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CASS/JURITEXT000046651962.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1293 FS-B Pourvoi n° D 21-13.059 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [C]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 septembre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Difral, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-13.059 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [W] [C], domicilié chez Mme [F] [C], [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Difral, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [C], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 janvier 2021), M. [C] a été engagé le 16 décembre 2013 par la société Difral par contrat de travail à durée déterminée d'une durée de trois mois pour assurer le remplacement d'un salarié absent en arrêt-maladie. Le contrat a été prolongé par avenant du 14 mars 2014, pour la durée de la maladie du salarié remplacé. 2. Le 22 décembre 2015, l'employeur a informé le salarié de la fin du contrat de travail au motif que le salarié remplacé avait fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude. 3. Le 2 juin 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de demander la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que la rupture du contrat de travail soit considérée comme un licenciement irrégulier et que lui soient allouées des sommes en conséquence. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dire que le licenciement devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de sommes en suite d'une requalification et d'une rupture illicite ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors : « 1° / qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a préalablement constaté que, soutenant que le contrat à durée déterminée ne comportait aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, M. [C] avait saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016 ; que, pour accueillir la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a, par suite, relevé que le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2013 stipule que M. [C] est engagé en qualité de chauffeur, pour une durée de trois mois en raison d'un arrêt de maladie du chauffeur de la société, tandis que l'avenant du 14 mars 2014 mentionne la prolongation du contrat pour remplacement d'un chauffeur en arrêt de maladie pour la durée de la maladie du chauffeur et que ni le contrat du 16 décembre 2013 ni l'avenant du 14 mars 2014 ne comportent le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ; qu'après avoir énoncé qu'à défaut de comporter le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en remplacement d'un autre salarié, le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée et que l'exigence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé dans le contrat est liée à l'exigence de précision quant à la définition du motif de recours au contrat à durée déterminée, la cour d'appel a considéré que le défaut de mention de l'identité et de la qualification du salarié absent empêche de vérifier que l'embauche du salarié par le biais d'un contrat à durée déterminée n'a pas d'autre motif que le remplacement du salarié absent ; qu'elle en a conclu que l'action de M. [C] conteste la validité du motif de recours, que le salarié n'était pas nécessairement en mesure d'apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat de sorte que le délai de prescription n'a couru qu'à compter du terme du dernier contrat, c'est-à-dire à compter du 22 décembre 2015, et que, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que, dès lors que l'action en requalification se fonde sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner la requalification, telle l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé lorsque le contrat à durée déterminée est conclu en raison de ce remplacement, le délai de prescription de cette action court à compter de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-12, L. 1245-1 et L. 1471-1 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; 2°/ que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à celle de la rupture de ce contrat entraînera la cassation du chef de dispositif relatif à la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L. 1242-12, 1°, du code du travail et l'article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 5. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat. 6. Pour requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire que le licenciement devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur au paiement de sommes en suite d'une requalification et d'une rupture illicite, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait été engagé par contrat à durée déterminée, prolongé par un avenant, afin de remplacer un salarié absent sans que ne soient mentionnés le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé, retient que cette absence de mention ne permet pas au salarié de vérifier que le contrat ne repose pas sur un autre motif, qu'en définitive, le salarié conteste la validité du motif du recours au contrat. L'arrêt ajoute que le salarié n'étant pas en mesure d'apprécier ses droits à la date de la conclusion du contrat, le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du terme du dernier contrat. Constatant qu'il s'est écoulé moins de deux ans entre le terme du contrat et la saisine de la juridiction, il en déduit que l'action en requalification n'est pas prescrite. 7. En statuant ainsi, alors que le salarié demandait la requalification du contrat à durée déterminée en invoquant une absence de mentions du contrat à durée déterminée, ce dont il résultait que son action, introduite plus de deux ans à compter de la date de conclusion du contrat, comme de l'avenant, était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [C] de sa demande en paiement de sommes en raison du non respect de la procédure, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne M. [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Difral La société DIFRAL fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié le contrat de travail à durée déterminée conclu avec M. [C] en contrat à durée indéterminée, d'AVOIR dit que la rupture de la relation contractuelle devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société DIFRAL à payer à M. [C] des sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement et une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel ; ALORS, en premier lieu, QU'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a préalablement constaté que, soutenant que le contrat à durée déterminée ne comportait aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, M. [C] avait saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016 ; que, pour accueillir la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a, par suite, relevé que le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2013 stipule que M. [C] est engagé en qualité de chauffeur, pour une durée de trois mois en raison d'un arrêt de maladie du chauffeur de la société, tandis que l'avenant du 14 mars 2014 mentionne la prolongation du contrat pour remplacement d'un chauffeur en arrêt de maladie pour la durée de la maladie du chauffeur et que ni le contrat du 16 décembre 2013 ni l'avenant du 14 mars 2014 ne comportent le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ; qu'après avoir énoncé qu'à défaut de comporter le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en remplacement d'un autre salarié, le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée et que l'exigence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé dans le contrat est liée à l'exigence de précision quant à la définition du motif de recours au contrat à durée déterminée, la cour d'appel a considéré que le défaut de mention de l'identité et de la qualification du salarié absent empêche de vérifier que l'embauche du salarié par le biais d'un contrat à durée déterminée n'a pas d'autre motif que le remplacement du salarié absent ; qu'elle en a conclu que l'action de M. [C] conteste la validité du motif de recours, que le salarié n'était pas nécessairement en mesure d'apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat de sorte que le délai de prescription n'a couru qu'à compter du terme du dernier contrat, c'est-à-dire à compter du 22 décembre 2015, et que, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, son action n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que, dès lors que l'action en requalification se fonde sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner la requalification, telle l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé lorsque le contrat à durée déterminée est conclu en raison de ce remplacement, le délai de prescription de cette action court à compter de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-12, L. 1245-1 et L. 1471-1 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ; ALORS, en second lieu, QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; que la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à celle de la rupture de ce contrat entraînera la cassation du chef de dispositif relatif à la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités. Sur le point de départ du délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, à rapprocher : Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-26.437, Bull. 2018, V, n° 68 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1294 FS-B Pourvoi n° V 19-16.608 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [Y]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [X] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-16.608 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Parker Hannifin Manufacturing France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Parker Hannifin Manufacturing France, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 mars 2019), M. [Y] a été engagé par la société Manpower et mis à disposition de la société Denison Hydraulics, afin d'exécuter plusieurs missions au cours de la période du 13 juillet 2000 au 14 décembre 2004, en qualité d'ouvrier professionnel. En 2005, le salarié a été mis à la disposition de la société Parker Hannifin, laquelle a repris l'activité de la société Denison Hydraulics. A la suite d'un apport partiel d'actifs à effet au 1er juillet 2011, la société Parker Hannifin Manufacturing France a repris l'activité de la société Parker Hannifin et le salarié a été mis à disposition de cette entreprise utilisatrice à compter de cette date. Le terme de son dernier contrat de mission était le 15 mars 2013. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de solliciter, notamment, la requalification de l'ensemble de ses contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de la dernière entreprise utilisatrice. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011, de limiter le montant des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la procédure de licenciement et de rejeter sa demande de rappels de salaires pour la période de janvier à octobre 2009, alors : « 1°/ que lorsqu'une société utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions légales applicables en la matière, le salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er uillet 2011, que les sociétés utilisatrices n'avaient pas la qualité d'employeur de M. [Y], sans rechercher si ces sociétés avaient respecté les dispositions applicables en matière de recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au visa de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce ; 2°/ que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; qu'en rejetant la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011 au motif qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause la société Parker Hannifin Manufacturing pour la période antérieure au 1er juillet 2011 et que les deux autres sociétés n'étaient pas dans la cause, tandis qu'elle constatait que cette dernière venait aux droits de la société Parker Hannifin qui elle-même venait aux droits de la société Denison Hydraulics, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1251-40 du code du travail dans leur version applicable aux faits de l'espèce ; 3°/ que la cassation à intervenir du chef de la première branche ou de la deuxième branche moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif ayant limité les montants des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement, et de celui ayant rejeté la demande de rappels de salaires de M. [Y] pour la période de janvier à octobre 2009, en application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1251-40, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail : 4. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission. 5. Aux termes du deuxième, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. 6. Aux termes du troisième, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : 1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; 2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci. Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. 7. Pour limiter la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011 ainsi que le montant des sommes allouées en conséquence, l'arrêt retient que les sociétés Denison Hydraulics, Parker Hannifin France et Parker Hannifin Manufacturing France n'ont jamais eu la qualité d'employeur de M. [Y], mais la qualité d'entreprises utilisatrices en vertu des contrats de mise à disposition signés avec l'entreprise de travail temporaire Manpower. Il ajoute que s'il est vrai que l'apport partiel d'actif de l'établissement de [Localité 3], intervenu entre les deux sociétés du groupe Parker, a prévu la transmission des droits et obligations résultant des contrats de travail des salariés de l'entreprise apporteuse à l'entreprise bénéficiaire, ainsi que des contrats de mission en cours au 1er juillet 2011, conformément à l'article L.1224-1 du code du travail, il n'a pour autant pas modifié la situation juridique de M. [Y], celui-ci demeurant intérimaire et salarié de la seule entreprise de travail temporaire ci-dessus dénommée. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, d'une part, si l'exécution du dernier contrat de mission du salarié au sein de la société Denison Hydraulics France avait été reprise et poursuivie par la société Parker Hannifin France et, d'autre part, si l'exécution du dernier contrat de mission du salarié au sein de la société Parker Hannifin France avait été reprise et poursuivie au sein de la société Parker Hannifin Manufacturing France, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la requalification des missions de M. [Y] en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Parker Hannifin Manufacturing France à la période postérieure au 1er juillet 2011, ainsi que la condamnation de la société à lui verser les sommes de 1 822,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 182,30 euros au titre des congés payés afférents, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire pour la période de janvier à octobre 2009, outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Condamne la société Parker Hannifin Manufacturing France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Parker Hannifin Manufacturing France et la condamne à payer à la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [Y] M. [X] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à la période postérieure au 1er juillet 2011, d'AVOIR limité le montant des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement et d'AVOIR rejeté sa demande de rappels de salaires pour la période de janvier à octobre 2009 ; 1°) ALORS QUE lorsqu'une société utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions légales applicables en la matière, le salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011, que les sociétés utilisatrices n'avaient pas la qualité d'employeur de M. [Y], sans rechercher si ces sociétés avaient respecté les dispositions applicables en matière de recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au visa de l'article L. 1251-40 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce ; 2°) ALORS QUE le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur ; qu'en rejetant la demande de requalification de M. [Y] pour les contrats de mission antérieurs au 1er juillet 2011 au motif qu'aucun élément ne permettait de mettre en cause la société Parker Hannifin Manufacturing pour la période antérieure au 1er juillet 2011 et que les deux autres sociétés n'étaient pas dans la cause, tandis qu'elle constatait que cette dernière venait aux droits de la société Parker Hannifin qui elle-même venait aux droits de la société Denison Hydraulics, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1251-40 du code du travail dans leur version applicable aux faits de l'espèce ; 3°) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de la première branche ou de la deuxième branche moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, celle des chefs de dispositif ayant limité les montants des indemnités de préavis, de licenciement, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non-respect de la procédure de licenciement, et de celui ayant rejeté la demande de rappels de salaires de M. [Y] pour la période de janvier à octobre 2009, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
CASS/JURITEXT000046651914.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1248 FS-B Pourvoi n° B 21-16.162 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Mme [P] [S], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° B 21-16.162 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Solocal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], venant aux droits de la société Pages jaunes, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Solocal, les plaidoiries de Me Lyon-Caen et celles de Me Célice, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grande mange, Douxami, conseillers, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mars 2021), Mme [S], engagée le 22 juin 1998 par la société Pages jaunes, devenue la société Solocal (la société), occupait en dernier lieu les fonctions de télévendeuse selon avenant du 31 août 2009. Elle a exercé différents mandats de représentante du personnel à compter de l'année 2005. 2. Par lettre du 7 janvier 2014, l'employeur lui a proposé une modification de son contrat de travail, dans le cadre d'un projet de réorganisation donnant lieu à élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (DIRECCTE) le 2 janvier 2014. En l'absence de réponse de la salariée, l'employeur lui a notifié, par lettre du 12 février 2014, l'entrée en vigueur de l'avenant au 1er juillet 2014. 3. Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d'un autre salarié, une cour administrative d'appel a annulé cette décision de validation, au motif que l'accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et le Conseil d'Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt. 4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la nullité de son dernier contrat de travail et reconnaître l'existence d'une discrimination à son égard. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir déclarer nul le contrat de travail conclu en application du plan de sauvegarde de l'emploi du 20 novembre 2013, applicable le contrat signé entre les parties le 31 août 2009, ordonner sous astreinte son rétablissement dans son contrat du 31 août 2009 avec effet rétroactif au 1er juillet 2014 et condamner la société Solocal à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la période du 1er juillet 2014 au 1er septembre 2019 et des congés payés afférents ou, à titre subsidiaire, à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la mise en oeuvre d'un contrat nul, alors : « 1° / que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Mme [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés et ayant donné lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi au motif inopérant que l'article L. 1222-6 du code du travail ne conditionnait pas la modification du contrat de travail pour motif économique à la mise en oeuvre d'un PSE, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du code du travail ; 2°/ que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Mme [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés ainsi que diverses mesures d'accompagnement de la mise en oeuvre de ce projet adoptées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi et que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la DIRECCTE de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Mme [S] aux motifs erronés que, ni la circonstance suivant laquelle l'employeur avait négocié et fait valider l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi avant de soumettre à la salariée la modification de son contrat de travail, ni la mention, dans le courrier de proposition de cette modification de l'accord collectif susvisé n'avaient eu pour effet de créer un lien juridique entre l'avenant proposé et le PSE, et que la modification du contrat de travail de la salariée trouvait son origine, non pas dans ce PSE, mais dans la réorganisation de l'entreprise, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du code du travail ; 3°/ que la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; que pour juger en l'espèce que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la DIRECCTE de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Mme [S], la cour d'appel a retenu qu'aucune disposition légale ne prévoyait que l'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 du code du travail entraînait l'annulation d'une modification de contrat de travail intervenue par application de l'article L. 1222-6 dans le cadre du même projet de réorganisation ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'avenant à son contrat de travail régularisé par Mme [S] constituait un acte subséquent du PSE adopté par voie d'accord collectif le 20 novembre 2013 si bien que la nullité affectant ce plan s'étendait à l'avenant litigieux, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1235-10 du code du travail ; 4°/ qu'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; que le consentement du salarié à une modification de son contrat de travail n'est pas valable lorsqu'il a été donné sous la menace d'un licenciement qui ne pouvait être valablement prononcé ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un vice du consentement donné par Mme [S], la cour d'appel a retenu que l'employeur avait légitimement et de manière licite informé la salariée des conséquences légales d'un éventuel refus de la modification du contrat de travail qui lui était proposé ; qu'en statuant ainsi alors que, compte tenu de la nullité dont se trouvait entaché le plan de sauvegarde de l'emploi adopté par accord collectif le 20 novembre 2013, en cas de refus de la modification de son contrat de travail, la société employeur ne pouvait valablement procéder à son licenciement en vertu de ce plan, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1109 et 1112 du code civil dans leur version applicable au litige, ensemble celles des articles L. 1233-25 et L. 1235-10 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. D'une part, aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. 8. L'article L. 1233-25 du code du travail dispose que lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique. 9. D'autre part, il résulte de l'article L. 1235-7-1 du code du travail que le juge judiciaire, compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des mesures comprises dans un plan de sauvegarde de l'emploi, est fondé, lorsque le défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi résulte des motifs de la décision du juge administratif annulant la décision de validation de cet accord, à écarter l'application des clauses de cet accord. 10. Il en résulte qu'une modification de contrat de travail intervenue, en application de l'article L. 1222-6 précité, dans le cadre d'un projet de réorganisation ayant donné lieu à l'élaboration d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, ne constitue pas un acte subséquent à cet accord, de sorte que les salariés ayant tacitement accepté cette modification ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut de validité de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi pour obtenir la nullité de leur contrat de travail. 11. Le moyen, qui soutient le contraire, n'est donc pas fondé en ses trois premières branches. 12. La cour d'appel ayant ensuite relevé que l'employeur avait informé la salariée légitimement et de manière licite, des conséquences légales d'un éventuel refus de la proposition de modification de son contrat de travail et que la négociation et la validation préalables de l'accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi lui avaient permis d'être parfaitement éclairée sur les implications de son choix, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, décidé que le vice du consentement invoqué ne pouvait être retenu. 13. Le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [S] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à voir déclarer nul le contrat de travail conclu en application du PSE du 20 novembre 2013, à voir déclarer applicable le contrat signé entre les parties le 31 août 2009, à voir ordonner sous astreinte son rétablissement dans son contrat du 31 août 2009 avec effet rétroactif au 1er juillet 2014 et à voir condamner la société SOLOCAL à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la période du 1er juillet 2014 au 1er septembre 2019 et des congés payés y afférents ou, à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la mise en oeuvre d'un contrat nul ; ALORS en premier lieu QUE la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Madame [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés et ayant donné lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi au motif inopérant que l'article L. 1222-6 du Code du travail ne conditionnait pas la modification du contrat de travail pour motif économique à la mise en oeuvre d'un PSE, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du Code du travail ; ALORS en deuxième lieu QUE la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la Cour d'appel que la modification du contrat de travail pour motif économique que Madame [S] est réputée avoir acceptée trouve son origine dans un projet de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité prévoyant la modification du contrat de travail de certains salariés ainsi que diverses mesures d'accompagnement de la mise en oeuvre de ce projet adoptées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont il a été précisé à la salariée qu'il serait fait application en cas de refus de sa part de la modification proposée ; qu'en jugeant néanmoins que l'avenant litigieux au contrat de travail de l'exposante ne pouvait être considéré comme un acte subséquent du plan de sauvegarde de l'emploi et que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la DIRECCTE de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Madame [S] aux motifs erronés que, ni la circonstance suivant laquelle l'employeur avait négocié et fait valider l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi avant de soumettre à la salariée la modification de son contrat de travail, ni la mention, dans le courrier de proposition de cette modification de l'accord collectif susvisé n'avaient eu pour effet de créer un lien juridique entre l'avenant proposé et le PSE, et que la modification du contrat de travail de la salariée trouvait son origine, non pas dans ce PSE, mais dans la réorganisation de l'entreprise, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1222-6, L. 1233-25 et L. 1235-10 du Code du travail ; ALORS en troisième lieu QUE la nullité qui affecte un plan de sauvegarde de l'emploi s'étend à tous les actes subséquents ; qu'il en est ainsi de la modification pour motif économique du contrat de travail acceptée par un salarié dès lors que cette modification s'inscrit dans un processus de réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu, avant toute proposition de modification des contrats de travail, à l'établissement d'un plan de sauvegarde l'emploi devant s'appliquer en cas de refus de la proposition faite par un salarié ; que pour juger en l'espèce que l'annulation par la juridiction administrative de la validation par la DIRECCTE de l'accord portant plan de sauvegarde de l'emploi était sans effet sur la validité de l'avenant au contrat de travail de Madame [S], la Cour d'appel a retenu qu'aucune disposition légale ne prévoyait que l'annulation de la décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 du Code du travail entrainait l'annulation d'une modification de contrat de travail intervenue par application de l'article L. 1222-6 dans le cadre du même projet de réorganisation ; qu'en statuant par de tels motifs alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'avenant à son contrat de travail régularisé par Madame [S] constituait un acte subséquent du PSE adopté par voie d'accord collectif le 20 novembre 2013 si bien que la nullité affectant ce plan s'étendait à l'avenant litigieux, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1235-10 du Code du travail ; ALORS enfin et en toute hypothèse QU'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; que le consentement du salarié à une modification de son contrat de travail n'est pas valable lorsqu'il a été donné sous la menace d'un licenciement qui ne pouvait être valablement prononcé ; qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un vice du consentement donné par Madame [S], la Cour d'appel a retenu que l'employeur avait légitimement et de manière licite informé la salariée des conséquences légales d'un éventuel refus de la modification du contrat de travail qui lui était proposé ; qu'en statuant ainsi alors que, compte tenu de la nullité dont se trouvait entaché le plan de sauvegarde de l'emploi adopté par accord collectif le 20 novembre 2013, en cas de refus de la modification de son contrat de travail, la société employeur ne pouvait valablement procéder à son licenciement en vertu de ce plan, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 1109 et 1112 du Code civil dans leur version applicable au litige, ensemble celles des articles L. 1233-25 et L. 1235-10 du Code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Madame [S] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir de déboutée de ses demandes tendant à voir constater le traitement discriminatoire qui lui est infligé et à voir condamner la société SOLOCAL à lui verser une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de cette discrimination ; ALORS en premier lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, évoquant les suites données par la société SOLOCAL à l'agression dont avait été victime Madame [S] de la part de Monsieur [V] le 25 septembre 2012, la Cour d'appel a relevé que la lecture du courrier que l'inspecteur du travail avait adressé à l'employeur le 1er février 2013 à ce sujet permettait d'établir qu'il n'avait « manifestement pas été avisé du courriel précité de M. [O], puisqu'il se content[ait] de relever la décision de l'employeur de ne pas donner suite à l'incident, sans faire référence à la réunion organisée le 3 octobre 2012 » ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, dans son courrier du 1er février 2013, l'inspecteur du travail indiquait « un entretien avec M. [O] aura lieu le mercredi 3 octobre à 11h suite à une convocation adressée par ce dernier par mail à Melle [S] le 2 octobre 2012 à 18h25 [...]. Lors de l'entretien du 3 octobre étaient présents M [O], Mme [M], M [D], M [V] et Melle [S]. Suite à cette réunion, M [O] répondra une nouvelle fois par email à Melle [S] en lui précisant que la direction ne souhaitait pas donner de suite « particulière ou formelle à cette affaire », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier en violation du principe susvisé ensemble de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; ALORS en deuxième lieu QU'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison notamment de ses activités syndicales et de son état de santé ; lorsque survient un litige en matière de discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, pour considérer que le courrier adressé par la directrice des ressources humaines au médecin traitant de Madame [S] afin d'avoir confirmation par cette dernière de l'autorisation accordée à la salariée de poursuivre son activité syndicale pendant son arrêt maladie ne constituait pas un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel a retenu que cette demande était manifestement bien fondée puisque le seul certificat du médecin traitant de Madame [S] l'autorisant à exercer son activité médicale durant son arrêt maladie était postérieur au courrier litigieux ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, ainsi que le soutenait Madame [S], la circonstance que l'employeur sollicite directement le médecin traitant de la salariée au lieu de demander à cette dernière de lui fournir l'autorisation délivrée par son médecin, en donnant qui plus est à sa démarche la plus grande publicité, ne laissait pas supposer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, si la société SOLOCAL justifiait ces agissements par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du Code du travail ; ALORS en troisième lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, pour écarter toute discrimination en raison de l'état de santé de la salariée, la Cour d'appel a relevé que l'examen de la pièce n° 26 constituée de fiches de reportings hebdomadaires qui, selon Madame [S], stigmatiseraient ses absences pour cause médicale, ne permettait pas d'établir le fait invoqué dès lors que les absences de Mme [S] ne sont pas évoquées, le manager rapportant la performance du service au nombre de jours de présence de l'ensemble de l'équipe sans distinction et les noms des collaborateurs n'étant mentionnés que pour les féliciter des résultats atteints ; qu'en statuant par de tels motifs alors que, sur le reporting pour la semaine du 17 au 21 novembre 2008, était mentionné à la rubrique « grains de sable », « les deux absences longue durée : absence de [...] [P] [...] qui commence à influer sur le nombre de clients et NC réalisés de l'équipe » et à la rubrique « difficultés rencontrées », « les absences longue durée qui pèsent sur le nombre de NC réalisés de l'équipe. Arrêt maladie de deux semaines [...] pour [P] [...]. Au total 33 jours travaillés contre les 47 jours attendus », que, sur le reporting pour la semaine du 2 au 6 février 2009, était mentionné à la rubrique « grains de sable », « absence longue durée de [P] (arrêt maladie) » et à la rubrique « explications et freins » « peu de jours travaillés. Seulement 31 jours travaillés cette semaine ([...] 1 absence longue durée) » et que, sur le reporting pour la semaine du 9 au 13 mars 2009, était mentionné « problèmes de santé pour [P], perturbée à nouveau par ses douleurs à la main (arrêt maladie en fin de semaine) », la Cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis de ces fiches de reporting en violation du principe susvisé ensemble de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1274 FS-B Pourvois n° K 20-19.961 U 21-10.543 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 I. La société Karist, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi K 20-19.961 contre l'arrêt rendu le 07 juillet 2020 par la cour d'appel de Nîmes (5ème Chambre sociale PH) dans le litige l'opposant respectivement : 1°/ à M. [P] [S], domicilié [Adresse 7] 2°/ à M. [U] [L], domicilié [Adresse 10], pris en qualité de mandataire judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la société Karist, ayant un établissement secondaire [Adresse 1] 3°/ à la société Fhb, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [H] [M] en qualité d'administrateur judiciaire de la société Karist, ayant un établissement secondaire [Adresse 6]. 4°/ à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 8], domiciliée [Adresse 2] II. 1°/ l'AGS, domiciliée [Adresse 5] 2°/ l'Unedic, domiciliée [Adresse 5], association déclarée, agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 8], [Adresse 3] ont formé le pourvoi n° U 21-10.543 contre le même arrêt les opposant respectivement : 1°/ à M. [P] [S], 2°/ à la société Karist, société par actions simplifiée, 3°/ à M. [U] [L], ès qualités 4°/ à la société Fhb, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, ès qualités La demanderesse au pourvoi n° K 20-19.961 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi n° U 21-10.543 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Karist, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS, de l'Unedic CGEA de [Localité 8], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier et Bérard, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-19.961 et n° 21-10.543 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 juillet 2020), M. [S] a été engagé en qualité d'employé commercial par la société Karist le 8 octobre 2001. Le 10 mai 2007, il a été élu délégué du personnel et membre titulaire du comité d'entreprise. 3. Le 8 février 2010, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour motif personnel. Par lettre du 22 février suivant, il a annulé cette mesure et informé le salarié de sa réintégration au terme de son arrêt maladie, le 9 mars 2010. Cet arrêt maladie a été prolongé jusqu'au 9 juillet 2010. 4. Le 2 avril 2010, l'employeur a sollicité de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement qui lui a été accordée le 21 mai suivant. Le 4 juin 2010, il a notifié au salarié une nouvelle mesure de licenciement. 5. Le 16 janvier 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail. Après retrait de l'affaire du rôle le 16 juin 2014, le salarié en a sollicité la réinscription par conclusions du 17 juin 2014, dans lesquelles il a sollicité l'annulation du licenciement intervenu le 8 février 2010 sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail et sans accord formel sur la rétractation notifiée postérieurement par l'employeur. 6. La société Karist a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 18 octobre 2017. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi de la société Enoncé du moyen 7. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du 8 février 2010 est nul et de fixer au passif de la société certaines sommes à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul et pour violation du statut de salarié protégé, alors : « 1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Karist soulignait que par courrier du 11 février 2010, l'inspectrice du travail lui avait fait injonction d'annuler le licenciement prononcé sans autorisation et que la même inspectrice du travail lui avait ensuite, en toute connaissance de cause, délivré le 21 mai 2010 une autorisation de licencier M. [S], considérant donc que l'annulation de la première procédure de licenciement était régulière et que M. [S] faisait toujours partie de l'effectif de l'entreprise, de sorte que la société Karist n'avait fait que se conformer aux injonctions et autorisations de l'inspection du travail ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que si une mesure de licenciement ne peut être valablement rétractée par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, la preuve d'un tel accord peut être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce, en reprochant, par motifs adoptés, à la société Karist de ne pas produire aux débats de courrier, document ou un témoignage démontrant que M. [S] avait accepté la rétractation de son licenciement notifié le 8 février 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la liberté de la preuve ; 3°/ que l'acceptation non équivoque par le salarié de la rétractation de son licenciement est établie lorsqu'il a continué à envoyer à son employeur des prolongations d'arrêts de travail postérieurement à ce licenciement et à l'expiration du préavis né du premier licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par courrier du 22 février 2010, la société Karist avait informé le salarié qu'elle se rétractait de sa mesure de licenciement prononcée le 8 février 2010 et qu'elle le réintégrait au sein de l'entreprise ; qu'il était constant que le salarié, qui n'avait jamais refusé cette rétractation, avait continué, au-delà du 8 février 2010 et y compris après l'expiration du préavis né du premier licenciement, à adresser ses arrêts maladie à la société Karist, comportement impliquant nécessairement un accord exprès et non équivoque à la rétractation du licenciement ; qu'en concluant néanmoins à l'absence d'accord exprès, clair et non équivoque du salarié à la rétractation de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 8. Le licenciement ne peut être rétracté par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, peu important que la rétractation ait été faite à la demande de l'inspecteur du travail d'annuler la procédure de licenciement engagée et de respecter le statut protecteur. Il en résulte que le juge judiciaire, quand bien même le licenciement ultérieur du salarié a fait l'objet d'une autorisation administrative, demeure compétent, sans porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, pour apprécier la validité de la rétractation de la mesure de licenciement notifiée antérieurement. 9. Ayant estimé, au terme de son interprétation souveraine de la volonté des parties, que la preuve de l'accord clair et non équivoque du salarié n'était pas rapportée par l'employeur, la cour d'appel, sans être tenue de répondre au moyen inopérant invoqué par la première branche, a légalement justifié sa décision. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi de l'AGS Enoncé du moyen 10. L'AGS et l'Unedic - CGEA de [Localité 8] font grief à l'arrêt de déclarer opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] sa décision ayant fixé au passif de la société certaines sommes à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul, et à titre d'indemnité pour violation du statut de salarié protégé, alors « que l'AGS avait à titre principal réclamé sa mise hors de cause, en faisant valoir qu'elle ne garantissait pas les créances du salarié dont l'employeur fait l'objet d'une simple procédure de sauvegarde ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 12. En réponse aux conclusions de l'AGS qui sollicitait sa mise hors de cause en faisant valoir qu'elle ne garantissait pas les créances du salarié dont l'employeur fait l'objet d'une simple procédure de sauvegarde, l'arrêt se borne à lui déclarer le jugement opposable. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare « le jugement » opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8], l'arrêt rendu le 07 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier. Condamne la société Karist aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Karist, demanderesse au pourvoi n° K 20-19.961 La société Karist FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 4 décembre 2017 en ce qu'il avait dit le licenciement de M. [S] du 8 février 2010 nul et d'AVOIR fixé au passif de la société les sommes de 18 213,76 euros à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul et 12 142,38 euros à titre d'indemnité pour violation du statut de salarié protégé ; 1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Karist soulignait que par courrier du 11 février 2010, l'inspectrice du travail lui avait fait injonction d'annuler le licenciement prononcé sans autorisation et que la même inspectrice du travail lui avait ensuite, en toute connaissance de cause, délivré le 21 mai 2010 une autorisation de licencier M. [S], considérant donc que l'annulation de la première procédure de licenciement était régulière et que M. [S] faisait toujours partie de l'effectif de l'entreprise, de sorte que la société Karist n'avait fait que se conformer aux injonctions et autorisations de l'inspection du travail (conclusions d'appel, p. 13, §§ 1 et 2, et p. 14) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE si une mesure de licenciement ne peut être valablement rétractée par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, la preuve d'un tel accord peut être rapportée par tous moyens ; qu'en l'espèce, en reprochant, par motifs adoptés, à la société Karist de ne pas produire aux débats de courrier, document ou un témoignage démontrant que M. [S] avait accepté la rétractation de son licenciement notifié le 8 février 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la liberté de la preuve ; 3°) ALORS QUE l'acceptation non équivoque par le salarié de la rétractation de son licenciement est établie lorsqu'il a continué à envoyer à son employeur des prolongations d'arrêts de travail postérieurement à ce licenciement et à l'expiration du préavis né du premier licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par courrier du 22 février 2010, la société Karist avait informé le salarié qu'elle se rétractait de sa mesure de licenciement prononcée le 8 février 2010 et qu'elle le réintégrait au sein de l'entreprise ; qu'il était constant que le salarié, qui n'avait jamais refusé cette rétractation, avait continué, au-delà du 8 février 2010 et y compris après l'expiration du préavis né du premier licenciement, à adresser ses arrêts maladie à la société Karist, comportement impliquant nécessairement un accord exprès et non équivoque à la rétractation du licenciement ; qu'en concluant néanmoins à l'absence d'accord exprès, clair et non équivoque du salarié à la rétractation de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'Unedic - CGEA de [Localité 8], demanderesses au pourvoi n° U 21-10.543 L'AGS et l'UNEDIC – CGEA de [Localité 8] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré opposable à l'AGS CGEA de [Localité 8] sa décision ayant fixé au passif de la société Karist les sommes de 18 213,76 euros à titre d'indemnité en réparation intégrale du préjudice résultant du licenciement nul, et de 12 142,38 euros à titre d'indemnité pour violation du statut de salarié protégé, 1) ALORS QUE l'AGS avait à titre principal réclamé sa mise hors de cause, en faisant valoir qu'elle ne garantissait pas les créances du salarié dont l'employeur fait l'objet d'une simple procédure de sauvegarde ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, seules sont garanties par l'AGS les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenue pendant la période d'observation ou dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde ; qu'il était constant en l'espèce que le contrat de travail de M. [S] avait été rompu en 2010 et que la société Karist avait fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Nîmes le 18 octobre 2017 ; qu'en disant néanmoins sa décision opposable à l'AGS, la cour d'appel a violé l'article L. 625-3 du code de commerce, ensemble l'article L. 3253-8 du code du travail. Sur le principe que le licenciement ne peut être rétracté par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, à rapprocher : Soc., 12 juin 1985, pourvoi n° 83-42.755, Bull. 1985, V, n° 333 (rejet) ; Soc., 17 janvier 1990, pourvoi n° 87-40.666, Bull. 1990, V, n° 14 (rejet) ; Soc., 11 décembre 1991, pourvoi n° 90-42.270, Bull. 1991, V, n° 573 (cassation partielle) ; Soc., 12 mai 1998, pourvoi n° 95-44.353, Bull. 1998, V, n° 244 (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1247 FS-B Pourvoi n° B 21-12.873 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022 L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-12.873 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [I] [P], domicilié [Adresse 3], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 5 janvier 2021), M. [P] a été engagé, le 6 mars 2006, par l'agence régionale de développement de Franche-Comté en qualité de chargé de mission puis, par avenant du 26 juin 2009, nommé en qualité de directeur général. 2. En février 2017, la fusion des deux agences régionales de développement de Bourgogne et de Franche-Comté a conduit à la création de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté. 3. Le 16 octobre 2017, dans le cadre de cette réorganisation, l'employeur a proposé au salarié de devenir directeur du service à l'appui des territoires. 4. Le salarié, ayant refusé cette modification de son contrat de travail, a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique au cours duquel un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé. Le 5 décembre 2017, le salarié a accepté cette proposition et son contrat de travail s'est trouvé rompu le 20 décembre 2017. 5. Contestant le motif économique de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale. Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 7. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner en conséquence à lui payer diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la délégation de pouvoirs et de responsabilités au directeur général du 23 août 2017, Mme A. (directrice générale) est directement responsable du recrutement du personnel de la SPL ARD FC, dénommée AER BFC au 28/09/2017. Elle assurera le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire. Les licenciements qui pourraient intervenir seront de sa compétence et elle en assurera l'entière responsabilité. Toutefois le conseil d'administration se réserve les pouvoirs suivants : nommer et révoquer les directeurs de la société, fixer leurs traitements, salaires et gratifications : la direction générale adressera à un comité de recrutement composé de membres du conseil d'administration le dossier des candidat(e)s. Le Conseil d'administration décidera du et/ou de la candidat(e) retenu(e) et de sa rémunération" ; que la cour d'appel a déduit de ces dispositions que faute de limiter le pouvoir de licencier le pouvoir du conseil d'administration de nommer et de révoquer les directeurs" aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, tout en renvoyant aux notions de traitements" et de salaires", cette délégation devait s'analyser comme englobant tout à la fois, dans le terme les directeurs", aussi bien ceux exerçant ces fonctions en qualité de mandataires sociaux que ceux les assumant en qualité de salariés tel que l'intéressé ; qu'en statut ainsi, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis de la délégation litigieuse que tous les licenciements" relevaient de la compétence de la directrice générale, la cour d'appel a dénaturé celle-ci et violé, ce faisant, les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe susvisé ». Réponse de la Cour Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis : 8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à ce titre, l'arrêt retient que le conseil d'administration, aux termes d'une délégation de pouvoir consentie à la directrice générale le 23 août 2017, s'était réservé le pouvoir de licencier les directeurs de la société. 9. En statuant ainsi, alors que l'acte litigieux indiquait que les licenciements étaient de la compétence de la directrice générale et que le conseil d'administration se réservait le pouvoir de révoquer les directeurs de la société, ce dont il résultait que cette réserve était limitée, conformément aux dispositions de l'article L. 225-55 du code de commerce, aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé. Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 45 982 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents, soit la somme de 4 598,20 euros, alors « que le salarié ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que sous déduction des sommes qu'il a déjà perçue à ce titre ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir et offrait de prouver que si, du fait de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur avait versé à Pôle emploi une somme représentant l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire, le surplus de cette indemnité, soit trois mois, avait été effectivement payé au salarié à hauteur d'une somme de 22 991 euros bruts ; qu'en allouant au salarié une somme de 45 982 euros correspondant à l'intégralité de l'indemnité conventionnelle de préavis, sans déduire de celle-ci les sommes déjà versées à ce titre au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code, ensemble l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1233-67 et L. 1233-69 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, l'article L. 1234-9 du même code, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique : 11. Il résulte de ces textes qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées. 12. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 45 982 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, l'arrêt retient qu'en application de la convention collective relative au statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, l'intéressé bénéficie d'une indemnité compensatrice de six mois en sa qualité de directeur. 13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de l'employeur, si celui-ci n'avait pas déjà versé au salarié, dans le cadre de l'exécution du contrat de sécurisation professionnelle, une somme équivalente à trois mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à la fraction excédant le montant de la contribution due à Pôle emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Sur le moyen relevé d'office 14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 1234-9 du code du travail, 12 du statut des personnels des organismes de développement économiques et L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 15. Il résulte des deux premiers textes que l'indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l'employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail. 16. Il résulte du dernier de ces textes que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi. 17. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 122 618,56 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'en application de l'article 12 du statut des personnels des organismes de développement économique du 9 mars 1999, révisé le 12 décembre 2007, l'intéressé bénéfice d'une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse doublée, étant ajouté qu'il avait, lors de la rupture de son contrat de travail, une ancienneté de 11 ans 9 mois et 14 jours pour avoir été embauché à compter du 6 mars 2006. 18. En statuant ainsi, alors que l'article 12 des statuts n'est pas relatif aux dommages-intérêts dus en cas de licenciement injustifié mais prévoit, en ce cas, le doublement de l'indemnité forfaitaire de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le cinquième moyen Enoncé du moyen 19. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, alors « qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il était constant que la rupture du contrat de travail du salarié était intervenue par suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en date du 5 décembre 2017 ; qu'en ordonnant néanmoins à l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressé dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 1233-69 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et l'article L. 1235-4 du même code, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 20. En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail. 21. Après avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois. 22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de sa demande formée au titre de la violation du secret des correspondances et M. [P] de sa prétention émise au titre d'un préjudice moral, l'arrêt rendu le 5 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon. Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux conseils, pour l'agence economique régionale de Bourgogne-Franche-Comté PREMIER MOYEN DE CASSATION L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR dit que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer au salarié les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros et de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, ALORS QUE sauf dispositions particulières, les juges statuent, à peine de nullité, en nombre impair ; que le magistrat nommé au sein d'une nouvelle juridiction par décret du Président de la République perd sa qualité de membre de la juridiction d'origine le lendemain de la date à laquelle ce décret est publié au Journal officiel, à défaut pour celui-ci de fixer une autre date ; que l'arrêt attaqué du 5 janvier 2021 mentionne que la cour était composée, lors du délibéré, par deux conseillers et un président de chambre, Mme K-Dorsch, laquelle avait pourtant été nommée président de chambre de la cour d'appel de Colmar par décret du Président de la République du 15 décembre 2020, ne fixant aucune date d'entrée en vigueur et publié au Journal officiel du 17 décembre 2020 ; que les juges n'ont donc pas statué en nombre impair de sorte que la cour d'appel a violé les articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile, et L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR dit que le licenciement de M. [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer au salarié les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4598,20 euros et de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, 1°) ALORS QUE l'article L. 1531-1 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital, celles-ci revêtant la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce ; qu'il ressort des dispositions des articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I., issus dudit livre, que « la direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général » ; que « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.» ; qu'en l'espèce, il était constant que l'agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté était une société publique locale ayant la forme juridique d'une société anonyme ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en se déterminant au regard du seul contenu de la délégation de pouvoir litigieuse, sans rechercher si la directrice générale ne tenait pas de la loi le pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités ; 2°) ALORS QUE l'article L. 1531-1 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital, celles-ci revêtant la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce ; qu'il ressort des dispositions des articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I., issus dudit livre, que « la direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général » ; que « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les dispositions des statuts ou les décisions du conseil d'administration limitant les pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers. » ; qu'en l'espèce, il était constant que l'agence économique régionale de Bourgogne Franche-Comté était une société publique locale ayant la forme juridique d'une société anonyme ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, en application de la loi, cette éventuelle limitation des pouvoirs du directeur général n'était pas, en tout état de cause, sans effet à l'égard du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles précités ; 3°) ALORS QU'il ressort de l'article 24 des statuts de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société » ; que l'article 25 y ajoute que « les actes concernant la société sont signés, soit par l'une des personnes investies de la direction générale, soit encore par tous fondés de pouvoirs habilités à cet effet » ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en se déterminant au regard du seul contenu de la délégation de pouvoir litigieuse, sans rechercher si la directrice générale ne tenait pas des statuts de la société le pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ; 4°) ALORS QU'il ressort de l'article 24 des statuts de l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société (...). Il représente la société dans ses rapports avec les tiers auxquels toutes décisions limitant ses pouvoirs sont inopposables. (...) Toute limitation des pouvoirs du directeur général délégué (et donc a fortiori du directeur général) est inopposable aux tiers » ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les dispositions statutaires précitées n'avaient pas pour effet de rendre cette éventuelle limitation des pouvoirs du directeur général sans effet à l'égard du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016; 5°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la délégation de pouvoirs et de responsabilités au directeur général du 23 août 2017, « Mme [S] [H] (directrice générale) est directement responsable du recrutement du personnel de la SPL ARD FC, dénommée AER BFC au 28/09/2017. Elle assurera le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire.Les licenciements qui pourraient intervenir seront de sa compétence et elle en assurera l'entière responsabilité. Toutefois le conseil d'administration se réserve les pouvoirs suivants : nommer et révoquer les directeurs de la société, fixer leurs traitements, salaires et gratifications : la direction générale adressera à un comité de recrutement composé de membres du conseil d'administration le dossier des candidat(e)s. Le Conseil d'administration décidera du et/ou de la candidat(e) retenu(e) et de sa rémunération » (cf. production n° 5) ; que la cour d'appel a déduit de ces dispositions que faute de limiter le pouvoir de licencier le pouvoir du conseil d'administration de nommer et de révoquer « les directeurs » aux seuls directeurs ayant le statut de mandataires sociaux, tout en renvoyant aux notions de « traitements » et de « salaires », cette délégation devait s'analyser comme englobant tout à la fois, dans le terme « les directeurs », aussi bien ceux exerçant ces fonctions en qualité de mandataires sociaux que ceux les assumant en qualité de salariés tel que l'intéressé ; qu'en statut ainsi, cependant qu'il résultait des termes clairs et précis de la délégation litigieuse que tous les « licenciements »relevaient de la compétence de la directrice générale, la cour d'appel a dénaturé celle-ci et violé, ce faisant, les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe susvisé ; 6°) ALORS QUE, à tout le moins, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'après la délégation de pouvoir générale du 23 août 2017, une délégation de pouvoir spéciale avait été donnée à la directrice générale le 29 septembre 2017, afin de procéder au licenciement de M. [P], pièce qui était produite aux débats ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il ne rentrait pas dans le cadre de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière le 23 août 2017 ; qu'en statuant ainsi sans répondre au moyen tiré de l'existence d'une délégation de pouvoir spéciale ultérieure, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°) ALORS QUE, en tout état de cause, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement était signée par la directrice générale de la société employant le salarié laquelle était chargée de la gestion du personnel, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I, du code de commerce, les articles L. 1232-6 et L. 1531-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil ; 8°) ALORS QUE, en toute hypothèse, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement ; que pour dire le licenciement du salarié, prononcé par la directrice générale de la société, dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la délégation de pouvoirs consentie à cette dernière, le 23 août 2017, que si le suivi de la gestion du personnel, y compris les licenciements, relevait de sa compétence, seul le conseil d'administration avait le pouvoir de procéder au licenciement des directeurs de la société tel que le salarié ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres énonciations que l'employeur, en la personne de son représentant légal, soutenait dans ses conclusions la validité et le bien-fondé du licenciement dont le salarié avait fait l'objet et réclamait, par confirmation du jugement, le rejet de toutes les prétentions de ce dernier, ce dont il résultait la volonté claire et non équivoque de ratifier la mesure prise par la directrice générale, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 225-51-1 et L. 225-56, I, du code de commerce, les articles L. 1232-6 et L. 1531-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, ensemble les articles 1984 et 1998 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à M. [P] les sommes de 45 982,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 4 598,20 euros, 1°) ALORS QU'en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur n'est tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents qu'en l'absence de motif économique de licenciement ; qu'en condamnant l'employeur à payer au salarié l'intégralité de l'indemnité compensatrice de préavis au seul prétexte que la lettre avait été signée par une personne jugée dépourvue du pouvoir de licencier le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code ; 2°) ALORS subsidiairement QUE le salarié ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que sous déduction des sommes qu'il a déjà perçue à ce titre ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir et offrait de prouver que si, du fait de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur avait versé à Pôle emploi une somme représentant l'indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire, le surplus de cette indemnité, soit trois mois, avait été effectivement payé au salarié à hauteur d'une somme de 22 991 euros bruts ; qu'en allouant au salarié une somme de 45 982 euros correspondant à l'intégralité de l'indemnité conventionnelle de préavis, sans déduire de celleci les sommes déjà versées à ce titre au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 et L. 1233-69, dans leur version modifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dudit code, ensemble l'article 9 du statut des personnels des organismes de développement économique. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à payer à M. [P] la somme de 122 618,56 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1°) ALORS QUE pour les licenciements prononcés après le 24 septembre 2017, l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle ne peut excéder les montants maximaux fixés par l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 ; que cet article institue des barèmes impératifs auxquels il ne peut être dérogé, fût-ce dans un sens plus favorable ; qu'en l'espèce, ayant moins de 12 ans d'ancienneté au jour de la rupture du contrat intervenue le 20 décembre 2017, le salarié ne pouvait prétendre, en application dudit article, qu'à une indemnisation comprise entre 3 mois et 10,5 mois soit, au regard d'un salaire de référence de 7 716,70 euros, une somme comprise entre 23 150,10 et 81 925,35 euros ; qu'en écartant les dispositions précitées au profit de celles de la convention collective des personnels des organismes de développement économique, pour accorder au salarié la somme de 122 618,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article susvisé ; 2º) ALORS QUE, en tout état de cause, le juge doit justifier le montant des indemnités qu'il octroie en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'à ce titre, il doit prendre en compte tous les éléments qui déterminent le préjudice subi par le salarié dont l'indemnité de licenciement versée à l'occasion de la rupture dès lors qu'elle est plus favorable que l'indemnité légale de licenciement ; qu'en l'espèce, dénonçant le caractère exorbitant des prétentions du salarié, la société soulignait, preuves à l'appui, que l'intéressé avait perçu une indemnité conventionnelle de licenciement s'élevant à 101 561,43 euros, ce qui équivalait à 13,2 mois de salaires bruts, soit un montant près de 5 fois supérieur à celui correspondant à l'indemnité légale de licenciement qui se chiffrait à 22 827 euros ; qu'elle ajoutait qu'outre cette indemnisation extra légale de 78 734 euros, le salarié avait perçu, lors de la rupture, diverses sommes portant le montant total des sommes versées à titre d'indemnités de rupture à 163 931 euros ; qu'en se bornant à retenir, après avoir rappelé le principe d'un doublement de l'indemnité de licenciement en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par la convention collective applicable ainsi que l'ancienneté du salarié, qu' « il lui sera alloué à ce titre la somme de 122 618,56 euros » sans plus amplement motiver sa décision sur ce point au regard notamment des sommes très importantes perçues par le salarié lors de la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur version modifiée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS) L'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté fait grief à la décision attaquée de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [P], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, ALORS QU'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il était constant que la rupture du contrat de travail du salarié était intervenue par suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en date du 5 décembre 2017 ; qu'en ordonnant néanmoins à l'agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressé dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018. Sur la distinction d'objet entre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité de licenciement conventionnelle, à rapprocher : Soc., 5 juin 1986, pourvoi n° 84-40.951, Bulletin 1986, V, n° 288 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Soc., 3 juillet 2008, pourvoi n° 06-45.756, (cassation partielle) ; Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 18-23.535, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1182 F-B Pourvoi n° A 21-60.183 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ le syndicat Solidaires informatique, dont le siège est [Adresse 11], 2°/ M. [CO] [M], domicilié [Adresse 7], 3°/ M. [W] [J], domicilié [Adresse 10], ont formé le pourvoi n° A 21-60.183 contre le jugement rendu le 19 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon (pôle social, P2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Solutec, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 18], 2°/ à la Fédération nationale du personnel de l'encadrement des sociétés de service informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie, CFE-CGE, dont le siège est [Adresse 12], 3°/ à M. [CY] [U], domicilié [Adresse 20], 4°/ à Mme [K] [I], domiciliée [Adresse 1], 5°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 2], 6°/ à Mme [H] [A], domiciliée [Adresse 15], 7°/ à M. [N] [C], domicilié [Adresse 22], 8°/ à M. [B] [P], domicilié [Adresse 19], 9°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 21], 10°/ à Mme [SD] [OP], domiciliée [Adresse 4], 11°/ à M. [AB] [RU], domicilié [Adresse 17], 12°/ à M. [PS] [PI], domicilié [Adresse 9], 13°/ à M. [V] [F], domicilié [Adresse 8], 14°/ à Mme [RK] [E], domiciliée [Adresse 3], 15°/ à M. [AT] [Y], domicilié [Adresse 13], 16°/ à Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 16], 17°/ à M. [G] [X], domicilié [Adresse 5], 18°/ à M. [S] [RB], domicilié [Adresse 14], 19°/ à Mme [DR] [CO], domiciliée [Adresse 6], défendeurs à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires. Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Solutec, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lyon , 19 juillet 2021), un protocole d'accord préélectoral a été signé le 14 mai 2019 entre la société Solutec (la société) et trois organisations syndicales en vue de la mise en place du comité social et économique au sein de la société, prévoyant un collège unique, les proportions de femmes et d'hommes dans ce collège étant respectivement de 28,1 % et de 71,9 %, douze postes étant à pourvoir. Les élections se sont tenues du 21 au 28 juin 2019 (premier tour) et du 5 au 12 juillet 2019 (second tour). 2. Le nombre de membres titulaires ayant été réduit de moitié, la société a organisé en 2021 des élections partielles afin de pourvoir six postes de titulaires et douze de suppléants. 3.Le syndicat Solidaires informatique (le syndicat) a déposé une liste de quatre candidats tant pour les titulaires que pour les suppléants, composée uniquement d'hommes. A l'issue du second tour, ont été élus sur ces listes M. [J] en qualité de titulaire et MM. [RU], [PI], [M], en qualité de suppléants. 4. La société a saisi le tribunal judiciaire le 23 avril 2021 en annulation de l'élection de MM. [J] et [M] au motif que les listes sur lesquelles ils ont été élus ne respectent pas les règles de la représentation proportionnée entre les femmes et les hommes. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche 6. Le syndicat, MM. [M] et [J] font grief au jugement d'annuler l'élection de M. [J] en tant qu'élu titulaire au comité social et économique de la société et celle de M. [M] en tant qu'élu suppléant au sein du même comité social et économique, alors « que le tribunal, en retenant que l'appréciation de la question du respect de la parité pour la liste du syndicat devait s'apprécier à chaque dépôt de la liste (élection initiale et élection partielle) n'a pas donné de base légale à sa décision et a fait une application inexacte de la loi. » Réponse de la Cour 7. En application de l'article L. 2314-10 du code du travail les élections partielles se déroulent dans les conditions fixées à l'article L. 2314-29 pour pourvoir tous les sièges vacants dans les collèges intéressés, sur la base des dispositions en vigueur lors de l'élection précédente. 8. Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est-à-dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté. Lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe il résulte de l'article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger. 9. Aux termes de l'article L. 2314-32 du code du travail, en cas de non-respect par une liste de candidats des règles de représentation proportionnée entre les femmes et les hommes prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail, le juge annule l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats. 10. Le tribunal judiciaire, qui a relevé que le syndicat avait présenté, en vue des élections partielles des membres du comité social et économique de la société, des listes incomplètes composées de quatre hommes et constaté que ces listes comportaient un homme en surnombre au regard de la proportion de femmes et d'hommes figurant dans le protocole d'accord préélectoral établi pour les élections initiales en a déduit à bon droit qu'il convenait d'annuler l'élection du dernier élu du sexe surreprésenté, soit M. [J] sur la liste des titulaires et M. [M] sur la liste des suppléants. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. Sur l'application de la règle imposant d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances représentatives du personnel, à rapprocher : Soc., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-23.513, Bull., (rejet), et les arrêtés cités ; Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-60.222, Bull., (rejet) ; Soc., 29 septembre 2021, pourvoi n° 20-60.246, Bull., (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1184 F-B Pourvoi n° U 21-20.525 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Le groupement d'intérêt économique Klesia, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ Le groupement d'intérêt économique Klesia ADP, dont le siège est [Adresse 2], 3°/ L'institut de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco, dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° U 21-20.525 contre le jugement rendu le 16 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de [Localité 4] (pôle social), dans le litige les opposant : 1°/ au syndicat Solidaires CRCPM, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à M. [P] [T], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du groupement d'intérêt économique Klesia, du groupement d'intérêt économique Klesia ADP et de l'institut de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat Solidaires CRCPM, de M. [T], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de [Localité 4], 16 juillet 2021), l'association de moyens Klesia (l'AMK) a conclu, le 5 juillet 2019, un accord collectif d'entreprise avec les syndicats CFDT, FO et CFE-CGC, prévoyant, en son article 1, la mise en place d'un comité social et économique unique au niveau de l'AMK constituant un établissement unique pour l'ensemble des implantations géographiques. Ce même article prévoyait le nombre de délégués syndicaux pouvant légalement être désignés dans ce périmètre et la possibilité de désigner en sus des délégués syndicaux de proximité dans les différents sites de l'AMK. L'élection des membres de la délégation du personnel au comité social et économique s'est déroulée en novembre 2019. 2. Un nouvel accord a été signé le 22 décembre 2020, reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale (l'UES Klesia) entre trois entités et fixant le périmètre de mise en place du comité social et économique unique au niveau de l'UES Klesia, ainsi que le nombre de délégués syndicaux pouvant être désignés dans ce périmètre, avec possibilité pour chaque organisation syndicale représentative de désigner un total de quatre délégués syndicaux d'entité, toutes entités confondues, et six délégués syndicaux territoriaux. Cet accord prévoit que les mandats syndicaux sont maintenus jusqu'aux élections du nouveau comité social et économique devant intervenir le 31 juillet 2021 au plus tard. 3. Entre temps, le syndicat CGT des salariés Klesia et le syndicat Solidaires CRCPM avaient contesté la validité de l'accord du 5 juillet 2019 devant le tribunal judiciaire de Paris qui, par jugement du 2 février 2021, a notamment retenu que les dispositions de l'article 1 de l'accord contrevenaient aux règles d'ordre public prévues par les articles L. 2143-3 et L. 2143-13 du code du travail, en ce qu'elles interdisaient la désignation d'un délégué syndical d'établissement, tout en le réintroduisant sous l'appellation « délégué syndical de proximité » et en restreignant le crédit d'heures du délégué syndical pourtant légalement encadré, en sorte que ces dispositions devaient être annulées. 4. Par lettre du 29 mars 2021, le syndicat Solidaires CRCPM a informé le directeur des affaires sociales de l'association de moyens Klesia de la désignation de M. [T] en qualité de délégué syndical au sein de Klesia sur le site de [Localité 4]. 5. Par requête reçue au greffe le 9 avril 2021, le GIE Klesia ADP, l'Institution de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arcco et le GIE Klesia, entités composant l'UES Klesia, ont saisi le tribunal judiciaire de [Localité 4] afin d'obtenir l'annulation de cette désignation. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches 6. Le GIE Klesia ADP, le GIE Klesia et l'Institution de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco font grief au jugement de les débouter de leur demande d'annulation de la désignation de M. [T] en qualité de délégué syndical de Klesia sur le site de [Localité 4] et de leurs demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que le syndicat doit indiquer, à peine de nullité de la désignation, le cadre dans lequel il désigne un délégué syndical et la nature du mandat confié ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que l'association de moyens Klesia avait disparu le 1er janvier 2021, ses activités et son personnel ayant été repris et répartis, à cette date, entre trois entités juridiquement distinctes ; qu'un accord collectif majoritaire du 22 décembre 2020 avait reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre ces trois entités et prévu, dans l'attente des élections devant être organisées au plus tard le 31 juillet 2021, le maintien des mandats en cours des instances représentatives du personnel et des représentants syndicaux ; que ni l'accord collectif du 22 décembre 2020, ni celui du 5 juillet 2019 ne prévoient la désignation de délégués syndicaux « de site » au sein de l'UES ou de l'entreprise, ni la désignation de délégués syndicaux d'établissement ; qu'en affirmant cependant que la désignation litigieuse, notifiée au directeur des ressources humaines de « l'association de moyens Klesia » et visant un mandat de « délégué syndical au sein de Klesia sur le site de [Localité 4] » n'était pas imprécise, au motif inopérant que le même salarié avait été désigné en 2017 en qualité de délégué syndical sur le « site de [Localité 4] », ce qui n'était pas de nature à renseigner sur le périmètre de cette nouvelle désignation et la nature du mandat ainsi confié, compte tenu des accords collectifs existants et de l'évolution dans l'organisation juridique de l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 2°/ que les exposants soutenaient que le cadre de désignation mentionné dans la lettre de désignation du 29 mars 2021 était imprécis, dans la mesure où l'association de moyens Klesia avait disparu, trois entités distinctes lui ayant succédé, et que seules deux de ces entités déployaient une activité sur le site de [Localité 4] ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de l'imprécision de la lettre de désignation, que le salarié avait été désigné délégué syndical de l'association de moyens Klesia sur le site de [Localité 4] à la suite des élections des membres du comité d'entreprise de 2017, sans s'expliquer sur l'incidence de la réorganisation ayant entraîné la disparition de l'association de moyens Klesia et la répartition de ses activités entre trois entités distinctes, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. 8. Ces dispositions, même si elles n'ouvrent qu'une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d'ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux. 9. Il s'ensuit que ni un accord collectif de droit commun, ni l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d'établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d'un établissement au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail. 10. Ayant constaté que M. [T] était délégué syndical sur le site de [Localité 4] depuis 2017 et que jusqu'à l'organisation de nouvelles élections en juillet 2021, la reconnaissance d'une UES à compter du 1er janvier 2021 n'avait aucun autre effet que d'imposer aux syndicats ayant préalablement désigné des délégués syndicaux de préciser, le cas échéant, le nouveau périmètre de ces désignations en tenant compte des désignations intervenues, le tribunal en a déduit que la désignation du même salarié en qualité de délégué syndical sur le même site était précise. Le tribunal, qui a ainsi effectué la recherche visée par la deuxième branche, n'encourt pas les griefs du moyen. Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 11. Le GIE Klesia ADP, le GIE Klesia et l'Institution de retraite complémentaire Klesia Agirc-Arrco font le même grief au jugement, alors : « 3°/ que la preuve du caractère distinct d'un établissement pèse sur celui qui l'invoque ; que la désignation non-contestée d'un délégué syndical au sein d'une division de l'entreprise n'interdit pas à l'employeur de contester, au cours d'un nouveau cycle électoral, le caractère d'établissement distinct de cette même division ; qu'elle ne lui impose pas davantage de se prévaloir d'éléments nouveaux, tels qu'une réorganisation de l'entreprise, pour remettre en cause l'existence d'un établissement distinct et contester une autre désignation intervenue au cours d'un nouveau cycle électoral ; qu'en affirmant néanmoins que, du fait de la désignation non contestée d'un délégué syndical sur le site de [Localité 4] en 2017, l'employeur était « privé de la possibilité de remettre en cause la qualité du "site de [Localité 4]" comme périmètre de désignation de délégués syndicaux, sauf à prouver que la réorganisation de l'entreprise ait eu pour effet de modifier la communauté de travail de ce site », le tribunal a donné à cette précédente désignation une portée qu'elle n'avait pas et inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 4°/ que constitue un établissement distinct au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail l'établissement regroupant au moins 50 salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que la possibilité, prévue par un accord collectif, de désigner des représentants de proximité au sein d'une implantation de l'entreprise ne suffit pas à démontrer la présence, dans cette implantation, d'une communauté de travail ayant des intérêts propres ; qu'en relevant encore que le site de [Localité 4] a été retenu par l'accord collectif du 22 décembre 2020 comme l'un des dix périmètres de désignation de représentants de proximité, le tribunal s'est fondé sur un motif impropre à caractériser un établissement distinct, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2313-7 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 2143-3, alinéa 4, du code du travail : 12. Aux termes de ce texte, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. 13. Pour retenir que la désignation contestée était valable en ce qu'elle était faite au niveau d'un établissement distinct du périmètre de mise en place du comité social et économique, nonobstant les stipulations des accords du 5 juillet 2019 et du 22 décembre 2020, le jugement retient que la désignation de M. [T] sur le site de [Localité 4] en 2017 n'a jamais été contestée par l'employeur, que cette antériorité prive donc l'employeur de la possibilité de remettre en cause la qualité du site de [Localité 4] comme périmètre de désignation de délégués syndicaux, sauf à prouver que la réorganisation de l'entreprise ait eu pour effet de modifier la communauté de travail de ce site, que cependant aucune des pièces versées au débat par l'employeur ne permet de caractériser de modifications ayant remis en question l'existence de la communauté de travail des salariés de Klesia localisés sur le site de [Localité 4], ce site ayant, en outre, été retenu par l'accord du 22 décembre comme l'un des dix périmètres de désignation des « représentants de proximité ». 14. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tenant au périmètre de désignation des représentants de proximité, alors qu'il appartenait au syndicat se prévalant de la persistance du caractère distinct de l'établissement de [Localité 4] d'en apporter la preuve, le tribunal, qui n'a pas caractérisé l'existence, à la date de la désignation syndicale, d'une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 juillet 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de [Localité 4] ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Nantes ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le GIE Klesia, le GIE Klesia ADP, l'IRC Klesia Agirc-Arrco III. Le GIE Klesia ADP, le GIE Klesia et l'IRC Klesia Agirc-Arrco font grief au jugement attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande d'annulation de la désignation de M. [P] [T] en qualité de délégué syndical de Klesia sur le site de [Localité 4] et de leurs demandes indemnitaires ; 1. ALORS QUE le syndicat doit indiquer, à peine de nullité de la désignation, le cadre dans lequel il désigne un délégué syndical et la nature du mandat confié ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que l'association de moyens Klesia avait disparu le 1er janvier 2021, ses activités et son personnel ayant été repris et répartis, à cette date, entre trois entités juridiquement distinctes ; qu'un accord collectif majoritaire du 22 décembre 2020 avait reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre ces trois entités et prévu, dans l'attente des élections devant être organisées au plus tard le 31 juillet 2021, le maintien des mandats en cours des instances représentatives du personnel et des représentants syndicaux ; que ni l'accord collectif du 22 décembre 2020, ni celui du 5 juillet 2019 ne prévoient la désignation de délégués syndicaux « de site » au sein de l'UES ou de l'entreprise, ni la désignation de délégués syndicaux d'établissement ; qu'en affirmant cependant que la désignation litigieuse, notifiée au directeur des ressources humaines de « l'association de moyens Klesia » et visant un mandat de « délégué syndical au sein de Klesia sur le site de [Localité 4] » n'était pas imprécise, au motif inopérant que le même salarié avait été désigné en 2017 en qualité de délégué syndical sur le « site de [Localité 4] », ce qui n'était pas de nature à renseigner sur le périmètre de cette nouvelle désignation et la nature du mandat ainsi confié, compte tenu des accords collectifs existants et de l'évolution dans l'organisation juridique de l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les exposants soutenaient que le cadre de désignation mentionné dans la lettre de désignation du 29 mars 2021 était imprécis, dans la mesure où l'association de moyens Klesia avait disparu, trois entités distinctes lui ayant succédé, et que seules deux de ces entités déployaient une activité sur le site de [Localité 4] ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de l'imprécision de la lettre de désignation, que le salarié avait été désigné délégué syndical de l'association de moyens Klesia sur le site de [Localité 4] à la suite des élections des membres du comité d'entreprise de 2017, sans s'expliquer sur l'incidence de la réorganisation ayant entraîné la disparition de l'association de moyens Klesia et la répartition de ses activités entre trois entités distinctes, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ; 3. ALORS QUE la preuve du caractère distinct d'un établissement pèse sur celui qui l'invoque ; que la désignation non-contestée d'un délégué syndical au sein d'une division de l'entreprise n'interdit pas à l'employeur de contester, au cours d'un nouveau cycle électoral, le caractère d'établissement distinct de cette même division ; qu'elle ne lui impose pas davantage de se prévaloir d'éléments nouveaux, tels qu'une réorganisation de l'entreprise, pour remettre en cause l'existence d'un établissement distinct et contester une autre désignation intervenue au cours d'un nouveau cycle électoral ; qu'en affirmant néanmoins que, du fait de la désignation non contestée d'un délégué syndical sur le site de [Localité 4] en 2017, l'employeur était « privé de la possibilité de remettre en cause la qualité du « site de [Localité 4] » comme périmètre de désignation de délégués syndicaux, sauf à prouver que la réorganisation de l'entreprise ait eu pour effet de modifier la communauté de travail de ce site », le tribunal a donné à cette précédente désignation une portée qu'elle n'avait pas et inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2143-8 du code du travail ; 4. ALORS QUE constitue un établissement distinct au sens de l'article L. 2143-3 du code du travail l'établissement regroupant au moins 50 salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ; que la possibilité, prévue par un accord collectif, de désigner des représentants de proximité au sein d'une implantation de l'entreprise ne suffit pas à démontrer la présence, dans cette implantation, d'une communauté de travail ayant des intérêts propres ; qu'en relevant encore que le site de [Localité 4] a été retenu par l'accord collectif du 22 décembre 2020 comme l'un des dix périmètres de désignation de représentants de proximité, le tribunal s'est fondé sur un motif impropre à caractériser un établissement distinct, en violation des articles L. 2143-3 et L. 2313-7 du code du travail. Sur les critères d'appréciation de l'établissement distinct, en tant que cadre de la désignation syndicale, à rapprocher : Soc., 24 mai 2016, pourvoi n° 15-20.168, Bull. 2016, V, n° 113 (cassation partielle), et l'arrêt cité. Sur l'effet d'un accord collectif ou d'un accord d'entreprise sur la détermination du périmètre de désignation syndicale, à rapprocher : Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-18.442, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° A 22-81.393 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 Mme [T] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 février 2022, qui, dans l'information suivie contre elle, notamment, des chefs de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 30 mai 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [T] [J], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une première information judiciaire ouverte des chefs notamment d'infractions à la législation sur les armes, l'appartement occupé par M. [F] [X] et Mme [T] [J] situé au [Adresse 2], a fait l'objet d'une sonorisation, autorisée par ordonnance du 3 juin 2016, renouvelée jusqu'au 6 juin 2017. 3. Le 8 septembre 2017 et le 20 juin 2018, les enquêteurs ont indiqué avoir tenté de pénétrer dans l'appartement afin de retirer le dispositif alors désactivé, sans y parvenir, en raison de la pose d'une serrure inviolable. Ils ont précisé surseoir à ce retrait dans l'attente d'une opportunité d'accès à l'appartement. 4. Dans le cadre d'une deuxième information judiciaire portant sur des faits de tentative d'assassinat, le juge d'instruction a ordonné, le 16 novembre 2018, la sonorisation de l'appartement susvisé et a prolongé cette mesure à plusieurs reprises. 5. Pour mettre en oeuvre cette sonorisation, le service technique est « entré en communication » avec le dispositif resté en place dans l'appartement, qu'il a activé le 3 décembre 2018 à 20 heures. 6. Cette mesure aurait permis de percevoir des manipulations d'importantes sommes d'argent, dissimulées dans des caches au sein de l'appartement. 7. Sur la base de ces renseignements, une troisième information judiciaire a été ouverte le 12 avril 2019, des chefs de blanchiment de crime ou délit commis en bande organisée, non-justification de ressources et association de malfaiteurs. 8. Par ordonnance du même jour, le juge d'instruction a ordonné la sonorisation de l'appartement précité, qu'il a renouvelée jusqu'au 28 septembre 2020, date à laquelle une perquisition a été diligentée et a permis le retrait du dispositif posé dans le cadre de la première sonorisation. 9. Par ailleurs, le juge d'instruction a autorisé, par ordonnance du 7 octobre 2019, la sonorisation de l'appartement de Mme [J], situé au [Adresse 1], à [Localité 4]. 10. Cette mesure a été prolongée jusqu'au 6 octobre 2020, date à laquelle le juge d'instruction a dessaisi les services de police. 11. Par ordonnance du 14 octobre 2020, il a autorisé la poursuite de la sonorisation de cet appartement et a confié cette mesure au directeur général de la gendarmerie nationale par commission rogatoire datée du même jour. 12. Dans le cadre de la troisième information judiciaire susvisée, Mme [J] a été mise en examen le 16 janvier 2021 des chefs de blanchiment en bande organisée de crimes ou de délits et notamment d'extorsion en bande organisée, fraude fiscale, trafic de stupéfiants, ainsi que des chefs de non-justification de ressources et association de malfaiteurs. 13. Le 4 juin 2021, son avocat a déposé une requête en annulation notamment de la mesure de sonorisation de ses appartements. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en sa première branche, les quatrième et cinquième moyens 14. Les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses autres branches et le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé des moyens 15. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en nullité, alors : « 2°/ que si un même domicile peut faire l'objet, à l'occasion de procédures distinctes, de mesures de sonorisation successives, la durée globale de ces mesures ne peut excéder la durée maximale de sonorisation prévue par la loi ; que, pour apprécier la durée globale desdites mesures, il convient de tenir compte de la période pendant laquelle le dispositif est resté installé dans le domicile y compris le temps où il n'était pas activé ; qu'en rejetant le moyen de nullité pris de ce que l'appartement sis [Adresse 2] avait fait l'objet, à l'occasion de trois procédures distinctes, de mesures de sonorisation successives dont la durée globale avait dépassé le délai maximal de deux ans prévu par la loi au motif inopérant qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même logement ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion de procédures distinctes sauf à ce que le recours à un stratagème ne soit établi, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-98 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, 706-95-16 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019 précitée, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que l'installation et le maintien d'un dispositif de sonorisation dans un domicile porte une atteinte grave au respect de la vie privée que ce soit, bien qu'avec une intensité différente, le temps où ce dispositif est activé comme celui où il est désactivé mais peut l'être, à tout moment, sur décision de l'autorité judiciaire ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter le moyen de nullité soulevé par la mise en examen, qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même logement ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion de procédures distinctes sauf à ce que le recours à un stratagème ne soit établi sans rechercher, comme elle y était invitée, si le recours, pendant plus quatre ans, à des mesures de sonorisation, dans le même appartement, à l'encontre des mêmes personnes, dans le cadre d'informations judiciaires ouvertes au cabinet du même juge d'instruction et dans lesquelles le même service de police était rogatoirement saisi, ne constituait pas une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée (requête, p. 6 à 8), la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » 16. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté se requête en nullité, alors : « 2°/ que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme prohibe le maintien d'un dispositif de sonorisation en dehors de toute autorisation quand bien même ce dernier ne serait pas exploité ; qu'en ne répondant pas au moyen de madame [J] qui faisait valoir que le maintien sans droit puis la réactivation du dispositif avait porté gravement atteinte à son droit au respect de la vie privée dans la mesure où les enquêteurs pouvaient, pendant plus de dix-huit mois, activer ce dispositif à distance de façon arbitraire et en dehors de tout contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 17. Les moyens sont réunis. Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche 18. C'est à bon droit que la chambre de l'instruction, après avoir examiné la régularité de chacune des mesures de sonorisation ordonnées dans l'appartement sis [Adresse 2], a énoncé qu'il ne résulte d'aucun texte qu'un même domicile ne puisse faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisations à l'occasion de procédures distinctes, sauf à ce que le recours à un stratagème soit établi, pour les motifs qui suivent. 19. La technique spéciale d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale ne peut être mise en oeuvre que sur autorisation écrite et motivée d'un juge justifiant de la nécessité des opérations, par référence aux éléments de fait et de droit issus de chaque procédure dans le cadre de laquelle cette mesure est ordonnée. 20. Placée sous le contrôle effectif d'un magistrat du siège, la mesure de sonorisation ne peut donner lieu à transcription que des données utiles à la manifestation de la vérité interceptées dans le temps de l'autorisation du juge, conformément aux dispositions de l'article 706-95-16 dudit code. 21. De plus, elle ne peut être ordonnée que pour les seules nécessités de l'enquête ou de l'information judiciaire relatives à une infraction d'une particulière gravité et complexité, de sorte qu'elle est une mesure nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. 22. Enfin, les articles 706-98 du code de procédure pénale, dans sa version antérieure à la loi du 23 mars 2019, et 706-95-16 du même code, dans sa version issue de cette loi, prévoient que la durée totale des opérations ordonnées dans une même procédure ne peut excéder deux ans. 23. Ainsi, dans la procédure concernée, aucune captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles ou images ne saurait avoir lieu après expiration de ce délai, indépendamment de la date du retrait du dispositif de sonorisation, qui n'en constitue qu'une modalité d'exécution. 24. Il en résulte que le grief, qui ne critique pas la régularité de chacune des sonorisation ordonnées, doit en conséquence être écarté. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche 25. Le demandeur ne saurait se prévaloir d'une atteinte effective à sa vie privée consécutive au seul maintien dans les lieux du dispositif technique prévu à l'article 706-96 du code de procédure pénale, dont l'accès était devenu impossible, dès lors que, ainsi que la chambre de l'instruction l'a constaté, il résulte des procès-verbaux dressés par les enquêteurs et de la note du 13 septembre 2021 du commissaire divisionnaire, chef de l'office central de lutte contre le crime organisé, que le dispositif de captation a été désactivé et le matériel de réception des conversations retiré dès la fin des opérations autorisées par le juge d'instruction, ce dispositif devenant dès lors inutilisable par les enquêteurs. 26. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en nullité, alors : « 1°/ que le renouvellement d'une autorisation de mise en place d'un dispositif de sonorisation doit intervenir avant l'expiration de la mesure précédente même si le système mis en place est resté, pendant un certain temps, désactivé dans les lieux concernés ; qu'en rejetant le moyen de nullité dirigé contre l'ordonnance du 14 octobre 2020 par laquelle le juge d'instruction avait ordonné la prolongation de la sonorisation de l'appartement situé [Adresse 1] et qui était tiré de ce que cette ordonnance de prolongation avait été prise à une date postérieure à l'expiration de la précédente prolongation au motif inopérant qu'avant qu'il ne prenne cette ordonnance le juge d'instruction avait dessaisi le service de police en charge de l'enquête au profit d'un service de la gendarmerie nationale et qu'il résulte d'un procès-verbal du 6 octobre 2020 que ce service de police avait mis fin à « l'écoute de la sonorisation », la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 706-95-16 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; 2°/ qu'en écartant ce moyen de nullité au motif que le service de police initialement saisi avait mis fin à « l'écoute de la sonorisation » du domicile situé [Adresse 1] lorsqu'elle constatait que ledit service avait mis fin à l'écoute « au profit de la section de recherche d'[Localité 3] », ce dont il résultait que l'exploitation du dispositif n'avait pas cessé le 6 octobre 2020 et que, compte tenu de la pose effective de ce dispositif le 8 octobre 2019, le renouvellement ne pouvait intervenir après le 8 octobre 2020, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-95-16 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. » Réponse de la Cour 28. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité de la prolongation de la sonorisation de l'appartement situé au [Adresse 1], l'arrêt attaqué énonce en substance que le renouvellement de la mesure de sonorisation, dont le dispositif a été effectivement posé le 8 octobre 2019, aurait dû intervenir avant le 8 octobre 2020. 29. Les juges relèvent que, le 5 octobre 2020, le juge d'instruction a dessaisi les services de police initialement chargés de l'exécution de la sonorisation. 30. Ils ajoutent que, par ordonnance du 14 octobre 2020, le juge d'instruction a, de nouveau, autorisé la sonorisation de l'appartement situé au [Adresse 1] pour une durée de quatre mois et a délivré, le même jour, une commission rogatoire au directeur général de la gendarmerie nationale. 31. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a exactement analysé la portée de l'ordonnance du 14 octobre 2020 comme constituant une nouvelle mesure de sonorisation et non la prolongation de la précédente, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 32. En effet, un même domicile peut faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion d'une même procédure, dès lors que la durée totale des opérations n'excède pas deux ans, conformément à l'article 706-95-16 du code de procédure pénale . 33. Dès lors, le moyen n'est pas fondé. 34. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 20-86.216 F- B 29 NOVEMBRE 2022 NON LIEU À RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [W] [E] a présenté, par mémoire spécial reçu le 8 septembre 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion des pourvois formé par lui et le procureur général près la cour d'appel d'Angers contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 4 novembre 2020, qui a refusé sa remise aux autorités judiciaires italiennes en exécution d'un mandat d'arrêt européen pour une partie des faits et ordonné, pour le surplus, un supplément d'information. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [W] [E], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mmes Ménotti, Labrousse, MM. Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 695-23 du code de procédure pénale méconnaissent-elles le principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel la remise d'un individu à un Etat étranger pour les besoins de la coopération internationale en matière pénale ne peut avoir lieu que dans le respect de la règle de la double incrimination, ainsi que le droit à la sûreté et le principe de la garantie des droits prévus par les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont découle cette exigence d'une double d'incrimination, en ce qu'elles prévoient, en application de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne du 14 juillet 2022 (aff. C-168/21) et alors que le principe précité d'exigence de double incrimination est inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, que l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ne peut être refusée même lorsque l'infraction visée par ce mandat nécessite pour être constituée que les faits portent atteinte à un intérêt juridique protégé qui n'est pas un élément constitutif de l'infraction figurant au sein de la législation française susceptible d'être appliquée auxdits faits, à l'instar d'un mandat d'arrêt émis pour l'exécution d'une condamnation à une peine de dix ans d'emprisonnement au titre du délit de dévastation et pillage prévu par la législation italienne pour des faits supposant une atteinte à la paix publique, élément constitutif qui n'est pas exigé pour l'infraction de vol avec destruction, dégradation ou détérioration seule applicable, au sein de la législation française, aux faits ayant donné lieu à cette condamnation ? ». 2. Il résulte des dispositions de l'article 574-2, alinéa 2, du code de procédure pénale que le mémoire exposant les moyens de cassation contre un arrêt de chambre de l'instruction statuant en matière de mandat d'arrêt européen doit être déposé dans le délai de cinq jours à compter de la réception du dossier à la Cour de cassation. En application de l'alinéa 3 de ce même texte, après l'expiration de ce délai, aucun moyen nouveau ne peut être soulevé par le demandeur et il ne peut plus être déposé de mémoire. Il en va de même du mémoire distinct et motivé soulevant la question prioritaire de constitutionnalité prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. 3. Il s'ensuit que lorsque la question prioritaire de constitutionnalité est soulevée dans un mémoire additionnel déposé postérieurement au délai susvisé, elle est en principe irrecevable, sauf à ce que le mémoire la soulevant ne contienne des éléments dont la méconnaissance aurait mis le demandeur dans l'impossibilité de soulever ladite question dans le délai ci-dessus exposé. 4. Tel est le cas en l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la condition de double incrimination, posée à l'article 695-23 du code de procédure pénale, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt en date du 14 juillet 2022, rendu sur question préjudicielle de la Cour de cassation dans le présent pourvoi (CJUE, arrêt du 14 juillet 2022, [W] [E], C-168/21). 5. Il s'en déduit que ladite question est, dès lors, recevable. 6. La disposition législative contestée, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 7. Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France ne peut être invoqué pour contester la conformité à la Constitution de dispositions législatives transposant la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009. 8. En effet, le Conseil constitutionnel énonce que, par les dispositions particulières de l'article 88-2 de la Constitution, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne. Par suite, saisi de telles dispositions, il lui appartient de contrôler la conformité à la Constitution des seules dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du Traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable (Cons. const., 22 avril 2022, décision n° 2022-989 QPC). 9. Selon l'article 695-23, alinéa 1er, du code de procédure pénale, dans sa version critiquée, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée si le fait faisant l'objet dudit mandat d'arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la loi française. 10. Ces dispositions transposent en droit français les articles 2, paragraphe 4, et l'article 4, point 1, de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen. 11. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'interprétation de la notion de « double incrimination » par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt précité du 14 juillet 2022. 12. Dans cet arrêt, la CJUE a dit pour droit que les articles 2, paragraphe 4, et 4, point 1, précités de la décision cadre 2002/584/JAI doivent être interprétés en ce sens que la condition de la double incrimination du fait, prévue à ces dispositions, est satisfaite dans la situation où un mandat d'arrêt européen est émis aux fins de l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée pour des faits qui relèvent, dans l'État membre d'émission, d'une infraction nécessitant que ces faits portent atteinte à un intérêt juridique protégé dans cet État membre, lorsque de tels faits font également l'objet d'une infraction pénale au regard du droit de l'État membre d'exécution pour laquelle l'atteinte à cet intérêt juridique protégé n'est pas un élément constitutif. 13. Il s'en déduit que les dispositions de l'article 695-23 du code de procédure pénale, en ce qu'elles posent la condition de double incrimination dont l'interprétation résulte nécessairement de l'arrêt précité, ne procèdent pas de l'exercice par le législateur de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du Traité sur l'Union européenne dans sa rédaction alors applicable. 14. Dès lors, le Conseil constitutionnel s'interdisant de contrôler la conformité à la Constitution des dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen qui ne mettent pas en oeuvre la marge d'appréciation précitée, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 22-81.814 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [I] [E], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 24 février 2022, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte du chef de diffamation publique. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [I] [E], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 4 décembre 2020, à la sortie du collège où était scolarisée leur fille, [F], née en 2008, Mme [V] [T] a apostrophé son ex-mari, M. [I] [E], en ces termes : « est-ce que ton autorité parentale te permet de taper ta fille, est-ce que ton autorité parentale te permet de frapper ta fille et de mal la traiter quand elle est chez toi ... ». 3. Par lettre du 20 décembre 2020, M. [E] a adressé une plainte simple pour diffamation publique au procureur de la République qui, le 30 décembre suivant, a délivré un soit-transmis aux fins d'enquête aux services de police, lesquels ont procédé à l'audition des intéressés les 12 et 22 janvier 2021. 4. Le 26 janvier 2021, le procureur de la République a décidé d'ordonner, en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale, un rappel à la loi qui a été notifié à Mme [T] le 11 février suivant. 5. A la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [E] le 6 avril 2021, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer en raison de la prescription des faits. 6. M. [E] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de refus d'informer sur sa plainte avec constitution de partie civile, alors : « 1°/ qu'en matière d'infractions à la loi sur la liberté de la presse, la prescription peut être interrompue, avant l'engagement des poursuites, par des réquisitions aux fins d'enquête, qui articulent et qualifient les faits à raison desquels l'enquête est ordonnée ; qu'en refusant de reconnaître un effet interruptif de prescription au soit-transmis aux fins d'enquête par audition de la personne mise en cause et de la victime, mentionnant que les diligences doivent être accomplies selon les modalités suivantes : « URGENT Prescription courte », accompagné de la plainte qui articulait et qualifiait de diffamation publique les propos reprochés à Mme [T], la cour d'appel a méconnu l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ; 2°/ que sont interruptives de prescription, d'une part, les réquisitions d'enquête qui articulent et qualifient les faits et, d'autre part les procès-verbaux dressés en exécution desdites réquisitions ; qu'en refusant de reconnaître un effet interruptif de prescription aux actes d'enquête des services de police ou de gendarmerie établis dans le cadre d'une commission rogatoire, en l'espèce l'audition du plaignant le 12 janvier 2021 et celle de la personne mise en cause le 22 janvier 2021, la cour d'appel a méconnu l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881. 3°/ que le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, procéder au rappel à la loi ; que la prescription est suspendue pendant la procédure de rappel à la loi ; que la procédure de rappel à la loi débute avec la décision du procureur de la République de la mettre en oeuvre préalablement à sa décision sur l'action publique et s'achève avec sa décision sur l'action publique ; qu'en l'espèce, la période de suspension courait donc à compter de la décision du procureur de la République d'ordonner un rappel à la loi, le 26 janvier 2021, jusqu'à sa décision sur l'action publique, par ses réquisitions du novembre 2021 ; que la prescription avait donc été suspendue et n'a repris son cours qu'à cette date ; qu'en retenant que la prescription n'avait été suspendue qu'entre le 26 janvier 2021 et le 11 février 2021, date de la notification du rappel à la loi, pour juger prescrite la plainte avec constitution de partie civile du 6 avril 2021, la cour d'appel a violé l'article du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour constater la prescription de l'action de M. [E] à la date de sa plainte avec constitution de partie civile du 6 avril 2021, l'arrêt attaqué énonce que le délai de prescription, qui a couru à compter de la tenue des propos le 4 décembre 2020, n'a été interrompu ni par la plainte simple du 20 décembre 2020, ni par le soit-transmis du procureur de la République aux fins d'enquête du 30 décembre 2020, ni par les actes d'enquête des 12 et 22 janvier 2021. 9. Les juges ajoutent que le rappel à la loi ordonné par le procureur de la République le 26 janvier 2021 n'a entraîné la suspension de la prescription que jusqu'à la notification à l'intéressé, le 11 février 2021, de ce rappel à la loi, soit pendant un délai de seize jours. Ils en déduisent que la prescription s'est trouvée acquise le 20 mars 2021. 10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 11. D'une part, le soit-transmis du ministère public aux fins d'enquête et les actes d'exécution qui ont suivi n'ont pu interrompre la prescription, dès lors que les réquisitions aux fins d'enquête ont seulement fait état d'une diffamation publique, sans autre précision sur le type de diffamation visé, et n'ont donc pas qualifié les faits, comme l'exige l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. 12. D'autre part, le rappel à la loi prévu par l'article 41-1 du code de procédure pénale, dès lors qu'il s'effectue en deux temps, a entraîné la suspension du délai de prescription du 26 janvier 2021, date de la décision du ministère public, au 11 février suivant, date de la notification à l'intéressé dudit rappel. 13. Ainsi, le moyen n'est pas fondé. 14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° D 22-82.615 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [L] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 12 avril 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, blanchiment et refus de remettre ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 13 juillet 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Une information a été ouverte par réquisitoire introductif du 31 mai 2021. 3. A cette même date, le procureur de la République, au visa de l'article 80-5 du code de procédure pénale, a autorisé les enquêteurs à poursuivre une mesure de géolocalisation de véhicule et à maintenir en place un dispositif de captation d'images. 4. M. [L] [Z] a été mis en examen des chefs susvisés le 4 juin 2021. 5. Le 3 novembre 2021, la chambre de l'instruction a été saisie de deux requêtes en annulation d'actes de la procédure, dont l'une présentée pour M. [Z]. Examen des moyens Sur les premier et quatrième moyens 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif, alors qu'en jugeant, pour contourner l'absence d'indication de l'heure sur cet acte, que le point de départ du délai de quarante-huit heures est fixé au lendemain du réquisitoire introductif, pour s'achever quarante-huit heures plus tard à 24 heures, la chambre de l'instruction a violé l'article 80-5 du code de procédure pénale. Réponse de la Cour 8. Pour rejeter le grief de la nullité du réquisitoire introductif, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'absence d'un texte exigeant l'horodatage de cet acte, seule la date du réquisitoire introductif est exigée à peine de nullité. 9. En l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 10. Le moyen doit être écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la mesure de géolocalisation, alors qu'en l'espèce, les opérations de géolocalisation se sont poursuivies jusqu'au 2 juin 2021 à 10 heures 48 et qu'après le retrait de la balise du véhicule, celle-ci est restée active jusqu'à 15 heures 49 et 45 secondes ; qu'en ne recherchant pas si la défense était en mesure de déterminer si le délai de quarante-huit heures, au-delà duquel la mesure de géolocalisation ne pouvait plus être réalisée qu'en exécution d'une commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur, avait été respecté, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 81, 81-5, 151 et 152 du code de procédure pénale et le principe d'irrévocabilité de la saisine du juge d'instruction. Réponse de la Cour 12. C'est à tort que, pour écarter le grief pris de la poursuite irrégulière des investigations, la chambre de l'instruction a retenu que le délai de quarante-huit heures visé à l'article 80-5 du code de procédure pénale relevait du régime défini par l'article 801 de ce code et en a déduit que le point de départ de ce délai est fixé au jour du réquisitoire introductif, soit en l'espèce le 31 mai 2021, pour s'achever quarante-huit heures plus tard, soit le 2 juin à 24 heures. 13. En effet, ce délai, exprimé en heures, doit être calculé en heures, à compter de celle à laquelle le réquisitoire introductif a été établi. 14. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure, pour les motifs qui suivent. 15. D'une part, il se déduit de manière certaine des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que le réquisitoire introductif a été établi à 11 heures le 31 mai 2021, cette information figurant sur l'autorisation de poursuite des mesures en cours délivrée par le procureur de la République. 16. D'autre part, il ressort des pièces de cette même procédure qu'aucune des mesures dont le maintien avait été autorisé ne s'est poursuivie au-delà de l'expiration du délai de quarante-huit heures susvisé. 17. Ainsi, le moyen doit être rejeté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-81.088 F-B 29 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 M. [N] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 19 janvier 2022, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a ordonné une mesure de confiscation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [N] [Z], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 20 septembre 2016, les gendarmes, appelés pour des faits de violences, sont intervenus au sein du salon de tatouage [2] où ils ont été accueillis par M. [K] [E], lequel s'est révélé ne pas avoir été déclaré auprès de l'URSSAF par le gérant de l'établissement, M. [N] [Z]. 3. Une enquête pour travail dissimulé a été ouverte. 4. Au terme de celle-ci, M. [Z] a été convoqué devant le tribunal correctionnel de ce chef. 5. Par jugement contradictoire, en date du 29 mars 2018, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés. 6. Le ministère public a interjeté appel principal. M. [Z] a interjeté appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable, entre octobre 2014 et le 11 mai 2016 des faits poursuivis comme étant employeur de Mme [S], MM. [I] et [K], d'omettre intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche et s'être soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de quatre mois avec sursis et a ordonné la confiscation en valeur de la somme de 43 700 euros sur les comptes bancaires de M. [Z] ayant fait l'objet d'une autorisation de saisie par le juge des libertés et de la détention à concurrence de la somme de 80 689 euros, alors « que si dans le cadre d'une saisine initiale par citation ou par convocation par procès-verbal, la juridiction refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité au cours des débats par des conclusions écrites, elle doit spécialement motiver sa décision ; qu'en s'abstenant de répondre à la demande d'actes déposée par le conseil de Monsieur [Z] le 9 mars 2021 sollicitant un supplément d'information « afin de procéder à des auditions de la clientèle/témoin venant se faire percer ou tatouer dans les locaux de l'entreprise [2], au besoin en se référant à l'agenda placé sous scellés, lesdits locaux étant loués à la SCM [1] dont Monsieur [Z] dispose de l'intégralité des parts », étant essentiel de déterminer « si la clientèle était facturée par l'entreprise individuelle [2], à savoir Monsieur [N] [Z], ou bien par Madame [D] [S] et/ou Monsieur [X] [I] qui exerçaient en nom propre en qualité d'indépendants (piercings pour Madame [D] [S] et tatouage pour Monsieur [X] [I]), laquelle était déterminante pour la solution du litige, la cour d'appel a violé les articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 388-5 et 512 du code de procédure pénale : 8. Selon ces textes, si dans le cadre d'une saisine initiale par citation ou par convocation par procès-verbal, la juridiction refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité avant le début de l'audience, par conclusions écrites adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, elle doit spécialement motiver sa décision. Cette exigence ne cesse pas même lorsque des conclusions, régulièrement déposées à l'audience, ne réitèrent pas expressément une telle demande d'actes. 9. En l'espèce, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de travail dissimulé. 10. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions écrites, adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception signé le 11 mars 2021, qui sollicitaient un supplément d'information aux fins d'audition de la clientèle ou de témoins, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 11. La cassation est dès lors encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les deuxième et troisième moyens de cassation proposés, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 19 janvier 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-85.579 F-D 29 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 29 NOVEMBRE 2022 Mme [Y] [U] et M. [F] [T] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2021, qui, pour travail dissimulé, l'une et l'autre, et le second, en outre, pour infractions à la réglementation sur la pêche, les a condamnés chacun à 6 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [Y] [U] et de M. [F] [T], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Mme [Y] [U] et son époux, M. [F] [T], sont co-gérants de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (ci-après EARL) le Routioutiou, immatriculée au registre du commerce et des sociétés en 2006, au titre d'une activité d'ostréiculture, qui relève du régime de la mutualité sociale agricole. 3. L'entreprise a développé, sur le site de l'exploitation, des prestations de dégustation. 4. À l'initiative de divers services, deux opérations de contrôle ont été opérées les 13 et 18 août 2017 sur les lieux dédiés à cette activité. 5. Mme [U] et M. [T] ont été poursuivis, le second pour infractions à la législation sur la pêche maritime, l'un et l'autre pour travail dissimulé par dissimulation de trois salariés et d'activité entre le 15 janvier 2014 et le 31 décembre 2017. 6. Par jugement en date du 25 novembre 2019, le tribunal correctionnel a prononcé des relaxes partielles et a déclaré les prévenus coupables de travail dissimulé, par dissimulation de deux salariés et d'activité, du 1er janvier au 31 décembre 2017. M. [T] a en outre été reconnu coupable d'infractions à la législation sur la pêche maritime. 7. Les premiers juges ont condamné Mme [U] et M. [T] à des peines d'amende, à la confiscation des biens saisis ou placés sous scellés et ont prononcé sur les intérêts civils. 8. Les prévenus, puis le procureur de la République, et l'URSSAF, ont relevé appel de cette décision. Examen des moyens Sur le premier moyen, le quatrième moyen, pris en sa première branche, et le cinquième moyen 9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré coupables Mme [U] et M. [T] de travail dissimulé par dissimulation d'activité, alors « que l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité n'est caractérisée que lorsque la déclaration aux fins d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés est obligatoire ; qu'en énonçant par des motifs inopérants que l'activité de dégustation exercée par les prévenus aurait dû rester subsidiaire par rapport à leur activité de production et en se fondant sur des textes réglementaires et législatifs dont elle relevait elle-même le caractère indicatif (arrêt attaqué, p. 10), lorsque l'activité de dégustation est par essence une activité agricole de sorte qu'elle n'imposait aucune déclaration supplémentaire de la part des prévenus dont l'activité de production agricole était au demeurant régulièrement déclarée, la cour d'appel a méconnu les articles L. 311-1 du code rural et l'arrêté préfectoral de Gironde du 11 avril 2011 pris pour son application, les articles L. 8221-1 à L. 8221-6 et L. 8224-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 11. Pour condamner Mme [U] et M. [T] du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité entre le 15 janvier 2014 et le 31 décembre 2017, l'arrêt attaqué énonce que les contrôles effectués ont mis en évidence la présence de salariés non déclarés dans les lieux dédiés à la dégustation. 12. Il précise que les achats d'alcool sont passés de 3 594 bouteilles en 2014 à 8 910 en 2017, que les sommes dépensées pour l'achat de denrées alimentaires ont varié, de 2014 à 2017, selon les années, entre 11 324,84 euros et 16 036,71 euros. 13. Les juges relèvent que l'établissement de restauration occupe une surface permettant de servir des clients sur onze tables en salle et vingt-six en terrasse, soit une capacité de deux cent vingt-deux couverts simultanément, et que des travaux d'aménagement de ces locaux ont été réalisés pour un montant global de 200 000 euros. 14. Ils observent qu'une centaine de poissons de mer ont été trouvés dans les chambres froides de l'établissement, dont une trentaine de bars pêchés par M. [T] dans des conditions et au moyen d'engins illégaux, que des achats de coquillages et d'huîtres ont été réalisés auprès de producteurs extérieurs et qu'il ressort des auditions de salariés et des mis en cause eux-mêmes qu'ils vendaient plus d'huîtres qu'ils n'en produisaient. 15. Ils énoncent que le chiffre d'affaires de l'entreprise, reconstitué par les enquêteurs, lié à la seule activité de restauration, est passé de 389 788,50 euros en 2014 à 929 560 euros en 2017, soit entre 61 % et 72 % du chiffre d'affaires global de la société, pourcentages qui n'ont pas été véritablement contestés à l'audience. 16. Les juges retiennent enfin que la comptable de la société a déclaré avoir mis en garde les co-gérants, oralement, puis par écrit, sur la nécessité de déclarer cette activité commerciale, qui était devenue principale, ce témoin concluant qu'il n'était pas possible en l'état de créer deux sociétés, en raison de l'utilisation du domaine public maritime, mais qu'il était impératif que l'activité de dégustation reprenne des proportions normales ou quitte ce domaine. 17. La cour d'appel constate enfin que l'activité de dégustation devait, au regard des textes parfaitement connus des prévenus, demeurer secondaire, dans le prolongement de l'activité principale de production, telle que définie par l'objet de leur entreprise, alors que cette activité de dégustation, entre 2014 et 2017, a été pourtant majoritaire. 18. Elle en déduit qu'au regard de l'article L. 8221-3 du code du travail, les co-gérants devaient obligatoirement faire les déclarations nécessaires au registre du commerce et des sociétés et les déclarations impératives des salariés auprès de I'URSSAF, toutes démarches qu'ils se sont volontairement abstenus de réaliser. 19. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité poursuivi, sans méconnaître les textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 20. En premier lieu, il se déduit de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime que seules sont réputées agricoles les activités de culture marine et les activités exercées par un aquaculteur qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. 21. En deuxième lieu, selon l'article L. 911-1 de ce même code, la conchyliculture est une forme d'aquaculture et cette activité d'exploitation comprend notamment le captage, l'élevage, la finition, la purification, l'entreposage, le conditionnement, l'expédition ou la première mise en marché des produits. 22. En troisième lieu, il se déduit des motifs susvisés de l'arrêt attaqué que les co-gérants de l'EARL [1], dont l'objet déclaré est l'ostréiculture, ont procédé à la revente habituelle, d'une part, de poissons de mer, d'autre part, d'huîtres et coquillages achetés auprès d'autres producteurs, activités qui ne peuvent être regardées comme ayant pour support leur exploitation. 23. En quatrième lieu, les prestations de restauration, ci-dessus décrites, compte tenu, d'une part, de l'importance des moyens qui leur ont été consacrés, d'autre part, de la fréquence et du montant des achats pour revendre qu'elles ont nécessités, dépourvus de tout lien avec l'activité de production, enfin, de leur prédominance sur celle-ci, d'un point de vue économique, ne peuvent être considérées comme le prolongement de l'activité de production ostréicole. 24. Le moyen sera donc écarté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [U] et M. [T] coupables de dissimulation d'activité par dissimulation de salariés, alors : « 1°/ que, d'une part, la déclaration simplifiée d'un salariée dite « TESA » vaut déclaration nominative au sens de l'article L. 1221-10 du code du travail de sorte que l'employeur qui y procède ne saurait se voir reprocher le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L. 8221-5, 1° du code du travail ; qu'en retenant néanmoins, s'agissant de la déclaration TESA de M. [O] [R], que « c'est à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré cette déclaration simplifiée dite TESA comme insuffisante et inefficace à remplacer la déclaration préalable à l'embauche et a condamné les prévenus de ce chef, en réduisant toutefois la période de prévention » (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel a violé les articles L. 1221-10 du code du travail, L. 712-1 et R. 712-6 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 8221-5 du code du travail. 2°/ que, d'autre part, et en tout état de cause, en déclarant les prévenus coupables de dissimulation de l'emploi salarié de M. [O] [R], sans constater le caractère intentionnel de cette dissimulation, lorsqu'elle relevait pourtant que l'employeur avait procédé à la déclaration simplifiée dite « TESA » de M. [O] [R] (arrêt attaqué, p. 9), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-5 du code du travail ; 3/ qu' enfin, en déclarant les prévenus coupables de dissimulation de l'emploi salarié de M. [B] sans constater le caractère intentionnel de cette dissimulation, lorsqu'elle relevait pourtant que l'employeur avait procédé à la déclaration tardive de M. [B] (arrêt attaqué, p. 9) ce qui démontrait qu'il avait eu l'initiative d'une déclaration et qu'il n'entendait donc pas dissimuler cet emploi salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 du code pénal et L. 8221-5 du code du travail. » Réponse de la Cour 26. Pour déclarer coupables Mme [U] et M. [T] de travail dissimulé par dissimulation de deux salariés, l'arrêt attaqué énonce que M. [X] [O] [R], contrôlé en situation de travail le 18 août 2017, qui a fait l'objet d'une déclaration pour une embauche le 18 décembre 2017, reçue le 20 décembre suivant, a expliqué qu'il avait déjà travaillé dans le cadre de l'activité de dégustation entre dix et quinze jours au mois d'août, et qu'il avait reçu un imprimé de titre emploi simplifié agricole (ci-après TESA), qu'il n'a pas fourni aux enquêteurs. 27. Les juges ajoutent que c'est à juste titre que le tribunal correctionnel a considéré cette déclaration simplifiée dite TESA comme insuffisante et inefficace à remplacer la déclaration préalable à l'embauche et a condamné les prévenus de ce chef. 28. Ils relèvent par ailleurs que M. [S] [B], qui, contrôlé le 13 août 2017, a été déclaré pour une embauche en août 2017, l'enveloppe portant un cachet de la poste du 14 août, a expliqué avoir suivi un stage dans l'établissement en juin et avoir commencé à y travailler à la mi-août. 29. La cour d'appel retient que la déclaration étant tardive, l'infraction est constituée. 30. C'est à tort que la cour d'appel a considéré, en contradiction avec l'article L. 712-1 du code rural et de la pêche maritime, que la déclaration TESA ne pouvait valoir déclaration préalable à l'embauche. 31. L'arrêt attaqué n'encourt néanmoins pas la censure, dès lors que, par des motifs suffisants et exempts de contradiction, la cour d'appel, qui a relevé les nombreux avertissements donnés par leur comptable aux deux prévenus, a constaté qu'aucun des deux salariés n'était déclaré de quelque manière que ce soit à aucun organisme social au moment des contrôles qui se sont succédé dans le temps, sans que les demandeurs ne régularisent la situation de la seconde personne employée illégalement, après avoir tenté, tardivement, de le faire pour la première. 32. Le moyen doit être rejeté. Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [U] et M. [T] à une peine de 6 000 euros d'amende chacun et ordonné la confiscation des objets saisis, alors : « 2°/ que d'autre part, le juge qui prononce une peine de confiscation doit énumérer les objets dont il ordonne la confiscation ; qu'en se bornant à ordonner « la confiscation des objets saisis » (arrêt attaqué, p. 14), sans indiquer la nature et l'origine des objets placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale : 34. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle. 35. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction. 36. En se bornant à confirmer, sans autre motif, la décision du tribunal correctionnel en ce qu'elle a ordonné la confiscation des objets saisis, sans préciser la nature et l'origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision. 37. La cassation est en conséquence encourue de ce chef. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 7 juillet 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la confiscation des objets saisis, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° P 22-80.807 FS-B 16 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [H] [E] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Douai, en date du 13 janvier 2022, qui a prononcé sur sa requête portant sur les conditions de détention. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [H] [E], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Leprieur, Sudre, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, conseillers de la chambre, M. Mallard, conseiller référendaire, M. Bougy, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 10 décembre 2021, le juge de l'application des peines de Béthune a déclaré partiellement bien-fondée la requête de M. [H] [E] portant sur ses conditions de détention, et a dit que les conditions de détention suivantes dont il fait l'objet, sont contraires à la dignité de la personne humaine : - soumission à un régime de prise en charge individualisée, sans réexamen de sa situation dans les délais mentionnés dans la décision du 8 octobre 2021, - menottage et présence de personnel de surveillance lors des examens médicaux, lorsque le personnel médical ne l'a pas exigé, - absence de traduction des prescriptions médicales et de présence d'un interprète ou d'un soignant hispanophone lors des consultations médicales, et enfin, a fixé un délai d'un mois pour permettre à l'administration pénitentiaire d'y mettre fin. 3. Le ministère public a relevé appel de cette décision. Examen de la recevabilité du pourvoi 4. Il y a lieu de considérer, qu'à défaut de texte législatif contraire, l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines statuant sur une requête sur les conditions de détention d'une personne condamnée entre dans les prévisions de l'article 712-15 du code de procédure pénale duquel il résulte que les ordonnances rendues par ce magistrat peuvent faire l'objet dans les cinq jours de leur notification, d'un pourvoi en cassation qui n'est pas suspensif. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté comme mal fondée la requête du condamné portant sur les conditions de détention actuelles, alors : « 1°/ qu'en cas d'appel par le ministère public d'une ordonnance rendue sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, la personne détenue qui avait demandé à être entendue en première instance doit être auditionnée de nouveau par le juge d'appel ; qu'au présent cas, il ressort de l'ordonnance de première instance (p. 2) que M. [E] avait demandé à être entendu par le juge ; qu'en statuant sur l'appel de cette ordonnance formé par le parquet, sans avoir organisé de nouvelle audition de la personne détenue, la présidente de la chambre de l'application des peines a violé les articles préliminaire et 803-8 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales ; 2°/ qu'en cas d'appel par le ministère public d'une ordonnance rendue sur le fondement de l'article 803-8 du code de procédure pénale, la personne détenue et son avocat doivent recevoir communication de l'avis écrit déposé par le parquet devant le juge d'appel et être mis en mesure d'y répondre avant que le juge ne statue ; qu'il ressort du dossier de la procédure qu'un avis écrit de l'avocat général a été déposé le 11 janvier 2022 ; qu'il ne résulte d'aucune mention de l'ordonnance attaquée ni d'aucune pièce de la procédure que cet avis ait été communiqué à M. [E] et à son avocat ni que ces derniers aient été mis en mesure d'y répondre avant que le juge ne se prononce ; qu'en statuant ainsi, la présidente de la chambre de l'application des peines a méconnu les droits de la défense et violé les articles préliminaire et 803-8 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales. » Réponse de la Cour Sur le premier moyen, pris en sa première branche 6. La procédure applicable aux requêtes en conditions indignes de détention garantit de manière suffisante le droit d'accès au juge pour les motifs qui suivent. 7. Il se déduit de la lecture combinée des articles 803-8, R. 249-24 et R. 249-35 du code de procédure pénale, d'une part, que la personne détenue peut, au moment du dépôt de sa requête, demander à comparaître devant le juge de l'application des peines, d'autre part, que, saisi d'une telle demande ce magistrat doit procéder à cette audition s'il entend rendre une décision d'irrecevabilité, et, enfin, que si la requête est déclarée recevable, l'audition doit être réalisée avant la décision sur le bien-fondé de celle-ci. 8. Devant le président de la chambre de l'application des peines, la personne détenue peut présenter toutes observations utiles, personnellement ou par l'intermédiaire de son avocat, auxquelles ce magistrat est tenu de répondre. 9. Dès lors, le grief fait au président d'avoir statué sans entendre le requérant est inopérant, en ce qu'il vise l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui n'est pas applicable en matière d'exécution des peines, et doit être écarté. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche 10. Le demandeur ne saurait se faire un grief du défaut de communication de l'avis écrit déposé par le ministère public devant le président de la chambre de l'application des peines au soutien de son recours, dès lors que, d'une part, l'article 803-8 du code de procédure pénale ne prévoit pas cette communication et, d'autre part, que le demandeur, informé de ce recours, n'a pas sollicité que les éventuelles observations de l'appelant lui soient communiquées. 11. Le moyen ne peut dès lors être admis. Sur le second moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté comme mal fondée la requête du condamné portant sur les conditions de détention actuelles, alors : « 1°/ que constitue un traitement contraire à la dignité de la personne humaine le port de menottes ou la présence du personnel pénitentiaire durant des examens médicaux du détenu, lorsque ces mesures ne sont pas concrètement justifiées par des risques sérieux de fuite, de blessure ou de dommage ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que le menottage du détenu et la présence de personnel de surveillance lors des examens médicaux ne constituait pas des conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine (ordonnance, p. 4), sans constater que ces mesures étaient concrètement justifiées par un risque sérieux de fuite, de blessure ou de dommage, la présidente de la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 803-8 du code de procédure pénale et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que l'absence de traduction au détenu des prestations médicales qui lui sont dispensées, dans une langue qu'il comprend, constitue un traitement contraire à la dignité de la personne humaine ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs erronés que « la fourniture à un détenu, par l'administration pénitentiaire d'une traduction/ interprétation dans une langue qu'il comprend des prestations médicales qui lui sont dispensées en détention est étrangère aux prescriptions de l'article 3 de la CEDH et de l'article 803-9 du code de procédure pénale » (ordonnance, p. 5), la présidente de la chambre de l'application des peines a violé l'article 803-8 du code de procédure pénale et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Sur le second moyen, pris en sa première branche 13. Pour écarter le grief pris de l'indignité des conditions de détention du demandeur, en raison de son menottage lors d'examens médicaux et de déplacements au sein de l'établissement où il est détenu, le président de la chambre de l'application des peines relève que le personnel médical peut solliciter le menottage de la personne qui fait l'objet d'un examen ainsi que la présence de l'escorte, ce qui est justifié, en l'espèce, par le statut et le comportement passé de l'intéressé. 14. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, et dès lors que les allégations du demandeur sur son menottage lors des déplacements dans l'établissement où il est détenu ne sont plus d'actualité, le grief ne saurait être admis. Sur le second moyen, pris en sa seconde branche 15. Pour infirmer la décision du juge de l'application des peines ayant considéré comme contraire à la dignité de la personne humaine, l'absence de traduction des prescriptions médicales et de présence d'un interprète ou d'un soignant hispanophone lors des consultations médicales, l'ordonnance attaquée énonce que la fourniture à un détenu, par l'administration pénitentiaire, d'une traduction ou interprétation dans une langue qu'il comprend, des prestations médicales qui lui sont dispensées en détention est étrangère aux prescriptions de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 803-8 du code de procédure pénale. 16. En se déterminant ainsi, dès lors qu'il n'est pas contesté que M. [E] a eu accès à un traitement médical adapté à son état de santé, le président de la chambre de l'application des peines a justifié sa décision. 17. Ainsi, le grief doit être écarté. 18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 22-85.097 F-B 15 NOVEMBRE 2022 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 20 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [M] [V] a été placé en détention provisoire le 16 juin 2022. 3. À côté de sa signature, dans la rubrique dédiée à la notification de l'ordonnance, il a apposé la mention manuscrite « je fais appel ». 4. Par courrier du 13 juillet 2022, son avocat a demandé au procureur général la mise en liberté d'office de l'intéressé, au motif qu'il n'avait pas été statué dans les délais prévus par la loi sur l'appel déclaré par ce dernier devant le juge des libertés et de la détention à l'issue du débat contradictoire. 5. Un acte d'appel a été établi le même jour par le greffe du tribunal judiciaire, au vu de ce seul courrier. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que la chambre de l'instruction n'était pas régulièrement saisie, en l'absence d'appel régulièrement formé et a dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré du défaut de délivrance du permis de communiquer, alors « que si la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, la mention « je fais appel » à côté de la signature du mis en examen sur la seule dernière page de l'ordonnance de placement en détention provisoire, dans l'espace consacré aux formalités de notification, suffit à constituer une déclaration d'appel, dès lors qu'elle est suivie de la signature du greffier, même au titre d'une formalité de notification ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [V] a manifesté son intention d'interjeter appel de l'ordonnance du 16 juin 2022 par lequel le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire en inscrivant la mention manuscrite « je fait appel » sur la troisième page de cette ordonnance, à côté de sa signature ; que le greffier du juge des libertés et de la détention a, sur la même page, également apposé sa signature, sans pour autant transcrire la déclaration d'appel au registre du tribunal judiciaire ; qu'en retenant toutefois, pour dire qu'elle n'était pas régulièrement saisie, en l'absence d'appel régulièrement formé, que la signature du greffier du juge des libertés et de la détention ne figurait sur l'ordonnance de placement en détention provisoire qu'au titre de l'accomplissement de la formalité de notification, de sorte que cette signature ne saurait authentifier la déclaration d'appel de Monsieur [V], la Chambre de l'instruction a violé les articles 186, 502, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 502 du code de procédure pénale : 7. Il résulte de ce texte que la déclaration d'appel est faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. 8. Pour dire que la juridiction n'était pas saisie d'un appel, l'arrêt attaqué énonce que M. [V] a apposé sur la dernière page de l'ordonnance de placement en détention provisoire, sous la mention de réception d'une copie de l'ordonnance et de l'imprimé de déclaration des droits, la mention manuscrite « je fais appel » suivie de sa signature. 9. Les juges observent que l'article 502 du code de procédure pénale prévoit que la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et doit être signée par lui. 10. Ils relèvent que l'ordonnance contestée, sur laquelle a été portée la mention ci-dessus, n'a pas été signée par le greffier et que la signature de ce dernier figurant uniquement au titre de l'accomplissement de la formalité de notification à l'avocat, il ne saurait s'en déduire que le greffier a eu connaissance d'une déclaration d'appel dans des conditions conformes aux exigences du texte susvisé. 11. Ils en déduisent que l'appel enregistré par le greffe du tribunal judiciaire le 13 juillet 2022 a été formé irrégulièrement. 12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, pour les motifs qui suivent. 13. Premièrement, le débat contradictoire à l'issue duquel M. [V] a été placé en détention provisoire s'est tenu en présence du juge saisi, du greffier qui l'assistait et de l'intéressé. 14. Deuxièmement, pour attester de la réception d'une copie de l'ordonnance, M. [V] a apposé sa signature au pied de celle-ci, en présence du greffier, qui y a apposé sa signature. 15. Enfin, en ajoutant, à côté de sa signature, la mention « je fais appel », l'intéressé a manifesté sans équivoque sa volonté de faire appel, devant ce greffier, qui devait, dès lors, en tirer les conséquences en enregistrant cet appel. 16. La cassation est ainsi encourue. Portée et conséquences de la cassation 17. Dès lors que la chambre de l'instruction ne s'est pas prononcée sur l'appel formé par M. [V] le 16 juin 2022, dans le délai prescrit par l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, celui-ci doit être mis d'office en liberté ; la cassation aura donc lieu sans renvoi et l'intéressé sera remis en liberté s'il n'est détenu pour autre cause. 18. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code. 19. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [V] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi. 20. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de : - empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que l'intéressé, déjà mis en examen pour des faits de même nature commis récemment, d'une part, a cherché à élaborer une version commune des faits avec M. [T] [A], en sollicitant M. [K] [E], d'autre part, a refusé de laisser les enquêteurs accéder au contenu de ses téléphones portables, alors que toutes les personnes impliquées n'ont pas encore été identifiées ; - mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que l'intéressé était, au moment des faits, placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une information portant sur des faits de même nature, après avoir été en détention provisoire pendant quatorze mois, alors que, d'une part, ses déclarations sur ses activités professionnelles n'ont pu être vérifiées, d'autre part, les sommes en jeu (rémunération des comparses et montant des achats) sont sans commune mesure avec les revenus que l'intéressé dit tirer de l'activité professionnelle qu'il revendique, soit 1 400 euros par mois. 21. Afin d'assurer ces objectifs, M. [V] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif. 22. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 20 juillet 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; CONSTATE que M. [V] est détenu sans titre depuis le 27 juin 2022 dans la présente procédure ; ORDONNE la mise en liberté de M. [V] s'il n'est détenu pour autre cause ; ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [V] ; DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes : - Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département des Hauts-de- Seine ; - Ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer [Adresse 1], qu'aux conditions et pour les motifs suivants : chaque jour de 7 heures à 19 heures ; - Se présenter, le lendemain de sa libération, avant 17 heures, et ensuite chaque jour, entre 9 heures et 17 heures, au commissariat central de police de [Localité 2], 54 rue du 19 mars 1962 ; - S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [T] [A], [K] [E], [L] [Y], [C] [F], [S] [X] ; DESIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commissaire central de police de [Localité 2] ; DESIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ; RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° S 22-80.097 FS-B 15 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [O] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 16 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et importation en contrebande de marchandises prohibées, en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 5 mai 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [O] [L], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, Mme Ménotti, M. Maziau, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en cause pour son implication dans un trafic de cannabis entre l'Espagne et la France, M. [O] [L], à l'issue de son interrogatoire de première comparution, le 22 octobre 2020, a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire. 3. La chambre de l'instruction a été saisie par l'avocat de l'intéressé, le 22 avril 2021, d'une requête en nullité d'actes de la procédure. Examen des moyens Sur les premier, troisième et quatrième moyens et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que les requêtes sont recevables et au fond, faisant partiellement droit à la requête de M. [L], a ordonné la cancellation des cotes D 20/2 à D 20/3 et rejeté les requêtes pour le surplus, alors : « 1°/ qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée qu'autant que celle-ci est prévue par la loi et nécessaire ; que seuls les dispositifs fixes de captation d'images et à condition d'une autorisation du juge, peuvent être installés en vue de la surveillance d'éventuelles infractions ; qu'en relevant, pour dire la procédure régulière sur le fondement de l'article 706-96 du Code de procédure pénale, que « le juge d'instruction a autorisé pour une durée de quatre mois une captation d'images par voie aérienne » quand seules les dispositifs fixes étaient autorisés, les juges du fond ont méconnu les articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegardes des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 111-2 du Code pénal, des articles préliminaire, 75, 78, 591, 593 et 706-96 du Code de procédure pénale ; 2°/ qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée qu'autant que celle-ci est prévue par la loi et nécessaire ; qu'un dispositif mobile de captation d'images ne peut être utilisé que dès lors que « des circonstances liées aux lieux de l'opération rendent particulièrement difficile le recours à d'autres outils de captation d'images ou que ces circonstances soient susceptibles d'exposer les agents à un danger significatif » ; qu'en autorisant le dispositif de captation d'image par drone sans dire en quoi les circonstances excluaient toute possibilité de recours à un autre dispositif, les juges du fond ont de nouveau méconnu les articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles préliminaire, 75, 78, 591, 593 et 706-96 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit notamment la protection de la vie privée et familiale et du domicile. 7. La captation, la fixation, la transmission, l'enregistrement et le stockage d'images prises au domicile d'une personne, sans le consentement de cette dernière, constituent une ingérence active dans les droits ci-dessus, qui ne peut être admise qu'à la condition d'avoir une base légale suffisante, et de poursuivre un but légitime dans une société démocratique, en considération duquel ladite ingérence doit être nécessaire et proportionnée. 8. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 8 mai 2018, Ben Faiza c. France, n° 31446/12) n'exige pas qu'une loi, pour être prévisible, décline toutes les situations qu'elle a vocation à encadrer, compte tenu du caractère général inhérent à toute règle normative. 9. La prévention des infractions pénales et la recherche de leurs auteurs constituent des objectifs conformes aux exigences susvisées. 10. L'article 706-96 du code de procédure pénale prévoit qu'il peut être recouru à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans leur consentement, notamment la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. 11. Il n'y a pas à faire de distinction selon que le dispositif est fixe ou mobile, là où l'article 706-96 et les textes applicables à un tel procédé n'en font pas. 12. Ces mêmes textes limitent son utilisation aux seules enquêtes en matière de criminalité et de délinquance organisées et de crimes. 13. Ils la soumettent au contrôle d'un magistrat du siège, qui doit s'assurer, par une décision spéciale, après avis du ministère public, que sa mise en oeuvre est nécessaire à la manifestation de la vérité et proportionnée, qui ne peut autoriser son emploi que pour une durée limitée, dispose de l'accès au dossier pendant l'enquête et doit être tenu informé du déroulement de celle-ci pour pouvoir mettre un terme à la mesure à tout moment. 14. Il se déduit de ce qui précède que la législation interne est suffisamment claire, prévisible et accessible et que l'ingérence qu'elle consacre dans le droit à la protection du domicile et de la vie privée et familiale poursuit, dans une société démocratique, un but légitime à la réalisation duquel elle est nécessaire et proportionnée. 15. Pour rejeter la requête en annulation des opérations de captation d'images réalisées sur la propriété de M. [L], une maison entourée d'un jardin clos, et ses abords immédiats, par une caméra aéroportée, l'arrêt attaqué décrit comment les enquêteurs ont, préalablement à ces opérations, mis à jour le fonctionnement d'un réseau structuré et pérenne de trafic transfrontalier de stupéfiants, organisant des livraisons régulières de quantités importantes de cannabis au domicile du mis en cause. 16. Les juges relèvent que l'article 706-96 du code de procédure pénale encadrant le recours à un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, dans des conditions qu'ils décrivent précisément, répond aux exigences formulées tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil d'Etat. 17. Ils précisent que la mise en oeuvre de la mesure contestée a été autorisée, pour une durée de quatre mois, par une ordonnance motivée du juge d'instruction, prise après réquisitions du procureur de la République, en exécution de laquelle ont été opérées par voie aérienne, entre le 24 janvier et le 12 mars 2020, diverses captations d'images des lieux désignés par cette décision, les procès-verbaux relatifs à ces opérations figurant tous au dossier de l'information. 18. La chambre de l'instruction observe que, pour justifier de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure, le magistrat a rappelé comment le trafic a été mis en évidence et pourquoi les lieux désignés ont été ciblés par les enquêteurs. 19. Elle ajoute que le juge d'instruction, relevant que la configuration de ces mêmes lieux rendait toute surveillance difficile, a exposé les motifs pour lesquels ces investigations sont indispensables à la manifestation de la vérité. 20. La chambre de l'instruction en déduit que ces opérations, prévues par la loi, ont été autorisées et exécutées conformément au dispositif légal les régissant et sans méconnaître les dispositions conventionnelles dont la violation est alléguée. 21. En se déterminant par ces motifs, et dès lors, qu'en outre, les enquêteurs ont agi sur délégation expresse du magistrat qui a ordonné la mesure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles et les textes invoqués au moyen. 22. Dès lors, celui-ci doit être écarté. 23. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 21-85.413 F-B 12 OCTOBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 OCTOBRE 2022 M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Bastia, en date du 7 septembre 2021, qui a prononcé sur une demande de conversion de peine. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [E] [D], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal correctionnel de Bastia a condamné M. [E] [D] à la peine de six mois d'emprisonnement en répression de faits d'emploi à son domicile d'une personne en situation irrégulière moyennant une rémunération manifestement insuffisante au regard des tâches effectuées. 3. Par jugement du 13 septembre 2018, le juge de l'application des peines a refusé l'aménagement de la peine. 4. M. [D] a présenté une demande de conversion de cette peine en jours-amende le 10 décembre 2020. 5. Par jugement du 7 juin 2021, le juge de l'application des peines l'a rejetée. 6. M. [D] a relevé appel de cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'aménagement de peine de M. [D], alors : « 1°/ que l'article 723-15 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019, prévoit que toute peine d'emprisonnement ferme d'un condamné libre inférieure ou égale à six mois doit faire l'objet d'une détention à domicile sous surveillance électronique, d'une semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur ; que l'arrêt attaqué constate que M. [D] a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ferme et qu'il est libre ; qu'en refusant toutefois d'aménager cette peine, au seul motif pris de l'insuffisance des éléments communiqués, cependant qu'elle était tenue de prononcer, même d'office, l'une des mesures d'aménagement susvisées, après avoir ordonné au besoin des investigations complémentaires, la chambre de l'application des peines a violé les articles 723-15 et 712-16 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'article 723-15 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 23 mars 2019, a mis en place une obligation d'aménagement des peines fermes des condamnés libres inférieures ou égales à six mois d'emprisonnement, sauf si la personnalité ou la situation du condamné rendent les mesures d'aménagement impossibles ; que l'arrêt attaqué constate que M. [D] a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ferme et qu'il est libre ; qu'en refusant toutefois d'aménager cette peine, sans constater que la personnalité de M. [D] ou sa situation rendaient impossible cet aménagement, la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 723-15 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 8. Pour confirmer le jugement du juge de l'application des peines ayant rejeté la demande de conversion de peine, l'arrêt attaqué retient que le service pénitentiaire d'insertion et de probation a indiqué que M. [D] n'a pas communiqué les justificatifs permettant l'examen de sa situation, et que ce service émet un avis défavorable à la mesure d'aménagement sollicitée, alors que l'intéressé s'était engagé lors du débat contradictoire devant le premier juge, à fournir les documents nécessaires, notamment ceux permettant d'apprécier ses ressources et ses charges. 9. Les juges ajoutent que même en prévision de l'audience de la chambre de l'application des peines statuant sur son appel, M. [D], parfaitement au fait de cette procédure qui dure depuis plusieurs années déjà, n'a pas fourni les éléments demandés, et qu'il produit simplement deux pièces fiscales qui ne permettent pas d'avoir une idée même approximative de ses revenus et de ses charges. 10. En l'état de ces motifs, la chambre de l'application des peines, qui n'était saisie que d'une demande de conversion de peine, n'a pas encouru le grief allégué. 11. En effet, d'une part, saisie d'une demande d'aménagement ou de conversion de peine par le condamné, la juridiction de l'application des peines n'a pas l'obligation de se prononcer d'office sur l'opportunité de prononcer une mesure qui ne lui est pas demandée. 12. D'autre part, ayant la faculté, sur le fondement de l'article 747-1 du code de procédure pénale, d'ordonner une conversion de peine si cette mesure lui paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive, sans être tenue de motiver sa décision par référence aux critères de l'article 723-15 du même code, lequel se rapporte au régime de l'aménagement des peines mais est étranger à celui de leur conversion, la chambre de l'application des peines, qui a souverainement constaté que le condamné n'a pas fourni les éléments nécessaires à l'appréciation de sa demande, a justifié sa décision. 13. Ainsi le moyen doit être écarté . 14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 21-86.138 F-B 12 OCTOBRE 2022 CASSATION PARTIELLE NON-LIEU A STATUER M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 12 OCTOBRE 2022 MM. [V] [Z], [N] [K], [A] [M], [J] [H] et [N] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 mai 2019, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure. MM. [A] [M], [J] [H], [X] [F] et [N] [B] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 2021, qui, notamment, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a condamné, le premier, à neuf ans d'emprisonnement et 20 000 euros d'amende, le deuxième, à un an d'emprisonnement, le troisième, à six ans d'emprisonnement, le quatrième, à quatre ans d'emprisonnement, et a ordonné une mesure de confiscation. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, pour MM. [A] [M] et [X] [F], et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [A] [M], les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [X] [F], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Compte tenu de renseignements convergents, notamment une demande d'entraide émanant des autorités néerlandaises, une enquête a été ordonnée à propos de faits d'importation de cannabis en provenance d'Espagne. Une information judiciaire a été ouverte le 7 février 2018. 3. C'est ainsi que cinq voyages en Espagne ont été relevés, le premier étant effectué du 10 au 13 mars 2018. Un voyage en Belgique a été identifié. 4. Des interpellations ont pu être réalisées au retour du dernier voyage, le 10 juillet 2018, 663,4 kg de cannabis ont été saisis dans un des véhicules interceptés. 5. Entre autres personnes mises en cause, MM. [V] [Z], [N] [K], [A] [M], [J] [H], [X] [F] et [N] [B] ont été mis en examen. 6. Par requêtes en date du 14 janvier 2019, émanant notamment de MM. [Z], [K], [M], [H], [F] et [B], la chambre de l'instruction a été saisie de demandes d'annulation d'actes de la procédure. 7. La chambre de l'instruction les a rejetées par arrêt du 22 mai 2019. 8. MM. [Z], [K], [M], [H] et [B] ont formé des pourvois contre cette décision. 9. MM. [M] et [H] ont demandé que leurs pourvois soient déclarés immédiatement recevables. 10. Par ordonnance du 16 septembre 2019, le président de la chambre criminelle a rejeté ces requêtes et a ordonné le retour de la procédure à l'égard des pourvois formés par MM. [Z], [K] et [B]. 11. Saisi par une ordonnance de renvoi du 15 mai 2020, le tribunal correctionnel a condamné M. [M], pour recels, usage de fausses plaques d'immatriculation, association de malfaiteurs, complicité de transport, détention et importation de stupéfiants, complicité de détention et de transport de marchandises dangereuses pour la santé et complicité d'importation en contrebande, à neuf ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et a décerné mandat d'arrêt. 12. M. [H] a été condamné, pour association de malfaiteurs et recel en récidive à un an d'emprisonnement et le tribunal a ordonné une mesure de confiscation. 13. M. [F] a été condamné, pour association de malfaiteurs en récidive, complicité de transport, de détention et d'importation de stupéfiants, en récidive, à sept ans d'emprisonnement. Le tribunal a ordonné une mesure de confiscation et a décerné mandat d'arrêt. 14. M. [B] a été condamné pour transport, détention, importation de stupéfiants, détention, transport et importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, à cinq ans d'emprisonnement. Le tribunal a ordonné une mesure de confiscation et a décerné mandat d'arrêt. 15. MM. [M], [H], [F] et [B] ont relevé appel de ce jugement. Le ministère public a formé des appels incidents. Examen de la recevabilité des pourvois formés par MM. [K] et [Z] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction 16. MM. [K] et [Z] n'ont pas formé de pourvoi contre l'arrêt rendu sur le fond ; il n'y a donc pas lieu de statuer sur leurs pourvois, devenus sans objet, formés contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 mai 2019, qui n'a pas mis fin à la procédure. Déchéance des pourvois formés par MM. [H] et [B] 17. MM. [H] et [B] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation ; ils seront déclarés déchus de leurs pourvois par application de l'article 567-2 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le premier moyen présenté pour M. [M] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 mai 2019 Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de ce que le prévenu n'avait pas eu la parole en dernier, alors « que le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole les derniers ; qu'en l'espèce, l'arrêt énonce, dans la partie consacrée aux débats, qu'à l'audience s'étant déroulée en Chambre du conseil le 10 avril 2019, ont été entendus « Monsieur Jacques, substitut général, en ses réquisitions orales. Les débats étant terminés, la Chambre de l'instruction a mis l'affaire en délibéré », ce dont il résulte que l'avocat du prévenu n'a pas eu, sur le fond, la parole après les réquisitions du ministère public ; qu'en conséquence, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 199 et 591 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale : 19. Il se déduit de ces textes que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers. 20. L'arrêt attaqué mentionne le rapport oral du président, puis fait état des plaidoiries de trois avocats, des réquisitions orales de l'avocat général, pour indiquer enfin que, les débats étant terminés, l'affaire a été mise en délibéré. 21. Ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté. 22. La cassation est en conséquence encourue. Sur le premier moyen présenté pour M. [F] contre l'arrêt de la cour d'appel du 16 septembre 2021 Enoncé du moyen 23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas fait état de la demande de renvoi formulée par l'un de ses conseils et n'y a pas répondu, alors « que la juridiction saisie par l'avocat d'un prévenu d'une demande de renvoi doit mentionner cette demande et y répondre, fût-ce pour l'écarter ; qu'en ne mentionnant ni la demande de renvoi adressée au président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Dijon par Me Gas, avocat de M. [F], le 28 juin 2021, par télécopie émise sans incident, ni la décision prise en réponse à cette demande, la cour d'appel a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 24. L'arrêt attaqué mentionne qu'à l'audience de la chambre des appels correctionnels, M. [F] a comparu, assisté d'un avocat, M. [S], qui a demandé le renvoi de l'affaire. L'arrêt ajoute que la cour, après débat sur cette question, a délibéré et décidé de ne pas renvoyer le jugement de l'affaire. 25. Il en résulte que cette décision de la juridiction répondait à l'ensemble des demandes dont la cour avait pu être saisie pour ce prévenu, tendant au renvoi de l'affaire le concernant. 26. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le second moyen présenté pour M. [F] contre l'arrêt de la cour d'appel du 16 septembre 2021 Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable, pour la période du 10 mars 2018 au 10 juillet 2018, des chefs de complicité de transport non autorisé de stupéfiants en récidive, complicité de détention non autorisée de stupéfiants en récidive et complicité d'importation non autorisée de stupéfiants–trafic en récidive, alors : « 1°/ qu'il ne résulte de l'arrêt attaqué aucune constatation de ce que M. [F] aurait participé, d'une quelconque façon, aux convois identifiés entre le 21 mars et le 10 juillet 2018, de sorte qu'en le déclarant néanmoins coupable d'avoir loué et escorté des véhicules chargés de stupéfiants durant cette période, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'il ne résulte de l'arrêt attaqué aucune constatation de ce que les véhicules ayant pris part aux convois identifiés entre les 10 et 20 mars 2018 auraient été chargés de stupéfiants, de sorte qu'en retenant néanmoins la culpabilité du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 du code de procédure pénale et 121-7 du code pénal ; 3°/ qu'il ne résulte de l'arrêt attaqué aucune constatation de ce que M. [F] aurait été présent à bord des véhicules ayant pris part aux convois identifiés entre les 10 et 20 mars 2018, de sorte qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable d'avoir escorté les véhicules chargés de stupéfiants durant cette période, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale ; 4°/ qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le seul véhicule loué par M. [F] était une Audi A3 impliquée dans le convoi du 20 mars 2018 et que ce véhicule n'avait joué qu'un rôle d'ouvreur ou de suiveur, de sorte qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable d'avoir loué les véhicules chargés de stupéfiants durant cette période, la cour d'appel a méconnu l'article 388 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 28. Pour déclarer M. [F] coupable de complicité de transport, de détention et d'importation illicites de stupéfiants, au titre de la période du 10 mars au 10 juillet 2018, la cour d'appel relève qu'il a participé à des convois de transport de stupéfiants entre l'Espagne et la France. Les juges retiennent que son véhicule personnel a été utilisé comme véhicule ouvreur à l'occasion d'un trajet vers la France, le 13 mars 2018. Ils ajoutent qu'un véhicule utilisé lors d'un convoi, le 20 mars 2018, a été loué au moyen de son permis de conduire et de sa carte vitale, cette location ayant été faite à l'aéroport de [Localité 1], à un moment où il s'y trouvait. Ils indiquent aussi que sa participation aux convois résulte également des investigations pratiquées sur la téléphonie, en particulier sur un téléphone [2] qu'il a utilisé, malgré ses dénégations. Ils énoncent encore qu'il était titulaire des badges de télépéage utilisés lors de tous les convois par le véhicule qui transportait la drogue. 29. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués. 30. Le moyen ne peut donc être admis. Portée et conséquences de la cassation 31. La cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 mai 2019, prononcée sur le pourvoi de M. [M], sera limitée au rejet des demandes présentées par ce dernier ; elle aura pour conséquence la cassation de l'arrêt de la chambre correctionnelle en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [M]. 32. M. [M] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par une ordonnance de renvoi devenue définitive. La juridiction d'instruction est dessaisie. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer la cause, concernant le seul M. [M], devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Dijon pour qu'il soit statué par celle-ci tant sur les moyens de nullité qui avaient été proposés devant la chambre de l'instruction que sur le fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour : Sur les pourvois formés par MM. [K] et [Z] : DIT n'y avoir lieu à statuer sur les pourvois ; Sur les pourvois formés par MM. [H] et [B] : CONSTATE la déchéance des pourvois ; Sur le pourvoi formé par M. [F] : Le REJETTE ; Sur les pourvois formés par M. [M] : CASSE et ANNULE les arrêts susvisés de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 mai 2019, et de la cour d'appel de Dijon, en date du 16 septembre 2021, mais en leurs seules dispositions concernant ce demandeur, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée, pour qu'il soit statué par celle-ci, à l'égard de ce seul prévenu, tant sur les moyens de nullité qui avaient été proposés devant la chambre de l'instruction que sur le fond ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon, chambre de l'instruction et chambre correctionnelle, et sa mention en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze octobre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° U 22-80.950 F-B 23 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [G] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 12 janvier 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de menace de mort et infraction à la législation sur les armes, a confirmé la décision de destruction du bien saisi prise par le procureur de la République. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [F], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Dans le cadre d'une procédure d'enquête diligentée du chef de menaces de mort, les enquêteurs ont effectué le 17 mai 2021 une perquisition au domicile de M. [G] [F] au cours de laquelle ils ont procédé à la saisie de trois fusils, armes de catégorie C, dont les investigations ont révélé que le demandeur les détenait sans déclaration. 3. Le 14 juin 2021, le procureur de la République a ordonné la destruction des armes saisies. Cette décision a été notifiée oralement par procès-verbal le lendemain à M. [F] qui en a interjeté appel le 18 juin suivant. Examen des moyens Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche 4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021 après avoir refusé de prononcer la nullité de la saisie des biens placés sous scellés, alors : « 1°/ que la saisie de fusils de chasse opérée au cours d'une procédure distincte, initialement suivie du chef de menace de mort avec ordre de remplir une condition, est nulle dès lors que la personne gardée à vue a fait l'objet d'une nouvelle procédure en détention illégale d'arme de catégorie C sans que le procureur de la République n'ait été immédiatement informé de la découverte de faits autres que ceux à l'origine de la mesure de garde à vue précédemment ordonnée ; que la personne intéressée n'a pu bénéficier des droits et garanties octroyés par les articles 65, 61-1, 63.3-1, 63-4-3 du code de procédure pénale relativement à ces faits nouveaux, consistant notamment à être avertie de son droit à être assisté d'un avocat et à s'entretenir avec lui, en violation des textes susvisés et du droit de la défense entrainant la nullité de cet acte ainsi que des actes subséquents qui en découlent ; 2°/ qu'en outre, la saisie opérée dans ces conditions requiert l'assentiment de l'intéressé et la rédaction d'un procès-verbal de saisine distinct ; que M. [F] faisait valoir que lors de la découverte des fusils de chasse à son domicile, les enquêteurs n'avaient aucun élément leur permettant de déterminer l'illicéité de la détention de ces armes de chasse qui n'avait pas de rapport avec les faits poursuivis par ailleurs, et qu'ils devaient donc se conformer aux règles de la saisie incidente prévue par les articles 56 et 76 du code de procédure pénale ; qu'en considérant de façon tout à fait hypothétique et dubitative que la saisie s'avérait utile à la manifestation de la vérité, ces armes étant « de façon vraisemblable » liées aux menaces de mort objets de la poursuite pour considérer la saisie justifiée par référence à la procédure initiale sans justifier du lien existant entre la détention de fusils de chasse et les menaces de mort, la Chambre de l'instruction a ainsi méconnu les textes et principes susvisés. » Réponse de la Cour 6. Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite. Sur le second moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021, alors : « 1°/ que la décision du procureur de la République d'ordonner la destruction des biens meubles saisis doit aux termes de l'article 41-5 dernier alinéa du code de procédure pénale être motivée ; que l'arrêt attaqué qui constate l'absence de motivation de la décision au demeurant purement orale du procureur de la République de Bastia autorisant la destruction des scellés, ne permettant pas ainsi à M. [F] d'en connaître les raisons exactes, ni de pouvoir exercer son recours en toute connaissance de cause, devait annuler cette décision irrégulière sans pouvoir y substituer sa propre motivation dans le cadre de la « contestation » de cette décision élevée par M. [F], la Chambre de l'instruction étant saisie d'un recours direct et non par l'effet dévolutif d'un appel d'une décision juridictionnelle ; que la Chambre de l'instruction n'a donc pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 41-5 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs ; 3°/ que l'arrêt ne pouvait davantage se borner à affirmer que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, et qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par la loi qui les catégorise en fonction de leur « dangerosité », alors même qu'elle constatait que les armes saisies au domicile de M. [F] sont de la catégorie C, laquelle n'est pas soumise à autorisation mais à une simple déclaration ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces points, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs et violé les articles 41-5 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que M. [F] non seulement s'opposait à la destruction, mais sollicitait la remise des armes en cause, et soulignait qu'il avait hérité ces fusils de son père, qu'il ne s'en servait pas, mais qu'ils avaient pour lui une valeur sentimentale ; cette demande et cette argumentation impliquaient nécessairement que le juge du fond, avant d'ordonner une destruction privant définitivement l'intéressé de ses droits, examine la décision de destruction au regard du principe de proportionnalité ; le critère légal de dangerosité d'un bien ne pouvant suffire à lui seul à en justifier la destruction sans aucun examen de l'opportunité de préserver les droits du propriétaire sur ce bien ; en se fondant exclusivement sur la dangerosité des fusils, et sur le fait qu'actuellement ils n'étaient pas régulièrement détenus, ce que M. [F] s'engageait à régulariser en les déclarant officiellement, sans réellement se prononcer au regard du principe de proportionnalité, la Chambre de l'instruction a violé le premier protocole additionnel à la Convention européenne, et l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche 8. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève qu'en raison de l'effet dévolutif du recours, il convient d'examiner le bien-fondé de la décision contestée et de statuer, au besoin par motifs propres, sur la nécessité de cette mesure en substituant aux motifs éventuellement insuffisants des motifs répondant aux exigences légales. 9. En prononçant ainsi, et dès lors que la contestation prévue au quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale a la nature et les effets de l'appel, la chambre de l'instruction, qui pouvait substituer ses motifs à ceux du procureur de la République, a justifié sa décision. 10. Le grief ne peut être accueilli. Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 11. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève, après avoir rappelé les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale, que le requérant ne conteste pas que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure qui prévoit un classement des armes en fonction de leur dangerosité par catégories en vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, et qu'en l'espèce, il est établi, d'une part, que les armes saisies au domicile de M. [F] relèvent de la catégorie C qui est strictement encadrée, d'autre part, que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues pour leur détention et qu'il ne les remplit toujours pas. 12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 13. En effet, d'une part, dès lors que la manifestation de la vérité ne se réduit pas à la seule caractérisation des infractions mais s'étend aux circonstances de leur commission susceptibles d'avoir une influence sur l'appréciation de la gravité des faits, les motifs relatant les circonstances dans lesquelles les armes ont été saisies au cours d'une perquisition au domicile de M. [F], auquel il n'est pas reproché d'en avoir fait usage, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions de leur détention sont sans incidence sur la gravité des faits. 14. D'autre part, la loi, au travers des dispositions de l'article 132-75, alinéa 1er, du code pénal et de celles de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure, qualifie les armes de dangereuses. 15. Enfin, est inopérant le grief qui, dans le cadre du contentieux relatif à une mesure de destruction d'un bien qualifié par la loi de dangereux ou nuisible, ou dont la détention est illicite, ordonnée sur le fondement de l'article 41-5 du code de procédure pénale, invoque une atteinte disproportionnée au droit de propriété. 16. Il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté. 17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 22-80.659 F-B 23 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 28 décembre 2021, qui, dans la procédure suivie des chefs d'abus de biens sociaux, complicité, blanchiment et recel, a infirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [K] [W] et de Mme [X] [W], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Début 2020, le procureur de la République a diligenté une enquête sur les agissements de Mme [F] [S], présidente de la société [1], ainsi que de M. [E] [D], son concubin, dirigeant du groupe [D], qui a révélé l'existence de détournements commis au préjudice de la société [1] en faveur de M. [D]. 3. Les investigations ont révélé qu'un des avocats parisiens de Mme [S], M. [K] [W], aurait établi des conventions fictives dans le but de dissimuler les flux financiers frauduleux, le cabinet [W] étant l'un des principaux bénéficiaires des fonds détournés, les sommes perçues par lui ayant été estimées à 1 389 336,27 euros d'honoraires reversés par la société au profit de M. [D] et à d'autres entités distinctes de la société [1]. 4. Le 23 février 2021, les enquêteurs ont procédé à la saisie, sur le compte joint que détient M. [W] avec son épouse, Mme [X] [W], qui est également son assistante, de la somme de 1 110 875,81 euros et le maintien de cette saisie a été prescrit par le juge des libertés et de la détention par ordonnance du 26 février 2021 à l'encontre de laquelle les époux [W] ont interjeté appel. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le procureur général contestée en défense 5. Le pourvoi formé contre un arrêt de chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une saisie pénale ordonnée dans le cadre d'une enquête préliminaire est immédiatement recevable dès lors que, dans ce cadre, les requérants sont considérés comme des tiers, le fait que le procureur général soit le demandeur au pourvoi étant sans incidence. 6. En conséquence, le pourvoi formé par le procureur général à l'encontre de l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le maintien d'une saisie effectuée sur le fondement de l'article 706-154 du code de procédure pénale est recevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le moyen est pris de la violation des articles 131-21 du code pénal, 567, 591, 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale. 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de maintien de la saisie d'une somme inscrite sur un compte bancaire dont sont titulaires conjointement M. [W] et son épouse : 1°/ alors qu'il appartient au co-titulaire d'un compte joint qui revendique les fonds inscrits au crédit de ce compte de démontrer qu'il est un propriétaire ou un tiers de bonne foi et à la chambre de l'instruction d'apprécier si la preuve de sa bonne foi est rapportée et le cas échéant de limiter la saisie aux droits indivis de la personne poursuivie ; 2°/ en constatant, d'une part, que seule une infime partie de l'enquête préliminaire a été portée à sa connaissance, lui interdisant de procéder à une vérification approfondie des éléments de fait et de droit, d'autre part, une rupture d'égalité entre la partie poursuivante et les appelants, alors que l'article 706-153 du code de procédure pénale dispose que le propriétaire d'un bien saisi dans le cadre d'une enquête préliminaire appelant ne peut prétendre dans ce cadre qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste et que le contrôle exercé par la chambre de l'instruction repose sur ces seules pièces et non pas sur l'intégralité de la procédure. Réponse de la Cour Vu les articles 706-154 et 593 du code de procédure pénale : 9. Il résulte du premier de ces textes qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un recours formé contre une ordonnance de maintien de saisie d'un compte bancaire, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la légalité et le bien-fondé de cette mesure, au besoin en substituant aux motifs insuffisants, voire erronés, du premier juge des motifs répondant aux exigences légales. Pour ce faire, elle est tenue, lorsqu'elle constate qu'elle n'est pas en mesure de se prononcer en l'état des pièces dont elle dispose, de préciser, avant dire droit, les pièces qui lui paraissent nécessaires pour en demander la production par le ministère public, qui ne peut opposer un refus. A défaut de cette production, la chambre de l'instruction statue au vu des seuls éléments dont elle dispose. 10. Il résulte également du même texte que l'appelant d'une ordonnance de maintien de la saisie d'un compte bancaire effectuée dans le cadre d'une enquête préliminaire, ne peut prétendre, a minima, qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste. 11. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance des motifs équivaut à leur absence. 12. Pour infirmer l'ordonnance de maintien de la saisie du compte bancaire dont sont conjointement titulaires M. et Mme [W], l'arrêt attaqué relève que la cour est en droit d'examiner la situation particulière de Mme [W], co-titulaire du compte saisi, et de rechercher le fondement juridique et la légalité de l'ordonnance de maintien de saisie d'un compte bancaire joint dont l'un des co-titulaires, en l'espèce l'intéressée, n'est pas mis en cause dans la commission des infractions éventuellement commises selon les pièces de la procédure soumises à l'examen de la cour d'appel, que ce seul élément suffit à entacher l'ordonnance attaquée dès lors qu'il n'est pas démontré par les pièces de procédure qui lui sont soumises que l'intéressée n'aurait pu ignorer l'origine frauduleuse des fonds versés sur le compte saisi ou qu'elle ne serait pas, en sa qualité de co-titulaire du compte, de collaboratrice de son époux et d'associée du cabinet durant une période recouvrant celle de la prévention, tiers de bonne foi. 13. Les juges ajoutent que l'ordonnance entreprise, qui reprend les quatre chefs de prévention à l'origine de l'ouverture d'une enquête préliminaire, ne qualifie pas la ou les infractions commises tout en indiquant que les sommes saisies seraient le produit potentiel d'une infraction, ce que contestent les époux [W], que ni la décision attaquée ni la requête du procureur de la République ne vise la saisie en valeur prévue par l'article 706-141 du code de procédure pénale, et qu'en l'absence d'identification précise de la ou des infractions reprochées aux époux [W], et notamment à Mme [W], le fondement juridique de la saisie ne peut être modifié sur la seule base des réquisitions du ministère public. 14. Ils observent qu'ils ne sont pas en mesure de rechercher le fondement juridique de la saisie alors que seule une infime partie de l'enquête préliminaire a été portée à leur connaissance, ce qui leur interdit de procéder à une vérification approfondie des éléments de fait et de droit, et que le conseil des appelants subit une rupture d'égalité face à la partie poursuivante, la seule communication des pièces de la procédure se rapportant à la saisie contestée étant insuffisante pour assurer l'exercice, dans toute leur plénitude, des droits de la défense, eu égard à tout ce qui précède. 15. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 16. La cassation est encoure de ce chef. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 28 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. Sur la communication des pièces justifiant le maintien d'une saisie, à rapprocher : Crim., 30 janvier 2019, pourvoi n° 18-82.644, Bull. crim. 2019, n° 31 (cassation et désignation de juridiction), et les arrêts cités.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° J 22-86.162 F-B 23 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [B] [M] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 18 octobre 2022, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires britanniques en exécution d'un mandat d'arrêt européen. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [M] [X], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 6 octobre 2022, M. [B] [M] [X], de nationalité britannique, s'est vu notifier un mandat d'arrêt européen décerné le 9 décembre 2020 par les autorités judiciaires britanniques aux fins d'exercer des poursuites pénales pour des faits qualifiés d'association de malfaiteurs en vue de la fourniture d'une certaine quantité de cocaïne, substance de catégorie A soumise à contrôle, et de détention de stupéfiants. 3. Il a comparu devant la chambre de l'instruction le 9 juin 2022 et n'a pas consenti à sa remise. Il a été placé sous contrôle judiciaire le même jour. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré régulier et applicable le mandat d'arrêt décerné le 9 décembre 2020 par le juge du District de Matthew de la Bristol Magistrates, au visa d'un mandat d'arrêt national délivré le 27 février 2017 à l'encontre de M. [X] aux fins de l'exercice de poursuites pénales pour des faits d'association de malfaiteurs en vue de fournir de la drogue de classe A à savoir de la cocaïne, entre le 17 novembre 2015 et le 15 février 2016 et de possession de drogue avec intention d'en fournir, le 4 février 2016, ordonné la mise à exécution du mandat d'arrêt susvisé, ordonné la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques, dit que cette remise est subordonnée à l'engagement des autorités judiciaires britanniques d'appliquer l'article 604, b), de l'accord du 24 décembre 2020, et maintenu M. [X] sous contrôle judiciaire jusqu'à la mise à exécution de la présente décision, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 597 de l'accord du 24 décembre 2020 entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, « la coopération au moyen du mandat d'arrêt » mis en oeuvre par l'article 596 du même accord « est nécessaire et proportionnée compte tenu des droits de la personne recherchée et des intérêts des victimes, et eu égard à la gravité de l'acte, à la peine susceptible d'être infligée et à la possibilité qu'un Etat prenne des mesures moins coercitives que la remise des personnes recherchées » ; d'une part, dans l'hypothèse où il n'y a pas de victime, ce critère doit être pris en compte au regard de la situation de la personne réclamée ; d'autre part la gravité de l'acte doit être appréciée au regard des faits effectivement imputés et non au regard de la seule qualification qui peut leur être attribuée ; il résulte en l'espèce du mandat, des pièces de la procédure et des constatations de l'arrêt qu'il n'y a aucune victime, aucune plainte, ni aucun intérêt particulier lié à raison de la découverte à l'ancien domicile britannique de M. [X] de traces de cocaïne, de matériel susceptible d'être utilisé comme produit de coupe et d'une comptabilité ; le principe de proportionnalité devait donc être examiné notamment au regard de cette circonstance ; en s'abstenant de mettre ce critère en balance dans son examen, la chambre de l'instruction a violé l'article 597 de l'accord du 24 décembre 2020, et l'article 695-52 du code de procédure pénale, outre l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que la gravité des faits qui doit entrer dans l'appréciation de la proportionnalité doit être examinée à la lumière des faits réellement décrits dans le mandat, et au besoin des critiques de l'intéressé, et non à la seule lumière d'une qualification abstraite pouvant selon le droit du Royaume-Uni entraîner une peine de réclusion criminelle à perpétuité ; qu'en examinant la gravité des faits uniquement au regard de cette qualification et de la grave peine encourue, et non au regard de leur réalité matérielle, et sans s'expliquer sur les moyens de l'intéressé qui faisait valoir qu'il avait effectivement connu « une mauvaise passe » dont il s'était pleinement sorti en quittant la Grande-Bretagne, la chambre de l'instruction n'a pas correctement apprécié le principe de proportionnalité et a encore violé les textes précités, outre l'article 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la chambre de l'instruction avant d'accorder un renvoi sous condition, notamment sous la condition d'exécution de la peine éventuellement prononcée en France, doit s'assurer que cette condition a été acceptée par l'Etat requérant ; en s'abstenant totalement de s'assurer de l'accord préalable du Royaume-Uni sur ce point, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé l'article 604, b), de l'accord du 24 décembre 2020, outre l'article 695-52 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 597 de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne, d'une part, et le Royaume-Uni, d'autre part, en date du 24 décembre 2020, applicable en la cause, la coopération par le moyen d'un mandat d'arrêt doit être nécessaire et proportionnée compte tenu des droits de la personne recherchée et des intérêts des victimes et, eu égard à la gravité de l'acte, à la peine susceptible d'être infligée et à la possibilité de prendre des mesures moins coercitives que la remise de la personne recherchée, notamment en vue d'éviter des périodes inutilement longues de détention provisoire. 6. Selon l'article 604, b), de cet Accord, si la personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt aux fins de poursuite est résidente de l'Etat d'exécution, sa remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l'Etat d'exécution afin d'y purger la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté prononcée à son encontre dans l'Etat d'émission. 7. Pour rejeter le moyen de M. [X] pris d'une atteinte disproportionnée au droit au respect à la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et autoriser sa remise aux autorités judiciaires britanniques, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que les conditions légales de la double incrimination étaient remplies, énonce que M. [X], de nationalité britannique, vit en France depuis 2016, et bénéficie d'un titre de séjour valable jusqu'en novembre 2025, qu'il est marié et que le couple a trois enfants, nés en France en 2017, 2018 et 2021 et dont les deux aînés sont scolarisés. 8. Les juges relèvent que M. [X], qui a travaillé régulièrement depuis 2016, exerce actuellement un emploi de mécanicien dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 11 juillet 2022 tandis que son épouse est employée à temps partiel comme chef de cuisine. 9. Ils considèrent que la remise de M. [X], inséré professionnellement et socialement en France, aurait de lourdes conséquences pour sa famille, sa vie familiale et professionnelle. 10. Ils retiennent cependant que les faits objet de la poursuite sont d'une particulière gravité au regard de l'emprisonnement à perpétuité qui est encouru, du rôle central prêté à M. [X] dans un trafic de stupéfiants portant sur de la cocaïne, substance éminemment dangereuse, dont l'ampleur s'apprécie en tenant compte des volumes découverts à son domicile susceptibles d'être vendus après coupage. 11. Ils soulignent enfin que la perquisition a été diligentée le 4 février 2016 au domicile de M. [X], alors que celui-ci avait quitté le Royaume-Uni pour venir en France avec son épouse au cours de cette même année. 12. Ils en déduisent que la remise sollicitée est proportionnée eu égard à l'extrême gravité objective des faits reprochés à M. [X]. 13. En l'état de ces énonciations, qui procèdent de son pouvoir souverain d'appréciation et dont il résulte que la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de l'Accord du 24 décembre 2020 de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. 14. Par ailleurs, en subordonnant la remise de M. [X] aux autorités judiciaires britanniques à l'application par ces dernières des dispositions de l'article 604, b), de l'Accord précité, lequel ne subordonne pas l'exécution du mandat d'arrêt en vue de la mise en oeuvre de poursuites pénales dans l'Etat d'émission à un engagement ferme de l'autorité judiciaire émettrice tendant à ce que la peine qui viendrait à être infligée à la personne recherchée soit subie sur le territoire de l'Etat d'exécution, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les dispositions visées au moyen. 15. Ainsi, le moyen doit être écarté. 16. Enfin, l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° B 21-85.668 FS-B 23 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [C] [T] et Mme [R] [Y] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 16 septembre 2021, qui a condamné le premier, pour abus de confiance aggravé, à trente six mois d'emprisonnement dont vingt quatre mois avec sursis probatoire, 1 500 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle, une interdiction définitive de gérer, et a ordonné une mesure de confiscation, la seconde, pour recel, à un an d'emprisonnement avec sursis et 1 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Un mémoire, commun aux demandeurs, et un mémoire en défense ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [R] [Y] et de M. [C] [T], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [H] [Z] et de M. [C] [E], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mmes Fouquet, Chafaï, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [C] [T] et sa mère, Mme [R] [Y], ont été convoqués devant le tribunal correctionnel pour y être jugés des chefs susvisés. 3. Le tribunal les a déclarés coupables des faits objet de la poursuite et les a condamnés pénalement, ordonnant, notamment, à l'encontre de M. [T] des mesures de confiscation du produit de l'infraction et de confiscation en valeur de celui-ci. 4. Les prévenus et le ministère public on relevé appel de ce jugement. Examen des moyens Sur les premier, deuxième et troisième moyens 5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale : 6. Selon le neuvième alinéa du premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation porte notamment sur les biens qui sont l'instrument, l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, et la confiscation peut être ordonnée en valeur. 7. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien en valeur, notamment, de s'assurer que celle-ci n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction. 8. Selon le dixième alinéa du premier de ces textes, le bien confisqué est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolu à l'Etat, mais demeure grevé, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers. 9. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 10. Pour ordonner une mesure de confiscation, l'arrêt attaqué relève qu'ont été saisis le véhicule Porsche appartenant à M. [T] ainsi que le bien immobilier situé sur la commune de [Localité 2] (95), évalué à 846 000 euros avec un capital restant dû de 440 852 euros, et les sommes inscrites au compte de la société [1] pour un montant total d'environ 105 500 euros, qu'il convient de confirmer les confiscations ordonnées par les premiers juges, qu'il s'agit, d'une part, d'une confiscation en valeur pour le bien immobilier et le véhicule Porsche prononcée sur le fondement des dispositions combinées de l'article 314-10 du code pénal et de l'article 131-21, alinéa 9, du même code, eu égard au préjudice causé par les abus de confiance qui s'élève à 633 000 euros qui constitue le montant du produit de l'infraction, d'autre part, d'une confiscation de l'objet ou du produit de l'infraction d'abus de confiance, s'agissant des sommes inscrites aux comptes bancaires de la société [1], dont le prévenu est actionnaire. 11. En prononçant ainsi, sans rechercher, pour déduire de la valeur de l'immeuble confisqué le capital restant dû à l'établissement bancaire prêteur, si ce bien se trouvait grevé d'un privilège ou d'une hypothèque opposable par celui-ci à l'Etat à la suite de sa dévolution à ce dernier, ni estimer la valeur du véhicule automobile confisqué, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a insuffisamment justifié sa décision. 12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale 13. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité des demandeurs étant devenue définitive par suite du rejet de leurs moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 septembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la mesure de confiscation d'un bien immobilier, d'un véhicule automobile et de sommes figurant au crédit de comptes bancaires, ordonnée à l'encontre de M. [T], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Fixe à 2 500 euros la somme globale que M. [T] et Mme [Y] devront payer aux parties représentées par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 22-85.167 FS-B 16 NOVEMBRE 2022 IRRECEVABILITÉ M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [U] [J] a présenté, par mémoire spécial reçu le 30 août 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion de la requête formée par lui en renvoi, pour cause de suspicion légitime, de la procédure suivie, sur sa plainte, devant le juge d'instruction au tribunal judiciaire de Limoges, des chefs de faux public et usage, recel et complicité de faux public. Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Leprieur, Sudre, MM. Turbeaux, Gouton, Brugère, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, M. Bougy, avocat général, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. 1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Sur quoi la Cour de cassation transmettra la QPC au Conseil constitutionnel aux fins de faire déclarer inconstitutionnelle la disposition de l'Art. 662, § 3, du CPP issu de l'ordonnance de 1960 portant signification (par voie d'huissier) ». 2. La présente question n'est pas posée à l'occasion d'un pourvoi mais d'une requête présentée devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Si cette juridiction a jugé qu'une question prioritaire de constitutionnalité ne pouvait être posée qu'au soutien d'un pourvoi en cassation (Crim., 16 décembre 2014, pourvoi n° 14-88.038, Bull. crim. 2014, n° 274), une telle restriction doit être abandonnée. 3. En effet, l'article 61-1 de la Constitution et l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, pris pour son application, ouvrent la faculté de contester la constitutionnalité d'une disposition législative à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, y compris pour la première fois en cassation, sans limiter la nature de l'instance au cours de laquelle une question prioritaire de constitutionnalité peut être présentée. 4. Ainsi une question prioritaire de constitutionnalité peut-elle être présentée à l'occasion d'une requête formée devant la Cour de cassation. 5. La question ne mentionne pas les droits et libertés garantis par la Constitution auxquels la disposition contestée porterait atteinte. 6. En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité, posée en ces termes, ne répond pas aux exigences de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux.
CASS/JURITEXT000046651884.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 22-85.101 F-B 15 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2022 M. [U] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 27 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [U] [S], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [U] [S] a été mis en examen des chefs précités puis placé en détention provisoire le 29 octobre 2021. 3. Le 7 juillet 2022, il a présenté une demande de mise en liberté à la chambre de l'instruction, en application de l'article 148-4 du code de procédure pénale. Examen des moyens Sur le second moyen du mémoire ampliatif et le moyen du mémoire personnel 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen du mémoire ampliatif Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande en mise en liberté de M. [U] [S], alors « que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise en liberté doit, dès l'ouverture des débats, être informée de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué (page 2) que si l'exposant a été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de garder le silence, cette information ne lui a été donnée que postérieurement au rapport oral de la présidente, aux observations de son conseil et aux réquisitions de l'avocat général ; qu'en cet état, la décision entreprise a méconnu les exigences du procès équitable et violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 6. La notification du droit de se taire, après l'ouverture des débats, à la personne mise en examen qui comparaît devant la chambre de l'instruction, n'est pas contraire à l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elle a lieu avant que l'intéressé ne soit entendu sur les faits qui lui sont reprochés, conformément à l'alinéa 4, de l'article 199 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021. 7. Tel est le cas en l'espèce. 8. Ainsi, le moyen doit être écarté. 9. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux.
CASS/JURITEXT000046555976.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° N 21-85.655 FP-B-R 9 NOVEMBRE 2022 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Versailles, MM. [E] [P] et [B] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 9e chambre, en date du 15 septembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre les deux derniers et MM. [R] [G], [J] [A] et [X] [Z], des chefs de complicité de corruption active, recel, abus de biens sociaux, faux et usage, a prononcé l'annulation partielle des poursuites et ordonné le renvoi pour le surplus. Par ordonnance du 30 novembre 2021, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [E] [P] et [B] [K], les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [X] [Z] et [J] [A] et les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [J] et [U] [F] et de Mme [N] [F], en leur nom personnel et venant aux droits de [H] [C], et de la société [3], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Ingall-Montagnier, Labrousse, M. d'Huy, Mmes Ménotti, Leprieur, Sudre, MM. Samuel, Maziau, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, MM. Ascensi, Joly, Violeau, Mallard, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 26 juin 2002, le procureur de la République a ouvert une information des chefs de corruption et trafic d'influence à la suite d'un signalement de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Hauts-de-Seine concernant les conditions du renouvellement en 2000 de la délégation de service public de production et de distribution du chauffage du quartier de la Défense au profit de la société [2]. [S] [L], alors maire de [Localité 4] et président du syndicat intercommunal délégant, était soupçonné d'avoir fait approuver par celui-ci la décision de n'engager des négociations qu'avec l'entité [2] représentée par M. [J] [A], associé à M. [R] [G] et à M. [X] [Z], en contrepartie du versement de commissions occultes en espèces entre juin 2001 et janvier 2002. 3. De nombreux réquisitoires supplétifs ont été délivrés entre 2004 et 2005 pour des faits de recel, d'abus de biens sociaux et complicité de ce délit, de favoritisme et d'entente et de recel de ces infractions, et de faux et usage, ces derniers faits ayant été dénoncés par les consorts [F]. Par ailleurs, le 27 juin 2005, le juge d'instruction a ordonné la jonction de cette procédure avec l'information ouverte le 23 janvier 2003 du chef d'abus de biens sociaux impliquant la société [3] dirigée par M. [E] [P]. 4. Six personnes, dont [S] [L], décédé le [Date décès 1] 2019, ont été mises en examen et, le 7 novembre 2019, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de MM. [G], [A], [Z], [P] et [K] devant le tribunal correctionnel qui a annulé l'ensemble de la procédure d'enquête et d'information, par un jugement du 11 janvier 2021 à l'encontre duquel le ministère public et les parties civiles ont interjeté appel. Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [P], contestée en défense par les consorts [F] 5. L'existence d'un mandat d'arrêt décerné à l'encontre de M. [P] est sans incidence sur la recevabilité de son pourvoi. Examen des moyens Sur les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens proposés par le procureur général et le moyen proposé pour MM. [P] et [K], pris en ses première et troisième branches 6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le quatrième moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 7. Le quatrième moyen proposé par le procureur général est pris de la violation des articles préliminaire, 427, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale. 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé les poursuites ayant conduit au renvoi de MM. [G], [A] et [Z] devant le tribunal correctionnel de Nanterre ainsi qu'à celui de MM. [P] et [K] pour les faits en relation avec le volet de l'affaire relatif à des faits de corruption, alors : 1°/ que la méconnaissance de la recommandation énoncée à l'article préliminaire du code de procédure pénale relative au respect d'un délai raisonnable pour statuer sur l'accusation d'une personne ne porte pas nécessairement atteinte aux principes de fonctionnement de la justice pénale et aux droits de la défense et ne compromet pas irrémédiablement l'équité du procès et l'équilibre des droits des parties et est en tout état de cause sans incidence directe sur la validité des procédures ; 2°/ que l'impossibilité pour la cour d'appel d'interroger personnellement des témoins à charge ou des co-prévenus ou de permettre aux parties de les interroger ou de les faire interroger n'est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure et ne porte pas nécessairement atteinte au respect des droits de la défense. Réponse de la Cour Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 802 du code de procédure pénale : 9. L'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme énonce le droit de tout accusé de voir sa cause jugée par un tribunal dans un délai raisonnable, une fois le processus judiciaire entamé. Ce droit trouve son assise dans la nécessité de veiller à ce qu'un accusé ne demeure pas trop longtemps dans l'incertitude de la solution réservée à l'accusation pénale qui sera portée contre lui (CEDH, arrêt du 8 juillet 2008, Kart c. Turquie, n° 8917/05, § 68). 10. Le moyen pose la question des conséquences du dépassement du délai raisonnable sur la validité de la procédure. 11. La Cour de cassation juge de manière constante que le dépassement du délai raisonnable défini à l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme est sans incidence sur la validité de la procédure. Il ne saurait conduire à son annulation et, sous réserve des lois relatives à la prescription, il ne constitue pas une cause d'extinction de l'action publique (Crim., 3 février 1993, pourvoi n° 92-83.443, Bull. crim. 1993, n° 57 ; Ass. plén., 4 juin 2021, pourvoi n° 21-81.656, publié au Bulletin). 12. Il résulte du paragraphe 9 que le droit à être jugé dans un délai raisonnable protège les seuls intérêts des personnes concernées par la procédure en cours. La méconnaissance de ce droit ne constitue donc pas la violation d'une règle d'ordre public. Elle ne constitue pas davantage la violation d'une règle de forme prescrite par la loi à peine de nullité, ni l'inobservation d'une formalité substantielle au sens de l'article 802 du code de procédure pénale. En effet, elle ne compromet pas en elle-même les droits de la défense, ses éventuelles conséquences sur l'exercice de ces droits devant en revanche être prises en compte au stade du jugement au fond, dans les conditions indiquées aux paragraphes 23 à 26. 13. Au demeurant, en cas d'information préparatoire, l'article 385 du code de procédure pénale prévoit que, lorsque la juridiction est saisie par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du juge d'instruction, les parties sont irrecevables à invoquer devant la juridiction de jugement des exceptions de nullité de la procédure antérieure, dès lors que ladite ordonnance purge les vices de la procédure en application de l'article 179, alinéa 6, du même code (Crim., 26 mai 2010, pourvoi n° 10-81.839, Bull. crim. 2010, n° 95). En vertu du même texte, les juridictions de jugement, lorsqu'elles constatent une irrégularité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, n'ont pas qualité pour l'annuler mais peuvent seulement renvoyer l'affaire au ministère public pour saisine du juge d'instruction aux fins de régularisation de cet acte (Crim., 13 juin 2019, pourvoi n° 19-82.326, Bull. crim. 2019, n° 112). 14. Enfin, la durée excessive d'une procédure ne peut aboutir à son invalidation complète, alors que chacun des actes qui la constitue est intrinsèquement régulier. 15. Ces règles ne méconnaissent aucun principe conventionnel. 16. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme juge que les recours dont un justiciable dispose au plan interne pour se plaindre de la durée d'une procédure sont effectifs au sens de l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'ils permettent soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies, soit de fournir au justiciable une réparation adéquate pour les retards déjà accusés (CEDH, arrêt du 24 janvier 2017, Hiernaux c. Belgique, n° 28022/15, § 45). 17. Elle n'a jamais estimé qu'une méconnaissance du droit d'être jugé dans un délai raisonnable constituait une atteinte aux droits de la défense. 18. Plusieurs mécanismes de droit interne répondent aux exigences conventionnelles. 19. Tout d'abord, au stade de l'information, les articles 221-1 à 221-3 du code de procédure pénale permettent aux parties, sous certaines conditions, et au président de la chambre de l'instruction qui, en vertu de l'article 220 du même code, s'emploie à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié, de saisir cette juridiction, qui, après évocation, peut poursuivre elle-même l'information, ou la clôturer ou la confier à un autre juge d'instruction. 20. Ensuite, en vertu de l'article 175-1 du même code, une partie peut demander au juge d'instruction la clôture de l'information. 21. Enfin, l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire prévoit la possibilité, pour la partie concernée, d'engager la responsabilité de l'Etat à raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice, en particulier en cas de dépassement du délai raisonnable (1re Civ., 4 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.955, Bull. 2010, I, n° 219). 22. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que doit être maintenu le principe selon lequel la méconnaissance du délai raisonnable et ses éventuelles conséquences sur les droits de la défense sont sans incidence sur la validité des procédures. 23. Par conséquent, la juridiction de jugement qui constate le caractère excessif de la durée de la procédure ne peut se dispenser d'examiner l'affaire sur le fond. Dans cet office, elle dispose de plusieurs voies de droit lui permettant de prendre cette situation en compte. 24. Tout d'abord, il lui appartient, en application de l'article 427 du code de procédure pénale, d'apprécier la valeur probante des éléments de preuve qui lui sont soumis et sont débattus contradictoirement devant elle. Elle doit, à ce titre, prendre en considération l'éventuel dépérissement des preuves imputable au temps écoulé depuis la date des faits, et l'impossibilité qui pourrait en résulter, pour les parties, d'en discuter la valeur et la portée. Ainsi, elle doit appliquer le principe conventionnel selon lequel une condamnation ne peut être prononcée sur le fondement d'un unique témoignage émanant d'un témoin auquel le prévenu n'a jamais été confronté malgré ses demandes. Le dépérissement des preuves peut, le cas échéant, conduire à une décision de relaxe. 25. Ensuite, selon le dernier alinéa de l'article 10 du code de procédure pénale, en présence de parties civiles, lorsqu'il constate que l'état mental ou physique du prévenu rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d'exercer sa défense, le juge peut, d'office ou à la demande des parties, décider, après avoir ordonné une expertise permettant de constater cette impossibilité, qu'il sera tenu une audience pour statuer uniquement sur l'action civile, après avoir constaté la suspension de l'action publique et sursis à statuer sur celle-ci. 26. Enfin, dans le cadre de l'application des critères de l'article 132-1 du code pénal, le juge peut déterminer la nature, le quantum et le régime des peines qu'il prononce en prenant en compte les éventuelles conséquences du dépassement du délai raisonnable et, le cas échéant, prononcer une dispense de peine s'il constate que les conditions de l'article 132-59 du code pénal sont remplies. 27. En l'espèce, pour annuler les poursuites ayant conduit au renvoi de MM. [G], [A] et [Z] devant le tribunal correctionnel, et de MM. [P] et [K] pour « les faits en relation avec le volet corruption », l'arrêt attaqué énonce que l'évaluation globale du déroulement de la procédure qui a duré près d'une vingtaine d'années, en fonction de la complexité de l'affaire, du comportement des parties et des autorités compétentes, permet de retenir que la procédure a excédé un délai raisonnable. 28. L'arrêt souligne ensuite que ce dépassement empêche MM. [G] et [A], qui n'en ont plus la capacité physique et intellectuelle, de participer à leur procès, de suivre les débats et de les commenter, de vérifier l'exactitude de leurs moyens de défense et de les comparer aux déclarations des autres prévenus, victimes ou témoins, d'être confrontés à ceux-ci et d'exercer de manière effective les droits de la défense, ces manquements ne pouvant être compensés par la représentation des prévenus par leur avocat à l'audience, et que les faits de corruption, abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux ne pouvant être débattus contradictoirement à l'audience, les intéressés se verraient privés de leur droit à un procès équitable. 29. Les juges relèvent encore que si M. [Z] est capable d'assister à son procès, il ne pourra répondre des infractions qui lui sont reprochées en l'absence de [S] [L] et de MM. [G] et [A], qu'il lui appartiendrait de se défendre seul sur l'ensemble des faits, y compris sur des questions pour lesquelles il ne peut s'expliquer en lieu et place des personnes concernées, que n'étant pas en mesure de répondre utilement aux déclarations de certains témoins avec lesquels il n'a jamais eu le moindre échange, il devrait réfuter les accusations portées à l'encontre de chacun des trois autres prévenus sans pouvoir leur être confronté et en étant privé de toute possibilité de voir corroborer ses déclarations. 30. Ils ajoutent qu'il en est de même pour MM. [P] et [K] qui, s'ils sont capables d'assister à leur procès, seraient privés de débats contradictoires et ne pourraient, en l'absence des principaux mis en cause, exercer de manière effective les droits de la défense. 31. S'agissant des conséquences du constat du caractère déraisonnable de la procédure, de l'atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire et à l'équilibre des droits des parties, ainsi qu'aux droits de la défense, pour MM. [G], [A] et [Z], la cour d'appel, après avoir constaté que la procédure relative aux faits en relation avec le « volet corruption » viole la norme d'un délai raisonnable et porte atteinte de façon irrémédiable à l'ensemble des principes de fonctionnement de la justice pénale, notamment le respect des droits de la défense et des règles d'administration de la preuve, conclut qu'elle ne peut participer elle-même à cette violation en laissant se poursuivre un procès dépourvu de tout caractère équitable. 32. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe rappelé au paragraphe 22. 33. D'une part, elle a déduit faussement de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire du code de procédure pénale qu'elle devait annuler les poursuites. 34. D'autre part, elle n'a pas statué sur le bien-fondé de la prévention au regard des éléments qui lui étaient soumis conformément à l'article 427 du code de procédure pénale. 35. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Sur le moyen proposé pour MM. [P] et [K], pris en sa deuxième branche 36. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a évoqué s'agissant des faits de faux et usage de faux, d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société [3] reprochés à MM. [P] et [K] et a renvoyé pour que ces derniers soient jugés au fond de ces chefs, alors : « 2°/ qu'en se bornant, pour évoquer et permettre le jugement de MM. [P] et [K] des chefs de faux et usage de faux, d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux commis au préjudice de [3], à énoncer que « le délai déraisonnable de la procédure, quoique caractérisé, ne porte pas atteinte aux droits de la défense de MM. [P] et [K] qui sont en capacité de les exercer de manière effective », quand l'exercice effectif de ces droits suppose que MM. [P] et [K] puissent faire interroger des témoins et mis en cause, ce que l'écoulement du temps et la violation de l'exigence de délai raisonnable les empêchent de faire, la Chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 37. La cassation prononcée sur le pourvoi du procureur général rend inopérant le grief. Portée et conséquences de la cassation 38. L'arrêt est cassé en toutes ses dispositions sauf celles ayant ordonné le renvoi à l'égard de MM. [P] et [K] pour être jugés des chefs d'abus de biens sociaux, de recel, de faux et d'usage. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur les pourvois formés par MM. [P] et [K] : Les REJETTE ; Sur le pourvoi formé par le procureur général : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 septembre 2021, en toutes ses dispositions sauf celles ayant ordonné le renvoi à l'égard de MM. [P] et [K] pour être jugés des chefs d'abus de biens sociaux, de recel, de faux et d'usage ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Fixe à 2 500 euros la somme globale que MM. [P] et [K] devront verser aux consorts [F] et à la société [3] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 21-86.499 F-B 8 NOVEMBRE 2022 M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2022 La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 8 septembre 2021, qui, pour exercice illégal de la profession de géomètre-expert, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires ont été produits, en demande et en défense. Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société [1], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts et du Conseil régional des géomètres-experts de Lyon, parties civiles, et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le Conseil régional des géomètres-experts de Lyon et le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts ont fait citer la société [1] devant le tribunal correctionnel du chef d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert, à raison de l'établissement, les 17 avril et 19 octobre 2015, de deux documents d'arpentage relevant du monopole des géomètres-experts. 3. Les juges du premier degré l'ont déclarée coupable de ces faits et ont prononcé sur les intérêts civils. 4. La prévenue et le ministère public ont relevé appel de la décision. Examen des moyens Sur les premier et second moyens Enoncé des moyens 5. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour avoir établi le document d'arpentage en date du 17 avril 2015, alors : « 1°/ que l'interprétation jurisprudentielle d'une loi d'incrimination ayant pour effet, au détriment du prévenu, d'étendre le champ de cette incrimination n'est pas applicable à des faits non définitivement jugés et qui, commis antérieurement à cette nouvelle interprétation, ne constituaient pas une infraction ; qu'en se fondant sur la « lecture convergente que font les deux ordres de juridiction » des articles 1, 2, et 7 de la loi du 7 mai 1946 et en faisant dès lors application à la Sarl [1], poursuivie pour l'établissement d'un document d'arpentage du 17 avril 2015, de l'interprétation de ces dispositions faite par la chambre criminelle dans son arrêt du 1er septembre 2015 (Crim., 1er septembre 2015, Bull. crim. n° 134) consistant à étendre l'application du délit d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert à la réalisation de certains documents d'arpentage en ce que destinés à être annexés ou à accompagner un acte translatif de propriété, ils participeraient à la rédaction de tels actes et fixeraient les limites des biens fonciers lorsque le Conseil d'Etat, qui n'a été saisi d'aucun recours contre l'arrêté du 30 juillet 2010 ni contre la doctrine fiscale de 2012 affirmant la compétence des géomètres-topographes agréés pour établir tout document d'arpentage, n'a jamais inclus les documents d'arpentage dans le monopole avant le 1er septembre 2015 et que la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation antérieure au 1er septembre 2015 avait exclu les documents d'arpentage du champ du monopole des géomètres-experts soit en rejetant, dans un arrêt de principe publié, le pourvoi contre la relaxe du prévenu auquel était reproché d'avoir établi ces documents (Crim., 16 mai 2006, n° 05-82.870, Bull. crim. n° 134) soit en faisant droit au pourvoi de la partie civile qui distinguait néanmoins les documents pénalement poursuivis des documents d'arpentage qu'elle reconnaissait non soumis à monopole (Crim., 8 février 2011, n° 10-83.917), la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le respect du principe de légalité des délits et des peines interdit qu'un prévenu se voit appliquer une interprétation jurisprudentielle consacrée postérieurement à la commission des faits poursuivis, ayant pour effet d'étendre le champ de la répression et non prévisible ; qu'en faisant application à la Sarl [1] poursuivie pour l'établissement d'un document d'arpentage en date du 17 avril 2015 de l'interprétation faite par la chambre criminelle dans son arrêt du 1er septembre 2015 (Crim., 1er septembre 2015, Bull. crim. n° 134) des articles 1er, 2 et 7 de la loi du 7 mai 1946 qui était imprévisible et n'a pas pu « s'insérer » dans la jurisprudence antérieure de la chambre criminelle ayant exclu les documents d'arpentage du champ du monopole des géomètres-experts soit en rejetant, dans un arrêt de principe publié, le pourvoi contre la relaxe du prévenu auquel était reproché d'avoir établi ces documents (Crim., 16 mai 2006, n° 05-82.870, Bull. crim. n° 134) soit en faisant droit au pourvoi de la partie civile qui distinguait néanmoins les documents pénalement poursuivis des documents d'arpentage qu'elle reconnaissait non soumis à monopole (Crim., 8 février 2011, n° 10-83.917), ce que confirmaient la modification de la doctrine fiscale dès le lendemain de l'arrêt du 1er septembre 2015 ainsi que l'envoi à la prévenue d'un courrier le 21 septembre 2015 par le service du cadastre qui, face à la modification du champ de compétences des professionnels autres que les géomètres-experts dans la doctrine fiscale, prévoyait même des dispositions transitoires autorisant le dépôt au cadastre de documents d'arpentage « accompagnant ou destinés à être suivis d'un acte notarié ou administratif », la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en ne répondant pas explicitement au moyen tiré de l'erreur sur le droit invoqué par la prévenue et en se bornant à invoquer la hiérarchie des normes sans examiner, comme elle y était invitée, si l'information donnée par l'administration fiscale, dans sa doctrine publiée, aux professionnels qu'elle agrée sur le champ de leurs compétences concernant les documents d'arpentage servant de fondement aux poursuites et sans rechercher si cette information, alors que ni le décret du 30 avril 1955 ni l'arrêté du 30 juillet 2010 ni l'agrément délivré individuellement ne précisaient que des documents d'arpentage pouvaient relever du monopole des géomètres-experts, n'avait pas donné lieu à une erreur sur le droit au bénéfice de la prévenue, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 122-3 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que l'exercice illégal de la profession de géomètre-expert est une infraction intentionnelle, supposant la conscience et la volonté d'enfreindre le monopole des géomètres-experts ; qu'en déclarant la Sarl [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour avoir établi le document d'arpentage du 17 avril 2015, cependant qu'au vu du libellé des articles 1er, 2 et 7 de la loi du 7 mai 1946 et des articles 25 et 30 du décret du 30 avril 1955 qui ne prévoient pas que certains documents d'arpentage relèveraient du monopole et de leur interprétation par la chambre criminelle ayant exclu dans ses arrêts antérieurs à celui du 1er septembre 2015 ces documents du monopole, la prévenue, même en ayant recours à des conseils éclairés, ne pouvait évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, que l'établissement d'un document d'arpentage tel que celui établi le 17 avril 2015 était de nature à constituer le délit d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 du code pénal, 1, 2 et 7 de la loi du 7 mai 1946, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que des dispositions réglementaires peuvent autoriser la commission d'une infraction ; que l'interprétation jurisprudentielle nouvelle et imprévisible de dispositions réglementaires qui prévoient un fait justificatif ayant pour effet, au détriment du prévenu, de restreindre le champ de ce fait justificatif n'est pas applicable à des faits non définitivement jugés et commis antérieurement à cette nouvelle interprétation ; qu'en faisant application de l'interprétation jurisprudentielle des articles 25 et 30 du décret du 30 avril 1955 faite par la chambre criminelle dans son arrêt du 1er septembre 2015 selon laquelle parmi les documents d'arpentage visés par ces dispositions réglementaires, certains constituent des travaux relevant du monopole des géomètres-experts, cependant qu'antérieurement à l'arrêt de la chambre criminelle du 1er septembre 2015, les articles 25 et 30 du décret du 30 avril 1955 autorisaient les géomètres-topographes à établir tout document d'arpentage, la cour d'appel a violé les articles 122-4 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. » 6. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour avoir établi les documents d'arpentage du 17 avril 2015 et 19 octobre 2015, alors : « 1°/ qu'un document d'arpentage ne peut jamais fixer les limites de propriété ; qu'en relevant, pour déclarer la Sarl [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour l'établissement de deux documents d'arpentage, que ces documents ont été établis afin de permettre la division d'une parcelle et l'édification d'une construction sur la nouvelle parcelle, qu'ils ont été visés dans l'acte notarié de cession de la parcelle et annexés à celui-ci et qu'ils constituaient un bornage destiné à fixer les nouvelles limites de propriété, cependant que le document d'arpentage, même annexé à un acte notarié et visé dans celui-ci, demeure un document cadastral inapte, par sa nature et son objet, à fixer des limites de propriété ainsi que l'Ordre des géomètres-experts le reconnaît lui-même, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 7 de la loi du 7 mai 1946, 25 du décret du 30 avril 1955, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'un document d'arpentage ne peut jamais fixer les limites de propriété ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que le document d'arpentage établi le 17 avril 2015 par la prévenue était un bornage sans répondre aux conclusions d'appel se prévalant de la clause de l'acte notarié qui constatait expressément que les limites et la contenance cadastrale mentionnées dans le document annexé n'étaient qu'indicatives et que le cadastre n'était pas un document à caractère juridique mais à caractère fiscal, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1, 2, 7 de la loi du 7 mai 1946, 25 du décret du 30 avril 1955 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que le document cadastral constatant une ligne de séparation au sein d'une parcelle entre une partie que le propriétaire entend conserver et une partie qu'il entend créer en vue de sa cession ne peut jamais constituer un plan fixant les limites de biens fonciers puisqu'au jour de l'établissement du document, la parcelle au sein de laquelle une ligne de séparation a été établie appartient à un seul propriétaire ; qu'en relevant que les documents d'arpentage divisant la parcelle appartenant à un unique propriétaire en deux ou trois nouvelles parcelles créent une nouvelle limite parcellaire entre deux fonds et constituaient un bornage, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 7 de la loi du 7 mai 1946, 25 du décret du 30 avril 1955, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que les propriétaires de deux fonds voisins peuvent se mettre d'accord pour fixer les limites de leurs propriétés sans faire appel à un professionnel ; qu'en retenant, après avoir constaté que les documents d'arpentage litigieux comportaient la signature du propriétaire initial et des futurs acheteurs, que ces documents constituent en réalité un bornage destiné à fixer les nouvelles limites de propriété et entrent dans le champ du monopole des géomètres-experts, l'existence d'un accord entre propriétaires ou l'absence de désaccord et de conflit étant à cet égard indifférentes au regard de l'objet et de la finalité du monopole cependant que le monopole des géomètres-experts étant accessoire par rapport à l'accord des propriétaires quant à la fixation des limites de leur propriété, le projet de division entre l'actuel propriétaire d'une parcelle et l'acheteur potentiel d'une partie de celle-ci lors de l'établissement du document d'arpentage devient, au moment de la réalisation de la cession, un bornage amiable procédant régulièrement de l'accord de propriétaires de fonds voisins, la cour d'appel a violé les articles 646 du code civil, 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 5°/ que n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ; que l'alinéa 2 de l'article 2 de la loi du 7 mai 1946 prévoit que ne sont pas opposables aux services publics pour l'exécution des travaux qui leur incombent les dispositions de son premier alinéa prévoyant que peuvent seuls effectuer les travaux prévus au 1° de l'article 1er les géomètres-experts inscrits à l'ordre ; qu'en se bornant à relever que les dispositions de la loi de 1946 avaient dans la hiérarchie des normes une valeur supérieure aux textes réglementaires invoquées par la prévenue sans rechercher comme elle y était invitée si la Sarl [1], bénéficiaire d'un agrément de l'administration fiscale pour établir des documents d'arpentage et délégataire à ce titre d'une mission de service public, celui du cadastre, n'avait pas établi les documents d'arpentage litigieux en application de l'alinéa 2 de l'article 2 de la loi du 7 mai 1946 de sorte que le monopole des géomètres-experts ne lui était pas opposable, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1, 2, 7 de la loi du 7 mai 1946, ensemble l'article 122-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ; 6°/ que ne saurait être pénalement responsable le professionnel ayant agi sur l'autorisation de l'administration qui a édicté des dispositions transitoires pour autoriser temporairement l'établissement et le dépôt d'actes enfreignant la loi pénale ; qu'en déclarant la Sarl [1] coupable d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert pour l'établissement du document d'arpentage du 19 octobre 2015, cependant que la prévenue avait été autorisée par l'administration fiscale, par courrier du 21 septembre 2015 prévoyant « A titre de mesure transitoire, les documents d'arpentage en cours de confection à la date du 2 septembre 2015 c'est-à-dire les documents pour lesquels les géomètres agréés ont engagé les travaux de terrain où se sont engagés contractuellement avant cette date, pourront être déposés pour vérification et numérotage au service du cadastre jusqu'au 2 décembre 2015, quand même ils accompagneraient un tel acte », à établir un tel document et qu'elle bénéficiait à ce titre du fait justificatif de l'article 122-4 du code pénal ou à tout le moins de celui de l'article 122-3, la cour d'appel a violé ces textes, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. Les moyens sont réunis. 8. Pour confirmer le jugement ayant déclaré la prévenue coupable, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort des articles 1 et 2 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, modifiée par la loi du 16 décembre 1987, et de la lecture convergente qu'en font les deux ordres de juridiction judiciaire et administratif, que les documents de modification du parcellaire cadastral ou tout autre document d'arpentage qui établit une ligne de séparation au sein d'une parcelle entre une partie que le propriétaire entend conserver et une partie qu'il entend créer en vue de sa cession, et qui a donc vocation à devenir la limite séparative de deux fonds issus de la vente, entrent dans le champ du monopole des géomètres-experts en ce qu'ils fixent les nouvelles limites de biens fonciers et créent des droits réels qui y sont attachés, leur auteur participant directement à la rédaction d'un acte translatif de propriété. 9. Les juges ajoutent qu'il en résulte, d'une part, que les géomètres-experts peuvent effectuer tous les actes fixant les limites de biens fonciers, des relevés, plans et documents topographiques, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, dès lors que ces actes concernent la définition des droits attachés à la propriété foncière, que l'opération ait un caractère amiable ou contentieux, d'autre part, que les géomètres-topographes peuvent effectuer les mesurages de superficies et descriptions et, plus généralement, toutes les opérations techniques ou études sur l'évaluation, la gestion ou l'aménagement des biens fonciers, dès lors que ces travaux sont sans incidence, directe ou non, sur la propriété foncière et ses limites. 10. Ils précisent qu'il appartient donc aux géomètres-topographes de s'assurer, préalablement au commencement de leur mission, de l'objet et de la finalité du document de délimitation qui leur est demandé. 11. Ils relèvent également que le décret du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre et l'arrêté du 30 juillet 2010 fixant les modalités d'attribution des agréments pour l'exécution des travaux cadastraux ont, dans la hiérarchie des normes, une valeur moindre que la loi du 7 mai 1946 puisqu'il s'agit de textes réglementaires et non pas législatifs et que si les articles 25 et 30 du décret du 30 avril 1955 disposent que les documents d'arpentage constatant un changement de limites de propriétés, notamment par suite de divisions, lotissement, partage peuvent être réalisés par les personnes agréées à cette fin, ils ne peuvent avoir pour but ou pour effet de contrevenir aux dispositions de cette loi. 12. Ils retiennent encore qu'il ressort également de l'article 8 de l'arrêté du 30 juillet 2010 que les personnes agréées s'interdisent de réaliser des études et travaux topographiques destinés à fixer eux-mêmes des limites des biens fonciers ou les droits qui y sont attachés, de sorte que l'agrément fiscal ne confère au géomètre agréé aucune des compétences dévolues par la loi au géomètre-expert et ne peut autoriser son titulaire à violer la loi. 13. Pour conclure ensuite que les documents du 17 avril 2015 et du 19 octobre 2015 ne constituent pas de simples arpentages, mais des bornages destinés à fixer de nouvelles limites de propriété et à en permettre le transfert, et entrent de la sorte dans le champ du monopole des géomètres-experts, les juges constatent que ces actes divisent une parcelle en plusieurs parcelles, créent une nouvelle limite parcellaire entre des fonds et comportent les signatures tant du propriétaire initial que du futur acquéreur de l'une de ces parcelles, ainsi que cela ressort des actes notariés ultérieurs qui en consacrent la vente et font expressément référence à cette division parcellaire certifiée et numérotée par le service du cadastre, qu'ils annexent. Ils en déduisent que cette division parcellaire était un préalable nécessaire à la cession de parcelles destinées à la construction et que la prévenue ne pouvait ignorer ce but au moment de l'établissement des actes. Ils précisent que l'existence ou non d'un accord entre propriétaires est indifférente au regard de l'objet et de la finalité du monopole instauré au profit des géomètres-experts. 14. Par motifs adoptés, ils énoncent également que la prévenue ne pouvait se méprendre sur la portée de la lettre de l'administration fiscale du 21 septembre 2015 autorisant à titre transitoire les géomètres-topographes agréés à déposer au cadastre les documents d'arpentage, en cours de confection au 2 septembre 2015, accompagnant un acte notarié ou destinés à être suivis d'un tel acte, que si cette lettre pouvait entretenir un certain flou, l'administration n'avait pas le pouvoir de régulariser des actes contraires à la loi en l'état d'un droit clair et constant depuis plusieurs années et que la prévenue pouvait consulter l'un de ses organismes professionnels avant de dresser des documents d'arpentage destinés à diviser des fonds et à être annexés à des actes notariés de vente, de sorte que l'erreur invincible sur le droit n'est pas établie. 15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a répondu à tous les chefs péremptoires des conclusions de la prévenue, a justifié sa décision, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen. 16. En premier lieu, elle a souverainement apprécié que les documents en cause ne consistaient pas en des documents fiscaux dépourvus d'incidence foncière, mais avaient au contraire pour effet de fixer de nouvelles limites de biens fonciers, peu important que le propriétaire actuel et le futur acquéreur soient d'accord pour la fixation de ces nouvelles limites. 17. En deuxième lieu, l'interprétation stricte des textes sur lesquels elle s'est fondée résulte non d'un arrêt qui aurait été rendu de manière imprévisible par la Cour de cassation le 1er septembre 2015, mais de la jurisprudence dans laquelle cet arrêt s'insère, selon laquelle les actes réservés aux géomètres-experts sont ceux qui fixent les limites des biens fonciers pour l'établissement des droits réels, préparent, accompagnent ou suivent l'intervention d'un notaire et participent des actes translatifs ou déclaratifs de propriété, tandis que les actes relevant de la compétence des géomètres- topographes concernent les documents d'arpentage et tous travaux cadastraux relatifs à la situation fiscale du fonds concerné. 18. En troisième lieu, elle a caractérisé l'élément intentionnel, sans qu'il y ait lieu de distinguer, eu égard à ce qui est énoncé au paragraphe précédent, entre chacun des deux actes concernés, selon qu'il a été établi avant ou après l'arrêt du 1er septembre 2015. 19. Dès lors, les moyens doivent être écartés. 20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [1] devra payer au Conseil régional des géomètres-experts de Lyon et au Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 720 F-B Pourvoi n° C 21-16.071 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ L'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ M. [K] [M], domicilié [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° C 21-16.071 contre une ordonnance rendue le 1er octobre 2019 et un arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5], société civile coopérative, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et de M. [M], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5], après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 1er octobre 2019 Vu l'article 978 du code de procédure civile : 1. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée. 2. Le mémoire en demande de l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac (l'AFUL) et de M. [M] ne contenant aucun moyen de droit contre l'ordonnance rendue le 1er octobre 2019 par le conseiller de la mise en état, il y a lieu de constater la déchéance de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision ; Faits et procédure 3. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 4 mars 2021), l'AFUL était titulaire d'un compte bancaire dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5] (la banque), lequel devait fonctionner sous la signature du président de l'association, M. [M], et d'un représentant de la société Historia prestige, à laquelle avait été confiée une mission d'assistance du président. Invoquant des ordres de virement irrégulièrement passés à partir de son compte bancaire, l'AFUL a assigné la banque en indemnisation pour avoir manqué à son obligation de vigilance à l'occasion de l'exécution de ces opérations. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'AFUL et M. [M] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la banque, alors « que le président d'une association foncière urbaine libre a seul le pouvoir d'assurer la gestion, autonome et interne, de ses comptes bancaires ; que ces principes d'organisation imposés par la loi ne peuvent échapper à la connaissance de la banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis qu'en application de l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, la gestion des comptes de l'AFUL est nécessairement autonome et interne ; qu'en retenant néanmoins que la SARL Historia prestige pouvait avoir mandat d'ouvrir le compte bancaire au nom de l'AFUL et que ce compte pouvait fonctionner sous la double signature du représentant de cette société et du président de l'AFUL, au motif impropre que la SARL Historia prestige avait une mission d'assistance du président pour exercer tous les pouvoirs administratifs, pour en déduire l'absence de faute de la banque dans l'ouverture et le fonctionnement du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. » Réponse de la Cour 6. Aux termes de l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, le président de l'association foncière urbaine exécute les décisions du conseil des syndics et de l'assemblée générale, prépare le budget et le compte administratif des opérations de l'association et assure le paiement des dépenses. Il peut se faire assister par une personne, physique ou morale, agissant en qualité de prestataire de services, à laquelle peuvent être confiées toutes autres missions concernant la réalisation de l'objet de l'association. 7. Il résulte de ce texte qu'aucun paiement ou retrait ne peut être effectué à partir des comptes bancaires d'une association foncière urbaine s'il n'a pas été ordonné par son président, ce qui n'interdit pas qu'il soit donné mandat à un tiers d'ouvrir un compte bancaire au nom et pour le compte de l'association foncière urbaine et que la convention d'ouverture prévoie que les comptes fonctionneront sous la double signature du président et du prestataire auquel est confié, par contrat, une mission d'assistance du président. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 1er octobre 2019 ; REJETTE le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 ; Condamne l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M] et les condamne à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3]-[Localité 5] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association foncière urbaine libre Franc de Cahuzac et M. [M]. L'AFUL Franc de Cahuzac et M. [M] font grief à l'arrêt attaqué du 4 mars 2021 de les avoir déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de la caisse de crédit mutuel de [Localité 3] [Localité 5], 1) ALORS QUE le président d'une AFUL a seul le pouvoir d'assurer la gestion, autonome et interne, de ses comptes bancaires ; que ces principes d'organisation imposés par la loi ne peuvent échapper à la connaissance de la banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis qu'en application de l'article L.322-4-1 du code de l'urbanisme, la gestion des comptes de l'AFUL est nécessairement autonome et interne ; qu'en retenant néanmoins que la SARL Historia prestige pouvait avoir mandat d'ouvrir le compte bancaire au nom de l'AFUL et que ce compte pouvait fonctionner sous la double signature du représentant de cette société et du président de l'AFUL, au motif impropre que la SARL Historia prestige avait une mission d'assistance du président pour exercer tous les pouvoirs administratifs, pour en déduire l'absence de faute de la banque dans l'ouverture et le fonctionnement du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 322-4-1 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 2) ALORS QUE la banque est tenue d'un devoir de vigilance quant à l'ouverture et au fonctionnement du compte bancaire, en vertu duquel elle est tenue de détecter les anomalies apparentes ; qu'en affirmant en l'espèce qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence légale du constat que le formulaire d'ouverture de compte avait été signé avant même la tenue de l'assemblée générale constitutive de l'AFUL, quand il s'agissait d'une anomalie apparente nécessitant des vérifications de la banque, la cour d'appel a violé l'article L. 561-6 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 3) ALORS QU'en vertu de son devoir de vigilance, la banque est tenue de vérifier la régularité des ordres de virement et d'en détecter les anomalies apparentes ; qu'en l'espèce, en retenant que la présence de la signature de Mme [P] sur les ordres de virement du 21 décembre 2007 pour la société Historia prestige était sans incidence, dès lors que son nom avait été barré, pour en déduire que ces ordres ne présentaient aucune anomalie, quand elle venait pourtant de constater que la démission de Mme [P] de la direction de la société Historia prestige avait été actée le 29 décembre 2006, la cour d'appel a violé l'article L. 561-6 du code monétaire et financier et l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. 4) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'AFUL Franc de Cahuzac faisait valoir dans ses conclusions d'appel (page 30) que l'ordre de virement du 11 juillet 2008 (cf. production n°4, avant-dernière page) comportait des anomalies apparentes puisqu'y figurait la signature de Mme [P], laquelle n'était plus gérante de la SARL Historia prestige depuis 2006, sans que son nom ne soit rayé, ainsi qu'une autre signature d'une personne non identifiée, de surcroit différente avec celle figurant sur la lettre d'accompagnement ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur les anomalies de cet ordre de virement du 11 juillet 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. 5) ALORS QUE les services bancaires de base comprennent l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ; que la banque est tenue de respecter cette obligation envers son client, afin de lui permettre de s'assurer du bon fonctionnement de son compte ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence de l'absence de justification par la caisse de crédit mutuel de [Localité 3] [Localité 5] du respect de son obligation d'envoi des relevés de compte, au motif impropre que ni l'AFUL ni M. [M] ne justifiaient avoir demandé la communication de ces relevés, quand l'initiative de la communication des relevés de compte doit reposer sur la banque et non sur le client, la cour d'appel a violé l'article D. 312-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 717 F-B Pourvoi n° T 20-22.383 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [I] [U], 2°/ Mme [X] [P], épouse [U], tous deux domiciliés [Adresse 3]), ont formé le pourvoi n° T 20-22.383 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2020), M. et Mme [U] ont procédé à des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2004 à 2012. 2. Le 30 novembre 2010, l'administration fiscale a déposé à leur encontre une plainte ayant entraîné l'ouverture d'une enquête judiciaire pour des faits de fraude fiscale commis entre 2007 et 2009. 3. Le 23 octobre 2013, considérant que M. et Mme [U] avaient omis de déclarer au titre de l'ISF des avoirs détenus à l'étranger et les parts sociales d'une société, l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification portant rappel de cet impôt pour les années 2004 à 2012. 4. Après le rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [U] ont assigné l'administration en annulation de la décision de rejet et en décharge des impositions supplémentaires et pénalités mises en recouvrement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes leurs demandes tendant à voir prononcer le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à leur encontre pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'ISF pour les années 2004 à 2012, alors « que, selon les dispositions prévues à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique qu'au titre des années visées par la plainte de l'administration ; qu'en décidant que le droit de reprise de l'administration s'exerçait pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, cependant qu'elle avait relevé que, suivant la proposition de rectification, la plainte pénale visait exclusivement les années 2007, 2008 et 2009, de sorte que seules ces années pouvaient donner lieu à redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 180, L. 186 et L. 188 B du livre des procédures fiscales. » Réponse de la Cour 7. Selon l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. 8. Il en résulte que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique pas aux seules impositions dues au titre des années visées par la plainte de l'administration fiscale, mais à toutes les impositions comprises dans le délai initial de reprise non expiré à la date du dépôt de ladite plainte. 9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [U] et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U]. M. [I] [U] et Mme [X] [P], épouse [U] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes tendant à prononcer le dégrèvement total des sommes mises en recouvrement à leur encontre pour un montant total de 236 243 euros au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2004 à 2012 ; 1° ALORS QUE selon les dispositions prévues à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne s'applique qu'aux titres des années visées par la plainte de l'administration ; qu'en décidant que le droit de reprise de l'administration s'exerçait pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt, cependant qu'elle avait relevé que suivant la proposition de rectification, la plainte pénale visait exclusivement les années 2007, 2008 et 2009, de sorte que seules ces années pouvaient donner lieu à redressement, la cour d'appel a violé les articles L. 180, L. 186 et L. 188 B du livre des procédures fiscales ; 2° ALORS QUE le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou fournis par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en énonçant, pour rejeter la contestation des époux [U], qu'en ce qui concernait les documents fondant les poursuites, ils avaient omis de présenter devant la cour les décisions qui avaient reconnu la validité des éléments de preuve les concernant, et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2016, la cour d'appel, qui s'est manifestement fondée sur des pièces étrangères aux débats comme ne figurant pas au bordereau de communication de pièces, a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 3° ALORS QUE sauf disposition expresse contraire, le principe de loyauté de la preuve a vocation à s'appliquer à tout contentieux soumis aux dispositions du code de procédure civile ; qu'en se fondant, pour rejeter la contestation des époux [U], sur les décisions qui avaient reconnu la validité des éléments de preuve concernant les époux [U], et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2016, sans même vérifier si les éléments de preuve produits aux débats dans le cadre de la procédure pénale satisfaisaient aux principes de loyauté et de licéité de la preuve, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile, 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; 4° ALORS QUE toute décision doit être motivée ; qu'en se bornant à rejeter l'étude produite par M. et Mme [U] pour évaluer les titres de la société Villette Viandes Argonne en se fondant sur les seules indications figurant dans le liminaire de cette étude sans même expliquer les raisons pour lesquelles il convenait de retenir l'évaluation de la commission de conciliation du 15 septembre 2015 sur les parts sociales de la société Villette Viandes Argonne au titre des années 2004 à 2012, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° ALORS QUE la pénalité pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts suppose, d'une part, la conscience de la part du contribuable d'éluder l'impôt, élément intentionnel et d'autre part, la création d'apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle ; qu'en énonçant que « M. et Mme [I] [U] ont délibérément occulté leurs avoirs détenus sur un compte étranger situé en Suisse solde de 1 341 625 euros en 2007, sous le profil « Emeth 55 » puis « Maclom 55 », y compris par les déclarations ultérieures de M. [U] devant les services de police en 2011 « l'existence de ce profil client est mensonger»; « oui je nie » et par la minoration prolongée de leur actif imposable, justifiant l'application des dispositions de l'article 1729 C du CGI, totalement distinctes de celles prévoyant l'application d'une amende pour défaut de déclaration d'un compte étranger article 1736 IV du CGI » sans caractériser la conscience de la part du contribuable d'éluder l'impôt et la création d'apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle, la cour d'appel a violé l'article 1729 du code général des impôts.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 722 F-B Pourvoi n° R 20-19.184 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ [W] [B], ayant été domicilié [Adresse 9], décédé, 2°/ la société Risa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ Mme [F] [B], domiciliée [Adresse 5], 4°/ M. [T] [B], domicilié [Adresse 6], 5°/ M. [Y] [B], domicilié [Adresse 1], tous trois agissant en qualité d'héritiers de [W] [B], ont formé le pourvoi n° R 20-19.184 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2020 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Soredom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Société financière des Antilles-Guyane (Sofiag), venant aux droits de la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (Sodega), elle-même venant aux droits de la Société de développement de la Guadeloupe (Soderag), 2°/ à la société Bred-Banque populaire, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. [T] et [Y] [B], de Mme [F] [B] et de la société Risa, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Soredom et de la société Bred-Banque Populaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 janvier 2020), suivant un protocole d'accord signé le 15 décembre 1992, [W] [B], aujourd'hui décédé, s'est engagé, en son nom propre et en sa qualité de caution de deux sociétés, à payer certaines sommes à la Banque régionale d'escompte et de dépôt (la Bred). 2. Le 20 janvier 1993, la Société de développement régional Antilles-Guyane (la Soderag), aux droits de laquelle est venue la Société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la Sodega), a consenti un prêt à la société Risa, dont [W] [B] s'est rendu caution. 3. La Sodega a fait l'objet, le 23 décembre 2004, d'une fusion-absorption par la Société financière des Antilles-Guyane (la Sofiag). Cette dernière a, le 22 février 2010, fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à [W] [B]. 4. [W] [B] et la société Risa ont assigné la Sofiag et la Bred, principalement en annulation du protocole d'accord du 15 décembre 1992, et subsidiairement en responsabilité. 5. [W] [B] est décédé le 28 février 2021, laissant pour lui succéder MM. [T] et [Y] [B] et Mme [F] [B], qui ont repris l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, ci-après annexés 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 7. MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de [W] [B] et de la société Risa, alors : « 2°/ que dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, les droits et les obligations de la société absorbée ne sont régulièrement transmis à la société absorbante que si le projet de fusion a été publié, peu important que la fusion ait ensuite été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 236-6 du code de commerce ; 3°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa qu'il résultait de l'extrait Kbis de la Sofiag que suivant mention du 31 janvier 2005, plusieurs sociétés avaient participé à une opération de fusion avec la Sofiag : la Sodega, la Sodema et la Sofideg, sans constater qu'étaient également indiquées les autres mentions exigées par l'article R. 123-69 du code de commerce, à savoir, la forme juridique et le siège social de toutes les sociétés ayant participé à l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-9, alinéa 1, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce ; 4°/ qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en jugeant quel'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa, cependant qu'elle a relevé que l'extrait Kbis de la Sodega mentionnait que la société avait été radiée à la suite de son absorption par la SAS Antilles Guyane participations, immatriculée à [Localité 8] et non au profit de la Sofiag immatriculée à [Localité 7], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9, alinéa 1, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. » Réponse de la Cour 8. Il résulte des articles L. 236-3, I, et L. 236-4, 2°, du code de commerce qu'en cas de fusion, sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée. 9. L'arrêt retient, par des motifs vainement critiqués par le premier moyen, pris en sa première branche, que la réalité de la fusion-absorption, le 23 décembre 2004, de la Sodega par la Sofiag est établie. 10. La Sofiag ayant, par l'effet de cette fusion-absorption, recueilli l'intégralité du patrimoine de la Sodega, elle avait qualité pour agir en exécution forcée contre [W] [B], indépendamment de l'accomplissement des formalités de publicité applicables à cette opération. 11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef. 12. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa et les condamne à payer à la société Soredom, anciennement dénommée Société financière des Antilles-Guyane, et à la société Bred-Banque populaire la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. [T] et [Y] [B], Mme [F] [B] et la société Risa. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [B] et la société Risa font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de l'intégralité de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, sans répondre aux conclusions de M. [B] et de la société Risa selon lesquelles la Sofiag ne démontrait pas la réalité même de l'opération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE dans le cadre d'une opération de fusion-absorption, les droits et les obligations de la société absorbée ne sont régulièrement transmis à la société absorbante que si le projet de fusion a été publié, peu important que la fusion ait ensuite été publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en relevant, pour dire que la fusion-absorption de la société Sodega par la Sofiag était opposable à M. [B] et à la société Risa que, même si le projet de fusion n'avait pas été publié, la fusion avait par la suite fait l'objet d'une publication régulière au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé l'article L. 236-6 du code de commerce ; 3°) ALORS QU'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa qu'il résultait de l'extrait Kbis de la Sofiag que suivant mention du 31 janvier 2005, plusieurs sociétés avaient participé à une opération de fusion avec la Sofiag : la Sodega, la Sodema et la Sofideg, sans constater qu'étaient également indiquées les autres mentions exigées par l'article R. 123-69 du code de commerce, à savoir, la forme juridique et le siège social de toutes les sociétés ayant participé à l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. 4°) ALORS QU'en cas de fusion-absorption, la dissolution de la société absorbée n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et de sociétés avec l'indication de sa cause, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, de la forme juridique et du siège des personnes morales ayant participé à l'opération ; qu'en jugeant que l'opération de fusion-absorption était opposable à M. [B] et la société Risa, cependant qu'elle a relevé que l'extrait Kbis de la Sodega mentionnait que la société avait été radiée à la suite de son absorption par la SAS Antilles Guyane Participations, immatriculée à [Localité 8] et non au profit de la Sofiag immatriculée à [Localité 7], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 123-9, alinéa 1er, L. 237-2 et R. 123-9 du code de commerce. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [B] et la société Risa font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes ; ALORS QUE commet une faute l'établissement financier qui octroie un crédit dont il ne peut légitimement ignorer qu'il excède les capacités de remboursement du débiteur et qui ne peut que provoquer une croissance continue de ses charges financières insupportables pour l'équilibre de sa trésorerie ou incompatible avec toute rentabilité ; qu'en relevant, pour dire que le crédit de 4 300 0000 francs, accordé à la société Risa n'était pas ruineux et rejeté la responsabilité de la Sofiag et de la BRED, en sa qualité d'ancien administrateur de la société Soderag, que la société Risa avait disposé jusqu'en février 1994 de la trésorerie suffisante pour le rembourser, sans constater que la société Soderag et la BRED, avant d'octroyer le prêt, s'étaient enquises des pièces comptables de la société et s'étaient assurées, malgré son absence d'activité, que la société Risa était en mesure de faire face de façon pérenne aux charges de remboursement au regard de ses résultats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 729 F-B Pourvoi n° E 21-17.614 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-17.614 contre le jugement rendu le 7 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle civil de proximité), dans le litige l'opposant à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [Z], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 7 mai 2021), rendu en dernier ressort, M. [Z], faisant valoir qu'après que lui-même avait introduit sa carte bancaire dans un distributeur automatique de billets d'une agence de la société Crédit lyonnais (la banque) pour procéder à un retrait et composé son code confidentiel, un tiers avait saisi un montant de retrait de 900 euros et s'était emparé des billets, a demandé à la banque le remboursement de cette somme. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 2. M. [Z] fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 133-3, L. 133-6, L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier : 3. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'une opération de paiement initiée par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti au montant de l'opération. 4. Il résulte des deux derniers textes qu'en cas d'opération de paiement non autorisée, réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, et signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée, sauf si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19. 5. Pour rejeter la demande de remboursement formée par M. [Z], le jugement énonce que le fait qu'après que le titulaire d'une carte de paiement a introduit celle-ci dans un distributeur automatique de billets et a composé son code secret, un tiers compose à son insu le montant du retrait et s'empare des billets de banque, ne constitue pas un cas d'exemption de la responsabilité du payeur prévu par l'article L. 133-19 du code monétaire et financier. 6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi que cela lui était demandé, si l'opération de paiement avait été autorisée par M. [Z], en particulier quant à son montant, et, dans la négative, sans constater que la responsabilité du payeur était engagée en application du I ou du IV de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, le tribunal a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ; Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit lyonnais et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui, M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [Z]. M. [Z] fait grief au jugement attaqué DE L'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ; ALORS, 1°), QU'en cas d'opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France ; qu'en considérant, pour écarter l'application de ces règles, que M. [Z] n'avait pas été victime d'un retrait frauduleux, mais d'un vol d'espèces, après avoir pourtant relevé que le malfaiteur avait lui-même composé sur le clavier du distributeur à billets le montant du retrait, ce dont il découlait que l'opération de retrait d'espèces était en cours lorsque le malfaiteur en avait pris la direction, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ; ALORS, 2°), QUE le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en retenant la qualification de vol d'espèces, exclusive de celle de retrait frauduleux, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que M. [Z] n'avait jamais eu la propriété des espèces que le malfaiteur avait appréhendées, le tribunal judiciaire a violé l'article 311-1 du code pénal, ensemble les articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier ; ALORS, 3°), QU'une décision de classement sans suite est dépourvue de l'autorité de la chose jugée ; que, dès lors, en se fondant sur les mentions de l'avis de classement sans suite pour retenir la qualification de vol plutôt que celle de retrait frauduleux, le tribunal judiciaire a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 724 F-B Pourvoi n° R 20-23.554 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [X] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-23.554 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2020) et les productions, par un acte du 26 mars 2008, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à la société Du Levant un prêt in fine d'un montant de 10 500 000 euros, outre intérêts, remboursable le 26 mars 2013. Ce prêt, destiné à financer partiellement l'acquisition de 360 000 actions de la société Sea Tankers, était garanti par le nantissement des titres, objet du prêt, et par la cession de toutes les créances nées ou à naître au titre d'une promesse d'achat consentie par des sociétés tierces, débitrices cédées, dans le cadre d'un pacte d'actionnaires du 14 décembre 2007, portant sur les actions de la société Sea Tankers que la société Du Levant détiendrait. 2. Par un acte du 7 septembre 2011, M. [J] s'est rendu caution envers la banque du remboursement de ce prêt dans la limite de 10 500 000 euros. 3. La société Du Levant ayant été condamnée à payer à la banque une somme de 9 822 280,85 euros, outre intérêts, la banque a assigné en paiement la caution, qui a demandé sa décharge sur le fondement de l'article 2314 du code civil, en soutenant que la banque avait laissé perdre ses autres garanties, dont elle aurait pu bénéficier par subrogation. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. [J] fait grief à l'arrêt de le condamner en sa qualité de caution au paiement au profit de la banque en deniers ou quittances de la somme de 9 822 280,82 euros, outre intérêts, avec capitalisation, alors : « 1°/ que l'absence de radiation du nantissement résultant de la première déclaration de nantissement du 26 mars 2008 par le teneur du compte qui aurait reconnu l'existence de ce nantissement, n'était pas de nature à autoriser le créancier et partant la caution subrogée dans les droits de ce dernier, à mettre en oeuvre ce nantissement, dès lors qu'il avait été annulé par les parties au contrat ; qu'il résultait des conclusions de la banque que le 23 mars 2013, à l'occasion de la régularisation de l'avenant n° 2 à l'acte de prêt, la déclaration de gage de compte d'instruments financiers du 26 mars 2008 avait été annulée et remplacée par la déclaration de nantissement de compte de titres financiers souscrite le 26 mars 2013 par la société Du Levant ; que la déclaration du 26 mars 2013 précise expressément qu'elle annule et remplace la déclaration du 26 mars 2008 ; qu'en refusant de constater la perte du nantissement résultant de la première déclaration du 26 mars 2008 en raison de l'opinion du teneur de compte sur son existence et de la prétendue absence de radiation de ce nantissement par ce dernier, la cour d'appel a violé les articles L. 431-4 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 2°/ que la déclaration de nantissement de compte de titres financiers ne réalise le gage qu'à la condition d'être portée à la connaissance du teneur de compte ; que, comme le constate la cour d'appel, la société Sea Tankers avait déclaré par courrier du 2 mai 2018 qu'à sa connaissance, la banque ne disposerait que du nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte que la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 n'avait pas été portée à sa connaissance ; qu'en considérant cependant que le nantissement avait été réalisé par la déclaration précitée, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 3°/ qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si l'inscription des titres financiers nantis dans les livres de la société Sea Tankers ne constituait pas en l'espèce une condition contractuelle de validité de la constitution du nantissement et si, dès lors, en l'absence d'inscription du nantissement du compte financier issu de la déclaration du 26 mars 2013 dans les livres de la société Sea Tankers, ce nantissement n'était pas dépourvu de validité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 et 2314 du code civil ; 4°/ que si l'attestation de constitution de gage ne constitue pas une condition de validité du gage, l'absence de cette attestation interdit à la caution de mettre en oeuvre le nantissement, lorsque la société émettrice nie avoir été destinataire de la déclaration constitutive du gage ; qu'en refusant de prononcer la décharge de la caution à raison de la négligence de la banque, qui n'a pas sollicité la délivrance d'une attestation de constitution de gage, tout en constatant que la société Sea Tankers avait prétendu qu'à sa connaissance la banque ne disposerait que d'un unique nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte qu'elle niait avoir reçu la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 laquelle annulait et remplaçait celle du 26 mars 2008, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles L. 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil qu'elle a violé. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 211-20, I, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009, qui a succédé à l'article L. 431-4, I, du même code, rédigé en des termes similaires, le nantissement d'un compte-titres est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte, comportant les énonciations fixées par l'article D. 211-10 de ce code. 6. Il résulte de ces dispositions que, nonobstant toute clause contraire du contrat de nantissement, le nantissement est valable et opposable aux tiers, par le seul effet de cette déclaration, sans qu'aucune notification au teneur du compte-titres nanti ne soit requise. 7. Après avoir exactement énoncé qu'en application des dispositions de l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, le nantissement est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte et que la délivrance d'une attestation de nantissement, qui constitue une simple faculté offerte au créancier gagiste, ne constitue pas une condition de validité du nantissement, et constaté que la déclaration du 26 mars 2013 signée par la société Du Levant est conforme aux exigences légales, l'arrêt retient à juste titre que cette déclaration est valable, sans qu'il soit nécessaire d'exiger sa notification à la société Sea Tankers. 8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il se déduit que le nantissement était opposable aux tiers, y compris la société Sea Tankers, société émettrice des titres nantis et teneur du compte-titres, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la troisième branche, dès lors qu'il était constant que les titres nantis étaient bien inscrits au compte-titres tenu par la société Sea Tankers, ni d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a, à bon droit, statué comme elle l'a fait. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 10. M. [J] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation à un droit exclusif à être payé au titre d'une cession de créance professionnelle ne peut s'opérer en sa faveur par le fait du créancier ; que tel est le cas lorsque, en l'absence dans le bordereau de cession de créances des mentions exigées par l'article L 313-23 du code monétaire et financier, les cessions de créances ne sont pas opposables aux débiteur cédés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil. » Réponse de la Cour 11. Après avoir énoncé que l'article 2314 du code civil n'est applicable qu'en présence de droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance et qu'est ainsi qualifié tout droit susceptible de conférer à son titulaire une facilité plus grande dans la perception de sa créance ou une véritable position privilégiée, l'arrêt retient exactement que M. [J], qui invoque la perte du bénéfice de la subrogation dans les droits du cessionnaire, ne justifie pas de la perte d'un tel droit préférentiel, puisque la banque ne dispose pas d'un droit qui lui permette d'éviter le concours avec les autres créanciers chirographaires. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 13. M. [J] fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était invitée, si en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte d'instruments financiers à la date de la défaillance du débiteur principal, à laquelle la valeur des actions gagées était très supérieure au montant de la créance garantie, la banque n'avait pas compromis la subrogation de la caution dans ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 : 14. Aux termes de ce texte, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. 15. Pour condamner M. [J], en qualité de caution, à payer à la banque diverses sommes, l'arrêt retient que celui-ci a eu nécessairement connaissance des conditions stipulées dans l'acte de prêt, et notamment de l'obligation de maintien de la valeur des actions nanties, laquelle n'a pas été respectée eu égard à la procédure de liquidation judiciaire dont a fait l'objet la société Sea Tankers. Il retient encore que l'engagement de préservation de la valeur des actions à la hauteur du prêt souscrit incombe à l'emprunteur, titulaire de ces actions, qui les offre en garantie du prêt souscrit, et non à la banque, et qu'il appartenait donc à la société Du Levant, titulaire des actions nanties, de veiller à la préservation de leur valeur et de surveiller toutes modifications éventuelles. L'arrêt ajoute que, de surcroît, il n'est nullement établi que la banque a eu connaissance des difficultés économiques de la société Sea Tankers et de la perte de valeur des actions, dans la mesure où il n'est pas démontré qu'elle était la banque teneuse des comptes de cette société. Il en déduit que M. [J] ne peut se prévaloir du non-respect par la banque d'un éventuel devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du code civil. 16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte-titres à la date de la défaillance de la société Du Levant, débitrice principale, alors que la caution prétendait qu'à cette date, la valeur des actions nanties était très supérieure au montant du capital fixé dans l'acte de prêt, le créancier n'avait pas fait perdre à la caution un droit dont elle aurait pu bénéficier par subrogation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne la société BNP Paribas aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [J]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; 1°- Alors que l'absence de radiation du nantissement résultant de la première déclaration de nantissement du 26 mars 2008 par le teneur du compte qui aurait reconnu l'existence de ce nantissement, n'était pas de nature à autoriser le créancier et partant la caution subrogée dans les droits de ce dernier, à mettre en oeuvre ce nantissement, dès lors qu'il avait été annulé par les parties au contrat ; qu'il résultait des conclusions de la BNP Paribas (p.7) que le 23 mars 2013 à l'occasion de la régularisation de l'avenant n° 2 à l'acte de prêt, la déclaration de gage de compte d'instruments financiers du 26 mars 2008 avait été annulée et remplacée par la déclaration de nantissement de compte de titres financiers souscrite le 26 mars 2013 par la SARL Du Levant ; que la déclaration du 26 mars 2013 précise expressément qu'elle annule et remplace la déclaration du 26 mars 2008 ; qu'en refusant de constater la perte du nantissement résultant de la première déclaration du 26 mars 2008 en raison de l'opinion du teneur de compte sur son existence et de la prétendue absence de radiation de ce nantissement par ce dernier, la Cour d'appel a violé les articles L 431-4 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 2°- Alors que la déclaration de nantissement de compte de titres financiers ne réalise le gage qu'à la condition d'être portée à la connaissance du teneur de compte ; que comme le constate la Cour d'appel, la société Sea Tankers avait déclaré par courrier du 2 mai 2018 qu'à sa connaissance la BNP ne disposerait que du nantissement inscrit le 26 mars 2008, ce dont il résulte que la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 n'avait pas été portée à sa connaissance ; qu'en considérant cependant que le nantissement avait été réalisé par la déclaration précitée, la Cour d'appel a violé les articles L 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil ; 3°- Alors qu'en ne recherchant pas comme elle y était invitée, si l'inscription des titres financiers nantis dans les livres de la société Sea Tankers ne constituait pas en l'espèce une condition contractuelle de validité de la constitution du nantissement et si dès lors en l'absence d'inscription du nantissement du compte financier issu de la déclaration du 26 mars 2013 dans les livres de la société Sea Tankers, ce nantissement n'était pas dépourvu de validité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016 et 2314 du code civil ; 4°- Alors que si l'attestation de constitution de gage ne constitue pas une condition de validité du gage, l'absence de cette attestation interdit à la caution de mettre en oeuvre le nantissement, lorsque la société émettrice nie avoir été destinataire de la déclaration constitutive du gage ; qu'en refusant de prononcer la décharge de la caution à raison de la négligence de la banque qui n'a pas sollicité la délivrance d'une attestation de constitution de gage, tout en constatant que la société Sea Tankers avait prétendu qu'à sa connaissance la BNP ne disposerait que d'un unique nantissement inscrit le 26 mars 2008 ce dont il résulte qu'elle niait avoir reçu la déclaration de nantissement du 26 mars 2013 laquelle annulait et remplaçait celle du 26 mars 2008, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles L 211-20 du code monétaire et financier et 2314 du code civil qu'elle a violé ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; 1°- Alors que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme elle y était invitée, si en s'abstenant d'exercer son droit de gage sur le compte d'instruments financiers à la date de la défaillance du débiteur principal, à laquelle la valeur des actions gagées était très supérieure au montant de la créance garantie, la banque n'avait pas compromis la subrogation de la caution dans ses droits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ; 2°- Alors que la banque bénéficiaire d'un nantissement de compte de titres financiers est tenu de surveiller l'évolution des titres gagés et d'une obligation d'information et de conseil sur le suivi de ces titres ; qu'en énonçant que seul l'emprunteur titulaire des actions qu'il offre en garantie s'engage à en préserver la valeur et qu'il n'incombait pas à la BNP de veiller à la préservation de la valeur des actions nanties et de surveiller toutes modifications éventuelles et que M. [J] ne pourrait se prévaloir du non-respect par la banque d'un devoir de vigilance de nature à justifier l'application de l'article 2314 du code civil, la Cour d'appel a violé la convention du cautionnement, les articles 2314 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION M. [J] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamné en sa qualité de caution de la société Du Levant au paiement au profit de la BNP en deniers ou quittances des sommes de 9.822.280,82 euros en principal, 714.287,89 euros au titre des intérêts échus au 22 janvier 2016 outre les intérêts contractuels sur la somme de 9.822.280,85 euros à compter du 23 janvier 2016 et jusqu'à parfait paiement au taux de l'Euribor 3 mois +1,30% majoré de 2% et ce avec capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dans la limite de 10.500.000 euros ; Alors que la caution est déchargée, lorsque la subrogation à un droit exclusif à être payé au titre d'une cession de créance professionnelle ne peut s'opérer en sa faveur par le fait du créancier ; que tel est le cas lorsque en l'absence dans le bordereau de cession de créances des mentions exigées par l'article L 313-23 du code monétaire et financier, les cessions de créances ne sont pas opposables aux débiteur cédés ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 732 FS-B Pourvoi n° Q 20-18.884 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 La société [F] participations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-18.884 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [F] participations, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2020) et les productions, par acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, Mmes [H] [F] [R], [O] [F] et [G] [F] et MM. [T] [F], [D] [F], [W] [F] et [S] [F] (les consorts [F]), associés dans la société civile immobilière NSG, ont cédé l'usufruit temporaire des parts qu'ils détenaient dans cette société à la société [F] participations, qui a acquitté le droit fixe prévu à l'article 680 du code général des impôts. 2. Le 23 janvier 2015, soutenant que cet acte devait être soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts, applicable aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, l'administration fiscale a notifié à la société [F] participations une proposition de rectification des droits d'enregistrement pour l'année 2012. 3. Après le rejet partiel de sa réclamation contentieuse, la société [F] participations a assigné l'administration fiscale en décharge des droits supplémentaires mis en recouvrement. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société [F] participations fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012, alors « que seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5 % ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7, 15 et 20 mars 2012 que la société civile immobilière NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de vingt ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] participations ; que cette dernière n'est devenue propriétaire, avec la jouissance qui y est attachée, que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participations, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts. » Réponse de la Cour Vu l'article 726 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, et l'article 578 du code civil : 5. Selon le premier de ces textes, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d'enregistrement proportionnel. 6. Aux termes du second, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. Il en résulte que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, de sorte que la cession de l'usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux. 7. Pour retenir que la cession de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, conclue entre les consorts [F] et la société [F] participations, entrait dans le champ d'application de l'article 726 du code général des impôts et rejeter la demande de décharge des droits d'enregistrement supplémentaires réclamés, l'arrêt énonce que le terme « cession », au sens de cet article, n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales, mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou de son démembrement, telle la cession de l'usufruit ou de la nue-propriété, le texte ne distinguant pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement de celle-ci, même si d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à une telle différenciation. Il retient encore que la cession litigieuse a entraîné le transfert d'éléments de participation dès lors qu'en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de la société civile immobilière NSG, qui ont perdu leur droit au bénéfice des dividendes, ont également perdu leur droit de vote afférent aux parts sociales cédées. 8. En statuant ainsi, alors que la cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n'est pas soumise au droit d'enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 11. Il résulte de ce qui précède que l'acte des 7, 15 et 22 mars 2012, enregistré le 26 avril 2012 au service des impôts des entreprises, portant cession, par les consorts [F] à la société [F] participations, de l'usufruit des parts sociales de la société civile immobilière NSG, n'est pas soumis au droit d'enregistrement proportionnel de 5 % prévu à l'article 726, I, 2°, du code général des impôts. 12. En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement, d'annuler la décision du 16 mars 2015 ayant rejeté partiellement la réclamation de la société [F] participations et de prononcer la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement contre cette société. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Infirme le jugement ; Annule la décision du 16 mars 2015 rejetant partiellement la réclamation de la société [F] participations ; Prononce la décharge des droits d'enregistrement supplémentaires mis en recouvrement ; Condamne le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales et le condamne à payer à la société [F] participations la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société [F] participations. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société [F] Participations de ses demandes tendant à la décharge totale des droits supplémentaires d'enregistrement auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012 ; AUX MOTIFS QUE contrairement à ce que soutient la société appelante le terme « cession » n'est pas uniquement limité à l'acte définitif de la cession de l'intégralité d'une ou plusieurs parts sociales mais s'entend de toute transmission temporaire ou définitive de la part sociale elle-même ou son démembrement telle la cession d'usufruit ou de la nue-propriété ; que les premiers juges ont justement relevé que l'article 726, I, 2° du code général des impôts ne distingue pas selon que la cession porte sur la pleine propriété ou sur un démembrement, peu important que d'autres dispositions du code général des impôts procèdent à cette différenciation ; que les dispositions de l'article 726, I, 2° du code général des impôts étant claires donc exclusives d'interprétation, la société appelante est mal fondée à soutenir qu'il conviendrait de procéder à une interprétation stricte de la loi fiscale ; que la société appelante est également mal fondée à soutenir que, au sens de l'article précité, la cession en litige ne porterait sur aucune participation dès lors que la société cédante conserverait la nue-propriété des titres ; qu'en effet, en se dépossédant de l'usufruit des titres, les associés de SCI NSG ont perdu leur droit de dividendes ainsi que leur droit de vote afférents aux parts sociales cédées ; que des éléments de participation ont été ainsi transférés et qu'il s'en déduit que la « cession d'usufruit temporaire de parts sociales » conclue les 7, 15 et 20 mars 2012 entre les consorts [F] et la société [F] participations de parts sociales de la SCI NSG entre dans le champ d'application de l'article 726, I, 2° du code général des impôts ; ALORS QUE seules les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 5% ; que la cession temporaire de l'usufruit de droits sociaux, dès lors qu'elle ne confère pas au titulaire une part du capital, mais seulement le droit temporaire de jouir et de percevoir les fruits de tels droits, n'est pas incluse dans le champ d'application de la taxe ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de cession d'usufruit temporaire de parts sociales des 7,15 et 20 mars 2012 que la SCI NSG, au capital de 49 300 000 euros, a été créée entre les consorts [F], lesquels ont cédé pour une durée de 20 ans l'usufruit de leurs parts à la société [F] Participation ; que cette dernière n'est devenue propriétaire avec la jouissance qui y est attachée que de l'usufruit temporaire des parts sociales, les consorts [F] demeurant propriétaires des parts et assumant le risque capitalistique qui s'y attache ; qu'en jugeant qu'une telle cession devait être regardée comme une cession de participation, la cour d'appel a violé l'article 726 du code général des impôts.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 718 F-B Pourvoi n° B 21-17.703 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 NOVEMBRE 2022 La société DSL Distribution, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-17.703 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Crédit du Nord a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société DSL Distribution, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Crédit du Nord, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 8 avril 2021), la société Crédit du Nord (la banque) a consenti divers concours à la société DSL Distribution. Le 13 février 2014, la banque a dénoncé ces concours. 2. Ayant vainement mis en demeure la société DSL Distribution de régler la somme de 24 616,87 euros, la banque l'a assignée en paiement le 3 avril 2018. La société DSL Distribution a sollicité reconventionnellement la condamnation de la banque en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des concours bancaires. Examen des moyens Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires, alors « que l'obligation mise à la charge des établissements de crédit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier de fournir à l'entreprise concernée qui en fait la demande les raisons de la réduction ou de l'interruption d'un concours à durée indéterminée décidée à leur initiative ne s'applique que pour autant que cette décision ne soit pas encore effective ; qu'au cas présent, pour condamner la banque à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la banque "n'a[vait] fourni aucune explication à sa décision de rompre l'ensemble des concours accordés à la SASU DSL Distribution alors que cette dernière lui en a[vait] fait la demande à plusieurs reprises" et qu'"aucune des preuves qu'elle produi[sait] aux débats ne constitu[ait] la preuve qu'elle aurait fourni une explication à la SASU DSL Distribution directement ou à ses conseils avant la présente instance" ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était pourtant expressément demandé par la banque si la société DSL Distribution n'avait pas interrogé celle-ci pour la première fois sur les raisons de l'interruption des concours postérieurement à l'expiration du délai de soixante jours ayant précédé la mise en oeuvre effective de cette décision, de sorte qu'à supposer même que l'établissement de crédit n'ait pas fourni à l'entreprise concernée la raison de l'interruption des concours à durée indéterminée qu'elle lui avait consentis, cette abstention n'était pas de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier que l'entreprise qui subit la réduction ou l'interruption d'un concours bancaire peut, même après l'expiration du délai de préavis, en demander les raisons à la banque et qu'à défaut de réponse, la banque est susceptible de voir sa responsabilité engagée. 6. Le moyen, qui postule le contraire, doit donc être rejeté. Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident Enoncé du moyen 7. La société DSL Distribution fait grief à l'arrêt de ne condamner la banque qu'à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture sans explication, des concours bancaires, alors « que si les juges du fond apprécient souverainement l'importance du dommage et le montant de l'indemnité destinée à le réparer, c'est à la condition de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice ; que le juge ne peut procéder à une évaluation forfaitaire de l'indemnisation ; qu'en procédant, pour condamner la société Crédit du Nord à payer une somme de 40 000 euros, à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture, sans explication, des concours bancaires accordés par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil alors applicable. » 8. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant à un montant forfaitaire de 40 000 euros l'indemnisation du préjudice prétendument subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture des concours bancaires consentis par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 313-12 du code monétaire et financier. » Réponse de la Cour Vu le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime : 9. Il résulte de ce principe que la réparation du dommage doit correspondre au préjudice subi et ne peut être appréciée de manière forfaitaire. 10. Pour condamner la banque à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que compte tenu de l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constatée au cours des exercices précédents, il ne peut être procédé qu'à une évaluation forfaitaire du préjudice subi. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé. Portée et conséquence de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la banque à payer à la société DSL Distribution la somme forfaitaire de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande d'expertise présentée par la société DSL Distribution, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande d'expertise et, l'infirmant partiellement, il condamne la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, condamne la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamne la société Crédit du Nord aux entiers dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Fornarelli, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société DSL Distribution. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué, DE L'AVOIR condamnée à payer la somme de 24 201,75 euros à la société Crédit du Nord avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2017 ; 1°) ALORS QUE le décompte produit par la société Crédit du Nord (pièce d'appel n° 27) est illisible et inintelligible, sauf à mentionner un solde débiteur de 24 201,75 euros, ne permettant pas d'établir à quelles factures correspondent les sommes mentionnées en « débit », ni si ces sommes correspondent à des sommes qui seraient dues par la société DSL Distribution au titre de cessions Dailly impayées ; qu'en affirmant, pour condamner la société DSL Distribution à payer la somme de 24 201,75 euros à la société Crédit du Nord, que l'établissement bancaire produirait un décompte (pièce n° 27) qui ferait apparaitre les créances litigieuses ainsi que les encaissements réalisés pour in fine un solde débiteur de 24 201,75 euros, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en condamnant la société DSL Distribution au paiement de la somme de 24 201, 75 euros, après avoir constaté que le décompte justifiant cette condamnation faisait apparaitre un solde dû de 24 616,87 euros, la cour d'appel qui s'est contredite a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné la société Crédit du Nord à lui payer la seule somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires ; ALORS QUE si les juges du fond apprécient souverainement l'importance du dommage et le montant de l'indemnité destinée à le réparer, c'est à la condition de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice ; que le juge ne peut procéder à une évaluation forfaitaire de l'indemnisation ; qu'en procédant, pour condamner la société Crédit du Nord à payer une somme de 40 000 euros, à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture, sans explication, des concours bancaires accordés par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil alors applicable. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société DSL Distribution reproche à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de sa demande d'expertise ; ALORS QUE les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer, la demande ne pouvant être rejetée qu'autant que la mesure est dépourvue d'utilité ; que la société DSL Distribution sollicitait que soit ordonnée une expertise pour chiffrer le son préjudice dû à la rupture sans explication, des concours bancaires si les juges s'estimaient insuffisamment informés ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'y avait pas « lieu d'envisager l'organisation d'une expertise », après avoir évalué forfaitairement le préjudice subi par la société DSL Distribution sur le constat de « l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constateur au cours des exercices précédents », la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif d'ordre général et abstrait a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Crédit du Nord. La société Crédit du Nord fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, sans explication, des concours bancaires ; 1° Alors que l'obligation mise à la charge des établissements de crédit par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier de fournir à l'entreprise concernée qui en fait la demande les raisons de la réduction ou de l'interruption d'un concours à durée indéterminée décidée à leur initiative ne s'applique que pour autant cette décision ne soit pas encore effective ; qu'au cas présent, pour condamner la société Crédit du Nord à payer à la société DSL Distribution la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la banque « n'a[vait] fourni aucune explication à sa décision de rompre l'ensemble des concours accordés à la SASU DSL DISTRIBUTION alors que cette dernière lui en a[vait] fait la demande à plusieurs reprises » et qu' « aucune des preuves qu'elle produi[sait] aux débats ne constitu[ait] la preuve qu'elle aurait fourni une explication à la SASU DSL DISTRIBUTION directement ou à ses conseils avant la présente instance » (arrêt, p. 6 , § 1) ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était pourtant expressément demandé par l'exposante (conclusions d'appel, p. 7) si la société DSL Distribution n'avait pas interrogé la banque pour la première fois sur les raisons de l'interruption des concours postérieurement à l'expiration du délai de soixante jours ayant précédé la mise en oeuvre effective de cette décision, de sorte qu'à supposer même que l'établissement de crédit n'ait pas fourni à l'entreprise concernée la raison de l'interruption des concours à durée indéterminée qu'elle lui avait consentis, cette abstention n'était pas de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; 2° Alors que le dommage réparable est celui qui est en relation directe et certaine avec la faute ; qu'au cas présent, après avoir relevé « l'impossibilité de discerner entre les conséquences directes de la rupture des concours et la poursuite d'une baisse des résultats de l'entreprise déjà constatée au cours des exercices précédents » (arrêt, p. 7, § 1), la cour d'appel a condamné la société Crédit du Nord au paiement de la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi par la société DSL Distribution ; qu'en statuant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constatations, selon lesquelles la démonstration d'un préjudice causé par la faute de la banque était impossible, que toute réparation était exclue, la cour d'appel a violé les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1147 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige) ; 3° Alors, en toute hypothèse, que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ; qu'en fixant à un montant forfaitaire de 40 000 euros l'indemnisation du préjudice prétendument subi par la société DSL Distribution en raison de la rupture des concours bancaires consentis par la banque, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige) et L. 313-12 du code monétaire et financier.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 675 FS-B Pourvoi n° X 21-17.423 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 NOVEMBRE 2022 La société Acopal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.423 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Paniers Terdis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Acopal, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Paniers Terdis, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Michel-Amsellem, MM. Bedouet, Alt, conseillers, M. Blanc, Mmes Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2021) et les productions, la société Acopal exerçait, depuis 2008, l'activité d'agent commercial pour le compte de la société Terdis devenue ultérieurement Paniers Terdis. Le 3 mai 2013, les sociétés Acopal et Terdis, ont conclu un contrat dénommé « contrat de prestation merchandising », par lequel la société Terdis a confié à la société Acopal l'optimisation de la mise en place de ses produits dans les rayons, et, le 7 mai suivant, un contrat d'agence commerciale. Le 11 octobre 2013, un contrat d'agence commerciale et un contrat de « merchandising » ont été conclus entre la société Paniers Terdis et la société Acopal. 2. La société Paniers Terdis a, par lettre reçue le 4 mars 2016 par la société Acopal, résilié le contrat d'agence commerciale les liant. 3. La société Acopal a assigné la société Paniers Terdis en paiement des indemnités de rupture et de préavis et en communication de pièces. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnités de rupture et de préavis, alors : « 1°/ que l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture et l'absence de préavis ; qu'il suffit à cet égard que le mandant ait connu cette situation avant la conclusion du contrat d'agence commerciale et qu'il l'ait tolérée durant l'exécution de celui-ci ; qu'au cas d'espèce, en considérant au contraire qu'il fallait que la société Terdis ait eu connaissance de l'activité déployée par la société Acopal pour la société concurrente Georgelin depuis le 11 octobre 2013, date d'entrée en vigueur du contrat d'agence se substituant au contrat précédent, et non antérieurement, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; 2°/ que l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme l'avaient retenu les premiers juges et comme l'y invitait la société Acopal, si, peu important que les rapports commerciaux entre la société Terdis et la société Georgelin aient cessé le 22 octobre 2009, les relations d'agence commerciale entre la société Acopal et la société Terdis n'avaient pas commencé dès l'année 2008 (le contrat écrit de 2013 n'ayant fait que formaliser ces relations) et si le mandant n'avait pas connaissance dès cette époque du fait que la société Acopal travaillait aussi avec la société concurrente Georgelin, de sorte qu'il avait toléré cette situation, ce qui interdisait d'y voir une faute grave commise par l'agent, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. L'arrêt relève d'abord, d'un côté, que le contrat d'agence commerciale, signé le 11 octobre 2013, stipule que l'agent « ne peut accepter la représentation de produits susceptibles de concurrencer ceux faisant l'objet du présent contrat », de l'autre, que la société Acopal reconnaît avoir exercé, postérieurement, une activité d'agent commercial également pour la société Georgelin, entreprise concurrente de la société Paniers Terdis. Il retient ensuite que la société Acopal ne rapporte pas la preuve que, depuis la date de signature du contrat la liant à la société Paniers Terdis, cette dernière était informée de cette activité concurrente et l'avait tolérée, et que la tolérance du mandant ne peut être déduite de l'existence dans le passé de relations d'affaires entre la société Terdis et la société concurrente. 6. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'insertion dans le contrat de la clause interdisant toute représentation d'une entreprise concurrente remettait en cause la tolérance que la société Terdis avait pu antérieurement consentir à la société Acopal pour entretenir des relations d'agent commercial au profit de la société Georgelin, a pu déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'en poursuivant ses relations avec cette société concurrente, la société Acopal avait commis une faute grave. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité compensatrice de rupture, alors « que les dispositions de droit interne transposant une directive de l'Union européenne doivent être interprétées à la lumière de celle-ci, notamment lorsqu'elle a elle-même été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ; que dans l'arrêt CJUE, arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany Gmbh, C-203/09, la Cour de justice a dit pour droit que "l'article 18, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, s'oppose à ce qu'un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l'existence d'un manquement de l'agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l'échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause", après avoir exposé, dans les motifs de sa décision, que le législateur européen" entendait exiger l'existence d'une causalité directe entre le manquement imputable à l'agent commercial et la décision du commettant de mettre fin au contrat afin de pouvoir priver l'agent commercial de l'indemnité prévue à l'article 17 de la directive" (§ 39), qu'"en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte (...) partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition" (§ 42) et que "lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive (...) par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat" (§ 43) ; que les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, qui sont issus de la transposition en droit interne de la directive susvisée, doivent donc être interprétés en ce sens que seule une faute grave commise avant la rupture du contrat et connue du mandant peut être considérée comme ayant provoqué la rupture, excluant le droit à indemnité de l'agent commercial ; qu'en l'espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d'indemnité compensatrice de rupture, qu'il importait peu que le manquement qu'elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d'un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n'ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait toute causalité directe entre le manquement litigieux et la rupture du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, lus à la lumière des articles 17 et 18 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). » Réponse de la Cour Vu les articles L. 134-12, alinéa 1, et L. 134-13 du code de commerce, transposant les articles 17, § 3, et 18 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants : 9. Aux termes du premier de ces textes, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Selon le second, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due notamment lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial. 10. La chambre commerciale, financière et économique juge régulièrement que les manquements graves commis par l'agent commercial pendant l'exécution du contrat, y compris ceux découverts par son mandant postérieurement à la rupture des relations contractuelles, sont de nature à priver l'agent commercial de son droit à indemnité (Com., 1er juin 2010, pourvoi n° 09-14.115 ; Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-17.747 ; Com., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-11.727). 11. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany GmbH, C-203/09, points 38, 42 et 43), a rappelé, que, « aux termes de l'article 18, sous a), de la directive, l'indemnité qui y est visée n'est pas due lorsque le commettant a mis fin au contrat » pour « un manquement imputable à l'agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai », que « en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte. Partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » et considéré que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive. Par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat. » 12. La CJUE a aussi énoncé, dans un arrêt (CJUE, arrêt du 19 avril 2018, CMR c/ Demeures terre et tradition SARL, C-645/16, § 35), que « toute interprétation de l'article 17 de cette directive qui pourrait s'avérer être au détriment de l'agent commercial était exclue. » 13. En considération de l'interprétation qui doit être donnée aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, il apparaît nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité. 14. Pour rejeter la demande d'indemnité de rupture formée par la société Acopal, l'arrêt retient qu'il importe peu que, découvert postérieurement à la rupture, un manquement à l'obligation de loyauté ne soit pas mentionné dans la lettre de résiliation si ce manquement, susceptible de constituer une faute grave, a été commis antérieurement à cette rupture. 15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 16. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de communication de pièces et celle au titre du droit de suite, alors « que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues ; qu'au cas d'espèce, en repoussant la demande de communication de pièces et la demande de paiement formées par la société Acopal au titre du droit de suite, motif pris de ce qu'elle ne justifiait pas de son activité auprès des clients concernés pour la période antérieure au 30 juin 2016, quand il incombait à la société Paniers Terdis de fournir au préalable les documents comptables nécessaires à la vérification des commissions dues, la cour d'appel a violé les articles L. 134-4, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 134-6, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce : 17. Aux termes du deuxième de ces textes, pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à sa commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues au premier de ces textes, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence. Selon le troisième, l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier, un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues. 18. Pour rejeter la demande de communication de documents comptables, l'arrêt retient que la société Acopal n'apporte aucun élément de nature à justifier une activité particulière de sa part dans les départements visés et auprès des clients concernés avant la date de cessation du contrat ayant généré des opérations conclues principalement grâce à son activité, dans un délai raisonnable après cette date. 19. En statuant ainsi, alors que la société Acopal était en droit d'exiger de son mandant la communication de tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Acopal en paiement de l'indemnité compensatrice de rupture, de communication de pièces et au titre du droit de suite, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. Condamne la société Paniers Terdis aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Paniers Terdis et la condamne à payer à la société Acopal la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour la société Acopal. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Acopal fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa demande d'indemnité compensatrice de rupture et sa demande d'indemnité de préavis ; 1. ALORS QUE l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture et l'absence de préavis ; qu'il suffit à cet égard que le mandant ait connu cette situation avant la conclusion du contrat d'agence commerciale et qu'il l'ait tolérée durant l'exécution de celui-ci ; qu'au cas d'espèce, en considérant au contraire qu'il fallait que la société Terdis ait eu connaissance de l'activité déployée par la société Acopal pour la société concurrente Georgelin depuis le 11 octobre 2013, date d'entrée en vigueur du contrat d'agence se substituant au contrat précédent, et non antérieurement, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; 2. ALORS, subsidiairement, QUE l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme l'avaient retenu les premiers juges (jugement entrepris, p. 6-7) et comme l'y invitait la société Acopal (conclusions d'appel, p. 18-21), si, peu important que les rapports commerciaux entre la société Terdis et la société Georgelin aient cessé le 22 octobre 2009, les relations d'agence commerciale entre la société Acopal et la société Terdis n'avaient pas commencé dès l'année 2008 (le contrat écrit de 2013 n'ayant fait que formaliser ces relations) et si le mandant n'avait pas connaissance dès cette époque du fait que la société Acopal travaillait aussi avec la société concurrente Georgelin, de sorte qu'il avait toléré cette situation, ce qui interdisait d'y voir une faute grave commise par l'agent, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au premier) La société Acopal fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa demande d'indemnité compensatrice de rupture ; 1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi en cas de cessation de ses relations avec le mandant ; que si par exception, cette réparation n'est pas due, en vertu de l'article L. 134-13, 1° du même code, lorsque la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de l'agent commercial, il faut nécessairement que cette faute ait été connue du mandant avant qu'il prenne sa décision de rompre le contrat, sans quoi ce manquement ne peut pas être considéré comme ayant provoqué la rupture ; qu'au cas d'espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d'indemnité compensatrice de rupture, qu'il importait peu que le manquement qu'elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d'un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n'ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait que la rupture du contrat ait pu être provoquée par ce manquement, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; 2. ALORS QUE les dispositions de droit interne transposant une directive de l'Union européenne doivent être interprétées à la lumière de celle-ci, notamment lorsqu'elle a elle-même été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ; que dans son arrêt Volvo Car Germany GmbH du 28 octobre 2010 (aff. C-203/09), la Cour de justice a dit pour droit que « l'article 18, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, s'oppose à ce qu'un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l'existence d'un manquement de l'agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l'échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause », après avoir exposé, dans les motifs de sa décision, que le législateur européen « entendait exiger l'existence d'une causalité directe entre le manquement imputable à l'agent commercial et la décision du commettant de mettre fin au contrat afin de pouvoir priver l'agent commercial de l'indemnité prévue à l'article 17 de la directive » (§ 39), qu' « en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte (...) partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » (§ 42) et que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive (...) par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat » (§ 43) ; que les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, qui sont issus de la transposition en droit interne de la directive susvisée, doivent donc être interprétés en ce sens que seule une faute grave commise avant la rupture du contrat et connue du mandant peut être considérée comme ayant provoqué la rupture, excluant le droit à indemnité de l'agent commercial ; qu'en l'espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d'indemnité compensatrice de rupture, qu'il importait peu que le manquement qu'elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d'un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n'ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait toute causalité directe entre le manquement litigieux et la rupture du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, lus à la lumière des articles 17 et 18 de la directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986 tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. TROISIÈME MOYEN DE CASSATION La société Acopal fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa demande de communication de pièces et sa demande au titre du droit de suite ; 1. ALORS QUE les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues ; qu'au cas d'espèce, en repoussant la demande de communication de pièces et la demande de paiement formées par la société Acopal au titre du droit de suite, motif pris de ce qu'elle ne justifiait pas de son activité auprès des clients concernés pour la période antérieure au 30 juin 2016, quand il incombait à la société Paniers Terdis de fournir au préalable les documents comptables nécessaires à la vérification des commissions dues, la cour d'appel a violé les articles L. 134-4, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce ; 2. ALORS, subsidiairement, QU' à supposer qu'il appartienne à l'agent commercial de démontrer à titre préalable l'existence de prestations fournies pour la période de référence, en l'espèce, la cour d'appel avait retenu, en visant le magasin Carrefour de [Localité 4], que la société Acopal « rapporte la preuve d'avoir effectué des prestations pour la société Terdis postérieurement à la notification le 4 mars 2016 de la rupture du contrat d'agence » (arrêt p. 7, alinéa 5) ; qu'en énonçant ensuite que « la société Acopal n'apporte aucun élément susceptible de justifier d'une activité particulière de sa part dans les départements visés [dont le département 94] et auprès des trois clients concernés [dont la société Carrefour] avant le 30 juin 2016 » (arrêt p. 9, alinéa 6), la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3. ALORS, plus subsidiairement, QU'en s'abstenant d'expliquer pour quelles raisons les prestations réalisées par la société Acopal relativement au magasin Carrefour de [Localité 4] n'avaient pas à être prises en considération au moment de statuer sur le droit de suite de l'agent, la cour d'appel a en tout état de cause privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 134-4, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Mme DARBOIS, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 668 F-B Pourvoi n° E 21-17.338 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 NOVEMBRE 2022 La société Conforama France, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 21-17.338 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (chambre commerciale internationale, pôle 5, chambre 16), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Industria Conciaria Volturno SRL, société de droit italien, dont le siège est [Adresse 5] (Italie), représentée par son liquidateur amiable M. [E] [G], 2°/ à la société High Point Real Estate LLC, société de droit de l'Etat de Caroline du Nord, Etats-Unis, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis), prise en tant que besoin en son principal établissement domicilié [Adresse 1] (Etats-Unis), 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. la société High Point Real Estate LLC a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Conforama France, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société High Point Real Estate LLC, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2021), de 2004 à 2006, la société Conforama France (la société Conforama), société de droit français ayant pour activité la vente de biens d'équipement et d'ameublement, a eu comme fournisseur la société de droit américain Mab Ltd (la société Mab), en liquidation amiable depuis le 21 décembre 2006. 2. Le 20 juillet 2006, la société de droit italien Industria Conciaria Volturno Srl (la société ICV), ayant pour activité le commerce de peaux et de meubles, créancière de la société Mab, a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société Conforama en vue du paiement de sa créance. 3. Le 24 août 2006, la société de droit américain High Point Real Estate LLC (la société HPRE), prêteur à des fins d'investissements immobiliers ou financiers, créancière de la société Mab, a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la société Conforama au titre de sa créance. 4. La société Conforama, après avoir déclaré être débitrice de la société Mab, a indiqué détenir une créance sur cette dernière au titre de trois factures des 24 mars, 20 juin et 5 juillet 2006, venant en compensation avec la créance de la société Mab. 5. Le 9 septembre 2008, la société ICV a assigné la société Conforama, sur le fondement d'une action oblique, pour contester les factures de la société Conforama à l'égard de la société Mab. Un sursis à statuer a été ordonné dans l'attente de l'issue de la procédure parallèle opposant la société ICV à la société Mab sur le montant de la créance. 6. Par lettre du 20 décembre 2013, la société HPRE a demandé le rétablissement de la procédure engagée par la société ICV contre la société Conforama sur le fondement de l'action oblique et a demandé à intervenir volontairement dans cette instance, régularisant des conclusions à cette fin le 5 mai 2014. 7. La société Conforama a opposé à la société HPRE la prescription de son action. Examen des moyens Sur les deuxième et quatrième moyens du pourvoi principal et les premier et troisième moyens du pourvoi incident, ci-après annexés 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 9. La société Conforama fait grief à l'arrêt d'ordonner le rejet des débats de la pièce n° 50, d'ordonner la cancellation de tous les paragraphes des conclusions faisant mention, soit de la pièce n° 50, soit de toute référence à ladite pièce ou à son contenu et de confirmer les décisions entreprises en toutes leurs dispositions, sauf en ce qu'elles ont déclaré la société HPRE recevable à agir et lui ont alloué une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors : « 1°/ que les échanges entre cabinets d'avocats dont le signataire n'est pas avocat ne sont pas couverts par la confidentialité des correspondances entre avocats ni par le secret professionnel ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé que le courrier électronique transmis par la secrétaire du conseil d'ICV, et ses annexes, seraient couverts par le secret et la confidentialité dès lors que le courrier portait clairement comme objet le nom des parties et du dossier concerné et précisait la nature des pièces jointes ; qu'en statuant ainsi, cependant que la secrétaire du conseil d'ICV n'était pas avocate, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 3-1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; 2°/ que les documents envoyés par un avocat à l'un de ses confrères et indiqués comme étant des pièces d'une procédure judiciaire peuvent être transmis par l'avocat destinataire à son client concerné par la procédure judiciaire ; que le client n'étant aucunement tenu par un quelconque secret ou confidentialité des correspondances, peut ensuite produire le document reçu à une procédure ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé que le courrier électronique transmis par la secrétaire du conseil d'ICV, et ses annexes, seraient couverts par le secret et la confidentialité ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de ce que la société Conforama, destinataire d'un document indiqué par son expéditeur comme une pièce de procédure, n'était tenu par aucun secret ou confidentialité des correspondances, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble les articles 3-1 et 3-2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat. » Réponse de la Cour 10. Après avoir énoncé qu'il résulte de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et de l'article 3-1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat que les correspondances entre avocats et/ou entre un avocat et son client ne peuvent être produites en justice, sans aucune exception, et que leur production ne peut être légitimée par l'exercice des droits de la défense, sauf pour la propre défense de l'avocat, l'arrêt retient que, quand bien même seraient-elles échangées par courriel entre la secrétaire d'un avocat et un avocat, les correspondances entre avocats portant clairement comme objet le nom des parties et du dossier concerné et précisant la nature des pièces jointes, ces correspondances sont couvertes par le même secret, dès lors qu'elles ne portent pas la mention « officielle ». Il relève qu'en l'espèce, la société Conforama a produit en pièce n° 50 un document dont il résulte qu'elle l'a obtenu par courriel de son avocat, qui lui-même l'avait reçu du cabinet de son confrère le 30 juin 2017, mentionnant expressément qu'il s'agissait d'une transmission concernant un dossier « Industria Conciaria V / Mab Lt + HPRE » et qu'un « protocole d'accord transactionnel » était joint, sans toutefois mentionner le caractère « officiel » de cette transmission. 11. De ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que, peu important les conditions de leur transmission et l'auteur de leur production, la cour d'appel a déduit que les pièces en cause étaient couvertes par le secret professionnel de l'avocat et ne pouvaient être produites en justice. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le troisième moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 13. La société Conforama fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'il appartient au juge d'interpréter le contrat ; que les principes Unidroit peuvent parfaitement être appliqués même à défaut de mention expresse dans les accords commerciaux ; que les principes Unidroit eux-mêmes indiquent qu'ils peuvent être appliqués "lorsque les parties acceptent que leur contrat soit régi par les principes généraux du droit, la lex mercatoria ou autre formule similaire" ; qu'en refusant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges d'appliquer les principes Unidroit au motif qu'ils ne seraient pas expressément visés, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable en la cause ; 2°/ que l'article 1 du contrat fournisseur (Conforama supplyer agreement) du 15 juillet 2004 prévoyait expressément que "les conditions d'achat couvrent (...) les accords de coopération commerciale associés" ("The terms of purchase cover (...) associated agreements on commercial cooperation") ; qu'en énonçant que "la coopération commerciale entre Conforama ou ses filiales d'une part, et Mab Natale de l'autre, ne relève pas des dispositions relatives à la loi applicable prévues par CACCCC2004 ou CSA2004 [nom donné par le tribunal au Contrat fournisseur du 15 juillet 2004]", la cour d'appel a dénaturé ledit contrat, en violation de l'article 1134 devenu 1192 du code civil ; 3°/ que le choix de la loi applicable à un contrat international peut, soit être exprès, soit résulter implicitement des circonstances de la cause ; qu'en particulier, en présence d'un groupe de contrats dérivant d'une convention initiale, telles que des conditions générales, le choix par les parties d'une loi pour régir ce contrat initial vaut en principe également pour les autres contrats liés ; qu'au cas présent, en écartant la clause de choix de loi prévue conjointement par les conditions générales d'achat et de fourniture du 15 octobre 2004 et par le contrat fournisseur du 15 juillet 2004, au motif que le contrat de coopération commerciale serait distinct de ces conditions générales et contrat fournisseur, sans rechercher si ces choix de lois conformes ne constituaient pas des circonstances de la cause impliquant un choix implicite de loi pour régir la relation de coopération commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; 4°/ que la loi entretenant les liens les plus étroits avec un contrat accessoire de coopération commerciale est celle régissant le rapport principal de distribution que la coopération commerciale a pour objet ; qu'au cas présent, le rapport de distribution était soumis par les parties aux principes et usages du commerce international ; qu'en soumettant la coopération commerciale à la loi française au motif que la prestation était rendue en France, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; 5°/ que la loi entretenant les liens les plus étroits avec un contrat accessoire de coopération commerciale est celle régissant le rapport principal de distribution que la coopération commerciale a pour objet ; qu'à supposer les clauses soumettant le rapport de distribution aux principes et usages du commerce international inapplicables, la loi applicable au rapport de distribution était alors la loi de l'Etat de résidence habituelle du fournisseur, débiteur de la prestation caractéristique au sens de la Convention de Rome, c'est-à-dire la loi américaine ; qu'en soumettant la coopération commerciale à la loi française au motif que la prestation était rendue en France, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980. » Réponse de la Cour 14. En premier lieu, il résulte de l'article 3, § 1, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, que les principes généraux applicables aux contrats internationaux, tels que ceux qui ont été élaborés par l'Institut international pour l'unification du droit privé (Unidroit), ne constituent pas une loi pouvant être choisie par les parties au sens de cette disposition. Le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. 15. En second lieu, après avoir énoncé qu'à défaut de choix par les parties, l'article 4, § 1, de la Convention de Rome prévoit que le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits et que, selon le paragraphe 2 de cet article, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle, puis relevé que les contrats de coopération commerciale étaient distincts des contrats « fournisseur », l'arrêt retient qu'il résulte des éléments versés au dossier et notamment de leur objet, qui porte sur la promotion commerciale, par le biais de publicités ou de catalogues mis à la disposition des clients ou sur internet, et la visibilité des produits en magasin, que les contrats litigieux avaient les liens les plus étroits avec la France. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la prestation caractéristique devait être fournie par le distributeur, ayant son siège en France, et que le contrat ne présentait pas de liens plus étroits avec un pays autre, la cour d'appel a retenu à bon droit l'application du droit français aux contrats de coopération commerciale litigieux. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 17. La société HPRE fait grief à l'arrêt de la déclarer prescrite et en conséquence irrecevable à agir contre la société Conforama, alors « que le délai de prescription est interrompu par un acte d'exécution forcée ; que la prescription d'une action oblique formée par un créancier contre le débiteur de son débiteur peut notamment être interrompue par des actes d'exécution forcée exercés contre le débiteur du demandeur à l'action et notifiés au débiteur de son débiteur, défendeur à l'action oblique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société HPRE avait signifié le 17 novembre 2011 à la société Conforama un acte de conversion en saisie-attribution d'une saisie conservatoire pratiquée en 2006 pour obtenir le paiement de sa créance contre la société Mab ; qu'en refusant de faire produire à cet acte d'exécution forcée contre la société Mab un effet interruptif de prescription de l'action oblique exercée contre la société Conforama, débitrice de la société Mab, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil, ensemble l'article 1166 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 18. Après avoir relevé que la société HPRE n'était intervenue volontairement que le 20 décembre 2013 à l'action oblique engagée par la société ICV pour contester les factures émises par la société Conforama à l'égard de la société Mab, tandis qu'il n'était pas contesté qu'elle avait eu connaissance des faits ayant justifié l'exercice de cette action en 2006, l'arrêt retient que la signification, le 17 novembre 2011, à la société Conforama, de la conversion en saisie-attribution de la saisie-conservatoire pratiquée entre ses mains en 2006 constitue un acte d'exécution forcée à l'encontre de la seule société Mab et non à l'encontre de la société Conforama et que le recouvrement de la créance contre la société Mab est distinct, tant dans son objet que dans son fondement, de l'action oblique exercée contre la société Conforama. Il retient encore que l'article 2244 du code civil ne confère d'effet interruptif qu'aux actes exercés à l'encontre du débiteur concerné par l'action et relève qu'il n'y a eu aucun acte d'exécution forcée à l'encontre de la société Conforama, ni même aucune mesure conservatoire, susceptible d'interrompre la prescription de l'action engagée par la société HPRE contre cette société. 19. De ces constatations et appréciations, l'arrêt a exactement déduit que la prescription de l'action oblique engagée par la société HPRE à l'encontre de la société Conforama n'avait pas été interrompue par l'acte du 17 novembre 2011 et que cette action était donc prescrite. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident. Condamne la société Conforama France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour la société Conforama France. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Conforama fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné le rejet des débats de la pièce n°50, d'avoir ordonné la cancellation de tous les paragraphes des conclusions faisant mention soit de la pièce n°50 soit de toute référence à ladite pièce ou à son contenu et d'avoir confirmé les décisions entreprises en toutes leurs dispositions sauf en ce qu'elles ont déclaré la société HPRE recevable à agir, et lui ont alloué une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) Alors que les échanges entre cabinets d'avocats dont le signataire n'est pas avocat ne sont pas couverts par la confidentialité des correspondances entre avocats ni par le secret professionnel ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé que le courrier électronique transmis par la secrétaire du conseil d'ICV, et ses annexes, seraient couverts par le secret et la confidentialité dès lors que le courrier portait clairement comme objet le nom des parties et du dossier concerné et précisait la nature des pièces jointes ; qu'en statuant ainsi, cependant que la secrétaire du conseil d'ICV n'était pas avocate, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 3-1 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat ; 2°) Alors que les documents envoyés par un avocat à l'un de ses confrères et indiqués comme étant des pièces d'une procédure judiciaire peuvent être transmis par l'avocat destinataire à son client concerné par la procédure judiciaire ; que le client n'étant aucunement tenu par un quelconque secret ou confidentialité des correspondances, peut ensuite produire le document reçu à une procédure ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé que le courrier électronique transmis par la secrétaire du conseil d'ICV, et ses annexes, seraient couverts par le secret et la confidentialité ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de ce que la société Conforama, destinataire d'un document indiqué par son expéditeur comme une pièce de procédure, n'était tenu par aucun secret ou confidentialité des correspondances, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble les articles 3-1 et 3-2 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Conforama fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les décisions entreprises en toutes leurs dispositions sauf en ce qu'elles ont déclaré la société HPRE recevable à agir, et lui ont alloué une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) Alors que l'exposante faisait valoir que le courrier de la DDCCRF de Seine et Marne du 14 mars 2008 avait été établi sans susciter ou recueillir d'une quelconque manière les observations de la société Conforama et donc en violation du principe de la contradiction (conclusions d'appel, p. 77) ; que la cour d'appel n'a aucunement répondu sur ce point, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) Alors que le juge doit en toute hypothèse respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'au cas présent, l'exposante faisait valoir que le courrier de la DDCCRF de Seine et Marne avait été établi sans susciter ou recueillir d'une quelconque manière les observations de la société Conforama et donc en violation du principe de la contradiction ; qu'en se fondant sur ce courrier pour écarter les factures émises par Conforama (arrêt attaqué, p. 24, al. 2), la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Conforama fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les décisions entreprises en toutes leurs dispositions sauf en ce qu'elles ont déclaré la société HPRE recevable à agir, et lui ont alloué une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 1°) Alors que il appartient au juge d'interpréter le contrat ; que les principes Unidroit peuvent parfaitement être appliqués même à défaut de mention expresse dans les accords commerciaux ; que les principes Unidroit eux-mêmes indiquent qu'ils peuvent être appliqués « lorsque les parties acceptent que leur contrat soit régi par les principes généraux du droit, la lex mercatoria ou autre formule similaire » ; qu'en refusant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement entrepris, p. 14) d'appliquer les principes Unidroit au motif qu'ils ne seraient pas expressément visés, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable en la cause ; 2°) Alors que l'article 1 du contrat fournisseur (Conforama supplyer agreement) du 15 juillet 2004 prévoyait expressément que « les conditions d'achat couvrent (...) les accords de coopération commerciale associés » (« The terms of purchase cover (...) associated agreements on commercial cooperation ») ; qu'en énonçant que « la coopération commerciale entre Conforama ou ses filiales d'une part, et Mab Natale de l'autre, ne relève pas des dispositions relatives à la loi applicable prévues par CACCCC2004 ou CSA2004 [nom donné par le tribunal au Contrat fournisseur du 15 juillet 2004] » (jugement entrepris, p. 14), la cour d'appel a dénaturé ledit contrat, en violation de l'article 1134 devenu 1192 du code civil ; 3°) Alors que, en tout état de cause, le choix de la loi applicable à un contrat international peut, soit être exprès, soit résulter implicitement des circonstances de la cause ; qu'en particulier, en présence d'un groupe de contrats dérivant d'une convention initiale, telles que des conditions générales, le choix par les parties d'une loi pour régir ce contrat initial vaut en principe également pour les autres contrats liés ; qu'au cas présent, en écartant la clause de choix de loi prévue conjointement par les conditions générales d'achat et de fourniture du 15 octobre 2004 et par le contrat fournisseur du 15 juillet 2004, au motif que le contrat de coopération commerciale serait distinct de ces conditions générales et contrat fournisseur, sans rechercher si ces choix de lois conformes ne constituaient pas des circonstances de la cause impliquant un choix implicite de loi pour régir la relation de coopération commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; 4°) Alors que, en tout état de cause, la loi entretenant les liens les plus étroits avec un contrat accessoire de coopération commerciale est celle régissant le rapport principal de distribution que la coopération commerciale a pour objet ; qu'au cas présent, le rapport de distribution était soumis par les parties aux principes et usages du commerce international ; qu'en soumettant le coopération commerciale à la loi française au motif que la prestation était rendue en France, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; 5°) Alors que, subsidiairement, la loi entretenant les liens les plus étroits avec un contrat accessoire de coopération commerciale est celle régissant le rapport principal de distribution que la coopération commerciale a pour objet ; qu'à supposer les clauses soumettant le rapport de distribution aux principes et usages du commerce international inapplicable, la loi applicable au rapport de distribution était alors la loi de l'état de résidence habituelle du fournisseur, débiteur de la prestation caractéristique au sens de la Convention de Rome, c'est-à-dire la loi américaine ; qu'en soumettant le coopération commerciale à la loi française au motif que la prestation était rendue en France, la cour d'appel a violé l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION La société Conforama fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les décisions entreprises en toutes leurs dispositions sauf en ce qu'elles ont déclaré la société HPRE recevable à agir, et lui ont alloué une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Alors que, aux termes de l'article 4.2 de l'accord-cadre de coopération commerciale du 10 janvier 2006, les parties disposaient d'un délai de forclusion de 15 jours pour contester les factures et qu'à défaut de contestation, les créances correspondantes n'étaient plus contestables et devenaient certaines, liquides et exigibles ; que, pour écarter l'application de ce délai de forclusion, la cour d'appel a retenu que « les dispositions applicables relèvent d'une réglementation impérative qui ne peuvent être écartées, même d'un commun accord, et qu'en outre, en l'espèce, compte tenu de la date très tardive de l'émission desdites factures, clairement rétroactives, et de leur imprécision sur les prestations concernées, ces factures ne pouvaient ni avoir date certaine, ni être régularisées a posteriori » (arrêt attaqué, pt. 157) et que le prix des prestations serait manifestement disproportionné (arrêt attaqué, pt. 158) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs manifestement insusceptibles d'écarter la clause de forclusion stipulée, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société High Point Real Estate LLC. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société HPRE fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée prescrite et en conséquence irrecevable à agir contre la société Conforama France ; 1°) ALORS QU'il résulte de l'assignation du 20 avril 2009 délivrée par la société HPRE devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux (p. 14, § 7) que cette société avait assigné la société Conforama en formulant à son encontre, dans le dispositif, une demande tendant à voir « Dire que CONFORAMA France devra remettre à HPRE les sommes qu'elle reste devoir à MAB, Ltd » ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'effet interruptif de cette action en justice, que celle-ci ne comportait aucune demande à l'encontre de la société Conforama France, pour en déduire qu'en aucun cas l'action engagée devant le juge de l'exécution par la société HPRE n'avait pour objet une action oblique contre la société Conforama France, mais seulement contre ICV et Eurotrac, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'assignation délivrée par la société HPRE devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux datée du 20 avril 2009, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°) ALORS QU'il résulte du jugement du 13 janvier 2011 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux (p. 4, 14ème tiret) que la société HPRE formait une demande tendant à voir « dire que CONFORAMA France devra remettre à HPRE les sommes qu'elle reste devoir à MAB Ltd » ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'effet interruptif de cette action en justice, qu'il résultait de ce jugement que l'action engagée devant le juge de l'exécution ne comportait aucune demande à l'encontre de la société Conforama France, pour en déduire qu'en aucun cas l'action engagée devant le juge de l'exécution par la société HPRE n'avait pour objet une action oblique contre la société Conforama France, mais seulement contre ICV et Eurotrac, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du jugement du 13 janvier 2011 susvisé, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 3°) ALORS QU'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2012 (p. 5, alinéa 6) que la société HPRE formait une demande tendant à voir « dire que CONFORAMA France devra remettre à HPRE les sommes qu'elle reste devoir à MAB Ltd » ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'effet interruptif de cette action en justice, qu'il résultait de cet arrêt que l'action engagée devant le juge de l'exécution ne comportait aucune demande à l'encontre de la société Conforama France, pour en déduire qu'en aucun cas l'action engagée devant le juge de l'exécution par la société HPRE n'avait pour objet une action oblique contre la société Conforama France, mais seulement contre ICV et Eurotrac, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'arrêt du 15 novembre 2012 susvisé, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société HPRE fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée prescrite et en conséquence irrecevable à agir contre la société Conforama France ; ALORS QUE le délai de prescription est interrompu par un acte d'exécution forcée ; que la prescription d'une action oblique formée par un créancier contre le débiteur de son débiteur peut notamment être interrompue par des actes d'exécution forcée exercés contre le débiteur du demandeur à l'action et notifiés au débiteur de son débiteur, défendeur à l'action oblique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société HPRE avait signifié le 17 novembre 2011 à la société Conforama France un acte de conversion en saisie-attribution d'une saisie conservatoire pratiquée en 2006 pour obtenir le paiement de sa créance contre la société Mab Ltd ; qu'en refusant de faire produire à cet acte d'exécution forcée contre la société Mab Ltd un effet interruptif de prescription de l'action oblique exercée contre la société Conforama France, débitrice de la société Mab Ltd, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil, ensemble l'article 1166 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société HPRE fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée prescrite et en conséquence irrecevable à agir contre la société Conforama ; ALORS QUE l'intervention d'un second créancier sur l'action oblique exercée par un premier créancier ne doit pas nécessairement emprunter la voie d'une intervention volontaire à titre accessoire ; qu'en énonçant que « si par application de l'article 1166 du code civil (ancien), les créanciers peuvent être admis en concours à l'action engagée par le premier créancier agissant par voie oblique, et être admis à demander la distribution de la somme obtenue, une telle action ne peut se faire que par la voie de l'intervention à titre accessoire pour en bénéficier, ce qui n'était pas le cas de l'intervention formée par la société HPRE à titre principal », la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, et a violé l'article 1166 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 673 FS-B Pourvoi n° R 21-10.126 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 NOVEMBRE 2022 La société SBA vins, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-10.126 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [D] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société SBA vins, de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [E], et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Michel-Amsellem, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2020), après avoir mis fin au contrat d'agent commercial qui le liait à la société SBA vins en imputant la rupture aux manquements de la mandante à ses obligations, M. [E] l'a assignée en paiement d'une indemnité de cessation de contrat. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 3. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors : « 1°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en jugeant que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente à celles représentées par la société SBA vins n'était pas constitutive d'une faute, sans constater que M. [E] avait, au préalable, obtenu l'accord de la société SBA vins, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; 2°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en relevant, pour juger que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente n'était pas constitutive d'une faute, qu'il n'y avait eu aucune volonté de dissimulation, que M. [E] n'était pas lié par une clause d'exclusivité ou de non-concurrence et que le nombre de maisons de champagne est important, cependant que ces circonstances étaient impropres à exclure la commission par l'agent commercial d'une faute grave découlant de l'absence d'accord préalable de son mandant, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; 3°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, commet une faute grave en nouant des relations directes avec les clients de son mandant, en le lui dissimulant ; qu'en jugeant que la société SBA vins ne caractérisait pas la faute de M. [E] pour avoir passé des commandes directement avec ses clients tout en relevant que la société SBA vins produisait trois commandes du 10 juin au 1er juillet 2014 qui avaient été directement transmises aux mandants de la société SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article L. 134-13 du code de commerce que, lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 de ce code demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat. 5. L'arrêt retient que la société SBA vins, en ne transmettant pas à M. [E] les éléments nécessaires au calcul de ses commissions, ce qui a engendré des retards dans le paiement de celles-ci, et en vendant de manière renouvelée du vin sur le site vente-privée.com, ce qui était de nature à faire naître un grand mécontentement chez les producteurs de vins et à mettre fin à certaines commandes, a manqué à ses obligations et a amené M. [E] à résilier, de manière justifiée, son contrat d'agent commercial. 6. Par ces seuls motifs, vainement critiqués par les quatrième et cinquième branches, abstraction faite de ceux critiqués par les première, deuxième et troisième branches, surabondants dès lors qu'ayant été retenu que la cessation du contrat, intervenue à l'initiative de M. [E], était justifiée par des circonstances imputables à la société SBA vins, l'éventuelle commission d'une faute grave par l'agent commercial était sans incidence sur son droit à la réparation prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce, la cour d'appel a justifié sa décision de ce chef. 7. Le moyen est donc inopérant. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture, alors « que la réparation doit être intégrale sans perte ni profit pour la victime ; que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent commercial résultant de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ; qu'en fixant l'indemnité due à M. [E] à deux ans de commissions, soit la somme de 168 000 euros, tout en relevant que pendant les deux années suivant la rupture l'agent avait conservé 89 517,56 euros de recettes de commissions en lien avec les clients résultant de son activité auprès de SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 134-12 du code de commerce et le principe de la réparation intégrale. » Réponse de la Cour 9. L'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce ayant pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, il n'y a pas lieu d'en déduire les commissions perçues par l'agent, postérieurement à la cessation du contrat, au titre de la prospection de tout ou partie de cette même clientèle pour un autre mandant. 10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société SBA vins aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SBA vins et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société SBA vins. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société SBA Vins à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2014 et D'AVOIR débouté la société SBA Vins de sa demande de dommages et intérêts ; ALORS, 1°), QUE la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en jugeant que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente à celles représentées par la société SBA Vins n'était pas constitutive d'une faute, sans constater que M. [E] avait, au préalable, obtenu l'accord de la société SBA Vins, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; ALORS, 2°), QUE la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en relevant, pour juger que la représentation par M. [E] d'une maison de champagne concurrente n'était pas constitutive d'une faute, qu'il n'y avait eu aucune volonté de dissimulation, que M. [E] n'était pas lié par une clause d'exclusivité ou de non-concurrence et que le nombre de maisons de champagne est important, cependant que ces circonstances étaient impropres à exclure la commission par l'agent commercial d'une faute grave découlant de l'absence d'accord préalable de son mandant, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; ALORS, 3°), QUE la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice de d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, commet une faute grave en nouant des relations directes avec les clients de son mandant, en le lui dissimulant ; qu'en jugeant que la société SBA Vins ne caractérisait pas la faute de M. [E] pour avoir passé des commandes directement avec ses clients tout en relevant que la société SBA Vins produisait trois commandes du 10 juin au 1er juillet 2014 qui avaient été directement transmises aux mandants de la société SBA Vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; ALORS, 4°), QU'en cas de démission de l'agent commercial, l'indemnité compensatrice n'est pas due, sauf à ce dernier à démontrer que la rupture du contrat est justifiée par des circonstances exclusivement imputables au mandant ; qu'en jugeant que, par la faute du mandant, l'agent commercial avait subi des retards dans le paiement de ses commissions, après avoir pourtant relevé que l'agent avait bénéficié d'avances sur commissions et qu'en réalité, il avait bénéficié d'un trop-perçu dans le paiement de ses commissions, ce dont il résultait que M. [E] n'avait pas subi de préjudice, ni même de retard dans le paiement de ses commissions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ; ALORS, 5°), QUE le juge doit examiner tous les éléments produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant qu'en vendant du vin sur le site de vente en ligne vente.privée.com, le mandant n'avait pas mis en mesure son agent commercial d'exécuter pleinement son mandat, sans examiner le contrat produit en pièce 57 par la société SBA Vins, duquel il résultait que la mise en vente du vin sur le site de ventes privées résultait d'accords directement conclus entre les producteurs et la société exploitant le site, sans son intervention de sorte que cette opération ne lui était pas imputable, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société SBA Vins à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité de compensatrice de la rupture avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2014 ; ALORS QUE la réparation doit être intégrale sans perte ni profit pour la victime ; que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent commercial résultant de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ; qu'en fixant l'indemnité due à M. [E] à deux ans de commissions, soit la somme de 168 000 euros, tout en relevant que pendant les deux années suivant la rupture l'agent avait conservé 89 517,56 euros de recettes de commissions en lien avec les clients résultant de son activité auprès de SBA Vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 134-12 du code de commerce et le principe de la réparation intégrale.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 679 FS-B Pourvoi n° W 21-10.614 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Vacama, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-10.614 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Pastificio Service SL, société de droit espagnol, dont le siège est [Adresse 2] (Espagne), 2°/ à la société La Tagliatella, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Vacama, de la SCP Didier et Pinet, avocat des sociétés Pastificio Service SL et La Tagliatella, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2020), le 6 juillet 2012, la société Vacama, exploitant un restaurant, a conclu un contrat de franchise avec la société de droit espagnol Pastificio Service SL, contenant une clause compromissoire. La société Pastificio Service SL a cédé le contrat de franchise à la société La Tagliatella, en demeurant néanmoins le fournisseur exclusif de toutes les denrées alimentaires utilisées par les restaurants du réseau. 2. Estimant avoir été abusée du fait d'un concept déficitaire en France comme en Allemagne, la société Vacama a engagé une procédure d'arbitrage en saisissant, en 2016, la Chambre de commerce internationale (la CCI), désignée par les parties dans le contrat de franchise pour régler leurs différends, aux fins d'annulation de ce contrat. Le 22 mars 2018, la CCI s'est dessaisie, faute d'avoir reçu des parties l'intégralité de la provision à valoir sur les frais d'arbitrage. 3. Un jugement du 9 avril 2018 a mis la société Vacama en procédure de sauvegarde, M. [L] étant désigné administrateur et la société Etude Balincourt étant désignée mandataire judiciaire. 4. Le 5 juin 2018, M. [L], ès qualités, a été mis en demeure par la société La Tagliatella de prendre parti sur la continuation du contrat de franchise. Le 26 juin suivant, estimant que le contrat comprenait deux conventions autonomes, le contrat de franchise stricto sensu et la clause compromissoire, l'administrateur a répondu qu'il résiliait avec effet immédiat la clause compromissoire, ce qui avait pour conséquence, selon lui, de permettre la saisine du tribunal de commerce du litige initié devant le tribunal arbitral, et qu'il demandait au juge-commissaire une prolongation du délai de réponse pour le contrat de franchise stricto sensu, laquelle a été accordée, pour une durée de deux mois, par une ordonnance du 6 juillet 2018. Aucune réponse n'a été apportée par l'administrateur dans le délai ainsi prorogé. 5. La société La Tagliatella a formé un recours contre l'ordonnance. Par un jugement du 19 octobre 2018, le tribunal, retenant que le débat sur la dissociation ou non du contrat de franchise et de la clause compromissoire relevait du juge du fond, s'est déclaré incompétent au titre de la demande de clause compromissoire, a invité les parties à saisir la juridiction compétente, a rejeté toutes les demandes de la société La Tagliatella, confirmé l'ordonnance du juge-commissaire et constaté la résiliation du contrat de franchise. 6. Le 18 septembre 2018, la société Vacama et son mandataire judiciaire ont assigné les sociétés La Tagliatella et Pastificio Service SL devant le tribunal aux fins d'annulation du contrat de franchise, pour dol et pour absence de transmission par le franchiseur d'un savoir-faire économiquement exploitable, et d'indemnisation du préjudice subi. Examen du moyen Enoncé du moyen 7. La société Vacama fait grief à l'arrêt de dire le tribunal incompétent pour connaître du litige en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 6 juillet 2012 et de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse, ou lorsque l'administrateur répond à la mise en demeure, dans le délai d'un mois, en décidant expressément de résilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur avait été mis en demeure par la société La Tagliatella de se prononcer sur la poursuite du contrat de franchise, sur le fondement de l'article L. 622-13 du code de commerce, ledit contrat comportant une clause compromissoire ; qu'elle a également constaté que l'administrateur avait répondu au franchiseur dans le délai d'un mois, en opérant à juste titre une distinction entre le contrat de franchise stricto sensu et la convention d'arbitrage autonome stipulée dans le même instrumentum, la cour d'appel constatant enfin la décision expresse de l'administrateur consistant à résilier la clause compromissoire avec effet immédiat ; qu'en refusant néanmoins de constater la résiliation de la convention d'arbitrage, et dire la juridiction étatique incompétente au profit de la juridiction arbitrale, à défaut de mise en demeure adressée par la société La Tagliatella à M. [L] lui demandant de prendre parti sur la continuation de la convention d'arbitrage, et faute de saisine par l'administrateur du juge-commissaire pour ordonner une telle résiliation sur le fondement de l'article L. 622-13, IV, du code de commerce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, l'article L. 622-13, III, du code de commerce et, par fausse application, l'article L. 622-13, IV, du même code ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Vacama faisait valoir que la décision de l'administrateur concernant la résiliation de la convention d'arbitrage était devenue définitive, faute de recours formé par le franchiseur contre cette décision devant le juge-commissaire sur le fondement de l'article R. 621-21 du code de commerce ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant de nature à établir le caractère définitif de la résiliation décidée par l'administrateur, pour se borner à énoncer, de manière générale, abstraite et inopérante, qu'en présence d'une clause d'arbitrage le juge-commissaire doit se déclarer incompétent au profit de l'arbitre en vertu du principe dit de "compétence-compétence", à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement inapplicable ou nulle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Il résulte de l'article 1447 du code de procédure civile que la convention d'arbitrage, qui est indépendante du contrat auquel elle se rapporte, a pour objet le droit d'action attaché aux obligations découlant du contrat et non la création, la modification, la transmission ou l'extinction de ces obligations. Il se déduit de cet objet qu'elle n'est pas un contrat en cours, au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, dont l'exécution pourrait être ou non exigée par l'administrateur. 9. La réponse de l'administrateur de la société Vacama à la mise en demeure délivrée, le 5 juin 2018, par la société La Tagliatella, selon laquelle il résiliait avec effet immédiat la seule clause compromissoire, ne pouvait donc produire aucun effet. 10. L'arrêt constate qu'il n'est pas allégué en l'espèce que la clause compromissoire était manifestement nulle et retient, sans être critiqué, qu'elle n'était pas manifestement inapplicable. 11. Il en résulte que le litige, qui opposait la société Vacama aux franchiseurs, relevait de la convention d'arbitrage et que les juridictions étatiques étaient incompétentes pour en connaître. 12. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Vacama aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Vacama. La société Vacama fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le tribunal de commerce de Montpellier incompétent pour connaître du litige au profit d'un tribunal arbitral constitué sous l'égide de la Chambre du Commerce International de Paris (CCI) en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 6 juillet 2012, et d'avoir débouté la société Vacama de ses demandes ; 1°) ALORS QUE le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse, ou lorsque l'administrateur répond à la mise en demeure, dans le délai d'un mois, en décidant expressément de résilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administrateur avait été mis en demeure par la société La Tagliatella de se prononcer sur la poursuite du contrat de franchise, sur le fondement de l'article L. 622-13 du code de commerce, ledit contrat comportant une clause compromissoire (arrêt p. 2, 3 et 7) ; qu'elle a également constaté que l'administrateur avait répondu au franchiseur dans le délai d'un mois, en opérant à juste titre une distinction entre le contrat de franchise stricto sensu et la convention d'arbitrage autonome stipulée dans le même instrumentum, la cour d'appel constatant enfin la décision expresse de l'administrateur consistant à résilier la clause compromissoire avec effet immédiat (arrêt attaqué, p. 7) ; qu'en refusant néanmoins de constater la résiliation de la convention d'arbitrage, et dire la juridiction étatique incompétente au profit de la juridiction arbitrale, à défaut de mise en demeure adressée par la société Tagliatelle à M. [L] lui demandant de prendre parti sur la continuation de la convention d'arbitrage, et faute de saisine par l'administrateur du juge-commissaire pour ordonner une telle résiliation sur le fondement de l'article L. 622-13 IV du code de commerce (arrêt attaqué, p. 7), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, par refus d'application, l'article L. 622-13 III du code de commerce et, par fausse application, l'article L. 622-13 IV du même code ; 2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Vacama faisait valoir que la décision de l'administrateur concernant la résiliation de la convention d'arbitrage était devenue définitive, faute de recours formé par le franchiseur contre cette décision devant le juge-commissaire sur le fondement de l'article R. 621-21 du code de commerce (conclusions p. 11 et 12) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant de nature à établir le caractère définitif de la résiliation décidée par l'administrateur, pour se borner à énoncer, de manière générale, abstraite et inopérante, qu'en présence d'une clause d'arbitrage le juge-commissaire doit se déclarer incompétent au profit de l'arbitre en vertu du principe dit de « compétence-compétence », à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement inapplicable ou nulle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 680 F-B Pourvoi n° J 21-13.386 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-13.386 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [B] [K], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 novembre 2020), la société [K] et Moutte (la société) a souscrit un contrat d'ouverture de crédit en compte courant auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la banque). Le 2 mai 2007, M. [K] s'est rendu caution de la société en faveur de la banque. 2. Par un jugement du 13 mars 2009, la société a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 6 avril 2009, laquelle a été admise par une ordonnance du 5 février 2010. Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 12 mars 2010. Le plan a été résolu et la société a été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013. 3. Le 23 décembre 2016, la banque a assigné M. [K] en exécution de son engagement de caution. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite et donc irrecevable sa demande, alors « que la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel qui pour considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L. 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir énonce que les co-obligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan et que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la procédure collective était toujours en cours en l'absence de clôture et partant a violé les articles L. 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L. 622-28 et suivants dudit code. » Réponse de la Cour Vu les articles 2241 et 2246 du code civil et l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 : 5. Il résulte des deux premiers textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Si, en vertu du troisième, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure. 6. Pour déclarer prescrite l'action de la banque à l'égard de M. [K], l'arrêt retient qu'après l'arrêté du plan de redressement, aux termes de l'article L. 631-20 du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique, ce qui lui ouvrait un délai de cinq ans pour agir et que, la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, quand le plan de redressement était antérieur de plus de cinq ans, la demande était prescrite. 7. En statuant ainsi, alors qu'ayant retenu, sans être critiquée, que la prescription applicable en l'espèce était la prescription quinquennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, et constaté que la banque avait déclaré sa créance le 6 avril 2009, que le plan de redressement de la société, arrêté le 12 mars 2010, avait été résolu et que la société avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013, elle ne pouvait déclarer prescrite l'action introduite par la banque le 23 décembre 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés, le troisième par fausse application. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [K] à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence. LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré prescrite et partant irrecevable la demande en paiement dirigé contre la caution, 1°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la cour d'appel qui pour considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir énonce que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan et que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la procédure collective était toujours en cours en l'absence de clôture et partant a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; 2°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, puis considérer que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir puisque les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, la cour d'appel qui se prononce par des motifs inopérants, faute de caractériser la clôture de la procédure, a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; 3°) ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; que la Caisse exposante faisait valoir que la prescription n'était pas acquise dés lors que la déclaration de créance suspend la prescription jusqu'à la clôture de la procédure, le point de départ du délai de prescription ne pouvant être fixé à la date de l'homologation du plan puisque l'obligation principale n'est pas encore exigible en l'état de l'approbation du plan accordant des délais au débiteur principal, le délai ne pouvant commencer à courir qu'à partir du jour où l'obligation principale est devenue exigible soit en l'espèce à la date de la clôture de la liquidation judiciaire, la débitrice principale ayant été placée en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013 à la suite de la résolution du plan ; qu'ayant relevé que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, lequel a été résolu le 11 octobre 2013, la débitrice principale ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, puis considéré que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article L 630-21 (lire 631-20) du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique faisant courir un nouveau délai de cinq ans pour agir puisque les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, la cour d'appel qui n'a pas constaté que la procédure avait fait l'objet d'une clôture a violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; 4°) ALORS QUE si le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ;qu'en retenant par motifs adoptés que la créance déclarée le 6 avril 2009 a été admise le 5 février 2010, qu'un plan de redressement a été homologué le 12 mars 2010, qu'en application de l'article L 631-20 du code de commerce, s'agissant d'une procédure de redressement judiciaire, c'est à cette date du 12 mars 2010 que l'action de la Banque envers la caution personne physique était de nouveau possible, faisant courir un nouveau délai de 5 ans et que ce délai ne saurait être de nouveau interrompu par la résolution de ce plan et la mise en liquidation du débiteur principal le 11 octobre 2013 et par motifs propres que les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, que les délais de paiement accordés au débiteur principal lui sont en effet strictement personnels et la caution solidaire ne peut en bénéficier, n'étant pas contesté que la créance était intégralement exigible, le délai d'action contre la caution n'ayant pas été affecté par la décision révoquant le plan et prononçant la liquidation judiciaire, pour en déduire que la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, c'est à juste titre que le tribunal a relevé que la demande était prescrite, le plan de redressement étant antérieur de plus de 5 ans, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales s'évinçant de leur constatations dont il ressortait qu'en l'absence de clôture de la procédure la déclaration de créance produisait toujours son effet interruptif et, partant ils ont violé les articles L 631-20 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants dudit code ; SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré prescrite et partant irrecevable la demande en paiement dirigé contre la caution, ALORS QUE la déclaration de créance interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'en ajoutant que le délai d'action contre la caution n'a pas été affecté par la décision révoquant le plan et plaçant la société sous liquidation judiciaire, quand la prescription, à la supposer en cours depuis le 12 mars 2010 avait été interrompue par la résolution du plan et la liquidation judicaire intervenue selon jugement du 11 octobre 2013, jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'articles L 630-21 du code de commerce par fausse application, ensemble les articles L 622-28 et suivants et L 631-20-1 et suivants dudit code. Sur l'effet interruptif de prescription à l'égard de la caution, à rapprocher : Com., 10 février 2015, pourvoi n° 13-21.953, Bull. 2015, IV, n° 25 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 695 F-B Pourvoi n° E 21-19.431 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [U] [F], domicilié chez Mme [P], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.431 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Amauger-[K], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [L] [K], prise en qualité de mandataire liquidateur de M. [U] [F], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Amauger-[K], en la personne de M. [L] [K], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 mai 2021), M. [F] a été mis en redressement judiciaire le 5 juillet 2012, la procédure étant étendue aux SCI Impériale Fininvest, Impériale Patriminvest et Impériale Techinvest, trois sociétés dont il était le gérant. Le plan de redressement arrêté n'ayant pas été respecté, sa résolution a été prononcée par un jugement du 7 avril 2016, et qui a ouvert la liquidation judiciaire de M. [F] et des trois sociétés. Ce jugement a été annulé par un arrêt du 7 novembre 2016 qui a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert la liquidation judiciaire de M. [F] et des trois sociétés. 2. Le 19 septembre 2019, la société Amauger-[K], désignée liquidateur, a assigné M. [F] pour voir prononcer son interdiction de gérer. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer l'action du liquidateur recevable comme non prescrite et de prononcer son interdiction de gérer pour une durée de 10 ans, alors « que les actions engagées aux fins de voir prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; que l'annulation par la cour d'appel du jugement qui prononce la liquidation judiciaire - pour une irrégularité de procédure n'affectant pas l'acte introductif d'instance - ne reporte pas le point de départ de cette prescription à la date de l'arrêt, qui statuant en vertu de l'effet dévolutif, prononce à nouveau une liquidation judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 653-1, II, du code de commerce et 542, 561 et 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'annulation d'un jugement qui prononce une liquidation judiciaire après résolution d'un plan entraîne l'anéantissement rétroactif de cette décision. Selon l'article L. 653-1, II, du code de commerce, les actions en faillite personnelle ou interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui ouvre la procédure de redressement ou liquidation judiciaire. 6. Après avoir énoncé, conformément aux dispositions de l'article L. 626-27 du code de commerce, que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire après la résolution d'un plan de redressement, constitue une nouvelle procédure, l'arrêt en déduit exactement que le délai de prescription de trois ans de l'article L. 653-1, II, du même code commence à courir à compter de la décision d'ouverture de la nouvelle procédure. Il retient ensuite que l'annulation du jugement du 7 avril 2016 ayant privé rétroactivement ce dernier de tout effet, le point de départ du délai de prescription de trois ans ne peut être la date du jugement annulé, mais doit être fixé au 7 novembre 2016, date de l'arrêt ayant annulé le jugement et ouvert la liquidation judiciaire. Relevant que l'action du liquidateur a été introduite par une assignation du 19 septembre 2019, il retient à bon droit que l'action n'est pas prescrite. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société Amauger-[K], en qualité de liquidateur de M. [F], la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [F]. PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action du mandataire liquidateur recevable comme non prescrite et d'avoir prononcé à son encontre, une interdiction du droit de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de 10 ans ; Alors que les actions engagées aux fins de voir prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; que l'annulation par la Cour d'appel du jugement qui prononce la liquidation judiciaire – pour une irrégularité de procédure n'affectant pas l'acte introductif d'instance - ne reporte pas le point de départ de cette prescription à la date de l'arrêt, qui statuant en vertu de l'effet dévolutif, prononce à nouveau une liquidation judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 653-1 II du code de commerce et 542, 561 et 562 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé à son encontre, une interdiction du droit de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de 10 ans ; 1°- Alors que l'abstention du dirigeant de la société débitrice à coopérer avec les organes de la procédure collective, qui peut être sanctionnée par l'interdiction de diriger, lorsque cette abstention fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective, doit être volontaire ; que M. [F] faisait valoir dans ses conclusions (p. 11), qu'il avait répondu au courrier du mandataire du 2 février 2017 réclamant la copie des contrats de commissionnement auprès des agences et de la copie du chiffre d'affaires annuel réalisé avec les compagnies d'assurance, par un courrier du 7 février 2017 qu'il versait aux débats ; que dans son courrier du 7 février 2017 M. [F] faisait valoir notamment que n'ayant plus d'accès internet et extranet avec les diverses compagnies en raison d'une coupure au mois de juin par les soins du mandataire, il ne pouvait connaitre l'état financier du portefeuille et qu'il venait d'obtenir une ordonnance désignant la société Parisienne de Gestion d'Archives pour récupérer les dossiers d'assurance ; qu'en se bornant à énoncer que M. [F] ne démontrerait pas avoir donné suite aux courriers par lesquels le liquidateur lui demandait la communication des éléments comptables, des contrats de commissionnement, et du chiffre d'affaires réalisé, alors qu'un acquéreur potentiel était intéressé pour l'acquisition du portefeuille de courtier, sans analyser même sommairement cette pièce versée aux débats, démontrant l'existence d'une difficulté rencontrée par M. [F] pour communiquer les pièces demandées par Me [K], la Cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser une abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure et privé sa décision de base légale au regard de l'article L 653-5, 5° du code de commerce et du principe de proportionnalité ; 2°- Alors que l'abstention du dirigeant de la société débitrice à coopérer avec les organes de la procédure collective, qui peut être sanctionnée par l'interdiction de diriger, lorsque cette abstention fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective, doit être volontaire ; qu'en se bornant à énoncer que M. [F] ne démontrerait pas avoir donné suite aux courriers par lesquels le liquidateur lui demandait la communication des éléments comptables, des contrats de commissionnement, et du chiffre d'affaires réalisé, alors qu'un acquéreur potentiel était intéressé pour l'acquisition du portefeuille de courtier, quand M. [F] faisait valoir dans ses conclusions (p.11), sans être démenti par Me [K], que ce dernier avait obtenu une ordonnance pour vendre le mobilier du cabinet d'assurance et qu'il avait mandaté un commissaire-priseur avant la vente du cabinet, alors que ces meubles contenaient toutes les archives, la Cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser une abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure et privé sa décision de base légale au regard de l'article L 653-5, 5° du code de commerce et du principe de proportionnalité ; 3°- Alors que dans son courrier du 22 mars 2017 Me [K] ne demandait pas la copie des contrats de commissionnement et le chiffre d'affaires réalisé avec les assureurs, mais sollicitait, pour répondre à un acquéreur potentiel, des précisions sur la typologie des contrats d'assurance par compagnie ; que M. [F] faisait valoir qu'il avait donné les précisions demandées, par un courrier en réponse du 27 mars 2017 qu'il versait aux débats, duquel il résulte qu'il précisait effectivement la typologie des contrats d'assurance par compagnie ; qu'en énonçant pour retenir l'absence de coopération de M. [F] avec les organes de la procédure, que le courrier du 22 mars 2017 qui aurait eu pour objet l'obtention des contrats de commissionnement et du chiffre d'affaires réalisé avec les assureurs, serait resté sans réponse, la Cour d'appel a dénaturé ce courrier en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 4°- Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans qu'il résulte de ses constatations que la prétendue abstention de M. [F] à coopérer avec les organes de la procédure aurait fait obstacle au bon déroulement de la procédure, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 653-5, 5° et du principe de proportionnalité ; 5°- Alors qu'en se fondant pour prononcer une interdiction de diriger contre M. [F], sur sa prétendue abstention à répondre aux demandes du liquidateur sollicitant la communication des éléments comptables par lettres des 12 avril et 13 juin 2016, après avoir considéré que le jugement du Tribunal de commerce du 7 avril 2016 qui prononçait la liquidation judiciaire de M. [F] ayant été annulé par l'arrêt de la Cour d'appel du 7 novembre 2016, c'est cet arrêt et non le jugement du 7 avril 2016 qui constituerait le jugement d'ouverture de la procédure, ce dont il résulte qu'elle ne pouvait se fonder sur une prétendue abstention du débiteur à coopérer avec les organes de la procédure pour n'avoir pas répondu aux deux courriers de Me [K], antérieurs au 7 novembre 2016, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, et a violé l'article L 653-5, 5° et le principe de proportionnalité ; 6°- Alors que le tribunal peut prononcer une interdiction de diriger contre une personne qui a fait disparaître des documents comptables, n'a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; qu'en se bornant à énoncer que M. [F] n'aurait pas réagi aux courriers du mandataire liquidateur en date des 12 avril et 13 juin 2016 en vue de se faire présenter les éléments comptables, et ne démontrerait pas avoir remis les documents comptables à Me [J] désigné précédemment comme il le fait valoir, qu'il ne renverserait pas les constatations du liquidateur et ne propose pas davantage de communiquer ces documents devant la Cour d'appel, l'arrêt attaqué a statué par un motif impropre à caractériser une défaillance de M. [F] dans la tenue de la comptabilité et partant a violé l'article L 653-5, 6° et le principe de proportionnalité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 696 F-B Pourvoi n° Y 20-18.593 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Ziegler France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 20-18.593 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [E] [U], domicilié [Adresse 7], [Localité 2] (Suisse), 2°/ à la société Transafos, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 6], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Ziegler France, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Transafos, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 octobre 2019), M. [U] a fait l'acquisition auprès de la société Tradimpex d'un navire dont le transport entre [Localité 5] (Emirats Arabes Unis) et [Localité 4] (France) a été confié à la société Ami International, suivant un connaissement du 20 mai 2012. A l'arrivée du navire, le 24 juin 2012, la société Ziegler France (la société Ziegler), mandatée par M. [U], l'a reçu sans réserve et l'a acheminé jusqu'à l'entrepôt de la société Transafos, à [Localité 6], laquelle l'a également reçu sans réserve, le 11 juillet 2012, et l'a entreposé sur son parking extérieur clôturé. Le 30 octobre 2012, M. [U] s'est présenté dans les locaux de la société Transafos et a établi avec cette dernière la constatation écrite de divers dégâts et manquants. 2. Le 28 octobre 2013, la société Ziegler a assigné la société Transafos afin de voir juger qu'elle était responsable des dommages causés au navire, qu'elle serait tenue de la relever et garantir de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle et de lui payer une certaine somme au titre des réparations. Les 10 et 13 mars 2015, M. [U] a assigné respectivement la société Transafos et la société Ziegler en indemnisation de son préjudice. Les deux instances ont été jointes. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société Ziegler fait grief à l'arrêt rectifié de rejeter sa demande en condamnation de la société Transafos à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. [U], alors : « 1°/ que le commissionnaire de transport a qualité à agir en garantie contre son substitué s'il est assigné par la victime du dommage, sans avoir à dédommager cette dernière ni à s'engager à le faire ; que le défaut de qualité à agir du commissionnaire de transport contre son substitué est régularisable tant qu'il n'a pas été statué sur cette action, peu important que cette régularisation intervienne après l'échéance du délai de prescription de cette action ; qu'en retenant que l'action en garantie engagée par la société Ziegler contre la société Transafos dans le délai de prescription était irrecevable comme prescrite, au seul constat qu'elle n'avait pas désintéressé M. [U] ni ne s'était engagée à le faire avant l'expiration de ce délai, tout en relevant que celui-ci l'avait assignée en responsabilité avant qu'il n'ait été statué sur cette action en garantie, ce qui suffisait à régulariser son défaut de qualité à agir initial, la cour d'appel a violé les articles 31 et 126 du code de procédure civile ; 2°/ que le commissionnaire de transport est recevable à agir contre son substitué à fin déclaratoire tant qu'il n'a pas été assigné par la victime du dommage ; que le juge doit alors statuer sur cette demande et déclarer irrecevables les demandes en paiement éventuellement formulées contre ce substitué, qui sont divisibles de la demande formulée à titre déclaratoire ; qu'ayant constaté que, dans son assignation contre la société Transafos, la société Ziegler demandait à être "relevée et garantie de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle", la cour d'appel, en déclarant irrecevable cette demande formulée à titre déclaratoire au motif que l'assignation comportait également une demande en paiement pour laquelle la société Ziegler n'avait pas encore qualité à agir, a violé l'article 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Le commissionnaire de transport dont la responsabilité est recherchée en tant qu'il est garant de ses substitués, ne justifie d'un intérêt à exercer à l'encontre de ces derniers une action principale en garantie que s'il a désintéressé le créancier d'indemnité ou s'est obligé à dédommager ce créancier qui a accepté d'attendre le résultat de la procédure engagée par le commissionnaire contre ses substitués ou leurs assureurs. La régularisation, jusqu'à ce que le juge statue, de la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir d'une telle action en garantie, exercée à titre principal, ne peut résulter que de l'indemnisation du créancier ou de l'engagement d'indemniser pris par le commissionnaire de transport. 5. Après avoir relevé que le délai de prescription convenu entre les sociétés Transafos et Ziegler était d'un an à compter de l'exécution de la prestation litigieuse du contrat, soit le 30 octobre 2012, jour du constat contradictoire des dommages, établi par M. [U] et la société Transafos, l'arrêt relève que la société Ziegler a assigné cette dernière le 28 octobre 2013 en paiement d'une somme de 13 613 euros au titre des réparations sur le navire de M. [U] mais qu'elle n'a ni désintéressé ce dernier ni pris l'engagement de le faire. 6. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit à bon droit que l'action engagée par la société Ziegler n'était pas une action déclaratoire mais une action principale en garantie et que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir de cette action n'avait pas été régularisée, la cour d'appel a exactement retenu que l'assignation en garantie délivrée par la société Ziegler à la société Transafos n'avait pas interrompu le délai de prescription. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Ziegler France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ziegler France et la condamne à payer à la société Transafos la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Ziegler France. La société Ziegler France fait grief à l'arrêt attaqué (arrêt n°2019/344 du 17 octobre 2019, tel que rectifié par l'arrêt r n°2020/84 du 1er juillet 2020) D'AVOIR rejeté sa demande en condamnation de la société SAS Transafos à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de M. [E] [U] ; 1°) ALORS QUE le commissionnaire de transport a qualité à agir en garantie contre son substitué s'il est assigné par la victime du dommage, sans avoir à dédommager cette dernière ni à s'engager à le faire ; que le défaut de qualité à agir du commissionnaire de transport contre son substitué est régularisable tant qu'il n'a pas été statué sur cette action, peu important que cette régularisation intervienne après l'échéance du délai de prescription de cette action ; qu'en retenant que l'action en garantie engagée par la société Ziegler contre la société Transafos dans le délai de prescription était irrecevable comme prescrite, au seul constat qu'elle n'avait pas désintéressé M. [U] ni ne s'était engagée à le faire avant l'expiration de ce délai, tout en relevant que celui-ci l'avait assignée en responsabilité avant qu'il n'ait été statué sur cette action en garantie, ce qui suffisait à régulariser son défaut de qualité à agir initial, la cour d'appel a violé les articles 31 et 126 du code de procédure civile ; 2°) ALORS en toute hypothèse QUE le commissionnaire de transport est recevable à agir contre son substitué à fin déclaratoire tant qu'il n'a pas été assigné par la victime du dommage ; que le juge doit alors statuer sur cette demande et déclarer irrecevables les demandes en paiement éventuellement formulées contre ce substitué, qui sont divisibles de la demande formulée à titre déclaratoire ; qu'ayant constaté que, dans son assignation contre la société Transafos, la société Ziegler demandait à être « relevée et garantie de toutes demandes que M. [U] serait susceptible de former contre elle », la cour d'appel, en déclarant irrecevable cette demande formulée à titre déclaratoire au motif que l'assignation comportait également une demande en paiement pour laquelle la société Ziegler n'avait pas encore qualité à agir, a violé l'article 31 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme VAISSETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 681 F-B Pourvoi n° F 21-13.613 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ La société Laugier Saint-Germain, société civile immobilière, 2°/ la société Nevile Foster Delaunay Belleville (NFDB), société anonyme, toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], et représentées par leur liquidateur amiable M. [S] [K], ont formé le pourvoi n° F 21-13.613 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [Z] [V], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à la société [V] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V] et de la société [V] Yang-Ting, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Vaissette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Riffaud, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), la société Nevile Foster Delaunay Belleville (la société NFDB), exerçant l'activité de marchande de biens immobiliers, a été mise en redressement judiciaire le 4 mai 2004, puis en liquidation judiciaire le 10 mai 2005. La procédure a été étendue à sa filiale la SCI Laugier Saint-Germain (la société Laugier). La société [V] Yang-Ting, en la personne de Mme [V], a été successivement désignée mandataire judiciaire puis liquidateur. 2. La clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif a été prononcée le 21 janvier 2015. Le compte rendu de fin de mission du liquidateur a été déposé et notifié aux sociétés NFDB et Laugier le 3 mars 2015. 3. Le 6 octobre 2015, les sociétés NFDB et Laugier ont désigné M. [K], en qualité de liquidateur amiable, lequel a demandé à l'administration fiscale, le 26 janvier 2016, un remboursement de crédit de TVA pour le compte de la société NFDB afférent aux dépenses engagées après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire pendant la période 2006-2012. La demande a été déclarée irrecevable par l'administration fiscale pour cause de prescription le 8 juillet suivant. 4. Considérant que le liquidateur judiciaire avait commis une faute engageant sa responsabilité personnelle en omettant d'entreprendre les formalités permettant d'obtenir le remboursement du crédit de TVA, les sociétés NFDB et Laugier l'ont assigné en paiement de dommages et intérêts. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Laugier et la société NFDB font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors : « que la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, arrêt du 3 mars 2005, Fini H, C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique, dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Mme [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité "d'assujettie" au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 6. La société [V] Yang-Ting et Mme [V] contestent la recevabilité du moyen en soutenant que celui-ci, qui part du postulat qu'il aurait existé un lien direct et immédiat entre les paiements litigieux et l'activité antérieure de la société NFDB, introduit devant la Cour de cassation une discussion purement factuelle qui aurait dû être étayée en cause d'appel, et est nouveau et mélangé de fait et de droit. 7. Cependant la cour d'appel ayant déjà été saisie du moyen dont la recevabilité est contestée, celui-ci n'est pas nouveau. 8. Le moyen est donc recevable. Bien-fondé du moyen Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 271 du code général des impôts : 9. Aux termes du premier texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération, et la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. 10. La Cour de justice de la communauté européenne a dit pour droit (CJCE, arrêt du 3 mars 2005, I/S Fini H, C-32/03), d'une part, que selon les termes de l'article 4, § 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil du 10 avril 1995, la notion d'assujetti est définie en relation avec celle d'activité économique et que c'est l'existence d'une telle activité qui justifie la qualification d'assujetti qui se voit reconnaître, par la sixième directive, le droit à déduction. Elle a dit pour droit, d'autre part, que les coûts des opérations réalisées par une société assujettie pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérés comme inhérents à l'activité économique, de sorte que le droit à déduction doit lui être reconnu si ces opérations présentent un lien direct et immédiat avec l'activité, pour autant que sa mise en oeuvre ne donne pas lieu à des situations frauduleuses ou abusives, et que toute autre interprétation reviendrait à procéder à une distinction arbitraire entre, d'un côté, les dépenses effectuées pour les besoins d'une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci et celles réalisées au cours de ladite exploitation, et, de l'autre, les dépenses effectuées pour mettre fin à cette exploitation. 11. L'administration fiscale considère ainsi qu'une entreprise qui a cessé son activité commerciale mais qui continue de supporter des dépenses afférentes à cette activité est considérée comme un assujetti et peut déduire la TVA sur les montants acquittés, pour autant qu'il existe un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive est établie et qu'il en est ainsi notamment de la TVA ayant grevé les honoraires des mandataires liquidateurs (BOI-TVA-DED-50-20-20). 12. Pour retenir que le liquidateur n'avait commis aucune faute, l'arrêt retient que la perte de la qualité de redevable ouvrant droit au remboursement d'un crédit de TVA résulte de l'impossibilité pour l'assujetti de récupérer, par voie d'imputation sur les taxes dont il est redevable, le crédit dont il disposait, qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA, et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il ait cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il ait cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA. Ayant relevé qu'en l'espèce, il était constant et non contesté que le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité, l'arrêt retient ensuite que cette société, représentée par Mme [V], ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts au sein du port de [Localité 3], ce qui constituait son activité antérieure, étant observé que le bail qui la liait au Port Autonome de [Localité 4] avait été résilié le 30 août 2000, et que le liquidateur établit, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation, que la société NFDB n'a, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession était soumise à la TVA. Il en déduit que la société NFDB a perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvant plus être récupérée par la société NFDB, le liquidateur n'avait commis aucune faute en ne demandant pas le remboursement d'un crédit de TVA afférent aux opérations postérieures au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire. 13. En statuant ainsi, alors que la société NFDB n'avait pas perdu sa qualité d'assujettie du seul fait de sa cessation d'activité, et qu'elle pouvait déduire la TVA grevant les dépenses engagées pour mettre fin à son exploitation après le jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, en obtenant, à la demande de son liquidateur, le remboursement du crédit de TVA ainsi généré, pour autant qu'il existait un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale ou qu'ils aient été exposés pour mettre fin à l'exploitation et dès lors que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive était établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société [V] Yang-Ting et Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [V] Yang-Ting et Mme [V] et les condamne à payer à la société Nevile Foster Delaunay Belleville et à la société Laugier Saint-Germain la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour les sociétés Laugier Saint-Germain et Nevile Foster Delaunay Belleville. PREMIER MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit (CJCE, 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03) que les opérations réalisées par une société pendant la période de liquidation de son activité doivent être considérées comme faisant partie de l'activité économique (pt. 24), dès lors qu'existe un lien entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction (pt. 26), le système commun de TVA garantissant la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités (pt. 25) ; qu'il s'ensuit qu'afin de respecter le principe de neutralité du système de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 271 du code général des impôts doivent être interprétées de manière à ce qu'il ne soit pas procédé, pour l'exercice du droit à déduction, à une distinction arbitraire entre les dépenses effectuées par une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci, celles exposées au cours de cette exploitation et celles engagées pour mettre fin à cette exploitation ou à sa liquidation, de sorte que les dépenses relevant de la troisième catégorie, dès lors qu'elles sont en lien direct avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, peuvent être regardées comme faisant partie des frais généraux de l'entreprise et permettent l'exercice du droit à déduction ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité « d'assujettie » au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il ne résulte pas que les dépenses en amont de la société NFDB soumises à TVA pendant les opérations de liquidation étaient sans lien avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la cour d'appel a violé l'article 271 du code général des impôts, ensemble le principe de neutralité du système de TVA consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne et l'article 1382 devenu 1240 du code civil ; 2°) ALORS QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 15 s.), la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE, 22 février 2001, Abbey National, aff. C-408/98, CJCE 3 mars 2005, Fini H, aff. C-32/03 ; CJUE, 22 octobre 2015, Sveda, aff. C 126/14), ainsi que celle issue des juridictions administratives d'appel (Versailles, 19 juin 2012, n° 10VE00294 ; Paris, 11 décembre 2012 n° 11PA04376), d'où il résulte, notamment, qu'en application du système de neutralité du système de TVA, la société en liquidation conserve son droit à déduction de la TVA acquittée pendant le cours des opérations de cessation de son activé, de tels frais (opérations en amont) étant en lien avec les opérations qu'elles a menées pendant son activité (opérations en aval) ; qu'elle ont ensuite fait valoir que « les dépenses engagées par Me [V] étaient liées aux procédures judiciaires opposant la société NFDB au Port autonome et à ses sous-locataires et destinées à mettre fin à l'activité de location de la société et à restituer les locaux libres de toute occupation » et qu' « elles participaient des frais généraux de la société » (concl., p. 19), comme, ainsi que cela ressortait du compte analytique produit par le liquidateur lui-même, les factures réglées en 2012 au Port autonome de [Localité 4], les « encaissements de recouvrement de créances liés à l'activité antérieure de la société », les frais afférents aux cessions d'actifs et de toutes autres factures relatives à des frais généraux et mentionnant la TVA (concl., p. 20) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions établissant que la société NFDB pouvait récupérer la TVA acquittée par elle pendant le cours des opérations de liquidation, puisque découlant de dépenses effectuées pour liquider son exploitation, et ouvrant droit à déduction, dès lors qu'elles étaient en lien direct avec ladite exploitation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE le Conseil d'Etat a dit pour droit (CE, 30 décembre 2011, n° 323188) qu'un assujetti, quelle que soit l'activité qu'il a exercée, doit être regardé comme ayant perdu la qualité de redevable lorsqu'il n'est plus en mesure de réaliser aucune opération donnant lieu à collecte de TVA et que tel est le cas lorsque non seulement l'assujetti ne peut plus effectuer aucune des opérations qui constituaient son activité normale, soit qu'il a cédé l'ensemble des marchandises qu'il avait pour objet de vendre, soit qu'il a cessé totalement d'effectuer les prestations de services qu'il avait pour objet de rendre, mais également ne dispose plus de biens, stocks ou éléments d'actif immobilisé, dont la cession est soumise à la perception de TVA ; que, pour écarter la faute du liquidateur judiciaire, la cour d'appel a énoncé que la perte de la qualité d'assujettie à la TVA ne découle pas d'un acte juridique en lui-même, tel un placement en liquidation judiciaire, mais de la réalité de la cessation d'activités permettant de déduire la TVA, même postérieurement au jugement de mise en liquidation, que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NFDB prévoyait l'arrêt immédiat de son activité et qu'ainsi elle ne pouvait plus se livrer à des opérations de sous-location d'entrepôts, ce qui constituait son activité antérieure, que Me [V] établissait, par la production de sa reddition des comptes de la liquidation et qu'elle n'avait, au cours de la période de liquidation, cédé aucun bien, stock ou élément d'actif immobilisé dont la cession est soumise à la TVA, pour en déduire que, ne remplissant aucune des deux conditions alternatives posées par le Conseil d'Etat, la société NFDB avait perdu sa qualité d'assujettie au jour du jugement prononçant sa liquidation judiciaire et que, dès lors, la TVA relative aux factures acquittées au cours de la période de liquidation ne pouvait plus être récupérée ; qu'en retenant ainsi que la société NFDB avait, du fait de sa liquidation judiciaire, perdu sa qualité « d'assujettie », qualité qu'elle conservait nécessairement, nonobstant la perte, à la supposer avérée, de sa qualité de redevable, la cour d'appel a encore violé les articles 271, IV, du code général des impôts, 242-0 A de l'annexe II au même code, 242-0 C et 242-0 G de la même annexe, et R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de l'ensemble de leurs demandes ; 1°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 9-10) la faute commise par le liquidateur judiciaire qui a différé, sans raison valable, les opérations de clôture de la liquidation jusqu'au mois de novembre 2014 alors même qu'elle avait procédé au début de l'année 2012 à la vente du dernier immeuble appartenant au débiteur, qu'elle avait établi le 20 juin 2012 sa requête de taxation – tout en ne la déposant sans justification que le 27 juin 2013 -, qu'elle avait été la destinataire de nombreuses demandes tendant à ce que la liquidation soit clôturée, attendant ainsi encore 17 mois après le dépôt de sa requête en taxation pour déposer, le 17 novembre 2014, une requête aux fins de clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'à l'appui de leur demande indemnitaire, la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain ont invoqué (concl., p. 10) la faute commise par le liquidateur judiciaire déduite de ce qu'elle avait soumis, le 17 novembre 2014, au tribunal une demande erronée inutile et coûteuse de désignation d'un liquidateur amiable, contraignant leur ancien dirigeant à interjeter appel et à obtenir une décision judiciaire conforme aux dispositions de l'article 1844-8 du code civil, ce qui a eu pour effet de retarder encore les opérations de liquidation d'un an jusqu'à l'arrêt du 15 septembre 2015 ; qu'en écartant la responsabilité civile professionnelle du liquidateur, sans se prononcer sur cette faute, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain reprochent à l'arrêt attaqué, DE LES AVOIR déboutées de leur demande d'expertise ; 1°) ALORS QUE les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible ; que, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, la cour d'appel, par adoption des motifs du premier juge, a énoncé que le liquidateur judiciaire a « communiqué le compte-rendu de fin de mission qu'elle a déposé à l'issue de la procédure de liquidation litigieuse en application de l'article R. 626-39 du code de commerce, mentionnant précisément la manière dont les fonds ont été distribués, sans que la réalité de cette distribution ne soit discutée », que « le fait que ladite répartition ne soit pas conforme à ce que le liquidateur avait annoncé en cours de procédure est indifférent », et, enfin, que « le trop-versé allégué en faveur d'un des créanciers, le Port autonome de [Localité 4], ne repose que sur les propres affirmations des sociétés demanderesses, à elles seules insuffisamment probantes, d'autant qu'aucune observation n'a été émise à ce sujet - ou un autre - à l'encontre du compte-rendu de fin de mission dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 précité du code de commerce » ; qu'en conditionnant ainsi l'expertise demandée à la formulation d'observations sur le compte rendu de fin de mission du liquidateur, dans le délai de quinze jours prévu par l'article R. 626-39 du code de commerce, la cour d'appel, qui a ajouté à l'article 143 du code de procédure civile une condition qu'il ne comporte pas, l'a nécessairement violé ; 2°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, auquel cas il lui appartient d'ordonner toute production ou mesure d'instruction nécessaires pour trancher l'entier litige ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par adoption des motifs du premier juge, pour débouter la société NFDB et la SCI Laugier Saint-Germain de leur demande d'expertise, cependant qu'il lui appartenait, si elle s'estimait insuffisamment éclairée par les éléments rapportés par ces dernières pour établir la responsabilité civile professionnelle du liquidateur judiciaire, d'ordonner une mesure d'expertise propre à lui permettre de trancher le litige, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. Sur la qualification d'assujetti, cf : CJCE, arrêt du 3 mars 2005, I/S Fini H, C-32/03.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 638 F-B Pourvoi n° E 20-20.830 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-20.830 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant à la Société civile des Mousquetaires, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société civile des Mousquetaires, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2020) et les productions, M. [Y] est devenu associé de la Société civile des Mousquetaires (la SCM) en 1996, en acquérant vingt-sept parts au prix unitaire de 10 740 francs (1 637,30 euros). Le 7 décembre 1997, il a notifié son retrait de la SCM. Par assemblée générale du 16 juin 1998, la SCM a fixé la valeur de la part à 14 990 francs (2 285 euros) et ratifié la démission de M. [Y]. Une somme représentative de la valeur totale de ses parts ainsi calculée lui a été versée en quatre échéances, la dernière intervenant le 28 janvier 2002. 2. M. [Y] a contesté la valorisation de ses parts. En dernier lieu, par une ordonnance du 17 mars 2009, le président d'un tribunal de grande instance, saisi en application de l'article 1843-4 du code civil, a désigné M. [N], lequel a déposé son rapport le 20 février 2012, fixant la valeur unitaire de la part à 48 546 euros, en se fondant notamment sur les derniers résultats comptables obtenus en 2009 et 2010. 3. Sur le fondement de ce rapport, M. [Y] a, le 20 mars 2012, assigné la SCM devant le tribunal de grande instance en paiement du complément de la somme lui restant due sur ses parts, telles qu'évaluées par l'expert. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches Enoncé du moyen 5. M. [Y] reproche à l'arrêt d'annuler le rapport d'expertise déposé par M. [N] le 20 février 2012, de le débouter de l'intégralité de ses demandes et de dire que les frais de l'expertise seront supportés par moitié par chacune des parties, alors : « 1°/ que l'article 17-7 des statuts de la SCM prévoyait que "la société étant une société à capital variable, chaque associé dispose également de la possibilité de "démissionner", c'est-à-dire que souhaitant se retirer, il peut demander à la société de lui acheter ses parts. Dans ce cas, il doit adresser une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la gérance, qui dispose d'un délai de deux mois pour lui répondre. La gérance peut accepter elle-même la décision mais sous réserve de ratification par la plus proche réunion des associés statuant dans les conditions de quorum et de majorité requises pour les décisions ordinaires, laquelle fixe également les conditions et les délais du paiement de la valeur des parts, à moins que ces modalités aient été fixées par le Règlement Intérieur. En cas de démission, les parts sont achetées par la société par diminution du capital effectif et des réserves. La valeur retenue est celle déterminée par le Règlement Intérieur. A défaut, elle est fixée par l'assemblée des associés qui statue sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance. En cas de contestation, la valeur est déterminée à dire d'Expert, comme indiqué ci-dessus en matière de cession" ; qu'il résulte uniquement de cette clause que l'assemblée générale saisie pour ratifier la décision qui peut être prise par la gérance d'accepter la "démission" d'un associé, fixe les conditions et délais du paiement de la valeur des parts, et que la valeur des parts de l'associé désirant se retirer de la SCM est celle déterminée par le règlement intérieur, ou à défaut celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance, sans que ne soit déterminée la date devant être prise en considération pour évaluer les parts de l'associé retrayant ; qu'en jugeant que, "en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations", de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la société SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, la cour d'appel a dénaturé l'article 17-7 des statuts de la SCM, en violation de l'article 1134, devenu 1192, du code civil, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents qui sont soumis à leur examen ; 2°/ qu'en toute hypothèse, en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en jugeant qu'en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations, de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, quand cette clause se bornait à prévoir que la valeur des parts de l'associé retrayant était celle fixée par le règlement intérieur ou à défaut, celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou l'acceptation de celle-ci par la gérance, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une clause statutaire qui dérogerait au principe selon lequel la valeur des droits de l'associé retrayant doit être fixée à la date la plus proche possible du remboursement, a méconnu les articles 1134, devenu 1103, et 1843-4 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 ; 4°/ qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que la valeur des parts de M. [Y] devait être déterminée à la date à laquelle la démission de M. [Y] avait été acceptée par l'assemblée générale de la SCM, soit le 16 juin 1998, date à laquelle cette assemblée générale avait également fixé la valeur des parts sociales de M. [Y], la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles 1843-4 et 1869 du code civil qu'en l'absence de dispositions contraires des statuts, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits, auquel il est procédé selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts, sans préjudice du droit pour l'associé qui conteste cette valeur, de la faire déterminer, à la date du remboursement ainsi effectué, par un expert désigné dans les conditions prévues par le premier de ces textes. 7. Si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que la date à laquelle est statutairement fixée l'évaluation des parts est nécessairement celle, s'imposant à l'expert, du jour où est officiellement acté le retrait de l'associé, soit en l'espèce en 1998, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors qu'en se plaçant à la date d'établissement de son rapport, en 2012, et non à la date à laquelle la SCM a, le 28 janvier 2002, remboursé ses parts sociales à M. [Y] à la valeur fixée par l'assemblée des associés, l'expert a commis une erreur grossière. 8. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. 9. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y] et le condamne à payer à la Société civile des Mousquetaires la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [Y]. M. [K] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le rapport d'expertise rendu par M. [N] le 20 février 2012, de l'avoir débouté de l'intégralité de ses demandes et d'avoir dit que les frais de l'expertise seraient supportés par moitié par chacune des parties ; Alors 1°) que l'article 17-7 des statuts de la Société Civile des Mousquetaires (pièce n° 1 produite devant la cour d'appel par M. [Y]) prévoyait que « la société étant une société à capital variable, chaque associé dispose également de la possibilité de « démissionner », c'est-à-dire que souhaitant se retirer, il peut demander à la société de lui acheter ses parts. Dans ce cas, il doit adresser une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la gérance, qui dispose d'un délai de deux mois pour lui répondre. La gérance peut accepter elle-même la décision mais sous réserve de ratification par la plus proche réunion des associés statuant dans les conditions de quorum et de majorité requises pour les décisions ordinaires, laquelle fixe également les conditions et les délais du paiement de la valeur des parts, à moins que ces modalités aient été fixées par le Règlement Intérieur. En cas de démission, les parts sont achetées par la société par diminution du capital effectif et des réserves. La valeur retenue est celle déterminée par le Règlement Intérieur. A défaut, elle est fixée par l'Assemblée des Associés qui statue sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance. En cas de contestation, la valeur est déterminée à dire d'Expert, comme indiqué ci-dessus en matière de cession » ; qu'il résulte uniquement de cette clause que l'assemblée générale saisie pour ratifier la décision qui peut être prise par la gérance d'accepter la « démission » d'un associé fixe les conditions et délais du paiement de la valeur des parts, et que la valeur des parts de l'associé désirant se retirer de la SCM est celle déterminée par le règlement intérieur, ou à défaut celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance, sans que ne soit déterminée la date devant être prise en considération pour évaluer les parts de l'associé retrayant ; qu'en jugeant qu' « en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations », de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la société SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, la cour d'appel a dénaturé l'article 17-7 des statuts de la SCM, en violation de l'article 1134 (devenu 1192) du code civil, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les documents qui sont soumis à leur examen ; Alors 2°) et en toute hypothèse, qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en jugeant qu'en prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations, de sorte que c'était à la date de la décision acceptant la démission de M. [Y] de la SCM que l'expert devait se placer pour évaluer les parts de l'associé retrayant, quand cette clause se bornait à prévoir que la valeur des parts de l'associé retrayant était celle fixée par le règlement intérieur ou à défaut, celle fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou l'acceptation de celle-ci par la gérance, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une clause statutaire qui dérogerait au principe selon lequel la valeur des droits de l'associé retrayant doit être fixée à la date la plus proche possible du remboursement, la cour d'appel a méconnu les articles 1134 (désormais 1103) et 1843-4 du code civil (ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014) ; Alors 3°) et en outre que sous l'empire de l'article 1843-4 du code civil, dans sa version applicable antérieurement à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, l'expert désigné sur le fondement de ce texte est libre du choix de la méthode d'évaluation des titres sociaux et n'est en particulier pas tenu par celle choisie par les parties, ou par les critères d'évaluation qui pourraient résulter des statuts ; qu'en faisant application de l'article 17-7 des statuts de la SCM prévoyant que l'assemblée générale de la société statuant sur l'acceptation de la démission fixerait également les conditions et délais de paiement de la valeur des parts, et qui disposait qu'en cas de démission, les parts seraient rachetées par la société à une valeur déterminée par le règlement intérieur ou à défaut, fixée par l'assemblée générale statuant sur la démission ou l'acceptation de celle-ci par la gérance, la cour d'appel, sous couvert de déterminer la date à laquelle l'expert devait se placer pour évaluer les droits sociaux de M. [Y], a imposé à l'expert une modalité d'évaluation de ces droits, en violation de l'article 1843-4 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014) ; Alors 4°) et enfin qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges (jugement de première instance, p. 14-15), que la valeur des parts de M. [Y] devait être déterminée à la date à laquelle la démission de M. [Y] avait été acceptée par l'assemblée générale de la SCM, soit le 16 juin 1998, date à laquelle cette assemblée générale avait également fixé la valeur des parts sociales de M. [Y], la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014). Sur la date d'évaluation des droits sociaux de l'associé en cas de retrait, à rapprocher : Com., 4 mai 2010, pourvoi n° 08-20.693, Bull. 2010, IV, n° 85 (cassation partielle).
CASS/JURITEXT000046555877.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 658 F-B Pourvoi n° Z 20-19.077 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. [L] [V]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 Mai 2021 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Mme [R] [V], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-19.077 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société HEP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à M. [L] [V], domicilié [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [V], de Me Balat, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juin 2020), la société à responsabilité limitée HEP a été constituée le 5 mai 2014 entre Mme [V], M. [V] et M. [D], Mme [V] en étant la gérante. 2. La société HEP a notamment pour objet social l'exploitation d'un café, bar, brasserie ainsi que toutes opérations immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à cette exploitation. Elle a, pour exercer son activité, conclu le 17 juillet 2014 un bail commercial portant sur un local à usage commercial situé à [Localité 4] (Hauts-de-France). 3. La SCI des Collières, constituée entre Mme [V] et M. [D], a, le 14 mars 2017, acquis l'immeuble comprenant le local à usage commercial loué par la société HEP pour exercer son activité. 4. M. [V] a, par un acte du 1er septembre 2017, assigné Mme [V] et la société HEP, représentée par Mme [V], aux fins de voir condamner Mme [V] à payer des sommes en réparation de son préjudice et de celui subi par la société HEP. Mme [V] a opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que la société HEP n'était pas valablement représentée faute de désignation d'un mandataire ad hoc. Examen des moyens Sur les premier et deuxième moyens, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de dire que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué à son devoir de loyauté à l'égard de M. [V] et de la condamner à payer à M. [V] une somme en réparation de son préjudice moral, et sur le quatrième moyen, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que la société HEP n'est pas régulièrement représentée dans l'instance relative à l'action sociale exercée par M. [V], de dire que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué à son devoir de loyauté à l'égard de la société HEP et de la condamner à payer à la société HEP une somme à titre de dommages-intérêts Enoncé du moyen 6. Mme [V] fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir présentée en défense, de dire qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et, en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP engageant sa responsabilité, et de condamner Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce, avec intérêts au taux légal, alors : « 1° / qu'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui se prononce sur les mérites de l'action ut singuli tant que la société n'est pas valablement représentée à l'instance ; qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'en retenant pourtant que "l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action" , la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 2°/ qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'il appartient à la juridiction saisie de désigner ce mandataire ad hoc ; qu'en retenant, par motifs propres et éventuellement adoptés, que M. [V] n'avait pas qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc et que Mme [V] n'avait elle-même pas formé une demande aux fins de désignation d'un tel mandataire ad hoc, quand il appartenait au juge lui-même de procéder à cette désignation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 3°/ que le représentant légal de la société en exercice se trouve nécessairement en état de conflit d'intérêts lorsque l'action ut singuli est exercée à son encontre, et non contre l'un de ses prédécesseurs ; qu'en retenant pourtant qu'en l'absence de demande de Mme [V] contre la société HEP, il n'existerait pas de conflit d'intérêts, quand Mme [V], partie dont était sollicitée la condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la société HEP, était représentant légal de la société HEP, la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu l'article R. 223-32 du code de commerce et les principes qui régissent l'excès de pouvoir : 7. Selon ce texte, lorsque l'action sociale est intentée par un associé, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux. Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l'instance lorsqu'il existe un conflit d'intérêts entre celle-ci et ses représentants légaux. 8. Il en résulte que l'action sociale exercée par un associé n'est recevable que si la société est régulièrement représentée dans l'instance. Lorsqu'il existe un conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société ne peut être régulièrement représentée que par un mandataire ad hoc, qu'il appartient au juge de désigner à la demande de l'associé ou du représentant légal ou, le cas échéant, d'office. 9. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que la société HEP n'était pas régulièrement représentée dans l'instance relative à l'action sociale exercée par M. [V] et condamner Mme [V] à payer à cette société des dommages-intérêts en réparation de son préjudice, l'arrêt, après avoir constaté, dans son en-tête, que Mme [V] était assignée à la fois à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de la société HEP, retient, par motifs propres et adoptés, que si l'action ut singuli exige, en raison de sa nature sociale, la mise en cause régulière de la société par l'intermédiaire de son représentant légal, l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action, que Mme [V] ne sollicite pas elle-même la désignation d'un mandataire ad hoc et qu'il n'existe pas de conflit d'intérêts entre cette dernière et la société HEP, dès lors que Mme [V] ne forme aucune demande à l'encontre de la société. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme [V] avait été assignée à la fois à titre personnel et en tant que représentante légale de la société HEP et que, par suite, il existait un conflit d'intérêts entre la société HEP, prétendument victime des agissements de sa gérante, et cette dernière, ce dont elle aurait dû déduire qu'elle devait désigner un mandataire ad hoc pour que la société HEP soit régulièrement représentée, peu important qu'elle n'ait pas été saisie d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il écarte la fin de non-recevoir soulevée par Mme [V] et en ce qu'il dit que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP et la condamne à verser à la société HEP la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, l'arrêt rendu le 11 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ; Condamne M. [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme [V]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la fin de non-recevoir présentée en défense, d'avoir dit qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP engageant sa responsabilité, et d'avoir condamné Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal, et d'avoir condamné Mme [V] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la recevabilité des demandes : que la cour relève en premier lieu qu'aucune des parties n'a fait signifier ses écritures à la société HEP partie défaillante ; que pour autant les demandes de M. [L] [V] ne sont pas faites contre la société HEP mais à son profit, et Mme [R] [V] ne forme pas plus de demande à l'encontre de la société HEP ; que Mme [R] [V] conclut à l'irrecevabilité des demandes de M. [L] [V] faute de désignation d'un mandataire ad hoc appelé à représenter dans la présente procédure la société HEP ; qu'elle expose que ses intérêts sont divergents de ceux de la société HEP et que cette dernière n'est pas valablement représentée dans le cadre de la procédure ; qu'il résulte de l'article L223-22 du Code de commerce que le gérant d'une société est tenu à l'égard tant de la société que de ses associés à une obligation de loyauté et qu'il engage sa responsabilité si l'inexécution de cette obligation engendre un préjudice ; que selon l'article R223-32 du même code : "Lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs associés, agissant soit individuellement, soit dans les conditions prévues à l'article R. 223-31, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux. Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l'instance, lorsqu'il existe un conflit d'intérêt entre celle-ci et ses représentants légaux" ; qu'ainsi, la loi autorise l'exercice de l'action sociale par un associé agissant individuellement à l'effet d'obtenir, outre l'allocation de dommages et intérêts à son profit, l'allocation de dommages et intérêts au profit de la société ; qu'il s'agit donc d'un droit propre des associés de présenter des demandes en réparation au profit de la société ; qu'en conséquence, si l'action ut singuli exige, en raison de sa nature sociale, la mise en cause régulière de la société par l'intermédiaire de son représentant légal, l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action ; que la fin de non-recevoir soulevée par l'action de Mme [R] [V], qui ne sollicite pas elle-même une telle désignation d'un mandataire ad hoc et qui au demeurant ne forme aucune demande à l'encontre de la société HEP, sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef» ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « si elle estimait se trouver en conflit d'intérêts, il appartenait à la gérante de la personne morale, co-assignée de solliciter la désignation d'un mandataire distinct chargé de représenter cette société dans le cadre du présent procès, tandis que le demandeur, associé de la SARL et non pas son représentant, n'avait pas qualité à solliciter une telle désignation ; que l'absence de requête en telle désignation de la part de Mme [R] [D]-[V], première défenderesse, ne rend pas pour autant irrecevable l'action de M. [L] [V], étant aussi observé qu'aucune demande n'est d'ailleurs présentée au fond par la gérante envers la SARL, d'où l'absence de conflit d'intérêts en ce sens ; que la fin de non-recevoir sera donc écartée et qu'il sera statué par jugement réputé contradictoire, sachant quant au fond et au vu de l'article 472 du CPC, qu'envers la partie non comparante il ne peut être fait droit à la demande que dans la mesure où elle se trouve bien fondée » ; 1/ ALORS QU'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui se prononce sur les mérites de l'action ut singuli tant que la société n'est pas valablement représentée à l'instance ; qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'en retenant pourtant que « l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action », la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 2/ ALORS QU'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'il appartient à la juridiction saisie de désigner ce mandataire ad hoc ; qu'en retenant, par motifs propres et éventuellement adoptés, que M. [V] n'avait pas qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc et que Mme [V] n'avait elle-même pas formé une demande aux fins de désignation d'un tel mandataire ad hoc, quand il appartenait au juge lui-même de procéder à cette désignation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article R. 223-32 du code de commerce, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ; 3/ ALORS QUE le représentant légal de la société en exercice se trouve nécessairement en état de conflit d'intérêts lorsque l'action ut singuli est exercée à son encontre, et non contre l'un de ses prédécesseurs ; qu'en retenant pourtant qu'en l'absence de demande de Mme [V] contre la société HEP, il n'existerait pas de conflit d'intérêts, quand Mme [V], partie dont était sollicitée la condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la société HEP, était représentant légal de la société HEP, la cour d'appel a violé l'article R. 223-32 du code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'avoir dit qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté tant à l'égard de la société HEP que de M. [V], engageant sa responsabilité, d'avoir condamné Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal, et d'avoir condamné Mme [V] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS QUE : « sur la faute de gestion reprochée à Mme [V] : que l'action ut singuli de M. [L] [V] est fondée sur le droit commun des sociétés en vertu duquel le gérant d'une société est tenu d'une obligation de loyauté et ne doit pas commettre de faute de gestion ; qu'il reproche à Mme [R] [V], gérante de la SARL HEP, d'avoir gardé le silence quant au projet de cession de l'immeuble d'exploitation de la société HEP et des garages associés, d'avoir acquis par l'intermédiaire de la SCI des Collières l'ensemble immobilier litigieux au détriment des intérêts de la société HEP et d'avoir ainsi commis des fautes de gestion qui ont causé un préjudice direct et certain tant à la société HEP qu'à lui-même en sa qualité d'associé minoritaire de ladite société ; que Mme [R] [V] fait valoir en substance qu'elle n'a réalisé aucune manoeuvre au préjudice de son frère ou de la société HEP, laquelle n'avait pas pour objet social l'acquisition de biens immobiliers et ne disposait d'aucune capacité financière à procéder à l'acquisition des locaux litigieux ; elle ajoute que le bailleur n'avait aucune obligation de notifier à l'un de ses locataires le projet de cession globale, raison pour laquelle le notaire du bailleur s'est contenté d'une présentation informelle et orale de la mise en vente d'un ensemble immobilier et qu'elle n'avait elle-même aucune raison de convoquer une assemblée générale des associés de la société HEP pour les informer de la mise en vente d'un ensemble immobilier comprenant notamment le bien constituant le local commercial au sein duquel le fonds de commerce était exploité ; qu'elle poursuit en indiquant que son frère, [L] [V], était informé de la vente de l'immeuble par les anciens propriétaires et se prévaut à l'appui de cette affirmation d'attestations dont celle de M. [D], ainsi que du courrier que lui a adressé M. [V] le 2 mars 2017 ; qu'il est constant que figure parmi les obligations du dirigeant social celle de veiller et d'agir en toute circonstance dans l'intérêt exclusif de la société et qu'à ce titre, son comportement ne doit pas affecter la situation ou le développement économique de la société ; que de façon plus générale, il est tenu d'agir en toutes circonstances de bonne foi dans l'intérêt de la société et de ses associés ; qu'il convient donc en l'espèce de rechercher si Mme [R] [V] a agi dans le respect de cette obligation ; que Mme [R] [V] a, en sa qualité de gérante de la société HEP, été avertie par le bailleur et/ou le notaire habituel des parties que le bailleur entendait céder une partie de son patrimoine immobilier, dont principalement l'immeuble exploité par la société HEP et les garages attachés, et M. [L] [V] démontre avoir eu connaissance de cette information par un tiers ; qu'à cet égard l'attestation de M. [D] selon laquelle les trois associés étaient informés de la décision de la fille des propriétaires de procéder à la vente de l'ensemble immobilier ne peut emporter la conviction de la cour dès lors que le témoin est le concubin de Mme [V], lui-même associé de la société HEP et par ailleurs cogérant avec Mme [V] de la SCI des Collières créée spécifiquement en vue de l'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 3] ; que les autres attestations produites par Mme [R] [V] selon lesquelles M. [L] [V] était présent lors de l'annonce de la mise en vente de l'immeuble le 18 septembre 2016, sont tout aussi dénuées de portée, quel que soit l'endroit, le jour ou l'heure où M. [V] fêtait son anniversaire, dès lors que les témoins ne font état que d'une prétendue discussion informelle entre le notaire et Mme [V] à laquelle aurait assisté M. [V], ce d'autant qu'il résulte aussi d'un autre témoignage que Mme [V] a indiqué courant janvier 2017 que l'immeuble n'était pas à vendre et qu'en tout état de cause il n'était pas dans ses intentions de l'acheter ; qu'enfin le courrier de M. [L] [V] adressé à sa soeur Mme [V] le 2 mars 2017, soit 12 jours avant la signature de l'acte de vente du bien intervenue le 14 mars 2017, resté sans réponse, et aux termes duquel, ce dernier se fondant sur la croyance erronée de l'existence d'un droit de préemption au profit de la société HEP, sollicitait des informations "sur la vente de l'immeuble" n'est pas de nature à dispenser Mme [V], dirigeante de la société HEP, de sa propre obligation de loyauté et d'information en cette qualité ; qu'il résulte de ces éléments qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières constituée à cet effet le 23 décembre 2016 et immatriculée le 3 février 2017, et dont elle est cogérante avec son concubin M. [D], Mme [R] [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société tant à l'égard de la société HEP en tant que personne morale qu'à l'égard de M. [L] [V] en tant qu'associé ; qu'elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité et susceptible de causer un préjudice » ; ALORS QUE ne manque pas à son devoir de loyauté le dirigeant social qui informe ses associés de son projet d'acquisition de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté l'existence d'un « courrier de M. [L] [V] adressé à sa soeur Mme [V] le 2 mars 2012, soit 12 jours avant l'acte de vente du bien intervenu le 14 mars 2017, resté sans réponse, et aux termes duquel, ce dernier se fondant sur la croyance erronée de l'existence d'un droit de préemption au profit de la société HEP, sollicitait des informations « sur la vente de l'immeuble » » ; qu'il en résultait nécessairement que M. [V], avant même la vente, était informé de l'existence du projet d'acquisition de Mme [V], de sorte que cette dernière avait rempli ses obligations ; qu'en retenant pourtant que cette lettre ne serait « pas de nature à dispenser Mme [V], dirigeante de la société HEP, de sa propre obligation de loyauté et d'information en cette qualité » (arrêt, p. 5, dernier alinéa), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 223-22 du code de commerce. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS QUE : « sur le préjudice : que s'agissant de la société HEP, l'appelant invoque la perte de chance de préserver ses intérêts et limiter tout risque de contentieux lié à un bail commercial, de réaliser des économies quant au règlement des loyers commerciaux, de réaliser des profits sur l'exploitation de son patrimoine immobilier et d'accroître les actifs immobilisés et donc le gage de ses créanciers ; que M. [L] [V] fait ainsi valoir que la société HEP a perdu une chance certaine d'acquérir l'immeuble en cause et de réaliser de substantielles économies et de réels profits. Il indique que la société HEP aurait eu la capacité financière d'acquérir l'immeuble, notamment avec son intervention, et qu'elle avait d'ailleurs tout intérêt à l'acquérir, que le bail qui lui est consenti par la SCI Des Collières pour la location des locaux servant à l'exploitation de son fonds de commerce représente à lui seul un loyer mensuel de 1 950 euros et que l'ensemble des loyers perçus par la SCI des Collières s'élèverait a minima à la somme de 2 430 euros chaque mois, que le bénéfice mensuel minimal est donc de 2 880 euros une fois le crédit amorti sur 15 ans et verse aux débats en pièce n° 15 un "tableau de calcul du préjudice de la société HEP actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble" chiffrant le préjudice de la société HEP sur une durée de 30 ans à la somme de 645 073, 20 euros [..] ; que Mme [R] [V] réplique que la société HEP ne pouvait réaliser une opération immobilière, qu'elle n'a subi aucun préjudice ni n'a été écartée d'aucun profit potentiel faute pour elle de disposer des ressources qui lui auraient permis l'acquisition de ses locaux d'exploitation, que la société est titulaire d'un bail commercial notarié et bénéficie donc de la garantie accordée par le statut des baux commerciaux à tout locataire commercial, en ce compris le droit au renouvellement ; qu'elle ajoute que les réclamations personnelles de M. [V] font le cas échéant double emploi puisque celui-ci ne peut à la fois voir reconstituer par une action ut singuli un actif social dont il serait bénéficiaire au prorata de sa détention dans le capital social, et formuler par ailleurs la même demande à l'encontre de la même personne physique que celle qui aurait à restaurer l'actif social ; qu'il résulte des statuts de la société HEP que celle-ci avait notamment pour objet social d'acquérir l'immeuble litigieux dès lors qu'il permettait de sauvegarder directement ou indirectement ses intérêts commerciaux ou financiers ; que la société HEP a donc été privée de la possibilité de faire entrer dans son patrimoine un immeuble dont la valeur a été estimée à 345 000 euros en 2017 ; que par ailleurs, si la société HEP n'avait manifestement pas les capacités financières de procéder à l'acquisition de l'immeuble, M. [L] [V] se plaignant lui-même de difficultés dans un courrier adressé à Mme [R] [V] daté du 11 mars 2019 et faisant suite à une assemblée du 11 décembre 2018, il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire, la SCI des Collières, cogérée par Mme [R] [V] ayant elle-même acquis l'immeuble au moyen d'un prêt consenti par la Banque Populaire du Nord, remboursable en 15 ans par mensualités de 2 176,26 euros avec un taux d'intérêt de 1, 5 % selon l'acte de cession versé aux débats ; qu'enfin l'acquisition de l'immeuble rendait nécessairement le bail commercial dont bénéficie la société HEP sans objet et la demande de remboursement de son compte courant d'associé par M. [L] [V] n'a aucune incidence sur le préjudice subi par la société HEP ; que le loyer mensuel de la société HEP est à ce jour de 1 950 euros ; que le coût du crédit octroyé à la SCI des Collières pour l'acquisition de l'immeuble est de 2 176, 26 euros sur une durée de 15 ans et la SCI perçoit actuellement des revenus locatifs de 750 euros par mois qui seront portés à 810 euros mensuels lorsque le deuxième garage sera loué, et dont devront être déduites les charges foncières imputables au propriétaire ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la perte de chance de la société HEP doit être fixée à la somme de 50 000 euros » ; 1/ ALORS QUE le manquement du dirigeant qui omet d'informer la société et ses associés de son projet d'acquisition immobilière, dont il a eu connaissance à l'occasion de son mandat social, ne cause un dommage à la société que si elle était en mesure elle-même de mener à bien l'acquisition ; qu'il est donc nécessaire que l'acquisition immobilière ait été susceptible de s'inscrire dans l'objet social de la société ; qu'en l'espèce, Mme [V] soulignait dans ses conclusions qu'avait été mis en vente un ensemble immobilier comprenant non seulement le local au sein duquel était exploité le fonds de commerce, mais également des locaux à usage d'habitation et deux garages totalement étrangers à l'exploitation commerciale de la société HEP, de sorte que l'opération excédait son objet social (conclusions, p. 7) ; qu'en retenant pourtant qu' « il résulte des statuts de la société HEP que celle-ci avait notamment pour objet social d'acquérir l'immeuble litigieux dès lors qu'il permettait de sauvegarder directement ou indirectement ses intérêts commerciaux ou financiers » (arrêt, p. 7, alinéa 2), sans s'expliquer, comme elle était invitée à le faire, sur la circonstance que l'immeuble litigieux était un ensemble immobilier dont l'usage excédait sensiblement les nécessités de l'exploitation commerciale et financière du fonds de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-22 du code de commerce ; 2/ ALORS QU'il appartient à celui qui se prétend victime d'un dommage d'en établir l'existence ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'est pas établi qu'elle [la société HEP] n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire » pour financer l'acquisition d'un montant de 345 000 euros, quand il incombait à M. [V], agissant au bénéfice de la société HEP, d'établir l'existence du supposé dommage causé par la prétendue faute de Mme [V], la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ; 3/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le manquement du dirigeant qui omet d'informer la société et ses associés de son projet d'acquisition immobilière, dont il a eu connaissance à l'occasion de son mandat social, ne cause un dommage à la société que si elle était en mesure elle-même de mener à bien l'acquisition ; qu'il est donc nécessaire que la société ait été en mesure de financer l'acquisition litigieuse ; qu'en l'espèce, Mme [V] soulignait dans ses conclusions qu'il résultait du premier bilan de la société HEP, pour la période du 5 mai 2014 au 30 juin 2015, que la société était très endettée dès sa création puisqu'elle avait acquis à crédit un fonds de commerce d'une valeur nette de 112 000 euros, qu'elle restait devoir au titre de l'emprunt une somme de 93 601 €, et que son capital social n'était que de 5 000 euros ; qu'elle établissait encore que le deuxième exercice s'était soldé par une perte de 5 630 euros, et que le troisième exercice ne révélait un bénéfice comptable de la société HEP que de 14 595 euros ; que Mme [V] versait aux débats, au soutien de ce moyen, les trois premiers bilans comptables de la société HEP (pièces n° 1 à 3) ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire » pour financer l'acquisition d'un montant de 345 000 euros sans s'expliquer, serait-ce sommairement, sur ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE) Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Mme [V] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, et ce avec intérêts au taux légal ; AUX MOTIFS QUE : « sur le préjudice [...] : s'agissant de son propre préjudice, M. [L] [V] invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre ultérieurement ses parts sociales avec valorisation ; que compte tenu du fait qu'il détient 30 % du capital de la société HEP, il évalue son préjudice personnel à la somme de 193 521, 96 euros selon "tableau de calcul du préjudice de M. [V] actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble" qu'il produit en pièce n° 16 ; qu'enfin il invoque un préjudice moral résultant du fait que la gérante de la société HEP est sa soeur en qui il avait pleine confiance, ajoutant que sans son intervention financière, la société HEP n'aurait pas pu exister ni prospérer et qu'il se retrouve désormais associé minoritaire dans une société au climat délétère, qu'il évalue à la somme de 15 000 euros [...] ; que s'agissant du préjudice personnel de M. [L] [V], celui-ci invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre à meilleur prix ses parts sociales ; que l'indemnisation de ce préjudice personnel ne fait pas double emploi avec celui subi par la société dès lors qu'il est expressément prévu par l'article L223-22 du Code du commerce en sus de l'action sociale en responsabilité contre les gérants ; qu'il est rappelé que les dividendes n'ont pas d'existence juridique avant l'approbation de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé ; que ces conditions multiples, ajoutées au fait qu'en l'espèce Mme [R] [V] et M. [D] sont associés majoritaires de la SARL HEP rendent la perte de chance invoquée par M. [L] [V] totalement incertaine ; que par ailleurs, s'il est possible de considérer que l'acquisition des murs aurait augmenté la valeur de la société, encore aurait-il fallu que celle-ci ait pu supporter le remboursement total du prêt d'acquisition, ce qui n'est pas plus certain en l'espèce ; qu'il en résulte que M. [L] [V] qui ne démontre pas une perte de chance certaine, doit être débouté de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice personnel ; qu'il a en revanche subi un préjudice moral de par la perte de confiance en son associée, qui est par ailleurs sa soeur, qui sera réparée par l'octroi de la somme de 3 000 euros » ; ALORS QUE Mme [V] soulignait dans ses conclusions que la faute qui lui était imputée n'était pas à l'origine du dommage moral invoqué par son frère dès lors que leurs relations s'étaient dégradées de longue date, de sorte que si M. [V] avait perdu confiance en sa soeur, cette circonstance n'était en rien imputable à l'acquisition litigieuse (conclusions, p. 12) ; qu'en retenant pourtant que M. [V] aurait « subi un préjudice moral de par la perte de confiance en son associée, qui est par ailleurs sa soeur » (arrêt, p. 8, alinéa 1er), sans aucunement rechercher si ce préjudice était imputable à la faute supposée de Mme [V], ou s'il ne résultait pas d'une dégradation antérieure de leurs relations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-22 du code de commerce.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. VIGNEAU, président Arrêt n° 662 FS-B Pourvoi n° R 21-10.540 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 M. [T] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-10.540 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Littoral FM et de communication (SOLICO), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [L], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Littoral FM et de communication, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Bedouet, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Tostain, MM. Boutié, Gillis, Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 novembre 2020) et les productions, par un acte du 7 juillet 2009, M. [L] a acquis un certain nombre de parts de la société à responsabilité limitée à capital variable Littoral FM et de communication (la société SOLICO), membre du GIE Les indépendants (le GIE). 2. L'article 13.3 des statuts de la société SOLICO stipule que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts. 3. Lors de l'assemblée générale de la société SOLICO du 17 octobre 2012, les associés ont voté l'exclusion de M. [L]. 4. Invoquant l'absence d'indication, dans les statuts de la société SOLICO, des motifs d'exclusion d'un associé, M. [L] l'a assignée en annulation de la clause d'exclusion. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 6. M. [L] fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion prévue dans les statuts de la société SOLICO n'est pas nulle, et, en conséquence, de dire que la procédure de son exclusion est régulière, de dire que le motif de son exclusion n'est pas abusif, de rejeter ses demandes de réintégration et de dommages-intérêts et de dire la réduction de capital de la société SOLICO légitime et fondée, alors « qu'une clause statutaire stipulant la faculté d'exclure un associé n'est licite que si elle précise les causes justifiant cette exclusion ; qu'en affirmant au contraire la validité de l'article 13.3 des statuts de la société SOLICO permettant l'exclusion d'un associé "pour justes motifs", peu important que ces statuts ne définissent pas, de manière limitative, les causes d'exclusion possibles, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article L. 231-6 du code de commerce. » Réponse de la Cour 7. Il résulte de l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de commerce qu'est licite une clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, quand bien même cette clause ne précise pas les motifs d'exclusion. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à la société Littoral FM et de communication la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [L]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la clause d'exclusion prévue dans les statuts de la société SOLICO n'est pas nulle et, en conséquence, d'AVOIR dit que la procédure d'exclusion de Monsieur [T] [L] est régulière, d'AVOIR dit que le motif d'exclusion de M. [T] [L] n'est pas abusif, d'AVOIR débouté M. [T] [L] de ses demandes de réintégration et de dommages-intérêts et d'AVOIR dit la réduction de capital de la société SOLICO légitime et fondée ; AUX MOTIFS QU'aux termes du premier alinéa de l'article 13.3 des statuts : « Tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale et statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts » ; que l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de commerce, applicable aux sociétés commerciales à capital variable, dispose qu'il peut être stipulé que l'assemblée générale a le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l'un ou plusieurs des associés cessent de faire partie de la société ; qu'il ne peut être soutenu, par référence aux dispositions de l'article L. 227-16 selon lesquelles les statuts d'une société par actions simplifiée peuvent, dans les conditions qu'ils déterminent, prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions, que la clause insérée à l'article 13.3 des statuts serait nulle au motif que les causes d'exclusion de l'associé ne sont pas précisément définies ; que la clause litigieuse prévoit, en effet, que l'exclusion doit être justifiée par un juste motif ce qui, à l'évidence, oblige l'assemblée générale, statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, à n'exclure l'associé que pour un motif sérieux et légitime, peu important que les statuts ne définissent pas, de manière limitative, les causes d'exclusion possibles, d'autant que la mise en oeuvre de la clause d'exclusion statutaire est soumise au contrôle des juridictions en ce qui concerne l'appréciation tant du motif d'exclusion que de la régularité de la procédure mise en oeuvre ; que le premier juge a ainsi justement rejeté la demande de M. [L] visant à obtenir l'annulation de la clause insérée à l'article 13.3 des statuts ; 1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour juger valable la clause d'exclusion d'un associé figurant à l'article 13.3 des statuts de la société SOLICO, la cour d'appel a statué au visa de l'article L. 231-6, alinéa 2, du code de commerce applicable aux sociétés commerciales à capital variable, en indiquant qu'il résulte de ce texte que, dans ces sociétés, il peut être stipulé à la majorité fixée pour la modification des statuts que l'un ou plusieurs des associés cessent de faire partie de la société ; qu'en relevant ce moyen d'office, dès lors qu'il n'était pas invoqué par M. [L] et que les conclusions d'appel de la société SOLICO avaient été jugées irrecevables, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'une clause statutaire stipulant la faculté d'exclure un associé n'est licite que si elle précise les causes justifiant cette exclusion ; qu'en affirmant au contraire la validité de l'article 13.3 des statuts de la société SOLICO permettant l'exclusion d'un associé «pour justes motifs», peu important que ces statuts ne définissent pas, de manière limitative, les causes d'exclusion possibles, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil et l'article L. 231-6 du code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la procédure d'exclusion de M. [T] [L] est régulière, d'AVOIR dit que le motif d'exclusion de M. [T] [L] n'est pas abusif et d'AVOIR débouté M. [T] [L] de ses demandes de réintégration et de dommages-intérêts ; AUX MOTIFS QUE l'article 13.3, alinéa 2, des statuts est ainsi rédigé : «L'associé susceptible d'être exclu est convoqué spécialement au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'assemblée générale qui peut procéder à son exclusion tant en sa présence qu'en son absence. Les griefs invoqués à l'encontre de l'associé susceptible d'être exclu doivent lui être préalablement communiqués au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception le convoquant spécialement à l'assemblée générale devant statuer sur son exclusion afin qu'il puisse librement exprimer les motifs de son désaccord sur le projet d'exclusion, lesquels devront, en tout état de cause, être portés dans le procès-verbal de l'assemblée générale l'ayant décidée» ; que dans le cas présent, M. [L] a été convoqué à l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2012, reportée à sa demande au 17 octobre suivant, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 septembre 2012 précisant très clairement les griefs invoqués à son encontre, à savoir le contentieux prud'homal l'opposant au GIE Les Indépendants susceptible d'entraîner l'exclusion de la société SOLICO du GIE en application de son règlement intérieur, modifié par une assemblée générale du 12 décembre 2011, prévoyant désormais, conformément à l'article 13.1, que tout adhérent ou membre cesse de plein droit d'être adhérent ou membre du GIE, sauf décision contraire du conseil d'administration, en cas d'entrée dans le capital de l'adhérent ou du membre concerné d'une entité ou d'une personne physique ayant initié une procédure contentieuse à l'encontre du GIE et/ou de ses organes de direction et dont la procédure est pendante à la date d'entrée dans le capital ou dont la procédure est éteinte depuis moins de trois ans à la date d'entrée dans le capital ; qu'il a également été joint à la lettre de convocation le rapport de gestion de la gérance à l'assemblée générale extraordinaire reprenant les termes de la lettre de convocation relativement au risque d'exclusion de la société SOLICO du GIE Les Indépendants en raison du contentieux, datant de moins de trois ans, ayant opposé M. [L] à celui-ci, le risque d'exclusion étant, selon le rapport de gestion, contraire à l'intérêt social du fait que l'essentiel des ressources de la société provient des recettes publicitaires dont elle bénéficie en sa qualité de membre du GIE ; qu'il résulte des énonciations du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 17 octobre 2012 que l'exclusion de M. [L] a été votée, aux termes de la troisième résolution, par 430 voix contre 70, après qu'une discussion se soit ouverte au cours de laquelle l'intéressé a exposé à l'assemblée les raisons qui, selon lui, ne justifieraient pas son éventuelle exclusion de la société, sujet qui constitue le point principal de l'ordre du jour de la présente assemblée, celui-ci considérant, en effet, que les motifs avancés dans le courrier de convocation qui lui a été adressé par le gérant ne sont pas fondés pour décider de cette exclusion ; que contrairement à ce qu'indique M. [L], dans un courrier adressé le 15 novembre 2012 au gérant, rien ne permet d'affirmer que la résolution a été adoptée avant qu'il n'ait pu présenter à l'assemblée les motifs de son désaccord sur le projet d'exclusion, dont il faisait l'objet ; qu'en toute hypothèse, le procès-verbal de l'assemblée générale, qui se borne à indiquer que M. [L] a exposé à l'assemblée les raisons qui, selon lui, ne justifieraient pas son éventuelle exclusion de la société, ne mentionne pas, de manière précise, les motifs de son désaccord sur le projet d'exclusion, en méconnaissance des dispositions de l'article 13.3 des statuts ; que pour autant, l'omission, dans le procès-verbal de l'assemblée générale, de l'indication des motifs du désaccord de M. [L] au projet d'exclusion le concernant n'est à l'origine d'aucun préjudice particulier, alors que l'intéressé a pu participer à l'assemblée générale et y exprimer les motifs de son désaccord même si ceux-ci ne sont pas relatés dans le procès-verbal, motifs qu'il avait d'ailleurs exprimés dans un courrier recommandé adressé le 21 septembre 2012, préalablement à l'assemblée, au gérant de la société et dans lequel il évoquait la renonciation, du moins tacite, du conseil d'administration du GIE Les Indépendants à mettre en oeuvre une procédure d'exclusion contre ses membres et la saisine de l'Autorité de la concurrence quant à la compatibilité du règlement intérieur modifié avec les engagements contractuels pris par le GIE pour la protection des intérêts et de l'indépendance des radios ; qu'il ne peut donc être soutenu que M. [L] a nécessairement subi un préjudice du fait de la privation de son droit de participer à l'assemblée, de s'y exprimer et d'y voter ; ALORS QUE la violation d'une clause statutaire qui stipule que les motifs du désaccord de l'associé visé par une procédure d'exclusion devront être portés dans le procès-verbal de l'assemblée générale l'ayant décidée cause nécessairement un préjudice à l'intéressé, fût-il seulement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé l'omission, dans le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société SOLICO du 17 octobre 2012, de l'indication des motifs du désaccord de M. [L] au projet d'exclusion le concernant ; qu'en le déboutant néanmoins de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre, motif pris que cette omission n'est à l'origine d'aucun préjudice particulier, l'intéressé ayant pu participer à l'assemblée générale et y exprimer les motifs de son désaccord même si ceux-ci ne sont pas relatés dans le procès-verbal, la cour d'appel a violé les articles 1382 devenu 1240 et 1844, alinéas 1 et 3, du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le motif d'exclusion de M. [T] [L] n'est pas abusif et, en conséquence, d'AVOIR débouté M. [T] [L] de ses demandes de réintégration et de dommages-intérêts et d'AVOIR dit la réduction de capital de la société SOLICO légitime et fondée ; AUX MOTIFS QUE l'omission, dans le procès-verbal de l'assemblée générale, de l'indication des motifs du désaccord de M. [L] au projet d'exclusion le concernant n'est à l'origine d'aucun préjudice particulier, alors que l'intéressé a pu participer à l'assemblée générale et y exprimer les motifs de son désaccord même si ceux-ci ne sont pas relatés dans le procès-verbal, motifs qu'il avait d'ailleurs exprimés dans un courrier recommandé adressé le 21 septembre 2012, préalablement à l'assemblée, au gérant de la société SOLICO et dans lequel il évoquait la renonciation, du moins tacite, du conseil d'administration du GIE Les Indépendants à mettre en oeuvre une procédure d'exclusion contre ses membres et la saisine de l'Autorité de la concurrence quant à la compatibilité du règlement intérieur modifié avec les engagements contractuels pris par le GIE pour la protection des intérêts et de l'indépendance des radios ; que l'agrément de M. [L] comme nouvel associé de la société SOLICO est intervenu aux termes de l'assemblée générale extraordinaire du 4 novembre 2011 à la suite d'une cession de parts sociales résultant d'un acte sous seing privé du 7 juillet 2009, soit antérieurement à la modification apportée par le GIE Les Indépendants à son règlement intérieur par l'assemblée générale du 12 décembre 2011 ; que si la société SOLICO n'ignorait pas le contentieux prud'homal ayant opposé M. [L] au GIE lorsque celui-ci est entré au capital de la société, elle ne pouvait, en revanche, anticiper la modification apportée le 12 décembre 2011 par le GIE Les Indépendants aux cas de sorties de droit prévus à l'article 13.1, notamment en cas d'entrée dans le capital du membre du GIE de toute entité ou personne physique ayant initié une procédure contentieuse à l'encontre du GIE et/ou de ses organes de direction et dont la procédure est pendante à la date d'entrée dans le capital ou dont la procédure est éteinte depuis moins de trois ans à la date d'entrée dans le capital ; que M. [L] est donc malvenu de prétendre que le motif retenu pour l'exclure de la société SOLICO, laquelle encourait elle-même le risque d'être exclue du GIE sur le fondement de l'article 13.1 du règlement intérieur modifié le 12 décembre 2011 du fait de la procédure prud'homale qu'il avait initiée moins de trois ans avant la date de son entrée dans le capital, ne constitue pas un motif d'exclusion valable, alors même que les associés avaient accepté de prendre le risque de l'agréer comme nouvel associé en toute connaissance de cette procédure prud'homale ; qu'il ne peut davantage être soutenu que le retrait par le GIE Les Indépendants, après une décision n° 15-D-02 du 26 février 2015 de l'Autorité de la concurrence, des cas de sorties de plein droit, dont celui prévu à l'article 13.1 b) du règlement intérieur modifié le 12 décembre 2011, vaut reconnaissance par le GIE de ce que le motif d'exclusion ayant fondé sa propre exclusion de la société SOLICO n'était pas valable et contraire aux exigences de l'Autorité de la concurrence, de sorte qu'aujourd'hui, ce motif n'existe plus ; qu'en effet, la décision de l'Autorité de la concurrence est intervenue plus de deux ans après l'assemblée générale du 17 octobre 2012 décidant l'exclusion de M. [L], à une époque où le règlement intérieur modifié le 12 décembre 2011 était applicable et faisait réellement courir à la société un risque d'exclusion du GIE qui lui procurait l'essentiel de ses ressources en recettes publicitaires ; qu'en en outre, la décision de l'Autorité de la concurrence du 26 février 2015 a fait obligation au GIE Les Indépendants de respecter la décision du conseil de la concurrence n° 06-D-29 du 6 octobre 2006, sous peine d'astreinte, en prévoyant dans le règlement intérieur une procédure contradictoire telle que décrite par les engagements pour les cas de sortie de droit à l'exception de ceux prévus par le règlement intérieur du 18 octobre 2005 ; que le point 138 de la décision énonce ainsi que, loin de se conformer à son engagement, le GIE a élaboré des dispositions qui créent une distinction entre les cas d'exclusion et ceux de sortie de droit non prévus par la décision (du 6 octobre 2006) et a inséré de nouveaux cas de sortie qui échappent à la procédure contradictoire ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que l'exclusion de M. [L] ne revêtait aucun caractère abusif et a débouté celui-ci tant de sa demande de réintégration au capital de la société SOLICO que de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé dans toutes ses dispositions ; 1) ALORS QUE l'exclusion de l'associé d'une société est abusive lorsqu'elle n'est pas justifiée par un motif grave ; que ne peut constituer un tel motif celui qui est contraire à l'ordre public ; qu'il ressort des constatations de la cour d'appel qu'en application d'une décision n° 06-D-29 du 6 octobre 2006 du conseil de la concurrence, le GIE Les Indépendants était tenu de prévoir une procédure contradictoire pour les nouveaux cas de sortie de droit d'un adhérent du GIE qui seraient intégrés dans son règlement intérieur, mais qu'il avait néanmoins modifié ce règlement le 12 décembre 2011 en prévoyant, sans procédure contradictoire, un nouveau cas de sortie de droit d'un adhérent en cas d'entrée dans le capital du membre du GIE de toute entité ou personne physique ayant initié une procédure contentieuse à l'encontre du GIE et/ou de ses organes de direction et dont la procédure était pendante à la date d'entrée dans le capital ou dont la procédure est éteinte depuis moins de trois ans à la date d'entrée dans le capital ; qu'il en résulte que ce nouveau cas de sortie de droit était contraire à l'ordre public concurrentiel, comme M. [L], par courrier du 21 septembre 2012, en avait d'ailleurs informé la société SOLICO préalablement à l'assemblée générale de la société ayant décidé son exclusion et ainsi que devait le retenir l'autorité de la concurrence par sa décision définitive n° 15-D-02 du 26 février 2015 ; qu'en affirmant néanmoins que l'exclusion par la société SOLICO de M. [L], fondée sur le risque pour celle-ci d'être exclue du GIE sur le fondement de ce nouveau cas de sortie de droit, n'était pas abusive, au motif inopérant que la décision de l'autorité de la concurrence du 26 février 2015 était postérieure à l'exclusion décidée le 17 octobre 2012, la cour d'appel a violé les articles L. 231-6 et L. 464-2 du code de commerce, ce dernier dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 6 du code civil ; 2) ALORS QUE l'exclusion de l'associé d'une société est abusive lorsqu'elle repose sur un motif tiré d'un simple risque pour la société qui ne s'est pas concrétisé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, dans un courrier recommandé adressé le 21 septembre 2012, préalablement à l'assemblée générale du 17 octobre 2012, au gérant de la société SOLICO, M. [L] avait évoqué la renonciation, au moins tacite, du conseil d'administration du GIE Les Indépendants à mettre en oeuvre une procédure d'exclusion contre ses membres ; que pour affirmer que l'exclusion par la société SOLICO de M. [L] n'était pas abusive, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que cette société encourait elle-même le risque d'être exclue du GIE Les Indépendants sur le fondement de l'article 13.1 du règlement intérieur de ce dernier prévoyant un cas de sortie de droit d'un adhérent en raison de la composition de son capital social, sauf décision contraire du conseil d'administration du GIE ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le risque invoqué par la société SOLICO et que M. [L] contestait, s'était concrétisé par une quelconque démarche en ce sens du GIE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 231-6 du code de commerce et de l'article 1382 devenu 1240 du code civil. Sur le contrôle juridictionnel de l'absence d'abus de droit en cas d'exclusion d'un associé, à rapprocher : Com., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-13.891, Bull. 1997, IV, n° 281 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 661 FS-B Pourvoi n° M 20-20.031 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Crédit industriel et commercial (CIC), dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 20-20.031 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Fidexi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société HSBC Continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société HSBC France, défenderesses à la cassation. La société HSBC Continental Europe, anciennement société HSBC France, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Crédit industriel et commercial, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Fidexi, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société HSBC Continental Europe, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Bedouet, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Boutié, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), le 12 février 2015, la société Fidexi a émis un chèque à l'ordre de « LPB immobilier conseil », lequel a été débité de son compte ouvert dans les livres de la société HSBC France (la société HSBC) au profit de la société Batus, titulaire d'un compte au Crédit industriel et commercial (la société CIC), à la suite d'une falsification du nom du bénéficiaire. 2. Soutenant que la société HSBC avait manqué à son obligation de vigilance lors de l'encaissement de ce chèque, la société Fidexi l'a assignée en réparation. Cette dernière a appelé en garantie la société CIC. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société HSBC à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014 , alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société HSBC à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros, et sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. La société CIC fait grief à l'arrêt de condamner la société HSBC à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros, alors « qu'en exécution de leur obligation générale de vigilance, une banque tirée et une banque présentatrice, chargées chacune de contrôler la régularité formelle d'un chèque, sont tenues de détecter les seules anomalies apparentes affectant le titre, aucune anomalie n'étant présumée apparente ; que pour accueillir partiellement l'action récursoire de la banque tirée (HSBC) à l'égard de la banque présentatrice (CIC), l'arrêt retient que l'anomalie consistant, comme en l'espèce, à faire disparaître le nom du bénéficiaire initial par grattage et à y substituer un autre nom doit être présumée au regard du constat selon lequel rares sont des falsifications parfaites ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du même code. » 5. La société HSBC fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que la banque à laquelle un chèque est présenté n'est tenue de détecter que les seules anomalies apparentes ; que la cour d'appel, qui a regardé comme établie la falsification du chèque émis le 12 février 2015 par la société Fidexi, par grattage du nom du bénéficiaire initial et substitution d'un autre nom, n'a cependant pu constater aucune anomalie sur la copie du chèque produite aux débats ; qu'elle n'en a pas moins retenu la responsabilité de la banque tirée, par la considération qu'en présence d'une falsification de la nature de celle qui avait été commise, il y avait lieu de présumer l'existence d'une anomalie apparente sur l'original du chèque, qui avait été détruit ; qu'en faisant ainsi peser sur la banque tirée l'obligation de déceler la falsification d'un chèque dont il n'était pas positivement établi qu'il était affecté d'une anomalie apparente, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien, devenu 1231-1, du code civil, ensemble l'article 1937 du même code ; 2°/ que l'existence d'une anomalie apparente sur l'original d'un chèque falsifié ne saurait être présumée, lorsque seule une copie du chèque subsiste et que cette copie ne laisse apparaître aucune anomalie ; que la cour d'appel n'a pu constater aucune anomalie sur la copie du chèque qui avait seule été conservée et qui était produite aux débats ; qu'elle a toutefois retenu la responsabilité de la banque tirée, en présumant l'existence d'une anomalie apparente sur l'original détruit ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien, devenu 1353, du code civil ; 3°/ que, tenue de vérifier la régularité formelle du titre qui lui est présenté, la banque tirée n'engage sa responsabilité, en cas de paiement d'un chèque falsifié, qu'à la condition que le chèque ait été affecté d'une anomalie apparente ; que le défaut de production de l'original du chèque falsifié, lorsque la copie versée aux débats ne permet pas de constater l'existence d'une anomalie apparente, n'autorise pas le juge à présupposer que la banque tirée a manqué à son obligation de vigilance en payant le chèque ; que la cour d'appel, qui n'a pu constater aucune anomalie apparente sur la copie du chèque qui avait seule été conservée et qui était produite aux débats, a néanmoins retenu la responsabilité de la banque, en relevant que la copie produite était en noir et blanc, et de mauvaise qualité, et en affirmant qu'il appartient aux établissements bancaires d'assumer le risque lié au processus de l'image-chèque, créé dans leur seul intérêt ; qu'en statuant ainsi, par des considérations impropres à caractériser un manquement de la banque tirée à son obligation de vigilance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien, devenu 1231-1, du code civil, ensemble l'article 1937 du même code. » Réponse de la Cour 6. Il résulte de la combinaison des articles 9 du code de procédure civile et 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil que s'il incombe à l'émetteur d'un chèque d'établir que celui-ci a été falsifié, il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l'original de ce chèque, de prouver que celui-ci n'était pas affecté d'une anomalie apparente, à moins que le chèque n'ait été restitué au tireur. 7. L'arrêt relève qu'un nom a été substitué par grattage à celui du bénéficiaire initial sur le chèque litigieux, que l'original de ce chèque a été détruit par la banque tirée et que la photocopie du chèque produite est en noir et blanc et de mauvaise qualité, et retient que cette photocopie ne permet pas de constater l'absence d'anomalie matérielle. 8. Il en résulte que la société HSBC ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le chèque n'était pas affecté d'une anomalie apparente et, par suite, qu'elle a satisfait à son obligation de vigilance. 9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société CIC à garantir partiellement la société HSBC du montant de la condamnation prononcée à son encontre Enoncé du moyen 10. La société CIC fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société HSBC du montant de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 9 878,40 euros, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que pour accueillir partiellement l'appel en garantie formé par la banque tirée à l'égard de la banque présentatrice, l'arrêt retient que cette dernière n'apporte aucun élément sur les conditions dans lesquelles elle a pu ouvrir un compte au client à l'origine des malversations ; qu'en statuant ainsi quand ni la victime du détournement du chèque ni la banque HSBC n'avait invoqué une quelconque négligence du CIC lors de l'ouverture du compte bancaire de sa cliente et sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16 du code de procédure civile : 11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 12. Pour accueillir l'appel en garantie de la société CIC formé par la société HSBC, l'arrêt retient que la société CIC n'apporte aucun élément sur les conditions dans lesquelles elle avait pu ouvrir un compte à son client à l'origine de malversations. 13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Crédit industriel et commercial à garantir la société HSBC France du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière au profit de la société Fidexi à hauteur de 9 878,40 euros et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société HSBC France et la société Crédit industriel et commercial, l'arrêt rendu le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société HSBC Continental Europe aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société HSBC Continental Europe, la condamne à payer à la société Fidexi la somme de 3 000 euros et à payer à la société Crédit industriel et commercial la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Crédit industriel et commercial. Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société HSBC France à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros outre intérêts et D'AVOIR condamné le CIC à garantir la société HSBC du montant de cette condamnation à hauteur de 9 878,40 euros. AUX MOTIFS, sur la demande principale, QUE «Il n'est contesté par aucune des parties en présence que HSBC France, comme banque tirée et CIC en sa qualité de banque présentatrice ont l'une et l'autre l'obligation de contrôler la régularité formelle du chèque litigieux et que la responsabilité de chacune d'elles est engagée si une irrégularité apparente n'a pas été décelée par un employé normalement diligent ; que la difficulté soulevée dans ce dossier résulte de l'incapacité pour la cour de constater l'existence (ou l'absence) d'anomalie matérielle à l'examen de la photocopie, en noir et blanc -alors que grattage et lessivage permettent souvent de constater une différence de couleur au niveau du nom du bénéficiaire- et de mauvaise qualité, produite aux débats ; que pour estimer cette circonstance indifférente, HSBC France rappelle en premier lieu les termes de l'article L131-38 du code monétaire et financier qui présume, qu'en l'absence d'opposition au paiement du chèque, elle s'est valablement libérée ; qu'elle consacre ensuite de longs développements à l'absence d'anomalie apparente précisant que s'agissant d'un chèque dit «circulant » au regard de son montant supérieur à 5 000 €, le CIC a pu exercer son contrôle avant de lui retourner la formule litigieuse, confortant son absence d'irrégularité manifeste, l'autorisant à le détruire passé le délai de 60 jours imparti à son émetteur pour faire opposition ; qu'elle ajoute que la société Fidexi ne justifie pas de l'envoi du chèque en recommandé, mesure qu'imposait son montant élevé, ni davantage de ne pas être assurée pour ce type de dommage, qu'elle décrit ensuite les diligences opérées pour récupérer la provision avant d'évoquer les usages et pratiques professionnelles résultant des règlements des chambres de compensation (supprimées en février et juin 2002 à la suite du passage à l'échange d'images chèques-EIC-), ou du comité d'organisation et de de normalisation bancaire à l'origine du système de télé-compensation (SIT) qui s'imposent aux banques comme aux clients utilisant les chèques comme moyens de paiement ; qu'elle rappelle qu'en l'espèce, la convention signée par la société Fidexi comporte adhésion aux conditions générales dont l'article 6 renvoie aux règles interbancaires ; que s'agissant plus particulièrement de la destruction du chèque, elle soutient qu'il résulte des règles relatives à l'Echange d'Images Chèques (EIC) que les originaux des chèques sont conservés pendant soixante jours pour en déduire qu'elle a légitimement détruit (le chèque litigieux) passé (ce) délai, que la responsabilité de la banque n'étant pas recherchée pour absence de respect de l'opposition, dont il est constant qu'elle a été tardive, le développement afférent est sans objet ; que la circonstance que le CIC n'ait pas décelé d'anomalie ne saurait davantage établir son absence ; que contrairement à ce que soutient HSBC France, l'instruction n002-002-Kl-P-R du 9 janvier 2002 mettant en place l'EIC ne traite que de la conservation des vignettes (formules de chèques) non circulantes ; que ce texte, dont HSBC France soutient à bon droit qu'il peut être opposé à la société Fidexi, distingue notamment deux séries de chèques, ceux inférieurs à 5 000 € (seuil porté à 10 000 € le 3 octobre 2016), représentant 98 % du volume traité, dont le traitement a été simplifié, la banque présentatrice ne recevant qu'une image chèque, soit un fichier intégrant les éléments de la ligne magnétique des chèques tirés sur les établissements adhérents ainsi que les éléments de montant et d'identification du banquier remettant et ceux d'un montant supérieur ; que, si l'instruction précise au chapitre 1, § 5, consacré aux chèques non circulants du (page 9) : «Les vignettes non-circulantes sont donc conservées par le banquier remettant selon les règles suivantes : deux mois d'archivage pour l'original des vignettes ...», aucune disposition comparable ne figure dans le § 6 de l'instruction consacré aux «CHEQUES CIRCULANTS» ; que cette distinction correspond d'ailleurs à l'économie générale du texte, l'instruction ayant eu pour objet de limiter les coûts afférents à la circulation physique des vignettes, dont le nombre a pu atteindre 4 milliards dans les années 2000, pour diminuer d'un peu moins de moitié à notre époque, tout en maintenant, conformément aux voeux émis par la banque centrale une « circulation physique» (en sus de l'échange de fichiers dématérialisés) pour les chèques les plus importants, d'un montant supérieur à 5 000 € (10 000 € aujourd'hui) lesquels ne représentent que 2 % des formules émises ; qu'il en résulte que contrairement à ce que soutient HSBC France, les banques sont tenues de conserver l'original des chèques jusqu'à l'expiration du délai de prescription quinquennale de l'article LIlO-4 du code de commerce pour permettre aux juridictions saisies de se prononcer sur un éventuel manquement des préposés de la banque à leur obligation de vigilance au moment de l'examen des originaux ; qu'ainsi, si la destruction n'est pas en elle-même constitutive d'une faute entraînant une garantie automatique de la banque ou si cette dernière ne peut être soupçonnée d'avoir procédé à la destruction en raison des anomalies relevées, il convient, lorsqu'il est démontré, comme en l'espèce, que le nom du bénéficiaire initial a disparu par grattage et qu'un autre a été substitué, de présumer que l'anomalie était apparente non seulement au regard du constat selon lequel rares sont les falsifications «parfaites» mais surtout parce que le processus de l'image-chèque ayant été créé dans le seul intérêt des banques, elles doivent en assumer le risque surtout dans l'hypothèse où elles ne sont même pas en mesure de produire une photocopie couleur de qualité. ; qu'il convient en conséquence, infirmant le jugement déféré d'accueillir l'action en responsabilité engagée par la société Fidexi ; qu'en l'absence de tout élément sur les circonstances dans lesquelles le chèque a pu être détourné, aucune faute de la société Fidexi n'est démontrée de nature à réduire l'indemnité allouée» ; Et AUX MOTIFS, sur l'appel en garantie, QUE : « L'anomalie étant présumée décelable et le CIC n'apportant aucun élément sur les conditions dans lesquelles il avait pu ouvrir un compte à ce client à l'origine de malversations, l'appel en garantie de HSBC France est fondé, que la banque présentatrice n'étant cependant pas appelée à conserver la vignette qu'elle doit retourner à la banque tirée, sa responsabilité n'est engagée qu'à hauteur de 25% soit 9 878, 40 euros. » ALORS D'UNE PART QU'en exécution de leur obligation générale de vigilance, une banque tirée et une banque présentatrice, chargées chacune de contrôler la régularité formelle d'un chèque, sont tenues de détecter les seules anomalies apparentes affectant le titre, aucune anomalie n'étant présumée apparente ; que pour accueillir partiellement l'action récursoire de la banque tirée (HSBC) à l'égard de la banque présentatrice (CIC), l'arrêt retient que l'anomalie consistant, comme en l'espèce, à faire disparaître le nom du bénéficiaire initial par grattage et à y substituer un autre nom doit être présumé au regard du constat selon lequel rares sont des falsifications parfaites ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du même code ; ALORS D'AUTRE PART QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que pour accueillir partiellement l'appel en garantie formé par la banque tirée à l'égard de la banque présentatrice, l'arrêt retient que cette dernière n'apporte aucun élément sur les conditions dans lesquelles elle a pu ouvrir un compte au client à l'origine des malversations ; qu'en statuant ainsi quand ni la victime du détournement du chèque ni la banque HSBC n'avait invoqué une quelconque négligence du CIC lors de l'ouverture du compte bancaire de sa cliente et sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile ; ALORS ENFIN QUE la banque chargée d'encaisser un chèque, après s'être assurée de l'identité du déposant et avoir vérifié qu'il en est bien le bénéficiaire, est tenue de contrôler la régularité formelle du titre et de détecter les seules anomalies apparentes ; que pour accueillir partiellement l'appel en garantie de la banque tirée contre la banque présentatrice, l'arrêt retient que cette dernière n'apporte aucune précision sur les conditions dans lesquelles elle a pu ouvrir un compte au client à l'origine des malversations ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à établir en quoi les circonstances dans lesquelles le CIC avait ouvert en ses livres un compte bancaire au nom de l'auteur de la falsification du chèque auraient rendu décelables des anomalies dont elle a au demeurant présumé le caractère apparent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société HSBC Continental Europe, anciennement société HSBC France. La société HSBC fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société Fidexi la somme de 39 513,60 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ; 1) Alors que la banque à laquelle un chèque est présenté n'est tenue de détecter que les seules anomalies apparentes ; que la cour d'appel, qui a regardé comme établie la falsification du chèque émis le 12 février 2015 par la société Fidexi, par grattage du nom du bénéficiaire initial et substitution d'un autre nom, n'a cependant pu constater aucune anomalie sur la copie du chèque produite aux débats ; qu'elle n'en a pas moins retenu la responsabilité de la banque tirée, par la considération qu'en présence d'une falsification de la nature de celle qui avait été commise, il y avait lieu de présumer l'existence d'une anomalie apparente sur l'original du chèque, qui avait été détruit ; qu'en faisant ainsi peser sur la banque tirée l'obligation de déceler la falsification d'un chèque dont il n'était pas positivement établi qu'il était affecté d'une anomalie apparente, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien, devenu 1231-1, du code civil, ensemble l'article 1937 du même code ; 2) Alors que l'existence d'une anomalie apparente sur l'original d'un chèque falsifié ne saurait être présumée, lorsque seule une copie du chèque subsiste et que cette copie ne laisse apparaître aucune anomalie ; que la cour d'appel n'a pu constater aucune anomalie sur la copie du chèque qui avait seule été conservée et qui était produite aux débats ; qu'elle a toutefois retenu la responsabilité de la banque tirée, en présumant l'existence d'une anomalie apparente sur l'original détruit ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien, devenu 1353, du code civil ; 3) Alors que, tenue de vérifier la régularité formelle du titre qui lui est présentée, la banque tirée n'engage sa responsabilité, en cas de paiement d'un chèque falsifié, qu'à la condition que le chèque ait été affecté d'une anomalie apparente ; que le défaut de production de l'original du chèque falsifié, lorsque la copie versée aux débats ne permet pas de constater l'existence d'une anomalie apparente, n'autorise pas le juge à présupposer que la banque tirée a manqué à son obligation de vigilance en payant le chèque ; que la cour d'appel, qui n'a pu constater aucune anomalie apparente sur la copie du chèque qui avait seule été conservée et qui était produite aux débats, a néanmoins retenu la responsabilité de la banque, en relevant que la copie produite était en noir et blanc, et de mauvaise qualité, et en affirmant qu'il appartient aux établissements bancaires d'assumer le risque lié au processus de l'image-chèque, créé dans leur seul intérêt ; qu'en statuant ainsi, par des considérations impropres à caractériser un manquement de la banque tirée à son obligation de vigilance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien, devenu 1231-1, du code civil, ensemble l'article 1937 du même code. Sur l'obligation de vigilance de la banque tirée, à rapprocher : Com., 7 juillet 2009, pourvoi n° 08-18.251, Bull. 2009, IV, n° 93 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. MOLLARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 659 F-B Pourvoi n° V 20-22.063 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La société Santé actions, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-22.063 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Santé restauration services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la société Santé actions, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Santé restauration services, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2020), la société Santé restauration services a, le 10 octobre 2000, conclu un contrat avec la société Clinique chirurgicale obstétricale [3] et [4] (la société Clinique [3]), détenue à 99 % par la société Santé actions, portant sur un service de prestations alimentaires. 2. La société Santé restauration services a, par lettres recommandées des 18, 24 et 30 décembre 2013, mis en demeure la société Clinique [3] de payer plusieurs factures. La société Santé actions a, le 24 décembre 2013, payé à la société Santé restauration services la somme de 30 000 euros au titre de l'une de ces factures. 3. N'ayant pu obtenir le règlement complet des factures, la société Santé restauration services a déclaré sa créance au passif de la société Clinique [3], mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire a, le 26 février 2015, émis un certificat d'irrécouvrabilité de cette créance. 4. Après avoir, le 27 avril 2016, mis en demeure la société Santé actions de lui payer une somme au titre des factures impayées par la société Clinique [3], la société Santé restauration services l'a assignée en paiement. Examen du moyen Sur le moyen Enoncé du moyen 5. La société Santé actions fait grief à l'arrêt de la condamner, en qualité de société mère, à régler à la société Santé restauration services une somme de 125 681,83 euros au titre de factures impayées par sa filiale, seule engagée à l'égard de la société créancière dans le cadre d'un contrat de restauration du 10 octobre 2000, outre les intérêts à compter de chaque échéance contractuelle au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points, et la capitalisation des intérêts, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors : « 1°/ qu'en vertu de l'effet relatif des contrats et de l'autonomie juridique des sociétés membres d'un groupe, une société mère ne peut être tenue des engagements souscrits par sa filiale, sauf en cas d'immixtion dans la gestion de la filiale et à la condition que cette immixtion ait été de nature à créer une apparence trompeuse, propre à faire croire à un créancier de la filiale que la société mère était devenue son partenaire contractuel ; que ces conditions sont cumulatives ; qu'en considérant en l'espèce que la société mère était obligée à la totalité de la dette de sa filiale envers un créancier à raison seulement d'un paiement partiel (virement de 30 000 euros émis en décembre 2013) destiné à couvrir dans l'urgence sa filiale d'un impayé objet d'une mise en demeure, la cour n'a pas cherché à caractériser l'existence d'une immixtion active de la société mère dans la gestion de sa filiale, méconnaissant ainsi les exigences de l'article 1165, devenu 1199, et 1842 du code civil ; 2°/ en se bornant à retenir que la société mère avait couvert le 24 décembre 2013 une dette de sa filiale à l'égard du créancier prestataire de service de cette dernière, la cour n'a pas recherché si et en quoi ce versement, dans les circonstances de la cause telles que rappelées par la société requérante (caractère exclusif et autonome de la relation de sa filiale avec la société Santé restauration ; absence de réclamation à l'endroit de la société mère avant la délivrance d'un certificat d'irrécouvrabilité de la créance du fournisseur), permettait néanmoins au créancier de nourrir la croyance que la société mère s'était engagée pour l'ensemble des dettes antérieures et postérieures de sa filiale ; qu'en se déterminant par voie d'affirmation sans autrement caractériser la croyance légitime du créancier, la cour a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1165, devenu 1199, et 1842 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1842 du code civil et l'article 1165 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 6. Il résulte de l'application combinée de ces textes qu'une société n'est tenue de répondre de la dette d'une filiale que si son immixtion dans les relations contractuelles de cette filiale a été de nature à créer, pour le cocontractant de celle-ci, une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement qu'il était aussi le cocontractant de la société mère. 7. Pour condamner la société Santé actions à payer à la société Santé restauration services une somme au titre de factures non réglées par la société Clinique [3], sa filiale, l'arrêt, après avoir relevé que la société Santé restauration services avait, les 18, 24 et 30 décembre 2013, mis en demeure la société Clinique [3] de payer ces factures, qu'elle avait déclaré sa créance, d'un montant de 125 691,83 euros, au passif de la société Clinique [3], mise en liquidation judiciaire, que le liquidateur judiciaire avait, le 26 février 2015, émis un certificat d'irrécouvrabilité et que ce n'est qu'au mois d'avril 2016 qu'elle avait mis en demeure la société mère Santé actions de payer les sommes qui lui étaient dues par sa filiale, retient que le fait que la société Santé actions ait délivré un ordre de virement de 30 000 euros pour couvrir une dette de la société Clinique [3] à l'égard de la société Santé restauration services, à un moment où cette dernière venait de mettre en demeure sa cocontractante de lui régler une somme de 52 014,59 euros au titre de factures impayées à peine de résiliation de plein droit du contrat les liant, a légitimement pu fonder la croyance de la société Santé restauration services dans l'engagement de la société mère aux côtés de sa filiale pour régler les dettes issues de ce contrat. 8. En se déterminant ainsi, alors que le paiement partiel, par la société Santé actions, d'une dette que sa filiale avait été mise en demeure de payer, ne saurait, à lui seul, caractériser une immixtion de cette société de nature à créer, pour la société Santé restauration services, une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que la société Santé actions s'était substituée à sa filiale dans l'exécution du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en que, confirmant le jugement, il déboute la société Santé restauration services de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ; Condamne la société Santé restauration services aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Santé restauration services et la condamne à payer à la société Santé actions la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société Santé actions. La demanderesse au pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée en qualité de société-mère à régler à la SAS Santé Restauration Services une somme de 125.681,83 € TTC au titre de factures (factures des 30 septembre, 31 octobre, 30 novembre et 31 décembre 2013 ainsi que du 14 février 2014) impayées par sa filiale, seule engagée à l'égard de la société créancière dans le cadre d'un contrat de restauration du 10 octobre 2000, outre les intérêts à compter de chaque échéance contractuelle au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points, et la capitalisation des intérêts ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; aux motifs que « Sur la demande en paiement de factures : La société Santé Restauration réclame à la société Santé Action le paiement de factures demeurées impayées par sa filiale, la société clinique [3], soit : -25 157,92 euros TTC au titre du solde d'une facture n°2013/209 du 30 septembre 2013, -26 856,67 euros TTC au titre d'une facture n°2013/210 du 31 octobre 2013, -27 110,69 euros TTC au titre d'une facture n°2013/211 du 30 novembre 2013, -27 111,56 euros TTC au titre d'une facture n°2013/212 du 31 décembre 2013, -16 092 euros TTC au titre d'une facture n°2014/00201 du 14 février 2014,-3 363 euros TTC au titre d'une facture n°2014/00202 du 14 février 2014. En vertu de l'effet relatif des contrats et du principe d'autonomie juridique des sociétés membres d'un groupe, la société mère ne peut être tenue des engagements souscrits par sa filiale. Toutefois l'immixtion d'une société mère, de nature à créer une apparence propre à faire croire à un créancier de l'une de ses filiales qu'elle s'y substitue dans l'exécution d'un contrat, oblige ladite société mère à répondre de la dette de sa filiale. La société qui se prévaut d'une telle immixtion doit rapporter la preuve que cette immixtion a été de nature à créer une apparence trompeuse, à l'origine de sa croyance que la société mère s'est engagée aux côtés ou à la place de sa filiale. En l'espèce, pour soutenir que la société Santé actions s'est immiscée dans la gestion de sa filiale, la société Santé restauration services se prévaut: - d'une détention de la clinique [3] par la société Santé Actions à concurrence de 99% du capital social, -de l'apposition du cachet de la société Santé Actions et de la signature de son Président sur l'avenant n°8 du 9 novembre 2012, -d'un échange de courriels de décembre 2013 entre la clinique et la société Santé Restauration services adressé en copie à M. [F], Président de la société Santé Action, et Mme [N], comptable de la société Santé actions, et d'un courriel de décembre 2013 dans lequel cette dernière se préoccupe des paiements de la clinique, -d'un ordre de virement de 30 000 euros donné par la société Santé Action le 24 décembre 2013 au profit de la société Santé restauration services pour régler une dette de la clinique St Louis qui avait émis un chèque le 30 octobre 2013 dont le paiement a été refusé pour défaut de provision. Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges la détention par une société- mère du capital social d'une filiale à concurrence de 99% n'induit pas une présomption d'immixtion dans sa gestion. En outre, l'apposition du cachet de la société Santé Actions et de la signature de M. [M] [F] sur l'avenant n°8 du 9 novembre 2012, ne permet pas de caractériser une immixtion dès lors que l'avenant n°8 mentionne bien que seule la société clinique [3] est partie au contrat et que M. [F] a signé cet avenant en qualité de président de la société clinique [3] étant précisé que le directeur général de cette société avait démissionné le 26 janvier 2012. Ainsi la société Santé Restauration Services n'a pas pu se méprendre sur l'identité de son cocontractant par la seule apposition par erreur du cachet de la société Santé Action sur cet avenant. En revanche, le fait que la société Santé Actions ait délivré un ordre de virement de 30 000 euros pour couvrir une dette de la société clinique [3] à l'égard de la société Santé Restauration Services à un moment où cette dernière venait de mettre en demeure sa cocontractante de lui régler une somme de 52 014,59 euros au titre de factures impayées à peine de résiliation de plein droit du contrat les liant a légitimement pu fonder la croyance de la société Santé Restauration Services dans l'engagement de la société mère aux côtés de sa filiale pour régler les dettes issues de ce contrat. En conséquence, il convient de faire droit à la demande en paiement et la société Santé Actions sera condamnée à payer à la société Santé Restauration Services une somme de 125 691,83 euros TTC au titre des factures des 30 septembre, 31 octobre, 30 novembre et 31 décembre 2013 ainsi que du 14 février 2014 impayées par la société clinique [3] assortie d'intérêts à compter de chaque échéance contractuelle au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points. La capitalisation des intérêts sera ordonnée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points » (arrêt attaqué p. 4, dernier § à p. 6, § 1) ; 1°) alors que, d'une part, en vertu de l'effet relatif des contrats et de l'autonomie juridique des sociétés membres d'un groupe, une société-mère ne peut être tenue des engagements souscrits par sa filiale sauf en cas d'immixtion dans la gestion de la filiale et à la condition que cette immixtion ait été de nature à créer une apparence trompeuse, propre à faire croire à un créancier de la filiale que la société mère était devenue son partenaire contractuel ; que ces conditions sont cumulatives ; qu'en considérant en l'espèce que la société-mère était obligée à la totalité de la dette de sa filiale envers un créancier à raison seulement d'un paiement partiel (virement de 30.000 € émis en décembre 2013) destiné à couvrir dans l'urgence sa filiale d'un impayé objet d'une mise en demeure, la cour n'a pas cherché à caractériser l'existence d'une immixtion active de la société-mère dans la gestion de sa filiale, méconnaissant ainsi les exigences de l'article 1165 devenu 1199 et 1842 du code civil ; 2°) alors que, d'autre part, en se bornant à retenir que la société-mère avait couvert le 24 décembre 2013 une dette de sa filiale à l'égard du créancier prestataire de service de cette dernière, la cour n'a pas recherché si et en quoi ce versement, dans les circonstances de la cause telles que rappelées par la société requérante (concl. p. 3, 5 et 8 : caractère exclusif et autonome de la relation de sa filiale avec la société Santé Restauration ; absence de réclamation à l'endroit de la société-mère avant la délivrance d'un certificat d'irrécouvrabilité de la créance du fournisseur, etc.), permettait néanmoins au créancier de nourrir la croyance que la société-mère s'était engagée pour l'ensemble des dettes antérieures et postérieures de sa filiale ; qu'en se déterminant par voie d'affirmation sans autrement caractériser la croyance légitime du créancier, la cour a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1165 devenu 1199 et 1842 du code civil. Sur la nécessité d'une immixtion de la société mère afin d'obliger celle-ci à répondre de la dette de sa filiale, rapprocher : Com., 3 février 2015, pourvoi n° 13-24.895, Bull. 2015, IV, n° 14 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1191 FS-B+R Pourvoi n° G 21-19.342 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.342 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Alpilles events, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Alpilles events, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Alpilles events, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 19 décembre 2019 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Alpilles events a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Alpilles events a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre eux, il doit garantir la société Alpilles events des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner à payer diverses provisions à l'assuré, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ». Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte [?] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion litigieuse vide de sa substance la garantie souscrite et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt constatant que les critères d'indemnisation de la société Alpilles events concernant les pertes d'exploitation qu'elle a subies sont réunis, déclarant non écrite la clause d'exclusion de garantie, et condamnant l'assureur à un paiement provisionnel entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant une expertise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Alpilles events aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que les critères d'indemnisation de la société Alpilles Events concernant les pertes d'exploitation subies par celle-ci, garanties par un contrat d'assurance multirisque professionnelle souscrit auprès de cette compagnie, étaient réunis, d'avoir déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévalait ladite compagnie, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance conclu entre elles, la société AXA devait garantir la société Alpilles Events des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée une somme provisionnelle de 85.000 euros pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, ainsi qu'une provision complémentaire de 60.000 euros à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020 ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte [?] de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 6 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 7 § 1), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 32.a, 32.b et 32.b.bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 7 § 2), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 dernier §) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 3) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 12 § 6), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 5), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1190 FS-B+R Pourvoi n° H 21-19.341 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-19.341 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Beraha, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Beraha, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Chauve, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société Beraha, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 7 février 2014 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Beraha a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Beraha a effectué deux autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives, ordonnées du 28 septembre au 4 octobre 2020, par arrêté préfectoral du 27 septembre 2020, et à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assurée et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis par ailleurs en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Beraha, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Beraha aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 7 février 2014, elle devait garantir la société Beraha des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée les sommes de 92.818 euros à titre de provision au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020, et de 79.430 à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes du 28 septembre 2020 au 4 octobre 2020 et du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020, et de l'avoir condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 7 §§ 4-12), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 6 § 8), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 7 § 2), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment précise (arrêt p. 7 dernier §), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 40), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (ses pièces n° 23 et 23 bis en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 8 § 2), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p. 8 § 1), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 7 § 12) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 8 § 2) est impropre à caractériser l'absence de cause de l'obligation essentielle, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'ancien article 1131 du code civil (arrêt p. 8 § 5), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 8 § 4), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1251 F-B Pourvoi n° Z 21-11.997 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-11.997 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, premier président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 décembre 2020), l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a décerné une contrainte le 21 avril 2017 à la société [3] (la société), pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard afférentes à l'année 2015 et aux 2e, 3e et 4e trimestres 2016. 2. La société a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Sur le moyen relevé d'office 3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 622-7 et L. 631-14 du code de commerce, 131, VII, de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, et 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, applicable au litige : 4. Selon les deux premiers de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. 5. Selon le troisième, le droit à l'exonération des cotisations sociales prévue par le I du même texte pour les jeunes entreprises innovantes est subordonné à la condition que l'entreprise ait rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. 6. Selon le dernier, lorsque l'entreprise est à nouveau à jour du paiement de ses cotisations et contributions sociales, l'exonération peut être appliquée aux gains et rémunérations versés à compter du premier jour du mois suivant. 7. Il résulte de ces textes que la jeune entreprise innovante, à laquelle il est interdit de payer les cotisations et contributions sociales afférentes à la période antérieure au jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, est, à cette date, réputée, au sens de l'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 susvisé, avoir rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. 8. Pour rejeter le recours formé par la société cotisante, l'arrêt relève qu'elle a continué à appliquer l'exonération liée au statut de jeune entreprise innovante pendant la période d'observation consécutive à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 14 décembre 2014. Il retient qu'elle ne pourra être considérée comme étant à jour de ses cotisations sociales que sous réserve d'avoir respecté, jusqu'à son terme fixé en 2026, le plan d'apurement qui a été validé par jugement du tribunal de commerce le 14 juin 2016. 9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par la société [3] à l'encontre de la contrainte délivrée par l'URSSAF de Rhône-Alpes le 21 avril 2017, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société [3] Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une entreprise (la société [3], l'exposante) de son opposition à une contrainte délivrée par l'organisme de recouvrement (l'URSSAF Rhône-Alpes) pour un montant de 20 993 euros au titre des cotisations et majorations de retard de l'année 2015 et des 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016, et d'avoir en conséquence validé ladite contrainte pour son entier montant ; ALORS QUE l'entreprise titulaire du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) bénéficie rétroactivement des exonérations attachées à son statut dès qu'elle est à jour de ses cotisations non comprises dans le cadre d'un éventuel plan d'apurement souscrit par ailleurs ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'entreprise « justifiait (?) avoir réglé » intégralement les cotisations visées par la contrainte du 21 avril 2017 et non intégrées au plan d'apurement par ailleurs souscrit au titre « des années 2012 et 2014 », de sorte qu'en validant ladite contrainte pour la raison que, concernant la période afférente aux cotisations litigieuses, l'entreprise ne pouvait « bénéficier de manière rétroactive » de l'exonération liée à son statut de JEI « jusqu'(au) terme » dudit plan, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004 modifié par l'article 1er du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, complété par la lettre circulaire ACOSS n° 2015-0000048 du 10 octobre 2015.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1192 FS-B+R Pourvoi n° J 21-19.343 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-19.343 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société A La Bonne franquette, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société A La Bonne franquette, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société A La Bonne franquette, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 21 juillet 2017 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société A La Bonne franquette a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société A La Bonne franquette a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret du 29 octobre 2020. 5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa neuvième branche Enoncé du moyen 6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner à payer à l'assuré diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application. » Réponse de la Cour 7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées. 8. Le moyen est, dès lors, inopérant. Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches Enoncé du moyen 9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors : « 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit », pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3°/ qu'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur », pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 12. Pour dire que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur. 13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ». 14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse. 15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa dixième branche Enoncé du moyen 16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses. 20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour. 21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée. 22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et condamnant l'assureur à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société A La Bonne franquette aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 21 juillet 2017, elle devait garantir la société A La Bonne Franquette des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation ; 1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 2-10), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 5 § 6), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ; 3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ; 4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 6 § 11), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 37), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et- Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (sa pièce n° 17 en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ; 7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA Axa France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p.6 dernier §), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques – que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 § 10) – qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ; 8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 1) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ; 9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 § 4), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ; 10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – à celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1193 FS-B+R Pourvoi n° Q 21-15.392 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-15.392 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Le Phoenix, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Le Phoenix,et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2021), la société Le Phoenix, exploitant un fonds de commerce de restauration, a souscrit le 23 août 2017 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative ». 2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Le Phoenix a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». 3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». 4. La société Le Phoenix a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa septième branche Enoncé du moyen 5. L'assureur fait grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut, de dire qu'il doit garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, et de le condamner en conséquence à payer diverses provisions à l'assuré et à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat alors « que l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 6. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 7. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 8. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, par motifs adoptés, retient que si le terme « épidémie », que le contrat ne définit pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, doit être interprété, il en résulte nécessairement que la clause d'exclusion qui le vise ne peut être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances. 9. Il ajoute que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins. 10. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Et sur le moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 11. L'assureur fait le même grief à l'arrêt alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 113-1 du code des assurances : 12. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées. 13. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 14. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur est celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie. 15. Il énonce, ensuite, que l'exclusion n'est pas limitée dès lors qu'elle vise tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie. 16. Ajoutant que l'assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, l'arrêt en déduit que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances. 17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare valable l'assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la société Le Phoenix, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Condamne la société Le Phoenix aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD La société AXA fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévalait, d'AVOIR dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 23 août 2017, elle devait garantir la société Le Phoenix des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de coronavirus pour les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, du 28 septembre au 4 octobre 2020 et à compter du 30 octobre 2020, de l'AVOIR, en conséquence, condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation et de l'AVOIR condamnée à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat ; 1) ALORS, d'abord, QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que l'assureur ne produisait, selon elle, aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 §§ 9-10), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 2) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « l'exclusion ainsi définie n'est nullement limitée puisqu'elle vise tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville » (arrêt p. 8 § 8), la cour d'appel, qui n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 3) ALORS, subsidiairement, QUE la cour d'appel a elle-même constaté qu'il résultait des différentes pièces produites par les parties qu'il était possible qu'une épidémie ne concerne que la population d'un lieu limité (arrêt p. 8 § 3), ce dont il se déduisait a fortiori que la garantie subsistant après application de la clause d'exclusion, consistant en la garantie des pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait d'une mesure de fermeture administrative touchant son seul établissement dans son département, était susceptible de jouer, de sorte que la garantie n'était pas vidée de toute substance du fait de cette clause ; qu'en affirmant que la clause d'exclusion vidait la garantie de sa substance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 4) ALORS, également subsidiairement, QU' en se bornant à affirmer que l'assureur ne produisait aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie (arrêt p. 8 § 10), sans rechercher si l'exemple d'indemnisation d'une ferme auberge faisant l'objet d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie de grippe aviaire qui était produit par l'assureur en pièce n° 16 et expressément invoqué par celui-ci dans ses conclusions (p. 37) était de nature à établir que sa garantie avait déjà joué en cas d'épidémie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 5) ALORS, ensuite, QUE la cour d'appel, qui a affirmé que la clause d'exclusion de garantie n'était pas limitée en se bornant à rappeler les termes de cette clause (arrêt p. 8 § 8) sans aucunement donner les raisons qui la conduisaient à porter une telle appréciation, en particulier sans expliquer en quoi il résulterait des termes de cette clause qu'elle viderait la garantie de sa substance, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 6) ALORS, subsidiairement, QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assuré du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » – soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication – que celle qui a motivé la fermeture administrative – mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public – d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en jugeant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 7) ALORS, aussi, QUE l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ce terme ne figure pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même – ce qui est contesté – que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du seul fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; que, partant, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs du jugement pris de ce que la clause d'exclusion serait imprécise du seul fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie », elle a violé les articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil ; 8) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait écarter l'application de la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre au motif qu'à la suite de l'épidémie de coronavirus, AXA a proposé à son assurée un avenant contenant cette fois une définition contractuelle des termes épidémie et pandémie et précisant le sort de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une épidémie et à une pandémie (arrêt p. 9 § 1), quand, d'une part, cette proposition d'avenant ne la dispensait pas d'analyser la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie, puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-1 du code des assurances, 1103, 1170 et 1171 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1246 F-B Pourvoi n° B 20-22.759 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 M. [O] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 20-22.759 contre l'arrêt n° RG 18/13758 rendu le 9 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant : 1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a formé un pourvoi incident. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2020), à la suite d'un contrôle de l'application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) a notifié, le 19 décembre 2016, à M. [K], médecin généraliste libéral (le professionnel de santé), un indu d'un certain montant relatif à la facturation de majorations de nuit et de majorations pour dimanches et jours fériés, pour la période du 17 février 2013 au 20 septembre 2016. 2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le professionnel de santé fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'il résulte de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents réalisant les vérifications ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de serment et d'agrément des agents de la caisse primaire d'assurance maladie pour cela qu'ils n'ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place, la cour d'appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées. » Réponse de la Cour 5. Les dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, qui habilitent les directeurs des organismes de sécurité sociale à confier à des agents assermentés et agréés dans les conditions fixées par voie réglementaire, ainsi qu'à des praticiens conseils et auditeurs assermentés et agréés dans les mêmes conditions, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, ne sont pas applicables aux contrôles de l'observation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et aux dispositions réglementaires prises pour leur application. 6. L'arrêt relève qu'à l'occasion du contrôle administratif de facturation, les agents de la caisse ont procédé uniquement à l'exploitation par analyse et recoupement des documents émanant du professionnel de santé, consistant en ses télétransmissions pour le versement de prestations et en ses tableaux de garde complétés. Il retient que ces agents n'ont donc procédé à aucun acte de vérification ou d'enquête au sens de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, notamment aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place. 7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure en recouvrement de l'indu engagée par la caisse n'était pas entachée d'irrégularité en raison du défaut de justification de l'agrément et de l'assermentation des agents chargés du contrôle. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. Le professionnel de santé fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; qu'en validant un redressement exclusivement fondé sur des données statistiques, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, informatique et libertés, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour 10. Aux termes de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, applicable au litige, aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité. 11. L'arrêt retient qu'il ressort de l'analyse des télétransmissions du professionnel de santé que ce dernier a facturé systématiquement à la caisse des majorations de nuit et des majorations pour dimanches et jours fériés en violation des prescriptions de la Nomenclature générale des actes professionnels, peu important que ces télétransmissions analysées dans le cadre du contrôle puissent s'inscrire dans un traitement informatisé. 12. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que le traitement des données n'étant pas destiné à établir le profil du professionnel de santé destinataire de la décision, ni à évaluer certains aspects de sa personnalité, la caisse pouvait produire ces données pour rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 14. La caisse fait grief à l'arrêt de condamner le professionnel de santé au paiement d'une certaine somme au titre de l'indu, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés à hauteur de 15.395, 60 euros correspondaient à des actes effectivement réalisés en "permanence de soins ambulatoire" , après avoir pourtant constaté que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] n'avait déclaré à l'ARS réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins mais qu'il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés, la cour d'appel qui a statué par des motifs contraires a violé l'article 455 code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 455 du code de procédure civile : 15. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs. 16. Pour rejeter partiellement la demande de la caisse en remboursement de sommes indûment perçues par le professionnel de santé, l'arrêt retient que ce dernier, pour les périodes où il était de garde, n'a déclaré à l'agence régionale de santé réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins, mais qu'il a facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés. Il ajoute que, pour ces périodes, les actes ont été effectivement réalisés en permanence de soins ambulatoire, de sorte que le professionnel de santé était fondé à facturer des majorations de nuit et jours fériés. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit bien-fondé l'indu correspondant aux majorations facturées à tort à hauteur de 129 724,26 euros pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et condamne M. [K] à payer cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, au titre de l'indu, l'arrêt rendu le 9 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [K] M. [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procédure de contrôle de recouvrement mise en oeuvre par la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis à son encontre est régulière ; de l'avoir débouté en conséquence de sa demande d'annulation de la notification de payer adressée par courrier recommandé avec accusé de réception le 19 décembre 2016 ; de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de la décision rendue par la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis ; d'avoir dit bien-fondé l'indu correspondant aux majorations facturées à tort à hauteur de 129 724,26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016, et de l'avoir condamné à payer à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 129 724,26 € au titre de l'indu ; 1) alors qu'il résulte de l'article L 114-10 du code de la sécurité sociale que les agents réalisant les vérifications ou enquêtes administratives des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale doivent être assermentés et agréés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de serment et d'agrément des agents de la caisse primaire d'assurance-maladie pour cela qu'ils n'ont procédé notamment à aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place (arrêt, p. 6 - Sur la régularité de la procédure de contrôle, avant-dernier §), la cour d'appel, en ajoutant à la loi des conditions dont elle ne dispose pas, a violé les dispositions susvisées ; 2) alors que la notification de payer par laquelle s'ouvre l'action en recouvrement de l'indu doit permettre au professionnel de santé d'en comprendre la cause afin de pouvoir produire, le cas échéant, ses observations ; qu'en l'état d'une notification d'indu pour « non-respect de l'article 14 de la NGAP », avec un tableau récapitulatif mentionnant le code acte facturé en application de la NGAP, l'éventuel code complémentaire correspondant aux majorations facturées, et le taux de remboursement, ce qui ne permettait pas au médecin libéral de comprendre la raison pour laquelle des cotations complémentaires pour urgences étaient remises en question (contestation du caractère d'urgence au regard de l'état du malade ou de l'horaire de prise en charge, coefficient de majoration, etc.), en rejetant la demande d'annulation de la notification d'indu, la cour d'appel a violé l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale ; 3) alors qu'une décision de justice impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; qu'en validant un redressement exclusivement fondé sur des données statistiques, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, Informatique et libertés, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale ; 4) alors que l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels prévoit une majoration lorsque, en cas d'urgence justifiée par l'état du malade, les actes sont effectués la nuit ou le dimanche ou les jours fériés, et que sont considérés comme actes de nuit les actes effectués entre 20 heures et 8 heures si l'appel au praticien a été fait entre 19 heures et 7 heures ; qu'en considérant les majorations comme indues aux motifs inopérants que les actes étaient réalisés aux horaires habituels du cabinet, de 10 heures à minuit du lundi au dimanche et les jours fériés, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une restriction dont il ne dispose pas, a violé l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale ; 5) alors enfin et en tout état de cause que le caractère exceptionnel de la consultation dépendant de l'urgence au regard de l'état de santé du malade, en tranchant cette question médicale sans recourir à l'expertise technique, la cour d'appel a violé l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis La CPAM de Seine-Saint-Denis fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré sur le montant de l'indu, et statuant de nouveau de ce chef, d'AVOIR dit bien-fondé l'indu correspondant uniquement aux majorations facturées à tort à hauteur de 129.724, 26 € pour la période du 17 février 2013 au 23 septembre 2016 et condamné M. [K] à payer à la CPAM de Seine-Saint-Denis uniquement la somme de 129.724, 26 € au titre de l'indu. 1° - ALORS QUE l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels prévoit que les actes effectués la nuit ou le dimanche et jours fériés donnent lieu à une majoration en cas d'urgence justifiée par l'état du malade; qu'en jugeant justifiées les majorations facturées par M. [K] les jours où il était de garde au titre de la permanence des soins ambulatoire au prétexte inopérant qu'il s'agissait d'actes réalisés en "permanence de soins ambulatoire" sans vérifier quand la Caisse le contestait, que les actes ainsi accomplis étaient justifiés par l'urgence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 14 de la Nomenclature générale des actes professionnels. 2° - ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour dire justifiées les majorations pendant les périodes de garde, que les actes facturés et payés à hauteur de 15.395, 60 € correspondaient à des actes effectivement réalisés en "permanence de soins ambulatoire" , après avoir pourtant constaté que pendant les périodes où il était de garde, M. [K] n'avait déclaré à l'ARS réaliser que très peu d'actes dans le cadre de la permanence des soins mais qu'il avait facturé de très nombreuses majorations de nuit et jours fériés, la cour d'appel qui a statué par des motifs contraires a violé l'article 455 code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1234 F-B Pourvoi n° U 21-10.773 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 21-10.773 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [U] [J], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [5], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 novembre 2020), M. [J] (la victime), salarié de la société [5] (l'employeur), a été victime, le 4 octobre 2011, d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] au titre de la législation professionnelle. Par jugement définitif d'un tribunal de police, l'employeur a été relaxé des poursuites du chef de blessures involontaires. 2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de retenir sa faute inexcusable, alors : « 1°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision ; qu'en l'espèce, en retenant que la déclaration, par le juge répressif, de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne s'opposait pas à la reconnaissance d'une faute inexcusable, cependant que le tribunal de police avait jugé que « l'enquête n'a pas permis d'établir d'une manière certaine la cause de l'ouverture de la vanne d'aspiration », que « restent des causes hypothétiques » réfutées par les techniciens en intervention qui avaient exclu toute manipulation volontaire ou par négligence, que « la possibilité d'une ouverture inopinée et spontanée de cette vanne n'a pu être identifiée même sur un mode improbable », que les salariés étaient « formés, habilités et expérimentés pour ce type d'intervention », que le « risque de brûlure » ne pouvait « pas être identifié au regard de l'intervention programmée » « justement appréciée », que si un système avec une double vanne pouvait prévenir les conséquences d'un geste involontaire ou la défaillance matérielle, « d'une part, aucune norme ne le prévoit et, d'autre part, il n'est pas habituellement spécifiquement recommandé pour ce type d'installation », de sorte que la décision de relaxe s'imposait dans l'instance civile reposant sur les mêmes faits, et que compte tenu des motifs et constatations matérielles du jugement, l'accident reposait sur une cause indéterminée, excluant toute faute inexcusable de l'employeur, dès lors que, sans identification d'un fait générateur précis, ne pouvaient être caractérisés ni le fait que l'employeur pouvait avoir conscience d'un danger, ni un lien entre un comportement fautif de l'employeur et la survenue de l'accident, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 du code civil. » Réponse de la Cour Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et les articles 4-1 du code de procédure pénale et L. 452-1 du code de la sécurité sociale : 4. Si le premier de ces textes permet au juge civil, en l'absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application du second, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé. 5. Pour dire la faute inexcusable établie, l'arrêt relève que selon l'enquête, malgré un travail préalable d'isolement de la pompe que les salariés s'apprêtaient à démonter, un jet d'ammoniac a surgi brutalement de la conduite et les a aspergés, brûlant gravement la victime, et que la fuite a été causée par l'ouverture inopinée de la vanne située entre la pompe et le stockage d'ammoniac. Il retient que quelle que soit la cause de l'ouverture de la vanne, le dispositif de sécurité était inadéquat et que l'employeur connaissait ou aurait dû connaître le fait que cette vanne n'était munie d'aucun dispositif de verrouillage en position fermée, contrairement aux règles de sécurité applicables à la matière. 6. En statuant ainsi, alors que pour prononcer la relaxe de l'employeur des poursuites du chef de blessures involontaires, par un motif qui était le soutien nécessaire de sa décision, la juridiction pénale, après avoir relevé que les causes de l'ouverture de la vanne étaient indéterminées, a écarté un manquement aux règles de sécurité lié à l'absence de double vanne ou d'un système de verrouillage de la vanne nécessitant un outil spécifique, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société [5] La société [5] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle avait commis une faute inexcusable dans la survenance de l'accident du travail du 4 octobre 2011 dont M. [J] a été victime ; Alors 1°) que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision ; qu'en l'espèce, en retenant que la déclaration, par le juge répressif, de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne s'opposait pas à la reconnaissance d'une faute inexcusable (arrêt p. 5, 2ème §), cependant que le tribunal de police avait jugé que « l'enquête n'a pas permis d'établir d'une manière certaine la cause de l'ouverture de la vanne d'aspiration », que « restent des causes hypothétiques » réfutées par les techniciens en intervention qui avaient exclu toute manipulation volontaire ou par négligence, que « la possibilité d'une ouverture inopinée et spontanée de cette vanne n'a pu être identifiée même sur un mode improbable », que les salariés étaient « formés, habilités et expérimentés pour ce type d'intervention », que le « risque de brûlure » ne pouvait « pas être identifié au regard de l'intervention programmée » « justement appréciée », que si un système avec une double vanne pouvait prévenir les conséquences d'un geste involontaire ou la défaillance matérielle, « d'une part, aucune norme ne le prévoit et, d'autre part, il n'est pas habituellement spécifiquement recommandé pour ce type d'installation », de sorte que la décision de relaxe s'imposait dans l'instance civile reposant sur les mêmes faits, et que compte tenu des motifs et constatations matérielles du jugement, l'accident reposait sur une cause indéterminée, excluant toute faute inexcusable de l'employeur, dès lors que, sans identification d'un fait générateur précis, ne pouvaient être caractérisés ni le fait que l'employeur pouvait avoir conscience d'un danger, ni un lien entre un comportement fautif de l'employeur et la survenue de l'accident, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 1351 du code civil ; Alors 2°) que lorsque la cause de l'accident du travail est indéterminée ou imputable à un geste imprévisible d'un salarié, l'employeur ne peut avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et être l'auteur d'une faute inexcusable ; qu'en retenant qu'il importait peu que ne soit pas déterminé si l'ouverture de la vanne était due à une défaillance technique ou à une erreur humaine (arrêt p. 6, antépénultième §), cependant que cette indétermination excluait toute faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; Alors 3°) que présente un caractère imprévisible pour l'employeur, l'accident du travail survenu en l'absence de toute défectuosité ou anomalie du matériel relevée lors des contrôles périodiques et inspections de sécurité, lorsque l'accident ne provient pas d'un défaut d'entretien ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par la société [5], si la circonstance que les installations n'avaient jamais fait l'objet d'injonctions ou mises en demeure ni de la part de la DREAL dans le cadre de ses contrôles et inspections effectuées les 21 avril et 20 août 2009, 29 juin et 9 novembre 2010, 23 mars et 10 mai 2011, ni de la part de l'inspection du travail, que la direction n'avait jamais reçu d'alertes particulières ni de la Carsat ni de la médecine du travail ni des organismes de contrôle et de certification, ni du CHSCT (p. 9), ni remontée d'informations sur un danger potentiel lié à la configuration ou à l'utilisation du dispositif de vanne (p. 10), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; Alors 4°) qu'en ne répondant pas aux conclusions soutenant que la vanne quart de tour en amont de la pompe ne pouvait être considérée comme non conforme à la réglementation, en l'absence de prescriptions particulières (conclusions d'appel p. 10 et p. 13) et que les salariés utilisateurs, dont M. [J], experts dans le domaine de la maintenance mécanique et connaissant parfaitement ces équipements et leur environnement d'intervention, les plus qualifiés au sein de l'entreprise pour détecter une anomalie, n'avaient jamais formulé d'alertes, de demande de changements opératoires ni d'observations, et en l'absence de tout incident antérieur sur ce type de vanne (p. 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 5°) que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en énonçant que la direction de l'usine avait reconnu que les principes de sécurité en matière de consignation des fluides n'avaient pas été respectés, ce qui ne ressort d'aucun élément de preuve identifié et analysé dans l'arrêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Alors 6°) que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'en l'espèce, la société [5] a soutenu qu'elle avait satisfait à son obligation en matière d'évaluation des risques professionnels, avait mis en place des procédures internes en matière de consignations et déconsignations, consignation mécanique des vannes manuelles (p. 22), que l'installation avait été mise en sécurité et physiquement isolée avant le démarrage des travaux de dépose de la pompe, que la phase de mise à disposition avait été effectuée dans le respect des procédures par des opérateurs habilités après vidange du circuit (p. 25 et 26), que le personnel de maintenance était parfaitement compétent, qualifié, expérimenté, formé, intervenant uniquement en binôme sur des tâches connues et maîtrisées, que les opérations de mise à disposition et dépose de la pompe avaient mobilisé 7 personnes qualifiées sans relever aucune anomalie, de sorte que la société justifiait avoir effectué toutes les diligences sur le plan organisationnel, humain, technique pour éviter la survenance d'un accident (p. 28) ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si ces éléments n'excluaient toute faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1215 FS-B Pourvoi n° Q 21-11.252 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1er DÉCEMBRE 2022 La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-11.252 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) du Sud-Est, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], les observations écrites et orales de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 décembre 2020), M. [C] (la victime), employé en dernier lieu au service de l'établissement de [Localité 4] de la société [3] (la société), en qualité d'agent technique d'entretien, du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2011, a déclaré, le 7 août 2017, une affection professionnelle consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a prise en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles. 2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de son établissement de [Localité 4] les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de la victime, la société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification en demandant leur retrait de ce compte et l'inscription de ces dépenses au compte spécial en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 16 octobre 1995. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deux branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu'il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l'activité d'un salarié au sein d'un établissement déterminé peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement, de sorte que les coûts afférents à une maladie professionnelle ne peuvent être imputés au compte employeur d'un établissement que s'il est établi que le salarié y a été exposé ; que si la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur ayant exposé la victime au risque du tableau au moment de la survenance de la maladie, il n'existe, en revanche, aucune présomption d'exposition au risque auprès du dernier employeur ayant employé le salarié ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si la victime avait effectivement été exposée au risque de la maladie professionnelle au sein de l'établissement de [Localité 4] de la société au motif qu'une telle exposition devait être présumée dans le cadre du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé les articles D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 du code civil ; 2°/ que la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève, en revanche, de la compétence du juge de la tarification, la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne lui est pas imputable faute d'exposition au risque en son sein ; qu'au cas présent, la société ne contestait pas, devant la cour d'appel, le caractère professionnel de la maladie déclarée par la victime, mais demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à cette maladie en faisant valoir que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société et que la maladie ne pouvait donc résulter que d'une exposition au risque pour le compte de précédents employeurs ; qu'en déboutant néanmoins la société de son recours au motif que « si la société affirme que le salarié n'a pu être exposé chez elle, elle ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux général, et ainsi, l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 et l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale. » Réponse de la Cour Vu les articles 1353 du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige : 4. Il résulte du premier de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation. 5. Aux termes du deuxième de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. 6. Selon le troisième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu. 7. Selon les quatrième et cinquième, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial. 8. Selon le dernier, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées lorsque la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. 9. En application des trois derniers de ces textes, la maladie professionnelle est présumée contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Il appartient, alors , à l'employeur qui demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à cette maladie en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 16 octobre 1995 de rapporter la preuve que l'affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l'ont employée, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie. 10. Par ailleurs, dans deux arrêts du 17 mars 2022 (2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n° 20-19.294, publié, et pourvoi n° 20-19.293), la Cour de cassation a décidé que le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge et que, toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles. 11. Dès lors, sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci. 12. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt énonce que celle-ci affirme que la victime n'a pas pu être exposée chez elle car elle a été à son service à partir de 2005 bien après l'interdiction de l'utilisation de l'amiante, que cependant, la société ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale alors que l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction sous le numéro de répertoire général 20/01529 des dossiers suivis sous les numéros 20/01524 et 20/02127, l'arrêt rendu le 4 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ; Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3] La société [3] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ; 1. ALORS QUE le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu'il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l'activité d'un salarié au sein d'un établissement déterminé peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement, de sorte que les coûts afférents à une maladie professionnel ne peuvent être imputés au compte employeur d'un établissement que s'il est établi que la salarié y a été exposé ; que si la maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur ayant exposé la victime au risque du tableau au moment de la survenance de la maladie, il n'existe, en revanche, aucune présomption d'exposition au risque auprès du dernier employeur ayant employé le salarié ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si M. [C] avait effectivement été exposé au risque de la maladie professionnelle au sein de l'établissement de [Localité 4] de la société [3] au motif qu'une telle exposition devait être présumée dans le cadre du contentieux de la tarification, la cour d'appel a violé les articles D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 du code civil ; 2. ALORS QUE la contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie sur le fondement d'un tableau de maladies professionnelles devant la juridiction du contentieux général peut uniquement porter sur la régularité de la décision de prise en charge et son bien-fondé au regard des conditions du tableau ; que relève, en revanche, de la compétence du juge de la tarification, la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne lui est pas imputable faute d'exposition au risque en son sein ; qu'au cas présent, la société [3] ne contestait pas, devant la cour d'appel, le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [C], mais demandait le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à cette maladie en faisant valoir que le salarié n'avait pas été exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société [3] et que la maladie ne pouvait donc résulter que d'une exposition au risque pour le compte de précédents employeurs ; qu'en déboutant néanmoins la société [3] de son recours au motif que « si la société [3] affirme que le salarié n'a pu être exposé chez elle, elle ne justifie pas avoir contesté la prise en charge de la pathologie devant les juridictions du contentieux général, et ainsi, l'exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 et l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1218 FS-B Pourvoi n° C 20-22.760 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-22.760 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Cassignard, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 16 octobre 2020), M. [I] (la victime), ancien salarié de la société [3] (la société), a déclaré le 25 juin 2018 un mésothéliome malin du péritoine, pris en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. 2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de son établissement de [Localité 4] les dépenses afférentes à cette maladie, la société a saisi la juridiction de la tarification d'une demande d'inscription au compte spécial, en application des 3° et 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 juillet 1995. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors « qu'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de son salarié de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société de ses prétentions au motif que « l'employeur ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de son salarié chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2, 3°, de l'arrêté du 16 octobre 1995. » Réponse de la Cour Vu les articles 1353 du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale et 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige : 4. Il résulte du premier de ces textes que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation. 5. Aux termes du deuxième de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. 6. Selon le troisième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu. 7. Selon les quatrième et cinquième de ces textes, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial. 8. Selon le dernier, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à la maladie professionnelle qui a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque, mais qui a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale. 9. Lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale. 10. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt retient que celle-ci ne démontre pas que son activité n'a pas exposé le salarié au risque de sa pathologie. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures inscrites au registre général sous les numéros 19/06689 et 20/01503, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ; Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société [3] n'établit pas que les conditions d'inscription des dépenses de la maladie de Monsieur [U] [I] au compte spécial soient remplies et la déboute en ce sens et d'avoir dit bien-fondée la décision de la CARSAT de maintenir au compte employeur de la société [3] les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [I] ; ALORS QU'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée auprès du dernier employeur auprès duquel la victime a été exposé au risque ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de décision de tarification, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que le salarié a été exposé au risque chez le dernier employeur auquel elle impute l'origine de la maladie ; qu'au cas présent, la société [3] contestait avoir exposé le salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante à l'origine de sa maladie et demandait en conséquence le retrait des coûts afférents à la maladie de M. [I] de son compte employeur ; qu'elle soulignait que le salarié avait été exclusivement exposé au risque à l'origine de sa maladie chez ses employeurs précédents entre 1966 et 1981 ; qu'en déboutant la société [3] de ses prétentions au motif que « la société [3] ne produit aucune pièce relative aux conditions concrètes de travail de Monsieur [I] chez elle et qu'elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve que ce dernier n'y aurait pas été exposé à l'amiante » (arrêt p. 4), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1353 du Code civil, 6 et 9 du Code de procédure civile, D. 242-6-1, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, ensemble de l'article 2,3° de l'arrêté du 16 octobre 1995.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1222 F-B Pourvoi n° D 21-15.589 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022 La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-15.589 contre l'arrêt n° RG : 20/00331 rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [S] [U], 2°/ à M. [I] [K], tous deux domiciliés [Adresse 2], pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur père [E] [K], décédé, 3°/ à M. [H] [K], domicilié [Adresse 1], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé, 4°/ à Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 2], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son père [E] [K], décédé, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [U], Mme et MM. [K], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 février 2021), le 11 avril 2012, [E] [K] (la victime), victime d'un malaise cardiaque alors qu'il se trouvait aux temps et lieu du travail, est décédé. L'employeur a établi une déclaration d'accident du travail transmise à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (la caisse) qui, après avoir fait procéder à une autopsie de la victime, a notifié à ses ayants droit un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle. 2. Les ayants droit de la victime ont saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, alors « que l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur la victime » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 386 du code de procédure civile et R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date : 5. Selon le premier de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans. 6. Il résulte du second que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné au premier les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne. 7. L'arrêt constate que par jugement avant dire droit du 1er juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a sursis à statuer et ordonné la transmission au tribunal du rapport de l'autopsie de la victime réalisée le 16 avril 2012. 8. Pour dire que l'instance n'est pas éteinte par la péremption, l'arrêt énonce qu'en se bornant à ordonner la transmission du rapport d'autopsie le tribunal n'a pas expressément mis à la charge des parties ou de l'une d'elles cette transmission. Il ajoute que cette imprécision a conduit la caisse à solliciter du tribunal par deux courriers des 8 et 13 juillet 2015 qu'il indique à qui il revenait de transmettre ce rapport. Il retient que le tribunal n'ayant imparti aucun délai pour cette transmission ni répondu aux demandes de la caisse, le délai de péremption n'a pu commencer à courir. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le jugement susvisé, dont les parties ne discutaient pas qu'il leur avait été régulièrement notifié, avait ordonné la transmission au tribunal du rapport d'autopsie de la victime ce qui impliquait qu'il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette transmission avant l'expiration du délai de deux ans à compter de cette notification, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu de statuer, l'arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne Mme [U] et Mme et MM. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4] encourt la censure ; EN CE QU'il a rejeté les demandes de la CPAM de [Localité 4] tendant à constater que par l'absence d'effet dévolutif, la Cour n'est saisie d'aucune demande et à dire n'y avoir lieu à statuer ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont rappelé les termes de la déclaration d'appel et constaté que l'acte d'appel fait état d'un appel total et d'une reprise des prétentions de l'appelant ; qu'en se déclarant saisie, par l'effet dévolutif, de la critique des chefs du jugement, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en retenant que les chefs de dispositif du jugement attaqué sont également repris quand il résulte de ses constatations que les énonciations en cause ne sont que la reprise des prétentions de l'appelant, la Cour d'appel a violé les articles 562, 932 et 933 du Code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que l'instance devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale puis le pole social du tribunal de grande instance n'a pas été éteinte par voie de préemption ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'instance est périmée lorsque les parties s' abstiennent d' accomplir, pendant un délai de deux, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que par jugement en date du 1er juillet 2015, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de NANCY a « surs(is) à statuer sur la demande et ordonné la transmission au Tribunal des affaires de sécurité sociale du rapport d'autopsie réalisée le 16 avril 2012 sur Monsieur [E] [K] » ; qu'en retenant qu'aucune diligence n'avait été mise à la charge des parties, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, en s'abstenant de rechercher si, en ordonnant la transmission du rapport d'autopsie, le Tribunal des affaires de sécurité sociale n'avait pas nécessairement mis cette diligence à la charge des parties, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 386 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par la CPAM de [Localité 4], encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que le décès de Monsieur [E] [K] survenu le 11 avril 2012 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, la présomption d'imputabilité est renversée lorsqu'il est établi qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; que la Caisse rapporte cette preuve en produisant l'avis du médecin-conseil, fondé sur le rapport d'autopsie, et constatant qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'avis du médecin-conseil, produit pas la Caisse, et établi sur la base du rapport d'autopsie, ne démontrait pas qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ; ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, le rapport d'autopsie, établi sur le fondement de l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale est couvert par le secret médical ; qu'en retenant, pour dire que Caisse ne rapporte pas la preuve de ce que qu'un état pathologique antérieur est exclusivement à l'origine de l'accident, qu'aucun empêchement ne s'oppose à la production, par la Caisse, du rapport d'autopsie, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 442-4 du Code de la sécurité sociale et les articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 825 FS-B Pourvoi n° Q 21-16.404 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ la société EDF Renouvelables France, société par actions simplifiée unipersonnelle, 2°/ la société du Parc Eolien [Localité 4], 3°/ la société Plein Vent [Localité 2], 4°/ la société du Parc Eolien [Localité 6], 5°/ la société du Parc Eolien [Localité 9], 6°/ la société du Parc Eolien [Localité 8], 7°/ la société du Parc Eolien [Localité 5], 8°/ la société du Parc Eolien [Localité 7], ayant toutes leur siège [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° Q 21-16.404 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à l'association France Nature Environnement, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat des sociétés EDF Renouvelables France, Parc Eolien de la Conque, Plein Vent [Localité 2], Parc Eolien [Localité 6], Parc Eolien [Localité 9], Parc Eolien [Localité 8], Parc Eolien [Localité 5] et Parc Eolien [Localité 7], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association France Nature Environnement, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2021), les sociétés Parc éolien [Localité 4], Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8] et Parc éolien [Localité 7] (les propriétaires exploitants) détiennent chacune un parc éolien construit et mis en service entre 2006 et 2013, pour un total de trente et une éoliennes réparties sur plusieurs communes du département de l'Hérault. 2. La supervision de l'exploitation et la gestion de ces parcs ont été confiées à la société EDF renouvelables France (EDF) selon un contrat de gestion d'actifs. 3. Les sites du Causse d'[Localité 2], de la plaine de [Localité 13]-[Localité 11] et de la plaine de [Localité 10]-[Localité 12], sur lesquels sont implantées les éoliennes, sont classés en zone de protection spéciale en application de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil sur la protection des oiseaux sauvages (directive "oiseaux"), dont relève le faucon crécerellette (falco naumanni). 4. La Ligue pour la protection des oiseaux, chargée de la mise en oeuvre du plan national d'action en faveur du faucon crécerellette et du suivi de l'impact de ces parcs éoliens sur cet oiseau, a signalé, en 2011 et 2012, la découverte de plusieurs cadavres au pied des installations. 5. En juillet 2014, des arrêtés préfectoraux ont prescrit la pose, sur toutes les éoliennes, d'un système de détection et d'effarouchement des oiseaux, dit « DT-Bird », testé depuis 2013 sur deux appareils. 6. De nouveaux cadavres de faucons crécerellettes ayant été découverts malgré ce dispositif, l'association France nature environnement (l'association) a assigné les propriétaires exploitants et EDF en indemnisation du préjudice moral causé par la destruction de spécimens d'une espèce protégée. 7. Les défendeurs ont soulevé l'irrecevabilité à agir de l'association. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de déclarer l'association recevable en ses demandes, alors « que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 9. L'article L. 142-2 du code de l'environnement permet aux associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du même code d'agir en réparation tant devant le juge pénal que le juge civil, en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ainsi qu'aux textes pris pour leur application. 10. La recevabilité de l'action est subordonnée à l'existence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale entrant dans le champ des dispositions susmentionnées. 11. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'action de l'association de protection de l'environnement agréée avait pour objet la réparation de son préjudice moral résultant de la destruction alléguée, entre 2012 et 2016, de nombreux spécimens de faucons crécerellettes, espèce protégée, en violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2, constitutive du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du même code. 12. Elle en a déduit, à bon droit, que la recevabilité de l'action en responsabilité civile de droit commun exercée par l'association en raison du délit environnemental invoqué n'était pas conditionnée par la constatation ou la constitution préalable de l'infraction, la recevabilité d'une action ne pouvant être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 14. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice moral de l'association et de les condamner à lui verser une certaine somme, alors : « 1°/ que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le Préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2°/ que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an II ; 3°/ qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 15. D'une part, les éoliennes sont soumises à la législation spéciale applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement figurant aux articles L. 514-44 et suivants du code de l'environnement, selon laquelle les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent doivent être exploitées dans le respect des prescriptions édictées par l'autorisation administrative d'exploitation. 16. D'autre part, la législation spéciale, autonome, relative à la protection du patrimoine naturel interdit, par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, la destruction d'animaux d'espèces non domestiques protégées, l'article L. 411-2, 4°, réservant toutefois la possibilité de délivrance, par l'autorité administrative compétente, de dérogations à cette interdiction. 17. La cour d'appel a exactement retenu que les arrêtés du 9 juillet 2014 pris par le préfet, dont les propriétaires exploitants prétendaient avoir strictement respecté les mesures spécifiques imposées pour la protection des faucons crécerellettes, n'avaient pas été pris en application des dispositions de l'article L. 411-2 relatif aux espèces protégées. 18. Elle a également constaté qu'il n'était pas justifié d'une demande de dérogation ni d'une décision de l'administration autorisant la destruction de ces spécimens protégés. 19. La cour d'appel, qui n'a pas substitué son appréciation à celle de l'administration quant aux prescriptions assortissant les autorisations de poursuite d'exploitation délivrées en 2014 au titre de la police spéciale des installations classées applicable aux éoliennes, a retenu à bon droit que ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative le fait, pour le juge judiciaire, saisi, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, d'une action en responsabilité fondée sur la destruction d'une espèce sauvage protégée, de constater la violation des dispositions de l'article L. 411-2, 1°, du code de l'environnement sans justification, par les contrevenants, d'une dérogation accordée par l'autorité administrative. 20. Le moyen, inopérant en sa troisième branche dès lors que la légalité des arrêtés préfectoraux de juillet 2014 est sans incidence sur la solution du présent litige, n'est donc pas fondé pour le surplus. Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 21. Les propriétaires exploitants font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice subi par l'association et de les condamner à lui payer des sommes en réparation de son préjudice moral, alors : « 1°/ que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement », de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 2°/ que si l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4° du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1° du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour 22. D'une part, il résulte des articles L. 411-1 et L. 415-3 du code de l'environnement que constitue le délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques la violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2 du même code (Crim., 5 avril 2011, pourvoi n° 10-86.248). 23. La cour d'appel n'était donc pas tenue de caractériser l'atteinte portée à la conservation de l'espèce protégée en cause, dès lors que celle-ci résultait de la constatation de la destruction d'un spécimen appartenant à l'espèce faucon crécerellette, en violation de l'interdiction édictée par l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement. 24. D'autre part, il est jugé qu'une faute d'imprudence suffit à caractériser l'élément moral du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement (Crim, 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96). 25. La cour d'appel a constaté que vingt-huit faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement, avaient été tués entre 2011 et 2016 par collision avec les éoliennes des parcs du Causse d'Aumelas, que cette destruction perdurait malgré la mise en place du système DT- BIRD, et que les propriétaires exploitants n'avaient pas sollicité la dérogation aux interdictions édictées par cet article, constitutive d'un fait justificatif exonératoire de responsabilité. 26. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation sur le comportement des propriétaires exploitants, que le délit d'atteinte à la conservation d'espèce animale non domestique protégée, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était caractérisé tant dans son élément matériel que son élément moral. 27. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision. Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 28. Les propriétaires exploitants font le même grief à l'arrêt, alors « qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 5, paragraphes a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ? » Réponse de la Cour 29. A l'instar de ce que prévoit l'article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage (directive « habitats »), l'article 5 de la directive « oiseaux » exige que les Etats membres adoptent un cadre législatif complet et efficace par la mise en oeuvre de mesures concrètes et spécifiques de protection de toutes les espèces d'oiseaux sauvages qui doivent permettre d'assurer le respect effectif des interdictions mentionnées à cet article, notamment l'interdiction de les tuer intentionnellement, l'article 14 autorisant les Etats membres à prendre des mesures plus strictes que celles prévues par cette directive. 30. Les articles L. 411-1 et L. 411-2, 4°, du code de l'environnement interdisent, pour toutes les espèces animales non domestiques protégées, y compris les oiseaux, leur destruction et appliquent les conditions et les motifs de dérogation à ces interdictions posés par l'article 16 de la directive « habitats ». 31. L'arrêté du 29 octobre 2009 qui, en application de cette législation, fixe la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection y inclut, dans son article 3, le faucon crécerellette, dont la destruction intentionnelle est interdite. 32. La législation nationale a ainsi étendu aux oiseaux sauvages protégés les mesures nécessaires à un système de protection stricte édictées par l'article 12 paragraphe 1 sous a) de la directive « habitats ». 33. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article précité doit être interprété en ce sens que, d'une part, il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées, et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition ne cesse pas de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable (CJUE, arrêt du 4 mars 2021, Skydda Skogen, C-473/19 et C-474/19). 34. Il s'ensuit qu'en l'absence d'un doute raisonnable sur l'interprétation à donner à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement en cas de destruction de spécimens d'une espèce protégée d'oiseau causée par des éoliennes, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soulevée par le moyen. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT n'y avoir lieu à question préjudicielle ; REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Parc éolien [Localité 4], Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Parc éolien de la Conque, Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France et les condamne à payer à l'association France Nature Environnement la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour les sociétés EDF Renouvelables France, Parc éolien de la Conque, Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8] et le Parc éolien [Localité 7] PREMIER MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 7] et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes ; Alors que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » (arrêt, p. 10, in fine) ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2] Clitourps, Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 7] et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes, d'avoir déclaré les sociétés exploitantes responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune (soit au total la somme de 3.500 euros) en réparation de ce préjudice ; 1° Alors que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le Préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 2° Alors, encore, que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; 3° Alors, en tout état de cause, qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Les sociétés Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 4], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 5] et Parc éolien [Localité 7] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déclarées responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune en réparation de son préjudice moral ; 1° Alors que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 3), de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses (conclusions d'appel, p. 25 à 26) si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 2° Alors, encore, que si l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4° du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1° du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'Aumelas alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 1 et 3) ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ; 3° Alors, subsidiairement, enfin, qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 5, paragraphes a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ? »
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 824 FS-B Pourvoi n° J 21-20.033 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [U] [Z], 2°/ Mme [T] [L], épouse [Z], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° J 21-20.033 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [J] [P], 2°/ à Mme [I] [M], épouse [P], domiciliés tous deux [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [P], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 29 avril 2021), par acte authentique du 6 septembre 2011, M. et Mme [Z] ont acquis de M. et Mme [P] une propriété bâtie composée d'une maison d'habitation et d'une piscine hors-sol, édifiées sur un terrain cadastré section [Cadastre 2], d'une contenance de 20 ares 44 centiares. 2. Ayant appris, postérieurement à la vente, que la piscine empiétait sur la parcelle voisine appartenant à la société civile immobilière Christian Nesty (la SCI), M. et Mme [Z] ont assigné M. et Mme [P], sur le fondement de la garantie d'éviction et du dol, en paiement du coût des travaux nécessaires à la délimitation de la parcelle et en indemnisation de leur préjudice. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes au titre de la garantie d'éviction, alors : « 1°/ que la garantie d'éviction s'exerce sur la chose vendue ; qu'en considérant que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, aux motifs « qu'il n'existe pas de défaut de contenance de la parcelle en cause de sorte que M. et Mme [P] en vendant l'immeuble cadastré [Cadastre 2] sis à [Localité 4] (Goyave) n'ont pas cédé de droits aux Consorts [Z]-[L] sur la portion de terre litigieuse jouxtant leur propriété laquelle appartient à la SCI Christian Nesty », et que « la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit », sans rechercher si, bien que la superficie de la parcelle vendue ait correspondu aux plans de bornage antérieurs, la circonstance que la SCI Christian Nesty ait revendiqué la propriété de la parcelle sur laquelle était implantée la piscine hors-sol qui était mentionnée, à l'acte authentique de vente, dans la désignation du bien vendu par les époux [P] aux époux [Z] ne caractérisait pas un risque d'atteinte au droit de propriété acquis par ces derniers, obligeant les vendeurs à garantir les acquéreurs de l'éviction ou du risque d'éviction de la portion de terre litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ; 2°/ que la cour d'appel a constaté, par des motifs propres et adoptés, que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine », et que « par courrier du 01 juin 2012 le représentant de cette SCI [SCI Christian Nesty] a fait savoir aux consorts [Z]-[L] que l'emplacement de leur "piscine et (de leur) clôture empiétait sur la parcelle qui jouxte (leur) propriété" et qu'il leur appartenait de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les (leurs)" puis par missive du 1er avril 2016 a renouvelé cette demande en précisant que suite à la réalisation d'un procès-verbal de bornage révélant que "cette barrière empiète sur (son) propre jardin (et que) l'empiétement s'étend sur une surface de 375 m² il les met en garde contre une éventuelle démolition judiciaire "en vertu de l'article 544 du code civil (à défaut de) l'arrêt de cet empiétement, dans les meilleurs délais" », ce dont il résultait l'existence d'un risque d'éviction tenant à ce que la SCI Christian Nesty revendiquait la propriété de la parcelle incluant la piscine et la clôture que les époux [Z] avaient acquis des époux [P] ; qu'en retenant néanmoins que « le contenu de ces courriers ne caractérise pas l'éviction ou le risque d'éviction des Consorts [Z]-[L] puisque la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1625 et 1626 du code civil ; 3°/ qu'en retenant, pour dire que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, que « les écritures et pièces du dossier notamment le rapport d'expertise en date du 10 décembre 2017 diligenté par M. [Y] [S] révèlent que ladite piscine (en kit bois construite en 2006 et vétuste) a été démolie en 2016 de sorte qu'elle n'est plus implantée sur la portion litigieuse, seule la clôture dont il n'est pas rapporté qu'elle soit définitive demeurant entre les fonds, selon les termes dudit rapport », quand cette circonstance tirée de ce que, postérieurement à la vente, la consistance de la chose vendue aurait été partiellement modifiée était inopérante au regard de la revendication par la SCI Christian Nesty de la propriété de la portion de parcelle sur laquelle avaient été placées la piscine et la clôture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ; 4°/ que la cour d'appel a constaté que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine », et « qu'ils versent aux débats : un courrier du 1er juin 2012 adressé par la SCI Christian Nesty, propriétaire de la parcelle sur laquelle la piscine était susceptible d'empiéter, sollicitant de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les vôtres", mais qui n'a fait l'objet d'aucune suite ; un courrier du 1er avril 2016, adressé par la SCI Christian Nesty, demandant de cesser l'empiètement et rappelant qu'aux termes de l'article 544 du code civil, ils pourraient être contraints de démolir "la barrière" à leurs frais » ; qu'en considérant néanmoins, par des motifs adoptés, que les époux [Z] n'apportaient pas la preuve d'un trouble actuel autorisant la mise en oeuvre de la garantie d'éviction, dès lors « qu'aucune action judiciaire n'a été intentée à titre principal par la SCI Nesty afin d'être rétablie dans ses droits, étant observé que le droit de propriété de la SCI Nesty sur ce morceau de parcelle pouvait être remis en cause par une prescription acquisitive, la situation perdurant depuis plus de dix ans », quand elle constatait que le représentant de la SCI Christian Nesty avait clairement manifesté son intention de faire valoir son droit sur la portion de terre contenant la piscine et la clôture et de contester celui des époux [Z], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a encore violé les articles 1625 et 1626 du code civil. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a énoncé à bon droit que l'éviction supposait un trouble actuel et non simplement éventuel, la simple connaissance par l'acheteur de l'existence d'un droit au profit d'un tiers susceptible de l'évincer ne suffisant pas à lui permettre d'agir en garantie. 6. Ayant relevé qu'une lettre du 1er juin 2012, adressée par la SCI à M. et Mme [Z] les sollicitant de prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites de leur parcelle, n'avait fait l'objet d'aucune suite et que, si, par une lettre du 1er avril 2016, la SCI leur avait rappelé qu'aux termes de l'article 544 du code civil ils pourraient être contraints de démolir « la barrière » à leurs frais, aucune action judiciaire n'avait été intentée par ce tiers afin d'être rétabli dans ses droits, elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que l'existence d'un trouble de droit actuel subi par les acheteurs n'était pas établie. 7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. et Mme [Z] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes, au titre de la garante d'éviction de M. et Mme [P], en paiement des sommes de 24 780,45 euros pour les travaux nécessaires à la délimitation de la parcelle, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, outre une indemnité de procédure ; 1°) ALORS QUE la garantie d'éviction s'exerce sur la chose vendue ; qu'en considérant que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, aux motifs « qu'il n'existe pas de défaut de contenance de la parcelle en cause de sorte que M. et Mme [P] en vendant l'immeuble cadastré [Cadastre 2] sis à [Localité 4] (Goyave) n'ont pas cédé de droits aux Consorts [Z]-[L] sur la portion de terre litigieuse jouxtant leur propriété laquelle appartient à la SCI Christian Nesty » (arrêt p. 4, § 2), et que « la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit » (arrêt p. 4, § 3), sans rechercher si, bien que la superficie de la parcelle vendue ait correspondu aux plans de bornage antérieurs, la circonstance que la SCI Christian Nesty ait revendiqué la propriété de la parcelle sur laquelle était implantée la piscine hors-sol qui était mentionnée, à l'acte authentique de vente, dans la désignation du bien vendu par les époux [P] aux époux [Z] ne caractérisait pas un risque d'atteinte au droit de propriété acquis par ces derniers, obligeant les vendeurs à garantir les acquéreurs de l'éviction ou du risque d'éviction de la portion de terre litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ; 2°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté, par des motifs propres et adoptés, que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine » (jugement p. 4, § 9), et que « par courrier du 01 juin 2012 le représentant de cette SCI [SCI Christian Nesty] a fait savoir aux Consorts [Z]-[L] que l'emplacement de leur "piscine et (de leur) clôture empiétait sur la parcelle qui jouxte (leur) propriété" et qu'il leur appartenait de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les (leurs)" puis par missive du 01 avril 2016 a renouvelé cette demande en précisant que suite à la réalisation d'un procès-verbal de bornage révélant que "cette barrière empiète sur (son) propre jardin (et que) l'empiétement s'étend sur une surface de 375 m² il les met en garde contre une éventuelle démolition judiciaire "en vertu de l'article 544 du code civil (à défaut de) l'arrêt de cet empiétement, dans les meilleurs délais" » (arrêt p. 4, § 3), ce dont il résultait l'existence d'un risque d'éviction tenant à ce que la SCI Christian Nesty revendiquait la propriété de la parcelle incluant la piscine et la clôture que les époux [Z] avaient acquis des époux [P] ; qu'en retenant néanmoins que « le contenu de ces courriers ne caractérise pas l'éviction ou le risque d'éviction des Consorts [Z]-[L] puisque la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit » (arrêt p. 4, § 3), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1625 et 1626 du code civil ; 3°) ALORS QU'en retenant, pour dire que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, que « les écritures et pièces du dossier notamment le rapport d'expertise en date du 10 décembre 2017 diligenté par M. [Y] [S] révèlent que ladite piscine (en kit bois construite en 2006 et vétuste) a été démolie en 2016 de sorte qu'elle n'est plus implantée sur la portion litigieuse, seule la clôture dont il n'est pas rapporté qu'elle soit définitive demeurant entre les fonds, selon les termes dudit rapport » (arrêt p. 4, § 5), quand cette circonstance tirée de ce que, postérieurement à la vente, la consistance de la chose vendue aurait été partiellement modifiée était inopérante au regard de la revendication par la SCI Christian Nesty de la propriété de la portion de parcelle sur laquelle avaient été placées la piscine et la clôture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ; 4°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine » (jugement p. 4, § 9), et « qu'ils versent aux débats : un courrier du 1er juin 2012 adressé par la SCI Christian Nesty, propriétaire de la parcelle sur laquelle la piscine était susceptible d'empiéter, sollicitant de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les vôtres", mais qui n'a fait l'objet d'aucune suite ; un courrier du 1er avril 2016, adressé par la SCI Christian Nesty, demandant de cesser l'empiètement et rappelant qu'aux termes de l'article 544 du code civil, ils pourraient être contraints de démolir "la barrière" à leurs frais » (jugement p. 4, § 10) ; qu'en considérant néanmoins, par des motifs adoptés, que les époux [Z] n'apportaient pas la preuve d'un trouble actuel autorisant la mise en oeuvre de la garantie d'éviction, dès lors « qu'aucune action judiciaire n'a été intentée à titre principal par la SCI Nesty afin d'être rétablie dans ses droits, étant observé que le droit de propriété de la SCI Nesty sur ce morceau de parcelle pouvait être remis en cause par une prescription acquisitive, la situation perdurant depuis plus de dix ans » (jugement p. 4, §§ 10 et 11), quand elle constatait que le représentant de la SCI Christian Nesty avait clairement manifesté son intention de faire valoir son droit sur la portion de terre contenant la piscine et la clôture et de contester celui des époux [Z], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a encore violé les articles 1625 et 1626 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. et Mme [Z] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes, au titre de la responsabilité délictuelle de M. et Mme [P] pour leur réticence dolosive sur des éléments déterminants du consentement de l'acheteur, en paiement des sommes de 24 780,45 euros pour les travaux nécessaires à la délimitation de la parcelle, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, outre une indemnité de procédure ; ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux [Z] soutenaient que les époux [P] savaient que la piscine et le bassin à poissons étaient implantés sur la parcelle de terrain du voisin et que, pour l'établir, ils se prévalaient du rapport d'expertise de M. [S] (p. 8 des conclusions d'appel), qu'ils produisaient et qui énonçait que « les demandeurs subissent un préjudice ayant été, manifestement, dupés par la nature et la configuration des lieux, ceux-ci étant enjolivés par la présence d'une piscine, d'implantation cohérente avec la jouissance la parcelle de terrain arborée, « se trouvant agrandie artificiellement » jusqu'à la clôture (375 m²), les vendeurs, selon propos recueillis le 24/05/17, se gardant bien de les informer sur la situation réelle de cette parcelle et de leur piscine, ces biens constituant, naturellement des éléments attractifs pour la vente » (p.12 du rapport) ; que, pour rejeter la demande des époux [Z], la cour d'appel a retenu que « les Consorts [Z]-[L] ne produisent aucune pièce justifiant de leur argumentaire et notamment l'existence de manoeuvres dolosives de la part de M. et Mme [P] ayant conduit à l'achat de leur propriété du seul fait de l'emplacement de la piscine, d'un bassin à poissons ou de la clôture » (arrêt p. 5, § 3) ; qu'en faisant ainsi abstraction du rapport d'expertise qui relatait les propos des consorts [P] quant à leur connaissance de la situation réelle de la parcelle et de la piscine qui constituaient des éléments attractifs pour la vente, la cour d'appel a dénaturé par omission ledit rapport en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 873 F-B Pourvoi n° G 20-22.903 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme [Z]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 octobre 2020. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [U] [Z], domiciliée [Adresse 2], 2°/ l'union départementale des associations familiales (UDAF), dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de curatrice de Mme [U] [Z], ont formé le pourvoi n° G 20-22.903 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2 - 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [C], domicilié [Adresse 2], 2°/ à l'aide sociale à l'enfance du Var, dont le siège est [Adresse 6], 3°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié [Adresse 7], défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [Z] et de l'union départementale des associations familiales, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'aide sociale à l'enfance du Var, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2019), de l'union de M. [C] et de Mme [Z] est issu [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010. 2. Le 19 septembre 2018, le président du conseil départemental du Var a déposé une requête aux fins de déclaration judiciaire de délaissement parental de l'enfant à l'égard de ses deux parents. Examen du moyen Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches Enoncé du moyen 4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer délaissé son fils, alors : 4°/ que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Mme [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Mme [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Mme [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Mme [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du code civil ; 5°/ qu'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Mme [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 381-1 du code civil, un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit. 6. La cour d'appel a retenu que Mme [Z] ne s'était pas saisie du droit de visite médiatisée organisé dès la naissance de [N] en vue de la soutenir, compte tenu de sa fragilité psychique, dans la création d'un lien avec son enfant, et que ce dispositif avait été mis en échec par son inconstance dans l'exercice de ce droit, ainsi que par son absence de prise en compte des besoins de l'enfant, dont le mal-être avait été constaté, avant comme après les rencontres avec ses parents, par les intervenants éducatifs et médicaux sociaux. 7. Elle a relevé que Mme [Z] ne s'était pas plus saisie du droit de correspondance médiatisé instauré en 2016 au moment de la suspension du droit de visite et n'avait, depuis, posé aucun acte concret permettant d'attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils. 8. Elle a estimé que les démarches destinées à restaurer le lien avec [N] et entreprises par le service gardien sous le contrôle du juge pendant plusieurs années avaient maintenu l'enfant dans un état d'insécurité affective et entravé son bon développement, ce qui justifiait de le libérer du lien avec ses parents biologiques, des progrès de celui-ci ayant été constatés depuis la fin des visites obligatoires. 9. La cour d'appel, qui a ainsi caractérisé une situation de délaissement de l'enfant au sens de l'article 381-1 du code civil pendant l'année précédant l'introduction de la requête en se déterminant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, a légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] et l'union départementale des associations familiales Madame [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré délaissé l'enfant [N] [C], né le [Date naissance 4] 2010 à La Seyne-sur-mer, par ses père et mère, M. [T] [C] né le [Date naissance 5] 1964 à Toulon et Madame [U] [Z], née le [Date naissance 3] 1986 à La Seyne-sur-mer, et d'AVOIR délégué l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant [N] [C] au Conseil général du Var ; 1/ ALORS QUE l'article 1205-1 du Code de procédure civile dispose que lorsqu'une procédure d'assistance éducative a été diligentée à l'égard d'un enfant, « dans tous les cas, le juge des enfants fait connaître son avis au regard de la procédure d'assistance éducative en cours » ; que la nullité résultant de l'omission de l'avis du juge des enfants est encourue sans qu'il y ait lieu de justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 114 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QU'à supposer même que la nullité n'ait pu être prononcée qu'en l'état d'un grief causé par l'omission, l'avis du juge des enfants, lequel est le mieux placé pour dire si l'enfant a été délaissé, visant à ajouter au contenu du dossier, son absence a nécessairement causé un grief à la mère ; qu'en écartant la nullité résultant de l'absence d'avis du juge des enfants, aux motifs que les parties avaient pu débattre de chacun des éléments de la procédure d'assistance éducative communiquée par le juge des enfants et que la mère ne rapportait pas la preuve du grief ainsi causé, la Cour d'appel aurait donc encore violé l'article 1205-1 du Code de procédure civile et l'article 114 du Code de procédure civile ; 3/ ALORS QU'en application de l'article 381-1 du Code civil, « un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit », c'est- à-dire, en l'espèce, pendant l'année qui a précédé la requête du 19 septembre 2018 ; qu'en se déterminant au regard du comportement de la mère entre l'année 2010 et le jugement du 4 juillet 2016 ayant suspendu ses droits de visite ou, à tout le moins, le 19 septembre 2018, la Cour d'appel a violé cette dernière disposition ; 4/ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté, d'une part, que le droit de visite de la mère avait été suspendu par jugement du 4 juillet 2016, d'autre part, qu'aux termes de l'expertise psychologique ordonnée le 30 juin 2016, Madame [Z] présentait une structuration « limite », marquée par l'immaturité, la dépendance affective et la crainte de l'effondrement avec toutefois un ancrage à la réalité assez préservé, et l'expert relevait chez la mère un certain retard mental, semblant résulter de troubles envahissants du développement durant l'enfance pour lesquels elle n'aurait pas été suivie, constatait qu'elle conservait une forte immaturité affective et aurait connu des passages dépressifs la conduisant à être hospitalisée en psychiatrie, et enfin que Madame [Z] préférait communiquer avec son fils par textos ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que Madame [Z] ne s'était pas saisie de la possibilité de maintenir un lien mère-enfant qui lui était offerte par la voie d'un droit de correspondance médiatisée instaurée par la décision du 4 juillet 2016 et ne posait en outre aucun acte concret pour attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils, sans rechercher si Madame [Z] n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils, entre le 19 septembre 2017 et le 19 septembre 2018, les relations nécessaires à son éducation ou à son développement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 381-1 et 381-2 du Code civil ; 5/ ALORS QU'en toute hypothèse, l'intérêt supérieur de l'enfant est une norme supra-légale qui doit être pris en considération dans toutes les décisions concernant les enfants et qui permet au juge, au regard des circonstances particulières du dossier et si l'intérêt de l'enfant l'exige, de rejeter la demande de déclaration judiciaire de délaissement parental, alors même que les conditions légales posées à l'article 381-1 du code civil seraient réunies ; qu'en affirmant que « les progrès et la réassurance de [N] constatés à compter du moment où il n'avait plus été obligé de rencontrer ses parents en 2016 démontraient qu'il était de l'intérêt supérieur du mineur d'être libéré du lien avec ses parents biologiques afin de pouvoir se construire », sans rechercher si le maintien par Madame [Z] d'un lien avec son fils par textos n'avait pas participé aux progrès et à la réassurance de [N], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 860 FS-B Pourvoi n° S 21-12.128 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [K] [C] divorcée [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-12.128 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [G] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [C], et l'avis de M.Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 décembre 2020), un jugement du 29 mai 2019 a prononcé le divorce de Mme [C] et de M. [X]. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Mme [C] fait grief à l'arrêt de fixer à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire mise à sa charge et de la condamner, en tant que de besoin, à payer cette somme à M. [X], alors « que toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en fixant à 50 000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et en la condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil alors que celui-ci, en ce qu'il pose un principe très général d'attribution d'une prestation compensatoire à un époux visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution ; qu'en outre, la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce ; qu'en appliquant cette disposition qui ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la cour d'appel a violé l'article 1, § 1, du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 4. L'article 270 du code civil, en ce qu'il prévoit la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens, au sens autonome de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 5. En visant à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée, avec la disparition du devoir de secours, dans les conditions de vie respectives des époux et en prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, ce texte poursuit le but légitime à la fois de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce et de célérité dans le traitement des conséquences de celui-ci. 6. L'octroi d'une prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et ne peut être décidé qu'au terme d'un débat contradictoire, en fonction des éléments fournis par les parties. 7. C'est ainsi que, selon l'article 270, alinéa 2, du code civil, l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux à la date de la rupture s'apprécie au regard des ressources, charges et patrimoine de chacun des époux au moment du divorce, ainsi que de leur évolution dans un avenir prévisible, et qu'elle n'ouvre droit au bénéfice d'une prestation compensatoire au profit de l'époux qui subit cette disparité que si celle-ci résulte de la rupture du mariage, à l'exclusion de toute autre cause. 8. Selon l'article 270, alinéa 3, du code civil, le juge peut toutefois refuser d'accorder une prestation compensatoire si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, tels que l'âge des époux, leur situation au regard de l'emploi ou les choix professionnels opérés par eux, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. 9. Il en résulte que ces dispositions ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante. 10. C'est sans violer l'article 1er précité que la cour d'appel a condamné Mme [C] à payer à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil, un capital de 50 000 euros à titre de prestation compensatoire. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [C] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [C]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé le divorce entre les époux aux torts partagés, D'AVOIR débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du code civil et DE L'AVOIR condamnée à payer à son ex époux une prestation compensatoire, 1°) ALORS QU'en cas de présentation d'une demande principale en divorce pour faute, le défendeur qui a formé en première instance une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal ne peut y substituer, en appel, une demande reconventionnelle en divorce pour faute ; que M. [X], qui demandait en première instance que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal, ne pouvait demander à la cour d'appel de prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme [C] ; qu'en examinant néanmoins cette demande, et en prononçant le divorce aux torts partagés des époux, la cour d'appel a violé l'article 1077 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, le divorce pour faute peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits sont constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, qui sont imputables à son conjoint et qui rendent intolérable le maintien de la vie commune ; qu'une relation extraconjugale peut, compte tenu des circonstances, ne pas présenter le caractère de gravité requis pour en faire une cause de divorce ; qu'en l'espèce, Mme [C] et M. [X] ont signé, le 26 mars 2012, une « dérogation à l'article 212 du code civil » aux termes duquel ils s'accordaient « mutuellement la possibilité d'avoir des aventures extra-conjugales » ; qu'en jugeant néanmoins que la relation adultère de Mme [C] constituait par elle-même une faute au sens de l'article 242 du code civil, sans rechercher si l'accord du 26 mars 2012 n'était pas de nature à lui enlever le caractère de gravité qui pouvait en faire une cause de divorce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil ; 3°) ALORS QUE les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ; que constitue une violation grave des devoirs et obligations du mariage, l'abandon du domicile conjugal ; que la cour d'appel, en fixant, par confirmation du jugement, les effets du divorce, dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, au 24 août 2013, date du départ de M. [X], a constaté l'abandon du domicile conjugal par ce dernier ; en omettant néanmoins, pour prononcer le divorce aux torts partagés des époux, de prendre en considération cette faute initiale de l'époux, la cour d'appel a violé l'article 215 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et de l'avoir condamnée en tant que de besoin à payer cette somme à M. [G] [X] 1°) ALORS QUE la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera la condamnation de Mme [C] au versement d'une prestation compensatoire de tout fondement juridique,au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement, l'un des époux ne peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; qu'il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l'union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture ; que, dans ses écritures d'appel Mme [C] faisait valoir que M. [X] avait volontairement fait le choix d'exercer une activité de consultant et de formateur quand, titulaire du diplôme d'expertise comptable obtenu très jeune, il aurait pu exercer cette profession nettement plus rémunératrice que son activité présente, et pourrait encore, à tout moment, demander son inscription à l'ordre des experts comptables, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux résultait uniquement des choix personnels de M. [X] ; qu'en énonçant qu'il ne lui appartenait pas d'émettre un avis sur les orientations professionnelles choisies par M. [X], la cour d'appel a refusé de prendre en considération les choix personnels de l'époux, violant ainsi l'article 270 du code civil ; 3°) ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions opérantes de Mme [C] faisant valoir que les revenus déclarés par M. [X] depuis leur séparation étaient manifestement obérés par ses manoeuvres consistant à les altérer artificiellement avant le prononcé du divorce dans le seul but d'obtenir une prestation compensatoire plus élevée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS ENCORE QUE Mme [C], expert-comptable, démontrait que les résultats déclarés par les sociétés dirigées par M. [X] étaient anormalement faibles par rapport aux chiffres d'affaires réalisés par ces sociétés, qui versaient par ailleurs des revenus non déclarés à M. [X] sous forme de dividendes ou d'indemnités kilométriques particulièrement élevés, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux procédait de dissimulations de M. [X] ; qu'en énonçant que si Mme [C] faisait état de ce que les sociétés de M. [X] présentaient des curiosités comptables, il n'appartenait pas à la cour de se prononcer sur la façon dont étaient gérées les sociétés de l'intimé, la cour d'appel a refusé de prendre en considération les dissimulations de l'époux, violant l'article 270 du code civil ; 5°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions de Mme [C] démontrant que l'estimation du montant des droits à la retraite invoquée par M. [X] reposait sur l'hypothèse d'une évolution défavorable basée sur une poursuite irrégulière de sa carrière professionnelle et une baisse de ses revenus jusqu'à son départ à la retraite qui ne correspondait pas à la réalité de sa situation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions de Mme [C] démontrant que l'estimation du montant des droits à la retraite invoquée par M. [X] était obérée par la minoration volontaire de son revenu pendant l'instance en divorce, ainsi que par son refus d'exercer une profession plus lucrative et par son oisiveté, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (tout aussi subsidiaire) Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et de l'avoir condamnée en tant que de besoin à payer cette somme à M. [G] [X] ; 1°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en fixant à 50.000 euros en capital le montant de la prestation compensatoire qui devra être mise à sa charge, et en la condamnant en tant que de besoin à payer cette somme à M. [X], sur le fondement de l'article 270 du code civil alors que celui-ci, en ce qu'il pose un principe très général d'attribution d'une prestation compensatoire à un époux visant à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sans prise en compte des causes du divorce, de la situation financière de l'époux demandeur qui devrait se trouver dans une situation de besoin ou de la cause de la disparité dans les conditions de vie respectives et ne pose que des exceptions résiduelles et insuffisantes à ce principe d'attribution ; qu'en outre, la compensation est allouée sans limite de temps, au regard de la durée de vie restante des époux après leur divorce ; qu'en appliquant cette disposition qui ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, la cour d'appel a violé l'article 1, paragraphe 1, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; que l'un des époux ne peut, en tout état de cause, être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage ; qu'il peut être déduit des choix de vie effectués en commun par les époux durant l'union que la disparité constatée ne résulte pas de la rupture ; qu'en condamnant néanmoins Mme [C] au paiement d'une prestation compensatoire d'un montant de 50.000 euros à M. [X], dans ce contexte où la disparité dans les conditions de vie respectives de M. [X] et Mme [C] résultait du fait que M. [X] avait volontairement fait le choix d'exercer une activité de consultant et de formateur quand, titulaire du diplôme d'expertise comptable obtenu très jeune, il aurait pu exercer cette profession nettement plus rémunératrice que son activité présente, et pourrait encore, à tout moment, demander son inscription à l'ordre des experts comptables, de sorte que la différence de revenus existant entre les époux résultait uniquement des choix personnels de M. [X], la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété et ainsi violé l'article 1, paragraphe 1, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 859 FS-B Pourvoi n° S 21-11.507 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [F] [L], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-11.507 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [K] [L], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [T] [L], veuve [X], domiciliée [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de Mme [F] [L], de Me Balat, avocat de Mme [T] [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] [L], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 2020), [W] [Y] est décédée le 20 février 2015, en laissant pour lui succéder ses enfants [F], [K] et [T]. 2. Par acte authentique du 9 juin 1994, elle avait consenti à son fils une donation, par préciput et hors part, d'une certaine somme investie dans un apport au capital d'une société commerciale et dans l'acquisition de parts détenues par Mme [F] [L] dans trois sociétés civiles immobilières. 3. Par acte authentique du 11 juillet 2005, la donatrice et le donataire étaient convenus de la révocation de la donation et M. [K] [L] avait remboursé à sa mère la somme donnée. 4. Des difficultés sont survenues dans le règlement de la succession. 5. Mme [F] [L] a assigné ses cohéritiers en nullité de l'acte de révocation pour cause illicite. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, qui est irrecevable. Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 7. Mme [F] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer valable l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que la cause du contrat, ou cause subjective, qui doit être licite, s'entend des mobiles ayant conduit les contractants à s'engager ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] avait souligné dans ses conclusions d'appel (notes pp. 21-24) que la cause de l'acte révocatoire résidait dans la volonté de ses auteurs de faire échec aux règles de la réserve héréditaire à propos de la donation effectuée en 1994 ; qu'en considérant qu'il s'agissait-là de « mobiles » et que « les mobiles ayant présidé à la révocation litigieuse sont indifférents », dès l'instant où la révocation d'une donation est, en soi, un acte autorisé par la loi, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de cause du contrat, a violé les articles 1108, 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause. » Réponse de la Cour Vu les articles 1131 et 1133, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 8. Il résulte de ces textes qu'un contrat n'est valable que si les motifs ayant déterminé les parties à contracter sont licites. 9. Pour déclarer valable l'acte du 11 juillet 2005, l'arrêt retient que les mobiles ayant présidé à la révocation de la donation du 9 juin 1994 sont indifférents et ne peuvent se confondre avec la cause de la convention qui n'était pas illicite, la révocation conventionnelle d'une donation ne se heurtant à aucune interdiction légale et étant toujours possible sans que les parties n'aient à en justifier les raisons. 10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la cause de l'acte révocatoire ne résidait pas dans la volonté des parties de contourner les dispositions d'ordre public de l'article 922 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare valable l'acte du 11 juillet 2005 et rejette les demandes de Mme [L] en inopposabilité de son effet rétroactif à l'égard des tiers, en réunion fictive de la donation du 9 juin 1994 en considération des remplois successifs de la somme donnée, d'application des sanctions du recel successoral à M. [K] [L] et d'expertise afin de déterminer le montant de la réunion fictive et de la réduction, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne M. [K] [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [T] [L] et par M. [K] [L] et condamne celui-ci à payer à Mme [F] [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SAS Hannotin Avocats, avocat aux Conseils, pour Mme [L]. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Brest, en particulier en ce que ledit jugement a « déclaré valable l'acte du 11 juillet 2005 intervenu entre [K] [L] et [W] [L] prononçant la révocation de la donation du 9 juin 1994 » et « débouté [F] [L] du surplus de ses demandes » ; 1° Alors que toute personne dont le lien de filiation à l'égard d'une autre personne est établi dispose, avant même le décès de cette dernière, d'un droit acquis dans son principe à lui succéder ; que ce droit acquis dans son principe d'un successible qui serait réservataire est protégé d'emblée par l'institution de la réserve héréditaire, quand bien même les modalités de calcul de ladite réserve, et, par suite, la détermination des réductions qui pourraient en découler, ne peuvent être établies qu'au décès de l'auteur de la personne considérée ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] exposait que l'acte de révocation établi du 11 juillet 2005 par sa mère, [W] [Y] veuve [L], la veille d'une opération cardiaque, avait pour cause impulsive et déterminante de faire échec à la réunion fictive à la masse successorale de la valeur des titres que Monsieur [K] [L] avait acquis grâce à la donation par préciput et hors part du 9 juin 1994 ainsi révoquée, et de porter ainsi atteinte à la réserve (v. conclusions p. 24-32) ; que pour écarter toute atteinte à la réserve, la cour d'appel a retenu que « Madame [F] [L] n'avait, en 2005, acquis aucun droit sur la succession de sa mère », « le droit invoqué ne naissant qu'au décès de celui dans la succession duquel il est revendiqué » (arrêt p. 6, al. 3) ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'institution de la réserve protège le successible réservataire dont le lien de filiation avec le de cujus est établi, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1131, et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 2° Alors en tout état de cause que l'acte de révocation de la donation d'une somme d'argent ayant servi à l'acquisition d'un bien sujet à réunion fictive au décès du donateur poursuit un but illicite lorsqu'il est conclu afin d'effacer toute perspective de réunion fictive, parce que le bien précité a pris de la valeur depuis la donation, dans le but de faire échec aux règles de la réserve héréditaire ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la donation dont avait bénéficié son frère, Monsieur [K] [L], de la part de sa mère, [W] [Y] veuve [L], en 1994, avait été utilisée pour investir dans des titres de sociétés qui, en 1999, et plus encore en 2005, avaient pris une valeur considérable ; qu'il est constant que Monsieur [K] [L] avait souhaité réaliser cet investissement, en 1994, à l'aide de biens propres afin de tourner la difficulté liée à son mariage sous un régime de communauté ; que Madame [F] [L] épouse [H] exposait dans ses conclusions d'appel (p. 24-32) que l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 avait été conclu, non pas dans l'intention de procurer des fonds à [W] [Y], qui n'en manquait pas, mais à seule fin de briser le mécanisme, protecteur de la réserve, de la réunion fictive des biens acquis en remploi, mécanisme attaché à la donation par préciput et hors part consentie le 9 juin 1994 ; que Madame [F] [L] épouse [H] soulignait (ses conclusions p. 30) que son frère, Monsieur [K] [L], avait tenté, déjà en 1999, d'effacer cette créance de valeur en tentant de faire accepter à sa soeur exposante une donation-partage qui aurait inclus la donation par préciput et hors part du 9 juin 1994 pour sa valeur d'origine (le nominal donné en 1994) ; qu'en considérant que ce calcul ayant présidé à la conclusion de l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 ne serait pas établi au motif qu'en 2005, [W] [Y] était toujours en vie, de sorte que la réserve ne pouvait être définie dans tous ses éléments, et tout en constatant plus loin que cette révocation « était susceptible d'avoir des effets [...] sur les droits successoraux futurs de ses héritiers » (arrêt p. 7, al. 2), la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, le mobile illicite pouvant parfaitement intégrer des droits futurs dont l'auteur de l'acte illicite souhaite paralyser le fonctionnement, violant dès lors les articles 1108, 1131, et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 3° Alors par ailleurs que la cause du contrat, ou cause subjective, qui doit être licite, s'entend des mobiles ayant conduit les contractants à s'engager ; qu'au cas présent, Madame [F] [L] épouse [H] avait souligné dans ses conclusions d'appel (not. p. 21-24) que la cause de l'acte révocatoire résidait dans la volonté de ses auteurs de faire échec aux règles de la réserve héréditaire à propos de la donation effectuée en 1994 ; qu'en considérant qu'il s'agissait-là de « mobiles » et que « les mobiles ayant présidé à la révocation litigieuse sont indifférents », dès l'instant où la révocation d'une donation est, en soi, un acte autorisé par la loi, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de cause du contrat, a violé les articles 1108, 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ; 4° Alors, en outre, que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'au cas d'espèce, Madame [F] [L] épouse [H] avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que le mobile illicite de la renonciation effectuée en 2005 s'induisait de la tentative ratée d'incorporation de la donation de 1994 à un projet de donation-partage élaborée en 1999, où la donation de 1994 avait été évaluée au nominal de la donation et non à la mesure de la valeur des titres acquis grâce à ces fonds, ce qui était de nature à révéler l'intention frauduleuse des auteurs de la renonciation intervenue en 2005, Madame [F] [L] épouse [H] ayant à juste titre refusé de signer ce projet de donation-partage (conclusions, p. 30) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, car de nature à révéler l'intention frauduleuse animant l'acte de renonciation de 2005, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 5° Alors que, en tout état de cause, constitue un montage frauduleux la donation d'une somme d'argent suivie d'une révocation rétroactive en ce que le donateur et le donataire se réservent ainsi la libre possibilité de moduler l'ampleur de l'actif successoral, donc de la réserve héréditaire et de la quotité disponible, et ce en violation des droits les plus fondamentaux des héritiers réservataires ; qu'en jugeant pourtant licite, et même, par motif éventuellement adopté du premier juge, intrinsèquement de nature à « rétablir l'égalité entre les potentiels héritiers » (jugement p. 8), la révocation rétroactive de la donation du 9 juin 1994, la cour d'appel a violé les articles 721, 722, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ; 6° Alors, sur la question subsidiaire de l'efficacité de la révocation à l'égard des tiers, que la révocation d'une donation par préciput et hors part intervenue sans l'accord des successibles porte atteinte à leurs droits ; qu'elle ne leur est donc pas pleinement opposable ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré au contraire que l'acte révocatoire de 2005, qui aurait totalement effacé tous les droits nés de la donation initiale de 1994 entre les parties à l'acte, aurait été, en cela, pleinement opposable aux successibles, et notamment à Madame [F] [L] épouse [H], dans la mesure où, selon la cour d'appel, celle-ci n'aurait eu aucun droit acquis à la date de la révocation, « en l'absence de situation juridiquement constituée au profit d'un tiers » (arrêt p. 6, dernier al.) ; qu'en statuant ainsi, cependant que Madame [F] [L] épouse [H], en tant que successible, disposait d'un droit acquis dans son principe à la réserve, donc au mécanisme de la réunion fictive, qui interdisait de considérer que la révocation par simple restitution du nominal donné à l'origine avait pu effacer tout lien de droit né de la donation initiale de 1994, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1108 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil ; 7° Alors, en tout état de cause, sur cette question de l'efficacité à l'égard des tiers de l'acte révocatoire, que la révocation d'une donation par préciput et hors part de somme d'argent ayant servi à l'acquisition de parts sociales, si elle est réalisée sans le consentement à l'acte de tous les successibles et qu'elle ne donne lieu qu'à paiement, par le donataire, du nominal de la donation initiale, n'efface pas rétroactivement et dans son intégralité l'acte initial ; qu'en particulier, subsiste, au bénéfice des successibles, le droit à la réunion fictive qui est lié à la circonstance que la donation a été effectuée par préciput et hors part et qu'elle a donné lieu à remploi ; qu'au cas présent, après avoir considéré que l'acte révocatoire de 2005 n'était pas nul pour cause illicite, la cour d'appel a retenu que la révocation « rétabli[ssait] » « chacune des parties » « dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne à défaut de conclusion de la libéralité révoquée » (arrêt p. 6, avant-dernier al.) et que cette révocation serait marquée par une « rétroactivité, entraînant en conséquence l'anéantissement de l'acte révoqué » (arrêt p. 6, dernier al.). ; que la cour d'appel a encore retenu qu'[W] [Y] ne disposait, en 2005, d'aucune « créance de revalorisation de la libéralité, qui n'était pas née à la date de la révocation de celle-ci » (arrêt p. 7, alinéa 1), cette « créance de revalorisation » n'apparaissant, selon la cour, qu'au décès de la donatrice, en cas de maintien intégral de la donation à cette dernière date ; qu'en statuant ainsi, cependant que la donation par préciput et hors part faisant naître des droits au bénéfice des successibles (droit au mécanisme de la réunion fictive), elle ne peut être parfaitement effacée, par un acte révocatoire conclu sans le consentement de tous les successibles, que si ces droits sont purgés, la cour d'appel, qui a raisonné comme si la donation, et sa révocation ultérieure, n'étaient que des contrats du code civil dominés par l'autonomie de la volonté et n'engageant que les individus les concluant, niant dès lors la dimension familiale et institutionnelle des actes en cause, a violé les articles 1134 et 1108 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 721, 722, 735, 844, 912, 919-2, 920 et 922 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 864 F-B Pourvoi n° R 21-14.726 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [S] [Z], épouse [U], 2°/ M. [R] [U], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° R 21-14.726 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [I], domicilié [Adresse 3] (Belgique), 2°/ à Mme [V] [K], domiciliée [Adresse 1], prise en qualité d'administratrice ad hoc représentant [J] [F] [U], mineure, 3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [U], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-26.661), l'enfant [J] [F], née le 26 août 2010 à [Localité 5] (Allemagne), a été déclarée à l'état civil comme née de Mme [Z] et de M. [U], son époux. 2. Un jugement du 10 mars 2015 a dit que M. [U] n'était pas le père de [J] [F]. 3. M. [I] a reconnu [J] [F] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Mme [Z] et M. [U] font grief à l'arrêt de constater que M. [I] a reconnu [J] [F] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015, alors « qu'en application de l'article 320 du code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'un autre filiation qui la contredirait ; qu'à la date du 28 août 2015, date de la reconnaissance émanant de M. [I], le lien de filiation de l'enfant avec M. [R] [U], constaté par l'acte de naissance de l'enfant, n'était pas anéanti puisqu'il ne l'a été, eu égard à l'effet suspensif de l'appel, que par l'arrêt du 16 mars 2021 ; que cette règle d'ordre public, que les juges du fond devaient au besoin appliquer d'office, s'opposait au constat des effets d'une reconnaissance au profit de M. [I] ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les articles 6 et 320 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 320 du code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait. 6. Il résulte de ce texte que la reconnaissance d'un enfant qui a déjà une filiation légalement établie n'est pas nulle, mais est seulement privée d'effet, tant que cette filiation n'a pas été anéantie en justice. 7. Après avoir retenu que M. [U] n'était pas le père de [J] [F], la cour d'appel a constaté que celle-ci avait été reconnue par M. [I]. 8. Elle en a déduit à bon droit que cette reconnaissance produisait ses effets, hors toute action en établissement de paternité. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Z] et M. [U] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U] L'arrêt attaqué, critique par Madame [Z] et Monsieur [U], encourt la censure ; EN CE QUE, s'il a décidé à bon droit d'infirmer le jugement ayant déclaré que Monsieur [I] était le père de l'enfant [J] [F] [U], il a constaté que Monsieur [I] avait reconnu l'enfant [J] [F] [U] devant l'officier d'état civil de [Localité 6] le 28 août 2015 ; ALORS QUE, en application de l'article 320 du Code civil, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'un autre filiation qui la contredirait ; qu'à la date du 28 août 2015, date de la reconnaissance émanant de Monsieur [I], le lien de filiation de l'enfant avec Monsieur [R] [U], constaté par l'acte de naissance de l'enfant, n'était pas anéanti puisqu'il ne l'a été, eu égard à l'effet suspensif de l'appel, que par l'arrêt du 16 mars 2021 ; que cette règle d'ordre public, que les juges du fond devaient au besoin appliquer d'office, s'opposait au constat des effets d'une reconnaissance au profit de Monsieur [I] ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé les articles 6 et 320 du Code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 865 F-B Pourvoi n° Y 21-16.366 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 Mme [O] [F], épouse [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-16.366 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre spéciale des mineurs 2-5), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, 20 place Verdun, 13616 Aix-en-Provence, 2°/ à Mme [C] [E], placée à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Var, [Adresse 5], 3°/ à M. [U] [R], 4°/ à Mme [Z] [R], tous deux domiciliés [Adresse 4], 5°/ à l'Aide sociale à l'enfance (ASE), dont le siège est [Adresse 5], 6°/ à l'[6] ([6]), dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2021), [C], née le [Date naissance 3] 2006 en Algérie, a été confiée le 17 janvier 2018, selon la procédure de kafala, à Mme [E]. 2. Un jugement du 24 février 2020 a ordonné son placement auprès de M. et Mme [R] en qualité de tiers digne de confiance, ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert et réservé les droits de visite et d'hébergement de Mme [E]. 3. Un jugement du 28 août 2020 a ordonné la mainlevée des deux premières mesures, confié [C] à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Var, accordé à Mme [R] et Mme [E] un droit de correspondance et réservé les droits de visite et d'hébergement de celle-ci. 4. Un jugement du 10 septembre 2020 a, notamment, maintenu le placement jusqu'au 30 septembre 2021. Examen des moyens Sur le premier et le troisième moyens, ci après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de maintenir le placement de [C] à l'ASE du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [O] [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, et notamment du rapport d'actualisation de l'Aide Sociale à l'Enfance transmis à la cour d'appel le 17 février 2021, soit à peine sept jours avant la date de l'audience d'appel ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile et les articles 1182, 1187 et 1193 du même code : 7. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement. Cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge. 8. Il résulte de la combinaison des derniers qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parties jusqu'à la veille de l'audience. Les convocations les informent de cette possibilité de consulter le dossier. 9. Il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe. 10. En procédant ainsi, alors qu'il n'est pas établi que Mme [E] ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, les mesures critiquées ayant épuisé leurs effets. PAR, CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme [E]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation du jugement, d'avoir confirmé le jugement en entrepris en toutes ses dispositions et d'avoir dit n'y avoir lieu à évocation ; Alors, d'une part, que l'ouverture d'une mesure d'assistance éducative impose au juge d'en aviser et d'entendre chacun des parents de l'enfant, dans le respect du principe du contradictoire ; que le non-respect de cette règle emporte la nullité du jugement de placement de l'enfant, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'un grief ; qu'en retenant, pour débouter Mme [O] [E] de sa demande de nullité du jugement, que cette dernière « ne démontre pas [que le défaut d'audition de la mère biologique ] lui fait personnellement grief, ce qu'il lui appartient de prouver, ou fait grief à l'enfant », quand le simple constat de l'absence d'audition de Mme [J] suffisait pourtant à rendre la procédure irrégulière et à entraîner la nullité du jugement, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile, ensemble l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, d'autre part, que l'ouverture d'une mesure d'assistance éducative impose au juge d'en aviser et d'entendre chacun des parents de l'enfant, dans le respect du principe du contradictoire ; que les père et mère devant être avisés et entendus sont les personnes qui ont un lien juridique de filiation préalablement établi avec l'enfant, qu'ils exercent ou non l'autorité parentale et quel que soit le lieu de résidence du mineur ou l'investissement du parent auprès de lui ; qu'en retenant pourtant, pour débouter Mme [O] [E] de sa demande en nullité du jugement, que l'enfant « exprime en outre sa volonté de ne pas retourner en Algérie », que « Madame [J] a consenti à renoncer, par l'acte de recueil légal, à l'exercice de l'ensemble des droits habituellement attachés à la qualité de parent » et que cette dernière ne possède aucun des attributs de l'autorité parentale, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter la nullité du jugement, en violation des articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile et de l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, de troisième part, que la règle imposant l'avis et l'audition des parents du mineur avant toute décision portant sur l'assistance éducative a pour fondement l'intérêt de l'enfant ; que par suite, un manquement à cette règle emporte nécessairement la nullité du jugement, sans que ce manquement puisse être régularisé lors d'une audience ultérieure ; qu'en retenant cependant que « l'omission soulevée, qu'il appartiendra au juge des enfants saisi de la procédure civile de réparer dans l'intérêt de la mère biologique et l'éventuel intérêt de la mineure lorsqu'il apparaîtra nécessaire de l'évaluer en ce sens, ne saurait emporter nullité de la procédure et des actes accomplis », la cour d'appel a encore violé les articles 16, 1182, 1188 et 1189 du code de procédure civile, ensemble l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; Alors, de quatrième part, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir au soutien de sa demande en nullité du jugement que les autorités algériennes de protection de l'enfance auraient dû – conformément à l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant – être avisées et entendues par le juge des enfants avant que celui-ci ne rende sa décision de placement (conclusions pp. 16-17) ; qu'en se bornant à relever que le défaut de convocation de la mère biologique n'était pas susceptible d'entraîner la nullité du jugement et en relevant par ailleurs qu'il n'y avait pas lieu « à évocation sur les demandes tendant (...) à l'avis des autorités algériennes », sans répondre au moyen péremptoire de nullité tiré du défaut d'audition des autorités algériennes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le placement de [C] [E] à l'Aide Sociale à l'Enfance du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021 ; Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par les parents de l'enfant jusqu'à la veille de l'audience ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme [O] [E] ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, et notamment du rapport d'actualisation de l'Aide Sociale à l'Enfance transmis à la cour d'appel le 17 février 2021, soit à peine sept jours avant la date de l'audience d'appel ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir maintenu le placement de [C] [E] à l'Aide Sociale à l'Enfance du Var à compter du 10 septembre 2020 et jusqu'au 30 septembre 2021 ; Alors, d'une part, qu'une mesure de placement ne peut être ordonnée que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a notamment relevé, par motifs propres, que Mme [O] [E] était décrite par les services sociaux comme « auto-centrée, peu accessible à la remise en cause personnelle », qu'elle avait « un discours rigide consistant à rejeter sur [C] et autrui d'une manière générale la responsabilité des dysfonctionnements de la relation enfant-recueillante », qu'elle était « dans une forte attente vis-à-vis de [C] », qu'elle n'avait « vraisemblablement pas été en mesure d'appréhender avec suffisamment de bienveillance et de souplesse les difficultés particulières de [C] » et qu'elle a réagi en « tenant des propos négatifs ou dévalorisants à l'égard de la mineure » ; qu'elle a également énoncé, par motifs adoptés des premiers juges, que « l'expertise psychologique de Madame [E] indique que cette dernière présente une "dépression réactionnelle" » du fait de la rupture avec sa famille et du choc traumatique de la disparition de sa fille biologique ; que de tels motifs, qui se concentrent sur la personnalité de Mme [O] [E], sont toutefois impropres à caractériser en quoi la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant seraient en danger, ou en quoi les conditions de son éducation ou de son développement seraient gravement compromises ; qu'en maintenant toutefois le placement de l'enfant auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance, sans caractériser la situation de danger dans laquelle la mineure se serait trouvée, la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 375 du code civil ; Alors, d'autre part, qu'une mesure de placement ne peut être ordonnée que si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que les accusations de violence de [C] n'était accréditées que « de prime abord » et n'étaient « pas autrement documentées au stade actuel de la procédure » et que [C] « adoptait des discours différents en fonction de son interlocuteur qui peut induire celui-ci à penser qu'elle a menti » ; qu'elle a également relevé qu'il pouvait être « donné acte » à Mme [O] [E] des « nombreuses pièces attestant de la qualité de sa prise en charge, en particulier au niveau scolaire » et que cette dernière « [justifiait] de la mise en place d'un suivi thérapeutique » ; qu'en confirmant toutefois le placement de l'enfant auprès de l'Aide Sociale à l'Enfance, quand elle constatait elle-même que les accusations de maltraitance de l'enfant n'étaient pas avérées et que Mme [O] [E] mettait au contraire tout en oeuvre pour améliorer sa relation avec l'enfant, de sorte que la mineure n'était pas en danger, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 375 et 375-3 du code civil. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Mme [O] [E] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'avoir dit n'y avoir lieu à évocation et de l'avoir déboutée de ses demandes plus amples ou contraires ; Alors, d'une part, que s'il est en principe interdit aux parties de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel, sont toutefois recevables les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou les demandes nouvelles qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions formulées en première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [O] [E] avait présenté des demandes d'instruction directement en cause d'appel ; que pour refuser d'y répondre, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il n'était « pas de bonne justice en l'espèce d'évoquer et de statuer sur [ces demandes], d'une part parce que le juge des enfants reste saisi de la procédure, qui se poursuit, et peut à tout moment prendre de nouvelles mesures, notamment sur la demande des parties, d'autre part parce qu'il convient de conserver autant que possible la possibilité de permettre aux parties de bénéficier du double degré de juridiction » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, au besoin d'office, si les demandes de Mme [O] [E] ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles présentées en première instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile ; Alors, d'autre part, que s'il est en principe interdit aux parties de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel, sont toutefois recevables les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou les demandes nouvelles qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions formulées en première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [O] [E] avait présenté des demandes d'instruction directement en cause d'appel ; qu'en se contentant d'opposer, pour refuser d'y répondre, qu'il n'était « pas de bonne justice en l'espèce d'évoquer et de statuer sur [ces demandes], d'une part parce que le juge des enfants reste saisi de la procédure, qui se poursuit, et peut à tout moment prendre de nouvelles mesures, notamment sur la demande des parties, d'autre part parce qu'il convient de conserver autant que possible la possibilité de permettre aux parties de bénéficier du double degré de juridiction », la cour d'appel s'est fondée sur des circonstances inopérantes et a ainsi violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 857 FS-B Pourvoi n° N 21-15.988 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022 M. [O] [S], domicilié [Adresse 1] (Belgique), a formé le pourvoi n° N 21-15.988 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-2), dans le litige l'opposant à Mme [L] [P], épouse [S], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [S], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mmes Antoine, Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2021), Mme [P] et M. [S], tous deux de nationalité belge, se sont mariés le 18 septembre 1982, en Belgique. 2. Le 12 mai 2020, Mme [P] a présenté une requête en divorce devant un juge aux affaires familiales. Examen du moyen Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. M. [S] fait grief à l'arrêt de dire que le juge aux affaires familiales est compétent pour connaître de la procédure de divorce et de renvoyer M. et Mme [S] devant cette juridiction, alors « que la résidence habituelle, notion autonome du droit européen, se définit comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; qu'elle vise tous les intérêts des époux, sans nécessairement faire prévaloir leurs activités de la vie courante et de loisirs ; que, pour considérer que les époux [S] avaient transféré leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel retient que la résidence se définit comme le lieu où une personne a fixé ses centres d'intérêts et les met en oeuvre dans les actes de la vie courante de sorte que ce qu'il faut essentiellement retenir c'est qu'à la date du dépôt de la requête en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie sociale stable à [Localité 5] où ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes, avaient entrepris des travaux d'entretien et de réparation de leur villa et où ils avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale ; qu'en accordant de manière générale une prépondérance à la vie sociale et de loisir des époux sur l'ensemble des autres liens que les époux avaient conservés avec la Belgique, où il était constant qu'ils résidaient plusieurs mois de l'année, y avaient l'ensemble de leurs comptes et actifs financiers, où M. [S] percevait ses allocations chômage qui constituaient les ressources du ménage, où les époux payaient leurs impôts sur le revenu et recevaient l'ensemble de leurs factures y compris celles relatives à leur bien sis à [Localité 5] et étaient toujours rattachés à la sécurité sociale, où tous leurs frais médicaux étaient encourus, où l'Etat belge considère que c'est leur résidence principale, où ils déclaraient tous les deux avoir leur résidence habituelle tandis qu'ils qualifiaient leur résidence de [Localité 5] de secondaire, et où les époux avaient conservé l'immatriculation de leurs voitures et leurs numéros de téléphone portable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article 3, § 1, sous a), premier tiret, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux. 6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 25 novembre 2021, IB/FA, C-289/20) que la notion de résidence habituelle au sens de l'article 3, § 1, sous a), du règlement précité est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d'une part, la volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d'autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné (point 57), l'environnement d'un adulte étant de nature variée, composé d'un vaste spectre d'activités et d'intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d'ordre privé et familial, diversifiés (point 56). 7. La cour d'appel a relevé qu'après avoir vécu pendant longtemps à l'étranger en raison de l'activité professionnelle de l'époux, M. [S] et Mme [P], propriétaires, à [Localité 4] (Belgique), d'une maison occupée par leur fille aînée depuis 2013, et d'une villa à [Localité 5], louée jusque fin 2017, étaient revenus en Europe en mai 2018, date à laquelle, tout en déclarant leur résidence principale à [Localité 4], ils avaient fait déménager divers meubles d'[Localité 4] à [Localité 5], pour s'y installer eux-mêmes début juin 2018. 8. Elle a constaté que la villa, d'abord assurée en tant que résidence secondaire, était désormais assurée sans précision particulière et que le couple y avait entrepris divers travaux d'entretien et de réparation, en effectuant la quasi-totalité de ses dépenses courantes à [Localité 5] ou dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où il avait développé un réseau relationnel et amical. 9. Elle a relevé encore que, depuis leur installation, M. et Mme [S] résidaient essentiellement à [Localité 5] et ne rentraient que pour de courts séjours à [Localité 3], où ils avaient conservé des intérêts administratifs et financiers. 10. Elle en a souverainement déduit que, à partir du mois de juin 2018, M. et Mme [S] avaient eu la volonté de fixer à [Localité 5] le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens du texte précité se trouvait en France. 11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision déclarant le juge français compétent pour connaître de l'instance en divorce introduite par Mme [P]. 12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [O] [S]. M. [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de dire que le juge aux affaires familiales de Grasse est compétent pour connaître de la procédure de divorce et de renvoyer les époux [S] devant cette juridiction, alors : 1°) que la résidence habituelle, notion autonome du droit européen, se définit comme le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; qu'elle vise tous les intérêts des époux, sans nécessairement faire prévaloir leurs activités de la vie courante et de loisirs ; que, pour considérer que les époux [S] avaient transféré leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel retient que la résidence se définit comme le lieu où une personne a fixé ses centres d'intérêts et les met en oeuvre dans les actes de la vie courante de sorte que ce qu'il faut essentiellement retenir c'est qu'à la date du dépôt de la requête en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie sociale stable à [Localité 5] où ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes, avaient entrepris des travaux d'entretien et de réparation de leur villa et où ils avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale ; qu'en accordant de manière générale une prépondérance à la vie sociale et de loisir des époux sur l'ensemble des autres liens que les époux avaient conservés avec la Belgique, où il était constant qu'ils résidaient plusieurs mois de l'année, y avaient l'ensemble de leurs comptes et actifs financiers, où M. [S] percevait ses allocations chômage qui constituaient les ressources du ménage, où les époux payaient leurs impôts sur le revenu et recevaient l'ensemble de leurs factures y compris celles relatives à leur bien sis à [Localité 5] et étaient toujours rattachés à la sécurité sociale, où tous leurs frais médicaux étaient encourus, où l'Etat belge considère que c'est leur résidence principale, où ils déclaraient tous les deux avoir leur résidence habituelle tandis qu'ils qualifiaient leur résidence de [Localité 5] de secondaire, et où les époux avaient conservé l'immatriculation de leurs voitures et leurs numéros de téléphone portable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 ; 2°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a retenu, d'une part, que les époux avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale, comme l'illustrent divers clichés photographiques, montrant le couple dans un club de golf, au ski, au restaurant, ou randonnant, toujours entourés d'amis ; qu'en se fondant sur ces éléments, quand il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions d'appel des parties, ni de leur bordereau de communication de pièces qui y était annexé qu'ils aient été soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; 3°) que, subsidiairement, les seules photographies produites aux débats par M. [S] avaient été prises à l'occasion du mariage de sa fille et à diverses fêtes de famille à [Localité 3] ; qu'en retenant que les divers clichés photographiques produits aux débats « montraient le couple dans un club de golf, au ski, au restaurant ou en randonnant toujours entouré d'amis » (arrêt, p.5) quand les photographies produites ne représentaient nullement les époux [S] exerçant une activité sportive ou au restaurant avec des amis en France, la cour d'appel a dénaturé les photographies, en violation de l'interdiction pour le juge de dénaturer les éléments de la cause ; 4°) que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a retenu, d'autre part, qu'en 2018 et 2019, les époux ont entrepris divers travaux d'entretien et de réparation sur leur villa en France et qu'ils effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes à [Localité 5] ou dans la région ; qu'en se fondant sur ces motifs, à eux seuls impropres à caractériser la volonté des époux de fixer le centre de leurs intérêts en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale de l'article 3 du règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003 ; 5°) que, pour considérer que les époux [S] avaient leur résidence en France au moment du dépôt de la requête en divorce, la cour d'appel a estimé que nombreux de leurs amis témoignaient de ce que les époux [S] résidaient depuis le 4 juin 2018 à l'année dans leur villa et qu'ils ne rentraient que pour de courts séjours à [Localité 3] ; qu'en se déterminant ainsi, sans répondre au moyen de M. [S] qui contestait la nature amicale des liens avec les auteurs des attestations et qui exposait qu'il n'avait jamais rencontré M. [R], que les époux avaient rencontré Mme [T] seulement pendant le confinement, que M. [E] était le concubin de la propriétaire de la résidence et qu'il avait simplement croisé M. [F], ancien jardinier de la résidence, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 797 FS-B Pourvoi n° G 21-23.505 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 La société Giovellina, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], chez Madame [U] [P], [Localité 4], a formé le pourvoi n° G 21-23.505 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Bastia (Chambre civile - Section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Bastia charpentes armatures, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Giovellina, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Grandjean, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 15 septembre 2021), la société Giovellina a confié la réalisation de la charpente métallique et du revêtement d'un bâtiment à usage commercial à la société Bastia charpentes armatures (la société BCA), assurée auprès de la SMABTP. 2. La société Giovellina a formé opposition à une ordonnance portant injonction de payer le solde du prix du marché à la société BCA et elle a formé des demandes reconventionnelles aux fins d'indemnisation de ses préjudices. 3. La société BCA a appelé la SMABTP en intervention forcée. Examen des moyens Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. La société Giovellina fait grief à l'arrêt de refuser d'homologuer le rapport de l'expert sur les préjudices subis, de la renvoyer à assigner si elle l'estime nécessaire, concernant le montant de ces préjudices, de la condamner à payer à la société BCA une certaine somme au titre du solde du marché et de rejeter l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société BCA et la SMABTP, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en énonçant que la société Giovellina, usufruitière, serait sans qualité pour agir en garantie décennale, tout en constatant qu'elle était liée à la société BCA par un contrat de louage d'ouvrage et qu'elle avait fait construire l'immeuble litigieux en qualité de maitresse d'ouvrage, la Cour d'appel a violé les articles 578 et 1792 du code civil. » Réponse de la Cour 6. L'usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n'en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d'usufruitier, l'action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l'ouvrage et non à sa jouissance. 7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé que la société Giovellina reconnaissait être usufruitière de l'ouvrage et devant laquelle elle ne prétendait pas avoir été mandatée par le nu-propriétaire, a retenu que cette société ne pouvait agir contre le constructeur et son assureur sur le fondement de la garantie décennale. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 9. La société Giovellina fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à le supposer sans qualité pour agir en garantie décennale, l'usufruitier lié par un contrat de louage d'ouvrage au constructeur, a en tout état de cause qualité pour agir en réparation de l'ensemble des désordres y compris de nature décennale, affectant l'ouvrage, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, comme le constate l'arrêt attaqué, la société Giovellina fondait expressément ses demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 ancien du code civil ; qu'en la déclarant sans qualité pour agir contre sa cocontractante, la Cour d'appel a violé les articles 578 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 10. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 11. Aux termes du second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. 12. Il en résulte que l'usufruitier, qui n'a pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale, peut néanmoins agir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en réparation des dommages que lui cause la mauvaise exécution des contrats qu'il a conclus pour la construction de l'ouvrage, y compris les dommages affectant l'ouvrage. 13. Pour rejeter les demandes de la société Giovellina, l'arrêt retient que les demandes reconventionnelles présentées par cette société, sous couvert d'être fondées sur la responsabilité contractuelle de la société BCA, s'avèrent être la conséquence des désordres allégués pour lesquels, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, est recherchée la garantie décennale du constructeur. 14. Il retient que l'usufruitière n'a pas qualité pour agir en garantie décennale contre le constructeur, pas plus que pour les dommages immatériels en découlant, à charge pour elle d'assumer son intervention en qualité de maître de l'ouvrage dans une construction sans préexistant pour laquelle elle s'est substituée à la nue-propriétaire. 15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les travaux avaient été exécutés pour le compte de la société Giovellina, qui avait conclu le contrat d'entreprise et qui demandait la réparation des dommages résultant de la mauvaise exécution de ce contrat sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 16. La cassation prononcée porte sur le rejet des demandes formées tant contre la société BCA que contre la SMABTP, dont la responsabilité était recherchée, notamment, sur le fondement d'une assurance de responsabilité civile. 17. Il n'est pas nécessaire, dès lors, de statuer sur le troisième moyen. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Giovellina à payer à la société Bastia charpentes armatures la somme de 30 113,81 euros au titre du solde du marché avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en ce qu'il renvoie la société Giovellina à assigner si elle l'estime nécessaire concernant les préjudices subis et en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de la société Giovellina, l'arrêt rendu le 15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier. Condamne la société Bastia charpentes armatures et la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics laux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Bastia charpentes armatures et la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics à payer à la société Giovellina la somme de 3 000 euros et rejette la demande formée par la société Mutuelle du bâtiment des travaux publics ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Giovellina PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Giovellina fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société BCA la somme de 30.113,81 euros, montant du solde restant dû au titre du marché avec intérêts de droit à compter de la présente décision ; 1°- Alors que la facture du 30 juillet 2015 faisant apparaitre l'application d'une TVA de 20% au lieu de 10%, invoquée par la société Giovellina dans ses conclusions (p14) figurait à la page 46 du rapport d'expertise produit (en pièce n° 37) aux débats par cette dernière, qui faisait valoir que l'expert n'avait pas tenu compte de l'erreur qui affecte cette facture, en invitant ainsi la Cour d'appel à vérifier le rapport d'expertise dans lequel figurait cette facture ; qu'en énonçant que cette facture n'aurait pas été produite aux débats par la société Giovelllina, la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise versé aux débats, comportant cette facture en page 46, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; 2°- Alors en tout état de cause, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que c'est à la société BCA qui réclamait le paiement des sommes facturées le 30 juillet 2015 qu'il incombait de justifier du calcul de sa créance et partant de produire la facture en cause pour démontrer le montant de la TVA qu'elle avait appliquée et qui était contesté ; qu'en faisant peser le risque de cette preuve sur la société Giovellina, la Cour d'appel a violé l'article 1315 ancien devenu 1353 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION La société Giovellina fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'homologuer le rapport de l'expert, sur les préjudices subis, de l'avoir renvoyée à assigner si elle l'estime nécessaire, concernant le montant de ces préjudices, de l'avoir condamnée à payer à la société BCA la somme de 30.113,81 euros, montant du solde restant dû au titre du marché avec intérêts de droit à compter de la présente décision, et de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société BCA et la SMABTP ; 1°- Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en énonçant que l'usufruitier bien que cocontractant du constructeur n'aurait pas qualité pour agir en garantie décennale contre le constructeur, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°- Alors que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en énonçant que la société Giovellina, usufruitière, serait sans qualité pour agir en garantie décennale, tout en constatant qu'elle était liée à la société BCA par un contrat de louage d'ouvrage et qu'elle avait fait construire l'immeuble litigieux en qualité de maitresse d'ouvrage, la Cour d'appel a violé les articles 578 et 1792 du code civil ; 3°- Alors qu'à le supposer sans qualité pour agir en garantie décennale, l'usufruitier lié par un contrat de louage d'ouvrage au constructeur, a en tout état de cause qualité pour agir en réparation de l'ensemble des désordres y compris de nature décennale, affectant l'ouvrage, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, comme le constate l'arrêt attaqué, la société Giovellina fondait expressément ses demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 ancien du code civil ; qu'en la déclarant sans qualité pour agir contre sa cocontractante, la Cour d'appel a violé les articles 578 du code civil, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 4°- Alors qu'en énonçant que la réparation des désordres serait recherchée par la société Giovellina sur le fondement de la garantie décennale, quand ainsi qu'elle l'admet elle-même, les conclusions de la société Giovellina étaient fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la Cour d'appel a dénaturé ces conclusions en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 5°- Alors que les désordres apparents qui font l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu'en énonçant que sous couvert de responsabilité contractuelle de droit commun, la société Giovellina invoquerait des désordres relevant de la garantie décennale quand cette dernière se prévalait notamment de désordres qui avaient fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, listés et examinés par l'expert judiciaire, la Cour d'appel a violé les articles 1792 du code civil et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 6°- Alors qu'en se bornant à écarter la réparation du préjudice financier engendré par les désordres, sans s'expliquer comme elle était invitée, sur le préjudice financier résultant du retard dans l'exécution des travaux et du non respect de la date de livraison, sans relation avec les désordres affectant l'immeuble, dont la réparation ne pouvait relever que de la responsabilité contractuelle de droit commun, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; 7°- Alors que commet un déni de justice, le juge qui refuse d'évaluer un préjudice dont il admet l'existence dans son principe ; qu'à supposer que pour rejeter la réparation du préjudice financier résultant du retard dans la livraison de l'ouvrage, elle ait entendu s'approprier les motifs du jugement selon lesquels le préjudice financier résultant des retards dans les travaux qui sont démontrés et qui ont nécessairement généré un préjudice, ne peut être chiffré objectivement en l'état des sommes retenues par l'expert, s'agissant essentiellement d'estimations, ce dernier ayant renvoyé à l'appréciation des tribunaux, en refusant ainsi d'évaluer le préjudice dont elle constatait l'existence dans son principe, la Cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Giovellina fait grief à l'arrêt attaqué l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigée contre la SMABTP ; Alors que la société Giovellina faisait valoir que le contrat d'assurance de la société BCA couvre aussi bien les désordres relevant de la garantie décennale que les désordres relevant de la responsabilité civile en cours ou après travaux, et demandait la condamnation de la SMABTP à garantir la responsabilité contractuelle de droit commun de son assurée ; qu'en énonçant que l'assureur de la société BCA serait recherché en sa qualité d'assureur en responsabilité décennale sur le fondement de l'article 1792 du code civil que seule la nupropriétaire pourrait actionner, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Giovellina en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 790 FS-B Pourvoi n° S 21-15.095 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [O] [W], domicilié chez Mme [B] [W], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-15.095 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3 - chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [H] [L] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [W], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, M. Fulchiron, conseillers, Mme Azar, M. Buat-Ménard conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2021) et les productions, par requête du 8 juin 2020, Mme [L] [M] a saisi un juge aux affaires familiales afin d'obtenir, sur le fondement des articles 515-9 et suivants du code civil, une ordonnance de protection à l'égard de son époux, M. [W]. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. M. [W] fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité de la requête, alors « que, dans les cas prévus aux articles 515-9 et 515-13 du code civil, le juge est saisi par une requête remise ou adressée au greffe ; que la requête doit contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et, en annexe, les pièces sur lesquelles celle-ci est fondée, à peine de nullité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a reconnu que la requête initiale comportait quinze pièces, mais que d'autres avaient été ultérieurement communiquées ; qu'en jugeant néanmoins la requête valable, alors qu'elle ne comportait pas toutes les pièces sur lesquelles elle était fondée, la cour d'appel a violé l'article 1136-3 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Il résulte des articles 114 et 1136-3, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile que la nullité sanctionnant l'absence d'annexion, à la requête aux fins de délivrance d'une ordonnance de protection, des pièces sur lesquelles la demande est fondée est une nullité de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause une telle irrégularité. 6. La cour d'appel a constaté que la requête déposée par Mme [L] [M] aux fins de délivrance d'une ordonnance de protection comportait quinze pièces en annexe et que celle-ci avait communiqué par la suite à M. [W] cinq autres pièces, sans que celui-ci ait précisé en quoi consistait le grief tiré de la communication de ces nouvelles pièces postérieurement au dépôt de la requête. 4. Il en résulte que l'exception de nullité n'était pas fondée. 5. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [W] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité de la requête en date du 15 juin 2020 de Mme [L] [M] ; Alors que, dans les cas prévus aux articles 515-9 et 515-13 du code civil, le juge est saisi par une requête remise ou adressée au greffe ; que la requête doit contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et, en annexe, les pièces sur lesquelles celle-ci est fondée, à peine de nullité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a reconnu que la requête initiale comportait 15 pièces, mais que d'autres avaient été ultérieurement communiquées ; qu'en jugeant néanmoins la requête valable, alors qu'elle ne comportait pas toutes les pièces sur lesquelles elle était fondée, la cour d'appel a violé l'article 1136-3 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [W] fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en toute ses dispositions ; Alors que lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu'il n'y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu'il n'y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection ; que l'ordonnance de protection est délivrée, par le juge aux affaires familiales, dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l'audience, s'il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ; que la cour d'appel doit apprécier la situation de danger actuel pour le conjoint ou les enfants à la date où elle statue ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a souverainement considéré comme vraisemblable la commission de faits de violences commis début mai 2020, elle n'a, en revanche, pas constaté que ces violences constituaient une situation de danger au jour où elle a statué, c'est-à-dire le 11 février 2021 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc privé sa décision de base légale au regard des articles 515-9 et 515-11 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 800 FS-B Pourvoi n° X 21-18.527 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [K] [Y], veuve [O], domiciliée [Adresse 2], 2°/ M. [H] [O], domicilié [Adresse 6], 3°/ Mme [S] [O], épouse [B], domiciliée [Adresse 1], 4°/ Mme [A] [O], épouse [V], domiciliée [Adresse 5], ont formé le pourvoi n° X 21-18.527 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2ème chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [M] [W], veuve [O], 2°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 3], 3°/ à M. [R] [O], mineur représenté par sa mère Mme [M] [W], domiciliés tous trois [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [K] [Y], de M. [H] [O], et de Mmes [S] et [A] [O], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [M] [O], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, MM. Jacques, Boyer, Mme Grandjean, conseillers, Mme Djikpa, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] (les consorts [O]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [P] et [R] [O]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 mai 2021), par acte du 28 mars 1991, les consorts [O] ont, en leur qualité respective d'usufruitière et de nus-propriétaires, donné à bail rural à [J] [O], des bâtiments à usage d'exploitation et d'habitation, ainsi que diverses parcelles. 3. [J] [O] est décédé le 10 février 2018, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [M] [W], veuve [O], et leurs deux enfants, [P] et [R] [O], ce dernier étant mineur. 4. Par requête du 11 juillet 2018, les consorts [O] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de voir constater leur refus de la continuation du bail par les ayants droit du preneur et obtenir leur expulsion, et ont, par exploit du 12 juillet 2018, notifié à Mme [M] [W], veuve [O] et à ses enfants, une résiliation du bail en application de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. 5. Après une mise en demeure infructueuse, les consorts [O], ont, par une seconde requête du 16 novembre 2018, saisi le tribunal d'une demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages. 6. Par requête du 23 août 2018, Mme [M] [W], veuve [O] et MM. [P] et [R] [O] ont saisi le tribunal en contestation de la résiliation du bail notifiée le 12 juillet précédent. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Les consorts [O] font grief à l'arrêt de dire que Mme [M] [W], veuve [O] peut bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire et de rejeter leur demande de résiliation du bail, alors « qu'au décès du preneur, le bail rural se poursuit au profit de la personne ayant participé à l'exploitation pendant un temps suffisant, en qualité de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité, d'ascendant ou de descendant ; que la participation qui peut être prise en compte est exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d'ascendant ou de descendant, à l'exclusion de toute participation antérieure à l'acquisition d'une telle qualité ; que dès lors, les juges du fond, qui avaient constaté que Mme [M] [W] n'avait épousé le preneur que 49 jours avant son décès, ne pouvaient refuser de rechercher si cette durée était suffisante et prendre en considération une participation à l'exploitation antérieure au mariage ; qu'ils ont ainsi violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. » Réponse de la Cour 9. La cour d'appel a énoncé que, selon l'article L. 411-34, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. 10. Ayant constaté que Mme [M] [W], veuve [O] était l'épouse de [J] [O] au jour de son décès et souverainement retenu qu'elle avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l'exploitation depuis plus de cinq ans avant celui-ci, elle en a exactement déduit qu'elle pouvait bénéficier, à compter du 10 février 2018, du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire, peu important qu'elle n'ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] et les condamne à payer à Mme [M] [W], veuve [O] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les consorts [O] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [K] [Y], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme [M] [W] veuve [O] pouvait bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire et ce, à compter du 10 février 2018, et d'avoir rejeté leur demande de résiliation du bail ; ALORS QU'au décès du preneur, le bail rural se poursuit au profit de la personne ayant participé à l'exploitation pendant un temps suffisant, en qualité de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité, d'ascendant ou de descendant ; que la participation qui peut être prise en compte est exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d'ascendant ou de descendant, à l'exclusion de toute participation antérieure à l'acquisition d'une telle qualité ; que dès lors, les juges du fond, qui avaient constaté que Mme [M] [W] n'avait épousé le preneur que 49 jours avant son décès, ne pouvaient refuser de rechercher si cette durée était suffisante et prendre en considération une participation à l'exploitation antérieure au mariage ; qu'ils ont ainsi violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [K] [Y], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leur demande de résiliation du bail ; 1- ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de l'existence de raisons sérieuses et légitimes justifiaient le non-paiement des fermages, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. 2- ALORS QU'il revient à celui qui invoque des raisons sérieuses et légitimes de ne pas s'acquitter des fermages d'en démontrer la réalité ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'était pas démontré que les propriétaires bailleurs aient jamais réclamé à [J] [O] de son vivant les fermages, la cour d'appel a mis à la charge des bailleurs la démonstration de l'absence de raison sérieuse et légitime de ne pas s'acquitter des fermages et a ainsi violé les articles 1353 du code civil et L. 411-31 du code rural.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 807 F-B Pourvoi n° Q 21-11.528 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [O] [P] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-11.528 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à Mme [I] [X], domiciliée Les [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [P] [L], et l'avis oral de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 2020), des relations de M. [P] [L] et Mme [X] est issue [R], née le 3 novembre 2005. 2. A la suite de leur séparation, un juge aux affaires familiales a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère et accordé au père un droit de visite. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première, cinquième, sixième et septième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches Enoncé du moyen 4. M. [P] [L] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite et d'hébergement, alors : « 2°/ que le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que les juges du fond doivent constater l'existence de tels motifs pour justifier une restriction du droit de visite et d'hébergement ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'un droit d'hébergement, le juge aux affaires familiales se fonde sur des extraits de SMS datés de 2018 et 2019 pour en déduire que M. [P] [L] "ne préserve pas toujours sa fille du conflit parental" ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants au sens de l'article 373-2-1 code civil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de cette disposition. 3°/ que si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents ; que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; qu'en rejetant la demande de visite et d'hébergement du père en se fondant sur une audition de l'enfant datée de plus de deux ans, sans caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 373-1-1, alinéa 2, du code civil ; 4°/ que l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement de l'enfant est une condition déterminante du maintien du lien parental, qui ne saurait se réduire à un simple droit de visite ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande motivée de M. [P] [L], tendant à obtenir un droit d'hébergement de sa fille, le juge aux affaires familiales a considéré "qu'il y avait lieu d'accorder au père un simple droit de visite [...] limité à deux heures, le samedi des semaines impaires" (jugement entrepris, p. 5, § 8) en se fondant sur des circonstances inopérantes et marginales, impropres à caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a encore violé l'article 373-2-1 du code civil, ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, et l'article 373-2-1 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 373-9, alinéa 3, du code civil que, lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent, lequel peut prendre dans l'intérêt de l'enfant, la forme d'un droit de visite simple sans hébergement. 6.La cour d'appel a retenu, tant par motifs propres qu'adoptés, que M. [P] [L] ne rapportait pas la preuve d'avoir été empêché d'exercer son droit de visite et d'hébergement et ne prétendait d'ailleurs pas même avoir tenté de le faire, que l'adolescente avait expliqué ne plus vouloir rencontrer son père dans la mesure où des visites récentes, exercées après plusieurs années sans rencontre, se seraient mal passées et que les modalités d'un droit de visite simple étaient adaptées à une reprise de contact en l'état d'une longue interruption des séjours de [R] auprès de son père. 7. Sans être tenue de constater des motifs graves dès lors qu'elle ne refusait pas au père de l'enfant tout droit de visite, elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [P] [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [P] [L] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [O] [P] [L] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande d'un droit de visite et d'hébergement ; 1°) ALORS QUE, dans toutes décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il est de l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents et, lorsqu'ils sont séparés, d'entretenir des relations personnelles avec chacun d'eux ; que, sauf motifs graves, rien ne justifie qu'un enfant soit coupé des liens paternels ; que les juges du fond ont l'obligation de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en l'espèce, en se bornant à prendre en considération "les sentiments exprimés par [R]" (arrêt, p. 6, § 7), sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, quel était son intérêt supérieur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble les articles 373-2 et 373-2-1 du code civil ; 2°) ALORS QUE, le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que les juges du fond doivent constater l'existence de tels motifs pour justifier une restriction du droit de visite et d'hébergement ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'un droit d'hébergement, le juge aux affaires familiales se fonde sur des extraits de SMS datés de 2018 et 2019 pour en déduire que M. [P] [L] "ne préserve pas toujours sa fille du conflit parental" (jugement entrepris, p. 5, § 5) ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants au sens de l'article 373-2-1 du code civil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de cette disposition ; 3°) ALORS QUE si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents ; que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; qu'en rejetant la demande de visite et d'hébergement du père en se fondant sur une audition de l'enfant datée de plus de deux ans, sans caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 373-2-1, alinéa 2, du code civil ; 4°) ALORS QUE l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement de l'enfant est une condition déterminante du maintien du lien parental, qui ne saurait se réduire à un simple droit de visite ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande motivée de M. [P] [L], tendant à obtenir un droit d'hébergement de sa fille, le juge aux affaires familiales a considéré qu'"il y [avait] lieu d'accorder au père un simple droit de visite [...] limité à 2 h, le samedi des semaines impaires" (jugement entrepris, p. 5, § 8) en se fondant sur des circonstances inopérantes et marginales, impropres à constituer un motif grave ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser un motif grave tenant à l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a encore violé l'article 373-2-1 du code civil, ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, et l'article 373-2-1 du code civil ; 5°) ALORS QUE les motifs graves et l'intérêt de l'enfant s'apprécient à la date à laquelle le juge statue et en fonction de l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ; qu'en l'espèce, l'arrêt se fonde sur les souhaits de [R] recueillis dans une audition du 21 novembre 2018, soit plus de 2 ans auparavant ; qu'en se fondant ainsi sur des considérations aussi anciennes que dépourvues de pertinence, quand il lui appartenait de recueillir la volonté actuelle de l'enfant et, au besoin, d'ordonner d'office une nouvelle audition pour se déterminer légalement sur l'intérêt supérieur de l'enfant [R] eu égard à une possible évolution de la relation parentale, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 373-2, 373-2-1 et 373-2-11-2° du code civil ; 6°) ALORS QUE, chacun des père et mère doit maintenir des relations avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ; qu'il est de l'intérêt de l'enfant et du devoir de chacun des parents de favoriser ces relations ; que lorsqu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge doit notamment prendre en considération l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que l'opposition de Mme [X] a entravé l'établissement d'une relation normale entre un père et sa fille ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si le comportement de Mme [X] ne traduisait pas son refus de respecter le droit de l'enfant [R] à entretenir des relations normales avec le père (productions n° 5 et s.), la cour d'appel a derechef violé les articles 373-2 et 373-2-11-3° du code civil. 7°) ALORS, en toute hypothèse, QUE tout jugement doit être motivé, à peine de nullité, que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre au moyen pertinent dont elle était saisie selon lequel Mme [X] entravait la relation normale de M. [P] [L] avec sa fille en ce qu'elle refusait par principe l'exercice de ses droits parentaux essentiels (productions n° 2 et 7), la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [O] [P] [L] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de fixation de sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [R] en la forme de la prise en charge des frais de la cantine scolaire et d'habillement et d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a retenu la forme d'une pension alimentaire devant être versée à Mme [X] ; 1°) ALORS QUE chacun des parents doit contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent et des besoins de l'enfant ; que chaque parent étant tenu de contribuer à l'entretien des enfants, en fonction de ses ressources respectives, les juges du fond doivent se déterminer selon la réalité de celles-ci et des besoins concrets des enfants concernés ; qu'en se bornant, à considérer que "la contribution de M. [P] [L] à l'entretien et à l'éducation de [R] doit conserver la forme de principe de la pension alimentaire" (arrêt, p. 7, § 4), sans analyser, comme elle y était expressément invitée, ni les besoins réels des enfants, ni l'utilité de cette contribution au regard des motifs pertinents invoqués par M. [P] [L] (productions n° 6 et s.), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 371-2 du code civil ; 2°) ALORS QUE les frais occasionnés par l'exercice du droit de visite et d'hébergement par un parent doivent suivre le régime d'ensemble applicable aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant ; qu'ils doivent donc être répartis en considération de la situation matérielle respective des parents et des besoins réels de l'enfant ; qu'en l'espèce, en considérant que "la participation du père à l'entretien et l'éducation de sa fille est essentiellement centrée sur des besoins accessoires en vêtements et matériels informatiques de prix, sans rapport avec les nécessités de la vie quotidienne de l'enfant" (arrêt, p. 7, § 3), sans égard pour la réalité de ses besoins réels de l'enfant [R], la cour d'appel a violé l'article 371-2 du code civil ; 3°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, il résulte clairement des conclusions de M. [P] [L] qu'il demandait que "sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [prenne] exclusivement la forme de la prise en charge directe des frais de cantine scolaire et des dépenses d'habillement" (page 4) ; qu'en refusant de prendre en considération la demande de la prise en charge des frais de la cantine et sa portée alimentaire pour ne retenir que la prise en charge des frais d'habillement et des biens de consommation, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'"en l'occurrence, les échanges de messages entre Monsieur [P] [L] et [R] montrent que la participation du père à l'entretien et l'éducation de sa fille est essentiellement centrée sur des besoins accessoires en vêtements et matériels informatiques de prix, sans rapport avec les nécessités de la vie quotidienne de l'enfant" (page 7), sans examiner , fût-ce sommairement, la teneur exacte des échanges pris dans leur ensemble (productions n° 5 et s.), la cour d'appel a violé l' article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 5°) ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, les échanges entre M. [P] et sa fille dépassent les strictes considérations matérielles pour s'inscrire dans une volonté de relation affective et éducative (productions n° 6 et .) ; qu'en retenant cependant que "les échanges de messages entre Monsieur [P] [L] et [R] montrent que la participation du père à l'entretien et l'éducation de sa fille est essentiellement centrée sur des besoins accessoires en vêtements et matériels informatiques de prix" (arrêt, page 7), le juge aux affaires familiales a livré une interprétation déformante des SMS clairs dont il a extrait des fragments qui ne reflètent ni la teneur exacte ni la portée de ces échanges (productions n° 5 et s.) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe de non-dénaturation.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 798 FS-B Pourvoi n° K 21-24.473 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [I] [Z], 2°/ Mme [V] [X], épouse [Z], domiciliés tous deux [Adresse 2] ont formé le pourvoi n° K 21-24.473 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant : 1°/ à M. [K] [C] [B], 2°/ à Mme [M] [O], épouse [C] domiciliés tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Richard, avocat de M. et Mme [C], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Grandjean conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 octobre 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 23 mars 2017, pourvoi n° 16-11.081, Bull. 2017, III, n° 43), le 8 mars 2008, M. et Mme [C]-[B], propriétaires d'une maison et d'un terrain attenant, ont obtenu un permis de construire pour la réalisation d'une pergola avec abri voiture et toiture terrasse destinée à accueillir des panneaux solaires. 2. M. et Mme [Z], propriétaires du fonds voisin, ont formé un recours contre ce permis, qui a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. 3. Ils ont demandé la démolition de la construction sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et, subsidiairement, l'allocation de dommages-intérêts sur le fondement des troubles anormaux du voisinage. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de démolition de la construction édifiée par M. et Mme [C]-[B], alors « que, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, figurent « m) les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du [code du patrimoine] » ; que selon ces textes, ces abords s'entendent, en l'absence de périmètre délimité par l'autorité administrative, de la zone située à moins de cinq cent mètres du monument historique ; que la condition, qu'ils posent, tenant à ce que la construction soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui ne vise qu'à déterminer les constructions qui, au sein de cette zone, bénéficient de la protection ; qu'en subordonnant la démolition, pour la refuser, à ce que la construction litigieuse soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui, quand cette condition est étrangère à la définition du périmètre protégé, les juges du fond ont violé l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble les articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones limitativement énumérées par ce texte, dont les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine. 7. La condamnation à démolir la construction édifiée en méconnaissance d'une règle d'urbanisme ou d'une servitude d'utilité publique et dont le permis de construire a été annulé est donc subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l'intérieur d'une zone soumise à un régime particulier de protection. 8. En vertu de l'article L. 621-30, II, du code du patrimoine, en l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords des monuments historiques s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. 9. La zone dans laquelle la protection au titre des abords est susceptible de s'appliquer aux immeubles visibles du monument historique ou visibles en même temps que lui étant celle qui est située à moins de cinq cents mètres du monument, toute construction édifiée dans cette zone peut être démolie dans les conditions prévues à l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme. 10. Ayant relevé qu'aucun périmètre de protection n'était délimité et que M. et Mme [Z] ne rapportaient pas la preuve que la construction était située à moins de cinq cents mètres d'un monument historique, la cour d'appel, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants subordonnant la démolition à ce que la construction fût visible du monument historique ou visible en même temps que lui, en a déduit, à bon droit, qu'elle ne se situait pas aux abords d'un monument historique. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche 12. M. et Mme [Z] font le même grief à l'arrêt, alors « que, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, se trouvent « i) les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 [du code de l'environnement], celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé » ; qu'en refusant la démolition, quand ils constataient pourtant que la construction litigieuse se situe dans une zone mentionnée comme à risque, fût-il faible, dans le Plan de Prévention des Risques Incendie de Forêt (PPRIF), où le droit de réaliser des constructions nouvelles est limité, au motif inopérant que la construction litigieuse pouvait être édifiée sans condition selon le PPRIF, les juges du fond ont violé L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 562-1 du code de l'environnement. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 480-13, 1°, i), du code de l'urbanisme et L. 562-1, II, 1° et 2°, du code de l'environnement : 13. Selon le premier de ces textes, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones limitativement énumérées par cet article, dont celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé. 14. Aux termes du second, les plans de prévention des risques naturels prévisibles ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1°. 15. S'il en résulte que la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé pour excès de pouvoir ne peut être ordonnée, lorsque la construction est située dans une zone figurant dans un plan de prévention des risques naturels prévisibles, que lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé en application des 1° ou 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'urbanisme, il suffit que la construction soit située dans une zone comportant de telles limitations ou interdictions, sans qu'il soit nécessaire qu'elle contrevienne elle-même à ces prescriptions. 16. Pour rejeter la demande de démolition présentée par M. et Mme [Z], la cour d'appel, qui constate que la commune de Vence est soumise à un plan de prévention des risques incendie de forêt, retient que ce plan autorise sans condition les annexes dans la section B2 et que, la construction de M. et Mme [C]-[B], située dans cette section, ayant été qualifiée d'annexe par la juridiction administrative, elle ne fait pas l'objet d'une limitation ou d'une suppression du droit d'implantation au titre du plan de prévention. 17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts présentée par M. et Mme [Z], l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes. Condamne M. et Mme [C]-[B] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [C]-[B] et les condamne à payer à M. et Mme [Z] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z] PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par M. et Mme [Z], encourt la censure ; EN CE QU' il a, infirmant le jugement, débouté M. et Mme [Z] de leur demande de démolition de la construction édifiée par M. et Mme [C] [B] ; ALORS QUE, premièrement, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, figurent « m) les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du [code du patrimoine] » ; que selon ces textes, ces abords s'entendent, en l'absence de périmètre délimité par l'autorité administrative, de la zone située à moins de cinq cent mètres du monument historique ; que la condition, qu'ils posent, tenant à ce que la construction soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui ne vise qu'à déterminer les constructions qui, au sein de cette zone, bénéficie de la protection ; qu'en subordonnant la démolition, pour la refuser, à ce que la construction litigieuse soit visible du monument historique ou visible en même temps que lui, quand cette condition est étrangère à la définition du périmètre protégé, les juges du fond ont violé l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble les articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine ; ALORS QUE, deuxièmement, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, postule que la construction soit située dans l'un des périmètres spécialement protégés, mentionnés au 1° dudit article ; que parmi ces périmètres, se trouvent « i) les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 [du code de l'environnement], celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé » ; qu'en refusant la démolition, quand ils constataient pourtant que la construction litigieuse se situe dans une zone mentionnée comme à risque, fût-il faible, dans le Plan de Prévention des Risques Incendie de Forêt (PPRIF), où le droit de réaliser des constructions nouvelles est limité, au motif inopérant que la construction litigieuse pouvait être édifiée sans condition selon le PPRIF, les juges du fond ont violé L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 562-1 du code de l'environnement. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué, critiqué par M. et Mme [Z], encourt la censure ; EN CE QU' il a débouté M. et Mme [Z] de leur demande subsidiaire de dommages et intérêts ; ALORS QUE, premièrement, nul ne peut causer à autrui un trouble dépassant les inconvénients ordinaires du voisinage ; qu'en retenant, pour écarter tout trouble anormal de voisinage, qu'il n'y avait pas eu aggravation des vues dès lors qu'il existait déjà une vue sur la propriété de M. et Mme [Z] depuis l'emplacement de la construction litigieuse, sans s'expliquer, comme il y était invités, sur le fait qu'il existait une haie de près de trois mètres de hauteur qui obérait toute vue sur la propriété de M. et Mme [Z] depuis ledit emplacement avant qu'elle n'ait été arrachée pour les besoins des travaux, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage, ensemble les articles 544 et 651 du code civil ; ALORS QUE, deuxièmement, le trouble anormal de voisinage peut être d'ordre purement esthétique ; qu'en décidant que le caractère inesthétique de la construction ne pouvait à lui seul justifier de l'existence d'un trouble anormal, les juges du fond ont violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage, ensemble les articles 544 et 651 du code civil ; ALORS QUE, troisièmement, le juge ne peut refuser de statuer sur une contestation qui lui est soumise, sous peine de commettre un déni de justice ; qu'en objectant, pour refuser de se prononcer, que le caractère inesthétique de la construction relève de la pure subjectivité, les juges du fond ont violé l'article 4 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 791 FS-B Pourvoi n° A 21-11.837 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022 M. [S] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-11.837 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [E] [P], épouse [Y], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à M. [I] [P], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S] [P], de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [P] et de M. [I] [P], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, M.Fulchiron, conseillers, M. Duval, Mme Azar, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 décembre 2020), [L] [P] et son épouse, [T] [R], sont décédés respectivement les 23 mai 1995 et 14 juillet 2001, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, [I], [E] et [S]. 2. Ils leur avaient consenti plusieurs donations, M. [S] [P] ayant notamment reçu, par acte du 29 décembre 1993, la nue-propriété d'un immeuble sous condition de règlement d'une charge consistant en un versement d'une certaine somme à la date de la donation. 3. Des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage des successions. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. [S] [P] fait grief à l'arrêt de fixer à la somme de 275 630,09 euros le montant du rapport qu'il doit à la succession, alors « que le montant du rapport dû en vertu d'une donation avec charge n'est que de la différence entre la valeur du bien donné et la charge, déterminée au jour où la charge a été exécutée et ensuite réévaluée au jour du partage ; qu'en jugeant que le rapport était dû à hauteur de l'émolument gratuit procuré par la donation, déterminé en déduisant de la valeur du bien déterminée au jour du partage (336 000 euros), la valeur nominale de la charge fixée au jour de la donation (60 369,91 euros), la cour d'appel a violé l'article 860 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 860 du code civil que, lorsqu'une donation est assortie de la charge pour le donataire de régler une certaine somme, par versements périodiques ou en capital, le rapport n'est dû qu'à concurrence de l'émolument net procuré par la libéralité, calculé en déduisant de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation, le montant de la charge déterminé au jour de son exécution. 6. La cour d'appel a retenu à bon droit, pour déterminer le montant du rapport, que, s'agissant d'une donation avec charge payable au jour de la donation, la valeur de l'émolument net s'établissait par la déduction du montant de la charge grevant la donation, sans réévaluation de celle-ci au jour du partage. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] [P] et le condamne à payer à M. [I] et Mme [E] [P] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [P] M. [S] [P] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé à la somme de 275 630,09 euros le montant du rapport qu'il devait à la succession ; ALORS QUE le montant du rapport dû en vertu d'une donation avec charge n'est que de la différence entre la valeur du bien donné et la charge, déterminée au jour où la charge a été exécutée et ensuite réévaluée au jour du partage ; qu'en jugeant que le rapport était dû à hauteur de l'émolument gratuit procuré par la donation, déterminé en déduisant de la valeur du bien déterminée au jour du partage (336 000 euros), la valeur nominale de la charge fixée au jour de la donation (60 369,91 euros), la cour d'appel a violé l'article 860 du code civil. 1re Civ., 17 décembre 1991, pourvoi n° 90-12.191, Bull. 1991, I, n° 355 (cassation partielle) ; 1re Civ., 23 mars 1994, pourvoi n° 92-15.191, Bull. 1994, I, n° 114 (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 M. PIREYRE, président Arrêt n° 1207 F-B Pourvoi n° U 21-17.167 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Mme [R] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-17.167 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [S] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [E], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Amiens, 12 novembre 2020), du mariage de M. [F] et de Mme [E] est née [W] en 2007. Le couple a divorcé en 2009. 2. Par jugement du 11 février 2015, un tribunal correctionnel a condamné Mme [E] pour des faits de non-représentation d'enfant du 4 octobre 2013 au 25 juillet 2014, et de dénonciation calomnieuse commis de courant janvier 2012 au 31 décembre 2012. Le tribunal a omis de statuer sur la constitution de partie civile de M. [F]. Par arrêt du 2 mars 2016, la cour d'appel a relaxé Mme [E]. 3. Par jugement du 23 mars 2017, ce tribunal a condamné Mme [E] pour des faits de non-représentation d'enfant commis du 30 juin 2014 au 6 janvier 2016 et de dénonciation calomnieuse commis du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016, et a alloué à M. [F] une certaine somme à titre de dommages-intérêts. Par arrêt du 3 décembre 2018, la cour d'appel a relaxé Mme [E] et a rejeté la constitution de partie civile de M. [F]. 4. M. [F] a saisi un tribunal d'instance afin d'obtenir réparation du préjudice moral, psychologique et affectif qu'il prétendait avoir subi du fait de la non remise de l'enfant par Mme [E] et des plaintes qu'elle avait déposées. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 1351, devenu 1355, et 1382, devenu 1240, du code civil : 6. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe. 7. La liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi. Il s'ensuit que, hors restriction légalement prévue, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou de services, être sanctionné sur le fondement du second de ces textes. 8. La dénonciation téméraire constitutive d'un abus de la liberté d'expression est régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale qui, en cas de décision définitive de non-lieu ou de relaxe, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, ouvrent à la personne mise en examen ou au prévenu la possibilité de former une demande de dommages-intérêts, à l'encontre de la partie civile, à la condition que cette dernière ait elle-même mis en mouvement l'action publique. 9. En dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, seraient-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. 10. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé par l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé. 11. Pour condamner Mme [E] à payer à M. [F] une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour une période courant de janvier 2012 à décembre 2014, l'arrêt après avoir rejeté la demande de M. [F] fondée sur une dénonciation téméraire, retient que même si les agissements de Mme [E] n'ont pas été considérés par le juge pénal à deux reprises comme constituant les délits de non-représentation d'enfant et de dénonciation calomnieuse, la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation. 12. En statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée attachée aux décisions de relaxe de Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse, reposant sur l'absence de preuve de sa connaissance de la fausseté des déclarations de l'enfant qu'elle avait rapportées, ne permettait pas de retenir l'existence d'une dénonciation calomnieuse pour les périodes de janvier 2012 au 31 décembre 2012 et à compter du 19 décembre 2014, et qu'il résultait de ses propres énonciations que M. [F] ne pouvait agir sur le fondement de la dénonciation téméraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai. Condamne M. [F] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour Mme [E] PREMIER MOYEN DE CASSATION Madame [E] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de ses demandes et condamnée à payer à M. [S] [F] la somme de 12 800 € à titre de dommages-intérêts pour les préjudices affectifs, moraux, psychologiques et financiers subis de janvier 2012 à décembre 2014 ; 1. ALORS QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en énonçant que les plaintes pour viols déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), imputant ainsi à Mme [E] des faits de dénonciation calomnieuse, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période de février 2012 à mars 2014 et pour celle du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016 (conclusions, p. 10, § 1 et 2), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 2. ALORS, subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en énonçant que les plaintes pour viols déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), imputant ainsi à Mme [E] des faits de dénonciation calomnieuse, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période de « courant janvier 2012 au 31 décembre 2012 » et pour celle du 19 décembre 2014 au 6 janvier 2016 (conclusions, p. 10, § 1 et 2), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 3. ALORS, plus subsidiairement, QU'à supposer que la cour d'appel ait estimé que Mme [E] ignorait l'inexactitude des faits dénoncés dans ses plaintes, en énonçant que celles-ci avaient « été déposées dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6), cependant qu'aussi longtemps qu'elle ignore l'inexactitude des faits qu'elle dénonce, c'est de façon légitime et non fautive qu'une mère, à qui l'enfant a révélé que son père l'avait violé, tente, par le dépôt de plaintes, de priver celui-ci de ses droits de visite et d'hébergement, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4. ALORS QU'en énonçant que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement et la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation », sans exposer, comme elle y était pourtant invitée (conclusions, p. 12, § 7 s.), en quoi consistait « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » indépendamment des plaintes déposées par Mme [E], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 5. ALORS, subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'à supposer que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] ait consisté pour Mme [E] a exprimé devant l'enfant commun qu'elle ne voulait plus que celui-ci aille chez son père (arrêt, p. 6), tout en sachant que M. [F] n'avait pas commis les faits de viol dont l'accusait l'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de dénonciation calomnieuse, aux motifs nécessaires qu'il n'était pas établi que Mme [E] avait connaissance de l'inexactitude des faits qu'elle dénonçait dans ses plaintes (arrêt 2 mars 2016, p. 6, dernier § ; arrêt du 3 décembre 2018, p. 11, antépénultième §), les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 6. ALORS, plus subsidiairement, QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'à supposer que « l'obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] ait consisté pour Mme [E] a exprimé devant l'enfant commun qu'elle ne voulait plus que celui-ci aille chez M. [F] (arrêt, p. 6), qu'en jugeant fautif ce comportement, cependant qu'aussi longtemps qu'elle ignorait l'inexactitude des faits de viol allégués par son enfant, c'est légitimement que Mme [E] faisait obstruction aux droits de visite et d'hébergement de M. [F], la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 7. ALORS, plus subsidiairement, QUE le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal ; qu'en reprochant à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6), entre janvier 2012 et décembre 2014, imputant ainsi à Mme [E] des faits de non-représentation d'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de non-représentation d'enfant aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période du 4 octobre 2013 au 25 juillet 2014 et pour celle du 26 juillet 2014 au 24 novembre 2014, les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 8. ALORS, plus subsidiairement encore, QU'en reprochant à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6), entre janvier 2012 et décembre 2014, imputant ainsi à Mme [E] des faits de non-représentation d'enfant, cependant que par deux arrêts du 2 mars 2016 et du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait relaxé Mme [E] du chef de non-représentation d'enfant aux motifs nécessaires que les faits constitutifs de cette infraction n'étaient pas établis, respectivement pour la période du mois de février 2012 jusqu'au 29 juin 2014 et pour celle du 26 juillet 2014 au 24 novembre 2014, les juges du fond ont violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Madame [E] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de ses demandes et condamnée à payer à M. [S] [F] la somme de 12 800 € à titre de dommages-intérêts pour les préjudices affectifs, moraux, psychologiques et financiers subis de janvier 2012 à décembre 2014 ; 1. ALORS QUE lorsque la partie civile a porté l'action civile devant le juge pénal, elle ne peut saisir la juridiction civile qu'après s'être désistée de son action devant le juge répressif ; qu'en énonçant que « nonobstant le fait que M. [S] [F] s'est constitué partie civile devant les juridictions répressives et qu'il n'a pris aucune initiative à la suite de l'omission de statuer commise dans le cadre de la première instance pénale, il est recevable à agir à l'encontre de Mme [R] [E] devant le juge civil » (arrêt, p. 5), sans avoir constaté que M. [F] s'était au préalable désisté de son action devant le juge pénal, la cour d'appel a violé les articles 2 et 5 du code de procédure pénale ; 2. ALORS, subsidiairement, QU'en énonçant que « nonobstant le fait que M. [S] [F] s'est constitué partie civile devant les juridictions répressives et qu'il n'a pris aucune initiative à la suite de l'omission de statuer commise dans le cadre de la première instance pénale, il est recevable à agir à l'encontre de Mme [R] [E] devant le juge civil » (arrêt, p. 5), cependant qu'en n'interjetant pas appel du jugement du 11 février 2015 qui avait omis de statuer sur l'action civile de M. [F], celui avait irrévocablement renoncé à exercer son action civile, la cour d'appel a violé les articles 2 et 5 du code de procédure pénale ; 3. ALORS QUE la cour d'appel a énoncé que les plaintes pour viol déposées par Mme [E] entre janvier 2012 et décembre 2014 l'avaient été « dans le seul but de faire échec à l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père et d'obtenir la suppression de ses droits » et que « la multiplication par la mère de plaintes pour viols pour s'opposer à l'exercice du droit de visite et d'hébergement d'un père et obtenir leur suppression constitue une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » (arrêt, p. 6) ; qu'en jugeant ainsi recevable la demande de réparation du préjudice que des actes de dénonciation calomnieuse imputés à Mme [E] auraient causé à M. [F] entre janvier 2012 et décembre 2014, cependant que par un arrêt du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait débouté M. [F] de son action civile du chef de dénonciation calomnieuse entre le 19 décembre 2014 et le 6 janvier 2016, la cour d'appel a ignoré l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 3 décembre 2018 et a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ; 4. ALORS QUE la cour d'appel a reproché à Mme [E] son « obstruction à l'exercice du droit de visite et d'hébergement » de M. [F] (arrêt, p. 6) et a ordonné la réparation des dommages qui en résultaient pour celui-ci ; qu'en jugeant ainsi recevable l'action en indemnisation du préjudice que des actes de non-représentation d'enfant imputés à Mme [E] auraient causé à M. [F] entre janvier 2012 et décembre 2014, cependant que, par un arrêt du 3 décembre 2018, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Amiens avait débouté M. [F] de son action civile du chef de non-représentation d'enfant, entre le 26 juillet 2014 et le 24 novembre 2014, la cour d'appel a ignoré l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 3 décembre 2018 et a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1194 FS-B Pourvoi n° R 20-23.462 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-23.462 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [L] [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2019), le 26 août 2014, Mme [O] a été victime d'un accident de la circulation au Royaume-Uni, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [E], immatriculé et assuré dans ce dernier Etat. 2. Le 14 septembre 2017, Mme [O] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une requête aux fins d'interruption des délais de prescription et de reconnaissance de son droit à indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans l'attente des discussions avec son assureur, auprès duquel elle avait conclu un contrat comportant une garantie conducteur. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt de dire que le dispositif d'indemnisation prévu à l'article 706-3 du code de procédure pénale a vocation à s'appliquer à Mme [O] et de prononcer un sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière dans l'attente du résultat des discussions engagées avec son assureur au titre de sa garantie contractuelle « garantie du conducteur », alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1, alinéa 1er, du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que, le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État faisant alors partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1, alinéa 1er, et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le FGAO. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances susvisés sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Le droit de la victime d'un accident de la circulation survenu dans un pays de l'Espace économique européen à être indemnisée selon les modalités prévues aux articles susvisés du code des assurances s'apprécie au jour de l'accident et la recevabilité de la requête déposée devant la CIVI s'apprécie à la date de celle-ci. 9. Pour dire recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, l'arrêt énonce que le dispositif mis en place par la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 n'a pas d'incidence sur la détermination de la loi applicable, la situation de la victime étant à cet égard exclusivement régie par la Convention de la Haye. Il en déduit que, pour que l'action exercée sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale soit recevable, il suffit que les faits dont a été victime la requérante, d'une part, constituent l'élément matériel d'une infraction, d'autre part, aient entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à 1 mois, conditions établies et non discutées en l'espèce. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident de la circulation dont avait été victime Mme [O] s'était produit au Royaume-Uni, Etat partie à l'Espace économique européen à la date du fait dommageable, et avait impliqué un véhicule immatriculé et assuré au Royaume-Uni, de sorte que cet accident relevait de la compétence du FGAO, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Ainsi que suggéré par le FGTI, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [O] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [O]. Laisse les dépens exposés à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Paris ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions Le FGTI fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le dispositif d'indemnisation prévu à l'article 706-3 du code de procédure pénale avait vocation à s'appliquer à Mme [L] [O] et d'avoir prononcé un sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière dans l'attente du résultat des discussions engagées avec son assureur au titre de sa garantie contractuelle « garantie du conducteur » ; 1°) Alors, d'une part, que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 alinéa 1er du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que, le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » (arrêt, p. 3, pénult. paragr.) ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État faisant alors partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 alinéa 1er et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances ; 2°) Alors, d'autre part, que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 alinéa 2 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État dont le bureau national d'assurance a adhéré au régime de la carte internationale d'assurance et mettant en cause un véhicule assuré et stationné de façon habituelle dans un État membre de l'Union européenne ; que la cour d'appel a constaté que le 26 août 2014, « Mme [L] [O], qui conduisait une moto immatriculée en France, [avait] été victime d'un accident de la circulation en Angleterre, impliquant plusieurs véhicules dont celui de Mme [C] [E], immatriculé en Angleterre et assuré auprès de la compagnie Liverpool » (arrêt, p. 3, pénult. §) ; que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État dont le bureau national d'assurance était adhérent au régime de la carte internationale d'assurance et causé par un véhicule immatriculé dans un État membre, au jour de l'accident, de l'Union européenne, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande de Mme [O] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 alinéa 2 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1196 FS-B Pourvoi n° K 20-22.100 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-22.100 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [S] [H], 2°/ à M. [P] [H], 3°/ à Mme [M] [H], 4°/ à Mme [U] [G], épouse [H], tous quatre domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. [S] et [P] [H] et de Mmes [M] et [U] [H], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 23 novembre 2018) et les productions, M. [S] [H] a été victime, le 25 juillet 2008, en Espagne, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays. 2. M. [S] [H], son épouse, Mme [U] [H] et ses enfants, Mme [M] [H] et M. [P] [H] (les consorts [H]), ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI). 3. La CIVI a déclaré leur demande irrecevable au motif que l'article 706-3 du code de procédure pénale excluait l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans l'Union européenne. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de dire la requête des consorts [H] recevable alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que « M. [H] [avait] été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne », dans lequel était impliqué « un véhicule immatriculé en Espagne », de sorte que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande des consorts [H] formée devant la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO). 7. La Cour de cassation, prenant en considération l'introduction de ce dispositif en droit français, a jugé, par un arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992), que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la CIVI, telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Cette décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence, en l'absence d'arrêt de la Cour de cassation ayant précédemment tranché ce point de droit. 9. Par ailleurs, elle n'était pas imprévisible. En effet, des divergences de jurisprudence existaient entre les cours d'appel, certaines d'entre elles ayant, avant cet arrêt, déclaré irrecevables pour les mêmes raisons des requêtes présentées sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale (notamment, les cours d'appel de Douai, Lyon et Riom : 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.992, publié, 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.014, et 2e Civ., 6 mai 2021, pourvoi n° 19-24.996). Elle s'inscrivait, en outre, dans une construction jurisprudentielle par laquelle la Cour de cassation a écarté la compétence de la CIVI, dès lors qu'existe un autre régime d'indemnisation spécifique. Ont été ainsi exclus de la compétence de cette commission, les victimes d'accidents du travail (2e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-00.815, publié), les victimes d'accidents de service ( 2e Civ., 30 juin 2005, pourvoi n° 03-19.207, publié), ainsi que les militaires tués ou blessés en service (2e Civ., 28 mars 2013, pourvoi n° 11-18.025, publié). 10. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu en défense, l'application immédiate de la règle issue de l'arrêt du 24 septembre 2020 ne saurait contrevenir aux droits protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Pour dire recevable la requête en indemnisation formée par les consorts [H], l'arrêt énonce que M. [S] [H] a été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne qui ne relève pas des dispositions de la loi française du 5 juillet 1985 mais de la loi espagnole en application des dispositions de l'article 3 de la Convention de la Haye du 4 mai 1971. 12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'accident était survenu dans un Etat partie à l'Espace économique européen, de sorte que les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances étaient applicables, ce qui excluait la compétence de la CIVI, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.Le FGTI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête des consorts [H] recevable ; 15. Il résulte des paragraphes 5 à 12 que la requête des consorts [H] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il confirme la jonction des instances, l'arrêt rendu le 23 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par M. [S] [H], Mme [U] [H], Mme [M] [H] et M. [P] [H]. Laisse les dépens à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Pau ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions Le FGTI fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la requête des consorts [H] recevable ; Alors que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'il en va ainsi, en application de l'article L. 424-1 du code des assurances, des dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces États ; que la cour d'appel a constaté que « M. [H] [avait] été victime d'un accident corporel de la circulation routière en Espagne » (arrêt, p. 6, § 3), dans lequel était impliqué « un véhicule immatriculé en Espagne » (arrêt, p. 6, § 4), de sorte que les dommages résultant de cet accident, survenu sur le territoire d'un État partie à l'Espace économique européen et causé par un véhicule qui y était immatriculé, relevaient de la seule compétence du FGAO ; qu'en déclarant toutefois recevable la demande des consorts [H] formée devant la Civi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 855 F-B Pourvoi n° G 21-24.103 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Mme [F] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-24.103 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (deuxième chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [P], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 10 septembre 2021), après avoir subi, le 17 février 2010, en raison d'une surchage pondérale, une réduction de l'estomac par voie coelioscopique, Mme [P] a présenté le 20 février suivant une infection consécutive à la survenue d'une fistule digestive durant l'intervention. 2. A l'issue d'une saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ayant ordonné une expertise médicale et écarté l'existence d'un accident médical indemnisable au titre de la solidarité nationale et d'une infection nosocomiale, Mme [P] a assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en indemnisation. Examen des moyens Sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors : « 1°/ que la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable ; qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; 2°/ qu'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques" et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite "l'accident médical, cause de l'infection survenue", comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; 3°/ qu'en retenant "l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire", sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil. » Réponse de la Cour : 5. Selon le I, alinéa 2, de l'article L. 1142-1, du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Selon le II, lorsque la responsabilité d'un tel établissement service ou organisme n'est pas engagée, une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle présente un caractère de gravité, fixé par l'article D. 1142-1 du même code et apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. 6. Selon l'article L. 1142-1-1, 1°, du même code, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. 7. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. 8. Il s'en déduit : - que l'infection causée par la survenue d'un accident médical présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge, - qu'une indemnisation des dommages résultant d'infections nosocomiales n'est due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, que si la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée et si les dommages répondent au moins à l'un des critères de gravité fixés ou, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, que si les dommages ont entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient. 9. Après avoir, d'une part, retenu l'existence d'un accident médical non fautif lié à la survenue de la fistule et exclu son indemnisation au titre de la solidarité nationale en l'absence d'anormalité du dommage, d'autre part, écarté le caractère nosocomial de l'infection au motif qu'elle était secondaire à cet accident, la cour d'appel a constaté que Mme [P] sollicitait l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire. 10. Il en résulte que, même si l'infection survenue présentait un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées, l'indemnisation des dommages consécutifs à cette infection, qui ne répondait pas aux critères de gravité de l'article L. 1142-1-1, alinéa 1, et qui avait été contractée au sein d'un établissement de santé, soumis à une responsabilité de droit, ne pouvait être mise à la charge de l'ONIAM, de sorte que les demandes formées à son encontre devaient être rejetées. 11. Par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, à ceux écartant le caractère nosocomial de l'infection, justement critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [P] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme [P] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué de L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation, 1°) ALORS QUE la cour d'appel a relevé que suivant le rapport d'expertise du 19 avril 2013, l'infection à germes digestifs endogènes, qui était inexistante à l'admission était secondaire à l'accident médical et inévitable : qu'en en déduisant que l'accident médical était la cause de l'infection survenue, quand cette circonstance tenant au caractère secondaire de l'infection n'était pas de nature à exclure la qualification d'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 2°) ALORS QU'en tout état de cause, en relevant que « [s]elon les conclusions du rapport d'expertise du 19 avril 2013, qui maintient la discussion et les conclusions du premier rapport du 29 novembre 2011, l'infection survenue, inexistante à l'admission "serait retenue comme infection nosocomiale sur des critères chronologiques » et qu' « il indique ensuite qu'il s'agit d'une infection à germes digestifs endogènes et, "initialement d'un accident médical" puisqu'elle est secondaire à ce dernier et inévitable » et en retenant, ensuite « l'accident médical, cause de l'infection survenue », comme cause des préjudices de Mme [P], sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 3°) ALORS QU'en retenant « l'accident médical, cause de l'infection survenue, comme cause des préjudices de Mme [P], accident sur lequel elle se fonde à titre subsidiaire », sans viser ni analyser, fut-ce sommairement, la déclaration de survenue d'une infection nosocomiale émanant de la clinique elle-même (pièce n°3 des conclusions d'appel de Mme [P]), la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué DE L'Avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ; 1°) ALORS QUE pour se déterminer sur la condition d'anormalité du dommage, il appartient aux juges du fond de rechercher si l'intervention était indispensable eu égard à l'état de santé du patient à la date à laquelle elle a été pratiquée ; qu'en excluant l'anormalité du dommage subi par Mme [P], sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intervention chirurgicale était, à la date à laquelle elle a été pratiquée, indispensable au regard de son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 2°) ALORS QU'en retenant « qu'il ressort de l'expertise (discussion en page 7/14, incluse dans le rappel du rapport du 29 novembre 2011 sous le titre 3) que « Mme [P] présentait une obésité morbide justifiant une indication de chirurgie bariétique, dont elle a pris la décision en connaissance de cause », que Mme [P] « ne démontre pas que l'accident médical survenu à la suite de cette intervention a eu des conséquences notamment plus graves que celles auxquelles elle était exposée en raison de son obésité morbide, de manière suffisamment probable, si elle n'avait pas subie cette intervention », qu' « au contraire, l'Oniam produit en cause d'appel « une analyse médicale critique » du Dr [O], chirurgien viscéral, rédigée le 6 juin 2019, soulignant les risques de diabète, maladie cardio-vasculaire et cancer, entraînés par l'excès de poids, ainsi que le risque plus élevé de décès des sujets présentant une obésité morbide, et concluant que le résultat de la chirurgie bariatique peut être qualifié de bon, en ce qui concerne la parte de poids de Mme [P] (83 kg en 2013, poids stable repuis 2011), alors que « le dommage présenté actuellement, avec un DFP à 10%, est nettement moins grave que les risques qu'elle qu'elle encourait avec une obésité morbide à l'âge de trente ans » », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère indispensable de l'intervention eu à égard à l'état de santé de Mme [P] au moment de cette intervention, a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique ; 3°) ALORS QUE lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ; qu'en se fondant sur la probabilité générale de subir une fistule lors d'une intervention telle que celle subie par Mme [P], au lieu de se fonder sur le risque de survenue d'une fistule entraînant une invalidité grave ou un décès, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 830 FS-B Pourvoi n° Z 21-12.457 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [F] [I]. Admission au bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 28 octobre 2019. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 M. [D] [F] [I], domicilié chez Mme [V] [X], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-12.457 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant au centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, établissement d'utilité publique, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [F] [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibelli, conseillers, Mmes de Cabarrus, et Feydeau- Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2019), M. [F] [I], de nationalité suisse, titulaire d'un doctorat de droit de l'université de [Localité 3], s'est inscrit au Centre régional de formation professionnelle des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris (l'EFB) sans subir l'examen d'accès, en vertu des dispositions de l'article 12-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. 2. A l'issue des dix-huit mois de formation, il a, lors des épreuves du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA), obtenu une note moyenne inférieure à 10/20. N'ayant à nouveau pas atteint la moyenne requise lors de la seconde session d'examen, le jury l'a déclaré, le 8 décembre 2017, ajourné du CAPA. 3. Par courriel du 11 décembre 2017, l'EFB a adressé à M. [F] [I] son relevé de notes pour la première session. Celui-ci a sollicité une vérification des résultats, alléguant une erreur sur les notes attribuées. Par courriel du 22 décembre 2017, l'EFB a rejeté ce recours. 4. Le 14 décembre 2017, M. [F] [I] a été informé par l'EFB qu'il devait procéder à sa réinscription avant le 15 décembre à 12 heures. Par courriel du 29 décembre 2017, M. [F] [I] a indiqué vouloir se réinscrire, mais sa demande a été rejetée le 5 janvier 2018, comme présentée hors délai. 5. Le 5 janvier 2018, M. [F] [I] a formé, par déclaration verbale au greffe de la cour d'appel, un recours portant sur le rejet de communication des notes relatives à la seconde session, sur la décision d'ajournement du 8 décembre 2017 et sur le refus d'inscription à l'école. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. M. [F] [I] fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors : « 1°/ que les recours formés contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats sont jugés selon les règles applicables, en matière contentieuse, à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en jugeant que, dans le silence de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971, la procédure avec représentation obligatoire devait être appliquée au recours formé par M. [F] [I] et en le déclarant irrecevable pour avoir été formé par déclaration verbale suivant procès-verbal du greffe, la cour d'appel a violé l'article L 311-3 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; 2°/ qu'en l'absence de disposition expresse contraire, tout recours formé devant la cour d'appel se trouve soumis aux règles générales de la procédure civile ; qu'aussi, toute demande qui aurait été recevable devant la cour d'appel statuant sur un appel de droit commun doit être considérée comme recevable devant la cour d'appel statuant sur un recours dirigé contre une décision prise par un organe non juridictionnel ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe la demande indemnitaire formée par M. [F] [I] contre l'EFB, motif pris de ce que cette demande n'avait pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, quand une telle demande était recevable à la condition que la même demande l'eût été, comme nouvelle en appel, dans le cadre d'un appel de droit commun, ce qu'il lui incombait de vérifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. » Réponse de la Cour 7. Selon les articles L. 311-3 du code de l'organisation judiciaire et 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la cour d'appel connaît des recours contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats. 8. Aux termes de l'article 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par ce décret. 9. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de disposition prévoyant des modalités spéciales de recours et de renvoi par l'article 14 de la loi précitée à l'article 16 du décret précité, applicable aux décisions du conseil de l'ordre ou du bâtonnier, le recours exercé contre les décisions du CRFPA devait être formé, instruit et jugé comme un appel en matière civile, conformément aux dispositions de l'article 277 de ce décret, de sorte que la procédure avec représentation obligatoire était applicable et que le recours formé M. [F] [I] par déclaration verbale était irrecevable. 10. Le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche et qui devient ainsi inopérant en sa seconde, ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [F] [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [F] [I] M. [F] [I] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable son recours ; 1°) ALORS QUE les recours formés contre les décisions des centres de formation professionnelle des avocats sont jugés selon les règles applicables, en matière contentieuse, à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en jugeant que, dans le silence de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971, la procédure avec représentation obligatoire devait être appliquée au recours formé par M. [F] [I] et en le déclarant irrecevable pour avoir été formé par déclaration verbale suivant procès-verbal du greffe, la cour d'appel a violé l'article L 311-3 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; 2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en l'absence de disposition expresse contraire, tout recours formé devant la cour d'appel se trouve soumis aux règles générales de la procédure civile ; qu'aussi, toute demande qui aurait été recevable devant la cour d'appel statuant sur un appel de droit commun doit être considérée comme recevable devant la cour d'appel statuant sur un recours dirigé contre une décision prise par un organe non juridictionnel ; qu'au cas d'espèce, en repoussant par principe la demande indemnitaire formée par M. [F] [I] contre l'EFB, motif pris de ce que cette demande n'avait pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, quand une telle demande était recevable à la condition que la même demande l'eût été, comme nouvelle en appel, dans le cadre d'un appel de droit commun, ce qu'il lui incombait de vérifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, 14 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 Cassation partielle M. PIREYRE, président Arrêt n° 1209 F-B Pourvoi n° T 21-17.327 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 M. [Y] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 21-17.327 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société MAIF assurances, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [W] et la société MAIF assurances, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mars 2021), un navire pris en crédit-bail par M. [X] a été endommagé par un réchaud à gaz enflammé jeté à la mer depuis son voilier par M. [W], assuré auprès de la société MAIF assurances (la MAIF). 2. Aux termes d'une quittance du 13 octobre 2011, l'assureur de M. [X], la société Groupama transport, aux droits de laquelle vient la société Helvetia assurances, s'est engagée à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice matériel. 3. Par un jugement du 4 septembre 2013, un tribunal de grande instance a condamné M. [W] et la MAIF à payer à M. [X] diverses sommes. Ce jugement a été partiellement infirmé par un arrêt du 18 novembre 2016. 4. Le 16 décembre 2016, M. [X] a assigné son assureur, M. [W] et la MAIF devant un tribunal de commerce. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances : 7. Selon le premier de ces textes, toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. 8. L'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions du second de ces articles, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun. 9. Pour déclarer prescrite l'action engagée par M. [X] contre son assureur aux fins de paiement de l'indemnité d'assurance, l'arrêt, après avoir déclaré que cette action dérivait du contrat d'assurance et que la prescription biennale était inopposable à l'assuré, faute pour le contrat d'assurance de satisfaire aux obligations prévues par l'article R. 112-1 du code des assurances, énonce que le délai de prescription quinquennal prévu à l'article 2224 du code civil, dont elle a fixé le point de départ au 13 octobre 2011, n'a pas été interrompu avant la délivrance de l'assignation le 16 décembre 2016. 10. En statuant ainsi, alors que la société Helvetia assurances ne pouvait prétendre à l'application de la prescription de droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action engagée par M. [X] contre la société Helvetia assurances, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée. Condamne la société Helvetia assurances aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [X] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. [X] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil son action, formée contre la société Helvetia ; 1°) ALORS QUE le contrat d'assurance stipulait que l'assureur « ne régler(ait) l'indemnité que sur présentation des factures acquittées correspondant aux réparations et aux remplacements (?) pour remettre le bateau en bon état de navigabilité » (conditions générales, article 5.3.2.a), subordonnant ainsi le paiement de l'indemnité à la condition que l'assuré justifie de la réalisation des travaux en présentant des factures acquittées ; qu'en jugeant, pour décider que l'action en paiement de l'indemnité d'assurance était irrecevable, que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), la cour d'appel a dénaturé ce contrat, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), tout en retenant que la présentation de la facture des réparations du navire était une « condition du contrat » au paiement de l'indemnité (arrêt, p. 8, dern. al.), la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ; qu'en relevant, pour décider que l'action en paiement de l'indemnité d'assurance était irrecevable, que le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date de réalisation des travaux qui avait été décidée par l'assuré car son droit à l'indemnité d'assurance avait pris naissance dès le sinistre (arrêt, p. 7, dern. al.), cependant qu'ainsi qu'elle le constatait elle-même (arrêt, p. 8, dern. al.), le contrat subordonnait l'exigibilité de l'indemnité d'assurance à la condition que l'assuré justifie de la réalisation des travaux en présentant des factures acquittées (conditions générales, article 5.3.2.a), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2233 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION M. [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déclaré irrecevable en ses demandes à l'encontre de M. [W] et de la MAIF du fait de l'autorité de la chose jugée ; 1°) ALORS QUE l'autorité de chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en opposant à la demande dirigée par M. [X] contre M. [W] et la MAIF l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 18 novembre 2016, qui avait retenu qu'il résultait d'une quittance subrogative qu'il avait déjà été indemnisé par son propre assureur des désordres subis par son navire, sans rechercher si le refus de payer cette quittance n'avait pas été opposé à M. [X] après l'arrêt du 18 novembre 2016 lorsqu'il l'avait mis en demeure puis assigné, ce qui avait modifié la situation antérieurement reconnue en justice et justifiait que l'autorité de la chose jugée attachée à cette précédente décision soit écartée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 836 FS-B Pourvoi n° K 21-11.110 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-11.110 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [G] [E], domicilié [Adresse 2], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2020), par arrêté du 5 novembre 2018, le conseil de discipline de l'ordre des avocats au barreau de Paris a prononcé à l'encontre de M. [E] la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de six mois, dont quatre mois assortis du sursis, pour des manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité. 2. M. [E] a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt d'infirmer l'arrêté sauf en ce qu'il dit que M. [E] s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité, et avait en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat et, statuant à nouveau, de prononcer contre M. [E] la seule sanction d'avertissement, alors : « 1°/ que, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'aucune disposition ne déroge à ce principe en cas d'appel d'une décision statuant sur des poursuites disciplinaires engagées contre un avocat ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui, portant sur la forme du recours, ne pose aucune exigence quant à son contenu, de sorte que le recours exercé conformément à ces seules modalités opérait effet dévolutif, la cour d'appel a violé ce texte et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; 2°/ qu'en toute hypothèse, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ne définit pas les mentions que doit contenir la déclaration d'appel ; qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce que le décret ne règle pas ; qu'aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, régissant la procédure contentieuse sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel doit préciser les chefs de la décision auquel l'appel est limité ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, auquel renvoie l'article 197 du même décret, et qui ne pose aucune exigence quant au contenu de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé ces textes et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991, et l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017. » Réponse de la Cour 4. Il ressort des articles 16 et 197 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat que le recours de l'avocat qui fait l'objet d'une décision en matière disciplinaire est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef et est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. 5. L'article 277 du même décret dispose qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le décret. 6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le contenu du recours formé devant la cour d'appel et ses effets, lesquels ne sont pas réglés par le décret, sont régis par les articles 562 et 933 du code de procédure civile, qui prévoient, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible et que la déclaration d'appel précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. 7. Il a été jugé qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel mentionnant que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié ; 2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-23.456, publié). 8. La cour d'appel a constaté que M. [E] avait formé un recours contre l'arrêté du 5 novembre 2018. 9. Il en résulte que ce recours, qui, bien que n'indiquant pas les chefs de décision critiqués, tendait à la réformation de cette décision, s'entendait comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble de ses chefs, de sorte qu'il opérait effet dévolutif. 10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'arrêté, sauf en ce qu'il avait dit que M. [F] [G] [E] s'était rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession, notamment de modération, de délicatesse, de loyauté, de confraternité, d'honneur et de probité, et avait en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, et, statuant à nouveau, d'AVOIR prononcé à l'encontre de M. [F] [G] [E] la seule sanction d'avertissement ; 1°) ALORS QUE, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'aucune disposition ne déroge à ce principe en cas d'appel d'une décision statuant sur des poursuites disciplinaires engagées contre un avocat ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui, portant sur la forme du recours, ne pose aucune exigence quant à son contenu, de sorte que le recours exercé conformément à ces seules modalités opérait effet dévolutif, la cour d'appel a violé ce texte et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ne définit pas les mentions que doit contenir la déclaration d'appel ; qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce que le décret ne règle pas ; qu'aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, régissant la procédure contentieuse sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel doit préciser les chefs de la décision auquel l'appel est limité ; qu'en retenant que les modalités de saisine de la cour d'appel statuant en matière disciplinaire relevaient exclusivement des dispositions de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991, auquel renvoie l'article 197 du même décret, et qui ne pose aucune exigence quant au contenu de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé ces textes et, par refus d'application, l'article 277 du décret du 27 novembre 1991, et l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 811 F-B Pourvoi n° Y 21-22.254 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Artiliège, société de droit belge, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Belgique), a formé le pourvoi n° Y 21-22.254 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Moulins Soufflet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la société Boogaerts, société de droit belge, société personnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique), 3°/ à la société Cabinet Bourbon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Artiliège, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Moulins Soufflet, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Boogaerts, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cabinet Bourbon, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 mars 2021), la société Moulins Soufflet a confié à la société Cabinet Bourbon une mission de conseil et d'assistance technique relative à la réalisation d'un moulin à blé comportant un système d'étuvage de la farine. Elle a confié le lot étuvage à la société belge Artiliège qui a sous-traité la fourniture du générateur à air chaud à la société belge Boogaerts. Le 4 février 2015, celle-ci a saisi le juge belge d'une demande de paiement de factures dirigée contre les sociétés Artiliège et Moulins Soufflet. Le 26 juillet 2017, la société Moulins Soufflet, alléguant que le dispositif d'étuvage de la farine était affecté de désordres, a assigné en responsabilité contractuelle la société Cabinet Bourbon, laquelle a appelé en intervention forcée les sociétés Artiliège et Boogaerts. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société Artiliège fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer, alors « que l'article 30.1 du règlement Bruxelles I bis prévoit que "lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer ; que suivant l'article 30.3 de ce même règlement "sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément" ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que "dans l'hypothèse où les juridictions françaises soient amenées à avoir, sur la question de l'éventuelle défectuosité du matériel et sur le lien de causalité avec les préjudices allégués par la société Soufflet, une appréciation contraire des juridictions belges, ou vice-versa, il en résulterait potentiellement un risque de contrariété entre les solutions susceptibles d'être adoptées par les juridictions des deux Etats membres de l'Union", de sorte que "la situation de connexité, au sens du Règlement, se trouve suffisamment établie" (cf. arrêt p. 9, §§ 1 et 2), la cour d'appel a néanmoins écarté l'exception de connexité soulevée par la société Artiliège et refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par les juridictions belges saisies en premier lieu, motif pris que "la question de la défectuosité du matériel fourni par la société Boogaerts n'occupe pas une place centrale, au vu des autres manquements contractuels allégués, ainsi que du propre comportement de la société Soufflet" (cf. arrêt p. 9, § 3) ; qu'en subordonnant ainsi le sursis à statuer au caractère central au litige de la question posée par la demande connexe, la cour d'appel a violé les articles 30.1 et 30.3 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, par l'ajout d'une condition qu'ils ne prévoient pas. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 30 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer, les demandes connexes étant celles qui sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. 5. Ayant relevé que la société Moulins Soufflet, qui l'avait saisie d'une action en responsabilité contractuelle dirigée contre la société Cabinet Bourbon, laquelle sollicitait la garantie des sociétés Artiliège et Boogaerts, était assignée par cette dernière devant un juge belge en paiement du prix du générateur litigieux, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que les deux affaires étaient connexes, a toutefois estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Artiliège aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Artiliège et la condamne à payer à la société Moulin Soufflet la somme de 3 000 euros et la même somme à la société Cabinet Bourbon ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Artiliège PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Artiliège fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 5 novembre 2019 rendu par le Tribunal de commerce de Troyes en ce qu'il a rejeté le sursis à statuer demandé (à tout le moins sur l'action incidente subsidiaire de la SA Moulins Soufflet) dans l'attente qu'une décision coulée en force de la chose jugée soit rendue dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement prononcé le 11 juillet 2019 par le Tribunal de l'entreprise de Liège ; ALORS QUE l'article 30.1 du règlement Bruxelles I bis prévoit que «lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer » ; que suivant l'article 30.3 de ce même règlement « sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément » ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que « dans l'hypothèse où les juridictions françaises soient amenées à avoir, sur la question de l'éventuelle défectuosité du matériel et sur le lien de causalité avec les préjudices allégués par la société Soufflet, une appréciation contraire des juridictions belges, ou vice-versa, il en résulterait potentiellement un risque de contrariété entre les solutions susceptibles d'être adoptées par les juridictions des deux Etats membres de l'Union », de sorte que « la situation de connexité, au sens du Règlement, se trouve suffisamment établie » (cf. arrêt p. 9, §§ 1 et 2), la cour d'appel a néanmoins écarté l'exception de connexité soulevée par la société Artiliège et refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par les juridictions belges saisies en premier lieu, motif pris que « la question de la défectuosité du matériel fourni par la société Boogaerts n'occupe pas une place centrale, au vu des autres manquements contractuels allégués, ainsi que du propre comportement de la société Soufflet » (cf. arrêt p. 9, §3) ; qu'en subordonnant ainsi le sursis à statuer au caractère central au litige de la question posée par la demande connexe, la cour d'appel a violé les articles 30.1 et 30.3 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, par l'ajout d'une condition qu'ils ne prévoient pas. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Artiliège fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, de l'avoir condamnée à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20% de la condamnation prononcée à sa charge en principal, intérêts, frais et dépens ; 1°/ ALORS QU'après avoir affirmé que la société Artiliège, exerçant son activité dans le secteur de la ventilation et du traitement d'air, objectait « exactement » n'avoir pas eu connaissance des contraintes spécifiques de l'industrie meunière et en particulier du risque lié aux poussières de farine (cf. arrêt p. 21, § 12), qu'elle faisait « pertinemment » valoir que le cahier des charges élaboré par la société Cabinet Bourbon ne comportait aucune norme ou indication en relation avec les risques d'explosion ou d'auto-inflammation de poussières de farine (cf. arrêt p. 21, § 14) et encore que le rapport d'expertise ne relevait aucun manquement de la société Artiliège à cet égard (cf. arrêt p. 21, § 15), de sorte qu'il ne pouvait être reproché à la société Artiliège « de n'avoir jamais donné d'indication quant à la valeur réelle de la température de contact, ni plus largement, de ne pas s'être assurée de la conformité des équipements et installations commandées à leurs conditions d'exploitation » (cf. arrêt p. 21, dernier paragraphe et p. 22, §1), ce dont il se déduisait qu'aucun manquement au devoir de conseil ne pouvait être imputé à cette dernière, notamment pour ne pas avoir averti le maitre de l'ouvrage des dangers que pouvait présenter l'installation dans ces conditions, la cour d'appel a retenu, pour entrer en voie de condamnation, que la société Artiliège n'avait pas démontré « s'être acquittée de son obligation de conseil à l'encontre de la société Soufflet » (cf. arrêt p. 22, § 13) ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 2°/ ALORS QU'au surplus, en déduisant le manquement à l'obligation de conseil du seul défaut de conformité du générateur d'air chaud aux stipulations contractuelles, sans préciser en quoi celui-ci aurait permis à la société Artiliège – qui n'avait pas connaissance des contraintes spécifiques de l'industrie meunière et en particulier du risque lié aux poussières de farine – de déceler les dangers que le générateur d'air chaud était susceptible de présenter dans ce contexte particulier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. 3°/ ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, en présence d'une pluralité de fautes, l'auteur de l'une d'entre elles ne peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à relever et garantir les condamnations prononcées contre l'auteur d'une autre faute jugé responsable, que si la faute qu'il a lui-même commise est en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la victime ; que pour condamner la société Artiliège à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'égard de la société Moulins Soufflet, la Cour d'appel a affirmé que le manquement de la société Artiliège à son devoir de conseil avait « contribué à l'installation et la mise en fonctionnement du générateur d'air chaud défectueux » dont le maître d'oeuvre devait répondre (cf. arrêt p. 22, § 13) ; qu'en statuant ainsi, tout en ayant relevé d'une part, que l'expert judiciaire avait retenu que l'installation ne pouvait en aucun cas être mise en fonctionnement sans risque majeur « que le générateur fasse ou non l'objet de malfaçons » (cf. arrêt p. 17, § 1) et d'autre part, que la société Bourbon avait conçu et sélectionné « une installation et des éléments d'équipements, dont ce générateur, qui n'aurait pu fonctionner sans risque » (cf. arrêt p. 17, § 3), ce dont il résultait qu'indépendamment du manquement au devoir de conseil ayant contribué à l'installation du générateur d'air chaud, l'installation projetée n'aurait pas pu fonctionner compte tenu du défaut de conception imputable à la seule société Cabinet Bourbon, de sorte qu'aucun lien de causalité n'existait entre le manquement imputé à la société Artiliège et les préjudices subis par la société Moulins Soufflet consistant essentiellement en les frais de remplacement de l'installation, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; 4°/ ALORS QU'en présence d'une pluralité de fautes, l'auteur de l'une d'entre elles ne peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à relever et garantir les condamnations prononcées contre de l'auteur d'une autre faute jugé responsable, que si la faute qu'il a lui-même commise est en lien de causalité directe avec le préjudice subi par la victime ; que pour condamner la société Artiliège à relever et garantir la société Cabinet Bourbon à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'égard de la société Moulins Soufflet, la Cour d'appel a affirmé que la société Artiliège avait manqué à son obligation de résultat consistant à fournir un équipement conforme aux prévisions contractuelles et exempt des vices intrinsèques ; qu'en statuant ainsi, tout en ayant relevé d'une part, que l'expert judiciaire avait retenu que l'installation ne pouvait en aucun cas être mise en fonctionnement sans risque majeur « que le générateur fasse ou non l'objet de malfaçons » (cf. arrêt p. 17, § 1) et d'autre part, que la société Bourbon avait conçu et sélectionné « une installation et des éléments d'équipements, dont ce générateur, qui n'aurait pu fonctionner sans risque » (cf. arrêt p. 17, § 3), ce dont il résultait qu'indépendamment du défaut de conformité et vices affectant le générateur d'air chaud, l'installation projetée n'aurait pas pu fonctionner compte tenu du défaut de conception imputable à la seule société Cabinet Bourbon, de sorte qu'aucun lien de causalité n'existait entre les manquements imputés à la société Artiliège et le préjudice subi par la société Moulins Soufflet consistant essentiellement en les frais de remplacement de l'installation, la cour d'appel a derechef méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 809 FS-B Pourvoi n° M 21-15.435 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [H] [P], 2°/ Mme [O] [T], épouse [P], tous deux domiciliés [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° M 21-15.435 contre l'arrêt rendu le 25 février 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant à la société Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La société Paribas Personal Finance a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 février 2021), suivant acte sous seing privé du 20 octobre 2015, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. et Mme [P] (les emprunteurs) un prêt ayant pour objet un regroupement de crédits. 2. Après avoir prononcé la déchéance du terme en raison d'échéances impayées, la banque a obtenu une ordonnance d'injonction de payer à laquelle les emprunteurs ont formé opposition. Examen des moyens Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque une certaine somme et de rejeter leurs demandes en paiement de dommages-intérêts et compensation, alors « que l'établissement de crédit doit se renseigner pour alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi des prêts et doit même attirer l'attention de l'emprunteur non professionnel sur les conséquences que les crédits accordés peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, quand bien même il n'existerait ni risque d'endettement excessif ni surendettement; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le couple n'avait pas deux enfants à charge et à défaut de s'être prononcée, comme elle y était aussi invitée, sur les incidents de paiement déjà survenus à l'occasion d'un crédit souscrit le 24 janvier 2015 auprès de la société Carrefour banque d'un montant de 16 356,25 euros, remboursable en soixante mensualités, à un taux de 8,83 %, afin de regrouper certains crédits antérieurement contractés par les exposants et sur les incidents de paiement afférents à un crédit conclu en juin 2015 auprès de la société Casino pour plus de 13 000 euros, ayant aussi fait l'objet d'une procédure devant le tribunal d'instance, au cours de laquelle les parties avaient convenu d'un remboursement échelonné de 280 euros par mois, crédits dont l'inadaptation à la situation de M. et Mme [P] les avait mis dans l'impossibilité de pouvoir régler les mensualités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1231-1 du code civil, L. 311-9 et L. 312-14 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause. » 4. En application de l'article 978 du code de procédure civile, le moyen, qui articule contre deux chefs distincts de l'arrêt des griefs tendant à des fins différentes, est irrecevable. Sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 5. Les emprunteurs font le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel, qui ne s'est pas davantage interrogée sur le fichage dont a fait l'objet Mme [P] en mai 2015 pour incident de paiement d'un crédit, ce qui démontrait que la société BNP Paribas Personal Finance aurait dû être parfaitement informée des difficultés des emprunteurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. » Réponse de la Cour 6. La cour d'appel, qui a retenu que le contrat litigieux avait pour objet de regrouper trois prêts antérieurs en réduisant le montant total de la mensualité sans coût supplémentaire, en a exactement déduit que ce crédit de restructuration ne créait pas de risque d'endettement nouveau, de sorte que la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde. 7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 8. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels et de limiter à une certaine somme, assortie des intérêts au taux légal, la condamnation solidaire des emprunteurs, alors « que la consultation du fichier national des incidents de paiement par l'organisme prêteur doit être effectuée avant la conclusion effective du crédit, laquelle n'intervient, pour les crédits assortis d'une clause d'agrément, que lors de la délivrance de l'agrément par l'établissement de crédit ; qu'en considérant que la consultation par la BNP Paribas Personal Finance était tardive dès lors qu'elle n'a pas été accomplie avant la conclusion du contrat de crédit dans le délai maximal de sept jours suivant l'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur prévu à l'article L. 311-13 du code de la consommation, cependant que la conclusion du contrat de crédit n'est intervenue que plus tard, lors de l'octroi par la BNP Paris Personal Finance d'un agrément aux époux [P], matérialisé par la mise à disposition des fonds, la cour d'appel a violé l'article L. 311-13 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, désormais repris à l'article L. 312-24 du même code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-9, L. 311-13 et L. 311-48, alinéa 2, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dans sa rédaction applicable au litige : 9. Il résulte du premier de ces textes qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) dans les conditions prévues par l'arrêté relatif à ce fichier. 10. Le deuxième dispose : « Le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur. » 11. Il résulte du quatrième que les établissements et organismes assujettis à l'obligation de consultation du FICP doivent consulter ce fichier avant toute décision effective d'octroyer un crédit, tel que mentionné à l'article L. 311-2 du code de la consommation, à l'exception des opérations mentionnées à l'article L. 311-3 du même code et avant tout octroi d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois. Sans préjudice de consultations antérieures dans le cadre de la procédure d'octroi de crédit, cette consultation obligatoire, qui a pour objet d'éclairer la décision finale du prêteur avec les données les plus à jour, doit être réalisée lorsque le prêteur décide d'agréer la personne de l'emprunteur en application de l'article L. 311-13 du code de la consommation pour les crédits mentionnés à l'article L. 311-2 du même code. 12. Selon le troisième, lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. 13. Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt retient que la banque n'a pas consulté le FICP dans le délai maximal de sept jours imparti par l'article L. 311-13 du code de la consommation. 14. En statuant ainsi, après avoir relevé que cette consultation avait eu lieu avant la mise à disposition des fonds, par laquelle le prêteur avait agréé la personne des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi principal ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels et limite la condamnation solidaire des emprunteurs à la somme de 12 835,29 euros, assortie des intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Condamne M. et Mme [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [P] et les condamne à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi principal par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P] M. et Mme [P] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 12 835,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 6 décembre 2016 et de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts venant en compensation avec cette somme ; Alors 1°) que l'établissement de crédit doit se renseigner pour alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi des prêts et doit même attirer l'attention de l'emprunteur non professionnel sur les conséquences que les crédits accordés peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, quand bien même il n'existerait ni risque d'endettement excessif ni surendettement; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le couple n'avait pas deux enfants à charge et à défaut de s'être prononcée, comme elle y était aussi invitée, sur les incidents de paiement déjà survenus à l'occasion d'un crédit souscrit le 24 janvier 2015 auprès de la société Carrefour Banque d'un montant de 16 356,25 euros, remboursable en soixante mensualités, à un taux de 8,83%, afin de regrouper certains crédits antérieurement contractés par les exposants et sur les incidents de paiement afférents à un crédit conclu en juin 2015 auprès de la société Casino pour plus de 13 000 euros, ayant aussi fait l'objet d'une procédure devant le tribunal d'instance, au cours de laquelle les parties avaient convenu d'un remboursement échelonné de 280 euros par mois, crédits dont l'inadaptation à la situation de M. et Mme [P] les avait mis dans l'impossibilité de pouvoir régler les mensualités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1231-1 du code civil, L. 311-9 et L. 312-14 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause ; Alors 2°) que la cour d'appel, qui ne s'est pas davantage interrogée sur le fichage dont a fait l'objet Mme [P] en mai 2015 pour incident de paiement d'un crédit, ce qui démontrait que la société BNP Paribas Personal Finance aurait dû être parfaitement informée des difficultés des emprunteurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Paribas Personal Finance La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir prononcé la déchéance totale de son droit aux intérêts contractuels au titre du prêt accepté le 20 octobre 2015 et d'avoir limité la condamnation solidaire de Monsieur et Madame [P] à payer à la banque la seule somme de 12.835,29 euros assortie des intérêts légaux à compter du 6 décembre 2016. ALORS QUE la consultation du fichier national des incidents de paiement par l'organisme prêteur doit être effectuée avant la conclusion effective du crédit, laquelle n'intervient, pour les crédits assortis d'une clause d'agrément, que lors de la délivrance de l'agrément par l'établissement de crédit ; qu'en considérant que la consultation par la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE était tardive dès lors qu'elle n'a pas été accomplie avant la conclusion du contrat de crédit dans le délai maximal de sept jours suivant l'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur prévu à l'article L. 311-13 du code de la consommation, cependant que la conclusion du contrat de crédit n'est intervenue que plus tard, lors de l'octroi par la BNP PARIS PERSONAL FINANCE d'un agrément aux époux [P], matérialisé par la mise à disposition des fonds, la cour d'appel a violé l'article L. 311-13 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, désormais repris à l'article L. 312-24 du même code.
CASS/JURITEXT000046652029.xml
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 novembre 2022 sans renvoi M. PIREYRE, président Arrêt n° 1195 FS-B Pourvoi n° D 20-19.288 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022 Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-19.288 contre l'arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [O] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, de Me Occhipinti, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, M. Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2020), Mme [U], alors qu'elle était passagère d'un véhicule, a été victime d'un accident de la circulation en Belgique, impliquant un véhicule immatriculé et assuré dans ce pays. 2. Mme [U] a saisi, le 5 avril 2017, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) aux fins d'expertise et d'indemnisation provisionnelle. 3.Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), a soulevé l'irrecevabilité de ces demandes au motif que, s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique, l'application des règles issues de directives européennes mettant la réparation à la charge de l'assureur du véhicule et, à défaut, du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), était exclusive de l'application du régime d'indemnisation des victimes d'infraction. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le FGTI fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête de Mme [U] alors « que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGTI en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances – c'est-à-dire ceux survenus sur le territoire d'un Etat partie à l'Espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats – sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'en retenant, pour juger recevable la demande de Mme [U], que l'applicabilité de ces règles issues des différentes directives européennes – qui n'était pas contestée s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat – n'était pas de nature à faire échec à l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances : 5. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir du FGTI la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. 6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO). 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances sus visés, sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime. 8. Après avoir constaté que Mme [U] avait été victime, en Belgique, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule immatriculé dans cet Etat, l'arrêt énonce que les textes issus des directives européennes n'imposent pas à la victime de saisir le représentant de l'assureur du véhicule responsable, que l'article 706-9 du code de procédure pénale ne fait pas obligation à la victime d'une infraction de tenter d'obtenir l'indemnisation de son préjudice des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation, préalablement à la saisine de la CIVI, et que la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 n'est pas applicable à l'espèce, la Convention de La Haye du 4 mai 1971 posant le principe, repris à l'article L. 424-6 du code des assurances, de l'application de la loi de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu. 9. Il en déduit que l'accident subi par Mme [U] en Belgique ne relève pas des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et de l'exception prévue à l'article 706-3 du code de procédure pénale et qu'en conséquence, la saisine de la CIVI est recevable. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 13. Il résulte des paragraphes 5 à 10 que la requête de Mme [U] est irrecevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DÉCLARE irrecevable la requête présentée par Mme [U]. Laisse les dépens exposés à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Amiens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Amiens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions Il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la requête de Mme [U] en date du 5 avril 2017 ; Alors que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances – c'est-à-dire ceux survenus sur le territoire d'un Etat partie à l'Espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats – sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important la vocation subsidiaire de ce fonds, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'en retenant, pour juger recevable la demande de Mme [U], que l'applicabilité de ces règles issues des différentes directives européennes – qui n'était pas contestée s'agissant d'un accident de la circulation survenu en Belgique et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat – n'était pas de nature à faire échec à l'application l'article 706-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte, par fausse application.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 817 F-B Pourvois n° W 20-21.282 Y 20-21.353 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 I - 1°/ M. [U] [T], 2°/ Mme [O] [V], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° W 20-21.282 contre un arrêt rendu le 27 août 2020 par la cour d'appel de Metz (3e chambre civile), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. II - La caisse de Crédit mutuel [Localité 4], a formé le pourvoi n° Y 20-21.353 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [U] [T], 2°/ à Mme [O] [V], épouse [T], défendeurs à la cassation. Les demandeurs aux pourvois n° W 20-21.282 invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° Y 20-21.353 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [T], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-21.282 et n° 20-21.353 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 août 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2018, pourvoi n° 16-18.118), par actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005, la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] (la banque) a consenti deux prêts immobiliers à M. et Mme [T] (les emprunteurs). 3. Ces prêts ont fait l'objet d'avenants conclus sous seing privé les 7 et 16 avril 2010. 4. Le 18 février 2014, la banque a délivré aux emprunteurs un commandement aux fins d'exécution forcée immobilière, puis a déposé au tribunal d'instance de Metz une requête en vue d'obtenir la vente de leur immeuble par voie d'exécution forcée. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° 20-21.282, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable. Mais sur le moyen du pourvoi n° 20-21.353 Enoncé du moyen 6. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les créances issues des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valent pas titres exécutoires, de déclarer nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière délivré le 18 février 2014 et de rejeter sa requête, alors « que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable aux mesures d'exécution antérieures au 25 mars 2019, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi, de sorte que les circonstances postérieures susceptibles d'affecter le montant de la créance effectivement réclamée par le prêteur sont inopérantes sur la qualification de titre exécutoire de l'acte ; qu'en l'espèce, pour considérer que les actes notariés fondant les poursuites de la banque ne valaient pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a retenu que "le prêt dont il est fait état à l'acte authentique du 31 août 2004 prévoit le remboursement de la somme de 125 000 euros en cent quarante quatre mensualités de 1 139,86 euros au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 7 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 96 509,17 euros en cent vingt quatre mensualités de 967,67 euros au taux de 4,35 % l'an", que "le prêt dont il est fait état à l'acte authentique du 5 janvier 2005 prévoit le remboursement de la somme de 20 000 euros en cent quatre vingt mensualités de 152,01 euros au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 16 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 15 090,55 euros en cent vingt mensualités de 155,31 euros au taux de 4,35 % l'an", qu'"il a été indiqué aux avenants qu'un nouveau tableau d'amortissement indiquant la décomposition en capital et intérêts et le cas échéant cotisations d'assurance des emprunteurs pour chaque échéance a été annexé à chaque avenant pour former un tout indissociable", qu' "il résulte du commandement aux fins de saisie immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants souscrits les 7 et 16 avril 2010" et qu'"il en résulte que les modalités de remboursement initiales des prêts en cause figurant à chacun des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne permettent pas d'évaluer les créances dont le recouvrement est poursuivi sur la base d'avenants postérieurs passés sous seing privé et prévoyant des modalités de remboursement différentes" ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi, bien qu'il ressorte de ses constatations que les créances étaient déterminables en l'état des mentions des actes notariés ; que la cour d'appel, qui a subordonné la qualification de titre exécutoire des actes notariés à la condition que ceux-ci anticipent les circonstances postérieures à leur signature en comportant des mentions rendant déterminable, non pas la créance telle que fixée par le contrat, mais la somme effectivement réclamée par le prêteur, a violé l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 : 7. Aux termes de ce texte, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans le titre à l'exécution forcée immédiate. 8. Il en résulte que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi. 9. Pour rejeter la requête de la banque, l'arrêt constate que les actes notariés de prêt des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont fait l'objet d'avenants sous seing privé conclus les 7 et 16 avril 2010 qui ont modifié le montant de la somme à rembourser et le nombre de mensualités, puis relève qu'il résulte du commandement aux fins d'exécution forcée immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu de ces actes notariés ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants précités. 10. L'arrêt retient ensuite que les modalités de remboursement des actes notariés de prêt ne permettent pas d'évaluer les créances, dont le recouvrement est poursuivi, sur la base d'avenants sous seing privés prévoyant des modalités de remboursement différentes. 11. Il en conclut que les actes notariés de prêt ne valent pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5, 1°, précité et que la nullité du commandement délivré le 18 février 2014 est dés lors encourue. 12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les actes notariés de prêt mentionnaient, au jour de leur signature, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour d'éventuelles poursuites, l'évaluation des créances à recouvrer et qu'elle retenait qu'il n'y avait pas eu novation par l'effet des avenants, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les créances de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] issues des actes authentiques des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valent pas titres exécutoires, déclare nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière signifié le 18 février 2014 et rejette la requête de la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] tendant à la vente par voie d'exécution forcée de l'immeuble inscrit au livre foncier de Pontpierre cadastré section [Cadastre 2] au nom de M. [U] [T] et de Mme [O] [V] épouse [T], l'arrêt rendu le 27 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy. Condamne M. et Mme [T] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° 20-21.282 par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [T] Les époux [T] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé régulière la déchéance du terme et dit que les créances de la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] issues des actes authentiques des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valaient pas titres exécutoires, retenant ainsi l'existence de ces créances ; 1°) ALORS QUE l'annulation du commandement aux fins de saisie immobilière prive cet acte de son effet interruptif de prescription ; qu'en relevant pour écarter la prescription des créances résultant des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 que la signification du commandement aux fins de saisie immobilière du 18 février 2014 avait interrompu la prescription de l'action de la banque (arrêt, p. 12, al. 3), quand elle constatait que ce commandement était nul (arrêt, p. 13, al. 5), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2241 et 2244 du code civil ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse la prescription d'une dette payable par termes successifs se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives ; qu'en fixant le point de départ de l'action en paiement des mensualités des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 au jour du premier incident de paiement non régularisé « soit au plus tard » à la date à laquelle la déchéance du terme a été prononcée par la banque (arrêt, p. 12, al. 2), la cour d'appel, qui n'a pas fixé le point de la prescription des mensualités du prêt au jour de leurs dates d'échéances respectives, a violé l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse en fixant le point de départ de la prescription de l'action en paiement des mensualités des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 au jour du premier incident de paiement non régularisé « soit au plus tard » à la date à laquelle la déchéance du terme avait été prononcée par la banque (arrêt, p. 12, al. 2), quand la date d'exigibilité des mensualités du prêt ou du premier incident de paiement était nécessairement antérieure à la date de déchéance du terme, prononcée le 12 juillet 2012 en raison du défaut de paiement de ces mensualités, la cour d'appel, qui n'a pas fixé le point de départ de la prescription des mensualités du prêt au jour de leur exigibilité, a violé l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse les exposants soutenaient que le point de départ de la prescription des créances représentant le capital restant dû au titre des prêts des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 se situait à la date de déchéance du terme prononcée le 27 janvier 2010 par la banque (conclusions, p. 10-11) ; qu'en jugeant que les créances invoquées par la banque n'étaient pas prescrites sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° 20-21.353 par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] La CCM Faulquemont FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR, infirmant l'ordonnance entreprise, jugé que les créances de la CCM Faulquemont issues des actes authentiques des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne valaient pas titres exécutoires, déclaré nul et de nul effet le commandement aux fins d'exécution forcée immobilière du 18 février 2014 et rejeté la requête de la CCM Faulquemont tendant à la vente par voie d'exécution forcée de l'immeuble inscrit au livre foncier de Pontpierre cadastré section [Cadastre 2] au nom des époux [T] ; ALORS QUE constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable aux mesures d'exécution antérieures au 25 mars 2019, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi, de sorte que les circonstances postérieures susceptibles d'affecter le montant de la créance effectivement réclamée par le prêteur sont inopérantes sur la qualification de titre exécutoire de l'acte ; qu'en l'espèce, pour considérer que les actes notariés fondant les poursuites de la CCM Faulquemont ne valaient pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5 1° du CPCE, la cour d'appel a retenu que « le prêt dont il est fait état aÌ l'acte authentique du 31 août 2004 prévoit le remboursement de la somme de 125.000 € en 144 mensualités de 1.139,86 € au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 7 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 96.509,17 € en 124 mensualités de 967,67 € au taux de 4,35 % l'an », que « le prêt dont il est fait état aÌ l'acte authentique du 5 janvier 2005 prévoit le remboursement de la somme de 20.000 € en 180 mensualités de 152,01 € au taux de 4,35 % l'an ; son avenant souscrit sous seing privé le 16 avril 2010 prévoit le remboursement de la somme de 15.090,55 € en 120 mensualités de 155,31 € au taux de 4,35 % l'an », qu'« il a été indiqué aux avenants qu'un nouveau tableau d'amortissement indiquant la décomposition en capital et intérêts et le cas échéant cotisations d'assurance des emprunteurs pour chaque échéance a été annexé aÌ chaque avenant pour former un tout indissociable », qu' « il résulte du commandement aux fins de saisie immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants souscrits les 7 et 16 avril 2010 » et qu'« il en résulte que les modalités de remboursement initiales des prêts en cause figurant à chacun des actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ne permettent pas d'évaluer les créances dont le recouvrement est poursuivi sur la base d'avenants postérieurs passés sous seing privé et prévoyant des modalités de remboursement différentes » ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi, bien qu'il ressorte de ses constatations que les créances étaient déterminables en l'état des mentions des actes notariés ; que la cour d'appel, qui a subordonné la qualification de titre exécutoire des actes notariés à la condition que ceux-ci anticipent les circonstances postérieures à leur signature en comportant des mentions rendant déterminable, non pas la créance telle que fixée par le contrat, mais la somme effectivement réclamée par le prêteur, a violé l'article L. 111-5 du Code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable. 2e Civ., 6 mai 2010, pourvoi n° 09-67.058, Bull. 2010, II, n° 90 (rejet) ; 2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-23.219, Bull., (cassation partielle) ; 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 20-13.633, Bull., (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 829 FS-B Pourvoi n° T 21-10.220 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société OVH, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-10.220 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1ère section), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'association Juristes pour l'Enfance, dont le siège est [Adresse 1], ayant également un établissement [Adresse 3], 2°/ à la société Subrogalia SL, dont le siège est [Adresse 4] (Espagne), défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société OVH, de la SARL Corlay, avocat de l'association Juristes pour l'Enfance, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société OVH du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Subrogalia SL. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 octobre 2020), le 1er février 2016, l'association Juristes pour l'enfance (l'association) a mis en demeure la société OVH, en sa qualité d'hébergeur de sites, de retirer sans délai le contenu du site internet http://www.subrogalia.com/fr/, édité par la société de droit espagnol Subrogalia (la société Subrogalia), afin qu'il ne soit plus accessible sur le territoire français, en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). 3. L'association faisait valoir que le contenu de ce site était illicite comme proposant son entremise entre une mère porteuse et un client désireux d'accueillir l'enfant portée par elle, alors que la gestation pour autrui (GPA) est interdite en France et pénalement sanctionnée. 4. L'association ayant réitéré sa notification le 13 juin 2016, la société OVH lui a indiqué, par lettre du 17 juin suivant, qu'en l'absence de contenu manifestement illicite, il ne lui appartenait pas de se substituer aux autorités judiciaires afin de trancher un litige opposant l'association à la société Subrogalia, mais qu'elle exécuterait spontanément toute décision de justice qui serait portée à sa connaissance à ce titre. 5. Le 18 août 2016, l'association a assigné la société OVH afin qu'il lui soit fait injonction, sous astreinte, de rendre inaccessible le site internet litigieux et qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts. La société OVH a assigné en intervention forcée la société Subrogalia. Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé 6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. La société OVH fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'association la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors : « 1°/ que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en déduisant l'application de la loi française du fait que le site de la société Subrogalia, en ce qu'il contrevient explicitement aux dispositions de droit français prohibant la gestation pour autrui, est susceptible de causer un dommage sur le territoire français parce qu'il viole la loi française, et juger en conséquence manifestement illicite le contenu de ce site pour retenir la responsabilité de la société OVH, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a violé l'article 4 du Règlement Rome II n° 864/2007 du 11 juillet 2007, ensemble l'article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et l'article 227-12 du code pénal ; 2°/ que la responsabilité d'un hébergeur de site internet pour n'avoir pas retiré promptement une information dénoncée comme illicite ne peut être retenue que si l'information présente manifestement ce caractère ; la gestation pour autrui fait l'objet de débats et d'options juridiques très différentes selon les pays, on n'est pas unanimement réprouvés par une norme de droit international ; n'est donc pas manifestement illicite un site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d'accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n'est effectivement exercée en France ; qu'en jugeant le contraire, pour retenir la responsabilité de la société OVH au seul motif inopérant que ce site, destiné notamment à un public situé en France, serait susceptible de causer un dommage sur le territoire français où de telles prestations sont interdites, la cour d'appel, qui n'en a pas caractérisé l'illicéité manifeste a violé l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; 3°/ qu'un hébergeur de site internet ne peut être condamné à payer des dommages-intérêts à une association lui ayant dénoncé le contenu d'un site comme étant illicite que si l'absence de prompt retrait des informations figurant sur celui-ci est en lien de causalité direct et certain avec un préjudice personnel de cette association ; qu'en condamnant la société OVH à payer 3.000 € de dommages-intérêts à l'association des Juristes pour l'enfance au titre d'un prétendu préjudice moral dont elle n'a pas expliqué en quoi il serait personnel à l'association et directement causé par l'absence de prompt retrait du site litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société Subrogalia y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site, la cour d'appel en a exactement déduit que le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu'il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d'ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu'il avait vocation à permettre à des ressortissants français d'avoir accès à une pratique illicite en France. 9. Elle a ainsi caractérisé l'existence d'un dommage subi par l'association sur le territoire français au regard de la loi s'y appliquant et justement retenu que la société OVH, qui n'avait pas promptement réagi pour rendre inaccessible en France le site litigieux, avait manqué aux obligations prévues à l'article 6. I. 2, de la loi du 21 juin 2004. 10. Elle a enfin souverainement apprécié, par une décision motivée, le préjudice qui en était résulté. 11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société OVH aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société OVH ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société OVH PREMIER MOYEN DE CASSATION La société OVH fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'association Juristes pour l'enfance la somme de 3000 € de dommages et intérêts ; ALORS D'UNE PART QUE la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en déduisant l'application de la loi française du fait que le site de la société espagnole Subrogalia, en ce qu'il contrevient explicitement aux dispositions de droit français prohibant la gestation pour autrui, est susceptible de causer un dommage sur le territoire français parce qu'il viole la loi française, et juger en conséquence manifestement illicite le contenu de ce site pour retenir la responsabilité de la société OVH, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a violé l'article 4 du Règlement Rome II n° 864/2007 du 11 juillet 2007, ensemble l'article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et l'article 227-12 du code pénal ; ALORS D'AUTRE PART QUE la responsabilité d'un hébergeur de site internet pour n'avoir pas retiré promptement une information dénoncée comme illicite ne peut être retenue que si l'information présente manifestement ce caractère ; la gestation pour autrui fait l'objet de débats et d'options juridiques très différentes selon les pays, on n'est pas unanimement réprouvés par une norme de droit international ; n'est donc pas manifestement illicite un site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d'accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n'est effectivement exercée en France ; qu'en jugeant le contraire, pour retenir la responsabilité de la société OVH au seul motif inopérant que ce site, destiné notamment à un public situé en France, serait susceptible de causer un dommage sur le territoire français où de telles prestations sont interdites, la cour d'appel, qui n'en a pas caractérisé l'illicéité manifeste a violé l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; ALORS ENSUITE QU'un hébergeur de site internet ne peut être condamné à payer des dommages-intérêts à une association lui ayant dénoncé le contenu d'un site comme étant illicite que si l'absence de prompt retrait des informations figurant sur celui-ci est en lien de causalité direct et certain avec un préjudice personnel de cette association ; qu'en condamnant la société OVH à payer 3.000 € de dommages-intérêts à l'association des Juristes pour l'enfance au titre d'un prétendu préjudice moral dont elle n'a pas expliqué en quoi il serait personnel à l'association et directement causé par l'absence de prompt retrait du site litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6-I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, ensemble l'article 1240 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION La société OVH fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il lui a fait injonction de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français ; ALORS QUE toute personne a droit à la liberté d'expression, qui comprend la liberté de communiquer des informations sans considération de frontière ; qu'en faisant injonction à la société OVH de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français, en prenant toutes mesures techniques à cet effet « quelles qu'en soient les conséquences », cependant que la seule solution technique possible consistait, ainsi que l'exposait l'hébergeur, à débrancher purement et simplement le site de sorte qu'il ne pourra plus être accessible de nulle part, y compris depuis des Etats où la GPA est parfaitement licite, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et a violé l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 804 FS-B Pourvoi n° C 21-21.867 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Odalys résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-21.867 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [Z], domicilié [Adresse 1], 2°/ à la société BCAR, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Odalys résidences, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z] et de la société BCAR, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 juin 2021), rendu en référé, M. [Z] et la société BCAR (les bailleurs) ont consenti trois baux commerciaux à la société Odalys résidences (la locataire) portant sur divers lots situés dans deux résidences de tourisme. 2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a cessé son activité dans les résidences concernées du 14 mars au 2 juin 2020 et informé les bailleurs de sa décision d'interrompre le paiement du loyer et des charges pendant cette période. 3. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacun des bailleurs une provision, alors : « 1°/ que juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ; 2°/ que la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient pas en cause, quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ; 3°/ que la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. L'effet de la mesure gouvernementale d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, publié au bulletin). 6. Après avoir relevé que seuls les exploitants se sont vu interdire de recevoir leurs clients pour des raisons étrangères aux locaux loués qui n'avaient subi aucun changement, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les mesures d'interdiction d'exploitation, qui ne sont ni du fait ni de la faute du bailleur, ne constituent pas une circonstance affectant le bien, emportant perte de la chose louée. 7. Elle a ensuite constaté, sans interpréter le contrat, que la clause de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou en raison d'un désordre ou d'une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué et que la condition de suspension, clairement exigée, de couverture des loyers par les assureurs, n'était pas remplie. 8. Elle n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Odalys résidences aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Odalys résidences et la condamne à payer à la société BCAR et M. [Z] la somme globale de 3000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Odalys résidences La société Odalys résidences fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à titre provisionnel à la société BCAR la somme de 23 192,75 euros à valoir sur les loyers exigibles au titre des premier et deuxième trimestres 2020, et à M. [Z] celle de 6 763,71 euros au titre de la même période ; 1) ALORS QUE le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient « pas en cause », quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ; 3) ALORS QUE la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 802 FS-B Pourvoi n° S 22-12.753 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 La société Réside études apparthôtels, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16], a formé le pourvoi n° S 22-12.753 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [MC] [T], 2°/ à Mme [FG] [T], tous deux domiciliés [Adresse 8], 3°/ à M. [X] [J], domicilié [Adresse 21], 4°/ à M. [KJ] [P], domicilié [Adresse 9], 5°/ à M. [XI] [A], domicilié [Adresse 19], 6°/ à Mme [VF] [P], domiciliée [Adresse 9], 7°/ à Mme [UU] [A], domiciliée [Adresse 19], 8°/ à M. [ZX] [R], 9°/ à Mme [C] [R], tous deux domiciliés [Adresse 10], 10°/ à M. [MY] [B], 11°/ à Mme [GN] [B], tous deux domiciliés [Adresse 20], 12°/ à M. [Y] [F], 13°/ à Mme [D] [AM], tous deux domiciliés [Adresse 22], 14°/ à Mme [HV] [O], domiciliée [Adresse 2], 15°/ à Mme [CG] [E], 16°/ à M. [SF] [E], tous deux domiciliés [Adresse 23], 17°/ à M. [M] [TB], 18°/ à Mme [HJ] [TB], tous deux domiciliés [Adresse 18], 19°/ à M. [DZ] [PM], 20°/ à Mme [I] [WX], tous deux domiciliés [Adresse 12], 21°/ à M. [W] [GC], 22°/ à Mme [U] [GC], tous deux domiciliés [Adresse 24] (Suisse), 23°/ à M. [LR] [GC], 24°/ à Mme [D] [GC], tous deux domiciliés [Adresse 5], 25°/ à M. [G] [RU], domicilié [Adresse 14], 26°/ à M. [TM] [EV], domicilié [Adresse 15], 27°/ à Mme [C] [RU], domiciliée [Adresse 14], 28°/ à M. [WB] [PY], domicilié [Adresse 4], 29°/ à Mme [JC] [VP], domiciliée [Adresse 3], 30°/ à M. [L] [H], domicilié [Adresse 7], 31°/ à Mme [D] [K], domiciliée [Adresse 17], 32°/ à M. [N] [ZB], domicilié [Adresse 6], 33°/ à Mme [Z] [S], domiciliée [Adresse 1], 34°/ à Mme [YP] [OF], domiciliée [Adresse 11], 35°/ à M. [V] [VE], domicilié [Adresse 13], 36°/ à la société Vivanim, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Réside études apparthôtels, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [MC] [T], de Mme [FG] [T], de M. [J], de M. [KJ] [P], de Mme [VF] [P], de M. [XI] [A], de Mme [UU] [A], de M. [ZX] [R], de Mme [C] [R], de M. [MY] [B], de Mme [GN] [B], de M. [F], de Mme [AM], de Mme [O], de M. [JY] [E], de Mme [CG] [E], de M. [M] [TB], de Mme [HJ] [TB], de M. [PM], de Mme [WX], de M. [W] [GC], de Mme [U] [GC], de M. [LR] [GC], de Mme [D] [GC], de M. [EV], de M. [G] [RU], de Mme [C] [RU], de M. [PY], de Mme [VP], de M. [H], de Mme [K], de M. [ZB], de Mme [S], de Mme [OF], de M. [VE] et de la société Vivanim, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents : Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 février 2022), rendu en référé, et les productions, M. [MC] [T], Mme [FG] [T], M. [J], M. [KJ] [P], Mme [VF] [P], M. [XI] [A], Mme [UU] [A], M. [ZX] [R], Mme [C] [R], M. [MY] [B], Mme [GN] [B], M. [F], Mme [AM], Mme [O], M. [JY] [E], Mme [CG] [E], M. [M] [TB], Mme [HJ] [TB], M. [PM], Mme [WX], M. [W] [GC], Mme [U] [GC], M. [LR] [GC], Mme [D] [GC], M. [EV], M. [G] [RU], Mme [C] [RU], M. [PY], Mme [VP], M. [H], Mme [K], M. [ZB], Mme [S], Mme [OF], M. [VE] et la société Vivanim (les bailleurs) ont, entre 2003 et 2016, consenti à la société Réside études apparthôtels (la locataire) des baux commerciaux portant sur des appartements et parkings situés dans une résidence de tourisme. 2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 17 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence concernée puis a enregistré un taux d'occupation en forte diminution avant une nouvelle fermeture décidée par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020. 3. Les 9 et 12 juillet 2020, la locataire a informé les bailleurs de sa décision de suspendre le paiement des loyers des deuxième et troisième trimestres 2020. 4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à verser des provisions d'un certain montant au titre des loyers impayés arrêtés au quatrième trimestre 2021, alors « que saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside études apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article « dispositions diverses » que « Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (...) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 7. Ayant relevé, d'une part, que la clause précise de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même, d'autre part, que la locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien, la cour d'appel, qui n'a pas interprété le contrat, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Réside études apparthôtels aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Réside études apparthôtels et la condamne à payer à M. [MC] [T], à Mme [FG] [T], à M. [J], à M. [KJ] [P], à Mme [VF] [P], à M. [XI] [A], à Mme [UU] [A], à M. [ZX] [R], à Mme [C] [R], à M. [MY] [B], à Mme [GN] [B], à M. [F], à Mme [AM], à Mme [O], à M. [JY] [E], à Mme [CG] [E], à M. [M] [TB], à Mme [HJ] [TB], à M. [PM], à Mme [WX], à M. [W] [GC], à Mme [U] [GC], à M. [LR] [GC], à Mme [D] [GC], à M. [EV], à M. [G] [RU], à Mme [C] [RU], à M. [PY], à Mme [VP], à M. [H], à Mme [K], à M. [ZB], à Mme [S], à Mme [OF], à M. [VE] et à la société Vivanim la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux. Le conseiller rapporteur le président Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Réside études apparthôtels La société Réside Etudes Apparthôtels fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser une provision d'un certain montant à chacun des propriétaires bailleurs recevables de la résidence Nancy-Lorraine au titre des loyers impayés de mars 2020 au quatrième trimestre 2021 inclus, 1. Alors que, saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside Etudes Apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article « dispositions diverses » que « Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (...) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 2. Alors en tout état de cause qu‘au sens de l'article 1722 du code civil, la perte de la chose louée, qui s'entend de toute circonstance en diminuant sensiblement l'usage, peut résulter d'une décision administrative imposant la fermeture de la chose louée et n'être que temporaire ; qu'en l'espèce, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, avaient entraîné l'interdiction de la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que la société Réside Etudes Apparthotels a subi une perte partielle de la chose louée puisqu'elle n'a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative ; que les demandes de provisions se heurtaient donc à une contestation sérieuse sur son obligation au paiement de l'intégralité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative ; que pour l'exclure, la cour d'appel a considéré que les dispositions de l'article 1722 du code civil ne visaient qu'une situation de destruction définitive de la chose louée, qu'elle soit totale ou partielle, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, elle a violé ce texte, ensemble l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. Le greffier de chambre
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 748 FS-B Pourvoi n° V 21-16.846 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Finistère, société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-16.846 contre l'arrêt rendu le 14 février 2020 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [L] [N], épouse [C], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère, de Me Balat, avocat de Mme [N], et l'avis écrit de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 février 2020), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère (la banque) a consenti à Mme [N] (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier constituant sa résidence principale. 2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt, puis a assigné l'emprunteur en paiement. A titre reconventionnel, celui-ci a demandé la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts en soutenant qu'elle avait manqué à son obligation de mise en garde. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'emprunteur une indemnité égale au montant de ce qu'elle demeure lui devoir en exécution du prêt qu'elle lui a consenti et d'ordonner la compensation entre leurs obligations respectives, alors « que l'établissement de crédit prêteur de deniers n'est pas débiteur d'une obligation de mise en garde envers l'emprunteur, lorsque celui-ci, à la date où il s'est engagé, disposait de capacités financières lui permettant de faire face à son engagement, et ne se trouvait pas, par conséquent, exposé à un risque d'endettement ; que quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ; qu'en énonçant, pour retenir que la banque était débitrice d'une obligation de mise en garde envers l'emprunteur d'une part, que "la circonstance que l'opération ait été financée en partie grâce à un apport personnel est sans incidence sur les capacités de remboursement de l'emprunteur", et, d'autre part, qu'"il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l'objet du prêt, dès lors que le financement accordé par la banque était précisément destiné à permettre à l'emprunteur d'accéder à la propriété de façon pérenne, et non d'investir avec le projet de revendre l'immeuble et de rembourser le prêt par anticipation", la cour d'appel, qui dispense objectivement l'emprunteur de remplir son engagement, sur son bien immobilier, a violé les articles 1147 ancien, 2284 et 2285 du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : 4. Il résulte de ce texte que, pour apprécier les capacités financières et le risque d'endettement d'un emprunteur non averti, doivent être pris en considération ses biens et revenus. 5. Pour condamner la banque à payer des dommages-intérêts à l'emprunteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde, l'arrêt retient que la circonstance que l'opération ait été financée en partie grâce à un apport personnel est sans incidence sur les capacités de remboursement de l'emprunteur et qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l'objet du prêt, dès lors que le financement accordé était destiné à lui permettre d'accéder à la propriété de façon pérenne, et non d'investir avec le projet de revendre l'immeuble et de rembourser le prêt par anticipation. 6. En statuant ainsi, sans prendre en compte la valeur du bien immobilier financé par l'emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère à payer à Mme [N] la même somme à laquelle elle est condamnée au profit de la banque, avec compensation, l'arrêt rendu le 14 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne Mme [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère La Crcam du Finistère fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [L] [N]-[C] une indemnité égale au montant de ce qu'elle demeure lui devoir en exécution du prêt qu'elle lui a consenti le 29 février 2012, et D'AVOIR ordonné la compensation entre les obligations respectives des deux parties ; ALORS QUE l'établissement de crédit prêteur de deniers n'est pas débiteur d'une obligation de mise en garde envers l'emprunteur, lorsque celui-ci, à la date où il s'est engagé, disposait de capacités financières lui permettant de faire face à son engagement, et ne se trouvait pas, par conséquent, exposé à un risque d'endettement ; que quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ; qu'en énonçant, pour retenir que la Crcam du Finistère était débitrice d'une obligation de mise en garde envers Mme [L] [N]-[C], d'une part, que « la circonstance que l'opération ait été financée en partie grâce à un apport personnel est sans incidence sur les capacités de remboursement de l'emprunteur », et, d'autre part, qu'« il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l'objet du prêt, dès lors que le financement accordé par la banque était précisément destiné à permettre à Mme [C] d'accéder à la propriété de façon pérenne, et non d'investir avec le projet de revendre l'immeuble et de rembourser le prêt par anticipation », la cour d'appel, qui dispense objectivement Mme [L] [N]-[C] de remplir son engagement, sur son bien immobilier, a violé les articles 1147 ancien, 2284 et 2285 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Cassation partielle sans renvoi Mme TEILLER, président Arrêt n° 768 FS-B Pourvoi n° S 21-19.212 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [N] [E], 2°/ Mme [P] [Y], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° S 21-19.212 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la société L'Oeillet, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à Mme [G] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La société L'Oeillet et Mme [M] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt. Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [E] et de Mme [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société L'Oeillet et de Mme [M], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 avril 2021), le 27 avril 2017, la société civile immobilière L'Oeillet (la bailleresse) a donné à bail à M. [E] et Mme [Y] (les locataires) une maison à usage d'habitation. 2. Se prévalant d'un écart entre la surface mentionnée au bail et celle mesurée par eux, les locataires, après vaine demande à la bailleresse, l'ont assignée, ainsi que Mme [M], « sa représentante », en diminution de loyer et en paiement de diverses sommes. Examen des moyens Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. Les locataires font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardive leur demande en diminution de loyer, alors « que lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté ; qu'à défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer ; qu'en retenant, pour en déduire que M. [E] et Mme [Y] se prévalaient vainement d'une cause d'interruption du délai de leur action en diminution du loyer, que le délai prévu par ce texte était un délai préfix de forclusion quand ce délai est un délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 2219 nouveau du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que le délai de quatre mois prévu par l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est un délai de forclusion courant à compter de la demande faite au bailleur. 6. Dès lors, après avoir constaté que les preneurs avaient demandé à la bailleresse de réduire le loyer le 18 août 2017 et que l'assignation avait été délivrée le 5 février 2018, soit plus de quatre mois plus tard, elle en a exactement déduit que cette demande était irrecevable. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. La bailleresse et Mme [M] font grief à l'arrêt de dire que les locataires sont redevables d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers et de les condamner solidairement à leur verser, après compensation, la somme globale de 416 euros, outre celle de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, alors « que la SCI L'Oeillet et Mme [M] faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que les consorts [E] [Y] ne s'étaient pas acquittés du règlement des loyers des mois d'octobre et novembre 2017, soit de la somme de 2 600 euros, de sorte que le juge a procédé à un calcul erroné en retenant au titre des impayés de loyers dus par les locataires la somme de 2 184 euros ; qu'en retenant pourtant que "le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers des mois d'octobre et de novembre 2017 et que ces sommes ne sont pas contestées par les parties" de sorte qu'après compensation la créance due par la SCI L'Oeillet et Mme [M] aux consorts [E] [Y] était de 416 euros quand il ressortait précisément des conclusions du bailleur que ces sommes étaient contestées, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 10. Pour limiter à la somme de 2 184 euros l'arriéré locatif correspondant aux échéances d'octobre et de novembre 2017, l'arrêt retient que ce montant n'était pas contesté par les parties devant le premier juge. 11. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la bailleresse, contestant l'application d'un loyer diminué à proportion de l'écart entre la surface indiquée au bail et celle mesurée par les preneurs, réclamait la condamnation des locataires au paiement de la somme de 2 600 euros correspondant à deux échéances du loyer contractuellement fixé, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la bailleresse à payer aux locataires, après compensation, la somme de 416 euros, entraîne par voie de conséquence celle du dispositif de l'arrêt la condamnant à leur payer la somme globale de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 15. Dès lors que la demande en diminution de loyer est irrecevable, que les preneurs ne contestent pas devoir les échéances d'octobre et de novembre 2017, et que le loyer mensuel contractuellement fixé s'élevait à 1 300 euros, les preneurs sont redevables envers la bailleresse d'une somme de 2 600 euros au titre des arriérés de loyers. 16. Par ailleurs, la cour d'appel confirme le jugement en ce qu'il condamne la bailleresse à payer aux locataires une somme du même montant. 17. Après compensation entre les créances respectives des parties, il y a donc lieu de rejeter les demandes en paiement. 18. En conséquence, la demande en paiement d'une majoration de 10 %, fondée sur les dispositions de l'article 22, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989, doit être rejetée. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers, condamne solidairement la société civile immobilière L'Oeillet et Mme [M] à verser à M. [E] et à Mme [Y], après compensation, la somme globale de 416 euros, ainsi que celle de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie, l'arrêt rendu le 27 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; FIXE à 2 600 euros l'arriéré de loyers ; Après compensation entre les créances respectives des parties, rejette les demandes en paiement ; Condamne M. [E] et Mme [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [E] et Mme [Y] PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme tardive la demande formée par M. [E] et Mme [Y] tendant à voir diminuer le montant du loyer ; AUX MOTIFS QUE sur la demande de diminution du montant du loyer ; l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose : « Lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté. A défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer. La diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de signature du bail. Si la demande en diminution du loyer par le locataire intervient plus de six mois à compter de la prise d'effet du bail, la diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de la demande. » ; il est constant les consorts [E] [Y] ont formé une demande de diminution de loyer par envoi à la Sci L'Oeillet une lettre recommandée en date du 18 août 2017, invoquant une différence de plus d'un vingtième ente la superficie du bien loué mentionnée dans le bail et la superficie réelle habitable ; qu'ils ont délivré assignation à la Sci et à Mme [M] le 5 février 2017 à cette même fin ; que par courrier du 6 septembre 2017, la Sci L'Oeillet, prise en la personne de Mme [M] répondait à différentes autres demandes formulées dans le courrier des consorts [E] [Y] du 18 août 2017, portant sur des désordres affectant leur logement, mais ne formulait aucune observation sur le demande de diminution de loyer, se contentant de conseiller aux locataires de donner congé de leur bail pour trouver un autre bien pouvant leur convenir ; au soutien de leur appel, les consorts [E] [Y] font valoir que la lettre du 6 septembre 2017 de la Sci L'Oeillet équivaut à une absence de réponse des bailleurs, et d'autre part, est interruptive de prescription, un nouveau délai de deux mois commençant à courir à compter de cette date, expirant le 6 novembre 2017, le délai de quatre mois prescrit par la loi du 6 juillet 1989 expirant le 6 mars 2018 ; or, il convient de relever, comme l'a observé justement le premier juge que la loi du 6 juillet 1989 constitue un texte spécial, dérogeant à la loi générale, et instaurant un délai préfix de forclusion de quatre mois à compter de la première demande de diminution de loyer ; c'est par conséquent par une juste application de la loi que le premier juge a déclaré irrecevable la demande de diminution de loyer formée par les consorts [E] [Y] ; sur la demande de remboursement du trop-perçu locatif : les consorts [E] [Y] ayant été jugés irrecevables en leur demande de diminution de loyer, seront déboutés de cette demande, aucun trop perçu locatif ne pouvant être retenu à leur bénéfice ; ALORS QUE lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l'écart constaté ; qu'à défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer ; qu'en retenant, pour en déduire que M. [E] et Mme [Y] se prévalaient vainement d'une cause d'interruption du délai de leur action en diminution du loyer, que le délai prévu par ce texte était un délai préfix de forclusion quand ce délai est un délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 2219 nouveau du code civil. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [E] et Mme [Y] de leur demande tenant à voir condamner la Sci L'Oeillet et Mme [M] à leur payer des dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d'une tromperie et d'AVOIR, déboutant les parties et leurs demandes plus amples ou contraires, débouté M. [E] et Mme [Y] de leur demande de restitution d'un trop perçu locatif ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de remboursement du trop-perçu locatif : les consorts [E] [Y] ayant été jugés irrecevables en leur demande de diminution de loyer, seront déboutés de cette demande, aucun trop perçu locatif ne pouvant être retenu à leur bénéfice ; sur la demande de dommages-intérêts formée par les consorts [E] [Y] au titre de leur préjudice moral : la demande de diminution de loyer formée par les consorts n'a pas été examinée comme ayant été jugée irrecevable comme forclose. Il en résulte notamment que la mauvaise foi de la SCI L'Oeillet et de Mme [M] n'est pas établie par les éléments du dossier, les considérations relatives à l'activité professionnelle de M. [W] apparaissant étrangères au litige présent ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient de préciser en outre que cette même demande, fondée à titre subsidiaire sur « le droit commun » et « la responsabilité contractuelle du bailleur » devra être écartée, puisque la loi du 6 juillet 1989 constitue un texte spécial, lequel déroge nécessairement à la loi générale ; sur la demande de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d'une tromperie ; que les locataires soutiennent qu'ils ont été volontairement trompés lors de la signature du bail, le bailleur connaissant parfaitement la surface du bien loué, comme cela ressort du cadastre ; que le propriétaire soutient qu'il a intégré, en toute bonne foi, la superficie du garage nouvellement construit ; que l'existence d'une tromperie volontaire n'est pas rapportée par les éléments objectifs du dossier ; que, par ailleurs, la demande en diminution du loyer pour la différence constatée entre la superficie mentionnée au bail et la superficie réelle habitable, a déjà été écartée pour irrecevabilité ; que la demande en dommages et intérêts pour tromperie sera donc rejetée ; 1) ALORS QUE les dispositions de l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 aux termes desquelles le bailleur supporte une diminution de loyer lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, n'excluent pas la possibilité pour le locataire de solliciter, sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle, l'indemnisation du préjudice subi du fait d'une faute du bailleur ayant loué une surface habitable ne correspondant pas à celle prévue contractuellement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 1231-1 nouveau du code civil ; 2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en se bornant à affirmer que la mauvaise foi de la Sci L'Oeillet et de Mme [M] n'était pas établie par les éléments du dossier, sans répondre aux conclusions opérantes de M. [E] et Mme [Y] (conclusions p.13 et 14) faisant valoir que le cadastre, nécessairement connu des bailleurs, faisait mention d'une surface habitable de 84 m², que les bailleurs avaient acheté récemment le bien immobilier donné à bail et avaient une exacte connaissance de la surface habitable de sorte qu'ils avaient de mauvaise foi mentionné une surface habitable de 100 m² incluant le garage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la SCI L'Oeillet et Mme [G] [M] à verser à M. [E] et Mme [Y] la somme globale de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie et d'AVOIR débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de majoration du dépôt de garantie : le jugement sera également confirmé sur ce point, le premier juge ayant fait une juste application des dispositions de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 précédemment citées ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le dépôt de garantie restant dû au locataire s'élevait à 416 euros ; que cette somme aurait dû être remise au locataire au plus tard le 30 décembre 2017 ; que la majoration doit être calculée sur la période comprise entre cette date et la date de délivrance de l'assignation, le 5 février 2018, qu'elle s'établit donc à la somme de 10 % de 146 euros x 13 = 540,80 euros ; ALORS QU'à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard ; que M. [E] et Mme [Y] faisaient valoir qu'une somme de 5 200 euros était due au titre de la majoration prévue par l'article 22, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989, le dépôt de garantie n'étant toujours pas restituée ; qu'en retenant, par motifs adoptés des premiers juges, que la majoration de 10 % en raison de l'absence de paiement du dépôt de garantie restant dû au locataire devait être calculée sur la période comprise entre la date à laquelle la somme aurait dû être remise au plus tard aux locataires, le 30 décembre 2017, et la date de délivrance de l'assignation, le 5 février 2018, quand la majoration était due jusqu'à complet paiement du dépôt de garantie restant dû, la cour d'appel a violé l'article 22, alinéa 7, de la loi du 6 juillet 1989. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la SCI L'Oeillet et Mme [M]. La SCI L'Oeillet et Mme [M] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers, de les avoir condamnés solidairement à verser à M. [E] et Mme [Y], après compensation, la somme globale de 416 euros et de les avoir condamnés solidairement à verser à M. [E] et à Mme [Y] la somme globale de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie 1) ALORS QUE la SCI L'Oeillet et Mme [M] faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que les consorts [E] [Y] ne s'étaient pas acquittés du règlement des loyers des mois d'octobre et novembre 2017, soit de la somme de 2 600 euros, de sorte que le juge a procédé à un calcul erroné en retenant au titre des impayés de loyers dus par les locataires la somme de 2 184 euros (conclusions p.13) ; qu'en retenant pourtant que « le locataire est redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers des mois d'octobre et de novembre 2017 et que ces sommes ne sont pas contestées par les parties » de sorte qu'après compensation la créance due par la SCI L'Oeillet et Mme [M] aux consorts [E] [Y] était de 416 euros quand il ressortait précisément des conclusions du bailleur que ces sommes étaient contestées, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2) ALORS QU'il ressort du contrat de bail que le loyer mensuel était de 1 300 euros ; qu'en retenant pourtant que le locataire était redevable envers le propriétaire d'une somme de 2 184 euros au titre des impayés de loyers des mois d'octobre et de novembre 2017 et qu'après compensation la créance due par la SCI L'Oeillet et Mme [M] aux consorts [E] [Y] était de 416 euros quand il ressortait du contrat de bail que les locataires étaient redevables de la somme de 2 600 euros de sorte que par compensation avec les loyers impayés, le compte entre les parties s'était apuré et l'obligation de restitution du dépôt de garantie avait été remplie, la cour d'appel a dénaturé le contrat de bail ; 3) ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné le bailleur à payer au locataire, après compensation, la somme globale de 416 euros entrainera par voie de conséquence celle du chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné le bailleur à payer au locataire une somme de 540,80 euros au titre de la majoration du dépôt de garantie.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 754 F-B Pourvoi n° U 21-50.034 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de Mme [L] [C]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 29 juin 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 Le procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-50.034 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant à Mme [L] [C], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller doyen, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller doyen rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 2019), Mme [C], née le 24 décembre 1990 à [Localité 3] (Tunisie), a souscrit, sur le fondement de l'article 21-13-2 du code civil, une déclaration de nationalité française dont l'enregistrement a été refusé par le ministre de l'intérieur au motif que l'intéressée aurait établi sa résidence habituelle sur le territoire français après l'âge de six ans. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Le ministère public fait grief à l'arrêt de dire que Mme [C] a acquis la nationalité française le 22 mars 2017, alors « qu'en application de l'article 21-13-2 du code, civil "peuvent réclamer la nationalité française à leur majorité, par déclaration souscrite auprès de l'autorité administrative en application des articles 26 à 26-5, les personnes qui résident habituellement sur le territoire français depuis l'âge de six ans, si elles ont suivi leur scolarité obligatoire en France dans des établissements d'enseignement soumis au contrôle de l'Etat, lorsqu'elles ont un frère ou une soeur ayant acquis la nationalité française en application des articles 21-7 ou 21-11" ; que la condition de résidence habituelle en France s'apprécie à compter de la date anniversaire des six ans du déclarant; qu'en considérant que l'article 21-13-2 exige une résidence habituelle en France, non pas à la date de l'anniversaire des six ans mais depuis l'âge de six ans, c'est-à-dire à compter du sixième anniversaire et jusqu'au septième, si bien que Mme [C], née le 24 décembre 1990 et arrivée sur le territoire français en octobre 1997, à l'âge de six ans et neuf mois, remplissait la condition de résidence posée par la loi, la cour d'appel a violé texte susvisé. » Réponse de la Cour 3. L'article 21-13-2 du code civil dispose : « Peuvent réclamer la nationalité française à leur majorité, par déclaration souscrite auprès de l'autorité administrative en application des articles 26 à 26-5, les personnes qui résident habituellement sur le territoire français depuis l'âge de six ans, si elles ont suivi leur scolarité obligatoire en France dans des établissements d'enseignement soumis au contrôle de l'Etat, lorsqu'elles ont un frère ou une soeur ayant acquis la nationalité française en application des articles 21-7 ou 21-11. » 4. Il en résulte que bénéficient de cette disposition les personnes qui ont suivi leur scolarité en France, dans les établissements désignés par ce texte, à compter de l'année scolaire suivant leur sixième anniversaire. 5. Ayant constaté que Mme [C], née le 24 décembre 1990, était arrivée sur le territoire français en octobre 1997 et qu'elle y avait été scolarisée à compter du 17 novembre 1997, soit, au cours de l'année scolaire suivant son sixième anniversaire, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci remplissait les conditions fixées par le texte précité. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Paris Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris qui a dit que Mme [L] [C] a acquis la nationalité française le 22 mars 2017 en vertu de l'article 21-13-2 du code civil: AUX MOTIFS QUE " Mme [L] [C] soutient qu'elle réside en France depuis l'âge de six ans, puisqu'elle est née le 24 décembre 1990, qu'elle est arrivée sur le territoire français en octobre 1997 et qu'elle y a été scolarisée à compter du 17 novembre 1997. Le ministère public répond qu'elle ne remplissait donc pas la condition d'âge prévue par l'article 21-13-2 du code civil, qui vise « les personnes qui résident habituellement sur le territoire français depuis l'âge de six ans », c'est-à-dire, selon le ministère public, les personnes qui y résident à compter de la date anniversaire des six ans et non pas celles qui y sont arrivées, comme Mme [L] [C], au cours de leur septième année. Toutefois, ainsi que l'a retenu le jugement par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, l'interprétation invoquée par le ministère public n'est pas conform e à la lettre de l'article 21-13-2 qui exige une résidence habituelle en France non pas à la date de l'anniversaire des six ans mais depuis l'âge de six ans, c'est-à-dire à compter du sixième anniversaire et jusqu'au septième. En troisième lieu, Mme [L] [C] justifie de sa scolarité en France à compter du 17 novembre 1997 jusqu'à l'année scolaire 2016-2017. Le ministère public soutient toutefois qu'elle doit justifier de sa scolarité en France à compter de sa date d'anniversaire des six ans, soit à compter du 24 décembre 1996. Néanmoins, au regard de ce qui vient d'être indiqué, Cette interprétation est erronée " ; ALORS QU'en application de l'article. 21-13-2 du code, civil "peuvent réclamer la nationalité française à leur majorité, par déclaration souscrite auprès de l'autorité administrative en application des articles 26 à 26-5, les personnes qui résident habituellement sur le territoire français depuis l'âge de six ans, si elles ont suivi leur scolarité obligatoire en France dans des établissements d'enseignement soumis au contrôle de l'Etat, lorsqu'elles ont un frère ou une soeur ayant acquis la nationalité française en application des articles 21-7 ou 21-11" ; que la condition de résidence habituelle en France s'apprécie à compter de la date anniversaire des six ans du déclarant ; qu'en considérant que l'article 21-13-2 exige une résidence habituelle en France, non pas à la date de l'anniversaire des six ans mais depuis l'âge de six ans, c'est-à-dire à compter du sixième anniversaire et jusqu'au septième, si bien que Mme [L] [C], née le 24 décembre 1990 et arrivée sur le territoire français en octobre 1997, à l'âge de ans et neuf mois, remplissait la condition de résidence posée par la loi, la cour d'appel a violé texte susvisé ;
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 Mme TEILLER, président Arrêt n° 763 FS-B Pourvois n° C 21-20.464 G 21-20.814 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 I. la ville de [Localité 5], représentée par son son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 21-20.464 contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Centre [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Flandinvest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. II. La société Flandinvest, société à responsabilité limitée, [Localité 3], a formé le pourvoi n° G 21-20.814 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant : 1°/ à la ville de [Localité 5], 2°/ à la société Centre [Localité 5], société à responsabilité limitée, défenderesses à la cassation. La demanderesse au pourvoi n° C 21-20.464 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° G 21-20.814 invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la ville de [Localité 5], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Flandinvest et de la société Centre [Localité 5], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mmes Gallet et Schmitt, conseillers référendaires rapporteurs, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-20.814 et 21-20.464 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 5], 6 mai 2021, n° RG 20/18843), le 29 juin 2017, le maire de [Localité 5] a assigné les sociétés Flandinvest et Centre [Localité 5], respectivement propriétaire et gestionnaire d'un appartement situé dans un immeuble parisien, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué cet appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi n° 21-20.814 Enoncé du moyen 3. La société Flandinvest fait grief à l'arrêt de retenir qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de la condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 5], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et était exclue de la catégorie "hébergement hôtelier" ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en "habitation" ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la ville de [Localité 5], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, "de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation", qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, "ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière" et que "les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre P comme professionnelle)" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination "habitation" et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en "habitation" avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que, selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés. 5. Appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a relevé que le dossier de permis de construire déposé en 2001 avait pour objet la réalisation de travaux en vue du changement de destination du bâtiment, à usage d'hôtel meublé, en habitation, avec création de six logements et a souverainement retenu que l'opération avait entraîné un changement de destination des lieux, d'hôtel à logements d'habitation. 6. Sans être tenue d'effectuer une recherche inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que le lot en cause devait être qualifié de bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi n° 21-20.464 Enoncé du moyen 8. La ville de [Localité 5] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre de la société Centre [Localité 5], alors : « 1°/ qu'en application des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société Centre [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société Centre [Localité 5] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; 2°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 3°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société Flandinvest, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; 4°/ qu'en retenant que la société Centre [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. » Réponse de la Cour 9. Selon l'article L. 631-7, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. 10. Aux termes de l'alinéa 6 du même article, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article. 11. Selon l'article L. 651-2 du même code, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile. 12. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014), les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte. 13. Ainsi, celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, en méconnaissance de l'article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l'article L. 324-2-1 du code du tourisme, n'encourt pas l'amende civile prévue par l'article L. 651-2. 14. Ayant constaté que la société Centre [Localité 5] avait pour activité la mise à disposition des biens meublés donnés en location, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se voir reprocher d'en avoir changé l'usage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-7. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la ville de [Localité 5] (demanderesse au 21-20.464) L'arrêt attaqué, critiqué par la ville de [Localité 5], encourt la censure ; EN CE QU'il a débouté la ville de [Localité 5] de sa demande de condamnation de la SARL CENTRE [Localité 5] à une amende civile ; ALORS QUE, PREMIÈREMENT, en application des articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation toute personne qui loue un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, ou qui ne se conforme pas aux obligations imposées en matière de changement d'usage est condamnée à une amende civile ; qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une telle amende, quand il résultait de leurs constatations que la société CENTRE [Localité 5] était chargée de mettre à la disposition de tiers, pour de courtes durées, des locaux à usage d'habitation, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'est pas le propriétaire des locaux loués, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ALORS QUE, TROISIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile au motifs impropres que la décision de louer le bien émane de son mandant, la société FLANDINVEST, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation ; ET ALORS QUE, QUATRIÈMEMENT, qu'en retenant que la société CENTRE [Localité 5] ne pouvait être condamnée au paiement d'une amende civile aux motifs impropres qu'elle n'a pas changé de manière illicite l'usage du bien sans autorisation préalable, les juges du fond ont violé les articles L. 631-7 et L.651-2 du Code de la construction et de l'habitation Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier avocat aux Conseils, pour la société Flandinvest (demanderesse au pourvoi n° 21-20.814) La société Flandinvest fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à la ville de [Localité 5] une amende de 20 000 euros ; ALORS QUE pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu'à [Localité 5], avant la révision du PLU de 2010, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et était exclue de la catégorie « hébergement hôtelier » ; qu'ainsi, des travaux autorisés avant 2010, ayant pour conséquence de changer la destination d'un hôtel en « habitation » ne peuvent être regardés comme entraînant un changement d'usage pour de l'habitation, lorsque ce changement de destination a été effectué pour permettre d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, au vu des pièces produites par la ville de [Localité 5], qu'il était établi que l'autorisation accordée par la mairie, dans le cadre du permis de construire, a eu pour conséquence un changement des lieux d'hôtel à logement d'habitation, « de sorte que l'usage d'habitation du lot en cause est caractérisé, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation », qu'il était constant que lors de son achat du bien immobilier en 2010, la société Flandinvest avait acquis un bien réputé à usage d'habitation, « ce qui ressortait indubitablement des dispositions de l'article L. 631-7 déjà applicables au moment de l'achat, avec assimilation du changement de destination au changement d'usage, dispositions issues de la loi du 4 août 2008, peu important la circonstance alléguée par les intimées que le précédent propriétaire ait exercé une activité de location meublée saisonnière » et que « les développements sur la location meublée supposée licite en 2002 (notions de meublé touristique avant la loi Alur ou encore définition à l'époque de la location meublée saisonnière) sont ainsi sans effet sur la qualification à retenir pour le lot en cause, à savoir un bien réputé à usage d'habitation, acquis tel quel par la société propriétaire intimée, nonobstant aussi les mentions du fichier informatique du relevé de propriété de la ville (annexe 3 du constat d'infraction mentionnant parfois la lettre « P » comme professionnelle) » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, quand il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si, à l'époque des travaux litigieux, la location meublée saisonnière faisait encore partie de la destination « habitation » et si, dans ces conditions, il ne résultait pas des éléments invoqués par la société Flandinvest que l'autorisation donnée par la mairie, pour le changement de destination d'un hôtel en « habitation » avait, en réalité, permis à l'ancien propriétaire d'exploiter une activité de location meublée saisonnière dans le local en cause, en sorte que l'usage pour lequel les travaux avaient été autorisés ne constituait pas un usage d'habitation, la cour d'appel a violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 752 FS-B Pourvoi n° W 21-11.304 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [P] [H], 2°/ Mme [M] [E], épouse [H], domiciliés tous deux [Adresse 2], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de [B] [H], ont formé le pourvoi n° W 21-11.304 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant à la société Tunis Air, société tunisienne de l'air, dont le siège est [Adresse 3] (Tunisie), prise en son établissement sis [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [H], tant en leur nom personnel qu'ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Tunis Air, et l'avis écrit de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2020), M. [H] et Mme [E], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur, ont saisi d'une demande d'indemnisation pour retard important le tribunal d'instance du lieu de départ en France de leur vol Tunis Air à destination de [Localité 5]. 2. La société Tunis Air a soulevé l'incompétence des juridictions françaises. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [H] et Mme [E] font grief à l'arrêt de déclarer le juge français incompétent, alors « qu'aux fins de l'application du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, le transporteur aérien qui dispose dans un État membre de l'Union européenne d'une succursale pouvant être qualifiée de centre d'opérations qui se manifeste d'une façon durable vers l'extérieur doit être considéré comme domicilié dans un État membre au sens des articles 4 et 63 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis) ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que "l'article 63 évoque l'existence d'un principal établissement et non de l'un des principaux établissements de la personne morale", que "les pièces produites ne permettent pas d'établir que l'établissement domicilié dans le 8e arrondissement de Paris puisse être défini comme le principal établissement de la compagnie Tunis Air parmi tous ses établissements implantés dans le monde ni que l'administration centrale de la société est située à Paris alors que son siège social statutaire est situé à Tunis-Carthage" et que "l'existence d'un établissement inscrit au registre du commerce et des sociétés avec une autonomie de gestion et un organe de direction ne suffit pas à établir la compétence territoriale alléguée" (arrêt, p. 6, §§ 2 à 4), quand la seule existence en France d'une succursale de la société Tunis Air permettait de considérer qu'elle y était domiciliée au sens des articles 4 et 63 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis), la cour d'appel a violé ces textes. » Réponse de la Cour 4. Le moyen, qui invoque la notion de succursale, étrangère à l'application de l'article 63, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis), est inopérant. Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 5. M. [H] et Mme [E] font le même grief à l'arrêt, alors : « 2°/ qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêts du 9 juill. 2009, Rehder, C-204/08, du 19 nov. 2009, Sturgeon, C-402/07 et C-432/07, et du 23 oct. 2012, Nelson, C-581/10 et C-629/10) que le règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 instaure un régime de réparation standardisée et immédiate des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards, lequel s'inscrit en amont de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international et, partant, est autonome par rapport au régime issu de celle-ci ; qu'il s'en déduit que les dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile, qui renvoient à la Convention de Montréal, n'ont pas vocation à s'appliquer à une demande fondée sur ce règlement ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que "les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile concernant l'action en responsabilité contre le transporteur aérien n'ont pas été abrogés et sont applicables en l'espèce à l'action en dommages et intérêts intentée à l'encontre de la société Tunis Air", quand les dispositions des articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile, qui reprennent celles de l'article 33 de la Convention de Montréal, étaient inapplicables à la demande formée par les époux [H] à l'encontre de la société Tunis Air sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, la cour d'appel a violé les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile par fausse application, ensemble l'article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 ; 3°/ qu'en toute hypothèse, l'extension à l'ordre international des règles de compétence territoriale internes figurant à l'article 46 du code de procédure civile permet au demandeur de saisir, à son choix, outre la juridiction du domicile du défendeur, celle du lieu de l'exécution de la prestation de service, lequel s'entend, pour un transport aérien de passagers, soit du lieu de départ, soit du lieu d'arrivée de l'avion ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que si "l'article 46 donne au demandeur la possibilité de saisir à son choix, outre le lieu du domicile du défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service", "néanmoins, il convient de rappeler que les règles spéciales dérogent aux règles générales" et que "les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile concernant l'action en responsabilité contre le transporteur aérien n'ont pas été abrogés et sont applicables en l'espèce à l'action en dommages-intérêts intentée à l'encontre de la société Tunis Air" (arrêt, p. 6, §§ 9 à 11), quand l'inapplicabilité des articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile permettait aux époux [H] de saisir valablement le tribunal d'Ivry-sur-Seine, lieu de départ de l'avion, la cour d'appel a violé l'article 46 du code de procédure civile par refus d'application. » Réponse de la Cour Vu l'article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 du Conseil du 4 février 1991, l'article 6, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (dit Bruxelles I bis), les articles L. 321-3 et L. 322-3 du code de l'aviation civile, repris aux articles L. 6422-2 et L. 6421-3 du code des transports, les articles R. 321-1 et R. 322-2 du code de l'aviation civile et l'article 46 du code de procédure civile : 6. Le premier de ces textes fixe le montant des indemnités forfaitaires dues par le transporteur aérien en cas de refus d'embarquement, de retard important ou d'annulation de vol. 7. Aux termes du deuxième, si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre. 8. Il résulte du troisième, rendu applicable par le quatrième au transport de personnes, que la responsabilité du transporteur aérien est régie par la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international signée à Montréal le 28 mai 1999. 9. Selon le sixième, auquel renvoie le cinquième en matière de transport aérien de personnes, l'action en responsabilité contre le transporteur aérien de marchandises prévue à l'article L. 321-5 doit être portée, au choix du demandeur, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination. 10. Aux termes du septième, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service. 11. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêts du 9 juillet 2009, C-204/08, du 19 novembre 2009, C-402/07 et C-432/07 et du 23 octobre 2012, C-581/10 et C-629/10) que le règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 instaure un régime de réparation standardisée et immédiate des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards, lequel s'inscrit en amont de la Convention de Montréal et, partant, est autonome par rapport au régime issu de celle-ci. 12. Pour juger que la juridiction du lieu d'embarquement n'est pas compétente, l'arrêt retient que les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile, qui dérogent à la disposition générale de l'article 46 du code de procédure civile, sont applicables à l'action en dommages-intérêts engagée contre la société Tunis Air et qu'ils ne prévoient pas ce chef de compétence. 13. En statuant ainsi, alors que les dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile, qui renvoient à la Convention de Montréal, n'avaient pas vocation à s'appliquer à la demande de M. [H] et Mme [E] fondée sur le règlement (CE) n° 261/2004 précité, la cour d'appel, à laquelle il incombait de faire application des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société Tunis Air aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tunis Air et la condamne à payer à M. [H] et Mme [E], agissant tant en leur nom personnel qu'en tant que représentants légaux de leur enfant mineur, la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [H] PREMIER MOYEN DE CASSATION M. et Mme [H], en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leur enfant mineur [B], font grief l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent et de les AVOIR invités à se pourvoir ainsi qu'ils aviseraient ; 1°) ALORS QU'aux fins de l'application du règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004, le transporteur aérien qui dispose dans un État membre de l'Union européenne d'une succursale pouvant être qualifiée de centre d'opérations qui se manifeste d'une façon durable vers l'extérieur doit être considéré comme domicilié dans un État membre au sens des articles 4 et 63 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis) ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que « l'article 63 évoque l'existence d'un principal établissement et non de l'un des principaux établissements de la personne morale », que « les pièces produites ne permettent pas d'établir que l'établissement domicilié dans le 8e arrondissement de Paris puisse être défini comme le principal établissement de la compagnie Tunis Air parmi tous ses établissements implantés dans le monde ni que l'administration centrale de la société est située à Paris alors que son siège social statutaire est situé à Tunis-Carthage » et que « l'existence d'un établissement inscrit au registre du commerce et des sociétés avec une autonomie de gestion et un organe de direction ne suffit pas à établir la compétence territoriale alléguée » (arrêt, p. 6, §§ 2 à 4), quand la seule existence en France d'une succursale de la société Tunis Air permettait de considérer qu'elle y était domiciliée au sens des articles 4 et 63 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, la cour d'appel a violé ces textes ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 9 juill. 2009, Rehder, C-204/08, du 19 nov. 2009, Sturgeon, C-402/07 et C-432/07, et du 23 oct. 2012, Nelson, C-581/10 et C-629/10) que le règlement (CE) n° 261/2004 instaure un régime de réparation standardisée et immédiate des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards, lequel s'inscrit en amont de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international et, partant, est autonome par rapport au régime issu de celle-ci ; qu'il s'en déduit que les dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile, qui renvoient à la Convention de Montréal, n'ont pas vocation à s'appliquer à une demande fondée sur ce règlement ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que « les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile concernant l'action en responsabilité contre le transporteur aérien n'ont pas été abrogés et sont applicables en l'espèce à l'action en dommages et intérêts intentée à l'encontre de la société Tunis Air », quand les dispositions des articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile, qui reprennent celles de l'article 33 de la Convention de Montréal, étaient inapplicables à la demande formée par les époux [H] à l'encontre de la société Tunis Air sur le fondement du règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004, la cour d'appel a violé les articles R. et R. 321-1 du code de l'aviation civile par fausse application, ensemble l'article 7 du règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004 ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'extension à l'ordre international des règles de compétence territoriale internes figurant à l'article 46 du code de procédure civile permet au demandeur de saisir, à son choix, outre la juridiction du domicile du défendeur, celle du lieu de l'exécution de la prestation de service, lequel s'entend, pour un transport aérien de passagers, soit du lieu de départ, soit du lieu d'arrivée de l'avion ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que si « l'article 46 donne au demandeur la possibilité de saisir à son choix, outre le lieu du domicile du défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service », « néanmoins, il convient de rappeler que les règles spéciales dérogent aux règles générales » et que « les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile concernant l'action en responsabilité contre le transporteur aérien n'ont pas été abrogés et sont applicables en l'espèce à l'action en dommages et intérêts intentée à l'encontre de la société Tunis Air » (arrêt, p. 6, §§ 9 à 11), quand l'inapplicabilité des articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile permettait aux époux [H] de saisir valablement le tribunal d'Ivry-sur-Seine, lieu de départ de l'avion, la cour d'appel a violé l'article 46 du code de procédure civile par refus d'application ; 4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le privilège de juridiction édicté par l'article 14 du code civil, qui a pour seul fondement la nationalité française du demandeur, ne peut être tenu en échec par les règles générales de compétence territoriale lorsque celles-ci ne donnent pas compétence aux tribunaux français ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que « les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile concernant l'action en responsabilité contre le transporteur aérien n'ont pas été abrogés et sont applicables en l'espèce à l'action en dommages et intérêts intentée à l'encontre de la société Tunis Air », qu'une telle action « doit être portée au choix du demandeur, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination », qu'« à cet égard, le TI d'Ivry n'est pas le lieu de l'établissement par le soin duquel le contrat a été conclu » et que « le siège social de l'intimée étant situé à Tunis et le vol litigieux étant à destination de Tunis, ces règles de compétence nationales ne permettent pas non plus de justifier la compétence du tribunal d'Ivry-sur-Seine » (arrêt, p. 6, pén. § à p. 7,§ 2), quand les règles de compétence territoriale édictées par les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile ne pouvaient mettre en échec la compétence résiduelle des juridictions françaises fondée sur la nationalité du demandeur, la cour d'appel a violé l'article 14 du code civil ; 5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le demandeur français peut valablement saisir, sur le fondement de l'article 14 du code civil, le tribunal français qu'il choisit en raison d'un lien de rattachement de l'instance au territoire français, ou à défaut, selon les exigences d'une bonne administration de la justice ; qu'en jugeant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent aux motifs que « les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile concernant l'action en responsabilité contre le transporteur aérien n'ont pas été abrogés et sont applicables en l'espèce à l'action en dommages et intérêts intentée à l'encontre de la société Tunis Air », qu'elle « doit être portée au choix du demandeur, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination », qu'« à cet égard, le TI d'Ivry n'est pas le lieu de l'établissement par le soin duquel le contrat a été conclu » et que « le siège social de l'intimée étant situé à Tunis et le vol litigieux étant à destination de Tunis, ces règles de compétence nationales ne permettent pas non plus de justifier la compétence du tribunal d'Ivry-sur-Seine » (arrêt, p. 6, pén. § à p. 7,§ 2), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel (p. 4, § 5 et 6, en droit, et p. 10, § 5, en fait), si la situation de l'aéroport d'[Localité 4], lieu de départ de l'avion pour le transport litigieux, dans le ressort du tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine ne conférait pas à celui-ci compétence, conforme aux exigences d'une bonne administration de la justice, pour statuer sur le litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) M. et Mme [H] en leur nom personnel et en qualité de représentant légal de leur enfant mineur [B] font grief l'arrêt attaqué de les AVOIR invités à se pourvoir ainsi qu'ils aviseraient ; ALORS QUE la cour saisie de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence doit renvoyer l'affaire à la juridiction qu'elle estime compétente, à moins qu'elle estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère et renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir ; qu'en invitant les appelants à se pourvoir ainsi qu'ils aviseraient, aux motifs que « les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile concernant l'action en responsabilité contre le transporteur aérien n'ont pas été abrogés et sont applicables en l'espèce à l'action en dommages et intérêts intentée à l'encontre de la société Tunis Air », qu'elle « doit être portée au choix du demandeur, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination », qu'« à cet égard, le TI d'Ivry n'est pas le lieu de l'établissement par le soin duquel le contrat a été conclu » et que « le siège social de l'intimée étant situé à Tunis et le vol litigieux étant à destination de Tunis, ces règles de compétence nationales ne permettent pas non plus de justifier la compétence du tribunal d'Ivry-sur-Seine » (arrêt, p. 6, pén. § à p. 7,§ 2), bien qu'elle ait constaté qu'« aux termes de l'article 14 [du code civil], l'étranger peut être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un français » (arrêt, p. 6, § 8), ce dont il résultait qu'il lui incombait, si elle jugeait le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine incompétent et sauf à constater expressément l'incompétence internationale des juridictions françaises, de désigner celle des juridictions françaises qu'elle estimait territorialement compétente, la cour d'appel a violé les articles 81 et 86 du code de procédure civile. 1re Civ., 22 février 2017, pourvoi n° 15-27.809, Bull. 2017, I, n° 46 (cassation).
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2022 M. CHAUVIN, président Arrêt n° 759 F-P+B Pourvoi n° K 21-18.493 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022 1°/ Mme [I] [Z], veuve [Y], ayant élu domicile en France chez Mme [D] [Y], demeurant [Adresse 1], domiciliée [Adresse 4] (Gabon), 2°/ M. [M] [Y], domicilié [Adresse 2], 3°/ M. [K] [Y], ayant élu domicile en France chez Mme [D] [Y], demeurant [Adresse 1], domicilié [Adresse 5] (Gabon), 4°/ Mme [D] [Y], domiciliée [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° K 21-18.493 contre l'ordonnance rendue le 22 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier, dans le litige les opposant à Mme [B] [C], épouse [U], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [Z] veuve [Y], de M. [Y], de Mme [D] [Y], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée (tribunal judiciaire de Montpellier, 22 avril 2021), le 13 janvier 2020, Mme [Z], veuve [Y], Mme [D] [Y] et MM. [K] et [O] [Y] (les consorts [Y]) ont assigné Mme [C] devant le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins d'exequatur d'une décision de la cour d'appel de Port-Gentil (Gabon) la condamnant à leur payer une certaine somme. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Les consorts [Y] font grief à l'arrêt de retenir le défaut de pouvoir de statuer de la juridiction et de les déclarer irrecevables en leurs demandes, alors « que l'exequatur du jugement rendu par une juridiction gabonaise est accordée par le président du tribunal judiciaire saisi et statuant selon la procédure accélérée au fond ; qu'en se déclarant incompétent sur le fondement de l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire quand le président du tribunal judiciaire était désigné comme compétent par l'article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, applicable à la demande d'exequatur, le juge a violé cet article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, et ensemble l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire par fausse application. » Réponse de la Cour Vu l'article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon du 23 juillet 1963 et l'article 28 de l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 prise en application de l'article 28 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : 3. Selon le premier de ces textes, l'exequatur est accordé par le président du tribunal de grande instance qui est saisi et statue suivant la forme prévue pour les référés. 4. Le second dispose : « Le président du tribunal judiciaire connaît des litiges attribués par conventions internationales au « président » statuant « suivant la forme prévue pour les référés ». Il statue selon la procédure accélérée au fond. » 5. Pour déclarer la demande d'exequatur irrecevable, l'ordonnance retient que les consorts [Y] ont saisi le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, que le décret n° 2019-912 du 30 août 2019, en son article 10, a supprimé le tribunal de grande instance et que seul le tribunal judiciaire à juge unique peut connaître d'une demande d'exequatur, de sorte que les dispositions des articles 839 et 481-1 du code de procédure civile n'ont plus vocation à s'appliquer. 6. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 avril 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Montpellier autrement composé ; Condamne Mme [Z], veuve [Y], Mme [D] [Y] et MM. [K] et [O] [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z], veuve [Y], Mme [D] [Y] et MM. [K] et [O] [Y] et les condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] veuve [Y], M. [Y] et Mme [D] [Y], MME [I] [Z], M. [K] [Y], M. [O] [Y] et MME [D] [Y] FONT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir rappelé le défaut de pouvoir de statuer de la juridiction et de les avoir déclarés irrecevables en leurs demandes ; ALORS QUE l'exequatur du jugement rendu par une juridiction gabonaise est accordée par le président du tribunal judiciaire saisi et statuant selon la procédure accélérée au fond ; qu'en se déclarant incompétent sur le fondement de l'article R.212-8 du code de l'organisation judiciaire quand le président du tribunal judiciaire était désigné comme compétent par l'article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, applicable à la demande d'exequatur, le juge a violé cet article 36 de la Convention d'aide mutuelle juridique entre la France et la République du Gabon, et ensemble l'article R. 212-8 du code de l'organisation judiciaire par fausse application.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1140 FS-B Pourvoi n° P 21-14.816 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 La société Le Populaire du Centre (la société), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-14.816 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [M] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Le Populaire du Centre, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 11 février 2021), M. [Y] a été engagé, le 1er octobre 1986, par la société Le Populaire du Centre (la société) et occupait en dernier lieu le poste de chef de rédaction adjoint en charge du service photographie. 2. Licencié pour faute grave le 16 janvier 2017, il a saisi la juridiction prud'homale le 11 mai 2017 aux fins de contester son licenciement et de demander l'allocation de diverses indemnités. 3. Le 10 avril 2018, le journaliste a saisi la commission arbitrale des journalistes aux fins de faire fixer son indemnité de licenciement et condamner la société à la lui verser. 4. La société a formé un recours en annulation contre la décision de la commission arbitrale. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer la décision de la commission arbitrale ayant fixé le montant de l'indemnité de licenciement du journaliste en application de l'article L. 7112-4 du code du travail pour la totalité de son ancienneté de vingt-huit années, alors « que l'article L. 7112-4 du code du travail donne à la commission arbitrale des journalistes compétence pour réduire ou même supprimer le montant de l'indemnité de licenciement " en cas de faute grave ou de fautes répétées " ; qu'en revanche, il ne lui donne pas compétence pour se prononcer sur la matérialité et la gravité des faits fautifs qui motivent le licenciement, sur la base de critères distincts de ceux pris en compte par le conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant cependant que " la commission arbitrale des journalistes a pleine compétence pour fixer l'indemnité de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur due en application de l'article L. 7112-4 du code du travail et retenir des critères pour y parvenir, indépendamment de ceux retenus par la juridiction prud'homale qui conserve la sienne du chef des autres préjudices pour lesquels le journaliste peut demander réparation", la cour d'appel a violé l'article L. 7112-4 du code du travail ». Réponse de la Cour 6. La commission arbitrale des journalistes, compétente par application de l'article L. 7112-4 du code du travail pour réduire ou supprimer l'indemnité de licenciement due au journaliste en cas de faute grave ou de fautes répétées, doit, pour fixer le quantum ou supprimer cette indemnité, apprécier la gravité ou l'existence des fautes alléguées, sans que la décision de la juridiction prud'homale, statuant sur les autres indemnités réclamées au titre de la rupture du contrat de travail, ne s'impose à elle. 7. La cour d'appel a, ainsi, retenu, à bon droit, que la commission arbitrale avait la pleine compétence pour fixer l'indemnité de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et retenir les critères pour y parvenir, indépendamment de ceux retenus par la juridiction prud'homale, qui conserve la sienne du chef des autres préjudices pour lesquels le journaliste peut demander réparation. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen, pris en sa seconde branche 9. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que commet une faute grave le salarié responsable d'un service qui refuse de communiquer avec les salariés placés sous son autorité et se rend coupable de brimades, humiliations et dévalorisations ; qu'en l'espèce, pour justifier des faits reprochés au journaliste, la société avait produit aux débats le courrier des trois salariés du service photographie dénonçant le comportement de celui-ci à leur égard, le climat de travail malsain créé par ce dernier et leur souffrance psychologique, ainsi que le rapport d'enquête établi par un cabinet extérieur, comportant les questionnaires remplis par les salariés du service et des courriers électroniques dans lesquels ces salariés donnaient des exemples de propos vexatoires tenus par le journaliste à leur encontre ; qu'en se bornant à affirmer que la société ne rapporte pas d'éléments précis et circonstanciés pour caractériser une faute grave, sans examiner, ni analyser même sommairement ces différentes éléments, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. En application de l'article L. 7112-4 du code du travail, la décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel. 11. Dès lors, la cour d'appel, qui, à bon droit, n'a pas accueilli le recours en annulation dont elle était saisie, n'avait pas à statuer sur le fond. 12. La décision se trouve par ces motifs de pur droit, substitués aux motifs critiqués, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Le Populaire du Centre aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Populaire du Centre et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Le Populaire du Centre, La société Le Populaire du Centre fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la décision de la commission arbitrale des journalistes du 25 février 2019 ayant fixé à 150.000 euros le montant de l'indemnité de licenciement de M. [Y] en application de l'article L. 7112-4 du code du travail pour la totalité de son ancienneté de 28 années ; 1. ALORS QUE l'article L. 7112-4 du code du travail donne à la commission arbitrale des journalistes compétence pour réduire ou même supprimer le montant de l'indemnité de licenciement « en cas de faute grave ou de fautes répétées » ; qu'en revanche, il ne lui donne pas compétence pour se prononcer sur la matérialité et la gravité des faits fautifs qui motivent le licenciement, sur la base de critères distincts de ceux pris en compte par le conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant cependant que « la commission arbitrale des journalistes a pleine compétence pour fixer l'indemnité de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur due en application de l'article L. 7112-4 du code du travail et retenir des critères pour y parvenir, indépendamment de deux retenus par la juridiction prud'homale qui conserve la sienne du chef des autres préjudices pour lesquels le journaliste peut demander réparation », la cour d'appel a violé l'article L. 7112-4 du code du travail ; 2. ALORS QUE commet une faute grave le salarié responsable d'un service qui refuse de communiquer avec les salariés placés sous son autorité et se rend coupable de brimades, humiliations et dévalorisations ; qu'en l'espèce, pour justifier des faits reprochés à M. [Y], la société Le Populaire du Centre avait produit aux débats le courrier des trois salariés du service photographie dénonçant le comportement de M. [Y] à leur égard, le climat de travail malsain créé par ce dernier et leur souffrance psychologique, ainsi que le rapport d'enquête établi par un cabinet extérieur, comportant les questionnaires remplis par les salariés du service et des courriers électroniques dans lesquels ces salariés donnaient des exemples de propos vexatoires tenus par M. [Y] à leur encontre ; qu'en se bornant à affirmer que la société Le Populaire du Centre ne rapporte pas d'éléments précis et circonstanciés pour caractériser une faute grave, sans examiner, ni analyser même sommairement ces différentes éléments, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1121 FS-B Pourvoi n° M 20-17.501 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de M. [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 25 mai 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [J] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-17.501 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [G] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [V], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), M. [H], salarié de M. [V] et exerçant les fonctions de peintre, a été placé en arrêt de travail pour maladie le 30 mai 2017. 2. Le 6 décembre 2017, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour motif économique. Examen du moyen Sur le moyen unique, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la nullité du licenciement, alors « que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que dès le 13 novembre 2017, l'employeur avait convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement économique fixé au 21 novembre suivant, qu'à la suite d'une erreur de distribution de La Poste, le courrier avait été reçu moins de cinq [jours] ouvrables avant l'entretien, de sorte que l'employeur avait convoqué, par lettre du 20 novembre, le salarié à un nouvel entretien préalable à un licenciement économique le 27, avant de lui notifier, le 6 décembre, son licenciement économique pour cessation totale d'activité de l'entreprise au 31 décembre 2017, n'établissait pas que cette cessation d'activité constituait la cause du licenciement, d'autant qu'il résultait de ses propres constatations que c'était seulement postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique que, le 24 novembre 2017, le salarié avait adressé à l'employeur un arrêt de travail pour maladie professionnelle, l'avait informé le 28 novembre d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de l'assurance maladie et qu'il avait pris l'attache de la médecine du travail pour une visite de reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1233-3 et L. 1235-3-1 du code du travail ». Réponse de la Cour 4. Vu les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le second dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 5. Selon le premier de ces textes, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi consécutive notamment à la cessation d'activité de l'entreprise. Selon le second de ces textes, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur. 6. Pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient qu'au moment de la notification du licenciement le 6 décembre 2017, l'employeur était informé de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et de ce que le médecin du travail était saisi par celui-ci en vue d'une reprise, et que, dès lors, au moment de la notification du licenciement pour motif économique, l'employeur disposait d'éléments suffisants lui permettant de retenir que l'état de santé du salarié pourrait faire l'objet d'une inaptitude en lien avec l'activité professionnelle, et que le véritable motif du licenciement était lié à l'état de santé du salarié. 7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la cessation d'activité de l'entreprise invoquée à l'appui du licenciement ne constituait pas la véritable cause du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Portée et conséquences de la cassation 8. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement et condamne M. [H] à payer à M. [V] à la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par la nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne M. [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [V], M. [J] [V] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement de M. [H] et d'avoir condamné à payer à ce dernier la somme 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la nullité du licenciement, outre 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Alors 1°) que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que dès le 13 novembre 2017, l'employeur avait convoqué le salarié à un « entretien préalable à un licenciement économique » fixé au 21 novembre suivant, qu'à la suite d'une erreur de distribution de La Poste, le courrier avait été reçu moins de cinq [jours] ouvrables avant l'entretien, de sorte que l'employeur avait convoqué, par lettre du 20 novembre, le salarié à un nouvel « entretien préalable à un licenciement économique » le 27, avant de lui notifier, le 6 décembre, son licenciement économique pour cessation totale d'activité de l'entreprise au 31 décembre 2017, n'établissait pas que cette cessation d'activité constituait la cause du licenciement, d'autant qu'il résultait de ses propres constatations que c'était seulement postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique que, le 24 novembre 2017, le salarié avait adressé à l'employeur un arrêt de travail pour maladie professionnelle, l'avait informé le 28 novembre d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de l'assurance maladie et qu'il avait pris l'attache de la médecine du travail pour une visite de reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1233-3 et L. 1235-3-1 du code du travail ; Alors 2°) qu'en cas de litige sur l'existence d'une discrimination, le salarié qui l'invoque doit présenter des éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'au vu de ces éléments, dans l'affirmative, il incombe à employeur de justifier sa décision par des éléments objectifs ; que l'employeur qui licencie le salarié en raison d'une cessation complète et définitive d'activité justifie objectivement par un élément étranger à toute discrimination la mesure de licenciement ; qu'en l'espèce, en ayant retenu que le licenciement du 6 décembre 2017 était nul car lié à l'état de santé du salarié, sans avoir constaté, d'abord, que M. [H] présentait des éléments laissant présumer qu'il avait été licencié en raison de son état de santé et, dans l'affirmative, sans avoir vérifié si l'employeur ne justifiait pas que le licenciement était objectivement justifié, comme il le soutenait, par la cessation d'activité de l'entreprise au 31 décembre 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ; Alors 3°) qu'en se fondant sur les circonstances qu'au moment de la notification du licenciement pour motif économique, le 6 décembre 2017, l'employeur était informé d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et que le médecin du travail était saisi par celui-ci en vue d'une visite de reprise, et que « l'employeur disposait d'éléments suffisants lui permettant de retenir que l'état de santé du salarié pourrait faire l'objet d'une inaptitude en lien avec l'activité professionnelle », quand ces éléments étaient inopérants pour en déduire que « le véritable motif du licenciement était lié à l'état de santé du salarié » et non à la cessation définitive d'activité au 31 décembre 2017, d'autant qu'elle relevait par ailleurs que l'employeur « n'était pas informé du caractère professionnel de l'inaptitude envisagée » et n'avait pas connaissance de l'imminence d'un avis d'inaptitude pour origine professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1233-3 et L. 1235-3-1 du code du travail.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1122 FS-B Pourvoi n° S 21-10.495 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 Mme [X] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-10.495 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société SICAE de [Localité 4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [O], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société SICAE de [Localité 4], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 octobre 2020), rendu après cassation (Soc., 5 décembre 2018, n° 17-21.883), Mme [O] a été engagée le 2 janvier 1994 par la société Coopérative d'intérêt collectif agricole d'électricité (SICAE) de [Localité 4] suivant contrat à durée indéterminée en qualité de comptable. 2. Cette relation contractuelle a pris fin le 31 décembre 2011, date à compter de laquelle Mme [O] a été mutée au centre nucléaire de production d'énergie (CNPE) de [Localité 3]. 3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement, par la SICAE, d'indemnités au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées au titre de la rupture de son contrat de travail, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et des dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, alors « que le transfert tripartite du contrat de travail suppose que soient réunis dans un même acte à la fois l'accord du primo-employeur, celui de l'employeur substitué ainsi que l'accord exprès du salarié ; que pour débouter la salariée de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient qu'une convention tripartite a été recherchée à partir du moment où celle-ci a fait sa demande de mutation au CNPE de [Localité 3], et qu'elle s'est formée d'abord par l'acceptation de sa demande par EDF qui a pris à sa charge les obligations incombant à l'employeur, puis par l'acceptation de cette mutation par la SICAE qui a laissé partir Mme [O] sans rompre son contrat de travail, et enfin par l'accord de Mme [O] qui a accepté sa mutation au CNPE de [Localité 3] ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater la conclusion d'une convention réunissant à la fois l'accord de la salariée et celui de ses deux employeurs successifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail et de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1231-1 du code du travail : 5. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 6. Selon le second, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou, d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du titre III du Livre II. 7. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate qu'elle a formé et signé une demande de mutation sur un imprimé EDF et GDF SUEZ le 26 octobre 2011 mentionnant, pour sa situation actuelle, qu'elle est comptable GF (groupe fonctionnel) 09 NR (niveau de rémunération) 135 échelon 7 et désignant la SICAE comme direction d'appartenance pour pourvoir un emploi dont la vacance a été publiée, en l'occurrence un emploi de technicien de gestion G, GF 8/9 au CNPE de [Localité 3]. Il ajoute que sa candidature a été acceptée, à effet au 1er janvier 2012, par les membres de la commission secondaire du personnel du CNPE de [Localité 3] lors de la séance du 16 décembre 2011 et que le changement ainsi apporté à sa situation administrative lui a été notifié par lettre de la société EDF adressée à son adresse professionnelle à la SICAE sous couvert du directeur, mentionnant son ancienne situation de comptable à la SICAE GF 09 et NR 135 et sa nouvelle situation de technicien de gestion au CNPE de [Localité 3] GF 9 et NR 135. 8. L'arrêt retient que le contrat de travail n'a pas été rompu, l'intéressée ayant été mutée de la SICAE au CNPE de [Localité 3] dans des conditions qui caractérisent un changement de situation administrative du fait de la modification de son affectation dans des entités différentes du groupe EDF GDF SUEZ dont la SICAE fait partie ainsi que le CNPE de [Localité 3]. 9. L'arrêt conclut à l'existence d'une convention tripartite, formée d'abord par l'acceptation de la demande de la salariée par EDF qui a pris à sa charge les obligations incombant à l'employeur, puis par l'acceptation de cette mutation par la SICAE qui a laissé partir la salariée sans rompre son contrat de travail, et enfin par l'accord de cette dernière qui a accepté sa mutation au CNPE de [Localité 3]. 10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'aucune convention tripartite n'avait été signée entre la salariée et ses employeurs successifs organisant la poursuite du même contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société Coopérative d'intérêt collectif agricole d'électricité de [Localité 4] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Coopérative d'intérêt collectif agricole d'électricité de [Localité 4] et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [O] Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes formées au titre de la rupture de son contrat de travail, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. 1° ALORS QUE le transfert tripartite du contrat de travail suppose que soient réunis dans un même acte à la fois l'accord du primo-employeur, celui de l'employeur substitué ainsi que l'accord exprès du salarié ; que pour débouter la salariée de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient qu'une convention tripartite « a été recherchée à partir du moment où Mme [O] a fait sa demande de mutation au CNPE de [Localité 3], et qu'elle s'est formée d'abord par l'acceptation de sa demande par EDF qui a pris à sa charge les obligations incombant à l'employeur, puis par l'acceptation de cette mutation par la SICAE qui a laissé partir Mme [O] sans rompre son contrat de travail, et enfin par l'accord de Mme [O] qui a accepté sa mutation au CNPE de [Localité 3] » ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater la conclusion d'une convention réunissant à la fois l'accord de la salariée et celui de ses deux employeurs successifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail et de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. 2° ALORS QUE si la conclusion d'une convention tripartite de transfert ne permet pas au salarié de prétendre qu'il aurait fait l'objet d'un licenciement, c'est à la condition que cette convention ait pour objet d'organiser la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à relever que la convention avait « abouti à la mutation de Mme [O] de la SICAE au CNPE de [Localité 3] », la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la poursuite du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail et de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. 3° ALORS QUE la remise d'un certificat de travail caractérise la volonté de l'employeur de rompre la relation contractuelle ; qu'en l'espèce, il est constant que la SICAE de [Localité 4] avait remis à la salariée un certificat de travail qui situait la fin de sa présence dans l'entreprise à la date du 31 décembre 2011 ; qu'en retenant cependant qu'elle avait « laissé partir Mme [O] sans rompre son contrat de travail », la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Sur les conventions tripartites signées entre un salarié et deux employeurs successifs, à rapprocher : Soc., 8 juin 2016, pourvoi n° 15-17.555, Bull. 2016, V, n° 129 (cassation partielle) ; Soc., 23 mars 2022, pourvoi n° 20-21.518, Bull., (rejet).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1145 FS-B Pourvoi n° T 21-15.142 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 1°/ Mme [X] [K], 2°/ M. [Y] [Z], tous deux domiciliés [Adresse 2] et agissant en qualité d'inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n°1 du Var de la Direccte de Paca, 3°/ M. [P] [T], 4°/ Mme [G] [H], tous deux domiciliés [Adresse 2] et agissant en qualité d'inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n°3 du Var de la Direccte de Paca, ont formé le pourvoi n° T 21-15.142 contre l'arrêt rendue le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], exploitant le supermarché Casino de Hyères, 2°/ au syndicat Union départementale CGT du Var, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La société Distribution Casino France a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [K], MM. [Z], [T] et de Mme [H], ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Distribution Casino France, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2021), rendu en référé, l'arrêté du préfet du Var du 12 février 1969 a décidé la fermeture, sur tout le territoire du Var, de tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au choix du chef d'établissement, soit la journée entière du dimanche, soit la journée entière le lundi, soit du dimanche midi au lundi midi. 2. A la suite d'un contrôle effectué les 20 et 21 octobre 2019 dans le supermarché Casino de Hyères, ouvert au public et ayant pour activité principale la vente de produits et d'articles alimentaires, les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence Alpes Côte d'Azur ont saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire afin d'obtenir la fermeture de ce magasin en application de l'arrêté du 12 février 1969. Examen du moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 3. Les inspecteurs du travail font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande de fermeture sous astreinte le dimanche du supermarché Casino de Hyères, alors : « 1° / que la violation d'un arrêté préfectoral de fermeture des commerces alimentaires dont la légalité n'est pas sérieusement contestée constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, ''que le supermarché Casino de Hyères est ouvert le dimanche et le lundi toute la journée, contrevenant ainsi à l'interdiction posée par... l'arrêté du 12 février 1969, pris en application de l'accord sur les modalités de fermeture hebdomadaire des commerces concernés intervenu le 15 janvier 1969 [...lequel] a décidé en son article 1er : ''Sur tout le territoire du département du Var, tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au détail ? à l'exclusion des commerces de boulangerie, boulangerie-pâtisserie et pâtisserie - seront fermés à la clientèle une journée par semaine laissée, au départ, au choix du chef d'établissement, à savoir : - Soit la journée entière du dimanche, - soit la journée entière du lundi, - soit du dimanche midi au lundi midi'' ; que par ailleurs, ''la contestation portant sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 n'est pas sérieuse'' ; qu'enfin ''sont employés sur site le dimanche à tout le moins les employés d'une société de gardiennage'' ; qu'en déboutant cependant les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la Direccte de Provence Alpes Côte d'Azur de leur action tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite ainsi causé la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 3132-29 et L. 3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ; 2°/ qu'il n'appartient qu'à l'autorité administrative, auteur de l'arrêté d'interdiction prévu par l'article L. 3132-29 du code du travail, de préciser les bénéficiaires de l'exception introduite par la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 au profit ''des activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées'' ; qu'en retenant, pour débouter les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la Direccte de Provence Alpes Côte d'Azur de leur demande d'interdiction de l'ouverture dominicale du supermarché Casino de Hyères que ''le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité'' mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services ''ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins'' quand il ne lui appartenait pas de se substituer à l'autorité administrative pour apprécier si l'activité considérée était exercée dans des conditions relevant de l'exception légale, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs issu de la loi des 16/24 août 1790 ; 3°/ que l'exception aux règles de fermeture dominicale édictée par l'article L.3132-29 du code du travail ne s'applique qu'aux établissements fonctionnant sans le concours de personnel ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'ouverture dominicale du supermarché Casino de Hyères requiert ''le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité'' mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services ; qu'en déclarant cependant que ce recours ''ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins'' aux motifs inopérants que les sociétés de gardiennage employant ces agents de sécurité ''bénéficient d'une dérogation légale à la règle du repos dominical'' la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les articles L.3132-29 et L.3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 3132-29, alinéa 1er, du code du travail, lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. 5. Selon l'arrêté du préfet du Var du 12 février 1969, sur tout le territoire du Var, tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au détail, à l'exclusion des commerces de boulangerie, boulangerie-pâtisserie et pâtisserie, seront fermés à la clientèle une journée par semaine laissée au départ au choix du chef d'établissement, à savoir, soit la journée entière du dimanche, soit la journée entière du lundi, soit du dimanche midi au lundi midi. 6. C'est par une exacte application de la loi et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs que la cour d'appel a décidé que la journée de fermeture imposée par l'arrêté préfectoral ne concernait pas les activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. 7. L'arrêt relève que le recours à une intervention humaine que ce soit par la hotline ou la présence d'agents de sécurité ne permet pas de dénier l'automaticité mise en oeuvre par la société dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins. L'arrêt ajoute qu'il n'était pas démontré que les agents de sécurité et de surveillance, lesquels n'étaient pas salariés de la société, intervenaient aux termes de contrats de prestation de services et bénéficiaient d'une dérogation légale à la règle du repos dominical, agissaient en dehors de leur fonction afin de participer au fonctionnement du magasin, pour son rangement ou l'assistance aux caisses. 8. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [K], MM. [Z], [T] et Mme [H], en leur qualité d'inspecteurs du travail, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [K], MM. [Z], [T] et Mme [H], ès qualités,demandeurs au pourvoi principal Les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence Alpes Côte d'Azur font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé, s'agissant de la demande de fermeture sous astreinte le dimanche du supermarché Casino de Hyères exploité par la SAS distribution Casino France ; 1°) ALORS QUE la violation d'un arrêté préfectoral de fermeture des commerces alimentaires dont la légalité n'est pas sérieusement contestée constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, « que le supermarché Casino de Hyères est ouvert le dimanche et le lundi toute la journée, contrevenant ainsi à l'interdiction posée par... l'arrêté du 12 février 1969, pris en application de l'accord sur les modalités de fermeture hebdomadaire des commerces concernés intervenu le 15 janvier 1969 [...lequel] a décidé en son article 1er : « Sur tout le territoire du département du Var, tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au détail ? à l'exclusion des commerces de boulangerie, boulangerie-pâtisserie et pâtisserie - seront fermés à la clientèle une journée par semaine laissée, au départ, au choix du chef d'établissement, à savoir : - Soit la journée entière du dimanche, - soit la journée entière du lundi, - soit du dimanche midi au lundi midi » ; que par ailleurs, « la contestation portant sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 n'est pas sérieuse » ; qu'enfin « sont employés sur site le dimanche à tout le moins les employés d'une société de gardiennage » ; qu'en déboutant cependant les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence Alpes Côte d'Azur de leur action tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite ainsi causé la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.3132-29 et L.3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QU'il n'appartient qu'à l'autorité administrative, auteur de l'arrêté d'interdiction prévu par l'article L.3132-29 du code du travail, de préciser les bénéficiaires de l'exception introduite par la loi n°92-60 du 18 janvier 1992 au profit « des activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées » ; qu'en retenant, pour débouter les inspecteurs du travail des unités de contrôle n° 1 et n° 3 du Var de la DIRECCTE de Provence Alpes Côte d'Azur de leur demande d'interdiction de l'ouverture dominicale du supermarché Casino de Hyères que « le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité » mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services « ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins » quand il ne lui appartenait pas de se substituer à l'autorité administrative pour apprécier si l'activité considérée était exercée dans des conditions relevant de l'exception légale, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs issu de la loi des 16/24 août 1790 ; 3°) ALORS en toute hypothèse QUE l'exception aux règles de fermeture dominicale édictée par l'article L.3132-29 du code du travail ne s'applique qu'aux établissements fonctionnant sans le concours de personnel ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'ouverture dominicale du supermarché Casino de Hyères requiert « le recours à une intervention humaine, que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité » mis à sa disposition par une entreprise de prestation de services ; qu'en déclarant cependant que ce recours « ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS Distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins » aux motifs inopérants que les sociétés de gardiennage employant ces agents de sécurité « bénéficient d'une dérogation légale à la règle du repos dominical » la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les articles L.3132-29 et L.3132-31 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile Sur l'application, aux agents de surveillance, des règles relatives au repos hebdomadaire, à rapprocher : Soc., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.075, Bull., (rejet). Sur la détermination des établissements pouvant faire l'objet, une journée par semaine, d'une fermeture par arrêté préfectoral en application de l'article L. 3132-29, alinéa 1, du code du travail, à rapprocher : Soc., 13 octobre 2010, pourvoi n° 09-14.418, Bull. 2010, V, n° 223 (2) (rejet) ; Soc., 17 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.315, Bull. 2012, V, n° 266 (rejet) ; Soc., 11 mai 2017, pourvoi n° 15-25.195, Bull. 2017, V, n° 78 (rejet).
CASS/JURITEXT000046510365.xml
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1144 FS-B+R Pourvoi n° V 21-14.178 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [V] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-14.178 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [K], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 janvier 2021), M. [K] a été engagé à compter du 12 décembre 1988 comme dépanneur par la société Garage du Poteau de Senlis dépannage, qui exerce une activité de dépannage de véhicules à la demande des particuliers, des professionnels ainsi que des compagnies d'assurance et d'assistance et assure une permanence pour intervenir sur une portion délimitée d'autoroute. 2. Les parties étaient convenues d'une rémunération mensuelle brute de 1 782,63 euros et du paiement des heures supplémentaires et repos compensateurs au moyen d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicules légers, pour les interventions réalisées en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise. 3. Le 10 décembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes. 4. Le salarié a été licencié le 27 juin 2017. Examen des moyens Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes et notamment de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au titre de la rupture brutale du contrat de travail, au titre du non-respect de la durée légale, au titre des heures supplémentaires outre congés payés afférents, au titre du repos compensateur, outre congés payés afférents, au titre du travail dissimulé, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités afférentes et subsidiairement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les indemnités afférentes, alors « que ayant expressément retenu que le salarié, dépanneur autoroutier de la société, au cours des périodes dites « d'astreinte » litigieuses de 15 jours consécutifs, « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » et qu'il était à cette fin muni d'un téléphone et intervenait à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence, la cour d'appel qui conclut que l'organisation telle qu'elle résulte des pièces et documents versés aux débats lui permettent « de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif », sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, au regard des sujétions auxquelles le salarié était effectivement soumis au cours des périodes litigieuses, ce dernier n'était pas en permanence à la disposition de son employeur et s'il pouvait ou non vaquer librement à ses occupations personnelles, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 3121-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L 3121-9 dudit code dans sa rédaction issue de cette loi et L 3121-1 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 3121-1 du code du travail et l'article L. 3121-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 7. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. 8. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. 9. La Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de "temps de travail effectif", au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38). 10. Pour débouter le salarié de ses demandes à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, les dépanneurs de la société étaient tenus de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention. L'arrêt ajoute qu'il était constitué des équipes de trois ou quatre dépanneurs, munis d'un téléphone qui intervenaient à la demande du dispatcheur, lequel contrairement aux autres salariés, était spécialement affecté à la réception continue des appels d'urgence. L'arrêt en déduit que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif. 11. En se déterminant ainsi, alors que le salarié invoquait le court délai d'intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l'appel de l'usager, sans vérifier si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit que « Lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait?. », un tel forfait, assis sur un salaire mensuel, doit être d'un montant fixe et ne peut être constitué d'une rémunération sous forme de commission sur le chiffre d'affaires réalisé lors des dépannages accomplis en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise ; qu'en retenant qu'en vertu des dispositions précitées de la convention collective et de la lettre du 1er mars 2000 signée par l'exposant aux termes de laquelle ce dernier aurait accepté que ses heures supplémentaires ne lui soient pas payées « en heures supplémentaires avec la majoration correspondante » mais « sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit », les heures supplémentaires effectuées par l'exposant et les repos compensateurs dûs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérées sous forme d'une commission calculée en pourcentage du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et du dépannage véhicules légers, réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise et que « ce forfait est licite » la cour d'appel a violé les articles 1.09 d) et 1.09 bis de la convention collective précitée ensemble l'article L 3121-28 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 212-5 du code du travail, alors en vigueur, et l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile du cycle, du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 : 13. Selon le second de ces textes, lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait. Le nombre d'heures sur lequel est calculé le forfait doit être déterminé en respectant la limite du nombre d'heures prévu par le contingent annuel d'heures supplémentaires visé à l'article 1.09 bis ou, exceptionnellement, d'un nombre supérieur autorisé par l'inspecteur du travail. L'inclusion du paiement des heures supplémentaires dans la rémunération forfaitaire ne se présume pas. Elle doit résulter d'un accord de volonté non équivoque des parties, d'une disposition expresse du contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci. La rémunération forfaitaire convenue doit être au moins égale au minimum mensuel garanti applicable au salarié, complété par une majoration pour les heures supplémentaires comprises dans le forfait, majoration calculée comme indiqué à l'annexe " Salaires minima ". Ce forfait s'accompagne d'un mode de contrôle de la durée réelle du travail, qui doit être conforme aux prescriptions de l'article 1.09 a. 14. La seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait. 15. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié a, dans une lettre du 1er mars 2000, donné son accord pour que les heures supplémentaires soient payées sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit. L'arrêt ajoute que les heures supplémentaires effectuées par le salarié et les repos compensateurs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérés sous forme d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicules légers réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise. L'arrêt en déduit que le forfait est licite. 16. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le salarié avait effectué 737,47 heures supplémentaires en 2013, 873,31 en 2014 et 762,46 en 2015 hors astreinte et qu'il résultait de ses constatations que le forfait convenu entre les parties ne précisait ni le nombre d'heures incluses dans le forfait ni la rémunération mensuelle correspondante, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation La cassation sur les chefs de dispositif critiqués par les deuxième et troisième moyens, qui porte sur les demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, n'entraîne pas la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif rejetant la demande en nullité du licenciement et en paiement des indemnités afférentes, qui ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [K] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en nullité de son licenciement et en paiement des indemnités afférentes, de dommages-intérêts pour voie de fait et d'une indemnité pour défaut de formation, l'arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société Garage du Poteau de Senlis dépannage aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Garage du Poteau de Senlis dépannage et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. [K] PREMIER MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté l'exposant de toutes ses demandes et notamment de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités y afférentes dont le doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour voie de fait ; 1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient alors au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au soutien de la reconnaissance du harcèlement moral dont il avait été victime, l'exposant avait invoqué et offert de démontrer plusieurs faits et agissements dont il avait été victime et qui avaient eu pour effet d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale et de compromettre son avenir professionnel, ainsi que cela ressortait encore des nombreux éléments médicaux qu'il produisait ; qu'en écartant d'abord les nombreuses attestations versées par l'exposant et décrivant de manière concordante son supérieur hiérarchique, Monsieur [X], comme une personne instable, colérique et agressive, s'emportant verbalement « tout en se levant de son siège donnant l'impression d'être prêt à en découdre avec son interlocuteur » et notamment celle de Madame [N] évoquant l'animosité de M. [X] à l'égard de l'exposant au motif notamment que « l'employeur verse des attestations en sens contraire », puis en justifiant le fait que M. [X] avait finalement été muté dans la holding, le 1er septembre 2016, se trouvant confiné à des tâches administratives sans plus de rapport avec les dépanneurs par le fait que cette décision de l'employeur « s'est inscrite dans une démarche de rationalité économique », puis en écartant les certificats médicaux et autres pièces médicales attestant de la dégradation de l'état de santé de l'exposant comme étant « insuffisants à eux-seuls à laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral s'ils ne sont pas corroborés par d'autres éléments objectifs », la cour d'appel a procédé à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par l'exposant, en justifiant chacun d'eux pris isolément, sans nullement apprécier si, pris dans leur ensemble, les éléments ainsi matériellement établis, dont les documents médicaux relatifs à une altération de l'état de santé de l'exposant, ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral et a violé les articles L 1152-1 du code du travail et L 1154-1 dudit code ; 2°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge de prendre en compte tous les éléments invoqués par le salarié ; qu'au titre du harcèlement moral, l'exposant avait notamment fait valoir que le 27 novembre 2015 Monsieur [X] s'en était pris à lui, en lui adressant des insultes, menaces voire menaces de mort, que l'exposant n'avait eu de salut que dans la fuite et qu'il avait immédiatement déposé une main-courante auprès de la police pour dénoncer ces faits qui participaient au harcèlement moral dont il avait été victime, ; qu'en se bornant à constater de manière inopérante que « le salarié appelant ne sollicite pas l'annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied prise le 18 décembre 2015 en relation notamment avec l'incident l'ayant opposé à Monsieur [X] le 27 novembre 2015 alors même qu'il en conteste les circonstances et qu'il a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour ces faits, suite au classement sans suite de sa plainte initiale » sans prendre en compte cet « incident », dont elle avait pourtant constaté la réalité et qui avait été qualifié par l'employeur dans sa lettre du 18 décembre 2015 d'« altercation violente avec Monsieur [H] [X] contraignant un collaborateur de notre société à intervenir pour vous séparer », ni apprécier si, pris avec les autres éléments matériellement établis, il ne faisait pas présumer l'existence d'un harcèlement moral dont avait été victime l'exposant, la cour d'appel a violé l'article L 1154-1 du code du travail, 3°) ALORS à titre subsidiaire QUE la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié qui n'est tenu que de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; qu'à supposer qu'elle ait retenu, par motifs adoptés des premiers juges que, si Monsieur [K] expose avoir été victime le 27 novembre 2015 d'une agression de la part de Monsieur [X] sur son lieu de travail et verse la déclaration de main-courante dans laquelle il explique que Monsieur [X] lui a lancé plusieurs insultes ou grossièretés l'a menacé de coup avant de se diriger vers lui pour le frapper ce que trois salariés l'ont empêché de faire par leur intervention, « toutefois Monsieur [K] ne produit aucun élément corroborant ses déclarations » la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve du harcèlement moral sur le salarié a violé l'article L 1154-1 du code du travail ; DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté l'exposant de toutes ses demandes et notamment de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au titre de la rupture brutale du contrat de travail, au titre du non-respect de la durée légale, au titre des heures supplémentaires outre congés payés y afférents, au titre du repos compensateur, outre congés payés y afférents, au titre du travail dissimulé, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités y afférentes et subsidiairement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les indemnités y afférentes ; 1°) ALORS QU' ayant expressément retenu que l'exposant, dépanneur autoroutier de la société, au cours des périodes dites « d'astreinte » litigieuses de 15 jours consécutifs, « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » et qu'il était à cette fin muni d'un téléphone et intervenait à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence, la cour d'appel qui conclut que l'organisation telle qu'elle résulte des pièces et documents versés aux débats lui permettent « de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif », sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, au regard des sujétions auxquelles l'exposant était effectivement soumis au cours des périodes litigieuses, ce dernier n'était pas en permanence à la disposition de son employeur et s'il pouvait ou non vaquer librement à ses occupations personnelles, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 3121-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L 3121-9 dudit code dans sa rédaction issue de cette loi et L 3121-1 du code du travail ; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE tout jugement doit être motivé ; qu'après avoir expressément retenu que l'exposant, dépanneur autoroutier de la société, au cours des périodes dites d'astreinte litigieuses de 15 jours consécutifs, « était tenu de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l'entreprise, en dehors des heures et jours d'ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention » et qu'il était à cette fin muni d'un téléphone et intervenait à la demande d'un dispatcheur affecté à la réception continue des appels d'urgence, la cour d'appel qui conclut que « l'organisation telle qu'elle résulte des pièces et documents versés aux débats permettent à la cour de dire que ces périodes étaient des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif » sans nullement préciser la nature et le contenu des « pièces et documents versés aux débats » sur lesquels elle se serait ainsi fondée, ni procédé à leur analyse même sommaire, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS DE TROISIÈME PART et à titre subsidiaire QUE l'article 1.10 e) 1. « Permanences de service » de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit que « le contrat de travail peut donc comporter une clause d'astreinte », que « Les salariés dont le contrat de travail prévoit une clause d'astreinte doivent être normalement assurés de bénéficier, entre chaque période quotidienne de travail, d'un repos au moins égal à 11 heures consécutives » et encore que « La rémunération spécifique des astreintes, leurs modalités (permanence tenue au domicile ou en tout lieu autre que le lieu de travail, contact programmé avec une centrale d'appel...), les conditions de repos journalier et hebdomadaire et les compensations en repos visées ci-avant doivent être indiquées dans le contrat de travail. » ; que l'exposant avait fait valoir qu'en vertu de ce texte, si l'employeur veut mettre en place un système s'astreinte il peut le faire, mais doit impérativement le faire à travers une disposition du contrat de travail, qu'il s'agit là d'une condition nécessaire et indispensable à défaut de laquelle l'employeur ne peut pas invoquer les dispositions spécifiques de l'astreinte (conclusions d'appel p 30 et 31) ; qu'en affirmant qu'aucune disposition de la convention collective n'impose à peine de nullité que l'astreinte soit formalisée au contrat de travail, les modalités étant fixées par l'employeur conformément aux dispositions de l'article L 3121-7 du code du travail et qu'il suffit que le salarié soit informé de celles-ci et de ses conditions de travail, la cour d'appel a violé les dispositions précitées de la convention collective ensemble l'article L 3121-1 du code du travail ; 4°) ALORS ENFIN QUE l'article 1.10 e) 1. « Permanences de service » de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit notamment à la charge de l'employeur que « La programmation individuelle des périodes d'astreinte doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné 15 jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que le salarié en soit averti au moins 1 jour franc à l'avance?.En fin de mois, l'employeur doit remettre à chaque salarié concerné un document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante. » ; que l'exposant avait fait valoir qu'en l'espèce l'employeur ne s'était jamais conformé à ces obligations de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des dispositions propres aux astreintes (conclusions d'appel p 31) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent des conclusions d'appel dont elle était saisie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; TROISIÈME MOYEN DE CASSATION LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté l'exposant de toutes ses demandes et notamment de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au titre de la rupture brutale du contrat de travail, au titre du non-respect de la durée légale, au titre des heures supplémentaires outre congés payés y afférents, au titre du repos compensateur, outre congés payés y afférents, au titre du travail dissimulé, de nullité de son licenciement et de toutes les indemnités y afférentes et subsidiairement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les indemnités y afférentes ; 1°) ALORS D'UNE PART QUE si l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable, prévoit que « Lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait?. », un tel forfait, assis sur un salaire mensuel, doit être d'un montant fixe et ne peut être constitué d'une rémunération sous forme de commission sur le chiffre d'affaires réalisé lors des dépannages accomplis en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise ; qu'en retenant qu'en vertu des dispositions précitées de la convention collective et de la lettre du 1er mars 2000 signée par l'exposant aux termes de laquelle ce dernier aurait accepté que ses heures supplémentaires ne lui soient pas payées « en heures supplémentaires avec la majoration correspondante » mais « sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit », les heures supplémentaires effectuées par l'exposant et les repos compensateurs dûs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérées sous forme d'une commission calculée en pourcentage du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et du dépannage véhicules légers, réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise et que « ce forfait est licite » (arrêt p 9) la cour d'appel a violé les articles 1.09 d) et 1.09 bis de la convention collective précitée ensemble l'article L 3121-28 du code du travail ; 2°) ALORS D'AUTRE PART QUE l'article 1.09 d) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile du 15 janvier 1981, applicable prévoit que « Lorsque des dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d'un forfait. Le nombre d'heures sur lequel est calculé le forfait doit être déterminé en respectant la limite du nombre d'heures prévu par le contingent annuel d'heures supplémentaires visé à l'article 1.09 bis ou, exceptionnellement, d'un nombre supérieur autorisé par l'inspecteur du travail. (?.). Ce forfait s'accompagne d'un mode de contrôle de la durée réelle du travail, qui doit être conforme aux prescriptions de l'article 1.09 a. » ; qu'il en résulte que ce forfait n'est pas applicable et ne peut rémunérer les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures supplémentaires prévu par l'article 1.09 bis c) de la convention collective, lesquelles doivent être rémunérées sous la forme d'un complément de salaire assorti d'une majoration égale à 30 % du salaire de base, s'ajoutant à ce dernier conformément aux dispositions de l'article 1.09 bis g) de la convention collective ; qu'ayant expressément constaté que l'exposant avait réalisé 737,47 heures supplémentaires en 2013, 873,31 heures en 2014 et 762,46 heures en 2015 hors astreinte la cour d'appel qui énonce qu'est licite le « forfait » rémunérant l'ensemble de ces heures supplémentaires sous forme d'une commission calculée en pourcentage du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et véhicules légers réalisés en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise a violé les articles 1.09 d) et 1.09 bis de la convention collective précitée ensemble l'article L 3121-28 du code du travail ; 3°) ALORS ENFIN et à titre subsidiaire QUE l'exposant avait fait valoir qu'il ressortait des termes clairs et précis de la lettre du 1er mars 2000 portant accord sur une rémunération forfaitaire pour les heures supplémentaires effectuées selon lesquels : « Suite à la mise en application de la loi des 35 heures et de l'utilisation du contingent d'heures supplémentaires, vous avez organisé une réunion entre tous les dépanneurs du garage en février 2000. Vous nous avez fait deux propositions : Soit que les dépannages effectués en dehors des heures d'ouverture du Garage – c'est-à dire en heures supplémentaires - nous soient payées en heures supplémentaires avec la majoration correspondante Soit qu'ils nous soient payés sous la forme d'une commission sur le chiffre d'affaire hors taxes réalisé de nuit. Après réflexion de ma part, je vous demande à ce que mes heures supplémentaires me soient payées sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaire hors taxes réalisé de nuit », que ladite rémunération forfaitaire à la supposer même licite, ne couvrait pas l'indemnisation des repos compensateurs générés par les nombreuses heures supplémentaires accomplies (conclusions d'appel p 37) ; qu'en affirmant qu'en vertu de cet accord les heures supplémentaires effectuées par le salarié et les repos compensateurs dûs lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures ont été rémunérés sous forme d'une commission de 10 % du chiffre d'affaires du dépannage poids-lourds et d'une commission de 20 % du chiffre d'affaires du dépannage véhicule légers en dehors des horaires d'ouverture de l'entreprise, la cour d'appel a dénaturé les termes et clairs et précis de la lettre susvisée dont il ne ressortait pas que les repos compensateurs étaient rémunérés dans le cadre de la commission forfaitaire convenue pour la rémunération des seules heures supplémentaires accomplies et a méconnu le principe faisant interdiction au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; Sur la caractérisation de la sujétion à laquelle le salarié est soumise, à rapprocher : Soc., 15 septembre 2021, pourvoi n° 19-26.331, (cassation partielle) ; Soc., 9 février 2022, pourvoi n° 20-15.085, (cassation partielle).
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 M. SOMMER, président Arrêt n° 1150 FS-B Pourvoi n° T 21-19.075 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 La société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-19.075 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'inspection du travail de la Haute Garonne unité régionale de lutte contre le travail illégal, dont le siège est [Adresse 6], 2°/ au syndicat CFDT services Ariège Gasgogne Midi Toulousain, dont le siège est [Adresse 4], 3°/ à la Fédération de l'équipement environnement transport et services Force Ouvrière, dont le siège est [Adresse 5], 4°/ à Mme [V] [F], domiciliée [Adresse 2], prise en sa qualité de ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, 5°/ à M. [A] [P], 6°/ à Mme [N] [O], 7°/ à Mme [E] [U], 8°/ à Mme [K] [B], 9°/ à Mme [D] [W], 10°/ à Mme [V] [H], tous six domiciliés [Adresse 6], défendeurs à la cassation. En présence de : la société Lynx sécurité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3]. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Distribution Casino France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [P], Mmes [O], [U], [B], [W] et [R], de Me Haas, avocat de la Fédération de l'équipement environnement transport et services Force Ouvrière, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT services Ariège Gasgogne Midi Toulousain, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 juin 2021), rendu en référé, des contrôles ont été effectués par l'inspection du travail le dimanche 6 octobre 2019 dans trois supermarchés de la société Distribution Casino France (la société) situés à [10], [7] et [9], où il a été constaté, après 13 heures, la présence de salariés de la société ETIC, chargée d'aider les clients du supermarché lors du paiement aux caisses automatiques ainsi que des salariés d'une société de sécurité, la société Lynx. 2. Les inspecteurs du travail de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal et des unités de contrôle n° 1, 3 et 5 de [Localité 8], ont saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire d'une demande à l'encontre de la société Distribution Casino France pour obtenir la fermeture des magasins le dimanche à 13 heures. 3. Les syndicats CFDT services Ariège Gascogne Midi Toulousain et Fédération de l'équipement environnement transport et services Force Ouvrière sont intervenus à l'instance. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 4. La société fait grief à l'arrêt de dire recevable l'action en référé formée par les inspecteurs du travail, alors : « 1° / que les dispositions relatives à la durée du travail aux repos et aux congés, sont ''applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés'', de sorte que seul l'emploi illicite par l'employeur de ses propres salariés, en méconnaissance des dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13, relatifs au repos dominical, rend recevable la demande en référé, formée par l'inspecteur du travail, à l'encontre de cet employeur ; que la cour d'appel a constaté qu'aucun salarié de la société Distribution Casino France n'était présent sur les lieux le dimanche après-midi ; qu'en affirmant cependant, pour déclarer recevable l'action des inspecteurs du travail, tendant à voir imposer la fermeture de l'établissement le dimanche après-midi, à raison de la présence sur les lieux d'agents de sécurité, salariés d'une société de surveillance et gardiennage sous-traitante, que l'article L 3132-31 du code du travail ''vise tout salarié qui serait employé en infraction à la réglementation sur le travail le dimanche dans les commerces de vente au détail'' et que ''d'interprétation stricte, ce texte ne permet pas d'ajouter une condition qu'il ne prévoit pas telle que la restriction de son champ d'application aux seuls salariés du commerce de vente au détail donneur d'ordre à l'exclusion de tout salarié d'une entreprise tierce présente dans les lieux exerçant la même activité que celle des salariés du commerce de détail concerné'', quand il ressortait, au contraire, de l'interprétation stricte du texte que l'action n'était recevable qu'à l'encontre d'un employeur faisant travailler ses salariés en méconnaissance des règles régissant le repos dominical, la cour d'appel a violé, par fausse application les articles L. 3111-1 et L. 3132-31 du code du travail, les articles 31 et 32 du code de procédure civile, ensemble le principe de l'autonomie de la personne morale ; 2° / que la recevabilité de la saisine en référé du juge judiciaire, par l'inspecteur du travail, en application des dispositions de l'article L. 3132-31 du code du travail, est subordonnée à la double condition d'un emploi illicite des salariés et de ce que l'illicéité résulte de la méconnaissance par leur employeur des dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13, relatifs au repos dominical ; qu'il résulte de l'article R. 3132-5 du code du travail que les entreprises de surveillance et de gardiennage font partie des catégories d'établissement admis à donner le repos hebdomadaire par roulement à leurs salariés effectuant des services de surveillance, de gardiennage et de lutte contre l'incendie ; qu'en affirmant, pour dire recevable l'action exercée par les inspecteurs du travail, que ''la société prestataire qui héberge des salariés sur son site le dimanche en infraction à la législation, (?), commet une violation de la règle du repos dominical protectrice des salariés qui autorise l'inspection du travail à saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 3132-31 du code du travail, qui, organisant un régime spécial de référé, suffit à la recevabilité de l'action'', quand la recevabilité de l'action est subordonnée au constat préalable d'un emploi illicite de salariés en méconnaissance de la règle du repos dominical, la cour d'appel, qui n'a pas constaté préalablement un tel emploi, a violé les articles L. 3132-31 et R. 3132-5 du code du travail, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article L. 3132-31 du code du travail, l'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du code du travail. Il en résulte que ce pouvoir peut s'exercer dans tous les cas où des salariés sont employés de façon illicite un dimanche, peu important qu'il s'agisse de salariés de l'établissement concerné ou d'entreprises de prestations de services. 6. Ayant constaté que les inspecteurs du travail soutenaient que les magasins de la société étaient ouverts le dimanche après-midi grâce à la présence d'agents de sécurité, la cour d'appel, après avoir exactement énoncé que le caractère illicite de l'emploi salarié relevait de l'examen du bien-fondé de la demande et non de sa recevabilité, a décidé à bon droit, que l'action en référé, qui s'inscrivait dans le cadre de la dénonciation d'une violation des règles relatives au repos dominical, était recevable. 7. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur les deuxième et troisième moyens, réunis Enoncé du moyen 8. Par son deuxième moyen, la société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de fermer trois supermarchés le dimanche après-midi à compter de 13 heures, sous astreinte, de la condamner à payer aux syndicats une somme à titre de dommages-intérêts et d'interdire, sous astreinte, à la société Lynx sécurité d'employer des salariés le dimanche après 13 heures dans ces magasins, alors « que l'emploi illicite de salariés, en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du code du travail, s'apprécie exclusivement au regard de la fonction et des missions confiées par l'employeur à ces salariés ; qu'est inopérante, pour apprécier l'existence d'un tel emploi illicite, la circonstance que certains agents de surveillance aient excédé les termes de leur mission, dès lors que leur comportement ne résultait ni des ordres, ni de la demande de leur employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il ressortait tant de la convention conclue entre la société Distribution Casino France avec la société Lynx Sécurité que des fiches de poste des salariés en cause, que la fonction des agents était limitée à la seule surveillance et sécurité et ne pouvait « en aucun cas s'étendre à des fonctions normalement dévolues aux salariés de l'entreprise cliente » ; qu'en retenant cependant l'existence d'un « emploi illicite » des agents de sécurité, au motif inopérant que les inspecteurs du travail avaient constaté que certains d'entre eux avaient empiété sur les activités normalement dévolues aux salariés de la SA Distribution Casino France, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a encore violé, par fausse application, l'article L. 3132-31 du code du travail, ensemble et par refus d'application, les articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du même code. » 9. Par son troisième moyen, la société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de fermer trois supermarchés le dimanche après-midi à compter de 13 heures, sous astreinte, de la condamner à payer aux syndicats une somme à titre de dommages-intérêts, alors : « 1° / qu'il résulte de l'article L 3132-31 du code du travail que le juge des référés ne peut ordonner que les mesures propres à faire cesser l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du même code ; qu'il s'en déduit que seules des mesures prononcées à l'encontre de l'employeur, responsable de l'emploi illicite, peuvent être prononcées ; qu'en ordonnant la fermeture des supermarchés Casino [10], Casino [7] et Casino [9] le dimanche après-midi à compter de 13 heures, sous astreinte provisoire de 20 000 euros par ouverture constatée, quand elle avait constaté que les agents de sécurité présents sur les lieux étaient employés de la société Lynx Sécurité, la cour d'appel a violé l'article L. 3132-31 précité ; 2°/ que le juge des référés ne peut ordonner que les mesures propres à faire cesser l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du même code ; qu'en affirmant cependant, pour dire que la mesure de fermeture des trois magasins le dimanche à partir de 13 h était légitime et proportionnelle à l'objectif poursuivi, qu' ''il est constant que la présence d'agents de sécurité dans un magasin de vente alimentaire en libre-service mais en mode de paiement automatique est source de confusion tant pour les clients que pour les agents de sécurité sur qui repose exclusivement le soin de dire au cas par cas ce qui relève ou pas de leur mission de surveillance alors qu'ils sont confrontés à de nombreux dysfonctionnements des caisses ou sollicitations des clients'', quand aucun texte n'interdit l'ouverture d'un commerce alimentaire le dimanche après-midi recourant à des modalités de fonctionnement et de paiement automatisés ainsi qu'à la présence, obligatoire, d'agents de surveillance et de sécurité, la cour d'appel a violé, par fausse application l'article L 3132-31 du code du travail, ensemble le principe de la liberté du commerce et de la liberté d'entreprise ; 3°/ que le juge des référés ne peut ordonner que les mesures nécessaires et proportionnées pour faire cesser l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du même code ; que la circonstance qu'une infraction par l'employeur des salariés peut être réitérée n'est pas de nature à justifier la fermeture des commerces, appartenant à une société tierce, dans lesquels ces salariés travaillent ; que dans ses conclusions la société Distribution Casino France faisait valoir qu'une injonction sous astreinte à l'employeur des agents de sécurité, de faire respecter par ses salariés la législation et les termes de leur emploi, suffisait à écarter tout emploi illicite ; qu'en ordonnant la fermeture des magasins, aux motifs inopérants que les faits avaient été réitérés, que cette solution nécessiterait de mettre en place de nouveaux contrôles de l'inspection du travail et que si cette sanction permettrait de mettre un terme à une infraction éventuellement constatée, elle ne permettrait pas suffisamment d'en prévenir la réitération, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au principe de la liberté du commerce et de la liberté d'entreprise. » Réponse de la Cour 10. Selon l'article L. 3132-31 du code du travail, l'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du code du travail. Il en résulte que ce pouvoir peut s'exercer dans tous les cas où des salariés sont employés de façon illicite un dimanche, peu important qu'il s'agisse de salariés de l'établissement ou d'entreprises de prestation de services. 11. Examinant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a relevé que les agents de sécurité de la société Lynx empiétaient sur les activités normalement dévolues aux salariés des magasins en orientant les clients vers la hotline en cas de dysfonctionnement, aidaient les clients en difficulté avec la caisse automatique, par exemple en utilisant la "scanette" ou lors des paiements, rappelaient que les achats ne pouvaient se faire que par carte bancaire et sans vente d'alcool, renseignaient les clients sur les rayons ouverts ou non, procédaient au retrait des produits interdits à la vente, procédaient à l'ouverture des barrières en sortie de caisse si le ticket du client était inopérant, avaient en charge la fermeture du magasin de [7], rangeaient les paniers, scanaient parfois les produits ou le ticket de parking à la place des clients, intervenaient directement auprès de l'assistance, procédaient au retrait d'un produit non acheté, renseignaient les clients dans le magasin ou appelaient un responsable en raison d'anomalies au niveau des caisses automatiques. 12. En l'état de ces constatations, dont il résultait que, du fait de la participation des agents de sécurité aux activités du magasin, les modalités de fonctionnement et de paiement n'étaient pas automatisées, la cour d'appel a décidé à bon droit que des salariés étaient employés en violation des règles sur le repos dominical. 13. Ayant constaté que, malgré des engagements de la société qui, à la suite des premiers contrôles, avait reconnu des manquements au respect des activités des agents de sécurité et affirmait y avoir remédié, de nouveaux manquements avaient été relevés par l'inspection du travail, la cour d'appel a, sans encourir le grief de la troisième branche du troisième moyen, estimé qu'une simple mesure d'injonction de respecter la législation était insuffisante pour assurer le respect du repos dominical et que la fermeture des magasins devait être ordonnée. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Distribution Casino France et la condamne à payer au ministre chargé du travail et à M. [A], Mmes [O], [U], [B], [W] et [H], en qualités d'inspecteurs du travail, la somme globale de 2 000 euros et aux syndicats CFDT services Ariège Gascogne Midi Toulousain et Fédération de l'équipement environnement transport et services Force Ouvrière la somme de 500 euros chacun ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Distribution Casino France fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action en référé formée par les inspecteurs du travail, 1 - ALORS QUE les dispositions relatives à la durée du travail aux repos et aux congés, sont « applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés », de sorte que seul l'emploi illicite par l'employeur de ses propres salariés, en méconnaissance des dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13, relatifs au repos dominical, rend recevable la demande en référé, formée par l'inspecteur du travail, à l'encontre de cet employeur ; que la cour d'appel a constaté qu'aucun salarié de la société Distribution Casino France n' était présent sur les lieux le dimanche après-midi ; qu'en affirmant cependant, pour déclarer recevable l'action des inspecteurs du travail, tendant à voir imposer la fermeture de l'établissement le dimanche après-midi, à raison de la présence sur les lieux d'agents de sécurité, salariés d'une société de surveillance et gardiennage sous-traitante, que l'article L 3132-31 du code du travail « vise tout salarié qui serait employé en infraction à la réglementation sur le travail le dimanche dans les commerces de vente au détail » et que « d'interprétation stricte, ce texte ne permet pas d'ajouter une condition qu'il ne prévoit pas telle que la restriction de son champ d'application aux seuls salariés du commerce de vente au détail donneur d'ordre à l'exclusion de tout salarié d'une entreprise tierce présente dans les lieux exerçant la même activité que celle des salariés du commerce de détail concerné », quand il ressortait, au contraire, de l'interprétation stricte du texte que l'action n'était recevable qu'à l'encontre d'un employeur faisant travailler ses salariés en méconnaissance des règles régissant le repros dominical, la cour d'appel a violé, par fausse application les articles L 3111-1 et L 3132-31 du code du travail, les articles 31 et 32 du code de procédure civile, ensemble le principe de l'autonomie de la personne morale ; 2 – ALORS encore QUE la recevabilité de la saisine en référé du juge judiciaire, par l'inspecteur du travail, en application des dispositions de l'article L 3132-31 du code du travail, est subordonnée à la double condition d'un emploi illicite des salariés et de ce que l'illicéité résulte de la méconnaissance par leur employeur des dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13, relatifs au repos dominical ; qu'il résulte de l'article R 3132-5 du code du travail que les entreprises de surveillance et de gardiennage font partie des catégories d'établissement admis à donner le repos hebdomadaire par roulement à leurs salariés effectuant des services de surveillance, de gardiennage et de lutte contre l'incendie ; qu'en affirmant, pour dire recevable l'action exercée par les inspecteurs du travail, que « la société prestataire qui héberge des salariés sur son site le dimanche en infraction à la législation, (?), commet une violation de la règle du repos dominical protectrice des salariés qui autorise l'inspection du travail à saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L 3132-31 du code du travail, qui, organisant un régime spécial de référé, suffit à la recevabilité de l'action », quand la recevabilité de l'action est subordonnée au constat préalable d'un emploi illicite de salariés en méconnaissance de la règle du repos dominical, la cour d'appel, qui n'a pas constaté préalablement un tel emploi, a violé les articles L 3132-31 et R 3132-5 du code du travail, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ; DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) La société Distribution Casino France fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à la société Distribution Casino France de fermer les supermarchés Casino [10], Casino [7] et Casino [9] le dimanche après-midi à compter de 13 heures, sous astreinte provisoire de 20 000 € par ouverture constatée, condamné la société Distribution Casino France à payer au syndicat CFDT Services Ariège Gascogne Midi Toulousain et de la Fédération de l'Equipement, Environnement, Transport et Services, Force Ouvrière, chacun, la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts et interdit, sous astreinte de 20 000 €, par dimanche et par salarié, à la société Lynx Sécurité d'employer des salariés le dimanche après 13 heures dans les magasins Casino [10], Casino [7] et Casino [9], ALORS QUE l'emploi illicite de salariés, en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du code du travail, s'apprécie exclusivement au regard de la fonction et des missions confiées par l'employeur à ces salariés ; qu'est inopérante, pour apprécier l'existence d'un tel emploi illicite, la circonstance que certains agents de surveillance aient excédé les termes de leur mission, dès lors que leur comportement ne résultait ni des ordres, ni de la demande de leur employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il ressortait tant de la convention conclue entre la société Distribution Casino France avec la société Lynx Sécurité que des fiches de poste des salariés en cause, que la fonction des agents était limitée à la seule surveillance et sécurité et ne pouvait « en aucun cas s'étendre à des fonctions normalement dévolues aux salariés de l'entreprise cliente » ; qu'en retenant cependant l'existence d'un « emploi illicite » des agents de sécurité, au motif inopérant que les inspecteurs du travail avaient constaté que certains d'entre eux avaient empiété sur les activités normalement dévolues aux salariés de la SA Distribution Casino France, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a encore violé, par fausse application, l'article L 3132-31 du code du travail, ensemble et par refus d'application, les articles L 3132-12 et R 3132-5 du même code. TROISIEME MOYEN DE CASSATION La société Distribution Casino France fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à la société Distribution Casino France de fermer les supermarchés Casino [10], Casino [7] et Casino [9] le dimanche après-midi à compter de 13 heures, sous astreinte provisoire de 20 000 € par ouverture constatée et de l'avoir condamnée à payer au syndicat CFDT Services Ariège Gascogne Midi Toulousain et de la Fédération de l'Equipement, Environnement, Transport et Services, Force Ouvrière, chacun, la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts, 1) ALORS QU' il résulte de l'article L 3132-31 du code du travail que le juge des référés ne peut ordonner que les mesures propres à faire cesser l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du même code ; qu'il s'en déduit que seules des mesures prononcées à l'encontre de l'employeur, responsable de l'emploi illicite, peuvent être prononcées ; qu'en ordonnant la fermeture des supermarchés Casino [10], Casino [7] et Casino [9] le dimanche après-midi à compter de 13 heures, sous astreinte provisoire de 20 000 € par ouverture constatée, quand elle avait constaté que les agents de sécurité présents sur les lieux étaient employés de la société Lynx Sécurité, la cour d'appel a violé l'article L 3132-31 précité ; 2) ALORS QUE le juge des référés ne peut ordonner que les mesures propres à faire cesser l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du même code ; qu'en affirmant cependant, pour dire que la mesure de fermeture des trois magasins le dimanche à partir de 13 h était légitime et proportionnelle à l'objectif poursuivi, qu' « il est constant que la présence d'agents de sécurité dans un magasin de vente alimentaire en libre-service mais en mode de paiement automatique est source de confusion tant pour les clients que pour les agents de sécurité sur qui repose exclusivement le soin de dire au cas par cas ce qui relève ou pas de leur mission de surveillance alors qu'ils sont confrontés à de nombreux dysfonctionnements des caisses ou sollicitations des clients », quand aucun texte n'interdit l'ouverture d'un commerce alimentaire le dimanche après-midi recourant à des modalités de fonctionnement et de paiement automatisés ainsi qu'à la présence, obligatoire, d'agents de surveillance et de sécurité, la cour d'appel a violé, par fausse application l'article L 3132-31 du code du travail, ensemble le principe de la liberté du commerce et de la liberté d'entreprise ; 3) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge des référés ne peut ordonner que les mesures nécessaires et proportionnées pour faire cesser l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du même code ; que la circonstance qu'une infraction par l'employeur des salariés peut être réitérée n'est pas de nature à justifier la fermeture des commerces, appartenant à une société tierce, dans lesquels ces salariés travaillent ; que dans ses conclusions la société Distribution Casino France faisait valoir qu'une injonction sous astreinte à l'employeur des agents de sécurité, de faire respecter par ses salariés la législation et les termes de leur emploi, suffisait à écarter tout emploi illicite ; qu'en ordonnant la fermeture des magasins, aux motifs inopérants que les faits avaient été réitérés, que cette solution nécessiterait de mettre en place de nouveaux contrôles de l'inspection du travail et que si cette sanction permettrait de mettre un terme à une infraction éventuellement constatée, elle ne permettrait pas suffisamment d'en prévenir la réitération, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au principe de la liberté du commerce et de la liberté d'entreprise
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 1142 FS-P Pourvoi n° D 20-12.066 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [G] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-12.066 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à la société Vintage Cruises, dont le siège est [Adresse 5] (Portugal), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [C], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Vintage Cruises, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Schamber conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 novembre 2019), M. [C] a été engagé par la société Vintage Cruises pour la période du 2 juin 2017 au 30 mars 2022 en qualité d'officier mécanicien posté sur le navire de passagers « SS Delphine », immatriculé à Madère (Portugal) et propriété de cette société de droit portugais. 2. L'employeur a rompu unilatéralement ce contrat de travail avant son terme, le 17 septembre 2017. 3. Contestant cette décision, le salarié a fait procéder à [Localité 4] le 25 octobre 2017 à une saisie conservatoire de ce navire, en garantie d'une créance de salaires et indemnités liée à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail évaluée à 310 000 euros. 4. Il a par ailleurs saisi au fond le 9 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Nice afin d'obtenir le paiement par l'employeur de ces salaires et indemnités. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour juger le différend l'opposant à son employeur et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque le demandeur a sa résidence habituelle dans cet État ; que, pour dire le conseil de prud'hommes de Nice incompétent pour statuer sur la créance salariale de M. [C], marin sur le navire SS Delphine, la cour d'appel a retenu que s'il avait été judiciairement autorisé à saisir en France, la saisie opérée a cessé de produire ses effets attributifs de compétence à la suite de sa mainlevée contre séquestre et que les tribunaux français ne peuvent se prononcer sur le fond du droit que si leur compétence est fondée sur une autre règle que celle régissant l'action conservatoire ; qu'en statuant ainsi, quand la seule résidence habituelle en France du créancier saisissant, constatée par l'arrêt, fondait la compétence internationale de la juridiction française pour statuer au fond, la cour d'appel, qui a ajouté, à l'article 7, 1 a, de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles concernant la saisie conservatoire des navires de mer, une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte ». Réponse de la Cour Vu les articles 5 et 7, § 1, de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer : 6. Selon le premier de ces textes, le tribunal ou toute autre autorité judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une garantie suffisantes auront été fournies, sauf dans le cas où la saisie est pratiquée en raison des créances maritimes énumérées à l'article premier ci-dessus, sous les lettres o et p ; en ce cas, le juge peut permettre l'exploitation du navire par le possesseur, lorsque celui-ci aura fourni des garanties suffisantes, ou régler la gestion du navire pendant la durée de la saisie. Faute d'accord entre les parties sur l'importance de la caution ou de la garantie, le tribunal ou l'autorité judiciaire compétente en fixera la nature et le montant. La demande de mainlevée de la saisie moyennant une telle garantie, ne pourra être interprétée ni comme une reconnaissance de responsabilité, ni comme une renonciation au bénéfice de la limitation légale de la responsabilité du propriétaire du navire. 7. Selon le second, les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, soit si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'État dans lequel la saisie est pratiquée, soit dans certains autres cas, nommément définis. 8. Pour infirmer le jugement et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt retient que s'il est exact que le salarié a sa résidence habituelle au [Localité 3] et qu'en droit interne français, l'article R. 1412-1 du code du travail permet au salarié de saisir le conseil de prud'hommes « du lieu où l'engagement a été contracté », en l'espèce le port français de [Localité 2], la saisie conservatoire pratiquée à sa demande a été levée contre séquestre, par une convention régularisée « à une date qui n'est pas précisée », de sorte que la compétence spécifique de la juridiction ayant ordonné cette mesure aux fins de fixer la créance maritime et éventuellement de rendre un titre exécutoire permettant la vente forcée du bien a cessé par l'effet de cette mainlevée, qui interdit désormais l'appréhension matérielle de ce navire. 9. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des articles 5 et 7, § 1, de cette Convention que la mainlevée de la saisie d'un navire moyennant la constitution d'une garantie n'a pas pour effet de remettre en cause la compétence des tribunaux de l'État dans lequel la saisie du navire a été opérée pour statuer sur le fond du procès, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquence de la cassation 10. Il est fait application, ainsi qu'il est suggéré en demande, des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. La cassation prononcée n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, il n'y a, en effet, pas lieu à renvoi. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que l'affaire se poursuit au fond devant le conseil de prud'hommes de Nice ; Condamne la société Vintage Cruises aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vintage Cruises et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [C] Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du 22 janvier 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Nice s'était déclaré compétent pour juger le différend opposant M. [C] à la société Vintage Cruises et d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; AUX MOTIFS QUE « sur la compétence du "forum arresti", le salarié a été autorisé par une ordonnance du juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Marseille signée le 25 octobre 2017 à saisir à titre conservatoire le navire "SS Delphine" en garantie d'une créance évaluée à 310 000 euros ; l'article 7-1 de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer dispose que : "Les tribunaux de l'État dans lequel la saisie a été opérée seront compétents pour statuer sur le fond du procès : - soit si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'État dans lequel la saisie a été pratiquée, - soit dans les cas suivants, nommément définis : a) si le demandeur a sa résidence habituelle ou son principal établissement dans l'État ou la saisie a été pratiquée ..." ; mais s'il est exact que M. [C] a sa résidence habituelle au [Localité 3] (Seine-Maritime) et qu'en droit interne français, l'article R. 1412-1 du code du travail permet au salarié de saisir le conseil de prud'hommes "du lieu où l'engagement a été contracté", en l'espèce le port français de [Localité 2], la saisie conservatoire pratiquée à sa demande a été levée contre séquestre par une convention régularisée à une date qui n'est pas précisée, de sorte que la compétence spécifique de la juridiction ayant ordonné cette mesure aux fins de fixer la créance maritime et éventuellement de rendre un titre exécutoire permettant la vente forcée du bien a cessé par l'effet de cette mainlevée qui interdit désormais l'appréhension matérielle de ce navire ; par ailleurs, et surtout, il convient, en matière de droit international privé, de séparer l'action conservatoire de l'action au fond qui, elle, résulte des normes nationales, internationales ou conventionnelles ; en ce sens, si les juridictions françaises sont seules compétentes pout statuer sur la validité d'une saisie pratiquée en France et apprécier, à cette occasion, le principe de la créance, les tribunaux ne peuvent se prononcer sur le fond du droit que si leur compétence est fondée sur une autre règle (nationale, internationale ou conventionnelle) ; la compétence du "forum arresti" trouve là sa limite ; le moyen principal soutenu par le conseil du salarié n'est donc pas en soi opérant » ; ET QUE « sur le droit européen applicable, il résulte de ses propres constatations que le travailleur accomplissait la majeure partie de son travail en dehors des eaux territoriales françaises puisque le relevé des trajets effectués par le navire qu'il produit aux débats (sa pièce 2) établit que durant les trois mois et demi de son service M. [C] a été en mer, en dehors des eaux territoriales, du 12 juillet au 8 septembre 2017, ce qui, rapporté à la durée de l'effectivité de son engagement, autorise son employeur à conclure que son salarié n'accomplissait pas habituellement son travail en France ; par ailleurs, le navire affrété par la société Vintage Cruises n'est pas un "établissement" au sens de l'article 21 précité, dès lors que cet instrument de travail ne dispose aucunement d'une autonomie juridique propre à retenir cette qualification, de sorte que ce marin doit être réputé n'ayant jamais accompli son travail dans un même pays et que le juge territorialement compétent pour connaître de son litige envers son employeur s'entend dans cette hypothèse de la juridiction du lieu "où se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur", soit, au cas d'espèce, le siège situé à Madère de la société de droit portugais Vintage Cruises » ; ALORS, D'UNE PART, QUE les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque le demandeur a sa résidence habituelle dans cet État ; que, pour dire le conseil de prud'hommes de Nice incompétent pour statuer sur la créance salariale de M. [C], marin sur le navire SS Delphine, la cour d'appel a retenu que s'il avait été judiciairement autorisé à saisir en France, la saisie opérée a cessé de produire ses effets attributifs de compétence à la suite de sa mainlevée contre séquestre et que les tribunaux français ne peuvent se prononcer sur le fond du droit que si leur compétence est fondée sur une autre règle que celle régissant l'action conservatoire ; qu'en statuant ainsi, quand la seule résidence habituelle en France du créancier saisissant, constatée par l'arrêt, fondait la compétence internationale de la juridiction française pour statuer au fond, la cour d'appel, qui a ajouté, à l'article 7, 1 a de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles concernant la saisie conservatoire des navires de mer, une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte ; ALORS, AUSSI ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel, qui a elle-même constaté que M. [C] a sa résidence habituelle au [Localité 3] et que l'engagement avait été contracté dans le port français de [Localité 2], ce qui, conformément à l'article R 1412-1 du code du travail permettait au salarié de saisir le juge prud'homal français, ne pouvait renvoyer les parties à mieux se pourvoir au prétexte « qu'à une date qui n'est pas précisée », la saisie conservatoire du navire « SS Delphine » avait été levée contre séquestre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef l'article 7, 1 a de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et l'article R 1412-1 précité ; ALORS, ENCORE ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le lieu à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail s'entend, dans le secteur des transports, tel le secteur maritime, du lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que du lieu où se trouvent ses outils de travail ; qu'en retenant l'incompétence de la juridiction française pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de son employeur par le salarié au prétexte que celui-ci n'accomplissait pas habituellement son travail dans les eaux territoriales françaises, de sorte qu'était compétente la juridiction portugaise du lieu où se trouvait l'établissement qui avait embauché le travailleur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par le salarié (conclusions, p. 17, §§ 2 à 8), s'il ne résultait pas d'un faisceau d'indices constitués par les lieux d'embarquement du salarié et d'amarrage du navire que le port de [Localité 2] constituait le port d'attache et donc le lieu à partir duquel le marin accomplissait habituellement son travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 1 b du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la compétence de la juridiction du lieu où se trouve, ou se trouvait, l'établissement qui a embauché le travailleur est subsidiaire par rapport à celle du lieu où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail ou à celle du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; qu'en retenant l'incompétence de la juridiction française pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de son employeur par le salarié au prétexte que celui-ci n'accomplissait pas habituellement son travail en France, de sorte qu'était compétente la juridiction portugaise du lieu où se trouvait l'établissement qui avait embauché le travailleur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par le salarié (conclusions, p. 16 in fine et p. 17, in fine), s'il ne résultait pas d'un faisceau d'indices constitué par la signature du contrat, par l'embarquement du marin et par l'amarrage du navire dans le port français de [Localité 2] que, nonobstant la navigation ultérieure du navire en dehors des eaux territoriales françaises, la France était le dernier lieu où M. [C] avait accompli habituellement son travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 21 1 b du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1141 FS-B Pourvoi n° K 21-15.963 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [F] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-15.963 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société ICTS Atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société ICTS Atlantique, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux,14 octobre 2020), M. [B] a été engagé, à compter du 1er février 2002, en qualité d'opérateur qualifié de sûreté aéroportuaire par la société SGA suivant contrat à durée indéterminée. Son contrat de travail a été transféré à la société ICTS Atlantique (la société) le 19 octobre 2012. 2. Victime d'un accident du travail le 20 novembre 2014, son contrat de travail s'est, dès lors, trouvé suspendu. 3. Le 1er mars 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire pour les années 2015 et 2016. 4. Il a été licencié le 13 juillet 2017 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de prime annuelle de sûreté aéroportuaire et de dommages-intérêts, alors « que le versement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire, en une seule fois en novembre, est subordonné à la double condition d'une année d'ancienneté et d'une présence au 31 octobre de chaque année, sans que soit imposée une présence effective du salarié au travail à cette date ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié remplissait la condition d'ancienneté et était présent dans les effectifs de l'entreprise les 31 octobre 2015 et 2016 ; qu'en retenant néanmoins que le salarié ne pouvait bénéficier de la prime motif pris que pour les années 2015 et 2016 il n'était pas effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail", la cour d'appel a violé l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. » Réponse de la Cour Vu l'article 1 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et l'article 2.5 de la même annexe : 6. Selon le premier de ces textes, les dispositions de l'accord s'appliquent aux entreprises et aux personnels employés par elles qui, dans le cadre du champ d'application général de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, exercent effectivement toutes activités de contrôle de sûreté des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules effectuées sur les aéroports français. Elles cessent de s'appliquer aux personnels concernés dès lors qu'ils ne sont plus affectés à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire au sens ci-dessus défini. 7. Aux termes du second, outre la prime de performance mentionnée à l'article 3.06 ci-après et spécifiquement eu égard aux pratiques salariales existantes pour d'autres métiers exercés sur les plates-formes aéroportuaires, les salariés entrant dans le champ d'application de la présente annexe perçoivent une prime annuelle de sûreté aéroportuaire égale à 1 mois du dernier salaire brut de base du salarié concerné, non cumulable dans l'avenir avec toute autre prime éventuelle versée annuellement. Cette prime est soumise à la totalité des cotisations sociales (assurance maladie, vieillesse et chômage, etc.) Le versement de cette prime en une seule fois en novembre est subordonné à la double condition de 1 année d'ancienneté, au sens de l'article 6.05 des clauses générales de la convention collective nationale, et d'une présence au 31 octobre de chaque année. Cette prime n'est donc pas proratisable en cas d'entrée ou de départ en cours d'année, en dehors des cas de transfert au titre de l'accord conventionnel de reprise du personnel. Dans ce dernier cas, l'entreprise sortante réglera au salarié transféré ayant déjà acquis plus de 1 an d'ancienneté au moment de son départ le montant proratisé de cette prime pour la nouvelle période en cours. Le solde sera réglé par l'entreprise entrante à l'échéance normale du versement de la prime. 8. Il résulte de ces dispositions conventionnelles que la condition de présence du salarié au 31 octobre de chaque année s'entend de la présence dans les effectifs de l'entreprise, au 31 octobre de chaque année, du salarié affecté à une mission relevant de la sûreté aérienne et aéroportuaire telle que ces dispositions la définissent. 9. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire dite prime PASA, l'arrêt relève qu'il n'est nullement contesté que l'intéressé remplit la condition relative à son ancienneté, que cependant pour les années 2015 et 2016 il n'était pas présent effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail. 10. Il retient que si la convention collective précitée prévoit une condition de présence à la date du paiement de la prime, le salarié, alors en arrêt de travail à cette date, ne peut y prétendre. Il ajoute qu'il s'agit d'une exigence de présence effective dans l'entreprise et non d'une exigence de présence continue aux effectifs comme a pu le soutenir le salarié. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de ses demandes en paiement d'un rappel de prime de sûreté aéroportuaire et de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société ICTS Atlantique aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ICTS Atlantique et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [B] M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes de rappel de prime de sûreté aéroportuaire et de dommages et intérêts. ALORS QUE le versement de la prime annuelle de sûreté aéroportuaire, en une seule fois en novembre, est subordonné à la double condition d'une année d'ancienneté et d'une présence au 31 octobre de chaque année, sans que soit imposée une présence effective du salarié au travail à cette date ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié remplissait la condition d'ancienneté et était présent dans les effectifs de l'entreprise les 31 octobre 2015 et 2016 ; qu'en retenant néanmoins que le salarié ne pouvait bénéficier de la prime motif pris que « pour les années2015 et 2016 il n'était pas effectivement dans l'entreprise au 31 octobre 2015 et 2016, étant alors en arrêt de travail », la cour d'appel a violé l'article 2.5 de l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. Sur la notion de présence dans l'entreprise, évolution par rapport à : Soc., 5 novembre 1987, pourvoi n° 85-40.176, Bull.1987, V, n° 623 (cassation), et l'arrêt cité.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2022 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 1120 FS-B Pourvoi n° F 20-17.105 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022 M. [K] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-17.105 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société Oxyria, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Oxyria, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Lyon, 12 mars 2020), M. [V], inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Lyon dans la rubrique incendies, a été engagé en qualité de chargé de mission à compter du 5 novembre 2012 par la société Oxyria. 2. Aux termes de l'article 4 bis du contrat de travail, il était stipulé que la rémunération directe ou indirecte des expertises judiciaires qui lui serait versée devrait être intégralement reversée à l'employeur. 3. Les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle le 7 mai 2014. 4. L'employeur a assigné le salarié afin d'obtenir, en application de l'article 4 bis du contrat de travail, le paiement des sommes correspondant aux expertises en cours au moment de la rupture du contrat. Examen des moyens Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que l'article 4 bis du contrat de travail n'est entaché d'aucune illégalité et de le débouter de sa demande de nullité de cette clause et de sa demande subséquente en paiement, par l'employeur, d'une somme à titre de remboursement des honoraires d'expertises judiciaires, alors « que l'expert judiciaire doit accomplir, en toute indépendance et impartialité, la mission qui lui a été personnellement confiée par le juge, ce qui implique nécessairement qu'il perçoive une rémunération propre, laquelle ne peut être reversée, s'il est salarié, à la société qui l'emploie ; qu'en jugeant que l'article 4 bis du contrat de travail de Monsieur [V] n'était pas nul, après avoir pourtant relevé qu'il prévoyait que les rémunérations directes ou indirectes des expertises judiciaires qui seraient versées à [K] [V] devraient être intégralement reversées à la société Oxyria, la cour d'appel a violé les articles 233 du code de procédure civile et 1er de la loi du 29 juin 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004. » Réponse de la Cour Vu les articles 232 et 233 du code de procédure civile : 6. Selon le premier de ces textes, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien. 7. Selon le second, le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée. Si le technicien désigné est une personne morale, son représentant légal soumet à l'agrément du juge le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom l'exécution de la mesure. 8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, pour qu'une personne morale puisse percevoir la rémunération afférente à l'expertise, il faut qu'elle ait été elle-même désignée. 9. Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de l'article 4 bis du contrat de travail, l'arrêt retient que le salarié étant inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel dans la rubrique incendies, il était stipulé à l'article 4 bis du contrat de travail que la rémunérations directe ou indirecte des expertises judiciaires qui lui serait versée devra être intégralement reversée à l'employeur, que cette clause n'apparaît pas contraire aux dispositions de l'article 233 du code de procédure civile dès lors qu'il résulte du contrat de travail que le salarié a accompli les missions d'expertises judiciaires confiées, pendant le temps de son travail et avec les outils mis à disposition par l'employeur, et que cette clause a été librement consentie entre lui et son employeur. 10. En statuant ainsi, alors qu'est nulle la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à reverser à son employeur les rémunérations qui lui ont été versées pour des missions pour lesquelles il a été désigné expert personnellement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Et sur le troisième moyen Enoncé du moyen 11. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le protocole d'accord signé le 30 juin 2014 engage les deux parties qui se doivent de le respecter et de l'appliquer, de le condamner à payer à la société Oxyria une somme au titre du remboursement de frais et honoraires qu'il a perçus pour ses missions d'expertise judiciaire dans les quatre dossiers visés au protocole du 30 juin 2014 et au paiement à la société Oxyria d'une somme en remboursement des frais réglés à la société IC2000, sapiteur choisi par lui dans ses missions d'expertise, alors « que la cassation à intervenir du chef du dispositif critiqué par le deuxième moyen du pourvoi entraînera nécessairement par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif critiqués par le troisième moyen, qui en sont indivisibles, en application de l'article 624 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 624 du code de procédure civile : 12. La cassation prononcée sur le deuxième moyen emporte la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif critiqués par le troisième moyen, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. Portée et conséquences de la cassation 13. La cassation prononcée sur les deuxième et troisième moyens entraîne, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif condamnant le salarié à payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Oxyria de ses demandes en dommages-intérêts concernant les expertises [R] et Robinettrie Industrielle et pour résistance abusive et en ce qu'il déboute M. [V] de sa demande en dommages-intérêts de 500 euros pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ; Condamne la société Oxyria aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Oxyria et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [V], PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le protocole d'accord signé le 30 juin 2014 engage les deux parties qui se doivent de le respecter et de l'appliquer, et d'avoir condamné Monsieur [V] à payer à la société Oxyria la somme de 40.219,20 € TTC au titre du remboursement des frais et honoraires qu'il a perçus pour ses missions d'expertise judiciaire dans les quatre dossiers visés au protocole du 30 juin 2014 ; AUX MOTIFS QU'« En l'espèce, il convient de rappeler que, comme chargé de mission au sein de la société Oxyria, Monsieur [V] avait pour attributions l'exécution de missions de formations, d'expertises, d'études, diagnostic, conception et réalisation et coordination PS, en contrepartie de laquelle, il percevait une rémunération de 2400 € nette, pour une durée hebdomadaire de travail et 35 heures, sauf heures supplémentaires ; que par ailleurs, Monsieur [V] étant inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Lyon dans la rubrique incendies, il était stipulé à l'article 4 bis du contrat de travail que les rémunérations directe ou indirecte des expertises judiciaires qui lui seraient versées devront être intégralement reversées à la société Oxyria [?] ; que dans ces conditions, l'article 4 bis du contrat de travail n'encourt par la nullité ; que cet article fonde par ailleurs l'engagement signé par Monsieur [V] le 30 juin 2014, à l'issue de son contrat de travail, à savoir celui de reverser à son ex-employeur, les rémunérations correspondant aux missions d'expertise exécutées ou commencées pendant la durée du travail ; que nonobstant l'absence de précision de l'engagement de reverser les rémunérations correspondant aux affaires reprises dans l'acte sous seing privé du 30 juin 2014, il résulte clairement des termes du contrat de travail qui s'exécute de bonne foi conformément à l'article 1104 du code civil, que le fait que Monsieur [V] s'engage à terminer ces affaires porte également engagement par lui, conformément à l'article 4 bis du contrat de travail, de reverser à son ex-employeur, les rémunérations des expertises judiciaires, commencées ou exécutées pendant le temps du contrat et qu'il a perçues ; que Monsieur [V] ne peut donc venir affirmer que ce document, même s'il ne le précise pas explicitement, ne porte pas engagement de reverser ces rémunérations tirées des expertises judiciaires exécutées ou commencées pendant la durée du contrat de travail et au sujet desquelles l'article 4 bis continue à produire ses effets ; qu'au surplus, cet acte sous seing privé portait engagement pour la société Oxyria de laisser Monsieur [V] reprendre, sans dédommagement, du matériel, dont liste jointe, ce qui constitue bien une concession de sa part, permettant de qualifier l'accord intervenu après la rupture conventionnelle ; qu'au vu de ces éléments, il convient dès lors de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a validé l'article 4 bis du contrat de travail ainsi que l'engagement résultant de l'acte sous seing privé du 30 juin 2014 et a rejeté la demande au titre du travail dissimulé, celle-ci n'ayant en effet aucun fondement au regard de la validité de la clause du contrat de travail ; que sur le montant des remboursements, il apparait que l'acte sous seing privé du 30 juin 2014 portait, pour certains dossiers, le principe du reversement des rémunérations à l'employeur, sans toutefois en préciser le montant, celui-ci restant à confirmer ; qu'or, la société Oxyria produit les justificatifs définitifs de coût de ces expertises desquels il résulte : - pour l''expertise Mutuelle de l'est, un coût de 6501 € HT, - pour l'expertise [H] : un coût de 7500 € HT, - pour l'expertise Llyod's de Londres, un coût de 11 254 € HT, - pour l'expertise [X], un coût de 8261 € HT, soit un total de 33 516 € HT, soit 40 219,20 € TTC au lieu de la somme de 42 918,58 € TTC prévue dans l'accord, au vu de sommes restant à confirmer ou en attente de règlement ; que dès lors, c'est ce montant de 40 219,20 € TTC qui doit être reversée à la société Oxyria par Monsieur [V] au titre des rémunérations qu'il a perçues dans le cadre des expertises judiciaires initiées pendant la durée du travail et achevées postérieurement ou en cours de règlement, et ce en application de l'acte sous seing privé du 30 juin 2014 et de l'article 4 bis du contrat de travail ; » (arrêt, pp. 4 et 5) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la validité de la transaction : la rupture conventionnelle établie dans les formes légales et homologuée par la DIRECCTE de Rhone-Alpes en date du 17 juin 2014, que la convention annexée prévoit à l'article 1 que « la cessation définitive du contrat de travail de M. [V] interviendra le 30 juin 2014, à cette date seront arrêtés le certificat de travail et l'attestation Pole Emploi » ; à la date du 30 juin 2014 la Sté Oxyria a remis en main propre contre décharge à M. [V] une lettre qui fait état des « affaires que vous vous êtes engagés a terminer » ; ce document comporte une liste d‘affaires en cours d'expertises à cette date ; en signant ce document M. [V] s'engage à mener à bonne fin les affaires obtenues lorsqu'il était sous contrat de travail avec la Sté Oxyria, en respectant tous les termes de son contrat de travail ; la pièce n° 2 du demandeur comporte des annotations de dates de paiements pour les affaires A1308-A1310-A1312-A1314-A1326 avec des commentaires « soldé » pour les affaires F1402-F1434, que les affaires A1338 [H], A1342 MUTUELLE de L'EST, A1354 [X] sont notées « pas encore facturé, montant à confirmer », que l'affaire A1352 LLOYD'S DE LONDRE est « en attente de règlement » qu'en acceptant de terminer ces affaires dont la charge des dépens reste à la Sté Oxyria, M. [V] doit aussi accepter de reverser « La rémunération directe ou indirecte des expertises judiciaires... » prévue au contrat de travail » (jugement, pp. 7 et 8) ; ALORS QUE la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ; que, pour qualifier de transaction le courrier du 30 juin 2014, la cour d'appel se borne à énoncer qu'après avoir décidé d'une rupture conventionnelle du contrat de travail le 7 mai 2014, à effet au 30 juin 2014, les parties avaient signé le courrier litigieux, en convenant que Monsieur [V] s'engageait à terminer les affaires auxquelles il faisait référence, et la société Oxyria à le laisser reprendre, sans dédommagement, du matériel listé dans le courrier, « ce qui [constituait] bien une concession de sa part, permettant de qualifier l'accord intervenu après la rupture conventionnelle, d'accord transactionnel » (arrêt, pp. 4 et 5) ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un quelconque désaccord des parties à la date de signature du courrier du 30 juin 2014, et donc l'existence d'une contestation née ou à naître à laquelle les parties auraient entendu mettre un terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2044 du code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'article 4 bis du contrat de travail de Monsieur [K] [V] n'est entaché d'aucune illégalité, et d'avoir débouté Monsieur [K] [V] de sa demande de nullité de cet article, et corrélativement de sa demande subséquente en paiement, par la société Oxyria, d'une somme de 95.940,93 € à titre de remboursement des honoraires d'expertises judiciaires ; AUX MOTIFS PROPRES QU'« en l'espèce, il convient de rappeler que, comme chargé de mission au sein de la société Oxyria, Monsieur [V] avait pour attributions l'exécution de missions de formations, d'expertises, d'études, diagnostic, conception et réalisation et coordination PS, en contrepartie de laquelle, il percevait une rémunération de 2400 € nette, pour une durée hebdomadaire de travail et 35 heures, sauf heures supplémentaires ; que par ailleurs, Monsieur [V] étant inscrit sur la liste de experts de la cour d'appel de Lyon dans la rubrique incendies, il était stipulé à l'article 4 bis du contrat de travail que les rémunérations directe ou indirecte des expertises judiciaires qui lui seraient versées devront être intégralement reversées à la société Oxyria ; qu'or, cette clause n'apparaît pas contraire aux dispositions de l'article 233 du code de procédure civile qui dispose que l'expert doit réaliser sa mission personnellement, dès lors qu'il résulte en effet du contrat de travail que Monsieur [V] accomplissant ses missions d'expertises judiciaires pendant le temps de son travail et avec les outils mis à disposition par l'employeur, il devait en reverser la rémunération correspondante au dit employeur ; qu'il apparaît ainsi clairement des termes du contrat de travail que, conformément à l'article 1103 du code civil, en signant le contrat qui est un engagement réciproque, les parties ont consenti à supporter les obligations qu'elles se sont elles-mêmes créées ; qu'or, la clause du contrat de travail dont Monsieur [V] demande la nullité a été librement consenti entre lui et son employeur en contrepartie de l'exécution pendant le temps de travail et avec le matériel de l'entreprise par le salarié des missions d'expertise judiciaire qui lui ont été confiées par les juges, missions qu'il a exercé personnellement ; que dans ces conditions, l'article 4 bis du contrat de travail n'encourt par la nullité » (arrêt, p. 4) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L. 1221-1 du code du travail stipule que : « Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter » ; l'article 1103 du code civil précise que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » ; M. [V] est inscrit en qualité d'expert judiciaire à titre indépendant auprès de la cour d'appel de Lyon, et qu'à ce titre il encaisse les rémunérations directes ou indirectes des expertises judiciaires ; que l'article 3 de son contrat de travail prévoit que M. [V] doit dans le cadre de son activité salariale au sein de la Sté Oxyria, remplir les missions de « formation, expertises, études diagnostics, conceptions et réalisations, coordination SPS », et qu'il poursuivrait précisément son activité d'expertise judiciaire, mais en qualité de salarié de la Sté Oxyria ; les missions d'expertises judiciaires seraient réalisées sur son temps de travail au sein de la Sté Oxyria et aux frais de cette dernière ; l'article 4 bis du contrat de travail intitulé « rémunération expertises judiciaires » précisant : « La rémunération directe ou indirecte des expertises judiciaires qui serait versée à M. [V] devra être intégralement reversée à la Sté Oxyria » ; le contrat de travail a été approuvé et signé par les deux parties, qu'il n'a jamais souffert de discussion, et que conformément à l'article L 1221-1 du code du travail il s'est exécuté de bonne foi par les parties ; dans le cadre de ses missions d'expertises exécutées par M. [V] l'article 233 du code de procédure civile qui précise que : « Le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée? » a été rigoureusement respecté puisque les missions d'expertises ont été exclusivement diligentées par M. [V] en sa qualité d'expert inscrit sur la liste des experts auprès de la cour d'appel de Lyon et salarié de la Sté Oxyria, cette dernière assumant les frais d'expertise ; il est de pratique courante que certains experts exercent leur métier sous contrat de travail donc en tant que salarié, dans le cadre de sociétés, bureaux d'études, ou autres personnes morales, qui encaissent directement les honoraires sous le contrôle des tribunaux ; aux vues de ces pratiques, ces usages n'ont rien de répréhensible ; en conséquence, la convention entre les parties stipulée à l'article 4 bis du contrat de travail précisant que : « La rémunération directe ou indirecte des expertises judiciaires qui serait versée à M. [V] devra être intégralement reversée à la Sté Oxyria » n'est entachée d'aucune illégalité, M. [V] sera débouté de sa demande de nullité de l'article 4 bis de son contrat de travail » (jugement, pp. 7 et 8) ; ALORS QUE l'expert judiciaire doit accomplir, en toute indépendance et impartialité, la mission qui lui a été personnellement confiée par le juge, ce qui implique nécessairement qu'il perçoive une rémunération propre, laquelle ne peut être reversée, s'il est salarié, à la société qui l'emploie ; qu'en jugeant que l'article 4 bis du contrat de travail de Monsieur [V] n'était pas nul, après avoir pourtant relevé qu'il prévoyait que les rémunérations directes ou indirectes des expertises judiciaires qui seraient versées à [K] [V] devraient être intégralement reversées à la société Oxyria, la cour d'appel a violé les articles 233 du code de procédure civile et 1er de la loi du 29 juin 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le protocole d'accord signé le 30 juin 2014 engage les deux parties qui se doivent de le respecter et de l'appliquer, d'avoir condamné Monsieur [K] [V] à payer à la société Oxyria la somme de 40.219,20 € TTC au titre du remboursement de frais et honoraires qu'il a perçus pour ses missions d'expertise judiciaire dans les 4 dossiers visés au protocole du 30 juin 2014, et d'avoir condamné M. [V] au paiement à la société Oxyria de la somme de 8.207,04 € TTC en remboursement des frais réglés à la société IC2000, sapiteur choisi par lui dans ses missions d'expertise AUX MOTIFS QUE « En l'espèce, il convient de rappeler que, comme chargé de mission au sein de la société Oxyria, Monsieur [V] avait pour attributions l'exécution de missions de formations, d'expertises, d'études, diagnostic, conception et réalisation et coordination PS, en contrepartie de laquelle, il percevait une rémunération de 2400 € nette, pour une durée hebdomadaire de travail et 35 heures, sauf heures supplémentaires ; que par ailleurs, Monsieur [V] étant inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Lyon dans la rubrique incendies, il était stipulé à l'article 4 bis du contrat de travail que les rémunérations directe ou indirecte des expertises judiciaires qui lui seraient versées devront être intégralement reversées à la société Oxyria [?] dans ces conditions, l'article 4 bis du contrat de travail n'encourt par la nullité ; que cet article fonde par ailleurs l'engagement signé par Monsieur [V] le 30 juin 2014, à l'issue de son contrat de travail, à savoir celui de reverser à son ex-employeur, les rémunérations correspondant aux missions d'expertise exécutées ou commencées pendant la durée du travail ; que nonobstant l'absence de précision de l'engagement de reverser les rémunérations correspondant aux affaires reprises dans l'acte sous seing privé du 30 juin 2014, il résulte clairement des termes du contrat de travail qui s'exécute de bonne foi conformément à l'article 1104 du code civil, que le fait que Monsieur [V] s'engage à terminer ces affaires porte également engagement par lui, conformément à l'article 4 bis du contrat de travail, de reverser à son ex-employeur, les rémunérations des expertises judiciaires, commencées ou exécutées pendant le temps du contrat et qu'il a perçues ; que Monsieur [V] ne peut donc venir affirmer que ce document, même s'il ne le précise pas explicitement, ne porte pas engagement de reverser ces rémunérations tirées des expertises judiciaires exécutées ou commencées pendant la durée du contrat de travail et au sujet desquelles l'article 4 bis continue à produire ses effets ; qu'au surplus, cet acte sous seing privé portait engagement pour la société Oxyria de laisser Monsieur [V] reprendre, sans dédommagement, du matériel, dont liste jointe, ce qui constitue bien une concession de sa part, permettant de qualifier l'accord intervenu après la rupture conventionnelle ; qu'au vu de ces éléments, il convient dès lors de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a validé l'article 4 bis du contrat de travail ainsi que l'engagement résultant de l'acte sous seing privé du 30 juin 2014 et a rejeté la demande au titre du travail dissimulé, celle-ci n'ayant en effet aucun fondement au regard de la validité de la clause du contrat de travail ; que sur le montant des remboursements, il apparait que l'acte sous seing privé du 30 juin 2014 portait, pour certains dossiers, le principe du reversement des rémunérations à l'employeur, sans toutefois en préciser le montant, celui-ci restant à confirmer ; qu'or, la société Oxyria produit les justificatifs définitifs de coût de ces expertises desquels il résulte : - pour l''expertise Mutuelle de l'est, un coût de 6501 € HT, - pour l'expertise [H] : un coût de 7500 € HT, - pour l'expertise Llyod's de Londres, un coût de 11 254 € HT, - pour l'expertise [X], un coût de 8261 € HT, soit un total de 33 516 € HT, soit 40 219,20 € TTC au lieu de la somme de 42 918,58 € TTC prévue dans l'accord, au vu de sommes restant à confirmer ou en attente de règlement ; que dès lors, c'est ce montant de 40 219,20 € TTC qui doit être reversée à la société Oxyria par Monsieur [V] au titre des rémunérations qu'il a perçues dans le cadre des expertises judiciaires initiées pendant la durée du travail et achevées postérieurement ou en cours de règlement, et ce en application de l'acte sous seing privé du 30 juin 2014 et de l'article 4 bis du contrat de travail ; la décision déférée sera réformée de ce chef ; il est enfin établi par la société Oxyria qu'elle a été condamnée à régler à la société IC2000, laboratoire sapiteur auquel Monsieur [V] a fait appel à trois reprises dans le cadre d'expertises judiciaires effectuées pendant la durée du contrat de travail, la somme de 8740,80 € ; qu'or, ces frais qui sont en rapport direct avec les expertises judiciaires réalisées par Monsieur [V] pendant la durée de son contrat de travail et qui ont été pris en charge par la régie des tribunaux dans le cadre du montant total des expertises, ce que Monsieur [V] ne conteste pas, doivent se voir appliquer les dispositions de l'article 4 bis du contrat de travail, de sorte que Monsieur [V] sera condamné à en reverser le coût à son employeur » (arrêt, pp. 4 et 5) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la validité de la transaction : la rupture conventionnelle établie dans les formes légales et homologuée par la DIRECCTE de Rhône-Alpes en date du 17 juin 2014, que la convention annexée prévoit à l'article 1 que « la cessation définitive du contrat de travail de M. [V] interviendra le 30 juin 2014, à cette date seront arrêtés le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi. » ; à la date du 30 juin 2014, la société Oxyria a remis en main propre contre décharge à M. [V] une lettre qui fait état des « affaires que vous vous êtes engagés à terminer » ; ce document comporte une liste d'affaires en cours d'expertises à cette date ; en signant ce document M. [V] s'engage à mener à bonne fin les affaires obtenues lorsqu'il était sous contrat de travail avec la société Oxyria, en respectant tous les termes de son contrat de travail ; la pièce n° 2 du demandeur comporte des annotations de dates de paiements pour les affaires A1308-A1310-A1312-A1314-A1326 avec des commentaires « soldé » pour les affaires F1402-F1434, que les affaires A1338 [H], A1342 Mutuelle de L'est, A1354 [X] sont notées « pas encore facturé, montant à confirmer », que l'affaire A1352 Lloyd's de Londres est « en attente de règlement » qu'en acceptant de terminer ces affaires dont la charge des dépens reste à la société Oxyria, M. [V] doit aussi accepter de reverser « La rémunération directe ou indirecte des expertises judiciaires? » prévue au contrat de travail » (jugement, p. 8) ; ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du dispositif critiqué par le deuxième moyen du pourvoi entraînera nécessairement par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif critiqués par le troisième moyen, qui en sont indivisibles, en application de l'article 624 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. [V] au paiement à la société Oxyria de la somme de 8.207,04 € TTC en remboursement des frais réglés à la société IC2000, sapiteur choisi par lui dans ses missions d'expertise ; AUX MOTIFS QU'« il est enfin établi par la société Oxyria qu'elle a été condamnée à régler à la société IC2000, laboratoire sapiteur auquel Monsieur [V] a fait appel à trois reprises dans le cadre d'expertises judiciaires effectuées pendant la durée du contrat de travail, la somme de 8740, 80 € ; or, ces frais qui sont en rapport direct avec les expertises judiciaires réalisées par Monsieur [V] pendant la durée de son contrat de travail et qui ont été pris en charge par la régie des tribunaux dans le cadre du montant total des expertises, ce que Monsieur [V] ne conteste pas, doivent se voir appliquer les dispositions de l'article 4 bis du contrat de travail, de sorte que Monsieur [V] sera condamné à en reverser le coût à son employeur » (arrêt p. 5) ; ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel constate que l'article 3 du contrat de travail de Monsieur [V] prévoit que les missions d'expertise judiciaire seraient réalisées sur son temps de travail au sein de la société Oxyria « et aux frais de cette dernière » (cf. jugement, p. 7), et que l'article 4 bis du contrat de travail prévoit que les rémunérations directe ou indirecte des expertises judiciaires qui seraient versées à Monsieur [V] devraient être intégralement reversées à la société Oxyria ; qu'il résulte de ces stipulations que les frais de recours à un sapiteur dans le cadre d'une mission d'expertise judiciaire réalisée par Monsieur [V], durant la validité de son contrat de travail, devaient être pris en charge par la société Oxyria, et non pas supportés par le salarié, à qui il appartenait seulement de reverser le montant de la rémunération qu'il avait perçue pour les expertises judiciaires qu'il avait réalisées ; qu'en affirmant que les frais de la société IC2000, laboratoire sapiteur auquel Monsieur [V] avait fait appel à trois reprises dans le cadre d'expertises judiciaires effectuées « pendant la durée de son contrat de travail » (arrêt p. 5), et qui avaient été « pris en charge par la régie des tribunaux dans le cadre du montant total des expertises » (ibid.), devaient se voir appliquer les dispositions de l'article 4 bis du contrat de travail, pour condamner Monsieur [V] à en reverser le coût à son employeur, sans établir, comme elle y était invitée (conclusions, p. 8), que le salarié aurait perçu effectivement une rémunération à ce titre qu'il aurait omis de reverser à son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil.
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 octobre 2022 Cassation partielle M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1107 F-B Pourvoi n° R 21-18.705 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022 Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste du Grand [Localité 4] (CHSCT), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-18.705 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société La Poste, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste du Grand [Localité 4] (CHSCT), de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 mai 2021), dans le cadre de la mise en place par la société La Poste (la société) d'un projet intitulé « Projet d'évolution de l'organisation de [Localité 3] PDC Etablissement du Grand [Localité 4] », une réunion de présentation s'est tenue le 7 mai 2019 avec pour ordre du jour « Le projet [Localité 3] », réunion au cours de laquelle les représentants du personnel ont dénoncé des dysfonctionnements du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du Grand [Localité 4], souhaitant voter une résolution pour ajouter le point suivant à l'ordre du jour « Fonctionnement du CHSCT » afin de voir « traiter des désaccords récurrents entre eux et le président sur le fonctionnement de leur instance ». Une nouvelle réunion s'est tenue le 16 mai suivant, à laquelle seul M. [C] s'est présenté, à l'exception des autres membres du CHSCT. Celui-ci a voté, seul, le recours à une expertise, confiée au cabinet Cateis. 2. Au motif que la direction n'entend pas collaborer à l'expertise et qu'elle ne produit pas les documents qui lui sont demandés tant par le cabinet Cateis que par le CHSCT, ce dernier a, par actes des 27 juin et 1er juillet 2019, fait assigner la société et le cabinet chargé de l'expertise devant le juge des référés du tribunal de grande instance, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile, aux fins de juger que la société s'est rendue responsable d'un trouble manifestement illicite, de la condamner à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour le non respect des prérogatives du CHSCT, qu'il lui soit ordonné de communiquer tant à l'expert qu'aux membres du CHSCT divers documents sous astreinte et de suspendre la réalisation du projet, tant que le processus de consultation du CHSCT et du comité technique (CT) n'aura pas été achevé. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 3. Le CHSCT fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'assignation délivrée par lui le 27 juin 2019, alors « que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l'organisation de ses travaux ; que les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents ; que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], la cour d'appel a considéré que la délibération du 16 mai 2019, votée par le seul représentant de la délégation du personnel présent à la réunion, donnant mandat à M. [C] de représenter en justice le CHSCT pour garantir l'exécution de la délibération concomitante ayant décidé de recourir à une expertise pour projet important, était irrégulière, faute pour le président du CHSCT d'avoir participé au vote, s'agissant d'une décision portant sur les modalités de fonctionnement du comité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que la délibération du CHSCT relative à la représentation en justice du CHSCT pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 4614-2 du code du travail, alors applicable. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 4614-2 du code du travail applicable en la cause, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 : 4. Selon les deuxième et troisième alinéas de ce texte, si les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents, le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel. 5. Il en résulte que la décision par laquelle le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui, dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité, a décidé du recours à une expertise, mandate un de ses membres pour agir et le représenter en justice pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert constitue une délibération sur laquelle les membres élus du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité. 6. Pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 27 juin 2019, l'arrêt retient que la question de la désignation d'un représentant du CHSCT pour agir en justice, distincte de la question du vote d'une délibération relative au recours à une expertise, constitue une mesure relevant des modalités de fonctionnement du comité qui doit être prise à l'issue d'une délibération collective à laquelle doit prendre part son président. 7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du Grand [Localité 4] et en ce qu'il condamne le CHSCT aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne la société La Poste aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Poste ; En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Poste à payer à la société Meier-Bourdeau Lécuyer la somme de 3 600 euros TTC ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste du Grand [Localité 4], Le CHSCT du Grand [Localité 4] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], alors : 1°) que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l'organisation de ses travaux ; que les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents ; que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], la cour d'appel a considéré que la délibération du 16 mai 2019, votée par le seul représentant de la délégation du personnel présent à la réunion, donnant mandat à M. [C] de représenter en justice le CHSCT pour garantir l'exécution de la délibération concomitante ayant décidé de recourir à une expertise pour projet important, était irrégulière, faute pour le président du CHSCT d'avoir participé au vote, s'agissant d'une décision portant sur les modalités de fonctionnement du comité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que la décision prise par le CHSCT pour organiser sa représentation ne peut être regardée comme une simple mesure d'administration interne, à laquelle peut prendre part le président, que lorsqu'elle est prévue par le règlement intérieur du comité, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-2 du code du travail, alors applicable ; 2°) que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l'organisation de ses travaux ; que les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents ; que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du Grand [Localité 4], la cour d'appel a considéré que la délibération du 16 mai 2019, votée par le seul représentant de la délégation du personnel présent à la réunion, donnant mandat à M. [C] de représenter en justice le CHSCT pour garantir l'exécution de la délibération concomitante ayant décidé de recourir à une expertise pour projet important, était irrégulière, faute pour le président du CHSCT d'avoir participé au vote, s'agissant d'une décision portant sur les modalités de fonctionnement du comité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que la délibération du CHSCT relative à la représentation en justice du CHSCT pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres - 6 – élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 4614-2 du code du travail, alors applicable ; Sur un autre cas de délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à laquelle l'employeur, président du comité, ne peut prendre part, à rapprocher : Soc., 26 juin 2013, pourvoi n° 12-14.788, Bull. 2013, V, n° 171 (rejet), et les arrêts cités.