paragraph
stringlengths
1
3.47k
Du fait de la diversité des règles grammaticales au sein de la zone euro, le mot « euro » sur les pièces et billets est invariable et ne prend donc pas de « s ». Toutefois, dans la langue française, selon la règle, le pluriel se forme par l'ajout d'un « s » en fin de mot. L'Académie française s'est prononcée en ce sens dans une note publiée au Journal officiel du 2 décembre 1997.
En revanche, en France, le terme « cent », prêtant à confusion, n'est généralement pas utilisé en français ; on parle de centime ou, dans une forme plus rare et déconseillée, d'eurocent (pour ne pas confondre avec les centimes de franc pendant la phase transitoire). Pour des raisons similaires, il est dit centimo en espagnol, centesimo en italien, lepton (pluriel lepta) en grec, alors que ce problème ne se pose pas en anglais, par exemple, langue dans laquelle il est adopté tel quel.
La liaison avec le mot antéposé et l'élision du « e » (des articles « de » et « le » ainsi que de la préposition « de ») suivent les règles habituelles du français : on prononce donc un(n)euro, dix(z)euros, vingt(t)euros, quatre-vingts(z)euros, cent(t)euros, etc., de même qu'on dit « l'euro » et « d'euro(s) ».
En France, deux imprimeries fabriquent des billets de 5, 10 et 20 euros : l'imprimerie de la Banque de France, à Chamalières (Puy-de-Dôme) et l'imprimerie de François-Charles Oberthur Fiduciaire, à Chantepie (Ille-et-Vilaine). Ces billets sont destinés à remplacer ceux qui sont trop usés, en France et dans toute l'Europe.
Les autres coupures sont fabriquées dans d'autres pays européens puis envoyées en France selon une sorte de contrat d'échange établi par la BCE. En revanche, les pièces françaises en euro sont toutes frappées à Pessac (Gironde), par la direction des Monnaies et médailles.
Dans le contexte de l'encadrement des crypto-actifs en Europe, une monnaie numérique gérée au niveau de la Banque Centrale Européenne (BCE) est envisagée.
L'euro traditionnel existe déjà largement sous forme numérique dématérialisée, et de moins en moins sous forme d'espèces, mais il s'agit d'un concept différent : il s'agit d'une monnaie numérique, pouvant être stockée dans un smartphone ou dans une carte à puce, en dehors du système bancaire. Le système transactionnel serait fondé une une blockchain comme d'autres crypto-monnaies, mais centralisée et gérée par la BCE. Un des objectifs est de contrecarrer d'autres crypto-monnaies comme le Libra de Facebook ou des initiatives semblables de la Chine, et de lutter contre la non-traçabilité des transactions des autres crypto-monnaies.
Le Grand Pingouin (Pinguinus impennis, autrefois Alca impennis) était un grand oiseau incapable de voler de la famille des Alcidés. Il vivait sur le pourtour de l'océan Atlantique et s'est éteint au milieu du XIXe siècle. C'était l'unique espèce moderne du genre Pinguinus, qui comprenait également d'autres espèces de pingouins de grande taille. On pouvait rencontrer ce pingouin dans les eaux de l'Atlantique nord, dans une zone comprenant les eaux du Canada, du Groenland, des îles Féroé, de la Norvège, de l'Irlande et de la Grande-Bretagne, et s'étendant au sud jusqu'en Nouvelle-Angleterre et au nord de l'Espagne. Durant la saison de reproduction, il se regroupait en colonies sur des îles rocailleuses à proximité des côtes.
Le Grand Pingouin mesurait 75 à 85 cm de haut et pesait environ 5 kg, ce qui en faisait le plus imposant membre de la famille des Alcidés. Son dos était noir et son ventre blanc. Son bec noir, massif et crochu, était marqué de striures. Une tache blanche pouvait apparaître au-dessus de chacun des yeux de l'animal durant la saison de reproduction ; il perdait par la suite ces taches, et présentait à la place une bande blanche entre les yeux. Ses ailes mesuraient 15 cm de long et ne lui permettaient pas de voler. Par contre, il était très bon nageur et se nourrissait principalement de poissons et de crustacés. Très agile dans l'eau, il se révélait relativement maladroit sur la terre ferme. Ses principaux prédateurs comprenaient notamment les orques, les pygargues à queue blanche, les ours polaires et les humains. Les Grands Pingouins nichaient en colonies très denses. La femelle pondait sur les rochers un œuf blanc avec des reflets marron, et les deux parents le couvaient l'un après l'autre durant six semaines, jusqu'à l'éclosion. Les jeunes quittaient le nid après deux ou trois semaines et les parents continuaient à s'en occuper pendant quelque temps.
Les hommes ont chassé le Grand Pingouin pendant plus de 100 000 ans. Cette chasse occupait une place importante dans la culture des Amérindiens qui vivaient à proximité de cet oiseau, celui-ci représentant pour eux une source de nourriture, mais également un objet de culte. Les premiers Européens qui explorèrent l'Amérique ont rapidement découvert que cet animal était une proie facile à capturer, et qu'il pouvait aussi être utilisé comme appât pour la pêche et fournir des plumes pour l'industrie, si bien que la population de Grands Pingouins s'est mise à décroître rapidement. Quand les scientifiques réalisèrent à quel point la population était menacée, différentes lois furent promulguées pour tenter de sauver cet oiseau, mais elles se révélèrent insuffisantes. Sa rareté croissante attira la convoitise des musées et des collectionneurs privés qui recherchaient œufs et peaux de pingouin. C'est ainsi que le dernier Grand Pingouin connu est tué à Eldey, en Islande, en 1844. Le Grand Pingouin est mentionné dans un grand nombre de romans et le journal scientifique de l’American Ornithologists' Union est appelé The Auk en son honneur.
Avec ses 75 à 85 cm de haut et ses 5 kg, le Grand Pingouin était le plus imposant représentant de sa famille et même de son ordre, les Charadriiformes. Les pingouins qui vivaient au nord de leur aire de répartition étaient plus grands que ceux vivant plus au sud. Les mâles et femelles avaient un plumage identique, mais comportaient des différences morphologiques, notamment quant à la taille du bec et la longueur du fémur,,. Le dos était d'un noir brillant, contrastant avec le blanc de son ventre. Sa nuque et ses pattes étaient assez courtes, et il avait une petite tête et des ailes réduites. Le pingouin apparaissait un peu joufflu du fait de l'épaisse couche de graisse qui le recouvrait pour l'isoler du froid. Durant la période de reproduction, le Grand Pingouin était marqué d'une large tache blanche au-dessus de l'œil. Celui-ci avait un iris de couleur noisette ou marron,. Après la saison de reproduction, l'oiseau muait et perdait ses taches blanches, qui étaient remplacées par une large bande blanche, et une ligne de plumes grises s'étendant de l'œil à l'oreille. Durant l'été, le menton et la gorge étaient marron très sombre, tandis que l'intérieur de la bouche était jaune. Durant l'hiver, cet Alcidae muait et sa gorge devenait blanche. Le bec était large, mesurait 11 cm de long, s'incurvait vers le bas à son extrémité et avait également des rainures blanches sur la ramphothèque : jusqu'à sept sur la mâchoire supérieure et douze sur la mâchoire inférieure pendant l'été. Leur nombre était plus restreint l'hiver,. Les ailes mesuraient seulement 15 cm de long et leurs plus longues plumes mesuraient 10 cm. Ses pattes et ses petites griffes étaient noires, tandis que la peau entre les pattes était marron noirâtre. Les pattes étaient placées à l'extrémité du corps de l'oiseau, ce qui lui donnait de très bonnes aptitudes à la nage.
Les oisillons juste éclos étaient gris et duveteux. Les jeunes possédaient des rainures moins proéminentes que les adultes sur le bec, avaient un cou tacheté blanc et noir et ne présentaient pas de tache blanche au-dessus des yeux, mais une ligne grise entre les yeux (cerclés d'un anneau blanc) et s'étendant jusque sous les oreilles.
Les cris du Grand Pingouin comprenaient un petit croassement et un cri rauque. Un pingouin en captivité a été observé émettant des sortes de gargouillis lorsqu'il était stressé. On ne connaît certainement pas l'ensemble des cris de cet animal, mais on peut penser que son appel ressemblait à celui du Petit Pingouin (Alca torda), peut-être un peu plus profond et plus fort.
Le Grand Pingouin vivait dans les eaux côtières de l'Atlantique nord au large du Canada, du nord-est des États-Unis, de la Norvège, du Groenland, de l'Islande, de l'Irlande, de la Grande-Bretagne, de la France et du nord de l'Espagne. Il quittait les eaux de l'Atlantique pour s'installer sur la terre ferme seulement pour se reproduire,. Les colonies de Grands Pingouins se situaient de la mer de Baffin au golfe du Saint-Laurent, et du côté européen en Islande, en Norvège ou dans les îles britanniques. Les colonies nécessitaient pour s'installer de trouver des îles rocailleuses avec des rives inclinées, pour permettre aux animaux d'atteindre facilement la mer. Ce facteur limitant réduisait le nombre de colonies à une vingtaine seulementDe plus, les sites de nidification devaient se trouver à proximité d'importantes sources de nourriture et suffisamment loin du continent pour limiter la présence de prédateurs comme l'ours polaire ou l'homme. Seulement sept colonies ont pu clairement être identifiées : à Papa Westray aux Orcades, à Saint-Kilda au large de l'Écosse, aux îles Féroé entre l'Islande et l'Irlande, sur les îles de Grímsey et Eldey au large de l'Islande, sur l'île Funk près de Terre-Neuve-et-Labrador et sur les rochers aux Oiseaux dans le golfe du Saint-Laurent. Des études suggèrent que cette espèce a pu également se reproduire à Cap Cod, dans le Massachusetts. À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, la répartition du Grand Pingouin se limitait à Funk, Grímsey, Eldey, Saint-Kilda et au golfe du Saint-Laurent. Funk abritait la plus importante colonie.
Une fois que les jeunes quittaient le nid et devenaient autonomes, les Grands Pingouins se dispersaient, puis tendaient à aller vers le sud à la fin de l'automne et au début de l'hiver. Il était fréquent de les rencontrer aux alentours de l'actuelle Grand Bank. On a retrouvé des os appartenant à l'animal jusqu'en Floride, où il a pu être présent durant quatre périodes : vers le Xe siècle av. J.-C., vers le Xe siècle, au XVe et au XVIIe siècle,. Il a également fréquenté les côtes françaises, espagnoles et même italienne dans la mer Méditerranée, au moment de la dernière glaciation. Le Grand Pingouin ne s'aventurait généralement pas au-delà de la baie du Massachusetts au sud en hiver. D'ailleurs, les os qui ont été retrouvés en Floride ont peut-être fait l'objet d'un commerce entre indigènes.
Les Grands Pingouins marchaient lentement, s'aidant parfois de leurs ailes pour avancer dans des terrains rocheux. Quand ils couraient, ils étaient maladroits et faisaient de petits pas en ligne droite. Ils avaient peu de prédateurs naturels, principalement de gros mammifères marins comme les orques, ou bien les pygargues à queue blanche. Les ours polaires s'attaquaient parfois aux colonies de pingouins au moment de la ponte. L'espèce n'avait pas une peur innée de l'homme, et comme le pingouin ne pouvait pas voler et qu'il était plutôt maladroit sur terre, il était particulièrement vulnérable. Ils furent massacrés pour leur chair et leurs plumes, puis plus tard pour fournir des spécimens aux musées et collections privées. Les Grands Pingouins étaient surtout réactifs au bruit, mais étaient rarement effrayés par la vue de quelque chose. Les pingouins utilisaient leur bec crochu pour se défendre lorsqu'ils étaient menacés. On pense que ces oiseaux pouvaient vivre jusqu'à 20 ou 25 ans. Durant l'hiver, le Grand Pingouin migrait plus au sud en couples ou en petits groupes, mais jamais en colonies telles que celles qui se regroupaient pour nicher.
Le Grand Pingouin était généralement un excellent nageur, utilisant ses ailes pour se propulser sous l'eau. Lorsqu'il nageait, il relevait la tête tout en orientant son cou vers le bas. Cette espèce était beaucoup plus habile sous l'eau que sur terre, et pouvait réaliser diverses manœuvres en nageant. Le Grand Pingouin était capable de plonger à des profondeurs pouvant atteindre au moins 76 m, bien que les plongeons atteignaient plus communément 50 m de profondeur. Toutefois, afin de dépenser moins d'énergie, la plupart des plongées étaient moins profondes. Il pouvait également retenir sa respiration durant 15 minutes, soit plus longtemps qu'un phoque. Le Grand Pingouin était capable de nager rapidement pour prendre de la vitesse, puis surgir hors de l'eau pour accoster sur la rive.
Cet oiseau se nourrissait principalement dans les eaux plus profondes que celles fréquentées par les autres Alcidae, bien qu'après la période de reproduction, on pouvait les apercevoir à 500 km des terres. On pense qu'il chassait en groupe, pour être plus efficace. Leurs proies étaient surtout des poissons de 12 à 20 cm de long, pesant entre 40 et 50 g, et ils pouvaient parfois capturer des poissons mesurant jusqu'à la moitié de leur propre taille.
Sa capacité à plonger à de grandes profondeurs réduisait la compétition avec les autres espèces d'Alcidae. D'après des études basées sur les restes associés aux os de Grand Pingouin sur l'île Funk et sur des appréciations morphologiques et écologiques, il semblerait que le menhaden de l'Atlantique et le capelan aient été ses proies favorites. Le lompe, le chaboisseau à épines courtes, la morue, certains crustacés et les Ammodytidae ont également pu entrer dans son alimentation,. Les jeunes se nourrissaient de plancton, et peut-être aussi de crustacés et de poissons régurgités par les adultes,.
Les Grands Pingouins commençaient à former des couples dans la première moitié du mois de mai. On pense que ces couples étaient formés pour la vie, bien que d'autres théories suggèrent que les Grands Pingouins auraient pu se reproduire en dehors des couples formés initialement, comme c'est le cas chez le Petit Pingouin,. Une fois le couple formé, ils nichaient à la base de rochers, au sein d'importantes colonies,. Avant la reproduction, les couples pratiquait une parade nuptiale, balançant la tête et montrant leur tache blanche et leur bouche jaune. Les colonies étaient particulièrement denses : on estime la concentration à 1 nid par m2 de terrain. Des relations sociales se mettaient en place au sein des colonies. Quand d'autres espèces d'Alcidae se mêlaient à de telles colonies, les Grands Pingouins prenaient l'ascendant du fait de leur taille.
Le Grand Pingouin pondait seulement un œuf par an entre fin mai et début juin, mais pouvait pondre un œuf supplémentaire si le premier était perdu,. Les années où la nourriture manquait, le Grand Pingouin ne se reproduisait pas. L'espèce pondait son unique œuf, dont le poids atteignait 400 grammes, sur le sol nu à environ 100 m de la rive,. L'œuf avait une forme de poire et mesurait en moyenne 12,4 cm de long pour 7,6 cm au point le plus large,. L'œuf était blanc jaunâtre à ocre clair avec différents motifs de points et de lignes noires, marron ou grises,. On pense que ces différences permettaient aux parents de reconnaître leurs œufs au sein de la colonie. Le mâle et la femelle couvaient chacun leur tour l'œuf en position verticale pendant les 39 à 44 jours d'incubation jusqu'à ce qu'il éclose, généralement en juin, bien que l'on puisse encore trouver des œufs dans la colonie au mois d'août ,.
Les parents soignaient également les jeunes à tour de rôle. À la naissance, l'oisillon était couvert d'un duvet gris. Il lui fallait seulement deux ou trois semaines pour atteindre la maturité suffisante pour quitter le nid et aller dans l'eau, généralement vers le milieu du mois de juillet,. Les parents continuaient à s'occuper des petits une fois que ceux-ci avaient quitté le nid, et il a parfois été vu des adultes nageant avec leur petit sur le dos. Les Grands Pingouins atteignaient la maturité sexuelle à partir de l'âge de 4 à 7 ans.
Le terme basque pour désigner le Grand Pingouin, arponaz, et le premier terme français utilisé, apponatz, signifiaient tous les deux « bec de lance ». Dans les langues scandinaves, que ce soit en islandais ou en bokmål geirfugl ou en danois Gejrfugl, le nom de cet oiseau signifie « oiseau lance », dont l'anglicisation est garefowl, fowl désignant en anglais une volaille. Les marins espagnols et les portugais appelaient cet oiseau pingüinos. Le nom inuit du Grand Pingouin était isarukitsck, signifiant « petites ailes ».
L'étymologie du terme francophone pingouin n'est pas certaine, certains auteurs le faisant remonter au latin, d'autres au gallois.
L'adjectif « Grand » associé au terme pingouin est nécessaire pour différencier deux espèces relativement proches de la famille des Alcidés, à savoir cette espèce et celle du Petit Pingouin. Outre la différence de taille des adultes, le Petit Pingouin est, lui, capable de voler.
Une autre source d'erreur provient de la ressemblance phonétique entre le mot français « pingouin » et le terme désignant les manchots dans plusieurs langues, comme pinguïn en néerlandais, pingüino en espagnol, Pinguin en allemand, pinguino en italien, penguin en anglais, пингвин (pingvin) en russe, ou encore pingüim en portugais. Cette confusion paraît d'autant plus naturelle que les manchots comme les Grands Pingouins ne volent pas, mais elle est malheureuse. En effet, d'une part les manchots vivent tous dans l'hémisphère sud, et d'autre part, ils ne sont pas du tout apparentés aux pingouins.
Le Grand Pingouin était l'une des 4 400 espèces animales décrites par Carl von Linné au XVIIIe siècle dans son célèbre ouvrage Systema Naturae, dans lequel l'espèce était répertoriée sous l'appellation Alca impennis. L'espèce fut repositionnée dans son genre à part, Pinguinus, en 1791. Le nom du genre provient du nom que donnent les espagnols et les portugais à l'espèce, tandis que impennis est une construction de terme latin qui fait référence à l'absence de plumes appropriées au vol, les pennes. Certains ornithologues demeurent convaincus qu'il est plus approprié de classer l'espèce dans le genre Alca.
Des analyses de séquences du génome mitochondrial ont confirmé les études morphologiques et bio-géographiques selon lesquelles le Petit Pingouin est considéré comme le plus proche cousin encore vivant de l'espèce. Le Grand Pingouin était également proche du Mergule nain, qui a évolué de manière très différente du genre Pinguinus. Du fait de sa forte ressemblance au Petit Pingouin (mis à part pour la taille et l'aptitude au vol), le Grand Pingouin est souvent placé dans le genre Alca, comme l'a fait Linné initialement. Le terme Alca est un mot latin dérivé du mot scandinave désignant le Petit Pingouin et les autres espèces qui lui sont apparentées.
L'étude de certains fossiles (notamment de Pinguinus alfrednewtoni) et certaines analyses moléculaires ont démontré que les deux genres cités dans le paragraphe précédent, bien que fortement apparentés, ont divergé rapidement après que leur ancêtre commun, un oiseau qui devait être similaire au Guillemot de Xantus, s'est développé le long des côtes de l'Atlantique. À cette époque, ce « guillemot » s'était vraisemblablement déjà détaché des autres Alcidae. Les oiseaux proches du Petit Pingouin actuel étaient courants dans l'Atlantique au Pliocène, mais l'évolution du Mergule nain est très mal documentée. Les données issues d'analyses moléculaires n'excluent aucune hypothèse, mais différents indices ont conduit à le placer dans un genre à part. Le Grand Pingouin n'était pas apparenté aux autres genres d'Alcidae éteints comme Mancalla, Praemancalla, ou Alcodes.
Pinguinus alfrednewtoni était plus grand et également incapable de voler. Cet autre membre du genre Pinguinus a vécu au début du Pliocène. Il a été étudié à partir d'os découverts dans la formation de Yorktown de la mine de Lee Creek en Caroline du Nord, et on pense qu'il s'est détaché d'un ancêtre commun en même temps que le Grand Pingouin. Pinguinus alfrednewtoni vivait dans la partie ouest de l'Atlantique quand le Grand Pingouin occupait la partie est ; mais quand le premier a disparu à la fin du Pliocène, le second a pris sa place.
Le Grand Pingouin a été la cible des chasseurs pendant plusieurs dizaines de milliers d'années. En effet, cet oiseau passe dix mois par an en pleine mer, mais se rassemble en grandes colonies au moment de la reproduction sur des îles proches des côtes. Du fait de la densité d'animaux, de sa grande taille et de son manque d'adresse sur la terre ferme, il constitue alors une proie facile. On sait que le Grand Pingouin a été chassé par les hommes de Néandertal il y a plus de 100 000 ans, comme en témoignent les os soigneusement nettoyés trouvés à l'emplacement de leurs camps. Des représentations de Grands Pingouins vieilles de 20 000 ans ont également été découvertes en France dans la grotte Cosquer, à proximité de la mer Méditerranée, remontant à l'époque de la dernière glaciation quand l'aire de répartition du Grand Pingouin englobait cette partie du globe.
Les Amérindiens ont vécu à proximité des Grands Pingouins et l'ont largement utilisé comme source de nourriture durant l'hiver. Il avait également une importante valeur symbolique pour eux, et on a pu retrouver des représentations de Grands Pingouins dans leurs colliers en os. Une personne inhumée vers le XXe siècle av. J.-C. à Port au Choix, dans un site archaïque maritime à Terre-Neuve, a été retrouvée vêtue d'un costume fait de la peau de 200 Grands Pingouins, dont les têtes étaient restées attachées comme décoration. Presque la moitié des os de pingouins trouvés dans les tombes de ce site provenait de Grands Pingouins, ce qui laisse penser qu'il avait une signification symbolique particulière pour ce peuple. Les anciens Béothuks de Terre-Neuve confectionnaient une sorte de pudding avec les œufs de l'espèce. Les esquimaux Dorset chassaient également le Grand Pingouin, tandis que les Saqqaqs du Groenland l'ont presque exterminé sur leur secteur.
Plus tard, les marins européens utilisaient les pingouins comme repères, leur présence signalant que les Grands Bancs étaient proches.
On estime que cette espèce comptait des millions de représentants à son apogée, bien que certains scientifiques contestent cette estimation. Le Grand Pingouin a été exterminé à grande échelle comme source de nourriture, mais également pour ses œufs et son duvet, depuis au moins le VIIIe siècle. Avant cela, la chasse réalisée par les tribus locales existait en Scandinavie et à l'est de l'Amérique du Nord, et ce depuis l'âge de la pierre, ainsi que dans le Labrador au Ve siècle où l'oiseau s'est momentanément installé. Les premiers explorateurs, dont Jacques Cartier, et les nombreux bateaux venus chercher de l'or sur l'île de Baffin, n'avaient pas la nourriture nécessaire pour faire le voyage retour et utilisèrent allégrement le Grand Pingouin pour reconstituer leurs stocks de nourriture, mais également comme appât pour la pêche. Certains navires ont jeté l'ancre à proximité de colonies de pingouins, et les marins ont alors rassemblé des centaines de pingouins sur les navires avant de les abattre. Les œufs de Grands Pingouins pouvaient également être consommés ; ils faisaient trois fois la taille de ceux des guillemots et avaient une large proportion de jaune. Ces marins ont également introduit les rats sur ces îles.
La population de Grands Pingouins a également décru pendant le petit âge glaciaire, les oiseaux étant plus exposés à la prédation par les ours polaires, mais c'est surtout la chasse pour leurs plumes, alors utilisées pour confectionner des chapeaux, puis pour leur duvet, qui cause une forte diminution des effectifs. Au milieu du XVIe siècle, les colonies qui nichaient sur les rives européennes de l'Atlantique sont presque intégralement éradiquées par les chasseurs, qui revendaient le duvet pour faire des oreillers, et au début du XVIIIe siècle, les Grands Pingouins ne nichaient plus que sur quelques grandes îles, toutes d'accostage difficile. En 1553, le Grand Pingouin reçoit sa première protection officielle, et en 1794, la Grande-Bretagne interdit de tuer cet animal pour ses plumes. À Saint-Jean de Terre-Neuve, des individus ayant violé une loi de 1775 interdisant la chasse du Grand Pingouin pour ses plumes ou ses œufs ont été flagellés en public, alors qu'il était toujours permis d'utiliser l'animal comme appât. Du côté nord-américain, les plumes d'eider lui étaient préférées, mais une fois ces oiseaux poussés presque à l'extinction dans les années 1770, les chasseurs se tournent vers les pingouins, qui constituaient également une source de nourriture, d'appâts et d'huile,,. Les spécimens de Grands Pingouins ainsi que leurs œufs deviennent ensuite très prisés des riches européens. Les ramasseurs d'œufs pouvaient se rendre très régulièrement dans les colonies pour en collecter un maximum, mettant encore plus en danger l'espèce. Toutefois, ils ramassaient de préférence les vides, laissant de côté ceux contenant un embryon.
C'est sur l'îlot de Stac an Armin, à Saint-Kilda, en juillet 1840, que l'on vit pour la dernière fois un Grand Pingouin dans les îles britanniques. Trois hommes de Saint-Kilda ont attrapé un oiseau, notant ses petites ailes et le grand point blanc sur sa tête. Ils l'attachèrent et le gardèrent en captivité pendant trois jours, avant qu'une importante tempête ne frappe l'île. Croyant que le pingouin était une sorcière qui avait causé cette tempête, ils le tuèrent en le frappant avec un bâton,.
À la fin du XVIIIe siècle, la vaste colonie de l'île Funk s'était éteinte du fait de l'Homme et le Grand Pingouin ne nichait plus que sur quelques îles au large de l'Islande. Sur l'une d'elles en particulier, l'espèce trouva pour un temps un asile. C'était une île baptisée Geirfuglasker (ce qu'on peut traduire par « île du Grand Pingouin »). Les oiseaux y étaient à l'abri parce que les principaux courants marins étaient si puissants et imprévisibles qu'il était presque impossible d'accoster. Geirfuglasker fut bientôt la seule île abritant l'espèce, mais l'explosion d'un volcan sous-marin durant l'hiver 1830 engloutit Geirfuglasker sous les vagues et elle disparut de la surface de l'océan. Quand les quelques Grands Pingouins survivants voulurent regagner leur rocher de nidification, ils ne le trouvèrent plus et furent forcés de choisir un autre site, optant pour l'île d'Eldey, un gros rocher qui présentait un inconvénient majeur : bien que difficile, l'accostage y était possible, ce qui rendait la colonie vulnérable. Lors du premier raid sur l'île, 24 oiseaux furent capturés. Environ un an plus tard, 13 autres furent pris. Chaque raid successif rapportait des prises en nombre décroissant, jusqu'à ce qu'en 1844, seuls deux individus (un mâle et une femelle) fussent tués. Ce dernier couple, qui était alors en train de couver un œuf, est tué par Jón Brandsson et Sigurður Ísleifsson tandis que Ketill Ketilsson écrasait l'œuf de sa botte. Une fois de retour sur la terre ferme, le chef de l'équipe prit le chemin de la capitale, Reykjavik, où il espérait vendre les oiseaux. Il semble qu'en route il rencontra, par hasard, un marchand intéressé par les Grands Pingouins, et les dépouilles des oiseaux furent vendues sur-le-champ. Curieusement, les peaux elles-mêmes disparurent et personne ne sait avec certitude ce qu'il en advint (il y a, cependant, de bonnes raisons de penser que ce sont les spécimens se trouvant actuellement à Los Angeles et Bruxelles), alors que les organes internes de ces deux oiseaux, conservés dans l'alcool, sont maintenant au muséum de zoologie de Copenhague.
Toutefois, un témoignage signalant un Grand Pingouin vivant observé au large des Grands Bancs en 1852 a par la suite été accepté par l'Union internationale pour la conservation de la nature, et bien d'autres témoignages suivent, plus ou moins crédibles. Parmi ceux-ci, on note notamment celui d'un Grand Pingouin qui aurait été observé par un naturaliste nommé Hansen au Groenland en 1868, un autre tué par des chasseurs au large des îles Féroé et qu'ils ont ensuite décrit comme ayant des dimensions similaires à celles du Grand Pingouin et présentant la tache blanche caractéristique au-dessus de chaque œil, et enfin un cas datant de 1929, quand deux ouvriers finlandais observent un oiseau qu'ils n'avaient jamais vu au large des îles Lofoten, et qu'ils ont identifié comme étant un Grand Pingouin d'après les illustrations d'un livre. Cependant, aucune preuve matérielle attestant de l'existence du Grand Pingouin n'existe après 1844. Aujourd'hui, on peut encore trouver 75 œufs de Grands Pingouins dans les collections de différents musées, ainsi que 24 squelettes complets et 81 peaux. Alors que des centaines d'os isolés ont été collectés depuis le XIXe siècle sur l'île Funk dans des amas coquilliers datant du Néolithique, seuls quelques squelettes complets existent. À la suite de l'extinction de l'espèce, le prix des œufs a fortement augmenté. Le moulage d'un œuf, réalisé à la fin du XIXe siècle et provenant de la collection Louis Castel, fut vendu le 16 avril 2013 à Drouot (vente Beaussant-Lefèvre, lot 174) pour la somme de 1 239 € frais compris[réf. nécessaire],.
Le Grand Pingouin est l'un des oiseaux disparus le plus souvent cité dans la littérature anglophone. Il apparaît dans plusieurs ouvrages destinés aux enfants, comme dans The Water-Babies, A Fairy Tale for a Land Baby de Charles Kingsley et Le mystère du golfe bleu d'Enid Blyton,. Ces deux livres relatent la disparition du Grand Pingouin : dans le premier, un Grand Pingouin narre la disparition de son espèce, et dans le second, le personnage principal cherche en vain une colonie perdue de cette espèce. Mais le Grand Pingouin apparaît dans bien d'autres œuvres de fictions à titre secondaire. Ainsi, dans le roman historique de Patrick O'Brian The Surgeon's Mate, un Grand Pingouin est capturé par le naturaliste imaginaire Stephen Maturin. Ce livre relate par ailleurs la capture d'une colonie entière de Grands Pingouins. Le Grand Pingouin est également le sujet du roman The Last Great Auk écrit par Allen Eckert, qui raconte comment le dernier Grand Pingouin vit petit à petit l'extinction de son espèce. L'oiseau apparait également dans Sea of Slaughter de Farley Mowat. C'est aussi le sujet d'un ballet, Still Life at the Penguin Cafe, et d'une chanson, A Dream too Far, dans le Rockford's Rock Opera.
Le Grand Pingouin est également évoqué dans d'autres langues, comme en français, dans L'Île des Pingouins, un roman satirique de 1908 d'Anatole France, prix Nobel de littérature, qui raconte l'histoire fictive d'une population de Grands Pingouins, parodie de l'Affaire Dreyfus. Le Grand Pingouin constitue également une des possessions de valeur de Baba le Turc dans l'opéra d'Igor Stravinsky, La Carrière du libertin.
Aussi bien le dodo que le Grand Pingouin symbolisent les espèces éteintes et les risques qui planent sur la biodiversité du fait des pratiques de l'homme. Dans ce cadre, le « Projet Rescousse » a vendu durant un temps limité des bières sur lesquelles apparaissaient un Grand Pingouin, au profit du fonds sur la faune en danger de la Fondation de la faune du Québec. C'est également la mascotte de l'Archmere Academy à Claymont, dans le Delaware, du Sir Sandford Fleming College dans l'Ontario, et de la Choral Society de l'université d'Adélaïde (AUCS) en Australie,,. C'est aussi la mascotte des Knowledge Masters, compétition de culture générale. Le périodique américain de l'American Ornithologists' Union est appelé The Auk en l'honneur de cet oiseau. Selon les mémoires rédigées par Homer Hickam, Rocket Boys, et son film, Ciel d'octobre, les premiers missiles qu'il a fabriqué avec ses copains avait été baptisés Auk. Même une entreprise fabriquant des cigarettes, la British Great Auk Cigarettes, porte le nom de cet oiseau. Walton Ford, le peintre américain, a représenté deux fois cet animal : The Witch of St. Kilda et Funk Island. Le peintre et écrivain anglais Errol Fuller a peint Last Stand pour illustrer sa monographie sur l'espèce. Le Grand Pingouin apparait également sur un timbre sorti à Cuba en 1974.
Les plus anciennes représentations connues du Grand Pingouin sont les peintures de trois spécimens dans la grotte Cosquer en Méditerranée. Ces peintures datent de la dernière glaciation, lorsque l'aire de répartition du Grand Pingouin englobait la mer Méditerranée.
Dans le film d'animation en volume Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout, des studios Aardman Animations, un grand pingouin apparait avec d'autres animaux menacés destinés à être mangés mais qui sont tous sauvés a la fin.
L'histoire des Juifs en Libye (Hébreu: טְרִיפּו֗לִיטֵאִים, Tripolitaim), la plus petite communauté juive des pays d'Afrique du Nord, remonterait au IIIe siècle avant notre ère lorsque la Cyrénaïque est colonisée par les Grecs.
La conquête musulmane de l'Afrique du Nord fait rentrer la Cyrénaïque et la Tripolitaine dans l'aire de civilisation arabo-islamique et marque durablement l'identité des communautés juives locales dont le statut est désormais régi par la dhimma. Peu de traces de la communauté juive au Moyen Âge nous sont parvenues. En 1551, la côte libyenne est conquise par l'Empire ottoman et la dynastie des Karamanli, largement autonome, gouverne le pays. Le rabbin Shimon Ibn Lavi, descendant de Juifs expulsés d’Espagne, revivifie spirituellement la communauté et établit de nombreuses coutumes encore suivies de nos jours.
Le statut des Juifs s'améliore en 1835, lorsque le pouvoir central ottoman reprend le contrôle direct de la région et supprime progressivement les mesures discriminatoires touchant les Juifs.
La conquête italienne de la Libye en 1911 a une grande influence sur la communauté, tant sur le plan culturel qu'économique, en dépit de sa brièveté. L'italien devient langue de communication chez les Juifs, et leurs activités commerciales prospèrent. En janvier 1912, Gaston Chérau, correspondant de guerre couvrant le conflit italo-ottoman, saisit dans un reportage photographique à caractère ethnographique les artisans juifs de la médina. Leur situation se dégrade cependant à la fin des années 1930 avec l'orientation antisémite du fascisme en Italie et son alliance avec le Reich allemand.
Après guerre, le réveil du nationalisme arabe et les soubresauts du conflit israélo-arabe ont raison d'une présence juive pluri-millénaire. Un pogrom fait plus de cent morts à Tripoli en 1945, alors que le pays est sous administration britannique. Plus de 32 000 Juifs émigrent entre 1949 et 1951, à la suite de la fondation de l'État d'Israël. En 1967, la guerre des Six Jours sonne le glas du restant de la communauté juive, évacuée d'urgence en Italie devant la fureur des foules. Lors de la prise de pouvoir par le colonel Kadhafi en 1969, il reste moins de 600 Juifs en Libye. Le nouveau régime s'attache non seulement à les faire partir mais aussi à effacer toute trace de la présence juive, rasant les cimetières et convertissant les synagogues en mosquées.
La diaspora juive de Libye est actuellement répartie entre Israël et l'Italie, où elle tente de préserver une identité communautaire propre.
Jusque dans les années 1960-70, la place des Juifs de Libye dans les études portant sur le judaïsme nord-africain est restée extrêmement réduite, d'une part en raison de la taille relativement faible de cette communauté (36 000 âmes en 1948, à comparer avec les communautés marocaines et algériennes fortes respectivement de 250 000 et 130 000 membres) et, d'autre part, à cause de la rareté des documents disponibles à cette époque.
Le travail de deux auteurs précurseurs datant de la première moitié du XXe siècle est de nos jours utilisé pour alimenter la recherche académique sur ce sujet. Les écrits de Mordekhai Ha-Cohen (1856-1929), un humble professeur et colporteur libyen qui fait dans son ouvrage Higgid Mordekhai, écrit en hébreu, une recension de l'histoire, des coutumes et des institutions des Juifs de tripolitaine. Nahum Slouschz, un orientaliste juif d'origine russe, est le premier chercheur à étudier en profondeur la communauté juive libyenne durant son séjour au Maghreb, de 1906 à 1912.
À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, quelques chercheurs investissent ce champ de l'histoire juive : Harvey E. Goldberg, un anthropologue et sociologue, s'est intéressé aux aspects culturels et sociologiques de la communauté libyenne sur une période de 30 ans. L'historien Renzo De Felice s'est surtout intéressé à la période de la colonisation italienne en se basant sur des archives italiennes. Rachel Simon, après avoir étudié la période ottomane, a publié sur les Juifs de Libye au XXe siècle. Irit Abramski-Blight du centre Yad Vashem a concentré son travail sur la situation de la communauté durant la Seconde Guerre mondiale. Enfin, Maurice M. Roumani s'est intéressé au départ des Juifs de Libye et à leur intégration dans leurs pays d'accueil.
La première trace archéologique d'une présence juive sur le territoire de l'actuelle Libye est un sceau retrouvé dans les ruines de Cyrène sur lequel il est écrit en hébreu « לעבדיו בן ישב » soit « De Avadyou fils de Yachav ». Cette pièce n'étant pas datable précisément, on doit se contenter de l'hypothèse qu'elle ait été fabriquée entre les Xe et IVe siècles avant notre ère, période durant laquelle ce type de sceau était en usage.
Flavius Josèphe signale la présence de Juifs à Cyrène au IIIe siècle avant notre ère, indiquant que c'est Ptolémée Ier (305-283) qui a demandé à des Juifs d'Alexandrie de s'y établir pour lui permettre de mieux assurer le contrôle de la région. Au IIe siècle avant notre ère, un Juif nommé Jason de Cyrène rédige une œuvre en cinq volumes qui est plus tard résumée sous la forme du deuxième Livre des Macchabées.
Un siècle plus tard, Strabon, cité par Flavius Josèphe, atteste de l’importance de la présence juive : « Il y avait à Cyrène quatre (classes) : les citoyens, les laboureurs, les métèques et les Juifs. Ceux-ci ont déjà envahi toutes les cités... ». Quand la Cyrénaïque devient province romaine en 74 av. J.-C., les Juifs ne bénéficient plus du même statut que sous les Ptolémées et sont victimes de spoliations de la part de la population grecque. L'empereur Auguste intervient alors en leur faveur. Certaines de ces spoliations visent les contributions des Juifs de Cyrénaïque au temple de Jérusalem, contributions desquelles étaient redevables toutes les communautés juives de la diaspora, avant la chute du Temple.
La Bible chrétienne mentionne Simon de Cyrène, porteur de la croix pendant la Passion du Christ (Marc 15:21). Parmi les auditeurs rassemblés à Jérusalem autour des douze Apôtres lors de la Pentecôte, certains viennent « de la Libye voisine de Cyrène » (Actes des Apôtres, 2:10).
La communauté juive de Cyrène est décimée lors de la révolte juive des années 115-117, dont la Cyrénaïque semble être l’un des centres ; la révolte, peut-être suscitée par des espoirs messianiques, s'étend non seulement à la Cyrénaïque mais aussi à Chypre et à l'Égypte. Après le massacre de milliers de Grecs par les Juifs, il semble que la répression menée par le général Quintus Marcius Turbo (selon Eusèbe de Césarée) anéantit la population juive de Cyrénaïque. Elle n’est en tout cas plus mentionnée. En revanche, Augustin d'Hippone signale la présence d'une communauté juive à Oea (Tripoli) au IVe siècle.
On ne dispose que d'informations très parcellaires sur la présence juive en Tripolitaine et en Cyrénaïque au Moyen Âge. Tripoli est conquise en 642 par les Arabes sur les Byzantins. La région est alors peuplée de tribus berbères et son arabisation n'a lieu que plusieurs siècles plus tard, avec la venue des tribus bédouines hilaliennes au XIe siècle. Conséquence de leur arrivée, l'agriculture recule au profit du nomadisme, et les puissances musulmanes, Mamelouks à l'est, Almohades puis Hafsides à l'ouest, n'arrivent guère à s'implanter dans ces étendues désertiques et tribales qui restent des terres de passage. Comme ailleurs dans le monde musulman, les Juifs en tant que gens du Livre peuvent continuer à pratiquer leur religion mais sont soumis au statut infériorisant de dhimmis.
Les quelques témoignages de la présence juive dans la région à cette époque proviennent de textes souvent retrouvés dans la guenizah du Caire. On y apprend que les Juifs de Tripoli sont, au milieu du XIe siècle, en relation avec les Juifs de l'émirat de Sicile ainsi qu'avec ceux de Fustat en Égypte. À cette même époque, on note la présence de Juifs karaïtes dans le Djebel Nefoussa au sud-ouest de Tripoli. Antérieurement, dans la première moitié du Xe siècle, on a un témoignage des échanges entre les Juifs du Maghreb et les académies talmudiques en Babylonie au travers d'un responsum de Hanania ben Yehoudaï, Gaon de Poumbedita à la communauté du Djebel Nefoussa. Au XVe siècle, on assiste à une renaissance du judaïsme en Cyrénaïque, des Juifs tripolitains fondent les communautés à Benghazi et Derna.
La Libye est une terre de refuge pour les Séfarades qui quittent la péninsule ibérique durant le XVe siècle et ultérieurement. Cependant, lorsque les Espagnols prennent Tripoli en 1510, ils instaurent l'inquisition et la ville se vide de ses Juifs. Ils ne peuvent y retourner qu'en 1551 lorsque les Ottomans, déjà présents en Cyrénaïque depuis 1517 prennent la ville à l'ordre de Malte. Peu de traces historiques de la présence juive à Tripoli antérieure à la fin du XVIIIe siècle nous sont parvenues mais la langue arabe parlée par les Juifs de la capitale libyenne au XXe siècle comporte les caractéristiques d'un vieux dialecte urbain comparé à la langue des musulmans se rapprochant plus des dialectes parlés dans l'arrière-pays, ce qui conforte l'idée d'une présence ancienne et continue des Juifs dans la ville
Seul le littoral est sous contrôle ottoman, l'intérieur restant largement indépendant. La région est à cette époque connue des Européens sous le nom de Côte des Barbaresques, elle est crainte en raison de la course contre les navires chrétiens qui s'y exerce. Les Juifs servent alors d'intermédiaires pour la libération des captifs chrétiens.
Shimon Ibn Lavi, un rabbin de Fès originaire d'Espagne, arrive à cette époque. Alors qu'il est en route pour la Palestine, il passe par Tripoli et, voyant la détresse spirituelle de ses coreligionnaires, décide de s'y installer pour dispenser son savoir. Il écrit en 1571 le Ketem Paz, l’un des commentaires du Zohar les plus importants à avoir été composés en Afrique du Nord. La communauté locale le considère comme le fondateur de ses traditions religieuses,.
Au XVIIe siècle, le schisme sabbatéen est combattu par la communauté, ce qui laisse à penser qu'elle est à cette époque assez nombreuse et organisée pour apporter une réponse à cette problématique. Deux traditions des Juifs libyens, des versions locales de petits Pourim, sont instaurées au XVIIIe siècle : l'un, le Pourim Achrif, célèbre l'échec du bey de Tunis venu en 1705 faire le siège de Tripoli, l'autre, le Pourim Borghel, célèbre la libération de la ville de la férule du corsaire Ali Burghul en 1795.
La région est soumise en 1711 à la dynastie locale des Karamanli, largement autonome par rapport au pouvoir ottoman. La population tripolitaine d’alors est estimée à 14 000 habitants dont un quart de Juifs. Sous le règne de Yousef Pacha à la fin du XVIIIe siècle, Tripoli attire des Juifs de Tripolitaine et d'autres contrées du Maghreb, ainsi que des Juifs d'Italie, qui veulent notamment échapper à l'interdiction de la polygamie en vigueur en Europe. Ces Juifs italiens, principalement des Granas originaires de Livourne, jouent un rôle très important dans le commerce méditerranéen, quelques familles monopolisant les échanges avec l'Europe via Livourne. À Benghazi, les Juifs indigènes jouent un rôle important dans le commerce qui se fait surtout avec la Crète, l'Égypte et le Levant. Les Juifs participent aussi au commerce transsaharien qui, via l'oasis de Ghadamès, débouche dans le port de Tripoli ; ils font en particulier commerce de plumes d'autruche, assez prisées en Europe.
En 1835, en réaction à l'installation des Français en Algérie et à l'expansionnisme de Méhémet Ali en Égypte, les Ottomans décident d'exercer un contrôle direct sur la province libyenne et écartent les Karamanli du pouvoir. Ils mettent vingt ans de plus à mettre au pas les tribus de l'intérieur.
Alors que, dans le reste du Maghreb, les populations juives accèdent à la modernité au travers de réformes imposées depuis l'Europe, le processus d'émancipation des Juifs en Libye est largement à mettre au crédit de gouvernants musulmans. La série de réformes des Tanzimat qui apportent l'émancipation aux Juifs libyens, débute en 1839 par le Hatt-i Sharif qui offre aux dhimmis de l'empire justice et sécurité. La réforme de 1856 abolit l'impôt de capitation (jizya) touchant Juifs et chrétiens ainsi que les restrictions vestimentaires les concernant. Dans le même temps, les compétences des tribunaux rabbiniques sont restreintes aux affaires relevant du statut personnel, les autres litiges devant être traités par les tribunaux publics. Suivant le modèle stanbouliote, la direction de la communauté, auparavant apanage d'un caïd issu de la société civile, est transférée au Hakham Bachi, grand-rabbin que l'on fait venir de la capitale de l'Empire et qui a rang de haut fonctionnaire. Ces mesures, qui font rentrer les Juifs dans le droit commun, concernent dans un premier temps principalement Tripoli, où se trouve la majorité des Juifs.
En effet, dans l'arrière-pays, où le contrôle ottoman n'est originellement que nominatif, la dhimma reste souvent appliquée dans toute sa rigueur et les réformes sont jugées blasphématoires. Ainsi dans le djebel Nefoussa, peuplé d'ibadites berbérophones, les Juifs sont « acculés à la voie étroite du chemin ». Aux préceptes coraniques s'ajoutent, dans cette région, un système tribal qui repose sur un code de l'honneur. Les familles juives sont asservies à un chef tribal auxquels elles doivent obéissance et qui doit assurer leur protection. Ce lien est perpétué de façon héréditaire et des Juifs peuvent être « vendus » à une autre famille. Il arrive même que la protection d'un Juif donne lieu à des batailles entre tribus car elle est dans cette optique une marque de pouvoir des chefs locaux. A contrario, ne pas pouvoir assurer leur sécurité est un signe de faiblesse et de déshonneur. La progressive extension du pouvoir ottoman va mettre à mal ce système de protection et augmenter l'insécurité des Juifs. D'un côté, des droits leur sont octroyés qui améliorent leur situation légale mais, de l'autre, le vide du pouvoir créé par la transition entre un système de gouvernement tribal et le système ottoman augmente le nombre d'attaques de Juifs. En 1855, l'émir Ghuma, qui mène une rébellion dans le djebel Nefoussa contre les Ottomans, s'empare de la place forte de Yafran. Il ordonne que les Juifs soient protégés et les libère du port du turban noir. Il proclame que si les Juifs pouvaient se vêtir comme ils le voulaient du temps des Ottomans, cela doit être d'autant plus le cas sous sa domination. Cette attitude libérale correspond donc à un signe d'affirmation du pouvoir.
En Cyrénaïque, où le contrôle social est assuré par la confrérie de la Sanūsiyya qui se montre bienveillante à l'égard des Juifs, ces derniers peuvent étendre leurs activités commerciales.
La figure du colporteur juif est, comme ailleurs dans le Maghreb, un agent essentiel de la vie économique locale. Au milieu du XIXe siècle, alors que 40 % de la population juive de Tripolitaine vit en milieu rural, nombreux sont les Juifs qui font la liaison entre les centres de commerce et l'arrière-pays. Le colporteur (tawwaf en arabe libyen) part, accompagné d'un âne, pour une durée moyenne de deux semaines. Cependant, plusieurs mois sont parfois nécessaires pour troquer ses produits avec les populations rurales, montagnards berbères dans le djebel Nefousa à l'ouest, nomades bédouins à l'est. Les marchandises qu'il propose appartiennent généralement à l'univers ménager féminin : épices, produits de beauté, miroirs, peignes. Cette spécialisation est directement liée au statut des Juifs, vus comme inférieurs voire « kif el mrâ » (« comme une femme »). Ce statut lui permet, a contrario des vendeurs musulmans, d'avoir accès aux femmes musulmanes. Il le met aussi à l’abri d’attaques car il est déshonorant d'attaquer un être de statut inférieur. Le Juif est généralement bien reçu par sa clientèle qui le loge et le nourrit. En échange de quoi, il se fait conteur et diffuse les nouvelles de l'extérieur.
À partir des années 1870, l'influence de l’Europe et principalement de l’Italie se propage en Libye. Les Juifs riches, souvent des Granas (Juifs originaires de Livourne), sont de plus en plus nombreux à prendre la nationalité italienne. Une école italienne ouvre en 1876, près de quinze ans avant que l'Alliance israélite universelle, basée à Paris, ne s'établisse à Tripoli. Cette évolution crée des divisions au sein de la communauté car la masse des Juifs, craignant de provoquer des heurts, reste loyale au pouvoir ottoman. Celui-ci se montre hostile à ce qu’il perçoit comme une ingérence des puissances européennes.
Après une unification tardive en 1861, l'Italie décide de constituer son propre empire colonial à l'image de la France ou du Royaume-Uni. Après avoir vu la Tunisie qu'il convoitait tomber dans l'escarcelle de la France, le royaume italien jette son dévolu sur la Libye, où son influence culturelle et économique va croissant durant les dernières décennies de domination ottomane. En 1911, l'Italie prend pied en Libye et en chasse les Ottomans à la suite de la guerre italo-turque. Les Italiens ne parviennent cependant pas à imposer totalement leur autorité dans l'intérieur de la colonie avant 1924 pour la Tripolitaine et 1932 pour la Cyrénaïque.
L'arrivée des Italiens est perçue d'une manière tout à fait différente par les musulmans et les Juifs et va avoir d'importantes conséquences sur les relations entre Juifs et musulmans. Pour la population arabe, la conquête d'une terre musulmane par une puissance occidentale et chrétienne, constitue une humiliation et le début d'une période d'oppression. Le fait que les Juifs, soumis dans la tradition musulmane au statut de dhimmi, soient traités sur un pied d'égalité avec les musulmans participe de ce sentiment. La population juive, en revanche, accueille généralement la domination italienne avec joie, espérant des améliorations de son statut économique et social. En réalité, les attitudes varient selon le niveau social : l’élite juive, souvent d'origine européenne, s’italianise et adopte en grande partie les usages du colonisateur tandis que le reste de la population juive, plus pauvre et marginalisée, en particulier dans les campagnes, demeure très traditionaliste et conserve un mode de vie beaucoup plus proche de celui des musulmans. L'attitude des Italiens par rapport aux Juifs est ambivalente, oscillant entre une volonté d'intégration (on estime que les Juifs suivant l'exemple des Juifs italiens vont s’assimiler à l'ensemble italien, consolidant la présence italienne en Afrique du Nord) et le mépris colonialiste face à une population perçue comme viscéralement attachée à ses traditions jugées archaïques et proche des populations musulmanes. À cela s'ajoute la crainte pour les autorités de mécontenter la population musulmane en montrant une trop forte proximité avec les Juifs.
La modernisation se traduit par l'érection d'une ville nouvelle à Tripoli où une population mixte, italienne et juive vient s'installer. La confection, secteur dans lequel travaillent beaucoup de Juifs, est révolutionnée par l'introduction de machines électriques et le déclin de l'habillement oriental au profit des vêtements à l'européenne. Concernant l'instruction, presque tous les garçons juifs bénéficient d'une formation, au moins basique, dans des écoles primaires italiennes et suivent en parallèle des cours de religion à l'école synagogale, l'après-midi.
La période italienne voit aussi le développement du mouvement sioniste en Libye. Des relations s'établissent avec le sionisme italien auquel le mouvement sioniste local est subordonné, mais aussi directement avec le Yichouv palestinien. Le nombre d'adhérents à des mouvements sionistes n'est que de 300 dans les années 1930, mais l'influence sociale du sionisme sur les communautés est conséquente. Les idées sionistes sont propagées à travers l'enseignement, les cours d'hébreu moderne, l'accès croissant à une presse juive publiée à l'étranger ou localement et la fondation de clubs sportifs. La diffusion de ces idées modernistes a pour conséquence directe une amélioration du statut de la femme juive libyenne.
Mussolini prend le pouvoir en Italie en 1922 et impose le fascisme italien. Cette idéologie totalitaire ne fait pas de l'antisémitisme l'un de ses fondements, contrairement au nazisme qui se développe parallèlement en Allemagne. Ce n'est que tardivement, en 1938, que le régime fasciste prend un tournant nettement antisémite.
Italo Balbo est nommé gouverneur en 1934. Sous son égide, les provinces de Tripolitaine et de Cyrénaïque sont réunies pour former la Libye italienne. Le nouvel homme fort de la colonie est un proche de Mussolini, fasciste convaincu et héros de l'aviation italienne. Il est connu pour avoir été l'un des plus vigoureux opposants au tournant antisémite que prend le Parti national fasciste italien à la fin des années 1930. Promoteur d’un programme de modernisation, il n'est pas hostile à la communauté juive dont il loue publiquement la contribution à la prospérité de la colonie mais il se montre sans pitié pour certaines traditions juives qui entravent selon lui la « marche de la civilisation » en Libye. Ainsi, en 1936, il fait fouetter en place publique des boutiquiers juifs qui refusent d'ouvrir leurs commerces le chabbat. Ce châtiment est vécu comme une humiliation collective par la communauté juive tandis qu'il s'effectue sous les yeux d'une foule arabe qui exulte. Cependant, lorsqu’Hermann Göring, ministre de l'Aviation du Reich, veut effectuer une visite protocolaire en Libye en 1938, peu après les accords de Munich, Balbo, officiellement ami de Göring depuis plusieurs années, n'hésite pas à le provoquer ouvertement en incluant dans le programme officiel de la visite un tour dans le vieux quartier juif de Tripoli et dans une des synagogues. Le feldmarschall nazi doit alors se faire porter pâle.
Après avoir tenté d'empêcher la promulgation de lois antisémites, Balbo est contraint de faire appliquer les lois raciales fascistes décidées cette même année. 46 Juifs sont exclus de la fonction publique, plusieurs milliers d'élèves juifs sont interdits dans l'enseignement secondaire et le mot « Juif » est tamponné sur leurs pièces d'identité,. Néanmoins, les mesures répressives ne sont jamais appliquées rigoureusement en Libye sous sa gouvernance, tandis qu’il plaide avec succès la cause des Juifs libyens à Rome, expliquant que leurs activités sont indispensables au bon fonctionnement de l'économie de cette colonie africaine.
Des communautés juives d’Afrique du Nord, celle de Libye est la plus sévèrement touchée par la Seconde Guerre mondiale.
Lors du début du conflit, quatre synagogues sont détruites par les bombardements alliés de Libye et le cimetière juif où ont été disposées des batteries antiaériennes est sévèrement touché. Beaucoup de Juifs fuient la capitale libyenne pour trouver refuge dans les villes et villages environnants. Le 12 février 1942, l'armée allemande fait son entrée à Tripoli. Sous la pression de leurs alliés, les Italiens renforcent immédiatement la répression antisémite : les biens des Juifs sont aryanisés et il leur est interdit de prendre part à des transactions portant sur des biens fonciers. Le 7 février 1942, Benito Mussolini émet un décret autorisant les déportations.
Les 300 Juifs de nationalité britannique sont internés en Italie puis envoyés dans des camps du Reich après l'invasion allemande de l'Italie. Ceux qui sont français ou sujets tunisiens sont envoyés en Afrique française du Nord. Les autorités nazies font pression pour que les sujets italiens soient également déportés mais les Italiens s'y opposent, préférant employer leur force de travail pour l’effort de guerre. Les Juifs sont principalement utilisés à la construction d'une route visant à connecter Tripoli à l'Égypte afin de faciliter le ravitaillement du front.
En août 1942, 3 000 Juifs de Tripoli sont envoyés dans le camp de Sidi Aziz à proximité de Khoms, à 150 km de Tripoli, mais ils sont pour la plupart renvoyés dans la capitale libyenne en raison du manque d'eau ; seul un millier d'entre eux, principalement des travailleurs spécialisés dans la construction, restent sur place. Un autre camp est établi à Buqbuq en Cyrénaïque orientale, près de la frontière égyptienne. 350 Juifs sélectionnés parmi les travailleurs de Sidi Aziz y sont acheminés, avec pour mission d'améliorer le réseau routier à proximité du front. Leur camp est fréquemment bombardé par les Alliés à la fin octobre 1942. À Tripoli, la situation de la communauté est critique, particulièrement durant les dernières semaines avant la libération de la ville soumise aux bombardements. Les prix sont très élevés et les denrées rationnées. À cela s'ajoute l'afflux de réfugiés juifs venus de Cyrénaïque et de l'arrière-pays que la communauté tripolitaine doit accueillir.
Les Juifs de Benghazi connaissent un sort tragique : après avoir accueilli en libérateurs les soldats britanniques qui prennent la ville lors de l'opération Crusader, ils se retrouvent de nouveau sous domination fasciste après la reprise de la ville par Rommel à la fin janvier 1942. Les Italiens décident alors de punir cette fraternisation avec l'ennemi et déportent la quasi-totalité de la population juive, à l'exception de quelques familles restées loyales. 2 600 Juifs de Cyrénaïque se retrouvent ainsi dans le camp d'internement de Giado, isolé dans le djebel Nefoussa au sud de Tripoli. Les privations et une épidémie de typhus causent la mort de 564 Juifs. La liberté est rendue aux prisonniers après la libération de Tripoli en janvier 1943.
Durant la période de la guerre, les musulmans ne tirent pas avantage de la situation difficile dans laquelle se retrouvent les Juifs. Contrairement à la période de conflits qui va suivre, la Seconde Guerre Mondiale voit un resserrement des relations judéo-musulmanes en Libye qui sont décrites comme cordiales par les témoins de l'époque. Il est en effet possible qu'il y ait eu, chez certains Arabes, une crainte que les mesures raciales ne leur soient appliquées.
Les 300 Juifs de nationalité britannique déportés en Italie en tant que citoyens d'un pays ennemi se retrouvent essentiellement dans trois camps italiens, à Arezzo et Bagno a Ripoli en Toscane, et à Civitella del Tronto dans les Abruzzes. Ils sont logés dans des bâtiments publics ou des grandes propriétés privées, dans des chambrées allant jusqu'à 100 personnes. Cependant les familles ne sont pas séparées.
Lorsque les forces allemandes prennent le pouvoir en Italie le 8 septembre 1943, leur situation empire : fin octobre, les Allemands transfèrent les hommes du camp de Civitella vers le sud du pays, où ils participent à la fortification de la ligne Gustave. Le travail, qui dure de l'aube au crépuscule, est harassant et les rations sont insuffisantes. En janvier 1944, une partie du groupe resté à Civitella est expédiée à Bergen-Belsen, tandis que le reste du groupe est acheminé vers le camp de Fossoli, en Émilie-Romagne. En mai 1944, ils sont à leur tour déportés à Bergen-Belsen avec un groupe d'Arezzo. En tout, quatre convois de Juifs libyens arrivent à Bergen-Belsen. Sur place, les conditions, très relativement vivables au début de 1944, deviennent critiques à mesure que l'année avance et que la disette et les maladies contagieuses touchent le camp. Les Libyens sont parqués pour certains dans l'aile dite « privilégiée » où les familles ne sont pas séparées et où les prisonniers ne subissent pas de harcèlement ; d'autres sont en revanche internés dans le « camp de l'étoile », surpeuplé, où femmes et hommes sont victimes de mauvais traitements de la part des SS. Ils ne peuvent communiquer avec les autres prisonniers, largement yiddishophones, qu'en hébreu. Fin 1944, un groupe de moins de cent personnes est envoyé dans le camp de prisonniers de guerre de Biberach, dans le Sud de l'Allemagne, et un autre groupe se retrouve en janvier 1945 à Bad Wurzach où se situe un camp de prisonniers britanniques. Là, ils passent la fin de la guerre dans de relativement bonnes conditions.
Une centaine de Juifs britanniques de Libye sont internés à Bazzano, près de Bologne, puis expédiés à Dachau pendant l'hiver 1944. Plusieurs personnes âgées meurent à la suite de l'hiver européen et des mauvais traitements. Le reste du groupe est transféré en avril 1944 au camp de Vittel, en France, où il attend la Libération dans d'assez bonnes conditions.
Près de 1 600 Juifs de nationalité française ou sujets tunisiens sont déplacés début 1942 depuis la Cyrénaïque et la Tripolitaine en direction de l'Algérie et de la Tunisie alors contrôlées par le régime de Vichy. Certains peuvent se rendre à Tunis ou Gabès où les communautés locales les prennent en charge mais la majorité d'entre eux se retrouve internée dans un camp situé aux environs de Sfax, où ils sont livrés à eux-mêmes. 400 Juifs de Tripoli arrivent à La Marsa où ils sont logés dans des baraquements sur la plage dans de mauvaises conditions.
Entre 1943 et 1951, la Tripolitaine et la Cyrénaïque sont gouvernées par la British military administration (BMA). La population, tant juive qu'arabe, vit la mise en place de la nouvelle administration comme une libération. Pour les Arabes, l'après-guerre signale la fin du colonialisme italien. Pour les Juifs, l'arrivée de la VIIIe armée britannique, qui compte en son sein des soldats de la brigade juive palestinienne, met fin à une période de discrimination antisémite et permet un renouveau communautaire. On assiste aussi à une embellie des relations entre Juifs et Arabes, particulièrement dans les campagnes et chez les élites.
Le rôle des unités juives se révèle fondamental dans la réorganisation de la communauté éprouvée par la guerre car leurs soldats développent les activités sionistes, ouvrent des écoles et établissent une organisation d'autodéfense reprenant le nom et la structure de la Haganah palestinienne. Leur action est particulièrement importante à Benghazi où la communauté, internée pendant la guerre, compte de nombreux indigents. Le Joint apporte son aide financière aux Juifs libyens.
Cependant, l'embellie est de courte durée. Les Britanniques, contrairement aux Italiens, ne se préoccupent pas d'investir en Libye. Ainsi, dès 1944, une crise économique éclate. Les relations entre Juifs et Arabes pâtissent de la conjoncture économique et des incertitudes quant au futur politique de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. La montée du nationalisme arabe chez les musulmans, et du sionisme chez les Juifs augmente les antagonismes entre ces communautés. Les autorités britanniques, craignant de mécontenter les Arabes, mettent un frein à l'aide dispensée par les soldats de la brigade juive à leurs coreligionnaires.
En 1945, une émeute antijuive éclate à Tripoli puis s'étend au reste de la Tripolitaine. En tout, on compte 130 victimes juives. Ce massacre est considéré comme l'élément déclencheur de l'exode des Juifs libyens dans les années qui vont suivre.
Les troubles débutent le 4 novembre à Tripoli, sans qu'un élément déclencheur soit clairement identifié. Les violences touchent surtout les Juifs vivant hors du vieux quartier juif, où la population parvient à se barricader. Le lendemain, une population rurale converge vers la capitale pour prendre part aux exactions qui sont surtout le fait des classes sociales les plus basses, les riches adoptant une attitude attentiste. Les émeutiers s'en prennent aux Juifs au cri de « Jihad fil Koufar » (« guerre sainte contre les mécréants »), encouragés par les youyous des femmes. Les autorités britanniques tardent à réagir. Le 5 novembre, un couvre-feu est instauré, mais les forces de l'ordre présentes dans les rues n'agissent pas face aux émeutiers. Ce n'est que le soir du 6 novembre que des mesures effectives pour stopper les violences sont prises. On dénombre 38 victimes juives et un mort chez les musulmans. Les troubles s'étendent aussi à d'autres villes, on compte 40 morts à Amrus, 34 à Zanzur, 7 à Tajura, 13 à Zaouïa et 3 à Msallata. Au total, neuf synagogues sont brûlées, 35 rouleaux de la Torah détruits. Certains musulmans, guidés par leurs principes religieux, sauvent la vie de leur voisins juifs en les cachant. Dans le village de Tighrinna, au sein du djebel Nefoussa, les affrontements sont évités grâce à l'intervention de notables musulmans qui demandent aux notables juifs d'ouvrir leurs portes et de servir sans discontinuer pendant 24 heures mets et boissons. En cette occasion, visiteurs musulmans et Juifs réaffirment leur héritage commun.
Les explications sur l'origine des émeutes divergent. La communauté juive clame à l'époque qu'il s'agit d'une manœuvre ourdie par les Britanniques. L'historien Renzo De Felice écarte cette hypothèse mais souligne la lenteur de l'intervention britannique qui pourrait s'expliquer par une politique visant à courtiser l'opinion arabe. Il fait lui-même l'hypothèse que les émeutes, dont il démontre qu'elles ont été déclenchées simultanément en plusieurs lieux sont le fait du Hizb al-Watani, un parti nationaliste libyen. Cependant, les éléments matériels ne permettent pas d’établir avec certitude son rôle. Les rapports officiels britanniques pointent quant à eux un faisceau de facteurs déclenchants de nature économique et politique. Selon l'interprétation du sociologue Harvey E. Goldberg, ces émeutes antijuives doivent être comprises comme une défiance de la population musulmane à l'encontre de l'administration britannique, le pouvoir étant censé, selon la tradition musulmane, être le garant de la sécurité des Juifs.
Après les émeutes, les autorités sionistes de Palestine dépêchent sur place clandestinement des émissaires chargés d'aider à l'organisation de l'autodéfense (Haganah) de la communauté juive. Des plans visant à contrer une nouvelle attaque arabe sont établis, des armes sont achetées où confectionnées artisanalement.
L'adoption du plan de partage de la Palestine par les Nations unies en novembre 1947 attise les tensions en Libye. Des commerces juifs sont pillés à Benghazi et des membres de la communauté caillassés. À Tripoli, des émeutes ont lieu en février 1948 durant lesquelles trois civils dont un Juif sont tués. Les Juifs des campagnes rejoignent les villes afin d'être mieux protégés.
Les émeutes de juin 1948 sont directement liées au contexte international. Alors que la guerre israélo-arabe de 1948-1949 a débuté le 15 mai 1948, après la déclaration d'indépendance d'Israël, des volontaires d'Afrique du Nord francophone se sont mis en route pour la Palestine. Cependant, début juin, l'Égypte leur ferme ses frontières stoppant ainsi ces hommes en Libye. Environ 200 Tunisiens pressés d'en découdre se retrouvent bloqués à Libye. Leur présence, la montée des tensions au Proche-Orient ainsi qu'une situation économique difficile, sont des facteurs qui vont s'additionner pour conduire à une nouvelle explosion de violence contre la communauté juive. Cette fois-ci cependant, la communauté est mieux préparée aux attaques et son système d'autodéfense (Haganah) permet de réduire le nombre de victimes.
Les troubles se concentrent le 12 juin 1948 dans la capitale libyenne. À la suite d'une dispute qui dégénère dans un quartier mixte judéo-musulman, des volontaires tunisiens poussent la foule au combat, galvanisant les passants aux cris de « Si nous ne pouvons aller en Palestine pour combattre les Juifs, alors combattons-les ici ». La foule musulmane se dirige ensuite vers le secteur juif de la ville. L’autodéfense juive parvient à retenir les assaillants aux portes du vieux quartier. Selon un plan préalablement établi, les habitants se postent sur les toits et lancent sur les émeutiers pierres, grenades et cocktails molotov. Les pogromistes, surpris par cette résistance, jettent leur dévolu sur les Juifs habitant hors du quartier juif ; c'est là que l'on dénombre la majorité des victimes et la plupart des destructions de biens. L'intervention de la police britannique, qui inclut des Arabes, ajoute à la confusion. Les forces de l'ordre tirent pour rétablir l'ordre et font d'autres victimes. Elles sont caillassées par les deux parties ivres de colère. Des commerces arabes du quartier juif sont pillés en représailles. Quatorze Juifs sont tués, vingt-trois blessés. Les autorités procèdent à l'arrestation de neuf Juifs et soixante-huit Arabes. Parmi ces derniers, seuls neuf sont de Tripoli et sept de Tunis.
Le 16 juin 1948, des incidents surviennent à Benghazi en Cyrénaïque. Plusieurs Juifs sont battus, un commerce pillé et une synagogue brulée. Un homme succombe à ses blessures. La police parvient à faire revenir l'ordre, instaurant un couvre-feu et interdisant le port d'armes. Malgré une amélioration des relations judéo-arabes dans la région, la situation de la minorité juive reste précaire dans les campagnes. Cette instabilité se traduit par la conversion forcée de jeunes femmes juives.