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societe
Vidéo des lycéens à Mantes-la-Jolie : « On peut l’interpréter comme un acte de vengeance »
André Gunthert, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, est l’auteur de L’Image partagée (éd. Textuel, 2015) et publie des articles liés à ses recherches sur le blog L’Image sociale. Pour lui, la vidéo de lycéens alignés à genoux, les mains sur la tête, tournée par un policier à Mantes-la-Jolie, et sa réappropriation par les manifestants, lycéens ou « gilets jaunes », sont symptomatiques de la guerre de communication à l’œuvre dans ce mouvement social d’un nouveau genre. Pourquoi la vidéo tournée et diffusée des lycéens à Mantes-la-Jolie suscite-t-elle autant de réactions ? Je ne veux pas faire ma propre analyse de ces images, car elle est subjective. Mais les commentaires sur les réseaux sociaux montrent que cette position agenouillée a rappelé aux gens aussi bien l’attitude des prisonniers pendant la guerre que les exécutions de Daech… C’est une image qui réveille tout un tas d’associations. Ce qui est remarquable, c’est l’ampleur de la réaction que la vidéo a suscitée : cela fait très longtemps que je n’ai pas vu une image générer autant d’émotion, et aussi rapidement. La majorité des gens sont choqués, même s’il y a une minorité qui pense que c’est une bonne chose de mater ainsi la jeunesse. Des deux côtés, la réponse a été extraordinaire, d’une intensité très inhabituelle. Cette vidéo s’inscrit dans la guerre de communication qui se joue depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » par le biais de séquences vidéo. On a eu beaucoup de vidéos de violences policières récemment, là, c’est une réponse qui vient de l’autre côté. Et ce qui est sans précédent, c’est la diffusion volontaire d’une image qui a une fonction d’humiliation publique et d’intimidation. Des situations comme celles-ci ont été décrites et dénoncées, comme, par exemple, celle montrant Alexandre Benalla. Mais là, la vidéo vient de l’autre côté, des policiers et non des manifestants. Et l’ampleur de la réaction montre combien cette guerre de communication est efficace. Lire aussi Ce que la police peut et ne peut pas faire pendant une manifestation Sauf que les réactions sont quand même largement négatives et que la vidéo s’est retournée contre son émetteur… C’est une vidéo où il n’y a pas de violence physique. On peut penser que quelqu’un de la droite dure soit satisfait de ce qui peut apparaître comme une manifestation de maîtrise. Sans doute que l’émetteur n’a pas mesuré l’ampleur des réactions… et il faut souligner que la vidéo a été diffusée sans floutage des mineurs, ce qui pose un problème légal et peut donner lieu à des poursuites judiciaires.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/video-des-lyceens-a-mantes-la-jolie-on-peut-l-interpreter-comme-un-acte-de-vengeance_5394312_3224.html
07/12/2018
André Gunthert, historien des cultures visuelles, analyse les réactions après la diffusion de la vidéo tournée par un policier à Mantes-la-Jolie.
idees
David Graeber : « Les “gilets jaunes” montrent combien le sol bouge sous nos pieds »
Tribune. Si l’une des caractéristiques de tout moment véritablement révolutionnaire est l’échec total des catégories conventionnelles à décrire ce qui est en train de se passer, alors nous sommes en train de vivre des temps révolutionnaires. La confusion profonde, l’incrédulité même, qu’affichent les commentateurs en France et à l’étranger face à chaque nouvel « acte » des « gilets jaunes », qui s’approche à grands pas de son apogée insurrectionnel, résulte d’une incapacité quasi complète à prendre en considération les changements du pouvoir, des travailleurs et des mouvements qui se sont élevés contre le pouvoir au cours des cinquante dernières années et en particulier depuis 2008. Les intellectuels, pour la plupart, saisissent très mal ces changements. Permettez-moi d’émettre deux suggestions quant à l’origine de cette confusion : 1. Dans une économie financiarisée, seuls ceux qui sont proches des moyens de création monétaire (essentiellement, les investisseurs et les classes managériales) sont en position d’employer le langage de l’universalisme. En conséquence, toute demande politique fondée sur des besoins et des intérêts particuliers tend à être traitée comme la manifestation d’une politique identitaire ; les demandes des « gilets jaunes », au vu de leur base sociale, ne peuvent être autrement imaginées que comme protofascistes. 2. Depuis 2011, la façon dont le sens commun conçoit la participation d’un individu à un mouvement démocratique de masse s’est transformée à l’échelle mondiale – du moins chez ceux qui sont le plus susceptibles d’y participer. Les vieux modèles d’organisation « verticaux », avec une avant-garde, ont laissé place à une horizontalité où la pratique et l’idéologie constituent simplement les deux faces d’un même objet. L’incapacité à le saisir donne l’impression erronée que des mouvements comme celui des « gilets jaunes » sont anti-idéologiques, voire nihilistes. Permettez-moi à présent d’étayer mes propos. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Aux yeux des campagnes, Macron ne les connaît pas. Pis, il les méprise » Instincts profondément antidémocratiques Depuis que les Etats-Unis ont renoncé à l’étalon or, en 1971, la nature du capitalisme a profondément changé. Aujourd’hui, la plupart des profits des entreprises ne dérivent plus de la production ni même de la commercialisation de quoi que ce soit, mais de la manipulation du crédit, de la dette et des « rentes réglementées ». Alors que les appareils bureaucratiques gouvernementaux et financiers sont de plus en plus intimement enchevêtrés, au point qu’il devient très difficile de les distinguer l’un de l’autre, la richesse et le pouvoir – notamment le pouvoir de créer de l’argent (autrement dit le crédit) – deviennent de fait la même chose. (C’est sur ce point que nous attirions l’attention lors du mouvement Occupy Wall Street, lorsque nous parlions du « 1 % » – de ceux qui ont la capacité de transformer leur richesse en influence politique et, inversement, de retransformer leur influence politique en richesse.)
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/les-gilets-jaunes-montrent-a-quel-point-le-sol-bouge-sous-nos-pieds_5394302_3232.html
07/12/2018
Le mouvement s’inscrit dans un grand renouvellement des pratiques contestataires, analyse l’anthropologue et penseur du capitalisme dans une tribune au « Monde ».
politique
Les maires en première ligne de la colère des « gilets jaunes »
La ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, devait recevoir, vendredi 7 décembre, les représentants de l’ensemble des associations d’élus. Une manière de rattraper l’annulation de la rencontre prévue mardi 4 entre ces mêmes associations et Emmanuel Macron. Une façon, aussi, de reconnaître le rôle que les élus locaux peuvent jouer, dans ces moments de crise sociale et de tensions exacerbées, pour retrouver les voies d’un dialogue apaisé. Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », les maires sont souvent en première ligne : pour tenter d’éviter les débordements, pour assurer la sécurité des personnes, pour préserver autant que faire se peut l’activité économique locale. « Le 17 novembre, il y avait eu une opération “ville morte” organisée par les “gilets jaunes”, rapporte Patrick Genre, le maire (divers) de Pontarlier (Doubs). Je suis allé à plusieurs reprises les rencontrer, j’ai reçu une délégation à la mairie. Les samedis suivants, il y a eu des barrages filtrants. Ce samedi, ils envisagent à nouveau de tout bloquer. Je vais les rencontrer de nouveau pour essayer de trouver un arrangement. Je crains que ça ne donne lieu à des débordements et il y a un vrai risque pour l’économie locale. C’est extrêmement sensible. Si les commerçants ont encore un week-end mort, certains tireront le rideau. » Les dialogues sont parfois tendus. « On arrive à échanger avec certains ; avec d’autres, c’est plus compliqué, reconnaît Denis Thuriot, maire (LRM) de Nevers. Mais il y a quand même une écoute, les ponts ne sont pas rompus. Le maire reste encore l’élu local de proximité. Le contact, pour l’instant, est encore maintenu, sinon il y aurait un risque réel. » Lui-même, cependant, reconnaît avoir été pris à partie « par une minorité ». « Pour moi, ce qui compte, c’est le contact, le dialogue sans limites, même si ce n’est pas toujours audible, soutient Jean-Yves de Chaisemartin, maire (UDI) de Paimpol (Côtes-d’Armor). Un maire, lui, ne peut pas se cacher derrière son petit doigt. Nous sommes en prise avec la réalité. » A portée d’engueulade, comme aime à le répéter le président du Sénat, Gérard Larcher. « J’ai rencontré un certain nombre d’entre eux à la mairie, témoigne Nicolas Sansu, maire (PCF) de Vierzon (Cher). Il y a beaucoup de confusion. La plupart, ils ne connaissent que le président et le maire. Les députés de la majorité, eux, se terrent comme des pleutres. »
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/07/les-maires-en-premiere-ligne-de-la-colere-des-gilets-jaunes_5394296_823448.html
07/12/2018
Les élus évoluent au plus près de la contestation, entre gestion de la sécurité, accès aux commerces et écoute des doléances.
economie
Et pendant ce temps-là… Macron vante la « start-up nation »
Le mouvement de contestation des « gilets jaunes » menace-t-il la « start-up nation » si chère à Emmanuel Macron ? De passage à Paris cette semaine pour promouvoir les jeunes pousses tricolores auprès des investisseurs étrangers, John Chambers, l’emblématique ex-patron de Cisco et actuel ambassadeur de la French Tech à l’international, n’a pas semblé découragé par le climat social qui agite l’Hexagone depuis trois semaines. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Aux yeux des campagnes, Macron ne les connaît pas. Pis, il les méprise » Pour cette tournée promotionnelle, M. Chambers était accompagné d’une quarantaine de capital-risqueurs et investisseurs français et étrangers venus découvrir de prometteuses jeunes pousses françaises. Au programme de cette opération séduction prévue de longue date, une rencontre avec Emmanuel Macron. Le rendez-vous qui avait lieu jeudi 6 décembre a été l’occasion pour le président de rassurer les investisseurs et réaffirmer les ambitions de la France sur la scène tech. M. Macron a toutefois fait l’impasse sur le dîner, pris par les affaires du moment. La France a les qualités pour accoucher des « prochains Facebook » A commencer par ces « gilets jaunes », auprès desquels la start-up nation n’a pas bonne réputation. De fait, l’ancien patron de Cisco constate que, en France – comme aux Etats-Unis –, l’économie numérique semble pour l’instant profiter à une minorité d’individus, largement concentrés à Paris. Au-delà de ce déséquilibre régional, qui doit être corrigé – « il faut être plus inclusif » –, c’est avant tout un travail pédagogique qui doit être mené, selon lui. « Parler de start-up nation, c’est parler de la création des emplois d’aujourd’hui et de demain ; il y a une opportunité à saisir et si on ne la saisit pas, après, ce sera trop tard. » A ses yeux, la France a les qualités pour accoucher des « prochains Facebook », avec un système éducatif de qualité et un esprit d’entrepreneuriat qui se diffuse de plus en plus : « Aujourd’hui huit élèves sur dix de Polytechnique rêvent de travailler dans une start-up. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Facebook, réservoir et carburant de la révolte des « gilets jaunes » Le pire, selon lui, serait que la France, qui depuis plusieurs années se montre particulièrement volontariste pour digitaliser son économie perde de vue son objectif, sous la pression de ceux qui « réclament un nouveau gouvernement chaque année ou une révision des politiques fiscales ». « On ne peut pas réussir si on ne pense qu’à court terme », dit celui qui parierait volontiers sur Paris comme capitale de la tech européenne d’ici cinq à sept ans. Un discours probablement plus audible par Emmanuel Macron que par les « gilets jaunes ».
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/et-pendant-ce-temps-la-macron-vante-la-start-up-nation_5394285_3234.html
07/12/2018
Une quarantaine d’investisseurs français étrangers menés par John Chambers, l’ex-patron de Cisco, ont rencontré le président français, jeudi 6 décembre.
pixels
Facebook, réservoir et carburant de la révolte des « gilets jaunes »
Depuis quelques mois, Facebook privilégie les groupes. MATT ROURKE / AP « Donner au peuple le pouvoir de construire des communautés » : tel était l’objectif affiché par le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, il y a un an, quand il a présenté sa nouvelle vision pour le réseau social aux 2,2 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde, dont 38 millions en France. La plate-forme venait d’essuyer une volée de bois vert – à la suite de l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis –, pour avoir été un lieu privilégié de propagation de fausses informations et d’influence étrangère, en l’occurrence russe, durant la campagne présidentielle américaine. Pour sortir de cette ornière, Facebook s’est lancé dans une refondation, en misant davantage sur une de ses fonctionnalités : les groupes. Ce sont des espaces, publics ou privés, au sein desquels les utilisateurs peuvent, sans forcément être préalablement « amis », se connecter et discuter. Ils étaient, pour Mark Zuckerberg, une alternative aux « pages » diffusant des informations – au premier rang desquelles celles des médias – et parfois des infox, des informations fallacieuses. Début 2018, Facebook a changé les règles d’affichage des publications, privilégiant les contenus partagés par les amis, les sources d’informations locales et les groupes. Une galaxie de groupes « gilets jaunes » Un an et demi plus tard, le mouvement des « gilets jaunes » apparaît comme une illustration, d’ampleur inattendue, du choix de mettre en avant ces groupes. Car les protestataires utilisent abondamment cet outil pour se connecter, organiser leur mobilisation et débattre, dans une volonté de construire « le monde qu’ils veulent », comme le formulait Mark Zuckerberg. Le contraste avec les organisations politiques est net. Lors de la dernière campagne présidentielle, le mouvement En marche ! d’Emmanuel Macron avait investi la messagerie chiffrée Telegram et La France insoumise avait choisi de s’appuyer sur Discord, deux outils sécurisés et confidentiels, apanages de petits groupes. A l’inverse, les « gilets jaunes » se sont retrouvés sur un réseau social populaire, déjà ancien, lisible par tous, où chacun, ou presque, disposait déjà d’un compte, avant d’aller bloquer un rond-point. Ce n’est pas la première fois, en France, qu’un mouvement de masse germe sur Facebook : en 2013, par exemple, le « soutien au bijoutier de Nice » avait rassemblé des millions de personnes. Mais, organisé autour d’une page unique, il n’avait rien à voir avec la floraison récente de groupes.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/07/facebook-reservoir-et-carburant-de-la-revolte-des-gilets-jaunes_5394283_4408996.html
07/12/2018
L’usage du réseau social par les contestataires peut expliquer l’essor du mouvement et, en partie, sa radicalisation, estime dans son analyse Michaël Szadkowski, journaliste au « Monde ».
disparitions
Mort de Pete Shelley, le chanteur des Buzzcocks
Pete Shelley, le chanteur des Buzzcocks, au Marvin Festival, à Mexico, en mai 2018. Marco Ugarte / AP Cofondateur des Buzzcocks, groupe clé de la scène de Manchester et de la vague punk anglaise de la fin des années 1970, le chanteur, guitariste et auteur-compositeur Peter McNeish, plus connu sous le nom de Pete Shelley, est mort jeudi 6 décembre d’une crise cardiaque, à Tallinn (Estonie), à l’âge de 63 ans. Né le 17 avril 1955 à Leigh (Lancashire), Peter Campbell McNeish grandit dans une famille ouvrière de cette banlieue de Manchester. Etudiant en technologie, il répond en 1975 à la petite annonce passée par l’un de ses condisciples de l’université de Bolton, Howard Trafford (futur chanteur, sous le nom d’Howard Devoto) cherchant des musiciens aimant comme lui le Velvet Underground. Mais, c’est un autre groupe, les Sex Pistols, que les deux garçons vont voir en concert, à Londres, en février 1976, qui va attiser l’inspiration du quatuor qu’ils viennent de former avec Steve Diggle à la basse et John Maher à la batterie. Concert mythique au Lesser Free Trade Hall en 1976 Soufflés par l’énergie revigorante des précurseurs du punk rock britannique, les jeunes gens organisent même la venue du groupe de Johnny Rotten à Manchester, en juin 1976, au Lesser Free Trade Hall, pour un concert demeuré mythique. Dans le public, en effet, on retrouvera ce jour-là, outre les Buzzcocks, les futurs membres de formations cultes de la scène mancunienne, telles Joy Division, The Fall ou The Smiths. Réalisé par Martin Hannett (futur producteur de Joy Division) et publié, en janvier 1977, par le label New Hormones, Spiral Scratch, le premier EP quatre titres des Buzzcocks, est aussi l’un des tout premiers singles de la vague punk. Chantés par Howard Devoto, des titres comme Boredom ou Time’s Up marquent autant par leur mordant désabusé que par leur entraînante vigueur. Une voix acidulée d’une joyeuse ironie Suppléant au départ de Devoto, parti former Magazine, l’un des premiers groupes « new wave », Pete Shelley devient, fin 1977, le chanteur, guitariste et principal auteur-compositeur des Buzzcocks. Porté par une voix acidulée d’une joyeuse ironie, assez éloignée de la morgue de son prédécesseur, Shelley va révéler un don mélodique complétant à merveille la verve électrique d’un jeu de guitare galopant sur quelques accords. Autant influencés par les riffs des Américains des Ramones que par les groupes phares de la vague mod insulaire des années 1960 (The Who, The Kinks, The Small Faces…), les Buzzcocks s’éloignent de la violence « no future » pour préférer la chronique alerte des crises adolescentes.
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/12/07/mort-de-pete-shelley-le-chanteur-des-buzzcocks_5394267_3382.html
07/12/2018
L’interprète, guitariste et auteur-compositeur d’un des groupes-clé de la période punk anglaise est mort le 6 décembre, à l’âge de 63 ans.
afrique
En RDC, un colonel arrêté dans l’affaire du meurtre des experts de l’ONU
Image d’illustration. AGATHE DAHYOT / LE MONDE Un officier de l’armée congolaise accusé d’être impliqué dans le meurtre en 2017 de deux experts des Nations unies au Kasaï, en République démocratique du Congo (RDC), a été arrêté par un tribunal militaire, a-t-on appris, vendredi 7 décembre, de source judiciaire. « Le colonel Jean de Dieu Mambweni a été arrêté jeudi pour son implication présumée dans la préparation de la mission qui a conduit au meurtre de deux experts de l’ONU et de leurs accompagnateurs congolais », a déclaré le colonel Jean Maurice Lianja, du parquet militaire de Kananga. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Experts de l’ONU tués en RDC : dans les méandres de l’enquête congolaise Cette arrestation a été ordonnée après l’audition par le tribunal d’un enregistrement sonore où l’on entend un échange entre une voix attribuée à l’officier et une voix de femme attribuée à l’experte Zaida Catalan. « Nous voulons rencontrer les membres de la famille Kamuina Nsapu », un chef milicien tué lors d’une opération des forces de sécurité après s’être rebellé contre le pouvoir de Kinshasa, dit cette voix de femme. « Je vais vous mettre en contact avec un membre de cette famille qui s’appelle Betu. C’est un garçon très gentil. Je vous recommande de le recevoir dans la chambre de Michaël pour sa sécurité », répond une voix qui serait celle du colonel Mambweni. « Si vous voulez avoir plus de précisions sur l’armement de la milice, je vous conseille d’arriver où un certain Mohamed détient une cache d’armes », poursuit la même voix. « Rôle trouble » des agents de l’Etat Au cours de l’audience de jeudi, le colonel Mabweni comparaissait à titre de témoin, selon un correspondant de l’AFP. Les avocats de la défense ont exigé du tribunal la comparution, à la prochaine audience, de trois autres officiers en qualité de témoin, mais également de l’ex-ministre de l’intérieur Emmanuel Ramazani Shadary (2016-2018), candidat du pouvoir pour la présidentielle du 23 décembre en RDC. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Experts tués en RDC : l’enquête qui dérange aux Nations unies La Suédoise d’origine chilienne Zaida Catalan et l’Américain Michael Sharp ont été tués le 12 mars 2017 près de Bunkonde par les miliciens « terroristes » Kamuina Nsapu, selon les autorités congolaises. Ils enquêtaient sur les violences dans le Kasaï pour le compte du Conseil de sécurité de l’ONU. Une récente enquête de médias internationaux, dont Le Monde, qui s’appuie « sur des milliers de pages de documents confidentiels des Nations unies », est revenue sur le « rôle trouble » attribué à des « agents de l’Etat » congolais dans le meurtre des deux experts.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/07/en-rdc-un-colonel-arrete-dans-l-affaire-du-meurtre-des-experts-de-l-onu_5394263_3212.html
07/12/2018
En mars 2017, la Suédoise Zaida Catalan et l’Américain Michael Sharp avaient été tués alors qu’ils enquêtaient sur les violences dans le Kasaï.
sport
Biathlon : journée sans pour Martin Fourcade
Le Français Martin Fourcade avait remporté, jeudi, l’épreuve de l’individuel sur 20 kilomètres à Pokljuka, en Slovénie, comptant pour la Coupe du monde de biathlon. Efficace derrière la carabine, il était toutefois apparu plus en difficulté sur les skis (13e temps). Vendredi, lors de l’épreuve du sprint (10 kilomètres), cela s’est confirmé : le quintuple champion olympique a connu une journée sans, apparaissant à nouveau en difficulté sur la neige pour finir 24e. Loin derrière le Norvégien Johannes Boe, qui a devancé un autre Français, Antonin Guigonnat. « C’est une claque, une grosse claque, a reconnu Martin Fourcade, les sensations n’étaient pas top, mais elles ne l’étaient pas non plus sur l’individuel (jeudi) et sur le relais mixte (dimanche) », deux épreuves conclues par une victoire. Il a expliqué qu’il allait « prendre le temps de regarder » à quoi était due cette contre-performance. Si c’est physique, je devrais en tirer les conséquences avec Vincent » Vittoz, le nouvel entraîneur des biathlètes français, « si elle est technique, ce sera avec les techniciens », a-t-il ajouté. Lire aussi Biathlon : Martin Fourcade change tout pour rester au sommet Au cours de la saison dernière, le Français était monté à 20 reprises sur le podium sur les 21 courses qu’il avait disputées. Il faut remonter à la fin de saison 2015-2016 pour le retrouver ainsi dans les profondeurs d’un classement (une 40e place sur une épreuve de sprint).
https://www.lemonde.fr/sport/article/2018/12/07/biathlon-journee-sans-pour-martin-fourcade_5394260_3242.html
07/12/2018
Le Français a fini à la 24 place, vendredi, de l’épreuve de sprint. Il est apparu en difficulté sur les skis, comme la veille déjà.
afrique
Ils listaient des « filles faciles » sur WhatsApp : au Sénégal, quatre étudiants devant la justice
Photo d’illustration. MANAN VATSYAYANA / AFP Des étudiants sénégalais accusés d’avoir créé et diffusé sur Internet une liste contenant les coordonnées de dizaines de jeunes femmes présentées comme des « filles faciles » risquent la prison ferme, selon les réquisitions du parquet, vendredi 7 décembre, au tribunal correctionnel de Dakar. Douze mois de prison, dont trois fermes, ont été requis à l’encontre de trois des quatre prévenus poursuivis pour « collecte illégale de données », un délit punissable d’un maximum de deux ans de prison ferme, selon le Code pénal sénégalais. La décision du tribunal a été mise en délibéré au 12 décembre. Les quatre jeunes gens avaient créé en 2017 un groupe sur l’application de messagerie instantanée WhatsApp, dans lequel ils partageaient les numéros de jeunes filles et jeunes femmes qu’ils contactaient ensuite pour obtenir des faveurs sexuelles, a expliqué la procureure. Cette liste contenant l’identité, les numéros de téléphone et l’adresse de 233 jeunes femmes a été rendue publique sur les réseaux sociaux en novembre. Certaines des jeunes filles, dont des mineures, ont ensuite reçu des appels malveillants et des images à caractère pornographique. Une soixantaine d’entre elles ont porté plainte. La procureure a dénoncé les « ravages » des réseaux sociaux : « Utilisés à mauvais escient, ils ont des conséquences dramatiques. Ces jeunes n’avaient pas conscience de l’ampleur de leurs actes pour la vie de ces jeunes filles », a-t-elle dit. Les quatre prévenus, âgés d’une vingtaine d’années, ont reconnu avoir créé le groupe WhatsApp, dans lequel ils rajoutaient des noms au fur et à mesure, mais nié être à l’origine de sa large diffusion. « On a fait ça pour s’amuser, on n’a jamais pensé que ça se retrouverait sur Internet », a soufflé l’un d’eux. Les avocats de la défense ont plaidé l’acquittement. « Ayez pitié pour ces jeunes qui ont de l’avenir. Passer en jugement devant sa famille et ses amis est déjà une peine suffisante », a argué Me Aboubacry Barro devant une salle comble et largement acquise à leur cause.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/07/ils-listaient-des-filles-faciles-sur-whatsapp-au-senegal-quatre-etudiants-devant-la-justice_5394248_3212.html
07/12/2018
Les prévenus sont poursuivis pour « collecte illégale de données » après la diffusion sur Internet des adresses et numéros de téléphone de 233 jeunes femmes.
politique
Menaces contre les élus LRM : un député reçoit une balle dans son courrier
Les menaces à l’égard des députés de la majorité vont crescendo depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Aux habituels courriers de réclamations ou aux dégradations de leurs permanences, fréquents lors de crises politiques, se sont ajoutées ces dernières semaines des menaces physiques. Vendredi 7 décembre, Benoît Potterie, élu La République en marche (LRM) du Pas-de-Calais, a indiqué à l’AFP qu’il avait reçu à sa permanence un courrier contenant une balle et cet avertissement : « La prochaine fois tu la prends entre les deux yeux. » De nombreux députés ont fait part au Monde des menaces à leur encontre. Une élue des Yvelines raconte avoir eu la surprise d’un coup de fil de la gendarmerie qui l’avertissait que des rondes étaient effectuées autour de son domicile au cas où elle serait la cible d’attaques. Les domiciles personnels de plusieurs députés ont été notamment visés, leurs adresses circulant sur les réseaux sociaux où échangent les « gilets jaunes ». Ainsi, le 24 novembre, Mireille Robert, députée LRM de l’Aude, avait dénoncé l’invasion de son jardin, en pleine nuit par « 40 hommes casqués et cagoulés ». Par ailleurs, plusieurs parlementaires font l’objet d’une protection rapprochée par les forces de l’ordre. Cette nuit, 40 hommes casqués et cagoulés se sont introduits chez moi, allumant un feu et proférant des menaces. 40… https://t.co/tvgrX1YuuR — MRobert_11 (@Mireille Robert) Dans Le Parisien, Florian Bachelier, élu d’Ille-et-Vilaine, explique avoir été interpellé lundi matin 3 décembre à la sortie de son domicile par « un homme cagoulé ». Ce jour-là, « il me prévient que si je continue à défendre la politique d’Emmanuel Macron, je prends des risques énormes », relate le député. Eviter les endroits symboliques Selon les élus interrogés par Le Monde, les menaces semblent très variables selon les départements et les régions. Certains n’en ont perçu aucune, d’autres ont dû chambouler leur agenda. La députée LRM de l’Hérault Coralie Dubost a renoncé à plusieurs déplacements en public depuis quelques jours. « Le préfet m’a demandé de ne pas y aller sinon il était obligé de dépêcher une brigade », raconte-t-elle. Elle sera sous protection policière pour une réunion publique dans sa circonscription la semaine prochaine. Vendredi matin, la députée LRM de Moselle Hélène Zannier expliquait qu’il lui avait été recommandé d’éviter les endroits symboliques, comme sa permanence, où elle ne se rend plus. Elle a aussi renoncé à participer à plusieurs événements dans sa circonscription, comme la fête de la Saint-Nicolas ou celle de la Sainte-Barbe. « Des commerçants m’ont raconté que des personnes avaient menacé de s’en prendre à leurs boutiques si je venais », raconte-t-elle. « Ce qui est rageant, c’est que j’ai toujours eu à cœur d’être au contact », regrette l’élue, qui a rencontré à de multiples reprises des participants au mouvement. « J’éprouve un sentiment d’injustice, poursuit-elle. On reproche aux élus d’être trop loin des citoyens, mais on nous empêche d’être à leurs côtés. »
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/07/menaces-contre-les-elus-lrm-un-depute-recoit-une-balle-dans-son-courrier_5394235_823448.html
07/12/2018
Dans le contexte social tendu, de nombreux députés de la majorité doivent renoncer à des événements en public, d’autres font l’objet de protection policière.
societe
Jonathann Daval a de nouveau avoué être le meurtrier de sa femme Alexia
Jonathann Daval a craqué, une seconde fois. Incarcéré à la maison d’arrêt de Dijon depuis sa mise en examen, fin janvier, pour « meurtre sur conjoint », le principal suspect a de nouveau avoué, vendredi 7 décembre, être le meurtrier de sa femme Alexia, lors d’une confrontation avec la mère de la victime au tribunal de grande instance de Besançon. « Monsieur Daval s’est réfugié dans son déni pour, au bout d’une heure et quart, une heure vingt de confrontation, s’effondrer en sanglots et avouer finalement qu’il avait donné la mort à Alexia Daval », a déclaré le procureur de Besançon devant la presse. Après l’aveu de son gendre, la mère d’Alexia Daval, Martine Henry, s’est dite « soulagée ». Selon le procureur, après ses aveux, Jonathan Daval « s’est mis à genoux devant sa belle-mère, manifestement pour solliciter son pardon ». Rebondissements Depuis un an, les rebondissements de l’affaire Daval alimentent la chronique de ce qui aurait pu être l’histoire tristement courante d’une femme tuée par son conjoint, comme 130 autres en France l’an dernier. Après avoir affirmé qu’elle avait disparu durant un jogging, Jonathann Daval avait été arrêté, en janvier, et mis en examen pour « meurtre sur conjoint » face aux « éléments accablants » découverts lors de l’enquête. A l’issue de sa garde à vue, il avait avoué avoir étranglé sa femme au cours d’une dispute, tout en niant avoir brûlé le cadavre. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Jonathann Daval ou la compassion trahie Mais au début de l’été, l’informaticien a fait volte-face, assurant qu’il n’était pas responsable du meurtre et que sa femme avait en fait été étranglée par son beau-frère, Grégory Gay, au domicile des parents d’Alexia. Tous auraient ensuite conclu « un pacte secret » pour dissimuler les faits. Zones d’ombre Plusieurs éléments du dossier d’enquête, et autant de zones d’ombre, étaient apparus ces derniers jours dans la presse. Le premier est la découverte dans le véhicule professionnel de Jonathan Daval – qui aurait servi au transport du corps de son épouse – d’un cheveu de la mère du suspect, Martine Henry. Celle-ci s’est défendue mercredi 28 novembre de toute « complicité ». Le second est une analyse toxicologique révélée par Le Parisien : la banquière de 29 ans, tuée à Gray-la-Ville dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017, aurait ingéré plusieurs substances dans les mois précédant sa mort. Trois molécules liées à des médicaments ont été retrouvées dans les prélèvements sanguins et capillaires effectués sur la dépouille : du zolpidem (un hypnotique utilisé comme somnifère), du tétrazépam (un décontractant musculaire) et surtout du tramadol (un antalgique opiacé). Le 29 novembre, interrogé par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Besançon, Jonathann Daval avait maintenu sa version d’un complot familial.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/jonathann-daval-a-de-nouveau-avoue-etre-le-meurtrier-de-sa-femme-alexia_5394219_3224.html
07/12/2018
Incarcéré à Dijon depuis sa mise en examen fin janvier pour « meurtre sur conjoint », le principal suspect avait avoué, avant de se rétracter.
idees
« Aquarius » : « La non-assistance à personnes en danger est revenue en force en Méditerranée »
« Dont acte, la politique de harcèlement judiciaire, administratif, politique aura eu raison de l’“Aquarius”, déployé entre 2015 et le milieu de l’année 2018 en mer Méditerranée. » usage worldwide/DPA / Photononstop Tribune. Dont acte, la politique de harcèlement judiciaire, administratif, politique aura eu raison de l’« Aquarius », déployé entre 2015 et le milieu de l’année 2018 en mer Méditerranée. En 2014, l’opération « Mare Nostrum », mise en place par les autorités italiennes inaugurait pourtant une séquence pendant laquelle le sauvetage d’embarcations de migrants en détresse fut pourtant considéré comme légitime. Ce qui est d’abord, rappelons-le, une obligation légale était alors politiquement et publiquement acceptable. En 2018, les Italiens furent de nouveau à la manœuvre, signifiant cette fois-ci qu’ils ne sauraient accepter davantage que se poursuivent ces interventions : dès le début de l’été, Matteo Salvini, tout récent ministre de l’intérieur, œuvra pour fermer ses ports aux bateaux de secours, accélérant une politique de dissuasion largement entamée par Marco Minniti, son prédécesseur, qui aboutit, in fine, à la liquidation des moyens destinés à secourir les personnes fuyant la Libye. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Francis Vallat, président de SOS Méditerranée : « La question du sauvetage est d’une simplicité lumineuse » Bien sûr, des organisations de la société civile tentent vaille que vaille et, avec une remarquable ténacité, de maintenir leurs activités de secours en mer : Sea Watch, Mare Jonio, Proactiva Open Arms sont de celles-là. Les pilotes volontaires du Moonbird et du Colibri poursuivent leurs survols, tentant de déceler entre les vagues des embarcations à la dérive et d’éviter ainsi que la longue liste des décès – plus de 17 000 depuis 2014 – ne s’allonge davantage. Pressions italiennes Mais toutes le font avec d’extrêmes difficultés : ennuis administratifs récurrents, obstacles posés aux escales techniques, interdiction d’accoster en Europe, et poursuites judiciaires, comme c’est le cas de l’« Aquarius », navire de secours affrété en partenariat avec SOS Méditerranée. Celui-ci, déjà privé de pavillon sous pressions italiennes, est maintenant menacé d’une mise sous séquestre à la suite des accusations grotesques de crime organisé, de nouveau, en Italie. Une partie de l’équipage et des membres des équipes de MSF sont mis en cause : leur activité de secours est criminalisée. Force est de constater que ce dispositif de secours en mer, auquel nous avons participé depuis 2015 avec cinq navires différents, quelquefois en partenariat avec d’autres organisations, est mis hors-la-loi. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Migrants : « Il existe une politique de criminalisation des sauvetages en mer » Les victimes de ce combat à armes inégales sont évidemment ces personnes migrantes, demandeuses d’asiles ou réfugiées, dont plus grand monde ne semble désormais se soucier. D’ailleurs combien sont-elles, ces victimes ? Aujourd’hui, sans témoin en mer, personne ne le sait, tandis que le piège libyen se referme, un piège dont la maintenance est assurément l’œuvre d’autorités libyennes disparates mais dont la mécanique est bien due à l’ingéniosité européenne.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/aquarius-la-non-assistance-a-personnes-en-danger-est-revenue-en-force-en-mediterranee_5394207_3232.html
07/12/2018
Mego Terzian, président de MSF-France et Michaël Neuman, directeur d’études à MSF expliquent dans une tribune au « Monde » pourquoi leur ONG et SOS Méditerranée, l’Association européenne de sauvetage en mer, mettent un terme aux opérations de sauvetage de l’« Aquarius ».
societe
Les « gilets jaunes » ternissent l’image de Macron sur la scène internationale
Emmanuel Macron lors du sommet du G20, à Buenos Aires, le 1er décembre. LUDOVIC MARIN / AFP Il ne pouvait que se réjouir de voir son ennemi déclaré en difficulté. Depuis l’Italie, Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur d’extrême droite en guerre ouverte contre Emmanuel Macron, n’a rien manqué du mouvement des « gilets jaunes » et de la contestation inédite qu’il exprime. « Macron n’est plus mon adversaire. Il n’est plus un problème pour moi. Il est un problème pour les Français », a tranché, mercredi 5 décembre, le Lombard. Comme si son rival avait déjà abandonné la partie dans le conflit entre « nationalistes » et « progressistes » alimenté par les deux leaders depuis cet été. Face à un chef de la Ligue à l’insolente popularité, Emmanuel Macron semble désormais bien fragile. Jusqu’ici, le président français pouvait jouer sur son image de leader jeune, convaincu, dynamique, qui lui assurait une popularité réelle sur la scène internationale. En témoignent les bains de foule réguliers lors de ses déplacements variés en Europe. Pour ses adversaires, la contestation des « gilets jaunes » marque la fin de cet état de grâce international. Donald Trump n’a ainsi pas laissé passer l’occasion de régler ses comptes, alors que de nombreux dossiers, à commencer par l’environnement, opposent désormais les deux hommes. Le président des Etats-Unis a posté un message sur Twitter, mardi, après l’annonce d’un moratoire sur les taxes relatives aux carburants : « Je suis content de voir que mon ami @EmmanuelMacron et ceux qui protestent acceptent la conclusion à laquelle je suis parvenu depuis deux ans : l’accord de Paris est fondamentalement mauvais, car il provoque une hausse des prix de l’énergie pour les pays sérieux, tout en donnant un blanc-seing à certains des pires pollueurs. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Gilets jaunes » : « Des moyens exceptionnels » pour maintenir l’ordre Il a ajouté que « les contribuables américains n’ont pas à payer pour nettoyer la pollution d’autres pays », alors que le sien est de loin le plus grand émetteur de gaz à effet de serre par habitant du monde, selon le rapport du Global Carbon Project publié mercredi. Message mensonger Incarné par une France périphérique, plutôt blanche, souvent victime de la mondialisation et qui n’hésite pas à s’en prendre à l’immigration, le mouvement des « gilets jaunes » correspond en de nombreux points à l’électorat de M. Trump, et plus largement à la vague populiste qui connaît actuellement une nouvelle vigueur un peu partout sur la planète. Lou Dobbs, commentateur de la chaîne conservatrice Fox Business et proche du président des Etats-Unis, a estimé sur son compte Twitter que « le peuple français abhorre la politique mondialiste anti-Trump de Macron ». Le locataire de la MIaison Blanche a lui-même partagé le message mensonger d’un autre conservateur, lundi, qui assurait que les rues de Paris retentissaient du slogan « Nous voulons Trump ! »
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/les-gilets-jaunes-ternissent-l-image-de-macron-sur-la-scene-internationale_5394204_3224.html
07/12/2018
Le mouvement de contestation en France fait réagir les dirigeants du monde entier, de Moscou à Washington, en passant par Rome, Berlin ou Ankara.
pixels
« Gilets jaunes » : la 17e journée de l’application MonPetitGazon annulée
Effet collatéral de la manifestation des « gilets jaunes », l’application MonPetitGazon reporte sa 17e journée. Capture d'écran C’est un des effets de domino les plus inattendus du mouvement des « gilets jaunes », qui manifestera, samedi 8 décembre, dans toute la France. MonPetitGazon, jeu de football fantasy qui revendique un million d’inscrits et 500 000 utilisateurs actifs, a décidé d’annuler sa 17e journée de Ligue 1 après consultation auprès de sa communauté. Cette application extrêmement populaire permet de défier amis et collègues dans des matchs de football fictifs, mais dont le résultat dépend de la performance réelle des sportifs des grands championnats d’Europe, dont la Ligue 1. Selon son système de notation, un match reporté assigne un 5/10 automatique à tous les joueurs des équipes concernées – soit la quasi-assurance de ne pas pouvoir marquer de but. PSG-Montpellier, Toulouse-Lyon, Monaco-Nice, Sainte-Etienne-Marseille, Angers-Bordeaux reportés... Une pluie de 5 s… https://t.co/xGob2n478F — Prof_Poteaux (@Professeur Poteaux - Stats MPG) Or, à la suite des demandes des préfectures de police de plusieurs villes, qui estiment ne pas pouvoir encadrer à la fois les manifestations des « gilets jaunes » prévues samedi et les déplacements des supporteurs, six matchs de Ligue 1 sont d’ores et déjà reportés à une date indéterminée, dont les affiches Paris-Saint-Germain - Montpellier, Saint-Etienne - Marseille et Monaco-Nice. Après consultation sur Facebook et Twitter, les responsables de MonPetitGazon ont annulé l’intégralité de la 17e journée, sans possibilité de report. « MonPetitGazon version Ligue 1 ne comptera que 37 journées cette année », précise le compte dans les conséquences de ce report. Les championnats étrangers ne sont, en revanche, pas concernés.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/12/07/gilets-jaunes-la-17e-journee-de-l-application-monpetitgazon-annulee_5394197_4408996.html
07/12/2018
Les pratiquants du jeu de football fantasy le plus populaire en France ont voté contre le maintien des matchs de ce week-end, à la suite des nombreux reports en Ligue 1.
m-le-mag
La Corse pourrait avoir un jour sa propre monnaie complémentaire
La monnaie complémentaire électronique est censée stimuler l’activité économique. Caroline Blumberg/MaxPPP Pas de billet à l’effigie du mouflon, l’animal emblématique de la Corse, mais plus probablement un moyen de paiement numérisé. Depuis 2014, l’île de Beauté cherche à se doter de sa propre « monnaie complémentaire ». Lancé par la majorité territoriale de gauche de l’époque, le projet était poursuivi par les nationalistes, au pouvoir depuis 2015, mais s’est heurté à un premier écueil, deux ans plus tard, lorsqu’une tentative de mise en circulation dans la région de Bastia, pour un volume de 400 000 euros en numéraire, a été reportée sine die. « Notre démarche s’écarte de toute dimension symbolique, idéologique ou folklorique. » Jean-Christophe Angelini, président de l’ADEC Depuis, le lancement de la monnaie complémentaire insulaire est piloté par l’Agence de développement économique de la Corse (ADEC), le mini-ministère de l’économie locale, et a connu quelques ajustements destinés notamment à éviter toute accusation de « séparatisme monétaire ». Sur une île où les symboles pèsent lourd, l’initiative a immédiatement fait resurgir les souvenirs de l’éphémère indépendance de la Corse au XVIIIe siècle, à l’époque où Pasquale Paoli, « u Babbu di a patria », le « Père de la patrie », émettait ses ventini (deux sous) et ses baiocchi (huit sous) frappés de la « tête de maure, tournée à dextre », dans le village de Murato, près de Bastia. « Notre démarche, explique Jean-Christophe Angelini, président de l’ADEC, s’écarte de toute dimension symbolique, idéologique ou folklorique. Ce que nous voulons clairement, en revanche, c’est promouvoir une logique entrepreneuriale et pro business : l’autorité politique donne l’impulsion, les acteurs économiques privés et associatifs s’en emparent. » Un « appel à manifestation d’intérêt » devrait être lancé au plus tard fin janvier pour la présélection des projets avant une mise en œuvre « dans les dix-huit mois ». Le principe ? S’inspirer en partie de l’incroyable réussite du sardex, la monnaie complémentaire en vigueur dans l’île voisine de Sardaigne. Le modèle Sardex Lancée en 2010 par cinq amis originaires de la petite ville de Serramanna (9 000 habitants) au plus fort de la crise financière qui ébranle le monde, la devise s’est depuis retrouvée couverte de prix internationaux et a reçu les honneurs du Financial Times. Ni billets ni pièces, le sardex fonctionne de manière électronique : chaque nouvel arrivant dans le réseau – moyennant une cotisation variable en fonction de la taille de l’entreprise – peut acheter un bien ou un service à un autre membre du réseau et voit son compte électronique débité de la valeur équivalente. Il ne paie aucun agio, pas le moindre intérêt, mais doit à son tour, dans un délai donné, vendre un bien ou un service pour rétablir l’équilibre des échanges. Grâce à une équipe de seize courtiers, les « brokers », les acteurs du réseau sont mis en relation en fonction de leurs offres et de leurs besoins.
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/07/la-corse-pourrait-avoir-un-jour-sa-propre-monnaie-complementaire_5394190_4500055.html
07/12/2018
Ce projet s’inspire du moyen de paiement numérisé en vigueur en Sardaigne. Le principe ? Ni billets ni pièces, mais une cotisation versée par des entreprises qui échangent biens et services en fonction de leurs besoins.
m-perso
Le vélo électrique, nouvelle petite reine branchée
En 2017, 255 000 de ces vélos à moteur électrique et batterie rechargeable ont été vendus. NANDA GONZAGUE POUR "LE MONDE" Longtemps, dans les dîners, on s’est un peu fichu de lui. Partir au bureau à vélo ? Quelle idée ! « J’étais l’écolo, le bobo, je devais sentir en arrivant… » Fabien ­Bagnon vit à une dizaine de kilomètres de Lyon, où il travaille. A Saint-Genis-Laval précisément, « dans le péri­urbain, à la limite des champs ». Depuis quelques mois, toutefois, l’ingénieur quadragénaire à barbe brune a noté un sérieux changement d’ambiance, à table. « Plus personne ne rigole » lorsqu’il raconte qu’en vingt-cinq minutes de vélo à assistance électrique (VAE), vêtu comme un cadre fringant, il est possible de s’épargner les kilomètres d’embouteillages, le stress du retard, la hausse des carburants et l’abonnement à la salle de gym. « Autour de moi, j’entends même les uns demander aux autres : “T’es encore en voiture ?” C’est devenu chic de se balader à vélo électrique. Il faut dire qu’avec son écran, son côté techno et ludique, il ne fait pas vélo de décroissant… » Le VAE, vélo branché, au propre comme au figuré. Cadeau de Noël commandé, ou juste fantasmé – trop cher, mais on y viendra. Objet iconique du moment. Deux signes ne peuvent tromper : Inès de La Fressange, reine des élégances parisiennes, a daigné associer son image à une autre petite reine, électrique (Gitane). Et Florence Foresti en fait ses choux gras, dans son dernier spectacle. « Je ne suis pas adaptée à ce qui vient. Je ne veux ni vélo électrique ni bouffer des grillons », se rebelle l’humoriste, qui hume si bien l’air (pollué) ambiant. Des ventes en hausse exponentielle En 2017, il s’est écoulé 255 000 de ces vélos à moteur électrique dotés d’une batterie rechargeable sur secteur et d’une autonomie de 50 à 70 kilomètres. Soit quasiment deux fois plus que l’année précédente, selon l’Union sport & cycle. Autant que scooters et motos réunis. « Dans sept ans, les ventes atteindront le million », parie Jérôme Valentin, président de cette union professionnelle ainsi que créateur et fabricant des vélos Cycleurope France (Gitane, Peugeot). Comment, en une petite décennie, le biclou à batterie a-t-il pris une telle côte ascendante ? « Avant de répondre, je vous propose d’en essayer un », suggère, à Lyon, le vendeur d’un magasin Cyclable, l’air de savoir comment gagner du temps. Il n’a pas tort. Grisant de s’extraire de la circulation du soir pour filer à 25 kilomètres/heure sur les bords du Rhône, joues fouettées par le vent, puis grimper, s’envoler plutôt, sur les pentes de la Croix-Rousse en toisant les autres cyclistes qui ahanent. L’engin fait de nous une cycliste augmentée. Une Superwoman qui, de retour en boutique, est prête à s’endetter pour ne pas rendre la cape rouge et le VAE à 2 000 euros.
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/12/07/le-velo-electrique-nouvelle-petite-reine-branchee_5394187_4497916.html
07/12/2018
Ecolo, rapide et bon pour la santé, le vélo à assistance électrique s’est imposé, en une petite décennie, à la campagne comme en ville.
m-le-mag
Giovanna Valls : « On veut me faire dire du mal de mon frère, nous opposer, et ça, je ne peux pas l’accepter »
Giovanna Valls, dans la maison familiale d’Horta à Barcelone, le 21 novembre. ARNAU BACH POUR M LE MAGAZINE DU MONDE Elle l’a proposé au dernier moment, alors que la nuit était déjà tombée, le thé refroidi au fond des tasses en porcelaine et la vie racontée par flots : « Vous voulez visiter la maison ? » Comme s’il avait fallu d’abord tout dire, tout confier, les rires et les pleurs, la chute et la mort, la renaissance et la vie. « Il s’en est passé des choses ici… », lâche dans un souffle Giovanna Valls en balayant son refuge de ses yeux d’eau. On a alors quitté le salon donnant sur le jardin luxuriant, gorgé de pluie ce jour-là, le sol en céramique et les ferronneries céladon, les murs recouverts des toiles du père, le peintre Xavier Valls i Subirà, pour se rendre dans la chambre des parents où les photos de famille chantent un passé heureux. L’ancrage catalan De l’autre côté d’une petite salle de bains, on découvre le nid des enfants, avec ses deux lits pour les presque jumeaux Manuel et Giovanna Valls, seize mois d’écart, qui sert désormais aux neveux et nièces lorsqu’ils sont de passage. La chambre qu’elle a faite sienne enfin, là où sont entreposés les souvenirs, le journal qu’elle écrit jour après jour, des articles de presse qui lui sont consacrés, quelques peluches, des livres de chevet, une grenouille en tissus porte-bonheur. La demeure du quartier d’Horta, à Barcelone, dans laquelle Giovanna vit depuis dix ans, a longtemps été celle où la famille passait ses vacances. Un point de repère pour elle comme pour son frère, qui l’a rejointe il y a quelques mois dans la ville, dont il brigue la mairie. Les grands-parents paternels de l’ancien premier ministre français, venus se faire discrets durant la dictature franquiste, avaient trouvé refuge à quelques rues de là. A l’époque, Horta était encore une commune autonome et les lotissements qui grimpent sur la montagne n’avaient pas remplacé les vignes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Manuel Valls, Ibère médiatique En 1963, l’année de naissance de Giovanna, les parents achètent cette maison, une bâtisse de plain-pied, sans chauffage ni confort, dotée d’un toit plat dont ils se servent pour faire sécher le linge. Chaque été, de juin à septembre, la tribu s’y installe. Un hiver, les enfants sont même scolarisés un peu plus bas sur le chemin pentu : Xavier voulait peindre les mimosas et les amandiers en fleurs. « Les maisons étaient ouvertes, on passait de l’une à l’autre, nos cousins vivaient dans le quartier, se souvient Giovanna. Mes parents recevaient beaucoup, leurs amis venaient boire le café dans le jardin, ma mère faisait des repas pour des tablées entières, c’était très joyeux. » « Ici, c’était les premiers jeux, puis les premières boums, les premières amours, les premiers “je t’aime” », raconte en écho son frère Manuel.
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/07/giovanna-valls-on-veut-me-faire-dire-du-mal-de-mon-frere-nous-opposer-et-ca-je-ne-peux-pas-l-accepter_5394183_4500055.html
07/12/2018
Malgré des prises de bec sur la question catalane, elle soutient son frère Manuel Valls, candidat à la mairie de Barcelone.
m-perso
Bipolaire, schizophrène, pervers narcissique… C’est vite dit !
Pour Constance, cela a commencé il y a six ans, au moment de la diffusion de la série d’espionnage Homeland en France. Alors que la blonde Carrie Mathison enchaînait médicaments, verres de vin blanc et enquêtes pour la CIA à l’écran, cette professeure d’anglais de 29 ans alternait immense tristesse, phases euphoriques, internements à l’hôpital, cabinets de psychiatres et cachets de toutes les couleurs. « Il y a eu d’un coup une grande mode de la bipolarité », avec des « unes » de magazines, des films sur le sujet, explique la jeune femme. « J’ai commencé à en entendre parler trois fois par semaine. N’importe quelle personne qui souriait, puis ne souriait plus se disait bipolaire. Pendant ce temps-là, j’ai vraiment été diagnostiquée bipolaire. De type 1. Et je peux vous dire que les conversations aux tables de café à entendre gloser des copines sur untel qui est bipolaire ou pas parce qu’il n’a pas répondu à un texto, c’est dur. » Depuis, Constance va mieux, surveille chacune de ses variations d’humeur, de sommeil ou d’appétit. S’inquiète d’être trop enthousiaste ou pas assez, appréhende ses émotions régulées par le lithium. « La bipolarité, ce n’est pas facile à vivre, raconte-t-elle avec un sourire fatigué. Et puis, le terme est aussi mal utilisé que la maladie est stigmatisée. » Des « termes galvaudés » Si l’adjectif « bipolaire » est détourné, d’autres termes à consonance psychiatrique sont, eux, tout simplement inventés – et ils font florès dans le langage courant. « Moi non plus, je ne suis pas très en forme en ce moment. Pas du tout même. Je sors tout juste d’une relation avec un pervers narcissique. Enfin, c’est ça qu’on dit maintenant, les filles, quand on s’est fait larguer », ironise Blanche Gardin, droite derrière son micro à pied, dans son spectacle Il faut que je vous parle. Une référence à l’impressionnante popularité de l’expression « pervers narcissique », un concept qui n’existe pas en psychiatrie. Individuellement, ces deux adjectifs sont bien utilisés par les médecins, mais ensemble ils ne correspondent à aucun trouble précis. « Derrière ces mots, il y a de vrais malades, de vrais infirmiers, de vrais médecins… » Armelle Oger, journaliste Bipolaire, pervers narcissique, paranoïaque, schizophrène, déni, refoulement : le vocabulaire spécialisé a quitté les services et les bureaux des praticiens pour infuser la société tout entière, les magazines féminins, les étals des rayons de développement personnel et les émissions de l’après-midi.
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/12/07/bipolaire-schizophrene-pervers-narcissique-c-est-vite-dit_5394169_4497916.html
07/12/2018
Le vocabulaire de la psychiatrie a envahi le langage courant. On accuse facilement nos contemporains de toutes sortes de maux. Qu’en disent les médecins ?
m-perso
La série « HP » veut dédramatiser la « folie »
Image extraite de la série « HP » diffusée sur OCS. Capture d'écran OCS L’univers de la maladie mentale reste encore largement méconnu et suscite à la fois attraction et répulsion. C’est là-dessus qu’Angela Soupe et Sarah Santamaria-Martens ont souhaité travailler en écrivant HP, leur série de fin d’études de la Fémis, diffusée depuis le 6 décembre sur OCS et qui a remporté le prix de la meilleure série format 26 minutes au Festival de La Rochelle. On y suit les premiers pas de Sheila – interprétée par Tiphaine Daviot –, jeune interne en psychiatrie à l’hôpital, et on découvre avec elle ces patients et soignants drôles, poétiques, attachants, jamais angoissants. « Cela nous intéresse de montrer qu’il n’y a pas d’un côté les fous et de l’autre les gens normaux. Que la maladie psychiatrique, avec ses mots si galvaudés, est une phase de vie dans laquelle on peut tous passer. On connaît tous quelqu’un qui y est allé, et si on peut aider à dédramatiser les choses, tant mieux », décrit Angela Soupe. Tiphaine Daviot elle-même raconte sa grand-mère schizophrène, comme dans la série, convaincue que son ancien amant habitait sous son lit, et qu’il fallait l’attendre pour se mettre à table ou aller se promener. « Depuis ce tournage, j’ai vraiment réfléchi au sens des mots, et je fais attention à mieux les utiliser », explique l’actrice principale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « HP » : dans le quotidien, rarement mis en scène, d’une unité psychiatrique A l’origine du projet, il y a cette amie hospitalisée qu’elles ont soutenue plus jeunes, cette belle-sœur interne qui, dans la même journée, a dû gérer une patiente qui se prenait pour Beyoncé et décrocher quelqu’un qui s’était pendu. Elles expliquent que les psychiatres vivent des émotions très dures, qu’ils sont membres d’une spécialité mal-aimée de la médecine, dans laquelle les statistiques de guérison sont impossibles à faire. Elles ont interrogé des dizaines d’internes pour la série et, à chaque fois, y ont trouvé une faille : « On ne devient pas psychiatre par hasard, on ne se jette pas à corps perdu dans cette spécialité si on n’a pas à cœur de soigner, à travers ses patients, quelqu’un qu’on n’a pas pu sauver. Tous ces internes avaient toujours une personne fondatrice, un proche malade qui les avait touchés enfant. » Les deux scénaristes travaillent déjà sur la deuxième saison.
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/12/07/la-serie-hp-veut-dedramatiser-la-folie_5394166_4497916.html
07/12/2018
Diffusée depuis le 6 décembre sur OCS, la série suit les premiers pas d’une interne en psychiatrie à l’hôpital.
economie
« A l’image de ses “gilets jaunes”, la France, percluse de dépenses contraintes, est inquiète »
Le 6 décembre au Mans. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP Chronique. Jacquerie fiscale ? Mal-être des classes moyennes modestes ? Insurrection des périphéries contre les grandes métropoles ? Les analyses politiques, économiques et sociologiques abondent chaque jour pour expliquer l’embrasement de la France avec les « gilets jaunes ». Mais que veulent-ils ? Principalement moins de taxes, plus de pouvoir d’achat et davantage de justice sociale. Trois revendications qui se recoupent largement, la baisse des taxes apportant plus de pouvoir d’achat, le tout étant rendu possible par une redistribution plus équitable. C’est dans ce contexte explosif que l’OCDE a sorti opportunément, mercredi 5 décembre, son rapport annuel sur les recettes publiques, comparant le niveau d’impôt des 34 pays membres de l’organisation en 2017. Et le gagnant est… la France. L’an dernier, les prélèvements obligatoires ont représenté dans notre pays 46,2 % de la richesse produite, mesurée par le produit intérieur brut (PIB). Pour la première fois depuis plus de trente ans, elle bat l’habituel détenteur du record : le Danemark. Si la pression fiscale s’est accrue depuis une dizaine d’années dans la plupart des Etats, les impôts ont crû dans une proportion bien plus forte dans l’Hexagone. Les « gilets jaunes » ont donc raison d’insister sur ce sujet, plutôt mis en avant, en général, par les entreprises et les partis de droite. D’autant que cette singularité française, qui s’explique par des dépenses publiques elles aussi largement supérieures à la moyenne, est largement financée par l’impôt le plus indolore, mais le plus inégalitaire : la TVA. Comme le montre une étude de Patrick Artus, économiste chez Natixis, hors TVA, la pression fiscale sur les ménages est un point au-dessous de la moyenne de la zone euro. Mais en incluant cet impôt, la pression devient largement supérieure (de 3 points) à cette même moyenne. La supercherie est démasquée Explication : la TVA représente à elle seule la moitié de la totalité des prélèvements effectués par l’Etat, très loin devant l’impôt sur le revenu (27 % en 2018). Pour équilibrer les comptes de la façon la plus discrète possible, les gouvernements successifs depuis l’après-guerre ont préféré exclure plus de la moitié des ménages français de l’impôt sur le revenu (57 % en 2017) et taxer la consommation, donc le pouvoir d’achat. La supercherie est démasquée, d’où l’appel à une remise à plat fiscale que chaque candidat à la présidence promet et enterre une fois au pouvoir. Car le problème est que la principale piste pour réduire les taxes est de trouver des économies ailleurs, donc dans les dépenses publiques. Les plus gros postes sur lesquels la France dépense plus que ses voisins sont les retraites, la santé, l’éducation, le logement, les dépenses militaires et le soutien à l’économie. Sans oublier le service de la dette, dont les seuls intérêts coûtent plus de 40 milliards chaque année – près du tiers des recettes de la TVA. La France est finalement à l’image de ses « gilets jaunes » : percluse de dépenses contraintes, inquiète pour l’avenir et sans vision claire sur les moyens d’en sortir.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/a-l-image-de-ses-gilets-jaunes-la-france-percluse-de-depenses-contraintes-est-inquiete_5394162_3234.html
07/12/2018
D’après l’OCDE, la France est la championne des taxes et des impôts. La principale piste pour les réduire est de trouver des économies ailleurs, donc dans les dépenses publiques, explique Philippe Escande, éditoriaiste économique du « Monde ».
idees
Comment « Macron a jeté aux orties sa capacité à réformer »
« Contrairement aux « gilets jaunes » qui ont, confusément peut-être, senti les erreurs techniques du gouvernement, l’Elysée et Matignon ne les ont pas vues« (Photo: un « gilet jaune» le 3 décembre, du côté de Frontignan). PASCAL GUYOT / AFP Tribune. Qui aurait cru qu’une question économique mette un terme à l’apparente magie d’Emmanuel Macron ? Pour la première fois, un président avait été élu sur un programme précis qui était solide sur le plan économique. Pendant un an, des réformes importantes et plutôt bien construites se sont succédé, d’autres étaient annoncées. Et voilà qu’une petite réforme mal pensée fait s’écrouler le bel édifice. A l’évidence, il est impossible de lutter contre le réchauffement climatique sans réduire drastiquement les émissions de carbone. La bonne solution est de décourager toutes les activités émettrices de carbone, et donc de les taxer. Le problème est que les taxes réduisent le pouvoir d’achat, ce qui n’est pas l’objectif. La solution, bien connue depuis longtemps, est de ne pas utiliser les revenus ainsi générés pour améliorer le budget, mais de les redistribuer entièrement de manière intelligente. La première chose à faire est de protéger le pouvoir d’achat de ceux qui sont les plus touchés et qui n’en ont pas moyens. Pour ce faire, il suffit de leur redistribuer une partie de la recette. Leur pouvoir d’achat ainsi protégé, ils pourront décider d’eux-mêmes de moins polluer, parce que l’essence – et plus généralement l’énergie – est devenue plus chère, sans avoir l’impression d’être malmenés. Il ne s’agit pas de compenser tout le monde, juste les ménages dont le revenu est tendu. De ce fait, il resterait des recettes disponibles, que le gouvernement devrait entièrement consacrer à la lutte contre le réchauffement climatique. Cela peut concerner les transports collectifs, en particulièrement dans les zones peu denses où il n’existe pas d’alternative à la voiture, ou la recherche et le développement pour développer des sources alternatives d’énergie. Un minimum de compétence Ce n’est clairement pas ce qui avait été décidé. Le président, qui avait promis de ne pas augmenter la pression fiscale, n’a pas su résister à la tentation de transformer une bonne mesure en une source de recettes. Le résultat est là, cette goutte a fait déborder le vase du ras-le-bol fiscal. Le président qui avait promis de faire redescendre la France du podium des pays où les dépenses publiques et les impôts sont les plus lourds n’a, pour l’instant, pas sérieusement avancé dans cette direction. Il vient probablement de perdre le contrôle de son programme de réformes. Pire même, une très démagogique augmentation du smic pourrait faire remonter le chômage des personnes peu qualifiées et alourdir les coûts des entreprises, alors que la lutte contre le chômage et la reconquête de compétitivité des entreprises devaient être le test de sa capacité à transformer la France.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/comment-macron-a-jete-aux-orties-sa-capacite-a-reformer_5394158_3232.html
07/12/2018
La France n’est pas irréformable, mais victime du pouvoir de technocrates ignorant des mécanismes économiques, analyse l’économiste Charles Wyplosz, dans une tribune au « Monde ».
idees
« Le problème environnemental est né d’un déficit de démocratie, et non l’inverse »
« La politique de l’écologie ne se limite pas à l’échelle onusienne ou étatique. Aujourd’hui, elle s’exerce surtout au niveau local. » Andy Wong / AP Tribune. « La démocratie a échoué à traiter le problème environnemental » a affirmé Dennis Meadows dans un entretien au Monde le 3 décembre. Sous la plume du père du rapport au Club de Rome qui, en 1972, fut sans doute l’un des premiers avertissements sur les limites géophysiques de la croissance, cette affirmation est dangereuse car elle semble oublier que le « problème environnemental » est en grande partie né d’un déficit de démocratie, et non l’inverse. Le processus onusien initié en juin 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio et poursuivi depuis jusqu’à l’accord de Paris de 2015 est aujourd’hui vivement critiqué pour son inefficacité Dennis Meadows constate l’impuissance du politique à se saisir de l’urgence. Son diagnostic s’appuie sur la crise que traversent les négociations climatiques internationales pour faire le procès de toute politique écologique concertée. Certes, les questions environnementales étant de nature planétaire, toute politique écologique doit aussi être globale. Le processus onusien initié en juin 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio et poursuivi depuis jusqu’à l’accord de Paris de 2015 est aujourd’hui vivement critiqué pour son inefficacité : ses accords sont souvent de nature juridique non contraignante ; le « droit dérivé » de la Conférence des parties (COP) n’est pas soumis à leur ratification. Son application et son effectivité sont donc tributaires de la bonne volonté des Etats. Sa mise en œuvre exige de composer avec des acteurs non-étatiques, parmi lesquels des entreprises multinationales dont les intérêts sont bien souvent incompatibles, à leurs yeux, avec les enjeux de long terme et la remise en question des modèles de consommation portée par la transition écologique. D’où, sans doute, l’impression que la démocratie est aujourd’hui incapable de faire face aux menaces qui s’aggravent chaque jour (hausse des émissions de CO 2 , inerties des économies à changer de modèle de prospérité) et aux enjeux géopolitiques perçus comme concurrents qui poussent certains Etats parmi les plus influents à se désengager (retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, renoncement du Brésil à accueillir la COP 25) Au niveau local Pourtant, la politique de l’écologie ne se limite pas à l’échelle onusienne ou étatique. Aujourd’hui, elle s’exerce surtout au niveau local. Les pratiques de jardins et de mobilités partagées, de ventes en circuits courts, de recyclage, etc. s’articulent à une recherche des fondements d’une vie politique démocratique et « soutenable ». Il en résulte un renouvellement en cours de l’exercice du pouvoir par des citoyens et des collectifs qui font le constat que la réduction de la question politique à un « Etat fort » sans délibération n’est en aucune façon une réponse adéquate à la crise actuelle.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/le-probleme-environnemental-est-ne-d-un-deficit-de-democratie-et-non-l-inverse_5394151_3232.html
07/12/2018
Seule la réinvention de processus démocratique à l’échelle des citoyens permettra de dépasser l’impuissance des élites et des Etats à affronter le défi climatique, affirme au « Monde » un collectif de cinq chercheurs.
societe
Prisons : le syndicat jusqu’au-boutiste FO gagne les élections
Vingt-six ans après avoir été détrôné par l’UFAP-UNSA comme premier syndicat parmi les surveillants pénitentiaires, le Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière (SNP-FO) tient sa revanche. Lors des élections professionnelles qui se sont déroulées jeudi 6 décembre, le syndicat emmené par Emmanuel Baudin a conquis environ 34 % des voix, soit un point de plus que son rival. Les résultats définitifs ne devraient être connus que mardi, mais « l’écart de voix est suffisant pour que la première place de FO ne soit pas remise en cause », selon une source pénitentiaire. Ce chassé-croisé syndical intervient onze mois après le mouvement social des surveillants qui s’était révélé le plus dur depuis vingt-cinq ans. C’est donc le syndicat jusqu’au-boutiste qui l’emporte d’une courte tête. L’UFAP et son secrétaire général, Jean-François Forget, s’étaient ralliés le 26 janvier au relevé de conclusions proposé par le gouvernement pour mettre fin à la grève. Le mouvement, parti de l’agression le 12 janvier de trois surveillants à la prison de Vendin-le-Vieil, avait vu un grand nombre de prisons désertées par les surveillants, pourtant privés du droit de grève. Alors que les élections professionnelles de décembre étaient dans toutes les têtes, FO a surfé sur la frustration post-grève en accréditant l’idée que les surveillants avaient été à deux doigts d’obtenir satisfaction au sujet de leur revendication sur le passage statutaire en catégorie B de la fonction publique. M. Baudin n’a cessé d’accuser l’UFAP d’avoir « trahi » en acceptant le compromis de la garde des sceaux, Nicole Belloubet. La campagne électorale a été très dure, émaillée de multiples invectives, sur fond de tensions dans les prisons. Sur le thème du « dégagisme », FO reprochait à son rival d’être dans la cogestion. Un scénario redouté Au ministère de la justice, où l’on ne commente pas ces résultats, le scénario d’une victoire de FO était clairement redouté alors que l’UFAP est considérée comme plus ouverte à la négociation. Cette dernière, qui avait lancé la grève de janvier avant de perdre le contrôle du mouvement, se trouve aujourd’hui sanctionnée par la base. Le patron de FO Pénitentiaire déclarait au Monde en octobre : « Si nous sommes majoritaires en décembre, je demande à négocier sur la base de notre plate-forme de revendications. Si je n’obtiens pas satisfaction, nous lancerons un mouvement, mais différent de celui de janvier. On sera organisés, cette fois ! »
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/prisons-le-syndicat-jusqu-au-boutiste-fo-gagne-les-elections_5394143_3224.html
07/12/2018
Majoritaire depuis vingt-six ans, l’Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP) est détrônée chez les surveillants par le syndicat qui ne voulait pas stopper la grève de janvier.
m-perso
Huit conseils pour éviter le vol de son nouveau vélo électrique
Ni chaîne, ni câble, l’antivol le plus sûr est en forme de U. SHEN XIFAN/GO Premium / Photononstop Entre 300 000 et 400 000 vols de vélo ont lieu chaque année. Pour éviter de se faire chaparder sa monture, surtout si la bête a coûté de 1 500 euros à 2 000 euros, huit conseils à prendre, ou à laisser. On l’accroche Même lorsqu’il dort à l’abri, dans un garage ou une courette. Plus de la moitié des vols de vélo se produisent à domicile. Le cadre, et si possible la roue avant, doivent être attachés à un point fixe, arceau ou poteau métallique. Les utilisateurs du VAE adaptent leur comportement, hésitant même à marquer de courts arrêts, devant la boulangerie ou la pharmacie. On choisit bien son antivol La Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), qui rassemble 3 millions d’utilisateurs, teste chaque année le matériel disponible. Les résultats sont formels : seul l’antivol en forme de U passe l’examen avec succès. Ni chaîne ni câble. « Même un mauvais U ­vaudra mieux qu’un bon câble », avertit la fédération. Il est conseillé d’ajouter un « antivol de cadre », anneau métallique qui bloque la roue arrière, installé pour une trentaine d’euros par le vendeur. On retire la batterie Et, si la configuration le permet, on retire aussi le « display », ce boîtier qui commande l’assistance. Cela rendra l’utilisation du vélo plus compliquée et sa revente difficile. Confrontés à des clients affirmant qu’ils ont perdu leur batterie ou le display, certains marchands de cycles réclament la facture d’achat. On immatricule son vélo Les vendeurs et les associations proposent de graver sur le cadre un numéro inaltérable, le « bicycode ». Cette opération, qui coûte 10 euros (mais seulement 3 euros pour les adhérents d’une association), permet de placer son bien dans un fichier national, géré par la FUB. Les vélos volés et retrouvés peuvent ainsi être restitués à leur propriétaire. Parmi les mesures du plan vélo présenté par le gouvernement en septembre, figure la généralisation progressive du marquage pour les vélos neufs et d’occasion. Ce dispositif a donné lieu à une ­rumeur, immédiatement démentie par la ministre des transports, Elisabeth Borne : non, le bicycode n’est pas le prélude à une « carte grise » payante pour les vélos. On ne stationne pas n’importe où Aucun antivol n’est infaillible, mais ce qui fait la différence, c’est le temps nécessaire au voleur pour le briser. Placée au milieu d’autres bicyclettes, la vôtre sera moins repérable. Dans une rue éclairée, c’est mieux. Pas tous les jours au même endroit, c’est encore mieux. Certains petits malins conseillent même de stationner sur le parcours des rondes de la police municipale…
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/12/07/huit-conseils-pour-eviter-le-vol-de-son-nouveau-velo-electrique_5394138_4497916.html
07/12/2018
Ce serait dommage de se faire chiper son bijou électrique à 1500 euros. Heureusement, quelques précautions peuvent être prises.
les-recettes-du-monde
La tarte aux légumes confits : la recette d’Aurélie Sartres
On fait revenir et confire doucement les légumes à la poêle dans l’huile de colza. Julie Balagué pour M Le magazine du Monde Temps de préparation : 35 min Temps de cuisson : 35 min Difficulté : facile Ingrédients pour 4 personnes 2 panais, 1 pâte feuilletée 100 % beurre 1 bulbe de persil tubéreux 1 gros radis red meat ¼ de courge butternut 4 petits poireaux crayons 40 cl de bouillon de légumes 500 g de champignons de Paris 2 échalotes 4 gousses d’ail, pelées et hachées , 1 bouquet de coriandre , huile de colza sel fumé poivre du moulin 1 jaune d’œuf quelques feuilles de roquette Etape 1 : l’épluchage et la découpe des légumes Nettoyer, éplucher et tailler les panais, le persil tubéreux et le radis red meat en rondelles épaisses. Peler et tailler la courge butternut en petits morceaux. Couper les poireaux en tronçons de 4-5 cm, réserver le vert pour un autre usage (bouillon par exemple). Etape 2 : la cuisson des légumes Pocher ces légumes dans le bouillon frémissant pour qu’ils soient juste al dente, puis les faire revenir et confire doucement à la poêle dans l’huile de colza. Faire ensuite mariner tous les légumes pendant 40 minutes dans un mélange huile/coriandre/ail/sel/poivre. Etape 3 : les champignons Couper 4 ou 5 champignons en lamelles et les faire griller à la poêle. Assaisonner et réserver. émincer les échalotes et le reste des champignons, les faire sauter à la poêle, puis les hacher au robot ou à la main pour obtenir une duxelles. Etape 4 : la pâte feuilletée Etaler la pâte feuilletée sur une plaque de cuisson, la piquer généreusement, puis la cuire 5 minutes à 240 °C. La brosser au jaune d’œuf pour la dorer et l’imperméabiliser. Poursuivre la cuisson 5 minutes en baissant la température du four. Etape 5 : le dressage Dressage : bien égoutter tous les légumes, étaler la duxelles sur le fond de tarte, arranger les légumes en harmonisant les couleurs et les formes. Garnir de quelques feuilles de roquette. Servir tiède ou à température ambiante. Aurélie Sartres s’est intéressée aux légumes grâce à son compagnon qui travaillait à Rungis. Elle a illustré plusieurs livres de chefs, dont Le carnet de Guillaume Gomez, chef de l’Elysée (Glénat, 14,95 euros) « dans lequel figure cette recette de tarte aux légumes que je chéris particulièrement. D’abord parce qu’elle me rappelle la tarte à la tomate de ma mère, mais aussi parce qu’elle rassemble les meilleurs légumes de saison, fournis par Alain : c’est un résumé de l’art du chef, mais aussi de la philosophie de mon homme, et de la gourmandise que cela m’inspire ». Lire aussi Dessine-moi une recette
https://www.lemonde.fr/les-recettes-du-monde/article/2018/12/07/la-tarte-aux-legumes-confits-la-recette-d-aurelie-sartres_5394135_5324493.html
07/12/2018
Panais, courge butternut, poireaux, radis… Cette tarte salée, végétarienne et gourmande est confectionnée avec des légumes de saison.
idees
Changement climatique : « Transformer le régime de croissance est devenu une nécessité vitale »
ADRIÀ FRUITOS Tribune. Comment respecter l’exigence d’un développement inclusif et soutenable ? Cette question est à la fois le problème majeur de ce siècle et un sujet d’actualité brûlant, souligné par le mouvement des « gilets jaunes » en France. Ce mouvement illustre bien le dilemme – le gouverneur de la banque centrale d’Angleterre, Mark Carney, l’a nommé « la tragédie des horizons » – auquel sont confrontés les décideurs politiques. Le défi écologique implique un effort de longue haleine, comportant une hausse prolongée du prix du carbone qu’il faut amorcer immédiatement. En même temps, cet effort ne doit pas peser indûment sur les classes populaires et moyennes, durement affectées depuis la crise financière. En détruisant les régulations biogéochimiques et en exacerbant les inégalités, l’accumulation capitaliste est la cause historique essentielle de cette dynamique divergente. Transformer le régime de croissance est donc devenu une nécessité vitale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le repli de la mondialisation n’est finalement pas une bonne nouvelle pour la planète » Il ressort de l’analyse historique approfondie que cette dynamique est régie par des cycles financiers de longue période, qui influencent les conditions de production et l’ensemble des structures sociales. Depuis l’essor de la financiarisation, au début des années 1980, le mode de régulation s’est détérioré avec l’adoption du principe dominant de la valeur pour l’actionnaire. Certaines caractéristiques de la Belle Epoque (1900-1914) ont réapparu : la montée des inégalités sociales, la concentration du pouvoir et de la richesse des classes dirigeantes, la multiplication des rivalités géopolitiques. Mais notre époque est aussi celle de l’accélération des déséquilibres socio-écologiques, qui met en relation le franchissement des limites planétaires et l’accumulation des vulnérabilités financières. Eliminer la pauvreté C’est le temps des ruptures et des incertitudes au point de jonction de l’analyse historique et de la visée prospective. Le lien prétendument organique entre le développement capitaliste et la démocratie libérale est brisé par le surgissement de la puissance chinoise. Les limites écologiques, franchies, et les inégalités sociales, de moins en moins supportées, amorcent l’ébranlement du capitalisme financiarisé. Le besoin d’action collective mobilisant les citoyens émerge pour changer notre mode de vie, en préservant la nature et en protégeant les habitats humains. Le mythe du marché pur et parfait s’effaçant, le besoin de biens publics comme matrice de la cohésion des groupements humains et de la protection contre les risques collectifs conduit à affronter la question du choix social. C’est pourquoi le retour à John Rawls (La Justice comme équité, La Découverte, 2003) est incontournable pour poser les principes de justice nécessaires pour guider les stratégies de développement durable.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/changement-climatique-transformer-le-regime-de-croissance-est-devenu-une-necessite-vitale_5394125_3232.html
07/12/2018
L’économiste Michel Aglietta estime, dans une tribune au « Monde », que sauver la planète implique de trouver un point d’équilibre entre l’impératif de rendement des entreprises et celui du bien-être social.
idees
« La taxation du carbone n’a pas fait l’objet d’une réelle analyse critique »
La centrale thermique de Belchatow (Pologne), la plus grande d’Europe à fonctionner au charbon. Czarek Sokolowski / AP Tribune. La lutte contre le changement climatique a reposé sur des approches économiques qui touchent aujourd’hui leurs limites. Lors de la Conférence de Kyoto (la COP3, en décembre 1997) deux approches s’opposaient : d’un côté, une approche institutionnelle – celle des « politiques et mesures » –, défendue notamment par l’Europe ; de l’autre, une approche par les outils du marché, soutenue par les Etats-Unis. Ces derniers ont réussi à imposer un marché des permis d’émission dans le protocole de Kyoto. Le paradoxe est que les Etats-Unis n’ont pas ratifié l’accord qu’ils avaient imposé, et que l’Union européenne a adopté le marché des permis pour certains secteurs économiques. Le raisonnement économique est d’apparence simple : les rejets des gaz à effet de serre sont dus au fait qu’il n’y a pas de prix au rejet du CO 2 . Celui-ci est une externalité négative qu’il convient d’internaliser. Le marché des permis favorise les investissements d’atténuation des émissions là où ils sont les moins chers, et les secteurs où ce coût est élevé achètent des crédits. Ce mécanisme, qui permet d’investir là où c’est le plus efficace, est paré de la « rationalité » économique. Une des justifications de la supériorité de cette approche sur les « politiques et mesures » est que les administrations seraient moins bien placées que les entreprises pour décider des solutions technologiques et industrielles optimales. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Face à la fronde, l’Elysée crée un « nouveau système » d’encadrement de la taxe carbone Cette rationalité simple appliquée par l’Europe à des secteurs industriels est en réalité mise en défaut par le fait que, contrairement à un marché qui gère des raretés réelles, la « rareté » du CO 2 est créée par la puissance publique, qui alloue des quotas. Du fait d’un défaut bien connu de la régulation publique – l’asymétrie de l’information entre régulateur et régulé –, les quotas ont été trop largement distribués, conduisant à un prix de marché instable et très faible. L’avantage supposé d’un système dans lequel les objectifs de réduction étaient prévisibles (les quotas), mais où le prix du carbone était fluctuant, s’est révélé être un handicap pour les entreprises. L’économie réelle, différente de celle des modèles de simulation macroéconomique, a en effet besoin de visibilité à long terme pour rationaliser ses investissements et d’un cadre réglementaire le plus universel possible pour ne pas fausser la concurrence. Baisser la fiscalité carbone… L’échec évident du système hérité de Kyoto n’a pas fait l’objet d’une réelle analyse critique, car ses théoriciens – macro-économistes, économètres et modélisateurs – tiennent encore le haut du pavé dans la recherche et la prescription sur le sujet.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/la-taxation-du-carbone-n-a-pas-fait-l-objet-d-une-reelle-analyse-critique_5394122_3232.html
07/12/2018
Les modèles macroéconomiques usant du marché ou de la fiscalité pour « inciter » à la transition ont fait leur temps. Place aux initiatives issues du terrain, capables de modifier l’économie réelle, plaide l’environnementaliste Christian Brodhag dans une tribune au « Monde ».
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« Gilets jaunes » : « Il est impératif et urgent que le politique se réapproprie l’espace numérique »
Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, est reçu par le président français, Emmanuel Macron, à l’Elysée, le 23 mai 2018. POOL / EPA-EFE Tribune. En moins d’une décennie, la transformation numérique est devenue l’injonction propre à la modernité contemporaine. Ainsi, et comme si « le monde d’avant » était soudainement devenu obsolète par le seul fait que le progrès technologique nous ouvrait les portes d’un « nouveau monde », il convient désormais de tout transformer – jusqu’à ce qui a mis des millénaires à se façonner, s’organiser et se polir, que l’on appelle la civilisation. La question, aujourd’hui, n’est d’ailleurs plus : « Faut-il transformer ? », mais : « Comment réussir sa transformation ? », comme si cette dernière était devenue la condition d’une survie dans un monde où même la nature des choses aurait changé par la seule grâce du progrès technologique. Après l’ubérisation des taxis, de l’hôtellerie et de bien d’autres secteurs, l’Etat lui-même est dorénavant face à ce phénomène que rien ne semble vouloir entraver C’est ainsi que la cité politique « à l’ancienne » est aujourd’hui appelée à se transformer en cité numérique (Comment les géants du numérique veulent gouverner nos villes, Jean Haëntjens, Rue de l’échiquier, 160 p., 15 €). Une cité où l’espace physique, géré par des élus de proximité, devra laisser la place à l’espace virtuel, maîtrisé par des plates-formes, une cité dans laquelle les décisions seront prises non plus par des représentants des citoyens légitimés par une élection, mais par des collectifs agrégés par ces mêmes plates-formes et dans lesquels le consommateur se substituera au citoyen. S’il fallait un exemple à cette tendance, le mouvement des « gilets jaunes » en est actuellement l’expression la plus frappante. Au sens premier du terme… C’est ainsi qu’après l’ubérisation des taxis, de l’hôtellerie, et de bien d’autres secteurs de l’économie, l’Etat lui-même est dorénavant face à ce phénomène que rien ne semble vouloir entraver dans sa marche. De surcroît, contrairement aux ambulanciers, le politique, fasciné par les promesses du numérique de réenchanter le monde d’une génération postmoderne déçue et inquiète, est devenu le promoteur indéfectible de la numérisation de l’action publique et de l’inclusion numérique du citoyen. Contraindre le cyberespace Et c’est ce dernier qui, formé, formaté, adapté, enfermé dans la bulle sociale et cognitive choisie pour lui par des algorithmes, encore plus qu’un consommateur servile, risque demain de devenir l’idiot utile d’un pouvoir qui aura échappé au politique. Un pouvoir qui ne sera pas non plus celui de la machine, mais de ceux à qui obéit la machine. C’est un fait, et la nature ayant horreur du vide, partout où la gouvernance publique recule, d’autres la remplacent.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/gilets-jaunes-il-est-imperatif-et-urgent-que-le-politique-se-reapproprie-l-espace-numerique_5394119_3232.html
07/12/2018
Le consultant Jacques Marceau s’inquiète, dans une tribune au « Monde », de voir poindre un régime politique dans lequel les décisions seront prises non plus par des représentants élus par les citoyens, mais par des collectifs agrégés par des plates-formes.
idees
« La taxe carbone doit devenir une subvention à la dépollution »
« La taxe conduit à une baisse de bien-être qui pèse, injustice ultime, sur les plus défavorisés de la génération présente » (Photo: à Paris, le 4 décembre). Francois Mori / AP Tribune. La taxe environnementale sur le carburant a mis le feu aux poudres. Un point essentiel focalise l’attention : elle fait porter un fardeau supplémentaire, injuste, à ceux qui sont captifs des énergies fossiles et qui sont souvent aussi ceux qui ont de faibles revenus. C’est selon certains une taxe punitive qui pénalise ceux qui ont une vie quotidienne déjà éprouvante. La vertu incitative de la taxe à réduire les émissions de gaz à effet de serre passe nécessairement au second rang. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Gilets jaunes : « Comment rendre juste la taxe carbone et minimiser ses impacts sociaux ? » Pourtant, la taxe carbone n’est pas une taxe de plus, un mal nécessaire de plus, c’est une correction majeure d’une concurrence déloyale ! La fiscalité écologique est introduite parce que le prix des biens énergétiques fossiles ne répercute pas le coût environnemental que leur consommation engendre. Sans elle, les prix relatifs entre les différentes énergies, ou les différents systèmes d’économie d’énergie, sont biaisés et engendrent des comportements inefficaces qui poussent à la surconsommation de produits dégageant du CO 2 au détriment de ceux qui n’en dégagent pas ou peu. Une taxe de ce type est un moyen de faire prendre conscience du coût infligé aux générations futures. Baisse de bien-être Mais malheureusement, alors que c’est un instrument destiné à l’amélioration globale du bien-être par rapport au statu quo grâce à une moindre détérioration du climat, la taxe conduit à une baisse de bien-être qui pèse, injustice ultime, sur les plus défavorisés de la génération présente. D’une certaine manière on fait payer le coût de l’effort climatique à ceux qui n’en bénéficieront pas ! Pour atténuer cet effet délétère, on insiste en général sur le fait que les recettes fiscales associées permettent, au moins théoriquement, de réajuster la fiscalité générale et donc potentiellement une certaine augmentation de bien être « globale ». Malheureusement ce deuxième « dividende » de la taxe est relativement insensible et son caractère redistributif peu clair. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Montée des inégalités, changement climatique... Faut-il en finir avec la croissance ? Pour moduler, atténuer ou inverser le caractère anti-redistributif de la taxe, il existe différents instruments possibles. Chacun d’eux reflète une certaine répartition des droits de chacun sur l’environnement. Si nous émettons aujourd’hui, nous dégradons le climat pour demain. Les générations futures pourraient nous dire : « Tu utilises ma maison en y déversant des déchets qui nuisent à ma santé, tu dois payer », ou « je vais habiter ta maison et je trouve qu’il faut la réhabiliter, je peux payer pour l’améliorer ».
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/la-taxe-carbone-doit-devenir-une-subvention-a-la-depollution_5394107_3232.html
07/12/2018
Passons du principe injuste du pollueur payeur à celui, incitatif, de l’aide à ceux qui font l’effort de moins polluer, propose l’économiste Dominique Henriet, dans une tribune au « Monde ».
economie
En Chine, un dirigeant de la plate-forme vidéo d’Alibaba arrêté pour corruption
Sur le campus Alibaba à Hangzhou (Chine), en mai 2016. John Ruwitch / REUTERS Coup dur pour Alibaba : le chef de sa section vidéo, Yang Weidong, à la tête de la plate-forme Youku, a été arrêté le 3 décembre et a « démissionné », a indiqué Alibaba dans un communiqué. Yang Weidong est suspecté d’avoir « recherché des bénéfices économiques », un euphémisme courant pour parler de corruption. Une affaire qui rappelle que dans la technologie aussi la corruption est présente, en Chine, même si les cas sont plus courants dans les secteurs traditionnels comme l’immobilier. Quelques jours plus tôt, Meituan Dianping, un géant de la livraison et des services, avait annoncé une enquête sur 89 employés de ses services commerciaux, dont 30 au sein de l’entreprise et 59 chez des partenaires. Yang Weidong a fait carrière chez Nokia puis Lenovo, avant de rejoindre Youku Tudou en 2013 comme vice-président de la plate-forme vidéo à succès. Lorsque celle-ci est rachetée par Alibaba, en 2015, Yang Weidong est l’un des rares cadres à conserver son poste. Il prendra même la présidence tournante de la branche divertissement et médias digitaux d’Alibaba, début 2018. Il a été remplacé pour tous ses postes par le directeur général d’Alibaba Pictures, Fan Luyuan, qui continue à exercer ses fonctions à la tête des studios d’Alibaba. D’après le magazine économique chinois Caijing, Alibaba avait lancé une enquête interne sur le dirigeant depuis quelque temps. L’enquête porte sur des sommes de plus de 100 millions de yuans (12,7 millions d’euros), indûment touchées par le dirigeant, indique le magazine, qui ne cite pas ses sources. Les faits auraient eu lieu cette année et concerneraient une émission de variétés à succès, « C’est ça ! » (« Zhe jiu shi ! »). L’actrice Fan Bingbing a dû rembourser 113 millions au fisc Alibaba est engagé dans une course aux abonnés contre ses principaux rivaux détenus par les deux autres géants du Web chinois, Tencent Video, et le leader du secteur, iQiyi, plate-forme détenue par Baidu. Pour attirer des abonnés, les plates-formes investissent lourdement dans la production de contenus. Fin 2016, Alibaba divertissement, qui gère Youku, ainsi que la production de films et la vente de billets, avait annoncé 50 milliards de yuans (6,4 milliards d’euros) d’investissements sur trois ans. Mais la course à la production a entraîné une inflation des salaires des stars chinoises, et des pratiques d’évasion fiscale. Cette année, les autorités chinoises, engagées dans une campagne contre la corruption depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping début 2013, ont ciblé l’industrie du cinéma.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/en-chine-un-dirigeant-de-la-plate-forme-video-d-alibaba-arrete-pour-corruption_5394104_3234.html
07/12/2018
Le patron de Youku, une plate-forme vidéo populaire en Chine, a été arrêté le 3 décembre. Après le cinéma, le monde de la Tech est dans le collimateur des autorités.
economie
La bataille de lobbying se poursuit à propos de la directive sur le droit d’auteur
Lors du vote de la directive sur le droit d’auteur, au Parlement européen de Strasbourg, le 12 septembre. Vincent Kessler / REUTERS Après le vote, le lobbying perdure… L’adoption, par le Parlement européen, de la directive sur le droit d’auteur, le 12 septembre, n’a pas mis fin aux campagnes d’influence des industries concernées, bien au contraire. En effet, le texte est entré dans une nouvelle phase, le « trilogue » – un « dialogue à trois » – censé faire émerger un texte de compromis entre le Parlement, la Commission et le Conseil de l’Union européenne, qui représente les Etats membres. Leur dernière réunion s’est tenue lundi 3 décembre ; la prochaine est prévue le 13. « C’est la dernière ligne droite », résume Fabrice Fries, le PDG de l’Agence France-Presse (AFP). La tension est plus forte que jamais. « Le lobbying des GAFA – les grandes plates-formes numériques comme Google, Facebook, Amazon… – est excessif, mais celui mené par les industries de la création l’est aussi parfois », note Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et grand habitué des batailles pour la défense de l’exception culturelle française et le financement de la création. Dernier accrochage en date : le 4 décembre, une alliance de nombreux ayants droit représentant la télévision, le cinéma et la musique en France a dénoncé « la campagne de désinformation massive et sans précédent » menée « depuis plusieurs semaines » par Google et YouTube. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Bruxelles, l’intense guerre des lobbys autour de la directive « copyright » La plate-forme de vidéo de Google appelle depuis fin octobre ses « YouTubeurs » à s’exprimer en ligne contre l’article 13, qui, selon elle, risque d’avoir « des effets pervers » : les « vidéos éducatives, les vidéos de fans, les parodies » seraient notamment menacées par le renforcement de la responsabilité des plates-formes sur les contenus violant le droit d’auteur. Amazon vient d’envoyer un message aux utilisateurs de Twitch, sa plate-forme de jeu vidéo. Adouci par le Parlement européen, l’article 13 incite les grands acteurs du numérique à nouer des accords de licence avec les ayants droit. Ces derniers y voient « un rééquilibrage du partage de la valeur ». « Incarner davantage le débat, trop technique » « C’était une erreur politique de la part de YouTube de mobiliser ainsi les internautes », estime M. Rogard, même si « la SACD a déjà signé un accord de rémunération avec YouTube et pas avec Facebook ». Le représentant des auteurs n’a pas signé le dernier communiqué des ayants droit, accusés de trop se focaliser sur l’article 13, sans défendre « en bloc » l’article 11, qui crée un droit voisin pour l’utilisation de contenus de la presse, et l’article 14, qui généralise en Europe le principe d’une « rémunération proportionnelle » des auteurs.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/la-bataille-de-lobbying-se-poursuit-a-propos-de-la-directive-sur-le-droit-d-auteur_5394095_3234.html
07/12/2018
Un nouveau texte de compromis doit émerger du « trilogue » entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil.
economie
La CGT et FO lèvent leur appel à la grève des routiers
La grève des routiers n’aura pas lieu. La CGT et FO Transports ont levé vendredi 7 décembre leur appel à la grève prévu à partir de dimanche soir. Les deux syndicats ont consulté leur base après avoir obtenu jeudi des engagements écrits du patronat sur le maintien de la rémunération des heures supplémentaires des routiers, après une réunion au ministère des transports qui s’est lui-même engagé sur ce dossier. Dans leurs lettres, les quatre organisations d’employeurs représentatives du secteur, la FNTR, TLF, OTRE et la CNM, s’engagent à conserver les taux de majoration de 25 % et 50 % appliqués aux heures supplémentaires des chauffeurs routiers. « Tout accord d’entreprise qui dérogerait à ces taux serait illégal », ont écrit ces quatre organisations patronales, reprenant les termes de la ministre Elizabeth Borne. Une réunion « constructive » avec Elizabeth Borne FO-transports et logistique, qui a qualifié de « constructive » la réunion jeudi avec Mme Borne, a précisé dans un communiqué que « 60,8 % » de ses instances locales avaient considéré que l’appel à la grève devait « être levé ». « Toutefois », a prévenu le syndicat, « si les employeurs ne respectent pas leurs paroles et leurs écrits, si le gouvernement dans sa loi [d’orientation des mobilités (LOM)] ne respecte pas ses engagements, un conflit dur pourrait débuter à tout moment d’ici à l’été 2019 ». Une telle grève, très redoutée, aurait été synonyme de nouveaux barrages sur les routes françaises, en plein mouvement des « gilets jaunes ».
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/la-cgt-et-fo-levent-leur-appel-a-la-greve-des-routiers_5394091_3234.html
07/12/2018
Les deux syndicats ont pris cette décision après avoir reçu des engagements écrits du patronat quant au maintien de la rémunération des heures supplémentaires des routiers.
idees
Le trajet du terme « autrice » au sein de la langue française
Wikimedia Commons / Aurore Evain « Pourquoi utiliser l’ultra moche [sic] “autrice” ou le grotesque “écrivaine” quand “auteure” suffirait ? » En quelques caractères sur Twitter, le journaliste d’Europe 1 David Abiker a réveillé en octobre un vieux débat. Quelques mois plus tôt, un de ses confrères de L’Obs, Delfeil de Ton, en venait à la même réflexion après avoir feuilleté les pages du Monde.« Ne venions-nous pas de tomber, dans la version en ligne du journal, sur une “autrice” de la pire facture ? Autrice, je vous demande un peu. » Certes, « auteure » est plus discret qu’autrice, mais son voisin, « actrice », n’horrifie personne… Le ter­me « autrice » serait-il un néologisme ou un bar­barisme pour s’attirer tant de foudres ? Au contrai­re : ce féminin est juste, même s’il a longtemps été inusité. Dans un article publié en 2008 dans la ­revue Sêméion, la chercheuse Aurore Evain a reconstitué son trajet au sein de la langue française. Le résultat est autant une histoire de la langue qu’une histoire de la fonction d’« auteur » et de la place accordée aux femmes dans la société. Pierres tombales des premières ouvrières chrétiennes Auctrix, l’équivalent latin d’« autrice », existe en ­effet dès les premiers siècles du christianisme. ­Tertullien et saint Augustin, parmi d’autres, s’en servent pour qualifier les grandes figures féminines des Ecritures aux côtés de Dieu, le grand Auteur : l’emploi d’auctrix vient donc configurer un monde où le masculin et le féminin sont associés dans l’ordre de la création. Le terme est aussi le reflet d’un nouvel ordre social : les pierres tombales des premières ouvrières chrétiennes les désignent comme « autrices » car « ceux qui travaillent incarnent désormais un idéal de vertus, dans un monde fondé sur le mérite, où l’on se glorifie de vivre de son labeur », remarque Aurore Evain. S’il rencontre des résistances, le terme « autrice » continue de faire son chemin tout au long du Moyen Age et de la Renaissance, mais au XVIIe siècle une véritable guerre lui est déclarée par les grammairiens et par certains lettrés. « Alors que ce siècle assiste à “la naissance de l’écrivain”, que l’ins­titutionnalisation de la langue et la professionna­lisation du champ littéraire ouvrent les portes à ­l’ascension sociale, en parallèle l’éducation féminine se développe et une nouvelle génération de femmes de lettres fait son apparition, qui aspirent à faire ­carrière et à vivre de leur plume. »
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/le-trajet-du-terme-autrice-au-sein-de-la-langue-francaise_5394089_3232.html
07/12/2018
Dans un article publié en 2008 dans la ­revue « Sêméion », la chercheuse Aurore Evain a reconstitué l’origine de ce féminin aujourd’hui contesté. Le mot est pourtant utilisé depuis les premiers siècles de notre ère.
economie
Pouvoir d’achat : le gouvernement veut mettre les entreprises à contribution
Muriel Pénicaud arrive au ministère du travail pour une réunion avec les partenaires sociaux, le 7 décembre. FRANCOIS GUILLOT / AFP C’est la dernière proposition du gouvernement – inspirée par Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France – pour désamorcer la colère des « gilets jaunes » à l’approche du week-end de tous les dangers. Le premier ministre, Edouard Philippe, puis son ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et son homologue des comptes publics, Gérald Darmanin, se sont prononcés, jeudi 6 décembre, en faveur d’une prime exceptionnelle versée par les entreprises à leurs salariés. Une réponse à la revendication principale du mouvement : l’augmentation du pouvoir d’achat. Lire aussi Le gouvernement envisage de baisser les taxes sur l’électricité Réunies vendredi autour de M. Le Maire, les organisations patronales (Medef, Confédération des PME, Union des entreprises de proximité-U2P, Fédération du commerce et de la distribution…) se sont déclarées prêtes à verser cette prime aux salariés. A condition que ce soit sur la base du volontariat et qu’elle soit totalement défiscalisée et exonérée de cotisations sociales, ce qui implique une modification législative. Le ministre s’est engagé à l’inscrire dans la loi « le plus rapidement possible », sans doute dans le projet de loi de finances 2019 qui revient à l’Assemblée nationale le 17 décembre, pour que « le plus grand nombre d’entreprises puissent verser cette prime au plus grand nombre de salariés possible ». « Concertation » in extremis « Ne l’oublions pas, nous sommes d’abord face à une révolte fiscale que les patrons partagent. La seule solution, c’est de baisser les prélèvements », souligne le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, en rappelant que la France est désormais la championne mondiale de la pression fiscale (46,2 % du PIB). « Les entreprises ne veulent pas être les boucs émissaires. Mais la situation est grave, concède-t-il. Le Medef est prêt à s’engager sur cette prime et sur un versement transport pour les 5 millions de salariés qui n’en bénéficient pas. » L’idée d’une gratification n’est pas neuve. En 2011, Nicolas Sarkozy avait instauré une prime de partage des profits obligatoire, due par les entreprises d’au moins 50 salariés versant à leurs actionnaires des dividendes en hausse. Ministre de l’économie, Emmanuel Macron l’avait supprimée à partir de 2015. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est engagé à inscrire « le plus rapidement possible » dans la loi la prime aux salariés. Lors de la préparation de la loi Pacte, la CPME avait défendu la création d’une prime plafonnée à 1 000 euros par an et versée en une ou plusieurs fois. « Il y a quelques mois, lors des discussions sur l’intéressement et la participation, nous proposions une prime annuelle en fonction des marges et plafonnée à 1 000 euros, mais sans période de versement prédéterminée », renchérit Alain Griset, président de l’U2P, qui fédère 2,4 millions de petites entreprises. Mais, comme le patron du Medef, il prévient que les secteurs pénalisés par le mouvement des « gilets jaunes » auront du mal à la verser.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/pouvoir-d-achat-le-gouvernement-veut-mettre-les-entreprises-a-contribution_5394084_3234.html
07/12/2018
L’exécutif leur demande de verser une prime à leurs salariés. Le patronat y est favorable, sur la base du volontariat et à condition qu’elle soit défiscalisée. Les entreprises pourraient aussi être mises à contribution pour compenser l’annulation de la taxe carbone.
economie
A Bruxelles, la France défend bec et ongles les tarifs réglementés de l’électricité
Le commissaire européen au climat et à l’énergie, l’Espagnol Miguel Arias Cañete, à Bruxelles, le 5 décembre. ARIS OIKONOMOU / AFP Alors qu’en France, en pleine crise des « gilets jaunes », le gouvernement a annoncé un gel des tarifs de l’électricité et du gaz pour cet hiver, à Bruxelles, il bataille en coulisse pour conserver cette capacité des Etats membres à réguler les tarifs de l’électricité. Et résister à une tendance de fond : la libéralisation du secteur de l’énergie, engagée dans les années 1990, que la Commission européenne et nombre d’Etats membres entendent poursuivre jusqu’à son terme. Lire aussi Le gouvernement envisage de baisser les taxes sur l’électricité Mercredi 5 décembre, les représentants des Etats membres et ceux du Parlement européen ont échoué, malgré des heures de pourparlers, à trouver un terrain d’entente afin de valider la révision d’un texte important, la « directive électricité ». Elle vise à adapter le marché électrique aux nouvelles productions de renouvelables, en les favorisant et en tenant compte de leur caractère plus décentralisé. Il s’agit aussi de rendre le secteur encore plus compétitif et transparent, au service du consommateur. Dans son propos liminaire, le projet de directive de la Commission, qui date de fin 2016, précise ainsi que « la régulation des prix peut limiter le développement d’une concurrence effective, décourager les investissements et l’émergence de nouveaux acteurs. C’est pourquoi […] la Commission encourage les Etats membres à établir une feuille de route pour sortir du système des prix administrés. » L’institution communautaire prévoit que les distributeurs d’électricité devraient être « libres de fixer leurs prix » et prône une suppression progressive (sous cinq à dix ans) des tarifs réglementés de vente d’électricité aux consommateurs. Avec une exception notable : les publics dits « vulnérables » pourraient continuer à bénéficier de prix subventionnés. « Un modèle étatique » La France réclame le maintien des prix administrés pour toutes les populations, pas seulement les plus fragiles. « Elle défend ce modèle bec et ongles, un peu comme la Pologne défend bec et ongles, de son côté, le maintien de ses centrales à charbon », cingle l’eurodéputé vert espagnol Florent Marcellesi, « rapporteur fictif » de la directive pour son groupe politique au Parlement de Strasbourg. Paris a obtenu que la version provisoire du texte amendé par le Conseil ne fasse plus référence de manière explicite à la période de temps (dix ans) à l’issue de laquelle les tarifs réglementés devront avoir totalement disparu, sauf pour les populations vulnérables. Mais cette concession à la France n’est pas encore actée dans le texte final. Les négociateurs, qui veulent trouver un terrain d’entente avant fin 2018, doivent se revoir pour une nouvelle tentative de conciliation le 18 décembre.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/a-bruxelles-la-france-defend-bec-et-ongles-les-tarifs-reglementes-de-l-electricite_5394081_3234.html
07/12/2018
La Commission prône une suppression progressive des tarifs réglementés, que Paris refuse. La limitation du recours aux centrales à charbon en cas de pics de consommation fait débat.
planete
La pêche industrielle affame les oiseaux de mer
Des fous du Cap chassant des sardines, en Afrique du Sud. Reinhard Dirscherl/Biosphoto De toutes les familles d’oiseaux, ceux qui vivent au-dessus des mers sont ceux qui disparaissent le plus massivement. Ils ont décliné de 70 % entre 1950 et 2010. Comme la faune sous-marine, ils subissent directement les maux de l’océan : invasion de plastique et pollutions multiples, réchauffement et acidification, destruction d’écosystèmes comme les récifs coralliens et les mangroves. Cependant, l’analyse scientifique publiée jeudi 6 décembre dans la revue Current Biology pose une question plus basique : pétrels, sternes, frégates, manchots ne sont-ils pas d’abord en train de mourir de faim, privés de leur nourriture par le développement de la pêche tout autour de la planète ? Déclin de la communauté des oiseaux de mer et progression de la pêche dans le monde entre 1970 et 2010. Current Biology, décembre 2018 « En tant qu’écologue de terrain, j’étais frustré de constater que cette dimension-là était peu prise en compte, alors qu’en étudiant les fous du Cap en Afrique du sud et ceux de Bassan, habitués de la réserve ornithologique des Sept-Îles en Bretagne, j’ai pu constater que ces derniers avaient “fondu”, perdant beaucoup de poids au fil des années », témoigne David Grémillet. Chercheur du CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) à Montpellier, il est l’auteur principal de l’article – premier du genre à l’échelle mondiale et sur une durée de plusieurs décennies –, consacré à la concurrence entre l’activité prédatrice du secteur de la pêche et celle des oiseaux de mer. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Une flotte de thoniers menace les eaux préservées des Marquises Pression sur la ressource halieutique Malgré le déclin des communautés d’oiseaux, ce niveau de compétition est resté assez stable en quarante ans, avec un indice de chevauchement de 0,429 au début, puis 0,436 à la fin de la période considérée, observe le chercheur. Autrement dit, entre 1970 et 2010, les oiseaux bien que moins nombreux, n’ont pas vu leur part de nourriture progresser, car les humains n’ont cessé d’accentuer leur pression sur la ressource halieutique. La concurrence a même augmenté dans près de la moitié des zones de pêche, en particulier dans certains points chauds comme les côtes du Pérou, celles de Californie, la mer de Norvège, en Méditerranée et d’une façon générale dans l’océan Austral et en Asie. Carte de la baisse de la distribution mondiale de la consommation alimentaire des oiseaux de mer. Current Biology, 2018 Pour parvenir à ces conclusions alarmantes, David Gremillet et ses coauteurs du CEFE, et des universités du Cap en Afrique du Sud et Aberdeen en Ecosse, ont travaillé à partir de la base de données Sea Around Us, constituée par le célèbre spécialiste des pêches, Daniel Pauly, avec son équipe de l’Institut pour les océans et les pêcheries de l’université de Colombie britannique à Vancouver (Canada), et d’autres recensements de l’ONG Birdlife International notamment.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/07/la-peche-industrielle-affame-les-oiseaux-de-mer_5394078_3244.html
07/12/2018
Entre 1970 et 2010, les oiseaux, bien que moins nombreux, n’ont pas vu leur part de nourriture progresser.
police-justice
L’usage risqué du Flash-Ball lors de manifestations
Un manifestant blessé par un tir de Flash-Ball, près de l’Arc de triomphe, à Paris, le 1er décembre. LUCAS BARIOULET / AFP Plusieurs personnes ont été blessées lors des manifestations du samedi 1er décembre par les projectiles en caoutchouc tirés par des lanceurs de balles de défense (LBD). Au seul hôpital Georges-Pompidou à Paris, le service des urgences a pris en charge « six ou sept blessés par Flash-Ball, dont certains au visage, affirme Rafik Masmoudi, médecin urgentiste. Ce ne sont pas des accidents habituels, je n’en avais jamais vu autant en une journée. » Le service a en effet accueilli dix-huit manifestants le 1er décembre. L’usage de ces armes dites de force intermédiaire, car non létales, dans les opérations de maintien de l’ordre est encadré par la loi. Le principe défini par le code de la sécurité intérieure est celui d’un usage « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ». Des instructions signées du directeur général de la police nationale et du directeur général de la gendarmerie nationale précisent que les lanceurs de balles de défense peuvent être utilisés lors d’un attroupement susceptible de troubler l’ordre public « en cas de violences ou voies de fait commises à l’encontre des forces de l’ordre ou si les forces de l’ordre ne peuvent défendre autrement le terrain qu’elles occupent ». Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de faire des sommations. Viser le torse ou les membres supérieurs La difficulté de ce type d’armes réside dans leur manque de précision. D’ailleurs, le Flash-Ball Super-Pro devait être retiré des dotations de la police et de la gendarmerie au profit de modèles plus précis (LBD 40 ou LBD 40/46) et d’une plus grande portée (dix mètres). Néanmoins, le tireur est censé « s’assurer que les tiers éventuellement présents se trouvent hors d’atteinte afin de limiter les risques de dommages collatéraux ». Enfin, le tireur doit viser le torse ou les membres supérieurs. Jamais la tête. Dans un rapport remis le 10 janvier au président de l’Assemblée nationale, le Défenseur des droits a recommandé l’interdiction des lanceurs de balles de défense dans des opérations de maintien de l’ordre en raison des risques liés à la nature même d’une manifestation où les personnes sont groupées et mobiles. « Le point visé ne sera pas nécessairement le point touché et la personne visée pourra ne pas être celle atteinte », écrit-il. Le risque est de blesser grièvement une personne, et donc d’engager la responsabilité du tireur. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Violences policières : des avocats portent plainte
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/07/l-usage-risque-du-flash-ball-lors-de-manifestations_5394070_1653578.html
07/12/2018
Lors des manifestations des « gilets jaunes », le 1er décembre, plusieurs personnes ont été blessées par les projectiles en caoutchouc tirés par des lanceurs de balles de défense.
economie
EOLE : un chantier majeur pour un futur RER haute performance
La carte du projet EOLE. C’est la nouvelle folie de la SNCF, mais, cette fois, ce n’est pas une ligne TGV. Le coup d’envoi du percement d’EOLE, la branche ouest du RER E, qui va relier la gare parisienne de Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie (Yvelines), en passant par La Défense, a été donné le 28 novembre, avec le baptême du plus grand tunnelier d’Europe, lequel devrait entrer en action dans les semaines à venir. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans le RER D, avec les « oubliés » des trains du quotidien Signe des temps, le chantier ferroviaire majeur du pays est consacré aux trains du quotidien. EOLE – acronyme d’Est Ouest Liaison Express – prolongera le RER E déjà existant entre Saint-Lazare et l’Est francilien (Chelles, Gournay-sur-Marne, Tournan-en-Brie). Il permettra, à l’horizon 2024, de soulager le RER A, qui risque la thrombose avec son million de passagers quotidiens. A terme, la SNCF prévoit que 650 000 usagers l’empruntent chaque jour. L’investissement est colossal pour une extension de ligne de 55 kilomètres : 3,8 milliards d’eu­ros, incluant la construction de trois nouvelles gares (les stations souterraines de Porte Maillot et de CNIT-La Défense, ainsi que la gare de Nanterre La Folie). Le financement est assuré pour les deux tiers par la Société du Grand Paris et par la région Ile-de-France. A titre de comparaison, la ligne à grande vitesse entre Le Mans et Rennes (182 km), inaugurée en 2017, aura coûté 3,4 milliards, en comptant les dépassements de budget. Lire aussi Nanterre remodèle ses quartiers autour de ses deux nouvelles gares Le chantier d’EOLE accumule les superlatifs et les exploits techniques : un tunnelier « à pression de boue » de 1 800 tonnes, grand comme un immeuble avec sa roue de coupe de 11 mètres de diamètre et ses 90 mètres de long ; un creusement hors norme en zone hyperdense sous Paris et les Hauts-de-Seine nécessitant d’aller entre 30 et 40 mètres en sous-sol, 2 000 mètres cubes de déblais à évacuer chaque jour, 30 000 emplois directs créés… Exploitation en recouvrement In fine, ce chantier doit permettre la création d’un réseau ferroviaire urbain de transport de masse ultraperformant, garantissant une nette amélioration de la qualité de service par rapport aux RER actuels, assure la SNCF. L’innovation en la matière consiste en ce que les spécialistes appellent « une exploitation en recouvrement ». Aucun train ne parcourra l’intégralité de la ligne. Ceux de Seine-et-Marne n’iront pas plus loin que Nanterre à l’ouest et ceux de Mantes s’arrêteront après la gare du Nord, à l’est. « En tronçonnant de la sorte l’exploitation de la ligne, vous empêchez la contagion des problèmes, explique Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, le maître d’ouvrage de l’ensemble du chantier. Vous évitez qu’un incident à Mantes, par exemple, provoque des retards jusqu’à Chelles. »
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/eole-un-chantier-majeur-pour-un-futur-rer-haute-performance_5394067_3234.html
07/12/2018
La SNCF prévoit à terme un trafic de 650 000 passagers par jour sur le RER E, qui reliera Mantes-la-Jolie à Chelles-Gournay ou Tournan.
idees
« Gilets jaunes » : « L’urgence est de rétablir l’ordre et de faire cesser l’impunité »
« Il est aisé de porter une cagoule lors d’une manifestation et sévir en toute impunité. Cette lâcheté doit être érigée en délit » (Photo : à Toulouse). MATTHIEU RONDEL / HANSLUCAS POUR " LE MONDE" Tribune. Entendre la colère ? Sans doute, bien qu’elle s’exprime d’une façon trop confuse pour que ses objectifs soient discernables. Mais là n’est plus l’urgence. Sans sécurité, toute liberté est illusoire. Sans paix civile, nos droits n’ont plus cours. Sans retour au calme, le dialogue n’est que cacophonie. En abandonnant la rue à la furie de la foule, la République se renie et la France perd tout crédit international. Après les scènes chaotiques auxquelles le monde entier a assisté médusé, devant le spectacle consternant des policiers agressés, des vitrines brisées, des voitures brûlées, des immeubles incendiés, des entreprises en chômage technique, des commerces mis à sac, de l’économie sinistrée, face au risque de coagulation des mécontentements les plus hétéroclites, l’urgence est de rétablir l’ordre et de faire cesser l’impunité. Rétablir l’ordre est le devoir des pouvoirs publics. Mais c’est aussi le devoir de quiconque comprend qu’il est délétère de laisser l’émeute dicter l’agenda politique. C’est le devoir de l’ensemble des institutions qui, plutôt que de tenter de tirer leur épingle du jeu, devraient condamner sans ambiguïté la violence, appeler à ne pas manifester et, tant que le péril persiste, apporter leur soutien au gouvernement. C’est le devoir de tous les élus de la nation qui, plutôt que de jeter de l’huile sur le feu ou de faire preuve de compréhension à l’égard des dérapages les plus fous, devraient mesurer combien la banalisation de ceux-ci sape les fondements du pacte démocratique. Rien n’excuse les barrages meurtriers C’est le devoir de toutes les organisations syndicales qui, plutôt que de s’annexer au mouvement, devraient comprendre que l’explosion inorganisée de revendications virulentes et contradictoires remet directement en cause la mission des corps intermédiaires. C’est l’obligation déontologique des médias qui, surmontant leur habituel réflexe d’empathie à l’égard d’insurgés « en souffrance sociale », devraient plus complètement témoigner de la gravité des faits. Pourquoi continuer à manifester alors que le gouvernement a satisfait à la revendication première du mouvement ? Le retour au calme devrait surtout s’imposer en conscience à chaque gilet jaune. Oui, beaucoup de nos compatriotes se débattent dans des difficultés financières et craignent l’avenir. Mais échangeraient-ils leur place avec les ressortissants de pays dépourvus de couverture sociale, sans système de santé accessible, privés d’éducation gratuite et accablés d’institutions corrompues ? Il n’y a aucune justification à leur vindicte actuelle contre un système politique certes toujours critiquable et perfectible, mais dont la destruction ne réglerait aucun de leurs problèmes présents et futurs et nous conduirait à la dictature.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/gilets-jaunes-l-urgence-est-de-retablir-l-ordre-et-de-faire-cesser-l-impunite_5394061_3232.html
07/12/2018
A la veille d’une journée de mobilisation des « gilets jaunes » dans toute la France, plusieurs personnes issues de la société civile estiment dans une tribune au « Monde » qu’il n’y a aucune justification à une vindicte contre un système politique dont la destruction nous conduirait à la dictature.
economie
A Marseille, les assureurs retirent les garanties « effondrement »
Rue d’Aubagne à Marseille, le 8 novembre, après l’effondrement de deux immeubles le 5 novembre. GERARD JULIEN / AFP A quoi servent les assurances ? Les propriétaires d’un immeuble situé rue d’Aubagne, face à ceux qui se sont écroulés à Marseille le 5 novembre, se sont posé la question, en découvrant que leur assureur Groupama décidait de retirer la garantie « effondrement » figurant sur leur contrat. Par un courrier envoyé le 26 novembre au syndic, que le Collectif du 5-Novembre a fait circuler sur les réseaux sociaux, l’assureur mutualiste indiquait qu’à la suite « des événements survenus à la rue d’Aubagne, à Marseille », qui ont causé la mort de huit personnes, il avait procédé « à un audit d’expertise des copropriétés » assurées dans cette rue. Résultat : à compter du 1er février 2019, la copropriété ne devait plus être assurée contre les risques d’effondrement. Dans un autre courrier, le syndic précisait que d’autres assureurs, contactés, réclamaient désormais un montant de prime « multiplié par six ou sept ». « Une question fondamentale de sécurité » Il aura fallu qu’un ministre s’en offusque pour que le groupe mutualiste temporise. « La décision de Groupama est inacceptable. Je m’en suis entretenu ce soir avec son directeur général, qui a pris connaissance du dossier et s’est engagé à le corriger », a tweeté, mercredi 5 décembre, Julien Denormandie, chargé de la ville et du logement au sein du gouvernement. Dans la foulée, l’assureur a répondu par Tweet que, « compte tenu de l’émoi et des circonstances exceptionnelles (…), Groupama [rétablirait], dans l’attente des expertises complémentaires, ses garanties “effondrement” ». Contacté par Le Monde, l’assureur évoque, « avant tout, une question fondamentale de sécurité des habitants », pointant du doigt « les propriétaires qui laissent les immeubles se dégrader par défaut d’entretien ». « C’est pour cette raison qu’il n’a jamais été question pour Groupama de retirer sa garantie aux habitants, mais plutôt aux propriétaires non occupants qui mettent les habitants en danger », justifie-t-il. L’initiative n’est toutefois pas isolée. Le conseiller municipal (PS) de Marseille Benoît Payan a également publié sur Twitter un courrier de l’assureur Allianz résiliant un contrat « compte tenu de l’évacuation de l’immeuble (…) suite à l’expertise diligentée par la ville de Marseille ». Sous pression, Allianz France a finalement annoncé, jeudi, qu’il prolongeait « les garanties de ses assurés copropriétaires de Marseille dont les murs sont sous arrêté de péril ou d’insécurité ».
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/07/a-marseille-les-assureurs-retirent-les-garanties-effondrement_5394058_3234.html
07/12/2018
Après l’effondrement de deux immeubles dans la cité phocéenne, le 5 novembre, plusieurs assureurs ont décidé de ne plus couvrir ce risque.
international
« En Afrique, la Russie sème des petits cailloux et attend de voir ce que ça donne »
Arnaud Kalika est directeur de la sûreté de Meridiam, une société spécialisée dans le financement et la gestion d’infrastructures publiques. Ancien analyste à la direction du renseignement militaire, il intervient auprès de différents think tanks internationaux sur la Russie et la géostratégie et dirige le séminaire en criminologie dans le monde post-sovétique au CNAM. Il est l’auteur de L’Empire aliéné. Le système du pouvoir russe (CNRS Editions, 2008) et du « Brouillard manichéen de la relation franco-russe » (La Revue des deux mondes, septembre 2015). Arnaud Kalika CEMI Peut-on parler d’un retour de la Russie en Afrique ? La Russie est de retour, mais elle part de très loin. A la chute de l’URSS [en 1990], l’Afrique a disparu de ses priorités stratégiques. Les intérêts russes ont plié bagage ; le complexe militaro-industriel a continué à fonctionner, mais une dizaine d’ambassades et de centres culturels ont fermé, ainsi que des délégations commerciales et des antennes du KGB. Les grands textes définissant la politique extérieure de la Russie évoquent l’Afrique au minimum, et d’abord dans le cadre de la coopération avec les entités régionales telles que l’Union africaine ou la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Rien n’est dit concernant les relations bilatérales. En termes de priorités, l’Afrique est encore reléguée loin d’autres aires géographiques, comme le Moyen-Orient, l’Europe ou l’Asie. Par ailleurs, elle a toujours été perçue en Russie selon une vision hégélienne, raciale, avec une « Afrique utile » englobant le Maghreb-Machrek – l’Algérie en premier lieu –, et l’Afrique subsaharienne, encore appelée « Afrique noire ». A partir de 2013-2014, la crise ukrainienne a eu un effet accélérateur, Moscou cherchant des voies alternatives pour exister dans des zones qu’elle avait délaissées. Avec quelles intentions ? L’objectif premier est économique. Les Russes n’ont plus rien en Afrique : les échanges avec l’ensemble de l’Afrique subsaharienne tournent aux alentours de 5 milliards de dollars [4,4 milliards d’euros], 18 milliards si l’on ajoute l’Algérie. C’est très faible. La Chine, la Turquie, l’Europe, les Etats-Unis, le Brésil sont loin devant. Les secteurs prioritaires sont minier, pétrolier et nucléaire. Rosatom [l’entreprise publique du nucléaire] a une vraie politique d’implantation, avec le développement de minicentrales. La Russie tente surtout de vendre des contrats-cadres aux pays partenaires, avec des avantages tels que des formations de personnels à Moscou ou la création d’écoles, en échange de positions privilégiées sur les marchés.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/07/arnaud-kalika-en-afrique-la-russie-seme-des-petits-cailloux-et-attend-de-voir-ce-que-ca-donne_5394055_3210.html
07/12/2018
Les sanctions occidentales jouent un rôle important dans le choix de Moscou de se tourner vers l’Afrique. Surtout si cela permet en plus de gêner les Occidentaux.
rugby
Rémunérations : la Fédération française de rugby connaissait le risque d’un dépassement
Bernard Laporte, le président de la Fédération française de rugby (à droite), et Serge Simon, le vice-président, en décembre 2016. FRANCK FIFE / AFP Depuis une semaine, la direction de la Fédération française de rugby (FFR) plaide l’ingénuité. Elle assure avoir seulement repéré en novembre, à l’arrêté des comptes annuels, le dépassement du plafond légal des rémunérations versées durant la saison 2017-2018 au vice-président, Serge Simon. Le trésorier général, Alexandre Martinez, a rejeté cette « erreur bête » sur le service des ressources humaines (RH). Même réflexe de M. Simon : le numéro deux de la « Fédé » a regretté, dans un entretien à l’Agence France-Presse, une simple « erreur des services ». Le Monde a pris connaissance d’éléments qui contredisent cette version et exposent les pleines responsabilités de la direction. Par plusieurs biais, celle-ci avait déjà été alertée, en effet, sur l’obligation de respecter le plafond autorisé pour une association d’utilité publique à but non lucratif – le statut officiel de la FFR, l’une des plus importantes organisations sportives du pays, depuis un décret de 1922. Le premier avertissement survient dès décembre 2016. Une semaine à peine après l’élection de Bernard Laporte à la présidence de la FFR, la nouvelle équipe fédérale sollicite les conseils de juristes. Il s’agit de se renseigner sur le montant maximum de la rémunération pour les trois dirigeants élus, ainsi que sur les conséquences fiscales en cas de dépassement. Avertissements multiples L’éclairage juridique qui est apporté est simple : pour chacun des trois dirigeants, les rémunérations peuvent atteindre au maximum trois fois le plafond de la Sécurité sociale – la notion de rémunération recouvrant à la fois salaire, honoraires, mais aussi avantages en nature, selon le code général des impôts. Avec cette précision : toute faute pourrait remettre en cause « le caractère désintéressé » de la gestion de la FFR, et donc ses exemptions fiscales. Ces éléments sont communiqués avant le 14 décembre 2016, date de réunion du premier comité directeur de la FFR après l’élection de M. Laporte. Ce jour-là, à Marcoussis (Essonne), au siège fédéral, la direction fait voter le principe de rémunérer trois dirigeants élus : MM. Simon et Martinez, ainsi que Christian Dullin, secrétaire général. Mais, si les voitures de fonction prêtées à Alexandre Martinez et Christian Dullin apparaissent bien dans leurs fiches de paie, ce n’est pas le cas du véhicule attribué à Serge Simon. Courant 2017, les avertissements continuent. D’après nos informations, Alexandre Martinez a été directement informé de la nécessité de prendre en compte l’avantage en nature de Serge Simon et de l’intégrer dans le calcul du plafond. Y compris à titre rétroactif. La question est urgente : à lui seul, le « salaire » de M. Simon (9 807 euros brut par mois) s’approche déjà des maximums autorisés. A l’inverse, le trésorier, Alexandre Martinez, et le secrétaire général, Christian Dullin, sont loin de ce total mensuel : 3 000 euros brut pour l’un comme pour l’autre.
https://www.lemonde.fr/rugby/article/2018/12/07/remunerations-la-federation-francaise-de-rugby-connaissait-le-risque-d-un-depassement_5394038_1616937.html
07/12/2018
Informée, l’équipe de Bernard Laporte n’a pas tenu compte du montant maximal de rémunération pour son vice-président, a appris « Le Monde ».
livres
« Les Héros de la Frontière », de Dave Eggers, ou l’envers du road-trip
Les Héros de la Frontière (Heroes of the Frontier), de Dave Eggers, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Juliette Bourdin, Gallimard, « Du monde entier », 400 p., 24 €. L’écrivain américain Dave Eggers, en 2018. Rhododendrites/CC BY-SA 4.0 A son arc littéraire, Dave Eggers a plusieurs cordes. Editeur, il a créé, à San Francisco, la maison McSweeney’s, qui publie Rick Moody ou William T. Vollmann. Philanthrope, il a imaginé 826 Valencia, une chaîne de « boutiques de lecture » qui, avec l’appui d’écrivains engagés, de professeurs ou de retraités, vient en aide aux jeunes illettrés des villes américaines. Un National Book Award et un prix Médicis étranger En France, c’est comme auteur qu’on l’a découvert en 2001. Mêlant l’auto-ironie brillante et le narcissisme assumé, son premier livre racontait sa traversée des Etats-Unis avec son petit frère de 8 ans après la mort de leurs parents. Il lui avait donné un titre à la David Foster Wallace, un titre qui ne s’oublie pas, A Heart­breaking Work of Staggering Genius (Une œuvre déchirante d’un génie renversant, Balland). Sept romans, un National Book Award et un prix Médicis étranger plus tard – pour Le Grand Quoi, l’histoire d’un garçonnet du Soudan du Sud contraint de fuir son pays pour échapper au sort des enfants soldats (Gallimard, 2009) –, Eggers revient avec Les Héros de la Frontière, « roman de mésaventures » et portrait d’une Américaine en plein désarroi physique et métaphysique. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Traduire, dit-elle. Un roman-film de Dave Eggers Le récit s’ouvre d’ailleurs par une remarque sur le bonheur. Selon la narratrice, Josie, il existe deux sortes de bonheur. Celui qui naît du « beau travail accompli » et nous laisse « fatigués et contents, prêts pour un repos mérité – le sommeil ou la mort ». Et « celui de son propre laisser-aller. Le bonheur de goûter une solitude grisée de vin rouge, sur le siège passager d’un vieux camping-car garé quelque part dans le sud profond de l’Alaska ». Camping-car bringuebalant, ironiquement surnommé « Le Château »… Josie, elle, a opté pour la seconde manière. Dentiste dans l’Ohio, divorcée – d’un bon à rien venu un jour pour un détartrage et qui lui a fait deux enfants –, cette jeune quadragénaire est au bout du rouleau. Accablée par les dettes de son cabinet, les clients procéduriers et la mort (qu’elle n’a pas pu empêcher) d’un jeune patient, elle décide de tout bazarder, débarque à Anchorage avec ses deux enfants et loue un camping-car bringuebalant, ironiquement surnommé « Le Château »… Adieu bridges, couronnes, conformismes. La voici libre et invincible dans sa maison itinérante, prête à se réinventer sur « une terre de montagnes et de lumière ». Ne vient-elle pas d’ailleurs de longer un bras de mer appelé Resurrection Bay ?
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/07/les-heros-de-la-frontiere-de-dave-eggers-ou-l-envers-du-road-trip_5394034_3260.html
07/12/2018
L’écrivain américain revient avec un « roman de mésaventures », portrait d’une Américaine en plein désarroi physique et métaphysique.
blog
Contagion de la violence : en médecine comme dans la rue – Pour raisons de santé
La « preuve sociale » est un principe de sociologie qui stipule qu’un individu ne sachant quoi faire ou quoi penser, a tendance à adopter le comportement ou le point de vue d’autres personnes. Si un grand nombre de gens fait quelque-chose, c’est certainement pour une bonne raison et l’individu en conclut que c’est la meilleure chose à faire. Cette preuve se manifeste dans le choix d’un restaurant déjà plein considéré a priori comme meilleur qu’un restaurant vide. Les séries télévisées qui utilisent des boîtes à rire abusent de ce principe en espérant majorer la sensation de comique. Le rayonnage des meilleures ventes est un procédé de libraire pour stimuler encore les ventes. En médecine, le domaine de l’obstétrique en offre les meilleurs exemples. Allonger la parturiente, déclencher ou stimuler les contractions, pratiquer l’épisiotomie, aspirer le bébé, se ruer sur le cordon, doivent être de bonnes pratiques puisqu’elles ont toujours été majoritaires. La pédiatrie n’est pas en reste avec des décennies d’inutiles paracentèses, adénoïdectomies, amygdalectomies, sous l’effet d’une violence mimétique. Baser son action exclusivement sur des faits actuels présente l’avantage d’éviter les pénibles arcanes de la décision. C’est parfois un bon choix, voire une force, mais c’est souvent une dangereuse faiblesse, comme l’a bien résumé Cialdini « La preuve sociale représente un raccourci commode, mais elle rend en même temps celui qui l’emprunte vulnérable aux assauts des profiteurs embusqués sur le chemin. » En ces temps de trouble social, les profiteurs embusqués sur le chemin sont nombreux, populistes ou casseurs, leur idéologie se façonne sur le tas, dans un imbroglio cognitif auquel la preuve sociale finit par donner une apparence présentable. Ajoutons à cela que la passivité devant un drame, connue sous le nom « d’effet spectateur » est une parfaite illustration du principe de la preuve sociale. Passivité qui peut se transformer en violence, en plagiant le premier qui a osé donner un coup de pied dans le ventre d’un homme à terre. Celui qui a pratiqué la première épisiotomie ou la première adénoïdectomie a eu tant d’adeptes que la question de cette pratique n’a plus été posée pendant longtemps. En obstétrique ou en pédiatrie, comme dans la rue, la violence est contagieuse. Référence
http://expertiseclinique.blog.lemonde.fr/2018/12/07/contagion-de-la-violence-en-medecine-comme-dans-la-rue/
07/12/2018
« La “preuve sociale” est un principe de sociologie qui stipule qu’un individu ne sachant quoi faire ou quoi penser, a tendance à adopter le comportement ou le point de vue d’autres personnes », explique Luc Perino, médecin urgentiste.
police-justice
« Gilets jaunes » : « Des moyens exceptionnels » pour maintenir l’ordre
Des gendarmes démontent des barricades, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le 5 décembre. Michel Euler / AP C’est un nouveau samedi sous très haute tension auquel se préparent les forces de l’ordre, ce 8 décembre, à l’occasion de « l’acte IV » de mobilisation du mouvement des « gilets jaunes ». Le ministère de l’intérieur anticipe en effet un niveau de violence « au moins égal »au 1er décembre, particulièrement à Paris. Et avec une hantise dans toutes les têtes : la crainte cette fois, qu’en plus des dégradations et des violences, un ou plusieurs morts soient à déplorer. Jeudi 6 décembre, le premier ministre, Edouard Philippe, a fait savoir que des « moyens exceptionnels » seraient mobilisés. Soit quelque 89 000 policiers et membres des forces de l’ordre sur l’ensemble du territoire, dont 8 000 à Paris – ils étaient 65 000 le 1er décembre. Pour la première fois, une douzaine de véhicules blindés de la gendarmerie, capables notamment de détruire des barricades, seront aussi déployés dans la capitale. La Préfecture de police de Paris a de son côté appelé les commerçants du secteur des Champs-Elysées à « fermer [leurs] portes et accès », tandis que la tour Eiffel et une dizaine de musées parisiens resteront clos. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Christophe Castaner et les « dix plaies » de Beauvau Equation périlleuse Mais, malgré les appels au calme, la question du maintien de l’ordre se présente comme un défi particulièrement délicat ce week-end, alors que l’enjeu sécuritaire s’avère double. D’un côté, il s’agit de prévenir au maximum les violences sans criminaliser le mouvement des « gilets jaunes ». De l’autre, il revient au ministère de l’intérieur de trouver les moyens de muscler considérablement le dispositif qui s’était montré défaillant le 1er décembre, sans pour autant que n’explosent les violences policières ou qu’à l’inverse un policier ou un gendarme ne soit tué dans des affrontements avec des manifestants. Or, l’équation est rendue périlleuse en raison du contexte. Au-delà de la radicalisation intrinsèque au mouvement des « gilets jaunes », les groupes d’extrême droite et d’extrême gauche – qu’ils soient d’Ile-de-France ou de province – apparaissent, selon les remontées d’informations parvenues aux services de renseignement, encore plus ouvertement mobilisés que le 1er décembre. Les réseaux sociaux abondent d’appels à la violence. Les services s’interrogent même sur un début d’infiltration de leur part, dans un certain nombre de comités locaux de « gilets jaunes », afin d’y radicaliser les mots d’ordre. « C’est un mouvement attisé par les haines complotistes de tout poil et exploité par les groupuscules extrémistes qui veulent faire vaciller la République », juge-t-on Place Beauvau.
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/07/des-moyens-exceptionnels-pour-maintenir-l-ordre_5393972_1653578.html
07/12/2018
Quelque 89 000 policiers et membres des forces de l’ordre, dont 8 000 à Paris, seront mobilisés samedi, à l’occasion d’une nouvelle journée de manifestations.
international
En Arménie, l’acte II de la « révolution de velours »
Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, lors du Conseil économique suprême eurasien, à Saint Petersbourg (Russie), le 6 décembre. OLGA MALTSEVA / REUTERS Accrochées au mur, les photos racontent ces folles journées d’avril lorsque des milliers d’Arméniens descendus dans la rue ont mis fin pacifiquement à l’hégémonie d’un régime, incarné pendant dix-huit ans par le Parti républicain et son chef de file Serge Sarkissian, tour à tour premier ministre, président, puis de nouveau premier ministre. Dans le bureau de son association, qui s’occupait jusque-là de droits de l’homme et d’aide sociale, Gayane Abrahamyan n’en revient toujours pas : « Si on m’avait dit qu’un jour j’entrerai en politique, je ne l’aurais jamais cru… » A 39 ans, cette ex-journaliste présente le profil type des futurs députés d’Arménie : militante de la société civile, novice en politique et déterminée à soutenir le premier ministre, Nikol Pachinian. Huit mois après son accession inattendue au pouvoir, l’ancien opposant de 43 ans, leader de la contestation, a lancé l’acte II de la « révolution de velours », en démissionnant de son poste, provoquant de fait des élections législatives anticipées. Le scrutin, prévu dimanche 9 décembre, devrait lui permettre de gouverner à la tête d’une confortable majorité, jusqu’ici encore détenue par ses adversaires. Car personne, en Arménie, ne doute de sa victoire. En octobre déjà, Hayk Marutian, 41 ans, un acteur populaire de séries télévisées engagé lui aussi dans les manifestations massives du printemps, a conquis la mairie d’Erevan, la capitale, à la suite d’un véritable raz-de-marée – plus de 80 % des voix – en faveur du parti Contrat civil, de M. Pachinian. « Pachinian, c’est un peu tout à la fois, journaliste, Che Guevara, premier ministre et Ghandi, mais sa légitimité est très forte », estime Alexandre Iskandarian, du Caucasus Institute « L’homme aux baskets », qui a parcouru à pied le pays avant de s’imposer en promettant un changement radical du paysage politique, est en passe de réussir son pari. Fidèle à sa méthode, l’ancien journaliste, actuellement premier ministre par « intérim », mobilise son électorat en direct sur Facebook, distribue des tracts dans le métro ou les bus et promet de poursuivre sa croisade contre la corruption, son principal credo. Plusieurs responsables du Parti républicain, poursuivis par la justice, ont commencé à en faire les frais. « Pachinian, c’est un peu tout à la fois, journaliste, Che Guevara, premier ministre et Gandhi, mais sa légitimité est très forte », relève Alexandre Iskandarian, directeur du Caucasus Institute. « Après l’exécutif, poursuit cet analyste, il n’y a pas de doutes que c’est au tour du pouvoir législatif de changer de camp. »
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/07/en-armenie-l-acte-ii-de-la-revolution-de-velours_5393969_3210.html
07/12/2018
Porté au pouvoir par la rue en mai, Nikol Pachinian est en passe de réussir son pari, obtenir une large majorité après avoir provoqué des élections législatives anticipées.
international
Triste anniversaire pour les droits humains
Des migrants, tout juste débarqués du bateau qui les a recueillis en mer Méditerranée, attendent dans le port de Malaga (Espagne), le 8 novembre. JON NAZCA / REUTERS « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits… » Le 10 décembre 1948, au Palais de Chaillot, à Paris, cinquante Etats adoptaient la Déclaration universelle des droits de l’homme. Sur les ruines d’un monde dévasté par la seconde guerre mondiale et horrifié par l’Holocauste, la communauté internationale formulait une promesse : désormais les droits des individus compteraient autant que les droits des Etats. Soixante-dix ans plus tard, le bilan est sombre. Certes la Déclaration universelle est le document le plus traduit au monde, en 512 langues selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme. Certes les 193 Etats membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont, au fil des décennies, adopté la Déclaration universelle. Mais aucun ne l’applique totalement. Pire, si l’Assemblée générale de l’ONU était appelée à voter aujourd’hui sur le texte le plus progressiste et le plus universel de l’histoire de l’humanité, il ne fait guère de doute que celui-ci ne serait pas adopté. La chancelière allemande Angela Merkel l’a reconnu avec lucidité lors du Forum de Paris sur la paix, organisé le 11 novembre par la France pour la commémoration de la fin de la première guerre mondiale : « Imaginez qu’aujourd’hui nous, communauté des nations, devions adopter une telle déclaration universelle des droits de l’homme. En serions-nous capables ? Je crains que non. » Pas d’obligations juridiques La France, qui s’est longtemps sentie gardienne de ces valeurs universelles – de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 à sa participation avec le juriste René Cassin à la rédaction de la Déclaration universelle de 1948 – ne célébrera d’ailleurs qu’a minima, lundi 10 décembre, ce 70e anniversaire. A Paris comme ailleurs, les droits humains ne sont pas un concept dans le vent. La Déclaration universelle a un problème originel : elle n’est pas un traité. En l’adoptant, les Etats proclament des droits sans avoir à se conformer à des obligations juridiques. Alors certes neuf conventions internationales sur les droits humains ont émané de la Déclaration universelle (droits civils et politiques ; droits économiques et sociaux ; discrimination raciale ; discrimination des femmes ; torture ; droits de l’enfant ; droits des migrants…) et 80 % des Etats membres de l’ONU ont ratifié au moins quatre de ces neuf conventions, mais ils sont loin de les appliquer.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/07/triste-anniversaire-pour-les-droits-humains_5393939_3210.html
07/12/2018
La Déclaration universelle des droits de l’homme est de moins en moins défendue, soixante-dix ans après son adoption.
afrique
Au Mali, quatre à sept morts dans un affrontement impliquant des soldats
L’incident a eu lieu dans le cercle de Bankass, dans le centre du Mali. Google Maps Quatre à sept personnes ont été tuées dans le centre du Mali, mercredi 5 décembre, dans un incident impliquant l’armée, qui affirme qu’elle a été visée par des « terroristes ». Selon un groupe d’autodéfense et une association, la majorité des victimes sont des Peuls. « En mission commandée dans le cercle de Bankass, région de Mopti, les Forces armées maliennes [FAMA] ont été la cible d’une attaque terroriste à Sadia, dans la commune de Kany-Bonzo, localité située à 10 km de Bankass ce mercredi », a indiqué jeudi soir l’armée malienne dans un communiqué. « Au cours de cette opération, un élément des FAMA a trouvé la mort. Côté assaillants, le bilan est de six morts », tandis que « deux motos, de l’armement, des munitions et autres matériels de guerre [ont été] récupérés », selon la même source. « Ce sont quatre Peuls combattants de notre mouvement qui ont été tués », a toutefois affirmé à l’AFP Mohamed Attaib Sidibé, le président du Ganda Izo, un groupe d’autodéfense à dominante peule. Alors que les Peuls dénoncent régulièrement des exactions de la part de groupes de chasseurs dogon, tolérées voire encouragées selon eux au nom de la lutte contre les djihadistes par les autorités ou l’armée, des « chasseurs traditionnels » auraient été vus aux côtés des forces armées au cours de l’attaque de mercredi, a affirmé M. Sidibé. « Nous démentons catégoriquement cette information, nous avons été victimes d’une attaque terroriste et nous avons riposté », a déclaré à l’AFP un officier de l’armée malienne s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. « Epuration ethnique » L’association de défense des droits des populations pastorales Kisal a toutefois affirmé sur Facebook que « quatre Peuls ont été tués après l’incursion dans les villages de Djabel et Sadia de miliciens armés prônant l’épuration ethnique contre les Peuls ». « Kisal est extrêmement inquiet du fait que des militaires maliens auraient été aperçus dans la zone. Les récits qui nous reviennent sont inquiétants et font redouter une participation d’agents de l’Etat à des exactions », ajoute l’association. Depuis l’apparition dans le centre du Mali, il y a trois ans, du groupe djihadiste du prédicateur peul Amadou Koufa, lié à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), les violences intercommunautaires se sont multipliées entre les Peuls, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l’agriculture. Ces violences ont fait plus de 500 morts civils depuis le début de l’année, selon l’ONU. La France et le Mali ont annoncé qu’Amadou Koufa avait été tué avec une trentaine de ses partisans lors d’une opération militaire conjointe, le 23 novembre, dans une forêt du centre du pays, deux semaines après être apparu dans une vidéo dans laquelle il appelait les Peuls d’Afrique de l’Ouest à rejoindre le djihad. Selon les experts, les conséquences de sa disparition pour le centre du Mali sont difficiles à évaluer.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/07/au-mali-quatre-a-sept-morts-dans-un-affrontement-impliquant-des-soldats_5393935_3212.html
07/12/2018
L’armée affirme avoir été la cible de « terroristes », tandis qu’une association dénonce des exactions de « miliciens » contre des Peuls.
climat
Laurence Tubiana : « Opposer climat et “gilets jaunes” est une folie »
Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, lors du One Planet Summit des entreprises, à Paris, le 11 décembre 2017. VINCENT ISORE / IP3 Elle avait été nommée « championne pour le climat » en 2016 par Laurent Fabius, l’ancien président de la COP21 de Paris. Laurence Tubiana, aujourd’hui à la tête de la Fondation européenne pour le climat et membre du tout nouveau Haut Conseil pour le climat, a présidé les débats sur la transition énergétique en 2013. Alors que le mouvement des « gilets jaunes » ne faiblit pas, elle estime que la fiscalité carbone « doit se faire dans le cadre d’une réforme fiscale globale ». Comment réagissez-vous au mouvement des « gilets jaunes » ? Ce mouvement démontre que l’on ne peut pas aller vers la transition énergétique sans qu’elle soit équitable. Cela ne sert à rien d’adopter des grands plans pour le climat, d’avancer des chiffres de réduction des émissions, sans une compréhension, une adhésion et une appropriation des citoyens. Je suis indignée par une présentation biaisée que l’on fait des citoyens français, qui privilégieraient leur pouvoir d’achat contre la politique environnementale. Cette opposition est récupérée par certains partis, populistes, qui affirment que le climat est une préoccupation des riches contre le peuple. C’est faux : qu’on le veuille ou non, le changement climatique va tous nous affecter, et d’une manière plus aiguë pour ceux qui sont le moins bien lotis. Article réservé à nos abonnés Lire aussi D’Eric Drouet à « Fly Rider », les mots d’ordre des figures des « gilets jaunes » Que pensez-vous des annonces du gouvernement d’annuler la hausse de la taxe carbone ? Il fallait le faire mais cette réponse d’urgence ne suffit pas. Sur la transition énergétique, le gouvernement n’a pas fait le fameux « en même temps » : il a augmenté des taxes qui pèsent, par nature, davantage sur les ménages les plus pauvres, sans assurer un accompagnement suffisant et une juste répartition des efforts. Les « gilets jaunes » ont raison de souligner que les plus gros pollueurs ne sont pas taxés au même niveau, notamment le transport aérien et maritime. Il faut lancer un grand débat et remettre tout le dispositif à plat afin de placer la question de la justice sociale au centre de la transition énergétique. Sinon, il y existe toujours une double peine : les citoyens les moins aisés sont ceux qui supportent les plus grandes conséquences de la dégradation de l’environnement (pollution, réchauffement) et paient le plus pour y faire face, notamment dans les transports et les logements. La fiscalité carbone, pour être juste et perçue comme telle, doit se faire dans le cadre d’une réforme fiscale globale, avec des mesures d’accompagnement.
https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/07/laurence-tubiana-opposer-climat-et-gilets-jaunes-est-une-folie_5393932_1652612.html
07/12/2018
Pour l’ex-ambassadrice climat de la France, la fiscalité carbone « doit se faire dans le cadre d’une réforme fiscale globale, avec des mesures d’accompagnement des citoyens ».
politique
Christophe Castaner et les « dix plaies » de Beauvau
Christophe Castaner et son directeur de cabinet, Stéphane Bouillon, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, lundi 3 décembre 2018. JULIEN MUGUET / HANSLUCAS POUR "LE MONDE" S’il fallait faire un condensé des angoisses nocturnes de tout ministre de l’intérieur, cela ressemblerait peu ou prou à ces dernières semaines Place Beauvau. Christophe Castaner a la périlleuse mission de gérer, samedi 8 décembre, le quatrième week-end d’une mobilisation qui va crescendo dans la violence. En fonctions depuis moins de deux mois, il est déjà confronté, avec le mouvement des « gilets jaunes », au plus grand défi de maintien de l’ordre en France de ces dernières décennies. Des émeutes parisiennes, des mobilisations lycéennes, des morts sur les barrages, des manifestants brutalisés, des élèves humiliés par des policiers, des membres des forces de l’ordre blessés, les Champs-Elysées saccagés, l’Arc de triomphe martyrisé, un risque insurrectionnel, une crise institutionnelle… Les « dix plaies » de Beauvau condensées en trois petites semaines. Seul le risque terroriste lui aura été épargné. En comparaison, ses premiers jours, en octobre, ressemblaient à une promenade de santé. Pourtant, dans son entourage, on se remémore une prise de fonctions musclée : « On a quand même dû gérer l’organisation du centenaire de l’armistice de la première guerre mondiale, le 11 novembre, avec pas moins de 70 chefs d’Etat. On avait eu également l’appel à la purge contre les policiers, le soir du 31 octobre. » Qu’il paraît loin le temps où l’on scrutait les premiers faits et gestes du nouveau locataire de Beauvau dans l’espoir de savoir, selon la formule consacrée, s’il « endossera[it] le costume ». Déplacements dans des commissariats et des gendarmeries, visites au RAID et au GIGN, réception des syndicats de police… M. Castaner s’était démultiplié dès sa prise de fonctions, pour gommer l’impression de flottement laissée par les quinze jours du « remaniement le plus long » après le départ de Gérard Collomb. On avait même qualifié cette période de latence à Beauvau de « crise politique », sans se douter que les mêmes mots n’auraient plus tout à fait le même sens un mois plus tard. Apprendre les codes Tous les interlocuteurs du nouveau « patron » avaient souligné la relative assurance avec laquelle il avait alors pris ses marques. A 52 ans, Christophe Castaner semblait d’autant plus à l’aise dans son nouveau fauteuil que, primo, il l’avait longtemps convoité, et secundo, son précédent occupant avait eu l’amabilité de ne pas trop en user le cuir. M. Collomb n’avait jamais fait mystère du fait qu’il préférait Lyon à Paris, la place des Terreaux à la place Beauvau. Ce qui avait le don d’agacer ses visiteurs, peu passionnés par le folklore rhodanien.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/07/christophe-castaner-et-les-dix-plaies-de-beauvau_5393925_823448.html
07/12/2018
Le nouveau ministre de l’intérieur, nommé il y a moins de deux mois, est confronté au plus grand défi de maintien de l’ordre de ces dernières années.
afrique
En RDC, l’épidémie à virus Ebola a fait 271 morts depuis août
Un centre de traitement du virus Ebola soutenu par Médecins sans frontières, le 3 novembre 2018 à Butembo, à l’est de la République démocratique du Congo. JOHN WESSELS / AFP L’épidémie à virus Ebola, qui sévit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis août et qui a fait 271 morts, « va encore durer quelques mois », a estimé jeudi 6 décembre le ministre congolais de la santé. Déclarée le 1er août, la dixième épidémie d’Ebola sévit dans les provinces troublées du Nord-Kivu (est) et de l’Ituri (nord-est). « Chaque fois qu’il y a un cas déclaré, par exemple aujourd’hui, vous devez vous dire que l’épidémie va encore durer 60 jours », a précisé le ministre de la santé. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Ebola : la saga du Mab 114, un médicament « made in Congo » Depuis le début de l’épidémie, « le cumul des cas est de 458, dont 410 confirmés et 48 probables. Au total, il y a eu 271 décès (223 confirmés et 48 probables) et 146 personnes guéries », a détaillé le Dr Oly Ilunga. En outre, « 94 cas suspects sont en cours d’investigation », alors que la maladie a touché quatorze zones de santés, dont trois en Ituri et onze dans le Nord-Kivu, a encore expliqué le ministre de la santé. « Casser la chaîne de transmission de la maladie » Pour lui, « tous les efforts sont faits pour continuer à casser la chaîne de transmission de la maladie et à limiter sa propagation ». Jusqu’à présent, « on est parvenu à contenir l’épidémie dans le nord du Nord-Kivu et par rapport aux pays voisins, mais le risque est toujours présent et nous continuons à y faire face », a-t-il nuancé. Lire aussi L’ONU appelle à intensifier la lutte contre Ebola en RDC L’épidémie dans la région de Beni, à une cinquantaine de kilomètres de l’Ouganda, est « la plus complexe de l’histoire du monde. Sans la longue expérience de nos experts congolais, sans la disponibilité des médicaments thérapeutiques, nous serions probablement dans la trajectoire de l’épidémie de l’Afrique de l’Ouest » en 2014 qui a fait 11 000 morts, selon le ministre Oly Ilunga Kalenga. La dixième épidémie d’Ebola sur le sol congolais depuis l’apparition du virus en 1976 est signalée dans des centres urbains à forte densité et mobilité de la population. C’est en même temps une zone de grande insécurité, en raison de la présence de dizaines des groupes armées.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/07/en-rdc-l-epidemie-a-virus-ebola-a-fait-271-morts-depuis-aout_5393922_3212.html
07/12/2018
La dixième épidémie sur le sol congolais depuis l’apparition du virus en 1976 sévit dans les provinces troublées du Nord-Kivu et de l’Ituri.
blog
Sélection scientifique de la semaine (numéro 334)
– Tricher n'est même pas le propre de l'homme : des gorilles le font aussi... (Plus d'informations ici, en anglais) – Des chercheurs pensent avoir percé le secret de la longévité des tortues géantes. – Tirées notamment par l'Inde et la Chine, les émissions de CO 2 ont battu un record en 2018. – Réchauffement climatique : quels sont les risquesassociés à la fonte du pergélisol ? – En raison de l'exploitation des nappes phréatiques souterraines, certaines parties de Téhéran s'enfoncent dans le sol (jusqu'à 25 centimètres par an). (en anglais) – L'appropriation des espaces par l'homme favorise les espèces les plus communes au détriment de la biodiversité. – Archéologie : beaucoup de curiosité, outre-Manche, autour de ce squelette vieux d'un demi-millénaire, retrouvé avec ses bottes dans la boue de la Tamise. (en anglais) – Au Brésil, rencontre avec des scientifiques inquiets pour la survie de la recherche dans un pays en récession et désormais dirigé par un président d'extrême-droite. – L'Inde prévoit une mission spatiale vers la planète Vénus en 2023. – La sonde américaine Osiris-Rex est arrivée à proximité de sa "cible", l'astéroïde Bénou, dont elle devrait rapporter un échantillon en 2020. – Tout comme on part en Egypte admirer les pyramides, les touristes du futur iront-ils en orbite voir le télescope spatial Hubble ou d'autres vestiges de l'ère spatiale ? (en anglais) – Des chercheurs espèrent pouvoir trouver, dans des minéraux terrestres, des traces de la mystérieuse matière noire qui est censée composer une grande partie de la matière présente dans l'Univers mais qu'on n'a jamais pu "attraper". – Le LHC, plus puissant accélérateur de particules du monde, a été mis à l'arrêt pour deux ans, afin d'améliorer ses performances. – Les ravages silencieux de l'hépatite B, qui tue un million de personnes par an dans le monde. (en anglais) – Des greffes réussies de cœur de porc chez des babouins laissent entrevoir la possibilité d'exogreffes pour les humains. – On en parle peu mais l'épidémie d'Ebola qui a démarré en août en République démocratique du Congo y a fait 260 morts. – Un petit capteur pour mesurer sur sa peau la quantité de rayons ultra-violets qu'elle reçoit. Ce afin de prévenir des cancers de la peau. (en anglais) – Est-il bien malin de mettre aux enchères le droit de nommer une espèce nouvellement découverte ? (en anglais) Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2018/12/07/selection-scientifique-de-la-semaine-numero-334/
07/12/2018
Au menu : l’Inde veut visiter la planète Vénus, l’avenir compromis de la recherche brésilienne, les ravages silencieux de l’hépatite B, etc.
idees
Dans les revues
« Les attentats constituent une mise à l’épreuve de la cohésion sociale. Et c’est bien pourquoi aussi ils font tant parler » : dans sa livraison de novembre, la revue Mots. Les langages du politique examine sous toutes ses coutures cette vaste « discussion, où les discours s’entremêlent et se répondent, consubstantielle de l’événement et [qui] contribue à en déterminer le sens ». Centré pour l’essentiel sur les discours ­suscités par les attentats qui ont frappé la France en 2015-2016, ce dossier examine les paroles médiatiques et politiques. Premier constat : « l’omniprésence des émotions ». « Ce sont à la fois des discours ­“émotionnés” et émouvants, chargés d’émotions et, pour certains, visant à jouer sur les émotions des personnes auxquelles ils sont ­adressés », écrivent Gérôme Truc, ­Christian Le Bart et Emilie Née, coordinateurs de ce numéro. Ce qui peut paraître évident aujourd’hui ne le fut pas de tout temps. Lors des attentats à Paris de 1995 et 1996, « les journaux usent d’ensembles lexicaux qui disent l’atteinte aux corps, mais mentionnent très peu les émotions. » Ils « ne ­mettent pas en scène cet ensemble social uni face au terrorisme », écrivent aussi Isabelle Garcin-Marrou et Isabelle Hare, qui ont examiné les archives d’une dizaine de titres français et étrangers pour une mise en perspective historique. « Journalisme d’empathie » Contrairement à ce qui s’observe lors de la vague d’attentats du ­milieu des années 1990, notent les coordinateurs du dossier, « la société française est représentée en 2015-2016 comme une entité souffrant à l’unisson des victimes ­directes, l’émotion populaire en ­venant à occuper une place centrale dans la couverture médiatique des attentats ». L’un des articles de la revue retrace la conception et la réalisation du mémorial du Monde pour les victimes des ­attentats du 13-Novembre (un dispositif qui fut réutilisé après les attentats de Nice et de Bruxelles) et évoque à son propos un « journalisme d’empathie ». Tout concourt, en réaction aux ­attaques, à activer « des sentiments de commune appartenance, à commencer par le sentiment national ». Cette « fabrication du consensus » est si prégnante qu’elle en rend ­paradoxalement les limites plus manifestes, plus spectaculaires. Si « la prise en charge politique des attentats a évolué vers des registres nettement plus guerriers », pour réaffirmer la fermeté du pouvoir, des éléments de dissensus apparaissent, et ce de plus en plus précocement au fur et à mesure que les attentats se répètent, affaiblissant la dynamique d’union.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/dans-les-revues_5393917_3232.html
07/12/2018
Cette semaine, « Mots », qui, dans sa livraison de novembre, examine les discours suscités par les attentas qui ont frappé la France en 2015-2016.
football
Football : en France, les femmes à la conquête des terrains
A quelques kilomètres de Beaune (Côte d’Or), sur la route des grands crus bourguignons, où la longue liste des appellations prestigieuses donne le tournis – de Pommard, à Meursault ou encore Volnay – l’apparition du château de Vignoles est trompeuse. Rien à voir avec l’univers du vin, c’est un match de football féminin qui se déroule, samedi 1er décembre, au complexe sportif homonyme, entre les clubs de l’AS Beaune et Chevigny-Saint-Sauveur. Lire aussi Football : les Bleues veulent aussi leur étoile Les jeunes filles, âgées de 15 à 18 ans, s’apprêtent à disputer une rencontre de foot à 8, dans la catégorie des U18. Dans le confinement du vestiaire beaunois, la concentration se lit sur le visage des douze joueuses (avec les remplaçantes) au moment de la causerie de leur entraîneur, Anthony Morlot. Malgré le niveau district, l’événement est pris au sérieux : entrée en musique et annonce des noms au micro. Dans un froid vif, les locales, en manches courtes, s’imposent 7 à 0. La présence de footballeuses n’a pas toujours été naturelle à Beaune. La section féminine a cinq ans d’existence et témoigne d’une pratique en plein essor partout en France, encouragée depuis 2011 par le plan fédéral de féminisation. Les pionnières de Reims ou Soyaux (Charente) dans les années 1960 ont fait quelques petites. Aujourd’hui, l’AS Beaune compte parmi les 2 600 clubs amateurs (sur 15 000) qui ont enfin ouvert leurs portes aux footballeuses du pays. Et ne ménage pas ses efforts pour attirer ce nouveau public, à l’image de l’affiche placardée au mur : « Tu as entre 6 et 9 ans, invite ta copine. » Equilibre fragile « Tout le monde parlait du foot féminin. C’est devenu essentiel pour un club amateur ambitieux d’avoir sa section, raconte Anthony Morlot. J’étais surveillant et j’ai convaincu des élèves qui n’avaient jamais joué. A l’inverse, d’autres recrues ont repris alors qu’elles avaient été obligées d’arrêter à 13 ans à cause de la fin de la mixité [jusqu’à cet âge, les filles peuvent jouer avec les garçons]. » Océane Boulicault, 20 ans, appartient à cette première vague de néofootballeuses : « Il n’y avait pas d’équipe féminine autour, donc l’idée de jouer au foot ne m’était jamais venue. » Depuis, la jeune femme s’est prise au jeu au point de souhaiter devenir éducatrice, et occupe le poste de coach adjointe de son équipe. A 15 ans, frêle et technique, Clarisse rêve de ballon rond depuis toute gamine, « éblouie » par l’habileté de son papa. Lorsque la section féminine de l’AS Beaune voit le jour, elle saute sur l’occasion : « Mes parents n’étaient pas très chauds pour que je joue avec des garçons. Et dans la cour de récréation, les filles étaient choisies en dernier. » D’un an son aînée, la capitaine Maëlys, remarquable à sa grosse frappe, avait, elle, joué trois ans en mixte au sein d’un autre club : « On râlait souvent avec mes parents qu’il n’y ait pas d’équipe de filles autour. On ne pouvait pas ne pas venir… »
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/07/football-en-france-les-femmes-a-la-conquete-des-terrains_5393903_1616938.html
07/12/2018
En forte croissance depuis 2011, la pratique féminine ne concerne pas seulement l’élite. Au niveau amateur ou en loisir, les joueuses s’imposent sur les terrains de football.
football
Coupe du monde de football : Corinne Diacre, la force tranquille des Bleues
Corinne Diacre, à Brest, en 2014. FRED TANNEAU / AFP Derrière chaque titre de champion du monde se cache un entraîneur à la manœuvre. La victoire de 1998 doit beaucoup aux choix forts d’Aimé Jacquet et celle de 2018 a été façonnée par le stratège Didier Deschamps. En 2019, un éventuel succès à domicile de l’équipe de France féminine ne ferait pas exception. Et pour, enfin, inscrire une première ligne à leur palmarès, les Bleues comptent sur Corinne Diacre. « The right man at the right place », la formule de l’industriel américain Frederick Winslow Taylor n’a besoin que d’être féminisée pour coller à la nouvelle sélectionneuse, intronisée en août 2017. A 44 ans, l’ex-défenseuse centrale aux 121 caps internationales, restée fidèle toute sa carrière au club de la petite ville charentaise de Soyaux (9 000 habitants), a succédé à deux hommes qui ont failli : en quarts des Jeux olympiques de Rio pour l’un, Philippe Bergeroo (2013 à 2016), et en quarts de l’Euro 2017 pour l’autre, Olivier Echouafni (2016 à 2017). Lire aussi Football : les Bleues veulent aussi leur étoile La candidature de Corinne Diacre s’est alors imposée d’elle-même. La réputation de la Nordiste avait dépassé depuis longtemps les frontières du football au féminin. Pionnière, elle a été la première femme à obtenir le plus haut diplôme de coach, le brevet d’entraîneuse professionnelle de football, en 2014, avant de devenir, un mois plus tard, la première à entraîner un club professionnel masculin, celui de Clermont. Autorité et pragmatisme En Auvergne, Diacre a très vite dépassé l’effet de curiosité et forcé le respect. Le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, a dû s’y reprendre à deux fois pour la convaincre de prendre les commandes de la sélection. Diacre succédait à Elisabeth Loisel, dix ans après la fin de règne de cette précurseuse patronne des Bleues entre 1997 à 2007. Une autre époque. Le football féminin français souffrait encore d’un déficit de médiatisation malgré les buts enfilés par Marinette Pichon, première Tricolore à s’extraire difficilement d’un anonymat injuste. Dès son arrivée, Corinne Diacre a imposé son style, empreint d’autorité et de pragmatisme. Les compteurs ont été remis à zéro. Elle n’a pas hésité à rappeler l’attaquante Gaëtane Thiney, écartée par Philippe Bergeroo pour les Jeux de 2016 et qu’elle avait elle-même non retenue à son arrivée à la tête des Bleues. Le brassard de capitaine est passé du bras de la défenseuse Wendie Renard à celui de la milieu de terrain Amandine Henry. Diacre procède alors à une large revue d’effectifs, teste de nouvelles internationales, et pas seulement celles évoluant dans les deux meilleurs clubs français, Lyon et le PSG. Il s’agit d’impliquer les autres clubs de la division 1.
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/07/coupe-du-monde-de-football-corinne-diacre-la-force-tranquille-des-bleues_5393898_1616938.html
07/12/2018
A la tête de l’équipe de France féminine de football depuis 2017, la sélectionneuse allie autorité et pragmatisme.
football
Noël Le Graët : « On pourra atteindre les 300 000 licenciées dans cinq ans »
Noël Le Graët, à Istra, le 14 juin. FRANCK FIFE / AFP Elu en 2011 à la présidence de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, 76 ans, a fait du développement du football féminin l’une des pierres angulaires de son mandat. Pour Le Monde, le dirigeant revient sur cette thématique avant le tirage au sort du Mondial. Lire aussi Football : les Bleues veulent aussi leur étoile En termes de logistique, l’organisation du Mondial féminin est-elle moins lourde que celle de l’Euro 2016 ? La grande différence, c’est l’affluence dans les stades. Le foot féminin progresse de manière fantastique tous les jours, en France et dans le monde, sur le plan des licenciées, des spectateurs et téléspectateurs mais il n’a pas encore la popularité du foot masculin. Il va falloir travailler. Mais la billetterie qui a été lancée est très bien partie, avant même qu’ait eu lieu le tirage au sort. 25 % des places sont déjà vendues. On espère remplir les stades à 80 % au total. Pour l’équipe de France, il n’y aura pas de problème. Pour d’autres équipes, ce sera plus compliqué. Quelle feuille de route assignez-vous à Corinne Diacre, la sélectionneuse des Bleues ? Lorsqu’une équipe de France atteint le dernier carré, on est assez contents. Dans le cas présent, j’aimerais qu’on la gagne. Dire qu’on est meilleurs que les Etats-Unis [championne du monde en titre] aujourd’hui, ce serait être un peu prétentieux. Depuis 2012, on s’est installé dans le Top 5, voire le Top 3 mondial. Nous en étions loin auparavant. Les filles progressent. Il y a quatre ans, on se prenait une raclée à chaque fois contre les Allemandes. Ce n’est plus le cas. Même chose avec la Suède ou la Norvège. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Football féminin : vers la fin de l’hégémonie des Etats-Unis ? Vous avez effectué trois changements (Philippe Bergeroo en 2013, Olivier Echouafni en 2016 et Corinne Diacre, en 2017) à la tête de la sélection féminine contre un (Didier Deschamps en 2012) pour les hommes depuis votre élection. Comment expliquez-vous cette instabilité ? Bruno Bini [en poste de 2007 à 2013] n’a pas atteint les objectifs fixés. J’ai senti qu’il y avait un essoufflement, une usure, mais sa méthode n’était pas critiquable. Mon choix a toujours été d’avoir Corinne. C’est clair. Sauf qu’elle était sous contrat à Clermont [2014-2017]. Je la voulais car elle a été internationale, elle a dirigé des garçons. N’importe qui l’aurait nommée. C’était une évidence. Peu de femmes entraînent… On n’a pas assez de femmes qui veulent entraîner. Même chose pour les arbitres et les dirigeantes. J’ai demandé à Hubert Fournier, le directeur technique national, de créer un diplôme spécifique. Car le diplôme est actuellement le même pour les filles et les garçons. C’est difficile pour les filles d’avoir le BEPF [Brevet d’entraîneur professionnel de football]. Je trouve que c’est un peu dur physiquement, probablement inadapté pour les filles. Je veux qu’il soit modifié et plus réaliste. Sinon, on ne va avoir que des hommes.
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/07/noel-le-graet-on-pourra-atteindre-les-300-000-licenciees-dans-cinq-ans_5393895_1616938.html
07/12/2018
Avant le tirage au sort du Mondial féminin, le président de la Fédération française de football revient sur le plan de féminisation mis en place depuis 2011.
football
Football féminin : vers la fin de l’hégémonie des Etats-Unis ?
Infographie Le Monde Petite colle : quelle sélection a pris la 3e place de la première Coupe du monde (masculine) en 1930 ? Réponse : les Etats-Unis. Depuis, le pays n’a jamais dépassé les quarts de finale et est surtout connu comme la surpuissance du football féminin. Inaugurée en 1991, la Coupe du monde féminine affiche en sept éditions un palmarès surprenant pour l’amateur de football bloqué sur les performances de ces messieurs. On n’y retrouve pas les têtes d’affiche « classiques » du ballon rond dans sa version masculine. Les Etats-Unis vainqueurs trois fois, la Norvège et le Japon titrés chacun une fois : qui pourrait imaginer, à l’heure actuelle, qu’une de ces équipes puisse régner sur le football masculin ? Certes, avec l’Allemagne titrée en 2003 et 2007, on se trouve en terrain plus connu. Mais la Mannschaft est la seule, à ce jour, à avoir été sacrée à la fois chez les femmes et chez les hommes (1954, 1974, 1990 et 2014). A l’inverse, les footballeuses de pays lauréats chez les hommes, comme l’Uruguay, l’Italie ou l’Argentine, paraissent encore loin du compte. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’histoire contrariée et retardée entre les femmes et la Coupe du monde Cette année, en France, pour la 8e édition du Mondial (du 7 juin au 7 juillet 2019), 24 pays s’affronteront, dont cinq petits nouveaux : le Chili, l’Ecosse, l’Afrique du Sud, la Jamaïque et la Thaïlande. On retrouvera également les habitués, toujours présents pour les phases finales : le Brésil, l’Allemagne, le Japon, le Nigeria, la Norvège, la Suède et les Etats-Unis. Exception culturelle Les Etats-Unis imposent donc une domination impressionnante, qui peut même faire rougir celle de leurs homologues footballeurs brésiliens, cinq fois titrés mais en 21 éditions. Les Américaines, voraces, ne laissent que des miettes à la concurrence : trois victoires en sept éditions, mais aussi quatre médailles d’or en six tournois olympiques, une compétition majeure chez les femmes. Cette domination s’explique pour une large part par une exception culturelle déterminante : aux Etats-Unis, le soccer a longtemps été considéré comme un sport destiné aux femmes. Depuis les années 1970, les écoles, les lycées et les universités ont constitué un large réservoir de jeunes talents. Dans les années 1990, la success story de Mia Hamm, fille de militaire, née avec un pied bot en Alabama, participe aussi au boom du soccer féminin. La footballeuse aux 158 buts en 276 sélections a été la première star internationale. La sélection américaine rayonne et déchaîne les foules : en 1999, la finale du Mondial réunit 90 000 fans au Rose Bowl Stadium de Pasadena (Californie), à ce jour la plus forte affluence d’un événement sportif féminin. Le premier championnat féminin (Women’s United Soccer Association), 100 % professionnel, voit le jour en 2001. En 2015, la finale du Mondial Etats-Unis-Japon est suivie par 25,4 millions de téléspectateurs américains, soit plus que les finales NBA la même année (19,94 millions).
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/07/football-feminin-vers-la-fin-de-l-hegemonie-des-etats-unis_5393892_1616938.html
07/12/2018
Derrière les favorites américaines, le Mondial 2019 paraît plus ouvert que jamais, au vu de la concurrence japonaise et de la densité européenne.
disparitions
Le fondateur des Buzzcocks Pete Shelley est mort
C’est « avec une grande tristesse » que le groupe de punk rock britannique Buzzcocks a confirmé, jeudi 6 décembre, la mort de son chanteur Pete Shelley, « l’un des auteurs-compositeurs les plus influents et prolifiques de Grande-Bretagne ». Agé de 63 ans, il aurait succombé à une crise cardiaque, selon la BBC. It's with great sadness that we confirm the death of Pete Shelley, one of the UK's most influential and prolific so… https://t.co/X8gOEPaFuF — Buzzcocks (@Buzzcocks) Le groupe Buzzcocks avait révolutionné la scène anglaise au milieu des années 1970, aux côtés des Sex Pistols ou encore The Clash, avec des titres tels que Ever Fallen in Love (With Someone You Shouldn’t’ve), Orgasm Addict et What Do I Get. L’ouverture des Sex Pistols Pete Shelley a inspiré des générations de musiciens, comme le bassiste du groupe de rock américain R.E.M., Mike Mills, qui lui a rendu hommage dans un Tweet : « Mince. Pete Shelley s’en est allé. Les Buzzcocks étaient et sont l’un de mes préférés, et j’ai eu la chance de passer du temps avec Pete quelques fois et de le lui dire. » Damn. Pete Shelley gone. The Buzzcocks were and are a favorite of mine, and I was fortunate to be able to hang with… https://t.co/OCiBnTVXon — m_millsey (@Mike Mills) De son vrai nom Peter Campbell McNeish, Pete Shelley est né en Angleterre, à Leigh, en 1955. Il a fondé Buzzcocks avec Howard Devoto après leur rencontre à l’université de Bolton. La formation s’est lancée à Manchester en 1976, en ouverture des Sex Pistols. Devoto l’a quittée en 1977. Le groupe s’est séparé au début des années 1980, mais s’est reformé moins de dix ans plus tard et a continué à se produire ces trois dernières décennies. Pete Shelley has died, 6th December 2018, aged 63. Singer, songwriter & musician. Born 17th April 1955 in Leigh, La… https://t.co/usUWp76fBp — RockWalkLondon (@Music History) Article réservé à nos abonnés Lire aussi Mort de Pete Shelley, le chanteur des Buzzcocks
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/12/07/le-fondateur-des-buzzcocks-pete-shelley-est-mort_5393882_3382.html
07/12/2018
La légende du punk avait 63 ans. Son groupe, formé à Manchester en 1976, a inspiré des générations de musiciens.
culture
Opéra : « Kopernikus », révolution autour de la fantaisie
« Kopernikus », de Claude Vivier, mis en scène par Peter Sellars. VINCENT PONTET Initiés – au sens spirituel, sinon religieux – à la musique de Claude Vivier (1948-1983) par la programmation, depuis septembre, de cinq œuvres vocales et instrumentales judicieusement choisies, les fidèles du Festival d’automne pouvaient estimer, mardi 4 décembre, qu’ils disposaient de clés privilégiées pour ­accéder à la compréhension de l’opéra Kopernikus donné, jusqu’au 8 décembre, à l’Espace Cardin, à Paris. Tout l’univers du compositeur québécois est ­condensé dans cette œuvre, riche en symboles, tant numériques (partition de 70 minutes pour 7 chanteurs et 7 instrumentistes) qu’oniriques (apparitions d’anges, de « voyantes » et de « visionnaires »). Lire le portrait : Tous les spectres de Claude Vivier Du livret, d’où émergent de nombreuses incantations dans une langue inventée par le ­compositeur, à la musique elle-même, basée sur la délicate fusion des sources les plus hétérogènes, ­Kopernikus offre le nec plus ultra de l’art de Claude Vivier. De ce point de vue, l’opéra créé en 1980 à Montréal pourrait désorienter le public non averti. Cette crainte est évacuée dès l’entrée dans la salle. Sur la scène éclairée par de petites lampes jaunes, un homme est ­allongé, tel un gisant. Nul besoin de consulter le programme pour deviner alors que l’on va assister à un « rituel de mort », conformément au sous-titre de l’œuvre. Du livret à la musique elle-même, « Kopernikus » offre le nec plus ultra de l’art de Claude Vivier Une fois le public installé, les interprètes prennent place sur le plateau, chanteurs au premier plan autour de l’être inanimé et instrumentistes en couronne au-dessus d’eux, derrière de petites tables noires. Tous sont vêtus de blanc. Le spectacle commence. Le visage d’une jeune femme apparaît dans une petite télé calée sous le lit de l’homme immobile, comme pour lui souffler quelques paroles apaisantes. Elle évoque un avenir ­radieux, quand « une tendre mélodie, d’une douceur jamais murmurée encore par une mère aimante » viendra éveiller celui auquel elle s’adresse. Puis elle se fige, et l’action musicale commence. Tels des rois mages tenant dans leurs mains une précieuse ­offrande (la partition défilant sur une tablette numérique), les chanteurs s’approchent à tour de rôle du corps inanimé pour lui ­insuffler vie. Revenu d’entre les mots, au sens propre, avec moult émissions incongrues, sifflements et tapotements des lèvres, le chant imaginé par Vivier possède la force hypnotique d’un rituel purificateur. Et, en même temps, l’incroyable fraîcheur d’un jeu d’enfant. La dimension instrumentale est du même ordre, paradoxale. Les harmonies et les timbres résultent d’une écriture hautement sophistiquée, mais leur expression siège dans l’ingénu.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/12/07/lyrique-kopernikus-un-opera-en-revolution-autour-de-la-fantaisie_5393876_3246.html
07/12/2018
Mise en scène par Peter Sellars, l’œuvre de Claude Vivier présentée dans le cadre du Festival d’automne, constitue une réussite copernicienne.
cinema
L’humoriste Kevin Hart renonce à présenter les Oscars, à cause de l’exhumation d’anciens tweets homophobes
Kevin Hart lors des MTV Video Music Awards, le 20 août 2018, à New York. Andrew Kelly / REUTERS « Je m’excuse sincèrement envers la communauté LGBTQ pour mes propos maladroits par le passé » : deux jours après avoir été nommé maître de cérémonie des Oscars 2019, le comédien américain Kevin Hart a dû renoncer, vendredi 7 décembre. Il ne veut pas détourner l’attention sur lui. I have made the choice to step down from hosting this year's Oscar's....this is because I do not want to be a distr… https://t.co/3gKJItiVZO — KevinHart4real (@Kevin Hart) Exhumés après sa nomination, mardi 4 décembre, ses tweets homophobes – déjà effacés – datent pour la plupart de 2009 à 2011. Il raconte, par exemple, que s’il trouvait son fils jouant avec la maison de poupée de ses filles, il la « casserait au-dessus de sa tête », parce que c’est « gay ». Dans l’un de ses spectacles, en 2011, il confiait aussi que « l’une de [ses] plus grandes frayeurs » était que son fils devienne homosexuel. « Les gens évoluent » Après ces révélations, l’académie chargée de l’organisation des Oscars lui a donné un ultimatum : s’excuser, ou bien elle choisirait quelqu’un d’autre. L’humoriste de 39 ans était d’abord resté campé sur ses positions et avait refusé de s’excuser, « parce qu’[il l’avait] déjà fait plusieurs fois », explique-t-il dans une vidéo sur Instagram. « J’ai presque 40 ans. Si vous ne pensez pas que les gens changent, grandissent, évoluent ? Je ne sais pas quoi vous dire », écrivait-il encore jeudi sur ce réseau social, ajoutant en lettres capitales : « J’aime tout le monde ». L’académie doit maintenant trouver un remplaçant à Kevin Hart pour la cérémonie, qui se tiendra le 24 février 2019. Cet épisode n’est pas une première. En 2012, le producteur Brett Ratner, réalisateur de Rush Hour et X-Men, avait dû renoncer à présenter les Oscars après avoir tenu des propos homophobes lors d’une projection.
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/12/07/l-humoriste-kevin-hart-renonce-a-presenter-les-oscars-a-cause-de-l-exhumation-d-anciens-tweets-homophobes_5393873_3476.html
07/12/2018
L’académie des Oscars doit maintenant trouver un remplaçant pour la cérémonie, qui se tiendra le 24 février 2019.
idees
« Aux yeux des campagnes, Macron ne les connaît pas. Pis, il les méprise »
Tribune. Il y a deux ans, je quittais Paris pour une petite ville de province, profitant d’une opportunité professionnelle pour laisser derrière moi le métro, la pollution, la vie chère, le climat de violence ethnique et sociale. J’espérais goûter quelque chose comme une vie tranquille et saine. Ce faisant, j’allais observer du point de vue des campagnes les dix-huit premiers mois du quinquennat de Macron. Le moins qu’on puisse dire est que le spectacle a été saisissant. Je vais retranscrire ici quelque chose de ce que j’ai perçu dans l’accueil qui lui a été fait. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Gilets jaunes » : sous pression, Macron lance un appel à l’aide La première année, déjà, les campagnes ont bruissé d’un certain mécontentement. Elles s’estimaient bousculées : limitation de la vitesse à 80 km/h ; suppression des emplois aidés ; menace à terme sur les finances locales ; recul persistant des services publics ; dédoublement des classes de primaire dans les quartiers au détriment des territoires. Mais on se contentait de bougonner. Certes, on estimait que l’élection de M. Macron n’était pas vraiment légitime : il était arrivé là par un prodigieux coup du sort. Mais on s’était habitué à cette confiscation du pouvoir par une classe qui parle fort au nom de principes qu’elle ne s’applique pas. On acceptait la fatalité parce que l’essentiel semblait préservé : l’ordre public, quoiqu’il ait été mis à mal sous M. Hollande ; l’ordre économique, quoique le taux de chômage soit resté douloureux. Et puis tout a basculé pendant l’été 2018. On a parlé d’erreurs de communication mais le mal était plus profond : il s’agissait d’aveux. Pendant des semaines, pendant des mois, jour après jour, une série d’actes a révélé la vérité du quinquennat aux yeux des campagnes : M. Macron ne les connaissait pas. Pis, il les méprisait. Et cela, en toute innocence, en toute bonne foi. C’était avec une sincérité désarmante qu’il révélait le fond de sa pensée, à savoir que les provinciaux sont des gens simples, corvéables à merci, condamnés par l’Histoire et potentiellement dangereux pour le pouvoir central qui incarnerait, lui, la noblesse et même le Bien. Les Français blancs, ceux de la France profonde Qu’on en juge. Il y a eu la série des paroles condescendantes à propos de la désinvolture supposée d’une certaine population (« Tu m’appelles Monsieur le président de la République », « Je traverse la rue et je vous en trouve [du travail] », les « gens qui ne sont rien », les « fainéants »…). Il y a eu la défense de proches et de collègues en dépit de toute décence démocratique (Alexandre Benalla, Agnès Saal, Philippe Besson…). Il y a eu ces étalages d’opulence. Il y a eu ces gestes terriblement maladroits, comme ces cadeaux aux chasseurs sous prétexte que ces derniers symboliseraient la ruralité.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/aux-yeux-des-campagnes-macron-ne-les-connait-pas-pis-il-les-meprise_5393850_3232.html
07/12/2018
Dans une tribune au « Monde », l’écrivain et professeur Aymeric Patricot estime que, comme les émeutes des banlieues en 2005, la colère des « gilets jaunes » est celle d’une France qui s’est sentie dénigrée par certains propos tenus par le pouvoir.
idees
Brexit : « “Le vote du jugement dernier” » aura lieu le 11 décembre »
Tribune. « Tick tock on the Brexit clock. » Le temps est compté, le débat rentre dans une phase cruciale, les masquent tombent. Mardi 4 décembre, les députés de la Chambre des communes ont commencé l’examen du projet d’accord sur le Brexit négocié par la première ministre Theresa May avec l’Union européenne (UE). Les débats sont vifs, dramatiques, précis, rugueux. Le vote que les médias appellent « le vote du jugement dernier » aura lieu le 11 décembre. Le Parlement essaie de reprendre la main sur le Brexit contre le gouvernement sans savoir comment sortir de la situation créée par le référendum du 23 juin 2016. Qui exerce l’autorité politique ? Les citoyens ? Le Parlement ? Le gouvernement ? Les groupes d’intérêt ? Si Theresa May obtient la majorité, l’accord sera validé par un sommet européen le week-end du 15 décembre et la véritable négociation, dont l’accord ne donne que les grandes lignes de principe, pourra commencer… et pour longtemps. Mme May a dû négocier avec Michel Barnier et l’UE bien sûr. Mais le plus difficile a été de négocier avec son parti, d’abord au sein de son gouvernement – d’où le départ de nombreux ministres brexiters, comme Boris Johnson ou David Davies, et de ceux qui voulaient au contraire rester au plus proche de l’UE. Elle a aussi dû négocier avec les unionistes irlandais du Nord (DUP), qui ne veulent pas de statut différencié, alors que les Ecossais, les Gallois ou le maire de Londres, favorables au maintien dans l’UE, ne cessent d’en demander un. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brexit : « La City risque de perdre son attractivité » A ce jour, Theresa May n’a pas de majorité au Parlement pour cet accord, loin s’en faut. Le Parti travailliste, le DUP, les indépendantistes écossais, les démocrates libéraux et tous les petits partis représentés sont contre. Surtout, entre 50 et 100 députés conservateurs ont manifesté leur opposition – les brexiters les plus durs dénonçant le statut d’Etat vassal ou de colonie de l’Union européenne proposé par l’accord sur le Brexit et le risque d’enfermement dans une union douanière sans autonomie pendant que les négociations s’éterniseront. Retourner à la table de négociation Si Mme May n’obtient pas la majorité, le Royaume-Uni entrera dans une crise politique et institutionnelle majeure et personne ne sait ce qui pourra en sortir. L’épisode actuel se joue au Parlement. Une majorité de députés veut absolument éviter le Brexit radical… mais personne n’est d’accord sur la manière de l’éviter. Plusieurs votes de la Chambre des communes ont donné une plus grande capacité d’influence des députés sur la résolution finale. Le Parlement est en train de s’affirmer contre le gouvernement avec des députés de tout bord qui prennent aussi leur distance à l’égard de leur leader, tant au sein du Parti conservateur qu’au sein du Parti travailliste, pour demander un accord mais pas celui qui a été négocié. D’autres préfèrent un référendum.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/brexit-le-vote-du-jugement-dernier-aura-lieu-le-11-decembre_5393851_3232.html
07/12/2018
Deux options se profilent à l’horizon : un Brexit sans accord négocié ou un nouveau référendum, estime Patrick Le Galès, professeur de sciences politiques, dans une tribune au « Monde ».
societe
Par choix ou par contrainte, les Français achètent de moins en moins de vêtements neufs
A fin décembre, le marché français du textile et de l’habillement affichera un recul d’activité. ERIC PIERMONT / AFP Pour le marché français de l’habillement, 2018 aura été une Annus horribilis. Fermetures de magasins, coupes d’effectifs… plusieurs enseignes, dont Pimkie et Jules, ont déjà payé un lourd tribut social à la conjoncture. Cette tendance pourrait se poursuivre, au vu des prévisions de l’observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM) dévoilées jeudi 6 décembre à Paris, lors d’une journée de conférences sur les « Perspectives internationales de la mode et du textile en 2019 ». Lire aussi Le groupe Eram ferme une centaine de magasins Le scénario d’un rebond, après quasiment dix ans de baisse, est « exclu », soutient Gildas Minvielle, directeur de cet observatoire. A fin décembre, le marché français du textile et de l’habillement « devrait afficher un recul d’activité de 2,9 % », selon M. Minvielle. Ce repli pourrait être plus prononcé encore, si le conflit des « gilets jaunes » se prolonge jusqu’à Noël, estime-t-il. Depuis fin novembre, blocage des routes, vandalisme et pillages entravent le bon fonctionnement du commerce en France. Un coup dur pour un secteur qui a déjà perdu 15 % de sa valeur depuis 2007. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Affaiblie par sa dette, Camaïeu placée sous procédure de sauvegarde Et l’année prochaine s’annonce tout aussi difficile, à en croire les prévisions de l’IFM. Les ventes devraient reculer de 0,9 % en 2019. Vaches maigres Les commerçants vont devoir s’habituer à ces vaches maigres. Car le déclin à l’œuvre depuis dix ans serait « structurel » et « sociétal », à en croire ces experts de l’IFM. Cette tendance ne s’explique pas seulement par la conjoncture économique ou le réchauffement climatique, qui peut, par exemple, faire diminuer les ventes de manteaux en hiver, par exemple. « La météo peut expliquer la baisse d’activité d’une année sur l’autre, mais pas sur dix ans », juge Thomas Delattre, chef de projet à l’observatoire économique de l’IFM. Alors, pourquoi cette crise ? Les études menées par l’IFM, fin 2018, notamment auprès de consommateurs, montrent combien le marché de la mode se dérobe sous les pieds de ses distributeurs. Les ressorts d’antan ne fonctionnent plus. Alors que les centres-villes, les zones commerciales et le Web regorgent de points de vente de mode, la « demande n’est plus au rendez-vous », estime M. Minvielle. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En France, l’irrésistible essor des sites de vente de mode en ligne Depuis 1960, les ménages ont comprimé le budget alloué aux vêtements (3,9 % de leurs dépenses en 2007, contre 9,1 % en 1960). Après avoir longtemps craqué pour la dernière tendance, notamment lors des périodes de soldes, les Français feraient désormais preuve de frugalité.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/par-choix-ou-par-contrainte-les-francais-acheteront-moins-de-vetements-neufs_5393835_3224.html
07/12/2018
Après dix ans de baisse, le déclin des ventes de mode dans l’Hexagone devrait se poursuivre en 2019. Les distributeurs cherchent leur nouveau modèle.
m-le-mag
#thisisourlane : la colère des chirurgiens américains contre le lobby des armes
La fusillade dans un bar à Thousand Oak en Californie a fait 12 morts, le 7 novembre. KIM HAIRSTON / THE BALTIMORE SUN La National Riffle Association (NRA) aurait peut-être dû s’abstenir. En s’attaquant aux médecins qui opèrent les blessés par balles dans les hôpitaux américains, le puissant lobby des armes aux Etats-Unis a suscité un mouvement de colère inédit sur les réseaux sociaux. Depuis trois semaines, des témoignages, des vidéos d’opérations, des photos de balles tout juste retirées d’un corps, de gants chirurgicaux et de blocs opératoires couverts de sang affluent sur Twitter avec un mot-clé créé pour l’occasion, #thisisourlane (« c’est notre affaire »). « Je n’ai jamais vu personne de la NRA dans mon service où je soigne depuis vingt-cinq ans les victimes des armes. » Marianne Haughey, chirurgienne dans un hôpital du Bronx Une réponse cinglante à la NRA qui, apparemment ulcérée par plusieurs publications des Annales de médecine interne plaidant pour une plus stricte régulation des armes à feu et la prise en compte de la violence liée aux armes comme « un problème de santé publique », avait vertement prié les « médecins arrogants et anti-armes de s’occuper de leurs affaires » (« to stay in their lane »). Soufflés par l’incongruité de ce conseil, des centaines de chirurgiens qui traitent des blessés par balles à longueur d’année, des infirmiers et des personnels de santé de tout le pays ont massivement rétorqué sur Twitter. « Je n’ai jamais vu personne de la NRA dans mon service où je soigne depuis vingt-cinq ans les victimes des armes », a lancé Marianne Haughey, chirurgienne dans un hôpital du Bronx (New York). « Venez donc annoncer à une mère que son enfant est mort entre mes mains ! » Plus percutant encore, un autre a publié la vidéo en gros plan d’une extraction de balle plantée dans l’aorte d’une victime. « La chance a permis à celui-ci de s’en sortir », précise le médecin. Glaçante aussi la photo d’une salle sans âme, sommairement meublée d’un fauteuil bleu, d’où régulièrement Stephanie Bonne, une chirurgienne du New Jersey, annonce aux familles que leur « enfant est mort ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Après la tuerie de Parkland, la NRA sous pression A l’autre bout du pays, l’injonction de la NRA a d’autant plus scandalisé Judy Melinek qu’elle a été publiée le matin même d’une fusillade qui a fait douze morts dans un bar de Thousand Oaks (Californie). Cette médecin légiste californienne, qui témoigne devant les tribunaux et doit expliquer aux familles comment leur proche est mort, a crûment interpellé la NRA : « Vous savez combien de balles j’extrais de corps chaque semaine ? »
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2018/12/07/thisisourlane-la-colere-des-chirurgiens-americains-contre-le-lobby-des-armes_5393831_4500055.html
07/12/2018
En priant les chirurgiens, qui plaident pour un plus strict contrôle des armes à feu, de « s’occuper de leurs affaires », la puissante association pro-armes NRA a déchaîné la fureur des professionnels de la santé sur les réseaux sociaux.
idees
« Faut-il que la musique soit écoutée fort pour procurer le plus de plaisir et restituer fidèlement l’intention des créateurs ? »
Chronique. Il n’y a pas que sur les routes nationales que les limitations de puissance provoquent des crispations. Du fond des salles de spectacle aussi, le ton monte. En cause, la baisse des décibels autorisés pendant les concerts. Les 102 dB ne font certes pas encore autant de bruit que les 80 km/h autorisés en campagne, mais depuis l’entrée en vigueur, le 1er octobre, d’un nouveau décret sur le son obligeant les lieux dévolus à la musique amplifiée à baisser le volume de 105 à 102 décibels, plusieurs organisations professionnelles font entendre leur mécontentement. « Impact économique » mal évalué, « conséquences lourdes pour la filière », mise en danger de « l’expression artistique »… les griefs ne manquent pas, selon la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), le syndicat national du spectacle et de la variété (Prodiss) et l’association Agi-son, unis pour parler d’un décret « ni réaliste ni optimal ». Pas question de « réduire la scène au silence » D’accord pour « la prévention des risques auditifs » et « la tranquillité des riverains » – principaux motifs à l’origine de ce nouveau dispositif abaissant le seuil de bruit autorisé pendant un concert –, pas question pour autant de « réduire la scène au silence », ont-ils écrit cette semaine dans un communiqué. De là à imaginer que tous les concerts vont devenir d’aimables thés dansant et que les vendeurs de bouchons d’oreilles, présents depuis des années dans les travées des spectacles, pourront bientôt plier boutique, il y a toutefois de la marge. Mais preuve que le sujet inquiète, un colloque sur ce thème, organisé par le Centre d’information sur le bruit, s’est tenu mercredi 5 décembre, à Rennes, en marge de la 40e édition des Trans Musicales. Avec 26,7 millions d’entrées en 2016, derniers chiffres publiés par le Prodiss, le secteur du spectacle musical et de la variété ne voudrait pas voir sa belle vitalité ternie par une réglementation qui priverait les spectateurs de leur dose habituelle de sons et contribuerait à vider les salles. La crainte de certains est de voir une nouvelle fois la France prendre des normes difficilement applicables Quiconque a récemment assisté à un concert dans un Zenith, à l’Olympia ou à l’AccorHotels Arena de Paris en a sans doute fait l’expérience : le volume général de la musique, l’intensité des fréquences sonores y apparaissent moins élevés qu’auparavant, même si, en la matière, les perceptions restent très subjectives. Suivant son emplacement dans la salle, il arrive de ne plus ressentir les vibrations des basses et la pression enveloppante du son. Ou pire, d’entendre chanter son voisin plus distinctement que les artistes sur scène… Un comble, si on pense au tarif des places !
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/doucement-les-basses_5393826_3232.html
07/12/2018
Depuis l’entrée en vigueur d’un nouveau décret, les musiciens en concert sont priés de ne pas dépasser les 102 décibels. Mais la puissance du son ne fait-elle pas partie du plaisir ?, s’interroge, dans sa chronique, Guillaume Fraissard, chef du service Culture du « Monde ».
idees
Brexit : « La City risque de perdre son attractivité »
Tribune. Le 23 juin 2016, le vote en faveur du Brexit ouvrait un monde des possibles où le Royaume-Uni reprenait son destin en main. Ce dernier a toujours jugé d’un œil favorable le libre-échange et nourri beaucoup de scepticisme à l’égard du concept d’Union européenne (UE), sans parler de la zone euro, qu’il estime être un projet ingérable : on ne plaisante pas avec la souveraineté monétaire ! Mais le réveil des Brexiters est aujourd’hui douloureux, quelques mois avant la date butoir du 29 mars 2019 : le monde des possibles s’est réduit comme peau de chagrin et ressemble davantage au scénario du pire qu’au récit merveilleux d’une reconquête de la liberté. Lire aussi : Brexit : un inéluctable compte à rebours L’accord négocié par Theresa May avec l’UE et soumis au Parlement britannique n’est qu’un régime de transition pouvant durer jusqu’en 2022 au maximum. Tout d’abord, obtenir un régime de transition comme accord n’est pas exactement ce dont avaient rêvé les Brexiters. Ils pensaient partir avec de nouvelles règles ; ils se retrouvent au milieu du gué, contraints de continuer à gérer l’incertitude d’un régime de transition. Ce régime met le Royaume-Uni dans une position doublement perdante, dans la mesure où son nouveau statut ne lui fait gagner aucune liberté et l’oblige à continuer de payer, mais sans avoir son mot à dire, contrairement à la position qu’il occupait auparavant. « Tout en étant extérieur à la zone euro, le Royaume-Uni bénéficiait du passeport européen pour les transactions financières en euro » Jusqu’à 2016, le Royaume-Uni occupait une place privilégiée au sein de l’Union puisque, sans faire partie de la zone euro, il avait un rôle comparable aux pays qui en sont membres dans les instances européennes, sans avoir à renoncer à sa propre politique monétaire. Le Royaume-Uni contribuait certes au budget européen mais, en contrepartie, il faisait entendre sa voix dans les différentes commissions. En outre, tout en étant extérieur à la zone euro, il bénéficiait du passeport européen pour les transactions financières en euro, ce qui lui permettait d’être parfaitement intégré dans la zone monétaire tout en jouant de son avantage comparatif en matière d’activités bancaires et financières. Position affaiblie Dans le cadre du nouvel accord, il va continuer à contribuer au budget – certes, dans une moindre mesure – tout en bénéficiant de fonds structurels et de la politique agricole commune (ce qui n’est pas le cas de la Norvège), mais il n’aura plus voix au chapitre. Il pourra observer mais ne pourra plus décider. Pendant ce régime de transition, il pourra bénéficier de la liberté de circulation des personnes, des biens et services et des capitaux, mais sera soumis aux accords commerciaux signés par l’UE avec des pays tiers sans pouvoir négocier ses propres accords.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/brexit-la-city-risque-de-perdre-son-attractivite_5393815_3232.html
07/12/2018
Pour l’économiste Nathalie Janson, le pire des scénarios pour le Royaume-Uni serait de rester bâillonné sous le joug de l’Europe. Or c’est celui qui pourrait advenir, met-elle en garde dans une tribune au « Monde ».
idees
« Comment contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement »
Entreprises. La gravité de la crise écologique suscite un grand nombre de mesures ou de propositions dont beaucoup visent à inciter ou à inviter les consommateurs à modifier leur conduite, comme si l’action individuelle de chacun d’entre nous suffisait à apporter la solution. Certains chercheurs font néanmoins observer que ce n’est pas l’humanité qui est responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons, mais le capitalisme. Refusant la notion d’« anthropocène », ils proposent celle de « capitalocène » – oubliant toutefois que l’Union soviétique a pollué autant que les pays capitalistes et vénéré comme eux le productivisme et la croissance du PIB. Plus précises, d’autres études mettent en évidence la responsabilité de quelques grandes entreprises, dont certaines publiques, auxquelles on peut imputer une large part des émissions de gaz à effet de serre. Un rapport de l’ONG Carbon Disclosure Project indique ainsi que, « depuis 1988, plus de 50 % des émissions de CO 2 proviennent de seulement 25 entreprises et pays », et que 100 compagnies (principalement des producteurs d’énergies fossiles) étant responsables de 71 % des émissions (The Carbon Majors Database, CDP Carbon Majors Report 2017). Article réservé à nos abonnés Lire aussi Climat : selon l’ONU, il faudrait tripler les efforts pour ne pas dépasser 2 °C de réchauffement Les auteurs indiquent que si au cours des vingt-huit prochaines années les hydrocarbures continuent d’être extraits au même rythme qu’ils l’ont été entre 1988 et 2015, la température moyenne augmenterait de 4 degrés d’ici la fin du siècle, avec les conséquences dramatiques que l’on sait. Irresponsabilité généralisée Dès lors, des appels de plus en plus nombreux au désinvestissement ou à la réorientation des investissements de ces entreprises vers les énergies renouvelables se font entendre. Ces dernières ne veulent pourtant entendre parler que de normes volontaires : elles ne veulent ni qu’on leur impose un rythme ni être tenues pour responsables des dégâts sociaux ou environnementaux commis par leurs filiales. Dans l’introduction au livre qu’il dirige, Face à l’irresponsabilité : la dynamique de la solidarité (éd. Collège de France, 184 pages, 22 euros), le juriste Alain Supiot tente de répondre à cette question : comment éviter l’irresponsabilité généralisée alors que les interdépendances entre les individus, entre les pays ou entre l’humanité et la biosphère sont de plus en plus fortes et visibles à l’échelle du globe, et que le changement d’échelle de l’impact des activités humaines sur la planète et sur les sociétés induit un changement d’échelle et de nature de la responsabilité ?
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/comment-contraindre-les-multinationales-a-respecter-les-droits-humains-et-l-environnement_5393810_3232.html
07/12/2018
Face à l’urgence écologique, la responsabilité de quelques grandes entreprises doit être reconnue et taxée, observe dans sa chronique la sociologue Dominique Méda.
politique
Philippe Martinez : « Le gouvernement joue avec le feu. On ne frappe pas des gamins »
Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, dans son bureau au siège de la confédération, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le 6 décembre. Ed Alcock / MYOP pour «Le Monde» Sept syndicats, dont la CGT et la CFDT, ont signé, jeudi 6 décembre, une déclaration commune pour appeler au dialogue et au calme avant la manifestation des « gilets jaunes » de samedi. Entretien avec Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. Comment analysez-vous le climat social ? A force d’encaisser, à un moment, ça explose. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est la taxe sur les carburants. Mais aujourd’hui, sur les ronds-points – où 85 % des « gilets jaunes » n’ont jamais croisé, ou très peu, les syndicats –, on est loin du seul mot d’ordre qui a lancé ce mouvement. Edouard Philippe a parlé de suspension des taxes avant que ne soit évoquée leur annulation. Est-ce positif ? Ils ont un mois de demi de décalage. Les revendications des « gilets jaunes » ne sont plus uniquement celles-là. C’est clairement insuffisant. Souhaitez-vous une convergence des luttes ? Elle est difficile et impossible au niveau national car ils n’ont pas de coordination mais des porte-parole autoproclamés, et pas les meilleurs d’ailleurs. C’est pour cela qu’au début nous avons été très réticents. Il y a parmi eux des gens infréquentables. Quand on livre des migrants à la police, ce ne sont pas les valeurs de la CGT. Mais localement, petit à petit, il y a des discussions qui se créent et ça réfléchit. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Les “gilets jaunes”, la mèche qui allume l’incendie » En revanche, vous n’appelez pas à manifester samedi… Non. Nous n’appelons pas à marcher sur l’Elysée, ni à la démission d’Emmanuel Macron ni à la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais M. Macron, une fois élu, s’est vu sur un nuage, déconnecté des réalités. Et ce n’est pas parce que l’on est légitime que l’on fait ce que l’on veut, sans rien écouter. La CGT a lancé un appel au calme avec six autres syndicats. Pourtant, deux heures plus tard, elle a accusé l’exécutif de « jouer à l’incendiaire social »… Ce n’est pas nous qui mettons de l’huile sur le feu, c’est le gouvernement. Le texte commun est le reflet de la diversité syndicale. A force de ne pas parler avec nous, le gouvernement discute avec qui ? Ils sont très embêtés. Et quand le premier ministre, mercredi, dit que les responsables, notamment syndicaux, « seront comptables de leurs déclarations », c’est scandaleux. Ce qui l’est encore plus, c’est que la ministre du travail [Muriel Pénicaud] m’appelle dans la foulée pour me faire la morale. Depuis que je suis secrétaire général, j’ai écrit à tous les ministres de l’intérieur pour leur dire que les violences en marge des défilés sont inacceptables. J’attends toujours leurs réponses. Les violences auxquelles nous assistons ne sont pas nouvelles, même s’il y a un degré supplémentaire parce que la colère monte et que les manifestations sont moins encadrées…
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/07/philippe-martinez-cgt-le-gouvernement-joue-avec-le-feu-on-ne-frappe-pas-des-gamins_5393806_823448.html
07/12/2018
Le secrétaire général de la CGT estime, dans un entretien au « Monde », que la convergence des luttes avec les « gilets jaunes » est « impossible au niveau national ».
argent
Comment gérer l’épargne de son enfant
Les droits des parents sur l’épargne de leur enfant varient en fonction de son âge Paul Bradbury/Caiaimages / Photononstop Selon un sondage réalisé en octobre 2017 par le site Capital Koala, huit parents sur dix auraient mis en place une solution d’épargne pour leurs enfants. Si près de 55 % d’entre eux parviennent à leur verser de l’argent tous les mois ou même tous les trimestres, les autres mettent de côté lors de certaines occasions (anniversaires, fêtes…). Pour placer ce pécule, plusieurs solutions peuvent être envisagées. « Il est possible de souscrire pour un enfant un livret A, un livret jeune, un plan d’épargne-logement (PEL), un compte épargne-logement (CEL) ou encore une assurance-vie, précise Pascale Micoleau-Marcel, déléguée générale de l’Institut pour l’éducation financière du public. En revanche, le livret d’épargne populaire ou le plan d’épargne en actions sont réservés aux majeurs. » Pour épargner son argent de poche ou celui reçu lors des fêtes, le livret A cumule plusieurs avantages : il est sans risque, sans frais et liquide. Néanmoins, il est peu rémunérateur (0,75 % net gelé jusqu’en février 2020) et son rendement réel est aujourd’hui grignoté par l’inflation. Lire aussi Comment transmettre son patrimoine dans une famille recomposée Les parents peuvent aussi ouvrir un livret jeune pour leur(s) enfant(s) âgé(s) de plus de 12 ans. Proposé par tous les établissements bancaires, ce compte est gratuit (plafonné cependant à 1 600 euros de versements), ses intérêts sont totalement défiscalisés et son taux de rémunération est au moins équivalent à celui du livret A. Mais certaines banques l’abondent et offrent davantage comme, par exemple, La Banque postale qui propose actuellement 1,5 % net ou LCL qui monte à 1,75 % net. L’enfant peut le conserver jusqu’à ses 25 ans, au-delà desquels son livret jeune sera automatiquement converti en livret d’épargne classique au sein de la banque. Droit de jouissance En revanche, ouvrir pour son enfant un PEL ne présente guère d’intérêt. Non seulement sa rémunération est réduite (0,7 % net), mais les intérêts versés sur les plans ouverts depuis le 1er janvier 2018 sont imposables dès la première année. Et si ce placement donne droit à un prêt à 2,2 %, il ne permet plus d’obtenir de prime d’Etat (bonification du rendement). Concernant les formalités, la signature d’un seul parent suffit pour ouvrir un livret ou un PEL, mais l’accord des deux responsables légaux est indispensable pour les clôturer. L’assurance-vie offre une alternative. Un parent peut ouvrir un contrat au nom de son enfant et y associer un « pacte adjoint » qui permet de fixer les modalités d’utilisation des sommes en les rendant, par exemple, indisponibles (pas de retrait ou de rachat possible) avant un certain âge (en principe jusqu’à 25 ans). Après un premier versement, le contrat peut ensuite être alimenté régulièrement ou non.
https://www.lemonde.fr/argent/article/2018/12/07/comme-gerer-l-epargne-de-son-enfant_5393803_1657007.html
07/12/2018
Plusieurs placements permettent de constituer une épargne à son enfant. Mais les parents n’ont pas tous les droits sur ces fonds.
planete
La route, première cause de mortalité des jeunes dans le monde
Les accidents de la route ont causé la mort de 1,35 million de personnes en 2016. ANTHONY WALLACE / AFP La route est un redoutable tueur en série. Plus fatale que le sida et la tuberculose. Chaque année dans le monde, 1,35 million de personnes meurent dans un accident de la route. Le chiffre provient du deuxième rapport mondial sur la sécurité routière, publié vendredi 7 décembre par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la base des données collectées en 2016. Ce bilan macabre continue d’augmenter régulièrement. Le premier rapport, publié en 2015, faisait état de 1,25 million de morts en 2013. Cette légère hausse indique que l’objectif de développement durable, pris par les Etats membres de l’ONU en 2015, de diviser par deux le nombre de décès dus à des accidents de la route d’ici 2020, ne sera pas atteint. Les premières victimes sont les jeunes et les enfants. Les accidents de la route sont désormais la principale cause de mortalité chez les 5-29 ans, alerte l’OMS. Car contrairement à une idée reçue, la majorité des personnes tuées ne sont pas les conducteurs (et passagers) de voitures. Plus de la moitié des décès concerne les usagers les plus vulnérables de la route : les piétons et les cyclistes (26 %) ainsi que les motocyclistes (28 %). La proportion de piétons et cyclistes parmi les tués monte à 44 % en Afrique. L’Afrique paie le plus lourd tribu C’est l’autre grande conclusion du rapport : l’inégalité devant l’insécurité routière grandit. Le risque de mortalité routière reste trois fois plus important dans les pays à faible revenu que dans les pays à fort revenu. Les taux les plus élevés sont atteints en Afrique (26,6 pour 100 000 habitants) et les plus bas en Europe (9,3 pour 100 000 habitants). Avec un ratio de 36 pour 100 000 habitants, le Liberia est le pays où les routes sont les plus meurtrières. Le tribut payé par les habitants des pays pauvres est inversement proportionnel à leur niveau de motorisation. Ainsi, les pays à faible revenu comptent seulement 1 % des véhicules immatriculés dans le monde mais représentent 13 % de tous les décès. A contrario, les pays à revenu élevé concentrent 40 % du parc automobile mais seulement 7 % des décès. Lire aussi Pourquoi les chiffres mensuels de la mortalité routière doivent être pris avec précaution Entre les deux rapports, soit entre 2013 et 2016, l’OMS note que le nombre de morts sur la route n’a diminué dans aucun pays pauvre alors qu’il a reculé dans 48 pays parmi les économies les plus développées. Au total, il a augmenté dans 104 pays au cours de cette période. « Réduire notre dépendance à la voiture »
https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/12/07/la-route-premiere-cause-de-mortalite-des-jeunes-dans-le-monde_5393804_3244.html
07/12/2018
Les accidents de la route tuent 1,35 million de personnes chaque année, alerte l’Organisation mondiale de la santé.
idees
Cécile Alduy : « Les mots d’Emmanuel Macron se sont retournés contre lui »
Professeure de littérature à Stanford, en Californie, et chercheuse associée au Cevipof de Sciences Po, Cécile Alduy est notamment l’auteure de Ce qu’ils disent vraiment. Les politiques pris aux mots (Seuil, 2017). Quelle est l’importance des mots dans l’exercice du pouvoir ? Cécile Alduy : L’action politique n’est visible et intelligible que si elle est dite, traduite et mise en récit. Seule la parole publique peut la faire exister, en enserrant les décisions dans un discours qui leur donne un sens, une logique, une visée. Les actes n’existent que d’être dits… Ce que les poètes de l’Antiquité exprimaient déjà ! Pour aller vite, dire, c’est faire, et faire sans dire, c’est ne rien faire, aux yeux du public. Mais il y a une autre fonction de la parole politique, notamment présidentielle : parler au nom des Français pour dire leur histoire, mettre des mots sur leurs souffrances, leurs espoirs et leurs doutes. Or, il semble que, depuis plusieurs mandats présidentiels, les candidats qui avaient su se faire les porte-parole des aspirations des Français oublient, une fois élus, cette fonction représentative et narrative. Dans quelle mesure le langage d’Emmanuel Macron a-t-il contribué à sa conquête du pouvoir ? Quelles étaient alors ses caractéristiques ? Candidat, il a pleinement joué ce rôle de porte-voix, de raconteur d’une geste nationale en train de s’écrire, un « roman national » dont il était le dernier héros. Il a aussi su renouveler le discours politique dans la forme et le vocabulaire. Il a privilégié un récit orienté par l’idée même de mouvement – « avancer », « progresser », « marcher », « projet » –, plutôt que par un catalogue de mesures ou de valeurs traditionnelles du langage politique. Et il a emporté l’adhésion autour d’émotions mobilisatrices, comme l’optimisme, la bienveillance, l’espoir. Surtout, il est celui qui a le plus parlé d’un « nous » et donné un rôle à un « vous » qu’il appelait à agir. Le chef de l’Etat a fait d’abondantes références à notre histoire monarchique. On pouvait penser qu’il s’efforçait ainsi d’incarner, d’« habiter » la fonction présidentielle davantage que ses prédécesseurs. Cela l’a-t-il servi ou desservi ? Dans un premier temps, son utilisation des symboles de la monarchie – comme son « intronisation » au Louvre, seul dans la nuit face au peuple – ou d’une autorité verticale lui a permis de balayer les doutes sur sa capacité à « faire président » à seulement 39 ans et sans aucune expérience d’élu. Il a imposé une image de force, de détermination, d’autorité.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/cecile-alduy-m-macron-manifeste-une-absence-totale-d-empathie_5393800_3232.html
07/12/2018
La professeure de littérature analyse, dans un entretien au « Monde », le choix des mots par le président de la République, leur signification et leur l’impact sur l’opinion.
campus
Auteur dramatique, un métier en résonance avec son temps
« Quand on entend pour la première fois un texte qu’on a écrit dit par un comédien, ça peut être très violent. C’est un test assez implacable et une épreuve d’humilité ! » Constance de Saint Rémy a 24 ans. Après des études de lettres modernes et de théâtre, la jeune femme vient d’intégrer l’école professionnelle supérieure d’art dramatique de la région Hauts-de-France (Ecole du Nord, à Lille, ex-Epsad) en tant qu’auteure dramatique. Durant trois ans, elle va partager son quotidien avec trois autres élèves auteurs et quatorze élèves comédiens, mêlant ainsi en permanence l’écriture pour le théâtre et les enjeux de son interprétation. « J’avais peur de la solitude de l’écrivain. » Constance de Saint Rémy, élève En cette matinée de novembre, Constance de Saint Rémy observe avec attention le travail scénique opéré par ses camarades comédiens sur les nouvelles de l’écrivain japonais Haruki Murakami, que les apprentis auteurs ont transposées, « en à peine un week-end », pour la scène. « J’avais extrêmement peur de la solitude de l’écrivain, confie la jeune femme, qui cite aussi bien Marguerite Duras que l’humoriste Blanche Gardin parmi ses références. Rester proche de l’activité théâtrale est très important pour moi. » « Un projet pédagogique autour du texte » Pour Christophe Rauck, directeur de l’Ecole du Nord, créer un cursus consacré à l’écriture dramatique est apparu comme une évidence. « On parle beaucoup ces dernières années du rôle du metteur en scène, mais je souhaitais construire un projet pédagogique centré autour du texte, et donc redonner toute leur place aux auteurs », dit cet ancien comédien d’Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil. Lancé en 2015, le cursus forme quatre jeunes écrivains, recrutés sur concours parmi environ 90 candidats. Tout au long de leur scolarité, les étudiants sont invités à produire des œuvres pour le théâtre et sont formés à la dramaturgie, à la stylistique ou à l’exploration en profondeur du répertoire classique et contemporain. Alors que les masters de création littéraire se multiplient en France ces dernières années, l’idée d’une formation spécifique à l’écriture théâtrale est apparue à l’Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (Ensatt), à Lyon, en 2003. « Ces formations existent partout en Europe et en Amérique latine, mais on a une conception très romantique de l’écriture en France, constate Enzo Cormann, écrivain et pédagogue, qui a participé à l’élaboration du cursus. Il y a cette idée qu’on n’apprend pas à Arthur à devenir Rimbaud ! »
https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/12/07/auteur-dramatique-un-metier-en-resonance-avec-son-temps_5393799_4401467.html
07/12/2018
Les formations spécifiques à l’écriture théâtrale émergent timidement. Inventer le répertoire de demain est l’ambition de ces jeunes auteurs.
idees
« La question irlandaise aura bien été la principale épine du Brexit »
Tribune. La question irlandaise a été au cœur des négociations. Elle peut conduire le Royaume-Uni à choisir le plus doux de tous les Brexit, comme le plus dur : une sortie sans accord, sans période de transition, avec pour conséquence de profondes perturbations en son sein, et dans une moindre mesure au sein de l’Union européenne. Or, suprême ironie : la question irlandaise n’a quasiment pas été abordée lors de la campagne référendaire de 2016 ! Les Britanniques sont traditionnellement allergiques au discours continental selon lequel l’Europe porte un projet de paix. Le Royaume-Uni en apporte pourtant une des meilleures preuves, puisque son adhésion et celle de l’Irlande à l’UE ont établi les conditions essentielles pour résoudre une guerre civile – reflet d’un conflit séculaire – qui a fait rage en Irlande du Nord pendant trente ans, provoquant la mort de plus de 3 000 personnes. L’Europe a su tisser des liens politiques, voire d’amitiés entre certains partis politiques britanniques et irlandais. Elle a aussi permis d’éliminer les barrières économiques et physiques entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, après la création du marché unique, en 1993. Conséquence directe: la frontière est devenue pour l’essentiel invisible, une fois la violence terminée et les infrastructures sécuritaires effacées. En retour, cette évolution a façonné le compromis politique de 1998, « l’accord du Vendredi saint » : si les nationalistes de l’Irlande du Nord restent des membres du Royaume-Uni, ils sont en même temps des citoyens irlandais résidant dans une île où la frontière n’a plus guère d’importance. Et la violence a cessé. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brexit : « La City risque de perdre son attractivité » Le retour d’une frontière donnerait en revanche un prétexte à tous ceux qui souhaitent ranimer le conflit. Mieux, il donnerait des cibles : les installations physiques et les douaniers et policiers qui les protégeraient. C’est pour cela que, depuis l’automne 2017, l’UE a exigé que tout accord entraînant le retrait du Royaume-Uni garantisse, après le Brexit, l’absence de frontières physiques entre les deux Irlandes. Le « Backstop », réponse européenne La bonne nouvelle a été que le Royaume-Uni a accepté ce principe. Mais il y a un hic : le Royaume-Uni pensait qu’il pourrait à la fois éviter tout contrôle du commerce entre lui-même et l’Union européenne, avoir le droit de conclure des accords de libre-échange avec les Etats-Unis et la Chine, et enfin réglementer (ou déréglementer) l’économie britannique comme bon lui semblerait. En d’autres termes, le gouvernement de Mme May espérait avoir le beurre et l’argent du beurre : garder des relations commerciales sans frictions avec l’UE (ce qui protégeait ses industries dépendant de chaînes logistiques européennes) tout en quittant l’union douanière et le marché unique.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/07/la-question-irlandaise-aura-bien-ete-la-principale-epine-du-brexit_5393798_3232.html
07/12/2018
L’historien et économiste Kevin O’Rourke montre, dans une tribune au « Monde », que l’insoluble question de la frontière entre les deux Irlandes aura déterminé les péripéties et l’issue finale du Brexit.
societe
D’Eric Drouet à « Fly Rider », les mots d’ordre des figures des « gilets jaunes »
Fabrice Schlegel, au barrage des « gilets jaunes » de Dôle (Jura), le 17 novembre. SEBASTIEN BOZON / AFP « Rapporteur », « messager », « leader », « porte-parole », aucun mot ne leur convient vraiment, tant il est difficile de se dire représentant d’un mouvement protéiforme qui n’accepte aucune hiérarchie ni délégation. Depuis trois semaines, une dizaine d’hommes et de femmes se relaient pourtant sur les barrages, les plateaux de télévision et surtout sur Facebook pour incarner le mouvement des « gilets jaunes ». Certains ont parfois milité dans des partis ou des syndicats, mais la majorité d’entre eux se dit « apolitique », la moindre affiliation paraissant immédiatement suspecte dans un mouvement qui se veut horizontal et sans chef. Cela n’empêche pas certains d’entre eux de tenir des discours très déterminés où les revendications sur le pouvoir d’achat, à l’origine des manifestations, s’accompagnent désormais de discours anti-immigrés et d’une contestation des représentants élus et de la Ve République. C’est ce dernier point qui divise aujourd’hui, au moins en deux courants, les initiateurs de ces « gilets jaunes » si difficiles à saisir. Les interroger, écouter les mots d’ordre diffusés sur les ronds-points, remonter les posts Facebook parfois franchement complotistes de ceux qui paraissent les plus influents – aucun d’entre eux n’a jamais été désigné par un vote – permet de mesurer l’ampleur de la crise. Et offre la physionomie désordonnée d’une contestation inédite, à la veille du quatrième samedi de manifestations à Paris et dans toute la France. Eric Drouet, 33 ans, chauffeur routier, Melun (Seine-et-Marne) Le 17 novembre, le mouvement des « gilets jaunes » est né des discussions dans son club de passionnés de voitures, le Muster Crew. Rarement vêtu du fameux gilet fluorescent sur les plateaux télé ou lors des vidéos qu’il poste régulièrement sur « La France énervée », son compte Facebook suivi par un peu plus de 46 000 personnes, il est l’un des leaders les plus déterminés. C’est là qu’il a annoncé qu’il ne se rendrait pas à Matignon, malgré l’invitation d’Edouard Philippe – « premier ministre ou pas, je m’en tape le cul par terre » –, et a appelé à manifester chaque samedi à Paris. Il y partage aussi bien l’interview de soutien aux « gilets jaunes » d’Olivier Besancenot à « On n’est pas couché », sur France 2 que des vidéos complotistes faisant état d’un Pacte mondial sur les migrations visant à « abolir les frontières aux immigrés » et à promouvoir « le mélange racial » au profit d’un « supergouvernement mondial ».
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/07/ni-porte-parole-ni-leaders-portraits-des-huit-visages-des-gilets-jaunes_5393792_3224.html
07/12/2018
Leurs prises de parole, en ligne ou dans les médias, donnent au mouvement sa physionomie. Enquête sur leurs origines, leurs déclarations et leurs comptes Facebook.
international
Une néophyte pressentie pour représenter les Etats-Unis à l’ONU
Heather Nauert, lors d’une présentation au départment d’Etat à Washington. MANDEL NGAN / AFP Donald Trump aurait choisi une presque néophyte pour représenter les Etats-Unis à l’ONU. Selon des sources convergentes de la presse américaine, jeudi 6 décembre, l’actuelle porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert, pourrait en effet devenir la prochaine ambassadrice à New York. Une promotion spectaculaire pour cette ancienne journaliste de la chaîne Fox News, le canal préféré du président. Elle remplacera, si elle est confirmée dans ses fonctions par le Sénat, une hypothèse probable, l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud, Nikki Haley, qui a annoncé à la surprise générale sa démission en octobre. Interrogé sur cette éventuelle nomination, François Delattre, l’ambassadeur de France aux Nations unies a estimé que « dans le contexte de l’administration américaine actuelle, nous avons besoin d’une personnalité forte – comme l’était Nikki Haley – pour au moins amortir les impulsions venues de Washington et si possible servir de pont entre l’ONU et la Maison Blanche. Ce sera le vrai test pour Heather Nauert ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Nikki Haley, la dame de fer des Etats-Unis à l’ONU Une succession qui s’annonce donc difficile compte tenu de l’envergure politique de Nikki Haley, élue à deux reprises aux plus hautes fonctions de son Etat et qui compte parmi les personnalités les plus prometteuses d’un Parti républicain pauvre en talents féminins. Affable mais dépourvue de réelle expérience en matière de gouvernement et de diplomatie, Heather Nauert avait été choisie comme porte-parole par le premier secrétaire d’Etat de Donald Trump, Rex Tillerson, tombé rapidement en disgrâce. Elle a su gagner par la suite la confiance de son successeur, Mike Pompeo, nommé en mars, et conserver ses fonctions. En février 2017, alors qu’elle était encore journaliste, Heather Nauert avait défendu publiquement la fille du président, Ivanka, à la suite de la décision de la chaîne de distribution Nordstrom de ne plus vendre ses articles de mode. Elle avait assuré sur son compte Twitter qu’elle allait « en acheter pour les porter » dans la matinale « Fox and friends », l’une des émissions préférées de Donald Trump. Le témoignage d’un désintérêt revendiqué vis-à-vis de l’ONU En dépit de l’année et demie passée au département d’Etat, Heather Nauert n’a pas le bagage classique, ni universitaire, ni politique, des personnalités nommées à un poste particulièrement exposé qui a vu se succéder Adlai Stevenson, George H. W. Bush, Daniel Patrick Moynihan, Madeleine Albright ou encore Richard Holbrooke. Samantha Powell et Susan Rice, les deux ambassadrices nommées par le démocrate Barack Obama, avaient fait leurs armes au sein du Conseil de sécurité national avant d’être promues.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/07/une-neophyte-pressentie-pour-representer-les-etats-unis-a-l-onu_5393783_3210.html
07/12/2018
La succession à Nikki Haley s’annonce difficile. Porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert manque d’expérience en matière de diplomatie.
international
Les nationalistes belges donnent le ton contre un pacte de l’ONU sur les migrations
La situation politique restait totalement confuse, voire aux limites du surréalisme, en Belgique, dans la soirée de jeudi 6 décembre. La journée avait été marquée par un long débat parlementaire consacré au pacte des Nations unies (ONU) sur les migrations. A l’issue de cette séance marathon, le gouvernement du libéral Charles Michel était toujours en place, même si sa principale composante, le parti nationaliste Alliance néoflamande (N-VA), avait été mise en minorité par une coalition formée de ses trois partenaires et de la quasi-totalité des députés de l’opposition – hormis les élus d’extrême droite. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Europe : le pacte migratoire de la discorde Cette majorité, dite alternative, a approuvé une proposition de résolution demandant au gouvernement d’accepter le pacte de l’ONU. La N-VA, qui s’oppose au déplacement de M. Michel, lundi prochain, à Marrakech, où il compte marquer l’adhésion de la Belgique à ce texte, stipule cependant rester membre du gouvernement fédéral. Elle estime que celui-ci est le seul habilité à prendre une telle décision et qu’en l’état M. Michel ne peut se prévaloir seulement d’une résolution de la Chambre des députés pour marquer le ralliement du royaume au pacte. Ni à Marrakech ni à New York – où le texte devrait être signé à la fin de décembre –, tempêtent les nationalistes. Une campagne controversée sur le pacte Tout au long de la journée, Peter De Roover, le chef du groupe N-VA à la Chambre, a essuyé un feu nourri de critiques, y compris de la part de ses partenaires gouvernementaux. Comme les élus d’opposition, ils reprochaient au parti de Bart De Wever de n’avoir, durant plusieurs mois, manifesté aucune réticence au projet. Le secrétaire d’Etat N-VA à la migration, Theo Francken, l’aurait lui-même approuvé, alors qu’il affirme aujourd’hui qu’en aucun cas le gouvernement ne pourrait s’y rallier. Lire aussi La Belgique au bord d’une crise gouvernementale C’est en octobre seulement que, déçu par le résultat des élections municipales, marquées par une progression de l’extrême droite du Vlaams Belang à son détriment, le parti aurait décidé de durcir ses positions sur les thèmes de la migration, de la souveraineté et de l’identité. Mardi, il lançait une campagne qui a scandalisé par son utilisation d’images assorties de textes mensongers sur le contenu du Pacte mondial. Après les protestations de ses partenaires, les images ont été retirées et le parti invoquait, sans convaincre, « une erreur de communication ». Un conseil des ministres pourrait relancer le débat Dans un discours au cours duquel il a confirmé qu’il comptait bel et bien se rendre à Marrakech, M. Michel a toutefois jeté le trouble jeudi soir en précisant qu’il ferait le voyage « à titre personnel ». L’opposition a, alors, longuement négocié un amendement précisant que le Parlement demandait très explicitement au gouvernement d’« approuver » le Pacte mondial. Et le chef de groupe de la N-VA répliquait, dans la foulée, que « le gouvernement n’ira pas à Marrakech », puisqu’il ne peut dégager de consensus en son sein.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/07/les-nationalistes-belges-donnent-le-ton-contre-un-pacte-de-l-onu-sur-les-migrations_5393778_3210.html
07/12/2018
Ce document est à l’origine d’une crise politique en Belgique au sein de la coalition gouvernementale de Charles Michel, mise sous pression par la N-VA.
international
« Marche ou crève » : le mauvais accueil des élèves « différents » dans les écoles européennes
Inauguration de l’école européenne de Bruxelles IV, en octobre 2012. YVES HERMAN / REUTERS LETTRE DE BRUXELLES Elle s’appelle « Louise » - un prénom d’emprunt. Elle est dyslexique et a dû quitter l’établissement scolaire où on lui refusait les quelques aménagements qui auraient pu l’aider, comme le droit de prendre des photos du tableau. Il s’appelle « Xavier », il a un handicap intellectuel mais sa mère dit de lui qu’il a une mémoire géographique étonnante, connaît toutes les marques de voiture ainsi que deux opéras de Mozart par cœur. Son école n’a toutefois pas voulu tenter de valoriser ses dons, qu’elle juge « inutiles ». « Si vous ne faites pas partie des 95 % d’enfants qui se développent normalement en lecture, en écriture, en calcul, vous avez un gros problème, dit sa maman. Ceux qui sont un peu “défectueux”, ils font tout pour les rejeter ». Claire est la mère d’un garçon de 16 ans qui a un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Elle explique qu’« il y a deux situations : soit les enfants sont jetés dehors, souvent parce qu’ils sont en échec. Soit ils sont isolés, pas soutenus, jusqu’à ce qu’ils décident de s’en aller d’eux-mêmes. » Elle a fini par retirer son fils et dit que tous les enfants qui recevaient un soutien scolaire dans la classe de son fils, à une exception près, sont partis, eux aussi. Découragés sans doute, honteux peut-être, blessés souvent. Sanctuaires présumés de l’excellence Des cas pas si rares ? Bien sûr, et aussi tristes les uns que les autres. Ils seraient banals, sans doute, si « Louise », « Xavier » et les autres ne fréquentaient pas des établissements un peu particuliers : les écoles européennes, sanctuaires présumés de l’excellence, boîtes à bac réputées, d’où sortiront sans doute quelques membres des élites de demain. A Bruxelles – qui compte à elle seule quatre établissements –, à Luxembourg, aux Pays-Bas, les écoles font partie d’un réseau intergouvernemental qui accueille en grande majorité des membres du personnel de l’Union européenne. Et quelques enfants de privilégiés, non « eurocrates », qui jouent des coudes - et du portefeuille - pour inscrire leurs rejetons dans ces lieux du multilinguisme, de la cohabitation des nationalités et de la qualité du savoir transmis. Des lieux aussi où, pensait-on, se transmettent les valeurs d’ouverture, d’égalité des chances et d’attention que la plupart des établissements scolaires habituels n’ont pas le temps, ou les moyens, d’appliquer, mais que l’Europe, elle, forte de son histoire, de sa morale et de son discours ne peut négliger.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/07/marche-ou-creve-le-mauvais-accueil-des-eleves-differents-dans-les-ecoles-europeennes_5393776_3210.html
07/12/2018
Human Rights Watch dénonce l’absence d’accompagnement des élèves présentant un handicap dans les prestigieuses écoles prévues pour accueillir les enfants du personnel de l’Union européenne.
politique
« Gilets jaunes » : Darmanin met en garde contre un scénario antisystème à l’italienne
« Le risque de la France, c’est l’Italie plus la violence. » Interrogé sur la possibilité de transformation du mouvement des « gilets jaunes » en une force politique antisystème tel que le Mouvement 5 étoiles en Italie, le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin met en garde contre « le risque de désunion nationale » et un scénario à l’italienne, dans un entretien au Figaro à paraître vendredi 7 décembre. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Benoît Hamon : « Ce mouvement ressemble aux “printemps arabes” » « Nous devons écouter le peuple et nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre les réformes pour continuer à transformer notre pays, afin de préserver notre modèle social », estime-t-il, jugeant le « moment difficile pour le gouvernement et la démocratie ». Selon lui, cette crise est le « fruit de trente ans d’inégalités territoriales et sociales », elle ne traduit « pas seulement un ras-le-bol fiscal », mais elle est aussi « identitaire ». « Les Français se demandent quel est le rôle de l’Europe, (…) ils se posent la question de l’avenir de nos enfants, s’interrogent sur la place des religions, et notamment de l’islam. » « Cela fait longtemps que le pays est au bord de la rupture », poursuit-il, « le président est très conscient de la situation » et il parlera, « quand il le jugera bon ». Darmanin appelle l’exécutif à plus d’humilité « Mais quelle est l’alternative à Emmanuel Macron ? Marion Maréchal ou Jean-Luc Mélenchon ? Si nous ne sommes pas tous responsables, le risque de désunion nationale est très important », s’alarme M. Darmanin, qui appelle à aider Emmanuel Macron « à réussir pour le bien de notre peuple ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Gilets jaunes » : sous pression, Macron lance un appel à l’aide Néanmoins, « la majorité et le gouvernement gagneraient à être plus humbles », concède-t-il, tout en appelant l’opposition « à être plus responsable », notamment au nom du respect des institutions. Concernant l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), le ministre se refuse à tirer des conclusions sur ce dispositif après six mois d’application. Estimant, en revanche, que l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) « a contribué à empêcher [l’] économie de croître », du fait de l’évasion fiscale, Gérald Darmanin se refuse « à taxer de nouveau plus le capital, qui crée le travail, pour satisfaire le ressentiment de certains ».
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/07/gilets-jaunes-darmanin-met-en-garde-contre-un-scenario-antisysteme-a-l-italienne_5393767_823448.html
07/12/2018
Dans un entretien au « Figaro », le ministre de l’action et des comptes publics évoque un « ras-le-bol identitaire » et appelle les élus de tous bords à se montrer plus responsables.
societe
« Gilets jaunes » : les autorités enquêtent sur de faux comptes Internet
Les autorités françaises ont lancé des vérifications après la multiplication de faux comptes destinés à amplifier, sur les réseaux sociaux, la contestation portée par les « gilets jaunes », a-t-on appris samedi 8 décembre de sources proches du dossier. C’est le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) qui est chargé de coordonner les vérifications en cours, explique cette source. Les services français sont attentifs à la manipulation de l’information, mais il est trop tôt pour se prononcer sur les allégations du quotidien britannique The Times, qui assure que des centaines de faux comptes alimentés par la Russie cherchent à amplifier la révolte des « gilets jaunes », indique une autre source proche du dossier. Des photos d’événements antérieurs C’est un sujet qui nécessite des investigations lourdes et complexes, précise-t-on. Selon The Times, qui cite des analyses menées par la société de cybersécurité New Knowledge, quelque deux cents comptes Twitter diffusent des photos et des vidéos de personnes grièvement blessées par la police, des supposés « gilets jaunes », alors que ces images datent d’événements n’ayant rien à voir avec les manifestations qui se déroulent en France depuis plusieurs semaines. Après plus de trois semaines de mobilisation, le mouvement des « gilets jaunes » a organisé samedi une nouvelle journée d’action émaillée de violences. Pour répondre aux revendications de ce mouvement né sur les réseaux sociaux, le gouvernement français a notamment renoncé à une hausse des taxes sur les carburants, prévue pour janvier 2019.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/08/gilets-jaunes-les-autorites-enquetent-sur-de-faux-comptes-internet_5394702_3224.html
08/12/2018
D’après des informations du « Times », la Russie alimenterait de faux comptes pour amplifier le mouvement des « gilets jaunes ».
livres
L’immense poète russe Marina Tsvetaeva, comme elle respire
Les Grands Poèmes, de Marina Tsvetaeva, traduit du russe et édité par Véronique Lossky, édition bilingue, Les Syrtes, 1 126 p., 29 €. Marina ­Tsvetaeva (1892-1941), photo non ­datée. FineArtImages/Leemage Le 31 août 1941, dans une bourgade du Tatarstan, Marina Tsvetaeva, l’un des plus grands poètes du XXe siècle, se donne la mort à l’âge de 49 ans. Ce geste met fin à un itinéraire mouvementé sur fond de cataclysmes historiques sans précédent. La première guerre mondiale l’a séparée de son mari, parti au front ; la révolution de 1917 et la guerre civile ont emporté sa plus jeune fille, Irina, morte de faim à l’âge de 3 ans. A partir de 1922, Tsvetaeva vit en exil, en Tchécoslovaquie, où la famille se réunit, puis en France, souvent dans le besoin : « Affaires de pauvres ! Une nasse/ Est-elle un objet ? Un objet – cette planche ?/ Les affaires des pauvres – les os et la peau./ Peu de chair – que du chagrin », lit-on dans un poème composé en Vendée en 1926. Un ostracisme croissant En 1939, elle regagne l’URSS, pour y apprendre l’arrestation de son mari et de sa fille aînée, rentrés au pays avant elle. Victime d’un ostracisme croissant – une émigrée, épouse et mère d’« ennemis du peuple » ! –, elle se trouve sans ressources ni travail. Alors, lorsqu’on refuse de l’embaucher comme plongeuse dans une cantine, la coupe est pleine : elle se pend. Elle laisse derrière elle un héritage littéraire immense. On se demande même comment, au vu des conditions dans lesquelles elle a vécu, elle a pu créer une œuvre aussi variée et d’une telle envergure. C’est que, depuis toute petite, Tsvetaeva est habitée par la poésie, dont elle-même n’est, dit-elle, qu’un organe, un instrument. Elle écrit comme elle respire, d’où le rôle que jouent chez elle la respiration, le phrasé. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Poésie réactive. Vengeance de la poésie D’où également la difficulté de la traduire, difficulté d’ordre rythmique, qui vient aussi du fait que l’auteure opère moins avec des mots entiers qu’avec des lexèmes ou des morphèmes, c’est-à-dire des parties de mots investies d’un sens qui dépend du découpage syllabique, des enjambements, de l’accentuation. Il en résulte des textes chargés d’une énergie formidable, d’une puissance suggestive hors pair – et d’une complexité enconséquence. Une œuvre éparpillée Parmi eux, les « grands poèmes », parfois longs de plusieurs milliers de vers, ici rassemblés. Tsvetaeva avait besoin de ces formats pour pouvoir creuser le thème choisi, le retourner, l’entortiller, ce qui donne tantôt des cycles réunissant plusieurs courtes pièces, tantôt de longues compositions d’un seul tenant. Quel que soit le genre choisi, on y discerne souvent un noyau autobiographique, fondé sur l’opposition entre le Moi lyrique, celui du Poète, et le monde « philistin », abhorré et hostile. Ainsi, des chefs-d’œuvre de poésie lyrique, comme Poème de la montagne ou Poème de la fin (1924), voisinent avec des contes en vers d’inspiration folklorique comme Egorouchka (1921) ou Le Poème sur la famille du tsar (1930), un texte perdu.
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/12/08/l-immense-poete-russe-marina-tsvetaeva-comme-elle-respire_5394696_3260.html
08/12/2018
Les « Grands Poèmes » de l’écrivaine russe paraissent dans une belle édition bilingue. Attention : souffle puissant !
televisions-radio
« Tissu local » : gros plan sur un territoire où les tensions s’apaisent
La commune de Ham dans la somme Randevu Film, Public-Sénat LCP - SAMEDI 8 Décembre - 21 H 00. DOCUMENTAIRE Ham, dans la Somme, 4 500 habitants et des façades, nombreuses, sur lesquelles on lit : « A vendre » ; « A louer ». Nous sommes dans la France qui roule à 70 km/h, comme l’indique le panneau, et qui, depuis peu, a revêtu les « gilets jaunes ». Car il n’est pas difficile de comprendre, d’emblée, qu’ici, la vie n’est pas toujours facile. Alors quand, en 2017, circule le bruit qu’un styliste songe à s’y installer, on croit à une mauvaise blague : l’homme n’est-il pas fou de venir s’enterrer ici ? Et c’est cela, au fond, que raconte le beau documentaire de Maurice Ferlet. L’histoire de ces hommes et de ces femmes qui ont repris un peu espoir le jour où l’annonce « Urgent, cherchons petites mains » est parue dans Le Courrier Picard. C’est ce qu’exprime, très simplement et sans détour, cette femme d’une soixantaine d’années qui, après avoir obéi à son mari qui lui avait demandé de rester à la maison pour s’occuper des enfants, est aujourd’hui femme de ménage pour mettre du beurre dans les épinards. Elle affirme être « prête à tout quitter pour vous ». Vous ? C’est Jean-Luc François. Les rires fusent dans l’atelier Après avoir travaillé pour Yves Saint Laurent, Dior, Balmain ou Chloé, imaginé les vitrines de Vuitton et Lanvin, ce dernier a décidé de créer sa propre marque et d’ouvrir, d’abord à Pantin puis à Ham, un atelier qui allie lieu de formation et de production. Ce sont ces « petites mains » que Maurice Ferlet écoute, sans juger. C’est que l’administrateur du Syndicat de Paris de la mode féminine est bien décidé à surfer sur la vague du Made in France. A faire retravailler ces « petites mains », lesquelles, on le voit ici, piquent et repiquent, font et défont. Et ce sont elles et eux qui sont filmés ici, souvent en plans fixes, simples et efficaces, parfois en gros plan – des mains donc, et des visages. Ce sont elles et eux que Maurice Ferlet écoute, sans juger. Ici, aucune voix off, aucun commentaire, juste des images et des témoignages. Sur le site du réalisateur est écrit : « Le territoire que je veux montrer est celui où les tensions s’apaisent, où les handicaps se surmontent, où la vie triomphe toujours. » C’est en grande partie vrai à entendre les rires fuser dans l’atelier. En partie seulement, les chiffres parlant d’eux-mêmes : seules cinq femmes restent à ce jour employées à l’atelier sur les 200 curriculum vitae originellement envoyés. Tissu local, de Maurice Ferlet (Fr, 2018, 60 min) www.publicsenat.fr
https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2018/12/08/tissu-local-gros-plan-sur-un-territoire-ou-les-tensions-s-apaisent_5394636_1655027.html
08/12/2018
Un joli documentaire raconte l’espoir suscité par l’arrivée à Ham, petite ville de la Somme, d’un atelier de mode à la fois lieu de formation et de production.
police-justice
« Gilets jaunes » : Julien Coupat, relaxé du procès de Tarnac, interpellé à Paris
Julien Coupat, lors de son procès à Paris, le 13 mars 2018. ALAIN JOCARD / AFP Julien Coupat, longtemps présenté comme le leader d’un groupe d’ultragauche qui avait été relaxé au printemps lors du procès dit de Tarnac, a été interpellé samedi 8 décembre, dans la matinée, à Paris, où avaient lieu des manifestations de « gilets jaunes ». Il a été placé en garde à vue pour « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations », a fait savoir une source judiciaire. Arrivé à Paris la veille de son arrestation, il a été déféré au parquet de Paris dimanche, selon les informations d’Europe 1, confirmées au Monde. Lire aussi L’affaire de Tarnac résumée en 5 épisodes Plus de 950 personnes avaient été interpellées en France samedi en début d’après-midi en marge du mouvement des « gilets jaunes » et 724 placées en garde à vue, selon une source policière. L’interpellation Selon une source proche du dossier, Julien Coupat a été arrêté près du parc des Buttes-Chaumont, au nord de la capitale, en fin de matinée, vers 11 heures. Selon son avocat, Me Assous, interrogé par Le Monde, il était à bord d’un véhicule à l’arrêt, accompagné d’un proche, musicien. Les policiers ont découvert un gilet jaune, un masque de chantier et des bombes de peinture lors de l’interpellation, a précisé cette source. « C’est une arrestation totalement illégale. (...) Il n’y avait rien d’illégal dans le matériel saisi », a réagi son avocat, Me Jérémie Assous. Ce dernier voit dans cette interpellation « une vengeance de la part des services » : « Du fait de la relaxe dans l’affaire Tarnac, ils se sentent humiliés. » L’affaire Tarnac Faisant partie des principaux prévenus, aux côtés de son ancienne compagne Yildune Lévy, Julien Coupat avait comparu en début d’année, soupçonné notamment pour le sabotage d’une ligne SNCF. Initialement poursuivis pour terrorisme avant d’être jugés pour des délits de droit commun, tous deux avaient uniquement été condamnés pour refus de prélèvement biologique mais ont été dispensés de peine.
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/08/gilets-jaunes-julien-coupat-relaxe-du-proces-de-tarnac-interpelle-a-paris_5394633_1653578.html
08/12/2018
Le militant d’ultragauche a été placé en garde à vue, avec un de ses proches, arrêté au même moment.
football
Coupe du monde féminine de football : les Bleues plutôt épargnées au tirage au sort
Les Bleues face au Brésil, le 10 novembre à Nice. ERIC GAILLARD / REUTERS La France, hôte du Mondial 2019 féminin du 7 juin au 7 juillet, jouera contre la Norvège, la Corée du Sud, et le Nigeria dans le groupe A, selon le tirage au sort réalisé samedi 8 décembre à la Seine Musicale (Boulogne-Billancourt). Lire aussi Football : les Bleues veulent aussi leur étoile Les Bleues de Corinne Diacre disputeront leurs trois premières rencontres le vendredi 7 juin à Paris contre la Corée du Sud pour le match d’ouverture (21 heures), puis le mercredi 12 juin à Nice contre la Norvège (21 heures) et enfin le lundi 17 juin à Rennes face au Nigeria. « C’est un groupe relevé mais quand on voit les 23 équipes qualifiées, je ne m’attendais pas à autre chose », a commenté la sélectionneuse des Bleues après le tirage au sort. Dans le groupe B, l’Allemagne sera opposée à la Chine et à l’Espagne. Le groupe C, qui pourrait concerner les Bleues, est constitué de l’Australie, du Brésil et de l’Italie, ainsi que de la Jamaïque dont il s’agit de la première participation. Dans le groupe D, l’Angleterre affrontera son voisin, l’Écosse, mais aussi le Japon, vainqueur du Mondial 2011 et finaliste en 2015. Les Pays-Bas, vainqueurs l’an dernier de l’Euro, affronteront le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Cameroun, troisième de la dernière CAN. Enfin, les Etats-Unis, tenants du titre, affronteront la Thaïlande, le Chili et la Suède dans le groupe F. CONFIRMED: Here are your groups for the FIFA Women's World Cup France 2019! 🇫🇷 #FIFAWWC https://t.co/bz5ZghPZ1C — FIFAWWC (@FIFA Women's World Cup 🇫🇷)
https://www.lemonde.fr/football/article/2018/12/08/coupe-du-monde-feminine-de-football-les-bleues-epargnees-au-tirage-au-sort_5394626_1616938.html
08/12/2018
L’équipe de France affrontera la Norvège, la Corée du Sud et le Nigeria lors des matches de poule de la Coupe du monde qu’elle organisera du 7 juin au 7 juillet 2019.
international
« Gilets jaunes » : 400 arrestations à Bruxelles, un policier blessé
Face-à-face entre la police et des « gilets jaunes », samedi, à Bruxelles. YVES HERMAN / REUTERS Environ 400 personnes ont été arrêtées à Bruxelles et un policier a été blessé, samedi 8 décembre, pendant un rassemblement de « gilets jaunes » belges, qui a réuni un millier de manifestants, a indiqué la police locale. « Un policier a été blessé au visage. Il a été transporté à l’hôpital, mais ses jours ne sont pas en danger », a expliqué à l’Agence France-Presse Ilse Van De Keere, porte-parole de la zone de police Bruxelles-Capitale-Ixelles. Certains « gilets jaunes » ont jeté des projectiles, notamment des pavés, sur les forces de l’ordre à hauteur du quartier des institutions européennes, entièrement fermé à la circulation des véhicules et des piétons, a-t-elle ajouté. La police a été contrainte de faire usage de canons à eaux et de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants. « Il y a quand même quelques dégâts », a souligné Mme Van De Keere, sans donner plus de précisions. La situation semblait, selon elle, rentrer dans l’ordre en fin d’après-midi. Blocages sur l’autoroute Selon l’agence Belga, des « gilets jaunes » ont par ailleurs bloqué l’autoroute E17 vers Rekkem, une ville de Flandre occidentale, située près de la frontière avec la France. Un barrage a également été mis en place tôt samedi matin sur la E40, au niveau de la frontière franco-belge, à hauteur d’Adinkerque (nord), toujours selon Belga. Le mouvement des « gilets jaunes », apparu en France, s’est exporté en Belgique, en particulier dans la région francophone de Wallonie. Le 30 novembre, une manifestation de 300 personnes avait dégénéré à Bruxelles, où deux véhicules de police avaient été incendiés.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/08/gilets-jaunes-400-arrestations-a-bruxelles-un-policier-blesse_5394614_3210.html
08/12/2018
Un millier de « gilets jaunes » se sont rassemblés dans la capitale belge, selon la police locale. La situation semblait rentrer dans l’ordre en fin d’après-midi.
idees
L’âge de la voiture automobile a sonné !
L’histoire est imprévisible : un individu né dans la seconde moitié du XXe siècle, nourri d’une dose modérée de science-fiction et d’imagination technique, pouvait penser qu’au siècle suivant de petites soucoupes individuelles nous transporteraient ici ou là ; que le mouvement, toujours croissant, aurait envahi le ciel en d’incessants zigzags distribuant les flux d’hommes et d’énergies. Mais que propose-t-on en 2018 comme nec plus ultra de la modernité mobile ? La trottinette (certes, électrique) ! Avec la crise écologique et la congestion urbaines, deux inventions de la fin du XIXe siècle sont de retour en panacées dans nos villes postindustrielles saturées : la bicyclette et le tramway. Du trottoir roulant de l’Exposition universelle de 1900, à Paris, jusqu’à aujourd’hui, l’histoire des transports est pleine d’inventions loufoques, d’étonnants recyclages et de futurs non advenus. Pensons à Aramis (acronyme d’« agencement en rames automatisées de modules ­indépendants en stations »), cette merveille technologique conçue par Matra et la RATP dans les années 1970, dont Bruno Latour fit naguère la chronique de l’échec, écrivant en même temps une anthropologie sociale de l’innovation. Cette histoire de rêves brisés et de crimes mystérieux – qui a tué les tramways dans les années 1930 pour mieux imposer la voiture en France après la guerre ? – est ­pourtant très sérieuse : elle engage des techniques qui ­accouchent de civilisations. Celle du cheval décrite par ­Daniel Roche (La Culture équestre de l’Occident, XVIe-XIXe siècle, 3 tomes, Fayard, 2015) enregistre une première grande poussée de la vitesse, nouveau dieu de la modernité, jusque tard dans le XIXe siècle de la révolution industrielle : ce n’est qu’en 1913 que les omnibus automobiles remplacent l’ensemble des véhicules hippomobiles à Paris. « L’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques » L’âge de la voiture automobile a sonné ! Voiture aujourd’hui mal aimée, voiture chassée (de nos centres-villes), voiture répudiée, voiture quand même ! Avant d’être le boulet de notre nécessaire conversion écologique, elle fut – rappelons-nous – un des mythes rechargeant l’idéologie du progrès, avec ses valeurs de liberté, d’indi­vidualisme et de démocratisation, grâce à sa production de masse. De la Route 66 à notre nationale 7, l’automobile – version populaire ou bolide polychrome – promettait le monde, l’amour, la vie intense, à la suite de Pierrot le fou, de Jean-Luc Godard, ou de James Dean.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/08/l-age-de-la-voiture-automobile-a-sonne_5394582_3232.html
08/12/2018
Dans sa chronique, l’historienne Emmauelle Loyer nous rappelle qu’avant d’être le boulet de notre nécessaire conversion écologique, la voiture fut l’un des mythes de l’idéologie du progrès.
idees
Ismaël Saidi : « Le dieu de l’islam, aujourd’hui, c’est Mahomet »
Après avoir dénoncé, dans sa pièce Djihad (2014), le dogmatisme absurde des candidats au départ pour la Syrie, Ismaël Saidi, 42 ans, publie Mais au fait, qui était vraiment Mahomet ? (Flammarion, 336 p., 18 €), un livre, à destination des jeunes et des moins jeunes, qui désacralise le Prophète. L’écrivain et scénariste belge, de confession musulmane, y dialogue avec l’islamologue Michaël Privot, spécialiste de l’histoire comparée des religions. D’où l’idée de ce nouvel ouvrage vous est-elle venue ? Tout part de Djihad, en réalité. Le spectacle, qui se joue encore aujourd’hui en Europe et en Asie, m’a conduit à rencontrer une foule de gens : des responsables politiques, des socio­logues, des imams et surtout des milliers d’adolescents dont les questions m’ont souvent pris de court. J’ai acheté de nombreux ouvrages, français, anglais, arabes et j’ai fini par réaliser – c’est pathétique de découvrir cela à mon âge – que l’islam, c’était un homme : Mahomet (que Michaël et moi préférons appeler Muhammad, selon la prononciation arabe). Si les femmes doivent se voiler, c’est parce qu’il l’aurait dit ; si on ne peut pas manger de porc, c’est parce qu’il l’aurait dit… Pour répondre aux questions, je devais donc comprendre qui il était véritablement, au-delà de ce qui m’avait été enseigné depuis mon enfance. Les biographes évoquent Muhammad soit comme un saint aux cheveux longs magnifiques – on ne peut pas s’empêcher de faire le parallèle avec le Christ –, soit comme un sanguinaire. L’historienne française Jacqueline Chabbi, spécialiste du monde musulman médiéval, avec qui j’ai beaucoup échangé, m’a aidé à y voir plus clair. Le sous-titre de votre livre est « Le Prophète comme on ne vous l’a jamais raconté ». C’est le cas, en effet, mais vous prenez des risques. Vous dites, entre autres, que Mahomet n’est pas musulman et que ses croyances sont mâtinées de christianisme et de judaïsme… Au VIe siècle, Muhammad n’était pas musulman, comme Jésus n’était pas chrétien à son époque. L’islam a été conceptualisé et construit beaucoup plus tard. Dire cela est logique et rationnel, mais beaucoup de personnes en l’entendant font presque un arrêt cardiaque ! Il est probable que son véritable nom soit Qutham. Muhammad, qui signifie « celui dont on célèbre la louange », n’est cité que quatre fois dans le Coran et représentait davantage un titre de gloire politique réservé aux puissants. Est-ce un détail ? Oui et non car il révèle notre rapport problématique à la vie de cet homme ainsi que la confusion classique entre histoire vraie et histoire sainte.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/08/ismael-saidi-le-dieu-de-l-islam-aujourd-hui-c-est-mahomet_5394571_3232.html
08/12/2018
L’écrivain et scénariste belge Ismaël Saidi publie « Mais au fait, qui était vraiment Mahomet ? », un livre dans lequel il dialogue avec l’islamologue Michaël Privot.
idees
Comment les discriminations minent-elles la cohésion sociale ?
Vous avez publié, avec l’économiste Marie-Anne Valfort, un ouvrage sur les discriminations dans le monde du travail qui montre qu’il y a une corrélation entre les discriminations et la confiance dans les relations ­sociales. Comment fonctionne ce lien ? Le politiste américain Robert Putnam est le premier à avoir identifié, au début des années 2000, un lien entre la pratique des discriminations et l’émergence de la défiance. Parce que les ruptures d’égalité sont perçues comme des mécaniques profondément injustes, elles minent la cohésion sociale – et ce à grande échelle. Les discriminations n’ont rien de marginal : les homosexuels représentent 5 % à 10 % de la population, les minorités ethniques près de 10 %, et les femmes constituent une « minorité majoritaire ». Une part très importante de la popu­lation voit donc sa carrière et ses salaires stagner en raison de préjugés absurdes et de stéréotypes irrationnels. Ces discriminations donnent naissance à de véritables cercles vicieux : au lieu de favoriser l’intégration des minorités, elles les encouragent à se replier vers leur communauté d’origine. Face à ces mécanismes d’exclusion, les minorités ont en effet tendance à rejeter les valeurs de la société d’accueil. Après les attentats du 11 septembre 2001, les musulmans qui vivaient dans les Etats américains où les actes islamophobes ont le plus augmenté affichaient ainsi, dix ans plus tard, des normes sociales plus rigoristes, des taux de mariages intracommunautaires plus élevés et des pratiques religieuses plus intransigeantes. Ces discriminations ont, selon vous, des conséquences ­au-delà même du cercle des personnes qui sont ­directement discriminées. Par quels mécanismes ? Les discriminations nuisent aux personnes qui en sont victimes, mais elles perturbent aussi plus largement le jeu social : ­elles transforment les comportements de tous ceux qui appartiennent au groupe des personnes discriminées. Des études américaines et françaises mettent ainsi en évidence le mécanisme de la « menace du stéréotype » : les personnes appartenant à des minorités redoutent tellement les préjugés associés à leur couleur de peau, leur sexe ou leur orientation sexuelle qu’elles perdent leurs moyens lors des tests. Et elles finissent par confirmer involontairement l’image négative de leur groupe. Jeff Stone, professeur de psychologie de l’université d’Arizona, a ainsi montré, lors d’une expérience réalisée à Princeton, que les Afro-Américains réussissent mieux un exercice sportif s’il est présenté comme « une mesure de l’aptitude physique naturelle » que comme « une mesure de l’aptitude à développer une stratégie durant une performance sportive » – comme s’ils voulaient confirmer les stéréotypes qui veulent que les Noirs soient plus doués pour le sport que pour les matières intellectuelles. Les préjugés pèsent aussi lourdement sur les filles : parce qu’elles sont censées avoir moins de dispositions pour les mathéma­tiques que les garçons, elles réussissent mieux le même test d’arithmétique quand il n’y a pas de garçons dans la salle…
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/08/comment-les-discriminations-minent-elles-la-cohesion-sociale-trois-questions-a-stephane-carcillo_5394572_3232.html
08/12/2018
Les ruptures d’égalité transforment les comportements de tous ceux qui appartiennent au groupe des personnes discriminées, analyse l’économiste Stéphane Carcillo.
politique
La difficile structuration des « gilets jaunes » en Gironde
Manifestation de « gilets jaunes » à Bordeaux, le 1er décembre. NICOLAS TUCAT / AFP Si le mouvement des « gilets jaunes » est important en Gironde, personne ne veut prendre le flambeau, ni sortir de l’ombre réellement. Plusieurs groupes se sont créés par villes, sans qu’il soit possible de définir le nombre exact de personnes mobilisées pour un département qui compte 542 communes. Une poignée de partisans se disent « porte-parole, et non des représentants », et tentent de réunir les revendications sur le terrain, de répondre à la presse et de faire avancer le mouvement. Mais la tâche est ardue, et la possibilité d’élire un leader pour toute la Gironde n’est plus à l’ordre du jour. « Nous avons réussi à fédérer à peu près huit villes, il y en a d’autres qui doivent nous rejoindre. Nous essayons de nous réunir régulièrement pour parvenir à un niveau de cohérence. Malgré tout, il reste encore beaucoup d’électrons libres », raconte Eric, 50 ans, l’un des porte-parole du mouvement de Saint-André-de-Cubzac, très actif depuis le début de la mobilisation. « Le moindre pouvoir corrompt » Souriant et affable, Eric tente de créer le dialogue entre différents groupes, mais fait notamment face à « des guerres d’ego » : « Les “gilets jaunes” médiatisés communiquent sur leur pensée, et pas celle de la globalité. » Ces dissensions les empêchent de se structurer. « Au bout d’un moment, des décideurs vont sortir du lot et représenter la parole des “gilets jaunes” », pense-t-il. Une idée que ne partage pas Michael, chef d’entreprise de 29 ans, lui aussi membre du groupe de porte-parole girondins. « Personnellement, je ne veux pas qu’il y ait un représentant “gilet jaune” sur la Gironde. Ce qui remonte du terrain, c’est que de nombreux militants sont contre la représentation générale comme nous pouvons l’avoir dans notre gouvernement. A moins qu’il soit extrêmement bien contrôlé, et de pouvoir le mettre dehors s’il dérape », estime-t-il, avant d’ajouter : « On voit bien que le moindre pouvoir corrompt. Et un représentant, c’est facile à corrompre. » En revanche, les deux porte-parole plaident pour que ce ne soit pas une personne définie qui s’exprime devant la presse, mais plutôt un manifestant présent au moment où la question se pose. « L’enjeu est de coordonner les actions, les revendications, sans avoir un seul représentant pour chapeauter tout ça, poursuit Michael : C’est aussi ça, la démocratie, tout le monde n’est pas d’accord. Et structurer le mouvement n’est pas un objectif. »
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/08/la-difficile-structuration-des-gilets-jaunes-en-gironde_5394565_823448.html
08/12/2018
L’organisation du mouvement reste floue, comme à Bordeaux, où il « est tellement hétéroclite qu’il est difficile de faire une synthèse ».
international
En Allemagne, Annegret Kramp-Karrenbauer ne veut pas apparaître comme une « mini-Merkel »
Annegret Kramp-Karrenbauer, à Hambourg, le 8 décembre. KAI PFAFFENBACH / REUTERS C’était le 18 janvier, à 4 h 22 du matin. La BMW avait roulé toute la nuit. Partie de Sarrebruck, près de la frontière française, elle n’était plus qu’à une demi-heure de Berlin où Annegret Kramp-Karrenbauer avait un énième rendez-vous avec le Parti social-démocrate (SPD) en vue de former une coalition. Mais ce matin-là, la voiture s’est écrasée contre la glissière de sécurité, et il s’en est fallu de peu que l’accident soit mortel. Après quelques jours d’hospitalisation, la ministre-présidente de la Sarre a repris le travail, frustrée d’avoir manqué la fin des négociations. « C’est comme si un joueur de foot manquait une finale de coupe du monde parce qu’il s’était blessé juste avant. C’est difficile, mais ça vous apprend quelque chose : personne n’est irremplaçable », déclarait-elle, à sa sortie d’hôpital, au quotidien Bild. Depuis, « AKK » a su se rendre indispensable. Début février, alors que beaucoup la voyaient entrer dans le nouveau gouvernement d’Angela Merkel, elle a préféré rejoindre l’Union chrétienne-démocrate (CDU) comme secrétaire générale. Sur le moment, beaucoup ont été étonnés par ce choix d’une tâche ingrate et moins en vue qu’un maroquin ministériel. Dix mois plus tard, le calcul a été payant : vendredi 7 décembre, « AKK » a succédé à Mme Merkel à la présidence de la CDU. Des sketchs pendant le carnaval Agée 56 ans, cette catholique pratiquante, mère de trois enfants, a plus d’humour qu’elle ne le laisse transparaître sur les plateaux télés, où elle a le regard souvent sévère derrière ses épaisses lunettes. Coiffée d’un torchon et affublé d’un balai, elle se met en scène, chaque année, pendant le carnaval, dans des sketchs où elle incarne une femme de ménage au franc-parler et au fort accent sarrois qui sont autant de commentaires, souvent piquants, sur la vie politique. Une chose, en revanche, ne l’a fait pas du tout rire : qu’on la qualifie de « mini-Merkel ». Elle l’a redit, vendredi, à Hambourg : « Je suis telle que je suis. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Allemagne, la CDU choisit la continuité en portant Annegret Kramp-Karrenbauer à sa tête Classée à gauche sur le terrain social, partisane du salaire minimum quand son parti y était opposé, favorable à des quotas pour les femmes en politique, idée que Mme Merkel n’a jamais reprise, « AKK » est aussi beaucoup plus conservatrice que la chancelière sur les sujets de société. Nommée, en 2000, ministre de l’intérieur de la Sarre, elle s’est forgée une réputation de femme à poigne et, si elle a soutenu la politique d’accueil des réfugiés en 2015, au nom des valeurs chrétiennes, cela ne l’a pas empêchée, par la suite, de mener une politique de grande fermeté, faisant de la Sarre l’un des Länder, avec la Bavière, procédant proportionnellement au plus grand nombre d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/08/en-allemagne-annegret-kramp-karrenbauer-ne-veut-pas-apparaitre-comme-une-mini-merkel_5394556_3210.html
08/12/2018
« AKK » a été élue de justesse à la présidence du parti conservateur. Elle succède ainsi à Angela Merkel.
idees
« Désormais la lutte contre les inégalités est intrinsèquement liée à la lutte contre le réchauffement »
A Toulouse, en première partie du cortège, avant celle des « gilets jaunes », avait lieu la manifestation pour le climat, le 8 décembre. MATTHIEU RODEL / HANSLUCAS POUR "LE MONDE" Chronique. L’argument climatique n’aura pas tenu longtemps. Devant l’insurrection populaire pour le pouvoir d’achat et, partant, contre les taxes sur les carburants, le premier ministre Edouard Philippe a finalement reculé. Toutes les taxes prévues pour 2019, a-t-il déclaré jeudi 6 décembre, seront annulées. Un repli qui n’est pas sans rappeler celui opéré six années plus tôt par le gouvernement Ayrault devant la mobilisation de ceux qui n’étaient alors pas encore vêtus de gilets jaunes, mais de bonnets rouges. L’écotaxe – destinée à taxer les poids lourds – était alors abandonnée, remplacée par une taxation des carburants passée, elle, relativement inaperçue. Lire aussi Edouard Philippe confirme l’annulation de la hausse des taxes sur le carburant Ces échecs posent la question de l’acceptabilité de la fiscalité écologique, dès lors que celle-ci pèse sur les gestes les plus simples et les plus fondamentaux du quotidien, comme se déplacer, se chauffer, se nourrir. Dans un entretien au Monde, Laurence Tubiana, ancienne ambassadrice de France sur les questions climatiques, aujourd’hui directrice de la Fondation européenne pour le climat et membre du Haut Conseil nouvellement créé par lr président de la République Emmanuel Macron, estime que la crise actuelle vient, en partie, de ce que le gouvernement a « augmenté des taxes qui pèsent davantage sur les ménages les plus pauvres, sans assurer un accompagnement suffisant et une juste répartition des efforts ». De fait, il n’a échappé à aucun des « gilets jaunes », ni à personne, que les transports aériens ou maritimes, tout autant responsables d’émissions de gaz à effet de serre, sont exempts de taxation climatique. Bon nombre de commentateurs et de responsables politiques prennent conscience que la justice sociale, l’équité devant l’effort à accomplir, sont des conditions nécessaires à la lutte contre le réchauffement. Erosion des transports collectifs C’est un discours de plus en plus consensuel sur la gauche de l’échiquier politique : à l’aune de la crise environnementale, la lutte contre les inégalités n’est plus un objectif politique en soi. Désormais elle est intrinsèquement liée à la lutte contre le réchauffement. De trop grands écarts de richesses rendront insupportables aux plus pauvres la moindre réduction de consommation matérielle. Les pouvoirs publics continuent à investir dans des autoroutes et à défendre des grands centres commerciaux Les « taxes vertes » ne seront pas non plus tolérées si elles portent seules l’action en faveur du climat ou de l’environnement au sens large. Cette fiscalité entend peser sur les habitudes de consommation et les façons de faire, mais elle ne garantit pas que des comportements alternatifs et vertueux sont possibles.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/08/desormais-la-lutte-contre-les-inegalites-est-intrinsequement-liee-a-la-lutte-contre-le-rechauffement_5394553_3232.html
08/12/2018
De trop grands écarts de richesses rendent insupportable aux plus pauvres la moindre réduction de consommation matérielle, estime dans sa chronique Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».
politique
« Gilets jaunes » : Macron devrait sortir de son silence pour annoncer des mesures
Emmanuel Macron devrait sortir de son silence très vite. Sa prise de parole devrait intervenir après la quatrième journée de mobilisation des « gilets jaunes », samedi 8 décembre, dont l’Elysée craignait la « très grande violence » avec « un noyau dur de plusieurs milliers de personnes ». La dernière fois que le président s’est exprimé, c’était le 1er décembre, en direct de Buenos Aires en Argentine, où il assistait au G20. A 11 000 kilomètres de son pays, il avait condamné les violences qui déferlaient sur la capitale et ailleurs en France, et dont ses collaborateurs lui avaient montré les images sur leur portable. Depuis son retour en France, le 2 décembre, Emmanuel Macron a laissé le premier ministre, Edouard Philippe, en première ligne. En conseil des ministres, mercredi 5 décembre, il a certes lancé « aux forces politiques et syndicales, au patronat un appel clair et explicite au calme ». Mardi 4 décembre, il s’est rendu discrètement au Puy-en-Velay, où la préfecture avait été incendiée le week-end précédent. Vendredi 7 décembre, il a rencontré au fort de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) un escadron de gendarmerie mobile engagé sur les opérations de maintien de l’ordre à Paris. Mais, à part ces déplacements en catimini, il est resté travailler à l’Elysée, où il tente de trouver une issue à cette crise qui menace son quinquennat. Pour se dégager du temps, le chef de l’Etat a allégé son agenda. Une rencontre avec les associations d’élus a été annulée. Tout comme son déplacement en Serbie. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Et pendant ce temps-là… Macron vante la « start-up nation » « Lucide sur le contexte et la situation », le président « ne souhaite pas mettre d’huile sur le feu et par conséquent n’a pas l’intention de s’exprimer avant samedi », a annoncé vendredi le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand. Emmanuel Macron a compris que sa personnalité est devenue un des moteurs de la contestation. « Sur les réseaux sociaux, certains appellent à « “pourrir” son anniversaire le 21 décembre », constate, effaré, l’un de ses conseillers. Moment décisif Le chef de l’Etat a pu mesurer cette exaspération quand, dimanche 2 décembre, en descendant de son avion, il est allé avenue Kléber rendre hommage aux forces de l’ordre et aux pompiers, sous les sifflets et les huées. Même scène au Puy-en-Velay, où il a été accueilli aux cris de « Macron démission ». « Si Emmanuel Macron prend la parole, ce sera pour mettre du baume sur les plaies et apporter des réponses », affirme l’un de ses proches. Quelle que soit l’issue de la journée de samedi, le chef de l’Etat fera des annonces. Ne pas le faire, ce serait envenimer la situation, ajoute ce conseiller du président. Pour l’heure, M. Macron multiplie les réunions, évalue les différents scénarios. « Il est à ce moment de l’histoire où il doit décider comment il utilise son énergie. C’est son kairos », commente un proche du pouvoir en faisant allusion au moment décisif que traverse la Macronie.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/08/emmanuel-macron-va-sortir-de-son-silence-pour-annoncer-des-mesures_5394550_823448.html
08/12/2018
Jusqu’à présent, le président de la République est resté en retrait et n’a fait que des déplacements discrets. Il prépare une prise de parole importante.
international
Comment le pacte migratoire de l’ONU a déraillé
La représentante spéciale de l’ONU pour les migrations défend l’adoption d’un pacte mondial sur la migration à Marrakech (Maroc), le 5 décembre. FADEL SENNA / AFP Lorsque les Nations unies (ONU) ont lancé, en février, six mois de consultations pour parvenir à l’adoption d’un pacte mondial pour une « migration, sûre, ordonnée et régulière », Louise Arbour, la représentante spéciale pour les migrations de l’organisation onusienne, avait déjà senti poindre les germes de la contestation. « Il va falloir du courage politique et faire preuve de pédagogie », avait-elle alors expliqué au Monde. A l’heure d’un retour en force des nationalismes et des populismes, les « vents ne nous sont pas favorables », s’était-elle inquiétée. Les Etats-Unis ont choisi, en décembre 2017, de se retirer des négociations en affirmant qu’elles esquissaient des dispositions contraires à la politique d’immigration de Donald Trump. Cette décision avait alimenté les craintes d’un désengagement d’un plus grand nombre d’Etats. « Guide des bonnes pratiques » Les digues auront tenu moins d’un an. Depuis plusieurs semaines, l’ONU fait face à une vague de retraits, alors que le texte doit être officiellement adopté lors d’un mini-sommet à Marrakech (Maroc), lundi 10 et mardi 11 décembre. Seuls deux tiers des quelque 190 pays qui l’avaient validé ont, pour l’instant, confirmé leur présence, avec des niveaux très disparates de représentation. En plus des Etats-Unis, l’Italie, l’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, l’Estonie, la Lettonie, la Suisse, l’Australie, Israël et la République dominicaine ont décidé de ne pas se rendre au Maroc et de se désengager d’un texte pourtant non contraignant présenté comme un simple « guide des bonnes pratiques » en matière migratoire. La Belgique connaît aussi une crise majeure qui fragilise son gouvernement depuis que son premier ministre, Charles Michel, à annoncer vouloir se rendre à Marrakech, contre l’avis de son partenaire de coalition, le parti nationaliste flamand (N-VA). « Le pacte n’a aucune valeur juridique. Ce pacte ne modifie pas les lois nationales et que les Etats restent souverains en matière de droit migratoire », martèle un diplomate Dans les couloirs de l’organisation, les diplomates ne cachent pas leur sidération face à l’ampleur et à la soudaineté de la crise politique née du soupçon que l’ONU s’est accordée en secret sur un « droit à la migration ». « Le pacte n’a aucune valeur juridique, martèle l’un d’eux. Les appels aux référendums qu’on entend de-ci, de-là sont un non-sens, puisque ce pacte ne modifie pas les lois nationales et que les Etats restent souverains en matière de droit migratoire. »
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/08/comment-le-pacte-migratoire-de-l-onu-a-deraille_5394548_3210.html
08/12/2018
De nombreux pays, dont les Etats-Unis, l’Italie et la Pologne, rejettent ce texte, pourtant non contraignant, qui doit être soumis pour approbation dès ce lundi.
international
Brexit : les états d’âme des travaillistes
Le leader du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, à Lisbonne, le 7 décembre. PEDRO ROCHA / AP Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste, s’est toujours montré réservé à l’égard d’un nouveau référendum sur le Brexit. La question pourrait pourtant surgir peu après le possible rejet, mardi 11 décembre, par la Chambre des communes, de l’accord sur la sortie de l’Union européenne (UE) conclu par la première ministre britannique Theresa May avec les autorités bruxelloises. Selon ses promoteurs, cette option permettrait au Royaume-Uni de sortir de l’impasse politique où l’a mené le vote de juin 2016 en faveur du Brexit. Mais cette perspective, refusée à ce stade par la cheffe du gouvernement, suscite de vives tensions au sein du Labour. Lire aussi Brexit : Britanniques et Européens sont parvenus à un accord Tout en jurant de respecter le vote pro-Brexit, M. Corbyn avait dû concéder, sous la pression de son « ministre » du Brexit, Keir Starmer, lors du Congrès du Labour de septembre, que son parti « ferait campagne en faveur d’un vote populaire [expression préférée au mot qui fâche de référendum] ». Cette option ne serait activée que si la formation travailliste n’obtenait pas l’organisation de nouvelles élections. Mardi, lors du vote parlementaire sur l’accord du Brexit, la consigne du Labour est claire : mettre en minorité Theresa May en censurant son accord « bâclé », puis tenter de renverser le gouvernement et provoquer de nouvelles élections. Aux yeux de M. Corbyn, le « deal » en question, au lieu de rétablir la souveraineté du pays, « cède le contrôle » à l’UE en acceptant de continuer les contributions financières britanniques, pendant la phase de transition, sans aucun droit de regard. A entendre M. Corbyn, le Labour, en cas d’arrivée au pouvoir, doit mettre en œuvre le Brexit, mais il le ferait, contrairement aux Tories, en défendant l’emploi et les droits des salariés. Le 7 décembre, dans une tribune publiée par le Guardian, le patron du Labour, a prôné la création d’une « large union douanière avec l’UE » permettant au Royaume-Uni à la fois de maintenir ses échanges commerciaux, et de définir une politique autonome d’immigration et d’aide publique à l’économie. L’ennui est qu’un accord a déjà été laborieusement négocié depuis deux ans par Theresa May, et que les Vingt-Sept ne sont pas prêts à rouvrir le dossier. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brexit : Theresay May confrontée au dilemme nord-irlandais Ambiguïté délibérément choisie Tant que le « deal » avec Bruxelles avait une chance de passer au Parlement, cette position se tenait. L’opposition allait voter contre le projet de la première ministre, sans la moindre chance de l’emporter. Que la promesse du Labour de négocier avec Bruxelles un accord « offrant exactement les mêmes avantages que l’appartenance actuelle au marché unique et à l’union douanière » relève de la science-fiction ne portait guère à conséquence. L’ambiguïté délibérément choisie par M. Corbyn fonctionnait.
https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/08/brexit-les-etats-d-ame-des-travaillistes_5394539_3210.html
08/12/2018
Jeremy Corbyn veut rejeter l’accord avec l’Union européenne soumis au vote de la Chambre des communes mardi. Mais le chef du Labour craint un « no deal ».
politique
Brice Teinturier : « Les “gilets jaunes” se sont sentis ignorés »
Manifestation de « gilets jaunes » sur les Champs-Elysées, le 8 décembre. CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS Brice Teinturier est directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos. En 2017, il a écrit le livre Plus rien à faire, plus rien à foutre. La vraie crise de la démocratie (Robert Laffont). Comment expliquez-vous le mouvement des « gilets jaunes » et le soutien dont il bénéficie jusqu’à présent dans l’opinion ? Lors de crises similaires, comme celle provoquée, à l’automne 1995, par les réformes de la Sécurité sociale et des régimes spéciaux de retraite, on avait parlé de « grève par procuration ». L’argument employé à l’époque par les manifestants – « Aujourd’hui, c’est nous qui sommes touchés, demain, ce sera vous » – avait été très mobilisateur. « De très nombreuses catégories peuvent s’identifier au mouvement des “gilets jaunes”. C’est ce qui fait sa force, sa puissance de soutien dans l’opinion et son caractère inédit » Le mouvement des « gilets jaunes » relève d’une autre logique qui n’est pas le soutien par procuration, mais par identification. C’est pourquoi, même s’il y a des dominantes, celles de La France insoumise ou du Rassemblement national [ex-Front national], par exemple, il n’est totalement réductible à aucune catégorie politique ou sociale. Au contraire, de très nombreuses catégories, diverses et même a priori contradictoires, peuvent s’identifier aux « gilets jaunes ». C’est ce qui fait sa force, sa puissance de soutien dans l’opinion et son caractère inédit. A cela s’ajoute une seconde singularité : si elles sont évidemment fédératrices et concrètes, la protestation contre la hausse du prix de l’essence ou les revendications sur le pouvoir d’achat ne sont que la partie superficielle de la révolte actuelle. Celle-ci met en branle une composante plus immatérielle, un imaginaire et des mythes mobilisateurs beaucoup plus profonds. C’est pourquoi la seule annulation des taxes sur les carburants ne suffira pas pour calmer ce mouvement, si on ne répond pas à la partie immergée de l’iceberg. Qu’entendez-vous par mythes mobilisateurs ? C’est ce qui fait bouger une société, ce sont des visions qui agrègent des millions de gens. Le premier ressort est une demande très forte de considération. Les « gilets jaunes » disent : « Regardez-nous, nous sommes là, nous existons. » Et cela marche. Tout à coup, des individus isolés se découvrent et se célèbrent en tant que collectif. D’où la joie, la jubilation presque. Mais ce « Regardez-nous » se double d’un « Ecoutez-nous, prenez-nous en compte, respectez-nous, respectez ce que nous sommes, ce que nous disons et ce que nous voulons. Et, plus exactement, ce que nous refusons ».
https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/08/les-gilets-jaunes-se-sont-sentis-ignores_5394523_823448.html
08/12/2018
Pour le directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos, le mouvement actuel trouve son origine dans un puissant sentiment d’injustice sociale.
police-justice
Antonio, 40 ans : « Ils ont retiré la peau brûlée, mais j’ai un trou dans le pied droit »
Antonio B., 40 ans, chargé de clientèle à Compiègne (Oise), était de « ces Français qui se plaignent en petit comité, aux repas de famille, au travail, sans vraiment vouloir changer les choses ». Puis il a fini « par [s]e dire que si chacun reste derrière son écran en se contentant de rédiger des commentaires au bas des articles de BFM, on n’arriverait à rien du tout ». Le 17 novembre, Antonio B. rejoint les « gilets jaunes » sur le rond-point du Auchan de Noyon, dans l’Oise ; et le 24 novembre, avec trois amis, il se rend à Paris pour sa première manifestation. Deux semaines après, il a un trou dans le pied droit et ne peut plus marcher. Une grenade a éclaté sur sa chaussure. « Je suis allé manifester pour plus de pouvoir d’achat. Aujourd’hui, je perds de l’argent d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment car, pour le moment, je ne peux plus travailler. » Il se trouvait dans le bas des Champs-Elysées, lorsque c’est arrivé. « C’était l’apocalypse. Je n’avais vu ça que dans les films. Avec mes amis, on était très mal équipés, on n’avait rien pour se protéger. Je relevais mon pull au niveau du nez. » Vers 16 h 30-17 heures, les forces de l’ordre chargent à 50 mètres de lui. « On se réfugie dans une rue parallèle. Et c’est à ce moment qu’une grenade explose à mes pieds. Le seul réflexe que j’ai, c’est de faire demi-tour car les CRS tirent toujours. Je cours, je ne sais pas que je saigne. Jusqu’à ce que des “gilets jaunes” m’arrêtent et me disent que je perds beaucoup de sang. On m’allonge sur le trottoir, et ils appellent les secours. » A l’hôpital Bichat où il est transporté, Antonio B. reste deux heures aux urgences, sous morphine. « D’autres sont encore plus mal en point que moi. Je me suis fait opérer vers 22 heures. Les médecins parlent d’une blessure de guerre et de la grenade GLI-F4 dont j’ignorais tout. Ils ont enlevé les débris, retiré la peau brûlée, mais j’ai un trou dans le pied droit. Mon voisin de chambre, un “gilet jaune” lui aussi, a reçu une grenade dans le genou. » C’est pour dénoncer « un usage disproportionné de la force », et l’utilisation de ces armes « qui blessent, mutilent ou peuvent tuer », qu’un collectif d’avocats a déposé une série de plaintes auprès du parquet de Paris. Celle d’Antonio B., reçue le 6 décembre, vise des faits de « violences volontaires aggravées par la circonstance que les violences ont été commises par une personne dépositaire de l’autorité publique munie d’une arme, en l’espèce une grenade » et de « mise en danger de la vie d’autrui ».
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/08/antonio-40-ans-ils-ont-retire-la-peau-brulee-mais-j-ai-un-trou-dans-le-pied-droit_5394517_1653578.html
08/12/2018
Antonio B. a été touché par une grenade, lors de la manifestation avec les « gilets jaunes », le 24 novembre à Paris.
musiques
Bowie, Julien Clerc, Bernstein… Les coffrets CD et vinyls que « Le Monde » vous recommande pour Noël
d’année. Julien Clerc Anthologie Parlophone/Warner Music CHANSON. Elle a commencé à la mi-janvier, se prolonge jusqu’au début 2019 et s’appelle « la tournée des 50 ans », comme autant d’années de carrière. Celle de Julien Clerc, qui, en février, nous confiait se définir comme un « homme de chansons », attentif à « bien les composer, trouver les bons textes et bien les interpréter ». Ce qu’il démontre tout au long d’une discographie dont rend compte le coffret Anthologie, avec ses 23 albums studio (sauf le dernier en date, A nos amours, republié avec dix extraits de la tournée en bonus) et trois recueils de raretés (inédits, titres hors albums, duos…). Début mai 1968 paraît le 45-tours avec La Cavalerie en face A et Julien en face B. La première est écrite par Etienne Roda-Gil, la seconde par Maurice Vallet. Deux des chansons du premier album de Julien Clerc qui sort peu après, avec Yann et les dauphins, Les Vendredis, La Petite Sorcière malade, Sur tes pas, Ivanovitch… Premier accomplissement de l’affirmation mélodique de Julien Clerc, une constante dans son parcours, de la collaboration entre les trois copains, dans une manière de variété pop tournée au mieux par Jean-Claude Petit. Un carré d’as qui magnifie le début des années 1970. Bientôt, d’autres paroliers arriveront, dont Jean-Loup Dabadie (A mon âge et à l’heure qu’il est, 1976), d’autres orchestrateurs et arrangeurs, la tentation d’un son années 1980, qui porte au succès Lili voulait aller danser, Cœur de rocker, La Fille aux bas nylon… Avant un retour au Julien Clerc « classique », celui d’Utile (1992) et de Julien (1997). Et qui, depuis les années 2000 (Double enfance, 2005, le très beau Où s’en vont les avions ?, 2008), continue d’être un modèle de distinction et d’émotion lyrique. Sylvain Siclier Claude Debussy The Complete Works. Warner Classic CLASSIQUE. Publié en mars, à l’occasion de la commémoration nationale du centième anniversaire de la mort de Claude Debussy (1862-1918), ce coffret se distingue dans l’offre festive par des mérites qui ne sauraient se réduire aux bienfaits d’une séance de rattrapage pour mélomanes inattentifs au calendrier. L’intégrale de l’œuvre du compositeur, enregistrée sous pavillon Warner, constitue une somme comme on en a rarement vu au disque. « Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Debussy », aurait pu s’amuser le fantôme d’Achille-Claude en paraphrasant une chanson populaire. D’abord, par la lecture du remarquable texte de présentation signé Denis Herlin (sommité en matière debussyste) ; et, ensuite, par l’écoute méthodique ou intuitive des 33 CD classés par genre (les onze premiers sont consacrés au piano – solo, duo, quatre mains).
https://www.lemonde.fr/musiques/article/2018/12/08/bowie-julien-clerc-bernstein-les-coffrets-cd-et-vinyls-que-le-monde-vous-recommande-pour-noel_5394515_1654986.html
08/12/2018
Les journalistes de la rubrique Musique du quotidien proposent une sélection de CD et vinyls à (s’)offrir pour les fêtes de fin d’année.
economie
Le patronat italien fait le forcing sur les grands travaux
Vincenzo Boccia, le président de Confindustria (le Medef italien), à Rome, en septembre 2016. ANDREAS SOLARO / AFP C’est une scène qu’on aurait peine à imaginer ailleurs qu’en Italie. Mardi 4 décembre, à Trasta (nord de Gênes), au cœur de la galerie où est creusé le tunnel de base du Terzo Valico, un gigantesque chantier visant à traverser les Apennins pour relier la cité ligure à la métropole milanaise, une messe a été célébrée par le cardinal-archevêque de Gênes, Angelo Bagnasco, à l’occasion de la Sainte-Barbe. Si les maires de Gênes et de Milan étaient présents, ainsi que le gouverneur de la région, les responsables syndicaux, les chefs des principales entreprises concernées par le chantier et une foule de notables locaux, ce n’était pas seulement pour célébrer une martyre suppliciée en 308, qui est, dans la tradition catholique, considérée comme la patronne des architectes, des pompiers et des mineurs. Il s’agissait surtout de soutenir les propos très politiques que le prélat allait prononcer dans son homélie. Après la lecture de l’Evangile, devant une nuée de caméras de télévision, le cardinal a déclaré : « Le Terzo Valico est un chantier important, significatif et national, qui se poursuivra parce que le contraire serait un suicide pour le pays. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les opposants au TGV Lyon-Turin se mobilisent Silence mal perçu Au sortir de la messe, chacun s’est empressé de relayer la bonne parole et le message implicite qu’elle contenait : par sa volonté de stopper l’ensemble des grands chantiers d’infrastructures italiens, le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) prépare la ruine de la Péninsule. La veille, c’était à Turin que s’étaient réunis plus d’un millier de chefs d’entreprise, pour entendre le président de Confindustria (le Medef italien), Vincenzo Boccia, exprimer ses doutes sur le projet de budget 2019 et réitérer sa volonté que les grands travaux se poursuivent. Ces derniers jours, l’opposition et les milieux d’affaires ont multiplié les pressions sur le gouvernement Conte pour qu’il assouplisse ses positions dans le conflit avec Bruxelles et réduise le dérapage budgétaire. Mais c’est sur le sujet des grands travaux et la personne du ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, qu’elles se font le plus explicites : la Ligue (extrême droite), qu’il dirige, est historiquement favorable à tous ces chantiers, et son silence face aux exigences de son partenaire de coalition est de plus en plus mal perçu au sein de sa base militante. Le vice-ministre chargé des infrastructures, Edoardo Rixi (Ligue), se trouvait dans l’assistance lors de la messe de la Sainte-Barbe. Il n’a pas soufflé mot pour défendre son ministre de tutelle, Danilo Toninelli (M5S).
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/08/le-patronat-italien-fait-le-forcing-sur-les-grands-travaux_5394486_3234.html
08/12/2018
Les milieux d’affaires transalpins accentuent la pression sur le gouvernement de Giuseppe Conte pour que les grands chantiers d’infrastructures se poursuivent.
economie
Tribunaux de commerce : la réflexion sur l’extension des compétences est lancée
En juillet 2017, à Poitiers. GUILLAUME SOUVANT / AFP Alors que le débat parlementaire sur le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice traîne en longueur à l’Assemblée nationale, les juges des tribunaux de commerce souhaitent que le gouvernement passe à l’étape suivante. Réunis à Tours en congrès annuel les jeudi 6 et vendredi 7 décembre, ils ont plaidé pour une réforme de la justice consulaire. Georges Richelme, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, a remis, vendredi à Nicole Belloubet un rapport intitulé « Du tribunal de commerce au tribunal des activités économiques ». La garde des sceaux avait demandé, le 8 novembre, aux députés de la commission des lois de supprimer du projet de loi les articles introduits au Sénat par amendement au projet gouvernemental. Emmenés par Philippe Bas (Les Républicains), les sénateurs souhaitent élargir les compétences des tribunaux de commerce à l’ensemble des entreprises. « Il me semble que le moment n’est pas venu de le faire », a justifié Mme Belloubet. La chancellerie est ouverte à une telle évolution, mais préfère prendre le temps de la concertation et mener une étude d’impact. Le rapport de la Conférence des juges consulaires devrait constituer le point de départ de ce chantier. Pour Georges Richelme, dix-huit ans juge au tribunal de commerce de Marseille, qu’il a présidé de 2012 à 2016, « la question est de savoir si l’acte de commerce qui définit la compétence du tribunal de commerce est adapté à la réalité économique de 2018 ». Sa réponse est non. « Le droit n’est plus adapté » De fait, certains partages de compétence peuvent paraître étonnants. « Le chef d’entreprise qui a un litige sur un contrat doit se tourner vers le tribunal de commerce, mais s’il a un problème de bail commercial, qui est également un contrat, c’est le tribunal de grande instance qui est compétent », cite comme exemple M. Richelme. Dans une tribune publiée le 5 décembre par le Journal spécial des sociétés, trois professeurs d’université, Philippe Delebecque, Pierre Berlioz et Philippe Roussel Galle, évoquent « les regards perplexes » de leurs étudiants lorsqu’ils abordent les définitions de l’acte de commerce et du commerçant. « Lorsqu’il existe un tel décalage entre le sens commun d’un mot et son sens juridique, c’est indéniablement le signe que le droit n’est plus adapté », écrivent-ils. Les juges consulaires proposent de retenir « la notion d’activité économique exercée à titre habituel » comme critère premier de compétence de la justice commerciale. L’ensemble des acteurs économiques, quel que soit leur statut, seraient concernés, en dehors des professions juridiques.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/08/tribunaux-de-commerce-la-reflexion-sur-l-extension-des-competences-est-lancee_5394476_3234.html
08/12/2018
Les juges consulaires plaident pour la création d’un tribunal des affaires économiques compétent pour l’ensemble des acteurs économiques quel que soit leur statut.
musiques
Coffret : la trajectoire novatrice de Claude Debussy
Claude Debussy : The Complete Works. Warner Classic Classique. Publié en mars, à l’occasion de la commémoration nationale du centième anniversaire de la mort de Claude Debussy (1862-1918), ce coffret se distingue dans l’offre festive par des mérites qui ne sauraient se réduire aux bienfaits d’une séance de rattrapage pour mélomanes inattentifs au calendrier. L’intégrale de l’œuvre du compositeur, enregistrée sous pavillon Warner, constitue une somme comme on en a rarement vu au disque. « Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Debussy », aurait pu s’amuser le fantôme d’Achille-Claude en paraphrasant une chanson populaire. D’abord, par la lecture du remarquable texte de présentation signé Denis Herlin (sommité en matière debussyste) ; et, ensuite, par l’écoute méthodique ou intuitive des 33 CD classés par genre (les onze premiers sont consacrés au piano – solo, duo, quatre mains). Lire la sélection : Coffrets : des fêtes de la musique A ses interprètes, Debussy avait demandé de lui faire oublier que cet instrument contient des marteaux. Le conseil ne semble pas avoir été suivi par les solistes réunis dans le premier volume, mais, de l’anecdotique Danse bohémienne (tout en rebonds capricieux sous les doigts d’Aldo Ciccolini) à la célèbre Suite bergamasque (taillée dans l’ivoire du clavier par Cécile Ousset avec une précision de diamantaire), le parcours se révèle authentique. Plus sensible à l’allégement préconisé par le compositeur, Pierre-Laurent Aimard livre, au fil des CD suivants, des interprétations (Images, Etudes) qui prouvent qu’un siècle de musique nouvelle n’a pas été inutile dans la compréhension de celle de Debussy. Premières mondiales Le corpus pianistique s’enrichit de premières mondiales au disque, à l’instar du triptyque voué à la danse, Khamma, dont l’expert Jean-Pierre Armengaud restitue l’étrange coloration. Alimentée par des enregistrements étendus sur plus d’un demi-siècle, cette intégrale permet de redécouvrir des interprètes quelque peu oubliés, comme le duo formé par les pianistes Geneviève Joy et Jacqueline Pangnier-Bonneau, idéal pour le frétillant puis frémissant En blanc et noir. En seulement deux volumes, la musique de chambre résume parfaitement la trajectoire rapidement novatrice de Debussy, d’un Trio de jeunesse à l’épanchement postromantique jusqu’à une Sonate pour violon ouverte sur la fantaisie intemporelle. Alimentée par des enregistrements étendus sur plus d’un demi-siècle, cette intégrale permet de redécouvrir des interprètes quelque peu oubliés Tout aussi édifiants, les cinq CD voués à l’orchestre conduisent avec un même guide (Carlo Maria Giulini, éclatant à la tête du Philharmonia Orchestra) de l’élégance Belle Epoque des Nocturnes à la grandeur moderniste de La Mer. Au moment d’esquisser une œuvre, Debussy disait ressentir « le mal délicieux de l’idée à choisir entre toutes ». C’est la sensation que l’on éprouve face au corpus vocal de l’intégrale défendu par la crème des chanteurs français, de Mady Mesplé à Natalie Dessay, de Gérard Souzay à François Le Roux. Quant à l’opéra Pelléas et Mélisande, l’œuvre suprême, il nous parvient sous la direction méticuleuse d’Armin Jordan. En bonus, sur le CD 33, Debussy lui-même au piano (enregistrements sur rouleaux). Là, plus question de marteaux, ni même de feutres. Juste un jeu de cordes, en toute liberté.
https://www.lemonde.fr/musiques/article/2018/12/08/coffret-la-trajectoire-novatrice-de-claude-debussy_5394472_1654986.html
08/12/2018
Cette intégrale de 33 cds offre panorama complet de l’oeuvre du compositeur français à l’occasion du centenaire de sa mort.
economie
La vague des « gilets jaunes » inquiète les ostréiculteurs
A Paris, le 5 décembre. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP Chronique. Encalminées. Les huîtres s’impatientent dans leur parc. Comme chaque mois de décembre, elles attendent l’ouverture des vannes pour se déverser en flots sur les tables de réveillon. Sauf que, cette année, la vague des « gilets jaunes » perturbe le flux. Certaines grandes enseignes ont stoppé net leurs commandes. Ou les ont réduites drastiquement. Crainte de ne pas recevoir la marchandise ? Sentiment que l’ambiance ne se prête pas au gobage de mollusque festif, fût-il bivalve ? L’huître est en cale sèche. Les ostréiculteurs accusent le coup. « Nous enregistrons une baisse de commandes de 2000 tonnes sur trois semaines », explique Philippe Le Gal, président du Comité national de la conchyliculture. Pour autant, ce Breton installé sur la rivière de Pénerf, dans le Morbihan, ne plonge pas dans le catastrophisme. Il reste encore deux semaines avant Noël, et les Français sont de plus en plus adeptes des courses de dernière minute. Mais il souligne que cet hiver orageux s’ajoute à une météo estivale guère clémente pour l’élevage des coquillages. La canicule a frappé les parcs. Et 2018 restera dans les esprits comme l’année des huîtres naines. Avec moins de phytoplancton à se mettre sous le manteau, la « pousse » s’est faite au ralenti. Même pour les triploïdes, ces huîtres modifiées génétiquement afin d’être plus productives et de bénéficier d’un taux de croissance accéléré. Résultat, selon M. Le Gal, la production française devrait afficher une baisse de 20 à 30 % et se situer entre 80 000 et 90 000 tonnes. De quoi faire tourner en bourrique les vendeurs de bourriches… Un monde plus ouvert Toutefois, cette relative rareté raffermit les tarifs. Même si la hausse attendue de l’ordre de 10 à 15 % ne compensera pas le manque de volume. Mais pas question de rincer le client avec les huîtres. D’autant que les portefeuilles sont plutôt à sec. Les ostréiculteurs espèrent écouler leur récolte à 6 euros le kilo. Un coup d’avion, et le coquillage français se retrouve à 5 euros pièce sous la baguette des gourmets chinois. Bien que le pays de la rivière des Perles soit le premier producteur mondial avec 1 million de tonnes, il goûte l’huître fraîche élevée dans une eau claire. « En peu de temps, les exportations vers la Chine sont passées de 0 à 3 000 tonnes », assure M. Le Gal. Sachant que l’Italie reste notre premier marché avec 9 000 tonnes. Un must quand on sait que les Italiens prisent les grosses huîtres, les n°1, quand les Français, eux, plébiscitent la n°2 dont le poids de forme est compris entre 65 et 85 grammes.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/08/la-vague-des-gilets-jaunes-inquiete-les-ostreiculteurs_5394467_3234.html
08/12/2018
Certaines grandes enseignes de distribution ont réduit ou arrêté leurs commandes par crainte de ne pas recevoir les produits à temps pour les fêtes.