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"Transcript": "M. COTTA : Nous passons à la politique étrangère. Monsieur GISCARD D'ESTAING, vous avez un léger retard. Je voudrais commencer en parlant de l'Europe. J. BOISSONNAT : Peut-être faut-il, Michèle, faire l'articulation avec la politique énergétique, puisque c'est autant de la politique économique que de la politique internationale. Or, c'est un point tout à fait capital. Monsieur GISCARD D'ESTAING, souhaitez-vous interroger monsieur MITTERRAND qui, je pense, souhaite s'expliquer sur ce terrain ? Valéry GISCARD D'ESTAING : J'ai demandé à monsieur MITTERRAND pourquoi veut-il interrompre le programme électro-nucléaire français exactement là où je l'ai conduit, alors que je considère que la poursuite de ce programme électro-nucléaire est indispensable pour assurer l'indépendance énergétique de la France et pour nous libérer de la contrainte humiliante et inquiétante des producteurs de pétrole sur la France, au point de vue de nos approvisionnements et de nos prix ? François Mitterand : Mais je veux autant que vous assurer l'indépendance énergétique de la France. C'est une démarche nationale. Il n'y a pas un Français qui, conscient et responsable, ne le veuille, c'est évident. Simplement, je ne prends pas le même itinéraire que vous. Vous misez sur ce que l'on appelle le \"tout nucléaire\", et vous mettez tous les oeufs dans le même panier. Pas moi. Moi, je pense qu'il est possible de diversifier davantage les ressources énergétiques. Je pense qu'il est possible de \"réveiller\" plus que vous ne le faites le charbon, notamment avec les techniques modernes de la carbo-chimie. Je pense que l'on peut plus que vous ne le faites contribuer au développement des énergies renouvelables non polluantes. Je pense que l'on peut faire plus que vous ne le faites des économies d'énergie dont la Commission Energie du VIIIème Plan disait que c'était l'axe principal de l'indépendance énergétique de la France, ce qui peut me permettre, et je le pense très sérieusement, d'aboutir absolument au même chiffre, c'est-à-dire aux mêmes millions de tonnes équivalent pétrole , sans précipiter notre marche en avant vers le tout-nucléaire. Je demande donc à parachever les centrales nucléaires en construction et avant d'entreprendre un plan, je veux savoir exactement de quoi il retourne. Il est quand même normal que je fasse votre bilan, surtout lorsque je sais, et vous le savez sans doute comme moi, que les technologies du nucléaire sont très changeantes. Vous savez très bien que l'on commence à débattre simplement à distance d'une génération du problème de la fusion des atomes d'hydrogène et que l'on ne s'en tiendra plus d'ici peu de temps au problème de la fission de l'uranium, isotope 235, c'est-à-dire que nous sommes dans une charnière au-cours de laquelle il convient de ne pas exposer la France à une extension indéfinie d'un type de technologie nucléaire qui peut être dommageable, étant bien entendu que, comme il faut assurer le présent et l'immédiat avenir, faire tourner nos usines, assurer le chauffage et le reste, j'entends mener activement de front les quatre types d'énergies : nucléaire, économie d'énergie, renouvelable et ancienne énergie, qui doivent me permettre de diversifier d'une façon plus heureuse ce que vous avez, vous, simplifié. M. COTTA : Référendum sur le nucléaire ou pas, monsieur MITTERRAND ? François Mitterand : C'est une proposition, en effet, que j'ai faite ; seulement, elle se heurte à une grande difficulté, c'est la réforme de la Constitution. Comme tous ces référendums à la Suisse dont vous avez parlé, sur lesquels vous avez bien voulu vous ranger à mon avis, il est certain que ce type de référendum serait très heureux, mais comme la Constitution s'y oppose, avant qu'on ne soit parvenu à modifier la Constitution, nous aurions tellement de choses à faire après le 25 mai que je ne veux pas me consacrer à des travaux de juriste. Je veux entrer dans l'action, m'attacher au chômage et au reste. J. BOISSONNAT : Une dernière question de ma part sur le plan précis du nucléaire et des décisions juridiques : est-ce que vous donneriez à une commune le droit de veto contre l'installation d'une centrale nucléaire sur son territoire ? François Mitterand : Le droit de veto, non. La consultation, oui. Valéry GISCARD D'ESTAING : La consultation existe déjà ; pas besoin de la lui donner. Je note sur le programme nucléaire, monsieur MITTERRAND, que chaque fois que vous avez une décision à prendre, la décision que vous proposez, c'est simplement de vous contenter d'arrêter ce qu'ont décidé les autres. Vous l'aviez déjà proposé, ce n'est pas nouveau, vous l'aviez proposé en 1977, vous aviez proposé en 1977, vous le reconnaissez, un moratoire sur le nucléaire, tous les Français s'en souviennent. Le programme qui aura été fait de 1977 à 1981 aura été fait sans vous, vous n'avez pas soutenu ou facilité. Alors, maintenant, vous dites : \"j'empoche votre nucléaire\", si je comprends bien, \"et je ne décide rien moi-même\", et vous présentez. C'est ce que vous dites. Vous dites : \"Je continuerai ce que vous avez décidé et je ne décide rien\", simplement vous appuyez sur des évaluations sur ce qu'on pourrait faire d'autre. Vous avez parlé de la fusion des atomes d'hydrogène, vous savez très bien que ce n'est pas avant l'an 2020 que cela peut devenir industriel ; nous sommes en 1981, nous n'allons pas attendre l'an 2020 pour assurer notre indépendance énergétique. Moi, j'ai fixé un objectif pour 1990 ; cet objectif, c'est que nous ayons aux alentours de la moitié de notre indépendance énergétique. Toutes les économies d'énergie, nous les faisons, toutes les recherches nouvelles sur la biomasse, l'énergie solaire, nous les faisons. J'ai créé le Commissariat à l'énergie solaire, l'utilisation du charbon, M. GIRAUD qui est compétent en la matière a élaboré un plan d'utilisation, l'inventaire maxima de nos ressources charbonnières, je l'ai redit l'autre jour dans le Pas-de-Calais, donc nous savons très bien ce que nous pouvons faire à-partir de nos ressources non nucléaires, si nous ne faisons rien de plus dans le domaine nucléaire nous n'atteindrons pas notre objectif de moitié d'indépendance énergétique dans les années 90 ; au fond, pendant votre septennat, vous verrez arriver les centrales que j'aurai décidées et puis, ensuite, il y aura un trou dans l'approvisionnement de la France, parce qu'on n'aura pas pris les décisions suivantes. La difficulté n'est pas d'achever les travaux ; la difficulté, c'est de décider la construction de centrales nucléaires. Je dis aux téléspectateurs, parce qu'il faut qu'ils voient l'enjeu : quand on est Président de la République, il ne faut pas dire \"je verrai plus tard, etc.\", on prend des décisions ; j'ai pris la décision, avec le Gouvernement, bien entendu, d'approvisionner la France en uranium de telle manière que, quoi qu'il arrive dans le monde à-partir d'aujourd'hui, nous avons notre production d'électricité nucléaire assurée pour les cinq ans suivants. Il peut y avoir une guerre, il peut y avoir une crise au Proche-Orient, nous avons pendant cinq ans l'électricité assurée pour les Français. L'électricité, cela veut dire l'électricité domestique, mais aussi l'artisanat, l'agriculture, et de plus en plus l'industrie. Si nous continuons notre programme électronucléaire, nous aurons l'électricité nationale la moins chère d'Europe et nous aurons un avantage de-l'ordre de 30 à 50 %, suivant les types de courant, vis-à-vis de l'Allemagne fédérale, cela vaut la peine si on veut s'occuper du développement de l'emploi et de l'activité économique en France, d'avoir le courant électrique le moins cher d'Europe ; je considère donc que c'est un intérêt national que de poursuivre ce programme et d'ailleurs, je note que si on arrête, du point de vue de l'emploi, du point de vue du développement de l'activité industrielle, c'est une décision négative, ce n'est pas une décision positive. M. COTTA : Arrivons-en, si vous le voulez bien, au problème de l'Europe. François Mitterand : Je veux dire simplement, si vous le permettez, madame, que je n'arrête absolument pas de la façon que vient de dire monsieur Valéry GISCARD D'ESTAING l'indépendance énergétique de la France ; j'ai là mon projet et mon projet aboutit en 1990 à ce que 230 millions de TEP puissent être mises à notre disposition, de telle sorte que notre indépendance sera en chemin, et la différence avec le projet de monsieur GISCARD D'ESTAING est extrêmement mince, j'entends simplement diversifier, je ne récuse pas le nucléaire, j'entends le maîtriser. C'est tout ce que je veux dire et je voudrais simplement signaler que les économies d'énergie peuvent représenter un moyen formidable qui n'a pas été suffisamment utilisé pendant le septennat de monsieur GISCARD D'ESTAING et qui doit me permettre d'aboutir autant que monsieur GISCARD D'ESTAING à l'indépendance énergétique de la France. J. BOISSONNAT : Pour favoriser les économies d'énergie, monsieur MITTERRAND, êtes-vous favorable à la répercussion intégrale de la hausse du dollar sur le prix de l'essence ? François Mitterand : La répercussion du dollar sur le prix de l'essence a naturellement une incidence dans notre conversation, mais les économies d'énergie que j'entends aujourd'hui mener à bien, elles le seront par des incitations à l'intérieur même de l'économie française, dans-le-cadre de notre politique, sans avoir affaire avec les cours internationaux. Ce sont des techniques tout à fait connues qui sont tout à fait à la mesure de multiples petites et moyennes entreprises que de parvenir sur-le-plan du logement, sur-le-plan du transport et sur-le-plan industriel, par le développement des composants électroniques, à une très puissante économie d'énergie qui répond à la question posée. C'est tout ce que je veux dire, parce que le temps passe, et que nous avons encore beaucoup de choses à dire. M. COTTA : Vous avez été largement, l'un et l'autre, favorables à l'élection de l'Assemblée européenne au suffrage universel ; aujourd'hui, sans doute, les résultats n'ont pas atteint vos espérances à tous les deux. Alors, concrètement, êtes-vous tous les deux pour l'entrée du Portugal et de l'Espagne dans le Marché commun ? Etes-vous, tous les deux, pour le maintien de l'Angleterre dans le Marché commun ? Valéry GISCARD D'ESTAING : Je réponds très simplement. Je suis pour le maintien de l'Angleterre dans le Marché commun selon les dispositions existantes du Traité de Rome. Je me suis battu depuis un an pour qu'il n'y ait pas de modifications de ces dispositions, ni en ce qui concerne la pêche, ni en ce qui concerne l'agriculture. Je n'accepterai pas des modifications de ces dispositions si elles devaient être demandées comme la condition du maintien de la Grande-Bretagne dans le Marché commun. En ce qui concerne l'Espagne et le Portugal, j'ai indiqué qu'il fallait une négociation attentive car leur situation économique, la situation de certaines de leurs productions est très différente de la nôtre et notamment des productions agricoles méditerranéennes. Il y a une négociation en-cours, cette négociation doit être conduite avec toute la minutie désirable et elle doit comporter, en-particulier, une longue période de transition. A l'heure actuelle, les Espagnols paraissent demander eux-mêmes une durée de dix ans, et en même temps, des garanties concernant l'organisation des marchés des productions méditerranéennes. M. COTTA : Est-ce que vous n'espériez pas au début que cela irait plus vite ? Valéry GISCARD D'ESTAING : Pas du tout. J'ai toujours distingué deux choses, la position politique de la France, je disais que la France qui est l'amie et la voisine des pays latins ne va pas prendre une position négative alors que tous les autres pays d'Europe sont favorables, mais j'ai indiqué dès le départ,je vous renvoie au discours de Carpentras à cet égard,qu'il fallait une négociation très attentive, une longue période de transition et des garanties pour nos productions méditerranéennes, je n'ai pas changé d'avis. J. BOISSONNAT : Vous dites que le maintien de la Grande-Bretagne dans le Marché commun dépend de telles ou telles conditions, mais avez-vous le moindre moyen de faire sortir l'Angleterre du Marché commun, si les Anglais ne veulent pas en sortir ? Valéry GISCARD D'ESTAING : Là, il faudrait plus de temps, malheureusement. Là, j'ai dit simplement, vous avez mal interprété ma pensée, que j'étais favorable à ce que la Grande-Bretagne reste dans le Marché commun, à condition bien entendu qu'elle accepte les règles qui régissent le Marché commun, c'est-à-dire les règles du Traité de Rome. Or, la Grande-Bretagne ne peut pas modifier les règles du Traité de Rome. Si donc elle estimait que ces règles ne lui convenaient pas, c'est elle qui devrait en tirer les conséquences, ce n'est pas nous. Je dis simplement que nous ne modifierons pas les règles du Traité de Rome pour faciliter ou maintenir l'adhésion de tel ou tel pays particulier. J. BOISSONNAT : Vous ne craignez pas que la politique agricole commune européenne où se décide le sort des paysans français aujourd'hui, car tout cela ne dépend plus seulement de Paris, ne soit bloquée par le système tel qu'il existe ? Valéry GISCARD D'ESTAING : Premièrement, nous avons obtenu une décision sur les prix que nous avons obtenue au prix d'un débat difficile et où je me suis engagé personnellement, et j'indique à notre agriculture. J. BOISSONNAT : C'était peut-être pour vous faire plaisir, monsieur GISCARD D'ESTAING ... M. COTTA : Et parce que c'était la campagne. Valéry GISCARD D'ESTAING : C'était pour tenir compte de l'importance que nous attachions à l'agriculture française ou européenne ; faire plaisir n'a pas de sens. J'indique que l'effort pour 1980, c'est de modérer les coûts de production, de façon que l'évolution des coûts de production soit inférieure à ce qui a été décidé pour les prix. Vous savez que pour les prix, on a obtenu 12,2 % ; vous savez que le rythme actuel de hausse des prix en France a diminué d'environ 1 point depuis le début de l'année. Il est encore à l'heure actuelle trop fort, il est de-l'ordre de 12,5 % environ. Si nous poursuivons notre effort, à la fin de l'année nous devrons être normalement, d'après les évaluations, à un rythme qui sera inférieur à l'augmentation des prix agricoles et des dispositions seront prises pour que l'augmentation des coûts de production en agriculture ne soit pas supérieure à la hausse des prix que nous avons obtenue à Bruxelles. Quant au reste, sur le Marché commun agricole je vous répète qu'il y a des règles ; ce sont ceux qui demandent des modifications de ces règles qui sont en position de faiblesse, alors qu'on veut toujours faire croire aux Français que ce sont ceux qui, comme nous, souhaitent le maintien des règles, qui sont en péril. Nous nous battrons pour le maintien des règles existantes du Marché commun agricole. M. COTTA : Monsieur MITTERRAND, sur l'Europe ? François Mitterand : Eh bien, je suis favorable au maintien des 10 pays qui se trouvent actuellement dans l'Europe du Marché commun, même si certains de ces pays ne se comportent pas comme je le souhaiterais. Je voudrais simplement que notre diplomatie, surtout face à la Grande-Bretagne, soit plus vigilante. Elle ne l'a pas été dans l'affaire du mouton ; elle ne l'a pas été dans l'affaire des pêcheurs ; elle ne l'a été qu'insuffisamment dans l'affaire des prix agricoles. Deuxièmement, pour l'Espagne et le Portugal, j'ai fait valoir avant 1979, c'est-à-dire avant les élections européennes, ce que je pensais de ce problème. J'ai posé divers préalables,économiques, agricoles, industriels, caractère régional, caractère de la pêche en Méditerranée,à l'entrée de l'Espagne notamment. A l'époque, quelqu'un m'a contredit avec une certaine véhémence, c'était M. GISCARD D'ESTAING, qui estimait que c'était absurde, que c'était avoir le regard tourné vers le passé que de refuser l'entrée immédiate. Valéry GISCARD D'ESTAING : Je n'ai jamais dit \"immédiate\". François Mitterand : de l'Espagne et du Portugal dans le Marché commun. Je suis heureux de voir que le bon sens l'a emporté et que, finalement, le Président de la République, M. GISCARD D'ESTAING, a rejoint mon point de vue dans cette affaire. L'Europe, c'est une affaire de volonté. C'est aussi une affaire d'intérêts, sans doute. Encore faut-il vouloir faire de l'Europe une force politique, économique, sociale, culturelle qui soit en-mesure de restituer à chacun des pays qui la composent le rang que la France tient encore mais dont elle a bien besoin face aux super-puissances, disposant d'alliés sûrs qui représentent une force commune dans le monde. C'est vrai, déjà, au-plan commercial ; cela devrait être vrai dans d'autres domaines, sinon, l'Europe se dissociera inévitablement. J. BOISSONAT : Monsieur MITTERRAND, pour gérer l'Europe il faut de l'argent dans la caisse. Or, il semble que le budget de la Communauté atteigne la limite des prélèvements autorisés aujourd'hui sur les ressources de la Communauté. Etes-vous favorable à l'accroissement des ressources propres de la Communauté, c'est-à-dire à lever un impôt supplémentaire qui lui soit destiné ? François Mitterand : C'est une très grande difficulté. Si elle est mal gérée, je n'y suis pour rien. Ce qui est vrai, c'est qu'il faut que la Communauté reste dans la mesure par-rapport aux parlements nationaux. Il ne faut pas qu'elle déborde par-rapport aux gouvernements nationaux, par-rapport aux pays qui la composent. Il ne faut pas qu'elle déborde de cela ; pourtant, je lui reconnais un très grand rôle, notamment dans le domaine des relations entre l'Europe et le tiers monde. Quand on pense que la Communauté exporte 40 % de ses marchandises vers le tiers monde, je crois qu'on manque là une très grande occasion de développer nos industries, de rallumer notre croissance par une politique audacieuse, intelligente et généreuse à l'égard du tiers monde. Valéry GISCARD D'ESTAING : Vous me direz simplement ce que vous me reprochez en-matière de pêche et vous m'expliquerez pourquoi le groupe socialiste, à l'Assemblée parlementaire européenne a voté pour une augmentation des prix agricoles de 7 %, alors que nous avons obtenu 12,2 % lors de la discussion de Bruxelles ? François Mitterand : On prend cette discussion ? M. COTTA : Sur ce point précis, et puis nous passerons à autre chose. François Mitterand : Sur la pêche, vous avez échoué, par manque, je crois, de ténacité dans l'affaire de Maastricht. Je sais bien que vous comptez un peu sur le délai de 1982, c'est-à-dire arriver à enfermer la Grande-Bretagne dans un délai de dispositions transitoires qui fera qu'elle sera forclose, si j'ose dire, au moment où elle voudra continuer de fermer les bancs de pêche aux pêcheurs venus de chez nous. Je pense que là, vous avez manqué de fermeté. Cela vous arrive assez souvent. Valéry GISCARD D'ESTAING : Monsieur MITTERRAND, je vous arrête tout de suite, expliquez vous. François Mitterand : Je me suis expliqué. Valéry GISCARD D'ESTAING : Ce sont des propos désobligeants. Quand je vous demande le taux du Deutsche mark, vous estimez que c'est une offense, mais vous dites que j'ai manqué de fermeté pour défendre les intérêts de la France, et ceci fait partie de la conversation. A Maastricht, c'était la Grande-Bretagne qui était demanderesse, ce n'était pas nous ; donc, s'il y a eu échec, c'est celui de la Grande-Bretagne. La position de la France dans l'affaire de la pêche est tout à fait simple : nous demandons qu'on s'en tienne aux accords existants. Le pays qui demande une modification de ces accords est la Grande-Bretagne. Tant qu'il n'y a pas d'accord, la position qui est maintenue est la position qui défend les intérêts des pêcheurs français, et d'ailleurs, à l'heure actuelle, aucune de nos zones de pêche n'est effectivement troublée. Donc, je n'admets pas qu'on présente un échec de la Grande-Bretagne en ce qui concerne les demandes nouvelles relatives aux droits de pêche, comme un échec de la France ! M. COTTA : Nous passons peut-être. François Mitterand : En attendant, nos pêcheurs savent très bien à quoi s'en tenir, et c'est eux qui concluront cette conversation ! J. BOISSONNAT : Deux mots sur la question posée relative au fait que le groupe socialiste au Parlement européen,si j'ai bien compris, cela ne concerne pas le seul parti socialiste français, avait voté une demande de hausse de 7,5 % des prix agricoles ... François Mitterand : J'ai pris une position qui m'engage en demandant une augmentation de 15 %. Le Gouvernement n'a obtenu que 12,5 %, c'est mieux que rien, mais ce n'est pas suffisant. C'est tout ce que j'ai à dire là-dessus. M. COTTA : On arrête avec la pêche..", |
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"Extractive_1": "P1 : Je voudrais commencer en parlant de l'Europe. P2 : Peut-être faut-il, Michèle, faire l'articulation avec la politique énergétique, puisque c'est autant de la politique économique que de la politique internationale. VGE : J'ai demandé à monsieur MITTERRAND pourquoi veut-il interrompre le programme électro-nucléaire français exactement là où je l'ai conduit, alors que je considère que la poursuite de ce programme électro-nucléaire est indispensable pour assurer l'indépendance énergétique de la France et pour nous libérer de la contrainte humiliante et inquiétante des producteurs de pétrole sur la France, au point de vue de nos approvisionnements et de nos prix ? FM : Moi, je pense qu'il est possible de diversifier davantage les ressources énergétiques. FM : Je pense que l'on peut plus que vous ne le faites contribuer au développement des énergies renouvelables non polluantes. FM : Je pense que l'on peut faire plus que vous ne le faites des économies d'énergie dont la Commission Energie du VIIIème Plan disait que c'était l'axe principal de l'indépendance énergétique de la France, ce qui peut me permettre, et je le pense très sérieusement, d'aboutir absolument au même chiffre, c'est-à-dire aux mêmes millions de tonnes équivalent pétrole , sans précipiter notre marche en avant vers le tout-nucléaire. FM : Vous savez très bien que l'on commence à débattre simplement à distance d'une génération du problème de la fusion des atomes d'hydrogène et que l'on ne s'en tiendra plus d'ici peu de temps au problème de la fission de l'uranium, isotope 235, c'est-à-dire que nous sommes dans une charnière au-cours de laquelle il convient de ne pas exposer la France à une extension indéfinie d'un type de technologie nucléaire qui peut être dommageable, étant bien entendu que, comme il faut assurer le présent et l'immédiat avenir, faire tourner nos usines, assurer le chauffage et le reste, j'entends mener activement de front les quatre types d'énergies : nucléaire, économie d'énergie, renouvelable et ancienne énergie, qui doivent me permettre de diversifier d'une façon plus heureuse ce que vous avez, vous, simplifié. P1 : Référendum sur le nucléaire ou pas, monsieur MITTERRAND ? FM : C'est une proposition, en effet, que j'ai faite ; seulement, elle se heurte à une grande difficulté, c'est la réforme de la Constitution. P2 : Une dernière question de ma part sur le plan précis du nucléaire et des décisions juridiques : est-ce que vous donneriez à une commune le droit de veto contre l'installation d'une centrale nucléaire sur son territoire ? FM : Le droit de veto, non. VGE : Vous l'aviez déjà proposé, ce n'est pas nouveau, vous l'aviez proposé en 1977, vous aviez proposé en 1977, vous le reconnaissez, un moratoire sur le nucléaire, tous les Français s'en souviennent. VGE : Moi, j'ai fixé un objectif pour 1990 ; cet objectif, c'est que nous ayons aux alentours de la moitié de notre indépendance énergétique. VGE : Toutes les économies d'énergie, nous les faisons, toutes les recherches nouvelles sur la biomasse, l'énergie solaire, nous les faisons. VGE : Il peut y avoir une guerre, il peut y avoir une crise au Proche-Orient, nous avons pendant cinq ans l'électricité assurée pour les Français. VGE : Si nous continuons notre programme électronucléaire, nous aurons l'électricité nationale la moins chère d'Europe et nous aurons un avantage de-l'ordre de 30 à 50 %, suivant les types de courant, vis-à-vis de l'Allemagne fédérale, cela vaut la peine si on veut s'occuper du développement de l'emploi et de l'activité économique en France, d'avoir le courant électrique le moins cher d'Europe ; je considère donc que c'est un intérêt national que de poursuivre ce programme et d'ailleurs, je note que si on arrête, du point de vue de l'emploi, du point de vue du développement de l'activité industrielle, c'est une décision négative, ce n'est pas une décision positive. P2 : Pour favoriser les économies d'énergie, monsieur MITTERRAND, êtes-vous favorable à la répercussion intégrale de la hausse du dollar sur le prix de l'essence ? FM : La répercussion du dollar sur le prix de l'essence a naturellement une incidence dans notre conversation, mais les économies d'énergie que j'entends aujourd'hui mener à bien, elles le seront par des incitations à l'intérieur même de l'économie française, dans-le-cadre de notre politique, sans avoir affaire avec les cours internationaux. P1 : Alors, concrètement, êtes-vous tous les deux pour l'entrée du Portugal et de l'Espagne dans le Marché commun ? P1 : Etes-vous, tous les deux, pour le maintien de l'Angleterre dans le Marché commun ? VGE : Je suis pour le maintien de l'Angleterre dans le Marché commun selon les dispositions existantes du Traité de Rome. VGE : En ce qui concerne l'Espagne et le Portugal, j'ai indiqué qu'il fallait une négociation attentive car leur situation économique, la situation de certaines de leurs productions est très différente de la nôtre et notamment des productions agricoles méditerranéennes. FM : Eh bien, je suis favorable au maintien des 10 pays qui se trouvent actuellement dans l'Europe du Marché commun, même si certains de ces pays ne se comportent pas comme je le souhaiterais. FM : Deuxièmement, pour l'Espagne et le Portugal, j'ai fait valoir avant 1979, c'est-à-dire avant les élections européennes, ce que je pensais de ce problème. FM : J'ai posé divers préalables,économiques, agricoles, industriels, caractère régional, caractère de la pêche en Méditerranée,à l'entrée de l'Espagne notamment. FM : Encore faut-il vouloir faire de l'Europe une force politique, économique, sociale, culturelle qui soit en-mesure de restituer à chacun des pays qui la composent le rang que la France tient encore mais dont elle a bien besoin face aux super-puissances, disposant d'alliés sûrs qui représentent une force commune dans le monde. VGE : Vous me direz simplement ce que vous me reprochez en-matière de pêche et vous m'expliquerez pourquoi le groupe socialiste, à l'Assemblée parlementaire européenne a voté pour une augmentation des prix agricoles de 7 %, alors que nous avons obtenu 12,2 % lors de la discussion de Bruxelles ? FM : Sur la pêche, vous avez échoué, par manque, je crois, de ténacité dans l'affaire de Maastricht. VGE : La position de la France dans l'affaire de la pêche est tout à fait simple : nous demandons qu'on s'en tienne aux accords existants.", |