer sur la poursuite du contrat de crédit-bail. 7. Par une lettre du 1er mars 2019, le crédit-bailleur a demandé à l'administrateur judiciaire d'acquiescer à son droit de propriété sur le bien objet du contrat de crédit-bail, nonobstant l'éventuelle poursuite de ce dernier. Par une lettre du 4 avril 2019, l'administrateur judiciaire a refusé, en indiquant qu'en l'absence de publicité de ce contrat, le droit de propriété était inopposable aux créanciers et ayants cause à titre onéreux du crédit-preneur, à défaut de justifier de ce que les intéressés avaient eu connaissance de l'existence de ces droits. 8. Par une lettre du 9 avril 2019, le crédit-bailleur a demandé au liquidateur d'acquiescer à son droit de propriété sur le bien objet du contrat de crédit-bail. Aucune réponse n'a été apportée à cette lettre. 9. Par une première requête du 9 avril 2019, le crédit-bailleur a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail, de reconnaître sa propriété sur le bien objet de ce contrat et de l'autoriser à appréhender ce bien. Une ordonnance du 4 juillet 2019 ayant déclaré cette requête irrecevable, le crédit-bailleur a formé un recours et un premier jugement du 30 septembre 2020 (RG n° 2019F01010) a infirmé cette décision et accueilli les demandes du crédit-bailleur. 10. Par une seconde requête du 22 mai 2019, le crédit-bailleur a saisi le juge-commissaire des mêmes demandes. Une ordonnance du 9 septembre 2019 a déclaré cette requête irrecevable, au motif qu'elle portait sur les mêmes demandes et matériel que ceux de la requête du 9 avril 2019. Statuant sur le recours formé par le crédit-bailleur, un second jugement du 30 septembre 2020 (RG n° 2019F01293) a infirmé cette ordonnance et accueilli les demandes du crédit-bailleur. 11. Le liquidateur a relevé appel des deux jugements du 30 septembre 2020 et la cour d'appel a prononcé la jonction des deux instances d'appel. Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes, de déclarer recevable et bien fondée l'action du crédit-bailleur, de reconnaître la qualité de propriétaire de ce dernier sur la machine d'impression en cause, de lui ordonner de restituer cette machine au crédit-bailleur et d'autoriser ce dernier à l'appréhender en quelques lieux et quelques mains qu'elle se trouve, alors « qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective, la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture ; que le propriétaire d'un bien n'est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété et de revendiquer dans ce délai que lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité ; que les contrats de crédit-bail sont soumis à une publicité sur un registre spécial tenu par le greffe du tribunal compétent, laquelle se prescrit par cinq ans, sauf renouvellement ; qu'à défaut de publicité ou de son renouvellement, le droit de propriété du crédit-bailleur est inopposable aux tiers, sauf à justifier que ces derniers ont eu connaissance de l'existence de ce droit ; que la publication du jugement arrêtant le plan de redressement judiciaire du crédit-preneur n'est pas de nature à pallier l'absence de publicité du crédit-bail ou l'absence de renouvellement de cette publicité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le bien litigieux avait fait l'objet d'un crédit-bail publié le 28 octobre 2011, mais sans qu'il soit justifié d'un renouvellement à l'issue du délai de prescription de cinq ans, soit à partir d'octobre 2016 ; qu'elle a néanmoins jugé que la société Star Lease, crédit-bailleur, était fondée à solliciter la restitution du bien loué, sans être soumise au délai de trois mois à compter de la publication du jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société Loire Offset Titoulet, au motif que "le contrat de crédit-bail a été expressément inclus dans le plan de redressement arrêté par le tribunal de commerce dans son jugement du 17 mai 2017, en ce qu'il apparaît dans le dispositif à la rubrique "les dettes de crédit-bail" ; la publication au BODACC de ce jugement le 1er juin 2017 a rendu opposables aux créanciers de Loire Offset Titoulet les dispositions de celui-ci relatives aux modalités de remboursement des créances arrêtées au plan, au nombre desquelles Star Lease du chef de son crédit-bail [?]" ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté qu'à la date du jugement ouvrant la liquidation judiciaire, le 9 janvier 2019, la publication du contrat de crédit-bail n'avait pas été renouvelée et avait expiré au mois d'octobre 2016, et tandis que la publication du jugement ayant arrêté le plan de continuation de la société Loire Offset Titoulet n'était pas de nature à rendre le droit de propriété de la société Star Lease opposable dans le cadre de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre du crédit-preneur, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9, L. 624-10 et L. 641-14 du code de commerce, ainsi que les articles L. 313-10, L. 313-11 et R. 313-3 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 624-10 et R. 624-15 du code de commerce, le premier étant applicable à la liquidation judiciaire en vertu de l'article L. 641-14 du même code, et les articles L. 313-10, L. 313-11, R. 313-3 et R. 313-10 du code monétaire et financier : 14. Il résulte de la combinaison des six premiers de ces textes que la demande de restitution d'un bien meuble formée par un crédit-bailleur, en application du premier, suppose que le contrat de crédit-bail en cause ait fait l'objet d'une publicité régulière avant le jugement ouvrant la procédure collective du crédit-preneur. 15. Selon le cinquième, en matière de crédit-bail mobilier, la publicité prévue à l'article L. 313-10 se prescrit par cinq ans, sauf renouvellement. 16. Il résulte du septième et dernier de ces textes que, si les formalités de publicité du contrat de crédit-bail n'ont pas été accomplies régulièrement, le crédit-bailleur ne peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de son client ses droits sur les biens dont il a conservé la propriété, sauf s'il établit que les intéressés avaient eu connaissance de l'existence de ces droits. Lorsque le crédit-preneur est soumis à une procédure collective, l'opposabilité à cette procédure des droits du crédit-bailleur sur le bien objet du contrat de crédit-bail non régulièrement publié suppose que le crédit-bailleur établisse que chacun des créanciers du crédit-preneur ait eu connaissance de l'existence de ses droits. 17. Pour accueillir l'action en restitution formée par la société Star Lease, l'arrêt relève que le contrat de crédit-bail a fait l'objet d'une publicité régulière le 28 octobre 2011, soit avant le premier jugement d'ouverture du 17 février 2016, puis il retient que, même s'il n'est pas justifié du renouvellement de cette publicité à l'issue du délai de prescription de cinq ans, soit à partir d'octobre 2016, ce contrat a néanmoins été expressément inclus dans le plan de redressement arrêté au profit du crédit-preneur, par le jugement du 17 mai 2017, ce contrat apparaissant dans le dispositif à la rubrique « les dettes de crédit-bail », et que la publication de ce jugement au BODACC, le 1er juin 2017, a rendu opposables aux créanciers du crédit-preneur les dispositions de ce jugement relatives aux modalités de remboursement des créances arrêtées au plan, parmi lesquelles celle détenue par la société Star Lease au titre du crédit-bail fondant son droit de propriété sur la machine d'imprimerie en cause. L'arrêt en déduit que, cette publication légale étant intervenue avant le jugement du 9 janvier 2019 ouvrant liquidation judiciaire du crédit-preneur, le droit de propriété de la société Star Lease sur cette machine, objet du contrat de crédit-bail signé le 18 mars 2011 avec le crédit-preneur, alors in bonis, s'impose à la liquidation judiciaire de ce dernier. 18. En statuant ainsi, alors que la publication du jugement arrêtant le plan de redressement du crédit-preneur n'est pas de nature à rendre le droit de propriété du crédit-bailleur opposable à la liquidation judiciaire du crédit-preneur, ce dont il résultait que la publication du jugement d'arrêté du plan de redressement de la société Loire Offset Titoulet, le 1er juin 2017, était dépourvue d'incidence sur la publicité du contrat de crédit-bail qui, non renouvelée, avait expiré depuis le mois d'octobre 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la jonction des instances d'appel et en ce que, confirmant les jugements entrepris, il dit recevable l'action de la société Star Lease et constate la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail au 12 mai 2019, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ; Condamne la société Star Lease aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Star Lease et la condamne à payer à la société MJ Synergie, en qualité de liquidateur de la société Loire Offset Titoulet, la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société MJ Synergie. La société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Loire Offset Titoulet, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les jugements déférés n°2019F010010 et n°1029F01293, de l'avoir ainsi déboutée de l'intégralité de ses demandes, d'avoir déclaré recevable et bien fondée l'action de la société Star Lease, d'avoir reconnu la qualité de propriétaire de la société Star Lease de la machine d'impression offset KBA Rapida 162A 5 couleurs portant le numéro de série 368649, de lui avoir ordonné de restituer à la société Star Lease cette même machine d'impression offset, et d'avoir autorisé la société Star Lease à appréhender en quelques lieux et quelques mains qu'elle se trouve, au besoin avec le recours de la force publique, cette même machine d'impression offset ; 1°) Alors qu' en cas d'ouverture d'une procédure collective, la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture ; que le propriétaire d'un bien n'est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété et de revendiquer dans ce délai que lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité ; que les contrats de crédit-bail sont soumis à une publicité sur un registre spécial tenu par le greffe du tribunal compétent, laquelle se prescrit par cinq ans, sauf renouvellement ; qu'à défaut de publicité ou de son renouvellement, le droit de propriété du crédit-bailleur est inopposable aux tiers, sauf à justifier que ces derniers ont eu connaissance de l'existence de ce droit ; que la publication du jugement arrêtant le plan de redressement judiciaire du crédit-preneur n'est pas de nature à pallier l'absence de publicité du crédit-bail ou l'absence de renouvellement de cette publicité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le bien litigieux avait fait l'objet d'un crédit-bail publié le 28 octobre 2011, mais sans qu'il soit justifié d'un renouvellement à l'issue du délai de prescription de cinq ans, soit à partir d'octobre 2016 (arrêt, p. 8 § 11) ; qu'elle a néanmoins jugé que la société Star Lease, crédit-bailleur, était fondée à solliciter la restitution du bien loué, sans être soumise au délai de trois mois à compter de la publication du jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société Loire Offset Titoulet, au motif que « le contrat de crédit-bail a été expressément inclus dans le plan de redressement arrêté par le tribunal de commerce dans son jugement du 17 mai 2017, en ce qu'il apparaît dans le dispositif à la rubrique « les dettes de crédit-bail » ; la publication au BODACC de ce jugement le 1er juin 2017 a rendu opposables aux créanciers de Loire Offset Titoulet les dispositions de celui-ci relatives aux modalités de remboursement des créances arrêtées au plan, au nombre desquelles Star Lease du chef de son crédit-bail [?] » (arrêt, p. 8 dernier §) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté qu'à la date du jugement ouvrant la liquidation judiciaire, le 9 janvier 2019, la publication du contrat de crédit-bail n'avait pas été renouvelée et avait expiré au mois d'octobre 2016, et tandis que la publication du jugement ayant arrêté le plan de continuation de la société Loire Offset Titoulet n'était pas de nature à rendre le droit de propriété de la société Star Lease opposable dans le cadre de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre du crédit-preneur, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9, L. 624-10 et L. 641-14 du code de commerce, ainsi que les articles L. 313-10, L. 313-11 et R. 313-3 du code monétaire et financier ; 2°) Alors que, subsidiairement, à supposer que la publication du jugement arrêtant le plan de redressement du crédit-preneur permette de rendre opposable aux tiers le droit de propriété du crédit-bailleur, nonobstant l'absence de publication régulière du contrat de crédit-bail, ce ne peut être qu'à la condition que ce jugement mentionne précisément le crédit-bail concerné, notamment en identifiant le bien qui en est l'objet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que la société Star Lease, crédit-bailleur, était fondée à solliciter la restitution du bien loué, sans être soumise au délai de trois mois à compter de la publication du jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société Loire Offset Titoulet, après avoir considéré que la publication du jugement arrêtant le plan de continuation de cette société avait rendu opposable aux tiers le contrat de crédit-bail, que ce jugement avait expressément inclus dans son dispositif à la rubrique « les dettes de crédit-bail » (arrêt, p. 8 dernier §) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 15 in fine), si la seule mention, dans le jugement arrêtant le plan de continuation, de l'existence d'un crédit-bail conclu avec la société Star Lease était insuffisante à caractériser la connaissance du crédit-bail litigieux par les tiers, en l'absence d'indication du matériel objet de ce contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 624-9, L. 624-10 et L. 641-14 du code de commerce, ainsi que des articles L. 313-10, L. 313-11 et R. 313-3 du code monétaire et financier. Sur les effets de la publication d'un jugement arrêtant un plan de cession à l'égard des droits d'un crédit-bailleur, à rapprocher :Com., 28 octobre 2008, pourvoi n° 07-16.443, Bull. 2008, IV, n° 179
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 762 F-B Pourvoi n° N 21-16.655 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Groupe Cahors, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-16.655 contre l'ordonnance rendue le 25 mars 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 op), dans le litige l'opposant à la société AJAssociés ([M] [F] & [P] [C]), société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [M] [F], administrateur judiciaire, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Groupe Cahors, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société AJAssociés, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 mars 2021), la société AJAssociés, désignée par le président d'un tribunal de commerce en qualité de conciliateur des sociétés composant le Groupe Cahors, a saisi ce président d'une demande de fixation de ses honoraires. La société Groupe Cahors a formé un recours contre l'ordonnance fixant la rémunération du conciliateur à une certaine somme. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance du 25 mars 2021 de rejeter sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance du 9 janvier 2020 et de fixer la rémunération de la société AJAssociés, alors « que dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Cahors demandait à la cour d'appel d'annuler l'ordonnance entreprise rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 9 janvier 2020 dès lors que le contradictoire s'imposait en première instance, à défaut de circonstances justifiant qu'il y soit dérogé, et n'avait pas été respecté à son égard, la décision ayant été rendue sur requête ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. Il résulte des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce que le président du tribunal de commerce, après avoir préalablement fixé les conditions de la rémunération du conciliateur, lesquelles sont subordonnées à l'accord du débiteur sur les critères de sa détermination et de son montant maximal, en arrête le montant par une ordonnance rendue sur requête. 5. La régularité de cette ordonnance, qui peut être frappée par le débiteur, le conciliateur et le ministère public, du recours institué à l'article R. 611-50 du code précité, n'étant pas subordonnée à l'organisation préalable d'un débat contradictoire, le premier président n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de l'absence d'un débat contradictoire devant le juge taxateur. 6. Le moyen ne peut donc être accueilli. Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance de fixer la rémunération de la société AJAssociés à la somme de 300 000 euros HT alors « que seul le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représente la société dans ses rapports avec les tiers ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire qu'il devait tenir compte du relevé diligences daté du 30 septembre 2019 pour fixer les honoraires de la société AJAssociés, que ce document avait été signé par M. [X], président du conseil d'administration de la SA Groupe Cahors, sans rechercher, comme il y était invité par la société Groupe Cahors, si M. [X] avait le pouvoir d'engager la SA Groupe Cahors, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 8. Tout jugement doit être motivé à peine de nullité. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 9. Pour fixer la rémunération de la société AJAssociés à la somme de 300 000 euros HT, l'arrêt retient que, le 30 septembre 2019, M. [X], président de la société Groupe Cahors a validé l'ensemble des diligences retranscrites par la société AJAssociés. 10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Groupe Cahors qui faisait valoir que cette validation par M. [X] était inefficace dès lors que celui-ci n'était pas le représentant légal de la société Groupe Cahors, cette fonction étant exercée par M. [Y], directeur général, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 mars 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société AJAssociés aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AJAssociés et la condamne à payer à la société Groupe Cahors la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Cahors. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue le 9 janvier 2020 par le président du tribunal de commerce de Marseille qui avait taxé la rémunération de la Selarl AJAssociés, prise en la personne de Me [M] [F] et Me [P] [C], à la somme de 300 000 euros ht, soit 360 000 euros ttc, sous déduction des provisions perçues, la somme de 160 000 euros ttc restant due, et d'AVOIR débouté la société Groupe Cahors de ses demandes plus amples ou contraires, notamment de sa demande tendant à voir annuler cette ordonnance et, en conséquence, renvoyer la Selarl AJAssociés à mieux se pourvoir ; ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Cahors demandait à la cour d'appel d'annuler l'ordonnance entreprise rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 9 janvier 2020 dès lors que le contradictoire s'imposait en première instance, à défaut de circonstances justifiant qu'il y soit dérogé, et n'avait pas été respecté à son égard, la décision ayant été rendue sur requête ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Groupe Cahors fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue le 9 janvier 2020 par le président du tribunal de commerce de Marseille qui avait taxé la rémunération de la Selarl AJAssociés, prise en la personne de Me [M] [F] et Me [P] [C], à la somme de 300 000 euros ht, soit 360 000 euros ttc, sous déduction des provisions perçues, la somme de 160 000 euros ttc restant due, et d'AVOIR débouté la société Groupe Cahors de ses demandes plus amples ou contraires ; 1° ALORS QUE le juge doit procéder à la vérification d'écriture dès que la partie à laquelle on oppose un acte sous signature privée désavoue son écriture ou sa signature ; qu'en se fondant, pour fixer les honoraires de la Selarl AJAssociés à la somme de 300 000 euros ht, sur le relevé de diligences daté du 30 septembre 2019 dont la signature par la société Groupe Cahors, représentée par M. [X], était contestée, sans en avoir ordonné la vérification, au seul motif que la société Groupe Cahors n'avait pas déposé plainte pour faux, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 1324, devenu 1373, du code civil, et 285, 287 et 288 du code de procédure civile ; 2° ALORS QU'en toute hypothèse, seul le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représente la société dans ses rapports avec les tiers ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire qu'il devait tenir compte du relevé diligences daté du 30 septembre 2019 pour fixer les honoraires de la Selarl AJAssociés, que ce document avait été signé par M. [X], président du conseil d'administration de la SA Groupe Cahors, sans rechercher, comme il y était invité par la société Groupe Cahors, si M. [X] avait le pouvoir d'engager la SA Groupe Cahors, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce ; 3° ALORS QU'en toute hypothèse, seul le mandataire en fonction et investi du pouvoir de représenter la société peut l'engager par sa signature ; qu'en se bornant à affirmer, pour en déduire qu'il devait tenir compte du relevé diligences daté du 30 septembre 2019 pour fixer les honoraires de la Selarl AJAssociés, qu'il avait été validé le 30 septembre 2019 par M. [X], président du conseil d'administration de la SA Groupe Cahors, sans rechercher, comme il y était invité par la société Groupe Cahors qui contestait la date inscrite sur ce document, à quelle date il avait été établi et signé par M. [X] et si ce dernier était encore investi du pouvoir d'engager la SA Groupe Cahors au jour où il avait apposé sa signature, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce ; 4° ALORS QU'en toute hypothèse, l'honoraire au temps passé est fonction des diligences effectivement réalisées par le conciliateur dont il doit justifier ; qu'en se bornant à retenir, pour chiffrer à 300 000 euros ht les honoraires de la Selarl AJAssociés, que le relevé des diligences daté du 30 septembre 2019 faisait état d'un nombre d'heures justifiant la rémunération sollicitée de 300 000 euros, sans rechercher, comme il y était invité, si les diligences mentionnées au relevé n'étaient pas invraisemblables, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce, ensemble l'article 1134, devenu 1103, du code civil ; 5° ALORS QU'en toute hypothèse, les honoraires initialement convenus d'un mandataire peuvent être réduits lorsqu'ils apparaissent exagérés au regard du service rendu ; qu'en se bornant à affirmer que la qualité du travail fournie par la Selarl AJAssociés n'était pas utilement contestée pour en déduire que les honoraires réclamés par ce mandataire pour la somme de 300 000 euros ht étaient dus, sans s'interroger, comme il y était invité, sur l'adéquation entre la rémunération sollicitée par la Selarl AJAssociés et le service qu'elle avait rendu à la société Groupe Cahors, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce. Articles L. 611-14 et R. 611-47 du code de commerce
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 760 F-B Pourvoi n° W 21-18.549 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Markevicinte, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-18.549 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant à la société Villa Florek, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [K] [E], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Markevicinte, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Markevicinte, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 avril 2021), le 7 mars 2014, l'EARL Markevicinte (l'EARL), qui exploitait une entreprise viticole, a été mise en redressement judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté le 23 octobre 2015 pour une durée de dix ans. 2. Par un jugement du 19 juin 2020, le tribunal, constatant le nouvel état de cessation des paiements de l'EARL, a prononcé la résolution du plan de redressement, et ouvert sa liquidation judiciaire, en autorisant le maintien de son activité jusqu'au 19 septembre 2020. La société Villa Florek, en la personne de M. [E], a été désignée liquidateur. 3. Par un jugement du 4 septembre 2020, le tribunal, saisi par une requête du liquidateur, a mis un terme immédiat au maintien de l'activité. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'EARL fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et de rejeter sa demande tendant à la poursuite de l'activité, alors « que si la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, le maintien de l'activité peut être autorisé par le tribunal pour une durée fixée, lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions concernées ; qu'ayant constaté, avec le ministère public qui avait émis un avis en faveur de l'infirmation du jugement entrepris, que les règles propres aux procédures collectives des exploitations agricoles n'avaient pas été respectées, et ayant relevé que la poursuite de l'activité jusqu'au 19 septembre 2020, avait été autorisée par le jugement du 19 juin 2020 dans l'intérêt public et celui des créanciers afin de permettre à l'EARL Markevicinte de terminer la récolte et de la vendre, afin de désintéresser les créanciers, la cour d'appel qui a confirmé l'arrêt immédiat de l'activité décidée par le tribunal de commerce le 4 septembre 2020, à quelques jours des vendanges, en se fondant exclusivement sur l'état de la trésorerie de la société, sans égard ni à l'année culturale en cours ni à l'intérêt des créanciers, a violé l'article L 641-10 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 641-10 du code de commerce que, lorsque la débitrice en liquidation judiciaire est une exploitation agricole, le délai pendant lequel peut être autorisé le maintien de son activité, si la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, est fixé par le tribunal en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions concernées. Le tribunal peut toutefois décider de mettre fin au maintien de l'activité à tout moment si celui-ci n'est plus justifié. 6. Après avoir relevé que l'EARL ne contestait pas que le salaire de l'ouvrier agricole était impayé, que le solde du compte de la liquidation judiciaire ne permettait pas de faire face à l'ensemble des charges connues et qu'il n'était pas démontré que le maintien de l'activité de l'EARL pouvait être financé et être assuré sans générer de nouvelles dettes de nature à augmenter le passif, la seule recette sur laquelle la liquidation judiciaire pouvait compter étant une facture qui avait été jusque là vainement mise en recouvrement, et retenu que l'EARL n'était pas en capacité financière d'assumer les charges liées à la poursuite d'activité jusqu'aux vendanges, ce dont il résultait que l'intérêt public ou celui des créanciers exigeait qu'il soit mis un terme immédiat à l'autorisation initialement donnée jusqu'au 19 septembre 2020, la cour d'appel a exactement décidé qu'il devait être mis fin à l'activité. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'EARL Markevicinte aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'EARL Markevicinte ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat aux Conseils, pour la société Markevicinte. La société Markevicinte reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR mis un terme immédiat à la poursuite de son activité initialement autorisée jusqu'au 19 septembre 2020 et de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à la poursuite de l'activité afin de lui permettre de réaliser et vendre le produit des vendanges de l'année culturale en cours ALORS QUE si la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, le maintien de l'activité peut être autorisé par le tribunal pour une durée fixée, lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions concernées ; qu'ayant constaté, avec le ministère public qui avait émis un avis en faveur de l'infirmation du jugement entrepris, que les règles propres aux procédures collectives des exploitations agricoles n'avaient pas été respectées, et ayant relevé que la poursuite de l'activité jusqu'au 19 septembre 2020, avait été autorisée par le jugement du 19 juin 2020 dans l'intérêt public et celui des créanciers afin de permettre à l'EARL Markevicinte de terminer la récolte et de la vendre, afin de désintéresser les créanciers, la cour d'appel qui a confirmé l'arrêt immédiat de l'activité décidée par le tribunal de commerce le 4 septembre 2020, à quelques jours des vendanges, en se fondant exclusivement sur l'état de la trésorerie de la société, sans égard ni à l'année culturale en cours ni à l'intérêt des créanciers, a violé l'article L 641-10 du code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 766 F-B Pourvoi n° D 21-16.785 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 1°/ La société GMF, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ Mme [U] [N], domiciliée chez Mme [C] [G], [Adresse 2], 3°/ M. [E] [K], domicilié [Adresse 4], ont formé le pourvoi n° D 21-16.785 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige les opposant à M. [D] [X], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF, de Mme [N] et de M. [K], de la SCP Spinosi, avocat de M. [X], après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,18 mars 2021), le 17 février 2012, à la suite d'importantes rafales de vent, la vedette Sunseeker dénommée Brimborion IV, dont M. [X] est propriétaire, amarrée au Port [5] ([Localité 6]), a été endommagée par les mouvements de gîte du voilier voisin, Perrine3, appartenant à Mme [N] et M. [K], et dont une amarre avait rompu. Le 15 avril 2016, M. [X] a assigné Mme [N], M. [K] ainsi que leur assureur, la société GMF, en indemnisation de ses préjudices. Examen du moyen Sur le moyen unique Enoncé du moyen 2. Mme [N], M. [K] et la GMF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à M. [X] la somme de 18 470,06 euros en réparation des dommages survenus au bateau « Brimborion IV », alors « que la responsabilité pour abordage, qui trouve à s'appliquer en cas de rupture d'une amarre de navire sous l'effet du vent, a pour fondement exclusif la faute prouvée et non le fait des choses que l'on a sous sa garde ; qu'en considérant, pour condamner les propriétaires du voilier, que les dommages survenus sur le bateau de M. [X] relevaient des dispositions de l'ancien article 1384 du code civil applicable au litige, après avoir constaté que les dommages subis par le bateau de M. [X] avaient été causés par la rupture d'une amarre sous l'effet du vent, à l'origine d'un phénomène de gîte important du voilier ayant causé les frictions constatées sur le bateau de M. [X], la cour d'appel a violé l'article L. 5131-3 du code des transports. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 5131-1 et L. 5131-3 du code des transports : 3. Il résulte du premier de ces textes que l'abordage est le choc de deux navires et qu'est assimilé au navire, ou au bateau, tout engin flottant non amarré à poste fixe ; que la condition d'absence d'amarrage ne concerne donc que les engins qui ne sont pas des navires. 4. Selon le second de ces textes, si l'abordage d'un navire de mer par un autre est causé par la faute de l'un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise. En revanche, si l'abordage est fortuit ou s'il y a doute sur les causes de l'accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, sans distinguer le cas où, soit les navires, soit l'un d'eux, auraient été au mouillage au moment de l'abordage. 5. Pour condamner in solidum Mme [N], M. [K] et la société GMF à payer à M. [X] la somme de 18 470,06 euros en réparation des dommages subis par son bateau, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2015, l'arrêt, après avoir retenu qu'il n'était pas démontré que le voilier appartenant à Mme [N] et M. [K] était dérivant, énonce qu'il résulte de l'article L. 5131-1 du code des transports que les dispositions relatives à l'abordage s'appliquent aux navires, bateau et tout engin flottant non amarré à poste fixe, de sorte que les heurts survenus entre deux bateaux amarrés ne sont pas constitutifs d'un abordage. Il en déduit que les dommages survenus sur le bateau de M. [X] relèvent des dispositions de l'article 1384 ancien du code civil, applicable au litige. 6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les dommages subis par le bateau de M. [X] avaient été causés par la rupture d'une amarre sous l'effet du vent, à l'origine d'un phénomène de gîte important du voilier, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne M. [X] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer à Mme [N], M. [K] et à la société GMF la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société GMF, Mme [N] et M. [K]. Mme [N], M. [K] et la GMF reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué de les avoir condamnés in solidum à payer à M. [X] la somme de 18 470,06 euros en réparation des dommages survenus au bateau « Brimborion IV » le 17 février 2012 ; Alors que la responsabilité pour abordage, qui trouve à s'appliquer en cas de rupture d'une amarre de navire sous l'effet du vent, a pour fondement exclusif la faute prouvée et non le fait des choses que l'on a sous sa garde ; qu'en considérant, pour condamner les propriétaires du voilier, que les dommages survenus sur le bateau de M. [X] relevaient des dispositions de l'ancien article 1384 du code civil applicable au litige, après avoir constaté que les dommages subis par le bateau de M. [X] avaient été causés par la rupture d'une amarre sous l'effet du vent, à l'origine d'un phénomène de gîte important du voilier ayant causé les frictions constatées sur le bateau de M. [X], la cour d'appel a violé l'article L. 5131-3 du code des transports. Sur l'exigence d'une faute prouvée en matière d'abordage, à rapprocher :Com., 5 octobre 2020, pourvoi n° 08-19.408, Bull. 2010, IV, n° 147
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 758 F-B Pourvoi n° A 21-14.206 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Prosphères, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-14.206 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [V] [G], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société TBI, 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Prosphères, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [G], ès qualités, les observations du procureur général près la cour d'appel de Versailles et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2021), le 21 avril 2017, le président d'un tribunal a ouvert une procédure de conciliation à l'égard de la société TBI, la société BTSG étant désignée en qualité de conciliateur. 2. Le 23 juin 2017, aux termes d'un contrat dénommé « convention d'assistance et de conseil », passé entre la société Prosphères, spécialiste en management de crise, la société TBI, représentée par sa présidente, la société C Plus, et la société C Plus, la présidence de celle-ci a été confiée à la société Prosphères. 3. Le 31 juillet 2017, la société Prosphères a procédé à la déclaration de cessation des paiements de la société TBI. Par un jugement du 4 août 2017, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire de la société TBI, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er juillet 2017, et M. [G] étant désigné liquidateur. Le 13 octobre 2017, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société TBI. La date de cessation des paiements a été reportée ensuite au 31 décembre 2016. 4. Entre le 23 juin 2017, date de la nomination de la société Prosphères à la tête de la société C Plus, et le 4 août 2017, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société TBI, cette dernière a versé à la société Prosphères une somme de 382 206,48 euros à titre de rémunération des prestations fournies en exécution de la convention d'assistance et de conseil. 5. Considérant que ces paiements au profit de la société Prosphères étaient intervenus en période suspecte, le liquidateur l'a assignée afin d'obtenir leur annulation sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 7. La société Prosphères fait grief à l'arrêt de dire nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre les 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce et de la condamner à payer cette somme à M. [G], ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts, alors « qu'en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, le paiement d'honoraires pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels, lorsqu'ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul ; qu'en annulant les virements effectués par la société TBI entre le 5 et 31 juillet 2017 au profit de la société Prosphères en raison de la prétendue connaissance par la seconde de l'état de cessation des paiements de la première, cependant qu'il était constant que ces paiements avaient été versés en exécution d'une convention d'assistance et de conseils dont l'objet était de faire bénéficier la société TBI de l'assistance de la société Prosphères dans le processus de cession de la société TBI et dans la négociation avec ses créanciers, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce, interprété à la lumière de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes. » Réponse de la Cour 8. L'arrêt relève qu'à la date de la convention conclue entre la société Prosphères et les sociétés C Plus et TBI, soit le 23 juin 2017, la société TBI était en procédure de conciliation, et que les paiements litigieux sont intervenus en exécution de cette convention les 5, 25 et 31 juillet 2017, sans que la société Prosphères ait soutenu devant la cour d'appel que la société TBI bénéficiait alors d'une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes (la directive). 9. Le moyen, qui postule à tort que l'article L. 632-2 du code de commerce devait être interprété à la lumière de la directive dont la transposition par l'ordonnance du 15 septembre 2021 n'a pas modifié ce texte, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Prosphères aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Prosphères et la condamne à payer à M. [G], en qualité de liquidateur de la société TBI, la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Prosphères. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Prosphères fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit recevable mais non fondée sa demande de sursis à statuer, d'AVOIR dit nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre le 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce, de l'AVOIR condamnée à payer à Maître [V] [G] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TBI la somme de 382 206,48 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts, et de l'AVOIR déboutée de ses demandes, ALORS QUE lorsque le ministère public est partie jointe à l'instance et qu'il adresse des conclusions écrites à la juridiction, celle-ci ne peut statuer sans s'assurer que ces conclusions ont été régulièrement communiquées aux parties ou que le ministère public les a développées oralement à l'audience, afin que les parties soient mises en mesure d'y répondre ; qu'en prononçant la nullité des paiements effectués par la société TBI au profit de la société Prosphères intervenus au entre le 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce, au visa de l'avis transmis au greffe par le ministère public, sans constater que les parties avaient reçu communication écrite de cet avis du ministère public, qui ne s'était pas borné à s'en rapporter à justice, et avaient pu y répondre utilement, ou que le ministère public, qui était représenté à l'audience, avait développé des observations orales auxquelles les parties avaient eu la possibilité de répliquer, même après la clôture des débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 431 du code de procédure civile, et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Prosphères fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit nuls les virements effectués par la société TBI à son profit entre le 5 et 31 juillet 2017 pour un montant de 382 206,48 euros sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce et de l'AVOIR condamnée à payer à Maître [V] [G] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TBI la somme de 382 206,48 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et capitalisation des intérêts, 1) ALORS QU'en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, le paiement d'honoraires pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels, lorsqu'ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul ; qu'en annulant les virements effectués par la société TBI entre le 5 et 31 juillet 2017 au profit de la société Prosphères en raison de la prétendue connaissance par la seconde de l'état de cessation des paiements de la première, cependant qu'il était constant que ces paiements avaient été versés en exécution d'une convention d'assistance et de conseils dont l'objet était de faire bénéficier la société TBI de l'assistance de la société Prosphères dans le processus de cession de la société TBI et dans la négociation avec ses créanciers, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2 du code de commerce, interprété à la lumière de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes ; 2) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant péremptoirement que la nullité des paiements effectués au profit de la société Prosphères était justifiée « au regard du caractère excessif de la rémunération convenue », sans aucunement étayer une telle affirmation pourtant dûment contestée par la société Prosphères, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la nullité des paiements effectués au profit de la société Prosphères était justifiée « au regard du caractère excessif de la rémunération convenue », sans répondre au moyen de la société qui soulignait que le coût pratiqué était inférieur à celui de l'emploi de cadres salariés pour faire le même travail, et que ce coût était très largement compensé par les gains générés par son intervention, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 juin 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 503 F-B Pourvoi n° J 21-12.742 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022 Mme [C] [N], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-12.742 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [N], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2020), Le 12 avril 2012, Mme [T] a été opérée au sein de la clinique [5], exploitée par l'Association hospitalière de l'ouest, d'une arthrose du genou gauche et une prothèse a été posée. Après l'ablation du cathéter crural posé pour les besoins de l'anesthésie générale par Mme [F], médecin-anesthésiste, elle a conservé des troubles moteurs du membre inférieur gauche. 2. Les 17, 19 novembre 2015 et 9 mars 2016, elle a assigné en indemnisation Mme [F], l'Association hospitalière de l'ouest et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]. 3. Mme [F] et l'Association hospitalière de l'ouest ont été mises hors de cause. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale, alors « que la réparation au titre de la solidarité nationale s'exerce relativement aux dommages provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, à l'occasion duquel l'accident médical est survenu ; qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que les dommages invoqués par Mme [T] comme relevant de la réparation due au titre de la solidarité nationale, ne résultaient pas pour le tout de l'accident médical survenu lors de l'intervention du 12 avril 2012, qu'une partie d'entre eux était imputable à son état de santé antérieur tenant à ce qu'elle était contrainte d'utiliser deux cannes anglaises et à ce qu'elle présentait un terrain psychique fragilisé, sans rechercher si cet état de santé antérieur ne procédait pas de l'arthrose du genou gauche à laquelle l'intervention du 12 avril 2012 avait mis fin par la mise en place d'une prothèse, de sorte que l'ensemble des dommages s'étant manifestés postérieurement ne pouvait résulter que de l'accident médical survenu lors de cette intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique ». Réponse de la Cour Vu les articles L.1142-1, II, et D. 1142-1 du code de la santé publique : 5. Selon ces textes, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret qui est apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire et qui est notamment retenu dans le cas d'un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique fixé à 24 %. 6. Lors de l'appréciation du taux d'atteinte permanente lié à la survenue d'un accident médical au sens du premier de ces textes, il ne peut être tenu compte du taux préexistant à l'acte médical en cause, lorsque cet acte aurait permis d'y remédier en l'absence d'accident. 7. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale formée par Mme [T], après avoir constaté que ses préjudices étaient au moins pour partie imputables à la mise en place d'un cathéter crural et avaient eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, l'arrêt retient qu'elle présente un déficit fonctionnel permanent de 40 % qui doit être diminué du taux d'incapacité de 20 % résultant de son état de santé antérieur à l'intervention, tant physique en raison de troubles fonctionnels nécessitant de recourir à des cannes anglaises, que psychologique, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un déficit fonctionnel permanent de 24 % et en déduit que la condition de gravité du dommage n'est pas remplie. 8.En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, la part du déficit fonctionnel permanent préexistant lié à l'arthrose auquel il avait été remédié par la pose de la prothèse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause Mme [F] et la société Association hospitalière de l'Ouest et condamne Mme [T] à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [N] Mme [C] [T] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes formées à l'encontre de l'ONIAM tendant principalement à le voir condamner à lui verser la somme de 1 505 136,57 euros en réparation des préjudices ayant résulté de l'accident médical survenu à la suite de l'intervention du 12 avril 2012 ; ALORS QUE la réparation au titre de la solidarité nationale s'exerce relativement aux dommages provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, à l'occasion duquel l'accident médical est survenu ; qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que les dommages invoqués par Mme [C] [T] comme relevant de la réparation due au titre de la solidarité nationale, ne résultaient pas pour le tout de l'accident médical survenu lors de l'intervention du 12 avril 2012, qu'une partie d'entre eux était imputable à son état de santé antérieur tenant à ce qu'elle était contrainte d'utiliser deux cannes anglaises et à ce qu'elle présentait un terrain psychique fragilisé, sans rechercher si cet état de santé antérieur ne procédait pas de l'arthrose du genou gauche à laquelle l'intervention du 12 avril 2012 avait mis fin par la mise en place d'une prothèse, de sorte que l'ensemble des dommages s'étant manifestés postérieurement ne pouvait résulter que de l'accident médical survenu lors de cette intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1191 FS-B+R Pourvoi n° G 21-19.342 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.342 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Alpilles events, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Alpilles events, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Alpilles events, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 19 décembre 2019 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Alpilles events a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Alpilles events a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre eux, il doit garantir la société Alpilles events des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner à payer diverses provisions à l'assuré, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ». Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte [?] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion litigieuse vide de sa substance la garantie souscrite et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt constatant que les critères d'indemnisation de la société Alpilles events concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies sont réunis, déclarant non écrite la clause d'exclusion de garantie, et condamnant l'assureur à un paiement provisionnel entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant une expertise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société Alpilles events aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que les critères d'indemnisation de la société Alpilles Events concernant les pertes d'exploitation subies par celle-ci, garanties par un contrat d'assurance multirisque professionnelle souscrit auprès de cette compagnie, étaient réunis, d'avoir déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévalait ladite compagnie, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre elles, la société AXA devait garantir la société Alpilles Events des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée une somme provisionnelle de 85.000 euros pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, ainsi qu'une provision complémentaire de 60.000 euros à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020 ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte [?] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 6 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 7 § 1), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 32.a, 32.b et 32.b.bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 7 § 2), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 dernier §) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 3) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 12 § 6), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 5), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. 2119342, 2119343, 2119341, 2115392
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1190 FS-B+R Pourvoi n° H 21-19.341 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-19.341 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Beraha, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Beraha, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Beraha, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 7 février 2014 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Beraha a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Beraha a effectué deux autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives, ordonnées du 28 septembre au 4 octobre 2020, par arrêté préfectoral du 27 septembre 2020, et à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assurée et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis par ailleurs en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Beraha, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société Beraha aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 7 février 2014, elle devait garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée les sommes de 92.818 euros à titre de provision au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020, et de 79.430 à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes du 28 septembre 2020 au 4 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020, et de l'avoir condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 7 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 6 § 8), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 7 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment précise (arrêt p. 7 dernier §), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 23 et 23 bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 8 § 1), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 7 § 12) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 8 § 2) est impropre à caractériser l'absence de cause de l'obligation essentielle, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil (arrêt p. 8 § 5), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 8 § 4), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. Pourvois 2119342, 2119343, 2115392, 2119341
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1251 F-B Pourvoi n° Z 21-11.997 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-11.997 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, premier président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 décembre 2020), l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a décerné une contrainte le 21 avril 2017 à la société [3] (la société), pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard afférentes à l'année 2015 et aux 2e, 3e et 4e trimestres 2016. 2. La société a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 622-7 et L. 631-14 du code de commerce, 131, VII, de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, et 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, applicable au litige : 4. Selon les deux premiers de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. 5. Selon le troisième, le droit à l'exonération des cotisations sociales prévue par le I du même texte pour les jeunes entreprises innovantes est subordonné à la condition que l'entreprise ait rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. 6. Selon le dernier, lorsque l'entreprise est à nouveau à jour du paiement de ses cotisations et contributions sociales, l'exonération peut être appliquée aux gains et rémunérations versés à compter du premier jour du mois suivant. 7. Il résulte de ces textes que la jeune entreprise innovante, à laquelle il est interdit de payer les cotisations et contributions sociales afférentes à la période antérieure au jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, est, à cette date, réputée, au sens de l'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 susvisé, avoir rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. 8. Pour rejeter le recours formé par la société cotisante, l'arrêt relève qu'elle a continué à appliquer l'exonération liée au statut de jeune entreprise innovante pendant la période d'observation consécutive à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 14 décembre 2014. Il retient qu'elle ne pourra être considérée comme étant à jour de ses cotisations sociales que sous réserve d'avoir respecté, jusqu'à son terme fixé en 2026, le plan d'apurement qui a été validé par jugement du tribunal de commerce le 14 juin 2016. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par la société [3] à l'encontre de la contrainte délivrée par l'URSSAF de Rhône-Alpes le 21 avril 2017, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société [3] Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une entreprise (la société [3], l'exposante) de son opposition à une contrainte délivrée par l'organisme de recouvrement (l'URSSAF Rhône-Alpes) pour un montant de 20 993 euros au titre des cotisations et majorations de retard de l'année 2015 et des 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016, et d'avoir en conséquence validé ladite contrainte pour son entier montant ; ALORS QUE l'entreprise titulaire du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) bénéficie rétroactivement des exonérations attachées à son statut dès qu'elle est à jour de ses cotisations non comprises dans le cadre d'un éventuel plan d'apurement souscrit par ailleurs ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'entreprise « justifiait (?) avoir réglé » intégralement les cotisations visées par la contrainte du 21 avril 2017 et non intégrées au plan d'apurement par ailleurs souscrit au titre « des années 2012 et 2014 », de sorte qu'en validant ladite contrainte pour la raison que, concernant la période afférente aux cotisations litigieuses, l'entreprise ne pouvait « bénéficier de manière rétroactive » de l'exonération liée à son statut de JEI « jusqu'(au) terme » dudit plan, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004 modifié par l'article 1er du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, complété par la lettre circulaire ACOSS n° 2015-0000048 du 10 octobre 2015. 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.231, Bull. 2016, II, n° 154Com., 5 avril 2016, pourvoi n° 14-21.277, Bull. 2016, IV, n° 60
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1192 FS-B+R Pourvoi n° J 21-19.343 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-19.343 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société A La Bonne franquette, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société A La Bonne franquette, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société A La Bonne franquette, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 21 juillet 2017 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société A La Bonne franquette a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société A La Bonne franquette a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner à payer à l'assuré diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour dire que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et condamnant l'assureur à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société A La Bonne franquette aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 21 juillet 2017, elle devait garantir la société A La Bonne Franquette des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 2-10), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 5 § 6), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 6 § 11), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 37), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et- Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (sa pièce n° 17 en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p.6 dernier §), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 § 10) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 1) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 § 4), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. pourvois 2119342, 2119343, 2119341, 2115392
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1193 FS-B+R Pourvoi n° Q 21-15.392 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-15.392 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Le Phoenix, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Le Phoenix,et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2021), la société Le Phoenix, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 23 août 2017 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Le Phoenix a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Le Phoenix a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'il doit garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assuré et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat alors « que l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 6. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 7. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 8. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, par motifs adoptés, retient que si le terme « épidémie », que le contrat ne définit pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, doit être interprété, il en résulte nécessairement que la clause d'exclusion qui le vise ne peut être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances. 9. Il ajoute que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins. 10. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 11. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 12. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 13. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 14. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur est celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie. 15. Il énonce, ensuite, que l'exclusion n'est pas limitée dès lors qu'elle vise tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie. 16. Ajoutant que l'assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, l'arrêt en déduit que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances. 17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Le Phoenix, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société Le Phoenix aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'AVOIR dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 23 août 2017, elle devait garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation et de l'AVOIR condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS, d'abord, QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que l'assureur ne produisait, selon elle, aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 §§ 9-10), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 2) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « l'exclusion ainsi définie n'est nullement limitée puisqu'elle vise tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville » (arrêt p. 8 § 8), la cour d'appel, qui n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 3) ALORS, subsidiairement, QUE la cour d'appel a elle-même constaté qu'il résultait des différentes pièces produites par les parties qu'il était possible qu'une épidémie ne concerne que la population d'un lieu limité (arrêt p. 8 § 3), ce dont il se déduisait a fortiori que la garantie subsistant après application de la clause d'exclusion, consistant en la garantie des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait d'une mesure de fermeture administrative touchant son seul établissement dans son département, était susceptible de jouer, de sorte que la garantie n'était pas vidée de toute substance du fait de cette clause ; qu'en affirmant que la clause d'exclusion vidait la garantie de sa substance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 4) ALORS, également subsidiairement, QU' en se bornant à affirmer que l'assureur ne produisait aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 § 10), sans rechercher si l'exemple d'indemnisation d'une ferme auberge faisant l'objet d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie de grippe aviaire qui était produit par l'assureur en pièce n° 16 et expressément invoqué par celui-ci dans ses conclusions (p. 37) était de nature à établir que sa garantie avait déjà joué en cas d'épidémie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 5) ALORS, ensuite, QUE la cour d'appel, qui a affirmé que la clause d'exclusion de garantie n'était pas limitée en se bornant à rappeler les termes de cette clause (arrêt p. 8 § 8) sans aucunement donner les raisons qui la conduisaient à porter une telle appréciation, en particulier sans expliquer en quoi il résulterait des termes de cette clause qu'elle viderait la garantie de sa substance, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 6) ALORS, subsidiairement, QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 7) ALORS, aussi, QUE l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 8) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait écarter l'application de la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre au motif qu'à la suite de l'épidémie de coronavirus, AXA a proposé à son assurée un avenant contenant cette fois une définition contractuelle des termes épidémie et pandémie et précisant le sort de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une épidémie et à une pandémie (arrêt p. 9 § 1), quand, d'une part, cette proposition d'avenant ne la dispensait pas d'analyser la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie, puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. pourvois 2119342, 2119343, 2119341, 2115392
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1246 F-B Pourvoi n° B 20-22.759 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 M. [O] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 20-22.759 contre l'arrêt n° RG 18/13758 rendu le 9 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a formé un pourvoi incident. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2020), à la suite d'un contrôle de l'application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) a notifié, le 19 décembre 2016, à M. [K], médecin généraliste libéral (le professionnel de santé), un indu d'un certain montant relatif à la facturation de majorations de nuit et de majorations pour dimanches et jours fériés, pour la période du 17 février 2013 au 20 septembre 2016. 2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le professionnel de santé fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'il résulte de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents réalisant les vérifications ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de serment et d'agrément des agents de la caisse primaire d'assurance maladie pour cela qu'ils n'ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place, la cour d'appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées. » Réponse de la Cour 5. Les dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, qui habilitent les directeurs des organismes de sécurité sociale à confier à des agents assermentés et agréés dans les conditions fixées par voie réglementaire, ainsi qu'à des praticiens conseils et auditeurs assermentés et agréés dans les mêmes conditions, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, ne sont pas applicables aux contrôles de l'observation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et aux dispositions réglementaires prises pour leur application. 6. L'arrêt relève qu'à l'occasion du contrôle administratif de facturation, les agents de la caisse ont procédé uniquement à l'exploitation par analyse et recoupement des documents émanant du professionnel de santé, consistant en ses télétransmissions pour le versement de prestations et en ses tableaux de garde complétés. Il retient que ces agents n'ont donc procédé à aucun acte de vérification ou d'enquête au sens de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, notamment aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place. 7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure en recouvrement de l'indu engagée par la caisse n'était pas entachée d'irrégularité en raison du défaut de justification de l'agrément et de l'assermentation des agents chargés du contrôle. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. Le professionnel de santé fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; qu'en validant un redressement exclusivement fondé sur des données statistiques, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, informatique et libertés, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 10. Aux termes de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, applicable au litige, aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité. 11. L'arrêt retient qu'il ressort de l'analyse des télétransmissions du professionnel de santé que ce dernier a facturé systématiquement à la caisse des majorations de nuit et des majorations pour dimanches et jours fériés en violation des prescriptions de la Nomenclature générale des actes professionnels, peu important que ces télétransmissions analysées dans le cadre du contrôle puissent s'inscrire dans un traitement informatisé. 12. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que le traitement des données n'étant pas destiné à établir le profil du professionnel de santé destinataire de la décision, ni à évaluer certains aspects de sa personnalité, la caisse pouvait produire ces données pour rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 14. La caisse fait grief à l'arrêt de condamner le professionnel de santé au paiement d'une certaine somme au titre de l'indu, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés à hauteur de 15.395, 60 euros correspondaient à des actes effectivement réalisés en "permanence de soins ambulatoire" , après avoir pourtant constaté que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] n'avait déclaré à l'ARS réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins mais qu'il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés, la cour d'appel qui a statué par des motifs contraires a violé l'article 455 code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 15. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs. 16. Pour rejeter partiellement la demande de la caisse en remboursement de sommes indûment perçues par le professionnel de santé, l'arrêt retient que ce dernier, pour les périodes où il était de garde, n'a déclaré à l'agence régionale de santé réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins, mais qu'il a facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés. Il ajoute que, pour ces périodes, les actes ont été effectivement réalisés en permanence de soins ambulatoire, de sorte que le professionnel de santé était fondé à facturer des majorations de nuit et jours fériés. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit bien-fondé l'indu correspondant aux majorations facturées à tort à hauteur de 129 724,26 euros pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et condamne M. [K] à payer cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, au titre de l'indu, l'arrêt rendu le 9 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [K] M. [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procédure de contrôle de recouvrement mise en oeuvre par la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis à son encontre est régulière ; de l'avoir débouté en conséquence de sa demande d'annulation de la notification de payer adressée par courrier recommandé avec accusé de réception le 19 décembre 2016 ; de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de la décision rendue par la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis ; d'avoir dit bien-fondé l'indu correspondant aux majorations facturées à tort à hauteur de 129 724,26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et de l'avoir condamné à payer à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 129 724,26 € au titre de l'indu ; 1) alors qu'il résulte de l'article L 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents réalisant les vérifications ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de serment et d'agrément des agents de la caisse primaire d'assurance-maladie pour cela qu'ils n'ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place (arrêt, p. 6 - Sur la régularité de la procédure de contrôle, avant-dernier §), la cour d'appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées ; 2) alors que la notification de payer par laquelle s'ouvre l'action en recouvrement de l'indu doit permettre au professionnel de santé d'en comprendre la cause afin de pouvoir produire, le cas échéant, ses observations ; qu'en l'état d'une notification d'indu pour « non-respect de l'article 14 de la NGAP », avec un tableau récapitulatif mentionnant le code acte facturé en application de la NGAP, l'éventuel code complémentaire correspondant aux majorations facturées, et le taux de remboursement, ce qui ne permettait pas au médecin libéral de comprendre la raison pour laquelle des cotations complémentaires pour urgences étaient remises en question (contestation du caractère d'urgence au regard de l'état du malade ou de l'horaire de prise en charge, coefficient de majoration, etc.), en rejetant la demande d'annulation de la notification d'indu, la cour d'appel a violé l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale ; 3) alors qu'une décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; qu'en validant un redressement exclusivement fondé sur des données statistiques, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, Informatique et libertés, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale ; 4) alors que l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels prévoit une majoration lorsque, en cas d'urgence justifiée par l'état du malade, les actes sont effectués la nuit ou le dimanche ou les jours fériés, et que sont considérés comme actes de nuit les actes effectués entre 20 heures et 8 heures si l'appel au praticien a été fait entre 19 heures et 7 heures ; qu'en considérant les majorations comme indues aux motifs inopérants que les actes étaient réalisés aux horaires habituels du cabinet, de 10 heures à minuit du lundi au dimanche et les jours fériés, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une restriction dont il ne dispose pas, a violé l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale ; 5) alors enfin et en tout état de cause que le caractère exceptionnel de la consultation dépendant de l'urgence au regard de l'état de santé du malade, en tranchant cette question médicale sans recourir à l'expertise technique, la cour d'appel a violé l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis La CPAM de Seine-Saint-Denis fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré sur le montant de l'indu, et statuant de nouveau de ce chef, d'AVOIR dit bien-fondé l'indu correspondant uniquement aux majorations facturées à tort à hauteur de 129.724, 26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016 et condamné M. [K] à payer à la CPAM de Seine-Saint-Denis uniquement la somme de 129.724, 26 € au titre de l'indu. 1° - ALORS QUE l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels prévoit que les actes effectués la nuit ou le dimanche et jours fériés donnent lieu à une majoration en cas d'urgence justifiée par l'état du malade; qu'en jugeant justifiées les majorations facturées par M. [K] les jours où il était de garde au titre de la permanence des soins ambulatoire au prétexte inopérant qu'il s'agissait d'actes réalisés en "permanence de soins ambulatoire" sans vérifier quand la Caisse le contestait, que les actes ainsi accomplis étaient justifiés par l'urgence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels. 2° - ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés à hauteur de 15.395, 60 € correspondaient à des actes effectivement réalisés en "permanence de soins ambulatoire" , après avoir pourtant constaté que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] n'avait déclaré à l'ARS réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins mais qu'il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés, la cour d'appel qui a statué par des motifs contraires a violé l'article 455 code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1234 F-B Pourvoi n° U 21-10.773 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 21-10.773 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [U] [J], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [5], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 novembre 2020), M. [J] (la victime), salarié de la société [5] (l'employeur), a été victime, le 4 octobre 2011, d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] au titre de la législation professionnelle. Par jugement définitif d'un tribunal de police, l'employeur a été relaxé des poursuites du chef de blessures involontaires. 2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de retenir sa faute inexcusable, alors : « 1°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision ; qu'en l'espèce, en retenant que la déclaration, par le juge répressif, de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne s'opposait pas à la reconnaissance d'une faute inexcusable, cependant que le tribunal de police avait jugé que « l'enquête n'a pas permis d'établir d'une manière certaine la cause de l'ouverture de la vanne d'aspiration », que « restent des causes hypothétiques » réfutées par les techniciens en intervention qui avaient exclu toute manipulation volontaire ou par négligence, que « la possibilité d'une ouverture inopinée et spontanée de cette vanne n'a pu être identifiée même sur un mode improbable », que les salariés étaient « formés, habilités et expérimentés pour ce type d'intervention », que le « risque de brûlure » ne pouvait « pas être identifié au regard de l'intervention programmée » « justement appréciée », que si un système avec une double vanne pouvait prévenir les conséquences d'un geste involontaire ou la défaillance matérielle, « d'une part, aucune norme ne le prévoit et, d'autre part, il n'est pas habituellement spécifiquement recommandé pour ce type d'installation », de sorte que la décision de relaxe s'imposait dans l'instance civile reposant sur les mêmes faits, et que compte tenu des motifs et constatations matérielles du jugement, l'accident reposait sur une cause indéterminée, excluant toute faute inexcusable de l'employeur, dès lors que, sans identification d'un fait générateur précis, ne pouvaient être caractérisés ni le fait que l'employeur pouvait avoir conscience d'un danger, ni un lien entre un comportement fautif de l'employeur et la survenue de l'accident, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 du code civil. » Réponse de la Cour Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et les articles 4-1 du code de procédure pénale et L. 452-1 du code de la sécurité sociale : 4. Si le premier de ces textes permet au juge civil, en l'absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application du second, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé. 5. Pour dire la faute inexcusable établie, l'arrêt relève que selon l'enquête, malgré un travail préalable d'isolement de la pompe que les salariés s'apprêtaient à démonter, un jet d'ammoniac a surgi brutalement de la conduite et les a aspergés, brûlant gravement la victime, et que la fuite a été causée par l'ouverture inopinée de la vanne située entre la pompe et le stockage d'ammoniac. Il retient que quelle que soit la cause de l'ouverture de la vanne, le dispositif de sécurité était inadéquat et que l'employeur connaissait ou aurait dû connaître le fait que cette vanne n'était munie d'aucun dispositif de verrouillage en position fermée, contrairement aux règles de sécurité applicables à la matière. 6. En statuant ainsi, alors que pour prononcer la relaxe de l'employeur des poursuites du chef de blessures involontaires, par un motif qui était le soutien nécessaire de sa décision, la juridiction pénale, après avoir relevé que les causes de l'ouverture de la vanne étaient indéterminées, a écarté un manquement aux règles de sécurité lié à l'absence de double vanne ou d'un système de verrouillage de la vanne nécessitant un outil spécifique, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société [5] La société [5] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle avait commis une faute inexcusable dans la survenance de l'accident du travail du 4 octobre 2011 dont M. [J] a été victime ; Alors 1°) que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision ; qu'en l'espèce, en retenant que la déclaration, par le juge répressif, de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne s'opposait pas à la reconnaissance d'une faute inexcusable (arrêt p. 5, 2ème §), cependant que le tribunal de police avait jugé que « l'enquête n'a pas permis d'établir d'une manière certaine la cause de l'ouverture de la vanne d'aspiration », que « restent des causes hypothétiques » réfutées par les techniciens en intervention qui avaient exclu toute manipulation volontaire ou par négligence, que « la possibilité d'une ouverture inopinée et spontanée de cette vanne n'a pu être identifiée même sur un mode improbable », que les salariés étaient « formés, habilités et expérimentés pour ce type d'intervention », que le « risque de brûlure » ne pouvait « pas être identifié au regard de l'intervention programmée » « justement appréciée », que si un système avec une double vanne pouvait prévenir les conséquences d'un geste involontaire ou la défaillance matérielle, « d'une part, aucune norme ne le prévoit et, d'autre part, il n'est pas habituellement spécifiquement recommandé pour ce type d'installation », de sorte que la décision de relaxe s'imposait dans l'instance civile reposant sur les mêmes faits, et que compte tenu des motifs et constatations matérielles du jugement, l'accident reposait sur une cause indéterminée, excluant toute faute inexcusable de l'employeur, dès lors que, sans identification d'un fait générateur précis, ne pouvaient être caractérisés ni le fait que l'employeur pouvait avoir conscience d'un danger, ni un lien entre un comportement fautif de l'employeur et la survenue de l'accident, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 du code civil ; Alors 2°) que lorsque la cause de l'accident du travail est indéterminée ou imputable à un geste imprévisible d'un salarié, l'employeur ne peut avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et être l'auteur d'une faute inexcusable ; qu'en retenant qu'il importait peu que ne soit pas déterminé si l'ouverture de la vanne était due à une défaillance technique ou à une erreur humaine (arrêt p. 6, antépénultième §), cependant que cette indétermination excluait toute faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; Alors 3°) que présente un caractère imprévisible pour l'employeur, l'accident du travail survenu en l'absence de toute défectuosité ou anomalie du matériel relevée lors des contrôles périodiques et inspections de sécurité, lorsque l'accident ne provient pas d'un défaut d'entretien ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par la société [5], si la circonstance que les installations n'avaient jamais fait l'objet d'injonctions ou mises en demeure ni de la part de la DREAL dans le cadre de ses contrôles et inspections effectuées les 21 avril et 20 août 2009, 29 juin et 9 novembre 2010, 23 mars et 10 mai 2011, ni de la part de l'inspection du travail, que la direction n'avait jamais reçu d'alertes particulières ni de la Carsat ni de la médecine du travail ni des organismes de contrôle et de certification, ni du CHSCT (p. 9), ni remontée d'informations sur un danger potentiel lié à la configuration ou à l'utilisation du dispositif de vanne (p. 10), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; Alors 4°) qu'en ne répondant pas aux conclusions soutenant que la vanne quart de tour en amont de la pompe ne pouvait être considérée comme non conforme à la réglementation, en l'absence de prescriptions particulières (conclusions d'appel p. 10 et p. 13) et que les salariés utilisateurs, dont M. [J], experts dans le domaine de la maintenance mécanique et connaissant parfaitement ces équipements et leur environnement d'intervention, les plus qualifiés au sein de l'entreprise pour détecter une anomalie, n'avaient jamais formulé d'alertes, de demande de changements opératoires ni d'observations, et en l'absence de tout incident antérieur sur ce type de vanne (p. 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 5°) que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en énonçant que la direction de l'usine avait reconnu que les principes de sécurité en matière de consignation des fluides n'avaient pas été respectés, ce qui ne ressort d'aucun élément de preuve identifié et analysé dans l'arrêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 6°) que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, la société [5] a soutenu qu'elle avait satisfait à son obligation en matière d'évaluation des risques professionnels, avait mis en place des procédures internes en matière de consignations et déconsignations, consignation mécanique des vannes manuelles (p. 22), que l'installation avait été mise en sécurité et physiquement isolée avant le démarrage des travaux de dépose de la pompe, que la phase de mise à disposition avait été effectuée dans le respect des procédures par des opérateurs habilités après vidange du circuit (p. 25 et 26), que le personnel de maintenance était parfaitement compétent, qualifié, expérimenté, formé, intervenant uniquement en binôme sur des tâches connues et maîtrisées, que les opérations de mise à disposition et dépose de la pompe avaient mobilisé 7 personnes qualifiées sans relever aucune anomalie, de sorte que la société justifiait avoir effectué toutes les diligences sur le plan organisationnel, humain, technique pour éviter la survenance d'un accident (p. 28) ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si ces éléments n'excluaient toute faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1215 FS-B Pourvoi n° Q 21-11.252 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1er DÉCEMBRE 2022 La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-11.252 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) du Sud-Est, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], les observations écrites et orales de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 décembre 2020), M. [C] (la victime), employé en dernier lieu au service de l'établissement de [Localité 4] de la société [3] (la société), en qualité d'agent technique d'entretien, du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2011, a déclaré, le 7 août 2017, une affection professionnelle consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a prise en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. 2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de son établissement de [Localité 4] les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de la victime, la société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification en demandant leur retrait de ce compte et l'inscription de ces dépenses au compte spécial en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 16 octobre 1995. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu'il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l'activité d'un salarié au sein d'un établissement déterminé peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement, de sorte que les coûts afférents à une maladie professionnelle ne peuvent être imputés au compte employeur d'un établissement que s'il est établi que le salarié y a été exposé ; que si la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur ayant exposé la victime au risque du tableau au moment de la survenance de la maladie, il n'existe, en revanche, aucune présomption d'exposition au risque auprès du dernier employeur ayant employé le salarié ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si la victime avait effectivement été exposée au risque de la maladie professionnelle au sein de l'établissement de [Localité 4] de la société au motif qu'une telle exposition devait être présumée dans le cadre du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé les articles D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 du code civil ; 2°/ que la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève, en revanche, de la compétence du juge de la tarification, la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne lui est pas imputable faute d'exposition au risque en son sein ; qu'au cas présent, la société ne contestait pas, devant la cour d'appel, le caractère professionnel de la maladie déclarée par la victime, mais demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à cette maladie en faisant valoir que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société et que la maladie ne pouvait donc résulter que d'une exposition au risque pour le compte de précédents employeurs ; qu'en déboutant néanmoins la société de son recours au motif que « si la société affirme que le salarié n'a pu être exposé chez elle, elle ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux général, et ainsi, l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 et l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles 1353 du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige : 4. Il résulte du premier de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation. 5. Aux termes du deuxième de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. 6. Selon le troisième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu. 7. Selon les quatrième et cinquième, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial. 8. Selon le dernier, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées lorsque la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. 9. En application des trois derniers de ces textes, la maladie professionnelle est présumée contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Il appartient, alors , à l'employeur qui demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à cette maladie en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 16 octobre 1995 de rapporter la preuve que l'affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l'ont employée, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. 10. Par ailleurs, dans deux arrêts du 17 mars 2022 (2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n° 20-19.294, publié, et pourvoi n° 20-19.293), la Cour de cassation a décidé que le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge et que, toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles. 11. Dès lors, sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci. 12. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt énonce que celle-ci affirme que la victime n'a pas pu être exposée chez elle car elle a été à son service à partir de 2005 bien après l'interdiction de l'utilisation de l'amiante, que cependant, la société ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale alors que l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction sous le numéro de répertoire général 20/01529 des dossiers suivis sous les numéros 20/01524 et 20/02127, l'arrêt rendu le 4 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée. Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3] La société [3] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ; 1. ALORS QUE le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu'il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l'activité d'un salarié au sein d'un établissement déterminé peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement, de sorte que les coûts afférents à une maladie professionnel ne peuvent être imputés au compte employeur d'un établissement que s'il est établi que la salarié y a été exposé ; que si la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur ayant exposé la victime au risque du tableau au moment de la survenance de la maladie, il n'existe, en revanche, aucune présomption d'exposition au risque auprès du dernier employeur ayant employé le salarié ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si M. [C] avait effectivement été exposé au risque de la maladie professionnelle au sein de l'établissement de [Localité 4] de la société [3] au motif qu'une telle exposition devait être présumée dans le cadre du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé les articles D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 du code civil ; 2. ALORS QUE la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève, en revanche, de la compétence du juge de la tarification, la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne lui est pas imputable faute d'exposition au risque en son sein ; qu'au cas présent, la société [3] ne contestait pas, devant la cour d'appel, le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [C], mais demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à cette maladie en faisant valoir que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société [3] et que la maladie ne pouvait donc résulter que d'une exposition au risque pour le compte de précédents employeurs ; qu'en déboutant néanmoins la société [3] de son recours au motif que « si la société [3] affirme que le salarié n'a pu être exposé chez elle, elle ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux général, et ainsi, l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 et l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale. 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.690
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1218 FS-B Pourvoi n° C 20-22.760 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-22.760 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 octobre 2020), M. [I] (la victime), ancien salarié de la société [3] (la société), a déclaré le 25 juin 2018 un mésothéliome malin du péritoine, pris en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. 2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de son établissement de [Localité 4] les dépenses afférentes à cette maladie, la société a saisi la juridiction de la tarification d'une demande d'inscription au compte spécial, en application des 3° et 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 1995. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors « qu'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de son salarié de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société de ses prétentions au motif que « l'employeur ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de son salarié chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2, 3°, de l'arrêté du 16 octobre 1995. » Réponse de la Cour Vu les articles 1353 du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige : 4. Il résulte du premier de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation. 5. Aux termes du deuxième de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. 6. Selon le troisième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu. 7. Selon les quatrième et cinquième de ces textes, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial. 8. Selon le dernier, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à la maladie professionnelle qui a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque, mais qui a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale. 9. Lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale. 10. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt retient que celle-ci ne démontre pas que son activité n'a pas exposé le salarié au risque de sa pathologie. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures inscrites au registre général sous les numéros 19/06689 et 20/01503, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ; Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société [3] n'établit pas que les conditions d'inscription des dépenses de la maladie de Monsieur [U] [I] au compte spécial soient remplies et la déboute en ce sens et d'avoir dit bien-fondée la décision de la CARSAT de maintenir au compte employeur de la société [3] les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [I] ; ALORS QU'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société [3] contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de M. [I] de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société [3] de ses prétentions au motif que « la société [3] ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de Monsieur [I] chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante » (arrêt p. 4), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du Code civil, 6 et 9 du Code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2,3° de l'arrêté du 16 octobre 1995.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1222 F-B Pourvoi n° D 21-15.589 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-15.589 contre l'arrêt n° RG : 20/00331 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [S] [U], 2°/ à M. [I] [K], tous deux domiciliés [Adresse 2], pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur père [E] [K], décédé, 3°/ à M. [H] [K], domicilié [Adresse 1], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé, 4°/ à Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [U], Mme et MM. [K], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 février 2021), le 11 avril 2012, [E] [K] (la victime), victime d'un malaise cardiaque alors qu'il se trouvait aux temps et lieu du travail, est décédé. L'employeur a établi une déclaration d'accident du travail transmise à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (la caisse) qui, après avoir fait procéder à une autopsie de la victime, a notifié à ses ayants droit un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle. 2. Les ayants droit de la victime ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, alors « que l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur la victime » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 386 du code de procédure civile et R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date : 5. Selon le premier de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans. 6. Il résulte du second que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné au premier les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne. 7. L'arrêt constate que par jugement avant dire droit du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a sursis à statuer et ordonné la transmission au tribunal du rapport de l'autopsie de la victime réalisée le 16 avril 2012. 8. Pour dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, l'arrêt énonce qu'en se bornant à ordonner la transmission du rapport d'autopsie le tribunal n'a pas expressément mis à la charge des parties ou de l'une d'elles cette transmission. Il ajoute que cette imprécision a conduit la caisse à solliciter du tribunal par deux courriers des 8 et 13 juillet 2015 qu'il indique à qui il revenait de transmettre ce rapport. Il retient que le tribunal n'ayant imparti aucun délai pour cette transmission ni répondu aux demandes de la caisse, le délai de péremption n'a pu commencer à courir. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le jugement susvisé, dont les parties ne discutaient pas qu'il leur avait été régulièrement notifié, avait ordonné la transmission au tribunal du rapport d'autopsie de la victime ce qui impliquait qu'il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette transmission avant l'expiration du délai de deux ans à compter de cette notification, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu de statuer, l'arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne Mme [U] et Mme et MM. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4] encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de la CPAM de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la Cour n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu à statuer ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont rappelé les termes de la déclaration d'appel et constaté que l'acte d'appel fait état d'un appel total et d'une reprise des prétentions de l'appelant ; qu'en se déclarant saisie, par l'effet dévolutif, de la critique des chefs du jugement, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en retenant que les chefs de dispositif du jugement attaqué sont également repris quand il résulte de ses constatations que les énonciations en cause ne sont que la reprise des prétentions de l'appelant, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que l'instance devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale puis le pole social du tribunal de grande instance n'a pas été éteinte par voie de préemption ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de NANCY a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au Tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur Monsieur [E] [K] » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en s'abstenant de rechercher si, en ordonnant la transmission du rapport d'autopsie, le Tribunal des affaires de sécurité sociale n'avait pas nécessairement mis cette diligence à la charge des parties, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que le décès de Monsieur [E] [K] survenu le 11 avril 2012 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, la présomption d'imputabilité est renversée lorsqu'il est établi qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; que la Caisse rapporte cette preuve en produisant l'avis du médecin-conseil, fondé sur le rapport d'autopsie, et constatant qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'avis du médecin-conseil, produit pas la Caisse, et établi sur la base du rapport d'autopsie, ne démontrait pas qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, le rapport d'autopsie, établi sur le fondement de l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale est couvert par le secret médical ; qu'en retenant, pour dire que Caisse ne rapporte pas la preuve de ce que qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, qu'aucun empêchement ne s'oppose à la production, par la Caisse, du rapport d'autopsie, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale et les articles 226-13 et 226-14 du Code pénal. 2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 825 FS-B Pourvoi n° Q 21-16.404 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ la société EDF Renouvelables France, société par actions simplifiée unipersonnelle, 2°/ la société du Parc Eolien [Localité 4], 3°/ la société Plein Vent [Localité 2], 4°/ la société du Parc Eolien [Localité 6], 5°/ la société du Parc Eolien [Localité 9], 6°/ la société du Parc Eolien [Localité 8], 7°/ la société du Parc Eolien [Localité 5], 8°/ la société du Parc Eolien [Localité 7], ayant toutes leur siège [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° Q 21-16.404 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à l'association France Nature Environnement, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat des sociétés EDF Renouvelables France, Parc Eolien de la Conque, Plein Vent [Localité 2], Parc Eolien [Localité 6], Parc Eolien [Localité 9], Parc Eolien [Localité 8], Parc Eolien [Localité 5] et Parc Eolien [Localité 7], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association France Nature Environnement, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2021), les sociétés Parc éolien [Localité 4], Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8] et Parc éolien [Localité 7] (les propriétaires exploitants) détiennent chacune un parc éolien construit et mis en service entre 2006 et 2013, pour un total de trente et une éoliennes réparties sur plusieurs communes du département de l'Hérault. 2. La supervision de l'exploitation et la gestion de ces parcs ont été confiées à la société EDF renouvelables France (EDF) selon un contrat de gestion d'actifs. 3. Les sites du Causse d'[Localité 2], de la plaine de [Localité 13]-[Localité 11] et de la plaine de [Localité 10]-[Localité 12], sur lesquels sont implantées les éoliennes, sont classés en zone de protection spéciale en application de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 sur la protection des oiseaux sauvages (directive "oiseaux"), dont relève le faucon crécerellette (falco naumanni). 4. La Ligue pour la protection des oiseaux, chargée de la mise en oeuvre du plan national d'action en faveur du faucon crécerellette et du suivi de l'impact de ces parcs éoliens sur cet oiseau, a signalé, en 2011 et 2012, la découverte de plusieurs cadavres au pied des installations. 5. En juillet 2014, des arrêtés préfectoraux ont prescrit la pose, sur toutes les éoliennes, d'un système de détection et d'effarouchement des oiseaux, dit « DT-Bird », testé depuis 2013 sur deux appareils. 6. De nouveaux cadavres de faucons crécerellettes ayant été découverts malgré ce dispositif, l'association France nature environnement (l'association) a assigné les propriétaires exploitants et EDF en indemnisation du préjudice moral causé par la destruction de spécimens d'une espèce protégée. 7. Les défendeurs ont soulevé l'irrecevabilité à agir de l'association. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de déclarer l'association recevable en ses demandes, alors « que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. L'article L. 142-2 du code de l'environnement permet aux associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du même code d'agir en réparation tant devant le juge pénal que le juge civil, en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ainsi qu'aux textes pris pour leur application. 10. La recevabilité de l'action est subordonnée à l'existence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale entrant dans le champ des dispositions susmentionnées. 11. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'action de l'association de protection de l'environnement agréée avait pour objet la réparation de son préjudice moral résultant de la destruction alléguée, entre 2012 et 2016, de nombreux spécimens de faucons crécerellettes, espèce protégée, en violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2, constitutive du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du même code. 12. Elle en a déduit, à bon droit, que la recevabilité de l'action en responsabilité civile de droit commun exercée par l'association en raison du délit environnemental invoqué n'était pas conditionnée par la constatation ou la constitution préalable de l'infraction, la recevabilité d'une action ne pouvant être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 14. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice moral de l'association et de les condamner à lui verser une certaine somme, alors : « 1°/ que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1°, du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2°/ que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an II ; 3°/ qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs [Localité 2] et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 15. D'une part, les éoliennes sont soumises à la législation spéciale applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement figurant aux articles L. 514-44 et suivants du code de l'environnement, selon laquelle les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent doivent être exploitées dans le respect des prescriptions édictées par l'autorisation administrative d'exploitation. 16. D'autre part, la législation spéciale, autonome, relative à la protection du patrimoine naturel interdit, par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, la destruction d'animaux d'espèces non domestiques protégées, l'article L. 411-2, 4°, réservant toutefois la possibilité de délivrance, par l'autorité administrative compétente, de dérogations à cette interdiction. 17. La cour d'appel a exactement retenu que les arrêtés du 9 juillet 2014 pris par le préfet, dont les propriétaires exploitants prétendaient avoir strictement respecté les mesures spécifiques imposées pour la protection des faucons crécerellettes, n'avaient pas été pris en application des dispositions de l'article L. 411-2 relatif aux espèces protégées. 18. Elle a également constaté qu'il n'était pas justifié d'une demande de dérogation ni d'une décision de l'administration autorisant la destruction de ces spécimens protégés. 19. La cour d'appel, qui n'a pas substitué son appréciation à celle de l'administration quant aux prescriptions assortissant les autorisations de poursuite d'exploitation délivrées en 2014 au titre de la police spéciale des installations classées applicable aux éoliennes, a retenu à bon droit que ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative le fait, pour le juge judiciaire, saisi, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, d'une action en responsabilité fondée sur la destruction d'une espèce sauvage protégée, de constater la violation des dispositions de l'article L. 411-2, 1°, du code de l'environnement sans justification, par les contrevenants, d'une dérogation accordée par l'autorité administrative. 20. Le moyen, inopérant en sa troisième branche dès lors que la légalité des arrêtés préfectoraux de juillet 2014 est sans incidence sur la solution du présent litige, n'est donc pas fondé pour le surplus. Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 21. Les propriétaires exploitants font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice subi par l'association et de les condamner à lui payer des sommes en réparation de son préjudice moral, alors : « 1°/ que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement », de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 2°/ que si l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4°, du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1°, du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs [Localité 2] alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour 22. D'une part, il résulte des articles L. 411-1 et L. 415-3 du code de l'environnement que constitue le délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques la violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2 du même code (Crim., 5 avril 2011, pourvoi n° 10-86.248). 23. La cour d'appel n'était donc pas tenue de caractériser l'atteinte portée à la conservation de l'espèce protégée en cause, dès lors que celle-ci résultait de la constatation de la destruction d'un spécimen appartenant à l'espèce faucon crécerellette, en violation de l'interdiction édictée par l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement. 24. D'autre part, il est jugé qu'une faute d'imprudence suffit à caractériser l'élément moral du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement (Crim, 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96). 25. La cour d'appel a constaté que vingt-huit faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement, avaient été tués entre 2011 et 2016 par collision avec les éoliennes des parcs [Localité 2], que cette destruction perdurait malgré la mise en place du système DT- BIRD, et que les propriétaires exploitants n'avaient pas sollicité la dérogation aux interdictions édictées par cet article, constitutive d'un fait justificatif exonératoire de responsabilité. 26. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation sur le comportement des propriétaires exploitants, que le délit d'atteinte à la conservation d'espèce animale non domestique protégée, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était caractérisé tant dans son élément matériel que son élément moral. 27. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision. Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 28. Les propriétaires exploitants font le même grief à l'arrêt, alors « qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : "L'article 5, §§ a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ?".» Réponse de la Cour 29. A l'instar de ce que prévoit l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvages (directive « habitats »), l'article 5 de directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 (directive « oiseaux ») exige que les Etats membres adoptent un cadre législatif complet et efficace par la mise en oeuvre de mesures concrètes et spécifiques de protection de toutes les espèces d'oiseaux sauvages qui doivent permettre d'assurer le respect effectif des interdictions mentionnées à cet article, notamment l'interdiction de les tuer intentionnellement, l'article 14 autorisant les Etats membres à prendre des mesures plus strictes que celles prévues par cette directive. 30. Les articles L. 411-1 et L. 411-2, 4°, du code de l'environnement interdisent, pour toutes les espèces animales non domestiques protégées, y compris les oiseaux, leur destruction et appliquent les conditions et les motifs de dérogation à ces interdictions posés par l'article 16 de la directive « habitats ». 31. L'arrêté du 29 octobre 2009 qui, en application de cette législation, fixe la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection y inclut, dans son article 3, le faucon crécerellette, dont la destruction intentionnelle est interdite. 32. La législation nationale a ainsi étendu aux oiseaux sauvages protégés les mesures nécessaires à un système de protection stricte édictées par l'article 12, § 1, sous a), de la directive « habitats ». 33. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article précité doit être interprété en ce sens que, d'une part, il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées, et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition ne cesse pas de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable (CJUE, arrêt du 4 mars 2021, Föreningen Skydda Skogen, C-473/19 et C-474/19). 34. Il s'ensuit qu'en l'absence d'un doute raisonnable sur l'interprétation à donner à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement en cas de destruction de spécimens d'une espèce protégée d'oiseau causée par des éoliennes, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soulevée par le moyen. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu à question préjudicielle ; REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Parc éolien [Localité 4], Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Parc éolien de la Conque, Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France et les condamne à payer à l'association France Nature Environnement la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour les sociétés EDF Renouvelables France, Parc éolien de la Conque, Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8] et le Parc éolien [Localité 7] PREMIER MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 7] et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes ; Alors que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » (arrêt, p. 10, in fine) ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2] Clitourps, Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 7] et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes, d'avoir déclaré les sociétés exploitantes responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune (soit au total la somme de 3.500 euros) en réparation de ce préjudice ; 1° Alors que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2° Alors, encore, que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 3° Alors, en tout état de cause, qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs [Localité 2] et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5] et Parc éolien [Localité 7] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déclarées responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune en réparation de son préjudice moral ; 1° Alors que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 3), de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses (conclusions d'appel, p. 25 à 26) si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 2° Alors, encore, que si l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4° du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1° du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs [Localité 2] alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 1 et 3) ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 3° Alors, subsidiairement, enfin, qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 5, §§ a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ? » N1 > 3e Civ., 1er juillet 2009, pourvoi n° 07-21.954, Bull. 2009, III, n° 166 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Crim., 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96 (3) (rejet) ; 3e Civ., 8 juin 2011, pourvoi n° 10-15.500, Bull. 2011, III, n° 101 (rejet), et l'arrêt cité ; N2 > Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, n° 3 964, Bull. 2014, T. conflits, n° 13 ; 1re Civ., 14 février 2018, pourvoi n° 17-14.703, Bull. 2018, I, n° 32 (cassation) ; N3 > Crim., 18 octobre 2022, pourvoi n° 21-86.965, Bull. crim., (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 873 F-B Pourvoi n° G 20-22.903 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [U] [Z], domiciliée [Adresse 2], 2°/ l'union départementale des associations familiales (UDAF), dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de curatrice de Mme [U] [Z], ont formé le pourvoi n° G 20-22.903 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2 - 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [C], domicilié [Adresse 2], 2°/ à l'aide sociale à l'enfance du Var, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié [Adresse 7], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [Z] et de l'union départementale des associations familiales, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'aide sociale à l'enfance du Var, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2019), de l'union de M. [C] et de Mme [Z] est issu [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010. 2. Le 19 septembre 2018, le président du conseil départemental du Var a déposé une requête aux fins de déclaration judiciaire de délaissement parental de l'enfant à l'égard de ses deux parents. Examen du moyen Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches Enoncé du moyen 4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer délaissé son fils, alors : « 4°/ que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Mme [Z] présentait une structuration "limite", marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Mme [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Mme [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Mme [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du code civil ; 5°/ qu'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que "les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire", sans rechercher si le maintien par Mme [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 381-1 du code civil, un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit. 6. La cour d'appel a retenu que Mme [Z] ne s'était pas saisie du droit de visite médiatisée organisé dès la naissance de [N] en vue de la soutenir, compte tenu de sa fragilité psychique, dans la création d'un lien avec son enfant, et que ce dispositif avait été mis en échec par son inconstance dans l'exercice de ce droit, ainsi que par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, dont le mal-être avait été constaté, avant comme après les rencontres avec ses parents, par les intervenants éducatifs et médicaux sociaux. 7. Elle a relevé que Mme [Z] ne s'était pas plus saisie du droit de correspondance médiatisé instauré en 2016 au moment de la suspension du droit de visite et n'avait, depuis, posé aucun acte concret permettant d'attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils. 8. Elle a estimé que les démarches destinées à restaurer le lien avec [N] et entreprises par le service gardien sous le contrôle du juge pendant plusieurs années avaient maintenu l'enfant dans un état d'insécurité affective et entravé son bon développement, ce qui justifiait de le libérer du lien avec ses parents biologiques, des progrès de celui-ci ayant été constatés depuis la fin des visites obligatoires. 9. La cour d'appel, qui a ainsi caractérisé une situation de délaissement de l'enfant au sens de l'article 381-1 du code civil pendant l'année précédant l'introduction de la requête en se déterminant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] et l'union départementale des associations familiales Madame [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré délaissé l'enfant [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010 à La Seyne-sur-mer, par ses père et mère, M. [T] [C] né le [Date naissance 5] 1964 à Toulon et Madame [U] [Z], née le [Date naissance 3] 1986 à La Seyne-sur-mer, et d'AVOIR délégué l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant [N] [C] au Conseil général du Var ; 1/ ALORS QUE l'article 1205-1 du Code de procédure civile dispose que lorsqu'une procédure d'assistance éducative a été diligentée à l'égard d'un enfant, « dans tous les cas, le juge des enfants fait connaître son avis au regard de la procédure d'assistance éducative en cours » ; que la nullité résultant de l'omission de l'avis du juge des enfants est encourue sans qu'il y ait lieu de justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 114 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QU'à supposer même que la nullité n'ait pu être prononcée qu'en l'état d'un grief causé par l'omission, l'avis du juge des enfants, lequel est le mieux placé pour dire si l'enfant a été délaissé, visant à ajouter au contenu du dossier, son absence a nécessairement causé un grief à la mère ; qu'en écartant la nullité résultant de l'absence d'avis du juge des enfants, aux motifs que les parties avaient pu débattre de chacun des éléments de la procédure d'assistance éducative communiquée par le juge des enfants et que la mère ne rapportait pas la preuve du grief ainsi causé, la Cour d'appel aurait donc encore violé l'article 1205-1 du Code de procédure civile et l'article 114 du Code de procédure civile ; 3/ ALORS QU'en application de l'article 381-1 du Code civil, « un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit », c'est- à-dire, en l'espèce, pendant l'année qui a précédé la requête du 19 septembre 2018 ; qu'en se déterminant au regard du comportement de la mère entre l'année 2010 et le jugement du 4 juillet 2016 ayant suspendu ses droits de visite ou, à tout le moins, le 19 septembre 2018, la Cour d'appel a violé cette dernière disposition ; 4/ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Madame [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Madame [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Madame [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Madame [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du Code civil ; 5/ ALORS QU'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Madame [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 860 FS-B Pourvoi n° S 21-12.128 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [K] [C] divorcée [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-12.128 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [G] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [C], et l'avis de M.Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 décembre 2020), un jugement du 29 mai 2019 a prononcé le divorce de Mme [C] et de M. [X]. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [C] fait grief à l'arrêt de fixer à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire mise à sa charge et de la condamner, en tant que de besoin, à payer cette somme à M. [X], alors « que toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en fixant à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et en la condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil alors que celui-ci, en ce qu'il pose un principe très général d'attribution d'une prestation compensatoire à un époux visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution ; qu'en outre, la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce ; qu'en appliquant cette disposition qui ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la cour d'appel a violé l'article 1, § 1, du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. L'article 270 du code civil, en ce qu'il prévoit la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens, au sens autonome de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 5. En visant à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée, avec la disparition du devoir de secours, dans les conditions de vie respectives des époux et en prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, ce texte poursuit le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci. 6. L'octroi d'une prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et ne peut être décidé qu'au terme d'un débat contradictoire, en fonction des éléments fournis par les parties. 7. C'est ainsi que, selon l'article 270, alinéa 2, du code civil, l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux à la date de la rupture s'apprécie au regard des ressources, charges et patrimoine de chacun des époux au moment du divorce, ainsi que de leur évolution dans un avenir prévisible, et qu'elle n'ouvre droit au bénéfice d'une prestation compensatoire au profit de l'époux qui subit cette disparité que si celle-ci résulte de la rupture du mariage, à l'exclusion de toute autre cause. 8. Selon l'article 270, alinéa 3, du code civil, le juge peut toutefois refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, tels que l'âge des époux, leur situation au regard de l'emploi ou les choix professionnels opérés par eux, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. 9. Il en résulte que ces dispositions ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante. 10. C'est sans violer l'article 1er précité que la cour d'appel a condamné Mme [C] à payer à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil, un capital de 50 000 euros à titre de prestation compensatoire. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [C]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé le divorce entre les époux aux torts partagés, D'AVOIR débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du code civil et DE L'AVOIR condamnée à payer à son ex époux une prestation compensatoire, 1°) ALORS QU'en cas de présentation d'une demande principale en divorce pour faute, le défendeur qui a formé en première instance une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal ne peut y substituer, en appel, une demande reconventionnelle en divorce pour faute ; que M. [X], qui demandait en première instance que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal, ne pouvait demander à la cour d'appel de prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme [C] ; qu'en examinant néanmoins cette demande, et en prononçant le divorce aux torts partagés des époux, la cour d'appel a violé l'article 1077 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, le divorce pour faute peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits sont constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, qui sont imputables à son conjoint et qui rendent intolérable le maintien de la vie commune ; qu'une relation extraconjugale peut, compte tenu des circonstances, ne pas présenter le caractère de gravité requis pour en faire une cause de divorce ; qu'en l'espèce, Mme [C] et M. [X] ont signé, le 26 mars 2012, une « dérogation à l'article 212 du code civil » aux termes duquel ils s'accordaient « mutuellement la possibilité d'avoir des aventures extra-conjugales » ; qu'en jugeant néanmoins que la relation adultère de Mme [C] constituait par elle-même une faute au sens de l'article 242 du code civil, sans rechercher si l'accord du 26 mars 2012 n'était pas de nature à lui enlever le caractère de gravité qui pouvait en faire une cause de divorce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil ; 3°) ALORS QUE les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ; que constitue une violation grave des devoirs et obligations du mariage, l'abandon du domicile conjugal ; que la cour d'appel, en fixant, par confirmation du jugement, les effets du divorce, dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, au 24 août 2013, date du départ de M. [X], a constaté l'abandon du domicile conjugal par ce dernier ; en omettant néanmoins, pour prononcer le divorce aux torts partagés des époux, de prendre en considération cette faute initiale de l'époux, la cour d'appel a violé l'article 215 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et de l'avoir condamnée en tant que de besoin à payer cette somme à M. [G] [X] 1°) ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera la condamnation de Mme [C] au versement d'une prestation compensatoire de tout fondement juridique,au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; qu'il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l'union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture ; que, dans ses écritures d'appel Mme [C] faisait valoir que M. [X] avait volontairement fait le choix d'exercer une activité de consultant et de formateur quand, titulaire du diplôme d'expertise comptable obtenu très jeune, il aurait pu exercer cette profession nettement plus rémunératrice que son activité présente, et pourrait encore, à tout moment, demander son inscription à l'ordre des experts comptables, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux résultait uniquement des choix personnels de M. [X] ; qu'en énonçant qu'il ne lui appartenait pas d'émettre un avis sur les orientations professionnelles choisies par M. [X], la cour d'appel a refusé de prendre en considération les choix personnels de l'époux, violant ainsi l'article 270 du code civil ; 3°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions opérantes de Mme [C] faisant valoir que les revenus déclarés par M. [X] depuis leur séparation étaient manifestement obérés par ses manoeuvres consistant à les altérer artificiellement avant le prononcé du divorce dans le seul but d'obtenir une prestation compensatoire plus élevée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS ENCORE QUE Mme [C], expert-comptable, démontrait que les résultats déclarés par les sociétés dirigées par M. [X] étaient anormalement faibles par rapport aux chiffres d'affaires réalisés par ces sociétés, qui versaient par ailleurs des revenus non déclarés à M. [X] sous forme de dividendes ou d'indemnités kilométriques particulièrement élevés, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux procédait de dissimulations de M. [X] ; qu'en énonçant que si Mme [C] faisait état de ce que les sociétés de M. [X] présentaient des curiosités comptables, il n'appartenait pas à la cour de se prononcer sur la façon dont étaient gérées les sociétés de l'intimé, la cour d'appel a refusé de prendre en considération les dissimulations de l'époux, violant l'article 270 du code civil ; 5°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions de Mme [C] démontrant que l'estimation du montant des droits à la retraite invoquée par M. [X] reposait sur l'hypothèse d'une évolution défavorable basée sur une poursuite irrégulière de sa carrière professionnelle et une baisse de ses revenus jusqu'à son départ à la retraite qui ne correspondait pas à la réalité de sa situation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions de Mme [C] démontrant que l'estimation du montant des droits à la retraite invoquée par M. [X] était obérée par la minoration volontaire de son revenu pendant l'instance en divorce, ainsi que par son refus d'exercer une profession plus lucrative et par son oisiveté, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (tout aussi subsidiaire) Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et de l'avoir condamnée en tant que de besoin à payer cette somme à M. [G] [X] ; 1°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en fixant à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et en la condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil alors que celui-ci, en ce qu'il pose un principe très général d'attribution d'une prestation compensatoire à un époux visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution ; qu'en outre, la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce ; qu'en appliquant cette disposition qui ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la cour d'appel a violé l'article 1, paragraphe 1, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que l'un des époux ne peut, en tout état de cause, être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; qu'il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l'union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture ; qu'en condamnant néanmoins Mme [C] au paiement d'une prestation compensatoire d'un montant de 50.000 euros à M. [X], dans ce contexte où la disparité dans les conditions de vie respectives de M. [X] et Mme [C] résultait du fait que M. [X] avait volontairement fait le choix d'exercer une activité de consultant et de formateur quand, titulaire du diplôme d'expertise comptable obtenu très jeune, il aurait pu exercer cette profession nettement plus rémunératrice que son activité présente, et pourrait encore, à tout moment, demander son inscription à l'ordre des experts comptables, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux résultait uniquement des choix personnels de M. [X], la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété et ainsi violé l'article 1, paragraphe 1, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 859 FS-B Pourvoi n° S 21-11.507 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [F] [L], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-11.507 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [L], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [T] [L], veuve [X], domiciliée [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de Mme [F] [L], de Me Balat, avocat de Mme [T] [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] [L], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 2020), [W] [Y] est décédée le 20 février 2015, en laissant pour lui succéder ses enfants [F], [K] et [T]. 2. Par acte authentique du 9 juin 1994, elle avait consenti à son fils une donation, par préciput et hors part, d'une certaine somme investie dans un apport au capital d'une société commerciale et dans l'acquisition de parts détenues par Mme [F] [L] dans trois sociétés civiles immobilières. 3. Par acte authentique du 11 juillet 2005, la donatrice et le donataire étaient convenus de la révocation de la donation et M. [K] [L] avait remboursé à sa mère la somme donnée. 4. Des difficultés sont survenues dans le règlement de la succession. 5. Mme [F] [L] a assigné ses cohéritiers en nullité de l'acte de révocation pour cause illicite. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, qui est irrecevable. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. Mme [F] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer valable l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que la cause du contrat, ou cause subjective, qui doit être licite, s'entend des mobiles ayant conduit les contractants à s'engager ; qu'au cas présent, Mme [F] [L], épouse [H], avait souligné dans ses conclusions d'appel (notes pp. 21-24) que la cause de l'acte révocatoire résidait dans la volonté de ses auteurs de faire échec aux règles de la réserve héréditaire à propos de la donation effectuée en 1994 ; qu'en considérant qu'il s'agissait-là de « mobiles » et que « les mobiles ayant présidé à la révocation litigieuse sont indifférents », dès l'instant où la révocation d'une donation est, en soi, un acte autorisé par la loi, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de cause du contrat, a violé les articles 1108, 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu les articles 1131 et 1133, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 8. Il résulte de ces textes qu'un contrat n'est valable que si les motifs ayant déterminé les parties à contracter sont licites. 9. Pour déclarer valable l'acte du 11 juillet 2005, l'arrêt retient que les mobiles ayant présidé à la révocation de la donation du 9 juin 1994 sont indifférents et ne peuvent se confondre avec la cause de la convention qui n'était pas illicite, la révocation conventionnelle d'une donation ne se heurtant à aucune interdiction légale et étant toujours possible sans que les parties n'aient à en justifier les raisons. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la cause de l'acte révocatoire ne résidait pas dans la volonté des parties de contourner les dispositions d'ordre public de l'article 922 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare valable l'acte du 11 juillet 2005 et rejette les demandes de Mme [L] en inopposabilité de son effet rétroactif à l'égard des tiers, en réunion fictive de la donation du 9 juin 1994 en considération des remplois successifs de la somme donnée, d'application des sanctions du recel successoral à M. [K] [L] et d'expertise afin de déterminer le montant de la réunion fictive et de la réduction, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne M. [K] [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [T] [L] et par M. [K] [L] et condamne celui-ci à payer à Mme [F] [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour Mme [L]. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Brest, en particulier en ce que ledit jugement a « déclaré valable l'acte du 11 juillet 2005 intervenu entre [K] [L] et [W] [L] prononçant la révocation de la donation du 9 juin 1994 » et « débouté [F] [L] du surplus de ses demandes » ; 1° Alors que toute personne dont le lien de filiation à l'égard d'une autre personne est établi dispose, avant même le décès de cette dernière, d'un droit acquis dans son principe à lui succéder ; que ce droit acquis dans son principe d'un successible qui serait réservataire est protégé d'emblée par l'institution de la réserve héréditaire, quand bien même les modalités de calcul de ladite réserve, et, par suite, la détermination des réductions qui pourraient en découler, ne peuvent être établies qu'au décès de l'auteur de la personne considérée ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] exposait que l'acte de révocation établi du 11 juillet 2005 par sa mère, [W] [Y] veuve [L], la veille d'une opération cardiaque, avait pour cause impulsive et déterminante de faire échec à la réunion fictive à la masse successorale de la valeur des titres que Monsieur [K] [L] avait acquis grâce à la donation par préciput et hors part du 9 juin 1994 ainsi révoquée, et de porter ainsi atteinte à la réserve (v. conclusions p. 24-32) ; que pour écarter toute atteinte à la réserve, la cour d'appel a retenu que « Madame [F] [L] n'avait, en 2005, acquis aucun droit sur la succession de sa mère », « le droit invoqué ne naissant qu'au décès de celui dans la succession duquel il est revendiqué » (arrêt p. 6, al. 3) ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'institution de la réserve protège le successible réservataire dont le lien de filiation avec le de cujus est établi, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1131, et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 2° Alors en tout état de cause que l'acte de révocation de la donation d'une somme d'argent ayant servi à l'acquisition d'un bien sujet à réunion fictive au décès du donateur poursuit un but illicite lorsqu'il est conclu afin d'effacer toute perspective de réunion fictive, parce que le bien précité a pris de la valeur depuis la donation, dans le but de faire échec aux règles de la réserve héréditaire ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la donation dont avait bénéficié son frère, Monsieur [K] [L], de la part de sa mère, [W] [Y] veuve [L], en 1994, avait été utilisée pour investir dans des titres de sociétés qui, en 1999, et plus encore en 2005, avaient pris une valeur considérable ; qu'il est constant que Monsieur [K] [L] avait souhaité réaliser cet investissement, en 1994, à l'aide de biens propres afin de tourner la difficulté liée à son mariage sous un régime de communauté ; que Madame [F] [L] épouse [H] exposait dans ses conclusions d'appel (p. 24-32) que l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 avait été conclu, non pas dans l'intention de procurer des fonds à [W] [Y], qui n'en manquait pas, mais à seule fin de briser le mécanisme, protecteur de la réserve, de la réunion fictive des biens acquis en remploi, mécanisme attaché à la donation par préciput et hors part consentie le 9 juin 1994 ; que Madame [F] [L] épouse [H] soulignait (ses conclusions p. 30) que son frère, Monsieur [K] [L], avait tenté, déjà en 1999, d'effacer cette créance de valeur en tentant de faire accepter à sa soeur exposante une donation-partage qui aurait inclus la donation par préciput et hors part du 9 juin 1994 pour sa valeur d'origine (le nominal donné en 1994) ; qu'en considérant que ce calcul ayant présidé à la conclusion de l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 ne serait pas établi au motif qu'en 2005, [W] [Y] était toujours en vie, de sorte que la réserve ne pouvait être définie dans tous ses éléments, et tout en constatant plus loin que cette révocation « était susceptible d'avoir des effets [...] sur les droits successoraux futurs de ses héritiers » (arrêt p. 7, al. 2), la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, le mobile illicite pouvant parfaitement intégrer des droits futurs dont l'auteur de l'acte illicite souhaite paralyser le fonctionnement, violant dès lors les articles 1108, 1131, et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 3° Alors par ailleurs que la cause du contrat, ou cause subjective, qui doit être licite, s'entend des mobiles ayant conduit les contractants à s'engager ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] avait souligné dans ses conclusions d'appel (not. p. 21-24) que la cause de l'acte révocatoire résidait dans la volonté de ses auteurs de faire échec aux règles de la réserve héréditaire à propos de la donation effectuée en 1994 ; qu'en considérant qu'il s'agissait-là de « mobiles » et que « les mobiles ayant présidé à la révocation litigieuse sont indifférents », dès l'instant où la révocation d'une donation est, en soi, un acte autorisé par la loi, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de cause du contrat, a violé les articles 1108, 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ; 4° Alors, en outre, que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'au cas d'espèce, Madame [F] [L] épouse [H] avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que le mobile illicite de la renonciation effectuée en 2005 s'induisait de la tentative ratée d'incorporation de la donation de 1994 à un projet de donation-partage élaborée en 1999, où la donation de 1994 avait été évaluée au nominal de la donation et non à la mesure de la valeur des titres acquis grâce à ces fonds, ce qui était de nature à révéler l'intention frauduleuse des auteurs de la renonciation intervenue en 2005, Madame [F] [L] épouse [H] ayant à juste titre refusé de signer ce projet de donation-partage (conclusions, p. 30) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, car de nature à révéler l'intention frauduleuse animant l'acte de renonciation de 2005, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° Alors que, en tout état de cause, constitue un montage frauduleux la donation d'une somme d'argent suivie d'une révocation rétroactive en ce que le donateur et le donataire se réservent ainsi la libre possibilité de moduler l'ampleur de l'actif successoral, donc de la réserve héréditaire et de la quotité disponible, et ce en violation des droits les plus fondamentaux des héritiers réservataires ; qu'en jugeant pourtant licite, et même, par motif éventuellement adopté du premier juge, intrinsèquement de nature à « rétablir l'égalité entre les potentiels héritiers » (jugement p. 8), la révocation rétroactive de la donation du 9 juin 1994, la cour d'appel a violé les articles 721, 722, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ; 6° Alors, sur la question subsidiaire de l'efficacité de la révocation à l'égard des tiers, que la révocation d'une donation par préciput et hors part intervenue sans l'accord des successibles porte atteinte à leurs droits ; qu'elle ne leur est donc pas pleinement opposable ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré au contraire que l'acte révocatoire de 2005, qui aurait totalement effacé tous les droits nés de la donation initiale de 1994 entre les parties à l'acte, aurait été, en cela, pleinement opposable aux successibles, et notamment à Madame [F] [L] épouse [H], dans la mesure où, selon la cour d'appel, celle-ci n'aurait eu aucun droit acquis à la date de la révocation, « en l'absence de situation juridiquement constituée au profit d'un tiers » (arrêt p. 6, dernier al.) ; qu'en statuant ainsi, cependant que Madame [F] [L] épouse [H], en tant que successible, disposait d'un droit acquis dans son principe à la réserve, donc au mécanisme de la réunion fictive, qui interdisait de considérer que la révocation par simple restitution du nominal donné à l'origine avait pu effacer tout lien de droit né de la donation initiale de 1994, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1108 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 7° Alors, en tout état de cause, sur cette question de l'efficacité à l'égard des tiers de l'acte révocatoire, que la révocation d'une donation par préciput et hors part de somme d'argent ayant servi à l'acquisition de parts sociales, si elle est réalisée sans le consentement à l'acte de tous les successibles et qu'elle ne donne lieu qu'à paiement, par le donataire, du nominal de la donation initiale, n'efface pas rétroactivement et dans son intégralité l'acte initial ; qu'en particulier, subsiste, au bénéfice des successibles, le droit à la réunion fictive qui est lié à la circonstance que la donation a été effectuée par préciput et hors part et qu'elle a donné lieu à remploi ; qu'au cas présent, après avoir considéré que l'acte révocatoire de 2005 n'était pas nul pour cause illicite, la cour d'appel a retenu que la révocation « rétabli[ssait] » « chacune des parties » « dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne à défaut de conclusion de la libéralité révoquée » (arrêt p. 6, avant-dernier al.) et que cette révocation serait marquée par une « rétroactivité, entraînant en conséquence l'anéantissement de l'acte révoqué » (arrêt p. 6, dernier al.). ; que la cour d'appel a encore retenu qu'[W] [Y] ne disposait, en 2005, d'aucune « créance de revalorisation de la libéralité, qui n'était pas née à la date de la révocation de celle-ci » (arrêt p. 7, alinéa 1), cette « créance de revalorisation » n'apparaissant, selon la cour, qu'au décès de la donatrice, en cas de maintien intégral de la donation à cette dernière date ; qu'en statuant ainsi, cependant que la donation par préciput et hors part faisant naître des droits au bénéfice des successibles (droit au mécanisme de la réunion fictive), elle ne peut être parfaitement effacée, par un acte révocatoire conclu sans le consentement de tous les successibles, que si ces droits sont purgés, la cour d'appel, qui a raisonné comme si la donation, et sa révocation ultérieure, n'étaient que des contrats du code civil dominés par l'autonomie de la volonté et n'engageant que les individus les concluant, niant dès lors la dimension familiale et institutionnelle des actes en cause, a violé les articles 1134 et 1108 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 864 F-B Pourvoi n° R 21-14.726 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [S] [Z], épouse [U], 2°/ M. [R] [U], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° R 21-14.726 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [I], domicilié [Adresse 3] (Belgique), 2°/ à Mme [V] [K], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité d'administratrice ad hoc représentant [J] [F] [U], mineure, 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [U], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-26.661), l'enfant [J] [F], née le 26 août 2010 à [Localité 5] (Allemagne), a été déclarée à l'état civil comme née de Mme [Z] et de M. [U], son époux. 2. Un jugement du 10 mars 2015 a dit que M. [U] n'était pas le père de [J] [F]. 3. M. [I] a reconnu [J] [F] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [Z] et M. [U] font grief à l'arrêt de constater que M. [I] a reconnu [J] [F] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015, alors « qu'en application de l'article 320 du code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'un autre filiation qui la contredirait ; qu'à la date du 28 août 2015, date de la reconnaissance émanant de M. [I], le lien de filiation de l'enfant avec M. [R] [U], constaté par l'acte de naissance de l'enfant, n'était pas anéanti puisqu'il ne l'a été, eu égard à l'effet suspensif de l'appel, que par l'arrêt du 16 mars 2021 ; que cette règle d'ordre public, que les juges du fond devaient au besoin appliquer d'office, s'opposait au constat des effets d'une reconnaissance au profit de M. [I] ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les articles 6 et 320 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 320 du code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait. 6. Il résulte de ce texte que la reconnaissance d'un enfant qui a déjà une filiation légalement établie n'est pas nulle, mais est seulement privée d'effet, tant que cette filiation n'a pas été anéantie en justice. 7. Après avoir retenu que M. [U] n'était pas le père de [J] [F], la cour d'appel a constaté que celle-ci avait été reconnue par M. [I]. 8. Elle en a déduit à bon droit que cette reconnaissance produisait ses effets, hors toute action en établissement de paternité. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] et M. [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U] L'arrêt attaqué, critique par Madame [Z] et Monsieur [U], encourt la censure ; EN CE QUE, s'il a décidé à bon droit d'infirmer le jugement ayant déclaré que Monsieur [I] était le père de l'enfant [J] [F] [U], il a constaté que Monsieur [I] avait reconnu l'enfant [J] [F] [U] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015 ; ALORS QUE, en application de l'article 320 du Code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'un autre filiation qui la contredirait ; qu'à la date du 28 août 2015, date de la reconnaissance émanant de Monsieur [I], le lien de filiation de l'enfant avec Monsieur [R] [U], constaté par l'acte de naissance de l'enfant, n'était pas anéanti puisqu'il ne l'a été, eu égard à l'effet suspensif de l'appel, que par l'arrêt du 16 mars 2021 ; que cette règle d'ordre public, que les juges du fond devaient au besoin appliquer d'office, s'opposait au constat des effets d'une reconnaissance au profit de Monsieur [I] ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les articles 6 et 320 du Code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 865 F-B Pourvoi n° Y 21-16.366 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [O] [F], épouse [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-16.366 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre spéciale des mineurs 2-5), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, 20 place Verdun, 13616 Aix-en-Provence, 2°/ à Mme [C] [E], placée à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Var, [Adresse 5], 3°/ à M. [U] [R], 4°/ à Mme [Z] [R], tous deux domiciliés [Adresse 4], 5°/ à l'Aide sociale à l'enfance (ASE), dont le siège est [Adresse 5], 6°/ à l'[6] ([6]), dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2021), [C], née le [Date naissance 3] 2006 en Algérie, a été confiée le 17 janvier 2018, selon la procédure de kafala, à Mme [E]. 2. Un jugement du 24 février 2020 a ordonné son placement auprès de M. et Mme [R] en qualité de tiers digne de confiance, ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert et réservé les droits de visite et d'hébergement de Mme [E]. 3. Un jugement du 28 août 2020 a ordonné la mainlevée des deux premières mesures, confié [C] à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Var, accordé à Mme [R] et Mme [E] un droit de correspondance et réservé les droits de visite et d'hébergement de celle-ci. 4. Un jugement du 10 septembre 2020 a, notamment, maintenu le placement jusqu'au 30 septembre 2021. Examen des moyens Sur le premier et le troisième moyens, ci après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de maintenir le placement de [C] à l'ASE du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [O] [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, et notamment du rapport d'actualisation de l'Aide Sociale à l'Enfance transmis à la cour d'appel le 17 février 2021, soit à peine sept jours avant la date de l'audience d'appel ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile et les articles 1182, 1187 et 1193 du même code : 7. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement. Cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge. 8. Il résulte de la combinaison des derniers qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parties jusqu'à la veille de l'audience. Les convocations les informent de cette possibilité de consulter le dossier. 9. Il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe. 10. En procédant ainsi, alors qu'il n'est pas établi que Mme [E] ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, les mesures critiquées ayant épuisé leurs effets. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [E]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation du jugement, d'avoir confirmé le jugement en entrepris en toutes ses dispositions et d'avoir dit n'y avoir lieu à évocation ; Alors, d'une part, que l'ouverture d'une mesure d'assistance éducative impose au juge d'en aviser et d'entendre chacun des parents de l'enfant, dans le respect du principe du contradictoire ; que le non-respect de cette règle emporte la nullité du jugement de placement de l'enfant, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'un grief ; qu'en retenant, pour débouter Mme [O] [E] de sa demande de nullité du jugement, que cette dernière « ne démontre pas [que le défaut d'audition de la mère biologique ] lui fait personnellement grief, ce qu'il lui appartient de prouver, ou fait grief à l'enfant », quand le simple constat de l'absence d'audition de Mme [J] suffisait pourtant à rendre la procédure irrégulière et à entraîner la nullité du jugement, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile, ensemble l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, d'autre part, que l'ouverture d'une mesure d'assistance éducative impose au juge d'en aviser et d'entendre chacun des parents de l'enfant, dans le respect du principe du contradictoire ; que les père et mère devant être avisés et entendus sont les personnes qui ont un lien juridique de filiation préalablement établi avec l'enfant, qu'ils exercent ou non l'autorité parentale et quel que soit le lieu de résidence du mineur ou l'investissement du parent auprès de lui ; qu'en retenant pourtant, pour débouter Mme [O] [E] de sa demande en nullité du jugement, que l'enfant « exprime en outre sa volonté de ne pas retourner en Algérie », que « Madame [J] a consenti à renoncer, par l'acte de recueil légal, à l'exercice de l'ensemble des droits habituellement attachés à la qualité de parent » et que cette dernière ne possède aucun des attributs de l'autorité parentale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter la nullité du jugement, en violation des articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile et de l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, de troisième part, que la règle imposant l'avis et l'audition des parents du mineur avant toute décision portant sur l'assistance éducative a pour fondement l'intérêt de l'enfant ; que par suite, un manquement à cette règle emporte nécessairement la nullité du jugement, sans que ce manquement puisse être régularisé lors d'une audience ultérieure ; qu'en retenant cependant que « l'omission soulevée, qu'il appartiendra au juge des enfants saisi de la procédure civile de réparer dans l'intérêt de la mère biologique et l'éventuel intérêt de la mineure lorsqu'il apparaîtra nécessaire de l'évaluer en ce sens, ne saurait emporter nullité de la procédure et des actes accomplis », la cour d'appel a encore violé les articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile, ensemble l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, de quatrième part, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir au soutien de sa demande en nullité du jugement que les autorités algériennes de protection de l'enfance auraient dû – conformément à l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant – être avisées et entendues par le juge des enfants avant que celui-ci ne rende sa décision de placement (conclusions pp. 16-17) ; qu'en se bornant à relever que le défaut de convocation de la mère biologique n'était pas susceptible d'entraîner la nullité du jugement et en relevant par ailleurs qu'il n'y avait pas lieu « à évocation sur les demandes tendant (...) à l'avis des autorités algériennes », sans répondre au moyen péremptoire de nullité tiré du défaut d'audition des autorités algériennes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le placement de [C] [E] à l'Aide Sociale à l'Enfance du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021 ; Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [O] [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, et notamment du rapport d'actualisation de l'Aide Sociale à l'Enfance transmis à la cour d'appel le 17 février 2021, soit à peine sept jours avant la date de l'audience d'appel ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le placement de [C] [E] à l'Aide Sociale à l'Enfance du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021 ; Alors, d'une part, qu'une mesure de placement ne peut être ordonnée que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a notamment relevé, par motifs propres, que Mme [O] [E] était décrite par les services sociaux comme « auto-centrée, peu accessible à la remise en cause personnelle », qu'elle avait « un discours rigide consistant à rejeter sur [C] et autrui d'une manière générale la responsabilité des dysfonctionnements de la relation enfant-recueillante », qu'elle était « dans une forte attente vis-à-vis de [C] », qu'elle n'avait « vraisemblablement pas été en mesure d'appréhender avec suffisamment de bienveillance et de souplesse les difficultés particulières de [C] » et qu'elle a réagi en « tenant des propos négatifs ou dévalorisants à l'égard de la mineure » ; qu'elle a également énoncé, par motifs adoptés des premiers juges, que « l'expertise psychologique de Madame [E] indique que cette dernière présente une "dépression réactionnelle" » du fait de la rupture avec sa famille et du choc traumatique de la disparition de sa fille biologique ; que de tels motifs, qui se concentrent sur la personnalité de Mme [O] [E], sont toutefois impropres à caractériser en quoi la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant seraient en danger, ou en quoi les conditions de son éducation ou de son développement seraient gravement compromises ; qu'en maintenant toutefois le placement de l'enfant auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance, sans caractériser la situation de danger dans laquelle la mineure se serait trouvée, la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 375 du code civil ; Alors, d'autre part, qu'une mesure de placement ne peut être ordonnée que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que les accusations de violence de [C] n'était accréditées que « de prime abord » et n'étaient « pas autrement documentées au stade actuel de la procédure » et que [C] « adoptait des discours différents en fonction de son interlocuteur qui peut induire celui-ci à penser qu'elle a menti » ; qu'elle a également relevé qu'il pouvait être « donné acte » à Mme [O] [E] des « nombreuses pièces attestant de la qualité de sa prise en charge, en particulier au niveau scolaire » et que cette dernière « [justifiait] de la mise en place d'un suivi thérapeutique » ; qu'en confirmant toutefois le placement de l'enfant auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance, quand elle constatait elle-même que les accusations de maltraitance de l'enfant n'étaient pas avérées et que Mme [O] [E] mettait au contraire tout en oeuvre pour améliorer sa relation avec l'enfant, de sorte que la mineure n'était pas en danger, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 375 et 375-3 du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'avoir dit n'y avoir lieu à évocation et de l'avoir déboutée de ses demandes plus amples ou contraires ; Alors, d'une part, que s'il est en principe interdit aux parties de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel, sont toutefois recevables les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou les demandes nouvelles qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions formulées en première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [O] [E] avait présenté des demandes d'instruction directement en cause d'appel ; que pour refuser d'y répondre, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il n'était « pas de bonne justice en l'espèce d'évoquer et de statuer sur [ces demandes], d'une part parce que le juge des enfants reste saisi de la procédure, qui se poursuit, et peut à tout moment prendre de nouvelles mesures, notamment sur la demande des parties, d'autre part parce qu'il convient de conserver autant que possible la possibilité de permettre aux parties de bénéficier du double degré de juridiction » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, au besoin d'office, si les demandes de Mme [O] [E] ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles présentées en première instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, que s'il est en principe interdit aux parties de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel, sont toutefois recevables les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou les demandes nouvelles qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions formulées en première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [O] [E] avait présenté des demandes d'instruction directement en cause d'appel ; qu'en se contentant d'opposer, pour refuser d'y répondre, qu'il n'était « pas de bonne justice en l'espèce d'évoquer et de statuer sur [ces demandes], d'une part parce que le juge des enfants reste saisi de la procédure, qui se poursuit, et peut à tout moment prendre de nouvelles mesures, notamment sur la demande des parties, d'autre part parce qu'il convient de conserver autant que possible la possibilité de permettre aux parties de bénéficier du double degré de juridiction », la cour d'appel s'est fondée sur des circonstances inopérantes et a ainsi violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. 1re Civ., 28 mars 2018, pourvoi n° 16-28.010, Bull. 2018, I, n° 60 (cassation sans renvoi).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 857 FS-B Pourvoi n° N 21-15.988 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [O] [S], domicilié [Adresse 1] (Belgique), a formé le pourvoi n° N 21-15.988 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-2), dans le litige l'opposant à Mme [L] [P], épouse [S], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [S], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mmes Antoine, Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2021), Mme [P] et M. [S], tous deux de nationalité belge, se sont mariés le 18 septembre 1982, en Belgique. 2. Le 12 mai 2020, Mme [P] a présenté une requête en divorce devant un juge aux affaires familiales. Examen du moyen Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [S] fait grief à l'arrêt de dire que le juge aux affaires familiales est compétent pour connaître de la procédure de divorce et de renvoyer M. et Mme [S] devant cette juridiction, alors « que la résidence habituelle, notion autonome du droit européen, se définit comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; qu'elle vise tous les intérêts des époux, sans nécessairement faire prévaloir leurs activités de la vie courante et de loisirs ; que, pour considérer que les époux [S] avaient transféré leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel retient que la résidence se définit comme le lieu où une personne a fixé ses centres d'intérêts et les met en oeuvre dans les actes de la vie courante de sorte que ce qu'il faut essentiellement retenir c'est qu'à la date du dépôt de la requête en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie sociale stable à [Localité 5] où ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes, avaient entrepris des travaux d'entretien et de réparation de leur villa et où ils avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale ; qu'en accordant de manière générale une prépondérance à la vie sociale et de loisir des époux sur l'ensemble des autres liens que les époux avaient conservés avec la Belgique, où il était constant qu'ils résidaient plusieurs mois de l'année, y avaient l'ensemble de leurs comptes et actifs financiers, où M. [S] percevait ses allocations chômage qui constituaient les ressources du ménage, où les époux payaient leurs impôts sur le revenu et recevaient l'ensemble de leurs factures y compris celles relatives à leur bien sis à [Localité 5] et étaient toujours rattachés à la sécurité sociale, où tous leurs frais médicaux étaient encourus, où l'Etat belge considère que c'est leur résidence principale, où ils déclaraient tous les deux avoir leur résidence habituelle tandis qu'ils qualifiaient leur résidence de [Localité 5] de secondaire, et où les époux avaient conservé l'immatriculation de leurs voitures et leurs numéros de téléphone portable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 3, § 1, sous a), premier tiret, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux. 6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 25 novembre 2021, IB/FA, C-289/20) que la notion de résidence habituelle au sens de l'article 3, § 1, sous a), du règlement précité est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d'une part, la volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d'autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné (point 57), l'environnement d'un adulte étant de nature variée, composé d'un vaste spectre d'activités et d'intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d'ordre privé et familial, diversifiés (point 56). 7. La cour d'appel a relevé qu'après avoir vécu pendant longtemps à l'étranger en raison de l'activité professionnelle de l'époux, M. [S] et Mme [P], propriétaires, à [Localité 4] (Belgique), d'une maison occupée par leur fille aînée depuis 2013, et d'une villa à [Localité 5], louée jusque fin 2017, étaient revenus en Europe en mai 2018, date à laquelle, tout en déclarant leur résidence principale à [Localité 4], ils avaient fait déménager divers meubles d'[Localité 4] à [Localité 5], pour s'y installer eux-mêmes début juin 2018. 8. Elle a constaté que la villa, d'abord assurée en tant que résidence secondaire, était désormais assurée sans précision particulière et que le couple y avait entrepris divers travaux d'entretien et de réparation, en effectuant la quasi-totalité de ses dépenses courantes à [Localité 5] ou dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où il avait développé un réseau relationnel et amical. 9. Elle a relevé encore que, depuis leur installation, M. et Mme [S] résidaient essentiellement à [Localité 5] et ne rentraient que pour de courts séjours à [Localité 3], où ils avaient conservé des intérêts administratifs et financiers. 10. Elle en a souverainement déduit que, à partir du mois de juin 2018, M. et Mme [S] avaient eu la volonté de fixer à [Localité 5] le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens du texte précité se trouvait en France. 11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision déclarant le juge français compétent pour connaître de l'instance en divorce introduite par Mme [P]. 12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [O] [S]. M. [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de dire que le juge aux affaires familiales de Grasse est compétent pour connaître de la procédure de divorce et de renvoyer les époux [S] devant cette juridiction, alors : 1°) que la résidence habituelle, notion autonome du droit européen, se définit comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; qu'elle vise tous les intérêts des époux, sans nécessairement faire prévaloir leurs activités de la vie courante et de loisirs ; que, pour considérer que les époux [S] avaient transféré leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel retient que la résidence se définit comme le lieu où une personne a fixé ses centres d'intérêts et les met en oeuvre dans les actes de la vie courante de sorte que ce qu'il faut essentiellement retenir c'est qu'à la date du dépôt de la requête en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie sociale stable à [Localité 5] où ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes, avaient entrepris des travaux d'entretien et de réparation de leur villa et où ils avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale ; qu'en accordant de manière générale une prépondérance à la vie sociale et de loisir des époux sur l'ensemble des autres liens que les époux avaient conservés avec la Belgique, où il était constant qu'ils résidaient plusieurs mois de l'année, y avaient l'ensemble de leurs comptes et actifs financiers, où M. [S] percevait ses allocations chômage qui constituaient les ressources du ménage, où les époux payaient leurs impôts sur le revenu et recevaient l'ensemble de leurs factures y compris celles relatives à leur bien sis à [Localité 5] et étaient toujours rattachés à la sécurité sociale, où tous leurs frais médicaux étaient encourus, où l'Etat belge considère que c'est leur résidence principale, où ils déclaraient tous les deux avoir leur résidence habituelle tandis qu'ils qualifiaient leur résidence de [Localité 5] de secondaire, et où les époux avaient conservé l'immatriculation de leurs voitures et leurs numéros de téléphone portable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 ; 2°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a retenu, d'une part, que les époux avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale, comme l'illustrent divers clichés photographiques, montrant le couple dans un club de golf, au ski, au restaurant, ou randonnant, toujours entourés d'amis ; qu'en se fondant sur ces éléments, quand il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions d'appel des parties, ni de leur bordereau de communication de pièces qui y était annexé qu'ils aient été soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; 3°) que, subsidiairement, les seules photographies produites aux débats par M. [S] avaient été prises à l'occasion du mariage de sa fille et à diverses fêtes de famille à [Localité 3] ; qu'en retenant que les divers clichés photographiques produits aux débats « montraient le couple dans un club de golf, au ski, au restaurant ou en randonnant toujours entouré d'amis » (arrêt, p.5) quand les photographies produites ne représentaient nullement les époux [S] exerçant une activité sportive ou au restaurant avec des amis en France, la cour d'appel a dénaturé les photographies, en violation de l'interdiction pour le juge de dénaturer les éléments de la cause ; 4°) que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a retenu, d'autre part, qu'en 2018 et 2019, les époux ont entrepris divers travaux d'entretien et de réparation sur leur villa en France et qu'ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes à [Localité 5] ou dans la région ; qu'en se fondant sur ces motifs, à eux seuls impropres à caractériser la volonté des époux de fixer le centre de leurs intérêts en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale de l'article 3 du règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003 ; 5°) que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a estimé que nombreux de leurs amis témoignaient de ce que les époux [S] résidaient depuis le 4 juin 2018 à l'année dans leur villa et qu'ils ne rentraient que pour de courts séjours à [Localité 3] ; qu'en se déterminant ainsi, sans répondre au moyen de M. [S] qui contestait la nature amicale des liens avec les auteurs des attestations et qui exposait qu'il n'avait jamais rencontré M. [R], que les époux avaient rencontré Mme [T] seulement pendant le confinement, que M. [E] était le concubin de la propriétaire de la résidence et qu'il avait simplement croisé M. [F], ancien jardinier de la résidence, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 797 FS-B Pourvoi n° G 21-23.505 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 La société Giovellina, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], chez Madame [U] [P], [Localité 4], a formé le pourvoi n° G 21-23.505 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Bastia (Chambre civile - Section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Bastia charpentes armatures, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Giovellina, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 15 septembre 2021), la société Giovellina a confié la réalisation de la charpente métallique et du revêtement d'un bâtiment à usage commercial à la société Bastia charpentes armatures (la société BCA), assurée auprès de la Société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP). 2. La société Giovellina a formé opposition à une ordonnance portant injonction de payer le solde du prix du marché à la société BCA et elle a formé des demandes reconventionnelles aux fins d'indemnisation de ses préjudices. 3. La société BCA a appelé la SMABTP en intervention forcée. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. La société Giovellina fait grief à l'arrêt de refuser d'homologuer le rapport de l'expert sur les préjudices subis, de la renvoyer à assigner si elle l'estime nécessaire, concernant le montant de ces préjudices, de la condamner à payer à la société BCA une certaine somme au titre du solde du marché et de rejeter l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société BCA et la SMABTP, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en énonçant que la société Giovellina, usufruitière, serait sans qualité pour agir en garantie décennale, tout en constatant qu'elle était liée à la société BCA par un contrat de louage d'ouvrage et qu'elle avait fait construire l'immeuble litigieux en qualité de maitresse d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 578 et 1792 du code civil. » Réponse de la Cour 6. L'usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n'en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d'usufruitier, l'action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l'ouvrage et non à sa jouissance. 7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé que la société Giovellina reconnaissait être usufruitière de l'ouvrage et devant laquelle elle ne prétendait pas avoir été mandatée par le nu-propriétaire, a retenu que cette société ne pouvait agir contre le constructeur et son assureur sur le fondement de la garantie décennale. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. La société Giovellina fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à le supposer sans qualité pour agir en garantie décennale, l'usufruitier lié par un contrat de louage d'ouvrage au constructeur, a en tout état de cause qualité pour agir en réparation de l'ensemble des désordres y compris de nature décennale, affectant l'ouvrage, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, comme le constate l'arrêt attaqué, la société Giovellina fondait expressément ses demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 ancien du code civil ; qu'en la déclarant sans qualité pour agir contre sa cocontractante, la cour d'appel a violé les articles 578 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 10. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 11. Aux termes du second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. 12. Il en résulte que l'usufruitier, qui n'a pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale, peut néanmoins agir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en réparation des dommages que lui cause la mauvaise exécution des contrats qu'il a conclus pour la construction de l'ouvrage, y compris les dommages affectant l'ouvrage. 13. Pour rejeter les demandes de la société Giovellina, l'arrêt retient que les demandes reconventionnelles présentées par cette société, sous couvert d'être fondées sur la responsabilité contractuelle de la société BCA, s'avèrent être la conséquence des désordres allégués pour lesquels, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, est recherchée la garantie décennale du constructeur. 14. Il retient que l'usufruitière n'a pas qualité pour agir en garantie décennale contre le constructeur, pas plus que pour les dommages immatériels en découlant, à charge pour elle d'assumer son intervention en qualité de maître de l'ouvrage dans une construction sans préexistant pour laquelle elle s'est substituée à la nue-propriétaire. 15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les travaux avaient été exécutés pour le compte de la société Giovellina, qui avait conclu le contrat d'entreprise et qui demandait la réparation des dommages résultant de la mauvaise exécution de ce contrat sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation prononcée porte sur le rejet des demandes formées tant contre la société BCA que contre la SMABTP, dont la responsabilité était recherchée, notamment, sur le fondement d'une assurance de responsabilité civile. 17. Il n'est pas nécessaire, dès lors, de statuer sur le troisième moyen. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Giovellina à payer à la société Bastia charpentes armatures la somme de 30 113,81 euros au titre du solde du marché avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en ce qu'il renvoie la société Giovellina à assigner si elle l'estime nécessaire concernant les préjudices subis et en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de la société Giovellina, l'arrêt rendu le 15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier. Condamne la société Bastia charpentes armatures et la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics laux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Bastia charpentes armatures et la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics à payer à la société Giovellina la somme de 3 000 euros et rejette la demande formée par la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Giovellina PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Giovellina fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société BCA la somme de 30.113,81 euros, montant du solde restant dû au titre du marché avec intérêts de droit à compter de la présente décision ; 1°- Alors que la facture du 30 juillet 2015 faisant apparaitre l'application d'une TVA de 20% au lieu de 10%, invoquée par la société Giovellina dans ses conclusions (p14) figurait à la page 46 du rapport d'expertise produit (en pièce n° 37) aux débats par cette dernière, qui faisait valoir que l'expert n'avait pas tenu compte de l'erreur qui affecte cette facture, en invitant ainsi la cour d'appel à vérifier le rapport d'expertise dans lequel figurait cette facture ; qu'en énonçant que cette facture n'aurait pas été produite aux débats par la société Giovelllina, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise versé aux débats, comportant cette facture en page 46, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°- Alors en tout état de cause, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que c'est à la société BCA qui réclamait le paiement des sommes facturées le 30 juillet 2015 qu'il incombait de justifier du calcul de sa créance et partant de produire la facture en cause pour démontrer le montant de la TVA qu'elle avait appliquée et qui était contesté ; qu'en faisant peser le risque de cette preuve sur la société Giovellina, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien devenu 1353 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Giovellina fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'homologuer le rapport de l'expert, sur les préjudices subis, de l'avoir renvoyée à assigner si elle l'estime nécessaire, concernant le montant de ces préjudices, de l'avoir condamnée à payer à la société BCA la somme de 30.113,81 euros, montant du solde restant dû au titre du marché avec intérêts de droit à compter de la présente décision, et de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société BCA et la SMABTP ; 1°- Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en énonçant que l'usufruitier bien que cocontractant du constructeur n'aurait pas qualité pour agir en garantie décennale contre le constructeur, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°- Alors que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en énonçant que la société Giovellina, usufruitière, serait sans qualité pour agir en garantie décennale, tout en constatant qu'elle était liée à la société BCA par un contrat de louage d'ouvrage et qu'elle avait fait construire l'immeuble litigieux en qualité de maitresse d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 578 et 1792 du code civil ; 3°- Alors qu'à le supposer sans qualité pour agir en garantie décennale, l'usufruitier lié par un contrat de louage d'ouvrage au constructeur, a en tout état de cause qualité pour agir en réparation de l'ensemble des désordres y compris de nature décennale, affectant l'ouvrage, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, comme le constate l'arrêt attaqué, la société Giovellina fondait expressément ses demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 ancien du code civil ; qu'en la déclarant sans qualité pour agir contre sa cocontractante, la cour d'appel a violé les articles 578 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4°- Alors qu'en énonçant que la réparation des désordres serait recherchée par la société Giovellina sur le fondement de la garantie décennale, quand ainsi qu'elle l'admet elle-même, les conclusions de la société Giovellina étaient fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 5°- Alors que les désordres apparents qui font l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu'en énonçant que sous couvert de responsabilité contractuelle de droit commun, la société Giovellina invoquerait des désordres relevant de la garantie décennale quand cette dernière se prévalait notamment de désordres qui avaient fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, listés et examinés par l'expert judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 1792 du code civil et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 6°- Alors qu'en se bornant à écarter la réparation du préjudice financier engendré par les désordres, sans s'expliquer comme elle était invitée, sur le préjudice financier résultant du retard dans l'exécution des travaux et du non respect de la date de livraison, sans relation avec les désordres affectant l'immeuble, dont la réparation ne pouvait relever que de la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 7°- Alors que commet un déni de justice, le juge qui refuse d'évaluer un préjudice dont il admet l'existence dans son principe ; qu'à supposer que pour rejeter la réparation du préjudice financier résultant du retard dans la livraison de l'ouvrage, elle ait entendu s'approprier les motifs du jugement selon lesquels le préjudice financier résultant des retards dans les travaux qui sont démontrés et qui ont nécessairement généré un préjudice, ne peut être chiffré objectivement en l'état des sommes retenues par l'expert, s'agissant essentiellement d'estimations, ce dernier ayant renvoyé à l'appréciation des tribunaux, en refusant ainsi d'évaluer le préjudice dont elle constatait l'existence dans son principe, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Giovellina fait grief à l'arrêt attaqué l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigée contre la SMABTP ; Alors que la société Giovellina faisait valoir que le contrat d'assurance de la société BCA couvre aussi bien les désordres relevant de la garantie décennale que les désordres relevant de la responsabilité civile en cours ou après travaux, et demandait la condamnation de la SMABTP à garantir la responsabilité contractuelle de droit commun de son assurée ; qu'en énonçant que l'assureur de la société BCA serait recherché en sa qualité d'assureur en responsabilité décennale sur le fondement de l'article 1792 du code civil que seule la nupropriétaire pourrait actionner, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Giovellina en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. 3e Civ., 1er juillet 2009, pourvoi n° 08-14.714, Bull. 2009, III, n° 162 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1187 FS-B Pourvoi n° R 20-19.782 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022 La société Mecajet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-19.782 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société RGY concept, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mecajet, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société RGY concept, de la société AXA France IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Besson, Mme Durin-Karsenty, MM. Martin, Delbano, Mmes Vendryes, Isola, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, MM. Cardini, Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Latreille, Bonnet, Philippart, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 juillet 2020) et les productions, la société Mecajet a confié à la société RGY concept (la société RGY) la réalisation des plans des appareils de chauffage-climatisation devant équiper des navettes ferroviaires dont la fabrication lui était commandée. 2. La société Mecajet, invoquant avoir subi un préjudice en raison d'une erreur de cotation des plans, a assigné la société RGY et son assureur, la société Axa France IARD (la société AXA), devant un tribunal de commerce qui les a condamnées solidairement à lui payer une certaine somme à titre indemnitaire. 3. La société RGY a interjeté un appel principal de ce jugement. 4. La société AXA, intimée, n'a pas constitué avocat. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. La société Mecajet fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de rejeter toutes ses demandes, alors « que l'appel d'une partie ne produit effet à l'égard des autres parties condamnées ne s'étant pas jointes à l'instance qu'en cas d'indivisibilité ; que la société AXA, condamnée en première instance, n'a pas relevé appel ni constitué avocat devant la cour d'appel ; qu'en infirmant le jugement en son entier et en faisant ainsi produire au seul appel de la société RGY effet à l'égard de la société AXA cependant que les condamnations solidaires de l'assuré et de son assureur à indemniser la société Mecajet n'étaient pas indivisibles, la cour d'appel a violé l'article 553 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 553 du code de procédure civile : 6. Aux termes de ce texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. 7. Il en résulte qu'en l'absence d'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l'indivisibilité, au sens de l'article 553 du code de procédure civile, n'étant pas caractérisée, l'appel de l'une des parties ne peut pas produire effet à l'égard d'une partie défaillante. 8. Pour débouter la société Mecajet de sa demande de condamnation solidaire de la société RGY et de la société AXA, l'arrêt retient que la société RGY ne peut être tenue de réparer les conséquences financières subies par la société Mecajet pour assurer la reprise des désordres des châssis mis en production. 9. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'impossibilité de poursuivre simultanément l'exécution du jugement ayant condamné la société AXA et de l'arrêt déboutant la société Mecajet de sa demande de condamnation de la société RGY, l'appel de cette dernière ne pouvait produire effet à l'égard de la société AXA, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 10. La société Mecajet fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à déclarer la société RGY responsable du désordre constaté le 5 mai 2017 et de la condamner solidairement avec son assureur, la société AXA, à l'indemniser de son entier préjudice, soit à lui payer les sommes de 258 675 euros et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société Mecajet fondait ses demandes sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil et que la société RGY justifiait sa prétention au rejet des demandes de la société Mecajet sur une prétendue absence de lien de causalité entre la faute qu'elle avait commise et les dépenses engagées par la société Mecajet ; qu'aucune des parties n'a donc évoqué l'exigence de la prévisibilité du dommage en matière de responsabilité contractuelle ; qu'en se fondant ainsi d'office sur l'article 1231-3 du code civil sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 11. Aux termes de ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. 12. Pour rejeter les demandes de la société Mecajet, l'arrêt retient que si la société RGY pouvait prévoir que l'erreur de cotation de ses plans entraînerait une impossibilité de mettre en oeuvre les composants mécaniques réalisés sur la base de ceux-ci, elle ne pouvait en revanche prévoir ni que la société Mecajet choisirait de passer outre la phase de réalisation d'un prototype et d'engager directement la production de 20 châssis pour gagner sur les délais de mise en oeuvre impartis par le marché, ni qu'elle mettrait tout en oeuvre, à savoir l'engagement de deux sociétés d'ingénierie tierces et la remise en production en urgence de nombreuses pièces, pour sauver son marché face à un partenaire commercial tel que la société Eurotunnel, de sorte que les préjudices dont la société Mecajet réclame réparation constituent des dommages que la société RGY, dont il n'est pas soutenu qu'elle avait commis une faute lourde ou dolosive, ne pouvait pas prévoir au sens de l'article 1231-3 du code civil. 13. En statuant ainsi, en faisant d'office application au litige de l'article 1231-3 du code civil, la prévisibilité du dommage n'ayant pas été invoquée par les parties dans le débat sur le lien de causalité entre la faute de la société RGY et le préjudice allégué par la société Mecajet, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée. Condamne la société RGY concept et la société Axa France IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société RGY concept et la société Axa France IARD et les condamne in solidum à payer à la société Mecajet la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société Mecajet PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du 24 septembre 2018 par lequel le tribunal du commerce de Douai avait condamné solidairement la société RGY et la société Axa, ès qualités d'assureur de la société RGY, à payer à la société Mecajet, en réparation de son préjudice, la somme de 110 000 euros HT, outre les intérêts à compter du 14 mars 2018 et sous déduction de la provision versée, et d'avoir rejeté toutes les demandes de la société Mecajet ; AUX MOTIFS QUE les préjudices dont la société Mecajet réclame réparation constituent des dommages que la société RGY ne pouvait pas prévoir ; qu'il n'est pas soulevé que la faute de la société RGY présente le caractère d'une faute lourde ou dolosive ; qu'en conséquence, la société RGY ne peut être tenue de réparer les conséquences financières subies par la société Mecajet pour assurer la reprise des désordres sur les 20 châssis mis en production ; que le jugement sera infirmé et les demandes de la société Mecajet visant à voir condamner solidairement la société RGY avec sa compagnie d'assurance AXA à l'indemniser de son entier préjudice, qui ne sont pas fondées, seront rejetées ; ALORS QUE l'appel d'une partie ne produit effet à l'égard des autres parties condamnées ne s'étant pas jointes à l'instance qu'en cas d'indivisibilité ; que la société AXA, condamnée en première instance, n'a pas relevé appel ni constitué avocat devant la cour d'appel (arrêt p. 1 et p. 3) ; qu'en infirmant le jugement en son entier et en faisant ainsi produire au seul appel de la société RGY effet à l'égard de la société AXA cependant que les condamnations solidaires de l'assuré et de son assureur à indemniser la société Mecajet n'étaient pas indivisibles, la cour d'appel a violé l'article 553 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Mecajet de ses demandes tendant à voir dire la société RGY déclarée responsable du désordre constaté le 5 mai 2017 sur le chantier Eurotunnel et condamnée solidairement avec son assureur, la compagnie Axa, à l'indemniser de son entier préjudice, soit à lui payer les sommes de 258 675 euros et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QU'il ressort de la note d'expertise n° 2 du cabinet Cunningham Lindsey versée au dossier que « les nouvelles pattes dont les trous de fixation étaient décalés par rapport au modèle initial ont été positionnées (telles) quelles sur le plan du châssis sans que le positionnement des trous de montage dans le châssis soit décalé de la même valeur. Les pattes se sont donc trouvées décalées par rapport à leur position initiale et la cote d'entraxe des fixations qui constituaient pourtant une cote fonctionnelle majeure s'en trouvait modifiée d'autant » ; que la société RGY ne conteste pas être l'auteur d'une erreur de côte dans les plans communiqués à la société Mecajet pour la réalisation de pattes de fixation de châssis, dans le cadre de l'exécution par celle-ci du marché de rénovation du système de chauffage-climatisation du matériel roulant de la société Eurotunnel, résultant du fait qu'elle n'a pas pris en compte une modification du modèle, intervenue à la demande de son donneur d'ordre ; que le débat sur le refus par la société RGY de la commande n° 13440 est sans objet, puisque la société RGY a in fine réalisé des plans pour la société Mecajet dans le cadre du marché Eurotunnel, relatifs au système de fixation des châssis devant supporter les appareils de chauffage/climatisation, comme en attestent les échanges de mail entre les ingénieurs des deux sociétés de janvier 2017 relatifs aux côtes des fixations, dont il n'est pas contesté qu'ils comportaient une erreur de côte ne permettant pas une mise en oeuvre efficiente ; que la société RGY conteste non pas sa faute, mais le lien de causalité entre celle-ci et le préjudice allégué par la société Mecajet, au motif que cette dernière devait, au titre du contrat la liant à Eurotunnel, réaliser, à la suite de son étude, un prototype devant être validé avant d'engager la production de 148 pièces, et que le respect de cette procédure aurait permis de détecter l'erreur et de la corriger avec des conséquences financières très limitées ; que selon l'article 1231-3 du code civil, « le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive » ; qu'il résulte des dernières conclusions de la société Mecajet que « la société RGY s'est vu remettre l'ensemble du cahier des charges d'Eurotunnel » ; que la société RGY avait en conséquence connaissance du protocole prévu de réalisation d'un prototype, lequel, même relevant des conditions contractuelles stipulées entre les sociétés Mecajet et Eurotunnel, constituait le cadre prévisible de diagnostic et de reprise d'erreurs possibles ; que si la société RGY pouvait prévoir que l'erreur de cotation de ses plans entraînerait une impossibilité de mettre en oeuvre les composants mécaniques réalisés sur la base de ceux-ci, elle ne pouvait en revanche prévoir ni, d'une part, que la société Mecajet choisirait de passer outre la phase de réalisation d'un prototype et d'engager directement la production de 20 châssis pour gagner du temps sur les délais de mise en oeuvre impartis par le marché, ni, d'autre part, qu'elle mettrait tout en oeuvre, à savoir l'engagement de deux sociétés d'ingénierie tierces et la remise en production en urgence de nombreuses pièces, pour sauver son marché face à un partenaire commercial tel que la société Eurotunnel ; qu'en conséquence, les préjudices dont la société Mecajet réclame réparation constituent des dommages que la société RGY ne pouvait pas prévoir ; qu'il n'est pas soulevé que la faute de la société RGY présentait le caractère d'une faute lourde ou dolosive ; 1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société Mecajet fondait ses demandes sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil et que la société RGY justifiait sa prétention au rejet des demandes de la société Mecajet sur une prétendue absence de lien de causalité entre la faute qu'elle avait commise et les dépenses engagées par la société Mecajet ; qu'aucune des parties n'a donc évoqué l'exigence de la prévisibilité du dommage en matière de responsabilité contractuelle ; qu'en se fondant ainsi d'office sur l'article 1231-3 du code civil sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE doit être indemnisée, en matière de responsabilité contractuelle, la part du dommage qui était prévisible lors de la conclusion du contrat et a constitué une suite immédiate et directe de l'inexécution de ce contrat ; que la cour d'appel a relevé, d'une part, que la société RGY pouvait prévoir que l'erreur de cotation de ses plans entraînerait une impossibilité de mettre en oeuvre les composants mécaniques réalisés sur la base de ceux-ci et, d'autre part, que, selon la société RGY, le respect, par la société Mecajet, de la procédure prévue par le contrat la liant à la société Eurotunnel, à savoir réaliser un prototype devant être validé avant d'engager la production, aurait permis de détecter l'erreur et de la corriger avec des conséquences financières très limitées ; qu'il ressort ainsi des énonciations de l'arrêt que l'inexécution par la société RGY de ses obligations aurait, en toute hypothèse, causé un dommage prévisible à la société Mecajet ; qu'en omettant de prendre en compte les conséquences financières, même limitées, qu'a eues l'erreur de cotation des plans commise par RGY et en refusant de les indemniser, la cour d'appel a violé les articles 1217, 1231-1, 1231-2 et 1231-3 du code civil. 2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-15.827, Bull., (cassation partielle) ;
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1148 FS-B Pourvoi n° B 21-16.185 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022 La société Blanchisserie Roncaglia, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-16.185 contre l'ordonnance rendue le 13 avril 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 OP), dans le litige l'opposant à Mme [V] [C], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société Blanchisserie Roncaglia, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [C], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée (Aix-en-Provence, 13 avril 2021), la société Blanchisserie Roncaglia (la société) a confié différents dossiers à Mme [C] (l'avocat) aux fins de recouvrement d'impayés et il a été mis un terme à ces relations en 2015. 2. Le 27 décembre 2016, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires et, par décision du 23 mai 2017, celui-ci a fixé le solde des honoraires dus par la société, laquelle a formé un recours contre cette décision. 3. Une ordonnance du premier président du 3 juillet 2018 qui a fixé les honoraires dus à l'avocat, a, sur le pourvoi formé par la société, été cassée en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation qui a renvoyé l'affaire devant le premier président d'une cour d'appel (2e Civ., 21 novembre 2019, pourvoi n° 18-22.152). 4. La société a saisi le premier président par déclaration adressée par voie électronique le 6 avril 2020, aux fins de voir statuer sur le recours formé. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La société fait grief à l'ordonnance de dire irrecevable sa déclaration de saisine après renvoi de cassation du 6 avril 2020 adressée par voie électronique au premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et d'écarter sa demande tendant à la « régularisation » de la déclaration de saisine susdite, alors « qu'en matière de contestation d'honoraires, la saisine du premier président d'une cour d'appel, sur renvoi après cassation, peut s'effectuer par voie électronique ; qu'en retenant, pour dire irrecevable la déclaration de saisine de la société Blanchisserie Roncaglia, que les textes relatifs à la communication électronique en matière civile ne s'appliquent pas à cette procédure et que sa saisine ne pouvait donc être effectuée par voie électronique, le premier président a violé les articles 748-1, 748-6 et 1032 du code de procédure civile, 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, 1 de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel et 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. » Réponse de la Cour 7. Il résulte des dispositions combinées des articles 932 et 1032 du code de procédure civile qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la saisine de la cour d'appel de renvoi s'effectue conformément aux formes prescrites pour l'exercice du droit d'appel en cette matière (3e Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 13-11.685, Bull. 2016, III, n° 26). 8. Selon l'alinéa 1 de l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois. 9. Selon l'article 748-1 du code de procédure civile relatif à la communication par voie électronique qui figure au sein de dispositions communes à toutes les juridictions, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication. 10. Aux termes de l'article 748-6, les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. 11. Il résulte de l'alinéa 1 de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, qui vise les articles 748-1 à 748-6 du code de procédure civile, que lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties ou entre un tel auxiliaire et la juridiction, dans le cadre d'une procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, les envois et remises des déclarations d'appel, des actes de constitution et des pièces qui leur sont associées doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté. 12. Sous l'empire de ces dispositions, la Cour de cassation a jugé qu'étant porté devant le premier président de la cour d'appel, le recours formé, en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d'honoraires et débours n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, tel que fixé par son article 1 (2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.047, Bull. 2018, II, n° 165). 13. L'arrêté précité a été abrogé par l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant les cours d'appel. 14. Selon l'article 2 de ce dernier arrêté, lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre avocats, ou entre un avocat et la juridiction, ou entre le ministère public et un avocat, ou entre le ministère public et la juridiction, dans le cadre d'une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d'appel ou son premier président, les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 du code de procédure civile doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté. 15. L'article 24 dispose que le présent arrêté entre en vigueur à la date de sa publication à l'exception des dispositions de l'article 2, en ce qu'elles portent sur la transmission des actes de procédure au premier président de la cour d'appel, qui entrent en vigueur le 1er septembre 2020. 16. La déclaration de saisine ayant été effectuée le 6 avril 2020, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les textes relatifs à la communication électronique issus de l'arrêté du 20 mai 2020 ne s'appliquent pas à cette procédure. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 17. La société fait le même grief à l'ordonnance, alors « que le droit d'accès à un tribunal, composante du droit à un procès équitable, ne peut être limité par des règles procédurales que dans la mesure où elles ne privent pas ce droit d'effectivité ; qu'en privant la société Blanchisserie Roncaglia de la faculté de saisir le premier président par le moyen de communication électronique sécurisé dont disposait son avocat, le premier président a porté une atteinte disproportionnée à son droit d'accès au juge et ainsi violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 18. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH, arrêt du 5 avril 2018, Zubac c. Croatie, n° 40160/12). 19. L'article 748-6 du code de procédure civile subordonne la faculté, offerte aux parties par l'article 748-1 du même code, de remettre par la voie électronique la déclaration de recours prévue par l'article 176 susmentionné, à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et la date certaine des transmissions (2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.431, Bull. 2016, II, n° 247). 20. La règle était prévisible. En effet, le recours formé en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d'honoraires et débours devant le premier président n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, applicable en l'espèce, et relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, tel que fixé par son article 1 (2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.047, Bull. 2018, II, n° 165). 21. La circonstance qu'un arrêté soit intervenu le 20 mai 2020, abrogeant l'arrêté précité du 5 mai 2010 et qui est applicable, selon les dispositions transitoires, au 1er septembre 2020 pour la transmission des actes de procédure au premier président, ne saurait avoir pour effet de valider rétroactivement la transmission de la déclaration de recours faite en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, fût-elle effectuée par un avocat au moyen du réseau privé virtuel avocat, mais en dehors de toute prévision d'un arrêté du garde des Sceaux. 22. Cette sanction n'est pas disproportionnée et ne constitue pas un excès de formalisme portant atteinte à l'équité du procès, dès lors que, répondant aux objectifs de sécurisation de l'usage de la communication électronique, par des textes qui en réglementent les conditions, éclairés par un arrêt publié dans une procédure analogue, elle est dénuée d'ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu'il recourt à la communication électronique et ne le prive pas de la possibilité d'adresser au greffe la déclaration de recours dans les conditions prévues par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, lesquelles ne comportent aucun obstacle pratique. 23. C'est donc à bon droit qu'un premier président, qui n'était pas saisi de la déclaration de saisine, rejette l'argumentation prise de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en relevant que la saisine par lettre recommandée avec accusé de réception ne représente aucune difficulté technique particulière, surtout pour une partie représentée par un avocat. 24. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Blanchisserie Roncaglia aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Blanchisserie Roncaglia et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour la société Blanchisserie Roncaglia La société Blanchisserie Roncaglia fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir dit irrecevable sa déclaration de saisine après renvoi de cassation du 6 avril 2020 adressée par voie électronique au premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et d'avoir écarté sa demande tendant à la « régularisation » de la déclaration de saisine sus-dite ; 1°) ALORS QU'en matière de contestation d'honoraires, la saisine du premier président d'une cour d'appel, sur renvoi après cassation, peut s'effectuer par voie électronique ; qu'en retenant, pour dire irrecevable la déclaration de saisine de la société Blanchisserie Roncaglia, que les textes relatifs à la communication électronique en matière civile ne s'appliquent pas à cette procédure et que sa saisine ne pouvait donc être effectuée par voie électronique, le premier président a violé les articles 748-1, 748-6 et 1032 du code de procédure civile, 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, 1 de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel et 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel ; 2°) ALORS QUE, en tout état de cause, dans ses conclusions d'appel, la société Blanchisserie Roncaglia avait uniquement fait valoir que, sur renvoi après cassation, la déclaration de saisine du premier président de la cour d'appel en matière de contestation d'honoraires « peut être remise (...) par voie électronique » (conclusions, p. 12, § 5, on souligne) ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'imposer la voie électronique pour saisir la juridiction réduirait de façon certaine l'accès à celle-ci, le premier président a dénaturé les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le droit d'accès à un tribunal, composante du droit à un procès équitable, ne peut être limité par des règles procédurales que dans la mesure où elles ne privent pas ce droit d'effectivité ; qu'en privant la société Blanchisserie Roncaglia de la faculté de saisir le premier président par le moyen de communication électronique sécurisé dont disposait son avocat, le premier président a porté une atteinte disproportionnée à son droit d'accès au juge et ainsi violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1161 F-B Pourvoi n° V 20-20.660 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022 M. [K] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-20.660 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2020 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [D], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes, et après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller, et Mme Thomas greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juillet 2020), par acte du 15 mars 1994, M. [D] s‘est porté caution solidaire de la société Helispire envers la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Isère, aux droits de laquelle vient la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes (la banque). 2. A la suite de la liquidation judiciaire de la société, M. [D] a été condamné, par arrêt du 12 septembre 2002, à verser à la banque la somme de 23 420 euros outre les intérêts. 3. Par requête du 1er mars 2018, la banque a saisi un tribunal d'instance d'une demande de convocation de M. [D] en vue d'une tentative de conciliation préalable à la saisie des rémunérations de son travail. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. [D] fait grief à l'arrêt de le débouter de son exception d'irrecevabilité pour cause de prescription, de constater que la CRCAM Sud Rhône-Alpes justifiait d'une créance liquide et exigible de 23 340 euros en principal et de 15 512,06 euros au titre des intérêts non prescrits entre le 1er mars 2013 et le 21 avril 2020 outre les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile fixés par l'arrêt d'appel de 2002 à hauteur de 457,35 euros soit un total de 39 389,41 euros, et d'ordonner la saisie de ses rémunérations à hauteur de 39 389,41 euros, entre les mains de la société Apicil de [Localité 3], le RSI Rhône-Alpes de Lyon et la Caisse Carsat Rhône-Alpes de Lyon, alors : « 1°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en relevant, pour débouter M. [D] de son exception fondée sur la prescription, que « l'assignation de la caisse régionale du Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes ayant été déposée au greffe du tribunal le 1er mars 2018, l'action n'est pas prescrite », quand il résultait des termes clairs et précis de celui-ci que cet acte constituait une requête, qui tendait à la convocation de M. [D] en vue d'une tentative de conciliation préalable à la saisie des rémunérations du travail, la cour d'appel l'a dénaturé et a méconnu le principe susvisé ; 2°/ que faute d'avoir été porté à la connaissance du débiteur, le dépôt au greffe d'une requête aux fins de conciliation prévu par l'article R. 3252-12 du code du travail, acte unilatéral et non contradictoire qui tend à la convocation du débiteur devant le tribunal d'instance aux fins de saisie des rémunérations, n'a pas d'effet interruptif de la prescription ; qu'en retenant, pour débouter M. [D] de son exception de prescription, que « l'assignation de la caisse régionale du Crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes ayant été déposée au greffe du tribunal le 1er mars 2018, l'action n'est pas prescrite », quand cet acte constituait une requête aux fins de conciliation, qui n'avait pas d'effet interruptif, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. 7. Il en résulte que la requête à fin de convocation d'une partie à une tentative de conciliation préalable à une saisie des rémunérations, prévue à l'article R 3252-13 alinéa 1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qui constitue une demande en justice, interrompt le délai de prescription. 8. Ayant relevé, d'une part, que la banque avait, par requête déposée au greffe le 1er mars 2018, improprement qualifiée dans ses motifs d'assignation sans qu'il en résulte pour autant une dénaturation de cette requête, demandé la convocation de M. [D] en vue d'une tentative de conciliation préalable à la saisie des rémunérations du travail, d'autre part, qu'en application de la réforme de la prescription par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de 10 ans à compter de l'entrée en vigueur de cette loi expirait le 19 juin 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action de la banque n'était pas prescrite. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [D] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et le condamne à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [D] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [K] [D] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de son exception d'irrecevabilité pour cause de prescription, d'avoir constaté que la CRCAM Sud Rhône-Alpes justifiait d'une créance liquide et exigible de 23 420 euros en principal et de 15 512, 06 euros au titre des intérêts non prescrits entre le 1er mars 2013 et le 21 avril 2020, outre les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile fixées par l'arrêt d'appel de 2002 à hauteur de 457, 35 euros, soit un total de 39 389, 41 euros, et d'avoir ordonné la saisie des rémunérations de [K] [D] à hauteur de 39 389, 41 euros entre les mains de la SA Apicil de [Localité 3], le RSI Rhône-Alpes et la Caisse Carsat Rhône-Alpes de Lyon ; Alors, d'une part, qu'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en relevant, pour débouter M. [D] de son exception fondée sur la prescription, que " l'assignation de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes ayant été déposée au greffe du tribunal le 1er mars 2018, l'action n'est pas prescrite " (arrêt p. 6, § 7), quand il résultait des termes clairs et précis de celui-ci que cet acte constituait une requête, qui tendait à la convocation de M. [D] en vue d'une tentative de conciliation préalable à la saisie des rémunérations du travail, la cour d'appel l'a dénaturé et a méconnu le principe susvisé ; Alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que faute d'avoir été porté à la connaissance du débiteur, le dépôt au greffe du tribunal d'une requête aux fins de conciliation prévu par l'article R. 3252-12 du code du travail, acte unilatéral et non contradictoire qui tend à la convocation du débiteur devant le tribunal d'instance aux fins de saisie des rémunérations, n'a pas d'effet interruptif de la prescription; qu'en retenant, pour débouter M. [D] de son exception de prescription, que " l'assignation de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes ayant été déposée au greffe du tribunal le 1er mars 2018, l'action n'est pas prescrite " (arrêt p. 6, § 7), quand cet acte constituait une requête aux fins de conciliation, qui n'avait pas d'effet interruptif, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [D] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande au titre des délais de paiement ; Alors qu'en matière de saisie des rémunérations, le juge d'instance, qui peut connaître toutes difficultés d'exécution entrant dans le champ de compétence matérielle du juge de l'exécution, a le pouvoir de suspendre l'exécution et de retarder la saisie en accordant des délais de paiement ; qu'en affirmant, pour débouter M. [D] de sa demande et infirmer le jugement qui lui avait octroyé des délais de paiement, que " la notion de délai de paiement est incompatible avec une saisie des rémunérations ", quand il n'existait aucune incompatibilité de cet ordre et que le juge d'instance disposait du pouvoir d'accorder des délais de paiement, la cour d'appel a violé l'article 510 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1150 F-B Pourvoi n° J 21-13.524 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [L] [S], domiciliée [Adresse 10], 2°/ M. [KL] [X], 3°/ Mme [SY] [X], tous deux domiciliés [Adresse 9], 4°/ M. [D] [M], 5°/ Mme [V] [M], tous deux domiciliés [Adresse 6], 6°/ M. [O] [P], 7°/ Mme [F] [P], tous deux domiciliés [Adresse 25], 8°/ M. [TH] [Z], 9°/ Mme [ET] [Z], tous deux domiciliés [Adresse 19], 10°/ M. [U] [R], domicilié [Adresse 21], 11°/ M. [J] [B], domicilié [Adresse 8], 12°/ Mme [JA] [N], domiciliée [Adresse 22], 13°/ M. [JJ] [Y], 14°/ Mme [TR] [Y], tous deux domiciliés [Adresse 14], 15°/ M. [WW] [C], 16°/ Mme [WM] [C], tous deux domiciliés [Adresse 24], 17°/ M. [PL] [YR], 18°/ Mme [E] [YR], tous deux domiciliés [Adresse 12], 19°/ M. [K] [FL], domicilié [Adresse 26], 20°/ M. [OJ] [DD], 21°/ Mme [ZJ] [DD], tous deux domiciliés [Adresse 7], 22°/ M. [H] [JT], 23°/ Mme [A] [JT], tous deux domiciliés [Adresse 2], 24°/ M. [OA] [YH], 25°/ Mme [XO] [YH], tous deux domiciliés [Adresse 27], 26°/ Mme [AG] [FV], domiciliée [Adresse 29], 27°/ M. [FC] [KC], 28°/ Mme [ZJ] [KC], tous deux domiciliés [Adresse 4], 29°/ Mme [XY] [WD], domiciliée [Adresse 3], 30°/ M. [TH] [MY], 31°/ Mme [T] [MY], tous deux domiciliés [Adresse 20], 32°/ M. [DM] [SF], 33°/ Mme [LE] [OT], tous deux domiciliés [Adresse 16], 34°/ M. [FC] [ZA], domicilié [Adresse 13], 35°/ Mme [V] [BC], domiciliée [Adresse 23], 36°/ Mme [I] [CK], domiciliée [Adresse 28], 37°/ M. [G] [NH], 38°/ Mme [W] [NH], tous deux domiciliés [Adresse 17], 39°/ la société Coty immobilier Est, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 18], 40°/ la société Romac, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° J 21-13.524 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [NR] [GE], domiciliée [Adresse 15], 2°/ à la société European Homes France, dont le siège est [Adresse 1], 3°/ à la société Aedificia participations, dont le siège est [Adresse 30], 4°/ à la société IFB France, dont le siège est [Adresse 11], défenderesses à la cassation. La société European Homes France a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [S], M. et Mme [X], M. et Mme [M], M. et Mme [P], M. et Mme [Z], M. [R], M. [B], Mme [N], M. et Mme [Y], M. et Mme [C], M. et Mme [YR], M. [FL], M. et Mme [DD], M. et Mme [JT], M. et Mme [YH], Mme [FV], M. et Mme [KC], Mme [WD], M. et Mme [MY], M. [SF], Mme [OT], M. [ZA], Mme [BC], Mme [CK], M. et Mme [NH], la société Coty immobilier Est et la société Romac, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société European Homes France, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Aedificia participations et la société IFB France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 février 2021) et les productions, Mme [S] et 39 autres personnes, dont deux personnes morales, ainsi que Mme [GE], ont acquis des lots dans un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement dans le cadre d'une opération de défiscalisation. Se plaignant d'une moins-value lors de la revente de leur lot et du surcoût des charges, Mme [S], Mme [GE] et les 39 autres acquéreurs ont assigné la société European Homes France, la société Aedificia participations et la société IFB France, opérateurs, à fins d'être indemnisés de leurs préjudices. 2. L'action en responsabilité de chacun des demandeurs ayant été déclarée prescrite par un jugement qui n'a pas été signifié, les acquéreurs, à l'exception de Mme [GE], ont, le 7 novembre 2018, relevé appel des dispositions de la décision leur faisant grief en intimant la société European Homes France, la société Aedificia participations et la société IFB France (les sociétés), mais pas Mme [GE]. 3. Leur déclaration d'appel a été déclarée caduque sur le fondement de l'article 908 du code de procédure civile. 4. Le 27 juin 2019, Mme [GE] a relevé appel des dispositions du jugement lui faisant grief, en intimant les sociétés ainsi que Mme [S] et les 39 autres acquéreurs (les acquéreurs). 5. Dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, les acquéreurs ont formé, pour chacun, appel incident des dispositions du jugement leur faisant grief, en présentant des prétentions identiques à celles qu'ils avaient formées en qualité d'appelants principaux. 6. Les acquéreurs ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant dit que leur appel incident était irrecevable. 7. La société European Homes France a conclu à l'infirmation de l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant dit que l'appréciation du défaut d'intérêt à agir de Mme [GE] au soutien des demandes de nullité et d'irrecevabilité de sa déclaration d'appel relevait des juges du fond. Examen du moyen unique du pourvoi principal Enoncé du moyen 8. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de dire irrecevable leur appel incident, alors : « 1°/ qu'il résulte des articles 550 et 911-1 du code de procédure civile qu'une partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité est toujours recevable, en cas d'appel principal formé par une autre partie, à former appel incident dans le délai ouvert par cet appel principal ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel incident formé par les consorts [S] et autres sur l'appel principal formé par Mme [GE] contre le jugement rendu le 21 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Bobigny, qu'ils ne pouvaient se prévaloir de l'article 550 du code de procédure civile relatif à l'appel incident ou provoqué dès lors que leur recours ne constituait que la réitération de leur appel principal déclaré caduc, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; 2°/ que l'appel incident peut également émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante qu'« il n'existe aucun lien d'instance entre Mme [GE] et les autres acquéreurs qui s'étaient simplement regroupés pour faire valoir, devant le tribunal de grande instance de Bobigny, leurs prétentions et droits respectifs à l'encontre des sociétés European Homes France, Aedificia participations et IFB France » et que « d'ailleurs, l'appel de Mme [GE] ne remet en cause le jugement rendu par cette juridiction qu'en ce qu'il lui fait personnellement grief et rejette ses demandes à l'encontre des sociétés susmentionnées », quand les consorts [S] et autres, parties en première instance, étaient recevables à former appel incident contre les mêmes parties que celles contre laquelle Mme [GE], avait formé son appel principal, et ce même en l'absence de demandes formées contre eux par l'appelante principale, la cour d'appel a méconnu les articles 546 et suivants, ensemble l'article 911-1 du code de procédure civile ; 3°/ subsidiairement, que saisie par le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel qui, statuant dans le champ de compétence d'attribution de ce dernier, ne peut se prononcer sur l'intérêt des parties à relever appel d'une décision rendue au fond ; qu'en retenant qu'« il n'existe aucun lien d'instance entre Mme [GE] et les autres acquéreurs qui s'étaient simplement regroupés pour faire valoir, devant le tribunal de grande instance de Bobigny, leurs prétentions et droits respectifs à l'encontre des sociétés European Homes France, Aedificia participations et IFB France » et que « d'ailleurs, l'appel de Mme [GE] ne remet en cause que le jugement rendu par cette juridiction qu'en ce qui lui fait personnellement grief et rejette ses demandes à l'encontre des sociétés susmentionnées », la cour d'appel, qui a apprécié l'intérêt de Mme [GE] à relever appel à l'égard des consorts [S] et autres, et l'intérêt de ces derniers à relever appel incident, a excédé ses pouvoirs et ainsi méconnu l'article 907 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la cause issue du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 ; 4°/ qu'en tout état de cause, l'identité de demandes formées par des appelants à l'encontre d'un jugement ayant déclaré prescrite leur action contre une partie caractérise un lien d'instance entre les demandeurs et les défendeurs ; que pour déclarer irrecevable l'appel incident des consorts [S] et autres, la cour d'appel a retenu que Mme [GE], appelante principale, n'avait pas formé de demande contre eux et en a déduit que l'appel incident ne constituait que la réitération de leur appel principal déclaré caduc ; qu'en statuant ainsi, quand l'identité des demandes formées par Mme [GE] et les consorts [S] et autres, contre les sociétés European Homes France, Aedificia participations et IFB France, caractérisait l'existence d'un lien d'instance entre l'appelante principale et les appelants incidents, la cour d'appel a violé l'article 911-1 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. Si l'article 911-1 du code de procédure civile interdit, en son alinéa 3, à l'appelant, dont la déclaration a été frappée de caducité ou dont l'appel a été déclaré irrecevable, de réitérer un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie, et prohibe, en son alinéa 4, à l'intimé qui n'a pas formé d'appel incident ou provoqué dans les délais requis ou dont l'appel incident ou provoqué a été déclaré irrecevable de former un appel principal, il ne fait pas obstacle à ce que l'appelant, dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité, devenu intimé sur un appel principal limité du même jugement, de critiquer à nouveau la disposition du jugement lui faisant grief, en formant un appel incident. 10. Cependant, il résulte des articles 548 et 550 du code de procédure civile que lorsqu'un jugement contient plusieurs chefs distincts et qu'une partie interjette appel de l'un d'eux, l'intimé ne peut appeler incidemment des autres chefs contre un autre intimé que s'il existe, quant à l'objet du litige, un lien juridique entre toutes les parties. 11. Ayant constaté que Mme [GE] et les autres acquéreurs s'étaient simplement regroupés pour faire valoir, devant le tribunal de grande instance, leurs prétentions et droits respectifs à l'encontre des sociétés European Homes France, Aedificia participations et IFB France, l'appel de Mme [GE] ne remettant d'ailleurs en cause que les dispositions du jugement lui faisant grief, de sorte qu'aucun lien d'instance ne s'était créé entre eux, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur l'intérêt des parties à former appel principal ou appel incident, a exactement fait ressortir de ses constatations, peu important que les demandes des acquéreurs, dont Mme [GE], aient le même objet, qu'il n'existait aucun lien juridique, quant à l'objet du litige, entre les parties, et que l'appel incident des acquéreurs, qui ne tendait qu'à réitérer les demandes qu'ils avaient formées à l'appui de leur acte d'appel du 7 novembre 2018, déclaré caduc, n'entrait pas dans les prévisions de l'article 550 du code de procédure civile et était irrecevable. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi incident éventuel, la Cour : REJETTE le pourvoi principal. Condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les demandeurs au pourvoi et les condamne à payer aux sociétés Aedificia participations et IFB France la somme globale de 3 000 euros et à la société European Homes France la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [S], M. et Mme [X], M. et Mme [M], M. et Mme [P], M. et Mme [Z], M. [R], M. [B], Mme [N], M. et Mme [Y], M. et Mme [C], M. et Mme [YR], M. [FL], M. et Mme [DD], M. et Mme [JT], M. et Mme [YH], Mme [FV], M. et Mme [KC], Mme [WD], M. et Mme [MY], M. [SF], Mme [OT], M. [ZA], Mme [BC], Mme [CK], M. et Mme [NH], la société Coty immobilier Est et la société Romac Les consorts [S] et autres font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 septembre 2020 ayant dit que leur appel incident est irrecevable ; Alors 1°) qu'il résulte des articles 550 et 911-1 du code de procédure civile qu'une partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité est toujours recevable, en cas d'appel principal formé par une autre partie, à former appel incident dans le délai ouvert par cet appel principal ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel incident formé par les consorts [S] et autres sur l'appel principal formé par Mme [GE] contre le jugement rendu le 21 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Bobigny, qu'ils ne pouvaient se prévaloir de l'article 550 du code de procédure civile relatif à l'appel incident ou provoqué dès lors que leur recours ne constituait que la réitération de leur appel principal déclaré caduc, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; Alors 2°) que l'appel incident peut également émaner, sur l'appel principal ou incident qui le provoque, de toute personne, même non intimée, ayant été partie en première instance ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante qu'« il n'existe aucun lien d'instance entre Mme [GE] et les autres acquéreurs qui s'étaient simplement regroupés pour faire valoir, devant le tribunal de grande instance de Bobigny, leurs prétentions et droits respectifs à l'encontre des sociétés European Homes France, Aedificia Participations et IFB France » et que « d'ailleurs, l'appel de Mme [GE] ne remet en cause le jugement rendu par cette juridiction qu'en ce qu'il lui fait personnellement grief et rejette ses demandes à l'encontre des sociétés susmentionnées », quand les consorts [S] et autres, parties en première instance, étaient recevables à former appel incident contre les mêmes parties que celles contre laquelle Mme [GE], avait formé son appel principal, et ce même en l'absence de demandes formées contre eux par l'appelante principale, la cour d'appel a méconnu les articles 546 et suivants, ensemble l'article 911-1 du code de procédure civile ; Alors 3°) que, subsidiairement, saisie par le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel qui, statuant dans le champ de compétence d'attribution de ce dernier, ne peut se prononcer sur l'intérêt des parties à relever appel d'une décision rendue au fond ; qu'en retenant qu'« il n'existe aucun lien d'instance entre Mme [GE] et les autres acquéreurs qui s'étaient simplement regroupés pour faire valoir, devant le tribunal de grande instance de Bobigny, leurs prétentions et droits respectifs à l'encontre des sociétés European Homes France, Aedificia Participations et IFB France » et que « d'ailleurs, l'appel de Mme [GE] ne remet en cause que le jugement rendu par cette juridiction qu'en ce qui lui fait personnellement grief et rejette ses demandes à l'encontre des sociétés susmentionnées », la cour d'appel, qui a apprécié l'intérêt de Mme [GE] à relever appel à l'égard des consorts [S] et autres, et l'intérêt de ces derniers à relever appel incident, a excédé ses pouvoirs et ainsi méconnu l'article 907 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la cause issue du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 ; Alors 4°) qu'en tout état de cause, l'identité de demandes formées par des appelants à l'encontre d'un jugement ayant déclaré prescrite leur action contre une partie caractérise un lien d'instance entre les demandeurs et les défendeurs ; que pour déclarer irrecevable l'appel incident des consorts [S] et autres, la cour d'appel a retenu que Mme [GE], appelante principale, n'avait pas formé de demande contre eux et en a déduit que l'appel incident ne constituait que la réitération de leur appel principal déclaré caduc ; qu'en statuant ainsi, quand l'identité des demandes formées par Mme [GE] et les consorts [S] et autres, contre les sociétés European Homes France, Aedificia Participations et IFB France, caractérisait l'existence d'un lien d'instance entre l'appelante principale et les appelants incidents, la cour d'appel a violé l'article 911-1 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société European Homes France L'arrêt attaqué, critiqué par la société EUROPEAN HOMES FRANCE, encourt la censure ; EN CE QU'il a déclaré irrecevable comme tardif le recours présenté par la société EUROPEAN HOMES FRANCE ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsqu'une partie a déféré l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en critiquant l'un des chefs de son dispositif, la partie adverse peut, sans pouvoir se voir opposer le délai de 15 jours de l'articles 916 du Code de procédure civile, étendre la critique à d'autres chefs de la décision déférée ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer irrecevable comme tardif le recours de la société EUROPEAN HOMES FRANCE, formulé par voie de conclusions du 11 décembre 2020, quand les acquéreurs avaient régulièrement déféré l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 septembre 2020, la Cour d'appel a violé l'article 916 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, lorsqu'une partie a déféré l'ordonnance du conseiller de la mise en état en critiquant l'un des chefs de son dispositif et lorsque l'ensemble des parties sont présentes et représentées, la partie adverse peut, par voie de conclusions, étendre la critique à d'autres chefs de la décision déférée ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer irrecevable comme irrégulier le recours de la société EUROPEAN HOMES FRANCE, formulé par voie de conclusions du 11 décembre 2020, quand les acquéreurs avaient régulièrement déféré l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 septembre 2020, la Cour d'appel a violé l'article 916 du Code de procédure civile. 2e Civ., 13 octobre 2016, pourvoi n° 15-25.926, Bull. 2016, II, n° 224 (rejet) ; 1re Civ., 12 février 1991, pourvoi n° 86-18.678, Bull. 1991, I, n° 57 (cassation) ; 1re Civ., 21 janvier 1997, pourvoi n° 94-19.689, Bull. 1997, I, n° 24 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 novembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1149 FS-B Pourvoi n° J 20-20.650 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022 M. [Z] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-20.650 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés, société d'assurances mutuelles, nom commercial GMF, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, en présence de Mme Anton, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2020), la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés (la société GMF) a relevé appel d'un jugement rendu dans une affaire l'opposant à M. [U]. 2. M. [U] n'a pas constitué avocat. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. M. [U] fait grief à l'arrêt, infirmant partiellement le jugement entrepris, de réduire à 18 854,94 euros la somme que la société GMF était condamnée à lui payer et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts, alors : « 1°/ qu'en application de l'article 911 du code de procédure civile, les conclusions de l'appelant doivent être signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d'appel, à peine de caducité de la déclaration d'appel, que le juge d'appel doit relever au besoin d'office ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a simplement constaté que la déclaration d'appel, l'avis d'inscription au rôle émis le 19 octobre 2018 et celui de désignation du conseiller de la mise en état avaient été signifiés au domicile de M. [U] par la GMF selon acte d'huissier du 10 décembre 2018, de sorte que son arrêt devait être réputé contradictoire, mais n'a pas vérifié si l'appelante avait signifié ses conclusions à M. [U] dans le délai qui lui était imparti pour ce faire, ce qui n'était pas le cas ; qu'en statuant au fond, au vu des conclusions déposées par la société GMF, sans ni rechercher d'office, ni constater que la société GMF avait régulièrement signifié ses conclusions à M. [U], qui n'avait pas constitué avocat, dans le délai de l'article 911 du code de procédure civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale de ce texte, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; 2°/ que s'il doit être statué au fond lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière et recevable ; qu'en l'espèce, en statuant au fond sur les conclusions de la société GMF, sans s'assurer que lesdites conclusions avaient été valablement signifiées à M. [U], qui n'avait pas constitué avocat, dans le délai impératif de l'article 911 du code de procédure civile et que la déclaration d'appel n'était donc pas caduque, la cour d'appel a violé l'article 472 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. Si, en application de l'article 14 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel de vérifier que la partie non comparante a été régulièrement appelée, elle n'est pas tenue de vérifier d'office si l'appelant a, dans le délai imparti par les articles 908 et 911 du code de procédure civile, signifié ses conclusions à l'intimé qui n'a pas constitué avocat. 5. Ayant constaté que l'intimé était défaillant et que la déclaration d'appel lui avait été régulièrement signifiée à domicile, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder d'office à la recherche invoquée, a, sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, légalement justifié sa décision. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 6. M. [U] fait grief à l'arrêt, infirmant partiellement le jugement entrepris, de réduire à 18 854,94 euros la somme que la GMF était condamnée à lui payer et de le débouter de sa demande d'indemnité, alors « que, s'il doit être statué au fond lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ; qu'en l'espèce, pour réduire le montant alloué à M. [U], la cour d'appel a simplement jugé que « la cour constate que l'assureur n'est pas contredit en cause d'appel lorsqu'il demande de déduire de [la somme fixée par l'expert comme montant indemnisable] subsidiairement, outre la franchise, au regard des contradictions et doutes détaillées ci-dessus dans le cadre de la demande de mise en jeu de la clause de déchéance de la garantie, la somme de 6 496,47 euros, au titre des justificatifs appartenant à des tierces personnes, et de 1 031,68 euros pour les achats en magasins effectués hors des horaires de travail de M. [U] » et que « compte tenu de ces éléments et en l'absence de toute contestation et d'arguments permettant de démentir les affirmations de la GMF, la cour fixe la somme à revenir à l'assuré à 18 854,94 euros » ; qu'en faisant ainsi droit aux prétentions de l'appelante, au seul motif que celles-ci n'étaient pas contestées en cause d'appel, sans démontrer la recevabilité et le bien-fondé des déductions sollicitées par l'assureur, la cour d'appel a violé l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile : 7. Selon ce texte, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. 8. Pour réduire à la somme de 18 854,94 euros la somme que la GMF était condamnée à payer à M. [U] et le débouter de sa demande d'indemnité, l'arrêt retient que l'assureur n'est pas contredit en cause d'appel lorsqu'il demande de déduire de la somme de 26 550,09 euros les sommes de 6 496,47 euros, au titre des justificatifs appartenant à des tierces personnes et de 1 031,68 euros au titre des achats en magasins effectués hors des horaires de travail de M. [U]. 9. L'arrêt en déduit que compte tenu de ces éléments et en l'absence de toute contestation et d'arguments permettant de démentir les affirmations de la GMF, la somme à revenir à l'assuré doit être fixée à 18 854,94 euros. 10. En statuant ainsi, sans analyser, même de manière sommaire, les éléments de preuve produits à l'appui de la demande de l'assureur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il avait jugé que les conditions d'application de la clause de déchéance de garantie invoquée par la demande formée par la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés n'étaient pas réunies, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat et des services publics et assimilés et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. [U] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant partiellement le jugement entrepris, réduit à 18.854,94 € la somme que la GMF était condamnée à lui régler et de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts ; 1°) ALORS D'UNE PART QU'en application de l'article 911 du Code de procédure civile, les conclusions de l'appelant doivent être signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d'appel, à peine de caducité de la déclaration d'appel, que le juge d'appel doit relever au besoin d'office ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a simplement constaté que la déclaration d'appel, l'avis d'inscription au rôle émis le 19 octobre 2018 et celui de désignation du conseiller de la mise en état avaient été signifiés au domicile de M. [U] par la GMF selon acte d'huissier du 10 décembre 2018, de sorte que son arrêt devait être réputé contradictoire, mais n'a pas vérifié si l'appelante avait signifié ses conclusions à l'exposant dans le délai qui lui était imparti pour ce faire, ce qui n'était pas le cas ; qu'en statuant au fond, au vu des conclusions déposées par la société GMF, sans ni rechercher d'office, ni constater que la société GMF avait régulièrement signifié ses conclusions à M. [U], qui n'avait pas constitué avocat, dans le délai de l'article 911 du Code de procédure civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale de ce texte, ensemble l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE s'il doit être statué au fond lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière et recevable ; qu'en l'espèce, en statuant au fond sur les conclusions de la société GMF, sans s'assurer que lesdites conclusions avaient été valablement signifiées à l'exposant, qui n'avait pas constitué avocat, dans le délai impératif de l'article 911 du Code de procédure civile et que la déclaration d'appel n'était donc pas caduque, la cour d'appel a violé l'article 472 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) M. [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant partiellement le jugement entrepris, réduit à 18.854,94 € la somme que la GMF était condamnée à lui régler et de l'AVOIR débouté de sa demande d'indemnité ; ALORS QUE, s'il doit être statué au fond lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ; qu'en l'espèce, pour réduire le montant alloué à l'exposant, la cour d'appel a simplement jugé que « la cour constate que l'assureur n'est pas contredit en cause d'appel lorsqu'il demande de déduire de [la somme fixée par l'expert comme montant indemnisable] subsidiairement, outre la franchise, au regard des contradictions et doutes détaillées ci-dessus dans le cadre de la demande de mise en jeu de la clause de déchéance de la garantie, la somme de 6.496,47 €, au titre des justificatifs appartenant à des tierces personnes, et de 1.031,68 € pour les achats en magasins effectués hors des horaires de travail de M. [U] » et que « compte tenu de ces éléments et en l'absence de toute contestation et d'arguments permettant de démentir les affirmations de la GMF, la cour fixe la somme à revenir à l'assuré à 18.854,94 € » ; qu'en faisant ainsi droit aux prétentions de l'appelante, au seul motif que celles-ci n'étaient pas contestées en cause d'appel, sans démontrer la recevabilité et le bien-fondé des déductions sollicitées par l'assureur, la cour d'appel a violé l'article 472, al.2, du Code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 800 FS-B Pourvoi n° X 21-18.527 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [K] [Y], veuve [O], domiciliée [Adresse 2], 2°/ M. [H] [O], domicilié [Adresse 6], 3°/ Mme [S] [O], épouse [B], domiciliée [Adresse 1], 4°/ Mme [A] [O], épouse [V], domiciliée [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° X 21-18.527 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2ème chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [M] [W], veuve [O], 2°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 3], 3°/ à M. [R] [O], mineur représenté par sa mère Mme [M] [W], domiciliés tous trois [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [K] [Y], de M. [H] [O], et de Mmes [S] et [A] [O], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [M] [O], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, MM. Jacques, Boyer, Mme Grandjean, conseillers, Mme Djikpa, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] (les consorts [O]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [P] et [R] [O]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 mai 2021), par acte du 28 mars 1991, les consorts [O] ont, en leur qualité respective d'usufruitière et de nus-propriétaires, donné à bail rural à [J] [O], des bâtiments à usage d'exploitation et d'habitation, ainsi que diverses parcelles. 3. [J] [O] est décédé le 10 février 2018, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [M] [W], veuve [O], et leurs deux enfants, [P] et [R] [O], ce dernier étant mineur. 4. Par requête du 11 juillet 2018, les consorts [O] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de voir constater leur refus de la continuation du bail par les ayants droit du preneur et obtenir leur expulsion, et ont, par exploit du 12 juillet 2018, notifié à Mme [M] [W], veuve [O] et à ses enfants, une résiliation du bail en application de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. 5. Après une mise en demeure infructueuse, les consorts [O], ont, par une seconde requête du 16 novembre 2018, saisi le tribunal d'une demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages. 6. Par requête du 23 août 2018, Mme [M] [W], veuve [O] et MM. [P] et [R] [O] ont saisi le tribunal en contestation de la résiliation du bail notifiée le 12 juillet précédent. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Les consorts [O] font grief à l'arrêt de dire que Mme [M] [W], veuve [O] peut bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire et de rejeter leur demande de résiliation du bail, alors « qu'au décès du preneur, le bail rural se poursuit au profit de la personne ayant participé à l'exploitation pendant un temps suffisant, en qualité de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité, d'ascendant ou de descendant ; que la participation qui peut être prise en compte est exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d'ascendant ou de descendant, à l'exclusion de toute participation antérieure à l'acquisition d'une telle qualité ; que dès lors, les juges du fond, qui avaient constaté que Mme [M] [W] n'avait épousé le preneur que 49 jours avant son décès, ne pouvaient refuser de rechercher si cette durée était suffisante et prendre en considération une participation à l'exploitation antérieure au mariage ; qu'ils ont ainsi violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel a énoncé que, selon l'article L. 411-34, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. 10. Ayant constaté que Mme [M] [W], veuve [O] était l'épouse de [J] [O] au jour de son décès et souverainement retenu qu'elle avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l'exploitation depuis plus de cinq ans avant celui-ci, elle en a exactement déduit qu'elle pouvait bénéficier, à compter du 10 février 2018, du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire, peu important qu'elle n'ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] et les condamne à payer à Mme [M] [W], veuve [O] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les consorts [O] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [K] [Y], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme [M] [W] veuve [O] pouvait bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire et ce, à compter du 10 février 2018, et d'avoir rejeté leur demande de résiliation du bail ; ALORS QU'au décès du preneur, le bail rural se poursuit au profit de la personne ayant participé à l'exploitation pendant un temps suffisant, en qualité de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité, d'ascendant ou de descendant ; que la participation qui peut être prise en compte est exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d'ascendant ou de descendant, à l'exclusion de toute participation antérieure à l'acquisition d'une telle qualité ; que dès lors, les juges du fond, qui avaient constaté que Mme [M] [W] n'avait épousé le preneur que 49 jours avant son décès, ne pouvaient refuser de rechercher si cette durée était suffisante et prendre en considération une participation à l'exploitation antérieure au mariage ; qu'ils ont ainsi violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [K] [Y], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leur demande de résiliation du bail ; 1- ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de l'existence de raisons sérieuses et légitimes justifiaient le non-paiement des fermages, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. 2- ALORS QU'il revient à celui qui invoque des raisons sérieuses et légitimes de ne pas s'acquitter des fermages d'en démontrer la réalité ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'était pas démontré que les propriétaires bailleurs aient jamais réclamé à [J] [O] de son vivant les fermages, la cour d'appel a mis à la charge des bailleurs la démonstration de l'absence de raison sérieuse et légitime de ne pas s'acquitter des fermages et a ainsi violé les articles 1353 du code civil et L. 411-31 du code rural. 3e Civ., 24 novembre 2004, pourvoi n° 03-14.570, Bull., 2004, III, n° 213 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 807 F-B Pourvoi n° Q 21-11.528 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [O] [P] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-11.528 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à Mme [I] [X], domiciliée Les [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [P] [L], et l'avis oral de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 2020), des relations de M. [P] [L] et Mme [X] est issue [R], née le 3 novembre 2005. 2. A la suite de leur séparation, un juge aux affaires familiales a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère et accordé au père un droit de visite. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première, cinquième, sixième et septième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches Enoncé du moyen 4. M. [P] [L] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite et d'hébergement, alors : « 2°/ que le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que les juges du fond doivent constater l'existence de tels motifs pour justifier une restriction du droit de visite et d'hébergement ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'un droit d'hébergement, le juge aux affaires familiales se fonde sur des extraits de SMS datés de 2018 et 2019 pour en déduire que M. [P] [L] "ne préserve pas toujours sa fille du conflit parental" ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants au sens de l'article 373-2-1 code civil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de cette disposition. 3°/ que si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents ; que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; qu'en rejetant la demande de visite et d'hébergement du père en se fondant sur une audition de l'enfant datée de plus de deux ans, sans caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 373-1-1, alinéa 2, du code civil ; 4°/ que l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement de l'enfant est une condition déterminante du maintien du lien parental, qui ne saurait se réduire à un simple droit de visite ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande motivée de M. [P] [L], tendant à obtenir un droit d'hébergement de sa fille, le juge aux affaires familiales a considéré "qu'il y avait lieu d'accorder au père un simple droit de visite [...] limité à deux heures, le samedi des semaines impaires" (jugement entrepris, p. 5, § 8) en se fondant sur des circonstances inopérantes et marginales, impropres à caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a encore violé l'article 373-2-1 du code civil, ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, et l'article 373-2-1 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 373-9, alinéa 3, du code civil que, lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent, lequel peut prendre dans l'intérêt de l'enfant, la forme d'un droit de visite simple sans hébergement. 6.La cour d'appel a retenu, tant par motifs propres qu'adoptés, que M. [P] [L] ne rapportait pas la preuve d'avoir été empêché d'exercer son droit de visite et d'hébergement et ne prétendait d'ailleurs pas même avoir tenté de le faire, que l'adolescente avait expliqué ne plus vouloir rencontrer son père dans la mesure où des visites récentes, exercées après plusieurs années sans rencontre, se seraient mal passées et que les modalités d'un droit de visite simple étaient adaptées à une reprise de contact en l'état d'une longue interruption des séjours de [R] auprès de son père. 7. Sans être tenue de constater des motifs graves dès lors qu'elle ne refusait pas au père de l'enfant tout droit de visite, elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [P] [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [P] [L] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [O] [P] [L] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande d'un droit de visite et d'hébergement ; 1°) ALORS QUE, dans toutes décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il est de l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents et, lorsqu'ils sont séparés, d'entretenir des relations personnelles avec chacun d'eux ; que, sauf motifs graves, rien ne justifie qu'un enfant soit coupé des liens paternels ; que les juges du fond ont l'obligation de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en l'espèce, en se bornant à prendre en considération "les sentiments exprimés par [R]" (arrêt, p. 6, § 7), sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, quel était son intérêt supérieur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble les articles 373-2 et 373-2-1 du code civil ; 2°) ALORS QUE, le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que les juges du fond doivent constater l'existence de tels motifs pour justifier une restriction du droit de visite et d'hébergement ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'un droit d'hébergement, le juge aux affaires familiales se fonde sur des extraits de SMS datés de 2018 et 2019 pour en déduire que M. [P] [L] "ne préserve pas toujours sa fille du conflit parental" (jugement entrepris, p. 5, § 5) ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants au sens de l'article 373-2-1 du code civil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de cette disposition ; 3°) ALORS QUE si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents ; que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; qu'en rejetant la demande de visite et d'hébergement du père en se fondant sur une audition de l'enfant datée de plus de deux ans, sans caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 373-2-1, alinéa 2, du code civil ; 4°) ALORS QUE l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement de l'enfant est une condition déterminante du maintien du lien parental, qui ne saurait se réduire à un simple droit de visite ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande motivée de M. [P] [L], tendant à obtenir un droit d'hébergement de sa fille, le juge aux affaires familiales a considéré qu'"il y [avait] lieu d'accorder au père un simple droit de visite [...] limité à 2 h, le samedi des semaines impaires" (jugement entrepris, p. 5, § 8) en se fondant sur des circonstances inopérantes et marginales, impropres à constituer un motif grave ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a encore violé l'article 373-2-1 du code civil, ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, et l'article 373-2-1 du code civil ; 5°) ALORS QUE les motifs graves et l'intérêt de l'enfant s'apprécient à la date à laquelle le juge statue et en fonction de l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ; qu'en l'espèce, l'arrêt se fonde sur les souhaits de [R] recueillis dans une audition du 21 novembre 2018, soit plus de 2 ans auparavant ; qu'en se fondant ainsi sur des considérations aussi anciennes que dépourvues de pertinence, quand il lui appartenait de recueillir la volonté actuelle de l'enfant et, au besoin, d'ordonner d'office une nouvelle audition pour se déterminer légalement sur l'intérêt supérieur de l'enfant [R] eu égard à une possible évolution de la relation parentale, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 373-2, 373-2-1 et 373-2-11-2° du code civil ; 6°) ALORS QUE, chacun des père et mère doit maintenir des relations avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ; qu'il est de l'intérêt de l'enfant et du devoir de chacun des parents de favoriser ces relations ; que lorsqu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge doit notamment prendre en considération l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que l'opposition de Mme [X] a entravé l'établissement d'une relation normale entre un père et sa fille ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si le comportement de Mme [X] ne traduisait pas son refus de respecter le droit de l'enfant [R] à entretenir des relations normales avec le père (productions n° 5 et s.), la cour d'appel a derechef violé les articles 373-2 et 373-2-11-3° du code civil. 7°) ALORS, en toute hypothèse, QUE tout jugement doit être motivé, à peine de nullité, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre au moyen pertinent dont elle était saisie selon lequel Mme [X] entravait la relation normale de M. [P] [L] avec sa fille en ce qu'elle refusait par principe l'exercice de ses droits parentaux essentiels (productions n° 2 et 7), la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [O] [P] [L] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de fixation de sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [R] en la forme de la prise en charge des frais de la cantine scolaire et d'habillement et d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a retenu la forme d'une pension alimentaire devant être versée à Mme [X] ; 1°) ALORS QUE chacun des parents doit contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent et des besoins de l'enfant ; que chaque parent étant tenu de contribuer à l'entretien des enfants, en fonction de ses ressources respectives, les juges du fond doivent se déterminer selon la réalité de celles-ci et des besoins concrets des enfants concernés ; qu'en se bornant, à considérer que "la contribution de M. [P] [L] à l'entretien et à l'éducation de [R] doit conserver la forme de principe de la pension alimentaire" (arrêt, p. 7, § 4), sans analyser, comme elle y était expressément invitée, ni les besoins réels des enfants, ni l'utilité de cette contribution au regard des motifs pertinents invoqués par M. [P] [L] (productions n° 6 et s.), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 371-2 du code civil ; 2°) ALORS QUE les frais occasionnés par l'exercice du droit de visite et d'hébergement par un parent doivent suivre le régime d'ensemble applicable aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant ; qu'ils doivent donc être répartis en considération de la situation matérielle respective des parents et des besoins réels de l'enfant ; qu'en l'espèce, en considérant que "la participation du père à l'entretien et l'éducation de sa fille est essentiellement centrée sur des besoins accessoires en vêtements et matériels informatiques de prix, sans rapport avec les nécessités de la vie quotidienne de l'enfant" (arrêt, p. 7, § 3), sans égard pour la réalité de ses besoins réels de l'enfant [R], la cour d'appel a violé l'article 371-2 du code civil ; 3°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, il résulte clairement des conclusions de M. [P] [L] qu'il demandait que "sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [prenne] exclusivement la forme de la prise en charge directe des frais de cantine scolaire et des dépenses d'habillement" (page 4) ; qu'en refusant de prendre en considération la demande de la prise en charge des frais de la cantine et sa portée alimentaire pour ne retenir que la prise en charge des frais d'habillement et des biens de consommation, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'"en l'occurrence, les échanges de messages entre Monsieur [P] [L] et [R] montrent que la participation du père à l'entretien et l'éducation de sa fille est essentiellement centrée sur des besoins accessoires en vêtements et matériels informatiques de prix, sans rapport avec les nécessités de la vie quotidienne de l'enfant" (page 7), sans examiner , fût-ce sommairement, la teneur exacte des échanges pris dans leur ensemble (productions n° 5 et s.), la cour d'appel a violé l' article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°) ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, les échanges entre M. [P] et sa fille dépassent les strictes considérations matérielles pour s'inscrire dans une volonté de relation affective et éducative (productions n° 6 et .) ; qu'en retenant cependant que "les échanges de messages entre Monsieur [P] [L] et [R] montrent que la participation du père à l'entretien et l'éducation de sa fille est essentiellement centrée sur des besoins accessoires en vêtements et matériels informatiques de prix" (arrêt, page 7), le juge aux affaires familiales a livré une interprétation déformante des SMS clairs dont il a extrait des fragments qui ne reflètent ni la teneur exacte ni la portée de ces échanges (productions n° 5 et s.) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de non-dénaturation.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 798 FS-B Pourvoi n° K 21-24.473 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [I] [Z], 2°/ Mme [V] [X], épouse [Z], domiciliés tous deux [Adresse 2] ont formé le pourvoi n° K 21-24.473 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [K] [C] [B], 2°/ à Mme [M] [O], épouse [C] domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Richard, avocat de M. et Mme [C], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Grandjean conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 octobre 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 23 mars 2017, pourvoi n° 16-11.081, Bull. 2017, III, n° 43), le 8 mars 2008, M. et Mme [C]-[B], propriétaires d'une maison et d'un terrain attenant, ont obtenu un permis de construire pour la réalisation d'une pergola avec abri voiture et toiture terrasse destinée à accueillir des panneaux solaires. 2. M. et Mme [Z], propriétaires du fonds voisin, ont formé un recours contre ce permis, qui a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. 3. Ils ont demandé la démolition de la construction sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et, subsidiairement, l'allocation de dommages-intérêts sur le fondement des troubles anormaux du voisinage. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de démolition de la construction édifiée par M. et Mme [C]-[B], alors « que, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, figurent « m) les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du [code du patrimoine] » ; que selon ces textes, ces abords s'entendent, en l'absence de périmètre délimité par l'autorité administrative, de la zone située à moins de cinq cent mètres du monument historique ; que la condition, qu'ils posent, tenant à ce que la construction soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui ne vise qu'à déterminer les constructions qui, au sein de cette zone, bénéficient de la protection ; qu'en subordonnant la démolition, pour la refuser, à ce que la construction litigieuse soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui, quand cette condition est étrangère à la définition du périmètre protégé, les juges du fond ont violé l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble les articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones limitativement énumérées par ce texte, dont les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine. 7. La condamnation à démolir la construction édifiée en méconnaissance d'une règle d'urbanisme ou d'une servitude d'utilité publique et dont le permis de construire a été annulé est donc subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l'intérieur d'une zone soumise à un régime particulier de protection. 8. En vertu de l'article L. 621-30, II, du code du patrimoine, en l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords des monuments historiques s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. 9. La zone dans laquelle la protection au titre des abords est susceptible de s'appliquer aux immeubles visibles du monument historique ou visibles en même temps que lui étant celle qui est située à moins de cinq cents mètres du monument, toute construction édifiée dans cette zone peut être démolie dans les conditions prévues à l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme. 10. Ayant relevé qu'aucun périmètre de protection n'était délimité et que M. et Mme [Z] ne rapportaient pas la preuve que la construction était située à moins de cinq cents mètres d'un monument historique, la cour d'appel, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants subordonnant la démolition à ce que la construction fût visible du monument historique ou visible en même temps que lui, en a déduit, à bon droit, qu'elle ne se situait pas aux abords d'un monument historique. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 12. M. et Mme [Z] font le même grief à l'arrêt, alors « que, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, se trouvent « i) les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 [du code de l'environnement], celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé » ; qu'en refusant la démolition, quand ils constataient pourtant que la construction litigieuse se situe dans une zone mentionnée comme à risque, fût-il faible, dans le Plan de Prévention des Risques Incendie de Forêt (PPRIF), où le droit de réaliser des constructions nouvelles est limité, au motif inopérant que la construction litigieuse pouvait être édifiée sans condition selon le PPRIF, les juges du fond ont violé L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 562-1 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 480-13, 1°, i), du code de l'urbanisme et L. 562-1, II, 1° et 2°, du code de l'environnement : 13. Selon le premier de ces textes, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones limitativement énumérées par cet article, dont celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé. 14. Aux termes du second, les plans de prévention des risques naturels prévisibles ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1°. 15. S'il en résulte que la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé pour excès de pouvoir ne peut être ordonnée, lorsque la construction est située dans une zone figurant dans un plan de prévention des risques naturels prévisibles, que lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé en application des 1° ou 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'urbanisme, il suffit que la construction soit située dans une zone comportant de telles limitations ou interdictions, sans qu'il soit nécessaire qu'elle contrevienne elle-même à ces prescriptions. 16. Pour rejeter la demande de démolition présentée par M. et Mme [Z], la cour d'appel, qui constate que la commune de Vence est soumise à un plan de prévention des risques incendie de forêt, retient que ce plan autorise sans condition les annexes dans la section B2 et que, la construction de M. et Mme [C]-[B], située dans cette section, ayant été qualifiée d'annexe par la juridiction administrative, elle ne fait pas l'objet d'une limitation ou d'une suppression du droit d'implantation au titre du plan de prévention. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts présentée par M. et Mme [Z], l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes. Condamne M. et Mme [C]-[B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [C]-[B] et les condamne à payer à M. et Mme [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par M. et Mme [Z], encourt la censure ; EN CE QU' il a, infirmant le jugement, débouté M. et Mme [Z] de leur demande de démolition de la construction édifiée par M. et Mme [C] [B] ; ALORS QUE, premièrement, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, figurent « m) les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du [code du patrimoine] » ; que selon ces textes, ces abords s'entendent, en l'absence de périmètre délimité par l'autorité administrative, de la zone située à moins de cinq cent mètres du monument historique ; que la condition, qu'ils posent, tenant à ce que la construction soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui ne vise qu'à déterminer les constructions qui, au sein de cette zone, bénéficie de la protection ; qu'en subordonnant la démolition, pour la refuser, à ce que la construction litigieuse soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui, quand cette condition est étrangère à la définition du périmètre protégé, les juges du fond ont violé l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble les articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine ; ALORS QUE, deuxièmement, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, se trouvent « i) les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 [du code de l'environnement], celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé » ; qu'en refusant la démolition, quand ils constataient pourtant que la construction litigieuse se situe dans une zone mentionnée comme à risque, fût-il faible, dans le Plan de Prévention des Risques Incendie de Forêt (PPRIF), où le droit de réaliser des constructions nouvelles est limité, au motif inopérant que la construction litigieuse pouvait être édifiée sans condition selon le PPRIF, les juges du fond ont violé L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 562-1 du code de l'environnement. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par M. et Mme [Z], encourt la censure ; EN CE QU' il a débouté M. et Mme [Z] de leur demande subsidiaire de dommages et intérêts ; ALORS QUE, premièrement, nul ne peut causer à autrui un trouble dépassant les inconvénients ordinaires du voisinage ; qu'en retenant, pour écarter tout trouble anormal de voisinage, qu'il n'y avait pas eu aggravation des vues dès lors qu'il existait déjà une vue sur la propriété de M. et Mme [Z] depuis l'emplacement de la construction litigieuse, sans s'expliquer, comme il y était invités, sur le fait qu'il existait une haie de près de trois mètres de hauteur qui obérait toute vue sur la propriété de M. et Mme [Z] depuis ledit emplacement avant qu'elle n'ait été arrachée pour les besoins des travaux, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage, ensemble les articles 544 et 651 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, le trouble anormal de voisinage peut être d'ordre purement esthétique ; qu'en décidant que le caractère inesthétique de la construction ne pouvait à lui seul justifier de l'existence d'un trouble anormal, les juges du fond ont violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage, ensemble les articles 544 et 651 du code civil ; ALORS QUE, troisièmement, le juge ne peut refuser de statuer sur une contestation qui lui est soumise, sous peine de commettre un déni de justice ; qu'en objectant, pour refuser de se prononcer, que le caractère inesthétique de la construction relève de la pure subjectivité, les juges du fond ont violé l'article 4 du code civil. 3e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 18-13.288, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 21 septembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 658 F-B Pourvoi n° B 21-12.344 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [U]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 25 mai 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022 M. [W] [I], domicilié [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° B 21-12.344 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [U], épouse [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [I], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2019, pourvoi n° 18-18.574), M. [I] et Mme [U] se sont mariés le 8 juin 1974 sans contrat de mariage. 2. Un jugement du 9 juin 2016 a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux, ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et fixé à 150 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. [I] à Mme [U]. 3. Un arrêt du 28 février 2018 a confirmé le jugement, sauf, notamment, en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, et condamné M. [I] à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital d'un montant de 250 000 euros. 4. Cette décision a été cassée, mais uniquement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. M. [I] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 200 000 euros, alors « que le montant de la prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, doit être fixé en tenant compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le patrimoine communautaire était constitué d'un appartement évalué à 120 000 euros, d'un local commercial évalué à 260 000 euros et du "relais Marrakech" évalué, selon l'époux, à 470 000 à 500 000 euros, et selon l'épouse à 3 834 160 euros, soit un montant global compris entre 850 000 euros et 4 214 160 euros ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour fixer la prestation compensatoire due à Mme [U] à la somme de 200 000 euros, qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la liquidation du régime matrimonial afin d'apprécier la disparité que la rupture du mariage allait créer dans les conditions de vie respective des époux, sans rechercher comme elle y était invitée, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, si la liquidation de l'important patrimoine commun n'était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de Mme [U], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 271 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain d'appréciation de la cour d'appel qui, après avoir retenu à bon droit que, la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n'y avait pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à Mme [U] pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux, a pris en considération l'ensemble des éléments qui lui était soumis pour fixer le montant de la prestation compensatoire. 7. Il ne peut donc être accueilli. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 8. M. [I] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales et devant la cour d'appel, alors « que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les frais dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la cassation était totale ou partielle ; que dès lors en déclarant M. [I] irrecevable en sa demande tendant à ce qu'il soit de nouveau statué sur les dépens et les frais irrépétibles de premières instance et d'appel au motif inopérant que la cassation n'aurait été que partielle, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 639 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 639 du code de procédure civile : 9. Il résulte de ce texte que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, le fût-elle partiellement. 10. Pour déclarer irrecevables les demandes de M. [I] tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens devant le juge aux affaires familiales et la cour d'appel, l'arrêt retient que l'arrêt du 28 février 2018, qui a confirmé le jugement du juge aux affaires familiales, sauf en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, la désignation du notaire et l'attribution préférentielle de l'appartement de Belfort, a, par là-même, confirmé les dispositions par lesquelles il a condamné M. [I] aux entiers dépens de première instance et qu'il pas été censuré sur ce point. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. Comme suggéré par le mémoire en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 14. M. [I] ayant principalement succombé dans ses prétentions, tant devant le juge aux affaires familiales que devant la cour d'appel dont la décision a été partiellement cassée, il y a lieu de lui laisser la charge des dépens afférents à ces instances. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [I] tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur le sort des dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et d'appel devant la cour d'appel de Besançon, l'arrêt rendu le 10 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne M. [I] aux dépens dans les instances devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et devant la cour d'appel de Besançon ayant donné lieu à l'arrêt du 28 février 2018 ; Condamne M. [I] aux dépens, y compris ceux exposés devant la cour d'appel de renvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Tinchon, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [I] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [I] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 200 000 € alors : que le montant de la prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, doit être fixé en tenant compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le patrimoine communautaire était constitué d'un appartement évalué à 120 000 €, d'un local commercial évalué à 260 000 € et du "relais Marrakech" évalué, selon l'époux, à 470 000 à 500 000 €, et selon l'épouse à 3 834 160 €, soit un montant global compris entre 850 000 € et 4 214 160 € ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour fixer la prestation compensatoire due à Mme [U] à la somme de 200 000 €, qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la liquidation du régime matrimonial afin d'apprécier la disparité que la rupture du mariage allait créer dans les conditions de vie respective des époux, sans rechercher comme elle y était invitée, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, si la liquidation de l'important patrimoine commun n'était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de Mme [U], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [I] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclaré irrecevable en ses demandes tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et devant la cour d'appel de Besançon, alors : que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les frais dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la cassation était totale ou partielle ; que dès lors en déclarant M. [I] irrecevable en sa demande tendant à ce qu'il soit de nouveau statué sur les dépens et les frais irrépétibles de premières instance et d'appel au motif inopérant que la cassation n'aurait été que partielle, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 639 du code de procédure civile. 3e Civ., 5 mai 1999, pourvoi n° 96-19.712, Bull., 1999, III, n° 106 (Cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1256 FS-B+R Pourvoi n° N 19-20.143 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 La société Rafy, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 19-20.143 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société civile immobilière Rafy, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, M. Blanc, conseiller référendaire de la chambre commerciale, financière et économique, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019) et les productions, le 27 mai 2015, la société civile immobilière Rafy (la SCI) a fait pratiquer, en exécution de l'arrêt d'une cour d'appel, une saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières entre les mains de la société BNP Paribas (la banque) à l'encontre de l'association Église du christianisme céleste paroisse Saint-Esprit (l'association). 2. La banque a déclaré détenir un portefeuille-titres de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). 3. Par jugement du 19 février 2016, un juge de l'exécution a débouté l'association de sa contestation de la saisie. 4. Le 17 mars 2016, la SCI a signifié ce jugement à la banque et lui a donné ordre de procéder à la vente forcée des droits d'associé et valeurs mobilières appartenant à l'association et de payer les fonds saisis. 5. La banque a indiqué à l'huissier de justice qu'en raison de leur nature, elle ne pouvait faire procéder à la vente des parts de la SCPI. 6. La SCI a établi un cahier des charges en vue de la vente par adjudication des parts de la SCPI, qu'elle a fait signifier à la banque, laquelle lui a indiqué que, s'agissant de parts de la SCPI, la vente devait être effectuée entre les mains de la société de gestion, la société BNP Reim. 7. Ayant appris, après avoir signifié le cahier des charges à la société BNP Reim, que des parts de la SCPI avaient été vendues, l'huissier de justice n'a pas donné suite à la procédure de vente forcée. 8.La SCI a assigné la banque devant un juge de l'exécution en paiement d'une certaine somme en raison de l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis. Examen du moyen 9. Il est statué sur ce moyen après avis de la chambre commerciale du 30 mars 2022, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile. Enoncé du moyen 10. La SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir condamner la banque à lui verser les sommes de 55 060,55 euros en raison de l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 et capitalisation des intérêts et de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors : « 1°/ que si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier ; que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie n'avait pas l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, quand l'intermédiaire habilité est tenu d'informer le mandataire de la société émettrice de la saisie pratiquée et de l'indisponibilité en résultant, la cour d'appel a méconnu les articles R. 232-3 et R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution ; 2°/ que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant qu'il ne peut pas être reproché à la banque le fait que le produit de la vente des droits d'associés et valeurs mobilières saisis n'ait pas été versé au créancier poursuivant, quand le produit de la vente est indisponible entre les mains de l'intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier, la cour d'appel a méconnu l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution. » Réponse de la Cour 11. S'il résulte des dispositions des articles L. 211-14, L. 211-15, L. 211-17 et R. 211-1 du code monétaire et financier que les titres financiers sont négociables, qu'ils se transmettent par virement de compte à compte, que le transfert de leur propriété résulte de leur inscription au compte-titres de l'acquéreur et qu'ils ne sont matérialisés que par cette inscription, il ressort en revanche de l'article L. 211-14 du code monétaire et financier que les parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ne sont pas négociables, et de l'article L. 214-93 du même code que le transfert de leur propriété résulte d'une inscription, non au compte-titres de l'acquéreur, mais sur le registre des associés, cette inscription étant réputée constituer l'acte de cession écrit prévu par l'article 1865 du code civil. 12. Il s'en déduit que les parts de la SCPI ne sont pas des valeurs mobilières, de sorte que les dispositions de l'article R. 232-3, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, qui s'appliquent aux seules valeurs mobilières nominatives, ne leur sont pas applicables. 13. La saisie des parts de la SCPI devant, dès lors, être effectuée, conformément aux dispositions de l'article R. 232-1 du code des procédures civiles d'exécution, entre les mains de la société émettrice de ces parts, la signification de l'acte de saisie à un intermédiaire chargé de gérer un compte-titres dans lequel ces parts ont été inscrites est dépourvue d'effet et ne rend pas indisponibles les droits pécuniaires du débiteur. 14. Aucune obligation légale ou réglementaire n'impose à cet intermédiaire d'aviser la société émettrice de cette saisie ni de représenter les fonds issus d'une vente de ces titres. 15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que la saisie portait sur des parts de sociétés civiles de placement immobilier, se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société civile immobilière Rafy aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Rafy et la condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière (SCI) Rafy Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société civile immobilière Rafy de ses demandes tendant à voir condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes de 55.060,55 euros tenant à l'absence de versement du prix de la vente des titres saisis avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017 et capitalisation des intérêts et de 5.000 à titre de dommages intérêts ; AUX MOTIFS QUE Cependant, comme le soutient, à bon droit l'intimée, il ne résulte pas de l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie comme le permet l'article R. 232-4, a l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, étant ajouté qu'il n'est pas contesté que la société Bnp Paribas a déclaré exactement à l'huissier de justice instrumentaire qu'elle détenait pour le compte du débiteur des parts des Scpi Accimo Pierre et Pierre Sélection. Il ne peut donc lui être reproché le fait que le produit de la vente faite par la société gestionnaire des Scpi à la demande du débiteur, sans qu'il soit établi que l'intimée en ait été informée, n'a pas été versé au créancier poursuivant, étant rappelé que l'article R. 233-3 est inapplicable aux saisies de parts de la SCPi. Il sera ajouté que l'appelante n'établit pas que la société gestionnaire ait versé directement le produit de la vente à la société Bnp Paribas pour le compte de la débitrice et admet qu'il a été versé sur le compte ouvert au nom de la débitrice auprès de la banque et non directement à celle-ci. Dès lors que la saisie portait sur des droits d'associés et valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de gestion et que le débiteur n'avait pas informé l'huissier de justice instrumentaire, dans le délai d'un mois à compter de la saisie, conformément à l'article L. 221-3 du code des procédures civiles d'exécution, de son intention d'user de la faculté de vendre volontairement les parts saisies, il appartenait au créancier poursuivant de procéder dans les formes prévues aux articles R. 233-5 et suivants du même code et de faire établir un cahier des charges en vue de la vente des parts sur adjudication. En l'espèce, ce n'est que le 5 octobre 2017, soit plus de seize mois après la saisie, que le cahier des charges a été signifié à la société gestionnaire des Scpi laquelle a indiqué à l'huissier les dates auxquelles les parts avaient été vendues et le nombre des parts vendues. Il convient donc de confirmer le jugement attaqué, sans qu'il y a ait lieu de procéder aux injonctions sollicitées à titre subsidiaire, dont l'exécution ne serait pas de nature à modifier la présente décision. ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE L'article L. 123-1 dispose que « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut aussi être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur ». En l'espèce, sont versés aux débats à l'appui de la demande - le titre exécutoire détenu par le créancier saisissant à l'encontre de l'association Eglise du christianisme céleste, paroisse Saint Esprit, à savoir un arrêt du 19 mars 2015, par lequel ladite association a été condamnée à verser à la SCI Rafy les sommes de 72.140,74 euros, 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, signifié le 16 avril 2015 au débiteur, - le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 27 mai 2015, - la dénonciation faite à l'association Eglise du christianisme céleste, paroisse Saint Esprit, par acte du 1er juin 2015, - le jugement rejetant la contestation du débiteur, - la signification de ce jugement au tiers saisi. Il apparaît ainsi que la procédure de saisie est régulière. Cependant, il ressort, par ailleurs, des explications et pièces mêmes de la demanderesse que ce n'est nullement le tiers saisi qui a été informé par le débiteur de son souhait de vendre les parts de la SCPI et les a vendues mais la société de gestion, établissement autonome, aucun manquement à ses obligations ne pouvant ainsi être retenu de la part de la défenderesse qui a précisé au créancier ne pouvoir les vendre elle-même et quelle société le pouvait en lui donnant ses coordonnées, son courrier du 28 septembre 2017 démontrant qu'elle n'a pas été tenue informée par la société de gestion des ventes et versements successifs. ALORS DE PREMIERE PART QUE si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier ; que l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant que la société Bnp Paribas, en sa qualité d'intermédiaire habilité pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites en compte au nom du débiteur auprès duquel a été opérée la saisie n'avait pas l'obligation d'informer la société émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières saisis de leur indisponibilité, quand l'intermédiaire habilité est tenu d'informer le mandataire de la société émettrice de la saisie pratiquée et de l'indisponibilité en résultant, la cour d'appel a méconnu les articles R. 232-3 et R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution ; ALORS DE SECONDE PART QUE l'acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur ; qu'en retenant qu'il ne peut pas être reproché à la banque le fait que le produit de la vente des droits d'associés et valeurs mobilières saisis n'ait pas été versé au créancier poursuivant, quand le produit de la vente est indisponible entre les mains de l'intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier, la cour d'appel a méconnu l'article R. 232-8 du code des procédures civiles d'exécution. Avis de la Cour de cassation, 30 mars 2022, pourvoi n° 19-20.143
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1253 FS-B+R Pourvoi n° C 21-16.186 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 Mme [V] [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.186 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de l'association Centre dentaire Nord [Localité 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales, venant aux droits de l'association Centre dentaire Nord [Localité 3], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2021), Mme [C], représentée par un défenseur syndical, a relevé appel, le 5 avril 2019, d'un jugement d'un conseil de prud'hommes la déboutant de ses demandes dans un litige l'opposant à l'association Centre dentaire Nord [Localité 3] aux droits de laquelle se trouve l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales (l'association). 2. L'association intimée a soulevé l'absence d'effet dévolutif de l'acte d'appel qui ne mentionnait pas les chefs critiqués du jugement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [C] fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté le 5 avril 2019 et l'absence de saisine de la cour, alors « que les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel a retenu que la déclaration d'appel effectuée par le représentant syndical de Mme [C] ne mentionnait pas les chefs de jugement critiqués et que dès lors, elle ne permettait pas à l'effet dévolutif de jouer, en l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel dans la mesure où elle ne pouvait être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement ; qu'elle a ensuite écarté le caractère indivisible de l'objet du litige ainsi que l'existence d'une demande d'annulation du jugement ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, si, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'application des règles de l'effet dévolutif de l'appel ne portait pas atteinte à la substance du droit d'accès au juge au sens de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors qu'elle constatait que l'appelante n'était pas représentée par un professionnel du droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. L'association soulève l'irrecevabilité du moyen, le défenseur syndical ne s'étant pas prévalu de ce que, faute de représentation de l'appelant par un professionnel du droit, il y aurait atteinte à son droit d'accès au juge à priver la déclaration d'appel, méconnaissant l'article 901, alinéa 1er, 4°, du code de procédure civile, d'effet dévolutif. 5. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable. Bien-fondé du moyen 6. Il résulte des articles R. 1461-2 et R. 1461-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, dans leur version issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 applicable aux instances d'appel introduites depuis le 1er août 2016, que dans la procédure d'appel du jugement des conseils de prud'hommes, soumise aux règles de la représentation obligatoire, les parties peuvent être représentées par un avocat ou par un défenseur syndical. 7. Selon l'article L. 1453-4, alinéa 2, du code du travail, le défenseur syndical est inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés. Selon l'article D. 1453-2-1 du même code, il est sélectionné en fonction de son expérience des relations professionnelles et de ses connaissances du droit social. 8. Il résulte de l'article L. 1453-7 de ce code que le défenseur syndical reçoit une formation obligatoire qui donne lieu à autorisation d'absence pour l'exercice de son mandat. En application de l'article D. 1453-2-5, alinéa 3, du même code, sauf à justifier d'un motif légitime, le défenseur syndical, qui n'exerce pas sa mission pendant un an, est retiré d'office de la liste des défenseurs syndicaux. 9. Selon l'article L. 1453-8 de ce code, le défenseur syndical est tenu à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu'il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d'une négociation. La méconnaissance de cette obligation peut entraîner la radiation de la liste. 10. Selon l'article L. 1453-9 du même code, lorsqu'il est salarié, le défenseur syndical bénéficie du statut de salarié protégé. 11. Ces dispositions qui concernent le défenseur syndical sont destinées à offrir au justiciable représenté par celui-ci des garanties équivalentes à celles du justiciable représenté par un avocat quant au respect des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties. 12. Sous réserve des dispositions des articles 930-2 et 930-3 du code de procédure civile, il résulte de l'article R. 1461-2, alinéa 3, du code du travail que le défenseur syndical accomplit valablement les actes mis à la charge de l'avocat, de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical. 13. Il s'ensuit que le défenseur syndical, que choisit l'appelant pour le représenter, s'il n'est pas un professionnel du droit, n'en est pas moins à même d'accomplir les formalités requises par la procédure d'appel avec représentation obligatoire sans que la charge procédurale en résultant présente un caractère excessif de nature à porter atteinte au droit d'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 15. Mme [C] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la régularisation de la déclaration d'appel ne peut pas intervenir après l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile ; que l'exposante faisait valoir dans sa note en délibéré du 19 novembre 2020 que le Centre dentaire [Localité 3] n'avait invoqué l'absence d'effet dévolutif de l'appel que très tardivement, ses premières conclusions du 12 septembre 2019 ne mentionnant pas cette irrecevabilité ; qu'en se bornant à relever l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel sans rechercher, ainsi qu'il y était invitée, si l'absence d'effet dévolutif de l'appel avait été opposée à l'appelante à une date où une régularisation par le dépôt d'une nouvelle déclaration d'appel était devenue impossible et partant, s'il était porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 16. L'association soulève l'irrecevabilité du moyen, le défenseur syndical ne s'étant pas prévalu de ce qu'il y aurait atteinte au droit d'accès au juge de l'appelant à soulever l'absence d'effet dévolutif lorsque la régularisation de la déclaration d'appel n'est plus possible. 17. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable. Bien-fondé du moyen 18. Il ne résulte d'aucun texte que l'absence d'effet dévolutif consécutif à l'inobservation des dispositions de l'article 901, alinéa 1er, 4°, du code de procédure civile doive être soulevée par la partie intimée avant l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure, durant lequel la possibilité lui est ouverte de régulariser la déclaration d'appel. 19. Cette règle ne prive pas l'appelant du droit d'accès au juge dès lors il a été mis en mesure d'effectuer cette régularisation indépendamment de tout incident soulevé par l'intimé. 20. Il s'ensuit qu'il ne saurait être reproché à la cour d'appel de s'être abstenue d'effectuer une recherche inopérante. 21. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] et la condamne à payer à l'association Coordination des oeuvres sociales et médicales la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [C] Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'absence d'effet dévolutif de l'appel qu'elle a interjeté le 5 avril 2019 et l'absence de saisine de la cour. 1° ALORS QUE les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel a retenu que la déclaration d'appel effectuée par le représentant syndical de Mme [C] ne mentionnait pas les chefs de jugement critiqués et que dès lors, elle ne permettait pas à l'effet dévolutif de jouer, en l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel dans la mesure où elle ne pouvait être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement ; qu'elle a ensuite écarté le caractère indivisible de l'objet du litige ainsi que l'existence d'une demande d'annulation du jugement ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, si, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'application des règles de l'effet dévolutif de l'appel ne portait pas atteinte à la substance du droit d'accès au juge au sens de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors qu'elle constatait que l'appelante n'était pas représentée par un professionnel du droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 2° ALORS QUE la régularisation de la déclaration d'appel ne peut pas intervenir après l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile ; que l'exposante faisait valoir dans sa note en délibéré du 19 novembre 2020 que le Centre dentaire [Localité 3] n'avait invoqué l'absence d'effet dévolutif de l'appel que très tardivement, ses premières conclusions du 12 septembre 2019 ne mentionnant pas cette irrecevabilité ; qu'en se bornant à relever l'absence de régularisation ultérieure par une nouvelle déclaration d'appel sans rechercher, ainsi qu'il y était invitée, si l'absence d'effet dévolutif de l'appel avait été opposée à l'appelante à une date où une régularisation par le dépôt d'une nouvelle déclaration d'appel était devenue impossible et partant, s'il était porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901, 562 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Soc., 2 février 2022, pourvoi n° 19-21.810;
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1282 F-B Pourvoi n° X 21-17.446 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022 M. [M] [P], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.446 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2021 par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [O] [J], 2°/ à Mme [T] [L], tous deux domiciliés [Adresse 4], 3°/ à la société Maif assurances, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [P], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J], Mme [L] et la société Maif assurances, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Kermina, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 5 mai 2021) et les productions, courant 2008, lors d'une séance d'entraînement au sein d'un club de motocyclisme, M. [P] a été percuté par la motocyclette pilotée par M. [J], alors mineur, ce qui a entraîné une atteinte à son intégrité physique et psychique. 2. M. [J] a été déclaré entièrement responsable du préjudice corporel subi par M. [P] et tenu, en la personne de sa mère Mme [L], d'indemniser l'entier préjudice de la victime, une expertise médicale étant ordonnée. 3. M. [P] a fait construire une maison d'habitation d'une surface adaptée à son handicap, dont l'édification s'est achevée en juillet 2014. 4. Par arrêt confirmatif du 19 décembre 2018, M. [J] et la société Maif (l'assureur) ont été condamnés in solidum à payer diverses sommes à M. [P] en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, à l'exception du poste relatif à l'adaptation du logement pour lequel une mesure d'instruction a été ordonnée. 5. M. [P] a interjeté appel du jugement ayant condamné in solidum M. [J] et l'assureur à lui payer la somme de 105 170,94 euros au titre des frais de logement adapté. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. M. [P] fait grief à l'arrêt de fixer le préjudice qu'il a subi du fait de la nécessité dans laquelle il se trouve de vivre dans un logement adapté à son handicap à la somme de 68 488,72 euros de surface supplémentaires et 24 817,20 euros d'équipements et matériels spécifiques, alors « que l'aveu ne peut porter que sur un point de fait et non de droit tel que la définition d'un chef de préjudice ; que, dès lors, en retenant l'existence d'un « aveu judiciaire de M. [P] » par lequel il aurait « admis à plusieurs reprises [?] que l'indemnisation doit correspondre au surcoût résultant des surfaces complémentaires et des aménagements spécifiques », qui lui interdirait de demander, devant la cour d'appel, une indemnisation au titre des frais de logement adapté, incluant le coût de la construction de son logement adapté, la cour d'appel, qui a retenu un aveu portant sur une qualification juridique, a violé l'article 1356 du code civil ». Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 8. M. [J], Mme [L] et l'assureur contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau, M. [P] n'ayant jamais soutenu que l'aveu portait sur une qualification juridique. 9. Cependant, M. [P] a fait valoir, devant la cour d'appel, que son indemnisation par rapport au coût de son logement était une question de droit, et non de fait. 10. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 1383 et 1383-2 du code civil : 11. Il résulte de ces textes que l'aveu, qu'il soit judiciaire ou extra-judiciaire, exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques. 12. Pour fixer le préjudice résultant pour M. [P] de l'accident dont il a été victime, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il a admis à plusieurs reprises dans ses conclusions que son indemnisation doit correspondre au surcoût résultant des surfaces complémentaires et des aménagements spécifiques, ce qui constitue un aveu judiciaire et qu'il a reconnu, pour définir quel était ce surcoût, que l'expert devait le comparer au coût qu'aurait représenté pour lui, hors handicap, la construction d'une maison ou l'acquisition d'un appartement, cette reconnaissance étant bien faite judiciairement. 13. En statuant ainsi, alors que les conclusions de M. [P] portaient sur une appréciation en droit du contenu du préjudice indemnisable et ne constituaient pas l'aveu d'un fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2021, entre les parties, par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne M. [J], Mme [L] et la société Maif assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [P] en ce qu'elle est dirigée contre la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, rejette la demande formée par M. [J], Mme [L] et la société Maif assurances et les condamne à payer à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [P] M. [P] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé le préjudice qu'il a subi du fait de la nécessité dans laquelle il se trouve de vivre dans un logement adapté à son handicap à la somme de 68 488,72 euros de surface supplémentaires et 24 817,20 euros d'équipements et matériels spécifiques et de l'AVOIR débouté du surplus de ses demandes à ce titre ; 1°) ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel et il est statué à nouveau en fait et en droit ; que la victime est recevable à solliciter en appel une indemnisation nouvelle qui présente un lien d'accessoire ou de complément avec les prétentions émises précédemment ; qu'en refusant d'indemniser M. [P] du coût d'acquisition d'un logement, rendu nécessaire par l'accident dont il a été victime le 11 mai 2008, au motif qu'il aurait « reconn[u] dans ses conclusions du 22 mai 2017, que « pour définir quel était le surcoût l'expert devait le comparer au coût qu'aurait représenté pour lui, hors handicap, la construction d'une maison ou l'acquisition d'un appartement » », quand la victime pouvait valablement modifier sa demande d'indemnisation devant la cour d'appel, qui était saisie de l'entier litige, la cour d'appel a violé les articles 561 et 566 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'aveu ne peut porter que sur un point de fait et non de droit tel que la définition d'un chef de préjudice ; que, dès lors, en retenant l'existence d'un « aveu judiciaire [de M. [P]] » par lequel il aurait « admis à plusieurs reprises [?] que l'indemnisation doit correspondre au surcoût résultant des surfaces complémentaires et des aménagements spécifiques » (jugement p. 6, al. 2), qui lui interdirait de demander, devant la cour d'appel, une indemnisation au titre des frais de logement adapté, incluant le coût de la construction de son logement adapté, la cour d'appel, qui a retenu un aveu portant sur une qualification juridique, a violé l'article 1356 du code civil ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, en retenant que « M. [P] est déjà propriétaire » (arrêt p. 5, al. 8) au moment de l'accident survenu le 11 mai 2008 quand il n'a jamais été contesté qu'en 2008 il vivait chez ses parents et quand l'expert [Z] a constaté que le permis de construire a été déposé le 24 septembre 2012, accordé le 25 octobre 2012 et que la déclaration d'ouverture de chantier a été déposée le 11 février 2013 (rapport de l'expert [Z] p. 7), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le débiteur d'indemnisation doit être condamné au paiement des frais d'acquisition d'un terrain et de construction d'un logement adapté au handicap de la victime, dès lors que ces frais sont directement imputables aux séquelles provoquées par l'accident ; qu'en se fondant sur la circonstance que « M. [P] est déjà propriétaire » (arrêt p. 5, al. 8) à la date de l'arrêt pour le débouter de sa demande tendant à l'indemnisation du coût de construction de son logement sans rechercher si la construction d'un logement adapté était en relation avec l'accident pour avoir été rendue nécessaire à raison du handicap de la victime et du mode de vie qu'il lui impose, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge tenu de respecter et faire respecter le principe du contradictoire, ne peut se fonder sur des éléments de preuve qui n'ont pas été régulièrement produits aux débats ; qu'en se fondant dès lors sur une « facture récapitulative du 18 juillet 2014 de [H] Construction » (arrêt p. 6, al. 8) qui n'avait pas été régulièrement produite et soumise au débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 887 F-B Pourvoi n° X 21-17.492 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 M. [T] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.492 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [O], domiciliée [Adresse 1] (Luxembourg), prise en qualité de liquidateur de la société Landsbanki, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est [Adresse 4] Luxembourg, 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2021), M. [K] (l'emprunteur) a formé un recours contre la décision d'un directeur des services de greffe judiciaires constatant la force exécutoire en France d'un arrêt de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg qui a rejeté sa demande d'admission au passif de la société luxembourgeoise Landsbanski Luxembourg, représentée par Mme [O], liquidatrice (la banque), et l'a condamné à payer à celle-ci diverses sommes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 2. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et de constater la force exécutoire, en France, de l'arrêt de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg, alors : « 1°/ que l'action intentée contre un consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié ledit consommateur, sauf à ce que cette demande soit formée à titre reconventionnel devant le tribunal saisi par le consommateur d'une demande originaire ; qu'en l'espèce, en retenant, pour en déduire que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes, que la banque avait formé une demande reconventionnelle contre l'emprunteur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la demande en remboursement du prêt formée par la banque était connexe à la demande originaire d'admission d'une créance au passif d'une procédure collective, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 15, 16, 35 et 45 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I) ; 2°/ que si le juge d'un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent, c'est à la condition que le défendeur ait été informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution ; qu'en l'espèce, en retenant que l'emprunteur n'a pas contesté la compétence de la juridiction de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la banque, sans rechercher si celui-ci avait été informé de son droit de contester la compétence de cette juridiction, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 24 du règlement n° 44/2001, ensemble l'article 26 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis) et l'article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. » 3. En premier lieu, il résulte de l'article 66 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles I bis) que le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I) continue à s'appliquer aux décisions rendues dans les actions judiciaires intentées avant le 10 janvier 2015. 4. Ayant relevé que l'action devant les juridictions luxembourgeoises avait été engagée le 31 mars 2010, la cour d'appel en a exactement déduit que la reconnaissance de la décision rendue par elles était régie par le règlement Bruxelles I, lequel ne prévoyait pas qu'avant de se déclarer compétente, la juridiction devait s'assurer que le consommateur défendeur était informé de son droit de contester cette compétence et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution. 5. En second lieu, il résulte de l'arrêt de la CJCE, arrêt du 20 mai 2010, Česká podnikatelská pojišťovna as, Vienna Insurance Group/Michal Bilas, C-111/09 que l'article 24 du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens que le juge saisi, sans que les règles relatives au contrat de consommation aient été respectées, doit se déclarer compétent lorsque le défendeur comparaît et ne soulève pas d'exception d'incompétence, une telle comparution constituant une prorogation tacite de compétence. 6. Ayant constaté que l'emprunteur n'avait pas contesté la compétence de la cour d'appel de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la banque, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision. Sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. L'emprunteur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ; que la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, est potestative la clause autorisant la banque à exiger le remboursement du prêt dans l'hypothèse, selon une procédure de calcul laissée par le contrat à l' « entière discrétion » de la banque, le ratio de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen relatif à l'existence d'une éventuelle clause potestative relève de l'appréciation du juge du fond et qu'une clause potestative n'est en tout état de cause pas contraire à l'ordre public français, lorsque la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public, de sorte qu'une décision de condamnation fondée sur une telle clause ne peut être reconnue, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I), ensemble l'article 1304-2 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Selon les articles 34 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (dit Bruxelles I), la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. 9. La contrariété à l'ordre public international s'entend d'une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Union et donc dans celui de l'État membre requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE, arrêt du 6 juillet 2015, Diageo Brands BV/Simiramida-04 EOOD, C-681/13). 10. En retenant que ne satisfaisait pas à ces conditions la violation alléguée de l'article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui prohibait les clauses potestatives, la cour d'appel a justifié sa décision. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. 12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 16, 3° de la section 4 du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à la société Landsbanski Luxembourg, représentée par Mme [O], liquidateur la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [K] Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision déférée en toutes ses dispositions et, partant, d'avoir constaté la force exécutoire, en France, de l'arrêt en date du 27 avril 2016 de la cour d'appel du Grand-Duché du Luxembourg dans l'instance opposant la société anonyme Landsbanki Luxembourg à Monsieur [T] [K] ; 1°) Alors que, d'une part, l'action intentée contre un consommateur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié ledit consommateur, sauf à ce que cette demande soit formée à titre reconventionnel devant le tribunal saisi par le consommateur d'une demande originaire ; qu'en l'espèce, en retenant, pour en déduire que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes, que la société Landsbanki avait formé une demande reconventionnelle contre Monsieur [K], sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, p. 10), si la demande en remboursement du prêt formée par la banque était connexe à la demande originaire d'admission d'une créance au passif d'une procédure collective, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 15, 16, 35 et 45 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; 2°) Alors que, d'autre part, si le juge d'un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent, c'est à la condition que le défendeur ait été informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution ou d'une absence de comparution ; qu'en l'espèce, en retenant que Monsieur [K] n'a pas contesté la compétence de la cour d'appel de Luxembourg pour statuer sur la demande reconventionnelle de la société Landsbanki, sans rechercher si celui-ci avait été informé de son droit de contester la compétence de cette juridiction, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 24 du Règlement n° 44/2001, ensemble l'article 26 du Règlement (UE) n° 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et l'article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; 3°) Alors que, de troisième part, une décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ; que la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public ; qu'en l'espèce, est potestative la clause autorisant la banque à exiger le remboursement du prêt dans l'hypothèse, selon une procédure de calcul laissée par le contrat à l' « entière discrétion » de la banque, le ratio de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen relatif à l'existence d'une éventuelle clause potestative relève de l'appréciation du juge du fond et qu'une clause potestative n'est en tout état de cause pas contraire à l'ordre public français, lorsque la nullité d'une clause potestative a un caractère d'ordre public, de sorte qu'une décision de condamnation fondée sur une telle clause ne peut être reconnue, la cour d'appel a violé l'article 34 du Règlement 44/2001, ensemble l'article 1304-2 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 7 décembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 877 FP-B+R Pourvoi n° N 21-15.390 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2022 La société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine », également connue sous la dénomination JSC Oschadbank, anciennement dénommée Public Joint Stock Company (State Savings Bank of Ukraine), société par actions, dont le siège est [Adresse 1] (Ukraine), a formé le pourvoi n° N 21-15.390 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16, chambre commerciale internationale), dans le litige l'opposant à la Fédération de Russie, dont le siège est [Adresse 2] (Fédération de Russie), agissant par le Bureau du procureur général de la Fédération de Russie, lui-même représenté par le procureur général de la Fédération de Russie en exercice, ayant tous pouvoirs pour agir au nom de la Fédération de Russie, domicilié [Adresse 4] (Fédération de Russie), défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller doyen, les observations et plaidoiries de Me Ortscheidt, avocat de la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine », de Me Bénabent, avocat de la Fédération de Russie, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller doyen rapporteur, Mmes Duval-Arnould, Auroy, conseillers doyens, Mme Antoine, M. Mornet, Mme Poinseaux, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, M. Fulchiron, Mmes Dard, Bacache-Gibeili, Beauvois, M. Bruyère, Mme Agostini, conseillers, Mmes Le Gall, Kloda, M. Duval, Mmes Azar, de Cabarrus, Dumas, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2021), le 27 novembre 1998, la Fédération de Russie et la République d'Ukraine ont conclu un traité bilatéral de protection des investissements (le TBI), qui est entré en vigueur le 27 janvier 2000. 2. Après avoir défini le terme « investissements » en son article 1.1, le TBI prévoit, en son article 9, que « Tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » peut être soumis à l'arbitrage après une tentative de règlement amiable. 3. L'article 12 stipule que « Le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992. » 4. Le 20 janvier 2016, la société ukrainienne Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (la banque) a engagé, sur le fondement de ce traité, une action indemnitaire devant un tribunal arbitral, en invoquant l'expropriation par la Fédération de Russie, en 2014, de ses actifs situés en Crimée. 5. La Fédération de Russie a formé un recours en annulation de la sentence qui, après avoir constaté la violation du TBI, l'a condamnée à payer à la banque la somme de 1 111 300 729 dollars US. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence arbitrale et de la condamner à verser 150 000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que, sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que selon l'article 9 du Traité bilatéral d'investissement conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, "tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou les procédures de paiement des indemnités, prévu à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord" peut être soumis à l'arbitrage ; que l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement, en ce qu'il prévoit que "le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992", ne limite pas la protection procédurale offerte par la convention d'arbitrage figurant à l'article 9 de ce traité aux investissements réalisés après cette date, mais affecte uniquement l'entrée en vigueur de la protection substantielle des investissements par le traité ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que "l'offre d'arbitrage qui résulte de l'article 9 n'est pas une offre générale et inconditionnelle pour tout litige d'investissement entre la Fédération de Russie et l'Ukraine, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité bilatéral d'investissement de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et dont la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par l'investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992" et que "les termes de l'article 12 précité sont suffisamment clairs pour considérer qu'il détermine le champ d'application temporel du traité et qu'il n'ouvre droit à une protection tant substantielle que procédurale qu'aux seuls investissements qui ont été réalisés à compter du 1er janvier 1992 de sorte qu'en sont nécessairement exclu ceux qui l'ont été antérieurement", pour en déduire que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée ayant débuté avant le 2 janvier 1992, cela impliquait "nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également" et que "la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître du litige", la cour d'appel a violé l'article 1520,1°, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 7. La Fédération de Russie invoque l'irrecevabilité du moyen en ce que la banque se serait contredite à son détriment lors du recours en révision de la sentence. 8. Cependant, les moyens invoqués dans une autre instance ne sauraient caractériser une contradiction au détriment d'autrui. 9. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1520, 1°, du code de procédure civile : 10. Il résulte de ce texte que, si le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage, ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence. 11. En matière de protection des investissements transnationaux, le consentement de l'Etat à l'arbitrage procède de l'offre permanente d'arbitrage formulée dans un traité, adressée à une catégorie d'investisseurs que ce traité délimite pour le règlement des différends touchant aux investissements qu'il définit. 12. Pour annuler la sentence, l'arrêt retient que l'article 9 du TBI n'institue pas une offre générale et inconditionnelle pour tous litiges d'investissements entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité, de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et donc la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par un investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992. 13. En statuant ainsi, alors que ni l'offre d'arbitrage stipulée à l'article 9 ni la définition des investissements prévue à l'article 1 ne comportaient de restriction ratione temporis et que l'article 12 n'énonçait pas une condition de consentement à l'arbitrage dont dépendait la compétence du tribunal arbitral, mais une règle de fond, la cour d'appel, qui devait seulement vérifier, au titre de la compétence ratione temporis, que le litige était né après l'entrée en vigueur du traité, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société par actions Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » sur le moyen tiré de l'incompétence temporelle du tribunal arbitral, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la Fédération de Russie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Fédération de Russie et la condamne à payer à la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » PREMIER MOYEN DE CASSATION Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (JSC Oschadbank) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence arbitrale rendue à Paris le 26 novembre 2018 (PCA Case n° 2016-14) et de l'avoir condamnée à verser 150.000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; qu'en affirmant que « seule la volonté commune des parties a le pouvoir d'investir l'arbitre de son pouvoir juridictionnel, lequel se confond en matière d'arbitrage avec sa compétence » et que « lorsque la clause d'arbitrage résulte d'un traité bilatéral d'investissement, il convient dès lors d'apprécier cette volonté commune au regard de l'ensemble des dispositions du traité de sorte que le tribunal arbitral n'est compétent pour connaître d'un litige que s'il entre dans le champ d'application du traité et que s'il est satisfait à l'ensemble de ses conditions d'application » (arrêt attaqué, §§ 70 et 71), quand la compétence du tribunal arbitral s'apprécie au regard, non pas de l'ensemble des conditions d'application du traité bilatéral d'investissement, notamment celles relatives à la protection substantielle offerte par ce traité, mais uniquement de celles affectant la convention d'arbitrage, la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence ; que selon l'article 9 du Traité bilatéral d'investissement conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou les procédures de paiement des indemnités, prévu à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » peut être soumis à l'arbitrage ; que l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement, en ce qu'il prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 », ne limite pas la protection procédurale offerte par la convention d'arbitrage figurant à l'article 9 de ce traité aux investissements réalisés après cette date, mais affecte uniquement l'entrée en vigueur de la protection substantielle des investissements par le traité ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « l'offre d'arbitrage qui résulte de l'article 9 n'est pas une offre générale et inconditionnelle pour tout litige d'investissement entre la Fédération de Russie et l'Ukraine, mais une offre insérée dans les limites fixées par le traité bilatéral d'investissement de sorte que la protection procédurale offerte par la clause d'arbitrage et dont la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'applicabilité du traité à l'investissement objet du litige et plus précisément à l'existence d'un litige portant sur un investissement qui a nécessairement été réalisé par l'investisseur d'une des parties contractantes sur le territoire de l'autre à compter du 1er janvier 1992 » (arrêt attaqué, § 75) et que « les termes de l'article 12 précité sont suffisamment clairs pour considérer qu'il détermine le champ d'application temporel du traité et qu'il n'ouvre droit à une protection tant substantielle que procédurale qu'aux seuls investissements qui ont été réalisés à compter du 1er janvier 1992 de sorte qu'en sont nécessairement exclu ceux qui l'ont été antérieurement » (arrêt attaqué, § 83), pour en déduire que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée ayant débuté avant le 2 janvier 1992, cela impliquait « nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également » et que « la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître du litige » (arrêt attaqué, §§ 100-101), la cour d'appel a violé l'article 1520,1°, du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Joint Stock Company « State Savings Bank of Ukraine » (JSC Oschadbank) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sentence arbitrale rendue à Paris le 26 novembre 2018 (PCA Case n° 2016-14) et de l'avoir condamnée à verser 150.000 euros à la Fédération de Russie en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) ALORS QUE selon l'article 9 du Traité bilatéral conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, peut être soumis à l'examen d'un tribunal ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » ; que selon l'article 1.1 de ce traité, le terme investissement s'entend notamment de toutes sortes de biens qui sont investis par un investisseur d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante et énumère ensuite, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements ; que son article 12 prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 » ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté avant le 2 janvier 1992, « impliquant nécessairement que la réalisation de l'investissements le fût également », pour en déduire « que la condition temporelle posée par l'article 12 du Traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaitre du litige » (arrêt attaqué, §§ 100 et 101), après avoir pourtant constaté que « le 18 mars 2014, la République de Crimée a été rattachée à la Fédération de Russie au terme du traité conclu le même jour » (arrêt attaqué, § 2), ce dont il résultait que les biens de la société JSC Oschadbank situés dans la Péninsule de Crimée n'étaient devenus des investissements protégés, réalisés par une société ukrainienne sur le territoire de la Fédération de Russie, au sens du traité bilatéral d'investissement, que postérieurement à cette date, la cour d'appel a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 9 du Traité bilatéral conclu le 27 novembre 1998 entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements, peut être soumis à l'examen d'un tribunal ad hoc conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), « tout différend entre une partie contractante et un investisseur de l'autre partie contractante qui surgit en rapport avec les investissements, y compris les différends qui concernent le montant, les modalités ou la procédure de paiement des indemnités, prévus à l'article 5 du présent accord, ou la procédure de transfert des paiements, prévue à l'article 7 du présent accord » ; que selon l'article 1.1 de ce traité, le terme investissement s'entend notamment de toutes sortes de biens qui sont investis par un investisseur d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante et énumère ensuite, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements ; que son article 12 prévoit que « le présent accord s'applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 » ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « pour apprécier la date à laquelle cet investissement, qui devait être pris dans sa globalité comme l'ensemble des services bancaires et financiers exercés par la société JSC Oschadbank à travers ses succursales bancaires en Crimée a été réalisé, il convient donc de s'interroger sur la date à laquelle cette activité bancaire et financière a été créée » (arrêt attaqué, § 96), que « l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté antérieurement » au 2 janvier 1992, « impliquant nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également » (arrêt attaqué, § 100), pour en déduire que « la condition temporelle posée par l'article 12 du traité bilatéral d'investissement qui contient l'offre d'arbitrage n'est pas satisfaite de sorte que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaitre du litige » (arrêt attaqué, § 101), la cour d'appel, qui a ajouté une condition que le traité ne prévoit pas, a violé l'article 1520,1° du code de procédure civile ; 3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en déduisant que l'activité bancaire de la société JSC Oschadbank en Crimée avait débuté avant le 2 janvier 1992, ce qui impliquait nécessairement que la réalisation de l'investissement le fût également (arrêt attaqué, § 100) de ce que cette banque est née du démantèlement du système bancaire unifié de l'Union Soviétique, en 1991, que l'activité de la branche ukrainienne de la Sberbank de l'Union Soviétique a été transférée à l'Etat ukrainien par une ordonnance du 20 mars 1991 et à une société de droit public dénommée, à compter du 3 septembre 1991, « Banque d'Epargne Public Commerciale spécialisée d'Ukraine (Oschadbank d'Ukraine) », enregistrée auprès de la banque nationale d'Ukraine le 31 décembre 1991 (arrêt attaqué, § 97), qu'aux termes des statuts de cette banque du 3 septembre 1991, il est indiqué qu'elle a été créée en vertu d'une loi du 20 mars 1991, qu'il s'agit d'une personne morale et avec toutes ses succursales, constitue un système unifié de la banque, que les succursales ou les départements situés en République Socialiste Soviétique autonome de Crimée, dans les régions, à [Localité 3] ainsi qu'au niveau local, sont dirigés par les directeurs de succursales ou les gestionnaires des départements qui sont nommés hiérarchiquement par les organes administratifs de la banque parmi les personnes ayant une expérience pratique d'au moins trois ans au sein de la banque et que ces succursales sont soumises au régime juridique des personnes morales, agissent au nom de la banque, disposent de leur propre bilan financier, qui font partie du bilan de la banque et exercent leur activité en vertu du Règlement sur les succursales et départements de la Banque approuvé par le Conseil de la banque (arrêt attaqué, § 98), et qu'il ressort d'un compte-rendu de la réunion du Conseil de la banque du 3 septembre 1991 « que le directeur de la succursale de la Banque en Crimée est un membre du Conseil de la banque précitée de sorte qu'à cette date les activités bancaires et financières de la société JSC Oschadbank étaient d'ores et déjà en cours » (arrêt attaqué, § 99), la société Oschadbank soutenant au contraire que l'investissement n'était pas antérieur au 1er janvier 1992, puisque sa succursale de Crimée n'avait été enregistrée que le 2 janvier 1992 (concl., § 163, p. 53), la cour d'appel, qui a statué par voie de simples affirmations, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision d'un tribunal arbitral sur la compétence, en recherchant, tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que dans sa sentence arbitrale du 26 novembre 2018, le tribunal arbitral a indemnisé la société JSC Oschadbank à hauteur de 597.771.793 dollars US pour la perte de ses biens, de 484.616.757 dollars US pour sa perte de profits futurs et de 28.912.179 dollars US pour la perte de biens de tiers, correspondant à de l'or, des bijoux et des espèces dérobés, ainsi qu'à des commissions (sentence, §§ 332, à 341 et §§ 374 à 375) ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé que « dans le cadre de la procédure arbitrale, la société JSC Oschadbank visait ainsi la protection de ses actifs corporels (biens mobiliers et immobiliers), et droits immobiliers (y compris ceux découlant de baux) des créances, des droits et des intérêts économiques découlant des relations entre la succursale de Crimée et ses clients (...) » (arrêt attaqué, § 95), sans constater que le tribunal arbitral, en indemnisant la société JSC Oschadbank, a statué sur des investissements réalisés par elle en Crimée avant 1er janvier 1992, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520,1° du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1207 F-B Pourvoi n° U 21-17.167 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Mme [R] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-17.167 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [E], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Amiens, 12 novembre 2020), du mariage de M. [F] et de Mme [E] est née [W] en 2007. Le couple a divorcé en 2009. 2. Par jugement du 11 février 2015, un tribunal correctionnel a condamné Mme [E] pour des faits de non-représentation d'enfant du 4 octobre 2013 au 25 juillet 2014, et de dénonciation calomnieuse commis de courant janvier 2012 au 31 décembre 2012. Le tribunal a omis de statuer sur la constitution de partie civile de M. [F]. Par arrêt du 2 mars 2016, la cour d'appel a relaxé Mme [E]. 3. Par jugement du 23 mars 2017, ce tribunal a condamné Mme [E] pour des faits de non-représentation d'enfant commis du 30 juin 2014 au 6 janvier 2016 et de dénonciation calomnieuse commis du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016, et a alloué à M. [F] une certaine somme à titre de dommages-intérêts. Par arrêt du 3 décembre 2018, la cour d'appel a relaxé Mme [E] et a rejeté la constitution de partie civile de M. [F]. 4. M. [F] a saisi un tribunal d'instance afin d'obtenir réparation du préjudice moral, psychologique et affectif qu'il prétendait avoir subi du fait de la non remise de l'enfant par Mme [E] et des plaintes qu'elle avait déposées. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 1351, devenu 1355, et 1382, devenu 1240, du code civil : 6. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe. 7. La liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi. Il s'ensuit que, hors restriction légalement prévue, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou de services, être sanctionné sur le fondement du second de ces textes. 8. La dénonciation téméraire constitutive d'un abus de la liberté d'expression est régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale qui, en cas de décision définitive de non-lieu ou de relaxe, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, ouvrent à la personne mise en examen ou au prévenu la possibilité de former une demande de dommages-intérêts, à l'encontre de la partie civile, à la condition que cette dernière ait elle-même mis en mouvement l'action publique. 9. En dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, seraient-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. 10. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé par l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé. 11. Pour condamner Mme [E] à payer à M. [F] une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour une période courant de janvier 2012 à décembre 2014, l'arrêt après avoir rejeté la demande de M. [F] fondée sur une dénonciation téméraire, retient que même si les agissements de Mme [E] n'ont pas été considérés par le juge pénal à deux reprises comme constituant les délits de non-représentation d'enfant et de dénonciation calomnieuse, la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation. 12. En statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée attachée aux décisions de relaxe de Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse, reposant sur l'absence de preuve de sa connaissance de la fausseté des déclarations de l'enfant qu'elle avait rapportées, ne permettait pas de retenir l'existence d'une dénonciation calomnieuse pour les périodes de janvier 2012 au 31 décembre 2012 et à compter du 19 décembre 2014, et qu'il résultait de ses propres énonciations que M. [F] ne pouvait agir sur le fondement de la dénonciation téméraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai. Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour Mme [E] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [E] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de ses demandes et condamnée à payer à M. [S] [F] la somme de 12 800 € à titre de dommages-intérêts pour les préjudices affectifs, moraux, psychologiques et financiers subis de janvier 2012 à décembre 2014 ; 1. ALORS QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en énonçant que les plaintes pour viols déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), imputant ainsi à Mme [E] des faits de dénonciation calomnieuse, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période de février 2012 à mars 2014 et pour celle du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016 (conclusions, p. 10, §§ 1 et 2), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 2. ALORS, subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en énonçant que les plaintes pour viols déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), imputant ainsi à Mme [E] des faits de dénonciation calomnieuse, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période de « courant janvier 2012 au 31 décembre 2012 » et pour celle du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016 (conclusions, p. 10, §§ 1 et 2), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 3. ALORS, plus subsidiairement, QU'à supposer que la cour d'appel ait estimé que Mme [E] ignorait l'inexactitude des faits dénoncés dans ses plaintes, en énonçant que celles-ci avaient « été déposées dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), cependant qu'aussi longtemps qu'elle ignore l'inexactitude des faits qu'elle dénonce, c'est de façon légitime et non fautive qu'une mère, à qui l'enfant a révélé que son père l'avait violé, tente, par le dépôt de plaintes, de priver celui-ci de ses droits de visite et d'hébergement, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4. ALORS QU'en énonçant que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement et la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation », sans exposer, comme elle y était pourtant invitée (conclusions, p. 12, §§ 7 et suivants), en quoi consistait « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » indépendamment des plaintes déposées par Mme [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 5. ALORS, subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'à supposer que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] ait consisté pour Mme [E] a exprimé devant l'enfant commun qu'elle ne voulait plus que celui-ci aille chez son père (arrêt, p. 6), tout en sachant que M. [F] n'avait pas commis les faits de viol dont l'accusait l'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse, aux motifs nécessaires qu'il n'était pas établi que Mme [E] avait connaissance de l'inexactitude des faits qu'elle dénonçait dans ses plaintes (arrêt 2 mars 2016, p. 6, dernier § ; arrêt du 3 décembre 2018, p. 11, antépénultième §), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 6. ALORS, plus subsidiairement, QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'à supposer que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] ait consisté pour Mme [E] a exprimé devant l'enfant commun qu'elle ne voulait plus que celui-ci aille chez M. [F] (arrêt, p. 6), qu'en jugeant fautif ce comportement, cependant qu'aussi longtemps qu'elle ignorait l'inexactitude des faits de viol allégués par son enfant, c'est légitimement que Mme [E] faisait obstruction aux droits de visite et d'hébergement de M. [F], la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 7. ALORS, plus subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en reprochant à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6), entre janvier 2012 et décembre 2014, imputant ainsi à Mme [E] des faits de non-représentation d'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de non-représentation d'enfant aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période du 4 octobre 2013 au 25 juillet 2014 et pour celle du 26 juillet 2014 au 24 novembre 2014, les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 8. ALORS, plus subsidiairement encore, QU'en reprochant à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6), entre janvier 2012 et décembre 2014, imputant ainsi à Mme [E] des faits de non-représentation d'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de non-représentation d'enfant aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période du mois de février 2012 jusqu'au 29 juin 2014 et pour celle du 26 juillet 2014 au 24 novembre 2014, les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Madame [E] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de ses demandes et condamnée à payer à M. [S] [F] la somme de 12 800 € à titre de dommages-intérêts pour les préjudices affectifs, moraux, psychologiques et financiers subis de janvier 2012 à décembre 2014 ; 1. ALORS QUE lorsque la partie civile a porté l'action civile devant le juge pénal, elle ne peut saisir la juridiction civile qu'après s'être désistée de son action devant le juge répressif ; qu'en énonçant que « nonobstant le fait que M. [S] [F] s'est constitué partie civile devant les juridictions répressives et qu'il n'a pris aucune initiative à la suite de l'omission de statuer commise dans le cadre de la première instance pénale, il est recevable à agir à l'encontre de Mme [R] [E] devant le juge civil » (arrêt, p. 5), sans avoir constaté que M. [F] s'était au préalable désisté de son action devant le juge pénal, la cour d'appel a violé les articles 2 et 5 du code de procédure pénale ; 2. ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant que « nonobstant le fait que M. [S] [F] s'est constitué partie civile devant les juridictions répressives et qu'il n'a pris aucune initiative à la suite de l'omission de statuer commise dans le cadre de la première instance pénale, il est recevable à agir à l'encontre de Mme [R] [E] devant le juge civil » (arrêt, p. 5), cependant qu'en n'interjetant pas appel du jugement du 11 février 2015 qui avait omis de statuer sur l'action civile de M. [F], celui avait irrévocablement renoncé à exercer son action civile, la cour d'appel a violé les articles 2 et 5 du code de procédure pénale ; 3. ALORS QUE la cour d'appel a énoncé que les plaintes pour viol déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6) ; qu'en jugeant ainsi recevable la demande de réparation du préjudice que des actes de dénonciation calomnieuse imputés à Mme [E] auraient causé à M. [F] entre janvier 2012 et décembre 2014, cependant que par un arrêt du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait débouté M. [F] de son action civile du chef de dénonciation calomnieuse entre le 19 décembre 2014 et le 6 janvier 2016, la cour d'appel a ignoré l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 3 décembre 2018 et a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 4. ALORS QUE la cour d'appel a reproché à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6) et a ordonné la réparation des dommages qui en résultaient pour celui-ci ; qu'en jugeant ainsi recevable l'action en indemnisation du préjudice que des actes de non-représentation d'enfant imputés à Mme [E] auraient causé à M. [F] entre janvier 2012 et décembre 2014, cependant que, par un arrêt du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait débouté M. [F] de son action civile du chef de non-représentation d'enfant, entre le 26 juillet 2014 et le 24 novembre 2014, la cour d'appel a ignoré l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 3 décembre 2018 et a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil. 1re Civ., 25 mars 2020, pourvoi n° 19-11.554, Bull., (cassation partielle sans renvoi).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1194 FS-B Pourvoi n° R 20-23.462 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-23.462 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [L] [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019), le 26 août 2014, Mme [O] a été victime d'un accident de la circulation au Royaume-Uni, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [E], immatriculé et assuré dans ce dernier Etat. 2. Le 14 septembre 2017, Mme [O] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une requête aux fins d'interruption des délais de prescription et de reconnaissance de son droit à indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans l'attente des discussions avec son assureur, auprès duquel elle avait conclu un contrat comportant une garantie conducteur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt de dire que le dispositif d'indemnisation prévu à l'article 706-3 du code de procédure pénale a vocation à s'appliquer à Mme [O] et de prononcer un sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière dans l'attente du résultat des discussions engagées avec son assureur au titre de sa garantie contractuelle « garantie du conducteur », alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1, alinéa 1, du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que, le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État faisant alors partie à l'espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1, alinéa 1, et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances susvisés sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Le droit de la victime d'un accident de la circulation survenu dans un pays de l'espace économique européen à être indemnisée selon les modalités prévues aux articles susvisés du code des assurances s'apprécie au jour de l'accident et la recevabilité de la requête déposée devant la CIVI s'apprécie à la date de celle-ci. 9. Pour dire recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, l'arrêt énonce que le dispositif mis en place par la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 n'a pas d'incidence sur la détermination de la loi applicable, la situation de la victime étant à cet égard exclusivement régie par la Convention de la Haye. Il en déduit que, pour que l'action exercée sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale soit recevable, il suffit que les faits dont a été victime la requérante, d'une part, constituent l'élément matériel d'une infraction, d'autre part, aient entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à 1 mois, conditions établies et non discutées en l'espèce. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident de la circulation dont avait été victime Mme [O] s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, de sorte que cet accident relevait de la compétence du FGAO, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Ainsi que suggéré par le FGTI, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [O] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [O]. Laisse les dépens exposés à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Paris ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions Le FGTI fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le dispositif d'indemnisation prévu à l'article 706-3 du code de procédure pénale avait vocation à s'appliquer à Mme [L] [O] et d'avoir prononcé un sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière dans l'attente du résultat des discussions engagées avec son assureur au titre de sa garantie contractuelle « garantie du conducteur » ; 1°) Alors, d'une part, que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 alinéa 1er du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que, le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » (arrêt, p. 3, pénult. paragr.) ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État faisant alors partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 alinéa 1er et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances ; 2°) Alors, d'autre part, que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 alinéa 2 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État dont le bureau national d'assurance a adhéré au régime de la carte internationale d'assurance et mettant en cause un véhicule assuré et stationné de façon habituelle dans un État membre de l'Union européenne ; que la cour d'appel a constaté que le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » (arrêt, p. 3, pénult. §) ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État dont le bureau national d'assurance était adhérent au régime de la carte internationale d'assurance et causé par un véhicule immatriculé dans un État membre, au jour de l'accident, de l'Union européenne, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 alinéa 2 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. 2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 20-22.100, Bull., (cassation partielle sans renvoi) ; 2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.288, Bull., (cassation sans renvoi) ; Soc., 2 décembre 2020, pourvoi n° 19-11.986, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1196 FS-B Pourvoi n° K 20-22.100 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-22.100 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [S] [H], 2°/ à M. [P] [H], 3°/ à Mme [M] [H], 4°/ à Mme [U] [G], épouse [H], tous quatre domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. [S] et [P] [H] et de Mmes [M] et [U] [H], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 novembre 2018) et les productions, M. [S] [H] a été victime, le 25 juillet 2008, en Espagne, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays. 2. M. [S] [H], son épouse, Mme [U] [H] et ses enfants, Mme [M] [H] et M. [P] [H] (les consorts [H]), ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI). 3. La CIVI a déclaré leur demande irrecevable au motif que l'article 706-3 du code de procédure pénale excluait l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans l'Union européenne. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de dire la requête des consorts [H] recevable alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que « M. [H] [avait] été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne », dans lequel était impliqué « un véhicule immatriculé en Espagne », de sorte que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État partie à l'espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande des consorts [H] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO). 7. La Cour de cassation, prenant en considération l'introduction de ce dispositif en droit français, a jugé, par un arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, publié), que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la CIVI, telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Cette décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence, en l'absence d'arrêt de la Cour de cassation ayant précédemment tranché ce point de droit. 9. Par ailleurs, elle n'était pas imprévisible. En effet, des divergences de jurisprudence existaient entre les cours d'appel, certaines d'entre elles ayant, avant cet arrêt, déclaré irrecevables pour les mêmes raisons des requêtes présentées sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale (notamment, les cours d'appel de Douai, Lyon et Riom : 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, publié, 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, et 2e Civ., 6 mai 2021, pourvoi n° 19-24.996). Elle s'inscrivait, en outre, dans une construction jurisprudentielle par laquelle la Cour de cassation a écarté la compétence de la CIVI, dès lors qu'existe un autre régime d'indemnisation spécifique. Ont été ainsi exclus de la compétence de cette commission, les victimes d'accidents du travail (2e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-00.815, Bull. 2003, II, n° 138), les victimes d'accidents de service ( 2e Civ., 30 juin 2005, pourvoi n° 03-19.207, Bull. 2005, II, n° 177), ainsi que les militaires tués ou blessés en service (2e Civ., 28 mars 2013, pourvoi n° 11-18.025, Bull. 2013, II, n° 65). 10. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu en défense, l'application immédiate de la règle issue de l'arrêt du 24 septembre 2020 ne saurait contrevenir aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Pour dire recevable la requête en indemnisation formée par les consorts [H], l'arrêt énonce que M. [S] [H] a été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne qui ne relève pas des dispositions de la loi française du 5 juillet 1985 mais de la loi espagnole en application des dispositions de l'article 3 de la Convention de la Haye du 4 mai 1971. 12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident était survenu dans un Etat partie à l'espace économique européen, de sorte que les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances étaient applicables, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. Le FGTI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête des consorts [H] recevable ; 15. Il résulte des paragraphes 5 à 12 que la requête des consorts [H] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il confirme la jonction des instances, l'arrêt rendu le 23 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par M. [S] [H], Mme [U] [H], Mme [M] [H] et M. [P] [H]. Laisse les dépens à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Pau ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions Le FGTI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête des consorts [H] recevable ; Alors que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que « M. [H] [avait] été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne » (arrêt, p. 6, § 3), dans lequel était impliqué « un véhicule immatriculé en Espagne » (arrêt, p. 6, § 4), de sorte que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande des consorts [H] formée devant la Civi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, (rejet) ; Soc., 2 décembre 2020, pourvoi n° 19-11.986, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 24 novembre 2022, pourvoi n° 20-19.288, Bull., (cassation sans renvoi).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 855 F-B Pourvoi n° G 21-24.103 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Mme [F] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-24.103 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (deuxième chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [P], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 10 septembre 2021), après avoir subi, le 17 février 2010, en raison d'une surchage pondérale, une réduction de l'estomac par voie coelioscopique, Mme [P] a présenté le 20 février suivant une infection consécutive à la survenue d'une fistule digestive durant l'intervention. 2. A l'issue d'une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ayant ordonné une expertise médicale et écarté l'existence d'un accident médical indemnisable au titre de la solidarité nationale et d'une infection nosocomiale, Mme [P] a assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en indemnisation. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable ; qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; 2°/ qu'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques" et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite "l'accident médical, cause de l'infection survenue", comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; 3°/ qu'en retenant "l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire", sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil. » Réponse de la Cour : 5. Selon le I, alinéa 2, de l'article L. 1142-1, du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Selon le II, lorsque la responsabilité d'un tel établissement service ou organisme n'est pas engagée, une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle présente un caractère de gravité, fixé par l'article D. 1142-1 du même code et apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. 6. Selon l'article L. 1142-1-1, 1°, du même code, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. 7. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. 8. Il s'en déduit : - que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge, - qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient. 9. Après avoir, d'une part, retenu l'existence d'un accident médical non fautif lié à la survenue de la fistule et exclu son indemnisation au titre de la solidarité nationale en l'absence d'anormalité du dommage, d'autre part, écarté le caractère nosocomial de l'infection au motif qu'elle était secondaire à cet accident, la cour d'appel a constaté que Mme [P] sollicitait l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire. 10. Il en résulte que, même si l'infection survenue présentait un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées, l'indemnisation des dommages consécutifs à cette infection, qui ne répondait pas aux critères de gravité de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, et qui avait été contractée au sein d'un établissement de santé, soumis à une responsabilité de droit, ne pouvait être mise à la charge de l'ONIAM, de sorte que les demandes formées à son encontre devaient être rejetées. 11. Par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, à ceux écartant le caractère nosocomial de l'infection, justement critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [P] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [P] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué de L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation, 1°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable : qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques » et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite « l'accident médical, cause de l'infection survenue », comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 3°) ALORS QU'en retenant « l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire », sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même (pièce n°3 des conclusions d'appel de Mme [P]), la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ; 1°) ALORS QUE pour se déterminer sur la condition d'anormalité du dommage, il appartient aux juges du fond de rechercher si l'intervention était indispensable eu égard à l'état de santé du patient à la date à laquelle elle a été pratiquée ; qu'en excluant l'anormalité du dommage subi par Mme [P], sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intervention chirurgicale était, à la date à laquelle elle a été pratiquée, indispensable au regard de son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 2°) ALORS QU'en retenant « qu'il ressort de l'expertise (discussion en page 7/14, incluse dans le rappel du rapport du 29 novembre 2011 sous le titre 3) que « Mme [P] présentait une obésité morbide justifiant une indication de chirurgie bariétique, dont elle a pris la décision en connaissance de cause », que Mme [P] « ne démontre pas que l'accident médical survenu à la suite de cette intervention a eu des conséquences notamment plus graves que celles auxquelles elle était exposée en raison de son obésité morbide, de manière suffisamment probable, si elle n'avait pas subie cette intervention », qu' « au contraire, l'Oniam produit en cause d'appel « une analyse médicale critique » du Dr [O], chirurgien viscéral, rédigée le 6 juin 2019, soulignant les risques de diabète, maladie cardio-vasculaire et cancer, entraînés par l'excès de poids, ainsi que le risque plus élevé de décès des sujets présentant une obésité morbide, et concluant que le résultat de la chirurgie bariatique peut être qualifié de bon, en ce qui concerne la parte de poids de Mme [P] (83 kg en 2013, poids stable repuis 2011), alors que « le dommage présenté actuellement, avec un DFP à 10%, est nettement moins grave que les risques qu'elle qu'elle encourait avec une obésité morbide à l'âge de trente ans » », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère indispensable de l'intervention eu à égard à l'état de santé de Mme [P] au moment de cette intervention, a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 3°) ALORS QUE lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'en se fondant sur la probabilité générale de subir une fistule lors d'une intervention telle que celle subie par Mme [P], au lieu de se fonder sur le risque de survenue d'une fistule entraînant une invalidité grave ou un décès, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. 1re Civ., 6 avril 2022, pourvoi n° 20-18.513, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 830 FS-B Pourvoi n° Z 21-12.457 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [F] [I]. Admission au bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 28 octobre 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [D] [F] [I], domicilié chez Mme [V] [X], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-12.457 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant au centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, établissement d'utilité publique, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [F] [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibelli, conseillers, Mmes de Cabarrus, et Feydeau- Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2019), M. [F] [I], de nationalité suisse, titulaire d'un doctorat de droit de l'université de [Localité 3], s'est inscrit au Centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris (l'EFB) sans subir l'examen d'accès, en vertu des dispositions de l'article 12-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. 2. A l'issue des dix-huit mois de formation, il a, lors des épreuves du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA), obtenu une note moyenne inférieure à 10/20. N'ayant à nouveau pas atteint la moyenne requise lors de la seconde session d'examen, le jury l'a déclaré, le 8 décembre 2017, ajourné du CAPA. 3. Par courriel du 11 décembre 2017, l'EFB a adressé à M. [F] [I] son relevé de notes pour la première session. Celui-ci a sollicité une vérification des résultats, alléguant une erreur sur les notes attribuées. Par courriel du 22 décembre 2017, l'EFB a rejeté ce recours. 4. Le 14 décembre 2017, M. [F] [I] a été informé par l'EFB qu'il devait procéder à sa réinscription avant le 15 décembre à 12 heures. Par courriel du 29 décembre 2017, M. [F] [I] a indiqué vouloir se réinscrire, mais sa demande a été rejetée le 5 janvier 2018, comme présentée hors délai. 5. Le 5 janvier 2018, M. [F] [I] a formé, par déclaration verbale au greffe de la cour d'appel, un recours portant sur le rejet de communication des notes relatives à la seconde session, sur la décision d'ajournement du 8 décembre 2017 et sur le refus d'inscription à l'école. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. M. [F] [I] fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors : « 1°/ que les recours formés contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats sont jugés selon les règles applicables, en matière contentieuse, à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en jugeant que, dans le silence de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971, la procédure avec représentation obligatoire devait être appliquée au recours formé par M. [F] [I] et en le déclarant irrecevable pour avoir été formé par déclaration verbale suivant procès-verbal du greffe, la cour d'appel a violé l'article L 311-3 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; 2°/ qu'en l'absence de disposition expresse contraire, tout recours formé devant la cour d'appel se trouve soumis aux règles générales de la procédure civile ; qu'aussi, toute demande qui aurait été recevable devant la cour d'appel statuant sur un appel de droit commun doit être considérée comme recevable devant la cour d'appel statuant sur un recours dirigé contre une décision prise par un organe non juridictionnel ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe la demande indemnitaire formée par M. [F] [I] contre l'EFB, motif pris de ce que cette demande n'avait pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, quand une telle demande était recevable à la condition que la même demande l'eût été, comme nouvelle en appel, dans le cadre d'un appel de droit commun, ce qu'il lui incombait de vérifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. » Réponse de la Cour 7. Selon les articles L. 311-3 du code de l'organisation judiciaire et 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la cour d'appel connaît des recours contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats. 8. Aux termes de l'article 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par ce décret. 9. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de disposition prévoyant des modalités spéciales de recours et de renvoi par l'article 14 de la loi précitée à l'article 16 du décret précité, applicable aux décisions du conseil de l'ordre ou du bâtonnier, le recours exercé contre les décisions du CRFPA devait être formé, instruit et jugé comme un appel en matière civile, conformément aux dispositions de l'article 277 de ce décret, de sorte que la procédure avec représentation obligatoire était applicable et que le recours formé M. [F] [I] par déclaration verbale était irrecevable. 10. Le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche et qui devient ainsi inopérant en sa seconde, ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [F] [I] M. [F] [I] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son recours ; 1°) ALORS QUE les recours formés contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats sont jugés selon les règles applicables, en matière contentieuse, à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en jugeant que, dans le silence de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971, la procédure avec représentation obligatoire devait être appliquée au recours formé par M. [F] [I] et en le déclarant irrecevable pour avoir été formé par déclaration verbale suivant procès-verbal du greffe, la cour d'appel a violé l'article L 311-3 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en l'absence de disposition expresse contraire, tout recours formé devant la cour d'appel se trouve soumis aux règles générales de la procédure civile ; qu'aussi, toute demande qui aurait été recevable devant la cour d'appel statuant sur un appel de droit commun doit être considérée comme recevable devant la cour d'appel statuant sur un recours dirigé contre une décision prise par un organe non juridictionnel ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe la demande indemnitaire formée par M. [F] [I] contre l'EFB, motif pris de ce que cette demande n'avait pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, quand une telle demande était recevable à la condition que la même demande l'eût été, comme nouvelle en appel, dans le cadre d'un appel de droit commun, ce qu'il lui incombait de vérifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 831 FS-B Pourvoi n° U 21-19.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [H] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-19.490 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Reims (audience solennelle), dans le litige l'opposant au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Reims, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Reims, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, M. Serrier, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 mai 2021), par lettre recommandée du 24 avril 2019, le bâtonnier du barreau de Reims a saisi le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Reims (le conseil de discipline) de poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [S], avocat, au titre de divers manquements. 2. Par délibération du 6 mai 2019, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Reims a désigné un rapporteur qui a déposé son rapport le 27 août 2019. 3. M. [S] a été cité à l'audience du conseil de discipline du 20 décembre 2019. À cette date, l'affaire a été renvoyée et le délai pour statuer prorogé de quatre mois, conformément à l'article 195 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. 4. Par décision du 31 juillet 2020, le conseil de discipline a déclaré constituées les fautes disciplinaires reprochées à M. [S], à l'exception du non-respect de la décision arbitrale d'un bâtonnier tiers, et prononcé des sanctions disciplinaires. M. [S] a formé un recours contre cette décision. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 6. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer constitués des manquements aux règles professionnelles et de prononcer des sanctions contre lui, alors : « 1°/ que selon l'article 188 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le conseil de l'ordre désigne un rapporteur qui a pour mission de procéder à une instruction objective et contradictoire de l'affaire ; le rapport, obligatoire, est déterminant du sort ultérieurement réservé aux poursuites par la formation de jugement et le cas échéant, par la cour d'appel saisie du recours contre la décision rendue par l'instance disciplinaire ; il en résulte que saisie du recours de l'avocat contre la décision l'ayant condamné à une peine disciplinaire, la cour d'appel, qui annule le rapport d'instruction, la citation et la décision de l'instance disciplinaire, ne peut, sans violer l'exigence d'une procédure équitable, se prononcer sur les poursuites disciplinaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 188, 189, 191, 192, 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que la juridiction disciplinaire, et le cas échéant la juridiction d'appel, ne sont saisies que des faits mentionnés dans la citation délivrée à l'avocat poursuivi après dépôt du rapport d'instruction ; qu'après avoir annulé le rapport d'instruction, la cour d'appel a annulé les citations délivrées à M. [S], avocat, les 10 décembre 2019 et 8 janvier 2020, lesquelles visaient expressément ce rapport ainsi que la décision rendue par le conseil de discipline ; qu'en retenant néanmoins qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, elle devait se prononcer sur les poursuites disciplinaires engagées par le bâtonnier devant le conseil de discipline, alors qu'aucune instance disciplinaire régulière n'avait été ouverte, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 562 du code de procédure civile, 192 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°/ que la procédure disciplinaire est soumise à l'exigence d'une procédure équitable et qu'à cette fin, la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement doit être garantie au professionnel poursuivi ; dès lors, après avoir annulé le rapport d'instruction, les citations et la décision du conseil de discipline, la cour d'appel, qui s'est estimée investie par l'effet dévolutif de l'appel du pouvoir d'instruire et de juger les faits pour lesquels M. [S] a été poursuivi disciplinairement, a violé les articles 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 188, 189, 191, 192,197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 7. Après avoir annulé le rapport d'instruction et, par voie de conséquence, la convocation à l'audience et la décision du conseil de discipline, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'acte de saisine, qui avait été adressé par le bâtonnier au conseil régional de discipline et mentionnait l'ensemble des griefs reprochés à l'avocat, avait introduit l'instance et que, par l'effet dévolutif de l'appel, elle se trouvait saisie de l'entier litige et devait se prononcer au regard des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus devant elle. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION Me [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré constituées certaines fautes disciplinaires reprochées s'agissant du manquement à l'honneur et à la probité pour violation de la loi par un avocat en exercice (la condamnation fiscale du 29 juin 2016), du manquement aux règles de courtoisie et de respect envers son bâtonnier (l'absence de réponse aux courriers du bâtonnier) et d'infraction aux règles professionnelles (l'arriéré de cotisations à la caisse nationale des barreaux français et le non-paiement des dettes fiscales), d'avoir prononcé à son encontre les peines d'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de douze mois dont dix mois assortis du sursis et de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée de cinq ans et d'avoir ordonné à titre de sanction accessoire la publication de la peine disciplinaire par extrait dans les locaux des ordres des avocats du ressort de la cour d'appel de Reims pendant une durée de trois mois . ALORS QUE l'exigence d'un procès équitable et le principe de la contradiction imposent qu'en matière disciplinaire, lorsque le procureur général émet un avis, l'arrêt précise si cet avis est oral ou écrit et si, en ce cas, le professionnel poursuivi en a reçu communication afin de pouvoir y répondre utilement ; en l'espèce, l'arrêt se borne à mentionner que l'affaire a été régulièrement communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Guérin, avocat général, qui a fait connaître son avis ; qu'en procédant ainsi, sans préciser si l'avis du ministère public était écrit ou oral et si, dans cette dernière hypothèse, Me [S] en a reçu communication afin d'être en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Me [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré constituées certaines fautes disciplinaires reprochées à Me [S] s'agissant du manquement à l'honneur et à la probité pour violation de la loi par un avocat en exercice (la condamnation fiscale du 29 juin 2016), du manquement aux règles de courtoisie et de respect envers son bâtonnier (l'absence de réponse aux courriers du bâtonnier) et d'infraction aux règles professionnelles (l'arriéré de cotisations à la caisse nationale des barreaux français et le non-paiement des dettes fiscales) d'avoir prononcé à son encontre les peines d'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de douze mois dont dix mois assortis du sursis et de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée de cinq ans et d'avoir ordonné à titre de sanction accessoire la publication de la peine disciplinaire par extrait dans les locaux des ordres des avocats du ressort de la cour d'appel de Reims pendant une durée de trois mois ; ALORS QUE l'exigence d'un procès équitable implique qu'en matière disciplinaire la personne poursuivie ou son avocat soit entendu à l'audience et puisse avoir la parole en dernier, et que mention en soit faite dans la décision ; qu'en l'espèce, l'arrêt qui condamne Me [S] à une peine disciplinaire ne constate pas que ce dernier ou son conseil a été invité à prendre la parole en dernier ; en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Me [S] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré constituées certaines fautes disciplinaires reprochées à Me [S] s'agissant du manquement à l'honneur et à la probité pour violation de la loi par un avocat en exercice (la condamnation fiscale du 29 juin 2016), du manquement aux règles de courtoisie et de respect envers son bâtonnier (l'absence de réponse aux courriers du bâtonnier) et d'infraction aux règles professionnelles (l'arriéré de cotisations à la caisse nationale des barreaux français et le non-paiement des dettes fiscales) d'avoir prononcé à son encontre les peines d'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de douze mois dont dix mois assortis du sursis et de privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée de cinq ans et d'avoir ordonné à titre de sanction accessoire la publication de la peine disciplinaire par extrait dans les locaux des ordres des avocats du ressort de la cour d'appel de Reims pendant une durée de trois mois ; 1°) ALORS QUE selon l'article 188 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le conseil de l'ordre désigne un rapporteur qui a pour mission de procéder à une instruction objective et contradictoire de l'affaire ; le rapport, obligatoire, est déterminant du sort ultérieurement réservé aux poursuites par la formation de jugement et le cas échéant, par la cour d'appel saisie du recours contre la décision rendue par l'instance disciplinaire ; il en résulte que saisie du recours de l'avocat contre la décision l'ayant condamné à une peine disciplinaire, la cour d'appel, qui annule le rapport d'instruction, la citation et la décision de l'instance disciplinaire, ne peut, sans violer l'exigence d'une procédure équitable, se prononcer sur les poursuites disciplinaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 188, 189, 191,192,197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS QUE la juridiction disciplinaire, et le cas échéant la juridiction d'appel, ne sont saisies que des faits mentionnés dans la citation délivrée à l'avocat poursuivi après dépôt du rapport d'instruction ; qu'après avoir annulé le rapport d'instruction, la cour d'appel a annulé les citations délivrées à Me [S] les 10 décembre 2019 et 8 janvier 2020, lesquelles visaient expressément ce rapport ainsi que la décision rendue par le conseil de discipline ; qu'en retenant néanmoins qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, elle devait se prononcer sur les poursuites disciplinaires engagées par le bâtonnier devant le conseil de discipline, alors qu'aucune instance disciplinaire régulière n'avait été ouverte, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé les articles 562 du code de procédure civile, 192 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3°) ALORS QUE la procédure disciplinaire est soumise à l'exigence d'une procédure équitable et qu'à cette fin, la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement doit être garantie au professionnel poursuivi ; dès lors, après avoir annulé le rapport d'instruction, les citations et la décision du conseil de discipline, la cour d'appel, qui s'est estimée investie par l'effet dévolutif de l'appel du pouvoir d'instruire et de juger les faits pour lesquels M. [S] a été poursuivi disciplinairement, a violé les articles 23 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 188, 189, 191, 192, 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 562 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1209 F-B Pourvoi n° T 21-17.327 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 M. [Y] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 21-17.327 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société MAIF assurances, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [W] et la société MAIF assurances, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mars 2021), un navire pris en crédit-bail par M. [X] a été endommagé par un réchaud à gaz enflammé jeté à la mer depuis son voilier par M. [W], assuré auprès de la société MAIF assurances (MAIF). 2. Aux termes d'une quittance du 13 octobre 2011, l'assureur de M. [X], la société Groupama transport, aux droits de laquelle vient la société Helvetia assurances, s'est engagée à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice matériel. 3. Par un jugement du 4 septembre 2013, un tribunal de grande instance a condamné M. [W] et la MAIF à payer à M. [X] diverses sommes. Ce jugement a été partiellement infirmé par un arrêt du 18 novembre 2016. 4. Le 16 décembre 2016, M. [X] a assigné son assureur, M. [W] et la MAIF devant un tribunal de commerce. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances : 7. Selon le premier de ces textes, toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. 8. L'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions du second de ces articles, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun. 9. Pour déclarer prescrite l'action engagée par M. [X] contre son assureur aux fins de paiement de l'indemnité d'assurance, l'arrêt, après avoir déclaré que cette action dérivait du contrat d'assurance et que la prescription biennale était inopposable à l'assuré, faute pour le contrat d'assurance de satisfaire aux obligations prévues par l'article R. 112-1 du code des assurances, énonce que le délai de prescription quinquennal prévu à l'article 2224 du code civil, dont elle a fixé le point de départ au 13 octobre 2011, n'a pas été interrompu avant la délivrance de l'assignation le 16 décembre 2016. 10. En statuant ainsi, alors que la société Helvetia assurances ne pouvait prétendre à l'application de la prescription de droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action engagée par M. [X] contre la société Helvetia assurances, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée. Condamne la société Helvetia assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [X] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil son action, formée contre la société Helvetia ; 1°) ALORS QUE le contrat d'assurance stipulait que l'assureur « ne régler(ait) l'indemnité que sur présentation des factures acquittées correspondant aux réparations et aux remplacements (?) pour remettre le bateau en bon état de navigabilité » (conditions générales, article 5.3.2.a), subordonnant ainsi le paiement de l'indemnité à la condition que l'assuré justifie de la réalisation des travaux en présentant des factures acquittées ; qu'en jugeant, pour décider que l'action en paiement de l'indemnité d'assurance était irrecevable, que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), la cour d'appel a dénaturé ce contrat, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), tout en retenant que la présentation de la facture des réparations du navire était une « condition du contrat » au paiement de l'indemnité (arrêt, p. 8, dern. al.), la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ; qu'en relevant, pour décider que l'action en paiement de l'indemnité d'assurance était irrecevable, que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), cependant qu'ainsi qu'elle le constatait elle-même (arrêt, p. 8, dern. al.), le contrat subordonnait l'exigibilité de l'indemnité d'assurance à la condition que l'assuré justifie de la réalisation des travaux en présentant des factures acquittées (conditions générales, article 5.3.2.a), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2233 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déclaré irrecevable en ses demandes à l'encontre de M. [W] et de la MAIF du fait de l'autorité de la chose jugée ; 1°) ALORS QUE l'autorité de chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en opposant à la demande dirigée par M. [X] contre M. [W] et la MAIF l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 18 novembre 2016, qui avait retenu qu'il résultait d'une quittance subrogative qu'il avait déjà été indemnisé par son propre assureur des désordres subis par son navire, sans rechercher si le refus de payer cette quittance n'avait pas été opposé à M. [X] après l'arrêt du 18 novembre 2016 lorsqu'il l'avait mis en demeure puis assigné, ce qui avait modifié la situation antérieurement reconnue en justice et justifiait que l'autorité de la chose jugée attachée à cette précédente décision soit écartée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil. 3e civ, 21 mars 2019, pourvoi n°17-28.021, Bull., (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 836 FS-B Pourvoi n° K 21-11.110 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-11.110 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [G] [E], domicilié [Adresse 2], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2020), par arrêté du 5 novembre 2018, le conseil de discipline de l'ordre des avocats au barreau de Paris a prononcé à l'encontre de M. [E] la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de six mois, dont quatre mois assortis du sursis, pour des manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité. 2. M. [E] a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt d'infirmer l'arrêté sauf en ce qu'il dit que M. [E] s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité, et avait en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et, statuant à nouveau, de prononcer contre M. [E] la seule sanction d'avertissement, alors : « 1°/ que, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'aucune disposition ne déroge à ce principe en cas d'appel d'une décision statuant sur des poursuites disciplinaires engagées contre un avocat ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui, portant sur la forme du recours, ne pose aucune exigence quant à son contenu, de sorte que le recours exercé conformément à ces seules modalités opérait effet dévolutif, la cour d'appel a violé ce texte et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; 2°/ qu'en toute hypothèse, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ne définit pas les mentions que doit contenir la déclaration d'appel ; qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce que le décret ne règle pas ; qu'aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, régissant la procédure contentieuse sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel doit préciser les chefs de la décision auquel l'appel est limité ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, auquel renvoie l'article 197 du même décret, et qui ne pose aucune exigence quant au contenu de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé ces textes et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991, et l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017. » Réponse de la Cour 4. Il ressort des articles 16 et 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que le recours de l'avocat qui fait l'objet d'une décision en matière disciplinaire est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef et est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. 5. L'article 277 du même décret dispose qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le décret. 6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le contenu du recours formé devant la cour d'appel et ses effets, lesquels ne sont pas réglés par le décret, sont régis par les articles 562 et 933 du code de procédure civile, qui prévoient, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible et que la déclaration d'appel précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 7. Il a été jugé qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel mentionnant que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié ; 2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-23.456, publié). 8. La cour d'appel a constaté que M. [E] avait formé un recours contre l'arrêté du 5 novembre 2018. 9. Il en résulte que ce recours, qui, bien que n'indiquant pas les chefs de décision critiqués, tendait à la réformation de cette décision, s'entendait comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble de ses chefs, de sorte qu'il opérait effet dévolutif. 10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'arrêté, sauf en ce qu'il avait dit que M. [F] [G] [E] s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité, et avait en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, et, statuant à nouveau, d'AVOIR prononcé à l'encontre de M. [F] [G] [E] la seule sanction d'avertissement ; 1°) ALORS QUE, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'aucune disposition ne déroge à ce principe en cas d'appel d'une décision statuant sur des poursuites disciplinaires engagées contre un avocat ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui, portant sur la forme du recours, ne pose aucune exigence quant à son contenu, de sorte que le recours exercé conformément à ces seules modalités opérait effet dévolutif, la cour d'appel a violé ce texte et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ne définit pas les mentions que doit contenir la déclaration d'appel ; qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce que le décret ne règle pas ; qu'aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, régissant la procédure contentieuse sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel doit préciser les chefs de la décision auquel l'appel est limité ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, auquel renvoie l'article 197 du même décret, et qui ne pose aucune exigence quant au contenu de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé ces textes et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991, et l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017. 2e Civ., 9 septembre 2021, pourvois n° 20-13.673, 20-13.674, 20-13.697, 20-13.675, 20-13.698, 20-13.676, 20-13.699, 20-13.678, 20-13.701, 20-13.681, 20-13.682, 20-13.683, 20-13.684, 20-13.662, 20-13.685, 20-13.686, 20-13.664, 20-13.687, 20-13.665, 20-13.688, 20-13.667, 20-13.668, 20-13.669, 20-13.670, 20-13.671, 20-13.672, Bull., 2021, (rejet) ; 2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-23.456, Bull., 2022, (cassation sans renvoi).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 811 F-B Pourvoi n° Y 21-22.254 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Artiliège, société de droit belge, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Belgique), a formé le pourvoi n° Y 21-22.254 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Moulins Soufflet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société Boogaerts, société de droit belge, société personnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique), 3°/ à la société Cabinet Bourbon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Artiliège, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Moulins Soufflet, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Boogaerts, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cabinet Bourbon, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 mars 2021), la société Moulins Soufflet a confié à la société Cabinet Bourbon une mission de conseil et d'assistance technique relative à la réalisation d'un moulin à blé comportant un système d'étuvage de la farine. Elle a confié le lot étuvage à la société belge Artiliège qui a sous-traité la fourniture du générateur à air chaud à la société belge Boogaerts. Le 4 février 2015, celle-ci a saisi le juge belge d'une demande de paiement de factures dirigée contre les sociétés Artiliège et Moulins Soufflet. Le 26 juillet 2017, la société Moulins Soufflet, alléguant que le dispositif d'étuvage de la farine était affecté de désordres, a assigné en responsabilité contractuelle la société Cabinet Bourbon, laquelle a appelé en intervention forcée les sociétés Artiliège et Boogaerts. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société Artiliège fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer, alors « que l'article 30.1 du règlement Bruxelles I bis prévoit que "lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer" ; que suivant l'article 30.3 de ce même règlement "sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément" ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que "dans l'hypothèse où les juridictions françaises soient amenées à avoir, sur la question de l'éventuelle défectuosité du matériel et sur le lien de causalité avec les préjudices allégués par la société Soufflet, une appréciation contraire des juridictions belges, ou vice-versa, il en résulterait potentiellement un risque de contrariété entre les solutions susceptibles d'être adoptées par les juridictions des deux Etats membres de l'Union", de sorte que "la situation de connexité, au sens du Règlement, se trouve suffisamment établie" (cf. arrêt p. 9, §§ 1 et 2), la cour d'appel a néanmoins écarté l'exception de connexité soulevée par la société Artiliège et refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par les juridictions belges saisies en premier lieu, motif pris que "la question de la défectuosité du matériel fourni par la société Boogaerts n'occupe pas une place centrale, au vu des autres manquements contractuels allégués, ainsi que du propre comportement de la société Soufflet" (cf. arrêt p. 9, § 3) ; qu'en subordonnant ainsi le sursis à statuer au caractère central au litige de la question posée par la demande connexe, la cour d'appel a violé les articles 30.1 et 30.3 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, par l'ajout d'une condition qu'ils ne prévoient pas. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 30 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer, les demandes connexes étant celles qui sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. 5. Ayant relevé que la société Moulins Soufflet, qui l'avait saisie d'une action en responsabilité contractuelle dirigée contre la société Cabinet Bourbon, laquelle sollicitait la garantie des sociétés Artiliège et Boogaerts, était assignée par cette dernière devant un juge belge en paiement du prix du générateur litigieux, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que les deux affaires étaient connexes, a toutefois estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Artiliège aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Artiliège et la condamne à payer à la société Moulin Soufflet la somme de 3 000 euros et la même somme à la société Cabinet Bourbon ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Artiliège PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Artiliège fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 5 novembre 2019 rendu par le Tribunal de commerce de Troyes en ce qu'il a rejeté le sursis à statuer demandé (à tout le moins sur l'action incidente subsidiaire de la SA Moulins Soufflet) dans l'attente qu'une décision coulée en force de la chose jugée soit rendue dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement prononcé le 11 juillet 2019 par le Tribunal de l'entreprise de Liège ; ALORS QUE l'article 30.1 du règlement Bruxelles I bis prévoit que «lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer » ; que suivant l'article 30.3 de ce même règlement « sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément » ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que « dans l'hypothèse où les juridictions françaises soient amenées à avoir, sur la question de l'éventuelle défectuosité du matériel et sur le lien de causalité avec les préjudices allégués par la société Soufflet, une appréciation contraire des juridictions belges, ou vice-versa, il en résulterait potentiellement un risque de contrariété entre les solutions susceptibles d'être adoptées par les juridictions des deux Etats membres de l'Union », de sorte que « la situation de connexité, au sens du Règlement, se trouve suffisamment établie » (cf. arrêt p. 9, §§ 1 et 2), la cour d'appel a néanmoins écarté l'exception de connexité soulevée par la société Artiliège et refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par les juridictions belges saisies en premier lieu, motif pris que « la question de la défectuosité du matériel fourni par la société Boogaerts n'occupe pas une place centrale, au vu des autres manquements contractuels allégués, ainsi que du propre comportement de la société Soufflet » (cf. arrêt p. 9, §3) ; qu'en subordonnant ainsi le sursis à statuer au caractère central au litige de la question posée par la demande connexe, la cour d'appel a violé les articles 30.1 et 30.3 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, par l'ajout d'une condition qu'ils ne prévoient pas. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Artiliège fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de l'avoir condamnée à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20% de la condamnation prononcée à sa charge en principal, intérêts, frais et dépens ; 1°/ ALORS QU'après avoir affirmé que la société Artiliège, exerçant son activité dans le secteur de la ventilation et du traitement d'air, objectait « exactement » n'avoir pas eu connaissance des contraintes spécifiques de l'industrie meunière et en particulier du risque lié aux poussières de farine (cf. arrêt p. 21, § 12), qu'elle faisait « pertinemment » valoir que le cahier des charges élaboré par la société Cabinet Bourbon ne comportait aucune norme ou indication en relation avec les risques d'explosion ou d'auto-inflammation de poussières de farine (cf. arrêt p. 21, § 14) et encore que le rapport d'expertise ne relevait aucun manquement de la société Artiliège à cet égard (cf. arrêt p. 21, § 15), de sorte qu'il ne pouvait être reproché à la société Artiliège « de n'avoir jamais donné d'indication quant à la valeur réelle de la température de contact, ni plus largement, de ne pas s'être assurée de la conformité des équipements et installations commandées à leurs conditions d'exploitation » (cf. arrêt p. 21, dernier paragraphe et p. 22, §1), ce dont il se déduisait qu'aucun manquement au devoir de conseil ne pouvait être imputé à cette dernière, notamment pour ne pas avoir averti le maitre de l'ouvrage des dangers que pouvait présenter l'installation dans ces conditions, la cour d'appel a retenu, pour entrer en voie de condamnation, que la société Artiliège n'avait pas démontré « s'être acquittée de son obligation de conseil à l'encontre de la société Soufflet » (cf. arrêt p. 22, § 13) ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ ALORS QU'au surplus, en déduisant le manquement à l'obligation de conseil du seul défaut de conformité du générateur d'air chaud aux stipulations contractuelles, sans préciser en quoi celui-ci aurait permis à la société Artiliège – qui n'avait pas connaissance des contraintes spécifiques de l'industrie meunière et en particulier du risque lié aux poussières de farine – de déceler les dangers que le générateur d'air chaud était susceptible de présenter dans ce contexte particulier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 3°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, en présence d'une pluralité de fautes, l'auteur de l'une d'entre elles ne peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à relever et garantir les condamnations prononcées contre l'auteur d'une autre faute jugé responsable, que si la faute qu'il a lui-même commise est en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la victime ; que pour condamner la société Artiliège à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'égard de la société Moulins Soufflet, la Cour d'appel a affirmé que le manquement de la société Artiliège à son devoir de conseil avait « contribué à l'installation et la mise en fonctionnement du générateur d'air chaud défectueux » dont le maître d'oeuvre devait répondre (cf. arrêt p. 22, § 13) ; qu'en statuant ainsi, tout en ayant relevé d'une part, que l'expert judiciaire avait retenu que l'installation ne pouvait en aucun cas être mise en fonctionnement sans risque majeur « que le générateur fasse ou non l'objet de malfaçons » (cf. arrêt p. 17, § 1) et d'autre part, que la société Bourbon avait conçu et sélectionné « une installation et des éléments d'équipements, dont ce générateur, qui n'aurait pu fonctionner sans risque » (cf. arrêt p. 17, § 3), ce dont il résultait qu'indépendamment du manquement au devoir de conseil ayant contribué à l'installation du générateur d'air chaud, l'installation projetée n'aurait pas pu fonctionner compte tenu du défaut de conception imputable à la seule société Cabinet Bourbon, de sorte qu'aucun lien de causalité n'existait entre le manquement imputé à la société Artiliège et les préjudices subis par la société Moulins Soufflet consistant essentiellement en les frais de remplacement de l'installation, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ ALORS QU'en présence d'une pluralité de fautes, l'auteur de l'une d'entre elles ne peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à relever et garantir les condamnations prononcées contre de l'auteur d'une autre faute jugé responsable, que si la faute qu'il a lui-même commise est en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la victime ; que pour condamner la société Artiliège à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'égard de la société Moulins Soufflet, la Cour d'appel a affirmé que la société Artiliège avait manqué à son obligation de résultat consistant à fournir un équipement conforme aux prévisions contractuelles et exempt des vices intrinsèques ; qu'en statuant ainsi, tout en ayant relevé d'une part, que l'expert judiciaire avait retenu que l'installation ne pouvait en aucun cas être mise en fonctionnement sans risque majeur « que le générateur fasse ou non l'objet de malfaçons » (cf. arrêt p. 17, § 1) et d'autre part, que la société Bourbon avait conçu et sélectionné « une installation et des éléments d'équipements, dont ce générateur, qui n'aurait pu fonctionner sans risque » (cf. arrêt p. 17, § 3), ce dont il résultait qu'indépendamment du défaut de conformité et vices affectant le générateur d'air chaud, l'installation projetée n'aurait pas pu fonctionner compte tenu du défaut de conception imputable à la seule société Cabinet Bourbon, de sorte qu'aucun lien de causalité n'existait entre les manquements imputés à la société Artiliège et le préjudice subi par la société Moulins Soufflet consistant essentiellement en les frais de remplacement de l'installation, la cour d'appel a derechef méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
CASS/JURITEXT000046652011.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 809 FS-B Pourvoi n° M 21-15.435 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [H] [P], 2°/ Mme [O] [T], épouse [P], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° M 21-15.435 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant à la société Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Paribas Personal Finance a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 février 2021), suivant acte sous seing privé du 20 octobre 2015, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme [P] (les emprunteurs) un prêt ayant pour objet un regroupement de crédits. 2. Après avoir prononcé la déchéance du terme en raison d'échéances impayées, la banque a obtenu une ordonnance d'injonction de payer à laquelle les emprunteurs ont formé opposition. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque une certaine somme et de rejeter leurs demandes en paiement de dommages-intérêts et compensation, alors « que l'établissement de crédit doit se renseigner pour alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi des prêts et doit même attirer l'attention de l'emprunteur non professionnel sur les conséquences que les crédits accordés peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, quand bien même il n'existerait ni risque d'endettement excessif ni surendettement; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le couple n'avait pas deux enfants à charge et à défaut de s'être prononcée, comme elle y était aussi invitée, sur les incidents de paiement déjà survenus à l'occasion d'un crédit souscrit le 24 janvier 2015 auprès de la société Carrefour banque d'un montant de 16 356,25 euros, remboursable en soixante mensualités, à un taux de 8,83 %, afin de regrouper certains crédits antérieurement contractés par les exposants et sur les incidents de paiement afférents à un crédit conclu en juin 2015 auprès de la société Casino pour plus de 13 000 euros, ayant aussi fait l'objet d'une procédure devant le tribunal d'instance, au cours de laquelle les parties avaient convenu d'un remboursement échelonné de 280 euros par mois, crédits dont l'inadaptation à la situation de M. et Mme [P] les avait mis dans l'impossibilité de pouvoir régler les mensualités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1231-1 du code civil, L. 311-9 et L. 312-14 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause. » Réponse de la Cour 4. En application de l'article 978 du code de procédure civile, le moyen, qui articule contre deux chefs distincts de l'arrêt des griefs tendant à des fins différentes, est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 5. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel, qui ne s'est pas davantage interrogée sur le fichage dont a fait l'objet Mme [P] en mai 2015 pour incident de paiement d'un crédit, ce qui démontrait que la société BNP Paribas Personal Finance aurait dû être parfaitement informée des difficultés des emprunteurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel, qui a retenu que le contrat litigieux avait pour objet de regrouper trois prêts antérieurs en réduisant le montant total de la mensualité sans coût supplémentaire, en a exactement déduit que ce crédit de restructuration ne créait pas de risque d'endettement nouveau, de sorte que la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde. 7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 8. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels et de limiter à une certaine somme, assortie des intérêts au taux légal, la condamnation solidaire des emprunteurs, alors « que la consultation du fichier national des incidents de paiement par l'organisme prêteur doit être effectuée avant la conclusion effective du crédit, laquelle n'intervient, pour les crédits assortis d'une clause d'agrément, que lors de la délivrance de l'agrément par l'établissement de crédit ; qu'en considérant que la consultation par la BNP Paribas Personal Finance était tardive dès lors qu'elle n'a pas été accomplie avant la conclusion du contrat de crédit dans le délai maximal de sept jours suivant l'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur prévu à l'article L. 311-13 du code de la consommation, cependant que la conclusion du contrat de crédit n'est intervenue que plus tard, lors de l'octroi par la BNP Paris Personal Finance d'un agrément aux époux [P], matérialisé par la mise à disposition des fonds, la cour d'appel a violé l'article L. 311-13 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, désormais repris à l'article L. 312-24 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-9, L. 311-13 et L. 311-48, alinéa 2, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dans sa rédaction applicable au litige : 9. Il résulte du premier de ces textes qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) dans les conditions prévues par l'arrêté relatif à ce fichier. 10. Le deuxième dispose : « Le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur. » 11. Il résulte du quatrième que les établissements et organismes assujettis à l'obligation de consultation du FICP doivent consulter ce fichier avant toute décision effective d'octroyer un crédit, tel que mentionné à l'article L. 311-2 du code de la consommation, à l'exception des opérations mentionnées à l'article L. 311-3 du même code et avant tout octroi d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois. Sans préjudice de consultations antérieures dans le cadre de la procédure d'octroi de crédit, cette consultation obligatoire, qui a pour objet d'éclairer la décision finale du prêteur avec les données les plus à jour, doit être réalisée lorsque le prêteur décide d'agréer la personne de l'emprunteur en application de l'article L. 311-13 du code de la consommation pour les crédits mentionnés à l'article L. 311-2 du même code. 12. Selon le troisième, lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. 13. Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt retient que la banque n'a pas consulté le FICP dans le délai maximal de sept jours imparti par l'article L. 311-13 du code de la consommation. 14. En statuant ainsi, après avoir relevé que cette consultation avait eu lieu avant la mise à disposition des fonds, par laquelle le prêteur avait agréé la personne des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels et limite la condamnation solidaire des emprunteurs à la somme de 12 835,29 euros, assortie des intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Condamne M. et Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [P] et les condamne à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P] M. et Mme [P] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 12 835,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 6 décembre 2016 et de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts venant en compensation avec cette somme ; Alors 1°) que l'établissement de crédit doit se renseigner pour alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi des prêts et doit même attirer l'attention de l'emprunteur non professionnel sur les conséquences que les crédits accordés peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, quand bien même il n'existerait ni risque d'endettement excessif ni surendettement; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le couple n'avait pas deux enfants à charge et à défaut de s'être prononcée, comme elle y était aussi invitée, sur les incidents de paiement déjà survenus à l'occasion d'un crédit souscrit le 24 janvier 2015 auprès de la société Carrefour Banque d'un montant de 16 356,25 euros, remboursable en soixante mensualités, à un taux de 8,83%, afin de regrouper certains crédits antérieurement contractés par les exposants et sur les incidents de paiement afférents à un crédit conclu en juin 2015 auprès de la société Casino pour plus de 13 000 euros, ayant aussi fait l'objet d'une procédure devant le tribunal d'instance, au cours de laquelle les parties avaient convenu d'un remboursement échelonné de 280 euros par mois, crédits dont l'inadaptation à la situation de M. et Mme [P] les avait mis dans l'impossibilité de pouvoir régler les mensualités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1231-1 du code civil, L. 311-9 et L. 312-14 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause ; Alors 2°) que la cour d'appel, qui ne s'est pas davantage interrogée sur le fichage dont a fait l'objet Mme [P] en mai 2015 pour incident de paiement d'un crédit, ce qui démontrait que la société BNP Paribas Personal Finance aurait dû être parfaitement informée des difficultés des emprunteurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Paribas Personal Finance La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir prononcé la déchéance totale de son droit aux intérêts contractuels au titre du prêt accepté le 20 octobre 2015 et d'avoir limité la condamnation solidaire de Monsieur et Madame [P] à payer à la banque la seule somme de 12.835,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 6 décembre 2016. ALORS QUE la consultation du fichier national des incidents de paiement par l'organisme prêteur doit être effectuée avant la conclusion effective du crédit, laquelle n'intervient, pour les crédits assortis d'une clause d'agrément, que lors de la délivrance de l'agrément par l'établissement de crédit ; qu'en considérant que la consultation par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE était tardive dès lors qu'elle n'a pas été accomplie avant la conclusion du contrat de crédit dans le délai maximal de sept jours suivant l'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur prévu à l'article L. 311-13 du code de la consommation, cependant que la conclusion du contrat de crédit n'est intervenue que plus tard, lors de l'octroi par la BNP PARIS PERSONAL FINANCE d'un agrément aux époux [P], matérialisé par la mise à disposition des fonds, la cour d'appel a violé l'article L. 311-13 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, désormais repris à l'article L. 312-24 du même code.
CASS/JURITEXT000046652029.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1195 FS-B Pourvoi n° D 20-19.288 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-19.288 contre l'arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [O] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, de Me Occhipinti, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, M. Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2020), Mme [U], alors qu'elle était passagère d'un véhicule, a été victime d'un accident de la circulation en Belgique, impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays. 2. Mme [U] a saisi, le 5 avril 2017, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) aux fins d'expertise et d'indemnisation provisionnelle. 3.Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), a soulevé l'irrecevabilité de ces demandes au motif que, s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique, l'application des règles issues de directives européennes mettant la réparation à la charge de l'assureur du véhicule et, à défaut, du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), était exclusive de l'application du régime d'indemnisation des victimes d'infraction. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête de Mme [U] alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGTI en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances - c'est-à-dire ceux survenus sur le territoire d'un Etat partie à l'espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats - sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'en retenant, pour juger recevable la demande de Mme [U], que l'applicabilité de ces règles issues des différentes directives européennes - qui n'était pas contestée s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat - n'était pas de nature à faire échec à l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO). 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances sus visés, sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Après avoir constaté que Mme [U] avait été victime, en Belgique, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule immatriculé dans cet Etat, l'arrêt énonce que les textes issus des directives européennes n'imposent pas à la victime de saisir le représentant de l'assureur du véhicule responsable, que l'article 706-9 du code de procédure pénale ne fait pas obligation à la victime d'une infraction de tenter d'obtenir l'indemnisation de son préjudice des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation, préalablement à la saisine de la CIVI, et que la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 n'est pas applicable à l'espèce, la Convention de La Haye du 4 mai 1971 posant le principe, repris à l'article L. 424-6 du code des assurances, de l'application de la loi de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu. 9. Il en déduit que l'accident subi par Mme [U] en Belgique ne relève pas des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et de l'exception prévue à l'article 706-3 du code de procédure pénale et qu'en conséquence, la saisine de la CIVI est recevable. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [U] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [U]. Laisse les dépens exposés à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Amiens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Amiens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la requête de Mme [U] en date du 5 avril 2017 ; Alors que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances - c'est-à-dire ceux survenus sur le territoire d'un Etat partie à l'Espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats - sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'en retenant, pour juger recevable la demande de Mme [U], que l'applicabilité de ces règles issues des différentes directives européennes - qui n'était pas contestée s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat - n'était pas de nature à faire échec à l'application l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application. Soc., 2 décembre 2020, pourvoi n° 19-11.986, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 829 FS-B Pourvoi n° T 21-10.220 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société OVH, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-10.220 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1ère section), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'association Juristes pour l'Enfance, dont le siège est [Adresse 1], ayant également un établissement [Adresse 3], 2°/ à la société Subrogalia SL, dont le siège est [Adresse 4] (Espagne), défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société OVH, de la SARL Corlay, avocat de l'association Juristes pour l'Enfance, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société OVH du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Subrogalia SL. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 octobre 2020), le 1er février 2016, l'association Juristes pour l'enfance (l'association) a mis en demeure la société OVH, en sa qualité d'hébergeur de sites, de retirer sans délai le contenu du site internet http://www.subrogalia.com/fr/, édité par la société de droit espagnol Subrogalia (la société Subrogalia), afin qu'il ne soit plus accessible sur le territoire français, en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). 3. L'association faisait valoir que le contenu de ce site était illicite comme proposant son entremise entre une mère porteuse et un client désireux d'accueillir l'enfant portée par elle, alors que la gestation pour autrui (GPA) est interdite en France et pénalement sanctionnée. 4. L'association ayant réitéré sa notification le 13 juin 2016, la société OVH lui a indiqué, par lettre du 17 juin suivant, qu'en l'absence de contenu manifestement illicite, il ne lui appartenait pas de se substituer aux autorités judiciaires afin de trancher un litige opposant l'association à la société Subrogalia, mais qu'elle exécuterait spontanément toute décision de justice qui serait portée à sa connaissance à ce titre. 5. Le 18 août 2016, l'association a assigné la société OVH afin qu'il lui soit fait injonction, sous astreinte, de rendre inaccessible le site internet litigieux et qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts. La société OVH a assigné en intervention forcée la société Subrogalia. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société OVH fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'association la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors : « 1°/ que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en déduisant l'application de la loi française du fait que le site de la société Subrogalia, en ce qu'il contrevient explicitement aux dispositions de droit français prohibant la gestation pour autrui, est susceptible de causer un dommage sur le territoire français parce qu'il viole la loi française, et juger en conséquence manifestement illicite le contenu de ce site pour retenir la responsabilité de la société OVH, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a violé l'article 4 du Règlement Rome II n° 864/2007 du 11 juillet 2007, ensemble l'article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et l'article 227-12 du code pénal ; 2°/ que la responsabilité d'un hébergeur de site internet pour n'avoir pas retiré promptement une information dénoncée comme illicite ne peut être retenue que si l'information présente manifestement ce caractère ; la gestation pour autrui fait l'objet de débats et d'options juridiques très différentes selon les pays, on n'est pas unanimement réprouvés par une norme de droit international ; n'est donc pas manifestement illicite un site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d'accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n'est effectivement exercée en France ; qu'en jugeant le contraire, pour retenir la responsabilité de la société OVH au seul motif inopérant que ce site, destiné notamment à un public situé en France, serait susceptible de causer un dommage sur le territoire français où de telles prestations sont interdites, la cour d'appel, qui n'en a pas caractérisé l'illicéité manifeste a violé l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; 3°/ qu'un hébergeur de site internet ne peut être condamné à payer des dommages-intérêts à une association lui ayant dénoncé le contenu d'un site comme étant illicite que si l'absence de prompt retrait des informations figurant sur celui-ci est en lien de causalité direct et certain avec un préjudice personnel de cette association ; qu'en condamnant la société OVH à payer 3.000 € de dommages-intérêts à l'association des Juristes pour l'enfance au titre d'un prétendu préjudice moral dont elle n'a pas expliqué en quoi il serait personnel à l'association et directement causé par l'absence de prompt retrait du site litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société Subrogalia y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site, la cour d'appel en a exactement déduit que le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu'il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d'ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu'il avait vocation à permettre à des ressortissants français d'avoir accès à une pratique illicite en France. 9. Elle a ainsi caractérisé l'existence d'un dommage subi par l'association sur le territoire français au regard de la loi s'y appliquant et justement retenu que la société OVH, qui n'avait pas promptement réagi pour rendre inaccessible en France le site litigieux, avait manqué aux obligations prévues à l'article 6. I. 2, de la loi du 21 juin 2004. 10. Elle a enfin souverainement apprécié, par une décision motivée, le préjudice qui en était résulté. 11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société OVH aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société OVH ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société OVH PREMIER MOYEN DE CASSATION La société OVH fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'association Juristes pour l'enfance la somme de 3000 € de dommages et intérêts ; ALORS D'UNE PART QUE la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en déduisant l'application de la loi française du fait que le site de la société espagnole Subrogalia, en ce qu'il contrevient explicitement aux dispositions de droit français prohibant la gestation pour autrui, est susceptible de causer un dommage sur le territoire français parce qu'il viole la loi française, et juger en conséquence manifestement illicite le contenu de ce site pour retenir la responsabilité de la société OVH, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a violé l'article 4 du Règlement Rome II n° 864/2007 du 11 juillet 2007, ensemble l'article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et l'article 227-12 du code pénal ; ALORS D'AUTRE PART QUE la responsabilité d'un hébergeur de site internet pour n'avoir pas retiré promptement une information dénoncée comme illicite ne peut être retenue que si l'information présente manifestement ce caractère ; la gestation pour autrui fait l'objet de débats et d'options juridiques très différentes selon les pays, on n'est pas unanimement réprouvés par une norme de droit international ; n'est donc pas manifestement illicite un site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d'accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n'est effectivement exercée en France ; qu'en jugeant le contraire, pour retenir la responsabilité de la société OVH au seul motif inopérant que ce site, destiné notamment à un public situé en France, serait susceptible de causer un dommage sur le territoire français où de telles prestations sont interdites, la cour d'appel, qui n'en a pas caractérisé l'illicéité manifeste a violé l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; ALORS ENSUITE QU'un hébergeur de site internet ne peut être condamné à payer des dommages-intérêts à une association lui ayant dénoncé le contenu d'un site comme étant illicite que si l'absence de prompt retrait des informations figurant sur celui-ci est en lien de causalité direct et certain avec un préjudice personnel de cette association ; qu'en condamnant la société OVH à payer 3.000 € de dommages-intérêts à l'association des Juristes pour l'enfance au titre d'un prétendu préjudice moral dont elle n'a pas expliqué en quoi il serait personnel à l'association et directement causé par l'absence de prompt retrait du site litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, ensemble l'article 1240 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION La société OVH fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il lui a fait injonction de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français ; ALORS QUE toute personne a droit à la liberté d'expression, qui comprend la liberté de communiquer des informations sans considération de frontière ; qu'en faisant injonction à la société OVH de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français, en prenant toutes mesures techniques à cet effet « quelles qu'en soient les conséquences », cependant que la seule solution technique possible consistait, ainsi que l'exposait l'hébergeur, à débrancher purement et simplement le site de sorte qu'il ne pourra plus être accessible de nulle part, y compris depuis des Etats où la GPA est parfaitement licite, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et a violé l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 804 FS-B Pourvoi n° C 21-21.867 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Odalys résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-21.867 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [Z], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société BCAR, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Odalys résidences, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z] et de la société BCAR, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 juin 2021), rendu en référé, M. [Z] et la société BCAR (les bailleurs) ont consenti trois baux commerciaux à la société Odalys résidences (la locataire) portant sur divers lots situés dans deux résidences de tourisme. 2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a cessé son activité dans les résidences concernées du 14 mars au 2 juin 2020 et informé les bailleurs de sa décision d'interrompre le paiement du loyer et des charges pendant cette période. 3. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacun des bailleurs une provision, alors : « 1°/ que juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ; 2°/ que la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient pas en cause, quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ; 3°/ que la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'effet de la mesure gouvernementale d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, publié au bulletin). 6. Après avoir relevé que seuls les exploitants se sont vu interdire de recevoir leurs clients pour des raisons étrangères aux locaux loués qui n'avaient subi aucun changement, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les mesures d'interdiction d'exploitation, qui ne sont ni du fait ni de la faute du bailleur, ne constituent pas une circonstance affectant le bien, emportant perte de la chose louée. 7. Elle a ensuite constaté, sans interpréter le contrat, que la clause de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou en raison d'un désordre ou d'une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué et que la condition de suspension, clairement exigée, de couverture des loyers par les assureurs, n'était pas remplie. 8. Elle n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Odalys résidences aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Odalys résidences et la condamne à payer à la société BCAR et M. [Z] la somme globale de 3000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Odalys résidences La société Odalys résidences fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à titre provisionnel à la société BCAR la somme de 23 192,75 euros à valoir sur les loyers exigibles au titre des premier et deuxième trimestres 2020, et à M. [Z] celle de 6 763,71 euros au titre de la même période ; 1) ALORS QUE le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient « pas en cause », quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ; 3) ALORS QUE la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile. 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 802 FS-B Pourvoi n° S 22-12.753 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Réside études apparthôtels, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16], a formé le pourvoi n° S 22-12.753 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [MC] [T], 2°/ à Mme [FG] [T], tous deux domiciliés [Adresse 8], 3°/ à M. [X] [J], domicilié [Adresse 21], 4°/ à M. [KJ] [P], domicilié [Adresse 9], 5°/ à M. [XI] [A], domicilié [Adresse 19], 6°/ à Mme [VF] [P], domiciliée [Adresse 9], 7°/ à Mme [UU] [A], domiciliée [Adresse 19], 8°/ à M. [ZX] [R], 9°/ à Mme [C] [R], tous deux domiciliés [Adresse 10], 10°/ à M. [MY] [B], 11°/ à Mme [GN] [B], tous deux domiciliés [Adresse 20], 12°/ à M. [Y] [F], 13°/ à Mme [D] [AM], tous deux domiciliés [Adresse 22], 14°/ à Mme [HV] [O], domiciliée [Adresse 2], 15°/ à Mme [CG] [E], 16°/ à M. [SF] [E], tous deux domiciliés [Adresse 23], 17°/ à M. [M] [TB], 18°/ à Mme [HJ] [TB], tous deux domiciliés [Adresse 18], 19°/ à M. [DZ] [PM], 20°/ à Mme [I] [WX], tous deux domiciliés [Adresse 12], 21°/ à M. [W] [GC], 22°/ à Mme [U] [GC], tous deux domiciliés [Adresse 24] (Suisse), 23°/ à M. [LR] [GC], 24°/ à Mme [D] [GC], tous deux domiciliés [Adresse 5], 25°/ à M. [G] [RU], domicilié [Adresse 14], 26°/ à M. [TM] [EV], domicilié [Adresse 15], 27°/ à Mme [C] [RU], domiciliée [Adresse 14], 28°/ à M. [WB] [PY], domicilié [Adresse 4], 29°/ à Mme [JC] [VP], domiciliée [Adresse 3], 30°/ à M. [L] [H], domicilié [Adresse 7], 31°/ à Mme [D] [K], domiciliée [Adresse 17], 32°/ à M. [N] [ZB], domicilié [Adresse 6], 33°/ à Mme [Z] [S], domiciliée [Adresse 1], 34°/ à Mme [YP] [OF], domiciliée [Adresse 11], 35°/ à M. [V] [VE], domicilié [Adresse 13], 36°/ à la société Vivanim, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Réside études apparthôtels, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [MC] [T], de Mme [FG] [T], de M. [J], de M. [KJ] [P], de Mme [VF] [P], de M. [XI] [A], de Mme [UU] [A], de M. [ZX] [R], de Mme [C] [R], de M. [MY] [B], de Mme [GN] [B], de M. [F], de Mme [AM], de Mme [O], de M. [JY] [E], de Mme [CG] [E], de M. [M] [TB], de Mme [HJ] [TB], de M. [PM], de Mme [WX], de M. [W] [GC], de Mme [U] [GC], de M. [LR] [GC], de Mme [D] [GC], de M. [EV], de M. [G] [RU], de Mme [C] [RU], de M. [PY], de Mme [VP], de M. [H], de Mme [K], de M. [ZB], de Mme [S], de Mme [OF], de M. [VE] et de la société Vivanim, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents : Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 février 2022), rendu en référé, et les productions, M. [MC] [T], Mme [FG] [T], M. [J], M. [KJ] [P], Mme [VF] [P], M. [XI] [A], Mme [UU] [A], M. [ZX] [R], Mme [C] [R], M. [MY] [B], Mme [GN] [B], M. [F], Mme [AM], Mme [O], M. [JY] [E], Mme [CG] [E], M. [M] [TB], Mme [HJ] [TB], M. [PM], Mme [WX], M. [W] [GC], Mme [U] [GC], M. [LR] [GC], Mme [D] [GC], M. [EV], M. [G] [RU], Mme [C] [RU], M. [PY], Mme [VP], M. [H], Mme [K], M. [ZB], Mme [S], Mme [OF], M. [VE] et la société Vivanim (les bailleurs) ont, entre 2003 et 2016, consenti à la société Réside études apparthôtels (la locataire) des baux commerciaux portant sur des appartements et parkings situés dans une résidence de tourisme. 2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 17 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence concernée puis a enregistré un taux d'occupation en forte diminution avant une nouvelle fermeture décidée par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020. 3. Les 9 et 12 juillet 2020, la locataire a informé les bailleurs de sa décision de suspendre le paiement des loyers des deuxième et troisième trimestres 2020. 4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à verser des provisions d'un certain montant au titre des loyers impayés arrêtés au quatrième trimestre 2021, alors « que saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside études apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article "dispositions diverses" que "Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (...) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance" ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Ayant relevé, d'une part, que la clause précise de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même, d'autre part, que la locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien, la cour d'appel, qui n'a pas interprété le contrat, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Réside études apparthôtels aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Réside études apparthôtels et la condamne à payer à M. [MC] [T], à Mme [FG] [T], à M. [J], à M. [KJ] [P], à Mme [VF] [P], à M. [XI] [A], à Mme [UU] [A], à M. [ZX] [R], à Mme [C] [R], à M. [MY] [B], à Mme [GN] [B], à M. [F], à Mme [AM], à Mme [O], à M. [JY] [E], à Mme [CG] [E], à M. [M] [TB], à Mme [HJ] [TB], à M. [PM], à Mme [WX], à M. [W] [GC], à Mme [U] [GC], à M. [LR] [GC], à Mme [D] [GC], à M. [EV], à M. [G] [RU], à Mme [C] [RU], à M. [PY], à Mme [VP], à M. [H], à Mme [K], à M. [ZB], à Mme [S], à Mme [OF], à M. [VE] et à la société Vivanim la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. Le conseiller rapporteur le président Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Réside études apparthôtels La société Réside Etudes Apparthôtels fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser une provision d'un certain montant à chacun des propriétaires bailleurs recevables de la résidence Nancy-Lorraine au titre des loyers impayés de mars 2020 au quatrième trimestre 2021 inclus, 1. Alors que, saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside Etudes Apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article « dispositions diverses » que « Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (...) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, 2. Alors en tout état de cause qu‘au sens de l'article 1722 du code civil, la perte de la chose louée, qui s'entend de toute circonstance en diminuant sensiblement l'usage, peut résulter d'une décision administrative imposant la fermeture de la chose louée et n'être que temporaire ; qu'en l'espèce, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, avaient entraîné l'interdiction de la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que la société Réside Etudes Apparthotels a subi une perte partielle de la chose louée puisqu'elle n'a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative ; que les demandes de provisions se heurtaient donc à une contestation sérieuse sur son obligation au paiement de l'intégralité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative ; que pour l'exclure, la cour d'appel a considéré que les dispositions de l'article 1722 du code civil ne visaient qu'une situation de destruction définitive de la chose louée, qu'elle soit totale ou partielle, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, elle a violé ce texte, ensemble l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile. Le greffier de chambre 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 768 FS-B Pourvoi n° S 21-19.212 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [N] [E], 2°/ Mme [P] [Y], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° S 21-19.212 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société L'Oeillet, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à Mme [G] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La société L'Oeillet et Mme [M] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt. Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [E] et de Mme [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société L'Oeillet et de Mme [M], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 avril 2021), le 27 avril 2017, la société civile immobilière L'Oeillet (la bailleresse) a donné à bail à M. [E] et Mme [Y] (les locataires) une maison à usage d'habitation. 2. Se prévalant d'un écart entre la surface mentionnée au bail et celle mesurée par eux, les locataires, après vaine demande à la bailleresse, l'ont assignée, ainsi que Mme [M], « sa représentante », en diminution de loyer et en paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. Les locataires font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardive leur demande en diminution de loyer, alors « que lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté ; qu'à défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer ; qu'en retenant, pour en déduire que M. [E] et Mme [Y] se prévalaient vainement d'une cause d'interruption du délai de leur action en diminution du loyer, que le délai prévu par ce texte était un délai préfix de forclusion quand ce délai est un délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 2219 nouveau du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que le délai de quatre mois prévu par l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est un délai de forclusion courant à compter de la demande faite au bailleur. 6. Dès lors, après avoir constaté que les preneurs avaient demandé à la bailleresse de réduire le loyer le 18 août 2017 et que l'assignation avait été délivrée le 5 février 2018, soit plus de quatre mois plus tard, elle en a exactement déduit que cette demande était irrecevable. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La bailleresse et Mme [M] font grief à l'arrêt de dire que les locataires sont redevables d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers et de les condamner solidairement à leur verser, après compensation, la somme globale de 416 euros, outre celle de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, alors « que la SCI L'Oeillet et Mme [M] faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que les consorts [E] [Y] ne s'étaient pas acquittés du règlement des loyers des mois d'octobre et novembre 2017, soit de la somme de 2 600 euros, de sorte que le juge a procédé à un calcul erroné en retenant au titre des impayés de loyers dus par les locataires la somme de 2 184 euros ; qu'en retenant pourtant que "le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers des mois d'octobre et de novembre 2017 et que ces sommes ne sont pas contestées par les parties" de sorte qu'après compensation la créance due par la SCI L'Oeillet et Mme [M] aux consorts [E] [Y] était de 416 euros quand il ressortait précisément des conclusions du bailleur que ces sommes étaient contestées, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 10. Pour limiter à la somme de 2 184 euros l'arriéré locatif correspondant aux échéances d'octobre et de novembre 2017, l'arrêt retient que ce montant n'était pas contesté par les parties devant le premier juge. 11. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la bailleresse, contestant l'application d'un loyer diminué à proportion de l'écart entre la surface indiquée au bail et celle mesurée par les preneurs, réclamait la condamnation des locataires au paiement de la somme de 2 600 euros correspondant à deux échéances du loyer contractuellement fixé, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la bailleresse à payer aux locataires, après compensation, la somme de 416 euros, entraîne par voie de conséquence celle du dispositif de l'arrêt la condamnant à leur payer la somme globale de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 15. Dès lors que la demande en diminution de loyer est irrecevable, que les preneurs ne contestent pas devoir les échéances d'octobre et de novembre 2017, et que le loyer mensuel contractuellement fixé s'élevait à 1 300 euros, les preneurs sont redevables envers la bailleresse d'une somme de 2 600 euros au titre des arriérés de loyers. 16. Par ailleurs, la cour d'appel confirme le jugement en ce qu'il condamne la bailleresse à payer aux locataires une somme du même montant. 17. Après compensation entre les créances respectives des parties, il y a donc lieu de rejeter les demandes en paiement. 18. En conséquence, la demande en paiement d'une majoration de 10 %, fondée sur les dispositions de l'article 22, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989, doit être rejetée. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers, condamne solidairement la société civile immobilière L'Oeillet et Mme [M] à verser à M. [E] et à Mme [Y], après compensation, la somme globale de 416 euros, ainsi que celle de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, l'arrêt rendu le 27 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; FIXE à 2 600 euros l'arriéré de loyers ; Après compensation entre les créances respectives des parties, rejette les demandes en paiement ; Condamne M. [E] et Mme [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [E] et Mme [Y] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme tardive la demande formée par M. [E] et Mme [Y] tendant à voir diminuer le montant du loyer ; AUX MOTIFS QUE sur la demande de diminution du montant du loyer ; l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose : « Lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté. A défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer. La diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de signature du bail. Si la demande en diminution du loyer par le locataire intervient plus de six mois à compter de la prise d'effet du bail, la diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de la demande. » ; il est constant les consorts [E] [Y] ont formé une demande de diminution de loyer par envoi à la Sci L'Oeillet une lettre recommandée en date du 18 août 2017, invoquant une différence de plus d'un vingtième ente la superficie du bien loué mentionnée dans le bail et la superficie réelle habitable ; qu'ils ont délivré assignation à la Sci et à Mme [M] le 5 février 2017 à cette même fin ; que par courrier du 6 septembre 2017, la Sci L'Oeillet, prise en la personne de Mme [M] répondait à différentes autres demandes formulées dans le courrier des consorts [E] [Y] du 18 août 2017, portant sur des désordres affectant leur logement, mais ne formulait aucune observation sur le demande de diminution de loyer, se contentant de conseiller aux locataires de donner congé de leur bail pour trouver un autre bien pouvant leur convenir ; au soutien de leur appel, les consorts [E] [Y] font valoir que la lettre du 6 septembre 2017 de la Sci L'Oeillet équivaut à une absence de réponse des bailleurs, et d'autre part, est interruptive de prescription, un nouveau délai de deux mois commençant à courir à compter de cette date, expirant le 6 novembre 2017, le délai de quatre mois prescrit par la loi du 6 juillet 1989 expirant le 6 mars 2018 ; or, il convient de relever, comme l'a observé justement le premier juge que la loi du 6 juillet 1989 constitue un texte spécial, dérogeant à la loi générale, et instaurant un délai préfix de forclusion de quatre mois à compter de la première demande de diminution de loyer ; c'est par conséquent par une juste application de la loi que le premier juge a déclaré irrecevable la demande de diminution de loyer formée par les consorts [E] [Y] ; sur la demande de remboursement du trop-perçu locatif : les consorts [E] [Y] ayant été jugés irrecevables en leur demande de diminution de loyer, seront déboutés de cette demande, aucun trop perçu locatif ne pouvant être retenu à leur bénéfice ; ALORS QUE lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté ; qu'à défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer ; qu'en retenant, pour en déduire que M. [E] et Mme [Y] se prévalaient vainement d'une cause d'interruption du délai de leur action en diminution du loyer, que le délai prévu par ce texte était un délai préfix de forclusion quand ce délai est un délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 2219 nouveau du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [E] et Mme [Y] de leur demande tenant à voir condamner la Sci L'Oeillet et Mme [M] à leur payer des dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d'une tromperie et d'AVOIR, déboutant les parties et leurs demandes plus amples ou contraires, débouté M. [E] et Mme [Y] de leur demande de restitution d'un trop perçu locatif ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de remboursement du trop-perçu locatif : les consorts [E] [Y] ayant été jugés irrecevables en leur demande de diminution de loyer, seront déboutés de cette demande, aucun trop perçu locatif ne pouvant être retenu à leur bénéfice ; sur la demande de dommages-intérêts formée par les consorts [E] [Y] au titre de leur préjudice moral : la demande de diminution de loyer formée par les consorts n'a pas été examinée comme ayant été jugée irrecevable comme forclose. Il en résulte notamment que la mauvaise foi de la SCI L'Oeillet et de Mme [M] n'est pas établie par les éléments du dossier, les considérations relatives à l'activité professionnelle de M. [W] apparaissant étrangères au litige présent ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient de préciser en outre que cette même demande, fondée à titre subsidiaire sur « le droit commun » et « la responsabilité contractuelle du bailleur » devra être écartée, puisque la loi du 6 juillet 1989 constitue un texte spécial, lequel déroge nécessairement à la loi générale ; sur la demande de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d'une tromperie ; que les locataires soutiennent qu'ils ont été volontairement trompés lors de la signature du bail, le bailleur connaissant parfaitement la surface du bien loué, comme cela ressort du cadastre ; que le propriétaire soutient qu'il a intégré, en toute bonne foi, la superficie du garage nouvellement construit ; que l'existence d'une tromperie volontaire n'est pas rapportée par les éléments objectifs du dossier ; que, par ailleurs, la demande en diminution du loyer pour la différence constatée entre la superficie mentionnée au bail et la superficie réelle habitable, a déjà été écartée pour irrecevabilité ; que la demande en dommages et intérêts pour tromperie sera donc rejetée ; 1) ALORS QUE les dispositions de l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 aux termes desquelles le bailleur supporte une diminution de loyer lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, n'excluent pas la possibilité pour le locataire de solliciter, sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle, l'indemnisation du préjudice subi du fait d'une faute du bailleur ayant loué une surface habitable ne correspondant pas à celle prévue contractuellement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 1231-1 nouveau du code civil ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en se bornant à affirmer que la mauvaise foi de la Sci L'Oeillet et de Mme [M] n'était pas établie par les éléments du dossier, sans répondre aux conclusions opérantes de M. [E] et Mme [Y] (conclusions p.13 et 14) faisant valoir que le cadastre, nécessairement connu des bailleurs, faisait mention d'une surface habitable de 84 m², que les bailleurs avaient acheté récemment le bien immobilier donné à bail et avaient une exacte connaissance de la surface habitable de sorte qu'ils avaient de mauvaise foi mentionné une surface habitable de 100 m² incluant le garage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la SCI L'Oeillet et Mme [G] [M] à verser à M. [E] et Mme [Y] la somme globale de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie et d'AVOIR débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de majoration du dépôt de garantie : le jugement sera également confirmé sur ce point, le premier juge ayant fait une juste application des dispositions de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 précédemment citées ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le dépôt de garantie restant dû au locataire s'élevait à 416 euros ; que cette somme aurait dû être remise au locataire au plus tard le 30 décembre 2017 ; que la majoration doit être calculée sur la période comprise entre cette date et la date de délivrance de l'assignation, le 5 février 2018, qu'elle s'établit donc à la somme de 10 % de 146 euros x 13 = 540,80 euros ; ALORS QU'à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard ; que M. [E] et Mme [Y] faisaient valoir qu'une somme de 5 200 euros était due au titre de la majoration prévue par l'article 22, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989, le dépôt de garantie n'étant toujours pas restituée ; qu'en retenant, par motifs adoptés des premiers juges, que la majoration de 10 % en raison de l'absence de paiement du dépôt de garantie restant dû au locataire devait être calculée sur la période comprise entre la date à laquelle la somme aurait dû être remise au plus tard aux locataires, le 30 décembre 2017, et la date de délivrance de l'assignation, le 5 février 2018, quand la majoration était due jusqu'à complet paiement du dépôt de garantie restant dû, la cour d'appel a violé l'article 22, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la SCI L'Oeillet et Mme [M]. La SCI L'Oeillet et Mme [M] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers, de les avoir condamnés solidairement à verser à M. [E] et Mme [Y], après compensation, la somme globale de 416 euros et de les avoir condamnés solidairement à verser à M. [E] et à Mme [Y] la somme globale de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie 1) ALORS QUE la SCI L'Oeillet et Mme [M] faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que les consorts [E] [Y] ne s'étaient pas acquittés du règlement des loyers des mois d'octobre et novembre 2017, soit de la somme de 2 600 euros, de sorte que le juge a procédé à un calcul erroné en retenant au titre des impayés de loyers dus par les locataires la somme de 2 184 euros (conclusions p.13) ; qu'en retenant pourtant que « le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers des mois d'octobre et de novembre 2017 et que ces sommes ne sont pas contestées par les parties » de sorte qu'après compensation la créance due par la SCI L'Oeillet et Mme [M] aux consorts [E] [Y] était de 416 euros quand il ressortait précisément des conclusions du bailleur que ces sommes étaient contestées, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'il ressort du contrat de bail que le loyer mensuel était de 1 300 euros ; qu'en retenant pourtant que le locataire était redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers des mois d'octobre et de novembre 2017 et qu'après compensation la créance due par la SCI L'Oeillet et Mme [M] aux consorts [E] [Y] était de 416 euros quand il ressortait du contrat de bail que les locataires étaient redevables de la somme de 2 600 euros de sorte que par compensation avec les loyers impayés, le compte entre les parties s'était apuré et l'obligation de restitution du dépôt de garantie avait été remplie, la cour d'appel a dénaturé le contrat de bail ; 3) ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné le bailleur à payer au locataire, après compensation, la somme globale de 416 euros entrainera par voie de conséquence celle du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné le bailleur à payer au locataire une somme de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 763 FS-B Pourvois n° C 21-20.464 G 21-20.814 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 I. la ville de [Localité 4], représentée par son son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, [Localité 4], a formé le pourvoi n° C 21-20.464 contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], 2°/ à la société Flandinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], défenderesses à la cassation. II. La société Flandinvest, société à responsabilité limitée, [Localité 3], a formé le pourvoi n° G 21-20.814 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la ville de [Localité 4], 2°/ à la société Centre [Localité 4], société à responsabilité limitée, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° C 21-20.464 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° G 21-20.814 invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la ville de [Localité 4], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Flandinvest et de la société Centre [Localité 4], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-20.814 et 21-20.464 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2021, n° RG 20/18843), le 29 juin 2017, le maire de [Localité 4] a assigné les sociétés Flandinvest et Centre [Localité 4], respectivement propriétaire et gestionnaire d'un appartement situé dans un immeuble [Localité 4], en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué cet appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° 21-20.814 Enoncé du moyen 3. La société Flandinvest fait grief à l'arrêt de retenir qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de la condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et était exclue de la catégorie "hébergement hôtelier" ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en "habitation" ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, "de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation", qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, "ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière" et que "les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre P comme professionnelle)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en "habitation" avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés. 5. Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements et a souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation. 6. Sans être tenue d'effectuer une recherche inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi n° 21-20.464 Enoncé du moyen 8. La Ville de [Localité 4] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Centre [Localité 4], alors : « 1°/ qu'en application des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société Centre [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 3°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société Flandinvest, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 4°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article L. 631-7, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. 10. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article. 11. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile. 12. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte. 13. Ainsi, celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2. 14. Ayant constaté que la société Centre [Localité 4] avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se voir reprocher d'en avoir changé l'usage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la ville de [Localité 4] (demanderesse au C 21-20.464) L'arrêt attaqué, critiqué par la VILLE de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a débouté la VILLE de [Localité 4] de sa demande de condamnation de la SARL CENTRE [Localité 4] à une amende civile ; ALORS QUE, PREMIÈREMENT, en application des articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société CENTRE [Localité 4] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société FLANDINVEST, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, QUATRIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 4] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier avocat aux Conseils, pour la société Flandinvest (demanderesse au pourvoi n° G 21-20.814) La société Flandinvest fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la Ville de [Localité 4] une amende de 20 000 euros ; ALORS QUE pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 4], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et était exclue de la catégorie « hébergement hôtelier » ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en « habitation » ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la Ville de [Localité 4], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, « de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation », qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, « ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière » et que « les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre « P » comme professionnelle) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en « habitation » avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. 3e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-20.654, Bull. 2018, III, n° 91 (rejet).
CASS/JURITEXT000046555869.xml
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 759 F-P+B Pourvoi n° K 21-18.493 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [I] [Z], veuve [Y], ayant élu domicile en France chez Mme [D] [Y], demeurant [Adresse 1], domiciliée [Adresse 4] (Gabon), 2°/ M. [M] [Y], domicilié [Adresse 2], 3°/ M. [K] [Y], ayant élu domicile en France chez Mme [D] [Y], demeurant [Adresse 1], domicilié [Adresse 5] (Gabon), 4°/ Mme [D] [Y], domiciliée [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° K 21-18.493 contre l'ordonnance rendue le 22 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier, dans le litige les opposant à Mme [B] [C], épouse [U], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [Z] veuve [Y], de M. [Y], de Mme [D] [Y], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée (tribunal judiciaire de Montpellier, 22 avril 2021), le 13 janvier 2020, Mme [Z], veuve [Y], Mme [D] [Y] et MM. [K] et [O] [Y] (les consorts [Y]) ont assigné Mme [C] devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins d'exequatur d'une décision de la cour d'appel de Port-Gentil (Gabon) la condamnant à leur payer une certaine somme. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Les consorts [Y] font grief à l'arrêt de retenir le défaut de pouvoir de statuer de la juridiction et de les déclarer irrecevables en leurs demandes, alors « que l'exequatur du jugement rendu par une juridiction gabonaise est accordée par le président du tribunal judiciaire saisi et statuant selon la procédure accélérée au fond ; qu'en se déclarant incompétent sur le fondement de l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire quand le président du tribunal judiciaire était désigné comme compétent par l'article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, applicable à la demande d'exequatur, le juge a violé cet article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, et ensemble l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon du 23 juillet 1963 et l'article 28 de l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 prise en application de l'article 28 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : 3. Selon le premier de ces textes, l'exequatur est accordé par le président du tribunal de grande instance qui est saisi et statue suivant la forme prévue pour les référés. 4. Le second dispose : « Le président du tribunal judiciaire connaît des litiges attribués par conventions internationales au « président » statuant « suivant la forme prévue pour les référés ». Il statue selon la procédure accélérée au fond. » 5. Pour déclarer la demande d'exequatur irrecevable, l'ordonnance retient que les consorts [Y] ont saisi le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, que le décret n° 2019-912 du 30 août 2019, en son article 10, a supprimé le tribunal de grande instance et que seul le tribunal judiciaire à juge unique peut connaître d'une demande d'exequatur, de sorte que les dispositions des articles 839 et 481-1 du code de procédure civile n'ont plus vocation à s'appliquer. 6. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 avril 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Montpellier autrement composé ; Condamne Mme [Z], veuve [Y], Mme [D] [Y] et MM. [K] et [O] [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z], veuve [Y], Mme [D] [Y] et MM. [K] et [O] [Y] et les condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] veuve [Y], M. [Y] et Mme [D] [Y], MME [I] [Z], M. [K] [Y], M. [O] [Y] et MME [D] [Y] FONT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir rappelé le défaut de pouvoir de statuer de la juridiction et de les avoir déclarés irrecevables en leurs demandes ; ALORS QUE l'exequatur du jugement rendu par une juridiction gabonaise est accordée par le président du tribunal judiciaire saisi et statuant selon la procédure accélérée au fond ; qu'en se déclarant incompétent sur le fondement de l'article R.212-8 du code de l'organisation judiciaire quand le président du tribunal judiciaire était désigné comme compétent par l'article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, applicable à la demande d'exequatur, le juge a violé cet article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, et ensemble l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire par fausse application.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 10 novembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1140 F-B Pourvois n° A 20-22.275 Z 21-10.157 Jonction R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2022 I. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'Allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-22.275 contre l'arrêt n° RG : 18/01298 rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. II. La société Mutuelle assurance des instituteurs de France a formé le pourvoi n° Z 21-10.157 contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, défenderesse à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° A 20-22.275 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Z 21-10.157 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-22.275 et 21-10.157 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 novembre 2020), à la suite d'un contrôle de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la cotisante), portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de la Gironde, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a adressé à celle-ci une lettre d'observations, le 18 septembre 2012, suivie d'une mise en demeure portant sur la réintégration dans l'assiette de la contribution due par toute personne soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestre à moteur des frais d'échéance et des droits d'adhésion facturés aux assurés. 3. La cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le moyen unique du pourvoi n° 20-22.275, et le troisième moyen du pourvoi n° 21-10.157, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi n° 20-22.275, qui est irrecevable, ni sur le troisième moyen du pourvoi n° 21-10.157, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 21-10.157 Enoncé du moyen 5. La cotisante fait grief à l'arrêt de valider partiellement la mise en demeure, alors : « 1°/ que l'article L. 211-1 du code des assurances instaure une obligation d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur ; que selon l'article L. 137-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 applicable du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2016, « une contribution est due par toute personne physique ou morale qui est soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur [VTM] instituée par l'article L. 211-1 du code des assurances. Le taux de la contribution est fixé à 15 % du montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation afférentes à l'assurance obligatoire susmentionnée » ; que l'article L. 137-7 du même code confirme que le produit de cette contribution TVTM « correspond au montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance émises » ; qu'en vertu de ces textes, la contribution porte ainsi sur les primes ou cotisations d'assurance afférentes à la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur ; que sont en revanche exclus de l'assiette de la TVTM : i. les sommes perçues par l'assureur autres que les primes ou cotisations d'assurance ; ii. les frais non inhérents à la garantie d'assurance, iii. les frais inhérents à la garantie d'assurance mais non afférents aux garanties de responsabilité civile ; que les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique - majorés de 6,10 € hors taxes à 10,06 € hors taxes pour les sociétaires non prélevés - ne sont pas la contrepartie de la ou des garanties souscrites par les assurés et n'ouvrent aucun droit supplémentaire pour ces derniers ; qu'étant non inhérents à la garantie d'assurance, les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique ne rentrent pas dans l'assiette de la TVTM ; que pour retenir au contraire un principe d'assujettissement à la TVTM de ces frais et valider le redressement infligé à la société pour une part correspondant à la couverture de la responsabilité civile obligatoire, la cour d'appel a déduit des dispositions de l'article L. 137-7 - en ce qu'elles prévoient la déduction d'un prélèvement de 0,8 % destiné à compenser les frais de collecte de la contribution TVTM - que « le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 inclut les frais de gestion et de recouvrement qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser », et que, pour la fixation de l'assiette de la TVTM, la loi ne fait pas distinction entre le montant de la prime stricto sensu et les accessoires de la prime, de sorte que « la prime s'entendait de tout ce qui formait le prix de l'assurance » ; qu'en statuant ainsi alors que les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique ne sont ni une prime d'assurance, ni des frais inhérents à la prime d'assurance de responsabilité civile, et ne participent pas au « prix de l'assurance », mais constituent des frais non inhérents à la garantie d'assurance liés à la hausse des coûts générés par l'absence de recours au prélèvement, de sorte qu'ils ne rentrent pas, même pour partie, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances ; 2°/ que la cour d'appel a de même retenu que « la cotisante ne justifie pas que les frais d'échéance majorés de 6,10 euros hors taxes à 10,06 euros hors taxes pour les sociétaires non prélevés, correspondent à des frais supplémentaires liés à un mode de paiement particulier, plus précisément elle ne démontre pas qu'ils sont facturés à la suite d'une demande spécifique de l'assuré » ; qu'en se fondant sur de tels motifs, impropres à établir que ce surcoût participait au financement de l'obligation d'assurance de responsabilité civile à raison des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances ; 3°/ que pour inclure les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a de même retenu, à supposer adoptés ces motifs du jugement, que « par primes ou cotisations, il faut entendre tout ce qui forme le prix de l'assurance, à savoir toutes les sommes hors taxes que l'assuré doit payer à l'assureur pour être couvert dans le cadre de la responsabilité civile obligatoire sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre la fraction de la prime ou cotisation représentant le risque assuré par la société d'assurance et la fraction correspondant aux frais de fonctionnement ou aux frais de gestion entraînés par les opérations de couverture du risque responsabilité civile ; c'est en effet ce prix-là qu'il incombe à l'assuré de payer pour être couvert » ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à conférer la nature de prime d'assurance aux frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique et à justifier qu'ils soient inclus, même partiellement, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de l'article L. 137-7 du code de la sécurité sociale que le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 de ce code inclut les frais de gestion qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser. 7. L'arrêt énonce que la prime s'entend de tout ce qui forme le prix de l'assurance, soit toutes les sommes hors taxes que l'assuré s'engage à payer à l'assureur pour être garanti des risques prévus au contrat. Il retient que les frais d'échéance s'imposent à l'assuré. Il constate que la cotisante ne justifie pas que les frais d'échéance majorés pour les sociétaires ne faisant pas l'objet d'un prélèvement correspondent à des frais supplémentaires liés à un mode de paiement particulier, ni qu'ils sont facturés à la suite d'une demande spécifique de l'assuré. 8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les frais d'échéance constituent des frais de gestion qui entrent dans l'assiette de la contribution, de sorte qu'elle a légalement justifié sa décision. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 21-10.157, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 10. La cotisante fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'article L. 211-1 du code des assurances instaure une obligation d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur ; que selon l'article L. 137-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 applicable du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2016, « une contribution est due par toute personne physique ou morale qui est soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur [VTM] instituée par l'article L. 211-1 du code des assurances. Le taux de la contribution est fixé à 15 % du montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation afférentes à l'assurance obligatoire susmentionnée » ; que l'article L. 137-7 du même code précise que le produit de cette contribution TVTM « correspond au montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance émises » ; qu'en vertu de ces textes, la contribution porte ainsi sur les primes ou cotisations d'assurance afférentes à la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur ; que sont en revanche exclus de l'assiette de la TVTM : i. les sommes perçues par l'assureur autres que les primes ou cotisations d'assurance ; ii. les frais non inhérents à la garantie d'assurance, iii. les frais inhérents à la garantie d'assurance mais non afférents aux garanties de responsabilité civile ; que le droit d'adhésion est un apport, visant à alimenter le fonds d'établissement des sociétés d'assurance mutuelle (SAM), versé par le sociétaire en cette qualité à raison de sa seule adhésion à la SAM, en contrepartie de laquelle il reçoit une part sociale et dispose d'un droit de vote ; qu'étant non inhérent à la garantie d'assurance, le droit d'adhésion ne rentre pas dans l'assiette de la TVTM ; que pour retenir au contraire un « principe d'assujettissement des droits d'adhésion » et valider le redressement pour une part correspondant à la couverture de la responsabilité civile obligatoire, la cour d'appel a retenu qu'il se déduit des dispositions de l'article L. 137-7 du code « que le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 inclut les frais de gestion et de recouvrement qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser », que l'article L. 137-7 prévoit un abattement de 0,8 % pour les frais de collecte, que pour la fixation de l'assiette de la TVTM la loi ne fait pas de distinction entre le montant de la prime stricto sensu et les accessoires de la prime, et enfin que « la prime s'entendait de tout ce qui formait le prix de l'assurance » ; qu'en statuant ainsi alors que les droits d'adhésion ne sont ni une prime d'assurance, ni un frais inhérent à la garantie d'assurance de responsabilité civile, et ne participent pas au « prix de l'assurance », mais constituent un apport visant à alimenter le fonds d'établissement des sociétés d'assurance mutuelle en contrepartie duquel les assurés deviennent sociétaires et disposent de parts sociales et d'un droit de vote, de sorte qu'ils ne rentrent pas, même pour partie, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble les articles L. 211-1 et R. 322-47 du code des assurances ; 2°/ que les droits d'adhésion constituent, tel que le précise l'article 209, IV, du code général des impôts, un « apport » de l'assuré ; que tel que le précise le Conseil d'Etat « Le droit d'adhésion est, en conséquence, d'une autre nature que la cotisation ou prime d'assurance qui constitue la contrepartie d'une opération d'assurance donnant droit à une prestation en cas de réalisation du risque stipulé dans la convention à laquelle ils se rattachent » (CE, 22 nov. 2017, n° 406943, MACIF, mentionné dans les tables du recueil Lebon) ; que ne constituant pas une prime ou cotisation d'assurance, cet apport au fonds d'établissement ne rentre pas dans l'assiette de la TVTM ; qu'en se fondant au contraire, pour considérer que les droits d'adhésion rentraient dans l'assiette de la TVTM, sur les motifs selon lesquels les droits d'adhésion correspondaient à des sommes hors taxes que l'assuré devait payer à l'assureur pour être couvert dans le cadre de la responsabilité civile obligatoire, en méconnaissance de la nature d'apport de ces droits d'adhésion, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble les articles L. 211-1 et R. 322-47 du code des assurances et 209, IV, du code général des impôts. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code de la sécurité sociale, R. 322-47, 5° et 6°, du code des assurances : 11. Il résulte du dernier de ces textes que, contribuant au financement du fonds d'établissement, qui constitue l'équivalent de capitaux propres pour une société d'assurance mutuelle, et non à celui de son exploitation, le droit d'adhésion qu'il prévoit a pour seule contrepartie l'acquisition de la qualité de sociétaire. 12. Il s'ensuit que le droit d'adhésion est d'une autre nature que la cotisation ou prime d'assurance qui constitue la contrepartie d'une opération d'assurance donnant droit à une prestation en cas de réalisation du risque stipulé dans la convention à laquelle ils se rattachent, de sorte qu'il n'entre pas dans l'assiette de la contribution prévue par les deux premiers de ces textes. 13. L'arrêt énonce que la prime s'entend de tout ce qui forme le prix de l'assurance, soit toutes les sommes hors taxes que l'assuré s'engage à payer à l'assureur pour être garanti des risques prévus au contrat. Il constate que les statuts de la société prévoient que l'admission d'un adhérent est subordonnée au paiement par ce dernier d'un droit d'adhésion lors de la souscription de son premier contrat. Il retient que les frais d'entrée s'imposent à l'assuré. 14. En statuant ainsi, alors que le droit d'adhésion payé par l'assuré à la souscription de son premier contrat ne constitue pas des frais de gestion, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de remise totale des majorations de retard formulée par la société MAIF et en ce qu'il fixe le point de départ des intérêts de retard au taux légal sur l'indu, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée. Condamne l'URSSAF d'Aquitaine aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Aquitaine et la condamne à payer à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° A 20-22.275 par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF d'Aquitaine L'URSSAF Aquitaine fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR validé la mise en demeure en date du 24 décembre 2012 pour un montant ramené à la somme de 1.055.276 euros au titre des cotisations outre des majorations de retard y afférentes initiales et complémentaires et d'AVOIR condamné l'URSSAF Aquitaine à restituer à la MAIF la somme de 630.356 euros au titre des cotisations indûment perçues outre la somme de 196.940 euros au titre des majorations indûment perçues, sous réserve de la déduction des majorations de retard effectivement dues qui devront être recalculées en fonction du nouveau montant du redressement, 1/ ALORS QUE l'employeur doit produire au moment des opérations de contrôle diligentées par les inspecteurs du recouvrement les éléments nécessaires à la détermination des cotisations dues ; qu'en l'espèce, il ressortait de la lettre d'observations que les inspecteurs du recouvrement s'étaient vus remettre lors des opérations de contrôle les bases déclarées à l'Autorité de Contrôle Prudentiel, les déclarations adressées à l'URSSAF, les balances (balances générales des comptes et balances des comptes par catégories ministérielles) et la note interne relative aux montants des frais accessoires et à leur taxation (lettre d'observations p.3) ; qu'en se fondant sur un extrait de l'état C10 prévu par l'article A 344-10 du code des assurances ainsi qu'un récapitulatif des assiettes de taxes pour minorer le montant du redressement quand ces pièces avaient exclusivement été produites lors la phase contentieuse du litige et n'avaient pas été communiquées à l'Inspecteur du recouvrement lors du contrôle, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, 2/ ALORS QUE les constatations des inspecteurs du recouvrement ne peuvent être combattues par la seule affirmation contraire du cotisant ; qu'en se fondant sur les déclarations de la Responsable du service qualité au sein de la MAIF pour retenir qu'il était acquis que les pièces produites par la MAIF dans le cadre du contentieux avaient déjà été soumises aux inspecteurs du recouvrement lors des opérations de contrôle quand il ressortait des constatations des inspecteurs du recouvrement, lesquelles font foi jusqu'à preuve contraire, que ces pièces n'avaient pas été transmises à l'Inspecteur du recouvrement, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil, 3/ ALORS QUE, en toute hypothèse, l'assiette de la contribution sur les véhicules terrestres à moteur est constituée de l'intégralité du prix de l'assurance responsabilité civile automobile, y incluant les frais d'échéance payés annuellement par le sociétaire ; que, les frais d'échéance étant forfaitaires, leur montant ne varie pas en fonction du nombre de garanties souscrites ; qu'il en résulte qu'ils sont dus en leur intégralité du seul fait de la souscription à l'assurance responsabilité civile automobile et doivent être assujettis à la contribution sur les véhicules terrestres à moteur dès lors que cette assurance a été souscrite ; qu'en jugeant que, lorsque le sociétaire avait souscrit une assurance responsabilité civile ainsi que des garanties complémentaires, il convenait de proratiser le montant des frais d'échéance en assujettissant à la contribution sur les véhicules terrestres à moteur les frais d'échéance afférents à la seule assurance responsabilité civile automobile, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code de la sécurité sociale. Moyens produits au pourvoi n° Z 21-10.157 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) PREMIER MOYEN DE CASSATION (Intégration des droits d'adhésion dans l'assiette de la TVTM) La MAIF fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR validé la mise en demeure du 24 décembre 2012 pour un montant ramené à la somme de 1.055.276 euros au titre des cotisations, outre les majorations de retard y afférentes initiales et complémentaires, d'AVOIR déclaré acquis à l'URSSAF d'Aquitaine la somme de 1.055.276 € au titre des cotisations, outre les majorations de retard initiales et complémentaires afférentes réglées par la MAIF et d'AVOIR condamné l'URSSAF d'Aquitaine à ne restituer à la MAIF que la somme de 630.356 € au titre des cotisations indûment perçues outre la somme de 196.940 € au titre des majorations indûment perçues, sous réserve de la déduction des majorations de retard effectivement dues qui devront être recalculées en fonction du nouveau montant du redressement soit 1.055.276 € ; 1. ALORS QUE l'article L. 211-1 du code des assurances instaure une obligation d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur ; que selon l'article L. 137-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003 applicable du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2016, « une contribution est due par toute personne physique ou morale qui est soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur [VTM] instituée par l'article L. 211-1 du code des assurances. Le taux de la contribution est fixé à 15 % du montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation afférentes à l'assurance obligatoire susmentionnée » ; que l'article L. 137-7 du même code précise que le produit de cette contribution TVTM « correspond au montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance émises » ; qu'en vertu de ces textes, la contribution porte ainsi sur les primes ou cotisations d'assurance afférentes à la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur ; que sont en revanche exclus de l'assiette de la TVTM : i. les sommes perçues par l'assureur autres que les primes ou cotisations d'assurance ; ii. les frais non-inhérents à la garantie d'assurance, iii. les frais inhérents à la garantie d'assurance mais non-afférents aux garanties de responsabilité civile ; que le droit d'adhésion est un apport, visant à alimenter le fonds d'établissement des sociétés d'assurance mutuelle (SAM), versé par le sociétaire en cette qualité à raison de sa seule adhésion à la SAM, en contrepartie de laquelle il reçoit une part sociale et dispose d'un droit de vote ; qu'étant non-inhérent à la garantie d'assurance, le droit d'adhésion ne rentre pas dans l'assiette de la TVTM ; que pour retenir au contraire un « principe d'assujettissement des droits d'adhésion » (arrêt p. 6 § 2) et valider le redressement pour une part correspondant à la couverture de la responsabilité civile obligatoire, la cour d'appel a retenu qu'il se déduit des dispositions de l'article L. 137-7 du code « que le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 inclut les frais de gestion et de recouvrement qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser », que l'article L. 137-7 prévoit un abattement de 0,8 % pour les frais de collecte, que pour la fixation de l'assiette de la TVTM la loi ne fait pas de distinction entre le montant de la prime stricto sensu et les accessoires de la prime, et enfin que « la prime s'entendait de tout ce qui formait le prix de l'assurance » (arrêt p. 5 et 6) ; qu'en statuant ainsi alors que les droits d'adhésion ne sont ni une prime d'assurance, ni un frais inhérent à la garantie d'assurance de responsabilité civile, et ne participent pas au « prix de l'assurance », mais constituent un apport visant à alimenter le fonds d'établissement des sociétés d'assurance mutuelle en contrepartie duquel les assurés deviennent sociétaires et disposent de parts sociales et d'un droit de vote, de sorte qu'ils ne rentrent pas, même pour partie, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble les articles L. 211-1 et R. 322-47 du code des assurances ; 2. ALORS DE MEME QUE les droits d'adhésion constituent, tel que le précise l'article 209 IV du code général des impôts, un « apport » de l'assuré ; que tel que le précise le Conseil d'Etat « Le droit d'adhésion est, en conséquence, d'une autre nature que la cotisation ou prime d'assurance qui constitue la contrepartie d'une opération d'assurance donnant droit à une prestation en cas de réalisation du risque stipulé dans la convention à laquelle ils se rattachent » (CE 22 nov. 2017, n° 406943, MACIF, mentionné dans les tables du recueil Lebon) ; que ne constituant pas une prime ou cotisation d'assurance, cet apport au fonds d'établissement ne rentre pas dans l'assiette de la TVTM ; qu'en se fondant au contraire, pour considérer que les droits d'adhésion rentraient dans l'assiette de la TVTM, sur les motifs selon lesquels les droits d'adhésion correspondaient à des sommes hors taxes que l'assuré devait payer à l'assureur pour être couvert dans le cadre de la responsabilité civile obligatoire (arrêt p. 5 § 5 et p. 6 § 1), en méconnaissance de la nature d'apport de ces droits d'adhésion, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble les articles L. 211-1 et R. 322-47 du code des assurances et 209 IV du code général des impôts ; 3. ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'en ne répondant pas au moyen par lequel la MAIF a soutenu qu'en vertu de ses statuts, ainsi que des articles R. 322-47-6° du code des assurances et 209 IV du code général des impôts, les sommes reçues par la MAIF sous la forme de frais d'adhésion constituent un apport de l'assuré destiné à alimenter le fonds d'établissement de la société et donnent droit à une part sociale en qualité de sociétaire et à un droit de vote (conclusions p. 7 § 9), de sorte qu'elles ne participent pas au prix de l'assurance et n'ont pas à être intégrées dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4. ALORS QUE pour inclure les droits d'adhésion dans l'assiette de la TVTM la cour d'appel a retenu, à supposer adoptés ces motifs du jugement, que « l'admission à la société est subordonnée à l'engagement par l'adhérent d'acquitter, au moment de la souscription de son premier contrat, un droit d'adhésion dont le montant est fixé annuellement par le conseil d'administration lors de la première réunion qui suit l'assemblée » (jugement p. 7 § 2) ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à conférer aux droits d'adhésion la nature de prime d'assurance et à justifier qu'ils soient inclus dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble les articles L. 211-1 et R. 322-47 du code des assurances. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (Intégration dans l'assiette de la TVTM de la part des frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique autre que le prélèvement) La MAIF fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR validé la mise en demeure du 24 décembre 2012 pour un montant ramené à la somme de 1.055.276 euros au titre des cotisations, outre les majorations de retard y afférentes initiales et complémentaires, d'AVOIR déclaré acquis à l'URSSAF d'Aquitaine la somme de 1.055.276 € au titre des cotisations, outre les majorations de retard initiales et complémentaires afférentes réglées par la MAIF et d'AVOIR condamné l'URSSAF d'Aquitaine à ne restituer à la MAIF que la somme de 630.356 € au titre des cotisations indûment perçues outre la somme de 196.940 € au titre des majorations indûment perçues, sous réserve de la déduction des majorations de retard effectivement dues qui devront être recalculées en fonction du nouveau montant du redressement soit 1.055.276 € ; 1. ALORS QUE l'article L. 211-1 du code des assurances instaure une obligation d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteur ; que selon l'article L. 137-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003 applicable du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2016, « une contribution est due par toute personne physique ou morale qui est soumise à l'obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur [VTM] instituée par l'article L. 211-1 du code des assurances. Le taux de la contribution est fixé à 15 % du montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation afférentes à l'assurance obligatoire susmentionnée » ; que l'article L. 137-7 du même code confirme que le produit de cette contribution TVTM « correspond au montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance émises » ; qu'en vertu de ces textes, la contribution porte ainsi sur les primes ou cotisations d'assurance afférentes à la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur ; que sont en revanche exclus de l'assiette de la TVTM : i. les sommes perçues par l'assureur autres que les primes ou cotisations d'assurance ; ii. les frais non-inhérents à la garantie d'assurance, iii. les frais inhérents à la garantie d'assurance mais non-afférents aux garanties de responsabilité civile ; que les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique - majorés de 6,10 € hors taxe à 10,06 € hors taxe pour les sociétaires non prélevés - ne sont pas la contrepartie de la ou des garanties souscrites par les assurés et n'ouvrent aucun droit supplémentaire pour ces derniers ; qu'étant non-inhérents à la garantie d'assurance, les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique ne rentrent pas dans l'assiette de la TVTM ; que pour retenir au contraire un principe d'assujettissement à la TVTM de ces frais et valider le redressement infligé à la société pour une part correspondant à la couverture de la responsabilité civile obligatoire, la cour d'appel a déduit des dispositions de l'article L. 137-7 - en ce qu'elles prévoient la déduction d'un prélèvement de 0,8% destiné à compenser les frais de collecte de la contribution TVTM - que « le montant des primes, cotisations ou fractions de prime ou de cotisation d'assurance entrant dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 137-6 inclut les frais de gestion et de recouvrement qui en constituent un élément après déduction du prélèvement destiné à les compenser », et que, pour la fixation de l'assiette de la TVTM, la loi ne fait pas distinction entre le montant de la prime stricto sensu et les accessoires de la prime, de sorte que « la prime s'entendait de tout ce qui formait le prix de l'assurance » (arrêt p. 5 et 6) ; qu'en statuant ainsi alors que les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique ne sont ni une prime d'assurance, ni des frais inhérents à la prime d'assurance de responsabilité civile, et ne participent pas au « prix de l'assurance », mais constituent des frais non-inhérents à la garantie d'assurance liés à la hausse des coûts générés par l'absence de recours au prélèvement, de sorte qu'ils ne rentrent pas, même pour partie, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a violé les articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances ; 2. ALORS QUE la cour d'appel a de même retenu que « la MAIF ne justifie pas que les frais d'échéance majorés de 6,10 euros hors-taxes à 10,06 euro hors-taxes pour les sociétaires non prélevés, correspondent à des frais supplémentaires liés à un mode de paiement particulier, plus précisément elle ne démontre pas qu'ils sont facturés à la suite d'une demande spécifique de l'assuré » ; qu'en se fondant sur de tels motifs, impropres à établir que ce surcoût participait au financement de l'obligation d'assurance de responsabilité civile à raison des dommages causés par un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003 ensemble l'article L.211-1 du code des assurances ; 3. ALORS QUE pour inclure les frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique dans l'assiette de la TVTM la cour d'appel a de même retenu, à supposer adoptés ces motifs du jugement, que « par primes ou cotisations, il faut entendre tout ce qui forme le prix de l'assurance, à savoir toutes les sommes hors taxes que l'assuré doit payer à l'assureur pour être couvert dans le cadre de la responsabilité civile obligatoire sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction entre la fraction de la prime ou cotisation représentant le risque assuré par la société d'assurance et la fraction correspondant aux frais de fonctionnement ou aux frais de gestion entraînés par les opérations de couverture du risque responsabilité civile ; c'est en effet ce prix-là qu'il incombe à l'assuré de payer pour être couvert » (jugement p. 6 § 4) ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à conférer la nature de prime d'assurance aux frais d'échéance correspondant à un mode de paiement spécifique et à justifier qu'ils soient inclus, même partiellement, dans l'assiette de la TVTM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-6 et L. 137-7 du code la sécurité sociale dans leur version issue de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003, ensemble l'article L. 211-1 du code des assurances. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (Point de départ des intérêts légaux) La MAIF fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait produire intérêt aux taux légal aux sommes que l'URSSAF d'Aquitaine a été condamnée à restituer à la MAIF à compter seulement du 15 janvier 2016. ALORS QUE celui qui a reçu une somme qui ne lui était pas due, est obligé de la restituer avec les intérêts moratoires au jour de la demande de remboursement, dès lors que le montant de ladite somme peut être déterminé ; qu'une demande de paiement vaut sommation de payer ou interpellation suffisante au sens de l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6, dès lors que le montant en est déterminable, ce qui fait courir les intérêts moratoires ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que consécutivement au paiement avec réserves des montants visés dans la mise en demeure du 24 décembre 2012, la MAIF a saisi le 23 janvier 2013 la commission de recours amiable d'une demande d'annulation de la mise en demeure, demande réitérée lors de la saisine du TASS le 18 avril 2013 ; que pour décider, s'agissant des sommes que l'URSSAF d'Aquitaine a été condamnée à restituer à la MAIF, que les intérêts légaux ne commençaient à courir qu'à compter du 15 janvier 2016, la cour d'appel a retenu que la requête aux fins de saisine de la commission de recours amiable du 23 janvier 2013 ne produisait pas les effets d'une mise en demeure en ce qu'elle ne comportait aucune demande en restitution des sommes payées par la MAIF et que la MAIF ne produisait aucune pièce permettant d'établir qu'elle avait sollicité le remboursement de l'indu avant le 15 janvier 2016 (arrêt p. 7 dernier §) ; qu'en statuant ainsi alors que la demande de remboursement des cotisations s'évinçait implicitement et nécessairement de la demande d'annulation du redressement formulée dès la saisine de la Commission de recours amiable le 23 janvier 2013, puis réitérée dans le cadre de la saisine du Tribunal des Affaires de Sécurité sociale du 18 avril 2013, ce qui valait sommation de payer ou interpellation suffisante de procéder au remboursement des rappels de contributions visés dans la mise en demeure du 24 décembre 2012, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6 du code civil. 2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 19-12.117, publié au Bulletin, (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 10 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1134 F-B Pourvoi n° C 21-12.759 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-12.759 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la société Hôpital [4] - [6], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en son établissement, la société Hôpital [4] - Clinique [5], [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Hôpital privé [4] - [5], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 janvier 2021), à la suite d'un contrôle de facturation réalisé au sein de la société Hôpital privé [4] - [5] (l'établissement de santé) pour les années 2011 et 2012, la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) a, par lettre recommandée du 11 août 2014, notifié à l'établissement de santé une pénalité financière. 2. L'établissement de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la procédure de pénalité financière, alors « qu'aux termes des articles L. 162-1-14 et R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable en l'espèce, la voie de recours ouverte à l'établissement de soins pour contester la pénalité qui lui était notifiée par la caisse était la saisine du tribunal ; qu'en l'espèce, en retenant qu'en invitant l'établissement de santé à saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale plutôt que la commission de recours amiable, dès la notification de la pénalité, la caisse n'aurait pas respecté les droits de l'établissement en le privant d'une voie de recours, la cour d'appel a violé les articles L. 162-1-14 et R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 162-1-14 et R. 147-2, III, du code de la sécurité sociale, le premier alors en vigueur et le second dans sa rédaction applicable au litige : 4. Aux termes du premier de ces textes, la pénalité est motivée et peut être contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. 5. Selon le second, la notification de payer précise la cause, la nature, le montant des sommes réclamées au titre de la pénalité ou de chacune des pénalités prononcées et mentionne l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées, ainsi que les voies et délais de recours. 6. Il en résulte que la contestation de la pénalité financière notifiée à un professionnel de santé est portée devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, sans qu'il y ait lieu de saisir, au préalable, la commission de recours amiable. 7. Pour annuler la pénalité financière, l'arrêt relève que l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale impose la saisine préalable de la commission de recours amiable pour contester toute décision d'un organisme de sécurité sociale. Il ajoute qu'en invitant l'établissement de santé à saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale plutôt que la commission de recours amiable, dès la notification de la pénalité, la caisse n'a pas respecté les droits de cet établissement en le privant d'une voie de recours. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la société Hôpital privé [4] - [5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hôpital privé [4] - [5] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var La caisse primaire d'assurance maladie du Var fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la procédure de pénalité financière de 789 594 euros objet de la notification à l'hôpital [4]-[5] en date du 11 août 2014 et de l'avoir condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; ALORS QU'aux termes des articles L.162-1-14 et R.147-2 III du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable en l'espèce, la voie de recours ouverte à l'établissement de soins pour contester la pénalité qui lui était notifiée par la caisse était la saisine du tribunal ; qu'en l'espèce, en retenant qu'en invitant l'établissement de santé à saisir directement le tribunal des affaires de sécurité sociale plutôt que la commission de recours amiable, dès la notification de la pénalité, la CPAM du Var n'aurait pas respecté les droits de l'établissement en le privant d'une voie de recours, la cour d'appel a violé les articles L.162-1-14 et R.147-2 III du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 10 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1120 F-B Pourvoi n° Y 21-14.664 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2022 L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-14.664 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [S], domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [S] et la société [4], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2021), la société [4] (la société) et M. [S], son ancien président, ont sollicité, sur le fondement de la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., 29 décembre 2012, n° 2012-662 DC), la restitution partielle par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais de la contribution visée à l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, versée en 2012. 2. Leurs demandes ayant été rejetées, ils ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) fait grief à l'arrêt de faire droit au recours de la société, alors « que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que lorsque la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée est appréciée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel peut prendre effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que le Conseil constitutionnel peut également déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition litigieuse a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; qu'à défaut de précision dans la décision du Conseil constitutionnel, la déclaration d'inconstitutionnalité est ainsi réputée prendre effet à compter de la publication de la décision, sans remise en cause des effets que la disposition litigieuse a produits ; qu'en l'espèce, par une décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, à l'occasion de l'examen de dispositions de la loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions, issues d'une précédente loi déjà promulguée, des cinquième et neuvième alinéas de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale et les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois » figurant aux quatrième et huitième alinéas de ce même article ; que dans cette décision, le Conseil constitutionnel n'a précisé ni date d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité, ni remise en cause des effets produits par les dispositions concernées ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité devait donc produire effet à compter de la date de publication de la décision, soit le 30 décembre 2012, de sorte que les contributions antérieurement versées au titre de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale ne devaient pas être remises en cause ; qu'en retenant néanmoins que la décision n° 2012-662 DC du Conseil constitutionnel devait être appliquée aux contributions versées au titre de l'année 2012 et que par conséquent l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) devait rembourser à la société la quote-part de la contribution prévue par l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale au taux de 21 %, qu'elle avait précomptée pour le compte de certains bénéficiaires de retraites à prestations définies au titre de l'année 2012, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution, ensemble l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies sont soumises à une contribution à la charge du bénéficiaire dont le taux est fixé, par les quatrième et huitième alinéas, à 14 % pour la part de ces rentes supérieure à 1 000 euros et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois et, par les cinquième et neuvième alinéas, à 21 % pour la part de ces rentes supérieure à 24 000 euros par mois. 5. Dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les cinquième et neuvième alinéas de l'article L. 137-11-1 et, aux quatrième et huitième alinéas, les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois. » 6. Rappelant que la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, le Conseil constitutionnel a dit que l'article 3 de la loi de finances pour 2013 qui lui était déférée, instaurant une nouvelle tranche marginale d'imposition sur les revenus de 45 %, affectait le domaine d'application des dispositions de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale. 7. Il a considéré, en effet, que le taux marginal maximal d'imposition pesant sur les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies était porté, par suite de la modification prévue par l'article 3 et après prise en compte de la déductibilité d'une fraction de la contribution sociale généralisée ainsi que d'une fraction de la contribution prévue par l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale de l'assiette de l'impôt sur le revenu, à 75,04 % pour les rentes perçues en 2012 et à 75,34 % pour les rentes perçues à compter de 2013, que ce nouveau niveau d'imposition faisait peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives et qu'il était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. 8. Il en a déduit que pour remédier à l'inconstitutionnalité tenant à la charge excessive au regard des facultés contributives de certains contribuables percevant des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies, les dispositions susvisées devaient être déclarées contraires à la Constitution. 9. À défaut de report dans le temps de ses effets, la déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet à compter de la publication de la décision (Cons. Const., 13 juin 2013, décision n° 2013-672 DC ; Cons. Const., 18 octobre 2013, décision n° 2013-349 QPC ; Cons. Const., 24 octobre 2012, décision n° 2012-656 DC). 10. Il en résulte que les dispositions censurées ne s'appliquent pas aux rentes perçues en 2012 et soumises au nouveau barème d'imposition prévu par l'article 3 de la loi de finances pour 2013. 11. Dès lors, c'est sans encourir le grief du moyen, que la cour d'appel a dit que la quote-part de la contribution précomptée, en application de ces dispositions, par la société sur les rentes versées en 2012, devait lui être restituée. 12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [4] et M. [S] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais L'URSSAF Nord Pas-de-Calais fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à restituer à la société [4] la quote-part de la contribution prévue par l'article L.137-11-1 du code de la sécurité sociale au taux de 21%, qu'elle a précomptée pour le compte de certains bénéficiaires de retraites à prestations définies au titre de l'année 2012, à savoir MM. [P], [S], [Z] et [W] et Mme [M], pour un montant de 182 594,51 €, assorti des intérêts moratoires au taux légal à compter du 17 janvier 2014. Alors que les décisions du Conseil Constitutionnel s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que lorsque la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée est appréciée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel peut prendre effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que le Conseil constitutionnel peut également déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition litigieuse a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; qu'à défaut de précision dans la décision du Conseil constitutionnel, la déclaration d'inconstitutionnalité est ainsi réputée prendre effet à compter de la publication de la décision, sans remise en cause des effets que la disposition litigieuse a produits ; qu'en l'espèce, par une décision n°2012-662 DC du 29 décembre 2012, à l'occasion de l'examen de dispositions de la loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions, issues d'une précédente loi déjà promulguée, des cinquième et neuvième alinéas de l'article L.137-11-1 du code de la sécurité sociale et les mots : « et inférieure ou égale à 24 000 euros par mois » figurant aux quatrième et huitième alinéas de ce même article ; que dans cette décision, le Conseil constitutionnel n'a précisé ni date d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité, ni remise en cause des effets produits par les dispositions concernées ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité devait donc produire effet à compter de la date de publication de la décision, soit le 30 décembre 2012, de sorte que les contributions antérieurement versées au titre de l'article L.137-11-1 du code de la sécurité sociale ne devaient pas être remises en cause ; qu'en retenant néanmoins que la décision n°2012-662 DC du Conseil constitutionnel devait être appliquée aux contributions versées au titre de l'année 2012 et que par conséquent l'URSSAF Nord Pas-de-Calais devait rembourser à la société [4] la quote-part de la contribution prévue par l'article L.137-11-1 du code de la sécurité sociale au taux de 21%, qu'elle avait précomptée pour le compte de certains bénéficiaires de retraites à prestations définies au titre de l'année 2012, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution, ensemble l'article L.137-11-1 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 décembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 886 FS-B Pourvoi n° Z 21-23.129 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022 La société Akwel, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-23.129 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B - expropriations), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société TSA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ au commissaire du gouvernement, représenté par le directeur régional des finances publiques du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Akwel, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société TSA, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 juillet 2021), par arrêté du 22 septembre 2015, le préfet de [Localité 6] a institué des servitudes d'utilité publique (SUP) sur un site anciennement exploité comme fonderie par la société Thomson-Brandt en raison d'une pollution aux hydrocarbures, métaux et solvants chlorés constatée dans les sols et au droit de ces sites. 2. Cette servitude s'applique aux parcelles cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], propriété de la société Akwel, qui y exploite une activité de transformation de matières plastiques relevant de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. 3. L'article 2 de l'arrêté édicte des restrictions d'usage des sols au droit du site et notamment l'interdiction des usages et aménagements de type « résidentiel » ou assimilés. 4. L'article 3 institue des servitudes relatives à l'usage de la nappe phréatique, aux conduites d'alimentation en eau potable, à l'encadrement des travaux d'excavation et d'affouillement et à l'intégrité des revêtements. 5. A la suite du refus de sa demande d'indemnisation, la société Akwel a saisi le juge de l'expropriation, sur le fondement de l'article L. 515-11 du code de l'environnement, pour obtenir la condamnation de la société TSA, dernier exploitant de la fonderie, à l'indemniser du préjudice résultant de l'institution des SUP, au titre de la perte de valeur vénale et du coût de la franchise locative. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, réunis Enoncé des moyens 6. Par son premier moyen, la société Akwel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité, alors : « 1°/ que lorsque l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution entraîne un préjudice direct, matériel et certain pour le propriétaire d'une installation classée pour la protection de l'environnement, elle ouvre droit à son indemnisation par l'exploitant à l'origine de ces risques ; qu'il suffit à cet égard, pour constater l'existence d'un préjudice lié à la dépréciation du terrain supportant l'installation, de constater que celui-ci a perdu, du fait de ces servitudes, l'un des usages qu'il était possible de lui affecter, sans qu'il importe de savoir si le propriétaire avait effectivement envisagé d'entreprendre des démarches afin de convertir son fonds à cet usage ; qu'en l'espèce, la société Akwel faisait valoir que l'instauration de servitudes d'utilité publique sur son terrain avait entraîné une perte de constructibilité, notamment dans la perspective d'une éventuelle conversion en usage d'habitation, et que cette perte d'usage possible était à l'origine d'une dépréciation de sa propriété ; qu'en opposant qu'il n'était pas démontré que la société Akwel avait envisagé de reconvertir ses terrains à un usage d'habitation, quand la perte de valeur de son terrain ne dépendait pas de la volonté de son propriétaire d'en modifier l'usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ; 2°/ que la société Akwel faisait en outre valoir que l'arrêté du 22 septembre 2015 instituant des servitudes destinées à prévenir les risques de pollution sur son terrain avait révélé l'existence de ces risques aux yeux d'éventuels acquéreurs ou locataires, et que cette circonstance était également de nature à minorer la valeur de son terrain ; qu'en opposant que la société Akwel ne pouvait sérieusement soutenir que la servitude nouvelle serait à l'origine de la mauvaise perception de son bien en termes de risque pour la santé et de la sécurité des personnes, pour cette raison qu'elle exploitait elle-même des installations classées pour la protection de l'environnement depuis 1997, sans rechercher si l'institution de ces servitudes nouvelles n'avait pas à tout le moins aggravé cette perception par rapport à un terrain qui n'était auparavant assujetti à aucune de ces servitudes d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. » 7. Par son second moyen, la société Akwel fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que les juges saisis d'une demande d'indemnité en raison de l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution doivent se placer, pour déterminer l'usage possible du bien, à la date de référence fixée à un an avant l'ouverture de l'enquête publique ou, à défaut, à un an avant la consultation des propriétaires ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes constaté que le respect de cette règle impliquait d'examiner l'usage possible du bien à la date du 14 janvier 2014, soit un an avant la date de consultation des propriétaires ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'existence d'un préjudice, que l'expert relevait dans son rapport du 18 septembre 2018 que, dans son état existant à cette date, le site ne recélait pratiquement plus aucune réserve de constructibilité, et en se référant encore à une réponse de la commune du 26 juin 2018 qui informait sur le statut du terrain au regard des documents d'urbanisme existant à cette date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement ; 2°/ que, en se déterminant sur la base d'éléments relatifs à la situation existante du bien au cours de l'année 2018, après avoir pourtant constaté qu'il convenait de se placer à la date du 14 janvier 2014 pour déterminer l'usage de ce bien, la cour d'appel a privé a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'application combinée des articles L. 515-12 et L. 515-11 du code de l'environnement que, pour protéger les intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 515-8 de ce code peuvent être instaurées sur des terrains pollués par l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement. 9. Lorsque l'institution des servitudes prévues entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. 10. Pour l'estimation du préjudice, seul est pris en considération l'usage possible des immeubles et droits immobiliers un an avant la date d'ouverture de l'enquête publique, ou, lorsqu'il n'est pas procédé à une telle enquête, avant la date de consultation des propriétaires. 11. En premier lieu, le moyen qui reproche à la cour d'appel de s'être déterminée sur la base d'éléments relatifs à la situation du bien au cours de l'année 2018 est incompatible avec la position soutenue par la société Akwel devant les juges du fond, celle-ci ayant repris les caractéristiques du site décrites dans le rapport d'expertise du 18 septembre 2018, en précisant que depuis son acquisition en 1997 aucune modification des bâtiments ni travaux n'avaient eu lieu. 12. En deuxième lieu, la cour d'appel a relevé qu'une partie du tènement était en zone naturelle non constructible et, au vu d'une réponse de la commune en date du 26 juin 2018 sur l'application du plan local d'urbanisme révisé le 23 septembre 2011, que pour le reste, situé en zone périphérique pavillonnaire du plan d'urbanisme, toute réaffectation du site à usage d'habitation ou résidentiel était subordonnée au préalable à la démolition des installations et à la dépollution du site industriel. 13. Ayant exactement retenu que la date de référence à prendre en compte pour l'application des dispositions combinées des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement était celle du 14 janvier 2014, la cour d'appel a relevé que la société Akwel ne justifiait pas, en l'état de la situation du bien et de ses caractéristiques à cette date, d'un usage possible d'habitation ou résidentiel. 14. En troisième lieu, la cour d'appel a relevé que l'arrêté du 22 septembre 2015 prévoyait que les activités de type industriel, commercial ou tertiaire étaient autorisées, que la réalisation de fondations n'était pas proscrite et retenu que, dans son état existant, le site ne recélait plus aucune réserve de constructibilité, compte tenu du bâti existant, de la nécessité de maintenir des voies de circulation et aires de livraison, le tout indispensable à l'activité exercée et plus généralement à toute activité avec manutention de marchandises. 15. Dès lors qu'il résultait de ses constatations que l'activité industrielle pouvait être poursuivie sur le site et que sa réaffectation à un usage d'habitation n'était pas possible à la date de référence, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise sur l'incidence des SUP sur la perception du bien, a pu retenir qu'aucune indemnité n'était due à la société Akwel pour perte de valeur vénale du bien du fait des restrictions d'usage des sols au droit du site définies à l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015. 16. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 17. La société Akwel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité, alors « que la société Akwel ajoutait que, en toute hypothèse, les contraintes résultant de l'instauration de servitudes d'utilité publique en raison de l'exploitation sur son terrain d'une installation classée pour la protection de l'environnement avait entraîné une perte de jouissance liée notamment à l'obligation de garantir un droit d'accès pour l'inspection des piézomètres, à l'interdiction d'utiliser l'eau de la nappe phréatique, ou encore à l'obligation d'isoler les terrains contaminés de futures conduites d'eau potable : qu'en opposant sur ce point que la société Akwel ne rapportait pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre ou de louer son terrain, quand la perte de jouissance du propriétaire et la perte de valeur qui en résulte pour son terrain ne dépendent pas de la volonté de le vendre ou de le louer, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 515-11, alinéa 1er, du code de l'environnement : 18. Selon ce texte, lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L. 515-8 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. 19. Pour rejeter la demande d'indemnisation d'une perte de valeur vénale ou d'une franchise locative à consentir du fait des contraintes d'exploitation du site liées aux servitudes instituées à l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015, l'arrêt retient que la société Akwel ne rapporte pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre son tènement à usage industriel ou de le louer. 20. En statuant ainsi, par un motif inopérant pour exclure tout préjudice du propriétaire à ce titre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité de la société Akwel au titre des contraintes liées aux servitudes instituées à l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015, l'arrêt rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Akwel PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué par la société AKWEL encourt la censure ; EN CE QU' il a débouté la société AKWEL de sa demande d'indemnité ; ALORS QUE, premièrement, lorsque l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution entraîne un préjudice direct, matériel et certain pour le propriétaire d'une installation classée pour la protection de l'environnement, elle ouvre droit à son indemnisation par l'exploitant à l'origine de ces risques ; qu'il suffit à cet égard, pour constater l'existence d'un préjudice lié à la dépréciation du terrain supportant l'installation, de constater que celui-ci a perdu, du fait de ces servitudes, l'un des usages qu'il était possible de lui affecter, sans qu'il importe de savoir si le propriétaire avait effectivement envisagé d'entreprendre des démarches afin de convertir son fonds à cet usage ; qu'en l'espèce, la société AKWEL faisait valoir que l'instauration de servitudes d'utilité publique sur son terrain avait entraîné une perte de constructibilité, notamment dans la perspective d'une éventuelle conversion en usage d'habitation, et que cette perte d'usage possible était à l'origine d'une dépréciation de sa propriété ; qu'en opposant qu'il n'était pas démontré que la société AKWEL avait envisagé de reconvertir ses terrains à un usage d'habitation, quand la perte de valeur de son terrain ne dépendait pas de la volonté de son propriétaire d'en modifier l'usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ; ALORS QUE, deuxièmement, la société AKWEL faisait en outre valoir que l'arrêté du 22 septembre 2015 instituant des servitudes destinées à prévenir les risques de pollution sur son terrain avait révélé l'existence de ces risques aux yeux d'éventuels acquéreurs ou locataires, et que cette circonstance était également de nature à minorer la valeur de son terrain ; qu'en opposant que la société AKWEL ne pouvait sérieusement soutenir que la servitude nouvelle serait à l'origine de la mauvaise perception de son bien en termes de risque pour la santé et de la sécurité des personnes, pour cette raison qu'elle exploitait elle-même des installations classées pour la protection de l'environnement depuis 1997, sans rechercher si l'institution de ces servitudes nouvelles n'avait pas à tout le moins aggravé cette perception par rapport à un terrain qui n'était auparavant assujetti à aucune de ces servitudes d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ; ET ALORS QUE, troisièmement, la société AKWEL ajoutait que, en toute hypothèse, les contraintes résultant de l'instauration de servitudes d'utilité publique en raison de l'exploitation sur son terrain d'une installation classée pour la protection de l'environnement avait entraîné une perte de jouissance, liée notamment à l'obligation de garantir un droit d'accès pour l'inspection des piézomètres, à l'interdiction d'utiliser l'eau de la nappe phréatique, ou encore à l'obligation d'isoler des terrains contaminés de futures conduites d'eau potable ; qu'en opposant sur ce point que la société AKWEL ne rapportait pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre ou de louer son terrain, quand la perte de jouissance du propriétaire, et la perte de valeur qui en résulte pour son terrain, ne dépendent pas de la volonté de le vendre ou de le louer, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué par la société AKWEL encourt la censure ; EN CE QU' il a débouté la société AKWEL de sa demande d'indemnité ; ALORS QUE, premièrement, les juges saisis d'une demande d'indemnité en raison de l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution doivent se placer, pour déterminer l'usage possible du bien, à la date de référence fixée à un an avant l'ouverture de l'enquête publique ou, à défaut, à un an avant la consultation des propriétaires ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes constaté que le respect de cette règle impliquait d'examiner l'usage possible du bien à la date du 14 janvier 2014, soit un an avant la date de consultation des propriétaires ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'existence d'un préjudice, que l'expert relevait dans son rapport du 18 septembre 2018 que, dans son état existant à cette date, le site ne recélait pratiquement plus aucune réserve de constructibilité, et en se référant encore à une réponse de la commune du 26 juin 2018 qui informait sur le statut du terrain au regard des documents d'urbanisme existant à cette date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement ; ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en se déterminant sur la base d'éléments relatifs à la situation existante du bien au cours de l'année 2018, après avoir pourtant constaté qu'il convenait de se placer à la date du 14 janvier 2014 pour déterminer l'usage de ce bien, la cour d'appel a privé a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1299 F-B Pourvoi n° S 21-16.682 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 1°/ la société Saint-Gobain Isover, société anonyme, dont le siège est [Adresse 15], 2°/ la société Saint-Gobain Pam, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ la société Saint-Gobain Seva, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], 4°/ la société Everite, société anonyme, dont le siège est [Adresse 15], ont formé le pourvoi n° S 21-16.682 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société XL Insurance Compagny SE, société de droit irlandais, dont le siège est [Adresse 10], venant aux droits de la société AXA Corporate Solutions assurances, 2°/ à la société Chubb European Group SE, société européenne, dont le siège est [Adresse 14], venant aux droits de la société Fédération européenne, 3°/ à la société HDI Global SE, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 12], anciennement dénommée HDI Gerling Industrie Versicherung AG, 4°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise tant en son nom propre que venant aux droits des sociétés AGF la lilloise, venant elle-même aux droit de la société La lilloise assurance, AGF assurances Iard, venant elle-même aux droits des sociétés Rhin et Moselle et RFA, la société Camat, la société Elmia venant elle-même aux droits de la société Helvetia et la société Gan eurocourtage, venant aux droits de la société Aviva assurances venant elle-même aux droits de la société Abeille paix, 5°/ à la société Gan Eurocourtage - Groupama Gan vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13], 6°/ à la société Mutuelle centrale de réassurance, dont le siège est [Adresse 7], société d'Assurance Mutuelle, venant aux droits de la société Caisse industrielle d'assurance mutuelle, 7°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, société de droit Irlandais, dont le siège est [Adresse 2], 8°/ à la société Aviva assurance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 9°/ à la société Swisslife assurances de biens, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11], nouvelle dénomination de la société Suisse assurances et de la société Baloise assurance, 10°/ à la société Generali assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], 11°/ à la société XL Catlin Services SE, société de droit irlandais, dont le siège est [Adresse 10], 12°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 13°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux ayant leur siège est [Adresse 4], 14°/ à la société groupement de Gestion et d'assurances, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat des sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Pam, Saint-Gobain Seva et Everite, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Chubb European Groupe SE, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société XL Insurance Compagny SE et de la société XL Catlin Services SE et du groupement de Gestion et d'assurances, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société HDI Global SE, de la SARL Ortscheidt, avocat des sociétés Allianz IARD et Gan Eurocourtage - Groupama Gan vie, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali assurances IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mars 2021), les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint-Gobain Pam et Everite (les sociétés Saint-Gobain et Everite) assurées en responsabilité civile auprès de la société UAP jusqu'au 1er juillet 1982, ont assigné leur assureur, la société Axa Corporate Solutions Assurances (Axa), venant aux droits de la société UAP, et ses coassureurs, aux fins d'obtenir leur garantie pour le paiement des indemnités réclamées ou mises à leur charge en réparation du préjudice d'anxiété subi par certains de leurs salariés exposés à l'amiante. 2. Ces assureurs ont refusé leur garantie en faisant valoir que les préjudices d'anxiété au titre desquels les sociétés Saint Gobain et Everite avaient été condamnées ou assignées étaient nés après la résiliation des contrats. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Les sociétés Saint-Gobain et Everite font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant 1) à voir dire et juger qu'Axa, ainsi que ses coassureurs, compte tenu de leur quote-part dans la coassurance, sont tenus à les garantir de l'ensemble des conséquences financières qu'elles supportent et supporteront dans l'ensemble des instances prud'homales qui sont listées en annexes 1, 2, 3 et 4 de leurs conclusions, 2) à les voir les condamnées à titre provisionnel à leur payer certaines sommes, ces somme étant augmentée des intérêts légaux décomptés du jour de la délivrance des assignations de première instance des 16 janvier 2013, 3 septembre 2013, 23 et 25 juillet 2014, outre leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, 3) à voir dire et juger qu'elles pourront compléter ultérieurement leurs demandes à l'encontre d'Axa et de ses coassureurs et voir ceux-ci condamnés à leur verser des sommes complémentaires eu égard à l'évolution des dossiers garantis, 4) à voir dire et juger à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que l'exclusion relative aux atteintes à l'environnement devait s'appliquer, qu'Axa, ainsi que ses coassureurs, compte tenu de leur quote-part dans la coassurance, seront tenus à les garantir de l'ensemble des conséquences financières qu'elles supportent et supporteront dans l'ensemble des instances prud'homales qui sont listées en annexes 6, 7, 8 et 9 de leurs conclusions, 5) à les voir condamnés à titre provisionnel à payer à la société Saint-Gobain Seva certaines sommes augmentées des intérêts légaux décomptés du jour de la délivrance de l'assignation de première instance, outre leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, 6) à voir dire et juger que les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint-Gobain Pam et Everite pourront compléter ultérieurement leurs demandes à l'encontre d'Axa et de ses coassureurs et voir ceux-ci condamnés à leur verser des sommes complémentaires eu égard à l'évolution des dossiers garantis, 7) à voir dire et juger qu'Axa, ainsi que ses coassureurs, compte tenu de leur quote-part dans la coassurance, seront tenus à leur rembourser les frais et honoraires qu'elles ont respectivement engagés pour leur défense sur les actions prud'homales initiées contre elles, 8) à les voir condamnées à titre provisionnel à leur payer certaines sommes, avec intérêts légaux décomptés du jour de la délivrance de l'assignation de première instance, et leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, 9) à voir dire et juger que les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint-Gobain Pam et Everite pourront compléter ultérieurement leurs demandes à l'encontre d'Axa et de ses coassureurs et voir ceux-ci condamnés à lui verser des sommes complémentaires eu égard à l'évolution des dossiers garantis, alors « que la cause génératrice du préjudice d'anxiété est l'exposition à l'amiante ; qu'en jugeant les sinistres non couverts par le contrat d'assurance de responsabilité civile des employeurs comme étant apparus après sa résiliation, aux motifs inopérants que dans les rapports entre les employeurs et les salariés, le fait générateur du préjudice d'anxiété est la conscience par le salarié du risque de développer une pathologie grave résultant de l'exposition à l'amiante, irréfragablement présumée en cas d'inscription du site au titre de ceux dont les travailleurs sont éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, la cour d'appel, qui a confondu cause génératrice du dommage et apparition du sinistre, a violé les articles L 124-1 et L 124-1-1 du code des assurances, ensemble l'article 1134 devenu 1103 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 124-1 et L. 124-1-1 du code des assurances : 4. Selon le premier de ces textes, dans les assurances de responsabilité, l'assureur n'est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par le tiers lésé. 5. Le second précise que constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique. 6. Pour débouter les sociétés Saint-Gobain et Everite de leurs demandes, l'arrêt, après avoir rappelé qu'il convenait de rechercher si le fait dommageable, défini comme l'événement qui est la cause génératrice du dommage, s'est produit pendant la période de garantie, retient que le fait générateur du préjudice d'anxiété est constitué, pour le salarié ayant travaillé dans un établissement ayant fait l'objet d'une inscription sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, par ce classement et, pour le salarié ayant travaillé dans un établissement non listé, à la date à laquelle il est établi qu'il a eu conscience de son exposition. 7. Il en déduit que les faits dommageables pour lesquels la garantie est sollicitée ne sont pas survenus avant l'expiration de la résiliation du contrat. 8. En statuant ainsi, alors que le fait dommageable, dans les rapports entre l'assuré garanti au titre de la faute inexcusable et son assureur, est constitué par l'exposition à l'amiante, et non par la connaissance par le salarié de cette exposition ou l'inscription de l'entreprise sur la liste des établissements relevant de l'ACAATA, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Mise hors de cause 9. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il convient de mettre hors de cause la société Groupement de gestion et d'assurances dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société XL Catlin services et la société Aviva assurances, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Met hors de cause la société Groupement de gestion et d'assurances ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Condamne la société HDI Global SE, la société Chubb European Group SE, la société Generali assurances IARD, la société Allianz Iard tant en son nom propre que venant aux droits des sociétés AGF La Lilloise, AGF assurances Iard, Camat, Elvia et Gan eurocourtage, la société Gan eurocourtage - Groupama gan vie, la société MMA IARD, la société MMA IARD assurances mutuelles, la société XL Insurance Company SE, la société XL Caitlin Services SE, la société Mutuelle centrale de réassurance, la société Zurich Insurance Public Limited Company, la société Aviva assurances, et la société Swisslife assurances de biens aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint-Gobain Pam et Everite à l'encontre de la société Groupement de gestion et d'assurances, par la société HDI Global SE, par la société Chubb European Group SE, par la société Generali assurances IARD, par la société Allianz IARD tant en son nom propre que venant aux droits des sociétés AGF La Lilloise, AGF assurances IARD, Camat, Elvia et Gan eurocourtage, par la société Gan eurocourtage - Groupama gan vie, par les sociétés MMA IARD et MMA Iard assurances mutuelles, par la société XL Insurance Company SE et par la société XL Caitlin Services SE, et les condamne in solidum avec la société Mutuelle centrale de réassurance, la société Zurich Insurance Public Limited Company, la société Aviva assurances, et la société Swisslife assurances de biens à payer aux sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint-Gobain Pam et Everite la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour Les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint- Gobain Pam et Everite font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutées de leurs demandes tendant 1) à voir dire et juger qu'Axa, ainsi que ses coassureurs, compte tenu de leur quote-part dans la coassurance, sont tenus à les garantir de l'ensemble des conséquences financières qu'elles supportent et supporteront dans l'ensemble des instances prud'homales qui sont listées en annexes 1, 2, 3 et 4 de leurs conclusions, 2) à les voir les condamnées à titre provisionnel à payer à la société Saint-Gobain Seva la somme de 2 365 850 €, à la société Saint-Gobain Isover la somme de 3 108 100 €, à la société Saint-Gobain Pam la somme de 94 200 € et à la société Everite la somme de 660 650 €, ces somme étant augmentée des intérêts légaux décomptés du jour de la délivrance des assignations de première instance des 16 janvier 2013, 3 septembre 2013, 23 et 25 juillet 2014, outre leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, 3) à voir dire et juger que les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint- Gobain Seva, Saint-Gobain Pam et Everite pourront compléter ultérieurement leurs demandes à l'encontre d'AXA et de ses coassureurs et voir ceux-ci condamnés à leur verser des sommes complémentaires eu égard à l'évolution des dossiers garantis, 4) à voir dire et juger à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que l'exclusion relative aux atteintes à l'environnement devait s'appliquer, qu'Axa, ainsi que ses coassureurs, compte tenu de leur quote-part dans la coassurance, seront tenus à les garantir de l'ensemble des conséquences financières qu'elles supportent et supporteront dans l'ensemble des instances prud'homales qui sont listées en annexes 6, 7, 8 et 9 de leurs conclusions, 5) à les voir condamnés à titre provisionnel à payer à la société Saint-Gobain Seva la somme de 2 078 950 €, à la société Saint-Gobain Isover la somme de 2 943 900 €, à la société Saint-Gobain Pam la somme de 94 200 € et à la société Everite la somme de 568 970 €, ces sommes augmentées des intérêts légaux décomptés du jour de la délivrance de l'assignation de première instance, outre leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, 6) à voir dire et juger que les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint- Gobain Pam et Everite pourront compléter ultérieurement leurs demandes à l'encontre d'Axa et de ses coassureurs et voir ceux-ci condamnés à leur verser des sommes complémentaires eu égard à l'évolution des dossiers garantis, 7) à voir dire et juger qu'Axa, ainsi que ses coassureurs, compte tenu de leur quote- part dans la coassurance, seront tenus à leur rembourser les frais et honoraires qu'elles ont respectivement engagés pour leur défense sur les actions prud'homales initiées contre elles, 8) à les voir condamnées à titre provisionnel à payer à la société Saint-Gobain Isover la somme de 534 821,13 €, à la société Everite la somme de 188 178,91 €, à la société Saint-Gobain Seva la somme de 169 372,24 € et à la société Saint-Gobain Pam la somme de 90 376,27 €, avec intérêts légaux décomptés du jour de la délivrance de l'assignation de première instance, et leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, 9) à voir dire et juger que les sociétés Saint-Gobain Isover, Saint-Gobain Seva, Saint-Gobain Pam et Everite pourront compléter ultérieurement leurs demandes à l'encontre d'Axa et de ses coassureurs et voir ceux-ci condamnés à lui verser des sommes complémentaires eu égard à l'évolution des dossiers garantis ; ALORS QUE la cause génératrice du préjudice d'anxiété est l'exposition à l'amiante ; qu'en jugeant les sinistres non couverts par le contrat d'assurance de responsabilité civile des employeurs comme étant apparus après sa résiliation, aux motifs inopérants que dans les rapports entre les employeurs et les salariés, le fait générateur du préjudice d'anxiété est la conscience par le salarié du risque de développer une pathologie grave résultant de l'exposition à l'amiante, irréfragablement présumée en cas d'inscription du site au titre de ceux dont les travailleurs sont éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, la cour d'appel, qui a confondu cause génératrice du dommage et apparition du sinistre, a violé les articles L 124-1 et L 124-1-1 du code des assurances, ensemble l'article 1134 devenu 1103 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1305 F-B Pourvoi n° P 20-22.356 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-22.356 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant à la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France IARD, de Me Haas, avocat de la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 30 septembre 2020) et les productions, par jugement du 5 juin 2014, confirmé par un arrêt du 7 décembre 2015 d'une cour administrative d'appel, un tribunal administratif a condamné la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud (la chambre de commerce et d'industrie) à payer diverses sommes à la société Alabama média en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché conclu pour la rénovation du palais des congrès d'Ajaccio, dont cette société était titulaire du lot n° 5 « audiovisuel », et condamné la société Scaenicom, attributaire du marché, à garantir la chambre de commerce et d'industrie pour moitié de ces condamnations. 2. Le 5 août 2014, la chambre de commerce et d'industrie a assigné la société Axa France IARD, assureur de la société Scaenicom (l'assureur), devant un tribunal de grande instance, aux fins de garantie des condamnations prononcées contre elle par la juridiction administrative. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 3. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que sa garantie, au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom le 28 mai 2010, était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie et, par conséquent, de le condamner à payer à celle-ci la somme de 140 506,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, alors : « 1°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; que la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie, laquelle n'a pas à être formulée selon le formalisme édicté aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour les clauses d'exclusion ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition ; qu'en affirmant que les déclarations de l'assuré selon lesquelles il « réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande ; fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) » ne constituent pas des conditions de garantie et qu'il ne ressort d'aucune des dispositions contractuelles produites que ces déclarations doivent s'analyser comme telles, quand ces déclarations prévoyaient l'accomplissement de certaines mesures générales et précises par l'assuré et constituaient donc une condition de la garantie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci n'est pas subordonnée à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ''l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité'' était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ''sous peine de non garantie'' » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences - précises et générales - imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 : 4. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 5. Pour dire que la garantie de l'assureur était acquise au profit de la chambre de commerce et d'industrie au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom, l'arrêt retient que les déclarations de cette société visées en page 2 des conditions particulières du contrat, selon lesquelles l'assuré « - Réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le Client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande » et « - Fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le Client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) », ne constituaient pas des conditions de la garantie, dès lors qu'une autre déclaration était assortie de la mention expresse « sous peine de non garantie », et qu'il ne ressortait d'aucune des stipulations contractuelles produites que les déclarations en cause devaient s'analyser comme des conditions de la garantie. 6. En statuant ainsi, alors que les clauses litigieuses formulaient des exigences générales et précises à la charge de l'assurée, auxquelles la garantie de l'assureur était subordonnée, de sorte qu'elles constituaient des conditions de la garantie, peu important que, à la différence d'une autre clause, la sanction de leur non-respect ne fasse pas l'objet d'une mention expresse, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société Axa France IARD recevable en son appel, l'arrêt rendu le 30 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la chambre de commerce et d'industrie territoriale d'Ajaccio et de Corse du Sud et la condamne à payer à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA France IARD FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que sa garantie, au titre du contrat d'assurance souscrit par la société Scaenicom le 28 mai 2010, était acquise au profit de la CCITACS et en ce qu'elle avait été par conséquent condamnée à payer à la CCITACS la somme de 140 506,66 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; 1°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; que la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie, laquelle n'a pas à être formulée selon le formalisme édicté aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour les clauses d'exclusion ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition ; qu'en affirmant que les déclarations de l'assuré selon lesquelles il « réalise ses prestations sur la base d'un cahier des charges ou de plans remis par le client définissant les conditions de celles-ci, et dont il s'oblige à communiquer copie à l'assureur Axa sur sa simple demande ; fait procéder dans le cadre de ses interventions et prestations aux contrôles, à l'approbation et à la validation par le client (voire un organisme certificateur et/ou vérificateur) » ne constituent pas des conditions de garantie et qu'il ne ressort d'aucune des dispositions contractuelles produites que ces déclarations doivent s'analyser comme telles, quand ces déclarations prévoyaient l'accomplissement de certaines mesures générales et précises par l'assuré et constituaient donc une condition de la garantie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci n'est pas subordonnée à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ‘‘l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité'' était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ‘‘sous peine de non garantie'' » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences – précises et générales – imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances ; 3°) ALORS QUE la clause qui formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée constitue une condition de garantie ; qu'ainsi la clause qui prévoit l'accomplissement de certaines prescriptions, celle qui a pour objet d'inciter l'assuré à une prudence et à une vigilance accrues en exigeant notamment un certain comportement de sa part, s'analyse en une condition de la garantie ; que la garantie d'assurance est subordonnée à la réalisation de la condition et que la défaillance de celle-ci entraîne l'inapplication automatique de la garantie, de sorte que la qualification de la clause en condition et la validité de celle-ci ne sont pas subordonnées à l'exigence formelle de la mention dans le contrat d'assurance de l'effet de son non-respect ; que pour juger que la clause litigieuse ne constituait pas une condition, la cour a relevé que « seule la déclaration suivante ‘‘l'assuré prend toutes les dispositions nécessaires au respect de la réglementation en vigueur en matière de sécurité'' était assortie d'une non-garantie (sous la forme d'une mention expresse ‘‘sous peine de non garantie'' » ; qu'en statuant ainsi, quand ce sont les exigences – précises et générales – imposées au souscripteur et auxquelles est subordonnée le jeu de la garantie qui sont déterminantes de la qualification de la clause en condition et non la mention du non-respect de cette clause, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant pour écarter la qualification de la clause litigieuse en condition, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances ; 4°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge, qui n'est pas tenu par la qualification de la clause retenue par les parties, doit lui redonner son exacte qualification ; qu'en affirmant que la garantie était acquise au profit de la CCITACS au motif qu'il ne s'agissait pas d'une condition de la garantie mais sans qualifier celle-ci pour déterminer le régime qui lui était applicable, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QU'en affirmant que la garantie était acquise au profit de la CCITACS au motif qu'il ne s'agissait pas d'une condition de la garantie mais sans qualifier celle-ci pour déterminer le régime qui lui était applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1134 du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances.
CASS/JURITEXT000046760806.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1284 FS-B Pourvoi n° A 21-11.423 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 La société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-11.423 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [H] [R], domicilié [Adresse 3], 2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [R], de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 décembre 2020) et les productions, M. [K], alors qu'il circulait à scooter, a heurté un véhicule assuré par la société MMA IARD (la société MMA), puis, éjecté, a atterri sur le capot d'un deuxième véhicule, assuré par la société Suravenir. 2. Le scooter de M. [K], ayant poursuivi sa course, a percuté un troisième véhicule en stationnement, appartenant à M. [R], assuré par la société Axa France IARD (la société Axa). 3. La société MMA, après avoir payé diverses sommes à M. [K] en indemnisation de son préjudice corporel, a formé un recours en contribution à l'encontre des conducteurs ou gardiens des autres véhicules, ainsi que de leurs assureurs. 4. Elle a assigné en paiement la société Axa qui, objectant que le véhicule qu'elle assurait n'était pas impliqué dans l'accident, a refusé de contribuer à l'indemnisation du dommage. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. La société MMA fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes dirigées contre la société Axa et M. [R], alors « qu'est nécessairement impliqué dans l'accident, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule terrestre à moteur qui a été heurté, qu'il soit à l'arrêt ou en mouvement ; qu'en jugeant que le véhicule de M. [R], assuré par la société Axa, n'était pas impliqué dans l'accident dont M. [K] a été victime, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ce véhicule avait été heurté par le scooter de la victime, ce dont il résultait son implication dans l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. » Réponse de la Cour Vu l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 : 6. Au sens de ce texte, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation. 7. Dans un accident complexe, la victime est en droit de demander l'indemnisation de son préjudice à l'assureur de l'un quelconque des véhicules impliqués, même si elle n'a pas été en contact avec celui-ci. 8. Pour débouter la société MMA de ses demandes, après avoir relevé que le véhicule de M. [R] était régulièrement stationné à une vingtaine de mètres des points de choc ayant occasionné des blessures à M. [K], qu'il n'était pas entré en contact avec la victime et n'avait causé aucun dégât matériel, l'arrêt en déduit que ce véhicule n'est pas intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de l'accident et qu'il n'a joué aucun rôle dans sa réalisation. 9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le scooter de M. [K] avait achevé sa course contre le véhicule de M. [R] et qu'il résultait de ses constatations que les collisions successives étaient intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, de sorte qu'elles constituaient un accident complexe, dans lequel ce véhicule était impliqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ; Condamne la société Axa France IARD et M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France IARD et la condamne, ainsi que M. [R], à payer à la société MMA IARD la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société MMA IARD La société MMA IARD fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement qui l'avait déboutée de ses demandes dirigées contre la société Axa France IARD et M. [R] ; ALORS QU'est nécessairement impliqué dans l'accident, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule terrestre à moteur qui a été heurté, qu'il soit à l'arrêt ou en mouvement ; qu'en jugeant que le véhicule de M. [R], assuré par la société Axa France IARD, n'était pas impliqué dans l'accident dont M. [K] a été victime, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ce véhicule avait été heurté par le scooter de la victime, ce dont résultait son implication dans l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1295 F-B Pourvoi n° E 21-10.783 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 M. [I] [F], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° E 21-10.783 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société QBE, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ à M. [D] [V], domicilié [Adresse 3], 3°/ à la société Brousse service express, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 4°/ à la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (Cafat), dont le siège est [Adresse 4], 5°/ à la Direction provinciale de l'action sanitaire et sociale Sud, dont le siège est [Adresse 1], 6°/ à Mme [W] [P], domiciliée [Adresse 6], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [F], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société QBE, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 23 novembre 2020), le 12 mars 2016, à La Tamca, M. [F] a été victime, alors qu'il était passager transporté, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur conduit par M. [V] et assuré auprès de la société QBE (l'assureur). 2. M. [F] a assigné l'assureur pour obtenir, notamment, l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, des frais d'appareillages futurs, de logement adapté et de véhicule adapté. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. [V], sous la garantie de la société QBE, à lui régler la somme de 8 000 000 francs CFP à titre d'indemnisation de l'incidence professionnelle, alors « que, s'agissant d'une victime tétraplégique ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en rejetant la demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle au motif inopérant que la victime perçoit une pension d'invalidité de la Cafat, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. » Réponse de la Cour Vu les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 5. Il résulte de ces deux textes que le juge, après avoir fixé l'étendue du préjudice résultant des atteintes à la personne et évalué celui-ci indépendamment des prestations indemnitaires qui sont versées à la victime, ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur, doit procéder à l'imputation de ces prestations, poste par poste. 6. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, après avoir énoncé qu'il est constant que l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère d'une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt constate que M. [F] perçoit une pension invalidité de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (Cafat) et en déduit qu'aucune somme ne lui est due à ce titre. 7. En statuant ainsi, sans fixer le préjudice indemnisable de M. [F] au titre de l'incidence professionnelle avant d'imputer sur ce poste, s'il y a lieu, le montant de la rente invalidité perçue de la Cafat, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 8. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réserve sur les frais de santé futurs, alors «que le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; que M. [F] ayant demandé à la cour d'appel de réserver au titre du poste de préjudice « frais de santé futurs », les frais d'appareillages futurs, ainsi que d'aménagement de la voiture et du logement de la victime, en disant que ce poste « n'est pas contesté », la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les conclusions des parties au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile : 9. Il résulte de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé. 10. Pour confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait fixé à 5 365 121 francs CFP les dépenses de santé futures et à zéro l'indemnité complémentaire due à ce titre à M. [F], après avoir, par motifs adoptés, retenu que ce poste est totalement pris en charge par la Cafat et des dépendances et que, en l'absence de toute évaluation financière produite par M. [F], il ne lui revient aucune indemnité complémentaire, l'arrêt constate que ce poste de préjudice n'est pas contesté. 11. En statuant ainsi, alors que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [F] avait sollicité que soient réservés le poste de préjudice des frais de santé futurs incluant les frais d'appareillage ainsi que les postes d'aménagement du domicile et du véhicule, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions d'appel, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il déboute M. [F] de sa demande présentée au titre de l'incidence professionnelle, d'autre part, il condamne in solidum M. [V] et la société QBE à payer à M. [F] la somme de 68 787 759 francs CFP en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ; Condamne la société QBE aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société QBE et la demande formée par M. [F] contre M. [V], la société Brousse service express, la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie et la Direction provinciale de l'action sanitaire et sociale Sud et condamne la société QBE à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [F] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué de lui avoir alloué une somme limitée à 9 417 808 francs CFP à titre de réparation des pertes de gains professionnels futurs quand il demandait 85 806 821 francs CFP ; ALORS QUE, s'agissant d'une victime, ouvrier du bâtiment employé à durée déterminée au jour de l'accident ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en limitant la demande d'indemnisation des gains professionnels « pour tenir compte du caractère aléatoire de son activité, car il ne justifie pas qu'il aurait travaillé en permanence à temps plein jusqu'à sa retraite » (arrêt, p. 8, 1er §), cependant que ce type de contrat est habituel dans ce secteur professionnel et ne préjuge pas d'une carrière incomplète, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de condamnation de M. [V], sous la garantie de la compagnie d'assurance QBE, à lui régler la somme de 8 000 000 francs CFP à titre d'indemnisation de l'incidence professionnelle ; ALORS QUE, s'agissant d'une victime tétraplégique ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en rejetant la demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle au motif inopérant que la victime perçoit une pension d'invalidité de la Cafat, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de réserve sur les frais de santé futurs ; ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; que M. [F] ayant demandé à la cour d'appel de réserver au titre du poste de préjudice « frais de santé futurs », les frais d'appareillages futurs, ainsi que d'aménagement de la voiture et du logement de la victime, en disant que ce poste « n'est pas contesté » (arrêt, p. 7 – Dépenses de santé futures, 2e §), la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les conclusions des parties au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 / EXPTS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1286 F-B Recours n° Z 22-60.140 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 M. [K] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° Z 22-60.140 en annulation d'une décision rendue le 13 juin 2022 par la commission restreinte de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Poitiers. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. M. [C] a sollicité son inscription sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Poitiers. 2. Par décision du 13 juin 2022, contre laquelle M. [C] a formé un recours, la commission restreinte de l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande, au motif que, selon l'article 2 du décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, les fonctions de conciliateur de justice sont incompatibles avec celles de médiateur. Examen du grief Exposé du grief 3. M. [C] fait valoir que les activités de conciliateur de justice et de médiateur doivent être compatibles, comme le sont celles de conciliateur et de médiateur de la consommation. Il expose que les médiateurs et les conciliateurs oeuvrent tous deux au bon fonctionnement du service public de la justice, et relève que la réforme de la justice incite à recourir aux modes alternatifs de règlement des différends. Réponse de la Cour 4. Selon l'article 2 du décret n° 78-381 du 20 mars 1978, ne peuvent être chargés des fonctions de conciliateur de justice les officiers publics et ministériels et les personnes qui exercent, à quelque titre que ce soit, des activités judiciaires ou qui participent au fonctionnement du service de la justice. 5. Il en résulte que, à l'exception de la médiation de la consommation introduite par l'ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation dans le code de la consommation, toute fonction de médiateur, habituelle ou occasionnelle, rémunérée ou bénévole est incompatible avec la fonction de conciliateur de justice. 6. M. [C] ayant été nommé en qualité de conciliateur de justice le 29 juillet 2020 pour une durée de 3 ans, c'est à bon droit que la commission restreinte de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel en a déduit qu'il ne pouvait être inscrit en même temps sur la liste des médiateurs. 7. Le grief ne peut, dès lors, être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le recours ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1314 F-B Pourvoi n° K 20-22.836 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 Mme [T] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-22.836 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise également en son établissement sis [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France Iard, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2020), l'appartement de Mme [Z], assurée auprès de la société Axa France Iard (l'assureur), a été endommagé par un incendie. Mme [Z] a été indemnisée par l'assureur de la copropriété des dommages causés à la structure de son appartement. 2. Elle a assigné son assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de ses objets personnels, mais celui-ci s'est prévalu d'une déchéance de garantie en raison de fausses déclarations intentionnelles de l'assurée sur les conséquences du sinistre. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la condamnation de l'assureur à l'indemniser de la destruction de ses biens mobiliers à hauteur de 47 796,43 euros, de la perte temporaire d'usage de son appartement à hauteur de 5 814,12 euros, et à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 15 000 euros, alors « que toute sanction doit être proportionnée ; qu'en relevant, pour infirmer le jugement entrepris qui avait écarté la déchéance encourue par Mme [Z] en la jugeant disproportionnée et dire qu'elle devait être déchue de son droit à garantie en raison de l'exagération intentionnelle des conséquences du sinistre, qu'une telle sanction n'était pas soumise à l'exigence de proportionnalité, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe général de proportionnalité des sanctions. » Réponse de la Cour 4. La déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre, que les parties peuvent librement stipuler en caractères très apparents dans un contrat d'assurance et qui n'est encourue par l'assuré que pour autant que l'assureur établit sa mauvaise foi, ne saurait constituer une sanction disproportionnée. 5. C'est, en conséquence, à bon droit que la cour d'appel n'a pas procédé à l'examen du caractère proportionné de la déchéance de garantie encourue par l'assurée, et qu'ayant constaté que celle-ci avait effectué, de mauvaise foi, de fausses déclarations sur les conséquences du sinistre, a retenu que l'assureur était fondé à se prévaloir de la déchéance de garantie stipulée au contrat et a rejeté ses demandes. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] Mme [Z] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à la condamnation de la société Axa à l'indemniser de la destruction de ses biens mobiliers, à hauteur de 47 796,43 euros, de la perte temporaire d'usage de son appartement, à hauteur de 5 814,12 euros, et à lui verser des dommages et intérêts, à hauteur de 15 000 euros ; ALORS QUE toute sanction doit être proportionnée ; qu'en relevant, pour infirmer le jugement entrepris qui avait écarté la déchéance encourue par Mme [Z] en la jugeant disproportionnée (jugement, p. 8) et dire qu'elle devait être déchue de son droit à garantie en raison de l'exagération intentionnelle des conséquences du sinistre, qu'une telle sanction n'était pas soumise à l'exigence de proportionnalité (arrêt, p. 6, al. 4 à 7), la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe général de proportionnalité des sanctions.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1285 FS-B Pourvoi n° K 19-25.339 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 La société Axa France vie, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 19-25.339 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre B), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [L] [F], épouse [M], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à la société Banque Populaire du Sud, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France vie, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Banque Populaire du Sud, de Me Haas, avocat de Mme [F], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Isola, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 octobre 2019) et les productions, Mme [F], épouse [M], agent titulaire de la fonction publique territoriale, a adhéré à deux contrats d'assurance de groupe auprès de la société Axa France vie (l'assureur), afin de garantir les prêts consentis par la société Banque populaire du Sud (la banque) à elle-même et à son mari, ainsi qu'à la société Flaman. 2. Mme [F] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 1er mars 2004, avant d'être reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions, par arrêté du 30 avril 2009, et mise, de ce fait, à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2009, alors qu'elle était âgée de 50 ans. Les mensualités des deux prêts ont été prises en charge par l'assureur au titre de la garantie « incapacité de travail ». 3. L'assureur lui a notifié le 26 mars 2013 la cessation de l'indemnisation à compter du 1er mars 2009, date de sa mise en retraite pour inaptitude. 4. Mme [F] a assigné l'assureur et la banque devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir, à titre principal, le maintien de sa garantie et la prise en charge des échéances des prêts à compter du 1er mars 2009. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la banque à M. et Mme [M] et à la société Flaman alors « que la cour d'appel a constaté que la notice d'information relative au contrat souscrit par la banque auprès de l'assureur, auquel Mme [F] avait adhéré, stipulait que la mobilisation de la garantie « incapacité de travail » était subordonnée à la fourniture, « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé, [de] la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé » et que cette garantie prendrait fin « à la date de la préretraite ou de la retraite de l'assuré, quelle qu'en soit la cause, y compris pour inaptitude au travail » ; qu'il résulte de la combinaison de ces clauses, sans aucune contradiction, que l'adhérent est couvert lorsqu'il est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse lorsque, sur décision de son employeur, il est mis à la retraite, à l'âge normal ou de façon anticipée, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence de son invalidité ; qu'en affirmant, pour juger que nonobstant l'admission anticipée de Mme [F] à la retraite, l'assureur devait prendre en charge les prêts souscrits par cette dernière jusqu'à son âge normal de départ à la retraite, que les clauses précitées étaient contradictoires dans la mesure où la situation d'incapacité serait à la fois la cause de la garantie et la cause de la cessation de la garantie, de sorte que l'incapacité demeurerait couverte en dépit de l'admission de l'adhérent à la retraite lorsque cette admission résulte de l'invalidité de l'adhérent, quand il ne résultait d'aucune mention de la notice que l'assureur garantissait le risque invalidité jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent quand bien même celui-ci aurait été admis par anticipation à faire valoir ses droits à la retraite, fût-ce à raison de son invalidité, la cour d'appel a dénaturé la notice précitée en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis. » Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 6. Pour dire que la garantie « incapacité de travail » était acquise définitivement jusqu'à la date des 60 ans de Mme [F] et condamner, en conséquence, l'assureur à lui payer les sommes correspondant aux échéances des prêts consentis, l'arrêt retient que si la clause de cessation de cette garantie prévoit qu'elle intervient à « la date de votre préretraite ou de votre retraite quelle qu'en soit la cause y compris pour inaptitude au travail », la clause relative aux modalités de mise en oeuvre de cette garantie, en ce qu'elle prévoit qu'il convient de fournir « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé... la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé », établit que l'assureur garantit le risque d'invalidité au titre de l'incapacité de travail, y compris pour les fonctionnaires. 7. La décision énonce encore qu'en l'espèce, la reconnaissance d'invalidité par l'administration à compter du 1er mars 2009 est, à raison du statut de Mme [F], la cause de sa mise à la retraite anticipée, qu'en présence d'une telle contradiction entre elles, les deux clauses, prises ensemble, doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à l'assurée et en déduit que, dès lors que l'invalidité est couverte, la clause dont se prévaut l'assureur ne peut être regardée comme exclusive de la garantie de ce risque lorsque c'est la survenance de celui-ci qui est la cause de la décision de placer l'assurée en retraite anticipée. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les clauses litigieuses qui, prises ensemble comme séparément, sont claires et dénuées d'ambiguïté en ce qu'elles prévoient que la garantie « incapacité de travail » est acquise lorsque l'adhérent est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse à la date de sa retraite, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence statutaire de son invalidité, et a violé le principe susvisé. Et sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « qu'en affirmant que la garantie de la société Axa était définitivement acquise à Mme [F] jusqu'à l'âge normal de son départ à la retraite dès lors que l'assureur avait continué à prendre en charge les échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance de l'état de santé de celui-ci, quand il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du même code) ». Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige : 10. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 11. Pour dire que la garantie « incapacité de travail » était acquise définitivement jusqu'à la date des 60 ans de Mme [F] et condamner, en conséquence, l'assureur à lui payer les sommes correspondant aux échéances des prêts consentis, l'arrêt retient encore que ce dernier a versé des indemnités pendant cinq ans à compter du premier arrêt de travail initial du 1er mars 2004, jusqu'à la mise à la retraite de l'assurée pour invalidité à compter du 1er mars 2009, alors que le contrat prévoit qu'à la date de consolidation et au plus tard trois ans après l'arrêt de travail, le médecin-conseil de l'assureur fixe le taux contractuel d'incapacité, de sorte que l'assureur a versé les indemnités à l'assurée encore pendant deux ans après la date limite contractuelle pour fixer le taux contractuel d'incapacité. 12. L'arrêt en déduit qu'à compter du 1er mars 2007, l'assureur a versé les indemnités en toute connaissance de cause de l'état de l'assurée et qu'il ne peut donc prétendre cesser sa garantie qui, passé ce délai de trois ans, était définitivement acquise à l'assurée jusqu'à l'âge théorique de sa retraite. 13. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Mise hors de cause 14. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la banque, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi, le pourvoi n'étant accueilli qu'en ce que l'arrêt condamne la société Axa à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros, au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la banque à M. et Mme [M] et à la société Flaman. PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France vie à payer à Mme [F] la somme de 181 942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la société Banque populaire du Sud à M. et Mme [M] et à la société Flaman, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Met hors de cause la société Banque populaire du Sud ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Condamne Mme [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France vie Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Axa France Vie à payer à son assurée, Madame [L] [F] épouse [M], la somme de 181.942,50 euros au titre de la prise en charge des échéances de 849,34 euros et de 666,85 euros des prêts consentis les 27 juin 2003 et 23 juillet 2002 par la Banque Populaire du Sud aux consorts [M] et à la SCI Flaman ; AUX MOTIFS QUE : « Madame [F] fait grief au jugement de l'avoir déboutée de sa demande à l'encontre de la société AXA en retenant que : - la clause de cessation de garantie incapacité travail était rédigée en termes clairs, compréhensibles et non équivoques - elle ne pouvait soutenir que la pension civile d'invalidité qu'elle percevait n'était pas une pension de vieillesse, ce qui n'était pas dans le débat Elle fait valoir que sa demande d'interprétation ne portait pas sur la seule clause de cessation de garantie, mais bien sur la contradiction existant entre deux clauses du contrat, l'une par rapport à l'autre, dans leur mise en oeuvre. Si le premier juge a examiné la clause de cessation de garantie, il n'a pas examiné la clause relative aux formalités à remplir pour en bénéficier. II convient donc d'examiner les clauses du contrat ensemble par application de l'article 1161 ancien du Code civil. Cette seconde clause figure dans la notice d'information des deux contrats n° 4114 qui prévoit notamment, s'agissant des modalités de mise en oeuvre de la garantie incapacité de travail qu'il convient de fournir « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé...la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé » Cette seconde clause établit donc que la compagnie AXA garantit le risque d'invalidité dans le cadre de l'incapacité de travail, y compris pour les fonctionnaires. Par ailleurs, la première clause, analysée par le premier juge, prévoit que la cessation de garantie intervient, entres autres causes, « à la date de votre préretraite ou de votre retraite quelle qu'en soit la cause y compris pour inaptitude au travail ». Ainsi que le fait observer Madame [F], le litige pose donc la question suivante : Dans la mesure où l'assureur garantit « l'invalidité » dans cadre de la garantie « incapacité de travail », une mise à la retraite d'un fonctionnaire doit-elle être analysée comme une cause de cessation de garantie lorsqu'il est précisé dans l'arrêté de mise à la retraite anticipée « pour invalidité » ou « pour inaptitude au travail », en présence d'une clause spécifiant comme fin de garantie « la retraite, la préretraite pour quelque cause que ce soit y compris pour inaptitude » ? Il est constant que dès lors que l'invalidité est couverte, la clause dont se prévaut l'assurance ne peut être regardée comme exclusive de la garantie de ce risque lorsque c'était la survenance de celui-ci qui était la cause de la décision de placer l'assuré en retraite anticipée. Par ailleurs, en application de l'article L. 133-2 du code de la consommation - qui trouve à s'appliquer aux contrats d'assurance groupe accessoires aux contrats de prêts immobiliers - les clauses des contrats proposés par les professionnels au consommateur ou à un non professionnel doivent être présentées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel. En l'espèce, l'assurée, fonctionnaire, est couverte pour la garantie du risque d'invalidité, qui existe bien dans son contrat, y compris pour les fonctionnaires, dans le cadre de la garantie incapacité travail. La compagnie AXA France Vie a versé des indemnités pendant 5 ans à compter du premier et travail initial du 1er mars 2004, jusqu'à la mise en retraite de l'assurée pour invalidité à compter du 1er mars 2009. (?) Or, le contrat prévoit qu'à la date de consolidation et au plus tard 3 ans après votre arrêt de travail, le médecinconseil de l'assureur fixe votre taux d'incapacité contractuel. L'assureur a donc versé les indemnités à l'assurée encore pendant deux ans après la date limite contractuelle pour fixer le taux d'incapacité contractuel. Il se présume qu'il a été donc été en possession du rapport de son médecin-conseil fixant un taux d'invalidité contractuel lui permettant de continuer à faire bénéficier l'assurée des garanties, puisque dans le cas contraire, il aurait nécessairement cessé le paiement des indemnités. À compter du 1er mars 2007, l'assureur a donc versé les indemnités en toute connaissance de cause de l'état de l'assurée. L'assureur ne peut donc prétendre cesser sa garantie qui, passé ce délai de 3 ans, était définitivement acquise à l'assurée jusqu'à l'âge théorique de sa retraite, au seul motif que la reconnaissance d'invalidité par l'administration dans un arrêté a eu comme conséquence statutaire, une mise à la retraite. En effet, il ne s'agit là pour l'administration que de considérer à un moment donné que ce fonctionnaire ne pourra plus jamais reprendre son travail et ainsi de l'exclure du nombre des agents publics susceptibles de réintégrer un jour un poste de fonctionnaire vacant, et, par suite, de lui régler l'équivalent de sa pension d'invalidité via l'organisme public de retraite dont elle dépend. En l'espèce, la reconnaissance d'invalidité par l'administration à compter du 1er mars 2009 est donc, à raison de son statut, la cause de la mise à la retraite anticipée. Le même arrêté d'invalidité ne peut donc servir à la fois de cause d'une garantie et de cause de cessation de cette garantie. En présence d'une telle contradiction entre elles, les deux clauses contractuelles, prises ensemble, doivent donc, pour faire sens, être interprétées dans le sens le plus favorable à l'assurée. C'est donc à bon droit que Madame [F] invoque la jurisprudence constante selon laquelle, en étant couverte par le contrat d'assurance pour le risque invalidité, la clause dont se prévaut l'assureur vient en contradiction avec une autre clause, et ne peut de ce fait être valablement regardée comme exclusive de la garantie de ce risque, puisque c'est bien la survenance du risque invalidité qui s'est trouvée être la cause de la décision de placer l'assurée en retraite anticipée. L'assureur doit donc sa garantie ». ET QUE : « Madame [F] était âgée de 50 ans au moment de sa mise en retraite anticipée à compter du 1er mars 2009 et la garantie contractuelle a nécessairement cessé à la date de ses 60 ans, soit le 20 février 2019. Il n'est pas contesté que Madame [F] a continué de régler les échéances des deux prêts à la banque, laquelle ne prétend aucunement lui avoir réglé les causes du jugement. En condamnant la compagnie d'assurance à prendre en charge les échéances des prêts jusqu'aux 60 ans de l'assurée, la cour la condamnera par conséquent à rembourser l'assurée les sommes que cette dernière a réglées à la banque pour la période du 1er mars 2009 au 20 février 2019. Au regard des tableaux d'amortissements produits par la banque et arrivant à terme respectivement en 2022 et 2023, les échéances fixes des deux prêts sont de 849,34 € et 666,85 €, de sorte que Madame [F] peut justement prétendre aux sommes suivantes : 15 161 € pour l'année 2009, soit (849,34 € + 666,85 €) x 10 mois, conformément au calcul du premier juge ; puis 18 194,28 € par an, soit (849,34 € + 666,85 €) x 12 7 mois, et donc une somme de 163 748,52 € pour les 9 ans couvrant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2018, conformément au calcul du premier juge ; puis 3 032,38 €, soit (849,34 € + 666,85 €) x 2 pour la période du 1er janvier 2019 au 20 février 2019, date des 60 ans de l'assurée, les échéances étant été prélevées le 15 de chaque mois. Le jugement sera infirmé l'erreur manifeste du premier juge qui a inexplicablement retenu la somme de 996,94 € sur cette période. En définitive, c'est donc la somme de 181 942,50 € à laquelle Madame [F] peut prétendre et non celle de 179 907,36 € retenue par le premier juge. Le jugement sera donc infirmé sur le montant retenu. (?) La société AXA France Vie sera donc condamnée à régler à Madame [F] la somme de 181 942,50 € ». 1°) ALORS QUE la Cour d'appel a constaté que la notice d'information relative au contrat souscrit par la Banque Populaire du Sud auprès de la compagnie Axa France Vie, auquel Madame [M] avait adhéré, stipulait que la mobilisation de la garantie « incapacité de travail » était subordonnée à la fourniture, « si vous êtes salarié, fonctionnaire ou assimilé, [de] la notification de votre pension ou rente d'invalidité par la sécurité sociale ou tout organisme assimilé » et que cette garantie prendrait fin « à la date de la préretraite ou de la retraite de l'assuré, quelle qu'en soit la cause, y compris pour inaptitude au travail » ; qu'il résulte de la combinaison de ces clauses, sans aucune contradiction, que l'adhérent est couvert lorsqu'il est en situation d'invalidité, mais que cette garantie cesse lorsque, sur décision de son employeur, il est mis à la retraite, à l'âge normal ou de façon anticipée, y compris lorsque cette mise à la retraite est la conséquence de son invalidité ; qu'en affirmant, pour juger que nonobstant l'admission anticipée de Madame [M] à la retraite, la compagnie Axa France Vie devait prendre en charge les prêts souscrits par cette dernière jusqu'à son âge normal de départ à la retraite, que les clauses précitées étaient contradictoires dans la mesure où la situation d'incapacité serait à la fois la cause de la garantie et la cause de la cessation de la garantie, de sorte que l'incapacité demeurerait couverte en dépit de l'admission de l'adhérent à la retraite lorsque cette admission résulte de l'invalidité de l'adhérent, quand il ne résultait d'aucune mention de la notice que la société Axa France Vie garantissait le risque invalidité jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent quand bien même celui-ci aurait été admis par anticipation à faire valoir ses droits à la retraite, fût-ce à raison de son invalidité, la Cour d'appel a dénaturé la notice précitée en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis ; 2°) ALORS QU'en refusant, sous couvert de corriger une contradiction qui n'existait pas, de faire application des stipulations pourtant claires et précises de la notice d'information litigieuse desquelles il résultait que l'admission de Madame [M] à la retraite pour invalidité entrainait nécessairement la cessation de la garantie « incapacité de travail », la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du même code) ; 3°) ALORS QU'en affirmant que la garantie de la société Axa France Vie était définitivement acquise à Madame [M] jusqu'à l'âge normal de son départ à la retraite dès lors que l'assureur avait continué à prendre en charge les échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance de l'état de santé de celui-ci, quand il ne résultait d'aucune stipulation du contrat que la prise en charge des échéances postérieurement à la consolidation de l'adhérent et en connaissance du taux d'incapacité de celui-ci emportait obligation pour l'assureur de poursuivre le paiement des échéances jusqu'à l'âge normal de départ à la retraite de l'adhérent, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du même code) ; 4°) ALORS enfin QUE l'admission du fonctionnaire civil à la retraite pour invalidité prévue par l'article L.29 du code des pensions civiles et militaires de retraite constitue un cas à part entière d'admission du fonctionnaire civil à la retraite ; que l'admission du fonctionnaire à la retraite pour invalidité donne droit au versement d'une pension de retraite calculée dans les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite et non au versement d'une pension d'invalidité (Civ.1re, 25 novembre 2012, n°11-24.029, bull. civ n° 116) ; qu'en énonçant, pour retenir l'existence d'une contradiction entachant la police d'assurance proposée par la société Axa France Vie et juger qu'elle devait sa garantie à son assurée, que l'admission à la retraite du fonctionnaire civil pour invalidité permettait simplement à l'administration de « considérer à un moment donné que ce fonctionnaire ne pourra plus jamais reprendre son travail (?) et, par suite, de lui régler l'équivalent de sa pension d'invalidité via l'organisme public de retraite dont elle dépend », la Cour d'appel a violé les articles L.1, L.13, L.24 et L.29 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1315 F-B Pourvoi n° D 21-15.980 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022 M. [X] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-15.980 contre l'arrêt rendu le 2 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 8), dans le litige l'opposant à la société FWU Life Insurance Lux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société FWU Life Insurance Lux, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2021), le 8 février 2006, M. [O] a souscrit, par l'intermédiaire d'un courtier, un contrat d'assurance-vie à capital variable dénommé « Valoptis », auprès de la société Atlanticlux devenue FWU Life Insurance Lux (l'assureur). 2. Se prévalant du manquement de ce dernier à son obligation précontractuelle d'information, M. [O] l'a assigné devant un tribunal de grande instance, afin, entre autres demandes, d'exercer sa faculté de renonciation prorogée et d'obtenir le remboursement des primes versées sur ce support. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième à huitième, dixième, onzième et treizième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche Enoncé du moyen 4. M. [O] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de restitution de la somme de 21 200 euros au titre du contrat Valoptis avec intérêts au taux légal majoré de moitié du 5 juin 2015 au 5 août 2015 puis au double du taux légal à compter de cette dernière date, alors « qu'il résulte de l'annexe à l'article A. 132-4 du code des assurances, telle qu'applicable en la cause, en son paragraphe 2°, f), que la note d'information devant être remise lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie doit indiquer les « frais prélevés en cas de rachat », en son paragraphe 3°, a), que la note d'information doit indiquer le « taux d'intérêt garanti et durée de cette garantie » ainsi que des « indications des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat » et en son paragraphe 3°, c), que la note d'information doit indiquer les « modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices » ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention des frais et indemnités de rachat éventuellement prélevés par l'entreprise d'assurance non plus que du taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de la participation aux bénéfices, la cour d'appel a retenu qu'il résultait de la lecture des conditions générales qu'aucun frais et indemnité n'étaient prélevés par l'assureur en cas de rachat, seuls étant prévus des frais de souscription et de gestion, qu'il n'existait pas de taux d'intérêt garanti non plus que de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices, et en a déduit que l'absence de ces mentions ne saurait être considérée comme ayant compromis la compréhension de M. [O] des éléments essentiels du contrat ; qu'en statuant ainsi, quand il incombait à l'assureur de mentionner dans la note d'information l'existence ou l'absence de frais et indemnités de rachat, de taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de participation aux bénéfices de participation aux bénéfices, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, applicable au litige, et l'article A. 132-4 du même code, auquel renvoie ce texte : 5. Selon le premier des textes susvisés, la proposition d'assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation et l'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat. Le défaut de remise des documents et informations ainsi énumérés entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation jusqu'au trentième jour suivant la date de leur remise effective. 6. Selon le second, la note d'information contient les informations prévues par un modèle annexé. 7. Ce modèle, qui recense quatre rubriques, prévoit, au titre de celle intitulée « Caractéristiques du contrat », que la note d'information mentionne « f) contrats en cas de vie ou de capitalisation : frais et indemnités de rachat et autres frais prélevés par l'entreprise d'assurance, mentionnés au premier alinéa de l'article R. 132-3 » et au titre de la rubrique intitulée « Rendement minimum garanti et participation », que la note d'information mentionne « a) Taux d'intérêt garanti et durée de cette garantie ; b) Indication des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat ... c) modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices ». 8. Aucun de ces deux textes ne prescrit que ces mentions n'ont pas lieu d'être portées dans la note d'information lorsque le contrat ne prévoit pas de frais et indemnités de rachat, de taux d'intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction, de valeurs de rachat ou de participation aux bénéfices. 9. Il a été jugé, par arrêt du 11 mars 2021 (2e Civ., 11 mars 2021, pourvoi n° 18-12.376, publié), qu'il incombe à l'assureur de mentionner, dans la note d'information qu'il délivre, que le contrat ne prévoit pas de taux d'intérêt garanti, ou de garantie de fidélité, ou de valeur de réduction ou de rachat, toutes informations essentielles pour permettre à celui-ci d'apprécier la compétitivité de ce placement, ainsi que les risques inhérents à l'investissement envisagé, par suite, la portée de son engagement. 10. Il en va de même pour un contrat qui ne comporte pas de frais ou d'indemnité en cas de rachat ni de participation aux bénéfices. 11. Pour débouter M. [O] de sa demande de renonciation prorogée et de restitution des primes versées en exécution du contrat « Valoptis », l'arrêt relève qu'en l'espèce, la notice d'information ne fait aucune mention des frais et indemnités de rachat éventuellement prélevés par l'entreprise d'assurance non plus que du taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de la participation aux bénéfices. 12. Il ajoute qu'il résulte également de la lecture des conditions générales qu'aucun frais et indemnité ne sont prélevés par l'assureur en cas de rachat, seuls étant prévus des frais de souscription et de gestion, qu'il n'existe pas de taux d'intérêt garanti, non plus que de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices. Il retient que le grief soulevé par l'assuré est sans portée, dès lors que l'absence de ces mentions ne saurait être considérée comme ayant compromis la compréhension par l'assuré des éléments essentiels du contrat. 13. En statuant ainsi, alors que le fait que le contrat proposé ne prélève pas de frais ou d'indemnités en cas de rachat, ni ne prévoit de taux d'intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices était, pour l'assuré, une information essentielle, qui devait figurer dans la note d'information, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement qui a débouté M. [O] de ses demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive de l'assureur et de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 2 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société FWU Life Insurance Lux aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société FWU Life Insurance Lux et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [O] M. [O] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande de restitution de la somme de 21 200 euros au titre du contrat Valoptis avec intérêts légal majoré de moitié du 5 juin 2015 au 5 août 2015 puis au double du taux légal à compter de cette dernière date ; Alors 1°) qu'en vertu de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa version issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, la proposition d'assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation, qui doit indiquer notamment, pour les contrats qui en comportent, les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins ; que l'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit, en outre, remettre, contre récépissé, une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette faculté de renonciation ; qu'il résulte de ces dispositions que la note d'information comportant les caractéristiques essentielles du contrat doit être un document distinct de la proposition d'assurance ou de contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que lors de la souscription du contrat Valoptis, M. [O] s'était vu remettre un « dossier de souscription intitulé Valoptis contrat d'assurance-vie en unités de compte » comprenant « trois documents distincts : un bulletin de souscription, les conditions générales pour les contrats à primes périodiques et une note d'information pour les contrats à primes périodiques ; que chacun de ces documents comporte une numérotation qui lui est propre ; que sur le bulletin de souscription, M. [O] a apposé sa signature sous la mention "Je reconnais avoir reçu : - les conditions générales - la note d'information - les tableaux de valeur de rachat, - les informations concernant les supports financiers proposés" » ; que la cour d'appel a considéré que si la notice d'information n'avait pas fait l'objet d'une remise séparée et était intégrée dans un fascicule comprenant également des conditions générales et le bulletin de souscription, elle se distinguait cependant très clairement des autres documents, qui avaient leur propre structure, de sorte que la lecture de ces documents permettait de constater que le souci de clarté de l'information à fournir était respecté et qu'il n'existait aucun risque de confusion pour le futur assuré (arrêt, p. 7, dernier § à p. 8, § 2) ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations que M. [O] s'était vu remettre une note d'information qui était incorporée dans un dossier de souscription comportant également le bulletin de souscription et les conditions générales du contrat, de sorte qu'elle n'était pas distincte de ces dernières, la cour d'appel a violé l'article L. 132-5-1 du code des assurances ; Alors 2°) qu'il résulte de l'annexe à l'article A. 132-4 du code des assurances, telle qu'applicable en la cause, en son paragraphe 3°, b), que la note d'information devant être remise lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie doit contenir des « Indications des garanties de fidélité, des valeurs de réduction, des valeurs de rachat ou, pour les contrats de groupe à adhésion facultative comportant une clause de transférabilité en application de l'article L. 132-23 ou de l'article 108 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, des valeurs de transfert ; dans le cas où celles-ci ne peuvent être établies exactement au moment de la souscription, indication du mécanisme de calcul ainsi que des valeurs minimales » ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention, dans la note d'information, des modalités de calcul des valeurs de rachat des supports en unités de compte, visées au paragraphe 3°, b) (conclusions d'appel de l'exposant, p. 19, § 11-12), et dire que l'assureur n'avait pas manqué à son obligation précontractuelle d'information s'agissant des modalités de calcul des valeurs de rachat, la cour d'appel a estimé que « le tableau des valeurs de rachat figurant à l'article 9 de la notice d'information permettait à l'assuré d'avoir l'information essentielle avant de souscrire, à savoir la valeur de rachat qu'il pouvait espérer au regard des primes versées au terme de chacun des huit premières années au moins » (arrêt, p. 8, dernier § et p. 9, § 1) et, s'agissant des modalités de calcul des valeurs de rachat, que celles-ci étaient déterminées dans les conditions particulières contenant un autre tableau et dans les conditions générales définissant la valeur de rachat ; qu'en statuant ainsi, quand il incombait à l'assureur d'indiquer dans la note d'information elle-même les modalités de calcul des valeurs de rachat, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances ; Alors 3°) qu'il résulte de l'annexe à l'article A. 132-4 du code des assurances, telle qu'applicable en la cause, en son paragraphe 2°, e), que la note d'information devant être remise lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie doit indiquer quelles sont les formalités à remplir en cas de sinistre ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention, dans la note d'information, des formalités à remplir en cas de sinistre (conclusions, p. 17, avant-dernier § à p. 18, § 1), la cour d'appel a estimé qu'outre le fait que M. [O] ne soutenait pas avoir souhaité déclarer un quelconque sinistre, la note d'information renvoyait de manière parfaitement claire et explicite sur ce point aux conditions générales qui se trouvaient dans le même livret, et ce afin de ne pas alourdir davantage la note d'information, de sorte qu'il y avait lieu de considérer que le souscripteur avait été mis en mesure d'accéder rapidement à cette information essentielle du contrat (arrêt, p. 10, dernier §) ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'assuré était fondé à se prévaloir de l'absence de ces mentions dans la note d'information elle-même sans avoir à justifier d'un quelconque préjudice, la cour d'appel a méconnu les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances ; Alors 4°) qu'il résulte de l'annexe à l'article A. 132-4 du code des assurances, telle qu'applicable en la cause, en son paragraphe 2°, f), que la note d'information devant être remise lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie doit indiquer les « frais prélevés en cas de rachat », en son paragraphe 3°, a), que la note d'information doit indiquer le « taux d'intérêt garanti et durée de cette garantie » ainsi que des « indications des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat » et en son paragraphe 3°, c), que la note d'information doit indiquer les « modalités de calcul et d'attribution de la participation aux bénéfices » ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention des frais et indemnités de rachat éventuellement prélevés par l'entreprise d'assurance non plus que du taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de la participation aux bénéfices (conclusions, p. 18, § 2-6, p. 19, § 3-7, p. 19, § 8-10), la cour d'appel a retenu qu'il résultait de la lecture des conditions générales qu'aucun frais et indemnité n'étaient prélevés par l'assureur en cas de rachat, seuls étant prévus des frais de souscription et de gestion, qu'il n'existait pas de taux d'intérêt garanti non plus que de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices, et en a déduit que l'absence de ces mentions ne saurait être considérée comme ayant compromis la compréhension de M. [O] des éléments essentiels du contrat (arrêt, p. 13, § 5-6) ; qu'en statuant ainsi, quand il incombait à l'assureur de mentionner dans la note d'information l'existence ou l'absence de frais et indemnités de rachat, de taux d'intérêt garanti, des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et de participation aux bénéfices de participation aux bénéfices, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances ; Alors 5°) qu'il résulte de l'annexe à l'article A. 132-4 du code des assurances, telle qu'applicable en la cause, en son paragraphe 2°, f), que la note d'information devant être remise lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie doit indiquer quels sont les frais et indemnités de rachat prélevés par l'entreprise d'assurance ; qu'en l'espèce, la note d'information remise à M. [O] indiquait en son paragraphe « Primes » : « Le montant de votre prime et sa périodicité, ainsi que la somme totale des primes contractuellement prévues seront mentionnés dans votre Police. La prime diminuée, le cas échéant, des Frais de Souscription et de la Prime de Risque, est affectée à votre contrat pour l'achat des unités de compte d'un ou plusieurs des Fonds Internes offerts par ATLANTICLUX SA. (?) Des informations détaillées sur le paiement des primes et les procédures applicables sont données dans les chapitres A à D de l'Article 1 des Conditions Générales » ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention, dans la note d'information, des frais et indemnités de rachat (conclusions, p. 18, § 2-11), notamment des frais de souscription de 3 % qui n'étaient précisés que dans les conditions particulières du contrat d'assurance, la cour d'appel a estimé que les frais, lorsqu'ils existent, sont indiqués à l'article 4- « PRIME » et que le fonctionnement des supports financiers est précisé à l'article 1 de la notice d'information, que le tableau de valeur de rachat inséré dans la notice d'information est en outre « nets de frais » de sorte que « l'impact de la somme des frais sur la valeur de rachat était suffisamment clair, et que les modalités de versement de la valeur liquidative des UC sont expliquées aux articles 2, 4 et 9 de la notice d'information ainsi qu'à l'article 3 des conditions générales », et en a déduit que M. [O] avait bénéficié de « toutes les informations essentielles s'agissant des frais prélevés sur les unités de compte » (arrêt, p. 12, § 8-9) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la note d'information ne permettait pas de déterminer les frais de souscription et que le tableau de valeur de rachat ne mentionnait pas que les valeurs indiquées étaient nettes de frais, la cour d'appel qui a dénaturé la note d'information, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et le principe selon lequel les juges ne doivent pas dénaturer les documents qui leur sont soumis, ensemble les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances ; Alors 6°) qu'il résulte de l'annexe à l'article A. 132-4 du code des assurances, telle qu'applicable en la cause, en son paragraphe 2°, g), que la note d'information devant être remise lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie doit contenir des informations « sur les primes relatives aux garanties principales et complémentaires lorsque de telles informations s'avèrent appropriées » ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention, dans la note d'information, du montant de la prime de risque relative à la garantie décès complémentaire (conclusions, p. 18, § 10 à p. 19, § 1), la cour d'appel a estimé que « si la note d'information n'en donne pas le montant, il ne résulte pas des dispositions de l'article A. 132-4 2°, g), que cette information soit systématiquement requise » (arrêt, p. 10, § 1) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la prime de risque relative à la garantie décès complémentaire ne constituait pas une information appropriée qui aurait dû figurer dans la note d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances ; Alors 7°) que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions, M. [O] soutenait que l'assureur avait manqué à son obligation précontractuelle d'information résultant de l'absence, dans la note d'information, de la mention du délai de règlement du capital décès (conclusions, p. 17, dernier §) ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 8°) qu'il résulte des articles L. 132-5-1 et A. 132-5 du code des assurances que les mentions relatives aux risques de fluctuation de compte, et en particulier que « la valeur de l'unité de compte est sujette à des fluctuations à la hausse et à la baisse » doivent figurer dans la proposition d'assurance-vie, distincte de la note d'information, devant être remise lors de la souscription du contrat ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention, dans la proposition d'assurance-vie, selon laquelle « la valeur de l'unité de compte est sujette à des fluctuations à la hausse et à la baisse » (conclusions, p. 13-14, points 28 et 29), la cour d'appel a estimé qu'il ressortait des conditions particulières du contrat qu'il était indiqué de manière très apparente que l'assureur ne s'engageait que sur le nombre d'unités de compte mais pas sur leur valeur (page 4 en caractères gras), que cette information était par ailleurs rappelée au § 4B des conditions générales (4B Valeur de rachat) ainsi que dans la notice d'information (article 2 Fonctionnement de votre contrat ; article 9 valeur de rachat en caractère gras et apparent) et qu'enfin, le caractère risqué du fonds « Premium Dynamique » était en outre expressément rappelé (article 1 de la note d'information) ainsi qu'il suit : « L'investissement en fonds en actions comporte toutefois un risque de fluctuation de cours sensiblement plus important que d'autres formes de placement » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il incombait à l'assureur, pour assurer la parfaite information de l'assuré, d'indiquer dans la proposition d'assurance que « la valeur de l'unité de compte est sujette à des fluctuations à la hausse et à la baisse », la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-5 du code des assurances ; Alors 9°) qu'il résulte des articles L. 111-2 et L. 132-5-1 du code des assurances qu'il ne peut être dérogé par conventions aux conditions d'exercice de la faculté de renonciation dont le délai de trente jours court uniquement à compter du premier versement ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de la non-conformité de l'information relative au délai et aux modalités de renonciation au contrat (conclusions, p. 17, § 2 à 10), la cour d'appel, après avoir constaté que la notice d'information indiquait, s'agissant du droit de renonciation : « Vous avez la faculté de renoncer à votre contrat pendant un délai de trente jours à compter de la date de réception des conditions générales, de la présente note d'information, de votre police et du tableau personnalisé illustrant la valeur du contrat et la valeur de rachat et après encaissement du premier versement », a estimé qu'il s'en inférait qu'il était suffisamment explicite qu'il s'agissait de conditions cumulatives et non alternatives, de sorte qu'il n'existait aucune ambiguïté sur le point de départ du délai de renonciation, celui-ci étant l'encaissement du premier versement, les autres dates étant nécessairement antérieures à celui-ci et qu'en outre, la clause relative à la faculté de renonciation plus protectrice des intérêts du souscripteur était en adéquation avec l'article L. 132-5-1 (arrêt, p. 11, § 5-6) ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la note d'information que le point de départ du délai de renonciation était subordonné à la réception de documents, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Alors 10°) qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la note d'information que le point de départ du délai de renonciation pouvait être, d'une part, la réception des documents et, d'autre part, le premier versement, la cour d'appel qui l'a dénaturée, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et le principe selon lequel les juges ne doivent pas dénaturer les documents qui leur sont soumis ; Alors 11°) qu'il résulte de l'article L. 132-5-1 du code des assurances que l'assureur doit informer le souscripteur de la faculté de renonciation de trente jours à compter du premier versement, que ce délai est prorogé en cas de défaut de remise des documents et informations et qu'un nouveau délai de trente jours court à compter de la date de réception du contrat, lorsque celui-ci apporte des réserves ou des modifications essentielles à l'offre originelle, ou à compter de l'acceptation écrite, par le souscripteur, de ces réserves ou modifications ; qu'en retenant, pour écarter le moyen soulevé par M. [O] tiré de l'absence de mention, dans la note d'information, des prorogations de délai de renonciation (conclusions, p. 17, § 9-10), la cour d'appel a estimé que les hypothèses de prorogation du délai de renonciation ne faisaient pas partie des informations expressément imposées par le législateur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Alors 12°) que la note d'information doit contenir uniquement les dispositions essentielles du contrat telles qu'énumérées dans la liste impérative et limitative visée par l'article A. 132-4 du code des assurances ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen soulevé par M. [O] tiré de la non-conformité à l'article A. 132-4 du code des assurances de la note d'information en ce qu'elle incluait des dispositions non essentielles (conclusions, p. 16), la cour d'appel, qui a constaté que l'assureur avait ajouté dans la note d'information des informations non exigées par le modèle annexé à l'article A. 132-4, notamment sur le fonctionnement du contrat, l'identification du distributeur, les modalités de désignation du bénéficiaire, l'information sur sa faculté de rachat, la prescription et la protection des données (arrêt, p. 13, § 10), a estimé que le caractère essentiel des informations litigieuses n'était pas contestable et qu'il ne pouvait être invoqué une surinformation inutile ayant empêché sa bonne compréhension du contrat et son consentement à l'assurance, le support, parfaitement lisible, n'ayant pas nui à la fiabilité de l'information dispensée (arrêt, p. 13, avant-dernier §) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la note d'information comportait d'autres dispositions que les dispositions essentielles du contrat telle que limitativement énumérées, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances ; Alors 13°) qu'en retenant en outre que « pour les mêmes raisons, le grief purement formel relatif à l'ordre des informations ne saurait aboutir » (arrêt, p. 13, avant-dernier §), la cour d'appel a, derechef, violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances.