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Les requérants sont des ressortissants portugais nés respectivement en 1949 et 1954, et résidant à La Garenne (France). Le 13 février 1991, A.P. et son épouse introduisirent devant le tribunal de Vila Verde, à l’encontre des requérants et d’une autre personne, une action en bornage (acção de arbitramento para demarcação) visant à faire établir les limites de plusieurs terrains contigus. Cités à comparaître, les requérants déposèrent leur mémoire en réponse le 23 mai 1991. Ils demandèrent par ailleurs l’intervention forcée d’une autre personne. Le 25 juin 1991, le juge fit droit à cette demande ainsi qu’à une autre qui avait été formulée par le codéfendeur, et ordonna la citation des personnes en cause. L’une de ces personnes déposa ses conclusions en réponse le 17 septembre 1991. Le 20 septembre 1991, le greffe informa le juge de ce que la citation de l’autre intéressée n’avait pas été possible en raison de la maladie mentale dont cette dernière souffrait. Le 18 octobre 1991, les requérants demandèrent au juge de désigner un curateur afin de représenter la personne en cause. Après s’être renseigné auprès de l’établissement psychiatrique où l’intéressée se trouvait internée, le juge désigna, par une ordonnance du 4 novembre 1991, la sœur de celle-ci en tant que curateur. Toutefois, le 12 décembre 1991, la personne désignée déclara ne pas pouvoir accepter cette charge, étant elle même partie à la procédure. Le 19 décembre 1991, le juge désigna une autre sœur de l’intéressée en tant que curateur. Le 17 janvier 1992, une commission rogatoire fut adressée au tribunal de Braga afin de citer le curateur. Celui-ci déposa ses conclusions en réponse le 10 mars 1992. Le 4 mai 1993, Mlle M.R.P., la fille des demandeurs, déposa une demande incidente d’habilitation afin de se substituer à ses parents en tant que partie demanderesse, car elle était la nouvelle propriétaire de l’un des terrains en cause. Par une décision du 13 mai 1993, le juge considéra que les intervenants ne pouvaient pas justifier de qualité pour agir, et les écarta de la procédure. Il invita par ailleurs les parties à indiquer leurs experts afin de procéder à l’expertise des terrains. Les experts furent assermentés le 23 juin 1993. L’expertise des terrains eut lieu le 13 juillet 1993. Le juge décida ensuite, sur demande des experts, d’octroyer à ces derniers un délai de dix jours pour le dépôt du rapport d’expertise. Le 16 octobre 1993, le juge invita les experts à déposer leur rapport. Ceux-ci demandèrent, les 22 octobre et 3 novembre 1993, un délai supplémentaire afin de déposer leur rapport. Le rapport d’expertise fut déposé le 10 mars 1994. Le 21 mars 1994, Mlle M.R.P. pria le juge d’ordonner une réunion (conferência) entre tous les intéressés. Par une ordonnance du 12 avril 1994, le juge, constatant que la demande incidente d’habilitation déposée par Mlle M.R.P. n’avait pas encore été tranchée, décida de suspendre l’instance jusqu’à une telle décision. Le 7 octobre 1994, le juge accepta la demande de Mlle M.R.P., et décida que celle-ci serait considérée comme la nouvelle partie demanderesse en substitution de ses parents. Le 8 novembre 1994, le juge fixa la réunion entre tous les intéressés au 13 janvier 1995. Le 22 novembre 1994, S.A. et son épouse soulevèrent une demande incidente d’habilitation afin de se substituer à Mlle M.R.P. en tant que partie demanderesse, car ils avaient acheté l’un des terrains en cause à cette dernière. Le 19 janvier 1995, le juge accepta cette demande. Une réunion entre tous les intéressés eut lieu, comme prévu, le 13 janvier 1995. Vu l’impossibilité de parvenir à un règlement amiable, le juge invita les parties à présenter leur observations sur le bornage, ce qu’elles firent le 27 janvier 1995. Par une ordonnance du 24 juin 1996, le juge invita les demandeurs à produire un document. Le 10 juillet 1996, le juge rendit une décision préparatoire (despacho saneador) spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. Les demandeurs déposèrent une réclamation contre cette décision qui fut tranchée par le juge, le 18 octobre 1996. Après que les parties eurent présenté leurs moyens de preuve, le juge, par une ordonnance du 8 novembre 1996, fixa l’audience au 12 décembre 1996. Le 11 décembre 1996, les requérants demandèrent le report de l’audience à une date postérieure au 31 mars 1997. Le juge fixa une nouvelle audience au 3 avril 1997. Le jour dit, les parties demandèrent un nouveau report d’audience afin de poursuivre des négociations en vue d’un règlement amiable. Le juge fixa une nouvelle audience au 4 novembre 1997. Le jour dit, les parties demandèrent encore un report d’audience, pour les mêmes motifs. Le juge leur fixa un délai de trente jours pour parvenir à un règlement amiable. Le 22 janvier 1998, les parties conclurent un règlement amiable, qui fut homologué par le juge, par un jugement du 26 janvier 1998.
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Le 27 août 1990, la requérante demanda au centre hospitalier régional d'Orléans (C.H.R.O.) la communication de son dossier médical et administratif relatif à un internement psychiatrique. Après avis favorable de la commission d'accès aux documents administratifs, elle put consulter sur place son dossier administratif dont la partie antérieure à 1980 avait été détruite. S'agissant du dossier médical, le C.H.R.O. refusa de communiquer plusieurs documents qualifiés de notes personnelles des médecins. La requérante saisit le tribunal administratif d'Orléans qui, le 17 décembre 1992, annula la décision de refus du C.H.R.O. Après saisine de la section du Rapport et des Etudes du Conseil d'Etat pour obtenir l'exécution du jugement, la requérante eut communication de cent trentehuit documents complémentaires. Le 12 août 1993, la requérante forma auprès du directeur du C.H.R.O. une demande préalable d'indemnisation pour le préjudice qu'elle avait subi en raison, d'une part, de la destruction de son dossier et, d'autre part, du retard dans la communication des documents. Le 27 février 1995, elle saisit le tribunal administratif d'Orléans d'un recours en annulation du refus implicite résultant du silence de l'administration. Elle déposa un mémoire ampliatif le 20 avril 1995. Le C.H.R.O. produisit le 15 mai 1995 un mémoire en défense, auquel elle répliqua le 23 juin 1995. Par mémoires complémentaires des 14 septembre 1995 et 7 août 1997, elle demanda la capitalisation des intérêts. Dans son mémoire du 7 août 1997, elle demanda également que l'affaire, en état d'être jugée, soit appelée à l'une des prochaines audiences. Le C.H.R.O. répondit le 23 septembre 1997. Par jugement du 12 février 1998, le tribunal administratif condamna le C.H.R.O. à verser à la requérante 20 000 F en réparation de son préjudice, ainsi que 2 000 F au titre des frais non remboursables de procédure. Le C.H.R.O. ne fit pas appel. Le 5 juin 1998, la requérante saisit le tribunal administratif d'une requête en exécution forcée. Le 24 juillet 1998, la somme principale fut versée à la requérante. Le 13 novembre 1998, le président du tribunal administratif déclara la requête sans objet, la requérante ayant obtenu satisfaction entre-temps. Le 20 novembre 1998, les intérêts furent versés à la requérante.
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La requérante est une ressortissante portugaise née en 1954 et résidant à Vila Nova de Caparica (Portugal). Victime d’un accident de la circulation ayant entraîné des séquelles graves, notamment un traumatisme crânien et des fractures multiples, la requérante introduisit, le 18 mai 1992, devant le tribunal d’Almada une demande en réparation des dommages résultant de l’accident en cause contre la compagnie d’assurances « S., S.A. ». Par une ordonnance du 5 juin 1992, le juge invita la requérante à compléter sa requête introductive d’instance, ce qu’elle fit le 25 juin 1992. Le juge ordonna ensuite, le 3 juillet 1992, la citation à comparaître de la défenderesse. Celle-ci déposa ses conclusions en réponse le 11 septembre 1992. Elle demanda par ailleurs l’intervention forcée de deux autres compagnies d’assurances. Le 29 octobre 1992, le juge fit droit à cette demande d’intervention et ordonna la citation des compagnies d’assurances en cause, qui déposèrent leurs conclusions en réponse les 23 et 24 novembre 1992. Par une ordonnance du 18 janvier 1993, le juge, constatant à la lecture des mémoires qu’une autre procédure concernant le même accident était pendante devant une autre chambre du tribunal d’Almada, demanda au greffe de recueillir des renseignements sur l’état de ladite procédure. Le juge renouvela sa demande par une ordonnance du 11 mars 1993. Les renseignements en cause furent donnés le 23 mars 1993. Par une ordonnance du 30 mars 1993, le juge décida de joindre les deux procédures, ce qui fut fait le 18 octobre 1993. Le 27 octobre 1993, le juge décida que la procédure concernant la requérante devait attendre le dépôt de tous les mémoires dans l’autre procédure. Le dernier mémoire dans cette même procédure fut déposé le 17 novembre 1993. Le 26 février 1994, le juge rendit une décision préparatoire (despacho saneador) spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. Les 8, 15 et 16 juin 1994, certaines parties présentèrent leurs moyens de preuve, dont une commission rogatoire à adresser au tribunal de Lisbonne afin d’entendre des témoins et recueillir des expertises médicales des victimes de l’accident, dont la requérante. Le 30 septembre 1994, le juge chargea l’Institut de médecine légale de Lisbonne (« l’IML ») de procéder à l’examen médical de la requérante. Le 19 octobre 1994, l’IML fixa la date du premier examen de la requérante au 10 janvier 1995. La commission rogatoire qui avait été envoyée au tribunal de Lisbonne fut retournée le 12 décembre 1994. Le 16 février 1995, l’IML déposa son rapport. Il considéra qu’il était nécessaire de soumettre la requérante à un nouvel examen, mais uniquement après avoir recueilli certains renseignements auprès des différents hôpitaux où la requérante avait été soignée et après que cette dernière eut été soumise à des examens ayant trait à plusieurs spécialités médicales. Par une ordonnance du 6 mars 1995, le juge demanda les renseignements en cause à deux hôpitaux. Ceux-ci demandèrent, les 29 et 30 mars 1995, des renseignements complémentaires sur la nature des éléments sollicités par le tribunal. Le 11 juin 1995, l’un des hôpitaux envoya les éléments en cause. Le 22 septembre 1995, le juge invita les hôpitaux de Lisbonne à effectuer l’examen médical à la requérante qui avait été demandé par l’IML, ce qui fut fait le 24 octobre 1995. Les hôpitaux de Lisbonne envoyèrent leur rapport au tribunal le 2 février 1996. Le 21 février 1996, l’une des défenderesses demanda au tribunal de soumettre à une expertise médicale une autre victime de l’accident et demanderesse dans la procédure qui avait été jointe à la procédure principale. Le premier examen eut lieu le 23 août 1996 et l’IML déposa son rapport le 29 août 1996, estimant qu’un nouvel examen s’avérait nécessaire après l’obtention de renseignements complémentaires. Le 31 octobre 1996, la défenderesse en question pria le tribunal de demander les renseignements en cause à certains hôpitaux, ce que le juge fit le 5 novembre 1996. Il renouvela sa demande le 1er avril 1997. Un nouvel examen de la personne en cause eut lieu le 26 septembre 1997 et l’IML déposa son rapport définitif le 12 janvier 1998. Le 19 janvier 1998, le juge, constatant que la décision préparatoire du 26 février 1994 n’avait pas été portée à la connaissance de l’avocat de la requérante, ordonna de lui en adresser notification. Suite à cette notification, la requérante demanda, le 20 mars 1998, à être soumise à une nouvelle expertise médicale. La procédure est toujours pendante devant le tribunal d’Almada, dans l’attente du rapport définitif d’expertise de l’IML.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant fit l'objet de plusieurs plaintes déposées par le président du conseil régional de l'Ordre des vétérinaires (ci-après l'Ordre). Il lui était reproché d'avoir rédigé en 1985 un faux certificat et d'avoir essayé de l'utiliser, faits ayant donné lieu à sa condamnation, par le tribunal correctionnel de Moulins le 20 juillet 1988 à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende ; d'avoir acquis en 1988 des substances médicamenteuses ne correspondant pas à des soins donnés à des animaux dont il aurait eu la charge ; d'avoir vendu à la même époque des produits à plusieurs éleveurs situés dans des régions très diverses, faits pour lesquels la cour d'appel de Riom l'a condamné en 1989 à quinze mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende ; d'avoir vendu le 24 juin 1992 des médicaments sur le marché aux gros bovins de Sancoins. La chambre régionale de discipline de l'Ordre régional des vétérinaires de la région de Clermont-Ferrand (ci-après la chambre régionale) siégea à huis clos le 11 février 1993. Par décision du même jour, elle estima que ces faits constituaient des infractions à plusieurs articles du Code de la santé publique (L. 610, L. 614, L. 617-6, R. 5146-51 et R. 514652), ainsi qu'à la loi du 16 juillet 1984 et au décret du 27 décembre 1987 régissant les vétérinaires. La chambre régionale condamna en conséquence le requérant à une suspension temporaire d'exercice de huit ans, dont trois ans fermes. Le requérant fit appel devant la Chambre supérieure de discipline de l'Ordre. S'agissant de la procédure, il soutenait, en invoquant la Convention, que la citation était nulle faute d'avoir décrit et qualifié les fait reprochés et que le procès n'était pas équitable, dans la mesure où il avait porté plainte contre le praticien qui avait ensuite occupé le siège du ministère public à l'audience de la chambre régionale de discipline. L'audience eut lieu à huis clos le 28 septembre 1994. Par décision du même jour, la Chambre supérieure de discipline rejeta les arguments du requérant sur la procédure. Sur le fond, elle estima que les premiers juges avaient retenu à tort contre le requérant le fait d'établissement d'un faux certificat, qui était amnistié et que la preuve de la vente de médicaments le 24 juin 1992 sur le marché aux gros bovins n'était pas rapportée. La Chambre supérieure de discipline infirma la décision de première instance sur ces points. En revanche, elle approuva la chambre régionale d'avoir reconnu que le requérant avait acquis en 1988 diverses substances médicamenteuses ne correspondant pas à des soins donnés à des animaux dont il aurait eu la charge et les avait revendues, ces faits révélant l'existence d'un trafic organisé. Toutefois, elle réduisit la sanction prononcée à cinq ans de suspension d'exercice, dont deux ans avec sursis. Le 13 décembre 1994, le requérant forma un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, assorti d'une demande de sursis à exécution de la sanction. Il soutenait, notamment, que les dispositions de l'article 6 de la Convention n'avaient pas été respectées, dans la mesure où la chambre régionale de discipline, juge de première instance, s'était auparavant constituée partie civile contre lui dans la procédure pénale ayant donné lieu à l'arrêt de condamnation de la cour d'appel de Riom. Dès lors, sa cause n'avait pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 6 précité. Il mentionnait également le fait qu'un litige personnel l'avait opposé au praticien faisant office de ministère public devant cette instance. Dans ses observations complémentaires du 24 mai 1995, le requérant faisait en outre valoir que sa cause n'avait pas été entendue publiquement, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Le 30 juin 1995, la commission d'admission des pourvois en cassation du Conseil d'Etat décida de ne pas admettre son pourvoi, au motif qu'aucun des moyens soulevés « ne présent(ait) de caractère sérieux ». II. le droit et la pratique internes pertinents Textes a) Règlement intérieur des conseils supérieur et régionaux de l'Ordre des vétérinaires Article 31 « Le conseil régional de l'Ordre, complété par un conseiller à la cour d'appel en activité ou honoraire, et sous sa présidence, constitue la chambre régionale de discipline (...) Le conseiller à la cour d'appel, président, a voix délibérative (...) » Article 33 « La chambre régionale de discipline exerce la compétence disciplinaire de première instance, dans le ressort territorial de la région, pour tout ce qui concerne l'honneur, la moralité et la discipline de la profession. Elle réprime tous les manquements au Code de déontologie des vétérinaires sur qui elle a juridiction (...) L'action disciplinaire est exercée par le président du conseil régional de l'Ordre dont dépend le vétérinaire qui en fait l'objet. Il est saisi par plainte émanant du ministre de l'Agriculture, du préfet, du président du Conseil supérieur de l'Ordre, du président d'un conseil régional, du président d'un syndicat de vétérinaires, du directeur des services vétérinaires départementaux, du procureur de la République, d'un vétérinaire inscrit au tableau de l'Ordre ou encore de tout intéressé. Il peut également agir d'office (...) » Article 41 « La chambre de discipline peut appliquer les peines disciplinaires suivantes : 1° l'avertissement ; 2° la réprimande (...) 3° la suspension temporaire du droit d'exercer la profession, pour une durée maximum de dix ans, dans un périmètre qui ne pourra excéder le ressort de la chambre régionale qui a prononcé la suspension (...) 4° la suspension provisoire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans, sur tout le territoire de la France (...) 5° la radiation du tableau général de l'Ordre (...) » Article 44 « Appel des décisions de la chambre régionale de discipline peut être porté devant la Chambre supérieure de discipline dans les conditions fixées aux articles 46 et 47 (...) L'appel a un effet suspensif. » Article 45 « La Chambre supérieure de discipline est composée des membres du Conseil supérieur de l'Ordre et d'un conseiller à la Cour de cassation en activité ou honoraire, exerçant la présidence (...) Le conseiller à la Cour de cassation, président, a voix délibérative. Le président du Conseil supérieur de l'Ordre prend les réquisitions, il ne prend pas part à la délibération (...) » Article 48 « Les règles de procédures exposées aux articles 35, 36, 37, 38, 39 et 40 s'appliquent devant la Chambre supérieure de discipline (...) » Article 49 « La Chambre supérieure de discipline peut prononcer les peines prévues à l'article 41. » Article 50 § 3 « Les décisions de la Chambre supérieure de discipline peuvent être déférées au Conseil d’Etat dans les conditions de droit commun. » b) Procédure de cassation Article 11 de la loi du 31 décembre 1987 « Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux (...) » Article 28-1 du décret du 30 juillet 1963 (tel que modifié par le décret du 2 septembre 1988) « La commission d'admission des pourvois en cassation comprend un président, un président suppléant et des assesseurs choisis parmi les conseillers d'Etat en service ordinaire, des maîtres des requêtes et des auditeurs lui sont affectés en qualité de rapporteurs. » Jurisprudence Selon une jurisprudence constante au moment des faits, le Conseil d'Etat considérait que l'article 6 de la Convention était inapplicable aux juridictions disciplinaires (cf. notamment arrêt du 29 octobre 1990 cité in arrêt Diennet c. France du 26 septembre 1995, série A n° 325-A, p. 9, § 13). Ainsi, le Conseil d'Etat rejetait tout moyen de cassation fondé sur l'article 6 § 1 de la Convention et notamment sur le caractère non public des débats devant les instances ordinales (cf. notamment arrêts Debout du 27 octobre 1978, Recueil Lebon, p. 395 ; Subrini du 11 juillet 1984, Recueil Lebon, p. 259). Il a rappelé, dans un arrêt du 11 janvier 1993 (arrêt Bezelgues), que « les juridictions disciplinaires ne statuent pas en matière pénale et ne tranchent pas de contestations sur des droits et obligations en matière civile ; dès lors, les dispositions précitées de l'article 6 de la Convention européenne ne leur sont pas applicables. » Cette jurisprudence était suivie par les instances disciplinaires des ordres professionnels. Toutefois, par un arrêt du 29 juillet 1994 (Département de l'Indre, Recueil Lebon, p. 363), le Conseil d'Etat a estimé que la décision de la commission centrale d'aide sociale statuant sur une demande de récupération d'une aide sociale « a[vait] le caractère d'une décision juridictionnelle qui tranche une contestation relative à des droits et obligations de caractère civil, au sens des stipulations (...) de l'article 6 § 1 de la Convention (...) ». Dès lors, l'audience devant la commission devait être publique. Enfin, le 14 février 1996, saisi d'un recours en annulation dirigé contre le décret du 27 novembre 1991 ayant organisé la profession d'avocat, le Conseil d'Etat a rendu un arrêt d'assemblée (Maubleu, AJDA 1996, p. 403) dans lequel il a examiné, au regard de l'article 6 § 1 de la Convention, un moyen tenant à la méconnaissance du principe de publicité des débats. CONCLUSIONS PRéSENTéES À LA COUR Le conseil du requérant demande à la Cour de constater la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et d’accorder à son client une satisfaction équitable. Le Gouvernement, qui s’est limité à soulever une exception de nonépuisement des voies de recours internes, ne présente aucun argument sur le fond et n’a pas soumis d’observations quant aux demandes de satisfaction équitable du requérant.
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Le 29 mars 1990, la requérante assigna l’entreprise N. devant le tribunal de Rome afin d’obtenir réparation des dommages subis suite à la résiliation d’un contrat de construction. La mise en état de l'affaire commença le 10 mai 1990. Le 14 novembre 1990, le juge de la mise en état nomma un expert, qui prêta serment le 27 mars 1991. Le 4 avril 1991, l’audience fut renvoyée au 24 avril 1991, car le dossier de l’affaire avait été égaré. Des huit audiences fixées entre le 7 novembre 1991 et le 26 octobre 1994, six concernèrent le rapport d’expertise et deux l’égarement du dossier. Le 2 février 1995, le juge de la mise en état ordonna un complément d’expertise. Après deux audiences relatives au complément d’expertise, le 14 novembre 1996, l’audience fut ajournée d’office au 11 juin 1997. Le jour venu, l’audience fut reportée au 3 décembre 1997 à cause de l’absence des parties. L’audience de présentation des conclusions fut fixée au 19 mars 1998. A cette date, la procédure fut interrompue suite à la mise en faillite de la société N.
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Le 7 octobre 1986, la requérante assigna l’administration provinciale de Bénévent devant le tribunal de la même ville afin d’obtenir le paiement d’une somme pour enrichissement sans cause, suite à des travaux de nettoyage complémentaires non prévus dans le contrat conclu entre les parties. L’instruction de l’affaire commença le 3 décembre 1986. Après un renvoi d’office, le 1er juillet 1987, le juge de la mise en état admit l’audition de témoins. L’audition prévue à cette fin se tint, après trois renvois d’office, le 8 mars 1989. Après un autre renvoi d’office, le 18 avril 1990, les parties demandèrent la fixation de la date de l’audience afin de continuer l’audition des témoins. Les audiences prévues pour les 18 et 24 octobre 1990 furent reportées d’office au 28 novembre 1990. Par une ordonnance du 31 janvier 1991, le juge de la mise en état nomma un expert, qui prêta serment le 27 février 1991. Des cinq audiences prévues entre le 30 octobre 1991 et le 23 février 1994, deux furent reportées d’office et deux furent renvoyées dans l’attente du dépôt au greffe du rapport d’expertise. Le 5 octobre 1994, les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries, fixée au 23 avril 1996, fut reportée d’office au 15 avril 1997. Par un jugement du 6 mai 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 29 mai 1997, le tribunal fit droit à la demande de la requérante. Le 19 janvier 1998, l’administration provinciale interjeta appel devant la cour d’appel de Naples. L’instruction de l’affaire commença le 5 mai 1998. Le 29 septembre 1998, le conseiller de la mise en état fixa la date de l’audience de présentation des conclusions au 3 novembre 1998. Le jour venu, celui-ci ajourna l’affaire au 24 mars 1999.
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Ressortissant français, M. Donsimoni est né en 1942 et réside à Paris, où il exerçait les fonctions d’huissier de justice au sein d’une étude. Au cours de l’année 1993, une enquête préliminaire diligentée par les services de gendarmerie de Toulouse permit de découvrir et de saisir dans les locaux de la société OFIR (Office français de recouvrement), dirigée par les époux G., des documents intitulés « dernier avertissement sans frais » à en-tête du requérant, huissier de justice associé à Paris. Ces documents, qui portaient la signature et le cachet de cet huissier précisaient « tout règlement doit être effectué en l’étude de Me Donsimoni, huissier de justice ». A la suite de la saisie de ces documents, une information fut ouverte le 6 janvier 1994 contre les époux G. pour escroquerie et immixtion sans titre dans une fonction publique, et contre le requérant pour complicité de ces délits. L’enquête permit d’établir que les débiteurs faisaient parvenir leurs règlements par chèques ou mandats à l’adresse du requérant, qui avait ouvert à cet effet une boîte postale à Paris. Le courrier était ramassé par un coursier, puis transmis à la société OFIR, sans que le requérant en ait pris préalablement connaissance. A leur réception, M. G. répondait aux contestations des débiteurs, retournait les mandats au requérant, et remettait les chèques sur le compte bancaire de celui-ci, ouvert à Toulouse, après les avoir endossés à l’aide du tampon. M. G., qui avait procuration sur ce compte, était chargé de le gérer ; il y prélevait les sommes destinées à ses clients et ses honoraires, le solde revenant au requérant. Il chiffrait à 500 000 francs le montant des sommes perçues annuellement par le requérant. Ce dernier n’intervenait que dans deux cas, à l’occasion de plaintes de débiteurs ayant déjà réglé la créance, et dans les cas de saisine de la chambre des huissiers d’une réclamation. Le 29 mars 1994, le requérant fut mis en examen par le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Paris des chefs de complicité d'escroquerie et d'immixtion sans titre dans une fonction publique. Ce même jour, le requérant fut placé en détention provisoire. Le 10 juin 1994, le magistrat instructeur rendit une ordonnance de mise en liberté assortie d'un contrôle judiciaire comprenant notamment l'obligation de verser un cautionnement de 350 000 francs et l'interdiction de se livrer à l'activité professionnelle d'huissier de justice. Sur appel du requérant, la chambre d'accusation près la cour d'appel de Paris, par arrêt du 1er juillet 1994, infirma partiellement l'ordonnance du 10 juin 1994. Le 26 octobre 1994, le juge d'instruction rendit une ordonnance de refus de modification du contrôle judiciaire. Le 2 décembre 1994, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris confirma cette ordonnance. Le 15 décembre 1994, le requérant fut placé à nouveau en détention provisoire, faute pour lui d'avoir été en mesure de s'acquitter du versement du cautionnement mis à sa charge. Le 6 janvier 1995, le requérant fut remis en liberté par la chambre d'accusation et ce, sans cautionnement. Par ailleurs, le 19 janvier 1995, le parquet de Paris prit un réquisitoire supplétif contre le requérant et M. M., confrère huissier de l’étude du requérant. Parallèlement, le 20 avril 1994, le procureur général près le tribunal de grande instance de Paris assigna le requérant à l'effet d'obtenir la suspension provisoire de ses fonctions d'huissier de justice. Le 10 juin 1994, le tribunal de grande instance de Paris débouta le ministère public de sa demande. Sur appel de ce dernier, la cour d'appel de Paris infirma la décision précitée et le requérant fut suspendu provisoirement de ses fonctions d'huissier de justice et ce, dans l'attente d'une décision définitive sur les poursuites pénales dont il faisait l'objet. Le 2 février 1995, le requérant sollicita la désignation d’un administrateur provisoire. Par arrêt du 8 février 1995, la cour d’appel fit droit à cette demande, et désigna M. P. Par ailleurs, sur demande de la Chambre des huissiers de justice de Paris, le président du tribunal de grande instance de Paris rendit une ordonnance décidant la fermeture de l’étude du requérant. Cette décision fut confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mai 1997. Le 6 octobre 1994, le juge d'instruction ordonna une mesure d'expertise. Celleci devait être remise dans un délai de six mois. Une fois le délai écoulé sans que les deux experts désignés n’eussent dressé le moindre rapport, le requérant délivra le 8 juillet 1995 une sommation interpellative à chacun des deux experts commis. Aucune réponse satisfaisante n'ayant été apportée, le requérant sollicita du magistrat instructeur la clôture de l'information, en application de l'article 175-1 du code de procédure pénale. Cette demande fut rejetée par décision du juge d’instruction du 25 août 1995. Le pourvoi en cassation du requérant fut déclaré irrecevable par décision de la Cour de cassation du 16 février 1996. Le 15 juillet 1995, le juge d’instruction rendit une ordonnance de rejet de modification du contrôle judiciaire, qui fut confirmée par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris le 3 août 1995. Le 25 août 1995, le juge d'instruction rendit une ordonnance de refus de clôture de l'instruction motivée, d'une part, par l'obligation d'attendre le dépôt du rapport d'expertise et, d'autre part, par le fait que de multiples actes d'instruction avaient été effectués. Entre-temps, le 8 février 1995, la cour d'appel de Paris désigna un administrateur provisoire de l'étude d'huissier dans laquelle le requérant était coassocié. Le 15 janvier 1996, les deux experts déposèrent leur rapport. Le 19 juin 1996, le juge d’instruction ordonna une expertise complémentaire. Le délai pour la remise du rapport fut fixé au 20 janvier 1997. Le nouveau rapport fut déposé le 20 mars 1997. Le 25 avril 1997, le juge d’instruction rejeta une demande de mainlevée du contrôle judiciaire. Par arrêt du 14 mai 1997, la chambre d'accusation infirma partiellement cette décision et modifia la périodicité de l’obligation de présentation du requérant au service du contrôle judiciaire. Le 14 novembre 1997, le juge d’instruction avisa l’ensemble des parties que l’instruction lui paraissait terminée. Le 2 décembre 1997, le requérant sollicita une mesure d’instruction complémentaire. Cette demande fut rejetée par le magistrat instructeur, qui communiqua le dossier au procureur de la République le 5 décembre 1997. Le 25 juin 1998, le magistrat instructeur rendit une ordonnance de renvoi devant le tribunal de grande instance de Paris du requérant pour complicité d’immixtion dans une fonction publique, escroquerie et abus de confiance aggravé. Le requérant fit appel de cette ordonnance. Par arrêt du 7 août 1998, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris confirma l’ordonnance entreprise. Initialement audiencée au 29 janvier 1999, l’affaire fut renvoyée aux audiences des 9 et 16 avril 1999. Par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 mai 1999, le requérant a été condamné du chef d’escroquerie et complicité d’exercice d’activité dans des conditions créant la confusion avec une fonction publique à la peine de quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis, à 600 000 francs d’amende et à la privation pour une durée de cinq ans de tous les droits civiques, civils et de famille. Le requérant a fait appel de cette décision auprès de la cour d’appel de Paris.
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Le requérant est un ressortissant algérien, né en 1971 et résidant à Roanne. Le requérant est entré en France au mois d'octobre 1971, avec ses parents et ses frères et sœurs, dans le cadre d'un regroupement familial. Depuis lors, il a toujours vécu en France. Il est le quatrième enfant d'une fratrie de dix enfants. Tous ses frères et sœurs résident en France, et quatre sont de nationalité française. Dans le cadre d’une investigation sur un trafic international de stupéfiants, le requérant fut interpellé par la police le 3 novembre 1992. Le 6 novembre 1992, il fut inculpé du chef d'importation, transport, détention, offre et acquisition de produits stupéfiants par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Roanne, faits commis entre février et novembre 1992. Le requérant fut placé en détention provisoire le même jour. Il reconnut avoir participé à un trafic d'héroïne et estima la totalité de ses gains à 12 000 et 14 000 francs. Par ailleurs, il reconnut avoir vendu deux cents grammes de résine de cannabis pour un profit de 5 500 francs. Il reconnut également avoir fait deux voyages à Amsterdam, l’un pour rapporter vingt grammes de « poudre » qu’il revendit en grande partie, l’autre pour « faire la fête ». Après avoir effectué environ une année de détention, le requérant fut remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du 4 novembre 1993. Vingt jours plus tard, il fut interpellé à Saint-Etienne, en violation de l’obligation qui lui était impartie de ne pas quitter Roanne. Le requérant fut à nouveau placé en détention provisoire, afin de préserver les garanties de sa représentation. Par un jugement du 18 avril 1994, le tribunal de grande instance de Roanne condamna le requérant à la peine de trois ans d'emprisonnement dont six mois avec sursis, assortie d'un délai d'épreuve de 18 mois, outre 10 000 francs d'amende pour infraction à la législation sur les stupéfiants (héroïne, cocaïne et hachisch). Le requérant interjeta appel de cette décision, de même que le ministère public. Par un arrêt du 9 février 1995, la cour d'appel de Lyon confirma le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et le réforma sur la peine en condamnant le requérant à la peine de quatre ans d'emprisonnement, à l'interdiction des droits civiques pour une durée de cinq ans et à l'interdiction définitive du territoire français. Le 14 février 1995, le requérant forma un pourvoi en cassation. Dans son pourvoi, le requérant invoqua la violation de l'article 7 de la Convention en estimant que les juges du fond n'avaient pas caractérisé dans leurs décisions toutes les circonstances exigées par la loi pour les délits de trafic de stupéfiants pour lesquels il avait été condamné. Invoquant la violation du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, le requérant allégua également que l'interdiction définitive du territoire français ne pouvait pas être prononcée à son encontre, sur la base de l'article 222-48 du nouveau code pénal, alors que les faits reprochés avaient été commis courant 1992, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du nouveau code pénal. Sur ce point, il fit valoir aussi qu'en raison de l'ancienneté de sa présence en France, l'article L. 630-1 ancien du code de la santé publique ne pouvait lui être appliqué. Les 31 mai et 14 juin 1995, le requérant demanda des prorogations de délai pour la présentation d’un mémoire ampliatif qu’il déposa le 4 octobre 1995. Le 29 janvier 1996 fut désigné le conseiller rapporteur. Celui-ci déposa son mémoire le 29 mai 1996. Le 12 juin 1996 fut désigné l’avocat général. Le 16 octobre 1996, l’affaire fut renvoyée à une première audience. Le 29 novembre 1996, le requérant fut libéré après avoir purgé sa peine. Le 17 décembre 1996 fut désigné un nouvel avocat général. Par un arrêt du 21 mai 1997, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Entre-temps, le 9 août 1996, naquit un enfant de Mlle L.V., de nationalité française, que le requérant reconnut quatre mois plus tard. Le 11 août 1997, le requérant présenta une requête en relèvement de l’interdiction définitive du territoire français devant la cour d’appel de Lyon. Par un arrêt du 20 octobre 1998, la cour d’appel déclara la requête irrecevable. Le 8 octobre 1998, naquit un deuxième enfant de Mlle L.V., que le requérant reconnut le 26 octobre 1998.
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Le 19 juin 1987, M. D. assigna le requérant et une autre personne devant le tribunal de Pise afin d'obtenir le paiement d'une somme due pour la médiation d'un contrat de vente immobilière. La mise en état de l'affaire commença le 21 septembre 1987. L'audience fixée au 16 mai 1988 fut remise d'office au 26 septembre 1988. Le 18 décembre 1990, l'avocat du requérant renonça à son mandat et eut lieu l'audition de témoins. Les parties présentèrent leurs conclusions le 10 avril 1991. L'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 9 avril 1994. Par un jugement du 2 juin 1994, déposé au greffe le 20 septembre 1994, le tribunal fit droit à la demande de M. D. Le 14 avril 1995, le requérant interjeta appel devant la cour d'appel de Florence. L'instruction commença le 9 décembre 1995. A cette date, le conseiller de la mise en état renvoya l'audience au 21 décembre 1995, car le dossier de la cause avait été égaré. Les parties présentèrent leurs conclusions le 15 février 1996 et l'audience de plaidoiries eut lieu le 3 décembre 1996. Par un arrêt du même jour, déposé au greffe le 15 février 1997, la cour rejeta l'appel du requérant. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. M. C. a saisi la Commission le 23 février 1996. Invoquant l'article 6 §§ 1 et 3 c) et d), il se plaignait de la durée de la procédure civile, de ne pas avoir bénéficié de l'assistance d'un avocat de son choix et du refus de la juridiction saisie de son affaire d'entendre un témoin. Le 8 juillet 1998, la Commission a retenu la requête (n° 38478/97) quant au premier grief et l'a rejetée pour le surplus. Dans son rapport du 27 octobre 1998 (ancien article 31), elle conclut à l'unanimité à la violation de l'article 6 § 1.
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Le 20 mars 1986, le requérant obtint du juge d’instance de Cosenza une injonction de payer une somme suite à des travaux réalisés en exécution d’un jugement. Ladite injonction fut notifiée le 15 avril 1986 à M. T. et Mme R. Le 8 mai 1986, M. T. et Mme R. firent opposition à l’injonction de payer. L’instruction commença le 14 mai 1986. Après une audience, par une ordonnance du 8 septembre 1986, le juge d’instance ordonna la suspension de l’exécution de l’injonction et ajourna l’affaire au 5 novembre 1986. Par une ordonnance du 12 novembre 1986, le juge d’instance nomma un expert qui prêta serment le 28 janvier 1987. Le 8 avril 1987, l’expert versa au dossier son rapport d’expertise et le juge ajourna l’affaire au 10 juin 1987. Par une ordonnance du 13 août 1987, le juge d’instance fixa la date de présentation des conclusions au 18 novembre 1987. Cette audience fut reportée d’office au 25 novembre et par la suite au 2 décembre 1987. Le jour venu, le juge déclara l’interruption de la procédure en raison du décès de M. T. Le 22 février 1988, le requérant reprit la procédure. Le 17 mars 1988, la partie défenderesse présenta ses conclusions, tandis que le requérant demanda un renvoi afin de présenter les siennes et le juge ajourna l’affaire à cette fin au 21 avril 1988. Le 26 octobre 1988, le juge d’instance mit l’affaire en délibéré. Par un jugement du 23 décembre 1988, dont le texte fut déposé au greffe le 24 décembre 1988, le juge d’instance fit droit à la demande du requérant. Le 20 juin 1989, le requérant obtint une saisie immobilière à l’encontre de Mme R. et des héritiers de M. T. Le 26 juin 1989, le président du tribunal de Cosenza nomma le juge de l’exécution. Le 20 juillet 1989, le requérant demanda au juge de l’exécution de fixer la date pour la vente des biens saisis. Le 31 juillet 1989, le juge donna au requérant un délai de six mois afin de déposer au greffe les documents nécessaires pour la continuation de la procédure. A une date non précisée, la Caisse d’Épargne de Calabre intervint dans la procédure à l’encontre du requérant et ses défendeurs. Le 30 mars 1990, l’avocat de la Caisse d’Épargne de Calabre, demanda une prorogation du délai pour déposer au greffe les documents nécessaires pour la continuation de la procédure. Le 22 janvier 1992, le juge de l’exécution donna à la Caisse d’Épargne de Calabre un délai de six mois afin de déposer au greffe les documents nécessaires pour procéder à l’exécution. Selon un certificat du greffe du tribunal de Cosenza fourni par le requérant, la procédure était encore pendante au 8 avril 1999.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, tous ressortissants britanniques, sont domiciliés au Royaume-Uni, à l’exception de M. McDaid, qui réside en Allemagne. 9. A l’époque des faits, les requérants dont les noms suivent servaient dans la Royal Air Force : M. Cable, M. Elliott, M. Poinen, M. Birnie, M. Pascoe, M. Jarrett, M. Frame, M. R.M. Smith, M. Hunt, M. Billing, M. Barron, M. Rodgers, M. Young, M. G.E. Smith, M. Evans, M. Potter, M. Boullemier, M. Graham, M. Ledger, M. Wardle, M. Lewis, M. Wilson, M. Curran et M. Bruce. Les onze autres requérants, à savoir : M. Partoon, M. Battle, Mme Hiley, M. McDaid, M. Campbell, M. Finch, M. Gooch, M. Smart, M. Roberts, M. Nash et Mme Powell servaient dans l’armée de terre. Les requérants furent tous inculpés d’une ou plusieurs infractions au droit pénal commun ou aux règles disciplinaires des forces armées, puis jugés et condamnés par une cour martiale en vertu de la loi de 1955 sur l’armée de l’air (Air Force Act) ou de la loi de 1955 sur l’armée de terre (Army Act) (paragraphes 11 et 12 ci-dessous). Tous plaidèrent non coupable, sauf M. Rodgers et M. Lewis, qui plaidèrent coupable. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les dispositions pertinentes de la loi de 1955 sur l’armée de terre et de la loi de 1955 sur l’armée de l’air sont exposées dans l’arrêt Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997 (Recueil des arrêts et décisions 1997-I, pp. 272-275, §§ 32-51) et dans l’arrêt Coyne c. Royaume-Uni du 24 septembre 1997 (Recueil 1997-V, pp. 1848-1852, §§ 20-44). Au centre du dispositif mis en place par ces lois de 1955 se trouvait « l’officier convocateur » (convening officer). Cet officier (qui devait avoir un certain rang et être chargé du commandement d’un corps des forces régulières ou appartenant au groupe d’unités dont relevait le prévenu) avait la responsabilité de toute affaire devant être jugée par une cour martiale. Il devait décider de la nature et du détail des accusations ainsi que du type de cour martiale requis, qu’il était aussi chargé de convoquer. Il établissait un ordre de convocation, précisant notamment la date, le lieu et l'heure du procès, le nom du président et l'identité des autres membres, susceptibles d'être tous désignés par lui. A défaut de nomination d'un judge advocate par le Bureau du Judge Advocate General, l’officier convocateur pouvait le désigner lui-même. Il nommait également ou donnait instruction à un chef de corps de désigner l'officier procureur. Avant l'audience, l'officier convocateur envoyait un résumé des dépositions à l'officier procureur et au judge advocate, et pouvait indiquer les passages susceptibles d'être déclarés irrecevables. Il veillait à la comparution à l'audience de tous les témoins à charge. Il donnait d'ordinaire son consentement à l'abandon de certaines charges, encore que ce ne fût pas toujours nécessaire, et, lorsque le prévenu sollicitait le bénéfice de circonstances atténuantes, sa demande ne pouvait être accueillie sans le consentement de l'officier convocateur. Celui-ci devait aussi faire en sorte que le prévenu pût convenablement préparer sa défense, avoir un représentant au besoin et prendre contact avec les témoins à décharge. Il devait veiller à ordonner la comparution à l'audience de tous les témoins lorsqu'elle était « raisonnablement requise » par la défense. L'officier convocateur pouvait dissoudre la cour martiale avant ou pendant le procès, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. En outre, il pouvait formuler des observations sur la procédure de la cour martiale. Ces observations n'étaient pas versées au dossier mais généralement communiquées à part aux membres de la cour sauf dans le cas exceptionnel d'une publicité de l’instruction nécessaire dans l'intérêt de la discipline, ce qui permettait alors de les diffuser dans les consignes de la circonscription militaire. D'ordinaire, l'officier convocateur remplissait également la fonction d'officier confirmateur (confirming officer). Les conclusions d'une cour martiale ne prenaient effet qu'une fois confirmées par cet officier, qui pouvait ne pas entériner la décision, prononcer une autre sentence, reporter l'application d'une peine ou la remettre en tout ou en partie. Depuis les procès des requérants, la législation a été modifiée par la loi de 1996 sur les forces armées – Armed Forces Act 1996 (arrêt Findlay précité, p. 276, §§ 52-57). PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION Dans leurs requêtes à la Commission (paragraphe 1 ci-dessus), les requérants soutenaient s’être vu refuser un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, au mépris de l’article 6 § 1 de la Convention. La Commission a retenu les requêtes le 9 avril 1997, à l’exception de celles de M. Bruce, M. Nash et Mme Powell, qu’elle a déclarées recevables le 2 juillet 1997. Dans ses trente-cinq rapports du 4 mars 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule à l’unanimité l’avis qu’il y a eu dans chaque affaire violation de l’article 6 § 1 en ce que le requérant n’a pas bénéficié d’un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, et qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs des intéressés concernant des aspects particuliers de l’équité des procédures devant les cours martiales. Le texte intégral de ses avis figure en annexe au présent arrêt1. CONCLUSIONS PRÉSENTÉES À LA COUR Le Gouvernement ne conteste pas le constat de violation de l’article 6 § 1 formulé par la Commission ; il déclare cependant avoir déféré les affaires à la Cour en vue d’obtenir une décision sur le montant de l’éventuelle satisfaction équitable à accorder aux requérants en vertu de l’article 41 de la Convention (ancien article 50). Les requérants ont invité la Cour à constater, pour les raisons exposées dans les arrêts Findlay et Coyne précités, que les cours martiales qui les ont jugés n’étaient pas indépendantes et impartiales au sens de l’article 6 § 1. Ils réclament par ailleurs une réparation au titre du préjudice matériel et du dommage moral, ainsi que des frais et dépens.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPèCE A. Le premier requérant M. Lustig-Prean (le premier requérant) entra comme opérateur radio dans le corps de réserve de la marine et, en 1982, intégra la Royal Navy. Le 27 avril 1983, il fut engagé en tant qu’aspirant dans les services administratifs de la marine. Dans son rapport d’évaluation de novembre 1989, il était décrit comme un officier ayant un « fort potentiel » et « le type même de personne que la Royal Navy devait attirer et retenir ». Dans son rapport d’évaluation de décembre 1993, son chef de corps concluait en ces termes : « c’est un homme équilibré, intelligent et compétent à qui je fais en tout point confiance. Il a d’excellentes chances d’arriver très tôt au grade de capitaine de frégate. » En 1994, le requérant fut promu capitaine de corvette. Avant juin 1994, le requérant avait entretenu durant trente mois environ une liaison stable avec un partenaire civil. Au début du mois de juin 1994, il apprit qu’une personne anonyme avait donné son nom au bureau des enquêtes spéciales de la marine (the Royal Navy Special Investigations Branch – « la police militaire ») en rapport avec une allégation d’homosexualité, et qu’une enquête était ouverte à ce sujet. L’intéressé avoua à son chef de corps qu’il était homosexuel. Le 13 juin 1994, le requérant fut interrogé pendant une vingtaine de minutes sur ses préférences sexuelles par des membres de la police militaire. Au début de l’interrogatoire, il fut avisé qu’il n’était pas tenu de répondre aux questions et que toute déclaration de sa part pourrait être versée au dossier par la suite. Il fut également informé qu’il pouvait consulter un homme de loi. Le requérant déclara qu’il connaissait ses droits et accepta d’être interrogé sans assistance juridique. Il affirma alors être homosexuel, et admit qu’il avait eu des liaisons homosexuelles depuis son adolescence. On lui demanda alors notamment s’il avait eu des relations homosexuelles avec des militaires (il y eut au moins quatre questions à ce sujet), quel type de rapports sexuels il avait eus avec une personne en particulier, quand et où cela s’était produit, comment se passait sa liaison actuelle et si ses parents étaient au courant de son homosexualité. On l’interrogea à plusieurs reprises sur l’identité de la personne qui l’avait averti que la police militaire enquêtait sur lui ; on lui expliqua que l’on posait cette question parce que la police militaire avait « beaucoup d’informations sur certaines choses » et que quelqu’un « [la] renseignait ». Le requérant indiqua qu’il était désireux d’aider la police militaire afin que la question demeurât aussi « privée et discrète que possible ». Il fut alors informé que l’on procédait normalement à une perquisition, mais celle-ci ne fut pas effectuée puisque, par anticipation, le requérant avait déjà enlevé de sa chambre tout élément à charge. M. Lustig-Prean fut de nouveau interrogé le 14 juin 1994 pendant une dizaine de minutes. On lui expliqua que l’on voulait lui poser des questions concernant une allégation, contenue dans une lettre anonyme adressée à son chef de corps quelque temps auparavant, selon laquelle il avait eu une liaison avec un militaire. L’enquêteur précisa alors qu’il « fai[sait] [son] possible pour éviter d’aller à Newcastle et d’enquêter sur l’affaire », comme le souhaitait le requérant. On demanda alors à ce dernier s’il avait eu la liaison alléguée dans la lettre anonyme, dont on lui donna lecture. L’auteur de cette lettre affirmait qu’il avait récemment eu des relations avec le requérant, que lui-même était séropositif et qu’il pensait que le requérant avait une liaison avec un membre des forces armées. Le requérant fut invité à faire des commentaires sur la lettre, notamment quant à son auteur. Son interlocuteur lui demanda alors « par simple intérêt, bien que ce soit personnel », s’il était séropositif. A cet égard, on indiqua au requérant à plusieurs reprises que le deuxième interrogatoire visait à éviter d’autres investigations. L’enquêteur lui expliqua également que cela « [lui] retomberait dessus » s’il n’effectuait pas des recherches convenables sur la lettre anonyme. Dans un rapport d’évaluation final en date du 14 juin 1994, le chef de corps du requérant nota que ce dernier quittait la marine « avec la réputation bien méritée d’avoir des compétences professionnelles exceptionnelles et des qualités personnelles admirables ». Il concluait que « la loyauté, la fiabilité et la constante dignité » de l’intéressé « laisseraient de grands regrets ». Le 16 décembre 1994, le ministère de la Marine (Admiralty Board) informa le requérant qu’il avait été décidé de lui retirer son brevet d’officier et de lui signifier sa révocation administrative, avec effet au 17 janvier 1995. Sa révocation était motivée par ses préférences sexuelles. Son brevet d’officier lui fut retiré et la plus grande partie de l’indemnité qui accompagnait cette promotion (4 875 livres sterling sur 6 000) fut récupérée par les autorités navales. Son engagement aurait sinon pris fin en 2009, avec possibilité de renouvellement. B. Le second requérant Le 20 février 1989, M. Beckett (le second requérant) s’engagea pour vingt-deux ans dans la Royal Navy. En 1991, il devint spécialiste des armes. Selon un rapport du 27 novembre 1992, le requérant montrait des dispositions dans plusieurs domaines essentiels à un bon dirigeant, possédait des qualités de meneur d’hommes au-dessus de la moyenne et, s’il appliquait ses nouvelles compétences avec discernement, pourrait, avec un peu d’expérience, être considéré comme un candidat potentiel au rang d’officier. En mai 1993, le requérant s’était vu refuser une permission pour régler un problème personnel (il souhaitait aller chercher les résultats de son test de dépistage du sida) et en parla alors à l’aumônier militaire, à qui il avoua son orientation sexuelle. Le 10 mai 1993, le chef de corps du requérant lui demanda de répéter ce qu’il avait dit à l’aumônier et il reconnut de nouveau son homosexualité devant cet officier. Il fut alors convoqué à un interrogatoire par la police militaire. Il fut averti dans les mêmes termes que le premier requérant et on lui dit qu’il ne serait interrogé sur les aveux susmentionnés qu’après une perquisition de son armoire. Son consentement à cette perquisition fut demandé et obtenu. L’interrogatoire, qui avait duré environ cinq minutes, fut suspendu durant la perquisition pendant laquelle furent saisies des diapositives (sur lesquelles figuraient l’intéressé, son partenaire et certains de ses amis militaires) ainsi que des cartes postales personnelles. 19. L’interrogatoire du requérant par la police militaire reprit alors et dura une heure environ. Le requérant admit immédiatement son homosexualité, précisant ensuite qu’il avait commencé à avoir « des doutes » sur son orientation sexuelle environ deux ans et demi plus tôt. Il fut alors interrogé sur une ancienne liaison avec une femme ; on lui demanda le nom de cette femme et d’où elle était, quand il avait eu cette relation, pourquoi elle s’était terminée, s’ils avaient eu des relations sexuelles, si cette liaison lui avait été agréable et si « [cette personne] n’était pas assez bien pour [lui] ». On sollicita des précisions quant à la façon dont il avait pris conscience de son homosexualité et ce qu’il avait fait à ce moment-là, et, à cet égard, on lui demanda quelle sorte de sentiments il éprouvait pour les hommes, s’il avait « subi des attouchements » ou « des abus » dans son enfance et s’il achetait des magazines pornographiques. On interrogea ensuite le requérant sur sa première et actuelle liaison homosexuelle, qui avait débuté en décembre 1992 ; à ce propos, on lui réclama des précisions sur sa première nuit avec son partenaire, qui faisait « le mec » (« butch ») et qui faisait « la nana » (« bitch ») dans la relation et ce que « faire le mec » signifiait en termes sexuels. On sollicita des détails sur leurs relations sexuelles et on lui demanda s’ils utilisaient des préservatifs, des lubrifiants et d’autres accessoires sexuels, s’ils avaient déjà eu des relations sexuelles dans un lieu public et comment ils souhaitaient que leur liaison évolue. On lui posa également des questions sur les bars homosexuels qu’il fréquentait, et on l’invita à dire s’il avait déjà répondu à des petites annonces, si ses parents étaient au courant de son homosexualité et s’il reconnaissait que sa vie secrète pouvait être utilisée à des fins de chantage et faire ainsi de lui un maillon faible dans le service. Les diapositives et les cartes postales personnelles qui avaient été saisies dans son armoire furent examinées, et le requérant fut interrogé en détail sur leur contenu. Le rapport de la police militaire, rédigé après l’interrogatoire du requérant, comprenait plusieurs documents internes où il était noté que le fait que le requérant avait admis ouvertement son homosexualité et sa liaison avec un civil avait en pratique écarté « toute éventualité de danger immédiat pour la sécurité ». C’est pourquoi le rapport concluait « qu’aucune raison d’interroger Beckett sur les questions de sécurité n’a[vait] été identifiée ». Il était également reconnu dans le rapport qu’une accusation d’engagement frauduleux dans l’armée serait inappropriée, eu égard à la date à laquelle le requérant avait découvert son homosexualité. Un officier, qui conseillait le ministère de la Marine sur la révocation du requérant, releva que les officiers chargés de l’évaluation de l’intéressé avaient loué « son affabilité, son intelligence, son dévouement et son ambition » et souligna que si le requérant n’avait pas été homosexuel, « il aurait fait une belle carrière dans la Royal Navy ». Avant sa révocation, le requérant termina de remplir ses fonctions et demeura dans le dortoir commun sans problème apparent. Le 28 juillet 1993, sa révocation administrative fut entérinée au motif qu’il était homosexuel. Le requérant contesta alors la décision de le révoquer auprès du ministère de la Marine qui, le 6 décembre 1994, rejeta sa plainte. C. La procédure de contrôle juridictionnel engagée par les requérants (R. v. Ministry of Defence, ex parte Smith and Others, Weekly Law Reports, vol. 2, p. 305) Avec Mme Smith et M. Grady (paragraphe 3 ci-dessus), les requérants furent autorisés à demander le contrôle juridictionnel des décisions de les révoquer de l’armée. Ils prétendirent que la politique du ministère de la Défense à l’égard des homosexuels appartenant à l’armée était « irrationnelle », emportait violation de la Convention et contrevenait à la directive relative à l’égalité de traitement. Selon le ministère de la Défense, cette politique était nécessaire, principalement pour soutenir le moral et l’efficacité des troupes, compte tenu du rôle parental de l’armée vis-à-vis des jeunes recrues et de l’exigence de vie en communauté au sein des forces armées. Le 7 juin 1995, la High Court rejeta la demande de contrôle juridictionnel, Lord Justice Simon Brown exposant l’arrêt principal de la cour. Il observa que ces affaires illustraient les problèmes qu’engendrait la politique absolutiste à l’égard des homosexuels dans les forces armées, et constata que les demandeurs avaient tous les quatre des états de service exemplaires, certains d’entre eux pouvant se prévaloir de rapports établis en termes élogieux. En outre, il releva que nul n’avait allégué dans les affaires devant la cour que les préférences sexuelles des intéressés avaient de quelque manière que ce fût nui à leur capacité de remplir leurs tâches ou eu un effet négatif sur la discipline. Rien ne permettait de croire que sans ces révocations, motivées uniquement par leurs tendances sexuelles, ils n’auraient pas continué à remplir leurs fonctions avec une parfaite efficacité et avec le soutien sans faille de leurs collègues. Tous étaient accablés par leur révocation. Lord Justice Simon Brown examina le contexte de cette politique « séculaire », l’intérêt que présentait le rapport de 1991 de la commission parlementaire restreinte, la situation au sein d’autres armées dans le monde, l’argumentation du ministère de la Défense (remarquant que le moyen tenant à la sécurité n’était plus au cœur des préoccupations du gouvernement) ainsi que les arguments des demandeurs à l’encontre de cette politique. Il estima que les moyens des demandeurs avaient nettement plus de poids que ceux de leurs adversaires, qualifiant de « puissants » leurs arguments en faveur d’un code de conduite. A son avis, le ministère de la Défense allait contre le sens de l’histoire. Il ajouta que quelle que soit la décision de la High Court, cette politique ne survivrait probablement plus longtemps, et ajouta : « je doute que la majorité de ceux qui ont suivi la procédure dans cette enceinte puissent à présent penser autrement. » Toutefois, s’agissant des arguments concernant le critère à employer dans le cadre de cette procédure de contrôle juridictionnel, Lord Justice Simon Brown conclut qu’il fallait appliquer les principes Wednesbury classiques, adaptés au contexte des droits de l’homme. En conséquence, dès lors qu’une restriction était apportée à des droits fondamentaux, le ministre de la Défense devait démontrer l’existence d’un intérêt concurrent majeur pour justifier la restriction. La décision principale lui appartenait, l’examen subsidiaire de la cour portant uniquement sur le point de savoir si un ministre raisonnable, eu égard aux éléments dont il disposait, pouvait raisonnablement avoir émis ce jugement principal. Il précisa ensuite que la cour ne pouvait annuler la décision du ministre que si la justification avancée « défiait de manière flagrante la logique ou les principes moraux communément admis ». Il releva que dans le cadre limité de ce contrôle, la cour devait méticuleusement s’assurer, avant de rejeter la demande, que le demandeur n’avait en vérité aucun moyen de contestation reconnu. Si les droits les plus fondamentaux étaient menacés, la cour refuserait, par exemple, de passer sur un vice mineur dans le processus de décision, de considérer les preuves du ministre avec une bienveillance particulière ou d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas accorder réparation. Cependant, il souligna que même en cas de restriction des droits les plus fondamentaux, « le seuil à partir duquel une décision perd son caractère raisonnable n’[était] pas abaissé ». Le ministre avait manifestement fait valoir un intérêt public concurrent majeur. Mais la question centrale était de savoir s’il était raisonnable pour le ministre d’estimer qu’autoriser les homosexuels à servir dans l’armée menacerait l’intérêt en jeu. Bien que ne pouvant exclure que le ministre eût tort, le magistrat souligna que : « (...) [les tribunaux] ont un devoir (...) celui de rester dans les limites constitutionnelles et de ne pas les franchir. Il conviendrait que cette cour reprenne l’ensemble de cette affaire des mains des militaires et du gouvernement uniquement s’il était totalement déraisonnable d’affirmer qu’aucun préjudice concevable ne peut être causé à l’armée en tant que force de combat. Si la Convention (...) était intégrée dans notre droit, et que nous étions en conséquence en droit de rechercher si cette politique répond à un besoin social impérieux et s’il peut être démontré que la restriction apportée aux droits de l’homme en question est proportionnée aux avantages qu’elle procure, alors la décision principale (...) nous appartiendrait manifestement, à nous et non à d’autres : l’équilibre constitutionnel serait modifié. Mais ce n’est pas le cas. Etant appelée à émettre un simple jugement subsidiaire, la présente cour est tenue d’observer une certaine retenue. Notre attitude doit souligner, et non pas masquer, qui en définitive est responsable de la défense du royaume, et rappeler également que le Parlement contrôle en permanence ce domaine de prérogatives. » Par conséquent, si le motif invoqué par le ministre pour justifier l’interdiction pouvait paraître « peu convaincant », la position du ministre ne pouvait à proprement parler passer pour illégale. Dès lors, « quoique avec hésitation et regret », il convenait de rejeter les demandes. Une brève analyse de la jurisprudence fondée sur la Convention conduisit le juge à déclarer qu’il y avait de fortes chances, eu égard aux obligations du Royaume-Uni, que les jours de cette politique fussent comptés. Lord Justice Simon Brown estima également que la directive relative à l’égalité de traitement ne s’appliquait pas à un traitement discriminatoire fondé sur l’orientation sexuelle, et que les tribunaux internes ne pouvaient pas statuer sur les questions relevant de la Convention. Il constata aussi que les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande, Israël, l’Allemagne, la France, la Norvège, la Suède, l’Autriche et les Pays-Bas autorisaient les homosexuels à servir dans leurs forces armées et que, selon les éléments du dossier, les seuls pays ayant édicté une interdiction générale étaient la Turquie et le Luxembourg (ainsi que, peut-être, le Portugal et la Grèce). En août 1995, le ministère de la Défense adressa aux « organes dirigeants » des forces armées un document devant servir à évaluer sa politique à l’égard des homosexuels au sein de l’armée. Dans la lettre de couverture accompagnant ce document, il était souligné que « le secrétaire d’Etat aux Forces armées a[vait] décidé qu’il [fallait] recueillir au sein du ministère de la Défense des éléments en faveur de la politique actuelle sur l’homosexualité ». Il était précisé que les juridictions européennes allaient probablement être saisies de l’affaire et que les requérants, dans la procédure de contrôle juridictionnel, avaient fait valoir que la position du ministère de la Défense « ne se fondait sur aucune preuve factuelle », ce qui n’avait rien de surprenant : en effet, les preuves étaient difficiles à rassembler puisque les homosexuels n’étaient pas autorisés à servir dans l’armée. Etant donné que « les arguments en faveur d’un maintien de cette politique ne [devaient] pas s’en trouver affaiblis », les destinataires de la lettre étaient invités à commenter le document et « à fournir tout autre élément favorable à la politique actuelle d’ici à septembre 1995 ». Le document joint invoquait notamment deux incidents considérés comme préjudiciables à la cohésion de l’armée. Le premier impliquait un homosexuel qui entretenait une liaison avec un serveur du mess des sous-officiers, et l’autre concernait un Australien en détachement, dont le comportement avait été qualifié de « tellement perturbant » que l’on avait mis fin au détachement. 27. Le 3 novembre 1995, la Cour d’appel débouta les requérants. L’arrêt principal fut rendu par Sir Thomas Bingham, Master of the Rolls (avec qui les deux autres juges de la Cour d’appel marquèrent leur accord). Quant au point de vue de la cour sur la question de « l’irrationalité », le Master of the Rolls estima que les considérations suivantes dépeignaient exactement l’état de la jurisprudence pertinente sur le sujet : « La cour ne peut intervenir pour des raisons de fond dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire administratif que si elle est convaincue que la décision est déraisonnable en ce qu’elle n’entre pas dans la gamme de réactions qui s’offre à un responsable raisonnable. Toutefois, s’agissant de juger si l’auteur de la décision a dépassé cette marge d’appréciation, le contexte des droits de l’homme est important. Plus l’ingérence dans les droits de l’homme est grave, plus la cour exigera une justification sérieuse avant de se convaincre du caractère raisonnable de la décision au sens défini ci-dessus. » Le magistrat continua en citant notamment l’arrêt rendu par Lord Bridge dans l’affaire R. v. Secretary of State for the Home Department, ex parte Brind (Appeal Cases 1991, vol. 1, p. 696), qui précisait ceci : « C’est au ministre, à qui le Parlement a confié un pouvoir discrétionnaire en la matière, qu’il appartient de prendre la décision principale quant à savoir si l’intérêt public concurrent en jeu justifie la restriction imposée dans le cas d’espèce. Mais nous sommes en droit d’exercer un jugement subsidiaire en recherchant si un ministre raisonnable, eu égard aux éléments dont il disposait, pouvait raisonnablement émettre ce jugement principal. » Par ailleurs, il estima que plus la décision était politique et plus son objet s’écartait de la pratique judiciaire ordinaire, plus la cour devait avoir scrupule à tenir cette décision pour irrationnelle. Avant d’appliquer le critère d’irrationalité, le Master of the Rolls releva que l’affaire portait sur des caractéristiques innées de nature très personnelle, que les décisions contestées par les demandeurs avaient une profonde incidence sur leurs carrière et avenir, et que les droits des intéressés en tant qu’êtres humains étaient au cœur de l’affaire. S’il n’appartenait pas à la cour de prendre la décision principale et de réglementer les conditions de service dans l’armée, « elle a[vait] le rôle et le devoir constitutionnels de garantir que les droits des citoyens ne [fussent] pas bafoués par l’exercice illégal du pouvoir exécutif. La cour doit s’incliner devant l’expertise des responsables, mais elle ne doit pas faillir à son devoir fondamental de « rendre justice à toute personne, quelle qu’elle soit » (...) ». Appliquant le critère de l’irrationalité invoqué ci-dessus, il aborda ensuite les arguments des parties pour et contre la politique, observant que les moyens des demandeurs présentaient « une force considérable » et appelaient un examen approfondi, compte tenu notamment de la pratique au Royaume-Uni, des évolutions constatées dans d’autres pays et de l’efficacité potentielle d’un code renfermant des prescriptions détaillées qui remplacerait l’actuelle interdiction générale. Toutefois, le magistrat conclut que la politique ne pouvait être considérée comme « irrationnelle » à l’époque où les demandeurs avaient été révoqués de l’armée, estimant que le seuil d’irrationalité était « élevé » et qu’il n’avait pas été franchi en l’espèce. Quant à la Convention, le Master of the Rolls fit les observations suivantes : « Bien évidemment, nul ne conteste que les juridictions internes ne peuvent rendre exécutoire l’obligation du Royaume-Uni en vertu du droit international de respecter et de faire respecter [l’article 8 de la Convention]. La Convention présente un intérêt en l’espèce en ce qu’elle peut éclairer le contexte du grief relatif à l’irrationalité. Le fait qu’un responsable, dans l’exercice d’un pouvoir administratif discrétionnaire, n’ait pas pris en compte les obligations qu’impose la Convention ne constitue pas en soi un moyen de contester l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. » Le magistrat constata que, selon toute apparence, le fait de révoquer une personne de son poste en raison de tendances sexuelles personnelles et de l’interroger sur son comportement sexuel observé en privé ne dénotait pas un grand respect pour la vie privée et familiale de cette personne ; il releva en outre que l’on pouvait se demander si la politique répondait à un « besoin social impérieux » et, en particulier, était proportionnée au but légitime recherché. Toutefois, il conclut que la Cour d’appel ne pouvait répondre de manière satisfaisante ou utile à ces questions, et qu’il fallait plutôt les adresser à la Cour européenne des Droits de l’Homme, devant laquelle les demandeurs pourraient avoir à faire valoir leurs prétentions. Il admit en outre que la directive relative à l’égalité de traitement ne s’appliquait pas à des griefs ayant trait aux préférences sexuelles. Lord Justice Henry, de la Cour d’appel, marqua son accord avec le jugement du Master of the Rolls et, en particulier, avec le point de vue de celui-ci concernant le critère de l’irrationalité et l’inaptitude de la cour à résoudre les questions relevant de la Convention. Il exprima des doutes quant à l’utilité d’un débat sur le sort probable de la « très ancienne » politique du ministère de la Défense devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, à qui il appartenait en priorité de statuer sur les questions touchant la Convention. La Cour d’appel ne s’occupait pas « d’hypothétiques problèmes ». Pour Lord Justice Henry, la Convention ne présentait un intérêt que « pour éclairer le contexte du grief relatif à l’irrationalité », comme l’avait déjà fait remarquer le Master of the Rolls. Il était important de souligner ce point, puisque le Parlement n’avait pas attribué aux tribunaux internes la compétence principale pour connaître des questions relatives aux droits de l’homme relevant de la Convention, et que les éléments et observations présentés à la Cour d’appel se rapportaient à ses pouvoirs subsidiaires en la matière et non à sa compétence principale. Lord Justice Thorpe, de la Cour d’appel, se rallia aux deux jugements exposés ci-dessus et, en particulier, aux points de vue exprimés sur le critère de l’irrationalité et son application en l’espèce. Les moyens des demandeurs à l’appui de la thèse de la violation des droits garantis par l’article 8 étaient certes « convaincants », mais la Cour d’appel ne disposait pas des éléments et arguments qui permettraient en définitive de régler la question. Il estima également que les observations des demandeurs en réponse aux arguments en faveur de la politique étaient « totalement convaincantes », ajoutant que, sur le fond, le plus frappant était l’absence totale d’illustration et de justification par des exemples spécifiques, tant parmi les éléments produits par le ministre devant la High Court que dans le dossier présenté à la commission parlementaire restreinte en 1991. A son sens, « il était temps de revoir cette politique et d’envisager de la remplacer par un code de conduite strict ». Toutefois, la contestation par les demandeurs de la rationalité du ministre avait « fait long feu ». Le 19 mars 1996, le comité de sélection des recours (Appeals Committee) de la Chambre des lords refusa aux requérants l’autorisation de la saisir. La procédure engagée par les requérants devant le tribunal du travail En décembre 1995, M. Lustig-Prean saisit le tribunal du travail (Industrial Tribunal), au motif qu’il était victime d’une révocation abusive et d’un traitement discriminatoire contraire à la loi de 1975 sur la discrimination sexuelle (Sexual Discrimination Act 1975). Cette procédure fut suspendue en attendant l’issue de la demande d’autorisation de saisir la Chambre des lords. Après le rejet de cette demande, le requérant demanda à se désister de l’instance pendante devant le tribunal du travail, qui radia l’affaire du rôle le 25 avril 1996. En décembre 1997, M. Beckett saisit également le tribunal du travail, alléguant un traitement discriminatoire contraire à la loi de 1975. A la lumière de décisions ultérieures de la CEJ et des juridictions internes, le deuxième requérant demanda par la suite à se désister de l’instance. Le tribunal du travail radia l’affaire du rôle le 27 août 1998. II. le droit et la pratique internes pertinents Dépénalisation des actes homosexuels En vertu de l’article 1 § 1 de la loi de 1967 sur les infractions sexuelles (Sexual Offences Act 1967), les actes homosexuels commis en privé entre adultes consentants (soit, à l’époque, les personnes de 21 ans et plus) ont été dépénalisés. Toutefois, l’article 1 § 5 de la loi de 1967 précisait que de tels actes constituaient toujours des infractions au regard des lois de 1955 sur l’armée de terre et sur l’armée de l’air, et de la loi de 1957 sur la discipline dans la marine. L’article 1 § 5 de la loi de 1967 a été abrogé par la loi de 1994 sur la justice pénale et l’ordre public (Criminal Justice and Public Order Act 1994), laquelle a également ramené l’âge du consentement à 18 ans. Toutefois, selon l’article 146 § 4 de la loi de 1994, cette disposition n’empêche pas qu’un acte homosexuel (accompagné ou non d’autres actes ou circonstances) peut constituer un motif de révocation d’un militaire. Arrêts R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins, des 13 mars 1997 et 13 juillet 1998, et affaires apparentées Le 30 avril 1996, la CEJ a décidé que le droit communautaire protégeait les transsexuels de toute forme de discrimination fondée sur leur transsexualité (P. v. S. and Cornwall County Council, Industrial Relations Law Reports 1996, p. 347). Le 13 mars 1997, la High Court a saisi la CEJ en vertu de l’article 177 du Traité de Rome d’une question préjudicielle sur l’applicabilité de la directive relative à l’égalité de traitement aux différences de traitement fondées sur les tendances sexuelles (R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins, 13 mars 1997). M. Perkins avait été renvoyé de la Royal Navy en raison de son homosexualité. Le 17 février 1998, la CEJ a estimé que la directive 75/117/CEE relative à l’égalité des rémunérations ne s’appliquait pas à la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle (Grant v. South West Trains Ltd, Industrial Cases Reports 1998, p. 449). En conséquence, le 2 mars 1998, la CEJ a demandé à la High Court si celle-ci, dans le cadre de l’affaire Perkins, souhaitait maintenir la question préjudicielle qu’elle lui avait posée en vertu de l’article 177. A la suite d’une audience en présence des parties, la High Court a décidé de renoncer à son renvoi préjudiciel devant la CEJ (R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins, 13 juillet 1998). L’autorisation d’interjeter appel a été refusée. La politique du ministère de la Défense vis-à-vis des homosexuels dans l’armée A la suite des modifications introduites par la loi de 1994 sur la justice pénale et l’ordre public, une version mise à jour d’un document intitulé « Politique et directives de l’armée relatives à l’homosexualité » (Armed Forces’ Policy and Guidelines – « les directives ») a été distribuée en décembre 1994 aux services du personnel des trois armées. Les directives renfermaient notamment les dispositions suivantes : « L’homosexualité, masculine ou féminine, est considérée comme incompatible avec l’engagement dans l’armée. Cela ne tient pas seulement aux conditions d’intimité physique dans lesquelles le personnel doit fréquemment vivre et travailler, mais aussi au fait que le comportement homosexuel peut choquer, entraîner la création de deux camps, susciter des manquements à la discipline et, par conséquent, porter atteinte au moral et à l’efficacité des troupes. Si des individus admettent être homosexuels pendant leur temps de service et que leur chef de corps estime que cet aveu correspond à la réalité, les intéressés seront invités à quitter l’armée. (...) Tous les candidats à l’engagement doivent prendre connaissance de la politique relative à l’homosexualité. Si un(e) engagé(e) potentiel(le) reconnaît être homosexuel(le), il/elle ne sera pas enrôlé(e). Dès lors qu’un(e) engagé(e) potentiel(le) reconnaît être homosexuel(le) même s’il/si elle déclare n’avoir actuellement aucune liaison homosexuelle et ne pas envisager d’en avoir à l’avenir, il/elle ne sera pas enrôlé(e). (...) Face à des présomptions d’homosexualité, un chef de corps doit prendre une décision équilibrée en tenant compte de tous les facteurs pertinents. (...) Dans la plupart des cas toutefois, c’est une enquête formelle sur les allégations ou soupçons qui servira le mieux les intérêts de la personne et de l’armée. Selon les circonstances, le chef de corps mènera une enquête interne, avec son propre personnel, ou demandera l’assistance de la police militaire. S’il mène une enquête interne, il discutera normalement de la question avec le bureau social de son unité. L’homosexualité n’est pas un problème médical, mais dans certaines situations, le chef de corps peut être amené à rechercher l’avis du médecin militaire de l’unité sur la personne concernée qu’il adressera, si elle est d’accord, au médecin militaire. (...) Un avertissement écrit concernant la conduite ou le comportement d’une personne peut être donné lorsqu’il existe une présomption d’homosexualité, mais qui reste insuffisante (...) pour demander la révocation administrative de l’intéressé(e) (...). Si le chef de corps est convaincu, par des preuves solides, de l’homosexualité d’une personne, une action administrative visant à mettre fin à l’engagement de l’intéressé(e) (...) doit être intentée (...) » Les directives visaient notamment à réduire les interventions de la police militaire dont les méthodes d’investigation, fondées sur la procédure pénale, avaient donné lieu par le passé à un fort ressentiment et à une large publicité (ce que confirmait le paragraphe 9 du rapport de février 1996 du groupe d’évaluation sur la politique relative à l’homosexualité, résumé aux paragraphes 44 à 55 ci-après. Toutefois, selon le paragraphe 100 dudit rapport, les investigations sur l’homosexualité font partie des « fonctions normales de la police militaire ».) Sir John Frederick Willis KCB, CBE, général d’armée aérienne, adjoint au chef du personnel des armées (ministère de la Défense), a soumis à la High Court, dans l’affaire R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins (13 juillet 1998), une déclaration datée du 4 septembre 1996, dont les passages pertinents se lisent ainsi : « La politique du ministère de la Défense se fonde sur l’idée que la nature spécifique du style de vie des homosexuels exclut toute possibilité d’accepter les homosexuels et l’homosexualité au sein des forces armées. L’armée a pour préoccupation essentielle d’entretenir une force effective et efficace sur le terrain, ce qui nécessite un maintien strict de la discipline. Selon [le ministère de la Défense], la présence de militaires homosexuels risque de nuire à cet objectif. Les conditions de la vie militaire, sur le terrain ou dans les bureaux, sont très différentes de celles qui ont cours dans la vie civile. (...) Le [ministère de la Défense] estime qu’il doit orienter sa politique relative à l’homosexualité au sein des forces armées en fonction de ces conditions et de la nécessité d’une confiance absolue entre les militaires, quel que soit leur grade. Il ne s’agit pas d’édicter un jugement moral ni de suggérer que les militaires homosexuels sont moins courageux que leurs homologues hétérosexuels ; cette politique se fonde sur une évaluation pratique des incidences de l’homosexualité sur la puissance de combat. » Le rapport du groupe d’évaluation sur la politique relative à l’homosexualité – février 1996 Généralités A la suite de la décision dans l’affaire R. v. Ministry of Defence, ex parte Smith and Others (Weekly Law Reports, vol. 2, p. 305), le groupe d’évaluation sur la politique relative à l’homosexualité (Homosexuality Policy Assessment Team – le « GEPH ») a été institué par le ministère de la Défense en vue de procéder à une évaluation interne de la politique de l’armée en matière d’homosexualité. Le GEPH était composé de fonctionnaires du ministère de la Défense et de représentants des trois armées. Son évaluation devait être à la base du dossier que le ministère présenterait à la commission parlementaire restreinte suivante (comme le confirmait Sir John Frederick Willis, général d’armée aérienne, dans sa déclaration évoquée au paragraphe 43 ci-dessus). Le GEPH devait consulter le ministère de la Défense, des militaires de tous les grades, des responsables militaires et civils de la mise en œuvre de la politique ainsi que les membres du bureau juridique. Le groupe devait également se pencher sur les politiques suivies dans d’autres nations (annexe D du rapport du GEPH). Ce rapport de 240 pages environ, auxquelles s’ajoutent de volumineuses annexes, a été publié en février 1996. Les auteurs commençaient par affirmer que les homosexuels, hommes ou femmes, n’avaient pas moins d’aptitudes physiques et n’étaient pas moins courageux, fiables ou compétents que les hétérosexuels. Selon le rapport, les problèmes devant être identifiés tiendraient aux difficultés soulevées par l’intégration d’homosexuels déclarés au sein de l’armée, composée en grande partie d’hétérosexuels. Pour le GEPH, les personnes les mieux placées pour apprécier « la réalité et la gravité » des problèmes d’intégration des homosexuels étaient les militaires eux-mêmes (paragraphe 30 du rapport). 2. Les méthodes d’investigation On comptait huit domaines d’investigation principaux (paragraphe 28 du rapport) : a) le GEPH a consulté les responsables de l’élaboration des politiques du ministère de la Défense, qui ont mis en exergue le caractère unique du contexte de l’armée et l’approche typiquement britannique de la vie militaire ; le GEPH n’a trouvé que peu à redire au tableau général brossé par les militaires interrogés (paragraphe 37) ; b) l’appel a été lancé à tous les membres des armées, y compris de l’armée de réserve, demandant des commentaires écrits sur ces questions. Au 16 janvier 1996, le GEPH avait reçu 639 lettres. 587 d’entre elles, dont 58 portaient des signatures multiples, exprimaient une opposition à tout changement de politique. Seules 11 de ces lettres étaient anonymes (paragraphes 46-48) ; c) l’enquête du GEPH sur les comportements a consisté en un questionnaire distribué à 1 711 militaires au total, composant un échantillon représentatif des trois armées. Les questionnaires ont été remplis dans des conditions d’examen et de façon anonyme. Les résultats traduisaient un « soutien écrasant dans toute l’armée » à la politique excluant les homosexuels des forces armées. Les soldats considéraient l’homosexualité comme nettement plus acceptable dans la vie civile que dans la vie militaire (paragraphes 49-50 et annexe G) ; d) durant la visite du GEPH dans dix bases militaires fin 1995 dans le but de distribuer le questionnaire susmentionné, des entretiens en tête-à-tête ont été conduits avec les membres du personnel qui avaient rempli le questionnaire sur les comportements. Dans ces dix bases, le GEPH a sélectionné 180 personnes au hasard dans certains grades et domaines d’activité. Compte tenu du petit nombre de personnes interrogées, les réponses ont été analysées de façon qualitative plutôt que quantitative (annexe G) ; e) un certain nombre de discussions de groupe à l’intérieur d’une même armée (36 selon l’annexe G, 43 selon le paragraphe 61 du rapport) ont été organisées avec des personnes choisies au hasard dans des grades et fonctions représentatifs. Ces discussions visaient à examiner la profondeur et l’étendue des points de vue des militaires et à rassembler des observations qui compléteraient les résultats de l’enquête. Selon le GEPH, la nature des discussions a révélé peu de réticences à exposer honnêtement et complètement les points de vue ; pour « une écrasante majorité, l’homosexualité n’est pas quelque chose de « normal » ou de « naturel » alors que les femmes et les minorités ethniques sont considérées comme « normales ». La très grande majorité des participants pensaient qu’il fallait continuer à exclure les homosexuels (paragraphes 61-69 et annexe G) ; f) une équipe du GEPH est allée en Australie, en Allemagne et en France, et l’autre s’est rendue aux Etats-Unis, au Canada et aux Pays-Bas. Le GEPH a interrogé un éminent psychologue militaire israélien, l’armée israélienne ayant refusé sa visite (paragraphes 70-77 et annexe H). Il apparaît également que le GEPH s’est entretenu avec des représentants de la police, des pompiers et de la marine marchande (paragraphes 78-82) ; g) des groupes de discussion tripartites ont également été formés pour étudier la profondeur et l’étendue des idées des membres des trois armées sur la question. Les groupes étaient composés de personnes sélectionnées dans les trois armées et venant d’unités différentes. Trois de ces groupes de discussion ont été organisés et, globalement, les résultats ont été les mêmes que ceux qui étaient ressortis des groupes de discussion au sein d’une même armée (paragraphes 83-84 et annexe G) ; h) des questionnaires sur les comportements au sein de chaque armée, envoyés par courrier, ont également été remplis par un échantillon de militaires choisis au hasard et regroupés par grade, âge et sexe. Ces questionnaires ont été distribués à 3 000 (6 %) membres de la marine, à 6 000 (5,4 %) membres de l’armée de terre et à 4 491 (6 %) membres de l’armée de l’air. En moyenne, plus de la moitié des questionnaires ont été retournés (paragraphes 65-86 et annexe G). L’impact sur la puissance de combat (fighting power) Le rapport du GEPH définit « la puissance de combat » (terme souvent employé de façon interchangeable avec l’efficacité au combat, la capacité opérationnelle ou l’efficacité opérationnelle) comme « l’aptitude au combat », composée à son tour de trois éléments : l’élément « conceptuel », l’élément « physique » et « l’élément moral », lequel est défini comme « l’aptitude à amener les individus à combattre, ce qui inclut le moral, la camaraderie, la motivation, le sens du commandement et l’encadrement ». Dans tout le rapport d’évaluation, l’accent a été mis sur les effets qu’une intégration des homosexuels dans l’armée risquerait d’avoir sur la puissance de combat, ce qui était considéré comme le « problème crucial ». On a tenu pour bien établi que la présence au sein de l’armée d’homosexuels déclarés ou fortement présumés engendrerait certaines réactions comportementales et émotionnelles et des problèmes qui nuiraient au moral des troupes et, par conséquent, porteraient gravement atteinte à la puissance de combat des forces armées. Ces problèmes escomptés comprenaient la régulation du comportement des homosexuels et de l’animosité des hétérosexuels, les agressions, les menaces et les mesures de harcèlement visant les homosexuels, l’ostracisme et la tendance à éviter les autres, la création de « clans » et de couples, des problèmes au niveau de l’encadrement et de la prise de décision, ce qui englobait les allégations de favoritisme, de discrimination et d’inefficacité (mais pas l’éventuel problème des décisions tactiques prises par des officiers homosexuels sur la base de leurs préférences sexuelles), des frictions entre les deux groupes culturels, des questions tenant à l’intimité et à la décence, l’intensification des antipathies et des soupçons (création de deux camps), et le ressentiment en raison des changements imposés, surtout s’il s’avérait aussi nécessaire de contrôler plus sévèrement la façon de s’exprimer des hétérosexuels (voir partie F.II du rapport). Autres questions L’évaluation du GEPH a également porté sur d’autres questions, qu’il a qualifiées d’« accessoires » (partie G et paragraphe 177 du rapport). Il a estimé que si les conséquences financières d’un changement de politique n’étaient pas quantifiables, on ne pouvait considérer comme justifié ou raisonnable de prévoir des logements séparés pour les homosexuels ; par conséquent, des dépenses importantes dans ce domaine étaient tenues pour improbables (paragraphes 95-97). La perte en termes de formation consécutive à la révocation d’homosexuels de l’armée n’était pas considérée comme un argument concluant contre le maintien de la politique (paragraphes 98-99). Si le cadre social et juridique devait changer pour les couples homosexuels civils, il faudrait alors accepter le droit pour les militaires d’avoir des partenaires homosexuels (paragraphe 101). Il était improbable que l’on consacre beaucoup de temps ou d’argent aux formations visant une meilleure acceptation des homosexuels, puisqu’elles avaient peu de chances d’influer sur les comportements. Le GEPH a observé que si l’on voulait introduire une formation sur la tolérance, le meilleur moyen serait probablement de « l’intégrer dans un programme de formation sur l’égalité des chances dans l’armée » (paragraphe 102). Il y avait de fortes présomptions que l’on constaterait une chute des recrutements et des effectifs en cas de changement de politique (paragraphes 103-104). Pour le GEPH, les préoccupations exprimées au sujet des responsabilités « parentales » de l’armée vis-à-vis des jeunes recrues ne résistaient pas à un examen approfondi (paragraphe 111). Questions en matière de santé et de sécurité Les questions touchant la santé et la sécurité ont été examinées séparément (parties H et I, et paragraphe 177 du rapport). Tout en notant que les préoccupations du personnel en matière de santé (concernant notamment le sida) étaient disproportionnées par rapport aux risques cliniques, le GEPH estimait qu’il faudrait probablement y répondre par des séminaires d’information et des tests de dépistage obligatoires. Sinon, une acceptation et une intégration réelles des homosexuels seraient sérieusement compromises en raison des réactions émotionnelles et des ressentiments ainsi que des inquiétudes liées à la menace du sida. Selon le GEPH, les questions de sécurité (dont la possibilité de chantage exercé sur les homosexuels présumés) qui avaient été avancées pour défendre la politique en vigueur ne résistaient pas à un examen approfondi. Expériences dans d’autres pays et dans des services civils soumis à des règles disciplinaires Le GEPH a constaté l’existence d’une multitude de positions officielles et de solutions légales découlant des situations locales sur le plan juridique et politique, allant d’une interdiction formelle de toute activité homosexuelle (Etats-Unis) à une politique visant délibérement à créer un climat favorable aux homosexuels au sein de l’armée (Pays-Bas), en passant par des modalités administratives ne permettant pas une égalité réelle (France et Allemagne). Selon le GEPH, les pays qui n’avaient pas légalement interdit la présence des homosexuels dans l’armée étaient plus tolérants, avaient des constitutions écrites et donc une tradition plus forte en matière de droits de l’homme. Le rapport continuait ainsi : « Mais le GEPH n’a constaté nulle part la présence d’un nombre appréciable d’homosexuels déclarés dans l’armée (...). Quel que soit le degré de tolérance ou d’encouragement officiel, les pressions ou menaces informelles au sein de la communauté militaire semblent dissuader la grande majorité des homosexuels d’exercer leurs divers droits juridiques à exprimer ouvertement leur identité sexuelle active dans un cadre professionnel. (...) Il va sans dire que la discrétion persistante des homosexuels au sein de ces forces armées fait que l’on a peu d’expérience pratique quant à leur protection contre l’ostracisme, le harcèlement ou les agressions physiques. Considérant que ce schéma commun d’absence quasi totale de soldats ouvertement homosexuels se retrouve quel que soit le cadre juridique formel, il est raisonnable de supposer que c’est pour une large part le fonctionnement informel des systèmes militaires existants qui entrave l’expression homosexuelle. Cela correspond tout à fait aux modes de comportement observés par le GEPH chez les militaires britanniques. » En janvier 1996, l’armée britannique comptait plus de 35 000 soldats déployés à l’étranger (environ 25 % des forces armées britanniques), soit plus que tout autre pays européen de l’OTAN (paragraphe 43). Néanmoins, le GEPH a conclu que la politique en vigueur n’avait pas suscité de problèmes importants dans les relations avec les forces armées des nations alliées. Le GEPH a observé que les militaires britanniques manifestaient une « indifférence à toute épreuve » vis-à-vis des situations dans les armées étrangères et faisaient peu de cas du degré d’acceptation des alliés proches à l’égard des homosexuels : pour le soldat moyen, les autres « ne sont pas britanniques, ont des normes différentes, et l’on ne peut donc que s’attendre à ce qu’ils agissent différemment » ; en outre, les militaires des différents pays sont logés séparément, et les homosexuels au sein des forces armées étrangères, lorsqu’ils ne font pas l’objet d’une interdiction formelle, ne manifestent pas ouvertement leurs préférences sexuelles. En conséquence, il y avait peu de chances que les rares homosexuels déclarés se retrouvent dans une situation où leur orientation sexuelle poserait un problème aux membres de l’armée britannique (paragraphe 105). Pour le GEPH, il existait des différences importantes entre l’armée et des services civils existant au Royaume-Uni qui sont soumis à des règles disciplinaires, tels que la police, les pompiers et la marine marchande, qui n’observaient pas la même politique à l’égard des homosexuels. Le GEPH a estimé que : « Aucune de ces activités n’oblige un individu à travailler dans un environnement aussi constamment exigeant et sur des périodes aussi longues que l’armée, ni n’implique la même nécessité de former des équipes rapidement interchangeables mais totalement déterminées et autonomes, capables de maintenir leur cohésion interne après des mois de stress, de difficultés et d’inconfort (...) » (paragraphe 203) Autres solutions possibles Le GEPH a examiné d’autres solutions, par exemple un code de conduite applicable à tous, une politique fondée sur les qualités individuelles des militaires homosexuels, une stratégie consistant à lever l’interdiction et à se fier à la discrétion des soldats concernés, la solution « ne rien demander, ne rien dire » en vigueur aux Etats-Unis et un code « de l’homosexualité discrète ». En définitive, il n’a décelé aucune autre politique qui permettrait avec la même certitude que la politique en vigueur d’éviter tout risque d’amoindrir la puissance de combat et qui, par conséquent, ne se heurterait pas à une forte opposition de la population militaire (paragraphes 153-175). Conclusions du GEPH (paragraphes 176-191) Le GEPH a estimé que : « Le problème principal demeure et son caractère inextricable est en fait réaffirmé. Les éléments démontrant que l’on s’attend à un amoindrissement de la puissance de combat ont été exposés dans la partie F et sont au centre de la présente évaluation. Les divers arguments et la conclusion globale ont été mis en avant non seulement par les autorités de l’armée mais également par la grande majorité des militaires de tous rangs. » Le GEPH a tenu pour improbable que les comportements actuellement observés dans l’armée changent dans un avenir proche. Si la politique entraînait manifestement des épreuves et des intrusions dans la vie privée, les risques pour la puissance de combat démontraient qu’elle était néanmoins justifiée. Pour le GEPH, on ne pouvait comparer utilement l’intégration des homosexuels et celle des femmes et des minorités ethniques dans l’armée, l’homosexualité soulevant des problèmes d’une nature et d’une intensité que n’impliquaient pas les différences de sexe et de race. Le GEPH a considéré qu’à plus long terme, l’évolution de l’attitude de la société à l’égard des homosexuels pourrait réduire les risques pour la puissance de combat qu’engendrerait un changement de politique, mais que son évaluation ne pouvait « porter que sur les comportements et risques actuels ». Il a ajouté : « (…) certainement, si les soldats pensaient qu’ils pouvaient travailler et vivre avec des homosexuels sans que la cohésion de l’armée n’en souffre, beaucoup moins de problèmes seraient à craindre. Mais le ministère doit faire avec le monde tel qu’il est. Les comportements des soldats, en tant qu’ils diffèrent de ceux de la population en général, découlent des conditions singulières de la vie militaire, et traduisent les réalités sociales et psychologiques actuelles. Ils indiquent qu’un changement de politique entraînerait un risque militaire (...) (...) après avoir recueilli le plus d’éléments possible, on voit qu’au Royaume-Uni, l’homosexualité demeure manifestement incompatible en pratique avec la vie militaire si l’on veut maintenir à son meilleur niveau le potentiel de combat de l’armée sous sa forme actuelle. (...) En outre, la présente étude démontre que la politique actuelle est approuvée à une écrasante majorité par les militaires eux-mêmes, qui sont le mieux à même de la juger. En conséquence, l’on ne peut envisager d’apporter des modifications importantes aux directives du ministère relatives à l’homosexualité dans les trois armées que pour des raisons clairement énoncées, étrangères à la politique de défense, et en ayant pleinement conscience de l’impact sur l’efficacité de l’armée et sur les sentiments des militaires. » La politique de l’armée relative aux mesures de harcèlement et menaces à caractère sexuel et racial, et à l’égalité des chances Dans le « Code des pratiques en matière de relations interraciales » (Code of Practice on Race Relations) qu’il a élaboré en décembre 1993, le Conseil de défense (Defence Council) a déclaré que l’armée, en tant qu’employeur, devait mettre en œuvre une politique d’égalité des chances. Selon ce code, aucune forme de discrimination, harcèlement ou abus à caractère racial ne doit être tolérée, toute allégation à ce sujet doit faire l’objet d’une enquête et, si elle est prouvée, donner lieu à une action disciplinaire. Le code prévoit une procédure de réclamation par laquelle l’on peut se plaindre d’actes de discrimination ou de harcèlement, et met en garde contre les représailles visant les militaires qui feraient usage de leur droit de porter plainte et d’obtenir réparation. En janvier 1996, l’armée a émis une directive relative à l’égalité des chances qui traite du harcèlement et des menaces à caractère racial et sexuel. Le document avait pour préambule une déclaration du chef de l’administration des forces armées (Adjutant-General), ainsi libellée : « La réalité du conflit armé exige un travail d’équipe exemplaire, pendant lequel chaque soldat doit pouvoir compter absolument sur ses compagnons d’armes et ses supérieurs. Dès lors, il ne peut y avoir dans l’armée aucune place pour les mesures de harcèlement, les menaces et les actes de discrimination qui porteraient atteinte au moral et détruiraient confiance et cohésion au sein du groupe. Il est du devoir de chaque soldat de veiller à ce que ce type de comportement, qui nuirait à la cohésion et à l’efficacité, ne se produise pas au sein de l’armée. La politique de l’armée est claire : tous les soldats doivent être traités de façon égalitaire sur la base de leur aptitude à remplir leur devoir. J’attends de chacun de vous qu’il soutienne cette politique et fasse en sorte que l’armée britannique conserve sa réputation bien établie de professionnalisme. » La directive définissait le harcèlement à caractère racial et sexuel, précisait que l’armée avait la volonté d’empêcher toute forme de comportement agressif et injuste dans ce domaine et soulignait qu’il était du devoir de chaque soldat de ne pas se comporter d’une façon qui pourrait agresser autrui ou de ne pas permettre à d’autres d’adopter un tel comportement. La directive définissait également les menaces et indiquait que si l’armée encourageait un esprit belliqueux chez les soldats appelés à partir au front, l’agressivité contrôlée, l’autonomie et de fortes qualités de meneur d’hommes ne devaient pas être confondues avec le recours brutal et indu à l’intimidation et à la violence qui caractérise les menaces. Les menaces nuisent au moral et engendrent de la peur et du stress à la fois chez l’individu et le groupe qui en est victime, et au sein de toute l’organisation. On remarquait que l’armée était une communauté étroitement repliée sur elle-même, où le travail d’équipe, la cohésion et la confiance jouaient un rôle crucial. Aussi de grands efforts quant à la conduite personnelle et au respect des autres étaient-ils exigés de tous. La directive soutenait l’utilisation du droit militaire par les chefs de corps. Des brochures complémentaires donnant des informations sur cette directive ont été distribuées à tous les soldats. De plus, des postes spéciaux visant à promouvoir l’égalité des chances ont été créés dans les services du personnel et un vaste programme de formation a été mis en place en vertu de la loi de 1976 sur les relations interraciales. F. Les rapports de la commission parlementaire restreinte Tous les cinq ans, un projet de loi sur les forces armées arrive devant le Parlement, et une commission restreinte conduit une étude en rapport avec ce projet. Dans son rapport du 24 avril 1991, la commission restreinte observait, sous la rubrique « Homosexualité » : « Nul ne conteste que la politique actuelle provoque une détresse bien réelle et oblige à se passer des services de certains hommes et femmes dont la compétence et la bonne volonté ne peuvent être mises en doute. La société extérieure est à présent beaucoup plus tolérante que par le passé vis-à-vis des différences d’orientation sexuelle, et il se peut aussi que cela se vérifie au sein de l’armée. Toutefois, on ne peut que constater la force indéniable de l’argument [du ministère de la Défense] selon lequel la présence d’homosexuels déclarés peut engendrer des tensions dans un groupe de personnes qui doivent vivre et travailler quelquefois dans des conditions de stress énorme et d’étroite intimité physique, et donc nuire à sa cohésion et à son efficacité au combat. Il est possible que cela change, notamment avec l’intégration de femmes dans des unités jusqu’à présent exclusivement masculines. Toutefois, nous ne sommes pas persuadés que le temps soit venu de demander à l’armée d’accepter les homosexuels ou l’activité homosexuelle. » Le rapport de 1996 de la commission restreinte (rédigé à la suite de l’étude qu’elle avait menée sur la loi de 1996 sur les forces armées) invoquait des éléments provenant de membres du ministère de la Défense et de groupes de soutien aux homosexuels, ainsi que le rapport du GEPH. De nouveau, la commission recommandait de ne pas apporter de changement à la politique du gouvernement. Elle remarquait que, depuis son rapport précédent, au total 30 officiers et 331 militaires du rang et sous-officiers avaient été révoqués ou renvoyés en raison de leur homosexualité. La commission était convaincue qu’aucune conclusion fiable ne pouvait encore être tirée de l’expérience d’autres pays. Tout en reconnaissant la force des arguments tenant aux droits de l’homme, elle soulignait qu’il convenait de ménager un équilibre entre les droits des individus et les besoins de la communauté. Elle se déclarait convaincue par la synthèse que faisait le GEPH de la force des résistances au sein de l’armée à tout assouplissement de la politique. Elle admettait que la présence d’homosexuels déclarés nuirait gravement au moral des troupes et, en définitive, à l’efficacité opérationnelle. A l’issue des débats à la Chambre des communes, les députés, par 188 voix contre 120, ont rejeté toute modification de la politique en vigueur. G. Information aux nouvelles recrues Avant septembre 1995, les candidats souhaitant s’engager dans l’armée étaient informés sur la politique des autorités militaires concernant les homosexuels au sein des forces armées par le biais d’une brochure intitulée « Vos droits et responsabilités ». Afin d’éviter tout malentendu et de veiller à ce que toute recrue dans les trois armées reçoive une information identique, les autorités militaires ont introduit le 1er septembre 1995 une déclaration de service devant être lue et signée avant l’engagement. Le paragraphe 8 de cette déclaration, intitulé « Homosexualité », dispose que l’homosexualité n’est pas tenue pour compatible avec la vie militaire et « peut conduire à une révocation administrative ».
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Le 6 mai 1991, M. E., respectivement père des deux premiers requérants et mari de la troisième, assigna Mme I. devant le tribunal de Naples afin d’obtenir la résolution d’un contrat de location d’un appartement dont il était le propriétaire. L’instruction commença le 19 juin 1991. Le 23 avril 1992, M. E. demanda l’audition de la défenderesse. Le 29 octobre 1992, cette dernière demanda un renvoi. Le 25 mars 1993, les parties présentèrent leurs conclusions et le juge fixa la date de l’audience de plaidoiries au 6 janvier 1995. Cette audience se tint le 13 janvier 1995, date à laquelle le tribunal fixa la date pour la mise en délibéré de l’affaire au 31 janvier 1996. Par un jugement du 8 février 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 8 mars 1996, le tribunal rejeta la demande de M. E. Le 6 juin 1996, M. E. interjeta appel devant la cour d’appel de Naples. Suite au décès de celui-ci, le 30 avril 1997 les requérants reprirent la procédure. La première audience, fixée au 10 juillet 1997, fut reportée d’office au 16 septembre 1997. Après une audience, le 10 mars 1998 les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 8 octobre 1999.
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Le 9 février 1985, la requérante introduisit devant la Cour des comptes un recours visant à obtenir le versement d'une pension de survie. Celle-ci était auparavant versée à sa défunte mère. Le 2 avril 1985, la juridiction saisie demanda à l'administration concernée le dossier de la requérante. Le dossier fut reçu le 6 mai 1986 et envoyé le même jour au procureur général pour la mise en état. Le 3 décembre 1992, la mise en état terminée, le procureur demanda la fixation de l'audience de plaidoiries. Prévue d'abord pour le 5 octobre 1993, cette audience fut renvoyée au 22 février 1994 puis au 6 juillet 1994 toujours en raison de difficultés dans la notification de la date à la requérante. Par un arrêt du 6 juillet 1994, déposé au greffe le 9 septembre 1994, la Cour des comptes rejeta la demande de la requérante. Cet arrêt fut notifié à l'intéressée le 21 septembre 1995. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION Mme L. G. a saisi la Commission le 16 décembre 1995. Elle alléguait la méconnaissance de son droit à un procès dans un délai raisonnable (article 6 § 1). Le 22 avril 1998, la Commission a retenu la requête (n° 37188/97). Dans son rapport du 8 juillet 1998 (ancien article 31), elle conclut à l'unanimité à la violation de l'article 6 § 1.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPèCE Née en 1911, la requérante réside à Rome. Le 31 janvier 1990, elle assigna une unité sanitaire locale de Rome devant le tribunal de cette ville afin d'obtenir le paiement de la dépréciation monétaire et des intérêts légaux sur les arriérés de sa pension de réversibilité versés avec six ans de retard. Lors de la première audience, le 9 mars 1990, la défenderesse fut déclarée défaillante et le juge de la mise en état fixa la présentation des conclusions au 24 mai 1990. Cette audience fut renvoyée d'office au 24 janvier 1991 en raison de la mutation du juge. L'audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 14 octobre 1991. Par un jugement du 24 octobre 1991, dont le texte fut déposé au greffe le 9 décembre 1991, le tribunal se déclara incompétent ratione materiae et indiqua le juge d'instance (pretore) de Rome, faisant fonction de juge du travail, comme juge compétent en la matière. Le 13 février 1992, la requérante reprit la procédure devant le juge d'instance. Lors de la première audience, le 25 novembre 1992, la défenderesse fut déclarée défaillante et le juge nomma un expert qui prêta serment le 15 février 1993. L'affaire fut mise en délibéré le 23 juin 1993 et par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 22 juillet 1993, le juge fit en partie droit à la demande de la requérante. Le 20 juillet 1994, la requérante interjeta appel devant le tribunal de Rome. Le 18 octobre 1994, la première audience fut fixée au 4 décembre 1996, puis elle fut avancée au 1er décembre 1995 à la demande de la requérante. Cette audience fut renvoyée au 13 décembre 1995 en raison d'un empêchement du juge de la mise en état, puis au 2 février 1996 car le dossier de première instance n'avait pas été transmis par le greffe. Le jour venu, le tribunal nomma un expert et fixa la prestation de serment au 19 avril 1996. Cette audience fut remise au 12 juillet 1996 car l'expert n'avait pu être cité à comparaître. Ce jour-là, le tribunal nomma un nouvel expert car le premier avait changé de domicile et n’avait pu être convoqué. L'expert prêta serment le 4 octobre 1996 et l'affaire fut ajournée au 11 juin 1997. La mise en délibéré de l'affaire fut fixée au 17 septembre 1997. Par une ordonnance du même jour, le tribunal rouvrit l’instruction et ordonna à l'expert de comparaître à l'audience du 12 novembre 1997 afin de pouvoir expliciter certains points de son rapport d'expertise. L’affaire fut mise en délibéré le 13 mars 1998. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 6 août 1998, le tribunal fit en partie droit à l’appel de la requérante. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION Mme Ferrari a saisi la Commission le 14 septembre 1995. Elle se plaignait de ce que sa cause n’avait pas été entendue dans un délai raisonnable comme le veut l’article 6 § 1 de la Convention. La Commission (première chambre) a retenu la requête (n° 33440/96) le 3 décembre 1997. Dans son rapport du 20 mai 1998 (ancien article 31), elle conclut, par treize voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Le Gouvernement reconnaît que la procédure litigieuse n’a pas respecté l’exigence du « délai raisonnable » de l’article 6 § 1 de la Convention et considère que le constat de violation constituerait, le cas échéant, une satisfaction équitable suffisante. Le conseil de la requérante demande à la Cour de constater la violation de l’article 6 § 1 et d’accorder à sa cliente une satisfaction équitable.
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Le 23 juin 1987, la société F. S. assigna la requérante devant le tribunal de Catanzaro afin d'obtenir la résolution d'un contrat et la réparation des dommages subis. La mise en état de l'affaire commença le 22 octobre 1987. Entre-temps, le 11 juillet 1987, le président du tribunal de Catanzaro émit une injonction de payer en faveur de la requérante à l'encontre de la société demanderesse. Le 15 juillet 1987, la société F. S. fit opposition à ladite injonction. Après quatre audiences concernant la demande de jonction des deux procédures, par ordonnance du 6 avril 1989, le juge de la mise en état ordonna ladite jonction, rejeta la demande d'exécution provisoire de l'injonction et ajourna l'affaire au 19 octobre 1989. Cette audience fut renvoyée d'office au 22 mars 1990. Les trois audiences qui eurent lieu entre le 5 juillet 1990 et le 4 avril 1991 furent consacrées à une expertise. Le 20 juin 1991, le juge ajourna l'affaire au 19 décembre 1991. Par ordonnance du 20 décembre 1991, le juge fixa au 4 juin 1992 l'audience pour la présentation des conclusions. Ce jour-là, l'audience de plaidoiries fut fixée au 12 octobre 1994. Le 15 septembre 1992, à la demande de la requérante, le juge avança ladite audience au 24 février 1993. Cette audience fut reportée d'office au 19 mai 1993, puis au 9 février 1994. Par une ordonnance du 27 juin 1994, le tribunal rouvrit l'instruction, ordonna la comparution de l'expert et des parties et ajourna l'affaire au 20 octobre 1994. Le jour venu, la société F. S. ne se présenta pas, l'expert prêta serment et le juge ajourna l'affaire au 11 mai 1995. Le 16 novembre 1994, le juge rejeta une demande de la requérante tendant à ce que la date de l'audience fût avancée. L'audience du 11 mai 1995 ne se tint pas à cause d'une suspension des audiences en raison d'élections et l'audience prévue au 18 mai 1995 fut reportée au 8 février 1996 en raison d'une grève des avocats. Cette audience fut renvoyée d'office au 17 septembre 1996 et, par la suite, au 14 octobre 1997. Par une ordonnance du 27 janvier 1998, le juge fixa la date pour la présentation des conclusions au 24 mars 1998. Ce jour-là, l'audience de plaidoiries fut fixée au 10 mai 2000. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION La requérante a saisi la Commission le 16 avril 1996. Elle alléguait la méconnaissance de son droit à un procès dans un délai raisonnable (article 6 § 1). Le 10 mars 1998, la Commission a retenu la requête (n° 36624/97). Dans son rapport du 27 mai 1998 (ancien article 31), elle conclut à l'unanimité à la violation de l'article 6 § 1.
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Le 28 septembre 1987, la requérante introduisit un recours en référé devant le juge d'instance (pretore) de Laviano (Salerne), à l'encontre de la mairie de Laviano, afin d'obtenir la réintégration immédiate dans la possession d'un immeuble et d'un terrain occupés par celle-ci. La mise en état de l'affaire commença le 10 novembre 1987. Dans son mémoire de constitution dans la procédure du 9 novembre 1987, la défenderesse sollicitait au principal le rejet de la demande en raison de l'incompétence ratione materiae de la juridiction saisie. Des huit audiences fixées entre le 19 décembre 1987 et le 26 octobre 1990, deux furent remises d'office, une fut ajournée à la demande des parties, deux à cause de leur absence, une en raison du défaut de notification de la date d'audience à l'expert et deux à cause de l'absence de celui-ci. A la suite de la suppression du tribunal d'instance (pretura) de Laviano, le dossier de l'affaire fut transféré à celui d'Eboli. Par une ordonnance hors audience du 5 novembre 1990, le juge d'instance de cette ville décida, à la lumière des éléments déjà recueillis, de ne pas adopter une mesure d'urgence et fixa au 17 janvier 1991 l'audience sur le fond. Il remplaça aussi l'expert qui ne s'était pas présenté. Cette audience dut être renvoyée car la défenderesse n'en avait pas reçu la notification. Des quinze audiences fixées entre le 6 mai 1991 et le 24 janvier 1996, neuf furent remises à la demande des parties, deux furent ajournées d'office, les quatre restantes furent consacrées à l'accomplissement d'une expertise et d'un complément d'expertise, ce dernier à la demande de la requérante. La défenderesse présenta ses conclusions à l'audience du 3 avril 1996. La requérante, absente à cette audience, présenta les siennes le 11 février 1997, date à laquelle elle obtint, avec l'accord de la défenderesse, un nouveau report. L'audience de plaidoiries se tint le 9 décembre 1997. Par jugement du 16 décembre 1997, déposé au greffe le même jour, le juge constata son incompétence ratione materiae, au motif que l'occupation des biens litigieux était intervenue sur la base d'un acte administratif légitime et indiqua le tribunal administratif comme juridiction compétente. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION Mme Ceriello a saisi la Commission le 21 mars 1996. Elle alléguait la méconnaissance de son droit à un procès dans un délai raisonnable (article 6 § 1). Le 10 mars 1998, la Commission a retenu la requête (n° 36620/97). Dans son rapport du 27 mai 1998 (ancien article 31), elle conclut à l'unanimité à la violation de l'article 6 § 1.
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Le requérant est un ressortissant portugais né en 1935 et résidant à Tomar (Portugal). Le 14 mars 1990, le requérant introduisit une action devant le tribunal du travail (Tribunal do Trabalho) de Lisbonne contre le Syndicat national ferroviaire des trains et similaires (Sindicato Nacional Ferroviário de Trens e Afins, ci-après « le syndicat »). Il demandait le paiement d’une somme par un fonds de pensions du syndicat, au titre d’un accident de travail dont il aurait été victime. A. La procédure de déclaration Cité à comparaître par une ordonnance du juge en date du 19 mars 1990, le syndicat déposa ses conclusions en réponse le 17 avril 1990. Après que le requérant eut déposé sa réplique le 16 mai 1990, le juge rendit, le 24 septembre 1990, une décision préparatoire (despacho saneador) spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. Le 12 octobre 1990, le syndicat déposa une réclamation et fit appel de cette décision. Le 30 octobre 1990, le requérant répondit à la réclamation. Par une ordonnance du 4 décembre 1990, le juge rejeta la réclamation et déclara l’appel recevable, tout en décidant que celui-ci n’aurait pas un effet suspensif, mais dévolutif. Par une ordonnance du 7 janvier 1991, le juge accepta la demande du syndicat de soumettre le requérant à une expertise médicale. Il ordonna par ailleurs de délivrer deux commissions rogatoires, à envoyer aux tribunaux de Porto et de Tomar. Lesdites commissions rogatoires furent envoyées le 15 janvier 1991. Celle de Porto fut retournée le 27 février 1991 et celle de Tomar le 25 novembre 1991. Le 5 février 1991, les experts médicaux devant examiner le requérant furent désignés. L’expertise fut reportée à deux reprises, les 25 février et 18 mars 1991, en raison de l’absence des experts. Elle eut lieu le 11 avril 1991. Le 14 janvier 1992, le dossier fut présenté au juge. Le 15 juillet 1992, celui-ci fixa l’audience au 25 septembre 1992. Toutefois, l’audience n’eut pas lieu le jour dit et fut reportée, au 13 novembre 1992. Ce jour-là, l’audience fut de nouveau reportée, au 12 février 1993. Il ne ressort pas du dossier que l’audience ait eu lieu ce dernier jour. Entre-temps, le juge avait décidé, par une ordonnance du 27 novembre 1992, de retirer du dossier de la procédure une demande qui avait été formulée par le requérant. Celui-ci introduisit, le 4 décembre 1992, un recours contre cette décision. Le 13 janvier 1993, le juge déclara le recours recevable mais décida qu’il ne serait transmis à la juridiction ad quem qu’après le jugement au fond. Le requérant fit une réclamation au président de la cour d’appel (Tribunal da Relação) de Lisbonne contre cette décision, qui fut rejetée le 22 février 1993. Le dossier fut présenté au juge le 24 février 1993. Par une ordonnance du 27 septembre 1994, celui-ci fixa l’audience au 2 mars 1995, date à laquelle elle eut lieu. Par un jugement du 24 mars 1995, le tribunal débouta le requérant de ses prétentions. Le 19 avril 1995, le requérant fit appel de ce jugement devant la cour d’appel de Lisbonne. Le 27 juin 1995, ce recours fut déclaré recevable et le 18 septembre 1995, le dossier fut transmis à cette dernière juridiction. Toutefois, le 12 octobre 1995, le dossier fut retourné au tribunal du travail car il était nécessaire de procéder à la transcription dactylographiée de certaines ordonnances rendues par le juge de ce tribunal. Le dossier fut de nouveau transmis à la cour d’appel le 20 décembre 1995. Par un arrêt du 6 mars 1996, la cour d’appel annula partiellement le jugement attaqué et reconnut au requérant le droit à certaines des sommes demandées, à préciser lors de la procédure ultérieure d’exécution. Sur pourvoi du syndicat, la Cour suprême (Supremo Tribunal de Justiça) confirma la décision entreprise par un arrêt du 25 juin 1997. Le syndicat demanda encore l’éclaircissement (aclaração) de cet arrêt, mais cette demande fut rejetée le 14 octobre 1997. Le 5 novembre 1997, le syndicat introduisit un recours en constitutionnalité devant le Tribunal constitutionnel (Tribunal Constitucional), qui fut déclaré irrecevable par un arrêt du 4 février 1998. B. La procédure d’exécution Le 9 juillet 1997, le requérant introduisit devant le tribunal du travail de Lisbonne une procédure d’exécution de la décision de la Cour suprême du 25 juin 1997, qui est toujours pendante.
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Le 29 janvier 1986, le requérant assigna devant le tribunal de Fermo la société de construction E. et M. S. afin d’obtenir réparation des dommages subis suite à des travaux de carrelage mal exécutés dans son appartement. L’instruction de l’affaire commença le 10 mars 1986. Ce jour-là, le requérant demanda au juge de la mise en état l’autorisation à renouveler l’acte de citation à l’encontre de M. S., étant donné que la première notification était irrégulière. Le juge ajourna l’affaire au 16 juin 1986. Entre-temps, le 17 avril 1986, le requérant avait renouvelé ladite notification. Le 1er décembre 1986, le requérant demanda au juge la mise en cause d’une tierce personne. Après un renvoi à la demande d’un des défendeurs, le 18 mai 1987 le juge ajourna l’affaire au 9 novembre 1987 à la demande des parties. Le jour venu, le requérant insista dans sa demande de mise en cause d’un tiers et le juge ordonna de verser au dossier un rapport d’expertise exécuté à la demande du requérant avant le début de la procédure. Après une audience, par ordonnance du 11 avril 1988, le juge de la mise en état rejeta la demande de mise en cause d’un tiers et fixa la date de l’audience de présentation des conclusions au 26 septembre 1988. Cette audience fut reportée d’office au 7 novembre 1988. A l’audience de plaidoiries du 12 octobre 1990 les parties demandèrent un renvoi. L’audience du 25 octobre 1991 fut reportée d’office au 18 décembre 1992. Cette audience ne se tint pas et l’audience de plaidoiries eut lieu le 17 juin 1994. Par un jugement du 30 juin 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 17 août 1994, le tribunal condamna la société E. à la réparation des dommages en faveur du requérant. Le 5 janvier 1995, la société E. interjeta appel devant la cour d’appel d’Ancône, en alléguant, entre autre, que la date de l’audience de plaidoiries du 17 juin 1994 n’avait pas été communiquée aux défendeurs, qui furent par conséquent absents, et demanda ainsi l’annulation du jugement de première instance. Toutefois, l’appelante n’inscrivit pas l’affaire au rôle et le 3 janvier 1996 cette dernière renouvela l’appel. L’instruction commença le 2 avril 1996. Ce jour-là, le conseiller de la mise en état fixa la date de l’audience de présentation des conclusions au 4 juin 1996. L’audience de plaidoiries se tint le 25 février 1998. Par un jugement non définitif du 4 mars 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 18 mai 1998, la cour d’appel d’Ancône accueillit le grief de la société E. et annula partiellement le jugement de première instance. Par une ordonnance du même jour, la cour d’appel rouvrit l’instruction et fixa la date de l’audience au 7 juillet 1998. Le jour venu, le conseiller de la mise en état nomma un expert, qui prêta serment le 6 octobre 1998. L’audience suivante fut fixée au 15 décembre 1998, date à laquelle eut lieu l'audition de témoins. D’après les informations fournies par le requérant le 23 juillet 1999, le 1er juin 1999 les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries fut fixée au 7 février 2001.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPECE Le premier requérant, M. Rizos Antonakopoulos, de nationalité grecque, né en 1938, est membre du Conseil juridique de l'Etat et réside à Holargos. Il est le frère de la deuxième requérante, Mme Georgia Vortsela, une employée de nationalité grecque, née en 1941, qui réside à Kifissia. La requête fut initialement introduite aussi par une troisième requérante, Mme Angeliki Antonakopoulou, mère des deux autres requérants, de nationalité grecque, née en 1910, et décédée le 25 juin 1997. Les deux premiers requérants sont ses seuls héritiers et déclarent qu'ils souhaitent poursuivre la procédure en leur propre nom ainsi qu'au nom de leur mère. Le 13 novembre 1969, Spiridon Antonakopoulos, le père des deux premiers requérants et époux de la troisième, démissionna de son poste de juge à la cour d'appel et bénéficia d'une pension de retraite. Après sa mort, le 17 juin 1992, le droit à une partie de cette retraite fut transféré à sa veuve, la troisième requérante, par décision de la Comptabilité générale de l’Etat (Geniko Logistirio tou Kratous). Le virement de la retraite à cette dernière débuta le 18 septembre 1992. Le 30 novembre 1994, la troisième requérante, Mme Angeliki Antonakopoulou, demanda le réajustement du montant de sa retraite, ainsi que de celle de son époux rétroactivement à partir du 1er décembre 1991, de façon à être traitée comme les médecins salariés de la Sécurité sociale. Par décision n 8447/1995, la Comptabilité générale de l’Etat rejeta cette demande. La troisième requérante saisit alors la Cour des comptes. Le 29 mai 1996, elle modifia ses demandes et sollicita le réajustement de la retraite de son époux entre le 1er décembre 1991 et le 17 juin 1992 et de sa propre retraite entre le 18 juin 1992 et le 31 décembre 1995 selon les barèmes fixés pour les magistrats en activité des cours d'appel par la décision n 2054561/6279/0022 du 28 août 1995 des ministres de la Justice et des Finances. Cette décision visait à établir l'égalité de traitement entre les magistrats en activité et les médecins salariés de la Sécurité sociale. Le 4 juillet 1996, la Cour des comptes, se fondant sur les articles 9 du code des pension civiles et militaires et 2 §§ 1 et 2 de la loi n 2320/1995, ainsi que sur la décision n 2054561/6279/0022 précitée, accueillit en partie la demande de Mme Angeliki Antonakopoulou (arrêt n° 1318/1996) ; elle ordonna à l'Etat de verser à celle-ci ainsi qu'aux autres héritiers de Spiridon Antonakopoulos - à savoir les deux premiers requérants - une retraite supplémentaire de 174 770 drachmes par mois pour la période entre le 1er décembre 1991 et le 17 juin 1992. La Cour des comptes ordonna également à l'Etat de verser une retraite supplémentaire de 87 390 drachmes par mois à Mme Angeliki Antonakopoulou pour la période entre le 18 septembre 1992 et le 31 décembre 1995. Enfin, elle annula la décision 8447/1995 de la Comptabilité générale de l’Etat. L’arrêt de la Cour des comptes fut notifiée à la Comptabilité générale de l’Etat le 23 juillet 1996, mais celle-ci ne versa pas les sommes allouées. Par une lettre du 19 mai 1997, la troisième requérante, qui avait entre-temps saisi la Commission européenne, invitait la Comptabilité générale de l’Etat à lui fournir un certificat attestant qu’elle n’avait pas encore exécuté l’arrêt de la Cour des comptes. Le 27 juillet 1997, fut promulguée la loi n 2512/1997 dont l'article 3 interprétait l'article 2 §§ 1 et 2 de loi n 2320/1995 de la façon suivante : les barèmes établis par des décisions ministérielles, comme la décision n 2054561/6279/0022 des ministres de la Justice et des Finances, ne pouvaient être pris en considération pour le calcul de la pension de retraite des juges ; toutes les revendications fondées sur les barèmes susmentionnés étaient prescrites, toute procédure judiciaire pendante devant toute juridiction était annulée et toute somme déjà versée, à l'exception de celles accordées par une décision judiciaire définitive, devait être récupérée. Le 5 mars 1997, la Cour des comptes siégeant en formation plénière avait entretemps émis un avis par lequel elle estimait que plusieurs articles de la loi n° 2512/1997 et notamment l’article 3 étaient inconstitutionnels car contraires aux articles 4 § 1 et 87 § 1 de la Constitution, ainsi qu’aux articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole n° 1. Par un arrêt (n° 2274/1997) du 17 décembre 1997, la Cour des comptes siégeant en formation plénière jugea que l’article 3 de la loi n° 2512/1997 était contraire aux articles 8, 20 § 1 et 26 de la Constitution grecque et 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Plus précisément, elle estima que le paragraphe 1 de l’article 3, qui annulait des procédures judiciaires pendantes et déclarait prescrites les prétentions que des particuliers avaient à l’encontre de l’Etat, ne servait pas un besoin social impérieux mais visait, en revanche, à délivrer l’Etat des effets des décisions judiciaires le concernant et qui lui seraient défavorables. De plus, ne pouvait être considéré comme une disposition interprétative ce même paragraphe dans la mesure où il prévoyait que même lorsqu’un rappel entraînant une augmentation de salaire était accordée aux magistrats par des décisions judiciaires ou ministérielles, cette augmentation ne pouvait être prise en compte pour la fixation ou l’augmentation du montant de leur retraite. Le paragraphe 2 de l’article 3 était aussi contraire aux articles susmentionnés car il classait les affaires pendantes, annulait les procédures judiciaires pendantes et déclarait prescrites les prétentions y afférentes. Enfin, l’article 88 § 2 alinéa b) de la Constitution qui disposait que la rémunération des magistrats était fixée par des lois spécifiques, n’excluait pas la détermination provisoire de cette rémunération par une réglementation spéciale ; par conséquent, les décisions ministérielles, adoptées en vertu de l’article 14 § 1 de la loi n° 1968/1961 relatives au montant et au versement des sommes dues aux magistrats - en raison de la disparité avec la rémunération des médecins-directeurs du secteur public - étaient conformes à la Constitution. Le 1er juillet 1998, la Cour des comptes, siégeant en formation plénière, rejeta le pourvoi introduit, le 4 juin 1997, par l’Etat contre l’arrêt n° 1318/1996 (paragraphe 10 ci-dessus) pour non-respect d’une formalité : l’Etat avait omis de notifier aux requérants une copie de son pourvoi dans un délai de six mois à compter du dépôt de celui-ci au greffe de la Cour des comptes. Les requérants n’avaient toujours pas reçu à ce jour les sommes dues. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT Les articles pertinents du décret présidentiel n° 774 codifiant les dispositions relatives à la Cour des comptes se lisent ainsi : Article 58 « 1. Un pourvoi en cassation peut être introduit pour d’erreur dans la constitution de la chambre qui a jugé une affaire, pour méconnaissance d’une formalité substantielle de la procédure, pour interprétation ou application erronée de la législation litigieuse. (…) » Article 61 « 1. Les décisions définitives des chambres de la Cour des comptes sont exécutoires, sauf si un pourvoi peut être formé dans les conditions prévues à l’article 58. (…) » Les articles 91 et 112 du décret présidentiel n° 1225/1981 relatif à l’exécution des dispositions concernant la Cour des comptes disposent : Article 91 « Les décisions définitives des chambres, à l’encontre desquels un pourvoi ne peut pas être formé, sont irrévocables et revêtent la force de la chose jugée. » Article 112 « 1. La formation d’un pourvoi n’a pas d’effet suspensif, (…) »
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, M. David Hood, est un ressortissant britannique né en 1970 et domicilié au Royaume-Uni. A l’époque des faits, il était militaire dans les forces armées britanniques. Avant les événements litigieux, il s’absenta à trois reprises sans autorisation de son unité en Allemagne. Avant la troisième absence, il avait été placé en détention provisoire dans l’attente d’être jugé par une cour martiale pour coups et blessures (chef d’inculpation ultérieurement abandonné) ; il demeura absent pendant près de deux ans et demi et se rendit à la police civile en décembre 1993. A. La période de détention à considérer et le procès du requérant en cour martiale Le 11 mai 1994, après deux semaines de permission, le requérant fut porté manquant (quatrième absence sans autorisation). Le 27 novembre 1994, il fut arrêté par la police civile à son domicile, et conduit le lendemain sous escorte militaire à la caserne de Brompton. Devant la Cour, il y a controverse entre les parties sur le point de savoir si le requérant a alors été traduit, le 29 novembre 1994, devant son chef de corps conformément à l’article 4 du code de procédure militaire de 1972 (Rules of Procedure (Army) 1972 ; paragraphe 29 ci-dessous). Le requérant fut maintenu aux arrêts de rigueur jusqu’à son procès en cour martiale. Hormis les fois où il était conduit à l’hôpital pour un traitement psychiatrique, il fut détenu dans une cellule de la caserne, sous la surveillance d’un gardien. Vers décembre 1994, il fut informé qu’il comparaîtrait après Noël devant l’officier adjoint de l’unité (unit adjutant). Il engagea alors un solicitor, qui le conseilla jusqu’au 17 janvier 1995. Le 4 janvier 1995, le requérant comparut devant l’officier adjoint de l’unité et se vit remettre le résumé des dépositions. Il fut invité à le lire et à en vérifier l’exactitude. Il fut aussi informé de son droit de garder le silence, conformément à l’article 10 du code de procédure militaire de 1972 (paragraphe 32 ci-après). Sur les conseils de ce premier solicitor, le requérant rédigea une déclaration et en demanda une à son amie. Ces deux documents furent achevés les 4 et 19 janvier 1995 respectivement, et soumis le 20 janvier 1995 à l’officier adjoint qui les ajouta au résumé des dépositions. Le requérant fut ensuite placé en détention provisoire par son chef de corps dans l’attente d’être jugé par une cour martiale et sollicita l’aide judiciaire des autorités militaires. L’acte d’inculpation, daté du 25 janvier 1995 et signé par le chef de corps et au nom de l’officier convocateur, faisait état de quatre chefs d’accusation : deux d’absence sans autorisation et deux de désertion contraire à la loi de 1955 sur l’armée de terre (Army Act 1955). Le requérant donna début février mandat à son solicitor actuel, mais celui-ci ne commença à travailler sur l’affaire qu’après l’octroi de l’aide judiciaire par le ministère de la Défense, par courrier daté du 14 février 1995. Par une décision du 17 mars 1995, une cour martiale de district fut convoquée pour juger le requérant. Elle se réunit les 3 et 4 avril 1995. Le procureur assistant était l’officier adjoint de l’unité. Le requérant, représenté, plaida non coupable. Le conseil du requérant contesta, au regard de l’article 78 de la loi de 1984 sur la police et l’administration de la preuve pénale (Police and Criminal Evidence Act), l’admission des déclarations du requérant et de son amie comme moyens de preuve. Le judge advocate, après avoir entendu les témoignages de l’officier adjoint et du représentant du requérant, estima que l’article 10 du code de procédure militaire de 1972 avait été dûment observé. Considérant que l’intéressé avait été représenté et eu égard à la procédure suivie, le judge advocate ne voyait pas « comment la situation aurait pu être plus équitable » ; il rejeta dès lors l’objection. Il précisa en outre : « nous pouvons tenir pour établi que, dans toute cour martiale, l’officier adjoint ou son assistant remplissent les fonctions de procureur ou de procureur adjoint. » Le requérant fut reconnu coupable sur les deux chefs d’absence sans autorisation et sur un de désertion ; l’autre cas de désertion fut requalifié en « absence sans autorisation ». Il fut condamné à huit mois d’emprisonnement et au renvoi de l’armée. La cour déclara que la peine tenait compte de la période pendant laquelle le requérant avait été aux arrêts de rigueur immédiatement avant sa comparution en cour martiale. Après confirmation et publication du verdict et de la peine, le requérant saisit la commission ad hoc de l’armée (Army Board). Par courrier du 13 juillet 1995, il fut informé du rejet de sa demande. Il se vit refuser l’autorisation de saisir, le 13 septembre 1995, un juge unique de la cour martiale d’appel (Courts-Martial Appeal Court) et, le 18 mars 1996, la formation plénière de cette juridiction. B. La procédure d’habeas corpus Le soixante-douzième jour de la détention du requérant se situe vers le 7 février 1995. Par conséquent, conformément à l’article 6 du code de procédure militaire de 1972 et au paragraphe 6.045 c) des décrets royaux (paragraphes 31 et 38 ci-dessous), l’officier convocateur émit le 3 février 1995 une instruction, à laquelle était jointe une autorisation du commandant en chef ordonnant de maintenir le requérant en détention « pour empêcher qu’il ne se soustraie à la justice (« the delay report » ; ci-après « le rapport de détention »). Le 17 février 1995, après avoir demandé copie du rapport de détention et informé les autorités de son intention de présenter une demande d’habeas corpus, le requérant engagea cette procédure, en contestant principalement la régularité du rapport de détention. Son solicitor reçut le rapport le 20 février 1995 et invoqua alors d’autres moyens devant la High Court. Le 21 février 1995, la High Court rejeta la demande, estimant notamment que le rapport de détention avait été élaboré convenablement et dans les délais. Elle releva que le motif formel pour maintenir le requérant en détention était de l’empêcher de se soustraire à la justice, motif qu’elle jugea « parfaitement compréhensible », vu les accusations portées contre l’intéressé. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les dispositions régissant la détention et le jugement des militaires figuraient à l’époque des faits dans la loi de 1955 sur l’armée de terre (« la loi de 1955 »), le code de procédure militaire de 1972 (« le code de 1972 ») et les décrets royaux de 1975 sur l’armée (Queen’s Regulations for the Army 1975 ; « les décrets royaux »). 21. Depuis le procès du requérant, la législation a été modifiée, notamment par la loi de 1996 sur les forces armées (Armed Forces Act ; voir l’arrêt Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, p. 276, §§ 52-57) et par les règlements de 1997 sur les enquêtes et les procédures simplifiées concernant l’armée de terre (Investigation and Summary Dealing (Army) Regulations ; « les règlements de 1997 »). On trouvera ci-après les dispositions applicables lors de l’arrestation, de la détention et du procès du requérant en cour martiale. A. Arrestation Un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne relevant de la justice militaire et soupçonnée d’avoir déserté ou de s’être absentée sans autorisation peut être délivré par le chef de corps de l’intéressé, et doit être adressé à la police civile. La personne arrêtée en vertu d’un tel mandat doit être remise dès que possible aux autorités militaires (article 190 A de la loi de 1955). B. Instruction et détention Les dispositions pertinentes varient selon que le prévenu est, soit un sous-officier ou un soldat, soit un officier ou un adjudant-chef. Dans le premier cas (décrit ci-après), les pouvoirs du chef de corps en matière d’instruction et de poursuites contre le prévenu sont généralement plus étendus. La loi de 1955 La désertion et l’absence sans autorisation constituent des infractions au regard de la loi de 1955. La première est punie d’une peine d’emprisonnement de durée indéterminée (en fonction des pouvoirs de sanction de la cour martiale en question) et la seconde d’une peine d’emprisonnement de deux ans au plus. L’article 75 de la loi de 1955 dispose que l’instruction des accusations portées contre une personne aux arrêts et relevant de la justice militaire est menée sans tarder et que la procédure est engagée au plus tôt en vue de sanctionner ou de libérer l’auteur de l’infraction. En outre, si la détention excède huit jours sans qu’une cour martiale ait été convoquée, le chef de corps de l’intéressé doit établir, dans les formes prescrites, à l’intention de l’autorité réglementaire un rapport (« rapport de détention ») sur la nécessité d’un délai supplémentaire ; un rapport similaire doit être adressé à la même autorité tous les huit jours jusqu’à ce qu’une cour martiale soit convoquée, l’infraction examinée selon une procédure simplifiée, ou le prévenu libéré. Toute allégation selon laquelle une personne relevant de la justice militaire a commis une infraction à la loi de 1955 est notifiée sous forme d’inculpation au chef de corps de l’intéressé, lequel doit instruire l’affaire avant de prendre une quelconque mesure (article 76). A l’issue de l’instruction, le chef de corps peut, s’il est d’avis qu’il n’y a pas lieu de poursuivre, abandonner une accusation (non susceptible de faire l’objet d’une procédure simplifiée). Il peut en outre suspendre la procédure s’il estime que les questions afférentes aux accusations pourraient et devraient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, faire l’objet d’une action prévue par d’autres dispositions que celles de la loi de 1955 (articles 77 et 77 A). Si le chef de corps n’arrête pas la procédure et si l’accusation ne peut faire l’objet d’une procédure simplifiée ou n’a pas été abandonnée, ou encore que ladite accusation peut faire l’objet d’une procédure simplifiée mais que le chef de corps l’estime inadaptée, il prend les « mesures prescrites » en vue d’un procès en cour martiale (article 78 §§ 1 et 2). La procédure simplifiée consiste à recueillir des dépositions uniquement écrites, à statuer sur la culpabilité ou l’innocence du prévenu et à prononcer une peine (article 78 § 3). Si, toutefois, le chef de corps a pris des mesures pour un procès en cour martiale, toute autorité supérieure saisie de l’affaire peut la renvoyer au chef de corps en vue d’une procédure simplifiée lorsque l’affaire s’y prête (article 78 § 6), ou ordonner de ne pas retenir le chef d’inculpation ou de suspendre la procédure. Le code de 1972 En vertu de l’article 4 du code de 1972, lorsqu’une personne est détenue par une autorité militaire, son chef de corps doit, sauf impossibilité, la faire comparaître devant lui dans un délai de quarante-huit heures après avoir eu connaissance de sa détention, l’informer des charges portées contre elle et instruire l’affaire. Si l’instruction n’a pas commencé dans les quarante-huit heures, le chef de corps doit rendre compte de l’affaire à une autorité supérieure et exposer les raisons de ce retard (article 4 § 2). Le rapport visé à l’article 75 de la loi de 1955 doit être signé par le chef de corps du détenu et adressé à la personne chargée de convoquer la cour martiale (article 5). Conformément à l’annexe 1 au code de 1972, le rapport doit préciser notamment si le prévenu est aux arrêts simples ou de rigueur, et exposer les motifs de la détention, certains détails concernant le déroulement de l’instruction et les préparatifs pour le procès, ainsi que les raisons des retards depuis le dernier rapport. 31. Le prévenu ne doit pas être maintenu aux arrêts plus de soixante-douze jours consécutifs sans qu’une cour martiale soit convoquée, à moins que l’officier convocateur n’ordonne par écrit, en motivant sa décision, de ne pas le libérer (article 6). Aux termes de l’article 10 § 1, le chef de corps, ou un autre officier sur instructions de celui-ci, élabore un condensé des dépositions. Le prévenu ne peut être présent à ce stade. Ce document réunit les dépositions signées de tous les témoins à charge ou des résumés de chacune d’entre elles. Le prévenu en reçoit copie (normalement de l’officier qui en est l’auteur) et est informé de son droit de garder le silence dans les termes suivants : « Le présent document est une copie du condensé des dépositions recueillies dans votre affaire ; vous n’êtes pas tenu de dire quoi que ce soit à ce sujet, à moins que vous ne le souhaitiez, mais vous devez le lire et si, après lecture, vous souhaitez dire quelque chose, votre déclaration sera consignée par écrit et pourra être produite comme preuve. » (article 10 § 2 du code de 1972) Les déclarations soumises par le prévenu (y compris celles des témoins qu’il souhaite voir figurer dans le résumé) sont jointes au condensé des dépositions dont elles font ensuite partie intégrante (article 10 § 4). La brochure intitulée « Les droits du soldat » (fournie aux prévenus et mise à leur disposition dans les cellules) expose que le condensé des dépositions a notamment pour objet de « résumer l’affaire pour le procureur au procès » et d’informer le prévenu des preuves qui seront présentées. Les mesures à prendre par le chef de corps pour envoyer une affaire en cour martiale incluent, conformément à l’article 13, d’adresser à l’autorité supérieure un projet d’acte d’inculpation (signé du chef de corps), le condensé des dépositions, une attestation de personnalité ainsi que les états de service de l’intéressé, et une recommandation quant à la procédure à suivre (par exemple un examen par une cour martiale de district ou une cour martiale générale). C’est l’officier convocateur qui décide en définitive des charges à retenir contre le prévenu, ce qu’il fait généralement en contresignant le projet d’acte d’inculpation soumis par le chef de corps. Les décrets royaux D’après le paragraphe 6.005 des décrets royaux, la simple allégation qu’une personne relevant de la justice militaire a commis une infraction ne justifie pas en soi de la mettre nécessairement aux arrêts. S’il s’agit d’une infraction sans gravité, l’auteur doit être informé des accusations portées contre lui et invité à se présenter au bureau de l’unité à une date et une heure données. Si l’arrestation s’impose, la forme d’exécution des arrêts doit être déterminée selon les intérêts du service et la nature de l’infraction alléguée. En général, une personne ne doit être mise aux arrêts de rigueur que si sa détention est nécessaire à la sécurité ou au maintien de la discipline. 36. Les arrêts de rigueur se justifient, notamment, lorsque le prévenu tente délibérément de saper la discipline, risque de se blesser ou de blesser autrui, ou de suborner des témoins ; lorsqu’il ne s’est pas rendu mais a été appréhendé pour s’être absenté sans autorisation ou être habituellement porté manquant ; et lorsqu’il n’est pas souhaitable, dans l’intérêt de la discipline, vu la nature de l’infraction alléguée et sa répétition, de laisser l’intéressé en liberté ou de l’autoriser à fréquenter ses camarades (paragraphe 6.005). Le paragraphe 6.007 prévoit (à la lumière, notamment, du principe général selon lequel le prévenu ne doit pas être inutilement mis aux arrêts) que le chef de corps est chargé de s’assurer, dans chaque cas, que la nécessité de maintenir le prévenu aux arrêts et la forme d’exécution de ces arrêts font l’objet d’un contrôle constant. Au besoin, les modalités d’exécution peuvent être modifiées ou le prévenu libéré. Aux termes du paragraphe 6.045 c), la personne responsable du prévenu durant sa détention provisoire doit informer celui-ci du rang, du nom et de l’unité de la personne qui allègue qu’il a commis l’infraction, et de la nature de l’allégation. Selon le paragraphe 6.047, une accusation portée contre un officier ou un soldat doit être examinée dans les meilleurs délais. Par conséquent, à réception de chaque rapport de détention, l’officier convocateur doit s’assurer (lorsque le prévenu est détenu) de la nécessité du maintien en détention (alinéas a) et b)). A réception du quatrième rapport ou, dans tous les cas, après quarante jours de détention, l’officier convocateur doit rédiger à l’intention de son supérieur hiérarchique un rapport spécial exposant les motifs du retard, la date à laquelle il est prévu de traduire l’intéressé devant un tribunal et les raisons du maintien en détention (alinéa c)). Si le prévenu n’est pas déféré à un tribunal avant le soixante-douzième jour, le supérieur de l’officier convocateur doit à son tour établir pour cette date un rapport spécial à l’intention du commandant en chef (alinéa d)). A réception de ces rapports, le supérieur et le commandant en chef précités doivent prendre les mesures nécessaires pour hâter l’ouverture du procès (alinéa e)). Lorsqu’un prévenu est maintenu en détention pendant soixante-douze jours consécutifs sans qu’une cour martiale ait été convoquée, l’instruction prévue à l’article 6 du code de 1972 de ne pas le libérer ne peut être donnée qu’avec l’autorisation préalable du commandant en chef. Le rapport doit préciser les motifs du retard, la date à laquelle il est prévu de traduire l’intéressé devant un tribunal et les raisons du maintien en détention (paragraphe 6.047 f)). En principe, le prévenu ou son représentant ne reçoivent pas copie des rapports. C. Habeas corpus L’habeas corpus est une procédure par laquelle une personne privée de sa liberté peut demander d’urgence son élargissement en alléguant l’illégalité de sa détention. La juridiction compétente est normalement la High Court – Divisional Court de la Queen’s Bench Division ; un membre des forces armées mis aux arrêts peut se prévaloir du recours d’habeas corpus (R. v. Royal Army Service Corp. Colchester, ex parte Elliott, All England Law Reports 1949, vol. 1, p. 373). L’ampleur de ce contrôle dépend du contexte de l’affaire et, le cas échéant, des termes de la loi en vertu de laquelle s’exerce le pouvoir de détention. Toutefois, le tribunal examine si la détention du prévenu est régulière et s’il existe assez de preuves pour le détenir ; lorsque le pouvoir de détention dépend de l’établissement préalable d’un fait objectif, il doit se prononcer sur l’existence de ce fait (Khawaja v. Secretary of State for the Home Department, Appeal Cases 1984, p. 74). D. Aide judiciaire Le programme d’aide judiciaire des autorités militaires ne s’applique pas aux demandes devant les juridictions civiles, notamment aux recours d’habeas corpus. Toutefois, pour une telle procédure, l’aide judiciaire peut être obtenue des autorités civiles. Pour bénéficier de l’aide à des fins de représentation dans le cadre d’une telle procédure, la personne qui en fait la demande doit justifier de motifs raisonnables pour être demanderesse, défenderesse ou partie (article 15 § 2 de la loi de 1988 sur l’aide judiciaire ; Legal Aid Act). Cette demande n’est approuvée qu’après examen des questions de fait et de droit soulevées par l’action, la cause ou l’objet sur lesquels elle porte, ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été présentée (règlements généraux de 1989 sur l’aide judiciaire en matière civile ; Civil Legal Aid (General) Regulations). L’aide judiciaire d’urgence peut être sollicitée en vertu des règlements généraux de 1989. Les informations fournies doivent permettre au directeur de district d’apprécier la nature de la procédure en question et les circonstances de la demande, et de déterminer si les conditions d’octroi de l’aide judiciaire sont remplies et si l’intérêt de la justice commande de l’accorder. E. Les cours martiales Les dispositions pertinentes de la loi de 1955 relatives aux cours martiales générales sont exposées dans l’arrêt Findlay précité (pp. 272-275, §§ 32-51). Ces dispositions (résumées au paragraphe 45 ci-dessous) s’appliquent également aux cours martiales de district, avec cependant certaines différences. Une cour martiale de district se compose d’un président et d’au moins deux autres officiers ; le grade requis des membres est inférieur à celui des membres d’une cour martiale générale. Au centre du dispositif mis en place par la loi de 1955 se trouvait « l’officier convocateur » (convening officer). Cet officier (qui devait avoir un certain rang et être chargé du commandement d’un corps des forces régulières ou appartenant au groupe d’unités dont relevait le prévenu) avait la responsabilité de toute affaire devant être jugée par une cour martiale. Il devait décider de la nature et du détail des accusations ainsi que du type de cour martiale requis, qu’il était aussi chargé de convoquer. Il établissait un ordre de convocation, précisant notamment la date, le lieu et l'heure du procès, le nom du président et l'identité des autres membres, susceptibles d'être tous désignés par lui. A défaut de nomination d'un judge advocate par le Bureau du Judge Advocate General, l’officier convocateur pouvait le désigner lui-même. Il nommait également ou donnait instruction à un chef de corps de désigner l'officier procureur. Avant l'audience, l'officier convocateur envoyait un résumé des dépositions à l'officier procureur et au judge advocate, et pouvait indiquer les passages susceptibles d'être déclarés irrecevables. Il veillait à la comparution à l'audience de tous les témoins à charge. Il donnait d'ordinaire son consentement à l'abandon de certaines charges, encore que ce ne fût pas toujours nécessaire, et, lorsque le prévenu sollicitait le bénéfice de circonstances atténuantes, sa demande ne pouvait être accueillie sans le consentement de l'officier convocateur. Celui-ci devait aussi faire en sorte que le prévenu pût convenablement préparer sa défense, avoir un représentant au besoin et prendre contact avec les témoins à décharge. Il devait veiller à ordonner la comparution à l'audience de tous les témoins lorsqu'elle était « raisonnablement requise » par la défense. L'officier convocateur pouvait dissoudre la cour martiale avant ou pendant le procès, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. En outre, il pouvait formuler des observations sur la procédure de la cour martiale. Ces observations n'étaient pas versées au dossier mais généralement communiquées à part aux membres de la cour sauf dans le cas exceptionnel d'une publicité de l’instruction nécessaire dans l'intérêt de la discipline, ce qui permettait alors de les diffuser dans les consignes de la circonscription militaire. D'ordinaire, l'officier convocateur remplissait également la fonction d'officier confirmateur (confirming officer). Les conclusions d'une cour martiale ne prenaient effet qu'une fois confirmées par cet officier, qui pouvait ne pas entériner la décision, prononcer une autre sentence, reporter l'application d'une peine ou la remettre en tout ou partie. PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION M. Hood a saisi la Commission le 18 avril 1995. Invoquant les articles 5 et 13 de la Convention, il prétendait n’avoir pas été traduit aussitôt après son arrestation devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires, n’avoir disposé d’aucun recours conforme à l’article 5 § 4 pour contester son maintien en détention, et n’avoir pas eu droit à réparation ou disposé d’un recours interne effectif pour exposer ces griefs. Il affirmait aussi, sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3, que sa cause n’avait pas été entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. Le 1er décembre 1997, la Commission a déclaré irrecevables les griefs relatifs aux périodes de détention antérieures au 27 novembre 1994 et a retenu la requête (n° 27267/95) pour le surplus. Dans son rapport du 28 mai 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule à l’unanimité l’avis qu’il y a eu violation de l’article 5 §§ 3 et 5, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 et qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief sous l’angle de l’article 13. Elle exprime en outre l’avis unanime qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 quant aux exigences d’équité, d’indépendance et d’impartialité, qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition s’agissant de la publicité des débats et qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs du requérant sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES À LA COUR Le Gouvernement ne conteste pas le constat de violation de l’article 5 §§ 3 et 5 et de l’article 6 § 1 formulé par la Commission. Toutefois, quant à l’article 41 de la Convention (ancien article 50), il fait valoir que le constat de violation constituerait en soi une réparation suffisante. Le requérant a invité la Cour à constater une violation des droits que lui reconnaissent les articles 5, 6 et 13 de la Convention et à lui accorder une indemnité au titre du préjudice moral et des frais et dépens, en application de l’article 41 de la Convention.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE A. La première requérante Le 8 avril 1989, Mme Jeanette Smith (la première requérante) s'engagea comme aide-soignante (enrolled nurse) pour neuf ans (renouvelables) dans la Royal Air Force. Elle obtint par la suite le grade de caporale. De 1991 à 1993, elle fut proposée à l'avancement. Son accession au grade supérieur était subordonnée au fait de devenir infirmière (staff nurse) et, en 1992, elle fut acceptée dans la formation appropriée. Elle devait passer les derniers examens en septembre 1994. Le 12 juin 1994, elle trouva sur son répondeur un message d'une femme non identifiée, qui déclarait avoir informé les autorités de l'armée de l'air de l'homosexualité de la requérante. Celle-ci ne se présenta pas à son poste le 13 juin 1994 comme elle le devait. Le même jour, une femme appela le service de la prévôté et de la sécurité de l'armée de l'air (Provost and Security Service – « la police militaire »), affirmant notamment que la requérante était homosexuelle et lui faisait subir un harcèlement sexuel. Le 15 juin 1994, la requérante se présenta à son poste. Elle fut convoquée à un entretien préalable à l'ouverture d'une procédure disciplinaire pour s'être absentée sans autorisation. Pour justifier son absence, elle mentionna l'appel téléphonique anonyme et reconnut qu'elle était homosexuelle. Elle confirma également avoir déjà eu une liaison homosexuelle et en entretenir alors une autre, qui impliquaient toutes deux des personnes civiles ; la relation en cours avait débuté dix-huit mois auparavant. L'assistance de la police militaire fut requise, un dossier d'enquête interne ouvert et un enquêteur de la police militaire désigné. Le même jour, la requérante fut interrogée par cet enquêteur et par un autre officier (une femme) appartenant à la police militaire. L'interrogatoire dura trente-cinq minutes environ. L'intéressée fut avisée qu'elle n'était pas tenue de parler mais que toute déclaration de sa part pourrait être versée au dossier. Elle affirma ultérieurement que son solicitor lui avait conseillé de se taire ; elle avait toutefois accepté de répondre à des questions simples mais refusé de donner « des détails ». Elle fut avertie que certaines questions étaient susceptibles de la gêner et qu'elle pouvait dans ce cas exprimer son embarras. On lui expliqua également que les questions avaient pour but de vérifier que ses aveux ne visaient pas à obtenir une révocation anticipée. La requérante déclara que si elle se « posait des questions » sur ses préférences sexuelles depuis environ six ans, elle avait eu sa première liaison homosexuelle durant sa première année dans l'armée de l'air. On l'invita à dire comment elle en était venue à prendre conscience qu'elle était lesbienne, quels étaient les noms de ses anciennes partenaires (qu'elle refusa de donner) et si celles-ci appartenaient à l'armée (cette question lui fut posée à plusieurs reprises). On l'interrogea également sur la façon dont elle avait rencontré sa partenaire actuelle et la nature de leurs rapports ; devant son refus de répondre, son interlocuteur lui demanda par quel autre moyen il pourrait prouver son homosexualité. La requérante confirma alors qu'elle-même et sa partenaire entretenaient des relations intimes. On lui demanda également si elle-même et sa partenaire avaient des rapports sexuels avec la jeune fille (de seize ans) placée dans leur foyer. La requérante indiqua qu'elle connaissait les conséquences de la découverte de son homosexualité et que, tout en s'estimant aussi apte que quiconque à remplir ses fonctions, elle s'était résignée à ce qui devait lui arriver. Ses interlocuteurs voulurent aussi savoir si elle avait consulté un homme de loi, quel était le nom de son solicitor, quels conseils celui-ci lui avait déjà donnés, et ce qu'elle envisageait de faire à cet égard après l'interrogatoire. On l'invita à dire si elle s'était posé des questions concernant le VIH, si elle « prenait des précautions », ce qu'elle faisait pendant ses loisirs et si elle participait à des « jeux de garçon manqué » comme le hockey ou le netball. La requérante accepta que sa partenaire, qui attendait à l'extérieur, fût interrogée pour « corroborer » ses dires. Dans leur rapport du 15 juin 1994, les enquêteurs consignèrent leur entretien ultérieur avec la partenaire de la requérante, qui confirma qu'elles entretenaient des relations intimes depuis dix-huit mois environ ; elle refusa cependant d'en dire plus. Le rapport d'enquête fut envoyé au chef de corps de la requérante, lequel préconisa, le 10 août 1994, la révocation administrative de l'intéressée. Le 16 novembre 1994, celle-ci reçut une atation de révocation des forces armées. Selon un document interne de l'armée de l'air en date du 17 octobre 1996, l'appréciation des compétences professionnelles et des qualités personnelles de la requérante est très bonne, et le comportement général de l'intéressée est qualifié d'exemplaire. B. Le second requérant Le 12 août 1980, M. Graeme Grady (le second requérant) entra comme auxiliaire administratif dans la Royal Air Force, au grade de soldat de deuxième classe. En 1991, il avait atteint le grade de sergent et travaillait comme administrateur du personnel ; il fut alors muté à Washington, au bureau de liaison du ministère de la Défense britannique pour l'Amérique du Nord (British Defence Intelligence Liaison Service (North America) – « BDILS(NA) »). Il avait alors le statut de cadre et dirigeait l'équipe de soutien du BDILS(NA). En mai 1993, le requérant, qui était marié et avait deux enfants, annonça à son épouse qu'il était homosexuel. L'appréciation générale portée sur l'intéressé pour la période allant de juin 1992 à juin 1993 indique qu'il a obtenu huit sur neuf au total pour ses capacités professionnelles, ses compétences en matière d'encadrement et ses qualités personnelles. Son aptitude à travailler avec des personnes de tous les grades, avec ses homologues canadiens et australiens et avec ses supérieurs hiérachiques fut mise en exergue, son chef de corps notant en conclusion que le requérant était tout désigné pour être inscrit au tableau d'avancement (une recommandation spéciale passant pour être à sa portée) et qu'il correspondait particulièrement bien au profil « PS [assistant personnel]/SDL [fonctions spéciales]/fonctions diplomatiques ». A la suite des révélations faites à l'épouse du chef du BDILS(NA) par la nourrice de la famille, le chef du BDILS(NA) fit savoir que l'on soupçonnait le requérant d'être homosexuel. Un dossier d'enquête interne fut ouvert et un officier de la police militaire désigné comme enquêteur. Le 12 mai 1994, l'habilitation de sécurité du requérant fut remplacée par une habilitation plus restreinte. Le 17 mai 1994, le chef du BDILS(NA) le releva de ses fonctions et l'informa qu'il était renvoyé au Royaume-Uni en attendant l'issue d'une enquête sur un problème concernant son habilitation de sécurité. Le même jour, l'intéressé fut emmené chez lui pour y faire ses valises et invité à quitter Washington pour le Royaume-Uni. On lui demanda alors de rester dans l'enceinte de la base aérienne concernée au Royaume-Uni. Le 19 mai 1994, le chef du BDILS(NA) conseilla à deux enquêteurs de la police militaire, qui étaient entre-temps arrivés à Washington, d'interroger sa propre épouse, la nourrice, l'épouse du requérant ainsi qu'une employée du BDILS(NA) et le mari de cette dernière. Dans sa déposition, la nourrice expliqua comment, du fait de ses propres liens dans le milieu homosexuel, elle en était venue à soupçonner le requérant d'être homosexuel. L'épouse du chef du BDILS(NA) rapporta pendant l'interrogatoire les confidences que lui avait faites l'épouse du requérant sur leurs difficultés conjugales et leur vie sexuelle, et révéla aux enquêteurs que l'intéressé était parti en randonnée à bicyclette avec un collègue. Les enquêteurs décidèrent que sa déposition ne pouvait leur être utile. La collègue du requérant et son mari évoquèrent eux aussi les problèmes conjugaux de l'intéressé et de son épouse, la circonstance qu'ils faisaient chambre à part, et la randonnée à bicyclette que le requérant avait effectuée avec un collègue. On interrogea également ces personnes sur la possibilité que le requérant entretînt une liaison adultère et des liens avec la communauté homosexuelle. Les enquêteurs expliquèrent par la suite que ces amis étaient manifestement loyaux envers l'intéressé et qu'il ne fallait pas les croire. L'épouse de M. Grady fut interrogée à son tour. L'interrogatoire est consigné en détail dans le rapport en date du 22 mai 1994. On expliqua à l'épouse du requérant que l'interrogatoire portait sur l'habilitation de sécurité de son mari et que celui-ci avait été transféré sur-le-champ au Royaume-Uni, conformément à la procédure habituelle. Elle accepta de parler aux enquêteurs de son époux et d'elle-même et, répondant aux questions, donna des précisions sur leur situation financière, l'évolution et l'état actuel de leur vie conjugale, leurs habitudes sexuelles et la relation du requérant avec ses deux enfants. Elle indiqua que les tendances sexuelles de son époux étaient normales et qu'il était parti seul faire la randonnée à bicyclette en question. Le 23 mai 1994, l'habilitation de sécurité restreinte accordée au requérant fut suspendue. Le 25 mai 1994, le requérant fut convoqué à un interrogatoire avec les deux mêmes enquêteurs, qui étaient rentrés des Etats-Unis. L'interrogatoire débuta à 14 h 35 et fut conduit, après avertissement de l'intéressé, en présence d'un observateur (appartenant également à l'armée de l'air) à la demande du requérant. Celui-ci fut informé de l'existence d'une allégation concernant ses préférences sexuelles (les termes de « tantouze » (queen) et de « pédale intégrale » (out and out bender) furent employés) et on lui précisa que les enquêteurs s'étaient rendus à Washington et avaient parlé à plusieurs personnes, dont une ou deux pensaient qu'il était homosexuel. Le requérant nia être homosexuel. On lui posa de nombreuses questions sur son travail, ses relations avec le chef du BDILS(NA), sa randonnée à bicyclette et sa collègue. Les enquêteurs lui déclarèrent que son épouse avait subi un interrogatoire approfondi et lui dirent de temps à autre si leurs réponses concordaient. Il fut invité à parler de l'échec de son mariage, de ses éventuelles aventures extraconjugales, de ses relations intimes avec son épouse, y compris du fait qu'ils utilisaient des préservatifs, et de leur situation financière. On lui posa également des questions sur la randonnée à bicyclette, sur un collègue et sur l'orientation sexuelle de ce dernier. On demanda au requérant qui il appelait depuis qu'il était au Royaume-Uni et comment il téléphonait. On lui dit qu'il serait invité à fournir son agenda électronique qui contenait des noms, adresses et numéros de téléphone et que l'on vérifierait si les entrées correspondaient à des contacts homosexuels. Les enquêteurs informèrent le requérant qu'ils avaient un mandat les autorisant à perquisitionner à son domicile s'il n'était pas d'accord. Le requérant donna son consentement à la perquisition. Il demanda également qu'on lui laisse le temps de réfléchir et de consulter un homme de loi. L'interrogatoire fut suspendu à 15 h 14. Le requérant prit alors l'avis d'un solicitor et une perquisition fut conduite à son domicile. L'interrogatoire reprit à 19 h 44, en présence du solicitor et d'un observateur. Bien qu'on le pressât de questions, le requérant répondit « pas de commentaire » à la plupart d'entre elles. Devant les réponses de l'intéressé, on demanda à son solicitor ce qu'il lui avait conseillé. L'agenda électronique du requérant lui fut confisqué. On lui demanda s'il percevait les conséquences de l'enquête d'un point de vue sécuritaire et savait que sa carrière était finie si les allégations à son encontre étaient prouvées. L'un des enquêteurs lui dit alors : « (...) si vous changez d'avis et souhaitez me parler, pendant que je suis encore ici, avant que je ne rentre à Washington ; parce que je rentre à Washington. Je vais voir le colonel demain, celui de Londres, qui verra alors le général et nous allons demander l'autorisation de parler aux Américains (...) et je resterai là-bas, Graeme, jusqu'à ce que j'aie parlé à tous les Américains que vous connaissez. L'argent n'est pas un problème. Le temps n'est pas un problème. (...) » On présenta au requérant les déclarations circonstanciées faites par son épouse aux enquêteurs, lesquelles comprenaient des renseignements sur sa relation avec son fils, sa fille et sa belle-mère, sur des sujets concernant le domicile familial dont le requérant n'avait pas connaissance, et sur l'utilisation par l'intéressé de préservatifs lors de ses rapports sexuels avec sa femme. L'enquêteur revint sur la froideur que le requérant avait manifestée envers son épouse, et sur son apparent regain d'amour à son égard. Le requérant continua de répondre « pas de commentaire ». On expliqua à son solicitor que l'attitude de l'armée quant à des investigations concernant des allégations d'homosexualité ne justifiait pas le recours à des conseils juridiques et que le solicitor ne faisait que retarder les choses. Les enquêteurs déclarèrent également qu'il s'agissait d'une question de sécurité et qu'ils ne donneraient pas plus de détails, le solicitor n'ayant pas d'habilitation de sécurité ; cependant, le requérant ne devait pas être surpris si des personnes appartenant au contre-espionnage venaient lui parler, et il n'aurait alors aucune possibilité de prendre un avis juridique. Le requérant demanda du temps pour parler à son solicitor et l'interrogatoire fut interrompu à 20 h 10. Après discussion avec son conseil, il sollicita une nuit de réflexion. L'interrogatoire reprit le 26 mai 1994 à 15 h 27, en présence des mêmes enquêteurs et d'un observateur, mais le requérant ne demanda pas l'assistance d'un solicitor. Il reconnut presque immédiatement son homosexualité et expliqua qu'il l'avait niée au départ parce qu'il ne savait pas s'il pourrait conserver le bénéfice de certains droits cumulés en cas de révocation, et qu'il s'inquiétait de la situation financière de sa famille dans cette éventualité. Or, il avait depuis lors découvert qu'il bénéficierait d'une révocation administrative et qu'il aurait droit à une indemnité normale à la cessation de service ; il pouvait donc se montrer honnête. Le requérant fut en outre interrogé sur un dénommé « Randy » ; on lui demanda si son épouse était au courant de son homosexualité, si l'un de ses collègues était homosexuel, et quand il avait révélé son homosexualité. On lui demanda s'il avait actuellement un partenaire, mais il refusa de donner son nom ; à ce stade, on lui expliqua que le service devait vérifier ses aveux concernant son homosexualité pour éviter des tentatives frauduleuses de révocation anticipée. Il fut alors interrogé sur sa première liaison homosexuelle (il déclara qu'elle avait commencé en octobre 1993) et sur ses partenaires homosexuels (passés et présents) ; on lui demanda qui ils étaient, où ils travaillaient, quel âge ils avaient, comment il les avait rencontrés et quelle était la nature des relations, y compris sexuelles, qu'il entretenait avec eux. Pendant l'interrogatoire, on produisit les effets personnels qui lui avaient été confisqués et on l'interrogea notamment sur le contenu de son agenda électronique, une photographie, une enveloppe déchirée et une lettre qu'il avait adressée à son partenaire actuel. On lui demanda également quand il avait pris conscience de son homosexualité pour la première fois, qui connaissait ses tendances sexuelles, quels étaient ses rapports (y compris sexuels) avec son épouse, ce que celle-ci pensait de son homosexualité, s'il était séropositif et, de nouveau, quelle était la nature de ses relations sexuelles avec ses partenaires homosexuels. L'interrogatoire s'acheva à 16 h 10. 28. Les enquêteurs rédigèrent un rapport le 13 juin 1994. Dans le récapitulatif de ses qualifications et son certificat de références du 12 octobre 1994, le requérant était décrit comme un soldat loyal et un professionnel consciencieux et travailleur à qui l'on pouvait se fier pour atteindre l'excellence. Il était également noté qu'il avait fait preuve de solides qualités personnelles et d'intégrité pendant toute la période où il avait servi dans l'armée, et qu'il s'était attiré le respect aussi bien de ses supérieurs que de ses pairs et subordonnés. La révocation administrative du requérant prit effet le 12 décembre 1994. C. La procédure de contrôle juridictionnel engagée par les requérants (R. v. Ministry of Defence, ex parte Smith and Others, Weekly Law Reports, vol. 2, p. 305) Avec MM. Lustig-Prean et Beckett (paragraphe 3 ci-dessus), les requérants furent autorisés à demander le contrôle juridictionnel des décisions de les révoquer de l'armée. Ils prétendirent que la politique du ministère de la Défense envers les homosexuels appartenant à l'armée était « irrationnelle », emportait violation de la Convention et contrevenait à la directive relative à l'égalité de traitement. Selon le ministère de la Défense, cette politique était nécessaire, principalement pour soutenir le moral et l'efficacité des troupes, compte tenu du rôle parental de l'armée vis-à-vis des jeunes recrues et de l'exigence de vie en communauté au sein des forces armées. Le 7 juin 1995, la High Court rejeta la demande de contrôle juridictionnel, Lord Justice Simon Brown exposant l'arrêt principal de la cour. Il observa que ces affaires illustraient les problèmes qu'engendrait la politique absolutiste à l'égard des homosexuels dans les forces armées, et constata que les demandeurs avaient tous les quatre des états de service exemplaires, certains d'entre eux pouvant se prévaloir de rapports établis en termes élogieux. En outre, il releva que nul n'avait allégué dans les affaires devant la cour que les préférences sexuelles des intéressés avaient de quelque manière que ce fût nui à leur capacité de remplir leurs tâches ou eu un effet négatif sur la discipline. Rien ne permettait de croire que sans ces révocations, motivées uniquement par leurs tendances sexuelles, ils n'auraient pas continué à remplir leurs fonctions avec une parfaite efficacité et avec le soutien sans faille de leurs collègues. Tous étaient accablés par leur révocation. Lord Justice Simon Brown examina le contexte de cette politique « séculaire », l'intérêt que présentait le rapport de 1991 de la commission parlementaire restreinte, la situation au sein d'autres armées dans le monde, l'argumentation du ministère de la Défense (remarquant que le moyen tenant à la sécurité n'était plus au cœur des préoccupations du gouvernement) ainsi que les arguments des demandeurs à l'encontre de cette politique. Il estima que les moyens des demandeurs avaient nettement plus de poids que ceux de leurs adversaires, qualifiant de « puissants » leurs arguments en faveur d'un code de conduite. A son avis, le ministère de la Défense allait contre le sens de l'histoire. Il ajouta que quelle que soit la décision de la High Court, cette politique ne survivrait probablement plus longtemps, et ajouta : « je doute que la majorité de ceux qui ont suivi la procédure dans cette enceinte puissent à présent penser autrement. » Toutefois, s'agissant des arguments concernant le critère à employer dans le cadre de cette procédure de contrôle juridictionnel, Lord Justice Simon Brown conclut qu'il fallait appliquer les principes Wednesbury classiques, adaptés au contexte des droits de l'homme. En conséquence, dès lors qu'une restriction était apportée à des droits fondamentaux, le ministre de la Défense devait démontrer l'existence d'un intérêt concurrent majeur pour justifier la restriction. La décision principale lui appartenait, l'examen subsidiaire de la cour portant uniquement sur le point de savoir si un ministre raisonnable, eu égard aux éléments dont il disposait, pouvait raisonnablement avoir émis ce jugement principal. Il précisa ensuite que la cour ne pouvait annuler la décision du ministre que si la justification avancée « défiait de manière flagrante la logique ou les principes moraux communément admis ». Il releva que dans le cadre limité de ce contrôle, la cour devait méticuleusement s'assurer, avant de rejeter la demande, que le demandeur n'avait en vérité aucun moyen de conation reconnu. Si les droits les plus fondamentaux étaient menacés, la cour refuserait, par exemple, de passer sur un vice mineur dans le processus de décision, de considérer les preuves du ministre avec une bienveillance particulière ou d'exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas accorder réparation. Cependant, il souligna que même en cas de restriction des droits les plus fondamentaux, « le seuil à partir duquel une décision perd son caractère raisonnable n'[était] pas abaissé ». Le ministre avait manifestement fait valoir un intérêt public concurrent majeur. Mais la question centrale était de savoir s'il était raisonnable pour le ministre d'estimer qu'autoriser les homosexuels à servir dans l'armée menacerait l'intérêt en jeu. Bien que ne pouvant exclure que le ministre eût tort, le magistrat souligna que : « (...) [les tribunaux] ont un devoir (...) celui de rester dans les limites constitutionnelles et de ne pas les franchir. Il conviendrait que cette cour reprenne l'ensemble de cette affaire des mains des militaires et du gouvernement uniquement s'il était totalement déraisonnable d'affirmer qu'aucun préjudice concevable ne peut être causé à l'armée en tant que force de combat. Si la Convention (...) était intégrée dans notre droit, et que nous étions en conséquence en droit de rechercher si cette politique répond à un besoin social impérieux et s'il peut être démontré que la restriction apportée aux droits de l'homme en question est proportionnée aux avantages qu'elle procure, alors la décision principale (...) nous appartiendrait manifestement, à nous et non à d'autres : l'équilibre constitutionnel serait modifié. Mais ce n'est pas le cas. Etant appelée à émettre un simple jugement subsidiaire, la présente cour est tenue d'observer une certaine retenue. Notre attitude doit souligner, et non pas masquer, qui en définitive est responsable de la défense du royaume, et rappeler également que le Parlement contrôle en permanence ce domaine de prérogatives. » Par conséquent, si le motif invoqué par le ministre pour justifier l'interdiction pouvait paraître « peu convaincant », la position du ministre ne pouvait à proprement parler passer pour illégale. Dès lors, « quoique avec hésitation et regret », il convenait de rejeter les demandes. Une brève analyse de la jurisprudence fondée sur la Convention conduisit le juge à déclarer qu'il y avait de fortes chances, eu égard aux obligations du Royaume-Uni, que les jours de cette politique fussent comptés. Lord Justice Simon Brown estima également que la directive relative à l'égalité de traitement ne s'appliquait pas à un traitement discriminatoire fondé sur l'orientation sexuelle, et que les tribunaux internes ne pouvaient pas statuer sur les questions relevant de la Convention. Il constata aussi que les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Irlande, Israël, l'Allemagne, la France, la Norvège, la Suède, l'Autriche et les Pays-Bas autorisaient les homosexuels à servir dans leurs forces armées et que, selon les éléments du dossier, les seuls pays ayant édicté une interdiction générale étaient la Turquie et le Luxembourg (ainsi que, peut-être, le Portugal et la Grèce). En août 1995, le ministère de la Défense adressa aux « organes dirigeants » des forces armées un document devant servir à évaluer sa politique à l'égard des homosexuels au sein de l'armée. Dans la lettre de couverture accompagnant ce document, il était souligné que « le secrétaire d'Etat aux Forces armées a[vait] décidé qu'il [fallait] recueillir au sein du ministère de la Défense des éléments en faveur de la politique actuelle sur l'homosexualité ». Il était précisé que les juridictions européennes allaient probablement être saisies de l'affaire et que les requérants, dans la procédure de contrôle juridictionnel, avaient fait valoir que la position du ministère de la Défense « ne se fondait sur aucune preuve factuelle », ce qui n'avait rien de surprenant : en effet, les preuves étaient difficiles à rassembler puisque les homosexuels n'étaient pas autorisés à servir dans l'armée. Etant donné que « les arguments en faveur d'un maintien de cette politique ne [devaient] pas s'en trouver affaiblis », les destinataires de la lettre étaient invités à commenter le document et « à fournir tout autre élément favorable à la politique actuelle d'ici à septembre 1995 ». Le document joint invoquait notamment deux incidents considérés comme préjudiciables à la cohésion de l'armée. Le premier impliquait un homosexuel qui entretenait une liaison avec un serveur du mess des sous-officiers, et l'autre concernait un Australien en détachement, dont le comportement avait été qualifié de « tellement perturbant » que l'on avait mis fin au détachement. Le 3 novembre 1995, la Cour d'appel débouta les requérants. L'arrêt principal fut rendu par Sir Thomas Bingham, Master of the Rolls (avec qui les deux autres juges de la Cour d'appel marquèrent leur accord). Quant au point de vue de la cour sur la question de « l'irrationalité », le Master of the Rolls estima que les considérations suivantes dépeignaient exactement l'état de la jurisprudence pertinente sur le sujet : « La cour ne peut intervenir pour des raisons de fond dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire administratif que si elle est convaincue que la décision est déraisonnable en ce qu'elle n'entre pas dans la gamme de réactions qui s'offre à un responsable raisonnable. Toutefois, s'agissant de juger si l'auteur de la décision a dépassé cette marge d'appréciation, le contexte des droits de l'homme est important. Plus l'ingérence dans les droits de l'homme est grave, plus la cour exigera une justification sérieuse avant de se convaincre du caractère raisonnable de la décision au sens défini ci-dessus. » Le magistrat continua en citant notamment l'arrêt rendu par Lord Bridge dans l'affaire R. v. Secretary of State for the Home Department, ex parte Brind (Appeal Cases 1991, vol. 1, p. 696), qui précisait ceci : « C'est au ministre, à qui le Parlement a confié un pouvoir discrétionnaire en la matière, qu'il appartient de prendre la décision principale quant à savoir si l'intérêt public concurrent en jeu justifie la restriction imposée dans le cas d'espèce. Mais nous sommes en droit d'exercer un jugement subsidiaire en recherchant si un ministre raisonnable, eu égard aux éléments dont il disposait, pouvait raisonnablement émettre ce jugement principal. » Par ailleurs, il estima que plus la décision était politique et plus son objet s'écartait de la pratique judiciaire ordinaire, plus la cour devait avoir scrupule à tenir cette décision pour irrationnelle. Avant d'appliquer le critère d'irrationalité, le Master of the Rolls releva que l'affaire portait sur des caractéristiques innées de nature très personnelle, que les décisions conées par les demandeurs avaient une profonde incidence sur leurs carrière et avenir, et que les droits des intéressés en tant qu'êtres humains étaient au cœur de l'affaire. S'il n'appartenait pas à la cour de prendre la décision principale et de réglementer les conditions de service dans l'armée, « elle a[vait] le rôle et le devoir constitutionnels de garantir que les droits des citoyens ne [fussent] pas bafoués par l'exercice illégal du pouvoir exécutif. La cour doit s'incliner devant l'expertise des responsables, mais elle ne doit pas faillir à son devoir fondamental de « rendre justice à toute personne, quelle qu'elle soit » (...) ». Appliquant le critère de l'irrationalité invoqué ci-dessus, il aborda ensuite les arguments des parties pour et contre la politique, observant que les moyens des demandeurs présentaient « une force considérable » et appelaient un examen approfondi, compte tenu notamment de la pratique au Royaume-Uni, des évolutions constatées dans d'autres pays et de l'efficacité potentielle d'un code renfermant des prescriptions détaillées qui remplacerait l'actuelle interdiction générale. Toutefois, le magistrat conclut que la politique ne pouvait être considérée comme « irrationnelle » à l'époque où les demandeurs avaient été révoqués de l'armée, estimant que le seuil d'irrationalité était « élevé » et qu'il n'avait pas été franchi en l'espèce. Quant à la Convention, le Master of the Rolls fit les observations suivantes : « Bien évidemment, nul ne cone que les juridictions internes ne peuvent rendre exécutoire l'obligation du Royaume-Uni en vertu du droit international de respecter et de faire respecter [l'article 8 de la Convention]. La Convention présente un intérêt en l'espèce en ce qu'elle peut éclairer le contexte du grief relatif à l'irrationalité. Le fait qu'un responsable, dans l'exercice d'un pouvoir administratif discrétionnaire, n'ait pas pris en compte les obligations qu'impose la Convention ne constitue pas en soi un moyen de coner l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. » Le magistrat constata que, selon toute apparence, le fait de révoquer une personne de son poste en raison de tendances sexuelles personnelles et de l'interroger sur son comportement sexuel observé en privé ne dénotait pas un grand respect pour la vie privée et familiale de cette personne ; il releva en outre que l'on pouvait se demander si la politique répondait à un « besoin social impérieux » et, en particulier, était proportionnée au but légitime recherché. Toutefois, il conclut que la Cour d'appel ne pouvait répondre de manière satisfaisante ou utile à ces questions, et qu'il fallait plutôt les adresser à la Cour européenne des Droits de l'Homme, devant laquelle les demandeurs pourraient avoir à faire valoir leurs prétentions. Il admit en outre que la directive relative à l'égalité de traitement ne s'appliquait pas à des griefs ayant trait aux préférences sexuelles. Lord Justice Henry, de la Cour d'appel, marqua son accord avec le jugement du Master of the Rolls et, en particulier, avec le point de vue de celui-ci concernant le critère de l'irrationalité et l'inaptitude de la cour à résoudre les questions relevant de la Convention. Il exprima des doutes quant à l'utilité d'un débat sur le sort probable de la « très ancienne » politique du ministère de la Défense devant la Cour européenne des Droits de l'Homme, à qui il appartenait en priorité de statuer sur les questions touchant la Convention. La Cour d'appel ne s'occupait pas « d'hypothétiques problèmes ». Pour Lord Justice Henry, la Convention ne présentait un intérêt que « pour éclairer le contexte du grief relatif à l'irrationalité », comme l'avait déjà fait remarquer le Master of the Rolls. Il était important de souligner ce point, puisque le Parlement n'avait pas attribué aux tribunaux internes la compétence principale pour connaître des questions relatives aux droits de l'homme relevant de la Convention, et que les éléments et observations présentés à la Cour d'appel se rapportaient à ses pouvoirs subsidiaires en la matière et non à sa compétence principale. Lord Justice Thorpe, de la Cour d'appel, se rallia aux deux jugements exposés ci-dessus et, en particulier, aux points de vue exprimés sur le critère de l'irrationalité et son application en l'espèce. Les moyens des demandeurs à l'appui de la thèse de la violation des droits garantis par l'article 8 étaient certes « convaincants », mais la Cour d'appel ne disposait pas des éléments et arguments qui permettraient en définitive de régler de la question. Il estima également que les observations des demandeurs en réponse aux arguments en faveur de la politique étaient « totalement convaincantes », ajoutant que, sur le fond, le plus frappant était l'absence totale d'illustration et de justification par des exemples spécifiques, tant parmi les éléments produits par le ministre devant la High Court que dans le dossier présenté à la commission parlementaire restreinte en 1991. A son sens, « il était temps de revoir cette politique et d'envisager de la remplacer par un code de conduite strict ». Toutefois, la conation par les demandeurs de la rationalité du ministre avait « fait long feu ». Le 19 mars 1996, le comité de sélection des recours (Appeals Committee) de la Chambre des lords refusa aux requérants l'autorisation de la saisir. D. La procédure engagée par les requérants devant le tribunal du travail A l'époque où les requérants sollicitèrent l'autorisation d'engager une procédure de contrôle juridictionnel, ils saisirent également le tribunal du travail (Industrial Tribunal), alléguant un traitement discriminatoire contraire à la loi de 1975 sur la discrimination sexuelle (Sexual Discrimination Act 1975). Cette dernière instance fut suspendue en attendant l'issue de la procédure de contrôle juridictionnel. Par une lettre du 25 novembre 1998, les requérants confirmèrent à la Cour qu'ils avaient demandé à se désister de l'instance en cours devant le tribunal du travail, eu égard à l'issue de la procédure de contrôle juridictionnel et à d'autres décisions des juridictions internes et de la CEJ rendues dans l'intervalle. II. le droit et la pratique internes pertinents A. Dépénalisation des actes homosexuels En vertu de l'article 1 § 1 de la loi de 1967 sur les infractions sexuelles (Sexual Offences Act 1967), les actes homosexuels commis en privé entre adultes consentants (soit, à l'époque, les personnes de 21 ans et plus) ont été dépénalisés. Toutefois, l'article 1 § 5 de la loi de 1967 précisait que de tels actes constituaient toujours des infractions au regard des lois de 1955 sur l'armée de terre et sur l'armée de l'air, et de la loi de 1957 sur la discipline dans la marine. L'article 1 § 5 de la loi de 1967 a été abrogé par la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public (Criminal Justice and Public Order Act 1994), laquelle a également ramené l'âge du consentement à 18 ans. Toutefois, selon l'article 146 § 4 de la loi de 1994, cette disposition n'empêche pas qu'un acte homosexuel (accompagné ou non d'autres actes ou circonstances) peut constituer un motif de révocation d'un militaire. B. Arrêts R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins, des 13 mars 1997 et 13 juillet 1998, et affaires apparentées Le 30 avril 1996, la CEJ a décidé que le droit communautaire protégeait les transsexuels de toute forme de discrimination fondée sur leur transsexualité (P. v. S. and Cornwall County Council, Industrial Relations Law Reports 1996, p. 347). Le 13 mars 1997, la High Court a saisi la CEJ en vertu de l'article 177 du Traité de Rome d'une question préjudicielle sur l'applicabilité de la directive relative à l'égalité de traitement aux différences de traitement fondées sur les tendances sexuelles (R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins, 13 mars 1997). M. Perkins avait été renvoyé de la Royal Navy en raison de son homosexualité. Le 17 février 1998, la CEJ a estimé que la directive 75/117/CEE relative à l'égalité des rémunérations ne s'appliquait pas à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle (Grant v. South West Trains Ltd, Industrial Cases Reports 1998, p. 449). En conséquence, le 2 mars 1998, la CEJ a demandé à la High Court si celle-ci, dans le cadre de l'affaire Perkins, souhaitait maintenir la question préjudicielle qu'elle lui avait posée en vertu de l'article 177. A la suite d'une audience en présence des parties, la High Court a décidé de renoncer à son renvoi préjudiciel devant la CEJ (R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins, 13 juillet 1998). L'autorisation d'interjeter appel a été refusée. C. La politique du ministère de la Défense vis-à-vis des homosexuels dans l'armée A la suite des modifications introduites par la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public, une version mise à jour d'un document intitulé « Politique et directives de l'armée relatives à l'homosexualité » (Armed Forces' Policy and Guidelines – « les directives ») a été distribuée en décembre 1994 aux services du personnel des trois armées. Les directives renfermaient notamment les dispositions suivantes : « L'homosexualité, masculine ou féminine, est considérée comme incompatible avec l'engagement dans l'armée. Cela ne tient pas seulement aux conditions d'intimité physique dans lesquelles le personnel doit fréquemment vivre et travailler, mais aussi au fait que le comportement homosexuel peut choquer, entraîner la création de deux camps, susciter des manquements à la discipline et, par conséquent, porter atteinte au moral et à l'efficacité des troupes. Si des individus admettent être homosexuels pendant leur temps de service et que leur chef de corps estime que cet aveu correspond à la réalité, les intéressés seront invités à quitter l'armée. (...) Tous les candidats à l'engagement doivent prendre connaissance de la politique relative à l'homosexualité. Si un(e) engagé(e) potentiel(le) reconnaît être homosexuel(le), il/elle ne sera pas enrôlé(e). Dès lors qu'un(e) engagé(e) potentiel(le) reconnaît être homosexuel(le) même s'il/si elle déclare n'avoir actuellement aucune liaison homosexuelle et ne pas envisager d'en avoir à l'avenir, il/elle ne sera pas enrôlé(e). (...) Face à des présomptions d'homosexualité, un chef de corps doit prendre une décision équilibrée en tenant compte de tous les facteurs pertinents. (...) Dans la plupart des cas toutefois, c'est une enquête formelle sur les allégations ou soupçons qui servira le mieux les intérêts de la personne et de l'armée. Selon les circonstances, le chef de corps mènera une enquête interne, avec son propre personnel, ou demandera l'assistance de la police militaire. S'il mène une enquête interne, il discutera normalement de la question avec le bureau social de son unité. L'homosexualité n'est pas un problème médical, mais dans certaines situations, le chef de corps peut être amené à rechercher l'avis du médecin militaire de l'unité sur la personne concernée qu'il adressera, si elle est d'accord, au médecin militaire. (...) Un avertissement écrit concernant la conduite ou le comportement d'une personne peut être donné lorsqu'il existe une présomption d'homosexualité, mais qui reste insuffisante (...) pour demander la révocation administrative de l'intéressé(e) (...). Si le chef de corps est convaincu, par des preuves solides, de l'homosexualité d'une personne, une action administrative visant à mettre fin à l'engagement de l'intéressé(e) (...) doit être intentée (...) » Les directives visaient notamment à réduire les interventions de la police militaire dont les méthodes d'investigation, fondées sur la procédure pénale, avaient donné lieu par le passé à un fort ressentiment et à une large publicité (ce que confirmait le paragraphe 9 du rapport de février 1996 du groupe d'évaluation sur la politique relative à l'homosexualité, résumé aux paragraphes 51 à 62 ci-après. Toutefois, selon le paragraphe 100 dudit rapport, les investigations sur l'homosexualité font partie des « fonctions normales de la police militaire ».) Sir John Frederick Willis KCB, CBE, général d'armée aérienne, adjoint au chef du personnel des armées (ministère de la Défense), a soumis à la High Court, dans l'affaire R. v. Secretary of State for Defence, ex parte Perkins (13 juillet 1998), une déclaration datée du 4 septembre 1996, dont les passages pertinents se lisent ainsi : « La politique du ministère de la Défense se fonde sur l'idée que la nature spécifique du style de vie des homosexuels exclut toute possibilité d'accepter les homosexuels et l'homosexualité au sein des forces armées. L'armée a pour préoccupation essentielle d'entretenir une force effective et efficace sur le terrain, ce qui nécessite un maintien strict de la discipline. Selon [le ministère de la Défense], la présence de militaires homosexuels risque de nuire à cet objectif. Les conditions de la vie militaire, sur le terrain ou dans les bureaux, sont très différentes de celles qui ont cours dans la vie civile. (...) Le [ministère de la Défense] estime qu'il doit orienter sa politique relative à l'homosexualité au sein des forces armées en fonction de ces conditions et de la nécessité d'une confiance absolue entre les militaires, quel que soit leur grade. Il ne s'agit pas d'édicter un jugement moral ni de suggérer que les militaires homosexuels sont moins courageux que leurs homologues hétérosexuels ; cette politique se fonde sur une évaluation pratique des incidences de l'homosexualité sur la puissance de combat. » D. Le rapport du groupe d'évaluation sur la politique relative à l'homosexualité – février 1996 Généralités A la suite de la décision dans l'affaire R. v. Ministry of Defence, ex parte Smith and Others (Weekly Law Reports, vol. 2, p. 305), le groupe d'évaluation sur la politique relative à l'homosexualité (Homosexuality Policy Assessment Team – le « GEPH ») a été institué par le ministère de la Défense en vue de procéder à une évaluation interne de la politique de l'armée en matière d'homosexualité. Le GEPH était composé de fonctionnaires du ministère de la Défense et de représentants des trois armées. Son évaluation devait être à la base du dossier que le ministère présenterait à la commission parlementaire restreinte suivante (comme le confirmait Sir John Frederick Willis, général d'armée aérienne, dans sa déclaration évoquée au paragraphe 50 ci-dessus). Le GEPH devait consulter le ministère de la Défense, des militaires de tous les grades, des responsables militaires et civils de la mise en œuvre de la politique ainsi que les membres du bureau juridique. Le groupe devait également se pencher sur les politiques suivies dans d'autres nations (annexe D du rapport du GEPH). Ce rapport de 240 pages environ, auxquelles s'ajoutent de volumineuses annexes, a été publié en février 1996. Les auteurs commençaient par affirmer que les homosexuels, hommes ou femmes, n'avaient pas moins d'aptitudes physiques et n'étaient pas moins courageux, fiables ou compétents que les hétérosexuels. Selon le rapport, les problèmes devant être identifiés tiendraient aux difficultés soulevées par l'intégration d'homosexuels déclarés au sein de l'armée, composée en grande partie d'hétérosexuels. Pour le GEPH, les personnes les mieux placées pour apprécier « la réalité et la gravité » des problèmes d'intégration des homosexuels étaient les militaires eux-mêmes (paragraphe 30 du rapport). Les méthodes d'investigation On comptait huit domaines d'investigation principaux (paragraphe 28 du rapport) : a) le GEPH a consulté les responsables de l'élaboration des politiques du ministère de la Défense, qui ont mis en exergue le caractère unique du contexte de l'armée et l'approche typiquement britannique de la vie militaire ; le GEPH n'a trouvé que peu à redire au tableau général brossé par les militaires interrogés (paragraphe 37) ; b) l'appel a été lancé à tous les membres des armées, y compris de l'armée de réserve, demandant des commentaires écrits sur ces questions. Au 16 janvier 1996, le GEPH avait reçu 639 lettres. 587 d'entre elles, dont 58 portaient des signatures multiples, exprimaient une opposition à tout changement de politique. Seules 11 de ces lettres étaient anonymes (paragraphes 46-48) ; c) l'enquête du GEPH sur les comportements a consisté en un questionnaire distribué à 1 711 militaires au total, composant un échantillon représentatif des trois armées. Les questionnaires ont été remplis dans des conditions d'examen et de façon anonyme. Les résultats traduisaient un « soutien écrasant dans toute l'armée » à la politique excluant les homosexuels des forces armées. Les soldats considéraient l'homosexualité comme nettement plus acceptable dans la vie civile que dans la vie militaire (paragraphes 49-59 et annexe G) ; d) durant la visite du GEPH dans dix bases militaires fin 1995 dans le but de distribuer le questionnaire susmentionné, des entretiens en tête-à-tête ont été conduits avec les membres du personnel qui avaient rempli le questionnaire sur les comportements. Dans ces dix bases, le GEPH a sélectionné 180 personnes au hasard dans certains grades et domaines d'activité. Compte tenu du petit nombre de personnes interrogées, les réponses ont été analysées de façon qualitative plutôt que quantitative (annexe G) ; e) un certain nombre de discussions de groupe à l'intérieur d'une même armée (36 selon l'annexe G, 43 selon le paragraphe 61 du rapport) ont été organisées avec des personnes choisies au hasard dans des grades et fonctions représentatifs. Ces discussions visaient à examiner la profondeur et l'étendue des points de vue des militaires et à rassembler des observations qui compléteraient les résultats de l'enquête. Selon le GEPH, la nature des discussions a révélé peu de réticences à exposer honnêtement et complètement les points de vue ; pour « une écrasante majorité, l'homosexualité n'est pas quelque chose de « normal » ou de « naturel » alors que les femmes et les minorités ethniques sont considérées comme « normales ». La très grande majorité des participants pensaient qu'il fallait continuer à exclure les homosexuels (paragraphes 61-69 et annexe G) ; f) une équipe du GEPH est allée en Australie, en Allemagne et en France, et l'autre s'est rendue aux Etats-Unis, au Canada et aux Pays-Bas. Le GEPH a interrogé un éminent psychologue militaire israélien, l'armée israélienne ayant refusé sa visite (paragraphes 70-77 et annexe H). Il apparaît également que le GEPH s'est entretenu avec des représentants de la police, des pompiers et de la marine marchande (paragraphes 78-82) ; g) des groupes de discussion tripartites ont également été formés pour étudier la profondeur et l'étendue des idées des membres des trois armées sur la question. Les groupes étaient composés de personnes sélectionnées dans les trois armées et venant d'unités différentes. Trois de ces groupes de discussion ont été organisés et, globalement, les résultats ont été les mêmes que ceux qui étaient ressortis des groupes de discussion au sein d'une même armée (paragraphes 83-84 et annexe G) ; h) des questionnaires sur les comportements au sein de chaque armée, envoyés par courrier, ont également été remplis par un échantillon de militaires choisis au hasard et regroupés par grade, âge et sexe. Ces questionnaires ont été distribués à 3 000 (6 %) membres de la marine, à 6 000 (5,4 %) membres de l'armée de terre et à 4 491 (6 %) membres de l'armée de l'air. En moyenne, plus de la moitié des questionnaires ont été retournés (paragraphes 65-86 et annexe G). L'impact sur la puissance de combat (fighting power) Le rapport du GEPH définit « la puissance de combat » (terme souvent employé de façon interchangeable avec l'efficacité au combat, la capacité opérationnelle ou l'efficacité opérationnelle) comme « l'aptitude au combat », composée à son tour de trois éléments : l'élément « conceptuel », l'élément « physique » et « l'élément moral », lequel est défini comme « l'aptitude à amener les individus à combattre, ce qui inclut le moral, la camaraderie, la motivation, le sens du commandement et l'encadrement ». 54. Dans tout le rapport d'évaluation, l'accent a été mis sur les effets qu'une intégration des homosexuels dans l'armée risquerait d'avoir sur la puissance de combat, ce qui était considéré comme le « problème crucial ». On a tenu pour bien établi que la présence au sein de l'armée d'homosexuels déclarés ou fortement présumés engendrerait certaines réactions comportementales et émotionnelles et des problèmes qui nuiraient au moral des troupes et, par conséquent, porteraient gravement atteinte à la puissance de combat des forces armées. Ces problèmes escomptés comprenaient la régulation du comportement des homosexuels et de l'animosité des hétérosexuels, les agressions, les menaces et les mesures de harcèlement visant les homosexuels, l'ostracisme et la tendance à éviter les autres, la création de « clans » et de couples, des problèmes au niveau de l'encadrement et de la prise de décision, ce qui englobait les allégations de favoritisme, de discrimination et d'inefficacité (mais pas l'éventuel problème des décisions tactiques prises par des officiers homosexuels sur la base de leurs préférences sexuelles), des frictions entre les deux groupes culturels, des questions tenant à l'intimité et à la décence, l'intensification des antipathies et des soupçons (création de deux camps), et le ressentiment en raison des changements imposés, surtout s'il s'avérait aussi nécessaire de contrôler plus sévèrement la façon de s'exprimer des hétérosexuels (voir partie F.II du rapport). Autres questions L'évaluation du GEPH a également porté sur d'autres questions, qu'il a qualifiées d'« accessoires » (partie G et paragraphe 177 du rapport). Il a estimé que si les conséquences financières d'un changement de politique n'étaient pas quantifiables, on ne pouvait considérer comme justifié ou raisonnable de prévoir des logements séparés pour les homosexuels ; par conséquent, des dépenses importantes dans ce domaine étaient tenues pour improbables (paragraphes 95-97). La perte en termes de formation consécutive à la révocation d'homosexuels de l'armée n'était pas considérée comme un argument concluant contre le maintien de la politique (paragraphes 98-99). Si le cadre social et juridique devait changer pour les couples homosexuels civils, il faudrait alors accepter le droit pour les militaires d'avoir des partenaires homosexuels (paragraphe 101). Il était improbable que l'on consacre beaucoup de temps ou d'argent aux formations visant une meilleure acceptation des homosexuels, puisqu'elles avaient peu de chances d'influer sur les comportements. Le GEPH a observé que si l'on voulait introduire une formation sur la tolérance, le meilleur moyen serait probablement de « l'intégrer dans un programme de formation sur l'égalité des chances dans l'armée » (paragraphe 102). Il y avait de fortes présomptions que l'on constaterait une chute des recrutements et des effectifs en cas de changement de politique (paragraphes 103-104). Pour le GEPH, les préoccupations exprimées au sujet des responsabilités « parentales » de l'armée vis-à-vis des jeunes recrues ne résistaient pas à un examen approfondi (paragraphe 111). Questions en matière de santé et de sécurité Les questions touchant la santé et la sécurité ont été examinées séparément (parties H et I, et paragraphe 177 du rapport). Tout en notant que les préoccupations du personnel en matière de santé (concernant notamment le sida) étaient disproportionnées par rapport aux risques cliniques, le GEPH estimait qu'il faudrait probablement y répondre par des séminaires d'information et des s de dépistage obligatoires. Sinon, une acceptation et une intégration réelles des homosexuels seraient sérieusement compromises en raison des réactions émotionnelles et des ressentiments ainsi que des inquiétudes liées à la menace du sida. Selon le GEPH, les questions de sécurité (dont la possibilité de chantage exercé sur les homosexuels présumés) qui avaient été avancées pour défendre la politique en vigueur ne résistaient pas à un examen approfondi. Expériences dans d'autres pays et dans des services civils soumis à des règles disciplinaires Le GEPH a constaté l'existence d'une multitude de positions officielles et de solutions légales découlant des situations locales sur le plan juridique et politique, allant d'une interdiction formelle de toute activité homosexuelle (Etats-Unis) à une politique visant délibérément à créer un climat favorable aux homosexuels au sein de l'armée (Pays-Bas), en passant par des modalités administratives ne permettant pas une égalité réelle (France et Allemagne). Selon le GEPH, les pays qui n'avaient pas légalement interdit la présence des homosexuels dans l'armée étaient plus tolérants, avaient des constitutions écrites et donc une tradition plus forte en matière de droits de l'homme. Le rapport continuait ainsi : « Mais le GEPH n'a constaté nulle part la présence d'un nombre appréciable d'homosexuels déclarés dans l'armée (...). Quel que soit le degré de tolérance ou d'encouragement officiel, les pressions ou menaces informelles au sein de la communauté militaire semblent dissuader la grande majorité des homosexuels d'exercer leurs divers droits juridiques à exprimer ouvertement leur identité sexuelle active dans un cadre professionnel. (...) Il va sans dire que la discrétion persistante des homosexuels au sein de ces forces armées fait que l'on a peu d'expérience pratique quant à leur protection contre l'ostracisme, le harcèlement ou les agressions physiques. Considérant que ce schéma commun d'absence quasi totale de soldats ouvertement homosexuels se retrouve quel que soit le cadre juridique formel, il est raisonnable de supposer que c'est pour une large part le fonctionnement informel des systèmes militaires existants qui entrave l'expression homosexuelle. Cela correspond tout à fait aux modes de comportement observés par le GEPH chez les militaires britanniques. » En janvier 1996, l'armée britannique comptait plus de 35 000 soldats déployés à l'étranger (environ 25 % des forces armées britanniques), soit plus que tout autre pays européen de l'OTAN (paragraphe 43). Néanmoins, le GEPH a conclu que la politique en vigueur n'avait pas suscité de problèmes importants dans les relations avec les forces armées des nations alliées. Le GEPH a observé que les militaires britanniques manifestaient une « indifférence à toute épreuve » vis-à-vis des situations dans les armées étrangères et faisaient peu de cas du degré d'acceptation des alliés proches à l'égard des homosexuels : pour le soldat moyen, les autres « ne sont pas britanniques, ont des normes différentes, et l'on ne peut donc que s'attendre à ce qu'ils agissent différemment » ; en outre, les militaires des différents pays sont logés séparément, et les homosexuels au sein des forces armées étrangères, lorsqu'ils ne font pas l'objet d'une interdiction formelle, ne manifestent pas ouvertement leurs préférences sexuelles. En conséquence, il y avait peu de chances que les rares homosexuels déclarés se retrouvent dans une situation où leur orientation sexuelle poserait un problème aux membres de l'armée britannique (paragraphe 105). Pour le GEPH, il existait des différences importantes entre l'armée et des services civils existant au Royaume-Uni qui sont soumis à des règles disciplinaires, tels que la police, les pompiers et la marine marchande, qui n'observaient pas la même politique à l'égard des homosexuels. Le GEPH a estimé que : « Aucune de ces activités n'oblige un individu à travailler dans un environnement aussi constamment exigeant et sur des périodes aussi longues que l'armée, ni n'implique la même nécessité de former des équipes rapidement interchangeables mais totalement déterminées et autonomes, capables de maintenir leur cohésion interne après des mois de stress, de difficultés et d'inconfort (...) » (paragraphe 203) Autres solutions possibles Le GEPH a examiné d'autres solutions, par exemple un code de conduite applicable à tous, une politique fondée sur les qualités individuelles des militaires homosexuels, une stratégie consistant à lever l'interdiction et à se fier à la discrétion des soldats concernés, la solution « ne rien demander, ne rien dire » en vigueur aux Etats-Unis et un code « de l'homosexualité discrète ». En définitive, il n'a décelé aucune autre politique qui permettrait avec la même certitude que la politique en vigueur d'éviter tout risque d'amoindrir la puissance de combat et qui, par conséquent, ne se heurterait pas à une forte opposition de la population militaire (paragraphes 153-175). Conclusions du GEPH (paragraphes 176-191) Le GEPH a estimé que : « Le problème principal demeure et son caractère inextricable est en fait réaffirmé. Les éléments démontrant que l'on s'attend à un amoindrissement de la puissance de combat ont été exposés dans la partie F et sont au centre de la présente évaluation. Les divers arguments et la conclusion globale ont été mis en avant non seulement par les autorités de l'armée mais également par la grande majorité des militaires de tous rangs. » Le GEPH a tenu pour improbable que les comportements actuellement observés dans l'armée changent dans un avenir proche. Si la politique entraînait manifestement des épreuves et des intrusions dans la vie privée, les risques pour la puissance de combat démontraient qu'elle était néanmoins justifiée. Pour le GEPH, on ne pouvait comparer utilement l'intégration des homosexuels et celle des femmes et des minorités ethniques dans l'armée, l'homosexualité soulevant des problèmes d'une nature et d'une intensité que n'impliquaient pas les différences de sexe et de race. Le GEPH a considéré qu'à plus long terme, l'évolution de l'attitude de la société à l'égard des homosexuels pourrait réduire les risques pour la puissance de combat qu'engendrerait un changement de politique, mais que son évaluation ne pouvait « porter que sur les comportements et risques actuels ». Il a ajouté : « (...) certainement, si les soldats pensaient qu'ils pouvaient travailler et vivre avec des homosexuels sans que la cohésion de l'armée n'en souffre, beaucoup moins de problèmes seraient à craindre. Mais le ministère doit faire avec le monde tel qu'il est. Les comportements des soldats, en tant qu'ils diffèrent de ceux de la population en général, découlent des conditions singulières de la vie militaire, et traduisent les réalités sociales et psychologiques actuelles. Ils indiquent qu'un changement de politique entraînerait un risque militaire (...) (...) après avoir recueilli le plus d'éléments possible, on voit qu'au Royaume-Uni, l'homosexualité demeure manifestement incompatible en pratique avec la vie militaire si l'on veut maintenir à son meilleur niveau le potentiel de combativité de l'armée sous sa forme actuelle. (...) En outre, la présente étude démontre que la politique actuelle est approuvée à une écrasante majorité par les militaires eux-mêmes, qui sont le mieux à même de la juger. En conséquence, l'on ne peut envisager d'apporter des modifications importantes aux directives du ministère relatives à l'homosexualité dans les trois armées que pour des raisons clairement énoncées, étrangères à la politique de défense, et en ayant pleinement conscience de l'impact sur l'efficacité de l'armée et sur les sentiments des militaires. » La politique de l'armée relative aux mesures de harcèlement et menaces à caractère sexuel et racial, et à l'égalité des chances Dans le « Code de pratique en matière de relations interraciales » (Code of Practice on Race Relations) qu'il a élaboré en décembre 1993, le Conseil de défense (Defence Council) a déclaré que l'armée, en tant qu'employeur, devait mettre en œuvre une politique d'égalité des chances. Selon ce code, aucune forme de discrimination, harcèlement ou abus à caractère racial ne doit être tolérée, toute allégation à ce sujet doit faire l'objet d'une enquête et, si elle est prouvée, donner lieu à une action disciplinaire. Le code prévoit une procédure de réclamation par laquelle l'on peut se plaindre d'actes de discrimination ou de harcèlement, et met en garde contre les représailles visant les militaires qui feraient usage de leur droit de porter plainte et d'obtenir réparation. En janvier 1996, l'armée a émis une directive relative à l'égalité des chances qui traite du harcèlement et des menaces à caractère racial et sexuel. Le document avait pour préambule une déclaration du chef de l'administration des forces armées (Adjutant-General), ainsi libellée : « La réalité du conflit armé exige un travail d'équipe exemplaire, pendant lequel chaque soldat doit pouvoir compter absolument sur ses compagnons d'armes et ses supérieurs. Dès lors, il ne peut y avoir dans l'armée aucune place pour les mesures de harcèlement, les menaces et les actes de discrimination qui porteraient atteinte au moral et détruiraient confiance et cohésion au sein du groupe. Il est du devoir de chaque soldat de veiller à ce que ce type de comportement, qui nuirait à la cohésion et à l'efficacité, ne se produise pas au sein de l'armée. La politique de l'armée est claire : tous les soldats doivent être traités de façon égalitaire sur la base de leur aptitude à remplir leur devoir. J'attends de chacun de vous qu'il soutienne cette politique et fasse en sorte que l'armée britannique conserve sa réputation bien établie de professionnalisme. » La directive définissait le harcèlement à caractère racial et sexuel, précisait que l'armée avait la volonté d'empêcher toute forme de comportement agressif et injuste dans ce domaine et soulignait qu'il était du devoir de chaque soldat de ne pas se comporter d'une façon qui pourrait agresser autrui ou de ne pas permettre à d'autres d'adopter un tel comportement. La directive définissait également les menaces et indiquait que si l'armée encourageait un esprit belliqueux chez les soldats appelés à partir au front, l'agressivité contrôlée, l'autonomie et de fortes qualités de meneur d'hommes ne devaient pas être confondues avec le recours brutal et indu à l'intimidation et à la violence qui caractérise les menaces. Les menaces nuisent au moral et engendrent de la peur et du stress à la fois chez l'individu et le groupe qui en est victime, et au sein de toute l'organisation. On remarquait que l'armée était une communauté étroitement repliée sur elle-même, où le travail d'équipe, la cohésion et la confiance jouaient un rôle crucial. Aussi de grands efforts quant à la conduite personnelle et au respect des autres étaient-ils exigés de tous. La directive soutenait l'utilisation du droit militaire par les chefs de corps. Des brochures complémentaires donnant des informations sur cette directive ont été distribuées à tous les soldats. De plus, des postes spéciaux visant à promouvoir l'égalité des chances ont été créés dans les services du personnel et un vaste programme de formation a été mis en place en vertu de la loi de 1976 sur les relations interraciales. F. Les rapports de la commission parlementaire restreinte Tous les cinq ans, un projet de loi sur les forces armées arrive devant le Parlement, et une commission restreinte conduit une étude en rapport avec ce projet. Dans son rapport du 24 avril 1991, la commission restreinte observait, sous la rubrique « Homosexualité » : « Nul ne cone que la politique actuelle provoque une détresse bien réelle et oblige à se passer des services de certains hommes et femmes dont la compétence et la bonne volonté ne peuvent être mises en doute. La société extérieure est à présent beaucoup plus tolérante que par le passé vis-à-vis des différences d'orientation sexuelle, et il se peut aussi que cela se vérifie au sein de l'armée. Toutefois, on ne peut que constater la force indéniable de l'argument [du ministère de la Défense] selon lequel la présence d'homosexuels déclarés peut engendrer des tensions dans un groupe de personnes qui doivent vivre et travailler quelquefois dans des conditions de stress énorme et d'étroite intimité physique, et donc nuire à sa cohésion et à son efficacité au combat. Il est possible que cela change, notamment avec l'intégration de femmes dans des unités jusqu'à présent exclusivement masculines. Toutefois, nous ne sommes pas persuadés que le temps soit venu de demander à l'armée d'accepter les homosexuels ou l'activité homosexuelle. » Le rapport de 1996 de la commission restreinte (rédigé à la suite de l'étude qu'elle avait menée sur la loi de 1996 sur les forces armées) invoquait des éléments provenant de membres du ministère de la Défense et de groupes de soutien aux homosexuels, ainsi que le rapport du GEPH. De nouveau, la commission recommandait de ne pas apporter de changement à la politique du gouvernement. Elle remarquait que, depuis son rapport précédent, au total 30 officiers et 331 militaires du rang et sous-officiers avaient été révoqués ou renvoyés en raison de leur homosexualité. La commission était convaincue qu'aucune conclusion fiable ne pouvait encore être tirée de l'expérience d'autres pays. Tout en reconnaissant la force des arguments tenant aux droits de l'homme, elle soulignait qu'il convenait de ménager un équilibre entre les droits des individus et les besoins de la communauté. Elle se déclarait convaincue par la synthèse que faisait le GEPH de la force des résistances au sein de l'armée à tout assouplissement de la politique. Elle admettait que la présence d'homosexuels déclarés nuirait gravement au moral des troupes et, en définitive, à l'efficacité opérationnelle. A l'issue des débats à la Chambre des communes, les députés, par 188 voix contre 120, ont rejeté toute modification de la politique en vigueur. G. Information aux nouvelles recrues Avant septembre 1995, les candidats souhaitant s'engager dans l'armée étaient informés sur la politique des autorités militaires concernant les homosexuels au sein des forces armées par le biais d'une brochure intitulée « Vos droits et responsabilités ». Afin d'éviter tout malentendu et de veiller à ce que toute recrue dans les trois armées reçoive une information identique, les autorités militaires ont introduit le 1er septembre 1995 une déclaration de service devant être lue et signée avant l'engagement. Le paragraphe 8 de cette déclaration, intitulé « Homosexualité », dispose que l'homosexualité n'est pas tenue pour compatible avec la vie militaire et « peut conduire à une révocation administrative ».
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Ressortissants français, MM. Zielinski et Pradal, Mmes Gonzalez, Mary et Delaquerrière, M. Schreiber, Mme Kern, M. Gontier, Mmes Schreiber et Memeteau et M. Cossuta sont respectivement nés en 1954, 1955, 1956, 1953, 1955, 1948, 1949, 1957, 1950, 1954 et 1957. Les requérants, qui résident dans les départements de la Meurthe-et-Moselle pour M. Zielinski, de la Moselle pour M. Pradal, du Bas-Rhin pour Mme Mary et du Haut-Rhin pour tous les autres requérants, sont employés dans des organismes de sécurité sociale en Alsace-Moselle. I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPèCE A. La genèse de l’affaire Les préliminaires Le 28 mars 1953, les représentants des caisses de sécurité sociale de la région de Strasbourg ont signé un protocole d’accord avec les représentants régionaux des syndicats. Ce protocole mit en place, au profit du personnel des organismes de sécurité sociale, une « indemnité de difficultés particulières » (IDP) justifiée par la complexité de l’application de la législation du droit local des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. L’accord précisa que cette indemnité est égale à douze fois la valeur du point, fixée par la convention nationale du personnel des organismes sociaux. Le ministre du Travail et de la Sécurité sociale donna son agrément par une lettre du 2 juin 1953. Ce protocole fut donc normalement appliqué. A la suite de deux avenants des 10 juin 1963 et 17 avril 1974, relatifs au mode de calcul des salaires et à la classification des emplois et des répercussions de ces modifications sur la valeur du point, les conseils d’administration des organismes de sécurité sociale ont réduit l’IDP. Ainsi, l’IDP fut fixée à 6 points en 1963 puis à 3,95 points en 1974, au lieu des 12 points prévus dans l’accord de 1953. De plus, ils ne tinrent pas compte de l’IDP pour le calcul du treizième mois prévu par la convention collective. 12. En 1988, plusieurs organismes de sécurité sociale décidèrent toutefois d’intégrer l’IDP dans la base de calcul de l’indemnité annuelle, avec rappel de cinq ans. La direction régionale des affaires sanitaires et sociales, autorité de tutelle de ces organismes publics, annula les décisions permettant le transfert des crédits nécessaires pour ces versements aux agents. Les recours exercés par certains agents – autres que les requérants – des organismes de sécurité sociale concernés a) Les jugements des conseils de prud’hommes de Forbach, Sarrebourg et Sarreguemines Cinq conseils de prud’hommes furent saisis par 136 agents des caisses concernées, afin d’obtenir l’application stricte du protocole d’accord signé en 1953 et l’octroi des rappels de salaires correspondants depuis le 1er décembre 1983 (du fait de la prescription quinquennale en matière de salaires). Par des jugements des 22 décembre 1989 et 26 avril 1990 (conseil de prud’hommes de Sarrebourg, section activités diverses), 20 décembre 1989 (conseil de prud’hommes de Sarrebourg, section encadrement), ainsi que des 10 avril et 12 juin 1990 (conseil de prud’hommes de Forbach, section encadrement), les agents furent déboutés de leur demande de rappel de l’IDP sur la base de douze fois la valeur du point. Par des jugements des 23 avril et 14 mai 1990 (conseil de prud’hommes de Forbach, section activités diverses) et du 19 mars 1990 (conseil de prud’hommes de Sarreguemines, section encadrement), la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Sarreguemines fut condamnée à verser aux agents les montants réclamés au titre du rappel de l’IDP calculée sur la base de 12 points. b) Les arrêts de la cour d’appel de Metz, du 26 février 1991 Par vingt-cinq arrêts du 26 février 1991, concernant 136 agents, la cour d’appel de Metz fit droit à leur demande. Les représentants de l’Etat –le préfet de région et, par délégation, le directeur régional des affaires sanitaires et sociales – formèrent un pourvoi en cassation. c) Les décisions ministérielles relatives à l’agrément, des 30 juillet 1991 et 8 juillet 1992 Le 30 juillet 1991, le ministre des Affaires sociales retira l’agrément ministériel donné le 2 juin 1953. Le 8 juillet 1992, le ministre des Affaires sociales rapporta ce retrait d’agrément. d) Les arrêts de la Cour de cassation, du 22 avril 1992 Par trois arrêts du 22 avril 1992, dans le cadre des recours intentés par 136 agents et ayant donné lieu aux vingtcinq arrêts de la cour d’appel de Metz le 26 février 1991, la Cour de cassation cassa partiellement ces arrêts. Elle estima que le changement de classification intervenu en 1963 avait entraîné la disparition de l’indice de référence de l’accord de 1953. En conséquence, la Cour de cassation ordonna le renvoi des affaires devant les juges du fond pour rechercher si un usage avait été créé ou, à défaut d’usage, pour déterminer le taux qu’aurait atteint l’indice de référence s’il avait été maintenu. La Cour de cassation désigna la cour d’appel de Besançon comme cour de renvoi. e) Les arrêts de la cour d’appel de Colmar, du 23 septembre 1993 La cour d’appel de Colmar, également saisie de recours relatifs à l’IDP, rendit des arrêts le 23 septembre 1993, par lesquels elle estima, compte tenu des termes des arrêts de la Cour de cassation en date du 22 avril 1992, que l’indice de référence avait disparu et qu’un usage s’était créé pour le paiement de l’IDP à 3,95 fois la valeur du point depuis l’avenant du 17 avril 1974. f) L’arrêt de la cour d’appel de Besançon, statuant sur renvoi après cassation, du 13 octobre 1993 Par un arrêt du 13 octobre 1993, la cour d’appel de Besançon, statuant sur renvoi de la Cour de cassation, jugea que le protocole d’accord du 28 mars 1953 était régulier, qu’il n’était pas caduc et qu’aucun usage n’avait été créé. En conséquence, elle indiqua que l’IDP serait calculée sur la base de 6,1055 % du salaire minimum, ce pourcentage correspondant au montant de l’IDP calculée sur 12 points au 1er janvier 1953. La cour d’appel de Besançon jugea notamment que : « Attendu que l’accord de 1953 n’ayant pas été dénoncé et l’IDP devant continuer à être versée, la seule discussion, après la cassation partielle des arrêts rendus par la cour d’appel de Metz, porte sur le nouveau mode de calcul de l’indemnité en 1963, qui peut être fondé soit sur un usage, soit, à défaut, sur la détermination du taux qu’aurait atteint l’indice de référence à la date de chaque échéance de la prime, si cet indice avait été maintenu ; (...) Attendu que la modification unilatérale en 1963 du mode de calcul de l’IDP ne peut avoir entraîné la création d’un usage qui de surcroît, aurait lui-même été modifié unilatéralement en 1974 au mépris des règles en la matière ; (...) Attendu qu’en cas de disparition d’indice de référence, il est nécessaire de créer un indice de raccordement, conforme à la volonté des parties contractantes ; Attendu que la méthode retenue par les Caisses en 1963 et 1974, consistant à considérer le montant de l’IDP comme fixe et à diviser ce montant par la nouvelle valeur du point pour obtenir le nombre de points nécessaire au calcul de l’IDP, fait abstraction de l’évolution générale des salaires et a consacré une érosion progressive de l’IDP, ainsi que le démontrent les demandeurs en versant aux débats des études sur l’évolution de l’IDP par rapport aux salaires de base ; Attendu que pour respecter l’intention commune des parties, la prime doit être uniforme pour les agents des trois départements, quelle que soit la qualification de l’agent, et que les avantages acquis par les salariés doivent être maintenus ; Attendu que la comparaison de l’IDP avec le salaire minimum est éloquente ; (...) ; qu’ainsi, en janvier 1990, l’IDP calculée sur la base de 3,95 points, le point ayant une valeur de 38,6520 FRF s’élevait à 152,67 FRF, alors qu’en prenant pour base 6,1055 % du SMPG, alors fixé à 5 596 FRF, l’IDP aurait été de 341,66 FRF ; (...) » La cour d’appel ordonna donc la réouverture des débats afin de permettre à chaque demandeur de chiffrer le montant du rappel de salaire auquel il pouvait prétendre. g) La loi n° 9443 du 18 janvier 1994 Dans le cadre des travaux parlementaires concernant une loi relative à la santé publique et à la protection sociale, loi discutée à partir du 26 octobre 1993 par le Parlement, le Gouvernement prit l’initiative de présenter un amendement. Les débats sur cet amendement, qui devint l’article 85 de la loi, eurent notamment lieu le 30 novembre 1993 à l’Assemblée nationale et le 13 décembre 1993 au Sénat. L’article 85 de la loi fut adopté. Cet article 85 prévoyait que, sous réserve des décisions de justice devenues définitives, le montant de l’IDP instituée par le protocole d’accord du 28 mars 1953 au bénéfice des personnels des organismes de sécurité sociale du régime général et de leurs établissements des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, nonobstant toutes stipulations collectives et individuelles contraires en vigueur à la date de son entrée en application, serait fixé, à compter du 1er décembre 1983, à 3,95 fois la valeur du point découlant des accords salariaux et versé douze fois par an. Le Conseil constitutionnel fut saisi par des députés qui considéraient notamment que l’article 85 de la loi, en conduisant le législateur à intervenir dans une instance judiciaire en cours, serait contraire au principe de séparation des pouvoirs et que, en outre, l’article litigieux, relatif au droit du travail, était étranger à l’objet de la loi. 26. Par une décision du 13 janvier 1994, le Conseil constitutionnel estima que les dispositions législatives litigieuses n’étaient pas contraires à la Constitution, aux motifs suivants : « Considérant que le législateur, en fixant avec effet rétroactif au 1er décembre 1983, le montant de la prime de « difficultés particulières » à 3,95 fois la valeur du point découlant de l’application d’accords salariaux du 8 février 1957, a entendu mettre fin à des divergences de jurisprudence et éviter par là même le développement de contestations dont l’aboutissement aurait pu entraîner des conséquences financières préjudiciables à l’équilibre des régimes sociaux en cause ; Considérant qu’il a, d’une part, réservé expressément la situation des personnes à l’égard desquelles une décision de justice est devenue définitive ; que, d’autre part, rien dans le texte de la loi ne permet d’inférer que le législateur a dérogé au principe de non-rétroactivité des textes à caractère répressif ; qu’enfin il lui était loisible, sous réserve du respect des principes susvisés, d’user, comme lui seul pouvait le faire en l’espèce, de son pouvoir de prendre des dispositions rétroactives afin de régler pour des raisons d’intérêt général les situations nées des divergences de jurisprudence ci-dessus évoquées ; que, dans ces conditions, les dispositions critiquées ne sont contraires à aucune règle, non plus qu’à aucun principe de valeur constitutionnelle. (...) » En conséquence, l’article 85 de la loi n 94-43 fut déclaré conforme à la Constitution. La loi fut promulguée le 18 janvier 1994. h) Les arrêts de la Cour de cassation, des 15 février et 2 mars 1995 Le 15 février 1995, statuant sur le pourvoi formé par la CPAM de Sarreguemines, le préfet de la région Lorraine et le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d’Alsace contre l’arrêt de la cour d’appel de Besançon du 13 octobre 1993, la Cour de cassation annula partiellement cet arrêt, sans renvoi, dans les termes suivants : « (...) Attendu, cependant, que l’article 85 de la loi du 18 janvier 1994 fixe le montant de l’IDP, pour chaque période de versement, à 3,95 fois la valeur du point découlant de l’application des accords salariaux conclus conformément aux dispositions de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; que l’arrêt attaqué, en ce qu’il adopte un mode de calcul différent de celui prévu par le texte susvisé, doit être annulé ; Et attendu qu’il y a lieu, conformément aux dispositions de l’article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ; Par ces motifs (...) Annule, mais uniquement dans ses dispositions décidant que l’IDP serait calculée sur la base de 6,1055 % du SMPG, l’arrêt rendu le 13 octobre 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ; Dit que le montant de l’IDP doit être fixé à chaque période de versement à 3,95 fois la valeur du point découlant de l’application des accords salariaux conclus conformément aux dispositions de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; (...) » Par un arrêt du 2 mars 1995, la Cour de cassation rejeta également, en des termes similaires, les pourvois dirigés contre les arrêts rendus par la cour d’appel de Colmar le 23 septembre 1993. B. Procédures relatives à MM. Zielinski et Pradal Les jugements du conseil de prud’hommes de Metz, des 4 décembre 1991 et 21 octobre 1992 Par des demandes en date des 15 et 17 avril 1991, M. Zielinski et quarante-sept autres agents, représentés par un délégué CFDT (Confédération française démocratique du travail), saisirent à leur tour le conseil de prud’hommes pour obtenir le versement d’une somme de rappel de l’IDP (évaluée à 31 131,11 FRF pour le requérant) ainsi que le calcul de cette prime, pour l’avenir, sur la base des 12 points, tel que prévu par l’accord de 1953. Devant le conseil de prud’hommes de Metz, le préfet de région et le directeur des affaires sanitaires et sociales contestèrent les arguments des agents et demandèrent le sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de cassation, saisie du pourvoi dans les affaires identiques ayant donné lieu aux vingtcinq arrêts de la cour d’appel de Metz le 26 février 1991. Les 28 juin et 12 juillet 1991, M. Pradal et quarantehuit autres agents, représentés par le délégué syndical CFDT, saisirent à leur tour le conseil de prud’hommes de Metz de la même demande. Par des jugements du 4 décembre 1991 (pour M. Zielinski) et du 21 octobre 1992 (pour M. Pradal), le conseil de prud’hommes de Metz accorda le rappel d’indemnité aux demandeurs et constata que l’IDP devait être calculée sur la base de 12 points mensuels, conformément à l’accord de 1953, en jugeant notamment que : « Constatant que l’accord précise que cette indemnité est égale à douze fois la valeur du point, fixé par la convention nationale du personnel des organismes sociaux ; Constatant qu’à la suite des modifications apportées à cette dernière par les avenants du 10 juin 1963 et du 17 avril 1974 quant au mode de calcul des salaires et à la classification des emplois et des répercussions de ces modifications sur la valeur du point, les conseils d’administration des organismes signataires du protocole ont décidé de maintenir par des réajustements une valeur constante à l’IDP ; Constatant qu’il est acquis que ces réajustements ont eu pour effet de ramener l’IDP à l’équivalent de six, puis de 3,95 points ; Constatant que les termes de l’accord de 1953 sont précis et que la base de 12 points ne pouvait être unilatéralement modifiée ; Constatant que les organismes sociaux auraient dû dénoncer le protocole d’accord s’ils estimaient que les aménagements intervenus en 1963 et 1974 entraînaient une charge excessive ; (...) qu’il ne peut en être tenu compte que si les parties l’ont prévu à l’avance et que le silence des autres signataires du protocole ne peut être considéré comme une approbation (article L. 143-4 du code du travail) (...) » (termes du jugement du 4 décembre 1991) Le directeur des affaires sanitaires et sociales, par délégation du préfet de région, interjeta appel de ces jugements. Les arrêts de la cour d’appel de Metz, des 19 et 20 avril 1993 Par des arrêts définitifs des 19 avril (M. Pradal) et 20 avril 1993 (M. Zielinski), la cour d’appel de Metz confirma les jugements, constatant que la prime avait été modifiée unilatéralement en méconnaissance de la loi de 1950 relative aux conventions collectives, et aux motifs, notamment, que : « Attendu qu’en définitive, doit être retenue, pour le calcul de cette indemnité, la valeur du point résultant des avenants des 10 juin 1963 et 17 avril 1974 et de ceux en vigueur à chaque échéance de l’indemnité ; Attendu que selon l’article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ; que de même, suivant l’article 135-1 du code du travail, les conventions et accords collectifs de travail obligent tous ceux qui les ont signés ; (...) Attendu que force est de constater que l’accord du 28 mars 1953 n’a été dénoncé par aucune des parties ; que par suite il doit continuer à recevoir application et que les réductions du coefficient multiplicateur imposées à deux reprises l’ont été en violation tant de l’article 1134 du code civil que des règles applicables en matière d’accords collectifs de travail ; Attendu qu’en conséquence le versement de la prime doit être effectué sur la base de 12 points, tel que prévu audit accord ; (...) » L’arrêt de la Cour de cassation, du 2 mars 1995 Le 2 mars 1995, la Cour de cassation, saisie du pourvoi formé par le préfet et le directeur des affaires sanitaires et sociales contre les arrêts de la cour d’appel de Metz des 19 et 20 avril 1993 (concernant MM. Zielinski et Pradal) et contre deux autres arrêts des 21 avril et 6 septembre 1993, le tout concernant 150 agents, rendit son arrêt dans les termes suivants : « Sur l’application de l’article 85 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale : (...) Attendu, cependant, que l’article 85 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, applicable aux instances en cours, y compris celles pendantes devant la Cour de cassation, a pour but de suppléer, en l’absence d’un accord des parties, à la disparition d’un indice de référence et de permettre ainsi le calcul du montant d’une prime ; que ce texte, de nature législative, dont les parties ont pu discuter de l’application, ne constitue pas une intervention de l’Etat dans une procédure l’opposant à des particuliers ; qu’il ne remet pas en cause des décisions de justice irrévocables et a été déclaré conforme à la Constitution par le conseil constitutionnel ; d’où il suit que ce texte n’est pas contraire aux dispositions des articles 6-1 et 13 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ; Sur le moyen, relevé d’office, après avis donné aux parties : Vu l’article 85 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale ; Attendu que pour décider que le montant de l’indemnité dite de difficultés particulières doit être calculé sur la base des 12 points prévus au protocole d’accord du 28 mars 1953 et que la valeur du point doit être celle retenue pour le calcul des salaires par les accords collectifs en vigueur, la cour d’appel énonce qu’aucune disposition contractuelle ne subordonne le maintien de l’indice choisi à celui de la classification en vigueur au moment de l’accord et que ce serait ajouter aux termes de l’accord, parfaitement clairs et précis, et le dénaturer que de décider le contraire, qu’elle ajoute que l’accord litigieux n’exclut pas que soient prises en compte les modifications de la valeur du point résultant de la réorganisation indiciaire et que dès lors la valeur du point résultant des avenants des 10 juin 1963 et 17 avril 1974 doit être retenue pour le calcul de l’IDP ; qu’elle retient, encore, que les nouveaux modes de calcul de l’IDP adoptés à la suite des changements de classification intervenus en 1963 et 1974, n’ont pas fait l’objet d’un accord de tous les signataires du protocole du 28 mars 1953 et que l’indice conventionnel demeurant applicable, il n’y a pas lieu de rechercher l’existence d’un usage, qu’elle relève enfin que l’accord du 28 mars 1953 constitue une convention collective qui ne peut être remise en cause que par voie de révision ou de dénonciation, ce qui n’a pas été le cas ; Attendu, cependant, que l’article 85 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 fixe le montant de l’indemnité dite de difficultés particulières, pour chaque période de versement, à 3,95 fois la valeur du point découlant de l’application des accords salariaux conclus conformément aux dispositions de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; que les arrêts attaqués en ce qu’ils adoptent un mode de calcul du montant de cette indemnité différent de celui prévu par le texte susvisé, doivent être annulés ; Et attendu qu’il y a lieu, conformément aux dispositions de l’article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ; Par ces motifs : Annule, mais uniquement dans leurs dispositions décidant que le montant de l’indemnité dite de difficultés particulières doit être calculé sur la base de 12 points, la valeur du point étant celle retenue pour le calcul des salaires par les accords collectifs actuellement en vigueur, les arrêts rendus les 19, 20, 21 avril et 6 septembre 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Metz ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ; Dit que le montant de l’IDP doit être fixé à chaque période de versement à 3,95 fois la valeur du point découlant de l’application des accords salariaux conclus conformément aux dispositions de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; (...) » C. Procédures relatives à Mme Gonzalez et autres Les jugements du conseil de prud’hommes de Colmar, du 2 juillet 1991 Les 17 août (Mmes Gonzalez, Mary et Delaquerrière, M. Schreiber, Mme Kern, M. Gontier, Mme Schreiber et M. Cossuta) et 28 août (Mme Memeteau) 1990, les requérants saisirent le conseil de prud’hommes sur le fondement de l’accord de 1953, en vue d’obtenir le versement d’une somme de rappel de l’IDP, ainsi que le calcul de cette prime sur la base de 12 points pour l’avenir. Aucun arrangement n’ayant pu intervenir à l’audience de conciliation du 18 décembre 1990, l’affaire fut renvoyée devant le bureau de jugement du 9 avril 1991. Par neuf jugements en date du 2 juillet 1991, le conseil de prud’hommes de Colmar fit droit à leurs demandes, aux motifs que : « (...) Attendu que le protocole d’accord signé le 28 mars 1953 (...) instaurant l’indemnité de difficultés particulières (IDP) de 12 points est toujours en vigueur et a acquis force de loi ; Attendu que le 2 juin 1953, le ministère donna son agrément au protocole ; Attendu qu’à la suite de modifications de la classification des agents des organismes sociaux en 1963 et 1974, cette indemnité fut réduite sur décision du SICC (service d’intérêts communs et de coordination des caisses de sécurité sociale) ; Attendu que ce service, organe consultatif, non signataire du protocole de 1953, prit cette décision unilatérale et la fit avaliser par la direction régionale de la sécurité sociale et des conseils d’administration des caisses ; Attendu de ce fait que ces modifications ne peuvent être opposées [aux demandeurs] d’autant plus que dans la lettre du 11 février 1989, le ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale dit que le protocole d’accord doit recevoir pleine application ; Attendu qu’outre les modifications de la valeur du point faites unilatéralement, l’accord de 1953 n’a fait l’objet d’aucune modification ultérieure par les parties signataires ; Attendu qu’il est précisé à l’article 63 de la Convention collective nationale – annexe 7 – que la « présente convention ne pourra en aucun cas être la cause d’une réduction des avantages acquis par les agents à la date de la signature » ; Attendu en conséquence que ce protocole d’accord reste applicable en sa totalité ; (...) » Les arrêts de la cour d’appel de Colmar, du 18 mai 1995 La CPAM de Colmar et le préfet de la région Alsace, représenté par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d’Alsace, interjetèrent appel de ces jugements le 10 septembre 1991. Le 12 juillet 1994, la cour d’appel de Colmar fixa les débats au 18 octobre 1994. Le 30 septembre 1994, après que les appelants eurent conclu en invoquant le bénéfice de la loi du 18 janvier 1994, les requérants déposèrent leur mémoire en défense. Par neuf décisions du 18 mai 1995, la cour d’appel de Colmar débouta les requérants au motif que : « (...) en application de [l’article 85 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994] l’infirmation du jugement déféré s’impose, étant précisé que la demande concerne une période postérieure au 1er décembre 1983. (...) » L’arrêt de la Cour de cassation, du 18 juin 1996 Les 13 et 17 juillet 1995, les requérants se pourvurent en cassation. Ils déposèrent leurs mémoires ampliatifs le 13 octobre 1995, puis un mémoire complémentaire le 10 février 1996. Les mémoires en défense furent déposés le 22 décembre 1995. Le conseiller rapporteur, désigné le 1er février 1996, déposa son rapport le 16 février 1996. Par un arrêt en date du 18 juin 1996, après audience du 6 mai 1996, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants irrecevables dans les termes suivants : « (...) dans les matières où les parties sont dispensées du ministère d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, le pourvoi et les actes de la procédure qui en sont la suite, doivent être faits, remis ou adressés par la partie elle-même ou par tout mandataire muni d’un pouvoir spécial ; Attendu que les déclarations de pourvoi de chacune des parties ne contiennent pas l’énoncé, même sommaire, de moyens de cassation, et que les mémoires contenant cet énoncé et adressés dans le délai de trois mois exigé par l’article 983 du nouveau code de procédure civile ont tous été établis par un mandataire ne justifiant pas d’un pouvoir spécial ; Qu’il s’ensuit que les pourvois ne sont pas recevables. (...) » II. LE DROIT INTERNE PERTINENT A. Principes généraux quant aux organismes de sécurité sociale Les caisses nationales, régionales et primaires d’assurance maladie assurent une mission de service public (Conseil constitutionnel, décision n° 82-148 DC du 14 décembre 1982), ce qui explique tant l’attribution de prérogatives de puissance publique que l’existence d’une tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale. Elles assurent la gestion du régime obligatoire, avec un budget propre, distinct de celui de l’Etat. Le ministre chargé de la sécurité sociale en assure la tutelle, aidé en cela par ses services ministériels, à savoir une direction centrale et des directions régionales des affaires sanitaires et sociales, ainsi qu’une inspection générale des affaires sociales. En outre, le ministre est représenté par les préfets des départements ou des régions, en leur qualité de dépositaires de l’autorité de l’Etat et de délégués du Gouvernement, représentants directs du premier ministre et de chacun des ministres. La tutelle s’exerce d’abord sur les personnes, avec possibilité, pour certains motifs, de dissoudre ou suspendre l’ensemble du conseil d’administration d’une caisse, de révoquer ou démissionner d’office certains administrateurs, de donner ou refuser l’agrément pour la nomination du personnel de direction, outre l’établissement de la liste d’aptitude pour ce dernier. La tutelle se retrouve ensuite sur les actes, avec le pouvoir des services régionaux du ministère d’annuler ou de suspendre, pour certains motifs, les décisions des conseils d’administration ou des directeurs des organismes sociaux de base, mais également avec la possibilité d’opposition aux actes des organismes nationaux. Certains actes particuliers des caisses sont également soumis à une procédure d’agrément : statuts et règlements intérieurs, conventions collectives fixant le statut des personnels et leur régime de retraite. Enfin, les organismes de sécurité sociale sont placés sous la tutelle du ministre de l’Economie et des Finances, avec un contrôle des comptables publics du Trésor et de la Cour des comptes, ainsi que des vérifications de l’inspection générale des finances. B. La loi n 94-43 du 18 janvier 1994 Les dispositions pertinentes de ladite loi se lisent comme suit : Article 85 « Sous réserve des décisions de justice devenues définitives, le montant de la prime dite de difficultés particulières, instituée par le protocole d’accord du 28 mars 1953 au bénéfice des personnels des organismes de sécurité sociale du régime général et de leurs établissements des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, nonobstant toutes stipulations collectives et individuelles contraires en vigueur à la date de publication de la présente loi, est fixé, à compter du 1er décembre 1983 et à chaque période de versement, à 3,95 fois la valeur du point découlant de l’application des accords salariaux conclus conformément aux dispositions de la convention collective nationale de travail du personnel des organisations de sécurité sociale du 8 février 1957. Elle est versée douze fois par an. La gratification annuelle à compter de la même période est majorée, pour tenir compte du montant de l’indemnité dite de difficultés particulières attribuée au titre du mois de décembre. » PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION MM. Zielinski et Pradal ont saisi la Commission le 5 juillet 1994, Mme Gonzalez le 19 août 1996 et Mmes Mary et Delaquerrière, M. Schreiber, Mme Kern, M. Gontier, Mmes Schreiber et Memeteau et M. Cossuta le 9 septembre 1996. Les requérants ont dénoncé une violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention. Le 26 novembre 1996, la Commission a retenu la requête de MM. Zielinski et Pradal (n° 24846/94). Le 22 octobre 1997, elle a déclaré les requêtes de Mme Gonzalez et autres (nos 34165/96 à 34173/96) recevables quant aux griefs relatifs à l’équité et la durée de la procédure et irrecevables pour le surplus. Dans ses rapports des 9 septembre 1997 et 21 octobre 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle conclut, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne l’équité de la procédure et qu’il n’y a pas lieu d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 13, mais également, concernant Mmes Gonzalez, Mary et Delaquerrière, M. Schreiber, Mme Kern, M. Gontier, Mmes Schreiber et Memeteau et M. Cossuta, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne la durée de la procédure. Le texte intégral de ses avis figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Dans ses mémoires, le Gouvernement invite la Cour à dire que l’application des dispositions de la loi nouvelle, dans le cadre des procédures judiciaires, alors en cours et relatives aux requérants, n’a pas emporté violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention. De leur côté, les requérants prient la Cour de constater qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de leur allouer une satisfaction équitable au titre de l’article 41.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE Le 3 mars 1993, les requérants sonnèrent du cor de chasse et lancèrent des huées afin de gêner le déroulement de la chasse de Portman. Les magistrates de Gillingham furent saisis d'une plainte leur demandant de sommer les requérants de prendre l'engagement, assorti ou non de garanties, de respecter l'ordre public et de bien se conduire, conformément à la loi de 1361 sur les juges de paix. Le 7 septembre 1993, les requérants furent sommés de respecter l'ordre public et de bien se conduire pendant douze mois contre consignation de la somme de 100 livres sterling. Ils firent appel devant la Crown Court, qui examina leur recours le 22 avril 1994 à Dorchester. La Crown Court, composée d'un juge de cette juridiction et de deux magistrates, conclut que les requérants n'avaient commis aucune atteinte à l'ordre public et que leur comportement n'avait pas été susceptible d'en provoquer une. Elle constata les faits suivants : « a) Le 3 mars 1993, Edward Lycett Green, veneur de la chasse de Portman, aperçut [les requérants] aux environs du domaine de Ranston, et entendit le son d'un cor de chasse provenant de cette direction. Ensuite, vers 13 h 15, il vit la voiture [des requérants] sur la colline d'Iwerne et entendit à nouveau que l'on jouait du cor de chasse. A cette occasion, il entendit aussi [la seconde requérante] crier taïaut. Quelques chiens furent attirés vers [les requérants] et des chasseurs durent aller les récupérer. b) Vers 13 h 45, un chien isolé sortit du bois de Rolf en suivant la route de Higher Shaftesbury. Soudain, sans raison apparente, il traversa la route et se fit écraser par un camion roulant vers Blandford Forum. c) Vers 15 h 45, [le premier requérant] déclara à un agent de police qu'il avait joué du cor de chasse, mais pas du tout à proximité de l'endroit où le chien avait été tué. Le policier confisqua le cor de chasse. d) La colline d'Iwerne se trouve à un mile environ de l'endroit où le chien a été tué ; au moment où celui-ci s'est fait écraser, il courait dans la direction opposée à celle de la chasse et de la colline d'Iwerne. e) Comme ils l'ont eux-mêmes reconnu, [les requérants] avaient l'habitude de saboter les parties de chasse. [Le premier requérant] admit avoir joué du cor de chasse et [la seconde requérante] avoir hué les chiens. Ils cherchaient à détourner les chiens de la chasse pour les empêcher de tuer des renards. f) M. A. Downes, expert, nous a déclaré qu'ayant observé des parties de chasse depuis de nombreuses années, il a fréquemment vu des chiens quitter la meute et courir sur la route. A son avis, cela est aussi dangereux pour les chiens que pour les usagers de la route. » Se fondant sur ces faits, la Crown Court formula l'avis suivant : « a) Par leur comportement, [les requérants] ont délibérément cherché à gêner la partie de chasse de Portman et à faire en sorte que les chiens échappent au contrôle du veneur et des piqueurs. b) On voit par là que les [requérants] ont commis des actes illégaux et mis les chiens en danger. c) Il n'y a eu à cette occasion ni violence ni menaces de violence, en sorte que l'on ne saurait dire qu'il y a eu atteinte à l'ordre public ou risque d'une telle atteinte. d) [Les requérants] se livreraient de nouveau aux mêmes agissements sauf s'ils étaient sanctionnés par une sommation. e) Le comportement [des requérants] était contraire aux bonnes mœurs. f) L'affaire se distingue de R. v. Howell [voir ci-dessous] dans la mesure où celle-ci se rapporte au pouvoir d'arrestation en cas d'atteinte à l'ordre public, qui ne peut être exercé que s'il y a eu violence ou risque immédiat de violence. g) Le pouvoir de sommer « de respecter l'ordre public et de bien se conduire » est plus étendu que celui d'arrestation et peut être exercé chaque fois qu'il est prouvé qu'il y a eu soit atteinte à l'ordre public soit comportement contraire aux bonnes mœurs, étant donné qu'une atteinte à l'ordre public est par définition contraire aux bonnes mœurs et que les termes « respecter l'ordre public » n'exigent rien de plus du défendeur que l'expression « bien se conduire ». » Le tribunal a relevé que ni le rapport de la Law Commission (commission de réforme du droit) sur les sommations ni la Convention européenne ne font partie du droit interne. Le juge de la Crown Court accepta de soumettre un point de droit à la High Court. Le 5 août 1994, l'assistance judiciaire fut refusée pour ce renvoi et, le 19 septembre 1994, les requérants furent déboutés de leurs recours. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Atteinte à l'ordre public et comportement contraire aux bonnes mœurs L'atteinte à l'ordre public (breach of the peace), qui n'est pas une infraction pénale (R. v. County of London Quarter Sessions Appeals Committee, ex parte Metropolitan Police Commissioner, King's Bench Reports 1948, vol. 1, p. 670), est définie par la common law depuis des temps anciens. Cependant, comme Lord Justice Watkins l'a fait remarquer en janvier 1981 en prononçant la décision de la Cour d'appel dans l'affaire R. v. Howell (Queen's Bench Reports 1982, vol. 1, p. 416) : « On n'a que très rarement formulé une définition complète de la notion d'atteinte à l'ordre public (...) » (p. 426) Il poursuivit : « Osons dire qu'il est probable que se produira une atteinte à l'ordre public si une personne ou, en sa présence, ses biens, subissent un préjudice ou sont susceptibles d'en subir un ou si une personne redoute une telle éventualité en raison d'une agression, d'une rixe, d'une émeute, d'une réunion illégale ou d'un autre trouble. » (p. 427) Dans une affaire traitée ultérieurement par la Divisional Court (Percy v. Director of Public Prosecutions, Weekly Law Reports 1995, vol. 1, p. 1382), le juge Collins s'est inspiré de l'affaire Howell, déclarant qu'il ne peut y avoir atteinte à l'ordre public s'il n'y a pas eu auparavant risque de violence. Il n'est toutefois pas indispensable que la violence soit perpétrée par le défendeur dès lors qu'il est établi que la conséquence naturelle de son comportement serait de provoquer la violence chez autrui : « Il n'est pas nécessaire que le comportement en question constitue en lui-même un trouble de l'ordre public ou une infraction pénale. Il suffit que, s'il persiste, sa conséquence naturelle soit d'inciter autrui à la violence, d'où un danger réel de provoquer une atteinte à l'ordre public. » (p. 1392) Dans l'affaire Nicol and Selvanayagam v. Director of Public Prosecutions (Justice of the Peace Reports 1996, vol. 160, p. 155), Lord Justice Simon Brown a déclaré : « (...) le tribunal ne conclurait certainement pas qu'[une atteinte à l'ordre public] est établie si les éventuels actes de violence susceptibles d'avoir été provoqués chez autrui n'étaient pas seulement illégaux mais totalement disproportionnés, ce qui serait naturellement le cas si le comportement du défendeur était non seulement légal mais n'entraînait aucune ingérence dans les droits d'autrui et, à plus forte raison, si le défendeur exerçait correctement ses droits fondamentaux, que ce soit le droit de se réunir, de manifester ou de s'exprimer librement. » (p. 163) Un comportement contraire aux bonnes mœurs est décrit comme une « conduite ayant pour caractéristique d'être considérée comme mauvaise plutôt que bonne par la majorité des concitoyens contemporains de l'intéressé » (Lord Justice Glidewell dans l'affaire Hughes v. Holley, Criminal Appeal Reports 1988, vol. 86, p. 130). En l'affaire R. v. Sandbach, ex parte Williams (King's Bench Reports 1935, vol. 2, p. 192), la Divisional Court a désapprouvé le point de vue selon lequel on ne peut sommer quelqu'un de bien se conduire lorsqu'il n'y a aucune raison de redouter une atteinte à l'ordre public. Comme pour la sommation de respecter l'ordre public, il doit y avoir matière à craindre que se reproduise la conduite incriminée pour pouvoir émettre une sommation de bien se conduire. B. Sommation (binding over) Le pouvoir de « sommation » des magistrates se fonde sur la loi de 1980 sur les magistrates (« la loi de 1980 »), sur la common law et sur la loi de 1361 sur les juges de paix (« la loi de 1361 »). Une sommation fait obligation à la personne visée de prendre un « engagement » (une promesse ou une lettre de gage, garantie par une somme d'argent fixée par le tribunal) de respecter l'ordre public ou de bien se conduire pendant une période déterminée. Si l'intéressé ne consent pas à prendre cet engagement, le tribunal peut ordonner son placement en détention, pour six mois au maximum en cas de sommation émise en vertu de la loi de 1980 ou pour une durée illimitée en cas de sommation émise en vertu de la loi de 1361 ou de la common law. Si l'intéressé accepte de s'engager de la sorte mais porte atteinte à l'ordre public dans le délai fixé, il perd la somme consignée. Une sommation ne constitue pas une condamnation pénale (R. v. County of London Quarter Sessions, ex parte Metropolitan Police Commissioner, King's Bench Reports 1948, vol. 1, p. 670). Sommation en vertu de la loi de 1980 sur les Magistrates' Courts L'article 115 de la loi de 1980 est ainsi libellé : « 1) Le pouvoir d'une magistrates' court, saisie d'une plainte, de sommer une personne de prendre l'engagement, assorti ou non de garanties, de respecter l'ordre public ou de bien se conduire envers le plaignant s'exerce par voie d'ordonnance sur plainte. (...) 3) Toute personne à qui une magistrates' court ordonne en vertu du paragraphe 1 de prendre l'engagement, assorti ou non de garanties, de respecter l'ordre public ou de bien se conduire, et qui refuse d'obéir à cette ordonnance peut être mise en détention pour une période de six mois maximum, à moins qu'elle n'accepte dans l'intervalle de se conformer à l'ordonnance. » Sommation en vertu de la common law et de la loi de 1361 sur les juges de paix Outre la procédure légale décrite ci-dessus, les magistrates ont compétence pour émettre des sommations en vertu de la common law et de la loi de 1361. En vertu de ces pouvoirs, ils peuvent, à n'importe quel stade de la procédure, émettre une sommation à l'encontre de tout participant à l'instance s'ils considèrent que la conduite de l'intéressé est de nature à porter atteinte à l'ordre public, ou que son comportement est contraire aux bonnes mœurs. Les juges ne peuvent assortir une sommation de conditions particulières (affaire Ayu, Criminal Appeal Reports 1959, vol. 43, p. 31, affaire Goodlad v. Chief Constable of South Yorkshire, Criminal Law Review 1979, p. 51). Recours L'ordonnance d'une magistrates' court enjoignant à une personne de prendre l'engagement de respecter l'ordre public ou de bien se conduire peut faire l'objet d'un recours devant la High Court ou la Crown Court. L'examen de la High Court se limite à des questions de droit, qui lui sont exposées sous la forme d'un renvoi sur points de droit (by way of case stated). Conformément à l'article 1 de la loi de 1956 sur les recours contre les sommations prononcées par les magistrates' courts (Magistrates' Courts (Appeals from Binding Over Orders) Act 1956), un recours porté devant la Crown Court entraîne un nouvel examen de l'affaire en fait et en droit. Le rapport de la Law Commission sur les sommations En réponse à une demande du ministre de la Justice l'invitant à examiner le pouvoir de sommation, la Law Commission (organe légal chargé de la réforme du droit en Angleterre et au pays de Galles) a publié en février 1994 son rapport intitulé « Binding Over » (« Sommations ») dans lequel elle déclare ceci : « 4.34 Nous considérons qu'il est contraire aux principes élémentaires de la justice naturelle d'invoquer les notions de comportement contraire aux bonnes mœurs et d'atteinte à l'ordre public pour justifier le prononcé d'une sommation. Cela vaut de manière certaine pour la première notion et très défendable pour la seconde. Une sommation enjoignant à une personne de bien se conduire s'exprime en termes tellement généraux qu'elle ne donne pas suffisamment d'indications à la personne ainsi sommée quant au type de conduite dont elle doit s'abstenir afin de ne pas s'exposer à des sanctions (...) (...) 27 Nous sommes convaincus qu'il existe d'importantes objections de principe au maintien du pouvoir de sommer une personne de respecter l'ordre public ou de bien se conduire. En résumé, ces objections tiennent à l'imprécision de la définition de la conduite pouvant donner lieu à une sommation ; au caractère trop vague, et donc potentiellement oppressif, des sommations qui sont prononcées ; à l'anomalie que constitue le pouvoir d'emprisonner une personne pour insoumission à une sommation ; au fait que les ordonnances restreignant la liberté d'une personne peuvent être rendues en dehors des règles du droit pénal régissant la charge de la preuve ou, du reste, en dehors de toute règle clairement définie ; et au fait que les témoins, plaignants ou même accusés relaxés, peuvent faire l'objet d'une sommation sans être informés au préalable de façon adéquate des charges ou des plaintes formulées à leur encontre. » (Rapport de la Law Commission no 222) La Law Commission a donc recommandé de supprimer le pouvoir d'émettre des sommations. procÉdure devant la commissioN Les requérants ont saisi la Commission le 19 août 1994. Ils alléguaient des violations des articles 5, 10 et 11 de la Convention. La Commission a retenu la requête (no 25594/94) en partie le 26 juin 1996. Dans son rapport du 6 juillet 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle conclut qu'il y a eu violation de l'article 10 de la Convention (vingt-cinq voix contre quatre). Le texte intégral de son avis et des deux opinions dissidentes dont il s'accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRÉSENTÉES À LA COUR Le Gouvernement demande à la Cour de conclure que les faits de la cause ne révèlent aucune méconnaissance de la Convention. Les requérants la prient de constater une violation de l'article 10 de la Convention et de leur allouer des frais et dépens.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Né à Ligonchio (Reggio Emilia) en 1916, M. Bottazzi réside à Gênes. Le requérant avait été blessé pendant la Seconde Guerre mondiale et avait obtenu une indemnité d’invalidité en 1949. En 1956 cette indemnité ne lui fut plus accordée. Le 15 janvier 1972, estimant que ses conditions de santé s’étaient aggravées, le requérant demanda l’octroi d’une pension de guerre. Le 30 mai 1984, le ministère du Trésor rejeta sa demande. Le 19 juin 1988, la direction des pensions de guerre dépendant du ministère du Trésor rejeta la nouvelle demande du requérant du 20 janvier 1986 au motif qu’il n’y avait pas aggravation de son état de santé. Le requérant introduisit un recours hiérarchique demandant au ministre du Trésor d’annuler la décision du 19 juin 1988. Sa demande fut rejetée le 1er septembre 1990 par la direction des pensions de guerre. Le 28 mars 1991, le requérant adressa une réclamation administrative au ministre en lui demandant d’annuler la décision du 1er septembre 1990. Le 29 mars 1991, le ministre du Trésor transmit à la Cour des comptes ladite réclamation et cette dernière y arriva le 4 avril 1991. Le 15 mai 1991, la Cour des comptes demanda au ministère du Trésor de lui envoyer le dossier concernant le requérant. Le 23 septembre 1993, le président fixa la date de l’audience au 7 janvier 1994 et l’avocat du requérant déposa un mémoire le 27 décembre 1993. Par un arrêt du 7 janvier 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 16 juin 1994 et notifié au requérant le 2 mai 1995, la Cour constata que ce dernier, qui avait fait une réclamation administrative en se référant aux textes relatifs aux recours hiérarchiques, n’avait nullement eu l’intention d’intenter une action juridictionnelle, et déclara donc le recours irrecevable. Le 28 octobre 1995, le requérant interjeta appel. Il soutenait que s’il avait eu connaissance de la procédure à suivre il aurait certainement saisi la Cour des comptes. Le 8 novembre 1996, il présenta une demande pour la fixation de la date de la mise en délibéré de l’affaire. Le 26 novembre 1996, le président fixa l’audience au 1er avril 1997. Le 28 mars 1997, le requérant présenta une demande de renvoi de l’audience, et cette dernière fut fixée au 18 novembre 1997. Par une décision du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 2 décembre 1997, la Cour des comptes déclara le recours irrecevable. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Bottazzi a saisi la Commission le 26 octobre 1995. Il se plaignait de ce que sa cause n’avait pas été entendue dans un délai raisonnable comme le veut l’article 6 § 1 de la Convention. La Commission (première chambre) a retenu la requête (n° 34884/97) le 28 octobre 1997. Dans son rapport du 10 mars 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle conclut à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Le Gouvernement demande à la Cour de constater qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Le conseil du requérant prie la Cour de reconnaître la violation de l’article 6 § 1 et d’accorder à son client une satisfaction équitable.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. Genèse de l’affaire Le premier requérant, M. Arnold Nilsen, et le second, M. Jan Gerhard Johnsen, sont des ressortissants norvégiens nés en 1928 et 1943 ; ils résident à Bergen. Le premier est inspecteur de police ; à l’époque des faits, il était président de l’Association des policiers norvégiens (Norsk Politiforbund). Le second est agent de police ; à l’époque des faits, il était président de l’Association des policiers de Bergen (Bergen Politilag), section de l’association précitée. A l’époque pertinente, tous deux travaillaient au sein des forces de police de Bergen. 8. Dans les années 70, M. Gunnar Nordhus, alors étudiant en droit, et M. Edvard Vogt, alors professeur associé de sociologie à l’université de Bergen, menèrent une enquête au sujet du phénomène de la violence à Bergen, ville de quelque 200 000 habitants. Ils recueillirent auprès de l’hôpital du lieu des éléments se rapportant à l’ensemble des patients ayant été confrontés à la violence au cours de la période allant de janvier 1975 à juillet 1976. Plus tard, ils inclurent des éléments émanant d’autres sources. En 1981, ils publièrent un résumé de leurs rapports précédents dans un ouvrage intitulé Volden og dens ofre. En empirisk undersøkelse (« La violence et ses victimes. Une étude empirique »). Long de 280 pages, le livre comportait un chapitre de 77 pages sur la brutalité policière, définie comme l’usage illégal de la force physique lors de l’accomplissement de devoirs de police. Les auteurs affirmaient notamment avoir constaté que 58 personnes avaient été exposées à la brutalité policière pendant la période susmentionnée, que 28 d’entre elles avaient fait l’objet d’un examen médical, et que la police de Bergen était responsable chaque année d’environ 360 incidents impliquant un usage excessif et illégal de la force. Le livre donna lieu à un débat public passionné. Celui-ci concernait pour partie des chercheurs, quant aux méthodes de recherche utilisées et à la base scientifique sur laquelle reposaient les conclusions, et pour partie des policiers et le parquet. La controverse amena le ministre de la Justice à constituer une commission d’enquête (utvalg) composée de M. Anders Bratholm, professeur de droit pénal et de procédure pénale, et de M. Hans Stenberg-Nilsen, avocat à la Cour suprême. Son mandat : vérifier si les recherches menées par M. Nordhus et M. Vogt fournissaient une base permettant de formuler des observations générales sur la nature et l’étendue de la brutalité policière à Bergen. Assistée d’un expert en statistiques et d’un expert en matière d’auditions, la commission entendit 101 personnes, dont 29 policiers, 2 procureurs, 4 médecins qui avaient effectué des prises de sang au commissariat de Bergen, 5 travailleurs sociaux s’occupant spécialement des jeunes délinquants à Bergen, 2 avocats ayant accumulé une solide expérience en matière pénale à Bergen, 13 témoins de brutalités policières et 27 personnes disant avoir été victimes de ce genre d’abus. Dans un rapport publié en 1982 sous le titre Politivoldrapporten (« Rapport sur la brutalité policière »), M. Bratholm et M. Stenberg-Nilsen concluaient : « Dès lors que la commission d’enquête n’a pu aboutir à une conclusion en ce qui concerne les récits individuels mais a considéré l’ensemble des éléments dans leur globalité (voir les remarques figurant à la page 88, avec la référence à la recommandation de la commission Reitgjerdet), elle ne sera pas en mesure, à partir uniquement de la description des situations, de donner un chiffre exact quant au nombre d’incidents de violence policière à Bergen. Néanmoins, sur la base de l’ensemble des informations relatives à la violence policière à Bergen reçues par elle de diverses sources, la commission d’enquête croit que la nature et l’étendue de la violence policière sont beaucoup plus graves que ce qui semble généralement être supposé. Sur la foi de l’ensemble des éléments, la commission d’enquête pense que l’étendue réelle du problème n’est pas très éloignée des estimations des deux chercheurs. Toutefois, la leçon essentielle à tirer est que même les estimations les plus prudentes pouvant être faites sur cette base indiquent que l’ampleur du problème est alarmante. » Les conclusions figurant dans le rapport de 1982 et les éléments sur lesquels elles se fondaient furent contestées, notamment, par l’Association des policiers norvégiens. D’abord désireuse d’intenter une procédure en diffamation à l’encontre de MM. Bratholm, Stenberg-Nilsen, Nordhus et Vogt, celle-ci résolut en 1983 de s’en abstenir. Les journaux de Bergen, en particulier, témoignèrent d’un vif intérêt pour le débat déclenché par la publication du rapport de 1982. En 1981 déjà, le journal Morgenavisen avait écrit que M. Nordhus avait menti lors de la collecte par lui d’éléments devant servir à ses travaux de recherche. M. Nordhus engagea une procédure en diffamation contre le journal, mais en 1983 son action fut rejetée par le tribunal municipal (byrett) de Bergen, qui jugea l’accusation fondée. M. Bratholm poursuivit, finalement comme chercheur indépendant, ses travaux sur la brutalité policière. Au printemps de 1986, il publia un livre intitulé Politivold (« La brutalité policière »), avec comme sous-titre Omfang – årsak – forebyggelse. En studie i desinformasjon (« Ampleur – causes – prévention. Une étude en désinformation »). Il expliqua que par « désinformation » il y avait lieu d’entendre la diffusion délibérée ou par négligence d’informations inexactes. Etait ainsi visée la loyauté « fausse » – ou « mal comprise » – se traduisant par le fait que les policiers témoins de cas d’utilisation excessive et illégale de la force s’abstenaient d’intervenir ou couvraient les responsables des abus en livrant de faux témoignages. Le livre prenait comme point de départ le rapport de 1982, mais il ajoutait à celui-ci des faits, des analyses et des conclusions complémentaires. Il contenait également une critique sévère formulée par l’auteur à l’encontre du jugement rendu par le tribunal municipal en cause de M. Nordhus contre le journal Morgenavisen. B. Les publications contenant les déclarations litigieuses des requérants A la suite de la parution du livre Politivold de M. Bratholm, le second requérant fut interviewé, en sa qualité de président de l’Association des policiers de Bergen, par le journal Dagbladet. L’interview fut publiée le 15 mai 1986, dans un article qui portait le titre suivant (toutes les citations ci-dessous sont retraduites de l’anglais) : « M. Bratholm déterminé à coincer la police – Un service entier dénoncé par des personnes anonymes ». Le texte en était ainsi libellé : « “Le moral des policiers oscille entre le désespoir et la colère. Un service entier a été dénoncé par des personnes anonymes. Beaucoup de policiers craignent de sortir en ville car il se trouve toujours quelqu’un pour croire qu’il doit y avoir quelque chose de vrai dans ces allégations.” Voilà ce qu’a déclaré au Dagbladet le président de l’Association des policiers de Bergen, M. Johnsen. Il qualifie de « pure désinformation destinée à nuire à la police » le rapport sur la brutalité policière au sein des forces de police de Bergen récemment rédigé par le professeur Bratholm. “Jusqu’à preuve du contraire, je dirais qu’il s’agit là d’un mensonge délibéré. Les allégations proviennent de sources anonymes et sont clairement diffamatoires pour le service.” “Mettez-vous en cause les motifs pour lesquels M. Bratholm se répand sur la brutalité policière ?” “Il doit avoir eu des arrière-pensées. Il semblerait que le but poursuivi par lui ait été de saper la confiance dans la police.” “Souhaiteriez-vous que les informations en cause fassent l’objet d’une enquête interne ?” “S’il y a une quelconque vérité dans les allégations en question, nous ferons notre possible pour porter remède au mal. Pareille situation n’est pas à notre avantage et nous n’avons aucun intérêt à compter dans nos rangs des personnes de ce genre.” “Donc, vous n’excluez pas que des abus aient pu se produire ?” “J’écarte la possibilité que des policiers aient commis les abus décrits dans les allégations. Mais je n’exclus pas que certains d’entre eux puissent avoir, dans tel ou tel cas, été trop loin dans l’usage de la force.” » Le 16 mai 1986, le premier requérant, alors président de l’Association des policiers norvégiens, fut cité dans un article publié par le journal Bergens Tidende sous le titre « Indigne d’un professeur de droit ». L’article était ainsi libellé : « “Il est indigne d’un professeur de droit de présenter une chose pareille. Les allégations sont complètement frivoles car elles se fondent sur des sources anonymes. Elles n’ont rien à voir avec la réalité.” Ainsi s’exprime M. Nilsen, président de l’Association des policiers norvégiens, au sujet des allégations formulées par le professeur Bratholm dans son livre consacré à la brutalité policière. “J’ai passé l’intégralité de ma vie professionnelle dans les forces de police de Bergen et je puis dire avec assurance que les allégations de brutalité policière sont totalement étrangères à la réalité. Il s’agit là de racontars qui auraient davantage leur place dans un hebdomadaire en mal d’articles que dans une étude prétendument sérieuse”, déclare M. Nilsen. Parfaite égalité “Je n’arrive pas à percer les motivations sous-jacentes à pareilles allégations”, poursuit le président de l’Association des policiers. “En tout état de cause, il ne peut être dans l’intérêt de l’Etat de droit et du bien public de causer pareils problèmes à l’intégralité d’un service. Je soutiens que la qualité des ressources humaines dans la police est sur un pied de parfaite égalité avec celle que l’on trouve dans le corps enseignant. Nous serions incapables quant à nous de fonder une accusation contre quiconque sur des motifs aussi peu solides que ceux retenus par le professeur Bratholm. C’en serait fini alors de l’Etat de droit dans ce pays.” Ne serait pas toléré “Mais vous ne niez pas que la police fasse parfois preuve de brutalité ?” “Non, bien sûr, mais il s’agit là d’une question différente. Ce qui se trouve en cause ici, ce sont des allégations de recours systématique à la violence et de pur vol. Ce genre de comportement ne serait pas toléré dans la police.” M. Nilsen fait observer qu’il n’a pas examiné le livre très attentivement mais que devant ce qu’il en a dégagé jusqu’ici il ne peut rester sans réaction. Le problème, c’est qu’il est malaisé de contester les allégations en cause car ce n’est pas un individu mais un service entier qui estime avoir été diffamé. L’intéressé partage toutefois l’avis du chef de la police, M. Oscar Hordnes, qui a déclaré hier au Bergens Tidende qu’il devait y avoir une bonne raison pour que le procureur général [Riksadvokaten] ait jugé bon d’examiner la chose de plus près. L’Association des policiers étudiera également la possibilité de demander un avis juridique au sujet du livre. » C. Publications ultérieures sur la brutalité policière A l’automne 1986, M. Bratholm et M. Nordhus publièrent un livre intitulé Dokumentasjon av politivold og andre overgrep i Bergen-politiet (« Illustration de la brutalité policière et d’autres abus dans les forces de police de Bergen »), dans lequel M. Bratholm écrivait : « Le harcèlement et la persécution auxquels M. Nordhus – et en partie M. Vogt – ont été soumis à Bergen rappellent le lot des dissidents dans les pays d’Europe de l’Est. Je doute qu’il y ait personne parmi nous dont la situation soit plus proche de celle de ces dissidents que ne l’est celle de M. Nordhus. C’est presque un miracle qu’il ait eu le courage et la force de continuer son combat pour que la vérité vienne au jour. (...) Il est impossible de dire combien d’agents de la police de Bergen peuvent se voir reprocher des pratiques illégales telles que celles décrites ici ; espérons qu’il ne s’agisse que d’une faible minorité. Toutefois, il est difficile de croire que beaucoup des policiers de Bergen puissent ignorer les actes commis par certains de leurs collègues. Mais leur silence est garanti par l’exigence impérieuse de « loyauté ». C’est cela qui a permis à la sous-culture criminelle au sein de la police de Bergen – dont les agissements recouvrent divers types d’infractions – de survivre et, fort probablement, de prospérer. (...) Il y a des raisons de croire que beaucoup des actes commis au détriment de M. Nordhus et M. Vogt l’ont été sous la direction d’une personne haut placée et qu’il y a, dans les coulisses de la police de Bergen, quelqu’un qui tire les ficelles, qui met au point des stratégies, qui échafaude des plans, conjointement avec quelques personnes en qui il a toute confiance. D’après des informations qui sont venues au jour, il paraît possible à présent d’identifier les personnages clefs responsables de certains des abus incriminés. » Au printemps de 1987, M. Bratholm fit paraître un nouveau livre intitulé Politiovergrep og personforfølgelse. 220 forklaringer om politivold og andre overgrep i Bergenspolitiet (« Abus policiers et harcèlement individuel. 220 déclarations concernant des brutalités policières et d’autres formes d’abus au sein des forces de police de Bergen »). Ce livre était en quelque sorte une mise à jour de celui de M. Bratholm et de M. Nordhus paru en 1986. Dans l’introduction, M. Bratholm écrivait : « S’il arrive que des policiers commettent des abus de pouvoir – et en certains endroits cela se produit beaucoup plus fréquemment qu’en d’autres – cela ne signifie pas que la majorité des policiers norvégiens se rendent coupables de tels abus. Toutes les investigations indiquent que la plupart des cas d’abus sont le fait d’une petite minorité de personnes, qui sont en mesure de poursuivre leurs agissements parce que les exigences de « loyauté » sont particulièrement fortes dans la police. » Au début de 1988, la revue juridique norvégienne Lov og Rett publia un numéro spécial consacré à la violence policière. Il comportait une série d’articles écrits par des universitaires, dont M. Bratholm, critiquant une enquête ordonnée par le procureur général (paragraphe 18 ci-dessous). M. Bratholm publia également un certain nombre d’autres articles sur la brutalité policière. D. Les affaires « boomerang » Après avoir reçu de M. Bratholm une version non expurgée du livre publié à l’automne 1986, dans laquelle étaient mentionnés les noms des informateurs (qui jusqu’alors n’étaient connus que des chercheurs), le procureur général ordonna l’ouverture d’une enquête, dont il chargea un procureur ad hoc, M. Erling Lyngtveit, et des policiers d’un autre district. En juin 1987, les résultats de l’enquête ordonnée par le procureur général furent rendus publics : 368 cas d’allégations de brutalité policière à Bergen avaient fait l’objet d’investigations. Quelque 500 personnes, dont 230 policiers, avaient été interrogées. Des charges avaient été portées contre un policier, qui avait par la suite été relaxé. La conclusion d’ensemble tirée par les enquêteurs était que, pour l’essentiel, les diverses allégations de brutalité policière étaient dépourvues de fondement. Une fois l’enquête clôturée, 15 des personnes interrogées furent accusées d’avoir porté de fausses accusations contre la police. 10 d’entre elles furent condamnées par la cour d’appel (lagmannsrett) de Gulating à l’issue de procès devant jury qui se déroulèrent entre novembre 1988 et mars 1992 (les affaires « boomerang »). E. Publications ultérieures contenant des déclarations litigieuses Le 2 mars 1988, une nouvelle déclaration émanant du premier requérant fut publiée dans Annonseavisen à Bergen. L’article portait les titres suivants : « Evolution spectaculaire dans le débat sur la brutalité Amnesty alertée L’Association des policiers s’apprête à engager une action en justice » L’article était ainsi libellé : « Non seulement le professeur Bratholm vient à présent de demander la mise en place d’une commission d’enquête gouvernementale afin que soit vérifiée la validité des conclusions formulées par le procureur général il y a longtemps déjà, mais Amnesty International vient à présent d’être alertée au sujet de violations de droits de l’homme prétendument commises par les forces de police de Bergen ! Une délégation du secrétariat international basé à Londres s’est déjà rendue à Bergen. Son rapport devrait être prêt au printemps. “Je dois admettre que j’ai été très surpris lorsque, il y a de cela peu de temps, on m’a parlé de ces questions. Il semblerait que les gentlemen que sont M. Nordhus, M. Vogt et M. Bratholm se soient rendu compte que lorsqu’un procédé ne marche pas, il suffit d’en essayer un autre”, déclare M. Nilsen, président de l’Association des policiers norvégiens. D’après l’intéressé, cette affaire est sur le point de déraper. Le fait d’avoir alerté Amnesty constituerait une insulte et, avec les dures attaques portées récemment par le professeur Bratholm et d’autres, les limites de ce qu’il est possible de qualifier de recherche impartiale auraient été nettement dépassées. “Selon moi, il s’agit ici d’une forme de magouille et d’investigations privées où il y a de bonnes raisons de mettre en cause l’honnêteté des intentions poursuivies”, déclare M. Nilsen à Annonseavisen. Juste avant le week-end, M. Nilsen était à Bergen, où il s’est entretenu avec le nouveau comité directeur de l’Association des policiers de Bergen (...) D’après lui, il était naturel que les violentes attaques portées récemment par M. Nordhus, M. Vogt et M. Bratholm fissent partie des questions discutées. “J’ai l’intention de prendre contact avec notre avocat (...) au début de cette semaine. Cela fait longtemps qu’il a envoyé à M. Bratholm une lettre dans laquelle nous exigeons des excuses pour les déclarations qu’il a faites. Je pense que vous pouvez vous attendre à ce que nous engagions une procédure en diffamation à ce sujet. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une situation où les mêmes accusations continuent d’être portées contre la police de Bergen, alors que celle-ci a été blanchie à l’issue d’une des plus vastes enquêtes de notre époque.” Des accusations élargies “Mais M. Bratholm n’a pas confiance dans les compétences [du procureur] Lyngtveit et dans son désir d’aller au fond des choses en l’espèce ?” “Le fait que le professeur Bratholm conteste à présent le travail effectué par M. Lyngtveit à l’instigation de l’avocat général [Regjeringsadvokaten] est en soi grave et surprenant. Les accusations portées viennent à présent d’être étendues de manière à inclure également les autorités supérieures de police.” D’après les sources de Annonseavisen, M. Nilsen prendra très prochainement contact avec le procureur général pour savoir ce que ce dernier a l’intention de faire en ce qui concerne les insinuations élargies de M. Bratholm. Quant au fait qu’Amnesty International a été alertée, M. Vogt (...) déclare que cela s’explique par le souci de l’organisation d’avoir connaissance des moindres détails de la situation régnant au sein des forces de police de Bergen. » En juin 1988, le premier requérant s’exprima en qualité de président de l’Association des policiers norvégiens lors de l’assemblée générale annuelle de cette association. Le 7 juin 1988, ses propos furent rapportés dans un article du journal Bergens Tidende intitulé « M. Bratholm accusé de diffamation ». L’article comportait notamment les passages suivants : « (...) L’Association des policiers norvégiens est sérieuse lorsqu’elle menace d’intenter une procédure en diffamation contre le professeur M. Bratholm. D’après M. Nilsen, président de l’association, une assignation sera notifiée à M. Bratholm dans les prochains jours. Le tribunal sera invité à annuler deux déclarations écrites précises faites par M. Bratholm en rapport avec le débat sur la brutalité policière à Bergen. (...) Refus de s’excuser “Le professeur Bratholm a eu l’occasion de s’excuser au sujet des deux points précis que nous estimons diffamatoires pour la police en tant que catégorie professionnelle mais il s’y est refusé. C’est la raison pour laquelle nous engageons une procédure. Nous ne demanderons pas à être indemnisés ; nous cherchons simplement à faire annuler les déclarations en question.” Regards critiques M. Nilsen évoqua aussi la question dans son discours d’ouverture de l’assemblée nationale de l’Association où il déclara, entre autres, que la structure du pouvoir de la société devait tolérer des regards critiques. Cela présupposait toutefois, d’après lui, une attitude responsable et fiable de la part des critiques. L’intéressé dénonça fermement les débats, selon lui dépourvus d’objectivité et alimentés par les forces puissantes de certaines élites sociales, qui avaient cours au sujet de la brutalité policière. Dilettantes “La situation de professeur de M. Bratholm a conféré une certaine crédibilité à ses allégations de brutalité policière, et cela a sapé le respect pour la police et la confiance dans ce service. L’Association des policiers norvégiens n’acceptera pas la mise en place d’une nouvelle commission chargée d’enquêter au sujet des allégations de brutalité policière ; elle n’acceptera pas davantage des investigations privées menées à grande échelle et par des dilettantes afin de fabriquer des allégations de brutalité policière qui sont ensuite rendues publiques”, déclare M. Nilsen. (...) Attaques verbales M. Nilsen qualifie de tentative de sape de la dignité et de l’autorité de la police les attaques verbales dirigées contre celle-ci. » Dans une édition spéciale de la revue juridique Juristkontakt publiée à l’automne 1988, la police et le parquet présentèrent leur avis sur l’enquête ordonnée par le procureur général et sur celle entreprise par la suite au sujet des fausses déclarations supposées avoir été faites par les informateurs de M. Bratholm. F. Les procédures en diffamation En juillet 1988, l’Association des policiers norvégiens et sa section de Bergen intentèrent contre M. Bratholm une procédure en diffamation visant à faire annuler les propos précités formulés par l’intéressé dans « Illustration de la brutalité policière et d’autres abus dans les forces de police de Bergen » (paragraphe 15 ci-dessus). En mai 1989, M. Bratholm engagea de son côté contre les requérants une action en diffamation tendant à l’annulation d’un certain nombre de déclarations faites par eux. En 1992, les associations se désistèrent de leur action en diffamation contre M. Bratholm, à la suite de l’arrêt rendu par la Cour européenne des Droits de l’Homme le 25 juin 1992 dans l’affaire Thorgeir Thorgeirson c. Islande (série A n° 239). M. Bratholm refusa de se désister de la sienne contre les requérants. Le tribunal municipal d’Oslo organisa, dans le cadre de la procédure en diffamation intentée contre les requérants, des débats qui durèrent du 24 août au 8 septembre 1992. Il entendit 23 témoins et se vit soumettre de nombreuses preuves documentaires. Dans son jugement du 7 octobre 1992, le tribunal municipal observa notamment qu’il était établi que des cas de recours illégal à la violence s’étaient produits à Bergen et que, s’ils étaient le fait d’un très petit nombre de policiers, l’ampleur de la violence n’en était pas moins problématique. Il estima que M. Bratholm n’avait pas attaqué l’intégrité de ses adversaires et ne s’était pas exprimé d’une manière qui pût justifier l’attaque portée contre lui par les requérants. Il jugea les déclarations suivantes diffamatoires au regard de l’article 247 du code pénal et les déclara nulles et non avenues (død og maktesløs, mortifisert) en vertu de l’article 253 § 1 (la numérotation ci-dessous correspond à celle utilisée dans les décisions des juridictions norvégiennes) : (Déclarations du second requérant publiées par Dagbladet le 15 mai 1986) 1 « Il qualifie de « pure désinformation destinée à nuire à la police » le rapport sur la brutalité policière au sein des forces de police de Bergen récemment rédigé par le professeur Bratholm. » 2 « Jusqu’à preuve du contraire, je dirais qu’il s’agit là d’un mensonge délibéré. » 3 « Il doit avoir eu des arrière-pensées. Il semblerait que le but poursuivi par lui ait été de saper la confiance dans la police. » (Déclarations du premier requérant publiées par Annonseavisen et Bergens Tidende le 2 mars et le 7 juin 1988 respectivement) 2 « Selon moi, il s’agit ici d’une forme de magouille et d’investigations privées où il y a de bonnes raisons de mettre en cause l’honnêteté des intentions poursuivies. » 3 « L’Association des policiers norvégiens n’acceptera pas (...) des investigations privées menées à grande échelle et par des dilettantes afin de fabriquer des allégations de brutalité policière qui sont ensuite rendues publiques. » En revanche, le tribunal municipal rejeta les prétentions de M. Bratholm relativement aux déclarations suivantes du premier requérant, publiées par Bergens Tidende le 16 mai 1986 et le 7 juin 1988 : 1 « Je n’arrive pas à percer les motivations sous-jacentes à pareilles allégations. En tout état de cause, il ne peut être dans l’intérêt de l’Etat de droit et du bien public de causer pareils problèmes à l’intégralité d’un service. » 4 « M. Nilsen qualifie de tentative de sape de la dignité et de l’autorité de la police les attaques verbales dirigées contre celle-ci. » Le tribunal municipal condamna le premier requérant à verser à M. Bratholm 25 000 couronnes norvégiennes (NOK) pour dommage moral mais rejeta la demande d’indemnité pour dommage moral formulée par le plaignant à l’encontre du second requérant au motif qu’elle avait été soumise hors délai. Il enjoignit par ailleurs aux requérants de verser à M. Bratholm 112 365,83 NOK et 168 541,91 NOK respectivement au titre des frais. Les motifs du jugement du tribunal municipal comportaient les passages suivants : « La déclaration 1.1 (...) est une allégation non équivoque selon laquelle le livre de M. Bratholm contient de fausses allégations de violence policière au sein de la police de Bergen. Le terme « désinformation » peut être compris comme une assertion neutre selon laquelle M. Bratholm fournit de fausses informations ou comme une accusation selon laquelle l’intéressé devrait être conscient qu’il fournit de fausses informations ou selon laquelle il agit ainsi de manière délibérée. Le tribunal souligne que les termes « pure désinformation destinée à nuire à la police » doivent se lire conjointement avec le restant du texte, et notamment avec la déclaration 1.2 et le dernier paragraphe de l’interview. Il est parvenu à la conclusion qu’un lecteur ordinaire comprendrait la déclaration de la manière suivante : “Dans l’intention de nuire à la police, M. Bratholm diffuse de manière délibérée des informations fausses sur la brutalité policière.” Le tribunal ne doute pas qu’il s’agit là d’une affirmation qui constitue une allégation diffamatoire. Elle est à la fois insultante pour M. Bratholm et son sens de l’honneur, et propre à nuire à sa réputation. L’allégation ne s’analyse pas en un jugement de valeur subjectif mais en une affirmation relative à une question de fait se prêtant à la démonstration de son exactitude. La déclaration peut donc être annulée. Le tribunal ajoute que lorsqu’on la lit dans son contexte la déclaration ne peut se comprendre comme une allégation selon laquelle Bratholm lui-même formule des allégations fausses de brutalité policière. Toutefois, même si la déclaration doit être comprise comme une allégation (de formulation de fausses accusations de brutalité policière) visant d’autres personnes que M. Bratholm, cela ne lui enlève pas sa nature d’allégation dirigée contre M. Bratholm. Si on le considère dans son ensemble, le texte indique clairement que c’est le livre de M. Bratholm que vise M. Johnsen. (...) En replaçant la déclaration [1.2] dans son contexte (la partie restante du texte), qui traite essentiellement du livre de M. Bratholm, un lecteur ordinaire comprendrait cette déclaration de la manière suivante : “M. Bratholm diffuse de manière délibérée des affirmations concernant la brutalité policière dont il sait qu’elles sont contraires à la vérité.” La question de savoir si la déclaration 1.2 peut être interprétée d’une manière telle qu’elle viserait également les informateurs n’a pas davantage de pertinence en l’espèce. Le tribunal ne doute pas non plus que cette déclaration constitue une allégation diffamatoire dirigée contre M. Bratholm et qu’elle peut être annulée car elle se prête à la démonstration de son exactitude. (...) [La déclaration 1.3] doit être comprise comme une affirmation claire selon laquelle le but poursuivi par M. Bratholm (en écrivant le livre Politivold) était de saper la confiance dans la police. Replacée dans son contexte (la partie restante du texte, et notamment les déclarations 1.1 et 1.2), elle doit être comprise comme une assertion selon laquelle M. Bratholm diffuse à cet effet des affirmations concernant la brutalité policière dont il sait qu’elles sont contraires à la vérité. La déclaration comporte également un dénigrement implicite des motivations de M. Bratholm, faisant passer celles-ci pour douteuses et indignes. Les mots « des arrière-pensées » sont la réponse à la question de savoir si les motivations de M. Bratholm peuvent être critiquées, par comparaison avec des motivations honorables, comme par exemple la défense de l’Etat de droit. (...) Le tribunal ne doute pas que l’affirmation constitue une allégation qui, d’une part, a porté atteinte au sens de l’honneur de M. Bratholm et, d’autre part, est de nature à nuire à sa réputation. La partie de la déclaration alléguant que le but poursuivi par M. Bratholm était de saper la confiance dans la police se prête à la démonstration de son exactitude. Le fait que, de la manière dont elle est formulée, l’intention de M. Bratholm doive être comprise par les lecteurs comme douteuse ou répréhensible est un jugement de valeur subjectif qui ne se prête guère à la démonstration de son exactitude. Toutefois, cela ne signifie pas en principe que la déclaration 1.3 ne puisse pas être annulée. [La déclaration 2.2] n’est pas sans équivoque quant à la personne contre laquelle elle est dirigée. Elle peut être comprise comme visant M. Bratholm (probablement aussi d’autres personnes). Le tribunal renvoie à cet égard aux deux passages précédents où il est dit que M. Bratholm (conjointement avec M. Vogt et M. Nordhus) fait une nouvelle tentative et que M. Bratholm (entre autres) sort des limites de la recherche neutre. Lorsqu’on la replace dans son contexte, la déclaration peut également être comprise comme n’étant pas du tout dirigée contre M. Bratholm mais contre Amnesty. Pareille interprétation doit être fondée sur le fait que si le journal a interviewé M. Nilsen c’est uniquement parce qu’Amnesty était intervenue dans le débat. Le tribunal mentionne une troisième possibilité : la déclaration – spécialement si on la lit dans le contexte du sous-titre du journal – peut être comprise par un lecteur ordinaire comme visant tout d’abord M. Vogt et M. Nordhus, mais également M. Bratholm. Le tribunal est parvenu à la conclusion que lorsqu’on la replace dans son contexte la déclaration [2.2] doit être interprétée en tout état de cause comme affirmant que l’attitude de M. Bratholm repose, entre autres, sur des motivations douteuses et que l’intéressé participe et/ou contribue à ce que M. Nilsen décrit comme étant une forme de magouille et d’investigations privées, et non des travaux de recherche impartiaux. La déclaration comporte en partie des jugements de valeur (« forme de magouille », « investigations privées »), qui ne sont pas susceptibles d’être annulés. En revanche, elle comporte aussi une affirmation concernant des questions de fait, à savoir que M. Bratholm a des motivations douteuses et qu’il n’est pas neutre. La déclaration doit manifestement être comprise comme une affirmation selon laquelle ce sont les motivations de M. Bratholm qui sont douteuses. Cela découle du premier et du deuxième paragraphe précédant la déclaration, où M. Nilsen dit d’abord que M. Bratholm (conjointement avec MM. Nordhus et Vogt) essaie un nouveau procédé, pour affirmer ensuite que l’intéressé a, entre autres, dépassé les limites de la recherche impartiale. Le tribunal ne doute pas que cette affirmation s’analyse en une allégation diffamatoire dirigée contre M. Bratholm qui porte atteinte au sens de l’honneur de l’intéressé et est également propre à nuire à sa réputation. Cette allégation se prête à la vérification de son exactitude et elle est donc susceptible d’annulation. (...) La déclaration 2.3 comporte une affirmation selon laquelle des allégations de brutalité policière sont fabriquées pour être ensuite rendues publiques. Lue conjointement avec le restant du texte, cette déclaration doit être interprétée par un lecteur ordinaire comme une affirmation selon laquelle M. Bratholm rend publiques des allégations de brutalité policière qui sont contraires à la vérité. Cette affirmation se prête à la vérification de son exactitude et est en principe susceptible d’annulation. La déclaration ne comporte pas uniquement cette affirmation. Du fait qu’elle se comprend également comme signifiant que M. Bratholm rend publiques des allégations dont il aurait dû s’apercevoir qu’elles sont fausses, elle porte atteinte au sens de l’honneur de l’intéressé et est propre à nuire à sa réputation. L’affirmation implique qu’en sa qualité d’expert M. Bratholm diffuse, sans s’entourer des précautions d’usage, des allégations de brutalité policière qui sont contraires à la vérité. Toutefois, replacée dans son contexte, la déclaration ne peut pas se comprendre uniquement de cette manière. La déclaration doit être interprétée comme une affirmation selon laquelle M. Bratholm prend part à des investigations privées dans le dessein de fabriquer des allégations de brutalité policière. Si l’affirmation doit être interprétée comme visant également d’autres personnes, cela n’enlève rien au fait que M. Bratholm soit lui-même visé. En conséquence, la déclaration 2.3 doit également être interprétée comme une allégation diffamatoire dirigée contre M. Bratholm et se prêtant à la démonstration de son exactitude. » Les requérants attaquèrent le jugement devant la Cour suprême (Høyesterett), contestant l’interprétation faite de leurs déclarations par le tribunal municipal. Ils reprochaient à celui-ci d’avoir interprété leurs propos comme critiquant l’honnêteté et les motivations de M. Bratholm, alors que ni le libellé des déclarations ni le contexte dans lequel elles avaient été faites n’étaient de nature à étayer pareille interprétation. D’après eux, leurs déclarations ne pouvaient en aucun cas être regardées comme illégales, dès lors qu’elles avaient été formulées en réponse à des jugements de valeur préjudiciables émis par M. Bratholm au sujet de leur profession. Les requérants invoquaient notamment l’article 250 du code pénal, en vertu duquel un tribunal pouvait s’abstenir d’infliger une sanction si la partie lésée avait provoqué l’accusé ou avait riposté d’une manière répréhensible à ses attaques. Ils estimaient, et c’était là pour eux un point capital, que les attaques portées par M. Bratholm contre leurs associations constituaient pareilles provocation et riposte. M. Bratholm forma un appel incident, critiquant les conclusions du tribunal municipal relatives aux déclarations 2.1 et 2.4. En outre, il souligna notamment qu’il n’avait mis en cause l’honnêteté ni des requérants ni de quelque fonctionnaire que ce fût. Sa critique avait été dirigée contre un système, et elle bénéficiait de la protection spéciale conférée par l’article 100 de la Constitution. Le 19 novembre 1992, le comité de filtrage des recours (kjœremålsutvalget) de la Cour suprême donna l’autorisation de saisir celle-ci de pourvois en cassation. Le 5 mai 1993, la haute juridiction rejeta les deux recours formés, confirmant ainsi la décision du tribunal municipal et ordonnant à chacun des requérants de verser à M. Bratholm 45 000 NOK au titre des frais supplémentaires encourus par lui. Le juge Schei déclara notamment, au nom de la Cour : « Il convient en l’espèce d’accorder une attention particulière à la liberté d’expression. Les déclarations dont l’annulation est demandée ont été faites dans le cadre d’un débat public concernant la brutalité policière. La brutalité policière – et par ce terme j’entends l’usage illégal par la police de la force physique contre des individus – constitue une question d’un grand intérêt public. Il est essentiel pour une démocratie qu’un débat concernant de telles questions de société puisse avoir lieu dans toute la mesure du possible sans que ceux qui y participent risquent d’écoper de sanctions. Il est particulièrement important de prévoir une ample marge d’appréciation pour la critique s’exprimant au sujet de questions d’intérêt public (voir, à cet égard, l’article 100 de la Constitution). Toutefois, ceux dont l’action fait l’objet de la critique, en l’occurrence les représentants de la police de Bergen, jouissent évidemment eux aussi de la liberté d’expression. (...) Cependant, la liberté d’expression ne va pas jusqu’à [autoriser] n’importe quelle déclaration dans un débat, même lorsque celui-ci concerne des questions d’intérêt public. La liberté d’expression doit être mise en balance avec les droits des parties lésées. La limite entre des déclarations admissibles et des déclarations encourant l’annulation doit normalement être tracée là où les déclarations visent l’honnêteté ou les motivations personnelles d’autrui. (...) De même, les accusations de mensonge, de motivations douteuses, de malhonnêteté (...) ne contribuent pas à promouvoir la liberté d’expression mais peut-être plutôt à supprimer ou empêcher un débat qui aurait dû pouvoir se tenir. (...) L’argument des [requérants] selon lequel les déclarations [litigieuses] ne sauraient être annulées au motif qu’elles comportent des jugements de valeur subjectifs insusceptibles de preuve ne tient pas. Les déclarations en cause comportent, entre autres, des accusations de mensonge délibéré, de motivations indignes et d’intention de nuire à la police. La véracité de ce type de déclarations peut en principe être prouvée. Le fait que [les requérants] n’aient pas cherché à présenter de telles preuves est une autre question. Le comportement de la partie lésée peut également être pertinent pour l’appréciation de la question de savoir si des [déclarations] doivent être considérées comme illicites [rettsstridig]. Une personne qui s’exprime en des termes forts peut avoir à tolérer plus que d’autres. Je reviendrai ultérieurement au comportement de M. Bratholm. Qu’il me suffise ici de dire que je n’aperçois pas comment l’engagement de celui-ci [dans le débat] pourrait être décisif pour ce qui est des déclarations en cause, qui posent clairement la question de savoir s’il ment ou si ses motivations sont acceptables. [Les requérants] soutiennent que, sur la base d’une application par analogie de l’article 250 du Code pénal, l’annulation doit être refusée, indépendamment de la question de savoir si les déclarations sont illicites. A cet égard, je tiens à dire (...) que ladite disposition n’a, en soi, pratiquement plus aucune signification, du moins en ce qui concerne la provocation. Le comportement de la partie lésée revêt aujourd’hui une importance déterminante dans la jurisprudence lorsqu’il s’agit de trancher la question de savoir si une déclaration doit être considérée comme illicite et contraire à l’article 247 du Code pénal. Je ne vois pas comment il pourrait y avoir place pour une exonération de la sanction si la déclaration est illicite. La démarche serait la même si l’article 250 (...) s’était également appliqué à l’annulation. Ne fût-ce que pour ce motif, il n’y a aucune base pour une application par analogie telle que la plaident [les requérants]. Je pense que le raisonnement que j’ai développé (...) vaut également pour ce qui est de la riposte. Quoi qu’il en soit, il n’y a eu [en l’espèce] aucune riposte au sens de la disposition en question. (...) (...) J’admets, avec le tribunal municipal, que [les déclarations en cause] relèvent de l’article 247 du Code pénal. Lues dans leur contexte, elles sont dirigées contre M. Bratholm. Dans la déclaration 1.2, ce dernier est accusé de mensonge délibéré. Une accusation de mensonge est également contenue de manière implicite dans la déclaration 1.1, où figure le terme « désinformation ». La déclaration 1.3 suggère des motivations indignes ainsi qu’une intention malveillante [sous-tendant les attaques portées par M. Bratholm contre la police]. Ce dernier élément est également contenu de manière implicite dans la déclaration 1.1. La nature diffamatoire des déclarations du [second requérant] apparaît plus clairement et sort donc renforcée lorsque celles-ci sont lues conjointement. Des considérations relatives à la liberté d’expression ne sauraient rendre ces déclarations licites. Je renvoie à ce que j’ai dit plus haut au sujet des déclarations qui sont dirigées contre l’honnêteté et l’intégrité des personnes. Il a été affirmé que la situation de M. Bratholm doit revêtir une importance capitale dans l’appréciation de la licéité des déclarations litigieuses. L’intéressé aurait formulé des déclarations acrimonieuses et insultantes à l’encontre de ses adversaires dans le débat, et il devrait accepter qu’une lumière gênante soit jetée sur lui aussi. J’admets que M. Bratholm formule des critiques acerbes dans son livre « La brutalité policière ». Une partie de ces critiques sont dirigées contre un système, mais bon nombre d’entre elles sont également dirigées contre des personnes. M. Bratholm a utilisé plusieurs termes injurieux. Celui de « désinformation » a été cité à titre d’exemple. Je ne vois pas comment l’utilisation de ce terme pourrait se voir conférer un poids significatif dans le cadre de l’appréciation de la licéité des déclarations incriminées. En y recourant, M. Bratholm a cherché, notamment, à mettre au jour le fait que, délibérément ou par insouciance, l’existence de cas de brutalité policière avait été niée. Pareille négation constitue une condition préalable à l’existence de brutalités policières sur une échelle notable. Le terme despotisme a également été évoqué. De la manière dont il est utilisé dans la préface du livre de M. Bratholm, il ne concerne pas les forces de police de Bergen. (...) Le fait que l’emploi de termes tels que « despotisme » a probablement contribué à faire monter la température du débat, et, plus généralement, le bruit provoqué par celui-ci peut revêtir une certaine pertinence pour l’appréciation de la licéité [des déclarations incriminées]. Eu égard au contexte dans son ensemble, je ne vois toutefois pas comment les termes choisis par M. Bratholm et la manière dont l’intéressé a présenté ses réflexions dans le livre « La brutalité policière » ou dans le cadre de la commercialisation du livre, pourraient justifier une mise en cause de son intégrité telle que celle qui a eu lieu au travers des déclarations ici discutées. Je note que les appelants affirment avec force qu’ils ont formulé les déclarations litigieuses en leur qualité de représentants de la police et que, comme tels, ils doivent bénéficier d’une protection particulière contre l’annulation de leurs propos. J’admets qu’il était naturel que M. Johnsen et M. Nilsen, en leur qualité de représentants, prissent en compte les intérêts des policiers dans le débat. Comme je l’ai déjà dit, ils sont protégés par la liberté d’expression de la même manière que ceux qui braquent les projecteurs sur des situations pouvant donner lieu à critique au sein des forces de police. Mais, je le répète, ils doivent eux aussi, à cet égard, rester dans certaines limites. En l’occurrence, elles ont été outrepassées. Je conclus donc, comme l’a fait le tribunal municipal, que les déclarations 1.1, 1.2 et 1.3 doivent être annulées. J’en viens à présent aux déclarations de M. Nilsen. (...) [La déclaration 2.2] (...) met directement en cause l’honnêteté des motivations de M. Bratholm. Cette analyse se confirme à la lecture de la déclaration dans le contexte de l’ensemble de l’article. (...) Je partage donc l’avis du tribunal municipal selon lequel la déclaration 2.2 doit être annulée. (...) (...) La déclaration 2.3 s’analyse en une affirmation selon laquelle les allégations de brutalité policière sont d’abord fabriquées, pour être ensuite rendues publiques. Cela équivaut manifestement à dire que les éléments publiés ne sont pas fondés sur des faits. La déclaration paraît se rapporter spécialement à M. Bratholm et doit en tout état de cause être perçue comme s’appliquant également à lui. (...) (...) Je conclus donc que la déclaration 2.3, mais non la déclaration 2.4, doit être annulée. (...) » Le juge Bugge annexa à la décision une opinion concordante, dans laquelle figuraient notamment les passages suivants : « Je suis parvenu à la même conclusion que le tribunal et je souscris pour l’essentiel à son raisonnement. Toutefois, en ce qui me concerne, j’ai abouti à ladite conclusion après avoir beaucoup hésité. J’ai notamment éprouvé des doutes au sujet de la question de savoir si les déclarations des appelants étaient illicites, eu égard aux circonstances dans lesquelles elles avaient été formulées. Voici pourquoi j’ai éprouvé des doutes. [Le juge Schei] a dit que dans un débat public relatif à des « questions d’intérêt public » (...), la limite de ce que les participants à la discussion peuvent dire sans encourir le risque d’être condamnés pour diffamation doit être très reculée. Si ce principe peut être admis, je partage quant à moi l’idée selon laquelle il ne doit pas légitimer des attaques dirigées contre l’intégrité personnelle d’un adversaire ou qui dénigrent ou font apparaître sujets à caution les motifs pour lesquels celui-ci participe au débat. (...) J’aperçois difficilement, pour ma part, comment les déclarations qui ont été annulées par le tribunal municipal en l’espèce pourraient être considérées comme dirigées contre M. Bratholm en tant que particulier. Mais je laisserai de côté cet aspect des choses, car je pense également que doit être jugé illicite, même dans le contexte d’un débat public, le fait de s’en prendre à l’intégrité et aux motivations d’une autre personne, plutôt qu’à ce qu’elle a dit. Ce qui me trouble en particulier c’est que – d’après mon analyse – c’est M. Bratholm lui-même qui, lorsque le débat sur la brutalité policière reprit en 1986, avait mis en cause l’intégrité de la police, et spécialement de la police de Bergen. Au chapitre 15 du [livre], il déclare ce qui suit au sujet de la notion de « désinformation » : “Le terme « désinformation » peut se définir de diverses manières. Il peut ainsi recouvrir la diffusion d’informations non véridiques, indépendamment de la question de savoir si cette diffusion s’opère de bonne foi. On peut par exemple découvrir ultérieurement que les recherches étaient erronées sur un point. Il n’y a guère lieu de retenir une interprétation aussi large de la notion de désinformation. Il est plus pratique de la comprendre comme renvoyant à une diffusion délibérée ou par négligence d’informations inexactes. Dans cette acception, la désinformation est un problème qu’il est plus facile de traiter que lorsque notre compréhension ne s’élargit que graduellement. (...) Si je devais fonder ma conclusion sur des informations et impressions diffuses, je dirais que la désinformation a plutôt bien rempli son office. La police, ses organisations et ses supporters paraissent avoir convaincu des pans relativement larges de l’opinion publique, ce qui n’est guère surprenant. Il convient de se rappeler comment la désinformation dans le cas de l’ancienne police du Groenland a pu marcher pendant plusieurs décennies. Nonobstant les conditions extrêmement mauvaises qui régnaient là-bas – et le fait que des informations fiables sur ces conditions étaient fournies de temps à autre par quelques-uns au moins des journaux d’Oslo, c’était la désinformation qui prévalait. Les nombreux policiers qui savaient qu’il y avait des brutalités ne faisaient rien pour mettre le problème au jour.” La seule manière dont je puisse comprendre la situation en l’espèce est que c’est M. Bratholm lui-même qui accuse ses adversaires dans le débat – « la police, ses organisations et ses supporters » – de manque d’intégrité, de dissimulation délibérée de circonstances de fait et de motivations douteuses. C’est, à mon sens, sur cette base que les déclarations des appelants doivent être appréciées – en particulier celles ayant été faites après la publication du livre « La brutalité policière » en 1986. En soi, il n’est pas illégitime que les appelants, qui naturellement doivent s’être sentis offensés au nom de la police, soutiennent qu’ils avaient le droit de riposter de la même manière. A cet égard, un élément qui, d’après moi, revêt également de l’importance est que les appelants se sont exprimés au nom des associations de policiers, tant à Bergen qu’au niveau national. Ils ont agi en tant que représentants élus des membres desdites associations. Il est fort probable et peu critiquable qu’ils aient jugé qu’en cette qualité ils avaient le devoir de réagir aux attaques portées contre les méthodes de travail de la police. Il n’est pas inhabituel dans notre société de voir les représentants d’un groupe en butte à des attaques publiques réagir d’une manière irréfléchie et pouvant paraître quelque peu incongrue. Les appelants en l’espèce n’étaient pas non plus bien au fait de la législation en matière de diffamation. M. Bratholm soutient qu’il doit y avoir une différence entre ce que des hommes politiques connus doivent pouvoir endurer relativement aux déclarations portant sur leurs activités politiques et la protection dont lui-même jouit lorsque, « du point de vue de sa profession, il s’engage dans un débat concernant des questions d’un grand intérêt public ». Je ne pense pas que cette thèse puisse être défendue, et je ne comprends même pas que l’on puisse y songer. D’après moi et en principe, un universitaire – par exemple un professeur de droit – ne jouit pas, en vertu de la législation sur la diffamation, d’une protection qui soit supérieure à celle d’un homme politique lorsqu’il prend part à un débat public sur des problèmes d’intérêt public. Si je n’en partage pas moins les conclusions du [juge Schei], c’est que j’admets qu’il y a lieu de créer les meilleures conditions possibles pour un débat sur des « questions d’intérêt public », et que [pareil débat] pourrait pâtir du fait que des déclarations comme celles incriminées en l’espèce ne seraient pas annulées, même compte tenu du contexte dans lequel elles ont été formulées. » G. Réouverture des affaires « boomerang » Le 16 janvier 1998, la Cour suprême ordonna la réouverture de sept des affaires « boomerang ». Les demandes qui avaient été introduites à cet effet en 1996 avaient été rejetées par la cour d’appel de Gulating. La Cour suprême accorda l’autorisation de former un pourvoi. Conformément à l’article 392 de la loi sur la procédure pénale, elle jugea dans sa décision définitive qu’eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, les condamnations paraissaient sujettes à caution et que des considérations de poids justifiaient un réexamen de la culpabilité des personnes condamnées. D’après elle, il était évident que la brutalité policière avait existé dans une certaine mesure au cours des années 1974-1986. La raison pour laquelle les policiers avaient nié toute connaissance de tels incidents devait être recherchée dans une sorte de « loyauté mal comprise ». Il était hautement probable que des policiers eussent livré des faux témoignages au cours de l’enquête sur la brutalité policière à Bergen. Le 16 avril 1998, les sept condamnés furent acquittés à la demande du parquet, qui avait jugé inutile de porter de nouvelles charges, faute d’un intérêt général suffisant. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS En matière de diffamation, le droit norvégien prévoit trois types de réaction à une diffamation illicite : une sanction infligée au titre des dispositions du code pénal, une décision annulant (mortifikasjon) l’allégation diffamatoire, rendue en application de l’article 253 du même code, et une condamnation à verser à la partie lésée une réparation, prononcée en vertu de la loi de 1969 sur la réparation des dommages (Skadeserstatningsloven – loi n° 26 du 13 juin 1969). Seules les deux dernières solutions entrèrent en jeu en l’espèce. Un tribunal peut, sur le fondement de l’article 253 du code pénal, annuler une déclaration diffamatoire dont la véracité n’a pas été établie. Les passages pertinents dudit article sont ainsi libellés : « 1. Lorsque la preuve de la véracité d’une allégation est recevable mais qu’aucun élément en ce sens n’a été produit, la partie lésée peut demander à ce que l’allégation soit annulée, sauf dispositions légales contraires. » Pareille annulation ne peut intervenir que si l’assertion prétendument diffamatoire concerne des faits, car les jugements de valeur ne se prêtent pas à la démonstration de leur exactitude. Bien que les dispositions qui les régissent figurent dans le code pénal, les décisions annulant des déclarations ne passent pas pour des sanctions pénales mais pour des constats judiciaires que le défendeur n’a pas prouvé la véracité de ses propos, et elles peuvent donc être considérées comme des remèdes de droit civil. Depuis quelques années est débattue en Norvège la question de savoir s’il y a lieu d’abolir ces remèdes que constituent les décisions d’annulation ; celles-ci existent en droit norvégien depuis le XVIe siècle, et on les rencontre aussi en droit danois et islandais. Estimant qu’il s’agit d’une forme de sanction particulièrement légère, l’Association norvégienne des rédacteurs en chef en préconise le maintien. L’article 3-6 de la loi de 1969 sur la réparation des dommages est ainsi libellé : « Quiconque a porté atteinte à l’honneur ou s’est immiscé dans la sphère privée d’autrui sera condamné, s’il a fait preuve de négligence ou si les conditions d’imposition d’une sanction sont réunies, à verser une réparation pour le dommage causé ainsi qu’une indemnité pour manque à gagner, que le tribunal chiffrera en fonction de ce qui lui paraîtra raisonnable eu égard à la gravité de la négligence commise et aux autres circonstances. Il sera également condamné à verser, au titre du dommage moral, la somme que le tribunal jugera raisonnable. Si l’infraction a été commise par la voie de textes imprimés et que la personne ayant agi au service du propriétaire ou de l’éditeur du média est responsable au titre du premier paragraphe, le propriétaire et l’éditeur seront solidairement responsables du versement de l’indemnité. Il en va de même de toute réparation ordonnée au titre du premier paragraphe, sauf si le tribunal estime qu’il y a de bonnes raisons d’exonérer les intéressés de cette obligation. (...) » Une personne accusée de diffamation peut voir engager sa responsabilité si se trouvent réunies les conditions énoncées au chapitre 23 du code pénal, dont les articles 246 et 247 sont ainsi libellés : « Article 246. Quiconque, d’une manière illicite, par des paroles ou par des actes, porte atteinte à l’honneur d’autrui ou y contribue, est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant atteindre six mois. » « Article 247. Quiconque, par des paroles ou par des actes, se comporte d’une manière susceptible de nuire à la bonne renommée ou à la réputation d’autrui ou d’exposer autrui à la haine, au mépris ou à la perte de la confiance nécessaire à l’exercice de sa charge ou de sa profession, ou qui y contribue, est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement d’un an au maximum. Si la diffamation a lieu par voie de publication ou de radiodiffusion, ou dans d’autres circonstances particulièrement aggravantes, une peine d’emprisonnement n’excédant pas deux ans peut être prononcée. » L’applicabilité de l’article 247 se trouve limitée par la condition que la déclaration litigieuse soit illicite (rettsstridig). L’article 246 pose expressément cette condition et la Cour suprême a interprété l’article 247 dans le même sens. D’autres limites à l’application de l’article 247 sont contenues à l’article 249, dont la partie pertinente en l’espèce est ainsi libellée : « 1. Aucune sanction ne peut être infligée par application des articles 246 et 247 si la preuve de la véracité des accusations est rapportée. (...) » procÉdure devant la commission M. Arnold Nilsen et M. Jan Gerhard Johnsen ont déposé leur requête (n° 23118/93) auprès de la Commission le 2 novembre 1993. Ils y alléguaient que les décisions rendues par le tribunal municipal et par la Cour suprême constituaient une atteinte injustifiée à leur droit à la liberté d’expression, et donc une violation de l’article 10 de la Convention. 35. La Commission a retenu la requête le 10 septembre 1997. Dans son rapport du 9 septembre 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule l’avis unanime qu’il y a eu violation de l’article 10. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt. conclusions présentées à la cour A l’audience du 1er juillet 1999, le Gouvernement a, comme il l’avait fait dans son mémoire, invité la Cour à dire qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention. Les requérants ont quant à eux réitéré leur demande tendant à ce que la Cour constate une violation de l’article 10 et leur alloue une satisfaction équitable au titre de l’article 41.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1953. Il est domicilié à Stalowa Wola, en Pologne. Soupçonné d’homicide sur la personne de sa femme, il fit, en 1986, l’objet d’une procédure engagée par le procureur régional de Katowice. Le 18 octobre 1987, il fut examiné par un collège de deux psychiatres qui conclut que, vu son état de santé, il ne pouvait pas être tenu pour pénalement responsable. Le collège estima en outre que M. Musiał était dangereux pour l’ordre public. Le 31 octobre 1987, le procureur du district de Jastrzębie-Zdrój prononça un non-lieu, compte tenu de l’expertise médicale. Le 30 novembre 1987, le même procureur demanda au tribunal régional de Katowice d’ordonner l’internement psychiatrique du requérant. Le 8 février 1988, le tribunal régional de Katowice ordonna l’internement de l’intéressé dans un hôpital psychiatrique. Se fondant tant sur la thèse du procureur selon laquelle M. Musiał avait tué sa femme que sur l’expertise médicale du 18 octobre 1987, il conclut que l’intéressé représentait un danger pour l’ordre public. Le 18 mars 1988, la Cour suprême confirma cette décision. Le 13 avril 1988, M. Musiał fut interné à l’hôpital psychiatrique de Rybnik. Les 4 novembre 1988, 15 septembre et 13 novembre 1989, 12 mars, 9 juillet et 17 décembre 1990, le tribunal régional de Katowice décida de maintenir le requérant en détention. Il prit en compte le dossier médical de M. Musiał, notamment les avis donnés par les médecins de l’hôpital psychiatrique de Rybnik, d’après lesquels l’état du malade, inchangé, nécessitait le maintien en détention de l’intéressé, toujours dangereux pour l’ordre public. Le 4 avril 1991, l’avocat commis d’office pour le requérant demanda la levée de la mesure d’internement de son client. Le 27 mai 1991, le tribunal régional de Katowice refusa cette mise en liberté, estimant qu’elle entraînerait une menace pour l’ordre public. Dans un nouvel avis du 27 décembre 1991, les psychiatres de l’hôpital de Rybnik indiquèrent que l’état du malade nécessitait la poursuite de l’internement et, dans sa décision ultérieure, le tribunal régional de Katowice refusa derechef la mise en liberté. Le 10 janvier 1992, le ministre de la Justice refusa l’autorisation de former un recours extraordinaire contre la décision du 8 février 1988 concernant l’internement psychiatrique du requérant. Le 22 juin 1992, après examen de l’avis des psychiatres, le tribunal refusa à nouveau de libérer M. Musiał. Le 16 mars 1993, l’avocat de l’intéressé déposa une nouvelle demande de libération auprès du tribunal régional de Katowice. Il réclama également l’examen de son client par des psychiatres de l’université de Cracovie car il était convaincu que seul cet établissement fournirait un avis impartial. Par lettres des 25 mars et 13 avril 1993, le tribunal ordonna à l’hôpital psychiatrique de Rybnik de produire une nouvelle expertise médicale sur l’état du requérant. Dans un avis du 19 avril 1993, les psychiatres de l’hôpital de Rybnik indiquèrent que l’état du malade nécessitait son maintien en détention et estimèrent que, M. Musiał ayant demandé plusieurs fois à être examiné par des psychiatres d’un autre établissement, il serait souhaitable d’ordonner pareille mesure. Par une décision du 26 avril 1993, le tribunal ordonna que le requérant fût examiné par des psychiatres de l’université de Cracovie. Le 5 mai 1993, le tribunal constata que le requérant pouvait subir l’examen médical nécessaire dans le service de psychiatrie du centre de détention de Cracovie. Le 17 mai 1993, il fixa au 31 mai 1993 la date d’admission du requérant au centre. M. Musiał y fut conduit ce jour-là, mais n’y fut pas admis, certains documents requis n’ayant pas été fournis. Le centre informa le tribunal qu’il ne pourrait admettre le requérant qu’en application d’une ordonnance de placement en détention provisoire et que les personnes détenues dans le centre étaient assujetties aux dispositions légales régissant la détention provisoire. Par une lettre du 31 mai 1993, le requérant se plaignit au tribunal de n’avoir pas été examiné par le service de psychiatrie de l’université de Cracovie. Il soutenait que tout avis établi par les psychiatres du centre de détention de Cracovie serait entaché de partialité. Il menaçait en outre d’entamer une grève de la faim s’il était emmené au centre pour un examen médical. Le 25 juin 1993, M. Musiał demanda la réouverture de la procédure pénale. Le 4 août 1993, le service de psychiatrie de l’université de Cracovie informa le tribunal régional de Katowice que la date exacte de l’examen ambulatoire du requérant ne pourrait être fixée qu’après le 23 août 1993. Par une lettre du 18 août 1993, le tribunal régional de Katowice porta l’information à la connaissance de l’intéressé. Les 1er et 2 septembre 1993, l’université de Cracovie informa le tribunal que M. Musiał pourrait être admis dans son hôpital à la fin d’octobre ou au début de novembre 1993, après analyse de son dossier médical. Dans un courrier du 15 septembre 1993, le procureur régional de Katowice avisa le requérant que sa demande du 23 juin 1993 en réouverture de la procédure pénale n’aurait pas de suite. Le 22 septembre 1993, le dossier médical de l’intéressé fut adressé à l’université de Cracovie. Le 18 novembre, le requérant pria le tribunal d’ordonner son examen sans plus tarder. Le 17 décembre, l’université informa le tribunal, qui l’avait interrogée à ce sujet, que M. Musiał serait admis pour un examen ambulatoire du 31 janvier au 3 février 1994. Le 24 janvier, le tribunal fit savoir à l’intéressé que son dossier avait été transmis au service psychiatrique de l’université de Cracovie. Du 31 janvier au 4 février 1994, le requérant subit un examen médical au service de psychiatrie de l’université de Cracovie. Le 18 mai 1994, le tribunal régional de Katowice l’avisa que son dossier était toujours en possession dudit service et que le rapport médical n’était pas prêt. Le 30 mai, l’université informa le tribunal que le rapport serait prêt pour la fin juin. Le 16 juin 1994, le requérant demanda communication de son dossier médical. Le 21 juin, le tribunal lui répondit que celui-ci se trouvait toujours à l’université de Cracovie. Le 21 juin 1994, l’université informa le tribunal régional de Katowice, qui lui avait adressé une demande à cet effet, qu’elle ne pouvait pas lui renvoyer le dossier, le rapport d’expertise n’étant pas encore prêt. Le 5 juillet, le requérant sollicita à nouveau la communication de son dossier médical. Le 21 juillet, le tribunal régional de Katowice lui répondit que celui-ci était toujours à l’étude chez les spécialistes du service de psychiatrie de l’université de Cracovie, qui préparaient un rapport. Dans leur avis du 30 novembre 1994, les psychiatres de l’université de Cracovie indiquèrent que, vu son état, le requérant devait être maintenu en détention et que les motifs qui avaient justifié son internement psychiatrique persistaient. Leur rapport fut transmis au tribunal régional de Katowice le 15 décembre 1994. Le tribunal, après avoir examiné ledit rapport, décida le 9 janvier 1995 de maintenir le requérant en détention. Ultérieurement, par décisions des 4 mars et 30 décembre 1996, le tribunal régional de Katowice ordonna, au vu d’expertises médicales du 18 janvier et du 24 septembre 1996 respectivement, de maintenir le requérant en détention. Le 28 septembre 1996, M. Musiał fit une tentative de suicide à l’hôpital psychiatrique de Rybnik. Le 23 juin 1997, le tribunal régional de Katowice ordonna sa libération de l’hôpital. II. LE droit et LA pratique internes pertinents Le code pénal polonais énonce les conditions d’internement des personnes pénalement irresponsables pour cause d’aliénation mentale. En voici les dispositions qui s’appliquaient à l’époque des faits : Article 99 « S’il est établi qu’une personne a commis une infraction alors qu’elle était dans un état de trouble mental [excluant sa responsabilité pénale] et que son maintien en liberté met sérieusement en danger l’ordre public, le tribunal l’interne dans un hôpital psychiatrique ou un autre établissement approprié. » Article 101 « Dans les cas prévus à l’article 99 (...), la décision d’internement en établissement psychiatrique ne précise pas la période de détention ; le tribunal ordonnera l’élargissement si la détention n’est plus nécessaire. » 32. Selon la jurisprudence de la Cour suprême de Pologne, le juge décide s’il y a menace à l’ordre public en fonction de la situation prévalant au moment où il se prononce sur l’internement psychiatrique de l’auteur de l’infraction. L’appréciation de l’existence et de l’importance de cette menace s’effectue à la lumière d’une expertise médicale. Pour qu’il soit décidé d’ordonner l’internement en hôpital psychiatrique, il n’est pas nécessaire que l’expertise médicale précise expressément que le maintien de l’auteur de l’infraction en liberté menacerait l’ordre public. Il suffit que le juge puisse tirer une telle conclusion de l’ensemble de l’expertise médicale (Orzecznictwo Sądu Najwyższego, Izba Karna i Wojskowa 1974, point 47). Une menace à l’ordre public est jugée grave lorsque le fait de maintenir en liberté l’auteur d’une infraction emporte le risque de le voir commettre un acte illégal (Orzecznictwo Sądu Najwyższego, Izba Karna i Wojskowa 1972, point 183). L’article 242 § 1 du code de procédure pénale, combiné avec l’article 244 § 1, applicable à l’époque des faits, prévoyait que le juge pouvait infliger une amende à un expert en justice qui, sans motif valable, manquait régulièrement à son obligation de soumettre un rapport au tribunal. L’article 197 du code d’exécution des peines, en vigueur à l’époque, se lisait ainsi : « 1. Le directeur d’un établissement médical a l’obligation d’informer le tribunal de l’état de santé du détenu et des progrès du traitement. (...) Le tribunal, à des intervalles de six mois au maximum, décide, sur la base d’un avis médical, de la nécessité de maintenir les mesures de sûreté. » Aux termes de l’article 8 du code d’exécution des peines, l’auteur d’une infraction avait le droit, dans la procédure devant un tribunal contrôlant l’exécution des jugements au pénal, de soumettre des requêtes et d’introduire des recours contre les décisions du tribunal si la loi le prévoyait expressément. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Musiał s’est adressé à la Commission le 10 janvier 1994 en alléguant la violation de l’article 6 §§ 2 et 3 d) de la Convention dans l’instruction pénale le concernant. Il se plaignait des refus de rouvrir la procédure et de lui accorder l’autorisation de présenter un recours extraordinaire. Il alléguait enfin une violation de l’article 5 § 4 de la Convention en ce que la procédure de contrôle juridictionnel de son internement psychiatrique dépassait un délai raisonnable. La Commission (deuxième chambre) a retenu la requête (n° 24557/94) le 6 septembre 1995 quant au grief tiré de l’article 5 § 4 et l’a déclarée irrecevable pour le surplus. Dans son rapport du 4 mars 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule, par treize voix contre deux, l’avis qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4. Le texte intégral de son avis et de l’opinion dissidente dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Dans son mémoire, le Gouvernement invite la Cour à dire qu’en l’espèce « la procédure d’examen de la régularité de la détention du requérant a été menée à bref délai au sens de l’article 5 § 4 de la Convention » et à conclure, sur la base des faits, à l’absence de violation de cette disposition. Dans son mémoire, le requérant prie la Cour « de reconnaître que, dans l’affaire le concernant, examinée par le tribunal régional de Katowice, il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales » et de lui accorder une satisfaction équitable.
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A. La procédure relative à la garde de la fille du requérant Ressortissant italien, M. Buscemi est né en 1949 et réside à Coni (Cuneo) où il exerce la profession de médecin. Du concubinage entre le requérant et C.F. naquit une fille en 1985. Les rapports entre le père et la mère se dégradèrent rapidement après la naissance de la fillette et le tribunal pour enfants compétent dut déjà intervenir par le passé. Dans un premier temps, la fille du requérant fut confiée à la mère, de laquelle le requérant s’était séparé dans l’intervalle. Le 21 janvier 1994 le requérant demanda au tribunal pour enfants de Turin de lui confier formellement la garde de l’enfant, que la mère lui avait déjà confiée de facto. Celle-ci avait en effet signé, le 30 juillet 1993, une déclaration reconnaissant le droit du requérant à avoir la garde de l’enfant. Le tribunal pour enfants de Turin, sous la présidence du juge A.M.B., ordonna une instruction et le 5 mai 1994 décida de placer l’enfant dans un foyer d’accueil. Il fit application notamment de l’article 333 du code civil. En même temps, il limita le droit de visite à une fois par semaine pour la mère et à une fois par mois pour le requérant. Le matin du 3 juin 1994, des assistants sociaux cherchèrent l’enfant à son école, après avoir prévenu les enseignants, et la transférèrent dans un foyer. Immédiatement après, le requérant demanda à ce que sa fille fût examinée par un neuropsychiatre, mais cette demande aurait été rejetée pour des motifs qui ne sont pas connus. Selon les allégations du requérant, sa fille aurait fait l’objet de mauvais traitements dans le foyer d’accueil. Le 14 juin 1994 le tribunal pour enfants désigna d’office deux experts, à savoir E.T., psychologue, et S.L., neuropsychiatre pour enfants, dont les noms figuraient déjà dans la décision du 5 mai 1994. Il ressort d’un certificat de la Chambre de commerce de Coni que l’expert E.T. exerçait également l’activité de marchand ambulant de vêtements et objets d’occasion depuis le 10 janvier 1994. Les deux experts étaient chargés d’établir l’état des relations entre les parents d’une part et entre ceux-ci et leur fille d’autre part, en vue notamment de déterminer à quel parent il convenait de confier la garde de l’enfant. A cette fin, le tribunal prescrivit aux deux experts entre autres ce qui suit : « Que les experts disent, une fois accomplie toute enquête utile, examinés les actes de la procédure, rencontrés les parents, la grand-mère maternelle et la mineure (...), quel est le type de personnalité des parents et la relation entre eux, y compris quant à l’évolution possible dans le futur ; (...) » Les deux experts convinrent de rencontrer chacun uniquement l’un des deux parents. Contre la décision du 5 mai 1994 le requérant interjeta appel une première fois le 11 juin 1994, mais il fut débouté par un arrêt de la cour d’appel de Turin (section spéciale pour enfants) daté du 28 juillet 1994. La cour d’appel approuva la décision du tribunal, compte tenu de la nécessité de placer la fillette dans un environnement plus calme en vue d’étudier les difficultés d’ordre psychologique que les conflits entre ses parents avaient engendrées. La cour d’appel précisa en outre que deux experts privés devaient avoir la possibilité de suivre le travail des experts d’office. Les experts privés désignés par le requérant ne furent jamais consultés pendant le déroulement des examens menés par les experts d’office et ne purent assister à l’audition de l’enfant. L’un d’entre eux participa néanmoins à une réunion avec les experts d’office afin d’évaluer les éléments recueillis par ces derniers au cours de l’expertise. Le rapport des experts fut déposé le 3 octobre 1994. Il établit notamment qu’aucun des deux parents ne semblait en mesure de fournir à la fillette un soutien adéquat et d’avoir avec elle une relation équilibrée. Les experts mettaient en outre en évidence le fait qu’ils n’avaient pu se livrer à une appréciation complète de la personnalité du requérant, celui-ci ayant cessé de participer aux tests psychodiagnostiques. Le 10 octobre 1994, l’un des deux experts privés déposa son rapport au greffe du tribunal. Ce rapport critiquait les résultats de l’expertise d’office, notamment dans la mesure où elle considérait le requérant comme peu soucieux du bien-être de sa fille ainsi que de la mère. Une deuxième expertise privée se prononça dans le même sens. Le 15 octobre 1994, le requérant s’adressa au tribunal, en se plaignant de ce que l’un des experts d’office ne l’eût jamais rencontré, alors qu’il avait apposé sa signature sur le rapport des experts qui contenait des appréciations portant directement sur la personnalité de l’intéressé, et du fait que les expert privés n’avaient pas été convoqués lors de l’audition de l’enfant par les experts d’office. Il concluait que la meilleure solution consistait à lui confier la garde de l’enfant. Le 3 novembre 1994, le tribunal, sous la présidence de C.L., confirma le placement de la fillette dans un foyer d’accueil et ordonna aux services sociaux de ménager une série de rencontres entre celle-ci et sa mère en vue de restituer la garde à cette dernière. Le requérant était en revanche autorisé à rendre visite à sa fille seulement une fois par mois pendant deux heures et uniquement à l’intérieur du foyer. Le 2 décembre 1994, la fille du requérant fut blessée dans un accident de la route. Le requérant en fut informé le 7 décembre 1994 et le lendemain se rendit auprès de sa fille. Relevant la présence de lésions d’une certaine importance et considérant que l’hôpital de la ville où se trouvait le foyer n’était pas équipé pour effectuer les examens qui s’imposaient, il demanda le 9 décembre 1994 au juge d’instance (pretore) de cette ville de l’autoriser à accompagner personnellement sa fille à l’hôpital de Coni, mieux équipé. Ce juge estima la situation urgente et autorisa le requérant à accompagner sa fille à l’hôpital de Coni avec un délégué du foyer. Toutefois, le même jour, le président du tribunal pour enfants de Turin décida que le père n’était pas autorisé à intervenir. Il chargea le foyer de soumettre l’enfant aux examens que le foyer jugerait opportuns, et ceci en collaboration avec la mère. Le président du tribunal rappela qu’il avait pris une décision n’autorisant le requérant à voir sa fille que pendant deux heures par mois et qu’évidemment le juge d’instance ignorait cette décision. Le 12 décembre 1994, le requérant interjeta appel de la décision du tribunal du 3 novembre 1994. Il fit valoir notamment que seul l’un des experts d’office l’avait rencontré, cela malgré la décision du tribunal leur confiant conjointement l’expertise. En outre, les experts privés n’avaient pas été prévenus, par les experts commis d’office, de la date de l’audition de l’enfant et n’avaient pas non plus pris part aux délibérations du tribunal le 3 novembre 1994. Le requérant avait dans l’intervalle demandé au tribunal de confier la fillette à la mère et de revoir le régime des visites. Il fut débouté le 13 décembre 1994. Le 18 janvier 1995, il interjeta appel de cette dernière décision. Entre autres, il releva encore une fois les lacunes de l’expertise d’office et réitéra sa demande tendant à ce que la garde de l’enfant fût à nouveau confiée à la mère. Par deux décisions distinctes datées du 14 février 1995 la cour d’appel de Turin déclara le premier appel irrecevable pour cause de tardiveté et rejeta le deuxième. Dans la deuxième décision, la cour d’appel nota que la procédure était toujours pendante, y compris en ce qui concernait la demande introduite entre-temps par la mère afin de voir déclarer le requérant déchu de ses droits parentaux. En particulier, comme l’avait observé le tribunal, certains éléments à l’origine de l’affaire subsistaient, tels que l’opposition de la mère à l’idée de reprendre sa fille avec elle et les graves problèmes d’ordre psychologique affectant la relation de la fillette avec le requérant. Dès lors, compte tenu de la nature provisoire du placement de la fillette dans un foyer d’accueil, la cour d’appel estima prématurée toute décision modifiant la situation actuelle. Elle ne se prononça pas sur les allégations du requérant quant aux modalités de l’expertise. Le 23 mai 1995, à la suite d’une série de rapports des services sociaux, le tribunal autorisa la mère de la fillette à séjourner les samedis et les dimanches auprès d’elle. Le 22 juin 1995, le requérant s’adressa de nouveau à la cour d’appel, demandant que, compte tenu de son malaise croissant dans le foyer, la fillette en fût retirée d’urgence et confiée soit à lui soit à la grand-mère paternelle. Le 3 août 1995, la cour d’appel rejeta ce dernier recours. Elle considéra notamment que la grand-mère paternelle avait par le passé refusé de prendre la fillette en charge, et que le requérant n’avait pas démontré que cette attitude avait changé. Elle releva en outre que, depuis qu’elle avait été placée dans le foyer, la fillette n’avait plus les crises d’hystérie dont elle souffrait lorsqu’elle vivait avec sa mère, voyait plus souvent le requérant et n’avait plus demandé à quitter le foyer. La cour d’appel nota qu’au demeurant la fillette avait refusé de passer quinze jours à la mer en compagnie du requérant, ce qui ressortait du rapport des services sociaux du 13 juin 1995. Enfin, la cour considéra que le placement de la fillette auprès de sa grand-mère paternelle l’aurait éloignée de sa mère, alors qu’il fallait encourager la reprise d’une relation avec cette dernière, malgré ses limites et son incapacité à démontrer une véritable affection envers sa fille. Celle-ci avait en effet manifesté clairement le souhait de rejoindre sa mère. Le 9 août 1995 le tribunal pour enfants révoqua sa décision du 5 mai 1994 et ordonna que la garde de l’enfant fût attribuée de nouveau à la mère. Il limita par ailleurs le droit de visite du requérant à une fois par mois, dans un endroit neutre devant être convenu avec les services sociaux. Dans un recours adressé au tribunal le 5 septembre 1995, le requérant se déclara satisfait de la décision de retirer sa fille du foyer, mais s’en prit à celle de maintenir les restrictions à son droit de visite. Le 23 octobre 1995, la cour d’appel accueillit partiellement ce dernier recours, ordonnant de porter de une à deux le nombre mensuel de visites du requérant. Le 11 juillet 1996 le tribunal autorisa la fillette à séjourner chez sa tante paternelle pour les vacances, du 19 juillet au 5 août 1996. Le 24 octobre 1996, le tribunal accorda au requérant la possibilité de voir sa fille un après-midi par semaine. Le tribunal souligna tout de même le caractère extrêmement problématique des rapports entre les services sociaux et le requérant, ce dernier faisant continuellement parvenir aux premiers des demandes écrites sans toutefois se montrer vraiment ouvert au dialogue. Le requérant interjeta appel, demandant une intensification des contacts avec sa fille, mais il fut débouté par une décision de la cour d’appel du 28 janvier 1997. La décision se fondait sur le rapport d’un psychiatre daté du 16 décembre 1996, selon lequel l’état psychologique de l’enfant s’était beaucoup dégradé, ce qui faisait craindre un effondrement psychologique. Le fait que la fillette qualifiait ses parents de dérangés mentaux et qu’elle souhaitait rentrer au foyer démontrait la précarité de son équilibre psychique. La cour d’appel conclut que la fillette avait surtout besoin d’un suivi psychologique et certainement pas de voir son père plus souvent. Le requérant avait entre-temps déposé des plaintes contre les experts d’office, auprès du procureur général près la Cour de cassation et du parquet près le tribunal de Turin. Il soutenait que les experts d’office avaient accompli leur travail avec négligence, qu’ils n’avaient pas convoqué les experts privés, et qu’ils étaient par conséquent coupables d’un manquement à un devoir de leur charge (omissione d’atti d’ufficio), selon les termes de l’article 328 du code pénal. La deuxième plainte fut classée sans suite le 22 juin 1996 au motif qu’en l’absence de dol il s’agissait là de problèmes relatifs aux modalités d’une expertise dont l’appréciation revenait, une fois entendus les parties et leurs experts, au juge l’ayant ordonnée. Le tribunal souligna également qu’il appartenait aux experts privés d’agir et de se présenter auprès des experts d’office. Quant à la première plainte, elle n’eut aucune suite. B. Les déclarations du président du tribunal à la presse Le 24 juin 1994, le quotidien italien La Stampa publia un article contenant des déclarations du président du tribunal pour enfants de Turin, C.L., concernant le travail du tribunal en matière de garde d’enfants. Dans cet article C.L. employa notamment les expressions suivantes : « Nous ne sommes pas des juges arrache-enfants. » « Notre rôle est de libérer l’enfant de sa souffrance. » Le 11 juillet 1994, le même quotidien publia une lettre signée du requérant, laquelle constituait également une réponse aux premières déclarations de C.L. Le requérant relata l’épisode du placement de sa fille dans un foyer et s’exprima notamment comme suit : « Le fait en soi est celui de la séquestration, ou au moins de la violence sur mineurs. Que ce fait ne doive être considéré ni comme violence ni comme séquestration au motif qu’un tribunal y est impliqué, c’est une autre question. » « Cette petite fille a subi un choc, un stress émotionnel d’une cruelle ampleur. » « La cruauté de l’exécution ne peut assurément pas ne pas avoir terni l’image de l’Etat et provoqué une baisse de confiance envers l’institution qui devrait garantir le plus grand respect pour la personne humaine. » « Entre autres, l’inopportunité de la méthode employée découle du fait qu’une décision urgente n’a été exécutée qu’un mois après son adoption. » « Dans un cas pareil, je doute que le président L. (...) puisse dire : « nous avons libéré un enfant de sa souffrance » ou « nous ne sommes pas des juges arrache-enfants ». » Dans une lettre publiée dans La Stampa le 8 août 1994, le président du tribunal répondit au requérant. C.L. déclara notamment ce qui suit : « (...) L’histoire relatée par [le requérant] ne correspond pas à la vérité pour ce qui concerne les circonstances fondamentales des faits (...). La garde de la fillette n’était pas confiée au père mais à la mère. A la maison, en raison à la fois des litiges entre parents et d’autres circonstances que je ne peux préciser, elle vivait dans des conditions très difficiles, qui débouchaient sur des épisodes de violence même physique et qui étaient, au fil du temps, vraiment destructrices pour l’équilibre psychophysique de la mineure. Son éloignement était absolument nécessaire justement afin de la libérer d’une situation oppressante (...) La fillette a été bien heureuse de se trouver enfin dans un endroit tranquille et serein. Naturellement, si et quand les difficultés relationnelles des parents auront été surmontées, la petite pourra rentrer chez elle. Je garantis que toutes les personnes qui ont suivi et suivent cette affaire sont très qualifiées : juges experts, assistants sociaux, psychologues (...) » Dans une lettre publiée dans La Stampa le 5 septembre 1994, le requérant réagit à celle de C.L. et dénonça le fait que le juge non seulement l’avait qualifié de menteur, mais aussi avait révélé des éléments confidentiels relatifs à son affaire, qui dans une petite ville de province telle que Coni avaient permis d’en identifier facilement les protagonistes et avaient laissé les gens perplexes. A cette même date, La Stampa publia également une lettre envoyée par un groupe de collègues du requérant, exprimant leur solidarité à celui-ci. Le 21 novembre 1994, le requérant demanda le remplacement de C.L., dans la procédure relative à la garde de sa fille, par un autre juge. Il alléguait la partialité de C.L. à cause du vif échange de vues qu’ils avaient eu dans la presse. Par une ordonnance du 1er décembre 1994, le tribunal pour enfants rejeta la récusation avancée par le requérant comme étant tardive. Le tribunal considéra en effet qu’indépendamment du fait que le motif invoqué par le requérant ne figurait pas parmi les hypothèses formellement prévues par l’article 51 du code de procédure civile, la demande était de toute manière tardive car elle aurait dû être déposée avant la date prévue pour la décision (prise le 3 novembre 1994 ; voir supra, paragraphe 22). D’ailleurs, il était prévisible que C.L. pourrait exercer la fonction de président, puisqu’en cas de surnombre de magistrats le membre le plus ancien assurerait la présidence et que le requérant savait que C.L. appartenait à la section compétente pour connaître de son affaire. En tout état de cause, la décision ayant déjà été prise, le requérant disposait des moyens de recours ordinaires, à savoir l’appel, pour faire valoir ce grief. Après les déclarations faites par C.L. dans la lettre publiée le 8 août 1994, le requérant avait aussi déposé une plainte auprès du parquet près le tribunal de Milan. Cette plainte fut classée sans suite le 22 mars 1995. Le juge des investigations préliminaires près le tribunal de Milan considéra en effet que C.L. s’était borné à répondre à la première lettre du requérant, en rectifiant les inexactitudes contenues dans les allégations de ce dernier et en soulignant que tous les intervenants dans l’affaire s’étaient comportés correctement. Les seules affirmations offensantes, selon le juge, étaient celles dirigées contre C.L., que le requérant avait qualifié d’« arrache-enfants ». La réponse de C.L. avait été correcte et modérée et n’avait trahi aucun élément confidentiel dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, car de toute manière il n’aurait pas été possible d’identifier les personnes impliquées dans l’affaire. C’était plutôt le requérant qui avait révélé les circonstances dans lesquelles la fillette avait été éloignée de sa mère. Aucune atteinte n’avait dès lors été portée à la réputation et à l’honneur du requérant. Le requérant s’adressa également au Conseil supérieur de la magistrature (Consiglio superiore della magistratura), en vain. LE DROIT INTERNE PERTINENT Aux termes de l’article 30 de la Constitution, « Les parents ont le devoir d’entretenir, d’éduquer et d’élever leurs enfants, y compris les enfants nés hors mariage. En cas d’incapacité des parents, la loi veille à ce que leurs obligations soient remplies. (...) » Aux termes de l’article 333 du code civil, « Lorsque le comportement de l’un ou des deux parents n’est pas de nature à justifier une décision de déchéance (...), tout en étant préjudiciable à l’enfant, le juge peut, le cas échéant, adopter toute mesure nécessaire et peut également ordonner l’éloignement de l’enfant de la résidence familiale. Pareilles mesures peuvent être révoquées à tout moment. » PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Buscemi a saisi la Commission le 23 juin 1995. Il alléguait notamment la violation de son droit au respect de sa vie familiale en raison du placement de sa fille dans un foyer, ainsi que la partialité du président du tribunal pour enfants de Turin et une atteinte à sa réputation et sa vie familiale en raison des déclarations faites à la presse par le président dudit tribunal (articles 8 et 6 § 1 de la Convention). Le 16 avril 1998, la Commission a retenu la requête (n° 29569/95). Dans son rapport du 27 octobre 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 8 en raison des modalités de l’expertise et de l’article 6 § 1 du fait des déclarations du président du tribunal à la presse.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPèCE A. La genèse de l’affaire Le 9 janvier 1989, l’Etat grec procéda, par décision du ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Travaux publics, et en vertu du décret-loi n° 797/1971 relatif aux expropriations et de la loi n° 653/1977 relative aux obligations de propriétaires riverains en matière de percée de routes nationales, à l’expropriation de plus de 150 immeubles, dont une partie des immeubles des requérants, aux fins de construction d’une nouvelle route nationale reliant Stavros à Elefsina. Les requérants se virent exproprier, entre autres, un terrain de 8 402 m2. Ce terrain faisait partie d’une parcelle plus large. La loi n° 653/1977 établit une présomption selon laquelle, lorsqu’il y a construction d’une nouvelle route nationale, les propriétaires d’immeubles riverains en tirent profit. Elle prévoit dès lors qu’ils doivent participer aux frais d’expropriation de ces biens (paragraphes 23-24 ci-dessous). En application de cette présomption, l’administration estima, en l’espèce, que les requérants avaient tiré un profit économique de la construction de la route nationale, profit qui était de nature à compenser leur droit à indemnité pour 1 440 m2 du terrain exproprié. Par conséquent, les requérants n’ont été indemnisés que pour 6 962 m2. B. La procédure de fixation judiciaire de l’indemnité Le 5 juin 1991, l’Etat grec saisit le tribunal de première instance d’Athènes d’une action tendant à ce qu’un prix unitaire provisoire d’indemnisation au mètre carré fût fixé. Le 20 novembre 1991, le tribunal de première instance fixa le prix unitaire provisoire d’indemnisation à 52 000 drachmes (GRD) au mètre carré (jugement n° 696/1991). Le 5 mars 1992, l’Etat saisit la cour d’appel d’Athènes d’une action tendant à ce que le prix unitaire définitif d’indemnisation fût fixé. L’audience devant la cour d’appel eut lieu le 9 mars 1993. Les requérants soutinrent que la valeur réelle du terrain était de 100 000 GRD au mètre carré et produisirent devant les juridictions grecques deux expertises estimant la valeur dudit terrain entre 70 000 et 100 000 GRD et à 130 000 GRD au mètre carré respectivement. Ils invoquèrent aussi à l’appui de leur estimation un rapport officiel du Corps des estimateurs assermentés (Σώμα Ορκωτών Εκτιμητών), estimant la valeur du terrain à 53 621 GRD au mètre carré. Par un arrêt du 24 juin 1993 (n° 4055/1993), la cour d’appel d’Athènes fixa le prix unitaire définitif d’indemnisation à 52 000 GRD au mètre carré. Le 20 décembre 1993, les requérants se pourvurent en cassation, mais ne déposèrent leur pourvoi devant la Cour de cassation que le 15 juin 1994. Dans leur pourvoi, ils soutenaient que la décision de la cour d’appel n’était pas suffisamment motivée et que la cour avait fixé l’indemnité définitive sans prendre en considération les caractéristiques spécifiques de leur immeuble. L’audience eut lieu le 31 mai 1995. Le 20 juin 1995 (arrêt n° 1060/1995), la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants. Cet arrêt fut mis au net (καθαρογραφή) le 28 septembre 1995 et les requérants en obtinrent copie le 9 octobre 1995. La Cour de cassation ne signifie pas ses arrêts. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT A. La Constitution L’article pertinent de la Constitution de 1975 se lit ainsi : Article 17 « 1. La propriété est placée sous la protection de l’Etat. Les droits qui en dérivent ne peuvent toutefois s’exercer au détriment de l’intérêt général. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est que pour cause d’utilité publique, dûment prouvée, dans les cas et suivant la procédure déterminés par la loi et toujours moyennant une indemnité préalable complète. Celle-ci doit correspondre à la valeur que possède la propriété expropriée le jour de l’audience sur l’affaire concernant la fixation provisoire de l’indemnité par le tribunal. Dans le cas d’une demande visant à la fixation immédiate de l’indemnité définitive, est prise en considération la valeur que la propriété expropriée possède le jour de l’audience du tribunal sur cette demande. Il n’est pas tenu compte du changement éventuel de la valeur de la propriété expropriée survenu après la publication de l’acte d’expropriation et exclusivement en raison de celle-ci. L’indemnité est toujours fixée par les tribunaux civils ; elle peut même être fixée provisoirement par voie judiciaire, après audition ou convocation de l’ayant droit, que le tribunal peut, à sa discrétion, obliger à fournir une caution analogue avant l’encaissement de l’indemnité, selon les dispositions de la loi. Jusqu’au versement de l’indemnité définitive ou provisoire, tous les droits du propriétaire restent intacts, l’occupation de sa propriété n’étant pas permise. L’indemnité fixée doit être versée au plus tard dans un délai d’un an et demi après la publication de la décision fixant l’indemnité provisoire ; dans le cas d’une demande de fixation immédiate de l’indemnité définitive, celle-ci doit être versée au plus tard dans un délai d’un an et demi après la publication de la décision du tribunal fixant l’indemnité définitive, faute de quoi l’expropriation est levée de plein droit. (...) » « 1. Η ιδιοκτησία τελεί υπό την προστασία του Κράτους, τα δικαιώματα όμως που απορρέουν από αυτή δεν μπορούν να ασκούνται σε βάρος του γενικού συμφέροντος. Κανένας δεν στερείται την ιδιοκτησία του, παρά μόνο για δημόσια ωφέλεια που έχει αποδειχθεί με τον προσήκοντα τρόπο, όταν και όπως ο νόμος ορίζει, και πάντοτε αφού προηγηθεί πλήρης αποζημίωση, που να ανταποκρίνεται στην αξία την οποία είχε το απαλλοτριούμενο κατά το χρόνο της συζήτησης στο δικαστήριο για τον προσωρινό προσδιορισμό της αποζημίωσης. Αν ζητηθεί απευθείας ο οριστικός προσδιορισμός της αποζημίωσης, λαμβάνεται υπόψη η αξία κατά το χρόνο της σχετικής συζήτησης στο δικαστήριο. Η ενδεχόμενη μεταβολή της αξίας του απαλλοτριουμένου μετά την δημοσίευση της πράξης απαλλοτρίωσης, και μόνο εξαιτίας της, δεν λαμβάνεται υπόψη. Η αποζημίωση ορίζεται πάντοτε από τα πολιτικά δικαστήρια. Μπορεί να οριστεί και προσωρινά δικαστικώς, ύστερα από ακρόαση ή πρόσκληση του δικαιούχου, που μπορεί να υποχρεωθεί κατά την κρίση του δικαστηρίου να παράσχει για την είσπραξή της ανάλογη εγγύηση, σύμφωνα με τον τρόπο που νόμος ορίζει. Πριν καταβληθεί η οριστική ή προσωρινή αποζημίωση διατηρούνται ακέραια όλα τα δικαιώματα του ιδιοκτήτη και δεν επιτρέπεται η κατάληψη. Η αποζημίωση που ορίστηκε καταβάλλεται υποχρεωτικά το αργότερο μέσα σε ενάμισι έτος από την δημοσίευση της απόφασης για τον προσωρινό προσδιορισμό της αποζημίωσης και, σε περίπτωση απευθείας αίτησης για οριστικό προσδιορισμό της αποζημίωσης, από τη δημοσίευση της σχετικής απόφασης του δικαστηρίου, διαφορετικά η απαλλοτρίωση αίρεται αυτοδικαίως. (...) » B. Le décret-loi n° 797/1971 relatif aux expropriations Le décret-loi n° 797/1971 des 30 décembre 1970/1er janvier 1971 constitue la législation principale qui régit les expropriations, en application des principes énoncés dans les dispositions constitutionnelles. Le chapitre A du décret-loi fixe la procédure et les conditions préalables à l’annonce d’une expropriation. Selon l’article 1 § 1 a), si elle est autorisée par la loi dans l’intérêt public, l’expropriation de propriétés urbaines ou rurales ou la revendication de droits réels sur celles-ci est annoncée par une décision conjointe du ministre compétent dans le domaine visé par l’expropriation et du ministre des Finances. L’article 2 § 1 fixe les conditions préalables à une décision annonçant une expropriation ; en particulier : a) un plan cadastral indiquant la zone à exproprier, et b) la liste des propriétaires des biens-fonds, la superficie de ceux-ci, leur délimitation et les principales caractéristiques des bâtiments qui y sont édifiés. Le chapitre B du décret-loi précise les modalités de mise en œuvre de l’expropriation. La personne concernée doit percevoir une indemnité, selon des conditions précisément énoncées. L’acquisition de la propriété par la partie en faveur de laquelle l’expropriation a été décidée (articles 7 § 1 et 8 § 1) commence au jour du paiement ou à la date de publication au Journal officiel du dépôt de l’indemnité auprès de la Caisse des dépôts et consignations (dans l’hypothèse où l’on n’a pas terminé d’identifier les bénéficiaires, où la propriété est grevée d’hypothèques, ou bien en cas de litige quant à l’identité du véritable bénéficiaire). Si l’expropriation n’est pas opérée selon les conditions qui précèdent, dans le délai d’un an et demi à compter du jugement fixant l’indemnité, elle se trouve levée d’office (article 11 § 1). Le chapitre D détermine dans le détail la procédure devant permettre de fixer l’indemnité. Aux termes de l’article 14, les parties au procès sont : a) la partie tenue de verser l’indemnité ; b) la partie en faveur de laquelle l’expropriation est décidée ; c) la partie qui revendique la propriété du bien exproprié ou d’autres droits réels sur celle-ci. L’article 17 § 1 confie aux tribunaux le soin de fixer l’indemnité. Il dispose expressément que ceux-ci fixent uniquement le montant unitaire de l’indemnité, sans préciser le/les bénéficiaires de celle-ci ou la partie tenue de la verser. D’après l’article 13 § 1, l’indemnité se calcule par rapport à la valeur réelle de la propriété expropriée au moment de la publication de la décision annonçant l’expropriation. Aux termes du paragraphe 4 du même article, « En cas d’expropriation d’une partie d’un immeuble et lorsque la partie restant au propriétaire subit une dépréciation substantielle de sa valeur ou devient inutilisable, le jugement qui fixe l’indemnité détermine aussi l’indemnité spéciale pour cette partie. Cette indemnité spéciale est versée au propriétaire avec celle pour la partie expropriée. » « Εν περιπτώσει αναγκαστικής απαλλοτριώσεως τμήματος ακινήτου, ως εκ της οποίας το απομένον εις τον ιδιοκτήτην τμήμα υφίσταται σημαντικήν υποτίμησιν της αξίας αυτού, ή καθίσταται άχρηστον δια την δι’ην προορίζεται χρήσιν, δια της αυτής περί καθορισμού της αποζημιώσεως αποφάσεως προσδιορίζεται και παρέχεται ιδιαιτέρα δι’αυτήν αποζημίωσις εις τον ιδιοκτήτην. Η ιδιαιτέρα αυτή αποζημίωσις καταβάλλεται εις τον ιδιοκτήτην ομού μετά της καταβαλλομένης δια το απαλλοτριούμενον τμήμα. » La procédure de fixation de l’indemnité peut comporter deux phases. D’abord, la phase de la fixation provisoire : le tribunal compétent est le juge unique du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le bien exproprié et qui connaît de l’affaire une fois saisi d’une requête déposée par une partie intéressée (article 18). Ensuite, la phase de la fixation définitive : elle relève de la cour d’appel dans le ressort de laquelle la propriété expropriée est située, sur requête introduite par les parties intéressées dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision de fixation provisoire ou dans le délai de six mois à compter de sa publication, si elle n’est pas notifiée (article 19 §§ 1 et 2). Conformément au paragraphe 6 du même article, ladite requête bénéficiera uniquement à la personne qui l’a déposée, en vue d’une augmentation ou d’une diminution du montant provisoirement fixé. Celui-ci devient définitif pour les personnes qui n’ont pas déposé rapidement une requête. Par ailleurs, une requête peut être déposée directement devant la cour d’appel aux fins d’une décision définitive ; celle-ci n’est pas susceptible de recours (article 20). Le chapitre E du même décret-loi prévoit une procédure particulière pour l’identification judiciaire des bénéficiaires de l’indemnité. Le tribunal compétent pour cette identification est le juge unique du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le bien exproprié (article 26). D’après l’article 27 § 1, le tribunal procède à l’identification à partir des informations figurant sur le plan cadastral et la liste des propriétaires fonciers établis par un ingénieur compétent, dûment agréé par les services du ministère des Travaux publics, ainsi que de tout autre renseignement fourni par les parties ou examiné d’office. La décision prononcée au terme de cette procédure spéciale ne se prête à aucun recours (article 27 § 6). En vertu du paragraphe 4 de l’article 27, le tribunal ne rend pas de décision si : a) l’audience ou une déclaration de l’Etat établit que quelqu’un peut prétendre à la pleine propriété du bien exproprié ou à un autre droit réel ; b) la propriété ou un autre droit réel prêtent à controverse entre plusieurs des bénéficiaires allégués, de sorte qu’il y a lieu de procéder à une enquête sur les prétentions élevées, laquelle doit comprendre une audience pour chaque partie intéressée ayant engagé une action ; c) l’audience établit qu’aucun droit réel n’est avéré en faveur de la partie qui cherche à se voir reconnaître comme bénéficiaire de l’indemnité. Selon le paragraphe 2 de l’article 8 du décret-loi n° 797/1971, une décision définitive sur la reconnaissance d’une personne donnée comme bénéficiaire est nécessaire pour que la Caisse des dépôts et consignations verse la somme déposée à titre d’indemnité après que celle-ci a été fixée en justice. C. La loi n° 653/1977 relative aux obligations de propriétaires riverains en matière de percée de routes nationales Les dispositions pertinentes de l’article 1 de la loi n° 653/1977 des 25 juillet/5 août 1977 sont ainsi libellées : « 1. En cas de percée, en dehors du plan d’urbanisme, de routes nationales d’une largeur jusqu’à trente mètres, les propriétaires riverains qui en tirent profit sont astreints à payer pour une zone d’une largeur de quinze mètres, participant ainsi aux frais d’expropriation des immeubles sis sur ces routes. Cette charge ne peut pas toutefois dépasser la moitié de la surface de l’immeuble concerné. (...) Aux fins de l’application du présent article, sont considérés comme propriétaires riverains avantagés ceux dont les immeubles acquièrent une façade sur les routes percées. Lorsque les ayants droit à indemnité en raison d’une expropriation sont en même temps débiteurs du paiement d’une partie de celle-ci, il y a compensation des droits et obligations. La manière et la procédure de répartition de l’indemnité entre l’Etat et les propriétaires riverains sont déterminées par décrets publiés sur la proposition du ministre des Travaux publics (...) » « 1. Προκειμένου περί διανοίξεως, εκτός Σχεδίου πόλεων Εθνικών οδών πλάτους καταλήψεως μέχρι τριάκοντα μέτρων, οι ωφελούμενοι παρόδιοι ιδιοκτήται εκάστης πλευράς, υποχρεούνται εις αποζημίωσιν ζώνης πλάτους δεκαπέντε μέτρων, δια συμμετοχής των εις τας δαπάνας απαλλοτριώσεως των καταλαμβανομένων υπό των οδών τούτων ακινήτων. Η επιβάρυνσις αύτη δεν δύναται να υπερβαίνει το ήμισυ του εμβαδού του βαρυνομένου ακινήτου. (...) Ωφελούμενοι παρόδιοι ιδιοκτήται δια την εφαρμογήν του παρόντος άρθρου θεωρούνται εκείνοι των οποίων τα ακίνητα αποκτούν πρόσωπον επί των διανοιγομένων οδών. Οσάκις οι δικαιούχοι αποζημιώσεως δια την απαλλοτρίωσιν είναι και υπόχρεοι δια την πληρωμήν αυτής, επέρχεται συμψηφισμός δικαιωμάτων και υποχρεώσεων. Ο τρόπος και η διαδικασία καταμερισμού της αποζημιώσεως μεταξύ Δημοσίου και παροδίων ιδιοκτητών κανονίζονται δια Διαταγμάτων εκδιδομένων προτάσει του Υπουργού Δημοσίων Έργων (...) » La présomption posée par la loi n° 653/1977 est consacrée par la jurisprudence comme étant irréfragable. D. La valeur « objective » d’un immeuble La valeur dite « objective » d’un immeuble est calculée d’après des prix et des indices concrets tenant compte des traits caractéristiques de l’immeuble et fixée périodiquement par le ministère des Finances. Elle sert de base obligatoire pour le calcul de toute imposition concernant l’acquisition, la possession ou la cession d’un immeuble. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION MM. Aristomenis et Eugène Papachelas ont saisi la Commission le 6 février 1996. Ils se plaignaient de ce que leur cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Ils se plaignaient en outre d’une double violation de l’article 1 du Protocole n° 1, qui résulterait, d’une part, de la fixation de l’indemnisation à un prix inférieur à la valeur de leur terrain exproprié, et, d’autre part, de l’application de la présomption établie par la loi n° 653/1977. La Commission a retenu la requête (n° 31423/96) en partie le 2 juillet 1997. Dans son rapport du 14 janvier 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle conclut, à l’unanimité, qu’il y a eu violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole n° 1. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT Le Gouvernement invite la Cour « à rejeter la requête comme irrecevable ou à la déclarer non fondée pour l’ensemble des griefs relatifs à la violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole n° 1 ».
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. Les requérants A l'époque des faits, M. Kamil Tekin Sürek, premier requérant, était l'actionnaire majoritaire de la société turque Deniz Basın Yayın Sanayi ve Ticaret Organizasyon, qui possède la revue hebdomadaire Haberde Yorumda Gerçek (Nouvelles et commentaires : la vérité), publiée à Istanbul. M. Yücel Özdemir, second requérant, était le rédacteur en chef de la revue. B. Les publications incriminées Dans les numéros du 31 mai et du 7 juin 1992 de la revue fut publié un entretien en deux volets avec un dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (« PKK »), organisation illégale. Le premier numéro publiait en outre une déclaration commune de quatre organisations socialistes. Les passages pertinents de ces publications se traduisent ainsi : Entretien avec M. C.B., chef en second du PKK (1ère partie) « Question : Qu'entendez-vous par [les élections présentent des] dangers ? Réponse : Les Etats-Unis disent : « Les Kurdes sont opprimés. Saddam les massacre. Nous protégeons les Kurdes contre Saddam. Nous veillons à leur survie. » Mais il est évident que c'est une arnaque. S'ils protégeaient vraiment les Kurdes contre les massacres, comme ils le disent, il faudrait aussi qu'ils les protègent contre l'Etat turc, parce que les massacres perpétrés par l'Etat turc sur les Kurdes vivant dans le Nord sont tout aussi horribles que ceux de Saddam. En fait, certaines pratiques sont bien pires que celles de Saddam. Donc, les Etats-Unis devraient prendre les mêmes mesures envers la Turquie. Tout le monde voit clairement qu'il y a deux poids et deux mesures. Les Américains mènent des actions contre Saddam, mais ils soutiennent les massacres perpétrés par la Turquie contre le peuple kurde au Nord et au Sud. On a beaucoup de signes de cela, et notre peuple s'en rend compte. Ils veulent utiliser les Kurdes pour parvenir à leurs propres fins. Leur but aux élections est tout à la fois de contenir les évolutions positives dans le Sud grâce aux organisations qu'ils soutiennent et de bloquer la lutte pour l'indépendance et la liberté qui prend corps dans tout le Kurdistan. Ils veulent que tous les mouvements kurdes tombent sous le contrôle des deux organisations qu'ils [les Américains] contrôlent déjà. Voilà pourquoi ils représentent tous un danger pour le peuple kurde. Q : Des lois seront promulguées une fois qu'un parlement aura été établi dans le Sud du Kurdistan. Des traités seront signés avec les voisins, à savoir la Turquie et l'Irak, d'une part, et avec les Etats-Unis, d'autre part. La Turquie ne peut exiger qu'une seule chose de ces pays : l'exclusion du PKK. Si des partis kurdes participent dans des conditions pareilles, quelle sera l'attitude du PKK ? R : Il est bien connu que la Turquie et/ou l'impérialisme veulent priver notre peuple de son identité nationale et le détourner de son combat. Mais nous voulons devenir une nation et avoir une patrie. Voilà pourquoi nous nous battons. Ils veulent nous arracher à notre terre et nous en chasser. Ils veulent nous faire disparaître ou nous assimiler de force. Mais nous nous battons pour vivre libres sur notre territoire. Si les Etats-Unis ou la Turquie ou toute autre puissance qui prétend agir au nom de l'identité kurde cherche à nous expulser de quelque partie de notre pays que ce soit, nous combattrons pour rester où nous sommes. C'est pour cela que nous nous battons en ce moment. L'Etat turc veut nous chasser de notre territoire. Il expulse les gens de leurs villages. Il veut que le Kurdistan devienne un désert inhabité. Mais nous résistons. Personne ne peut nous demander ou nous ordonner de partir. Nous ne sommes pas sur le territoire d'un autre peuple : nous sommes sur le nôtre. Personne ne peut nous dire de quitter nos terres. Nous ne faisons pas de différence entre le Nord et le Sud : nous sommes au Kurdistan, chez nous. S'ils veulent que nous quittions nos terres, qu'ils sachent que nous n'accepterons jamais de le faire. Les Kurdes ont tout perdu et se battent pour reconquérir ce qu'ils ont perdu. Tel est le but de notre action. Nous n'avons plus rien à perdre. Nous ne reculons devant personne et personne ne nous fait peur. La seule chose que nous pouvons perdre, ce sont les chaînes qui nous tiennent en esclavage. Voilà pourquoi nous ne connaissons pas la peur. (…) Q : On dit que la diffusion d'émissions en langue kurde à la télévision nationale turque serait interprétée comme une concession au PKK. Est-ce vrai ? On entend aussi dire que le PKK va créer une chaîne de télévision. Qu'en est-il ? R: Non, le PKK ne va pas diffuser d'émissions à la télévision. Nous n'avons pas les installations nécessaires. La télédiffusion par satellite ou par d'autres moyens ne relève pas de l'action du PKK. C'est Turgut Özal qui a soulevé la question d'une télévision kurde en Turquie lorsqu'il est allé aux Etats-Unis. C'est de cela qu'on parle. Une très petite partie des gens dit qu'Özal a raison, mais la plupart sont contre. Ceux qui ont lancé l'idée d'une télévision kurde le font délibérément, probablement dans le but d'influencer les masses et de faire basculer leur opinion afin d'isoler le PKK. Voilà l'objectif. Mais même s'il devait y avoir une chaîne kurde, cela ne leur servirait à rien. C'est pourquoi ils sont contre. Ceux qui sont pour la création d'une chaîne kurde veulent isoler le PKK, puisqu'on n’entend jamais d'argument comme : « Voilà un peuple qui a sa propre langue ; nous devons diffuser des émissions dans cette langue. Il faut respecter ce peuple. Il est mauvais d'interdire une langue, cela fait aussi du mal au peuple turc. » On en est loin. Le débat a mis au jour les véritables intentions : « Comment pouvons-nous supprimer l'influence du PKK ? Comment isoler le PKK ? Comment berner le peuple kurde ? » C'est une méthode tactique. C'est une ruse. Mais quoi qu'ils fassent, ce sera toujours à l'avantage du PKK. L'Etat turc a désormais perdu le Kurdistan. C'est un fait. Toute initiative de l'Etat au Kurdistan après cela tournera à l'avantage du PKK et se retournera contre l'Etat turc. (…) La presse turque n'a pas de principes. Nous estimons qu'il n'y a plus aucune raison de communiquer avec cette presse dépourvue d'éthique. Nous ne nous satisferons pas de l'absence de contact avec la presse mais nous efforcerons de l'empêcher de mettre le pied au Kurdistan. Q : L'attentat d'Uludere a été mené en suivant une autre tactique. Auparavant, les attentats avaient toujours lieu de nuit. Mais cet attentat-là s'est produit de jour et les affrontements ont duré toute la journée. On a dit que c'est plus dangereux pour les guérilleros. Pourquoi ? R : Ce qu'on dit est vrai. Notre combat a atteint un certain niveau. Il faut trouver des tactiques appropriées à ce niveau car c'est une erreur de faire la guerre avec des tactiques mal adaptées. On peut progresser dans la guerre si on utilise des tactiques correspondant au niveau que le combat a maintenant atteint. Voilà pourquoi nous avons organisé ce genre d'action. Nous voulions attaquer le matin et tenir nos positions en poursuivant les combats dans la journée, ce qui nous a au bout du compte conduits au succès. C'était une expérience. De notre point de vue, il y a des enseignements à en tirer. Nous étudions la question. Nous en tirerons profit dans les actions que nous mènerons à l'avenir. » Entretien avec M. C.B., chef en second du PKK (2ème partie) « Q : Que pensez-vous des meurtres commis par des inconnus au Kurdistan et des actions attribuées aux contre-révolutionnaires du Hezbollah ? R : Il est vrai qu'il existe une organisation du nom de Hezbollah, mais elle n'a aucune force. Ce n'est pas elle qui exécute les massacres, contrairement à ce que l'on dit. En raison de la faiblesse de cette organisation, la République de Turquie a capturé ses membres dans beaucoup d'endroits. De nombreux massacres sont perpétrés au nom de cette organisation, mais c'est en fait l'Etat turc lui-même qui assassine. Notre message aux membres du Hezbollah est le suivant : « Si vous êtes de vrais musulmans, [vous devez savoir que] la foi islamique condamne la répression et l'injustice et prône la justice. » On sait bien que l'Etat turc est répressif et se livre à des massacres et à des actes inhumains. Il [le Hezbollah] doit respecter les personnes qui luttent contre ces actes. S'il veut faire la guerre, il doit unir ses forces aux leurs. Voilà ce que nous lui demandons. Nous lui conseillons, à titre amical, de rejeter les contre-révolutionnaires qui s'infiltrent dans ses rangs. Sinon, il aura des ennuis. Jusqu'à présent, nous n'avons pas réagi plus sérieusement ; nous nous sommes contentés de lui donner un avertissement. Nous disons que ce phénomène a servi l'Etat turc et nous avons reçu une réponse favorable de certains milieux. Ils ont dit que les membres du Hezbollah ou les Musulmans n'ont pas en fait participé à ce type d'actes et que ces actes n'ont pas été commis par des membres du Hezbollah. Cela nous est favorable. Mais il [l'Etat] continue à perpétrer des massacres à certains endroits au nom du Hezbollah. (…) Q : De quelle manière allez-vous mener le combat maintenant ? R : Les conditions climatiques jouent un rôle important dans une guerre, même si elles n'ont pas un effet décisif. L'hiver 1991-1992 a été très rude, ce qui a gêné nos déplacements et notre potentiel de combat et provoqué plusieurs difficultés, tant de notre côté que pour l'Etat turc. Mais il avait la technologie pour lui, qu'il a exploitée au maximum. Sans résultat, cependant. Il voulait nous porter un coup fatal l'hiver dernier. Il pensait nous avoir vaincus et chassés au printemps. Mais il n'y est pas parvenu. La rigueur de l'hiver a réduit nos capacités de déplacement et nous n'avons pu prendre des mesures que tard dans la saison par rapport aux années précédentes. Toutefois, le temps devient plus clément. Il y a encore de la neige par endroits, mais ce ne sera bientôt plus un obstacle. 1992 est une année différente des autres, mais nous ne disons jamais : « Etendons la lutte armée, améliorons-la ». Si nous continuons à faire la guerre, c'est parce que nous y sommes obligés, parce qu'il n'y a pas moyen de parvenir à une vie différente et d'évoluer. Toutes les issues sont bouchées. Nous faisons la guerre parce que y sommes contraints. L'extension de la guerre sera fonction de l'attitude de l'Etat turc. L'Etat intensifie la guerre. Nous devons donc atteindre le même niveau. Il y aura une escalade. Avant le PKK, la guerre au Kurdistan était unilatérale. Au cours des dernières années, elle est devenue bilatérale. Auparavant, l'Etat turc parvenait à toutes ses fins par la guerre qu'il menait et, en conséquence, le peuple kurde était en train d'être rayé de la carte. Mais le peuple kurde a commencé à dire « Assez ! ». Il a commencé à résister pour ne pas disparaître totalement. C'est l'Etat qui a commencé la guerre ; la fin de la guerre dépend aussi de l'Etat turc. Ce n'est pas nous qui avons commencé la guerre. Nous avons mené une guerre de défense contre la guerre d'extermination qui était menée contre nous. Cette guerre se poursuivra tant que l'Etat turc refusera de reconnaître la volonté du peuple kurde : il n'y aura pas une seule reculade. La guerre continuera tant qu'il y aura un être vivant chez nous. L'autorité de l'Etat colonialiste a complètement disparu par endroits (…) En tant que gouvernement de guerre, nous voulons que la volonté du peuple, qui se fait de plus en plus connaître, puisse s'exprimer officiellement. Nous nous rapprocherons de cet objectif étape par étape. Nous y parviendrons en détruisant ou en affaiblissant la souveraineté de l'Etat de différentes manières et sous différentes formes, en mettant en place un régime populaire dans certains endroits et en encourageant un régime dualiste dans d'autres. Voilà ce que nous appelons le pouvoir du peuple, le gouvernement de guerre (…) Le PKK rencontre toutes sortes de problèmes et les résout. Personne ne pose de questions à l'Etat turc. Personne ne lui parle. Tout le monde s'adresse au comité de l'ERNK ou au responsable local de l'ERNK. L'ERNK est jugé compétent. Pour le moment, nous sommes en train d'élire les représentants du peuple. » Appel à « unir les forces » – déclaration commune aux TDKP, TKEP, TKKKÖ et TKP-ML Hareketi « Les comités centraux du parti communiste révolutionnaire de Turquie (TDKP), du parti communiste des travailleurs de Turquie (TKEP), de l'organisation turque pour la libération du Nord-Kurdistan (TKKKÖ) et du parti communiste/mouvement marxiste-léniniste de Turquie (TKP/ML Hareketi) appellent tous les révolutionnaires et démocrates à unir leurs forces. « Unissons-nous contre le terrorisme d'Etat, contre la répression et l'oppression touchant le peuple kurde, contre les massacres, les meurtres dans la rue, les licenciements et le chômage. Unissons nos forces pour qu'adviennent la liberté, la démocratie et le socialisme ! » Tel est le début de l'appel indiquant que le seul moyen d'action des classes dominantes est le recours à la force et à la violence et décrivant les initiatives de « démocratisation » du gouvernement DYP et SHP comme une simple manœuvre visant à camoufler leurs attaques. L'appel contient ensuite les points de vue suivants : « Travailleurs et jeunes gens de la nation kurde et turque ! Nous avons les moyens de repousser les attaques dirigées contre nous par l'impérialisme et les classes dirigeantes collaboratrices et d'obtenir les droits et libertés économiques et politiques qui nous reviennent. Pour cela, nous devons rassembler nos forces autour de nos exigences communes et nous unir dans le combat. Consciente de son rôle révolutionnaire historique, la classe ouvrière doit agir, diriger cette action, dénoncer l'incurie des chefs syndicaux de tous bords et abattre les barrières qu'ils ont érigées pour contrôler notre mouvement ; nous devons agir et nous battre. - L'armée turque doit quitter le Kurdistan. Il faut mettre fin au système juridique à deux vitesses ; tous les prisonniers kurdes doivent être libérés. - Le parlement turc doit cesser d'avoir autorité sur le Kurdistan. Le peuple kurde doit être libre de choisir sa destinée, y compris la création d'un Etat indépendant. - Le terrorisme d'Etat et les exécutions dans la rue, dont sont responsables les agents du MIT [service de renseignements de l'Etat], les contre-guérilleros et les bataillons spéciaux doivent prendre fin immédiatement ; les auteurs des massacres et des meurtres doivent rendre des comptes. - Il faut arrêter de verser le service de la dette aux impérialistes ; les ressources dégagées doivent être utilisées au service du prolétariat. - Les licenciements doivent cesser et les travailleurs renvoyés doivent retrouver leur travail. Tous les obstacles dressés sur le chemin des organisations syndicales doivent être supprimés et il faut garantir sans restriction la liberté syndicale. - Il faut prendre des mesures pour empêcher que les entreprises économiques de l'Etat, qui sont les ressources du pays et du peuple, ne soient vendues aux impérialistes pour une bouchée de pain. Il faut arrêter immédiatement de sous-traiter le travail, car il s'agit d'un moyen de contourner la protection des syndicats. - Il faut lever les interdictions de faire grève et interdire le lockout. Il faut reconnaître le droit de faire des grèves générales, des grèves politiques, des grèves pour obtenir des droits et des grèves de soutien. Toutes les restrictions pesant sur la liberté de réunion, de manifestation, d'opinion et de la presse doivent être levées. - Il faut supprimer la loi n° 657 sur les fonctionnaires et tous les travailleurs doivent avoir le droit de s'affilier à un syndicat, ainsi que celui de faire grève et de conclure des conventions collectives. - Tous les travailleurs doivent être couverts par une assurance ; ils doivent tous bénéficier d'un assurance contre le chômage et de soins de santé gratuits. - Il faut mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe qui règne dans l'entreprise et la société et aux pressions dont sont l'objet les femmes qui travaillent. - Le YÖK [Conseil supérieur de l'Education] doit être aboli et les étudiants doivent avoir leur mot à dire et participer à la prise de décision au sein de l'administration de l'université. Tous les obstacles entravant les organisations de jeunesse doivent être supprimés et l'éducation et la formation doivent être gratuites à tous les niveaux. - Les conseils d'éducation doivent jouir d'une autonomie totale ; les manuels doivent répondre aux exigences contemporaines et être réécrits avec un contenu démocratique. - Il faut annuler toutes les dettes des paysans envers l'Etat ; la population rurale doit pouvoir fixer les prix minimum de ses produits. » C. Les mesures prises par les autorités La saisie de la revue Le 1er juin 1992, la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul (Istanbul Devlet Güvenlik Mahkemesi) ordonna la saisie de tous les exemplaires du numéro du 31 mai 1992 de la revue au motif qu'il contenait une déclaration émanant d'organisations terroristes et diffusait de la propagande séparatiste. Les chefs d'accusation Par un acte du 16 juin 1992, le procureur près la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul inculpa les requérants de propagande contre l'indivisibilité de l'Etat en raison de la publication d'un entretien avec un dirigeant du PKK et d'une déclaration de quatre organisations terroristes, au titre des articles 6 et 8 de la loi de 1991 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi de 1991 » – paragraphe 23 ci-dessous). Par un autre acte du 30 juin 1992, les requérants furent accusés en outre de propagande contre l'indivisibilité de l'Etat, en vertu de l'article 8 de la loi de 1991, du fait de la publication du second volet de l'entretien dans le numéro du 7 juin 1992. Les procédures pénales furent jointes le 4 février 1993 au motif que les articles incriminés contenaient en fait un même entretien publié en deux volets. La procédure devant la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul Les requérants réfutèrent les accusations lors de la procédure devant la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul. Ils arguèrent que l'entretien avait été publié pour informer le public et ce, dans les limites du métier de journaliste et de la liberté de la presse. S'agissant de la liberté d'expression, le premier requérant cita la Convention et la jurisprudence de la Commission et de la Cour. Il déclara que le pluralisme est fondamental en démocratie et que l'on doit aussi pouvoir exprimer des opinions qui choquent ou offensent. Il fit valoir que les dispositions des articles 6 et 8 de la loi de 1991 imposaient des limites à la liberté d'expression contraires à la Constitution turque et aux principes dégagés dans la jurisprudence de la Commission et de la Cour. La condamnation des requérants Dans un arrêt du 27 mai 1993, la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul jugea les requérants coupables en vertu des articles 6 et 8 de la loi de 1991. Le premier requérant fut condamné à une amende de 100 millions de livres turques (TRL) (article 6) et à une autre de 200 millions TRL (article 8). Le second fut condamné à une amende de 50 millions TRL (article 6) ainsi qu'à une peine d'emprisonnement de six mois et à une amende de 100 millions TRL (article 8). Dans ses attendus, la cour estima que l'entretien avec le dirigeant du PKK avait été publié sous forme d'un point de vue sur l'actualité et que la personne interrogée avait fait référence à une certaine partie du territoire turc en la dénommant « Kurdistan », affirmé que certains citoyens turcs d'origine kurde formaient une société à part et que la République de Turquie chassait les Kurdes de leurs villages et les massacrait. Elle considéra en outre que cette personne faisait l'apologie des activités terroristes des Kurdes et affirmait que ceux-ci devraient créer leur propre Etat. C'est pourquoi la cour conclut que, globalement, l'entretien diffusait de la propagande contre l'indivisibilité de l'Etat. Par ailleurs, elle considéra qu'une autre page de la revue contenait une déclaration d'organisations terroristes, dont la publication constituait un chef distinct d'infraction à l'article 6 de la loi de 1991. Le pourvoi des requérants Les requérants se pourvurent en cassation. Outre les arguments déjà avancés pour leur défense devant la cour de sûreté de l'Etat, leur avocat souligna que, dans une société démocratique, les opinions doivent être exprimées et débattues librement. Notant que la publication d'autres entretiens avec les dirigeants du PKK dans d'autres journaux ou magazines n'avait donné lieu à aucune poursuite, l'avocat des requérants affirma que ces derniers n'avaient pas été condamnés pour la publication de l'entretien en question, mais pour celle d'une revue marxiste. Le 4 novembre 1993, la Cour de cassation rejeta le pourvoi, confirmant la justesse de l'appréciation des preuves émanant la cour de sûreté de l'Etat et du raisonnement suivi par celle-ci pour rejeter la ligne de défense des requérants. La suite de la procédure A la suite des amendements apportés à la loi de 1991 par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995 (paragraphe 24 ci-dessous), la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul réexamina d’office l'affaire et prononça les mêmes peines que précédemment. II. le droit interne pertinent A. Le droit pénal Le code pénal (loi n° 765) Les dispositions pertinentes du code pénal sont ainsi libellées : Article 2 § 2 « Si les dispositions de la loi en vigueur au moment où le crime ou le délit est commis diffèrent de celles d'une loi ultérieure, les dispositions les plus favorables à l’auteur du crime ou du délit sont appliquées. » Article 19 « La peine d’amende lourde consiste en un versement au Trésor public d’une somme de vingt mille à cent millions de livres turques, selon la décision du juge (…) » Article 36 § 1 « En cas de condamnation, le tribunal saisit et confisque l’objet ayant servi à commettre ou à préparer le crime ou le délit (…) » Article 142 (abrogé par la loi n° 3713 du 12 avril 1991 relative à la lutte contre le terrorisme) « Propagande nuisible Est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans quiconque, de quelque manière que ce soit, fait de la propagande en vue d’établir l’hégémonie d’une classe sociale sur les autres, d’anéantir une classe sociale, de renverser l’ordre fondamental social ou économique institué dans le pays ou l’ordre politique ou juridique de l’Etat. Est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans quiconque, de quelque manière que ce soit, fait de la propagande visant à ce que l’Etat soit gouverné par une personne ou un groupement social, au mépris des principes qui sous-tendent la République et la démocratie. Est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans quiconque, s’appuyant sur des considérations raciales, fait, de quelque manière que ce soit, de la propagande visant à abolir partiellement ou totalement les droits publics garantis par la Constitution, ou à affaiblir ou détruire les sentiments patriotiques. (…) » Article 311 § 2 « Incitation publique au crime Si l’incitation au crime est pratiquée par des moyens de communication de masse quels qu’ils soient – bandes sonores, disques, journaux, publications ou autres instruments de presse –, par la diffusion ou la distribution de manuscrits imprimés ou par la pose de panneaux ou affiches dans des lieux publics, les peines d’emprisonnement à infliger au coupable sont doublées (…) » Article 312 « Incitation non publique au crime Quiconque, expressément, loue ou fait l’apologie d’un acte que la loi réprime comme un crime, ou incite la population à la désobéissance à la loi, est puni de six mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende (...) de six à trente mille livres turques. Est passible d’un à trois ans d’emprisonnement ainsi que d’une amende de neuf mille à trente-six mille livres quiconque, sur la base d’une distinction fondée sur l’appartenance à une classe sociale, à une race, à une religion, à une secte ou à une région, incite le peuple à la haine et à l’hostilité. Si pareille incitation compromet la sécurité publique, la peine est majorée d’une portion pouvant aller d’un tiers à la moitié de la peine de base. Les peines qui s’attachent aux infractions définies au paragraphe précédent sont doublées lorsque celles-ci ont été commises par les moyens énumérés au paragraphe 2 de l’article 311 § 2. » La loi n° 5680 du 15 juillet 1950 sur la presse Les clauses pertinentes de la loi de 1950 sont libellées comme suit : Article 3 « Sont des « périodiques », aux fins de la présente loi, les journaux, les dépêches des agences de presse et tous autres imprimés publiés à intervalles réguliers. Constitue une « publication », l’exposition, l’affichage, la diffusion, l’émission, la vente ou la mise en vente d’imprimés dans des locaux accessibles au public où chacun peut les voir. Le délit de presse n'est constitué que s'il y a publication, sauf lorsque le discours est en soi constitutif d’une infraction. » Article 4 § 1 additionnel « Si la diffusion des imprimés objets du délit se trouve empêchée (…) du fait d’une mesure conservatoire ordonnée par un tribunal ou, en cas d’urgence, du fait d’une ordonnance du procureur général de la République (…), la peine prévue par la loi pour l’infraction en cause est réduite à un tiers. » La loi n° 3713 du 12 avril 1991 relative à la lutte contre le terrorisme Les dispositions pertinentes de la loi de 1991 sont libellées en ces termes : Article 6 « Est puni d’une amende de cinq à dix millions de livres turques quiconque déclare, oralement ou dans une publication, que des organisations terroristes commettront une infraction contre une personne, en divulguant ou non son (…) identité mais de manière qu’on puisse l’identifier, ou dévoile l’identité de fonctionnaires ayant participé à des missions de lutte contre le terrorisme ou, pareillement, désigne une personne comme cible. Est puni d’une amende de cinq à dix millions de livres turques quiconque imprime ou publie des déclarations et tracts d’organisations terroristes. (…) Lorsque les faits visés aux paragraphes ci-dessus sont commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois, ou des ventes précédemment réalisées par le dernier numéro du périodique si celui-ci est mensuel ou paraît moins fréquemment, ou des ventes moyennes du mois précédent du quotidien à plus fort tirage s’il s’agit d’imprimés n’ayant pas la qualité de périodique ou si le périodique vient d’être lancé. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cinquante millions de livres turques. Le rédacteur en chef du périodique est condamné à la moitié de la peine infligée à l’éditeur.» Article 8 (avant modification par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie et à l’unité indivisible de la nation sont prohibées, quels que soient le procédé utilisé et le but poursuivi. Quiconque se livre à pareille activité est condamné à une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de cinquante à cent millions de livres turques. » Lorsque le crime de propagande visé au paragraphe ci-dessus est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois, ou des ventes moyennes du mois précédent du quotidien à plus fort tirage s’il s’agit d’imprimés n’ayant pas la qualité de périodique ou si le périodique vient d’être lancé2. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. » Article 8 (tel que modifié par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie ou à l’unité indivisible de la nation sont prohibées. Quiconque poursuit une telle activité est condamné à une peine d'un à trois ans d’emprisonnement et à une amende de cent à trois cents millions de livres turques. En cas de récidive, les peines infligées ne sont pas converties en amende. Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie d’imprimés ou par des moyens de communication de masse autres que les périodiques mentionnés au second paragraphe, les auteurs responsables et les propriétaires des moyens de communication de masse sont condamnés à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de cent à trois cents millions de livres turques (…). (…) » Article 13 (avant modification par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. » Article 13 (tel qu’amendé par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. Toutefois, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux condamnations prononcées en vertu de l’article 8. » Article 17 « Parmi les personnes condamnées pour des infractions relevant de la présente loi, celles (…) punies d’une peine privative de liberté bénéficient d’office d’une libération conditionnelle, à condition d’avoir purgé les trois quarts de leur peine et fait preuve de bonne conduite. (…) Les premier et second paragraphes de l’article 19 (…) de la loi n° 647 sur l’exécution des peines ne s’appliquent pas aux condamnés susvisés ». La loi n° 4126 du 27 octobre 1995 portant modification des articles 8 et 13 de la loi n° 3713 Les amendements ci-dessous ont été apportés à la loi de 1991 à la suite de l'adoption de la loi n° 4126 du 27 octobre 1995 : Disposition provisoire relative à l’article 2 « Dans le mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le tribunal ayant prononcé le jugement réexamine le dossier de la personne condamnée en vertu de l’article 8 de la loi n° 3713 relative à la lutte contre le terrorisme et, conformément à la modification apportée (…) à l’article 8 de la loi n° 3713, reconsidère la durée de la peine infligée à cette personne et décide s’il y a lieu de la faire bénéficier des articles 4 et 6 de la loi n° 647 du 13 juillet 1965. » La loi n° 4304 du 14 août 1997 sur les sursis au jugement et à l’exécution des peines quant aux infractions commises avant le 12 juillet 1997 en qualité de rédacteur en chef Les dispositions suivantes sont applicables aux peines réprimant les infractions à la loi sur la presse : Article 1 « Il est sursis à l’exécution des peines infligées en leur qualité de rédacteur en chef, conformément à la loi n° 5680 sur la presse ou à d’autres lois, aux auteurs d'infractions commises avant le 12 juillet 1997. La disposition du premier paragraphe s'applique aussi aux peines en cours d'exécution. Il est sursis à la mise en branle de l’action publique ou au jugement si le rédacteur en chef n’est pas encore poursuivi, si une enquête préliminaire a été ouverte mais que l'action publique n'a pas encore été lancée, si la procédure en est au stade de l’instruction finale mais que le jugement n’a pas encore été prononcé ou si le jugement a été prononcé mais n’est pas encore devenu définitif. » Article 2 « Si un rédacteur en chef ayant bénéficié des dispositions du premier paragraphe de l'article 1 est condamné en sa qualité de rédacteur en chef pour une infraction intentionnelle commise dans les trois ans à compter de la date du sursis, il doit accomplir l'intégralité des peines dont l’exécution avait été suspendue. La partie de la peine à laquelle il a été sursis déjà purgée par un rédacteur en chef à la date d'entrée en vigueur de la présente loi est imputée sur la peine infligée en application de l'article 1 ci-dessus, sans préjudice des dispositions relatives à la libération conditionnelle. Dans les cas où il y a été sursis, l'action publique est lancée ou le jugement rendu dès lors qu'intervient une condamnation en qualité de rédacteur en chef pour une infraction intentionnelle commise dans les trois ans à compter de la date du sursis. Toute condamnation en qualité de rédacteur en chef prononcée pour une infraction commise avant le 12 juillet 1997 est réputée nulle et non avenue si ledit délai de trois ans expire sans que soit intervenue une nouvelle condamnation pour une infraction intentionnelle. Dans les mêmes conditions, si l'action publique n'a pas été lancée, elle ne peut plus l'être ; si elle l'a été, il y est mis fin. » La loi n° 647 du 13 juillet 1965 sur l’exécution des peines La loi de 1965 sur l'exécution des peines dispose notamment : Article 5 « La peine d’amende consiste en un versement au Trésor public d’une somme fixée dans les limites prévues par la loi. (…) Si, après notification de l’injonction de payer, le condamné ne s’acquitte pas de l’amende dans les délais, il est incarcéré, à raison d’un jour par dizaine de milliers de livres turques, sur décision du procureur de la République. (…) La peine d’emprisonnement ainsi infligée en substitution de la peine d’amende ne peut dépasser trois ans (…) » Article 19 § 1 « (…) les personnes condamnées à une peine privative de liberté bénéficient d’office d’une libération conditionnelle, sous réserve d’avoir purgé la moitié de leur peine et fait preuve de bonne conduite (…) » Le code de procédure pénale (loi n° 1412) Le code de procédure pénale contient les dispositions suivantes : Article 307 « Le pourvoi en cassation ne peut porter que sur la non-conformité du jugement à la loi. La non-application ou l’application fautive d’une règle de droit constitue un cas de non-conformité à la loi. » Article 308 « La violation de la loi est considérée comme manifeste dans les cas ci-dessous : 1- si la juridiction n’est pas constituée conformément à la loi ; 2- si prend part à la décision un juge auquel la loi l’interdit ; (…) » B. Jurisprudence pénale soumise par le Gouvernement Le Gouvernement a produit des copies de plusieurs ordonnances de non-lieu, rendues par le procureur général près la cour de sûreté de l’Etat d'Istanbul à l’encontre de personnes soupçonnées d’incitation du peuple à la haine et à l’hostilité – notamment sur la base d’une distinction fondée sur la religion – (article 312 du code pénal) ou de propagande séparatiste contre l’unité indivisible de l’Etat (article 8 de la loi n° 3713 – paragraphe 23 ci-dessus). S’agissant des affaires où ces infractions ont été commises par la voie de publications, dans la majorité des cas en cause, le parquet s’est fondé notamment sur la prescription de l’action publique, l’absence de certains éléments constitutifs de l’infraction considérée ou de preuves suffisantes ; comme autres motifs, l’on trouve aussi la non-distribution des imprimés litigieux, l’absence d’intention délictuelle ainsi que l’absence d’établissement des faits ou d’identification des responsables. En outre, le Gouvernement a communiqué, à titre d’exemples, plusieurs arrêts rendus par des cours de sûreté de l’Etat quant aux infractions susmentionées et concluant à la non-culpabilité des prévenus. Il s’agit des arrêts suivants : 19 novembre (n° 1996/428) et 27 décembre 1996 (n° 1996/519), 6 mars (n° 1997/33), 3 juin (n° 1997/102), 17 octobre (n° 1997/527), 24 octobre (n° 1997/541) et 23 décembre 1997 (n° 1997/606), 21 janvier (n° 1998/8), 3 février (n° 1998/14), 19 mars (n° 1998/56), 21 avril (n° 1998/87) et 17 juin 1998 (n° 1998/133). Pour ce qui est plus particulièrement des procès entamés contre des auteurs d’ouvrages ayant trait au problème kurde, dans les cas en cause, les cours de sûreté de l’Etat ont notamment motivé leurs arrêts par l’absence de l’élément de « propagande », constitutif de l’infraction, ou par le caractère objectif des propos tenus en l’occurrence. C. Les cours de sûreté de l’Etat La Constitution Les dispositions constitutionnelles régissant l'organisation judiciaire des cours de sûreté de l'Etat sont ainsi libellées : Article 138 §§ 1 et 2 « Dans l’exercice de leurs fonctions, les juges sont indépendants ; ils statuent selon leur intime conviction, conformément à la Constitution, à la loi et au droit. Nul organe, nulle autorité (…) nulle personne ne peut donner des ordres ou des instructions aux tribunaux et aux juges dans l’exercice de leur pouvoir juridictionnel, ni leur adresser des circulaires, ni leur faire des recommandations ou suggestions. » Article 139 § 1 « Les juges (…) sont inamovibles et ne peuvent être mis à la retraite avant l’âge prévu par la Constitution, à moins qu'ils n'y consentent (…) » Article 143 §§ 1-5 « Il est institué des cours de sûreté de l’Etat chargées de connaître des infractions commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’intégrité territoriale de l’Etat ou l'unité indivisible de la nation et contre l’ordre libre et démocratique, ainsi que des infractions touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat. Les cours de sûreté de l’Etat se composent d’un président, de deux membres titulaires, de deux membres suppléants, d’un procureur et d’un nombre suffisant de substituts. Le président, un membre titulaire, un membre suppléant et le procureur sont choisis, selon des procédures définies par des lois spéciales, parmi les juges et les procureurs de la République de premier rang, un titulaire et un suppléant parmi les juges militaires de premier rang, et les substituts parmi les procureurs de la République et les juges militaires. Les présidents et les membres titulaires et suppléants (…) des cours de sûreté de l’Etat sont nommés pour une durée de quatre ans renouvelable. La Cour de cassation connaît des appels formés contre les arrêts rendus par les cours de sûreté de l’Etat. (...) » Article 145 § 4 « Le contentieux militaire (…) le statut personnel des juges militaires (…) est fixé par la loi dans le respect de l’indépendance des tribunaux, des garanties dont les juges jouissent et des impératifs du service militaire. La loi détermine en outre les rapports des juges militaires avec le commandement dont ils relèvent dans l’exercice de leurs tâches autres que judiciaires (...) » La loi n° 2845 instituant des cours de sûreté de l’Etat et portant réglementation de la procédure devant elles Fondées sur l'article 143 de la Constitutions, les clauses pertinentes de la loi n° 2845 sur les cours de sûreté de l'Etat disposent : Article 1 « Dans les chefs-lieux des provinces de (…) sont instituées des cours de sûreté de l’Etat chargées de connaître des infractions commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’intégrité territoriale de l’Etat ou l'unité indivisible de la nation et contre l’ordre libre et démocratique, ainsi que des infractions touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat.» Article 3 « Les cours de sûreté de l’Etat se composent d’un président et de deux membres titulaires, ainsi que de deux membres suppléants. » Article 5 « Le président de la cour de sûreté de l’Etat ainsi que l’un des [deux] titulaires et l’un des [deux] suppléants (…) sont choisis parmi les juges (...) civils, les autres membres titulaires et suppléants parmi les juges militaires de premier rang (...) » Article 6 §§ 2 et 6 « La nomination des membres titulaires et suppléants choisis parmi les juges militaires se fait selon la procédure prévue par la loi sur les magistrats militaires. Sous réserve des exceptions prévues dans la présente loi ou dans d’autres, le président et les membres titulaires et suppléants des cours de sûreté de l’Etat (…) ne peuvent être affectés sans leur consentement à un autre poste ou lieu avant quatre ans (…). (…) Si à l’issue d’une instruction menée, selon les lois les concernant, à l’encontre d'un président, d'un membre titulaire ou d'un membre suppléant d'une cour de sûreté de l’Etat, des comités ou autorités compétents décident qu'il y a lieu de changer le lieu d’exercice des fonctions de l'intéressé, ce lieu ou les fonctions elles-mêmes (…) peuvent être modifiés conformément à la procédure prévue dans lesdites lois. » Article 9 § 1 a) « Les cours de sûreté de l’Etat sont compétentes pour connaître des infractions a) visées à l’article 312 § 2 (…) du code pénal turc, (…) d) en rapport avec les événements ayant nécessité la proclamation de l’état d’urgence, dans les régions où l’état d’urgence a été décrété en vertu de l’article 120 de la Constitution, e) commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’unité indivisible de l’Etat – du territoire comme de la nation – et contre l’ordre libre et démocratique, ou touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat. (…) » Article 27 § 1 « La Cour de cassation connaît des appels formés contre les arrêts rendus par les cours de sûreté de l’Etat. » Article 34 §§ 1 et 2 « Le régime statutaire et le contrôle des (…) juges militaires appelés à siéger aux cours de sûreté de l’Etat (…), l’ouverture d'instructions disciplinaires et le prononcé de sanctions disciplinaires à leur encontre, ainsi que les enquêtes et poursuites relatives aux infractions concernant leurs fonctions (…) relèvent des dispositions pertinentes des lois régissant leur profession (…). Les observations de la Cour de cassation, les rapports de notation établis par les commissaires de justice (…) et les dossiers des enquêtes menées au sujet des juges militaires (…) sont transmis au ministère de la Justice. » Article 38 « En cas de proclamation d’un état de siège couvrant tout ou partie de son ressort et à condition qu’elle ne soit pas la seule dans celui-ci, une cour de sûreté de l’Etat pourra, dans les conditions ci-dessous, être transformée en cour martiale de l’état de siège (…) » La loi n° 357 sur les magistrats militaires Les dispositions pertinentes de la loi sur les magistrats militaires prévoient : Article 7 additionnel « Les aptitudes des officiers juges militaires nommés aux postes (…) de juges titulaires et suppléants des cours de sûreté de l’Etat requises pour l’obtention de promotions et d’avancements en échelon, grade ou ancienneté sont déterminées sur la base de certificats de notation établis selon la procédure ci-dessous, sous réserve des dispositions de la présente loi et de la loi n° 926 sur le personnel des forces armées turques : a) Le premier supérieur hiérarchique compétent pour effectuer la notation et établir les certificats de notation pour les officiers militaires juges titulaires et suppléants (…) est le secrétaire d’Etat à la Défense ; vient ensuite le ministre de la Défense. (…) » Article 8 additionnel « Les membres (…) des cours de sûreté de l’Etat appartenant à la magistrature militaire (…) sont désignés par un comité composé du directeur du personnel et du conseiller juridique de l’état-major, du directeur du personnel et du conseiller juridique du commandement des forces dont relève l’intéressé, ainsi que du directeur des Affaires judiciaires militaires au ministère de la Défense (...) » Article 16 §§ 1 et 3 « La nomination des juges militaires (…), effectuée par décret commun du ministre de la Défense et du Premier ministre, est soumise au président de la République pour approbation, conformément aux dispositions relatives à la nomination et à la mutation des membres des forces armées (…). (…) Pour les nominations aux postes de juges militaires (…), il sera procédé en tenant compte de l’avis de la Cour de cassation, des rapports des commissaires et des certificats de notation établis par les supérieurs hiérarchiques (…) » Article 18 § 1 « Le barème des salaires, les augmentations de salaire et les divers droits personnels des juges militaires (…) relèvent de la réglementation concernant les officiers. » Article 29 « Le ministre de la Défense peut infliger aux officiers juges militaires, après les avoir entendus, les sanctions disciplinaires suivantes : A. L’avertissement, qui consiste à notifier par écrit à l’intéressé qu’il doit être plus attentif dans l’exercice de ses fonctions. (…) B. Le blâme, qui consiste à notifier par écrit le fait que tel acte ou telle attitude sont considérés comme fautifs. (…) Lesdites sanctions sont définitives et mentionnées dans le certificat de notation de l’intéressé puis inscrites dans son dossier personnel (…) » Article 38 « Lorsqu’ils siègent en audience, les juges militaires (…) portent la tenue spéciale de leurs homologues de la magistrature civile (…) » L'article 112 du code pénal militaire (du 22 mai 1930) L'article 112 du code pénal militaire dispose : « Est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement quiconque influence les tribunaux militaires en abusant de son autorité de fonctionnaire. » La loi n° 1602 du 4 juillet 1972 sur la Haute Cour administrative militaire Aux termes de l’article 22 de la loi n° 1602, la première chambre de la Haute Cour administrative militaire est compétente pour connaître des demandes en annulation et en dédommagement fondées sur des contestations relatives au statut personnel des officiers, notamment celles concernant leur avancement professionnel. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Kamil Tekin Sürek, premier requérant, et M. Yücel Özdemir, second requérant, ont saisi la Commission les 25 février et 4 mai 1994 respectivement. Invoquant les articles 10 et 6 § 1 de la Convention, le premier requérant soutenait que sa condamnation pour avoir publié certains textes dans sa revue s'analysait en une ingérence injustifiée dans son droit à la liberté d'expression, et qu'il n'avait pas été entendu équitablement par un tribunal indépendant et impartial. Il dénonçait également la durée de la procédure pénale dirigée contre lui. Le second requérant s'appuyait sur les mêmes articles de la Convention pour faire valoir des griefs similaires. Il alléguait en outre que les restrictions ayant touché sa liberté d'expression étaient incompatibles avec les buts légitimes exposés à l'article 10 § 2, au mépris de l'article 18 de la Convention. La Commission a retenu les requêtes (nos 23927/94 et 24277/94) le 2 septembre 1996, à l'exception des griefs relatifs à la durée de la procédure pénale tirés de l'article 6 § 1. Le même jour, la Commission a décidé de joindre les requêtes. Dans son rapport du 13 janvier 1998 (ancien article 31), elle exprime l'avis qu'il y a eu violation de l'article 10 de la Convention (dix-sept voix contre quinze), qu'aucune question distincte ne se pose au titre du grief que le second requérant tire de l'article 18 de la Convention (unanimité) et qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention (trente et une voix contre une). Le texte intégral de son avis et des opinions séparées dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Les requérants prient la Cour de conclure que l'Etat défendeur a failli aux obligations que lui imposent les articles 6 § 1 et 10 de la Convention et de leur accorder une satisfaction équitable au titre de l'article 41. De son côté, le Gouvernement invite la Cour à rejeter les griefs des requérants.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. Le requérant Le requérant est un ressortissant turc né en 1957 et résidant à Istanbul. A l'époque des faits, il était l'actionnaire majoritaire de la société turque à responsabilité limitée Deniz Basın Yayın Sanayi ve Ticaret Organizasyon, qui possède la revue hebdomadaire Haberde Yorumda Gerçek (Nouvelles et commentaires : la vérité), publiée à Istanbul. B. Le commentaire incriminé Dans le numéro 42 de la revue daté du 9 janvier 1993 fut publié un commentaire de presse intitulé « A Botan les paysans pauvres chassent les propriétaires ! ». La partie pertinente de ce commentaire se traduit ainsi : « (...) « L'onde de choc du tremblement de terre qui s'est produit à Botan a atteint tout le Kurdistan. La lutte de libération nationale, qui s'amplifie comme les rides concentriques que provoque une pierre jetée dans l'eau, a déjà dépassé Botan et touché les 50 districts de 8 provinces pour former le front actif de la lutte armée. » Des membres du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan] décrivent brièvement l'étendue de la lutte nationale menée au Kurdistan comme suit : lesdites 8 provinces (et leurs districts) sont celles de Hakkari, Şırnak, Siirt, Mardin, Batman, Urfa et Diyarbakır, tandis que celles de Van, Malatya, Bitlis, Muş et Gaziantep, ainsi que leurs districts, seraient partiellement engagées dans la guerre. Dans la région de Botan, où vivent 4,5 à 5 millions de Kurdes, les mouvements populaires qui ont accompagné l'émergence du mouvement de libération nationale ont évolué à grand pas dans les années 1990-1992. Sur le plan politique, l'Etat y est maintenant devenu quasi inopérant. (...) La place laissée vacante par l'Etat, au sens politique, est occupée depuis par le PKK dans les zones rurales et par des organisations du HEP dans les villes. (...) La terre ne peut être redistribuée avant d'avoir été transférée selon la libre volonté du peuple kurde, car il est inconcevable de distribuer des terres portant la marque de la République de Turquie. (...) Aujourd'hui, notre lutte est une guerre externe dirigée contre les forces de la République de Turquie. (...) Nous voulons mener une lutte de libération totale. (...) » Le 10 janvier 1993, la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul (Istanbul Devlet Güvenlik Mahkemesi) ordonna la saisie de cette édition de la revue au motif qu'elle aurait diffusé de la propagande contre l'indivisibilité de l'Etat. C. Les chefs d'accusation Par un acte du 28 janvier 1993, le procureur près la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul accusa le requérant, en sa qualité de propriétaire de la revue, de propagande contre l'indivisibilité de l'Etat, au titre de l'article 8 de la loi de 1991 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi de 1991 » – paragraphe 16 ci-dessous), en raison de la publication du commentaire ci-dessus qui portait notamment sur les activités du PKK. D. La condamnation du requérant Le requérant réfuta les accusations lors de la procédure devant la cour de sûreté de l'Etat. Il affirma que le commentaire à l'origine de l'inculpation critiquait les activités du PKK. Il invoqua l'article 10 de la Convention ainsi que la jurisprudence de la Commission et de la Cour. Il soutint que le pluralisme des opinions, y compris celles qui choquent ou offensent, est essentiel dans une société démocratique et que les dispositions de l'article 8 de la loi de 1991 limitent le droit à la liberté d'expression de manière non conforme à la Constitution turque et aux critères définis dans la jurisprudence de la Commission et de la Cour. Dans un arrêt du 27 septembre 1993, la cour de sûreté de l'Etat reconnut le requérant coupable de propagande contre l'indivisibilité de l'Etat et le condamna tout d'abord à une amende de 100 millions de livres turques (« TRL ») qu'elle réduisit par la suite à 83 333 333 TRL eu égard à la bonne conduite de l'intéressé durant le procès. La cour de sûreté de l'Etat, considérant les passages du commentaire cités au paragraphe 10 ci-dessus à la lumière de l'article dans son ensemble, releva que ce dernier qualifiait de « Kurdistan » certaines parties de la Turquie et décrivait les actions de « l'organisation terroriste PKK », selon les termes de la cour, comme une lutte de libération nationale, constituant ainsi de la propagande visant à porter atteinte à l'indivisibilité de l'Etat. E. Le pourvoi en cassation et la suite de la procédure Le requérant se pourvut contre cette décision. Il réitéra notamment les arguments qu'il avait invoqués pour sa défense devant la cour de sûreté de l'Etat. Le 18 février 1994, la Cour de cassation le débouta, confirmant la pertinence de l'appréciation des preuves effectuée par la cour de sûreté de l'Etat. II. le droit interne pertinent A. Le droit pénal La loi n° 5680 du 15 juillet 1950 sur la presse Les clauses pertinentes de la loi de 1950 sont libellées comme suit : Article 3 « Sont des « périodiques », aux fins de la présente loi, les journaux, les dépêches des agences de presse et tous autres imprimés publiés à intervalles réguliers. Constitue une « publication », l’exposition, l’affichage, la distribution, l’émission, la vente ou la mise en vente d’imprimés dans des locaux accessibles au public où chacun peut les voir. Le délit de presse n'est constitué que s'il y a publication, sauf lorsque le discours est en soi constitutif d’une infraction. » La loi n° 3713 du 12 avril 1991 relative à la lutte contre le terrorisme Les dispositions pertinentes de la loi de 1991 sont libellées en ces termes : Article 8 (avant modification par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie et à l’unité indivisible de la nation sont prohibées, quels que soient le procédé utilisé et le but poursuivi. Quiconque se livre à pareille activité est condamné à une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de cinquante à cent millions de livres turques. » Lorsque le crime de propagande visé au paragraphe ci-dessus est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois, ou des ventes moyennes du mois précédent du quotidien à plus fort tirage s’il s’agit d’imprimés n’ayant pas la qualité de périodique ou si le périodique vient d’être lancé. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. » Article 8 (tel que modifié par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie ou à l’unité indivisible de la nation sont prohibées. Quiconque poursuit une telle activité est condamné à une peine d'un à trois ans d’emprisonnement et à une amende de cent à trois cents millions de livres turques. En cas de récidive, les peines infligées ne sont pas converties en amende. Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie d’imprimés ou par des moyens de communication de masse autres que les périodiques mentionnés au second paragraphe, les auteurs responsables et les propriétaires des moyens de communication de masse sont condamnés à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de cent à trois cents millions de livres turques (…). (…) » Article 13 (avant modification par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. » Article 13 (tel qu’amendé par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. Toutefois, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux condamnations prononcées en vertu de l’article 8. » B. Les cours de sûreté de l'Etat L'exposé du droit interne relatif à l'organisation des cours de sûreté de l'Etat et à la procédure devant elles se trouve aux paragraphes 32-36 de l'arrêt Sürek c. Turquie (n° 1), prononcé à la même date que le présent arrêt. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Kamil Tekin Sürek a saisi la Commission le 18 juillet 1994. Il se plaignait de ce que sa condamnation avait constitué une ingérence injustifiée dans son droit à la liberté d'expression telle que garantie par l'article 10 de la Convention et de n'avoir pas été entendu par un tribunal indépendant et impartial, au mépris de l'article 6 § 1 de la Convention. Il affirmait aussi que la procédure pénale dirigée contre lui n'avait pas connu une durée raisonnable, constituant ainsi un chef distinct de violation de l'article 6 § 1. La Commission a retenu la requête (n° 24735/94) le 2 septembre 1996, à l'exception du grief tiré de l'article 6 § 1 relatif à la durée de la procédure pénale. Dans son rapport du 13 janvier 1998 (ancien article 31), elle exprime l'avis qu'il n'y a pas eu violation de l'article 10 de la Convention (trente et une voix contre une) mais qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 (trente et une voix contre une). Le texte intégral de son avis et de l'opinion séparée dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES A LA COUR Le requérant prie la Cour de conclure que l'Etat défendeur a failli aux obligations que lui imposent les articles 6 § 1 et 10 de la Convention et de lui accorder une satisfaction équitable au titre de l'article 41. De son côté, le Gouvernement invite la Cour à rejeter les griefs du requérant.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. Les requérants Les requérants, MM. Fikret Başkaya et Mehemet Selim Okçuoğlu, sont des ressortissants turcs. Le premier, né en 1940 et résidant à Ankara, est professeur d’économie et journaliste. Le second, né en 1964 et vivant à Istanbul, est propriétaire d’une maison d’édition, Doz Basin Yayin Ltd Sti. B. La publication incriminée En avril 1991, Doz Basin Yayin Ltd Sti publia un livre écrit par le premier requérant intitulé Batılılaşma, Çağdaşlaşma, Kalkınma – Paradigmanın İflası/Resmi İdeolojinin Eleştirisine Giriş (« Occidentalisation, modernisation, développement – Effondrement d’un paradigme/Une introduction à la critique de l’idéologie officielle »). Cet essai universitaire de 219 pages, renfermant 370 références et retraçant entre autres l’évolution socio-économique de la Turquie depuis les années 20, analyse et critique l’« idéologie officielle » de l’Etat. D’après la table des matières, l’auteur traite des sujets suivants : intelligentsia et idéologie officielle ; caractéristiques de la lutte nationale ; question du caractère national de la lutte nationale ; le Komintern et la question de savoir si la lutte nationale est anti-impérialiste ; Mustafa Kemal et le rôle de l’individu dans l’histoire ; les caractéristiques du régime kemaliste : une forme originale de bonapartisme ; forces de production et politique économique ; régime bonapartiste et accumulation de capital ; une dictature sans classes, sans privilèges et populiste ; évolution de la dimension socio-économique à l’époque néocolonialiste ; les années 80 : renforcement du processus de satellisation ; effondrement du paradigme et de la science économique : moyens de légitimer les tendances existantes. Le chapitre incriminé contenait les passages suivants : « Le problème kurde joue un rôle significatif dans l’analyse de l’évolution de Milli Mücadele [guerre d’indépendance nationale turque (1919-1922)] et de la formation de la société turque. Le problème kurde et le processus de colonisation du Kurdistan sont réellement très importants et feront en tant que tels l’objet d’un autre ouvrage. De plus, ce problème ne touche pas la seule Turquie. La formation des politiques intérieures de quatre Etats de la région (Turquie, Iran, Irak et Syrie) (type de régime politique) ainsi que le caractère « unique » des relations entre ces quatre Etats voisins compliquent la situation. Nous avons deux raisons de vouloir aborder le problème, ne serait-ce que partiellement, dans le cadre du présent ouvrage. Nous voulons signaler le caractère « irrationnel » de l’idéologie officielle et la nature véritable de Milli Mücadele. En d’autres termes, [nous souhaitons] débattre du point de savoir si ce qui est présenté comme « Kurtuluş Savaşı » [une guerre d’indépendance] est en réalité un « mouvement d’indépendance » ou non. Sans nul doute, l’enfermement du Kurdistan (si l’on omet la petite zone comprise dans l’Union soviétique) dans les frontières de quatre Etats différents permet aux impérialistes de « contrôler » très facilement ces quatre Etats. Bien que le problème kurde revête une grande importance pour la préservation du statu quo impérialiste dans la région, nous ne nous lancerons pas ici dans une analyse de cet aspect du problème. [page 51] (…) En revanche, la politique raciste de négation des Kurdes suivie depuis la fondation de la République [1923] a également joué un rôle important dans le développement du mouvement fasciste en Turquie. A titre contradictoire, même si « l’hypothèse de non-existence » de la nation kurde constitue un aspect important de l’idéologie officielle, il s’agit là en même temps de son maillon le plus faible. Il n’est pas possible d’« éliminer par l’esprit » une nation qui existe, car la réalité objective continue d’exister malgré les inepties et soupçons infondés de la population. Cela ne veut naturellement pas dire que ces inepties et soupçons infondés restent sans effet ! Il ne manque jamais d’individus pour en tirer profit, obtenir des postes dans l’administration, à l’université, percevoir des salaires élevés, gravir les échelons de la carrière politique (…) [page 52] (…) On pensait que le colonialisme prendrait fin avec l’abolition du contrôle politico-militaro-policier direct dans les colonies. Aujourd’hui, pourtant, les ressources [naturelles] du tiers monde sont transférées vers les pays impérialistes en quantités bien plus importantes que lors de la période coloniale. C’est pourquoi les relations entre l’Etat turc et le Kurdistan ne relèvent pas de l’impérialisme dévorant. On peut parler d’une situation qui représente directement une oppression politique, militaire, culturelle et idéologique. On se trouve donc en présence d’un statut de colonie directe. [page 59] » Il apparaît que la publication de l’ouvrage est parvenue à la connaissance des autorités de poursuite le 3 mai 1991. C. La première phase de la procédure dirigée contre les requérants Le 2 août 1991, le procureur près la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul (İstanbul Devlet Güvenlik Mahkemesi) inculpa les requérants, eu égard à la teneur du livre en cause. Le premier requérant fut inculpé, en tant qu’auteur, conformément à l’article 8 § 1 de la loi de 1991 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi de 1991 »), pour avoir diffusé de la propagande contre l’indivisibilité de l’Etat. En sa qualité de propriétaire de la maison d’édition, le second fut inculpé du même chef en vertu de l’article 8 § 2 de ladite loi. Le procureur cita dans l’acte d’accusation des extraits du livre, repris au paragraphe 11 ci-dessus. 14. Au cours de la procédure devant la cour de sûreté de l’Etat, les requérants réfutèrent les accusations et demandèrent l’acquittement. Le premier requérant fit valoir que son livre était un ouvrage universitaire qui ne pouvait passer pour de la propagande. En tant que professeur, il avait pour mission de mener des recherches et de publier ses conclusions et ne pouvait être contraint à accepter la « version officielle de la réalité ». Son ouvrage pouvait être jugé par des universitaires mais non par les tribunaux. Selon lui, nul ne peut être jugé et condamné pour avoir exprimé son opinion. Le second requérant soutint notamment que l’on ne pouvait porter une appréciation globale sur le livre en se fondant uniquement sur des extraits d’un seul chapitre. Il alléguait que l’article 8 de la loi de 1991 était contraire à la Constitution turque et aux obligations internationales de la Turquie. Il affirmait qu’il existait un « problème kurde » en Turquie et que le fait de formuler des commentaires ou des idées sur ce problème n’était pas constitutif d’une infraction. Dans ses conclusions du 18 mars 1992, le procureur requit la condamnation du premier requérant en vertu de l’article 8 § 1 de la loi de 1991 et celle du second requérant en vertu du paragraphe 2 du même article ainsi que la saisie de tous les exemplaires du livre. Le procureur considéra que l’infraction avait été commise le 3 mai 1991. Le 14 octobre 1992, la cour acquitta les requérants, estimant que, globalement, ce livre était un travail universitaire ne renfermant aucun élément de propagande. Le procureur interjeta appel. Selon lui, le livre alléguait qu’une certaine partie du territoire turc avait appartenu au « Kurdistan », que les Turcs avaient annexé et colonisé. Concluant que le livre diffusait donc bien de la propagande contre l’indivisibilité de l’Etat, il requérait l’annulation du verdict. Le 4 février 1993, la Cour de cassation annula la décision de la juridiction de première instance et renvoya l’affaire en jugement en s’appuyant sur les motifs suivants : « Des passages se trouvant aux pages 51 à 59 de l’ouvrage (…) indiquent qu’une zone du territoire situé à l’intérieur des frontières de la République turque est une partie du Kurdistan appartenant à la nation kurde, et que ce territoire a été annexé par les Turcs et a un statut de colonie. La cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul n’a pas estimé que cette déclaration excédait en tant que telle les limites de la critique et constituait de la propagande visant à porter atteinte à l’intégrité indivisible de l’Etat turc, c’est-à-dire de son territoire et de sa nation, et a déclaré les [deux] accusés « non coupables ». Cet arrêt (…) est contraire à la loi. La Cour accueille en conséquence le pourvoi formé par le procureur et décide, à l’unanimité, d’annuler ledit arrêt (…) D. La seconde phase de la procédure dirigée contre les requérants Par un arrêt du 5 août 1993, la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul déclara les requérants coupables des infractions qui leur étaient reprochées. Elle condamna le premier requérant à deux ans d’emprisonnement et à une amende de 50 millions de livres turques (TRL), le second à six mois d’emprisonnement et à une amende de 50 millions TRL. Sur quoi, prenant en compte la bonne conduite des intéressés pendant le procès, elle ramena la peine du premier à un an et huit mois d’emprisonnement et à une amende de 41 666 666 TRL et celle du second à cinq mois d’emprisonnement et à une amende de 41 666 666 TRL. En revanche, elle n’ordonna pas la confiscation de l’ouvrage que le procureur avait requise. La cour déclara à l’appui de son verdict : « Après examen de l’ouvrage constitutif de l’infraction, la cour considère que les passages [figurant] : page 51 : « Le problème kurde joue un rôle significatif dans l’analyse de l’évolution de Milli Mücadele [guerre d’indépendance nationale turque (1919-1922)] et de la formation de la société turque. Le problème kurde et le processus de colonisation du Kurdistan sont réellement très importants et feront en tant que tels l’objet d’un autre ouvrage. De plus, ce problème ne touche pas la seule Turquie. La formation des politiques intérieures de quatre Etats de la région (Turquie, Iran, Irak et Syrie) (…) » « débattre du point de savoir si ce qui est présenté comme « Kurtuluş Savaşı » [une guerre d’indépendance] est en réalité un « mouvement d’indépendance » ou non. Sans nul doute, l’enfermement du Kurdistan (si l’on omet la petite zone comprise dans l’Union soviétique) dans les frontières de quatre Etats différents permet aux impérialistes de « contrôler » très facilement ces quatre Etats ». page 52 : « la politique raciste de négation des Kurdes suivie depuis la fondation de la République [1923] a également joué un rôle important dans le développement du mouvement fasciste en Turquie (…) Il n’est pas possible d’« éliminer par l’esprit » une nation qui existe (…) » et page 59 : « les relations entre l’Etat turc et le Kurdistan ne relèvent pas de l’impérialisme dévorant. On peut parler d’une situation qui représente directement une oppression politique, militaire, culturelle et idéologique. On se trouve donc en présence d’un statut de colonie directe. » dénomment Kurdistan une certaine partie de la République turque, déclarent que la République turque gouverne cette région comme une colonie et visent ainsi à diffuser de la propagande destinée à briser l’intégrité indivisible de la République turque, c’est- à-dire son territoire et sa nation. Dès lors, la condamnation suivante sera prononcée en vertu des dispositions de la loi n° 3713 applicable aux agissements établis des accusés. » Les requérants saisirent la Cour de cassation, qui tint une audience. Tout en reprenant leur ligne de défense devant la cour de sûreté de l’Etat, les intéressés soulignèrent que cette dernière n’avait pas considéré l’ouvrage de manière globale mais avait commis l’erreur de fonder sa décision sur un seul de ses chapitres. Le premier requérant affirma que, l’article 8 de la loi de 1991 étant contraire à la Constitution turque et à la Convention, il ne pouvait être jugé et condamné en vertu de cette disposition. Il renvoya à ses précédents arguments relatifs au manque de clarté des clauses pertinentes de la loi de 1991. Le second requérant affirma que sa condamnation à une peine d’emprisonnement était irrégulière dans la mesure où l’article 8 § 2 ne prévoyait qu’une peine d’amende. Dans sa décision du 16 décembre 1993, prononcée le 22 décembre 1993, la Cour de cassation confirma les conclusions de la cour de sûreté de l’Etat et débouta les intéressés. E. La suite des événements Le premier requérant fut relevé de ses fonctions de maître assistant à l’université d’Ankara à compter du 18 mars 1994, en vertu de l’article 98 § 2 de la loi n° 367 sur les fonctionnaires. La décision pertinente faisait référence à sa condamnation à une peine de vingt mois d’emprisonnement au titre de la loi de 1991. Le 3 octobre 1997, la cour de sûreté de l’Etat ordonna la saisie de la sixième édition de l’ouvrage incriminé comme le ministère public l’avait requis. Les requérants purgèrent leur peine d’emprisonnement et payèrent leur amende. Après les amendements que la loi n° 4126 du 27 octobre 1995 apporta à la loi de 1991, la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul réexamina la cause du second requérant. Le 19 avril 1996, elle estima que lesdits amendements ne trouvaient pas à s’appliquer puisque l’intéressé avait déjà purgé sa peine. II. le droit ET LA PRATIQUE interneS pertinentS A. Le droit pénal Le code pénal Les dispositions pertinentes du code pénal sont ainsi libellées : Article 2 § 2 « Si les dispositions de la loi en vigueur au moment où le crime ou le délit est commis diffèrent de celles d’une loi ultérieure, les dispositions les plus favorables à l’auteur du crime ou du délit sont appliquées. » Article 36 § 1 « En cas de condamnation, le tribunal saisit et confisque l’objet ayant servi à commettre ou à préparer le crime ou le délit (…) » La loi n° 5680 du 15 juillet 1950 sur la presse Les clauses pertinentes de la loi de 1950 sont libellées comme suit : Article 3 « Sont des « périodiques », aux fins de la présente loi, les journaux, les dépêches des agences de presse et tous autres imprimés publiés à intervalles réguliers. Constitue une « publication », l’exposition, l’affichage, la diffusion, l’émission, la vente ou la mise en vente d’imprimés dans des locaux accessibles au public où chacun peut les voir. Le délit de presse n’est constitué que s’il y a publication, sauf lorsque le discours est en soi constitutif d’une infraction. » 3. La loi n° 3713 du 12 avril 1991 relative à la lutte contre le terrorisme Les dispositions pertinentes de la loi de 1991 sont libellées en ces termes : Article 8 (avant modification par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « [1.] La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie et à l’unité indivisible de la nation sont prohibées, quels que soient le procédé utilisé et le but poursuivi. Quiconque se livre à pareille activité est condamné à une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de cinquante à cent millions de livres turques. [2.] Lorsque le crime de propagande visé au paragraphe ci-dessus est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois, ou des ventes moyennes du mois précédent du quotidien à plus fort tirage s’il s’agit d’imprimés n’ayant pas la qualité de périodique ou si le périodique vient d’être lancé[]. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. » Article 8 (tel que modifié par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « [1.] La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie ou à l’unité indivisible de la nation sont prohibées. Quiconque poursuit une telle activité est condamné à une peine d’un à trois ans d’emprisonnement et à une amende de cent à trois cents millions de livres turques. En cas de récidive, les peines infligées ne sont pas converties en amende. [2.] Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cent millions de livres turques. Le rédacteur en chef dudit périodique est condamné à la moitié de l’amende infligée à l’éditeur ainsi qu’à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. [3.] Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie d’imprimés ou par des moyens de communication de masse autres que les périodiques mentionnés au second paragraphe, les auteurs responsables et les propriétaires des moyens de communication de masse sont condamnés à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de cent à trois cents millions de livres turques (…) (…) » Le Gouvernement a soumis de la jurisprudence relative à l’article 8, dont on trouvera l’exposé détaillé dans l’arrêt Karataş c. Turquie [GC], n° 23168/94, § 22, CEDH 1999-IV. Article 13 (avant modification par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. » Article 13 (tel qu’amendé par la loi n° 4126 du 27 octobre 1995) « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. Toutefois, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux condamnations prononcées en vertu de l’article 8. » B. Les cours de sûreté de l’Etat L’exposé du droit interne relatif à l’organisation des cours de sûreté de l’Etat et à la procédure devant elles se trouve aux paragraphes 24-29 de l’arrêt Karataş précité. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION MM. Başkaya et Okçuoğlu ont saisi la Commission les 22 février et 9 juin 1994. Tous deux alléguaient que leur condamnation pour la publication de l’ouvrage incriminé avait emporté violation des articles 9 (droit à la liberté de pensée et de conscience) et 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention. Ils dénonçaient en outre des violations de l’article 7 (non-rétroactivité des peines) et de l’article 6 § 1 (droit à être entendu par un tribunal indépendant et impartial). Le premier requérant soutenait également que cette dernière disposition avait été méconnue en raison du manque d’équité de la procédure, et qu’il y avait eu violation de l’article 6 § 2 (droit à la présomption d’innocence). Le second requérant alléguait enfin que sa condamnation était à l’origine d’une violation de l’article 14 (interdiction de toute discrimination) combiné avec l’article 10. La Commission a retenu les requêtes (nos 23536/94 et 24408/94) les 2 septembre et 14 octobre 1996 respectivement. Dans son rapport du 13 janvier 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle exprime l’avis qu’il y a eu violation de l’article 10 en raison de la condamnation des requérants (unanimité) et de l’article 6 § 1 du fait qu’ils n’ont pas été entendus par un tribunal indépendant et impartial (trente et une voix contre une). Elle conclut en outre à la non-violation de l’article 7 dans le chef du premier requérant (trente et une voix contre une) mais à la violation de cette disposition pour ce qui est du second requérant (unanimité) et, enfin, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs soulevés par le premier requérant sur le terrain de l’article 6 (unanimité) et qu’aucune question distincte ne se pose quant au grief que le second requérant tire de l’article 14 combiné à l’article 10 (unanimité). Des extraits de son avis figurent en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Dans leur mémoire, les requérants prient la Cour de conclure que l’Etat défendeur a failli aux obligations que lui imposent les articles 6 § 1, 7, 9 et 10 de la Convention. Le premier requérant l’invite en outre à constater la violation des articles 3 et 14. Les deux requérants sollicitent une satisfaction équitable au titre de l’article 41. De son côté, le Gouvernement invite la Cour à rejeter les griefs des requérants.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. Procédures diligentées par les « propriétaires » du terrain sur lequel le cinéma « Ilioupolis » a été bâti En 1929, K.N. hérita de son père adoptif les trois quarts d’un terrain connu sous le nom de « domaine Karras ». En 1938, la mère adoptive de K.N. lui vendit le quart restant, qu’elle avait hérité de son mari. Il fut mentionné dans le contrat de vente que la superficie du « domaine Karras » était de 12 000 000 m2. En 1950, ayant obtenu l’autorisation nécessaire des autorités, K.N. construisit un cinéma de plein air, le cinéma « Ilioupolis », sur une partie de ce terrain. 8. En 1953, le ministre de l’Agriculture refusa de reconnaître K.N. comme propriétaire de la totalité du « domaine Karras », considérant que son père adoptif n’était propriétaire que d’une partie de celui-ci, à savoir une superficie entre 320 000 et 520 000 m2, qui ne comprenait pas la partie sur laquelle le cinéma « Ilioupolis » avait été bâti. Le reste de la zone était une forêt domaniale et ne figurait pas sur les titres de propriété produits par K.N. Celui-ci introduisit devant le Conseil d’Etat un recours en annulation de la décision du ministre de l’Agriculture, mais fut débouté. Le 8 février 1955, un décret royal classa la zone litigieuse comme terre à reboiser. K.N. demanda au Conseil d’Etat d’annuler le décret royal, mais la haute juridiction écarta la requête au motif que le terrain litigieux était une forêt domaniale. Les 10 février 1965 et 11 mars 1966, par décisions du Conseil des ministres publiées au Journal officiel (Eφημερίδα της Κυβερνήσεως) et retranscrites dans le registre communal d’Ilioupolis, l’Etat transféra une partie du « domaine Karras » d’une superficie de 220 000 m2, autre que la partie sur laquelle le cinéma « Ilioupolis » avait été bâti, à la coopérative pour le logement des fonctionnaires de police. Le 28 juillet 1965 fut promulgué un décret royal pour le reboisement d’un terrain à Ilioupolis. Selon le Gouvernement, ce décret concernait, entre autres, une partie non spécifiée du « domaine Karras ». Le 2 décembre 1966, ce décret fut modifié par un autre, qui fut publié au Journal officiel. Le 3 avril 1967, K.N. intenta une action contre la coopérative pour le logement des fonctionnaires de police afin de faire établir son droit de propriété sur le terrain qui avait été transféré à celle-ci. En tant qu’auteur du transfert, l’Etat intervint dans la procédure du côté de la coopérative. Cette action fut consignée dans le livre des hypothèques d’Ilioupolis. Mention des décisions ultérieures du tribunal de grande instance d’Athènes (n° 16992/1973) et de la cour d’appel (n° 4910/1977 – paragraphe 13 ci-dessous) déboutant K.N. et reconnaissant l’Etat propriétaire du terrain litigieux, fut portée dans la marge de la page pertinente. En 1976, K.N. décéda et ses héritiers furent invités à payer des droits de succession pour le terrain sur lequel le cinéma avait été bâti. Pour garantir le paiement de ces impôts, l’Etat prit une hypothèque sur ce terrain. L’hypothèque fut levée en 1982. Les héritiers de K.N. continuèrent l’action du 3 avril 1967. Le 21 juin 1977, la cour d’appel d’Athènes considéra que le terrain transféré à la coopérative de policiers appartenait à l’Etat. Dans son raisonnement la cour adopta la position du ministre de l’Agriculture, selon laquelle le père adoptif de K.N. n’était propriétaire que d’une partie du « domaine Karras », qui ne comprenait ni la partie sur laquelle le cinéma « Ilioupolis » avait été bâti ni la partie transférée à la coopérative. Pour parvenir à cette conclusion, la cour rappela, entre autres, qu’en 1905 le « domaine Karras » avait été enregistré comme forêt au cadastre des forêts nationales et que depuis lors l’Etat en avait, de bonne foi, la possession et l’usage en tant que propriétaire. A la suite d’une décision du ministre adjoint des Finances du 19 septembre 1984, une partie du « domaine Karras », y compris la partie sur laquelle le cinéma avait été bâti, fut enregistrée au cadastre du domaine public le 27 juin 1985. Le 9 juillet 1985, ce fait fut mentionné dans les livres des hypothèques d’Ilioupolis. En 1987, les héritiers de K.N. entamèrent une action devant les tribunaux pour être reconnus propriétaires de la partie qui avait été enregistrée au cadastre du domaine public. En 1988, le tribunal de grande instance d’Athènes rejeta leur demande au motif que le 21 juin 1977 la cour d’appel d’Athènes avait considéré que le père adoptif de K.N. n’était propriétaire que d’une partie du « domaine Karras » d’une superficie entre 320 000 et 520 000 m2. Les héritiers de K.N. firent appel. Le 9 février 1989, la cour d’appel d’Athènes considéra que, dans sa décision du 21 juin 1977, elle n’avait tranché que la question de la propriété des 220 000 m2 qui avait été transférée à la coopérative pour le logement des policiers. Les autres considérations figurant au raisonnement de cette décision ne liaient pas les héritiers de K.N. En conséquence, la cour annula la décision de 1988 du tribunal de grande instance et ordonna à ce tribunal d’examiner le fond de l’affaire. Le 29 mai 1996, les héritiers de K.N. demandèrent au procureur auprès de la cour de grande instance d’Athènes d’ordonner des mesures provisoires contre l’Etat et la municipalité d’Ilioupolis. A une date non spécifiée, le procureur refusa d’accéder à leur demande. Les héritiers de K.N. firent appel. Le 30 mai 1997, le procureur adjoint auprès de la cour d’appel d’Athènes rejeta leur appel. B. Procédures diligentées par le requérant En 1978, les héritiers de K.N. louèrent le cinéma de plein air « Ilioupolis » au requérant, qui le restaura entièrement. Le 4 juillet 1985, la préfecture de l’Attique informa le requérant qu’à partir du 27 juin 1985 le terrain sur lequel le cinéma avait été bâti était considéré comme propriété publique et qu’il le retenait abusivement. Par conséquent, l’Etat allait lui réclamer une indemnité, selon l’article 115 du décret présidentiel des 11/12 novembre 1929, sous réserve de son droit de l’expulser en vertu de la loi n° 1539/1938 sur la protection du domaine de l’Etat. Le 16 novembre 1988, la Société des biens immobiliers de l’Etat (Kτηματική Εταιρία του Δημοσίου) céda le cinéma à la municipalité d’Ilioupolis. Le 24 novembre 1988, la préfecture de l’Attique en informa le requérant et l’invita à évacuer le cinéma dans les cinq jours, faute de quoi la loi n° 1539/1938 serait appliquée. Le 9 février 1989, le Service des biens immobiliers (Kτηματική Υπηρεσία) de la préfecture de l’Attique ordonna l’expulsion du requérant, en vertu de la loi n° 1539/1938, telle que modifiée par la loi n° 263/1968. L’arrêté fut « communiqué » au requérant, le 16 mars 1989, par affichage sur la porte du cinéma. Le lendemain, alors que les avocats étaient en grève et que le requérant était absent, les services de la municipalité d’Ilioupolis exécutèrent l’arrêté et forcèrent la porte du cinéma. Un inventaire de quelques meubles (projecteurs, chaises, panneaux, équipement du bar) qui appartenaient au requérant fut dressé. M. G.L., qui avait des liens professionnels avec l’intéressé mais qui n’agissait pas comme son représentant, signa l’inventaire et demanda aux services de la municipalité de garder ces meubles. Le requérant attaqua l’arrêté d’expulsion devant le juge de paix d’Athènes qui, ayant examiné le recours selon la procédure de référé, se prononça en faveur de l’Etat. L’intéressé fit appel devant le tribunal de grande instance d’Athènes, composé d’un juge unique. Le 23 octobre 1989, ayant examiné l’appel selon la procédure de référé, le tribunal annula l’arrêté d’expulsion. Le tribunal considéra que le Service des biens immobiliers ne pouvait prendre un arrêté d’expulsion que si un bien immobilier appartenait à l’Etat, s’il n’y avait pas de contestation quant au droit de l’Etat de posséder ce bien et si le bien était arbitrairement occupé par un tiers. Le tribunal estima que ces conditions n’étaient pas réunies dans le cas d’espèce, puisque le requérant avait établi avec un certain degré de certitude les faits suivants : les tribunaux étaient saisis d’un litige existant entre les héritiers de K.N. et l’Etat à propos du terrain sur lequel le cinéma avait été bâti, les héritiers de K.N. se considéraient comme les propriétaires du terrain et du cinéma depuis fort longtemps et exerçaient tous les attributs du droit de propriété, et enfin le requérant occupait le cinéma depuis 1978 en vertu d’un contrat de bail. A la suite de cette décision, le requérant entreprit plusieurs démarches auprès des autorités compétentes contre l’occupation continue du cinéma par la municipalité d’Ilioupolis. Le 2 avril 1990, le ministère des Finances considéra que, puisque l’arrêté d’expulsion avait été annulé, le terrain devait être restitué au requérant. Selon le ministère, il était souhaitable que la cession du cinéma à la municipalité d’Ilioupolis fût révoquée. Si cependant la municipalité insistait, il fallait, le cas échéant, déterminer qui devait dédommager le requérant, conformément à la loi sur les baux commerciaux. 21. Le 11 juillet 1991, le Conseil juridique de l’Etat (Nομικό Συμβούλιο του Κράτους), répondant à une question posée par le ministère des Finances, considéra que le cinéma devait être restitué au requérant. Les prétentions de celui-ci pour le préjudice qu’il avait subi à cause de l’expulsion ne pouvaient être examinées qu’à la suite d’une demande de l’intéressé au Conseil juridique de l’Etat ou d’une action en justice. En outre, l’Etat pouvait défendre ses intérêts comme propriétaire du terrain en intentant une action contre les héritiers de K.N. ou en accélérant l’examen du litige avec ces derniers, pendant devant les tribunaux depuis 1987. Le 15 mai 1994, le requérant demanda la restitution du cinéma auprès de la Société des biens immobiliers de l’Etat. Le 21 décembre 1994, il engagea une action en responsabilité civile extracontractuelle devant le tribunal administratif d’Athènes contre l’Etat et la municipalité d’Ilioupolis pour le dommage qu’il avait subi du fait de la non-restitution du cinéma. Il demandait 32 300 000 drachmes (GRD), plus intérêts, de réparation pour manque à gagner de 1989 à 1994 et pour perte de matériel. Le 5 avril 1995, le requérant demanda au maire d’Ilioupolis de lui restituer le cinéma. Le 5 mai 1995, il déposa une plainte contre ce dernier. A une date non spécifiée, il porta aussi plainte contre le président de la Société des biens immobiliers de l’Etat. Le 26 juillet 1995, le requérant déposa auprès du tribunal de grande instance d’Athènes une demande en consignation d’une hypothèque à l’encontre du conseil municipal d’Ilioupolis pour se garantir contre le manque à gagner, soit 30 000 000 GRD. Le tribunal débouta l’intéressé au motif que nulle obligation de restituer la propriété n’existait, aucune requête n’ayant été formée en ce sens devant le tribunal et aucune décision judiciaire définitive n’ayant tranché la question. Le 31 juillet 1995, la Société des biens immobiliers de l’Etat, à la suite d’une nouvelle demande du requérant, recommanda de révoquer la cession du cinéma à la municipalité d’Ilioupolis et de restituer le cinéma à l’intéressé, qui devait y être réinstallé comme locataire par le ministère des Finances. Cette recommandation devait être approuvée par le ministre des Finances, en vertu de la loi n° 973/1979. Le requérant, qui n’avait pas été informé de cette recommandation, s’adressa au ministre des Finances le 4 octobre 1995. Le 13 octobre 1995, il demanda au tribunal de grande instance d’Athènes d’ordonner des mesures provisoires contre le maire d’Ilioupolis dans le cadre de son action pour responsabilité extracontractuelle. Le 16 octobre 1995, il s’adressa de nouveau au ministre des Finances. Le 25 octobre 1995, le tribunal de grande instance considéra qu’il n’y avait pas lieu de prononcer des mesures provisoires au motif que la responsabilité du maire ne pouvait être engagée. Le 7 novembre 1995, à la suite de l’intervention du procureur, le requérant fut informé de la décision de la Société des biens immobiliers de l’Etat du 31 juillet 1995. Le 15 novembre 1995, il demanda au ministre adjoint des Finances d’approuver cette décision. Le 7 août 1996, le Conseil juridique de l’Etat considéra que le cinéma ne devait pas être rendu au requérant pour les raisons suivantes. Bien que le tribunal de grande instance d’Athènes eût annulé l’arrêté d’expulsion le 23 octobre 1989, il n’avait pas ordonné la restitution du cinéma à l’intéressé. La décision du 25 octobre 1995 du tribunal de grande instance confirmait qu’il n’existait aucune obligation de restitution du cinéma. D’ailleurs, le contrat de bail entre le requérant et les héritiers de K.N. n’était pas valable, en vertu d’une jurisprudence spéciale relative aux biens de l’Etat. Par conséquent, le ministre des Finances agirait illégalement s’il révoquait la cession du cinéma à la municipalité d’Ilioupolis. Le 3 septembre 1996, le ministre adjoint des Finances approuva cet avis du Conseil juridique de l’Etat. Le 31 octobre 1996, le tribunal administratif d’Athènes rejeta l’action du requérant du 21 décembre 1994 au motif qu’elle aurait dû être introduite devant les tribunaux civils. Le 17 décembre 1996, le requérant introduisit son action devant le tribunal de grande instance d’Athènes, demandant 140 000 000 GRD de dommages et intérêts pour les pertes qu’il avait subies en 1995 et 1996 du fait de l’impossibilité d’exploiter son cinéma et pour préjudice moral. L’action devait être examinée le 13 novembre 1997, mais était encore pendante au jour de l’audience devant la Cour. Le 7 janvier 1997, la chambre du conseil du tribunal correctionnel d’Athènes décida de traduire le maire d’Ilioupolis en justice pour violation des devoirs inhérents à sa fonction. Le 27 janvier 1998, le requérant intenta, à l’encontre de l’Etat et de la municipalité d’Ilioupolis, une action en réparation pour un montant de 32 000 000 GRD, plus intérêts, pour manque à gagner en 1997 et dommage moral. Cette action était encore pendante au jour de l’audience devant la Cour. Le cinéma est toujours exploité par la municipalité d’Ilioupolis et n’a pas été restitué au requérant. Ce dernier n’a pas rouvert son cinéma de plein air ailleurs. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Arrêtés d’expulsion Les biens immobiliers de l’Etat sont protégés contre les tiers par la loi n° 263/1968 modifiant et complétant les dispositions sur le domaine de l’Etat. L’article 2 §§ 2 et 3 est ainsi libellé : « (...) L’inspecteur des impôts compétent adopte un arrêté d’expulsion à l’encontre de quiconque prend irrégulièrement possession d’un bien de l’Etat. Une opposition peut être formée devant le juge de paix contre pareil arrêté dans le délai de trente jours à compter de la signification de celui-ci (...). La décision du juge de paix peut être attaquée dans un délai de trente jours devant le président du tribunal de grande instance, qui examine l’appel en vertu de la procédure spéciale prévue à l’article 634 du code de procédure civile. La décision du président du tribunal de grande instance est sans appel. La décision issue de la procédure susvisée n’empêche pas les deux parties de faire valoir leurs droits par la voie de la procédure ordinaire (...) » « (...) Κατά του αυτογνωμόνως επιλαμβανομένου οιουδήποτε δημοσίου κτήματος συντάσσεται παρά του αρμοδίου Οικονομικού Εφόρου Πρωτόκολλο Διοικητικής Αποβολής. Κατ΄αυτού επιτρέπεται άσκηση ανακοπής ενώπιον του αρμοδίου Ειρηνοδικείου μέσα σε αποκλειστική προθεσμία 30 ημερών από της κοινοποιήσεως του (...) Κατά της αποφάσεως του Ειρηνοδικείου χωρεί έφεση ενώπιον του Προέδρου Πρωτοδικών, που δικάζει με την ειδική διαδικασία του άρθρου 634 Πολ. Δικ., μέσα σε προθεσμία 30 ημερών. Κατά της αποφάσεως του Προέδρου Πρωτοδικών ουδέν ένδικο μέσο χωρεί. Η κατά την ανωτέρω διαδικασία εκδιδομένη απόφαση δεν παρακωλύει την επιδίωξη των εκατέρωθεν δικαιωμάτων κατά την τακτική διαδικασία (...) L’opposition et l’ensemble de la procédure contre l’arrêté d’expulsion portent exclusivement sur la validité de celui-ci et non sur la reconnaissance du droit de propriété ou sur la réglementation de la possession. En cas d’annulation d’un arrêté d’expulsion et afin que la décision puisse ordonner sa réintégration, l’appelant expulsé doit déposer une demande en réintégration soit en même temps que l’opposition – auquel cas une injonction sera émise si l’opposition est accueillie – soit séparément devant la juridiction compétente (action en réglementation de la possession). Pareille demande n’est pas soumise aux délais fixés par l’article 2 de la loi n° 263/1968 pour former opposition à un arrêté d’expulsion, en l’absence de dispositions à cet égard (arrêt n° 6802/89 de la cour d’appel d’Athènes, Recueil 1990, pp. 778-779, jugement n° 25950/1995 du tribunal de première instance d’Athènes, avis n° 464/96 du Conseil juridique de l’Etat, annexes 14a et b et 13c). B. Protection des locataires en tant que possesseurs Le locataire d’un bien a la possession du bien loué. Ce droit de possession est protégé par le droit interne. La protection de la possession en tant que fait matériel et rapport juridique est régie par les articles 997 et suivants du code civil. En particulier, l’article 997 du code civil, intitulé « Protection des possesseurs », dispose : « En cas de troubles illicites dans la possession d’une chose ou d’un droit, ou en cas de dépossession, celui qui détient la chose ou le droit pour les avoir reçus du possesseur, soit à titre de locataire ou de dépositaire, soit par suite d’un autre rapport similaire, est également pourvu des actions possessoires à l’encontre des tiers. » « Επί παρανόμου διαταράξεως της νομής πράγματος ή δικαιώματος, ή αποβολής εξ αυτής, έχει κατά τρίτων τας περί νομής αγωγάς και ο παρά τιυ νομέως λαβών την κατοχή του πράγματος ή δικαιώματος ως μισθωτής ή θεματοφύλαξ ή συνεπεία άλλης παρομοίας σχέσεως. » Le locataire et possesseur du bien loué peut intenter des actions possessoires prévues par les articles 987 et 989 du code civil. L’article 987 est ainsi libellé : « Un possesseur illégalement dépossédé est en droit d’exiger sa réintégration de la part de celui dont la possession est vicieuse à son égard. La prétention à des dommages-intérêts suivant les dispositions sur la responsabilité civile n’est pas exclue. » « Ο νομέας που αποβλήθηκε παράνομα από τη νομή έχει δικαίωμα να αξιώσει την απόδοσή της από αυτόν που νέμεται επιλήψιμα απέναντί του. Αξίωση αποζημιώσεως σύμφωνα με τις διατάξεις για τις αδικοπραξίες δεν αποκλείεται. » Aux termes de l’article 989 : « Le possesseur qui a été illégalement troublé est en droit d’exiger la cessation du trouble, ainsi que [d’exiger] que celui-ci ne se renouvelle pas à l’avenir. La prétention à des dommages-intérêts suivant les dispositions sur la responsabilité civile, n’est pas exclue. » « Ο νομέας που διαταράχθηκε παράνομα έχει δικαίωμα να αξιώσει την παύση της διατάραξης καθώς και την παράλειψή της στο μέλλον. Αξίωση αποζημίωσης κατά τις διατάξεις για τις αδικοπραξίες δεν αποκλείεται. » L’article 987 protège le possesseur en cas de dépossession, c’est-à-dire de privation de la jouissance du bien. L’article 989 le protège aussi en cas de trouble, c’est-à-dire d’un trouble dans la jouissance du bien autre que la dépossession. Un exemple classique de trouble, constaté par les tribunaux internes, consiste à menacer le possesseur de lui interdire un acte déterminé relevant de la possession. Ces voies de recours tendent à protéger la possession en soi, qu’elle repose ou non sur un droit. C’est pourquoi l’article 991 du code civil prévoit ceci : « Le défendeur à une action pour trouble ou dépossession ne peut invoquer un droit lui conférant pouvoir sur la chose que dans le seul cas où ce droit a été reconnu en dernier ressort au cours d’une procédure entre lui et le demandeur. » « Ο εναγόμενος για διατάραξη ή αποβολή δεν μπορεί να επικαλεστεί δικαίωμα που του παρέχει εξουσία πάνω στο πράγμα παρά μόνο αν το δικαίωμα έχει αναγνωριστεί τελεσίδικα σε δίκη ανάμεσα σε αυτόν και τον ενάγοντα. » Selon l’article 997 du code civil, un possesseur détient ses droits contre des tiers, non contre le possesseur dont il les a reçus. A l’encontre de celui-ci, il dispose des droits conférés par le rapport juridique qui les lie. Un possesseur peut intenter une action possessoire soit en vue de se voir réintégrer dans la possession soit pour faire cesser le trouble, selon qu’il aura été expulsé ou aura simplement subi un trouble de jouissance. Il peut en outre, dans le cadre de la même procédure, réclamer réparation du préjudice subi, en vertu des dispositions sur la responsabilité civile (articles 914 et suivants). Plus particulièrement, en ce qui concerne l’obligation de l’Etat à réparation, l’article 105 de la loi introductive au code civil s’applique ; il prévoit qu’en cas de conduite irrégulière de ses agents, l’Etat est tenu à réparation qu’il y ait eu ou non infraction. En outre, si la situation irrégulière découle d’un acte administratif, l’annulation préalable de celui-ci n’est pas requise. Le tribunal peut examiner la validité de l’acte administratif au cours de la procédure ; il n’est pas tenu de le faire préalablement. C. Protection des locataires contre les bailleurs Un possesseur qui détient son droit d’un bail est aussi protégé contre le bailleur s’il lui devient impossible d’exercer l’usage du bien loué. L’article 583 du code civil est ainsi libellé : « Si le locataire est frustré en tout ou partie de l’usage convenu de la chose louée en raison de droits de tierces personnes (vice de droit), sont applicables par analogie les dispositions des articles 576 à 579 et 582. Toutefois, le locataire peut procéder lui-même à la suppression du vice de droit aux frais du bailleur. » « Αν η συμφωνηθείσα χρήση του μισθίου αφαιρεθεί από τον μισθωτή εν μέρει ή εν όλω εξαιτίας δικαιώματος τρίτου νομικό ελάττωμα εφαρμόζονται οι διατάξεις των άρθρων 576 έως 579 και 582. Αλλ΄ο μισθωτής δεν δύναται να προβεί ο ίδιος στην άρση του νομικού ελαττώματος με δαπάνες του εκμισθωτού. » 40. Dans cette hypothèse, les articles 576 à 579 et 582, auxquels renvoie l’article 583, confèrent au locataire les droits suivants : droit de réduire le loyer ou de ne pas le verser, droit à réparation, droit d’intenter une action contre le bailleur afin de faire remédier au vice juridique et droit de résilier le bail. Outre le droit d’intenter une action contre le bailleur afin de faire remédier au vice juridique, le locataire peut aussi intenter à ses frais une action possessoire à l’encontre de tiers en sa qualité de possesseur (article 997). Le bailleur n’est exonéré de sa responsabilité que si le locataire avait connaissance du vice au moment de la signature du bail. D. Baux commerciaux Enfin, les baux de location d’immeubles à des fins commerciales (baux commerciaux) sont eux aussi régis par les dispositions susmentionnées, en vertu de l’article 29 de la loi n° 813/1978, codifiée par le décret présidentiel n° 34/1995. Cette disposition est ainsi libellée : « Sauf dispositions contraires de la présente loi, les baux conclus en vertu de celle-ci sont régis par les clauses contractuelles et par les dispositions du code civil. » « Αι κατά τον παρόντα νόμον μισθώσεις, εφόσον δεν ορίζεται άλλως εις αυτόν, διέπονται υπό των συμβατικών περί αυτών όρων και των διατάξεων του Αστικού Κώδικος. » PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Iatridis a saisi la Commission le 28 mars 1996. Il alléguait la violation des articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention et 1 du Protocole n° 1. La Commission (première chambre) a déclaré la requête (n° 31107/96) partiellement recevable le 2 juillet 1998. Dans son rapport du 16 avril 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule l’avis qu’il y a eu violation des articles 13 de la Convention et 1 du Protocole n° 1 (quatorze voix contre une) et qu’il n’est pas nécessaire d’examiner aussi l’affaire sous l’angle des articles 6 § 1 et 8 de la Convention (unanimité). Le texte intégral de son avis et de l’opinion dissidente dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Le Gouvernement invite la Cour à écarter la requête de M. Georgios Iatridis contre la Grèce. Le requérant demande à la Cour de « a) déclarer recevables et fondés en fait comme en droit les griefs afférents à la violation, par la République hellénique, de l’article 1 du Protocole n° 1 et des articles 8 et 13 de la Convention ; b) parvenir à la même conclusion en ce qui concerne l’article 6 de la Convention si elle ne constate pas de violation de l’article 13 ; c) dire que la République hellénique doit verser au requérant 497 337 000 drachmes, plus des intérêts au taux applicable aux transactions commerciales, à compter du prononcé de l’arrêt, au titre de la satisfaction équitable ; d) ordonner à la République hellénique de mettre un terme aux violations constatées, en permettant au requérant de recouvrer le cinéma Ilioupolis ».
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, M. Joseph Aquilina, est un ressortissant maltais né en 1974 et résidant à Qormi, à Malte. A l’époque pertinente, il était homme à tout faire et avait une relation avec une fille de quinze ans, qu’il épousa par la suite. A. L’arrestation, la détention, la demande de libération sous caution et le procès du requérant Le requérant fut arrêté par la police le 20 juillet 1992 et maintenu en détention aux fins d’interrogatoire pendant deux jours. Le 22 juillet 1992 vers 11 heures du matin, il fut traduit devant un juge du tribunal de police judiciaire (Court of Magistrates of Judicial Police). Un inspecteur de police lui donna lecture des charges pesant sur lui. On lui reprochait d’avoir commis des attentats à la pudeur sur la personne de sa petite amie dans un lieu public et d’avoir menacé la famille de celle-ci. Il plaida non coupable. Il affirme – ce qui n’a suscité aucun commentaire de la part du Gouvernement – que son avocat demanda sa libération inconditionnelle en invoquant son jeune âge et l’absence de la moindre raison de le maintenir en détention. Sur l’invitation du juge de police judiciaire, ledit avocat présenta ensuite une demande de libération sous caution, dans laquelle il déclarait que son client contestait l’ensemble des accusations portées contre lui et, compte tenu de son jeune âge et d’autres circonstances pertinentes, sollicitait du tribunal sa libération sous caution. Le 23 juillet 1992, le greffier faisant fonction du tribunal de police communiqua la demande à l’Attorney-General en lui précisant qu’il avait deux jours pour répondre. Le 24 juillet 1992, l’Attorney-General conclut au rejet de la demande, dont le juge de police judiciaire devant lequel le requérant avait comparu le 22 juillet résolut d’ajourner l’examen. Le 31 juillet 1992, un autre juge de police judiciaire, agissant comme juridiction d’instruction, ordonna la libération du requérant après avoir entendu le témoignage de la victime présumée (mais non celui de M. Aquilina). Le 1er mars 1993, le requérant fut reconnu coupable d’attentats à la pudeur dans un lieu public. Eu égard à l’absence de violence, au jeune âge de l’intéressé, à sa bonne conduite antérieure, au fait qu’il était fiancé à la victime et que la plupart des actes sexuels avaient eu lieu alors qu’il était âgé de moins de dix-huit ans, il fut laissé en liberté avec mise à l’épreuve. B. Le recours constitutionnel du requérant Le 23 juillet 1992, le requérant saisit la première chambre du tribunal civil d’un recours constitutionnel dans lequel il soutenait qu’il y avait eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention en ce que le juge de police judiciaire devant lequel il avait comparu le jour précédent n’avait pas le pouvoir d’ordonner sa libération à ce stade. Dès lors que les faits dont il était accusé emportaient une peine maximale de plus de trois ans d’emprisonnement, la demande de libération sous caution devait être communiquée à l’Attorney-General avant qu’une décision pût intervenir à son sujet. De surcroît, le greffier faisant fonction n’avait pas accompli cette démarche le même jour comme la loi l’exigeait, mais le lendemain. La première chambre du tribunal civil décida que le recours constitutionnel du requérant serait examiné le 30 juillet 1992. A cette date, après avoir relevé que le requérant n’avait pas été informé du jour de l’audience, elle décida de reporter l’examen de l’affaire au 6 août 1992. Elle statua finalement sur le recours le 25 novembre 1993. Se livrant à un bref contrôle de la procédure antérieure, elle nota que le 22 juillet 1992 le requérant avait introduit une demande de libération sous caution, qui avait été notifiée à l’Attorney-General le 23 juillet 1992, que ce dernier avait conclu au rejet de la demande dans les vingt-quatre heures, que le 24 juillet 1992 le juge de police judiciaire avait sursis à statuer, et que le 31 juillet 1992 le magistrat avait décidé de libérer le requérant, après avoir entendu le témoignage de la victime. Quant au fond du recours, elle estima que les dispositions de l’article 575 du code pénal, qui exigeaient une notification écrite à l’Attorney-General, étaient incompatibles avec l’article 5 § 3 de la Convention dans la mesure où elles ne commandaient pas que la demande de libération sous caution fût examinée rapidement. Elle jugea également qu’était constitutif d’une violation de l’article 5 § 3 le retard avec lequel le greffier faisant fonction avait avisé l’Attorney-General. Elle alloua 100 livres maltaises au requérant en guise de réparation. Les défendeurs à l’action – le commissaire de police, le greffier faisant fonction, l’Attorney-General et le premier ministre – interjetèrent appel devant la Cour constitutionnelle. Le 13 juin 1994, la haute juridiction infirma la décision de la première chambre du tribunal civil, estimant que ce qui s’était passé en réalité n’avait pas violé les droits fondamentaux garantis au requérant par l’article 5 § 3 de la Convention. Elle condamna en outre l’intéressé aux dépens. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Article 137 du code pénal L’article 137 du code pénal maltais est ainsi libellé : « Tout juge de police judiciaire qui, dans une affaire relevant de sa compétence, omet ou refuse d’examiner une plainte légitime contre une détention illégale, et tout officier de police judiciaire qui, à la suite d’une telle plainte déposée entre ses mains, reste en défaut de prouver qu’il en a avisé ses supérieurs dans un délai de vingt-quatre heures, encourent une condamnation à une peine d’emprisonnement de un à six mois. » Dans la décision rendue par elle le 7 janvier 1998 dans l’affaire Carmelo Sant v. Attorney-General, la Cour constitutionnelle rejeta l’argument du demandeur selon lequel l’article 137 du code pénal prévoyait seulement une peine et non un recours. D’après elle, un examen de la manière dont cet article était appliqué devait faire parvenir à la même conclusion que celle à laquelle avait abouti le président John J. Cremona, qui, dans ses écrits universitaires, avait affirmé que si le droit ordinaire de Malte ne comportait pas, à proprement parler, un recours d’habeas corpus, il y avait dans le code pénal maltais deux dispositions, à savoir les articles 137 et 353, qui, lues conjointement, pouvaient être considérées comme offrant pour la sûreté individuelle une garantie d’effet équivalent. Les parties devant la Cour européenne se sont référées aux exemples suivants d’affaires dans lesquelles l’article 137 a été invoqué. Le 13 juin 1990, la première chambre du tribunal civil ordonna que Christopher Cremona, qui s’était rendu coupable de contempt of court, fût placé en détention pendant vingt-quatre heures. L’intéressé fit appel de la décision en s’appuyant sur l’article 1003 du code d’organisation judiciaire et de procédure civile. M. Cremona ayant invoqué l’article 137 du code pénal, l’Attorney-General invita le tribunal de police à ordonner à son greffier faisant fonction et au commissaire de police de traduire l’intéressé devant le tribunal et à enjoindre à l’un ou l’autre desdits fonctionnaires de libérer le détenu sur-le-champ. D’après l’Attorney-General, le recours formé par M. Cremona ayant un effet suspensif du jugement de condamnation, le maintien en détention de l’intéressé serait entaché d’illégalité. Le tribunal de police suivit les réquisitions de l’Attorney-General. Ibrahim Hafes Ed Degwej, qui prit ultérieurement le nom de Joseph Leopold, invoqua l’article 137 du code pénal pour contester la légalité de la prolongation de sa détention, consécutive à une ordonnance d’expulsion. Il soutenait que la longue durée, par ailleurs indéfinie, de sa détention, qui avait débuté en novembre 1983, avait conféré à celle-ci un caractère illégal. Le 4 juillet 1995, le tribunal de police ordonna que l’Attorney-General fût avisé puis, celui-ci lui ayant fait connaître son avis, décida le même jour de rejeter la demande. Le 28 avril 1997, Joachim sive Jack Spagnol s’appuya sur l’article 137 du code pénal pour attaquer la légalité de sa détention, décidée dans le cadre d’une enquête au sujet de ses avoirs, qui avaient été mis sous séquestre par décision de justice. Il soutenait que cela faisait anormalement longtemps qu’il se trouvait détenu. Il affirmait en outre posséder très peu de biens. Le 28 avril 1997, le tribunal de police communiqua le dossier à l’Attorney-General et s’abstint d’examiner plus avant la demande. Le 5 octobre 1994, le tribunal de police rejeta une demande d’élargissement formée par Emanuela Brincat. Il s’exprima ainsi : « Ainsi qu’il ressort du dossier, plusieurs demandes de mise en liberté ont été introduites devant le tribunal de police et devant le tribunal correctionnel, et elles ont toujours été examinées avec célérité ; cela démontre on ne peut plus clairement le caractère superflu et incompréhensible du premier paragraphe de la présente requête, où l’article 137 du code pénal est invoqué. » (retraduit de l’anglais) Le Gouvernement soutient de surcroît que s’il apparaît au juge de police judiciaire que l’arrestation est illégale, le magistrat doit ordonner l’élargissement du détenu, cette obligation résultant de l’article 137 du code pénal. Toute personne à Malte a l’assurance que si elle est arrêtée elle ne sera pas détenue à ce titre pendant plus de quarante-huit heures, et sa comparution devant le juge de police judiciaire garantit que si elle a des observations à formuler elle pourra le faire en présence d’une personne totalement indépendante et non devant un représentant du ministère public. Pour libérer un détenu sur le fondement de l’article 137 du code pénal, le juge de police judiciaire n’a pas besoin d’entendre l’Attorney-General. Toutefois, dès lors qu’il s’agit d’une procédure contradictoire où la poursuite est assurée par la police, le juge de police judiciaire est supposé entendre celle-ci en qualité de partie, conformément au principe audi alteram partem et à celui de l’égalité des armes. Le pouvoir en cause est totalement distinct de celui d’ordonner une libération sous caution. Si le juge de police judiciaire estime l’arrestation illégale, il doit ordonner l’élargissement de la personne arrêtée, et la question de la libération sous caution ne se pose donc pas. Ce n’est que si rien ne montre que l’arrestation soit illégale que la question d’une libération sous caution peut surgir. B. Article 353 du code pénal L’article 353 du code pénal, qui, combiné avec l’article 137, est considéré par le Gouvernement comme fournissant pour la sûreté des personnes une garantie d’une efficacité équivalente à celle de l’habeas corpus (paragraphe 21 ci-dessus), définit les pouvoirs et obligations de la police en matière de poursuites pénales. Il est ainsi libellé : « 353. 1) Tout officier de police judiciaire revêtu d’un grade inférieur à celui d’inspecteur doit, lorsqu’il procède à une arrestation, aviser sans délai un officier revêtu au moins du grade d’inspecteur, lequel, s’il estime que l’arrestation se fonde sur des motifs suffisants, ordonne que la personne arrêtée soit traduite devant le tribunal de police ; à défaut, il doit la libérer. 2) Lorsqu’il est ordonné que la personne arrêtée soit traduite devant le tribunal de police, l’ordre doit être exécuté sans délai, et en tout cas dans les quarantehuit heures. » Les pouvoirs qu’un tribunal de police peut exercer au titre de cette disposition à l’égard de personnes traduites devant lui en état d’arrestation ont été discutés in extenso dans l’affaire Ellul. Le 23 décembre 1990, M. Nicolas Ellul, qui avait été arrêté au motif qu’on le soupçonnait d’avoir commis une infraction pénale passible d’une peine de plus de trois ans d’emprisonnement, fut traduit devant le tribunal de police. Il soutint qu’à ce stade l’accusation devait convaincre le juge de la légalité de l’arrestation. Le tribunal de police statua sur la requête le même jour. Il s’exprima ainsi : « La procédure qui doit être suivie par le tribunal de police agissant comme juridiction d’instruction se trouve décrite aux articles 389 à 409 du code pénal. Le paragraphe 1 de l’article 390 détermine la manière dont la procédure doit commencer devant le tribunal : celui-ci « entend l’officier de police en son rapport sous serment, interroge l’accusé hors serment et entend les témoignages à l’appui du rapport de l’officier de police ». D’après l’article 401, le délai dans lequel l’instruction doit se terminer est de un mois. Le tribunal n’est en aucune manière tenu d’entendre des témoignages à l’appui du rapport de l’officier de police. De surcroît, le fait que les agents de poursuite confirment le rapport présenté sous serment est censé convaincre le tribunal qu’il existe des soupçons plausibles justifiant que l’accusé soit présenté en état d’arrestation, compte tenu des charges portées contre lui. Le tribunal ne voit pas matière à censure dans le fait que le rapport confirmé sous serment consiste en une confirmation sous serment des charges portées ; après tout, dans ce contexte, le terme « rapport » est synonyme de « charges ». Telle est, à juste titre, la procédure qui a été suivie en l’espèce. En conséquence, le tribunal rejette comme dépourvues de fondement les demandes de l’accusé. » (retraduit de l’anglais) M. Ellul saisit la première chambre du tribunal civil d’un recours constitutionnel, dans lequel il plaidait la violation de l’article 5 § 3 de la Convention. Le 31 décembre 1990, ladite juridiction estima que le texte en question n’imposait au magistrat devant lequel une personne arrêtée comparaissait aucune obligation de rechercher si l’arrestation s’était ou non effectuée sur la base de soupçons plausibles. Elle considéra par ailleurs que ladite clause n’imposait pas au parquet l’obligation de produire, au moment de la présentation de la personne arrêtée, des preuves attestant que la police avait des soupçons plausibles à l’époque de l’arrestation. Le 8 janvier 1991, la Cour constitutionnelle confirma la décision de la première chambre du tribunal civil. Le 5 janvier 1999, Francis Xavier Borg, qui avait été arrêté quarante heures plus tôt au motif qu’on le soupçonnait d’avoir commis une infraction pénale passible d’une peine d’emprisonnement de plus de trois ans, fut traduit devant le tribunal de police. Son conseil invoqua l’article 5 § 3 de la Convention, qui, d’après lui, obligeait le tribunal à rechercher d’office si les circonstances de l’espèce justifiaient un maintien en détention. Le tribunal de police statua ainsi : « Conformément à la pratique constante du tribunal et aux dispositions du code pénal, le tribunal ne peut examiner à ce stade les circonstances ayant motivé l’arrestation ; il doit se déterminer au vu des charges portées par l’accusation. De surcroît, il ne peut examiner d’office s’il convient de libérer la personne arrêtée : une demande en ce sens doit au préalable être formée puis notifiée à l’Attorney-General ; ce n’est qu’après la réponse de ce dernier ou à l’expiration du délai dans lequel pareille réponse doit, selon la loi, intervenir, que le tribunal peut statuer sur la question d’une libération sous caution. En conséquence, les demandes de la défense échappent à la compétence du tribunal. Vu les articles 574 § 1, 575 § 2 et 582 § 1 du code pénal, le tribunal se déclare incompétent pour y donner suite et avise l’accusé que s’il souhaite voir examiner sa demande de mise en liberté, il doit se conformer à ce que prévoient les articles précités. » (retraduit de l’anglais) C. Dispositions du code pénal régissant la libération sous caution Le code pénal contient les dispositions suivantes en matière de libération sous caution : « 574. 1) Tout accusé séjournant en détention provisoire pour une infraction peut, sur demande, bénéficier d’une mise en liberté s’il donne des gages suffisants pour garantir qu’il comparaîtra à l’audience, aux lieu et heure fixés. (...) 575. (...) 2) La demande de libération sous caution est introduite par la voie d’une requête dont copie est communiquée à l’Attorney-General le même jour, lorsqu’elle émane (...) c) de personnes accusées d’une infraction passible d’une peine de plus de trois ans d’emprisonnement (...) 3) L’Attorney-General peut, dans le délai d’un jour ouvrable, conclure au rejet de la demande par la voie d’une note motivée. (...) 576. Le montant de la caution est fixé dans les limites établies par la loi, compte tenu de la situation de l’accusé, de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que de la sévérité de la peine encourue. 577. 1) La caution peut prendre la forme d’un engagement écrit d’une personne se portant garante du paiement de la somme fixée. 2) Elle peut également, lorsque le tribunal le juge bon, prendre la forme d’un simple dépôt de la somme fixée, d’une promesse équivalente, ou d’un simple engagement de l’accusé. (...) 582. 1) Le tribunal ne peut libérer l’accusé sous caution que sur demande de l’intéressé. (...) » D. Place de la Convention européenne des Droits de l’Homme en droit maltais En vertu de la loi du 19 août 1987 sur la Convention européenne, la Convention fait partie du droit de Malte. Dans son arrêt Aquilina du 13 juin 1994 (paragraphe 19 ci-dessus), la Cour constitutionnelle a déclaré que les juges maltais doivent tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme. PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION M. Aquilina a saisi la Commission le 7 juillet 1994. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, il se plaignait de ne pas avoir été traduit aussitôt devant un juge habilité à examiner la plausibilité des motifs sous-jacents à son arrestation, et à ordonner sa libération. La Commission (première chambre) a déclaré la requête (n° 25642/94) recevable le 17 janvier 1997. Dans son rapport du 4 mars 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule à l’unanimité l’avis qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRÉSENTÉES À LA COUR Dans son mémoire, le requérant invite la Cour à dire que l’Etat défendeur a violé l’article 5 § 3 de la Convention et à lui accorder, au titre de l’article 41, une indemnité pour dommage moral ainsi que le remboursement de ses frais et dépens. Le Gouvernement, pour sa part, demande à la Cour de juger qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 3.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. Le requérant Le requérant est un ressortissant turc né en 1957 et résidant à Istanbul. A l'époque des faits, il était l'actionnaire majoritaire de la société turque à responsabilité limitée Deniz Basın Yayın Sanayi ve Ticaret Organizasyon, qui possède la revue hebdomadaire Haberde Yorumda Gerçek (Nouvelles et commentaires : la vérité), publiée à Istanbul. B. Le reportage incriminé Dans le numéro du 26 avril 1992 de la revue fut publié un reportage reprenant des informations communiquées lors d'une conférence de presse donnée par une délégation – composée de deux anciens députés turcs, Leyla Zana et Orhan Doğan, de Lord Avebury et d'un membre de l'église anglicane – au cours d'une visite dans le village de Şırnak, à la suite de tensions apparues dans la région. Ce reportage comprenait un article indiquant que le gouverneur de Şırnak aurait déclaré à la délégation que le chef de la police de ce village avait donné l'ordre d'ouvrir le feu sur la population. Il reproduisait également un dialogue entre Leyla Zana, Orhan Doğan et İsmet Yediyıldız, commandant de gendarmerie. La partie pertinente de ce reportage se traduit ainsi : « Chef du régiment de gendarmerie İsmet Yediyıldız : « Votre sang n'étancherait pas ma soif (...) » Alors que la délégation britannique accompagnée de la députée de Diyarbakır, Leyla Zana, du député de Şırnak, Orhan Doğan, et du gouverneur du district de Bismil, Mehmet Kurdoğlu, avait réussi à convaincre les habitants du village de Tepe, bloqué par les forces de sécurité, après leur avoir parlé pendant un certain temps, qu'elle avait obtenu pour eux la permission de récupérer les corps de leurs morts, une conversation intéressante se déroula entre le directeur de la sûreté de Diyarbakır, Ramazan Er, et le chef du régiment de gendarmerie, İsmet Yediyıldız . Leyla Zana a rapporté en ces termes la conversation échangée entre elle-même et Orhan Doğan, d'une part, et le colonel İsmet Yediyıldız , d'autre part : Colonel Yediyıldız : Que venez-vous faire ici ? Il n'y avait personne ici avant votre arrivée. Vous êtes venus et avez provoqué une nouvelle agitation. Leyla Zana : Non. La situation était extrêmement tendue avant notre arrivée. Nous sommes venus avec le gouverneur de district et nous efforçons de calmer le jeu. Voici le gouverneur de district. Colonel Yediyıldız : Non, c'est faux. Nous avons vu, en survolant les lieux en hélicoptère, qu'il n'y avait personne ici avant. Les gens se sont rassemblés lorsque vous êtes arrivés. Orhan Doğan : Non, vous pouvez interroger le gouverneur de district, si vous voulez (pendant ce temps, le gouverneur de district, Mehmet Kurdoğlu, essuyait également des réprimandes). Colonel Yediyıldız : Vous savez qui sont ces morts ? Orhan Doğan : Oui, ce sont nos enfants, nos enfants à tous. Colonel Yediyıldız : Non, ce ne sont pas nos enfants, mais les vôtres. Orhan Doğan : Mais, mon colonel (...) Colonel Yediyıldız : Ne m'appelez pas mon colonel. Je ne suis pas votre colonel. Votre sang n'étancherait pas ma soif. Soyez honnête et reconnaissez que mon sang n'étancherait pas non plus votre soif. Je pourrais vous tuer comme un rat sur le champ. Cela nous ferait plaisir de vous voir mort, mais votre sang n'étancherait pas ma soif. Leyla Zana : Si vous pensez régler le problème en nous tuant, alors laissez-nous rejoindre notre peuple et tuez-nous. Colonel Yediyıldız : Non, je ne vous tuerai pas maintenant. Je vous tuerai après vous avoir déshonorés aux yeux de la population. » C. Les chefs d'accusation Le 29 mai 1992, le procureur près la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul (Istanbul Devlet Güvenlik Mahkemesi) accusa le requérant, en sa qualité de propriétaire de la revue, d'avoir divulgué l'identité de fonctionnaires chargés de la lutte contre le terrorisme et d'en avoir ainsi fait la cible des terroristes, au titre de l'article 6 de la loi de 1991 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi de 1991 », paragraphe 16 ci-dessous). Lors de la procédure devant la cour de sûreté de l'Etat d'Istanbul, le requérant réfuta les accusations, faisant valoir pour sa défense les arguments suivants : le reportage avait été publié afin d'informer le public des événements qui s'étaient produits lors de la fête de Newroz de 1992 et s'appuyait sur une déclaration de presse commune aux anciens députés Leyla Zana et Orhan Doğan et à une délégation britannique, formulée à l'occasion de leur visite dans le Sud-Est de la Turquie ; puisque l'article 6 de la loi de 1991 interdit formellement de divulguer l'identité des fonctionnaires nommés pour lutter contre le terrorisme, cette disposition permettrait à ces fonctionnaires d'abuser de leur autorité, de violer la loi et de soumettre les citoyens à des mauvais traitements ; la liberté de recevoir et de communiquer des informations, y compris au sujet d'actes commis par des fonctionnaires, est fondamentale dans une société démocratique ; enfin, l'article 6 de la loi de 1991 ne serait conforme ni à la Constitution turque ni à l'article 10 de la Convention. D. La condamnation du requérant Dans un arrêt du 2 septembre 1993, la cour de sûreté de l'Etat condamna le requérant à une amende de 54 millions de livres turques (« TRL ») en vertu de l'article 6 de la loi de 1991. La cour releva que, selon le reportage incriminé, le gouverneur de Şırnak aurait déclaré à la délégation en visite que l'ordre d'ouvrir le feu sur la foule émanait du chef de la police de Şırnak. Elle nota en outre qu'un commandant de gendarmerie aurait dit à Orhan Doğan, en présence de Leyla Zana « Cela nous ferait plaisir de vous voir mort, mais votre sang n'étancherait pas ma soif ». En divulguant l'identité de ces fonctionnaires, cette publication en faisait la cible d'attentats terroristes. E. Le pourvoi en cassation et la suite de la procédure Le requérant se pourvut contre cette décision en réitérant les arguments qu'il avait invoqués pour sa défense devant la cour de sûreté de l'Etat. Il fit également valoir que la déclaration en question était déjà parue dans d'autres journaux et magazines et que le reportage en cause n'y ajoutait rien. Le 10 décembre 1993, la Cour de cassation débouta le requérant, confirmant la pertinence de l'appréciation des preuves et du raisonnement émanant de la cour de sûreté de l'Etat lorsqu'elle avait rejeté la défense du requérant. II. le droit interne pertinent A. Le droit pénal La loi n° 3713 du 12 avril 1991 relative à la lutte contre le terrorisme Les dispositions pertinentes de la loi de 1991 sont libellées en ces termes : Article 6 « Est puni d’une amende de cinq à dix millions de livres turques quiconque déclare, oralement ou dans une publication, que des organisations terroristes commettront une infraction contre une personne, en divulguant ou non son (…) identité mais de manière qu’on puisse l’identifier, ou dévoile l’identité de fonctionnaires ayant participé à des missions de lutte contre le terrorisme ou, pareillement, désigne une personne comme cible. » Est puni d’une amende de cinq à dix millions de livres turques quiconque imprime ou publie des déclarations et tracts d’organisations terroristes. (…) Lorsque les faits visés aux paragraphes ci-dessus sont commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi n° 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à quatre-vingt-dix pour cent du montant des ventes moyennes du mois précédent si l’intervalle de parution du périodique est de moins d’un mois, ou des ventes précédemment réalisées par le dernier numéro du périodique si celui-ci est mensuel ou paraît moins fréquemment, ou des ventes moyennes du mois précédent du quotidien à plus fort tirage s’il s’agit d’imprimés n’ayant pas la qualité de périodique ou si le périodique vient d’être lancé. Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à cinquante millions de livres turques. Le rédacteur en chef du périodique est condamné à la moitié de la peine infligée à l’éditeur.» B. Les cours de sûreté de l'Etat L'exposé du droit interne relatif à l'organisation des cours de sûreté de l'Etat et de la procédure devant elles figure aux paragraphes 32 et 33 de l'arrêt Sürek c. Turquie (n° 1), prononcé à la même date que le présent arrêt. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Kamil Tekin Sürek a saisi la Commission le 9 mars 1994. Il se plaignait de ce que sa condamnation avait constitué une ingérence injustifiée dans son droit à la liberté d'expression telle que garantie par l'article 10 de la Convention et de n'avoir pas été entendu par un tribunal indépendant et impartial, au mépris de l'article 6 § 1 de la Convention. Il affirmait aussi que la procédure pénale dirigée contre lui n'avait pas connu une durée raisonnable, constituant ainsi un chef distinct de violation de l'article 6 § 1. La Commission a retenu la requête (n° 24122/94) le 2 septembre 1996, à l'exception du grief tiré de l'article 6 § 1 relatif à la durée de la procédure pénale. Dans son rapport du 13 janvier 1998 (ancien article 31), elle exprime l'avis qu'il n'y a pas eu violation de l'article 10 de la Convention (vingt-trois voix contre neuf) mais qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 (trente et une voix contre une). Le texte intégral de son avis et des deux opinions séparées dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Le requérant prie la Cour de conclure que l'Etat défendeur a failli aux obligations que lui imposent les articles 6 § 1 et 10 de la Convention et de lui accorder une satisfaction équitable au titre de l'article 41. De son côté, le Gouvernement invite la Cour à rejeter les griefs du requérant.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Ressortissant turc d’origine kurde né en 1950, M. Ahmet Zeki Okçuoğlu réside à Istanbul et exerce la profession d’avocat. En mai 1991, la revue « Demokrat » (Démocrate) publia, dans son numéro douze, le compte rendu d’une table ronde qu’elle avait organisée sous la direction de M. M.İ.S. et à laquelle avait notamment participé le requérant. Dans cette publication, intitulée « Le passé et le présent du problème kurde » (Kürt Sorununun Dünü ve Bugünü), les passages suivants reproduisaient des interventions de M. Okçuoğlu. « M.İ.S. – Mise à part la dimension humanitaire de la tragédie que les Kurdes vivent aujourd’hui en Iraq, le problème présente des dimensions politiques importantes, dont la principale est peut-être l’intensification, avec la crise du Golfe, des relations entretenues au plan international par les mouvements kurdes. Au point où nous en sommes aujourd’hui, une question mérite d’être posée : qu’attendions-nous des rapports établis tant avec les Etats-Unis qu’avec les Etats européens, et qu’en avons-nous vraiment retiré ? (...) Si vous le voulez bien, retournons à la question (...) de l’orchestration, en grande partie par les Etats-Unis et les pays occidentaux, de l’évolution de la situation dans la région (...). M. Okçuoğlu, pouvez-vous y répondre, en vous plaçant dans le contexte de l’Etat unitaire ? A.Z. Okçuoğlu – Votre question est mal posée. Elle implique certaines considérations idéologiques. Avant d’y répondre, il me paraît nécessaire d’expliquer ce qu’est le problème kurde. Il est celui d’une nation, forte de quelque 40 millions de personnes, qui existe dans la région depuis les temps les plus reculés de l’histoire, qui y occupe, avec les autres nations qui y vivent, une place importante sur le plan historique, mais qui, depuis le début du siècle et sous l’influence des puissances tant internationales que régionales, a été privée de tous ses droits nationaux, a vu son territoire réparti entre les Etats de la région et a été déchue de ses droits de souveraineté, pour être soumise à l’hégémonie d’autres Etats. Si nous voulons faire progresser cette question, c’est de ce point de vue que nous devons partir. Certes, cela ne signifie pas que le problème trouvera une solution radicale du jour au lendemain. Pour revenir à votre question (...) la thèse selon laquelle le problème kurde serait attisé par certains pouvoirs extérieurs, par des puissances impérialistes, ne date pas d’aujourd’hui. Depuis un siècle environ, c’est ainsi que d’aucuns posent le problème. Les raisons de fond peuvent en être résumées comme suit. En premier lieu, il y a les préoccupations des nations qui maintiennent les Kurdes sous leur domination. En effet, depuis le début, ces puissances tentent de présenter le problème en affirmant que les Kurdes ne sont pas une entité nationale, qu’ils n’ont pas de revendications propres ou qu’ils sont manipulés par certains pouvoirs extérieurs. Le but ainsi poursuivi est, d’une part, d’empêcher que les puissances internationales interviennent dans le problème, et, d’autre part, de voiler la légitimité de celui-ci et de détourner l’attention. Il y a aussi le mouvement de l’Internationale socialiste et le discours impérialiste qui prévaut au sein des cercles qui s’en réclament. Comme vous le savez, l’Union soviétique correspond à un empire classique. Le gouvernement soviétique a toujours été contre les Kurdes, pensant que si certains droits leur étaient donnés, les nations qu’il maintenait sous son pouvoir par la force formuleraient inévitablement elles aussi des revendications, et que la discussion de pareils problèmes à l’échelon international ferait perdre à ses réseaux leur inaccessibilité. C’est pour cela que depuis Lénine, les Soviétiques ont toujours été du côté des puissances ayant les Kurdes sous leur domination, et que les pouvoirs socialistes locaux gravitant dans leur orbite ont invariablement avancé des thèses semblables. Dans l’attitude négative de ces puissances socialistes envers les Kurdes, la parenté existant entre le pouvoir de souveraineté des premières et l’idéologie officielle des seconds a également joué un rôle. Cette attitude était facilitée par la thèse soviétique. En effet, l’idéologie soviétique est en soi une idéologie de la nation souveraine. En ce sens, l’idéologie de la souveraineté soviétique et l’idéologie nationale turque appliquée dans la région se sont rencontrées. Cependant, on observe que ledit discours impérialiste ne s’arrête pas là. Après les années 70, les milieux kurdes, influencés par la propagande soviétique et chinoise du socialisme, ont, consciemment ou non, repris le même discours. Et cela a entraîné le mouvement kurde dans de grandes impasses. L’allégation selon laquelle le problème kurde aurait surgi du fait de certaines provocations extérieures est mal fondée. S’il faut parler d’un protectionnisme impérialiste au Moyen-Orient, on constatera qu’il n’a nullement profité aux Kurdes, alors que, réfugiés sous le bouclier des puissances impérialistes concernées, les Turcs, les Arabes et les Perses en ont pas mal bénéficié. Si, lors de la guerre de Crimée, les Britanniques n’étaient pas intervenus au côté des Ottomans, le tsar russe aurait effacé l’Etat ottoman de l’histoire et se serait emparé de l’héritage byzantin. Contrairement à ce que certains historiens de gauche suggèrent, les impérialistes ont essayé de sauver l’"homme malade" plutôt que de le tuer. Ceci vaut également pour les Arabes. A ce jour, le seul peuple du Moyen-Orient – si l’on excepte les Palestiniens – qui ait lutté pour ses droits nationaux, c’est le peuple kurde. Ni les Turcs, ni les Arabes, ni les Perses n’ont tiré une seule balle pour leurs droits nationaux. Aucune balle n’a été tirée lorsque les Britanniques ont envahi l’Etat ottoman en 1918. La prétendue guerre d’indépendance n’était que la conséquence d’un conflit historique entre les Grecs et les Turcs. La question de savoir qui avait raison prête à controverse. La résistance contre les Français, qui avait été lancée à Antep et à Urfa, était une résistance kurde. Plus exactement, c’était une résistance turco-kurde, qui s’était développée sous la houlette des autorités locales. Il s’agissait là d’une résistance spontanée du peuple. Ni l’armée turque ni les pouvoirs politiques n’y avaient joué un rôle quelconque. Le retard mis jusqu’ici par les Kurdes pour obtenir leurs droits nationaux ne provient pas de leur dépendance par rapport aux puissances extérieures, comme certains milieux l’expliquent, mais, au contraire, de l’échec des Kurdes eux-mêmes à nouer des relations internationales, ou du fait que les puissances internationales leur ferment toutes les portes. Le problème kurde est certes le problème des Kurdes, mais sa solution intéresse aussi les puissances régionales et internationales, puisqu’elle touche de près leurs propres intérêts. On ne peut pas traiter de cette question en utilisant des notions ne réflétant guère la réalité, telles que celles d’impérialisme, d’anti-impérialisme, de socialisme ou d’anti-socialisme. On ne saurait dire : "C’est notre problème. Vous, les Etats-Unis, l’Angleterre, les Soviétiques, les Turcs, ne vous en mêlez pas ; vous les Arabes, les Perses, restez à l’écart". Nous sommes obligés de remédier à ce problème avec tous ceux dont les intérêts sont en jeu. Malgré eux ou avec eux. Il faut, là encore, le souligner : de toutes les parties impliquées dans le problème kurde, celle qui a pris le moins l’initiative, c’est la partie kurde. Alors, les Kurdes doivent être réalistes. S’agissant d’une question concernant leur existence, et à une époque où ils ne prennent qu’un minimum d’initiative, il serait aventureux d’essayer de résoudre les problèmes en niant les diverses initiatives ou en s’y opposant. En réalité, sur ce point les Kurdes doivent calculer comment et jusqu’où ils peuvent augmenter leur part d’initiative dans la solution du problème. Voilà ce que serait l’approche réaliste. (...) M.İ.S. – Je ne voudrais pas que mes paroles soient mal prises. Je n’affirme pas que la révolte kurde est un jeu de l’impérialisme. Je veux seulement dire que les pays de cette région sont incapables de résoudre par leur propre force les problèmes qui s’y posent. Dès lors, il semble que les puissances internationales y resteront présentes. Dans ces conditions, comment les Kurdes parviendront-ils à prendre davantage l’initiative ? A.Z. Okçuoğlu – Tout d’abord, les puissances internationales se penchent sur le problème kurde en étant attentives à leurs propres intérêts. Il faut le savoir et arriver à déterminer le point où nos intérêts rejoignent les leurs. Il y a au monde plusieurs nations comme les Kurdes. Bien que dans la Charte des Nations Unies, dans les traités fondamentaux, on parle du droit à l’auto-détermination des peuples, en pratique ce droit n’est pas reconnu aux Kurdes, pas davantage qu’il ne l’est à une série d’autres nations. Celles-ci n’arrivent a obtenir que certains droits humanitaires et culturels, limités aux confins du pays où elles vivent. Aucune d’elle n’a pu aller au-delà. Il n’est pas facile d’évoquer et de résoudre les problèmes des peuples emprisonnés dans le statut de minorité en excluant toute cette réalité. Il faudrait que toutes les frontières changent, ce qui est très difficile. Pour cette raison, je crois que les Kurdes commettent une erreur de raisonnement. Mais ce que j’ai dit ne doit pas être compris comme impliquant qu’ils doivent accepter jusqu’au bout leur statut actuel. S’ils veulent monter sur la scène de l’histoire, ils sont obligés d’être conscients des considérations internationales auxquelles ils donnent lieu. Par ailleurs, je n’accorde aucun crédit aux thèses selon lesquelles les Kurdes auraient été "trompés, vendus". Dernièrement, les Etats-Unis leur ont fait passer le message d’agir avec retenue ; ils ont rompu leurs relations avec Talabani et ont refusé toutes ses demandes d’armement. D’après moi, les Kurdes ont commis une erreur de raisonnement. Ils ont adopté une approche quelque peu radicale, dont les organisations du Kurdistan irakien ne sauraient être tenues pour responsables. Les Kurdes, croyant que Saddam était fini, ont tenté de s’insurger spontanément, sous la poussée de l’oppression qu’il subissaient depuis des années. Barzani et Talabani, ainsi que les autres leaders kurdes, ont été contraints d’accepter ce processus. Notre force ne suffit ni contre l’Amérique, la France, les Soviétiques, ni contre un Saddam épuisé jusqu’à ne plus pouvoir rester debout. On devrait évaluer le problème à la lumière de ces réalités. Ce qui est urgent, c’est d’assurer l’unité démocratique des Kurdes. Il faut renoncer à la notion d’hostilité. Nul n’a assez de force pour détruire l’autre, et au demeurant il n’y a pas de raison d’en arriver là. On devrait avoir des relations amicales, et non hostiles. De même, lorsque nous nouons des relations avec les puissances occidentales, il est nécessaire et même essentiel de privilégier les valeurs nationales. (...) Moi, je m’oppose à la définition du nationalisme primitif, souvent avancée ces derniers temps. En utilisant cette terminologie, on manque parfois de sérieux. Le nationalisme a deux formes connues. L’une est celle de la nation qui opprime, l’autre celle de la nation opprimée. En dehors de cela, nulle définition n’existe dans les recherches scientifiques sur le nationalisme. On ne sait guère à quoi correspond cette notion de "nationalisme primitif"; refuse-t-elle le nationalisme en sa totalité ou suggère-t-elle un nationalisme d’un autre type ? Cela n’est pas clair. Du reste, cette terminologie n’a rien de scientifique, elle n’a aucune valeur et ne fait que refléter certaines préoccupations politiques insensées. Je ne souscris pas à la thèse liant l’insuccès des Kurdes au nationalisme primitif. En fait, les raisons de cet insuccès ne tiennent pas aux Kurdes. Elles doivent être recherchées dans le statut international dont ils relèvent. Il y a au monde plusieurs nations qui se trouvent dans la même situation que les Kurdes. Aucune d’elles n’a eu, à ce jour, la chance de tracer ses propres frontières, que ce soit par la force des armes ou autrement. Comment peut-on s’attendre à ce que les Kurdes aient une chance qu’aucune nation n’a eue ? L’exemple de la Lituanie est là. Ils y avaient organisé un référendum pour l’indépendance, puis avaient déclaré leur indépendance avec une majorité écrasante. Mais quand les Etats-Unis ont donné leur feu vert, les Soviétiques sont entrés avec leurs chars. La Lituanie s’est retrouvée seule. Il faut donc parler avec du recul. C’est que depuis le début du siècle, la lutte n’a pas cessé dans le Kurdistan irakien. Le seul peuple qui mène un combat au Moyen-Orient, c’est le peuple kurde. Malgré cela, il n’a nullement amélioré sa situation. Il est certain que les Kurdes trouveront une solution à leur problème, mais il faut savoir que les circonstances qui entrent en jeu ne dépendent pas seulement des Kurdes. Maintenant, je voudrais éclaircir la notion de nationalisme dont on en parle tant. Comme vous le savez, le mouvement nationaliste a débuté en Occident avec la révolution française, pour se propager ensuite en Asie et en Afrique. La libération des colonies s’est faite grâce au nationalisme. Cependant, la question de la nationalité n’est pas close. Il existe encore des peuples privés de leurs droits nationaux. Leur libération exige qu’ils fassent preuve d’une attitude nationaliste. S’il est possible de comprendre l’approche imprécatoire contre les mouvements nationalistes de ceux qui ont à souffrir de ceux-ci, il est en revanche impossible de comprendre que ceux qui se disent aux côtés des opprimés, qui se qualifient de révolutionnaires ou de novateurs, puissent adopter la même approche. Le nationalisme de la nation opprimée ne saurait être considéré comme une usurpation des droits d’une autre nation. Au contraire, je crois qu’un internationalisme au sens contemporain est inhérent au nationalisme. Je n’approuve pas qu’on mette dans un même panier toutes sortes de nationalismes, sans comprendre la différence entre le nationalisme de la nation qui opprime et celui de la nation opprimée. Négliger cette différence, c’est servir la cause du nationalisme de la nation opprimante. Pourquoi les socialistes turcs, qui interdisent le nationalisme aux Kurdes, ne se regardent-ils pas eux-mêmes ? Ceux qui défendent le nationalisme le plus chauvin de tous les temps, à savoir le Kemalisme, prohibent le nationalisme kurde. Interdire le nationalisme à une nation opprimée revient à la condamner à l’esclavage. Mon ami S. garde constamment la même attitude. Il fait toujours de la politique réactionnaire. Les Kurdes peuvent réagir, mais structurer une politique sur la réaction ne fera pas gagner grand-chose. Dans la politique, il n’y a guère d’amis ou d’ennemis, il y a des intérêts. De plus, la politique, c’est l’art de réclamer des choses dont la réalisation est possible. Ceux qui critiquent les défenseurs de l’autonomie, ceux qui défendent l’indépendance kurde se trouvent-ils dans une situation différente de celle à laquelle est parvenue le mouvement national kurde en Iraq ? Nullement. En Turquie aussi, certains profits ont pu être tirés, mais pas du fait des politiques indépendantistes. L’optique indépendantiste accepte parfois d’auto-limiter ses revendications en disant : "Proclamez une amnistie générale, permettez-nous de nous organiser". Elle arrive à dire : "Nous ne voulons pas nous séparer". Ces politiques ne peuvent être menées avec des jeux de mots. Aujourd’hui, les Kurdes sont obligés de concevoir des politiques à moyen terme, en tenant compte de la réalité internationale.» 9. Le 10 juin 1991, le procureur général près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul no 2 (« la cour de sûreté de l’État ») accusa le requérant de faire de la propagande contre l’ « unité indivisible de l’État ». Invoquant les propos reproduits ci-dessus (paragraphe 8 ci-dessus), il requérait l’application de article 8 § 1 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme (paragraphe 17 ci-dessous) ainsi que la confiscation des exemplaires du numéro litigieux de la revue susmentionnée (paragraphe 16 ci-dessous). Devant la cour de sûreté de l’État, le requérant contesta les charges, faisant valoir, en particulier, qu’il n’avait jamais eu l’intention d’agir à des fins séparatistes. Le 11 mars 1993, la cour de sûreté de l’État, composée de trois juges, dont l’un était membre de la magistrature militaire, déclara le requérant coupable des faits reprochés et lui infligea, en application de l’article 8 § 1 de la loi no 3713, une peine d’emprisonnement d’un an et huit mois ainsi qu’une amende de 41.666.666 livres turques (« TRL »), à verser en vingt mensualités. Elle ordonna également la confiscation des publications en cause. Après s’être assurée que le texte litigieux était bien une transcription fidèle de ce qui avait été dit lors de la table ronde à laquelle le requérant avait participé, la cour de sûreté de l’Etat releva notamment que, dans ses interventions, le requérant avait affirmé qu’une partie des ressortissants turcs avaient été privés de leurs « droits nationaux » du fait de leur origine kurde et que ces ressortissants avaient vu leur territoire partagé entre les Etats de la région concernée ; aux dires du requérant, la population kurde –assujettie par ces Etats– lutterait pour acquérir ses droits nationaux. D’après la cour de sûreté de l’État, pareils propos, considérés dans leur ensemble, s’analysaient en de la propagande séparatiste, laquelle était faite au détriment de l’unité de la nation turque ainsi que l’intégrité territoriale de son État, ce qui justifiait la condamnation de M. Okçuoğlu. Par un arrêt du 24 septembre 1993, la Cour de cassation rejeta le pourvoi introduit par le requérant. Le 20 février 1995, à la demande du requérant, la cour de surêté de l’Etat décida d’imputer sur la peine d’emprisonnement infligée, la durée de la détention provisoire que l’intéressé avait subie du 28 octobre au 18 novembre 1990, dans le cadre d’une procédure pénale antérieure. En conséquence, le requérant fut admis au bénéfice de la libération conditionnelle. Le même jour, il s’acquitta de l’amende qui lui avait été infligée. 14. Le 30 octobre 1995 entra en vigueur la loi no 4126 du 27 octobre 1995, qui allégea notamment les peines d’emprisonnement mais aggrava les peines d’amende prévues par l’article 8 de la loi no 3713 (paragraphe 17 ci-dessous). Dans une disposition provisoire relative à l’article 2, la loi no 4126 prévoyait en outre la révision d’office des peines prononcées dans des jugements rendus en application de l’article 8 de la loi no 3713 (paragraphe 18 ci-dessous). Par conséquent, la cour de surêté de l’Etat réexamina au fond l’affaire du requérant. Dans son jugement du 8 mars 1996, elle ramena la peine d’emprisonnement de M. Okçuoğlu à un an, un mois et dix jours, mais porta l’amende à 111.111.110 TRL. II. Droit et pratique interneS pertinents A. Le droit pénal Le code pénal L’article 36 § 1 du code pénal se lit ainsi : Article 36 § 1 « En cas de condamnation, le tribunal saisit et confisque l’objet ayant servi à commettre ou à préparer le crime ou le délit (...) » La loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme La loi no 3713 du 12 avril 1991, relative à la répression des actes de terrorisme, a été modifiée par la loi no 4126 du 27 octobre 1995, entrée en vigueur le 30 octobre suivant (paragraphe 18 ci-dessous). Ses articles 8 et 13 se lisent ainsi : Article 8 § 1 ancien « La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie et à l’unité indivisible de la nation sont prohibées, quels que soient le procédé utilisé et le but poursuivi. Quiconque se livre à pareille activité est condamné à une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de cinquante à cent millions de livres turques. » Article 8 §§ 1 et 3 nouveau « La propagande écrite et orale, les réunions, assemblées et manifestations visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat de la République de Turquie ou à l’unité indivisible de la nation sont prohibées. Quiconque poursuit une telle activité est condamné à une peine d’un à trois ans d’emprisonnement et à une amende de cent à trois cents millions de livres turques. En cas de récidive, les peines infligées ne sont pas converties en amende. (...) Lorsque le crime de propagande visé au premier paragraphe est commis par la voie d’imprimés ou par des moyens de communication de masse autres que les périodiques visés [à l’article 3 de la loi no 5680 sur la presse (paragraphe 19 ci-dessus)], les auteurs responsables et les propriétaires des moyens de communication de masse sont condamnés à une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement ainsi qu’à une amende de cent à trois cents millions de livres turques (...). (...). » Article 13 ancien « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. » Article 13 nouveau « Les peines réprimant les infractions visées à la présente loi ne sont convertibles ni en une amende ni en une autre mesure, et ne peuvent être assorties d’un sursis à exécution. Toutefois, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux condamnations prononcées en vertu de l’article 8. » La loi no 4126 du 27 octobre 1995 portant modification de la loi no 3713 Au sujet des modifications qu’elle apporte à l’article 8 de la loi no 3713 quant au quantum des peines (paragraphe 17 ci-dessus), la loi du 27 octobre 1995 contient une « disposition provisoire relative à l’article 2 » ainsi libellée : « Dans le mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le tribunal ayant prononcé le jugement réexamine le dossier de la personne condamnée en vertu de l’article 8 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme et, conformément à la modification apportée (...) à l’article 8 de la loi no 3713, reconsidère la durée de la peine infligée à cette personne et décide s’il y a lieu de la faire bénéficier des articles 4 et 6 de la loi 647 du 13 juillet 1965. » Le code de procédure pénale Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale relatives aux moyens de cassation qu’un justiciable peut faire valoir contre les jugements rendus en première instance, se lisent ainsi : Article 307 « Le pourvoi en cassation ne peut porter que sur la non-conformité du jugement à la loi. La non-application ou l’application fautive d’une règle de droit constitue un cas de non-conformité à la loi. » Article 308 « La violation de la loi est considérée comme manifeste dans les cas ci-dessous : 1- si la juridiction n’est pas constituée conformément à la loi ; 2- si prend part à la décision un juge auquel la loi l’interdit ; (...). » B. Jurisprudence pénale soumise par le Gouvernement Le Gouvernement a produit des copies de plusieurs ordonnances de non-lieu, rendues par le procureur général près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul à l’encontre de personnes soupçonnées d’incitation du peuple à la haine et à l’hostilité – notamment sur la base d’une distinction fondée sur la religion – (article 312 du code pénal) ou de propagande séparatiste contre l’unité indivisible de l’État (article 8 de la loi no 3713 – paragraphe 17 ci-dessus). S’agissant des affaires où ces infractions ont été commises par la voie de publications, dans la majorité des cas en cause, le parquet s’est fondé notamment sur la prescription de l’action publique, l’absence certains éléments constitutifs de l’infraction considérée ou de preuves suffisantes. En outre, le Gouvernement a communiqué, à titre d’exemples, plusieurs arrêts rendus par des cours de sûreté de l’État quant aux infractions susmentionnées et concluant à la non-culpabilité des prévenus. Il s’agit des arrêts des 19 novembre (no 1996/428) et 27 décembre 1996 (no 1996/519) ; 6 mars (no 1997/33), 3 juin (no 1997/102), 17 octobre (no 1997/527), 24 octobre (no 1997/541) et 23 décembre 1997 (no 1997/606) ; 21 janvier (no 1998/8), 3 février (no 1998/14), 19 mars (no 1998/56), 21 avril 1998 (no 1998/ 87) et 17 juin 1998 (no 1998/133). Pour ce qui est plus particulièrement des procès entamés contre des auteurs d’ouvrages ayant trait au problème kurde, dans les cas en cause, les cours de sûreté de l’État ont notamment motivé leurs arrêts par l’absence de l’élément de “propagande”, constitutif de l’infraction, ou par le caractère objectif des propos tenus en l’occurrence. C. Les cours de sûreté de l’État Les cours de sûreté de l’Etat ont été instaurées par la loi no 1773 du 11 juillet 1973, conformément à l’article 136 de la Constitution du 1961. Cette loi fut annulée par la Cour constitutionnelle le 15 juin 1976. Par la suite, ces juridictions furent réintroduites dans l’organisation judiciaire turque par la Constitution de 1982. L’exposé des motifs afférent à ce rétablissement contient le passage suivant : « Il peut y avoir des actes touchant à l’existence et la pérennité d’un Etat tels que, lorsqu’ils sont commis, une compétence spéciale s’impose pour trancher promptement et dans les meilleures conditions. Pour ces cas-là, il s’avère nécessaire de prévoir des cours de sûreté de l’Etat. Selon un principe inhérent à notre Constitution, il est interdit de créer un tribunal spécial pour connaître d’un acte donné, postérieurement à sa perpétration. Aussi les cours de sûreté de l’Etat ont-elles été prévues par notre Constitution pour connaître des poursuites relatives aux infractions susmentionnées. Comme les dispositions particulières régissant leurs attributions se trouvent fixées au préalable et que les juridictions en question sont créées avant tout acte (...), elles ne sauraient être qualifiées de tribunaux instaurés pour connaître de tel ou tel acte postérieurement à sa commission. » La composition et le fonctionnement de ces juridictions obéissent aux règles ci-dessous. La Constitution Les dispositions constitutionnelles régissant l’organisation judiciaire sont ainsi libellées : Article 138 §§ 1 et 2 « Dans l’exercice de leurs fonctions, les juges sont indépendants ; ils statuent selon leur intime conviction, conformément à la Constitution, à la loi et au droit. Nul organe, nulle autorité (...) nulle personne ne peut donner des ordres ou des instructions aux tribunaux et aux juges dans l’exercice de leur pouvoir juridictionnel, ni leur adresser des circulaires, ni leur faire des recommandations ou suggestions. » Article 139 § 1 « Les juges (...) sont inamovibles et ne peuvent être mis à la retraite avant l’âge prévu par la Constitution, à moins qu’ils n’y consentent (...) » Article 143 §§ 1-5 « Il est institué des cours de sûreté de l’Etat chargées de connaître des infractions commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’intégrité territoriale de l’Etat ou l’unité indivisible de la nation et contre l’ordre libre et démocratique, ainsi que des infractions touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat. Les cours de sûreté de l’Etat se composent d’un président, de deux membres titulaires, de deux membres suppléants, d’un procureur et d’un nombre suffisant de substituts. Le président, un membre titulaire, un membre suppléant et le procureur sont choisis, selon des procédures définies par des lois spéciales, parmi les juges et les procureurs de la République de premier rang, un titulaire et un suppléant parmi les juges militaires de premier rang, et les substituts parmi les procureurs de la République et les juges militaires. Les présidents et les membres titulaires et suppléants (...) des cours de sûreté de l’Etat sont nommés pour une durée de quatre ans renouvelable. La Cour de cassation connaît des appels formés contre les arrêts rendus par les cours de sûreté de l’Etat. (...) » Article 145 § 4 « Le contentieux militaire (...) le statut personnel des juges militaires (...) est fixé par la loi dans le respect de l’indépendance des tribunaux, des garanties dont les juges jouissent et des impératifs du service militaire. La loi détermine en outre les rapports des juges militaires avec le commandement dont ils relèvent dans l’exercice de leurs tâches autres que judiciaires (...) » 2. La loi no 2845 instituant des cours de sûreté de l’Etat et portant réglementation de la procédure devant elles Fondées sur l’article 143 de la Constitution, à l’application duquel elles se rapportent, les dispositions pertinentes de la loi no 2845 se lisent ainsi : Article 1 « Dans les chefs-lieux des provinces de (...) sont instituées des cours de sûreté de l’Etat chargées de connaître des infractions commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’intégrité territoriale de l’Etat ou l’unité indivisible de la nation et contre l’ordre libre et démocratique, ainsi que des infractions touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat.» Article 3 « Les cours de sûreté de l’Etat se composent d’un président et de deux membres titulaires, ainsi que de deux membres suppléants. » Article 5 « Le président de la cour de sûreté de l’Etat ainsi que l’un des [deux] titulaires et l’un des [deux] suppléants (...) sont choisis parmi les juges (...) civils, les autres membres titulaires et suppléants parmi les juges militaires de premier rang (...) » Article 6 §§ 2, 3 et 6 « La nomination des membres titulaires et suppléants choisis parmi les juges militaires se fait selon la procédure prévue par la loi sur les magistrats militaires. Sous réserve des exceptions prévues dans la présente loi ou dans d’autres, le président et les membres titulaires et suppléants des cours de sûreté de l’Etat (...) ne peuvent être affectés sans leur consentement à un autre poste ou lieu avant quatre ans (...). (...) Si à l’issue d’une instruction menée, selon les lois les concernant, à l’encontre d’un président, d’un membre titulaire ou d’un membre suppléant d’une cour de sûreté de l’Etat, des comités ou autorités compétents décident qu’il y a lieu de changer le lieu d’exercice des fonctions de l’intéressé, ce lieu ou les fonctions elles-mêmes (...) peuvent être modifiés conformément à la procédure prévue dans lesdites lois. » Article 9 § 1 « Les cours de sûreté de l’Etat sont compétentes pour connaître des infractions (...) d) en rapport avec les événements ayant nécessité la proclamation de l’état d’urgence, dans les régions où l’état d’urgence a été décrété en vertu de l’article 120 de la Constitution, e) commises contre la République – dont les caractéristiques sont énoncées dans la Constitution –, contre l’unité indivisible de l’Etat – du territoire comme de la nation – et contre l’ordre libre et démocratique, ou touchant directement à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat. (...)» Article 27 § 1 « La Cour de cassation connaît des appels formés contre les arrêts rendus par les cours de sûreté de l’Etat. » Article 34 §§ 1 et 2 « Le régime statutaire et le contrôle des (...) juges militaires appelés à siéger aux cours de sûreté de l’Etat (...), l’ouverture d’ instructions disciplinaires et le prononcé de sanctions disciplinaires à leur encontre, ainsi que les enquêtes et poursuites relatives aux infractions concernant leurs fonctions (...) relèvent des dispositions pertinentes des lois régissant leur profession (...). Les observations de la Cour de cassation, les rapports de notation établis par les commissaires de justice (...) et les dossiers des enquêtes menées au sujet des juges militaires (...) sont transmis au ministère de la Justice. » Article 38 « En cas de proclamation d’un état de siège couvrant tout ou partie de son ressort et à condition qu’elle ne soit pas la seule dans celui-ci, une cour de sûreté de l’Etat pourra, dans les conditions ci-dessous, être transformée en cour martiale de l’état de siège (...) » La loi no 357 sur les magistrats militaires Les dispositions pertinentes de la loi sur la magistrature militaire se lisent comme suit: Article 7 additionnel « Les aptitudes des officiers juges militaires nommés aux postes (...) de juges titulaires et suppléants des cours de sûreté de l’Etat requises pour l’obtention de promotions et d’avancements en échelon, grade ou ancienneté sont déterminées sur la base de certificats de notation établis selon la procédure ci-dessous, sous réserve des dispositions de la présente loi et de la loi no 926 sur le personnel des forces armées turques : a) Le premier supérieur hiérarchique compétent pour effectuer la notation et établir les certificats de notation pour les officiers militaires juges titulaires et suppléants (...) est le secrétaire d’Etat à la Défense ; vient ensuite le ministre de la Défense. (...) » Article 8 additionnel « Les membres (...) des cours de sûreté de l’Etat appartenant à la magistrature militaire (...) sont désignés par un comité composé du directeur du personnel et du conseiller juridique de l’état-major, du directeur du personnel et du conseiller juridique du commandement des forces dont relève l’intéressé, ainsi que du directeur des Affaires judiciaires militaires au ministère de la Défense (...) » Article 16 §§ 1 et 3 « La nomination des juges militaires (...), effectuée par décret commun du ministre de la Défense et du Premier ministre, est soumise au président de la République pour approbation, conformément aux dispositions relatives à la nomination et à la mutation des membres des forces armées (...). (...) Pour les nominations aux postes de juges militaires (...), il sera procédé en tenant compte de l’avis de la Cour de cassation, des rapports des commissaires et des certificats de notation établis par les supérieurs hiérarchiques (...) » Article 18 § 1 « Le barème des salaires, les augmentations de salaire et les divers droits personnels des juges militaires (...) relèvent de la réglementation concernant les officiers. » Article 29 « Le ministre de la Défense peut infliger aux officiers juges militaires, après les avoir entendus, les sanctions disciplinaires suivantes : A. L’avertissement, qui consiste à notifier par écrit à l’intéressé qu’il doit être plus attentif dans l’exercice de ses fonctions. (...) B. Le blâme, qui consiste à notifier par écrit le fait que tel acte ou telle attitude sont considérés comme fautifs. (...) Lesdites sanctions seront définitives et mentionnées dans le certificat de notation de l’intéressé puis inscrites dans son dossier personnel (...) » Article 38 « Lorsqu’ils siègent en audience, les juges militaires (...) portent la tenue spéciale de leurs homologues de la magistrature civile (...) » Le code pénal militaire L’article 112 du code pénal militaire du 22 mai 1930 dispose : « Est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement quiconque influence les tribunaux militaires en abusant de son autorité de fonctionnaire. » La loi no 1602 du 4 juillet 1972 sur la Haute Cour administrative militaire Aux termes de l’article 22 de la loi no 1602, la première chambre de la Haute Cour administrative militaire est compétente pour connaître des demandes en annulation et en dédommagement fondées sur des contestations relatives au statut personnel des officiers, notamment celles concernant leur avancement professionnel. procédure devant la commission M. Okçuoğlu avait saisi la Commission le 15 mars 1994. Il affirmait n’avoir pas bénéficié d’un procès équitable devant la cour de sûreté de l’État puisque celle-ci ne pouvait passer pour un tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Il alléguait en outre que sa condamnation du fait de ses interventions lors de la table ronde en cause constituait une violation des articles 9 et 10, pris isolément ou combinés avec l’article 14. La Commission a retenu la requête (no 24246/94) le 14 octobre 1996. Dans son rapport du 11 décembre 1997 (article 31 ancien de la Convention), elle conclut, par trente et une voix contre une, à la violation de de l’article 6 § 1 ainsi que de l’article 10, examiné conjointement à l’article 9, et estime qu’aucune question distincte ne se pose sur le terrain de l’article 14. Le texte intégral de son avis et des opinions partiellement dissidentes dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. conclusions présentées à la cour Dans son mémoire, le Gouvernement a invité la Cour à dire pour droit que la condamnation du requérant ne révèle aucune violation des articles 9, 10 et 14 de la Convention, ni de l’article 6 § 1, étant donné que « (...) le juge militaire n’a pas agi d’une manière partiale dans cette affaire, et que d’ailleurs le requérant n’a pas soulevé un tel grief devant les instances nationales. » Dans sa lettre tenant lieu de mémoire, M. Okçuoğlu déclare maintenir les termes de sa requête et de ses observations devant la Commission, tels que reproduits dans le rapport que celle-ci a présenté le 11 décembre 1997 (paragraphe 29 ci-dessus). Il réclame en outre une satisfaction équitable au titre de l’article 41 de la Convention.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. Le requérant Le requérant est un citoyen cypriote né en 1936. Il est fonctionnaire à la retraite. Le 1er mai 1967, il prit en location une maison appartenant à l’Etat cypriote, dans laquelle il vit depuis lors avec sa femme et ses quatre enfants. Le bail présentait de nombreuses caractéristiques des conventions locatives ordinaires : il comportait des clauses relatives au paiement d’un loyer, à l’utilisation et à l’entretien du bien loué, une obligation de préavis en cas de résiliation et une date d’expiration. Il y était stipulé que le contrat prendrait fin en cas de mutation du requérant dans un district autre que celui dans lequel le bien était situé. B. L’ordre d’évacuation Le 3 décembre 1986, le ministre des Finances informa le requérant que l’autorisation en vertu de laquelle il occupait les lieux avait été révoquée et qu’il lui fallait restituer le bien pour le 30 avril 1987. L’intéressé ne s’étant pas exécuté, l’Attorney-General l’avisa, le 3 juin 1987, que s’il n’évacuait pas la maison avant le 31 juillet 1987, des poursuites seraient entamées contre lui. Le 3 juillet 1987, le requérant répondit que cela faisait vingt ans qu’il habitait la maison avec sa famille. Il avait été obligé de dépenser des sommes d’argent importantes pour l’entretenir et l’améliorer, les autorités publiques compétentes s’étant tout à fait désintéressées de la chose. Estimant être un « locataire protégé par la loi », au sens de la loi de 1983 sur le contrôle des loyers (loi n° 23/1983 ; paragraphes 14 et 15 ci-dessous), il affirmait qu’il continuerait d’occuper les lieux aussi longtemps que la loi le protégerait. Le 9 mars 1989, répondant à une seconde lettre de l’Attorney-General, en date du 5 janvier 1989, le requérant réitéra sa position antérieure. C. La procédure d’éviction Le 3 février 1990, le gouvernement de Chypre entama, devant le tribunal de district de Nicosie, une procédure tendant à l’éviction du requérant. Il soutenait notamment que le requérant n’occupait pas la maison en vertu d’un bail, au sens de la loi de 1983 sur le contrôle des loyers, mais que l’immeuble lui avait été attribué par la voie d’une ordonnance administrative, à raison du poste qu’il occupait dans la fonction publique. Le 5 février 1992, le tribunal de district de Nicosie rendit une décision défavorable au requérant. Il ne se prononça pas sur la question du titre en vertu duquel le requérant occupait la maison. Il interpréta la loi de 1983 sur le contrôle des loyers comme obligeant uniquement les propriétaires privés et non l’Etat cypriote, ce qui impliquait qu’une personne locataire d’un bien appartenant à l’Etat n’était pas un locataire protégé par ladite loi. Le requérant se vit enjoindre de vider les lieux avant le 30 juin 1992. D. Les arguments formulés par le requérant en appel Le requérant interjeta appel du jugement devant la Cour suprême en invoquant l’article 14 de la Convention et l’article 1 du Protocole n° 1. A l’audience devant la haute juridiction, il développa essentiellement l’argument suivant : ses droits de locataire étaient des « biens » au sens de l’article 1 du Protocole n° 1, et il faisait l’objet d’une discrimination dans la jouissance de ses droits puisque la loi de 1983 sur le contrôle des loyers, telle qu’interprétée par le tribunal de district de Nicosie, n’accordait aucune protection aux locataires de biens appartenant à l’Etat, alors qu’elle protégeait l’Etat lorsqu’il prenait en location des biens appartenant à des particuliers. Le requérant affirmait par ailleurs être victime d’une discrimination supplémentaire dans la mesure où la loi en cause lui conférait une protection moindre que celle dont jouissaient les locataires de biens appartenant à des particuliers. E. Le rejet du recours du requérant Le 22 mai 1995, la Cour suprême rejeta le recours du requérant, estimant qu’en sa qualité de locataire il ne pouvait se dire propriétaire d’un bien au sens de l’article 1 du Protocole n° 1. Elle considéra également qu’en tout état de cause la notion d’égalité n’exigeait pas qu’une personne bénéficiant de la protection de la loi de 1983 sur le contrôle des loyers en sa qualité de locataire accordât automatiquement la même protection à ses locataires si elle donnait elle-même des biens en location. Enfin, elle jugea, dans un obiter dictum, que même si l’affaire concernait une différence de traitement opérée par la loi entre les biens donnés en location par des propriétaires privés et les biens donnés en location par l’Etat, il n’y aurait pas violation de la Constitution ni de la Convention, au motif qu’« il serait raisonnable de considérer qu’il n’est pas nécessaire d’accorder [au locataire] une protection vis-à-vis de l’Etat, qui n’est pas dans la même situation que les propriétaires privés et dont on ne peut attendre que les biens soient gérés suivant des critères analogues à ceux qui guident les propriétaires privés ». A la suite de cette décision, le requérant fut menacé d’une expulsion imminente. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT A. La loi de 1983 sur le contrôle des loyers (loi n° 23/1983) D’après son article 3 § 1, la loi de 1983 sur le contrôle des loyers s’applique seulement aux locaux d’habitation et aux locaux commerciaux situés dans les secteurs dits « réglementés ». L’article 2 de la loi entend par secteur réglementé tout secteur ayant été déclaré tel en vertu de l’ancienne législation sur le contrôle des loyers ainsi que tout autre secteur déclaré tel par ordonnance du Conseil des ministres. L’article 3 § 1, qui n’a pas été touché par les amendements apportés ultérieurement à la loi, définit les conditions dans lesquelles pareille ordonnance peut être édictée. Il est ainsi libellé : « Lorsque le Conseil des ministres le juge nécessaire ou utile pour assurer la disponibilité à des loyers raisonnables de locaux d’habitation et de locaux commerciaux, ainsi que la sécurité de leur possession, ou lorsque l’intérêt public l’exige autrement, le Conseil des ministres peut, par ordonnance publiée au Journal officiel de la République, déclarer secteur réglementé tout secteur de Chypre. Pareille déclaration emporte application des dispositions de la présente loi à tous les locaux d’habitation et à tous les locaux commerciaux situés dans le secteur en question. » « Οσάκις το Υπουργικόν Συμβούλιον κρίνη ότι είναι αναγκαίον ή σκόπιμον προς τον σκοπόν της εξασφαλίσεως της διαθεσιμότητος των κατοικιών ή καταστημάτων αντί λογικών ενοικίων και της ασφαλείας της κατοχής τούτων, ή οσάκις το δημόσιον συμφέρον ούτως άλλως απαιτή, το Υπουργικόν Συμβούλιον δύναται δια διατάγματος δημοσιευομένου εις την επίσημον εφημερίδα της Δημοκρατίας να κηρύξη οιανδήποτε περιοχήν εν Κύπρω ως ελεγχομένην περιοχήν, τούτου δε γενομένου θα ισχύουν αι διατάξεις του παρόντος Νόμου δι’ οιασδήποτε κατοικίας ή καταστήματα ενός της τοιαύτης περιοχής. » D’après l’article 11, les locataires de logements situés dans un « secteur réglementé » qui, à l’expiration du premier terme de leur bail ou après résiliation de celui-ci, se maintiennent dans les lieux (« locataires protégés par la loi ») ne peuvent être évincés, sauf dans certaines circonstances définies par la loi sur le contrôle des loyers. Parmi celles-ci figurent le non-paiement du loyer, un usage non autorisé du bien, ainsi que les situations où il peut être établi, sur la base de critères raisonnables, que le bien doit être restitué au propriétaire aux fins d’occupation par lui ou par son épouse, ses enfants ou d’autres personnes à charge. B. Dispositions constitutionnelles En vertu de l’article 54 e) de la Constitution, il incombe au Conseil des ministres de contrôler les biens appartenant à la République de Chypre ainsi que leur affectation. Cette mission doit s’exercer en conformité avec les dispositions de la Constitution et de la loi. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Larkos a saisi la Commission le 21 novembre 1995. Invoquant l’article 8 de la Convention et l’article 1 du Protocole n° 1 combinés avec l’article 14 de la Convention, il se plaignait de ce qu’en sa qualité de locataire d’un bien appartenant à l’Etat il ne jouissait pas de la protection que la loi de 1983 sur le contrôle des loyers offrait aux locataires de biens appartenant à des propriétaires privés. La Commission (première chambre) a déclaré la requête (n° 29515/95) recevable le 21 mai 1997. Dans son rapport du 14 janvier 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule l’avis unanime qu’il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8 et qu’il ne s’impose pas de rechercher s’il y a eu violation de l’article 14 combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR Dans son mémoire, le requérant prie la Cour de dire que l’Etat défendeur a manqué aux exigences de l’article 14 de la Convention, combiné avec l’article 8 de la Convention et avec l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention, et de lui accorder une satisfaction équitable au titre de l’article 41 de la Convention. Le Gouvernement, pour sa part, maintient que les faits de la cause ne révèlent aucune violation des articles invoqués par le requérant.
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Ressortissant néerlandais et marocain, M. Selmouni est né en 1942 et se trouve actuellement détenu à Montmédy (France). A. L’origine et le dépôt de la plainte Le 20 novembre 1991, la police interpella Géray Tarek, Dominique Keledjian et la compagne de celui-ci, dans le cadre d’une enquête relative à un trafic de stupéfiants, sur commission rogatoire de M. de Larosière, juge d’instruction près le tribunal de grande instance de Bobigny. Dominique Keledjian s’expliqua spontanément et indiqua avoir acheté son héroïne à Amsterdam, à un certain « Gaby », qui l’avait aidé à dissimuler la drogue pour la passer en France au cours de plusieurs voyages. Il donna un numéro de téléphone à Amsterdam qui permit d’identifier le requérant. . Le 25 novembre 1991, M. Selmouni fut arrêté à la suite d’une surveillance d’un hôtel situé à Paris. Reconnu par Dominique Keledjian et sa compagne, M. Selmouni expliqua avoir été en liaison d’affaires avec Dominique Keledjian pour le commerce de vêtements. Il nia toute participation à un trafic de stupéfiants. M. Selmouni fut placé en garde à vue du 25 novembre 1991, à 20 h 30, au 28 novembre 1991 à 19 heures. Il fut interrogé par les fonctionnaires du service départemental de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis (« SDPJ 93 »), à Bobigny. M. Selmouni fut entendu une première fois par les policiers mis en cause le 26 novembre 1991 de minuit quarante à 1 h 30. A l’issue de cet interrogatoire, alors qu’il avait été reconduit au « dépôt », M. Selmouni fut pris de vertige. Les policiers du dépôt le conduisirent au service des urgences de l’hôpital Jean Verdier de Bondy à 3 h 15. Les observations médicales mentionnées par le service des urgences se lisent comme suit : « Date de l’examen : 26 novembre 1991. 3 heures 15. Vient aux urgences pour coups et blessures. A l’examen, plusieurs contusions et blessures superficielles au niveau des deux bras. Contusions face externe gauche du visage. Contusion au niveau de l’hypocondre gauche. Traces d’ecchymoses au niveau du crâne. Douleurs thoraciques augmentées à la respiration profonde. Examen neurologique sans particularité. » Le 26 novembre 1991, la garde à vue fut prolongée de quarante-huit heures par le juge d’instruction. M. Selmouni fut entendu de 16 h 40 à 17 h 10, à 19 heures, de 20 heures à 20 h 15 et de 22 h 25 à 23 h 30. Le même jour, M. Selmouni sera examiné par le docteur Aoustin, qui formulera les observations suivantes : « ecchymoses palpébrales gauches, du bras gauche, dorsaux lombaires. Douleurs du cuir chevelu ». Le 27 novembre 1991, M. Selmouni fut entendu de 11 heures à 11 h 40. A nouveau examiné par le docteur Aoustin, ce dernier fera les remarques suivantes : « ecchymoses palpébrales gauches, bras gauche, dorsaux lombaires : importants. Contusions cuir chevelu. Ne s’est pas alimenté hier (...) Doléances transmises ». Après avoir été entendu de 9 h 30 à 10 h 15 le 28 novembre 1991, M. Selmouni fut à nouveau examiné par le docteur Aoustin, lequel constata dans son certificat médical : « ecchymoses palpébrales gauches, du bras gauche, dorsaux lombaires. Contusions cuir chevelu. Pas de traitement en cours ». Le 29 novembre 1991, à 11 h 30, le docteur Edery, médecin généraliste, examina le requérant. Il rédigea un certificat, à la demande de M. Selmouni, précisant que celui-ci disait avoir été victime de coups et blessures, dans les termes suivants : « Céphalées, hématomes sous-orbitaires droit et gauche, bras gauche et droit, dos, thorax, cuisses droite et gauche et genou gauche. Toutes les régions sont endolories ». Le même jour, le requérant fut présenté au juge d’instruction. Ce dernier inculpa M. Selmouni d’infractions à la législation sur les stupéfiants et le mit en détention provisoire. Lors de cette première comparution devant lui, le juge d’instruction prit l’initiative de désigner le docteur Garnier, médecin légiste, expert près la cour d’appel de Paris, afin de procéder à un examen de l’état de santé de M. Selmouni « qui prétend[ait] avoir été victime de sévices en garde à vue », ainsi que d’une autre personne arrêtée le 26 novembre 1991 et mise en examen pour les mêmes faits, M. Abdelmajid Madi. Le 2 décembre 1991, le requérant fut examiné par le docteur Nicot, du service médical de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Dans le certificat médical, établi à la demande de M. Selmouni, le médecin dressa le constat suivant : « (...) de nombreux hématomes sur le tronc, les cuisses et hématome en lunettes important. Il présente des hématomes conjonctivaux. Dit voir moins bien au niveau de l’œil gauche ». Le 7 décembre 1991, le docteur Garnier, expert désigné par le juge d’instruction, examina le requérant à la maison d’arrêt. M. Selmouni fit les déclarations suivantes au médecin : « J’ai été interpellé dans la rue le 25 novembre 1991 vers 9 heures. Il ne s’est pas posé de problèmes à ce moment-là. J’ai été conduit à l’hôtel où je vivais. Une des six personnes en civil m’a alors donné un coup au niveau de la région temporale gauche. J’ai ensuite été conduit au commissariat de Bobigny. Vers 10 heures, j’ai été amené au premier étage et j’ai commencé à être frappé par environ huit personnes. J’ai dû me mettre à genoux. Un inspecteur me tirait par les cheveux pour me relever. Un deuxième avait un instrument pouvant correspondre à une batte de « base-ball » dont il me frappait régulièrement sur la tête. Un autre me frappait à coups de pied et de poing dans le dos. L’interrogatoire a duré pendant environ une heure sans arrêt. Dans la nuit, j’ai demandé à être examiné. On m’a conduit dans un hôpital où des radiographies de la tête et du thorax ont été réalisées. J’ai de nouveau été frappé vers 21 heures le lendemain au cours d’un nouvel interrogatoire et ce jusqu’à 2 heures. Lors de mon arrivée à Fleury, j’ai subi un examen médical. » Le médecin constata dans son rapport : « – un hématome sous-orbitaire gauche s’étendant à 2 cm au-dessous de la paupière inférieure, violacé, en voie de résolution complète, – une cicatrice d’environ 1 cm, fine, linéaire dans le prolongement du sourcil gauche, – un hématome sous-orbitaire droit en voie de résolution complète, – des excoriations cutanées multiples dont six importantes, en voie de cicatrisation complète, au niveau du membre supérieur gauche, – deux excoriations cutanées linéaires de 5 cm pouvant correspondre à des griffures, au niveau du membre supérieur droit, – une lésion cutanée de 0,5 cm sur la face dorsale de la main droite, – un hématome sur la partie postérieure du thorax, au niveau de la région sous-épineuse droite, – un hématome au niveau de la région du flanc droit, – un important hématome de 10 cm sur 5 cm au niveau de la partie latérale gauche du thorax, – trois hématomes au niveau du flanc gauche, – un important hématome sur la face antérieure du thorax, violacé, de 5 cm sur 3 cm, situé au niveau de la région épigastrique, – un hématome au niveau de la région préhépatique droite, – un hématome au niveau du gril costal gauche à 5 cm en dessous du mamelon, – un hématome de 5 cm sur 3 cm au niveau de la partie latérale gauche sur la ligne axillaire, – un hématome au niveau de la région sous-claviculaire droite, – un hématome au niveau de la fesse droite, – un hématome de 10 cm sur 5 cm au niveau de la fesse gauche, – un hématome linéaire de 5 cm sur 1 cm au niveau de la partie antéro-externe de la cuisse gauche, – une excoriation cutanée correspondant à une plaie en voie de cicatrisation sur la face antérieure de la cheville droite, – une tuméfaction de la face dorsale du pied droit avec excoriation cutanée sur la face dorsale du pied, – cinq plaies superficielles en voie de cicatrisation sur la face antéro-inférieure de la jambe droite, – des excoriations cutanées et une tuméfaction ecchymotique au niveau de la face dorsale des deux premiers métacarpiens gauches. Le patient signale qu’à son arrivée à Fleury, on lui a donné un traitement de pommade dermique et d’antalgique. Il n’y a pas de lésion au niveau du cuir chevelu et au niveau du globe oculaire gauche. (...) » La conclusion du rapport est ainsi rédigée : « CONCLUSION Monsieur Selmouni déclare avoir été victime de sévices au cours de sa garde à vue. Il présente sur le revêtement cutané des lésions d’origine traumatique dont le délai est compatible avec la période de garde à vue. Ces lésions ont une évolution favorable. » Ce rapport fut joint au dossier de l’instruction suivie contre le requérant. Le 11 décembre 1991, le juge d’instruction le transmit au parquet. Par ordonnance du 8 septembre 1992, le juge d’instruction renvoya le requérant devant le tribunal correctionnel et décida de son maintien en détention. Le 17 février 1992, le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny saisit l’inspection générale de la police nationale pour procéder aux interrogatoires des policiers concernés. Interrogé par un officier de police judiciaire, fonctionnaire de l’inspection générale de la police nationale, le 1er décembre 1992, à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, le requérant confirma les faits dans les termes suivants : « (...) Le 25 novembre 1991, vers 20 heures 30, je fus interpellé à proximité de mon hôtel, le Terminus Nord, près de la gare du Nord à Paris, par deux ou trois policiers en civil. Ils m’ont poussé contre un mur, tout en appuyant sur ma nuque le canon de deux armes. Je n’ai offert aucune résistance lors de mon arrestation et je ne me suis pas débattu. Vous me rappelez que lors de mon audition le 27 novembre 1992, j’ai reconnu avoir voulu prendre la fuite lors de mon arrestation, je conteste cela. Tout d’abord, je maintiens ne pas avoir fait une telle déclaration à l’inspecteur qui m’interrogeait, et de plus j’ai signé les procès-verbaux sans en prendre connaissance. Le policier m’avait précisé à la fin de ma garde à vue qu’il m’avait fait signer que j’avais résisté lors de mon interpellation et qu’ils étaient couverts. Lors de mon interpellation, j’étais seul, et immédiatement après je fus conduit dans ma chambre d’hôtel où j’ai assisté à la perquisition, où se trouvaient déjà deux autres policiers. Durant cette opération, un inspecteur, le plus jeune du groupe, m’a porté un coup de poing sur la tempe gauche. Ensuite je fus conduit dans les locaux de la brigade des stupéfiants à Bobigny, et je fus amené dans un bureau situé au premier ou deuxième étage. Après avoir été soumis à une fouille, où tout ce que j’avais en ma possession a été retiré, mon interrogatoire mené par cinq inspecteurs a commencé. L’un d’eux qui paraissait être le chef m’a fait m’agenouiller sur le sol, puis il a commencé à me tirer les cheveux, tandis qu’un autre à l’aide d’un bâton ressemblant à une batte de base-ball me portait des coups dans les côtes. Puis, il me portait des petits coups de batte sur le crâne et cela d’une façon constante. Les trois autres inspecteurs avaient également un rôle actif car eux aussi me frappaient avec les poings, certains me montaient sur les pieds, les écrasaient. Je crois me souvenir être arrivé à la police de Bobigny vers 22 heures, et ce traitement a duré jusqu’à 1 heure du matin. A la fin de ce premier interrogatoire, je fus confié à des policiers en uniforme se trouvant au rez-de-chaussée de l’immeuble dans lequel j’étais détenu. Comme je souffrais des côtes et de la tête à la suite des coups reçus, j’ai avisé ces policiers et je fus conduit au cours de la nuit dans un hôpital de la région sans pouvoir préciser lequel. Là j’ai subi divers examens, dont des radiographies et ensuite je fus ramené dans un commissariat, mais il ne s’agissait pas de l’endroit où j’avais été conduit en premier. Les policiers en uniforme m’ont correctement traité. Le lendemain matin et avant mon deuxième interrogatoire, je fus examiné dans les locaux de la brigade des stupéfiants par un médecin qui a pu noter les traces que j’avais sur le corps et provoquées par les violences policières. Le 26 novembre 1992, je fus donc interrogé à nouveau par plusieurs inspecteurs, trois ou quatre, dans le courant de la journée, je pense vers 10 heures du matin. Là, ils m’ont tiré les cheveux et porté des coups de poing et de bâton. Dans la même journée, le soir et alors qu’il y avait moins de personnel à l’étage, je fus une nouvelle fois interrogé par six inspecteurs, qui se sont montrés particulièrement violents à mon égard, j’ai reçu des coups de poing, de matraque et de batte de base-ball. Ils ont tous exercé des violences à mon encontre et ce jusqu’à 1 heure du matin. Je pense que cette séance de mauvais traitements avait débuté vers 19 heures. A un certain moment ils m’ont fait sortir dans un grand couloir desservant les bureaux et là, celui que je suppose être le chef m’a pris par les cheveux et il m’a fait courir, alors que les autres se plaçaient à des endroits différents du couloir et ils me faisaient un croc-en-jambe pour me faire chuter. Puis ils m’ont fait entrer dans un bureau où se trouvait une femme, ils m’ont obligé à m’agenouiller et ils m’ont tiré les cheveux en disant à cette femme « Tiens, tu vas entendre quelqu’un chanter ». Je suis resté à cet endroit durant une dizaine de minutes. Je suis dans l’incapacité de vous décrire cette femme qui me paraissait jeune. Ensuite je fus ramené dans le couloir, et l’un des policiers a sorti son sexe et s’est approché de moi en disant « Tiens, suce-le » ; à ce moment là, j’étais à genoux. J’ai refusé tout en gardant la bouche fermée étant donné qu’il avait approché son sexe de mes lèvres. Devant mon refus, cet inspecteur a uriné sur moi, sur les conseils d’un de ses collègues. Après ces faits, je fus conduit dans un bureau et là, ils m’ont menacé de me brûler si je ne parlais pas. Devant mes réponses négatives, ils ont allumé deux chalumeaux, reliés à deux petites bonbonnes de gaz de couleur bleue. Ils m’ont fait asseoir et ont placé près de mes pieds, où je n’avais plus les chaussures, les chalumeaux, à une distance d’un mètre environ. Dans le même temps, je recevais des coups. A la suite de ces mauvais traitements, ils m’ont menacé tout en brandissant une seringue, de me faire une piqûre. Voyant cela j’ai déchiré la manche de ma chemise en leur disant « Allez-y, vous n’oserez pas » ; effectivement ils n’ont pas été au bout de leur projet. Cette réaction a provoqué chez les policiers un nouvel accès de violence et de nouveau je fus malmené. Ces inspecteurs m’ont laissé en paix pendant une quinzaine de minutes, puis l’un d’eux m’a dit « Vous les arabes, vous aimez être baisés ». Ils m’ont pris, ils m’ont fait déshabiller et l’un d’eux m’a introduit dans l’anus une petite matraque noire. Mentionnons que lorsque M. Selmouni évoque cette scène, il se met à pleurer. Je suis conscient de ce que je viens de vous dire est grave, mais c’est l’entière vérité, j’ai bien été victime de ces sévices. A la suite de ces violences sexuelles, je fus à nouveau placé dans une cellule. Le lendemain, je fus examiné par un médecin et ce dernier a pu constater mon état. J’avais avisé le docteur des violences exercées par les policiers à mon encontre et je lui avais même demandé d’intervenir auprès de ces inspecteurs pour qu’ils cessent de me torturer. Les violences dont je viens de faire état ont été commises durant la nuit du 25 au 26 novembre et du 26 au 27 novembre 1991. Ensuite, jusqu’à ma présentation au juge d’instruction, j’ai reçu quelques petits coups de poing. Avant ma conduite chez le juge, les policiers étaient très gentils, allant même jusqu’à m’offrir du café. Lorsque j’ai signé les papiers concernant les scellés, je me suis aperçu qu’une somme de 2 800 florins et qu’un briquet Dupont avaient disparu. Je l’ai dit à un policier, celui qui, je pense, était le chef, et il m’a répondu « Merde, encore » et l’affaire en est restée là. Sur le briquet se trouvent les initiales A. Z. Je suis en mesure de reconnaître les six policiers qui m’ont frappé. Je peux également définir le rôle de chacun. Celui qui est le chef, est légèrement chauve. En ce qui concerne celui qui m’a montré son sexe et qui m’a ensuite sodomisé avec une matraque [il] est de taille moyenne, assez costaud, âgé de trente à trente-cinq ans, blond. Dès ma présentation devant le juge d’instruction, je l’ai informé des violences et quelques jours plus tard, je fus examiné à la prison. Mais le jour même de ma présentation j’avais vu un médecin au palais de justice de Bobigny. J’ai un avocat depuis un mois et je l’ai avisé des conditions dans lesquelles ma garde à vue s’est déroulée. Lors de mon arrivée à la prison, les traces de violence étaient visibles sur l’ensemble de mon corps. Maintenant j’ai un problème aux yeux. Je porte plainte contre les policiers. » Le procès-verbal fut transmis au procureur de la République de Bobigny le 2 décembre 1992, dans le cadre de la procédure référencée sous le numéro B.92.016.5118/4. Par jugement du 7 décembre 1992, la treizième chambre du tribunal correctionnel de Bobigny condamna le requérant à quinze ans d’emprisonnement, à l’interdiction définitive du territoire français et, concernant l’action civile de l’administration des douanes, à payer solidairement avec les autres prévenus une somme globale de vingtquatre millions de francs. Par arrêt du 16 septembre 1993, la cour d’appel de Paris réduisit la peine d’emprisonnement à treize ans et confirma le jugement pour le surplus. Le 27 juin 1994, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant. M. Selmouni fut régulièrement suivi par l’hôpital de l’Hôtel-Dieu durant sa détention. B. La procédure d’instruction Le 1er février 1993, le requérant déposa une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction près le tribunal de grande instance de Bobigny, pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, coups et blessures avec arme, en l’espèce une batte de base-ball, attentat à la pudeur, coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente, en l’espèce la perte d’un œil, viol commis par deux ou plusieurs complices, tous commis dans la période allant du 25 au 29 novembre 1991 et par des fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions ». . Le 22 février 1993, dans le cadre de la procédure référencée sous le numéro B.92.016.5118/4, le procureur de la République de Bobigny requit l’ouverture d’une information contre X, du chef de coups et blessures volontaires avec arme et sur personne hors d’état de se protéger, attentat à la pudeur, concernant M. Selmouni, mais aussi un coprévenu ayant dénoncé des faits similaires, M. Madi. La plainte déposée le 1er février 1993 par le requérant fut enregistrée le 15 mars 1993. Cette nouvelle procédure fut référencée sous le numéro B.93.074.6000/9. Une commission rogatoire fut délivrée au directeur de l’inspection générale des services le 27 avril 1993 par Mme Mary, juge d’instruction au tribunal de grande instance de Bobigny chargée de ces plaintes, afin de procéder à toutes mesures utiles à la manifestation de la vérité. Elle fixa le délai pour la transmission des procès-verbaux au 15 juin 1993. Le 9 juin 1993, le docteur Garnier procéda à un nouvel examen de M. Selmouni, sur demande de Mme Mary. Dans son rapport déposé le 21 juin 1993, il dressa le constat suivant : « J’ai examiné une première fois M. Selmouni qui m’avait déclaré avoir été victime de violences au cours de sa garde à vue. Il m’a déclaré, ce jour, ne pas m’avoir fait part à ce moment, de violences sexuelles subies, car il avait honte d’en avoir été la victime. L’examen du sphincter anal ne révèle aucune lésion permettant de corroborer ou d’infirmer les dires du patient, essentiellement en raison du délai entre les faits allégués et la date de l’examen. Au plan somatique, les lésions décrites dans le certificat médical précédent ont évolué favorablement sans complication. Au plan des sévices sexuels allégués, en l’absence de tout retentissement fonctionnel et de lésion visible, il n’y a pas lieu de prévoir d’ITTP directement en rapport avec ces faits. INCAPACITÉ TOTALE DE TRAVAIL PERSONNEL Les lésions décrites dans le certificat médical initial et lors de ma précédente expertise, correspondent à des lésions traumatiques sans caractère de gravité (hématomes et contusions) et justifient une ITTP de 5 jours. CONCLUSION M. Selmouni déclare avoir été victime de sévices sexuels et avoir été frappé au cours de sa garde à vue. Les lésions traumatiques décrites ont justifié une ITTP de 5 jours. Le patient déclare avoir constaté une diminution de l’acuité visuelle de son œil gauche. Un examen ophtalmologique est indispensable pour établir une relation de causalité avec les faits litigieux. Au plan des sévices sexuels, en l’absence de toute lésion visible et de tout retentissement fonctionnel, il n’y a pas lieu de prévoir d’ITTP. » Par ordonnance en date du 15 juin 1993, la juge d’instruction décida de la jonction des deux procédures relatives aux mêmes faits, sous l’unique référence B.92.016.5118/4. Elle entendit le requérant le 14 mai 1993, commit un expert le 9 juin 1993 et notifia le résultat de l’expertise médicale aux parties le 15 septembre 1993. Le 7 juillet 1993, le requérant adressa copie des certificats médicaux des 29 novembre et 2 décembre 1991 à la juge d’instruction, tout en confirmant les termes de sa plainte. Dans une lettre adressée le 3 septembre 1993 au président de la dixième chambre de la cour d’appel de Paris, saisie des infractions à la législation sur les stupéfiants, le requérant indiqua avoir été violé avec la batte de base-ball et ajouta qu’un inspecteur de police avait uriné sur sa personne. Avant cette lettre, le requérant aurait également informé la présidente de la treizième chambre du tribunal correctionnel de Bobigny des mauvais traitements subis durant la garde à vue. Par commission rogatoire du 8 octobre 1993, la juge d’instruction réitéra sa demande formulée le 27 avril 1993, le délai fixé au 15 juin 1993 pour le dépôt des procès-verbaux n’ayant pas été respecté. Par ailleurs, elle ordonna la saisie des dossiers médicaux de M. Selmouni à l’hôpital de la prison de Fresnes, à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, ainsi qu’à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu. La juge d’instruction interrogea à nouveau les parties civiles le 6 décembre 1993, après retour des commissions rogatoires le 2 décembre 1993. Le requérant obtint la désignation d’un avocat d’office dans le cadre de l’aide juridictionnelle le 26 janvier 1994. Par lettres des 23 juin et 27 octobre 1994, l’avocate désignée informa le requérant de ses difficultés à obtenir un permis de communiquer. Les parties civiles furent encore interrogées le 10 février 1994, date à laquelle une parade d’identification fut organisée aux fins de reconnaissance des policiers mis en cause. Parmi dix policiers qui lui furent présentés, M. Selmouni en reconnut quatre : MM. Jean-Bernard Hervé, Christophe Staebler, Bruno Gautier et Patrice Hurault. La juge d’instruction, envisageant la mise en examen des policiers désignés par les parties civiles, communiqua le dossier au ministère public le 1er mars 1994. Le procureur de la République de Bobigny saisit le procureur général de Paris, lequel saisit ensuite la Cour de cassation. . Par arrêt du 27 avril 1994, la Cour de cassation décida de dessaisir la juge d’instruction de Bobigny au profit d’un juge du tribunal de grande instance de Versailles, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. L’information était à nouveau ouverte le 21 juin 1994, sous la référence V.94.172.0178/3, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles pour : « violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours par personnes dépositaires de l’autorité publique, agression sexuelle commise par plusieurs auteurs ou complices, contre toutes personnes que l’information ferait connaître ». Le 22 juin 1994, Mme Françoise Carlier-Prigent, vice-présidente du tribunal de grande instance de Versailles chargée de l’instruction, se vit attribuer l’affaire. Le 8 août 1994, la juge d’instruction demanda la communication des deux dossiers médicaux de M. Selmouni placés sous scellés par l’inspection générale des services. Ces scellés lui furent transmis le 12 avril 1995. Le 19 septembre 1995, M. Selmouni fut opéré de l’œil gauche à l’Hôtel-Dieu. Par ordonnance du 22 septembre 1995, la juge d’instruction désigna le docteur Biard, médecin expert en ophtalmologie, aux fins de procéder à un examen ophtalmologique de M. Selmouni. Le 5 janvier 1996, le délai accordé à l’expert médical pour déposer son rapport fut prorogé. Le 18 janvier 1996, le rapport médical fut déposé. Le docteur Biard fit le constat suivant : « 1. La capacité visuelle de M. Selmouni s’est dégradée depuis l’intervention de septembre 1995. Rien ne permet d’affirmer qu’elle se serait réellement dégradée entre le 25 novembre 1991 et fin septembre 1995. Les violences dont il aurait été l’objet, en l’occurrence les coups portés à la face dans la région périorbitaire gauche, auraient pu entraîner des lésions oculaires, mais en dehors des symptômes subjectifs de métamorphopsies, voire d’une baisse de vision, et de la constatation isolée d’une membrane épirétinienne, il n’a jamais été constaté de stigmate oculaire, en particulier antérieur, ni de manifestations hémorragiques rétiniennes contemporaines des traumatismes mis en cause permettant de les relier. Par contre, il a été constaté des manifestations dégénératives en relation avec une affection constitutionnelle (myopie bilatérale). » Le 6 février 1996, le rapport médical fut notifié à M. Selmouni, ce dernier étant par ailleurs auditionné. Il maintint ses accusations à l’encontre des quatre policiers qu’il avait désignés. Le 7 mars 1996, l’autre partie civile, M. Madi, fut également entendue. M. Madi désigna un cinquième policier, M. Alexis Leclercq. Par lettre du 2 mai 1996, la juge d’instruction demanda au directeur de la police judiciaire les coordonnées des fonctionnaires de police mis en cause. Le directeur de la police judiciaire répondit le 23 mai 1996. . Le 21 octobre 1996, la juge d’instruction adressa des avis de mise en examen aux cinq policiers mis en cause par le requérant. Les cinq policiers mis en cause par MM. Selmouni et Madi, à savoir MM. Hervé, Staebler, Gautier, Leclercq et Hurault, firent respectivement l’objet d’un interrogatoire de première comparution les 10, 24 et 31 janvier, 28 février et 7 mars 1997. Ils furent mis en examen pour violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours par dépositaire de l’autorité publique. MM. Hervé, Staebler, Gautier et Hurault furent également mis en examen pour agression sexuelle par pluralité d’auteurs ou de complices. Le 24 avril 1998, compte tenu des dénégations des policiers, qui soutenaient que l’interpellation de M. Selmouni avait été « mouvementée », la juge d’instruction désigna à nouveau le docteur Garnier en qualité d’expert, afin d’examiner l’ensemble des dossiers et certificats médicaux dont M. Selmouni faisait l’objet et pour dire si les lésions constatées pouvaient résulter d’une interpellation « mouvementée » réalisée le 25 novembre 1991 vers 20 h 30 ou si, au contraire, elles étaient compatibles avec les accusations du requérant. Le même jour, le requérant demanda la réalisation d’un certain nombre d’actes d’instructions, notamment une nouvelle confrontation, des compléments d’expertises médicales, pour fixation du préjudice subi par lui, ainsi qu’un transport sur les lieux de la garde à vue. Par ordonnance du 7 mai 1998, la juge d’instruction rejeta les demandes, estimant notamment que certaines d’entre elles étaient partiellement satisfaites. Le 4 juin 1998, le requérant fut confronté aux quatre policiers. A cette occasion, il précisa le rôle joué par chacun d’entre eux durant la garde à vue. Le rapport du docteur Garnier fut déposé le 3 juillet 1998. L’expert conclut son rapport dans les termes suivants : « L’étude du dossier médical permet de dire qu’une progression des localisations traumatiques a été constatée médicalement au cours de la garde à vue. Un certain nombre correspond certainement à une interpellation « mouvementée » le 25 novembre 1991 vers 20 heures 30 telle qu’elle a été décrite par les OPJ [officiers de police judiciaire] en cause. Les lésions, en particulier au niveau des membres inférieurs et des fesses, qui n’ont pas été visualisées lors de l’examen initial, sont certainement postérieures à cette interpellation et sont compatibles avec les déclarations du patient. En ce qui concerne les violences de type sodomie décrites par le patient, la négativité de l’examen réalisé le 9 juin 1993, soit un an et demi après les faits initiaux, ne permet ni d’exclure ni d’affirmer la réalité de ces faits. » Le 25 août 1998, la juge d’instruction notifia un avis à partie signifiant la fin de l’instruction à M. Selmouni. Le dossier d’instruction fut communiqué au parquet le 15 septembre 1998. Le 19 octobre 1998, le procureur de la République prit son réquisitoire définitif. Il conclut notamment : « (...) les dénégations des policiers mis en cause ne résistent pas davantage à l’examen que leurs explications fondées sur une interpellation mouvementée ou une rébellion au cours d’un interrogatoire. La constance et la cohérence des déclarations d’Ahmed Selmouni et d’Abdelmajid Madi justifient leur prise en considération. Elles sont, au surplus, corroborées par des constatations d’ordre médical et forment ainsi, à l’encontre des cinq personnes mises en cause, un ensemble de charges suffisantes pour que les faits soient soumis à l’examen de la juridiction de jugement. (...) » Par ordonnance du 21 octobre 1998, la juge d’instruction renvoya les cinq policiers mis en cause par-devant le tribunal correctionnel de Versailles. Pour ce qui est des faits allégués par M. Selmouni, la juge renvoya les quatre policiers concernés devant le tribunal, des chefs de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de huit jours, et d’attentats à la pudeur avec violences, contraintes et en réunion. L’audience se tint devant le tribunal correctionnel de Versailles le 5 février 1999. Le requérant déposa des conclusions pour soulever une exception d’incompétence du tribunal au profit de la cour d’assises, aux motifs que les faits d’atteinte sexuelle constituaient en réalité des faits de viol, qu’il était victime de coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente, en l’espèce une perte d’acuité visuelle, commis par des dépositaires de l’autorité publique et, enfin, que les sévices infligés devaient être qualifiés d’actes de torture ayant précédé ou accompagné un crime. Cette exception d’incompétence fut jointe au fond par le tribunal. A l’issue des débats, le procureur de la République requit une peine de quatre ans d’emprisonnement pour M. Hervé, et de trois ans pour MM. Staebler, Hurault et Gautier. Le tribunal correctionnel mit l’affaire en délibéré jusqu’au 25 mars1999. Par jugement du 25 mars 1999, le tribunal correctionnel de Versailles rejeta l’exception d’incompétence soulevée par M. Selmouni, aux motifs, notamment, que : – pour la qualification des faits d’atteinte sexuelle en faits de viol : « (...) Le tribunal doit toutefois relever que ni les certificats médicaux, ni les expertises réalisées n’ont permis de mettre en évidence les faits de pénétration anale décrits. Par ailleurs, Selmouni n’a pu identifier l’auteur du viol dont il aurait été victime. En conséquence, ces faits ne peuvent être retenus ; » – pour la qualification de coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente : « (...) Le tribunal observe que l’expertise menée par le docteur Biard ne permet pas d’établir le lien de causalité entre la perte d’acuité visuelle subie par Selmouni et les coups reçus. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la requête sur ce point ; » – pour la qualification des sévices en actes de torture ayant précédé ou accompagné un crime : « Outre que ces actes n’étaient pas réprimés en tant que tels par l’ancien code pénal applicable au moment des faits, en l’espèce, les actes de violence subis par Ahmed Selmouni qui devraient selon lui être qualifiés d’actes de torture ou de barbarie n’ont pas précédé ou accompagné de crime. Le tribunal considère en conséquence que les faits qui lui sont soumis ne sont pas susceptibles de recevoir une qualification criminelle. (...) » Sur la culpabilité des policiers, le tribunal correctionnel releva qu’il était « en présence de deux thèses parfaitement contradictoires » et décida d’examiner « successivement » « un certain nombre d’explications » avancées par les policiers : tenant « pour acquis (...) que les blessures [du requérant] ont été occasionnées pendant la garde à vue ou pendant un temps très voisin », le tribunal estima que des faits de rébellion de la part des parties civiles, lors de leur arrestation, ne pouvaient suffire à expliquer l’ampleur des blessures constatées ; que les éventuelles « incohérences » dans les déclarations des parties civiles n’étaient pas déterminantes et que, dans l’ensemble, « les parties civiles ont été constantes dans leur relation des faits et les moments où ils se sont déroulés » ; que même en présence d’un dossier solide, « tout fonctionnaire de police sait bien qu’un aveu est préférable et bien difficile ensuite à contester pour un prévenu » ; qu’« un ensemble d’éléments permet d’infirmer la thèse selon laquelle les parties civiles se sont concertées pour dénoncer les fonctionnaires de police ». Le tribunal correctionnel de Versailles, estimant que « l’ensemble des éléments recueillis en cours d’information et lors des débats permet donc d’établir que les faits se sont bien déroulés comme l’ont décrit les victimes », déclara les policiers coupables des faits reprochés. Estimant devoir faire « une application exemplaire de la loi pénale », le tribunal condamna MM. Hurault, Gautier et Staebler à une peine de trois ans d’emprisonnement. Concernant le quatrième policier prévenu, le tribunal estima que : « (...) en sa qualité d’inspecteur divisionnaire, chef du groupe des policiers, Bernard Hervé porte la responsabilité des méthodes utilisées pour mener l’enquête sous son contrôle et sa direction. En outre, il a participé directement à ces violences en tirant les cheveux des parties civiles, qui l’ont identifié sans équivoque pour être le chef. Le tribunal estime devoir en conséquence sanctionner plus sévèrement les agissements de Bernard Hervé en prononçant à son encontre une peine de quatre années d’emprisonnement. M. Hervé exerçant toujours une fonction de responsabilité, l’ordre public impose que la peine soit exécutée immédiatement. Le tribunal décerne mandat de dépôt à l’encontre de Bernard Hervé. » Sur l’action de M. Selmouni, le tribunal correctionnel de Versailles le déclara recevable en sa constitution de partie civile, constata qu’il n’avait pas chiffré sa demande et qu’il se réservait de saisir les juridictions civiles, et lui en donna acte. Les policiers interjetèrent appel de ce jugement. Le 8 avril 1999, la cour d’appel de Versailles rejeta une demande de mise en liberté présentée par M. Hervé, aux motifs que : « (...) les infractions en question, en raison de leur gravité hors du commun compte tenu de la qualité d’officier de police judiciaire, chargé de faire respecter la loi républicaine, du prévenu déclaré coupable par le premier juge, ont provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public (...) » Par arrêt du 1er juillet 1999, après débats des 20 et 21 mai 1999, débats à l’issue desquels M. Hervé fut remis en liberté, la cour d’appel de Versailles relaxa les policiers au bénéfice du doute du chef d’attentat à la pudeur, mais elle les déclara coupables de « coups et blessures volontaires avec ou sous la menace d’une arme, ayant occasionné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours pour Selmouni et supérieure à huit jours pour Madi, par des fonctionnaires de police à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions et sans motif légitime ». Elle condamna M. Hervé à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement dont quinze mois avec sursis, MM. Gautier et Staebler à quinze mois d’emprisonnement avec sursis et M. Hurault à douze mois d’emprisonnement avec sursis. La cour d’appel motiva notamment sa décision dans les termes suivants : « Sur la culpabilité Sur les coups et blessures volontaires Considérant que dans l’absolu la parole d’un policier, a fortiori celle d’un officier de police judiciaire est plus crédible que celle d’un trafiquant de drogue ; que toutefois ce postulat est fragilisé, voire ébranlé, lorsque les déclarations des délinquants sont confortées par des éléments extérieurs tels que des constatations médicales ; qu’il est encore plus fortement remis en question lorsque les explications des policiers connaissent des variations significatives au fil de la procédure ; qu’enfin le préjugé favorable dont bénéficient ces derniers est anéanti s’il est démontré, comme en l’espèce, que les procès-verbaux rédigés ne reflètent pas la vérité ; Sur les constats médicaux Considérant que les accusations portées par les parties civiles sont confortées par des constatations médicales non équivoques ; qu’en premier lieu, en ce qui concerne Selmouni, l’expert Garnier a relevé, dans son rapport du 5 mai 1998, que tous les médecins qui ont procédé à son examen, pendant sa garde à vue, ont constaté des lésions d’origine traumatique au niveau du bras gauche, de la région orbitaire gauche, du cuir chevelu et du dos ; que, dès le 29 novembre 1991, des lésions supplémentaires ont été visualisées au niveau des membres inférieurs ; qu’il a ajouté que, dans son examen du 7 décembre 1991, il avait retrouvé des lésions antérieurement décrites et en a trouvé d’autres au niveau des fesses et de la cheville droite ; Considérant ainsi que l’étendue des lésions progressait sur la personne de Selmouni au fur et à mesure qu’avançait la garde à vue sans que celle-ci ait été interrompue ; Considérant que l’ecchymose palpébrale gauche, la cicatrice fine linéaire d’un centimètre dans le prolongement du sourcil gauche, les hématomes sous-orbitaires droit et gauche constatés le 29 novembre 1991 par le docteur Edery, puis qualifiés « d’hématomes en lunettes » le 2 décembre 1991 par le docteur Nicot, sont compatibles avec les coups de poing évoqués par Selmouni ; Considérant que les hématomes divers constatés sur le thorax, les flancs gauche et droit, le ventre, sont compatibles avec les coups de poing et de pied évoqués par Selmouni dans sa déclaration du 7 décembre 1991 ; Considérant que les douleurs du cuir chevelu et céphalées mentionnées par les docteurs Aoustin et Edery, sont également de nature à conforter les déclarations de Selmouni, selon lesquelles il a été tiré par les cheveux et a été l’objet de « petits coups répétés » sur la tête avec un instrument pouvant correspondre à une batte de base-ball ; Considérant que les hématomes relevés sur les fesses et les cuisses ne peuvent provenir que de coups portés par un objet contondant ; que de même les lésions apparentes au niveau des jambes, des chevilles et des pieds sont concordantes avec les coups ou écrasements dont s’est plaint Selmouni ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les lésions objectives, constatées par les examens successifs, correspondent aux coups décrits par Selmouni ; Considérant en ce qui concerne Madi que les certificats médicaux et expertises attestent de la réalité et de l’intensité des coups qui lui ont été portés ; que par ailleurs, comme énoncé par l’expert, le délai entre l’apparition des lésions objectivées et les faits litigieux milite en faveur de microtraumatismes répétés ; Considérant que les excoriations au niveau du cuir chevelu sont bien en concordance avec ses déclarations ; qu’il a en effet soutenu à de multiples reprises avoir été victime de coups répétés sur la tête avec un objet contondant ; Considérant que la forme rectangulaire de l’hématome volumineux de la cuisse droite et des trois hématomes de la cuisse gauche correspond parfaitement à des coups portés par un objet contondant, tel que décrit par le plaignant ; Sur les versions des prévenus Considérant que les explications des prévenus quant à l’origine des lésions constatées manquent totalement de crédibilité ; qu’elles ont d’ailleurs, sur ces points comme sur d’autres, été fluctuantes ; qu’ainsi, Bernard Hervé, après avoir d’abord affirmé qu’il était intervenu en renfort pour interpeller Selmouni (D57), a expliqué ensuite qu’il ne se trouvait pas dans la rue où avait lieu l’interpellation mais à l’intérieur de l’hôtel ; Considérant que les prévenus soutiennent que les accusations portées résultent d’une concertation orchestrée ; qu’il y a lieu de relever sur ce point que, tout au long de sept années d’enquête puis d’instruction, aucun élément n’a été recueilli qui puisse accréditer cette thèse ; que les plaignants avaient des intérêts sensiblement divergents ; que les descriptions successives des sévices qu’ils prétendaient avoir endurés ne laissent apparaître aucune connivence, étant souligné que, pour sa part, Selmouni n’a pratiquement jamais été assisté d’un conseil dans la procédure relative au trafic de stupéfiants ; Considérant qu’il n’est pas sans intérêt de noter que Madi et Selmouni, n’ayant jamais été antérieurement placés en garde à vue, ne pouvaient non plus utiliser leur expérience en la matière pour échafauder un montage mensonger ; Considérant que l’interpellation de Selmouni à proximité de son hôtel, même en la supposant quelque peu mouvementée, ne peut expliquer ni l’importance des blessures ni leur apparition progressive confirmée par les photographies versées au dossier alors que, sitôt après, les policiers concernés n’ont pas fait constater de traces suspectes tant sur leur personne que sur celle de Selmouni, traces qui auraient justifié un examen médical approfondi et ce, dans leur intérêt même ; Considérant, pour ce qui est de Madi, que la version des policiers, selon laquelle il se serait volontairement frappé la tête contre le mur et une armoire, n’est pas compatible avec les conclusions des expertises médicales ; Que l’expert a en effet relevé que, dans ce type d’événement, il est habituel de constater, au moment des faits, des lésions traumatiques franches, voire des plaies hémorragiques, ce qui n’a pas été le cas ; Que l’ensemble de ces éléments conduit la Cour à se convaincre de ce que la rébellion alléguée a été imaginée par les mis en cause pour justifier l’importance et la localisation des hématomes et lésions présentés par le gardé à vue ; Sur la fiabilité des procès-verbaux Considérant que les policiers du SDPJ 93 et notamment Jean-Bernard Hervé ont admis à la barre que plusieurs procès-verbaux établis lors de la garde à vue de Selmouni et Madi portaient des mentions inexactes tant au niveau des horaires que de l’identité des rédacteurs ; qu’aucune explication logique n’a été donnée à ce sujet de nature à entraîner l’adhésion de la Cour ; que, par exemple, Hurault a relaté par procès-verbal (D114) la perquisition à laquelle il a procédé à Gonesse, le 26 novembre de 17 h 30 à 18 h 55, et a « constaté » à 18 h 45, soit au même moment, dans un autre procès-verbal (D158) la rébellion de Madi, expliquant en outre devant la Cour être intervenu pour le calmer ; Considérant que l’absence totale de fiabilité des actes établis par les enquêteurs s’avère gravissime dans la mesure où l’ensemble du fonctionnement de la justice pénale repose sur la confiance pouvant être accordée aux procès-verbaux des officiers et agents de police judiciaire ; Considérant, au vu de l’ensemble de ces éléments, que les brutalités reprochées aux prévenus sont caractérisées et que c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu’ils n’avaient fait que masquer dans la procédure la réalité de leurs agissements ; (...) Sur la peine Considérant que les faits dont les prévenus se sont rendus coupables revêtent une exceptionnelle gravité, ce qui exclut qu’ils puissent bénéficier des dispositions de la loi d’amnistie du 3 août 1995 ; qu’il y a lieu de les considérer comme des traitements particulièrement dégradants ; qu’ayant été commis par des fonctionnaires d’autorité, chargés de faire respecter la loi républicaine, ils doivent être réprimés sans faiblesse, un tel comportement ne pouvant trouver de justification et ce, quels que soient la personnalité des délinquants mis à leur disposition et leur degré de perversion et de dangerosité ; Considérant que la gravité de ces faits est toutefois sans commune mesure avec celle qui aurait été la leur si les sévices sexuels avaient été caractérisés et retenus ; que par ailleurs, ils n’apparaissent pas avoir été le résultat d’une concertation préalable organisée ; qu’au vu de leur participation respective, de l’absence d’antécédents, et des dossiers administratifs des prévenus, la Cour estime devoir réduire de manière conséquente le quantum des peines d’emprisonnement, comme indiqué au dispositif, et laisser à l’autorité hiérarchique le soin d’apprécier les suites disciplinaires qui s’imposent en l’espèce, en assortissant ces peines d’un sursis simple, de manière partielle seulement pour ce qui concerne Hervé dont la responsabilité apparaît plus importante, eu égard à sa qualité de chef ; (...) » PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION M. Selmouni a saisi la Commission le 28 décembre 1992, dénonçant une violation des articles 3 et 6 § 1 de la Convention. Le 25 novembre 1996, la Commission déclara la requête (no 25803/94) recevable. Dans son rapport du 11 décembre 1997 (ancien article 31 de la Convention), elle conclut, à l’unanimité, à une violation des articles 3 et 6 § 1. Le texte intégral de son avis et des trois opinions séparées dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRÉSENTÉES à LA COUR Dans son mémoire, le Gouvernement invite la Cour à dire que le requérant, concernant le grief tiré de l’article 3 de la Convention, n’a pas épuisé les voies de recours internes et, à titre subsidiaire, que les faits reprochés aux policiers mis en cause ne peuvent pas s’analyser en « torture ». Par ailleurs, le Gouvernement reconnaît le caractère excessif de la durée globale de la procédure au regard de l’article 6 § 1 de la Convention. De son côté, le requérant prie la Cour de constater qu’il y a eu violation des articles 3 et 6 § 1 de la Convention et de lui allouer une satisfaction équitable au titre de l’article 41.
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Le premier requérant est un ressortissant portugais né en 1939. La deuxième requérante, son épouse, est une ressortissante portugaise née en 1941. Ils résident à Braga (Portugal). Le 1er octobre 1993, les requérants achetèrent à L.G. un appartement dans un immeuble en construction à Portimão. Cet immeuble fit par la suite l’objet d’une saisie conservatoire, opérée à la demande du vendeur contre la société de constructions. Les requérants perdirent la possession de l’appartement suite à une décision du juge du tribunal de Portimão en date du 7 juin 1995. Estimant que leur droit de propriété avait été lésé, les requérants introduisirent, le 28 juillet 1995, devant le tribunal de Portimão, une procédure d’opposition de tiers (embargos de terceiro) contre L.G. Le 20 avril 1998, le juge demanda au greffe des renseignements sur l’état de la procédure concernant la saisie conservatoire de l’immeuble en cause. Par une ordonnance du 25 mai 1998, le juge fixa au 5 juin 1998 l’audition des témoins indiqués par les requérants. L’audition eut lieu le jour dit. Par une ordonnance du 9 juin 1998, le juge déclara l’opposition recevable et invita L.G. à présenter des conclusions en réponse, ce que cette dernière fit le 1er juillet 1998. L.G. demanda également l’octroi de l’assistance judiciaire. Le 14 août 1998, les requérants déposèrent leur réplique. Le 9 novembre 1999, le juge rejeta la demande d’assistance judiciaire formulée par L.G. La procédure est toujours pendante devant le tribunal de Portimão.
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Le 29 octobre 1981, le requérant introduisit un recours devant la Cour des comptes afin d'obtenir l'annulation d’une décision du Ministère de la Défense refusant de lui accorder une pension privilégiée ordinaire. Le procureur général présenta ses conclusions le 27 février 1988. Une première audience eut lieu le 9 octobre 1989. Par une ordonnance du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 2 mars 1990, la Cour des comptes demanda aux carabiniers d'établir certains faits. Une seconde audience se tint le 10 décembre 1990. Par une ordonnance du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 25 septembre 1991, la Cour des comptes demanda un avis au bureau médico-légal du Ministère de la santé. Suite à la décentralisation en 1994 de la Cour des comptes, le dossier fut transmis à la Chambre régionale du Latium de la Cour des comptes. Le 8 mai 1996, le requérant versa au dossier un rapport d'expertise. La troisième audience se tint le 21 mai 1996. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 11 juillet 1996, la Chambre régionale du Latium de la Cour des comptes fit droit à la demande du requérant.
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Suite à un arrêt de la Cour des comptes du 10 octobre 1980, reconnaissant au requérant le droit à une pension militaire d'invalidité et aux arrérages à compter de 1951, le Ministère de la Défense émit une décision n'accordant au requérant que les termes échus à compter du 1er avril 1961 au motif qu'il y aurait prescription pour les termes antérieurs à cette date. Le 24 juin 1983, le requérant introduisit devant la Cour des comptes un recours visant à obtenir l'annulation de la partie de cette décision relative aux arrérages de 1951 à 1961. Le 16 novembre 1987, le requérant demanda que son affaire fut traitée plus rapidement. Le 3 novembre 1988, le dossier fut transmis à la Chambre régionale de Sicile de la Cour des comptes. Le 18 septembre 1989, le requérant demanda à nouveau que son affaire fût traitée plus rapidement. Le 11 décembre 1989, le dossier fut transmis au procureur général. Le 14 juillet 1993, le requérant indiqua qu'il souhaitait poursuivre la procédure. Le 14 février 1994, le requérant versa des documents au dossier. L'audience eut lieu le 3 mars 1994 et par une ordonnance du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 27 avril 1994, la Cour demanda au Ministère de la Défense de produire le dossier administratif du requérant. Le procès fut interrompu suite au décès du requérant survenu le 25 novembre 1998. Le 5 mars 1999, les héritiers du requérant se constituèrent devant la Chambre régionale de Sicile de la Cour des comptes. Le 15 mars 1999, l’audience suivante fut fixée au 16 juin 1999. Par un arrêt, dont le texte fut déposé au greffe le 11 octobre 1999, la Cour rejeta la demande du requérant.
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Le 8 septembre 1979, la mère des requérants introduisit devant la Cour des comptes un recours visant à obtenir l'annulation d'une décision du Ministère du Trésor du 22 décembre 1978 refusant de lui accorder une pension privilégiée de réversibilité suite au décès de leur père au motif que le décès ne serait pas dû à l'exercice de ses fonctions. Par une ordonnance du 28 mars 1980, dont le texte fut déposé au greffe le 14 mai 1980, la Cour des comptes demanda un avis à un collège médicolégal du Ministère de la Défense. L'avis du 18 mars 1985 fut déposé au greffe le 4 décembre 1985. Le 8 mai 1986, la mère des requérants décéda. Entretemps, par une ordonnance du 7 mai 1986, dont le texte fut déposé au greffe le 29 mai 1986, la Cour des comptes avait demandé un complément d'avis à un collège médico-légal du Ministère de la Santé. Le 29 avril 1988 et le 13 septembre 1991, la Cour des comptes rappela au Ministère de la Santé qu'elle attendait toujours leur réponse. L'avis du 12 février 1992 fut déposé au greffe le 20 février 1992. Le 30 octobre 1993, la Cour des comptes fixa une audience au 28 janvier 1994, mais le jour venu elle ordonna la transmission du dossier à la chambre régionale de Toscane suite à la décentralisation en 1994 de la Cour des comptes. Le 22 novembre 1994, l'avocat de la demanderesse indiqua qu'elle souhaitait poursuivre la procédure devant la chambre régionale de la Cour des comptes. Le 19 octobre 1995, une audience fut fixée au 10 janvier 1996. Lors de cette l'audience, la Cour prononça l'interruption de la procédure en raison du décès de la demanderesse. Les requérants reprirent la procédure devant la chambre régionale de Toscane de la Cour des comptes le 16 mars 1996. Une audience eut lieu le 17 juillet 1996. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 20 janvier 1997, la Cour rejeta la demande. Le 20 janvier 1998, les requérants interjetèrent appel devant la Chambre centrale de la Cour des comptes. Une audience se tint le 15 mai 1998. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 9 septembre 1998, la Cour rejeta l’appel.
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Le requérant est un ressortissant italien, né en 1965 et résidant à Nocera Inferiore (Salerne). Le 20 février 1992, le requérant assigna M. O., la société P. et la compagnie d’assurances L. devant le tribunal de Salerne afin d’obtenir réparation des dommages subis suite à un accident de la route. La mise en état de l’affaire commença le 10 juin 1992. Le 22 octobre 1992, le juge de la mise en état déclara l’interruption de la procédure suite à la mise en liquidation de la compagnie d’assurances. A une date non précisée, le requérant reprit la procédure et une audience fut fixée au 23 juin 1993. A cette date, les parties sollicitèrent l’admission de moyens de preuves et le juge se réserva de décider. Le 19 janvier 1994, l’audience ne se tint pas. Le dossier de l’affaire fut transmis d’office au tribunal de Nocera Inferiore, nouvellement instauré. Le président de ce tribunal fixa une audience au 5 février 1997. Le 3 décembre 1997, le syndic de la compagnie d’assurances mise en liquidation s’opposa aux preuves sollicitées par le requérant. Le juge de la mise en état admit l’audition des défendeurs et fixa une audience au 30 avril 1998. Cette audience fut ensuite reportée au 2 mars 1999. Entre-temps, la loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Les sezioni stralcio, composées d'un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été créés en vertu de l'article 90 de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d'absorber l'arriéré d'affaires pendantes devant les juridictions civiles. De ce fait, l’audience du 2 mars 1999 n’eut pas lieu et une autre audience fut fixée au 5 octobre 1999. Le 18 février et le 21 avril 2000, deux audiences, ayant pour objet l’une l’audition de témoins et l’autre la nomination d’un expert, se tinrent. Ensuite, une audience fut fixée au 17 novembre 2000.
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Le 22 décembre 1983, le requérant introduisit devant la Cour des comptes un recours visant à obtenir l'annulation d'une décision du Ministère des Finances révoquant la pension privilégiée de réversibilité versée au requérant suite au décès de son fils. Le recours fut transmis le 28 décembre 1983 au service des pensions militaires. Le 20 avril 1984, le Ministère des Finances transmis le dossier administratif relatif au fils du requérant à la Cour des comptes. Le dossier fut transmis au procureur général le 30 juin 1984. Suite à la décentralisation en 1994 de la Cour des comptes, le 16 mars 1994, le recours fut transmis de la Cour des comptes à la chambre régionale des Abruzzes de la Cour des comptes. Les 23 avril 1997 et 10 juillet 1997, le requérant indiqua qu'il souhaitait continuer la procédure devant la chambre régionale des Abruzzes. Une audience fut fixée au 3 mars 1999. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 5 mai 1999, la Cour des comptes fit en partie droit à la demande du requérant.
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Le 20 avril 1971, le requérant introduisit devant la Cour des comptes un recours visant à obtenir l'annulation de la décision du Ministère de la Défense refusant de lui accorder une pension privilégiée. En octobre 1991, le requérant demanda que son recours fût examiné plus rapidement. Le 16 mars 1992, le procureur général demanda un avis à un collège médico-légal. Le 21 mars 1992, la Cour informa le requérant que sa demande d'examen plus rapide avait été acceptée. Le 17 février 1993, le collège médico-légal ne s'était toujours pas prononcé. Suite à la décentralisation en 1994 de la Cour des comptes, le 21 décembre 1995, le recours fut transmis de la Cour des comptes à la chambre régionale d’Émilie-Romagne de la Cour des comptes. Le 7 février 1996, le requérant indiqua qu'il souhaitait continuer la procédure devant la chambre régionale. En réponse à une demande d'information du requérant, le 6 février 1997, la chambre régionale informa le requérant que le dossier était prêt et qu'il attendait que l'on puisse fixer une date d'audience. Le 15 avril 1997, la Cour des comptes l'informa que l'on ne pouvait faire droit à sa demande d'examen immédiat en raison de son âge (classe 1941) dans la mesure où il y avait encore des centaines de recours concernant des personnes plus âgées que lui et que son recours serait donc examiné dès que possible. Le 8 août 1998, une audience fut fixée au 11 février 1999. Le jour venu, elle fut reportée au 14 juillet 1999 suite à l’absence du juge Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 13 octobre 1999, la Cour rejeta la demande du requérant au motif qu'il n’était pas démontré qu’il y avait un lien avec son service militaire.
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Le 27 décembre 1984, M. S. fut mis en faillite. Le 12 juin 1985, le requérant déposa au tribunal de Catane une déclaration de créance privilégiée. Le 29 décembre 1984, l’examen des créances fut fixé au 18 février 1985. Au moins six audiences furent consacrées à la vérification des créances, et le 18 décembre 1987 le syndic admit une partie de la créance du requérant au passif et le juge prononça la clôture de la vérification des créances. Cette phase fut ouverte à nouveau le 28 février 1995. Des quatre audiences fixées à des dates comprises entre le 6 juin 1995 et le 16 juin 1996, une fut reportée en raison d’une grève des avocats et trois car le juge était absent. Le 19 novembre 1996, le juge constata qu’il n’y avait plus de demandes et mit fin à la vérification des créances. Au 2 août 1999, des procédures civiles intentées par le syndic pour récupérer des sommes étaient encore pendantes. Selon les informations fournies par le requérant le 11 février 2000, la procédure était encore pendante à cette date.
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Le 29 avril 1973, Mme M. intenta une action possessoire à l’encontre du requérant devant le juge d'instance de Genzano (Rome) afin d'obtenir la restitution d'un terrain. La mise en état de l’affaire commença le 8 juin 1973. L’audience du 6 juillet 1973 fut reportée d’office au 21 septembre 1973. Des dix-neuf audiences fixées entre le 21 septembre 1973 et le 10 novembre 1978, une fut reportée d’office, six le furent en raison de l’absence du requérant - dont deux car il était malade - ou de son conseil, trois concernèrent une expertise, cinq furent consacrées à l’audition de témoins et deux furent renvoyées pour permettre aux parties d’essayer de parvenir à un règlement amiable du différend. Le 2 mars 1979, suite au décès de Mme M., ses héritiers de se constituèrent devant le juge. Le 15 juin 1979, les parties présentèrent leurs conclusions et le juge fixa l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente au 11 janvier 1980. Toutefois, cette dernière ne se tint pas, car elle fut reportée d’abord d’office et ensuite à la demande des demandeurs, le requérant étant absent. Des neuf audiences fixées entre le 20 juin 1980 et le 2 juillet 1982, trois concernèrent une expertise, deux furent consacrées à l’admission d’autres moyens de preuve, une fut renvoyée afin de permettre aux parties d’essayer de parvenir à un règlement amiable de l’affaire et trois furent reportées à la demande du requérant - dont une car il avait révoqué le mandat à son conseil. Le 12 novembre 1982, les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 18 mars 1983. Par un jugement du 19 décembre 1983, dont le texte fut déposé au greffe le 21 décembre 1983, le juge fit droit à la demande des héritiers de Mme M. Le 8 mars 1984, le requérant interjeta appel devant le tribunal de Velletri (Rome). La mise en état de l’affaire commença le 29 juin 1984 et se termina cinq audiences plus tard - dont une fut renvoyée d’office, une à la demande des parties et une à la demande du requérant - le 25 juin 1986, par la présentation des conclusions. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 18 novembre 1987. Par un jugement du 25 novembre 1987, dont le texte fut déposé au greffe le 28 décembre 1987, le tribunal rejeta l’appel du requérant. Le 17 mai 1988, le requérant déposa une demande au greffe du tribunal de Velletri afin d’obtenir la suspension de l’exécution du jugement du 28 décembre 1987. Par une ordonnance hors audience du 16 juin 1988, le président du tribunal rejeta la demande du requérant. Entre-temps, le 4 mai 1988, le requérant s’était pourvu en cassation. L’audience du 11 avril 1989 fut reportée au 11 juillet 1989 suite à une erreur dans la notification du recours aux défendeurs. Par un arrêt du 11 juillet 1989, dont le texte fut déposé au greffe le 11 janvier 1990, la Cour cassa le jugement du tribunal et remit les parties devant le tribunal de Latina. A une date non précisée, le requérant reprit la procédure devant le tribunal de Latina. La mise en état de l’affaire commença le 5 juin 1990. Une audience plus tard, le 14 mai 1991 le juge ordonna au greffe de se procurer les dossiers de première et deuxième instance et fixa l’audience de présentation des conclusions au 5 décembre 1991. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente eut lieu le 2 février 1993. Toutefois, le tribunal rouvrit la mise en état et remit les parties devant le juge, car on ne trouvait pas dans le dossier de l’affaire les dossiers de première et deuxième instance. Les quatre audiences fixées entre le 20 mai 1993 et le 26 avril 1994 furent reportées afin de permettre au greffe de chercher lesdits dossiers. Le 29 septembre 1994, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 13 décembre 1994. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 6 février 1996. Par un jugement du 20 février 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 15 avril 1996, le tribunal fit droit à la demande du requérant. Ce jugement acquit l’autorité de la chose jugée le 16 juillet 1996.
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Le 17 avril 1991, le président du tribunal de Messine enjoignit à la municipalité de Taormina de payer au requérant une certaine somme à titre de rétribution pour son travail. Le 15 mai 1991, ladite municipalité fit opposition à l’injonction. La mise en état de l’affaire commença le 2 octobre 1991. Des quatre audiences fixées entre le 4 mars 1992 et le 8 novembre 1995, une fut reportée d’office, une le fut à la demande du requérant et deux concernèrent le dépôt de documents. Le 8 mai 1996, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 19 décembre 1996 ; toutefois, elle ne se tint que le 20 mai 1998. A cette date, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 16 mars 1999 ; toutefois, par une ordonnance hors audience du 8 février 1999, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le président du tribunal attribua l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio) et fixa l’audience suivante au 22 juin 1999, afin d’essayer de faire parvenir les parties à un règlement amiable du différend. A l’audience du 22 septembre 1999, l’affaire fut mise en délibéré. Selon les informations fournies par le requérant, aucun jugement n’avait été déposé au 6 septembre 2000.
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Le 11 mars 1983, la mère de la requérante déposa un recours devant le tribunal des baux ruraux d’Ancône afin d'obtenir la déclaration de l'impossibilité de transformer un contrat de métayage en contrat d'affermage. A une date non précisée, la mère de la requérante décéda et la requérante et ses deux frères se constituèrent devant le juge le 21 mai 1983. La première audience fut fixée au 8 octobre 1983, mais à la demande de la requérante elle fut avancée au 16 juillet 1983. Des quatre audiences qui se tinrent entre cette date et le 9 juin 1984, deux furent reportées à la demande des parties et deux furent consacrées au dépôt de documents. Le 24 novembre 1984, le juge admit des témoins, nomma un expert et fixa pour le serment de ce dernier l'audience du 9 novembre 1985. Une audience plus tard, le 28 février 1987 le défendeur demanda un renvoi afin de déposer un mémoire et le juge ajourna l'affaire au 13 juin 1987. Toutefois, cette audience ne se tint que le 9 janvier 1988, suite à un renvoi d'office. Des trois audiences suivantes, deux furent reportées à la demande des parties. Le 27 avril 1991, le juge nomma un nouvel expert et fixa pour le serment de ce dernier l'audience du 26 octobre 1991. Toutefois, cette audience ne se tint que le 19 décembre 1992, suite à un renvoi d'office. Après trois audiences, dont une fut reportée à la demande des parties et une afin de permettre au juge de fixer le calendrier des audience à venir, le 28 janvier 1995 le juge fixa les débats au 29 avril 1995. Toutefois, ils ne se tinrent pas, car ils furent reportés deux fois d'office, deux fois suite à l'absence de la requérante, une fois par le juge et trois fois à la demande des parties, dont deux afin d'essayer de parvenir à un règlement amiable de l'affaire : ce qui intervint à l’audience du 31 octobre 1997.
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Le 30 mai 1984, le requérant assigna M. D. devant le tribunal de Cassino (Frosinone) afin d'obtenir réparation des dommages subis suite à l'inexécution de certains travaux. La mise en état de l'affaire commença le 11 juillet 1984. Des douze audiences prévues entre le 23 janvier 1985 et le 20 juin 1990, deux concernèrent le dépôt de documents, une fut reportée d'office, une à la demande des parties, une car ce jour-là les avocats faisaient grève et sept à la demande du défendeur sans opposition du requérant, dont six afin de mettre en cause une autre personne. A l'audience du 25 janvier 1991, le juge se réserva de décider quant à la demande de nomination d'un expert. Par une ordonnance hors audience du 10 avril 1991, il se contenta d'ajourner l'affaire au 5 février 1992, estimant ne pas avoir suffisamment d'éléments pour ordonner une expertise. Le jour venu, il se réserva à nouveau quant à la nomination d'un expert et par une ordonnance hors audience du 6 mars 1992 il fit droit à cette demande. Des onze audiences prévues entre le 21 octobre 1992 et le 24 octobre 1997, quatre concernèrent l'expertise - dont une fut renvoyée car l'expert n'avait pas remis son rapport -, deux furent reportées d'office, une car ce jour-là les avocats faisaient grève et deux concernèrent l’admission et l’audition de témoins. Après une autre audience, le 16 septembre 1998 les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 26 novembre 1999.
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Le requérant est un ressortissant portugais né en 1958 et résidant à Braga (Portugal). Le 4 décembre 1990, le requérant saisit le tribunal administratif (Tribunal Administrativo do círculo) de Porto d’une demande en dommages et intérêts contre le département des routes (Junta Autónoma das Estradas). Il demandait la réparation des préjudices subis, suite à un accident de la circulation prétendument causé par le mauvais état de la route. Cité à comparaître le 13 décembre 1990, le défendeur déposa ses conclusions en réponse le 24 janvier 1991. Le 14 mars 1991, le juge rendit une décision préparatoire (despacho saneador) spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. Les parties présentèrent leurs listes des témoins les 16 et 26 avril 1991. Le 29 avril 1991, une commission rogatoire fut envoyée au tribunal de Braga aux fins d’audition d’un témoin. Le tribunal de Braga retourna ladite commission rogatoire le 7 octobre 1991. L’audience eut lieu le 13 novembre 1991. Le 14 janvier 1992, le tribunal rendit son jugement déboutant le requérant de ses prétentions. Le 24 janvier 1992, le requérant fit appel devant la Cour suprême administrative (Supremo Tribunal Administrativo). Les parties déposèrent leurs mémoires les 24 février et 20 mars 1992. Le dossier fut transmis à la Cour suprême administrative le 9 juin 1992. Par un arrêt du 10 mars 1998, la Cour suprême administrative annula le jugement attaqué et décida que le requérant avait droit à une indemnité de 1 100 000 escudos portugais (PTE) ainsi qu’aux intérêts y afférents.
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Le 12 octobre 1976, le requérant assigna M. et Mme T. devant le tribunal de Cosenza afin de faire constater l’inexistence de plusieurs servitudes et obtenir la réparation des dommages subis. L’instruction de l’affaire commença le 7 décembre 1976, date à laquelle le juge ordonna une descente sur les lieux. Cette dernière fut reportée d’office à trois reprises jusqu’au 27 mai 1977. Ce jour-là, le juge ordonna une expertise. Les audiences prévues pour les 28 juin et 18 octobre 1977 furent reportées d’office. Le 15 novembre 1977, le requérant demanda un renvoi en raison du fait que la nomination de l’expert n’avait pas été notifiée. Le 3 janvier 1978, le juge ajourna l’affaire au 21 février 1978. Le 30 mai 1978, les parties demandèrent la fixation de l’audience pour la présentation des conclusions et le juge fixa à cette fin l’audience du 4 juillet 1978. Ce jour-là, le juge se réserva de décider sur la demande d’intervention des Ponts et Chaussées et, par une ordonnance du 7 septembre 1978, le juge de la mise en état fixa la date de l’audience de présentation des conclusions au 30 janvier 1979. Cette audience fut reportée d’office en raison de la mutation du juge de la mise en état. Le 14 février 1979, le requérant demanda au président du tribunal de nommer un autre juge et ce dernier ajourna l’affaire au 6 juillet 1979. Le jour venu, un nouvel avocat se constitua pour le requérant. Le 30 novembre 1979, le juge fixa la date pour la présentation des conclusions au 29 février 1980. A l’audience de plaidoiries du 25 juin 1980, les parties demandèrent un renvoi. Le 29 octobre 1980, l’affaire fut mise en délibéré. Par un jugement du 5 novembre 1980, dont le texte fut déposé au greffe le 12 décembre 1980, le tribunal fit droit à la demande du requérant. Le 9 février 1981, M. et Mme T. interjetèrent appel devant la cour d’appel de Catanzaro. L’instruction commença le 15 avril 1981. Après deux renvois à la demande des parties, le 28 octobre 1981 celles-ci présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 16 mars 1982. Par un arrêt du 11 mai 1982, dont le texte fut déposé au greffe le 1er juillet 1982, la cour d’appel modifia en partie le jugement de première instance. Suite à une mise en demeure d’exécuter les deux jugements précédents, le 12 mars 1983 le requérant déposa au greffe du juge d’instance de Cosenza, en tant que juge de l’exécution, une demande aux termes de l’article 612 du code de procédure civile tendant à ce que les modalités de l’exécution fussent fixées. Après deux audiences, par une ordonnance du 6 juin 1983, le juge de l’exécution nomma un expert. Entre-temps, le 2 juin 1983 les défendeurs avaient présenté une opposition à l’exécution. Des treize audiences prévues entre le 8 juillet 1983 et le 25 mars 1985, deux furent reportées d’office, cinq concernèrent une expertise et une fut renvoyée car les parties ne s’étaient pas présentées. Le 19 juin 1985, le juge d’instance nomma un huissier de justice pour procéder à l’exécution et, quant à la procédure d’opposition, il remit les parties devant le tribunal de Cosenza. Le 25 novembre 1985, le requérant constata que l’exécution avait eu lieu et le juge d’instance prononça l’extinction de la procédure. Entre-temps, le 11 octobre 1985, le requérant avait repris la procédure devant le tribunal de Cosenza et, après quatre audiences et un renvoi d’office, le 9 juillet 1987, le juge de la mise en état prononça l’interruption de la procédure en raison du décès de M. T. Le 2 octobre 1987, le requérant reprit la procédure. La première audience se tint le 11 février 1988. Le 14 juillet 1988, le juge fixa la date pour la présentation des conclusions au 2 février 1989. Cette audience ne se tint pas. Le 3 avril 1992, un nouvel avocat se constitua pour le requérant. Après deux audiences, le 3 juin 1994 les parties présentèrent leurs conclusions et le juge fixa l’audience de plaidoiries au 9 avril 1997. Par un jugement du 16 avril 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 24 avril 1997, le tribunal constata que le 25 novembre 1985 le juge d’instance avait déclaré l’extinction de la procédure car les travaux avaient été exécutés et que, par conséquent, le différend avait cessé et condamna les défendeurs à payer les frais de justice.
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Le 20 décembre 1968, la ville de Pantin décida de créer un centre médico-psychopédagogique (CMPP) géré par la commune. Au cours de sa séance du 18 septembre 1969, le conseil municipal décida de créer des emplois pour le fonctionnement de ce centre, dont celui de médecin psychiatre directeur à temps partiel. Le 21 août 1970, une convention fut signée entre le préfet de la Seine-Saint-Denis, agissant au nom du département et le maire de la ville de Pantin, président de la commission de surveillance du CMPP, aux fins de définir les règles de prise en charge des frais de fonctionnement de ce centre. Aux termes de cette convention, l’ensemble du personnel médical et paramédical du centre était placé du point de vue technique sous l’autorité du médecin directeur, ce dernier devant être agréé par le directeur départemental de l’action sanitaire et sociale. Par contrat du 20 juillet 1973, passé entre le requérant et le maire de Pantin (agissant pour le compte de la commune), le requérant fut engagé au poste de directeur du centre. Courant 1982, plusieurs représentants de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), de la caisse d’assurance maladie d’Ile-de-France et de la Trésorerie générale conduisirent une enquête sur le fonctionnement du centre. Par courrier du 15 juillet 1982 adressé au maire de Pantin, le Préfet fit part des résultats de cette inspection. Il relevait notamment l’existence d’un « malaise profond touchant à la fonction même exercée [par le requérant] », lequel « ne remplissait pas au sein de son équipe et dans ses relations tant avec les services de la ville de Pantin qu'avec la DDASS sa fonction de porte-parole, de coordinateur et de médiateur ». Il se plaignait encore du « manque d'esprit de service public de la part de l'ensemble des personnels » et concluait en annonçant le retrait de l'agrément pour le centre à compter du 31 mars 1983. Par arrêté du 28 octobre 1982, le maire de Pantin, après avoir expressément visé les conclusions de la mission d’enquête et la lettre du préfet, licencia le requérant à compter du 1er novembre 1982. Estimant avoir été abusivement congédié, le requérant saisit le 6 décembre 1982 le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir condamner la ville de Pantin à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement et d’indemnité pour inobservation de la procédure. Par jugement du 15 juin 1983, le conseil de prud’hommes après avoir relevé que « le contrat de travail signé par les parties relève du Code du travail, du droit privé » et que « la participation [du requérant] au service public est exclue » alloua au requérant 28 054,85 FRF au titre de l’indemnité de préavis de trois mois, 9 351 FRF au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et 56 106 FRF au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur appel de la ville de Pantin et appel incident du requérant, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 18 janvier 1985, infirma le jugement entrepris et se déclara incompétente pour connaître du litige. Le 19 mars 1985, le requérant saisit le tribunal administratif de Paris d'une demande visant à obtenir, d’une part, l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté de licenciement du 28 octobre 1982 et, d’autre part, la condamnation de la commune de Pantin à lui verser une indemnité de 221 106 FRF en réparation du préjudice que lui aurait causé cette décision. Le 19 décembre 1986, le requérant introduisit une autre requête devant le même tribunal administratif et tendant à ce que la ville de Pantin soit condamnée à lui verser la somme de 73 721,82 FRF à titre de rappels de salaires entre 1979 et 1982 ou, en cas de refus par le tribunal de faire droit à cette demande, que lui soit accordé le bénéfice de l’indemnité de direction de 10 % sur les salaires qu’il avait effectivement perçus entre 1976 et 1982, soit la somme de 54 614,69 FRF. Par jugements en date des 31 janvier et 23 mai 1986, le tribunal administratif ordonna un supplément d'instruction à l’effet, pour la commune de Pantin et la direction de l’action sanitaire et sociale de la Seine-Saint-Denis, de produire diverses pièces et documents nécessaires ou utiles à la solution du litige. Suite à ces jugements et dans le cadre du premier recours introduit par le requérant devant le tribunal administratif le 19 mars 1985, de nombreux mémoires furent échangés par les parties. Le 30 octobre 1990, le requérant déposa un mémoire complémentaire portant sa demande indemnitaire à la somme de 995 000 FRF, au motif que les pertes de salaires subies depuis la dernière évaluation de son préjudice effectuée le 22 août 1986 s’étaient nécessairement accrues puisqu’il n’avait toujours pas trouvé d’emploi pour remplacer le poste à mi-temps dont l’avait privé la ville de Pantin. Dans le cadre du deuxième recours introduit par le requérant le 19 décembre 1986 plusieurs mémoires furent également échangés entre les parties. Par jugement en date du 20 décembre 1990, le tribunal administratif de Paris, après avoir ordonné la jonction des deux requêtes introduites par le requérant, annula l'arrêté de licenciement pour défaut de motivation et alloua au requérant une indemnité de 10 000 FRF en réparation des préjudices nés de ce vice de forme. Le requérant fit appel de ce jugement le 7 mai 1991 aux motifs que ses capacités de médecin psychiatre ne sauraient être mises en cause, qu’aucune insuffisance professionnelle ne pouvait justifier la rupture de son contrat de travail, que la somme de 10 000 FRF allouée par le tribunal ne pouvait compenser son préjudice et qu’il avait droit à la réparation de la totalité du préjudice né de ses pertes de salaires, ainsi qu’à la réparation du préjudice moral et du préjudice résultant de la diminution de ses droits à la retraite. Il déposa un mémoire complémentaire le 12 juillet 1991, un mémoire en réplique le 2 décembre 1991 et des observations le 10 février 1992. La ville de Pantin déposa des mémoires en défense les 9 octobre 1991 et 21 janvier 1992, et des conclusions le 18 novembre 1991. Par arrêt du 21 septembre 1992, la cour administrative d'appel de Paris alloua une indemnité supplémentaire de 300 000 FRF au requérant. Le 23 novembre 1992, la ville de Pantin saisit le Conseil d’État d'un recours contre cet arrêt. Le 30 novembre 1992, le Conseil d’État sollicita les observations du ministère des Affaires sociales, de la santé et de la ville. La ville de Pantin déposa un mémoire complémentaire le 22 mars 1993. Le requérant présenta son mémoire en défense le 29 novembre 1993. Le ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville présenta ses observations le 17 février 1994 et la commune de Pantin répliqua au mémoire du requérant le 20 mai 1994. Par arrêt du 16 octobre 1995, le Conseil d’État rejeta les demandes des deux parties, condamnant simplement la ville de Pantin à payer au requérant 10 000 FRF exposés par lui et non compris dans les dépens. Parallèlement et suite à l’arrêt de la cour administrative d’appel du 21 septembre 1992, le requérant saisit le maire de Pantin le 20 janvier 1993 d’une demande de réintégration dans ses fonctions et de reconstitution de sa carrière. En effet, le requérant estimait que, compte tenu des termes de l’arrêt de la cour administrative d’appel qui avait confirmé l’illégalité de l’arrêté de licenciement, la ville de Pantin était tenue de le réintégrer dans ses fonctions. En l’absence de réponse du maire de Pantin, le requérant saisit le 13 juillet 1993 le tribunal administratif de Paris aux fins de voir annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de ses demandes par le maire. Le 21 février 1995, le requérant déposa une nouvelle demande devant le tribunal administratif de Paris visant à se faire indemniser du fait qu'il n'avait pas été réintégré dans ses fonctions. Par jugement rendu le 18 février 1997, le tribunal administratif de Paris joignit les demandes. Il annula pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de la demande de réintégration. Il renvoya le requérant devant la commune pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle il avait droit pour perte de revenus, alloua au requérant 30 000 FRF au titre du préjudice moral et 200 000 FRF de provision sur l'indemnité due. Sur requête de la commune de Pantin, la cour administrative d’appel de Paris se prononça par arrêt du 4 novembre 1999. Elle alloua une indemnisation de 121 200 FRF au requérant, compte tenu des 763 000 FRF déjà versés en exécution des arrêtés portant réintégration, dit que la commune devrait verser 174 510,94 FRF aux caisses sociales et fixa une astreinte devant commencer à courir à l’expiration d’un délai de deux mois après la notification de l’arrêt. Le 4 février 2000, le maire de Pantin a porté cette affaire devant le Conseil d’Etat où elle est actuellement pendante.
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En 1980, les requérants chargèrent la société B. de l’exécution des travaux de maçonnerie et de carrelage dans une propriété leur appartenant, ainsi que de son aménagement extérieur. Les requérants prétendent qu’en cours de travaux, la société B. aurait modifié certaines de ses prestations sans leur accord, et modifié ses prix en conséquence. A la réception des factures, les requérants refusèrent le règlement total et se bornèrent à verser ce qu’ils estimaient devoir, selon les devis initiaux et au vu des travaux réalisés. Le 31 août 1982, la société B. saisit le juge des référés de Tours et obtint, par ordonnance du 14 septembre 1982, une provision de 20 000 FRF. Par ailleurs, le juge des référés désigna un architecte en qualité d’expert. Ce dernier déposa son rapport le 11 mai 1983. Le 1er octobre 1982, les requérants interjetèrent appel de l’ordonnance du 14 septembre 1982. Par arrêt du 2 décembre 1983, la cour d'appel d’Orléans confirma l’ordonnance attaquée, en précisant qu’il incombait aux requérants de saisir le juge du fond de leur contestation. Le 6 mars 1984, les requérants assignèrent la société B. devant le tribunal de grande instance de Tours. Ils contestèrent les conclusions du premier expert et demandèrent diverses sommes en dommages-intérêts. Par jugement avant dire droit du 24 octobre 1985, le tribunal ordonna une seconde mesure d’expertise afin que le premier rapport soit complété. Le second expert déposa son rapport définitif le 12 janvier 1987. Le 6 mars 1987, les requérants présentèrent de nouvelles conclusions, au vu du dernier rapport d’expertise. L’audience eut lieu le 20 octobre 1987. Le 24 novembre 1987, le tribunal débouta les requérants de leurs demandes et les condamna à payer à la société B. le reliquat de leur créance ainsi que des dommages-intérêts. Le 6 janvier 1988, les requérants interjetèrent appel de ce jugement, lequel fut confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Orléans en date du 27 novembre 1990. Le 28 janvier 1991, les requérants se pourvurent en cassation, en reprochant notamment à la cour d'appel d’avoir omis de prendre en considération leurs prétentions. Le 18 novembre 1992, la Cour de cassation cassa l’arrêt attaqué pour défaut de réponse aux conclusions, et renvoya l’affaire devant la cour d'appel de Bourges. Les requérants saisirent la cour d’appel de Bourges le 4 février 1993. Après l’échange de nombreuses écritures entre les parties, l’ordonnance de clôture fut rendue le 6 avril 1994. Le 13 juillet 1994, la cour d’appel de Bourges diminua légèrement le montant de la créance due par les requérants à la société B. et confirma pour le surplus le jugement du tribunal de grande instance de Tours en date du 24 novembre 1987. La cour d’appel observa, entre autres, que : « Les pièces et la procédure du dossier témoignent de l’extraordinaire acharnement judiciaire des époux Castell, diligentant sans cesse des voies de recours, harcelant les juges de la mise en état, indisposant les experts les mieux disposés par des réclamations incessantes et outrancières et des courriers et dires en rafales. » Le 22 septembre 1994, les requérants se pourvurent en cassation. Par arrêt du 12 février 1997, la Cour de cassation cassa partiellement l’arrêt attaqué, seulement en ce qu’il avait confirmé la condamnation des requérants à verser une somme de 10 000 FRF à la société B. au titre des dommages-intérêts, et renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Limoges. Le 3 avril 1997, les requérants saisirent la cour d’appel de Limoges. Le 6 octobre 1997, ils l’informèrent de ce que la société B. leur avait restitué les 10 000 FRF de dommages-intérêts auxquels ils avaient été condamnés par le tribunal de grande instance de Tours. Le 8 octobre 1997, après avoir constaté la restitution de l’indemnité par la société B., la cour d’appel de Limoges rendit une ordonnance de radiation, mettant ainsi un terme définitif à cette affaire.
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Le 8 mars 1982, les requérants déposèrent un recours au greffe du tribunal administratif régional de Calabre visant à obtenir l’annulation de l’acte de la municipalité de Marano Marchesato (Cosenza) qui avait déclaré non valable le permis de construire déjà obtenu par les requérants. Le même jour, les requérants présentèrent une demande tendant à obtenir en urgence la fixation de la date de l’audience. Le 31 mai 1994, les requérants présentèrent une demande tendant à obtenir la fixation urgente de la date de l’audience. Par une décision du 13 janvier 1995, dont le texte fut déposé au greffe le 22 juin 1995, le tribunal ordonna aux parties de verser des documents au dossier dans un délai de soixante jours à compter de la notification de ladite décision. L’audience, fixée au 5 février 1999, fut renvoyée au 9 avril 1999 à la demande des requérants. Le jour venu, le tribunal ajourna l'affaire au 2 juillet 1999. Cette audience fut renvoyée à une date non précisée. Selon les informations fournies par les requérants, la procédure était encore pendante au 14 novembre 1999.
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Le 22 juin 1993, la requérante assigna M. A. et sa compagnie d’assurances devant le tribunal de Bergame afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d’un accident de la route. L’instruction commença le 28 octobre 1993 par la constitution des parties et la nomination d’un expert qui prêta serment le 19 mai 1994. L'audience du 27 avril 1995 fut ajournée au 7 mars 1996 car les avocats faisaient grève. Le jour venu, le juge de la mise en état fixa la présentation des conclusions des parties au 25 septembre 1997. Ce jour-là, le juge convoqua l’expert pour l’audience du 19 janvier 1998 afin qu’il fournît des explications. Le jour venu, après avoir entendu l’expert, le juge renvoya l’affaire au 18 juin 1998 pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. Cette audience ne put avoir lieu car le juge de la mise en état avait été muté. L’audience suivante fut fixée au 22 avril 1999. Entre-temps, le 21 avril 1999, les parties parvinrent à un règlement amiable. Les parties ne s’étant pas présentées, l’affaire fut remise au 6 mai 1999. Le jour venu, le juge de la mise en état constata la seconde absence consécutive des parties et raya l’affaire du rôle.
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Le 17 août 1984, le requérant a été victime d’un accident de la route qui entraîna une incapacité totale de travail personnel pendant plus de trois mois. Le 22 mai 1985, F.P., auteur de l’accident, fut cité devant le tribunal correctionnel pour refus d’obtempérer, conduite en état d’ivresse manifeste, délit de fuite et blessures involontaires. A l’audience du 26 juin 1985, le requérant se constitua partie civile. Le 24 juillet 1985, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire déclara F.P. coupable des faits reprochés et le condamna à deux mois d’emprisonnement, à deux ans d’annulation de son permis de conduire ainsi qu’au paiement de plusieurs amendes. Sur l’action civile, le tribunal déclara F.P. entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident, le condamna à verser au requérant 15 000,00 FRF à titre d’indemnité provisoire, et ordonna une expertise médicale. Après de multiples reports résultant des interventions chirurgicales pratiquées sur le requérant, l’expertise médicale fut réalisée le 21 mai 1987. Entre-temps, le 8 octobre 1986, F.P. avait fait opposition au jugement du 24 juillet 1985. A l’audience du 3 décembre 1986, la partie civile ayant sollicité la mise en cause de la caisse primaire d’assurances maladie (CPAM) et du fonds de garantie automobile, le tribunal correctionnel renvoya l’affaire au 28 janvier 1987. Par jugement du 28 janvier 1987, le tribunal condamna F.P. à une peine de trois mois d’emprisonnement, à une amende de 1 000,00 FRF et à l’annulation de son permis de conduire pour une durée d’un an. Sur l’action civile, l’affaire fut renvoyée à l’audience du 4 mars 1987. Le même jour, F.P. interjeta appel des dispositions pénales de ce jugement. Par jugement du 4 mars 1987, statuant sur les intérêts civils du requérant, le tribunal confirma le jugement du 24 juillet 1985 en ses dispositions civiles et sursit à statuer pour le complément en attendant le rapport d’expertise. Le 4 juin 1987, l’expert déposa son rapport dans lequel il écarta tout lien de causalité entre l’accident et les séquelles constatées. Par arrêt en date du 15 octobre 1987, la cour d’appel de Rennes, statuant sur l’appel interjeté par F.P., confirma en toutes ses dispositions le jugement du 28 janvier 1987, à l’exception du délai avant lequel l’appelant ne pourrait solliciter un nouveau permis de conduire, que la cour d’appel ramena à trois mois. Par acte d’huissier en date des 13 et 14 juin 1988, le requérant assigna F.P. et la CPAM devant le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire aux fins de voir rejeter les conclusions du rapport d’expertise et désigner un nouvel expert. Une nouvelle expertise fut ordonnée le 28 octobre 1988. L’expert déposa son rapport le 22 mai 1989. L’expert parvint aux mêmes conclusions que celles de son prédécesseur. Par acte du 16 novembre 1990, le requérant dénonça le rapport d’expertise et assigna de nouveau les parties devant le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire. L’audience fut initialement fixée au 29 novembre 1990. A deux reprises, le requérant sollicita son report. Le 28 mars 1991, le tribunal ordonna une troisième expertise. L’expert déposa son rapport le 20 septembre 1991. Selon lui, seule la première intervention chirurgicale pouvait être considérée comme découlant directement de l’accident et faire ainsi l’objet de réparations. En effet, l’expert releva que par la suite, « la spirale chirurgicale [les onze opérations postérieures] n’a été rendue possible que par le profil psychologique de la victime de nature hystérique, comme on le trouve habituellement chez les multi-opérés ». Par actes des 25 et 30 juin et 15 juillet 1992, le requérant assigna F.P. pour le voir condamner au paiement de dommages-intérêts. Le 29 octobre 1992, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, statuant par défaut, condamna F.P. à payer au requérant 1 099 088,65 FRF pour solde de son préjudice, déduction faite de la créance des organismes sociaux et de la provision déjà allouée. Le 6 novembre 1992, le fonds de garantie automobile interjeta appel dudit jugement. Le 8 novembre 1992, le requérant interjeta appel incident. Le 28 mai 1993, la cour d’appel de Rennes renvoya l’audience au 24 septembre 1993, la CPAM et F.P. ayant été cités à une date erronée. Par arrêt du 29 octobre 1993, la cour d’appel sursit à statuer, la signification du jugement par défaut du 29 octobre 1992 n’ayant pu être faite à la personne de F.P. L’affaire fut renvoyée à l’audience du 28 janvier 1994. Par arrêt rendu à cette dernière date, la cour d’appel sursit de nouveau à statuer aux fins de rechercher le mis en cause en vue de la signification à sa personne du jugement de première instance. Le 23 septembre 1994, la cour d’appel de Rennes entérina les conclusions du troisième expert, mais sursit à statuer sur l’indemnité à accorder au requérant. Par ailleurs, la cour fixa le préjudice moral du requérant à la somme de 30 000,00 FRF. La cour d’appel renvoya alors l’affaire à l’audience du 10 mars 1995. Le 28 septembre 1994, le requérant se pourvut en cassation. Le 30 juin 1995, la cour d’appel sursit à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de cassation et renvoya l’affaire à l’audience du 23 février 1996. Par arrêt du 13 décembre 1995, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant au motif que « les moyens qui reviennent à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ». Le 23 février 1996, l’audience devant la cour d’appel de Rennes fut renvoyée, à la demande du conseil du requérant, au 8 novembre 1996. Par arrêt du 20 décembre 1996, la cour d’appel fixa le préjudice corporel du requérant à 375 491,10 FRF. Le 23 décembre 1996, le requérant se pourvut en cassation contre cet arrêt. Il déposa son mémoire ampliatif le 26 août 1997, et le fonds de garantie automobile déposa le sien le 18 novembre 1997. Le 28 janvier 1998, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant au motif qu’il se limitait à remettre en cause une question définitivement tranchée par le premier arrêt de la Cour de cassation.
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Le 6 octobre 1993, les requérants assignèrent le consortium A. et la société anonyme italienne des conduites d’eau devant le tribunal de Salerne afin d’obtenir réparation des dommages subis suite à l’occupation, selon eux illicite, d’un terrain leur appartenant. L’instruction commença le 17 décembre 1993 par le constat que la première citation devait être refaite pour permettre de citer correctement la société anonyme dont les requérants venaient seulement de découvrir le siège social exact et de mettre en cause d’autres sociétés concernées. Le juge de la mise en état fit droit aux demandes des requérants et ajourna l’affaire au 1er juillet 1994. Les défendeurs furent assignés le 10 janvier 1994. L’audience prévue pour le 1er juillet 1994 ne put avoir lieu en raison d’une grève des avocats. Les cinq audiences prévues entre le 3 février 1995 et le 23 septembre 1996, furent toutes renvoyées d’office suite à la mutation du juge. Le 6 octobre 1997, le juge chargé du dossier constata que l’affaire devait être traitée par la section chargée des anciennes affaires (« sezioni stralcio ») et ajourna l’affaire au 19 janvier 1998. Cette audience et celle du 30 mars 1998 furent remises pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. Le 29 juin 1998, le juge ajourna l’affaire au 21 septembre 1998 pour permettre le déroulement de l’assemblée extraordinaire des avocats du barreau de Salerne conformément à une note du président du tribunal. D’après les informations du Gouvernement, une audience eut lieu le 3 mai 1999. D’après les informations fournies par les requérants, les parties devaient présenter leurs conclusions le 19 juillet 1999.
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Par un jugement du 15 novembre 1939, le tribunal civil de Cosenza déclara nul l’acte par lequel Mme M. P. renonçait à l’héritage laissé par son mari, le baron M., en faveur des douze autres héritiers de celui-ci en échange d’une somme d’argent, dans la mesure où ils avaient obligé Mme M. P. à signer. Le 21 août 1947, les autres héritiers furent assignés par Mme M. P. devant le tribunal de Cosenza afin d’obtenir la division des biens selon le testament. L’instruction commença le 24 juin 1948. Une centaine d’audiences plus tard et après l’intervention de nombreux experts, dont la plupart n’avaient pu être joints ou avaient finalement renoncé à leur mandat, l’audience du 10 juillet 1973 fut reportée d’office. Des vingt et une audiences prévues entre le 18 décembre 1973 et le 16 janvier 1979, cinq furent renvoyées d’office, deux par le juge de la mise en état, une pour lui permettre de redistribuer ses affaires, une à la demande des parties, deux à la demande de Mme E. P., en tant qu’héritière de la demanderesse, deux eurent trait à la citation d’héritiers défendeurs, deux à une demande d’assistance judiciaire et une à une exception d’extinction de la procédure. Entre-temps, la procédure avait été interrompue le 22 mars 1977 en raison du décès d’un des avocats et reprise le 7 juin 1977. Les huit audiences qui eurent lieu du 20 février 1979 au 28 février 1981, concernèrent une expertise, la nomination de l’expert, la prestation du serment, un renvoi en raison de l’absence de l’expert, deux car ce dernier n’avait pas déposé au greffe son rapport d’expertise et deux audiences furent renvoyées afin de permettre aux parties d’examiner ledit rapport puis les éclaircissements au rapport. L’audience du 9 mai 1981 ne put avoir lieu en raison de la mutation du juge de la mise en état. L’instruction reprit le 21 avril 1983 par la convocation de l’expert. Des quatre audiences qui suivirent jusqu’au 5 janvier 1984, deux furent remises par le juge et une pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions, ce qu’elles firent le 12 janvier 1984. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 13 mars 1984. Par une ordonnance du 21 mars 1984, le tribunal constata que suite au décès en 1975 d’un des défendeurs ses héritiers n’avaient pas été assignés et l’affaire fut remise devant le juge de la mise en état pour l’audience du 19 avril 1984. Cette audience n’eut pas lieu. Une audience plus tard, le 13 décembre 1984 l’audience prévue ne put avoir lieu suite à la mutation du juge de la mise en état. L’instruction recommença le 1er juillet 1986 et la procédure fut interrompue suite au décès d’un des défendeurs. Mme E. P. reprit la procédure le 18 novembre 1986. Suite à la mutation du juge de la mise en état, l’audience du 24 février 1987 fut renvoyée d’office au 15 décembre 1987. Deux audiences plus tard, le 18 octobre 1988 en raison du décès de son avocat, la commission d’assistance judiciaire attribua un nouvel avocat à Mme E. P. qui se constitua ce jour-là, et l’affaire fut remise au 7 mars 1989. Après cette audience, par une ordonnance du 29 juin 1989 le juge de la mise en état ordonna que l’expertise fût refaite et convoqua les parties et l’expert précédemment nommé pour l’audience du 28 novembre 1989. Le 16 octobre 1990, l’avocat de Mme E. P. releva que suite à la grève des avocats l’expert n’avait pas été convoqué pour l’audience et le juge ajourna l’affaire au 15 janvier 1991. L’expert ne s’étant pas présenté l’audience fut reportée au 18 juin 1991. Cette audience fut renvoyée pour la même raison au 14 janvier 1992, puis au 25 février 1992. Le jour venu, l’avocat de Mme E. P. demanda au juge de prendre des mesures à l’encontre de l’expert qui ne s’était toujours pas présenté. Par une ordonnance du même jour, le juge convoqua l’expert pour l’audience du 24 mars 1992 et indiqua qu’il adopterait des mesures mettant en jeu la responsabilité de l’expert en cas d’absence. Le jour venu, le juge releva l’absence de toutes les parties et le fait que son ordonnance n’avait pas été notifiée, ajourna l’affaire au 9 juin 1992 et demanda au greffe de notifier les deux ordonnances. L’expert ne s’étant pas présenté, l’affaire fut remise au 17 novembre 1992. Ce jour-là, le juge constata que depuis 1990 l’expert n’avait pu être convoqué puisqu’il n’habitait plus à l’adresse figurant au dossier, nomma un autre expert et fixa la prestation de serment au 16 février 1993. A cette date, les héritiers de Mme E. P. - dont le requérant - se constituèrent dans la procédure. L'expert désigné ayant refusé le mandat et afin d’éviter d’autres nominations inefficaces, les demandeurs sollicitèrent du juge qu’il fasse désigner par l’ordre des géomètres de Cosenza et de Reggio de Calabre un groupe de trois experts prêts à accepter le mandat. Le juge fit droit à leur demande et ordonna la comparution des experts ainsi désignés pour le 9 mars 1993. Un expert se présenta et prêta serment et l’affaire fut ajournée au 9 novembre 1993. L’expert ayant renoncé à son mandat, les demandeurs insistèrent pour que le juge prenne des mesures. Ce dernier ordonna à l’expert de rendre le dossier des parties et prononça l’interruption de la procédure suite au décès d’un des défendeurs. Le 15 décembre 1993, les demandeurs contestèrent l’ordonnance d’interruption de la procédure devant le tribunal dans la mesure où l’avocat ayant signalé le décès n’avait aucun titre pour le faire. Par une ordonnance du 16 février 1994, le tribunal rejeta leur demande car elle devait être faite au juge directement. Le 22 mars 1994, le juge nomma un nouvel expert et ajourna l’affaire au 29 mars 1994. Le 6 avril 1994, le juge de la mise en état ajourna l’affaire au 26 avril 1994 et demanda aux avocats défendeurs de préciser quelles personnes ils représentaient parmi les différents héritiers. Le 21 juin 1994 l’affaire fut renvoyée d’office. Le 21 février 1995, un nouvel expert accepta le mandat mais la procédure fut interrompue en raison du décès d’un des défendeurs. Les demandeurs reprirent la procédure le 5 juillet 1995 et le juge fixa une audience au 19 mars 1996. Cette audience fut reportée au 16 avril 1996 pour permettre à l’expert de venir prêter serment, ce qui fut fait le jour dit. Le 24 septembre 1996, l’expert obtint une prorogation du délai. L’audience du 27 mai 1997 fut renvoyée car l’expert n’avait pas déposé au greffe son rapport d’expertise et celle du 7 octobre 1997 le fut pour permettre aux parties d’examiner ledit rapport. Le 14 avril 1998, le juge de la mise en état demanda à l’expert de fournir des éclaircissements. Le 5 mai 1998, le juge ajourna l’affaire au 27 octobre 1998 afin de permettre aux parties d’examiner ces éclaircissements et de présenter leurs conclusions. Le jour venu, les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 28 avril 1999. Par un jugement du 10 mai 1999, dont le texte fut déposé au greffe le 17 mai 1999, le tribunal condamna les défendeurs à verser une certaine somme aux héritiers de Mme E. P., dont le requérant.
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Le 26 février 1986, le requérant assigna la société à responsabilité V. devant le tribunal de Terni afin d’obtenir la résiliation d’un contrat pour inexécution et la réparation des dommages subis. L’instruction commença le 8 avril 1986. L’audience suivante fut renvoyée d’office au 18 novembre 1986. Des sept audiences qui eurent lieu entre le 10 mars 1987 et le 18 juillet 1989, une fut renvoyée à la demande des parties, une à la demande du requérant, trois concernèrent une expertise, une la demande d’audition de la défenderesse et une l’audition de témoins. L’audience du 7 février 1990 fut renvoyée d’office au 24 octobre 1990. A cette audience comme aux quatre qui suivirent jusqu’au 19 février 1992, le requérant obtint des reports d’audience dont à trois reprises en raison de l’absence de l’avocat de la défenderesse. Le 13 mai 1992 aucune des parties ne se présenta et l’affaire fut ajournée au 15 juillet 1992. Ce jour-là, le témoin était absent et ne fut entendu que le 9 décembre 1992. L’audience du 7 avril 1993 fut reportée à la demande du requérant. Lors de celle du 23 juin 1993, le requérant demanda un renvoi en indiquant qu’il devait évaluer l’opportunité de continuer la procédure, et l’affaire fut renvoyée au 15 décembre 1993. Cette audience fut renvoyée d’office en raison de la mutation du juge jusqu’au 10 avril 1996. En 1993, la défenderesse fut soumise à une procédure de faillite. Les audiences des 10 avril et 23 octobre 1996 et du 22 janvier 1997 furent reportées à la demande du requérant en raison de l’absence de l’avocat défendeur. L’audience du 26 mars 1997 fut renvoyée d’office au 28 mai 1997. Le jour venu, les parties ne s’étant pas présentées, l’affaire fut ajournée au 17 décembre 1997. A cette date, le requérant obtint un bref renvoi au 28 janvier 1998. Les parties ne s’étant pas présentées à cette audience, le juge de la mise en état remit l’affaire au 25 mars 1998, date à laquelle, en l’absence des parties, le juge raya l’affaire du rôle.
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Le 12 juillet 1974, la requérante assigna M. T. devant le tribunal de Locri (Reggio de Calabre) afin d’obtenir la dissolution d’une société de fait et le partage des biens de ladite société. L’instruction commença le 6 décembre 1974. Des vingt audiences fixées entre le 6 février 1975 et le 3 mars 1977, trois furent renvoyées d’office, une à la demande des parties, cinq concernèrent le dépôt de documents et neuf l’audition de témoins. La présentation des conclusions eut lieu le 5 mai 1977 et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 15 novembre 1977. Par un jugement non définitif du 6 décembre 1977, dont le texte fut déposé au greffe le 17 décembre 1977, le tribunal prononça la dissolution de la société et remit les parties devant le juge pour le partage des biens. L’instruction reprit le 2 février 1978. Des trente-six audiences prévues entre le 6 avril 1978 et le 15 juillet 1991, douze furent renvoyées à la demande des parties, neuf d’office, deux à la demande de la requérante et deux à la demande du défendeur, quatre concernèrent une expertise et quatre la jonction de la présente affaire avec d’autres pendantes devant le même tribunal. Par une ordonnance hors audience du 16 octobre 1991, le tribunal déclara l’interruption de la procédure suite au décès du conseil de la requérante. Le 13 avril 1992, la requérante reprit la procédure et le juge fixa l’audience suivante au 16 novembre 1992. Le 15 novembre 1993, l’audience de présentation des conclusions fut fixée au 17 janvier 1994. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 21 juin 1994. Par une ordonnance hors audience du 1er juillet 1994, le tribunal rouvrit l’instruction, nomma un expert et remit les parties devant le juge à l’audience du 18 juillet 1994. Des quinze audiences prévues entre le 7 novembre 1994 et le 21 avril 1997, douze concernèrent l’expertise et trois compléments de cette dernière, et trois furent reportées d’office. Le 16 juin 1997, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 14 juillet 1997. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente se tint le 2 décembre 1997. Par un jugement non définitif du 22 janvier 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 5 février 1998, le tribunal décida le partage des biens en deux lots. Par une ordonnance hors audience du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 5 février 1998, le tribunal fixa l’audience du 9 mars 1998 pour le tirage au sort desdits lots. Des dix audiences fixées entre le 5 octobre 1998 et le 19 juin 2000, une concerna une expertise et quatre furent reportées afin de permettre aux parties d’essayer de parvenir à un règlement amiable du différend. L’audience suivante fut fixée au 16 octobre 2000. Parallèlement, le 31 janvier 1978, M. T. avait interjeté appel du jugement non définitif du tribunal de Locri devant la cour d’appel de Reggio de Calabre. Le 7 février 1979, la cour avait fixé l’audience de présentation des conclusions au 4 avril 1979 ; toutefois, cette audience ne se tint que le 16 mai 1979, suite à un renvoi d’office. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente avait eu lieu le 6 décembre 1979. Par un arrêt du 9 avril 1981, dont le texte avait été déposé au greffe le 29 juin 1981, la cour avait rejeté l’appel. Le 22 septembre 1981, M. T. s’était pourvu en cassation. Par un arrêt du 1er mars 1983, dont le texte avait été déposé au greffe le 2 juin 1983, la Cour avait cassé en partie l’arrêt de la cour d’appel et avait remis les parties devant la cour d’appel de Catanzaro. Le 26 mai 1984, la requérante avait reprit la procédure devant la cour d’appel de Catanzaro. La mise en état de l’affaire avait commencé le 26 septembre 1984. Des six audiences prévues entre le 19 décembre 1984 et le 23 octobre 1985, deux avaient été reportées d’office, une à la demande des parties et deux à la demande du défendeur, la requérante étant absente. Le 18 décembre 1985, les parties avaient présenté leurs conclusions et l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente avait été fixée au 18 mars 1986 ; toutefois, cette audience ne s’était tenue que le 3 novembre 1987, suite à quatre renvois à la demande des parties et trois renvois à la demande du défendeur, dont un car la requérante était absente. Par un arrêt du 1er mars 1988, dont le texte avait été déposé au greffe le 9 avril 1988, la cour avait rejeté l’appel. Le 27 juin 1988, M. T. s’était pourvu en cassation. Par un arrêt du 14 juillet 1989, dont le texte avait été déposé au greffe le 14 novembre 1989, la Cour avait rejeté le pourvoi.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE La requérante est une ressortissante turque née en 1969 et résidant à Diyarbakır. Elle a introduit la requête en son nom, ainsi qu'en celui de son époux décédé, Ahmet Demiray, qui, selon ses dires, aurait été tué par les forces de sécurité lors de sa garde à vue. A. Evénements ayant trait au décès du mari de la requérante La version des faits donnée par la requérante Ahmet Demiray, le mari de la requérante, fut arrêté à Diyarbakır le 21 juillet 1994. Le 28 juillet 1994, le père d'Ahmet Demiray et beau-père de la requérante porta plainte auprès du procureur de la République près la cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakır contre les gardes de village H.E., T.E., Ö.E. et d'autres dont il ignorait l'identité, en faisant valoir que son fils avait été enlevé le 22 juillet 1994 par ces derniers. Dans sa plainte, il déclarait que la vie de son fils était en danger et précisait que lesdites personnes en étaient les responsables. Le même jour, le procureur informa le père d'Ahmet Demiray que ce dernier avait été placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie centrale de Diyarbakır. Le 15 août 1994, le procureur de la République de Lice informa le maire de Lice que le corps d'Ahmet Demiray avait été trouvé le 14 août 1994, près du village de Dibek (Lice). Il indiqua que les médecins légistes avaient procédé à un examen et à une autopsie du corps. Le procureur observa en outre que les proches du défunt ne se trouvant pas sur place mais dans le district voisin de Hazro, le corps avait été inhumé en leur absence par la municipalité de Lice. La requérante déclare qu'elle aurait appris la mort de son mari après un certain laps de temps. La version des faits donnée par le Gouvernement Le 21 juillet 1994, Ahmet Demiray fut appréhendé par les policiers de la direction de la sûreté de Diyarbakır en raison d'un comportement suspect. Lors de son interrogatoire, il déclara qu'il était membre du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et qu'il pourrait indiquer aux forces de sécurité une cache d'armes de l'organisation. Le même jour, il fut transféré au commandement de la gendarmerie du département de Diyarbakır afin d'être interrogé. Enfin, et compte tenu de ses déclarations concernant l'emplacement de la cache d'armes en question, il fut remis, le 8 août 1994, à une équipe de la gendarmerie du district de Lice afin d'indiquer les lieux. Le 13 août 1994, Ahmet Demiray fit une déposition devant la gendarmerie de Lice. Une visite fut organisée par la gendarmerie sur le lieu supposé de la cache d'armes en cause. Le 14 août 1994, Ahmet Demiray, accompagné de trois gendarmes, y arriva vers 4 h 30. Alors qu'il se dirigeait vers la cache, les gendarmes entendirent une déflagration. Ahmet Demiray fut tué par l'explosion d'une grenade piégée par le PKK. Il n'y eut pas d'autres victimes. Par une ordonnance du 29 mai 1996, le parquet de Lice établit que Ahmet Demiray avait été tué à la suite de l'explosion d'une grenade piégée par le PKK. Par ailleurs, il se déclara incompétent ratione materiae pour examiner la plainte déposée par le père d'Ahmet Demiray et décida de transmettre le dossier d'enquête sur les gardes de village au conseil administratif local de Kocaköy afin que celui-ci puisse l'examiner dans le cadre des dispositions de la loi sur les poursuites contre des fonctionnaires de l'Etat. Cette procédure est toujours pendante. Le 27 septembre 1994, le procureur de la République près la cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakır rendit une ordonnance de non-lieu dans le cadre des poursuites pénales dirigées contre le mari de la requérante, au motif que ce dernier était décédé. Les pièces produites par les parties Au cours de la procédure devant la Commission puis devant la Cour, les parties déposèrent plusieurs pièces. La Cour a notamment invité le Gouvernement à lui fournir la copie intégrale du dossier de l'instruction engagée à la suite de l'incident à l'origine du décès d'Ahmet Demiray, mais cette demande est restée sans réponse. De même, le Gouvernement n'a fourni aucun document relatif à l'enquête qui aurait été ouverte en vue d'identifier et d'arrêter les responsables présumés du meurtre d'Ahmet Demiray, qui seraient des membres du PKK. Les pièces présentant un intérêt pour la présente affaire sont les suivantes. a) Procès-verbal de la déposition d'Ahmet Demiray à la gendarmerie de Lice Ce document a été fourni par le Gouvernement, mais la requérante conteste l'authenticité de la signature d'Ahmet Demiray qui y est apposée. Elle a transmis des documents de 1993 sur lesquels figure la signature de son mari et affirme que la différence est évidente. La partie pertinente de ce procès-verbal se lit ainsi : « Question : Etes-vous membre d'un parti, d'une association ou d'un syndicat ayant des activités légales ou illégales ? Réponse : Je ne suis membre d'aucun parti, syndicat ou association, mais je suis sympathisant de l'organisation terroriste PKK. J'ai apporté une aide financière au PKK. J'ai travaillé au sein du PKK en tant que coursier et guide, j'y ai apporté un soutien logistique. J'ai recueilli des sommes d'argent dans les villages, que j'ai remises au PKK. Question : Quelles étaient vos activités au sein du PKK ? Réponse : (...) Nous sommes partis placer les mines antipersonnel à une distance de ce troisième pont. (...) Je peux vous montrer quand vous le voudrez l'emplacement des munitions, près de la fontaine. (...) J'en ai assez, je ne veux plus m'engager dans ce genre d'affaires, je regrette d'avoir participé à ces actions terroristes. Maintenant, je pense à ma famille et je veux collaborer avec l'Etat. Je peux vous indiquer l'emplacement de la cache de munitions (armes et mines) de l'organisation. » b) Croquis des lieux Le Gouvernement a fourni un croquis des lieux dressé par la gendarmerie. D'après ce croquis, au moment de l'explosion, Ahmet Demiray se trouvait à un mètre de distance de la cache d'armes alors que les trois gendarmes l'ayant accompagné étaient placés respectivement à trente, trente et cinquante mètres de distance, de manière à former un triangle isocèle dont le centre était la cache. c) Rapport d'autopsie du 14 août 1994 (extrait) Ce rapport fut établi par un médecin généraliste, le docteur Sami Karaka. Sa partie pertinente se lit ainsi : « Suite à l'appel du commandement de la gendarmerie nous annonçant la mort d'un individu, alors qu'il indiquait les lieux, par l'explosion de mines piégées par l'organisation PKK, nous nous sommes rendus [le procureur de la République, le greffier assermenté et le médecin] le même jour, à 7 h 40, dans le jardin de l'unité de commandos de la sous-préfecture où se trouvait le corps du défunt. Nous n'avons pas pu nous rendre sur les lieux de l'incident, étant donné les conditions d'insécurité. N'ayant pas à disposition un médecin légiste ou un pathologiste, nous avons expliqué au médecin Sami Karaka ce qu'il devait faire et il a prêté serment. (...) Nous avons procédé à l'identification du défunt à l'aide de la photo se trouvant sur sa carte d'identité. (...) Au niveau de la tête, le maxillaire inférieur était entièrement détruit. La partie antérieure du thorax ainsi que les organes de cette région du corps étaient intégralement détruits. Les deux tiers de l'humérus gauche étaient amputés, cela étant probablement dû à une explosion à très courte distance. Aucune trace de blessures causées par une arme à feu ou par une arme blanche n'a été constatée sur le reste du corps. L'insuffisance respiratoire et circulatoire due à la blessure par explosif survenue deux ou trois heures auparavant ayant été établie comme la cause de la mort, une autopsie classique n'a pas été jugée nécessaire. » d) Ordonnance d'incompétence du parquet de Lice Cette décision fut rendue le 29 mai 1996 par le parquet de Lice à l'intention de la sous-préfecture de Kocaköy. Elle se lit ainsi : « Action publique Intervenant : Hüsnü Demiray [le beau-père de la requérante] Prévenus : [les trois gardes de village] Délit : enlèvement et assassinat Date du délit : 27 juillet 1994 Même si l'intervenant a allégué que son fils avait été enlevé et tué par les prévenus, il a été constaté que le défunt, appartenant à l'organisation PKK, avait été arrêté le 21 juillet 1994 par les équipes de la direction de la sûreté de Diyarbakır. Son champ d'action ayant été défini comme la zone rurale, il a été transféré le 23 juillet 1994 au commandement de la gendarmerie départementale et conduit au village de Yolçati par des membres de la gendarmerie de la sous-préfecture de Lice pour indiquer les lieux. Au moment où il montrait la cache d'armes de l'organisation terroriste PKK, il a été tué par l'explosion d'une grenade piégée par le PKK. Ces faits ont été communiqués par les documents du commandement de la gendarmerie départementale, datés du 7 décembre 1995, et par le document du commandement de la gendarmerie de la sous-préfecture de Lice daté du 15 août 1995. Ces faits ont été établis par les documents mentionnés ainsi que par tout le contenu du dossier. Par ailleurs, notre parquet se déclare incompétent ratione materiae étant donné que les accusés sont des gardes de village et que l'instruction sur les actes commis par ces derniers relève des dispositions de l'article 4, alinéa i) du décret-loi no 285 sur le fonctionnement de l'état d'exception. Le parquet décide de transmettre le dossier d'enquête à la sous-préfecture de Kocaköy afin que celle-ci puisse l'examiner et faire le nécessaire dans le cadre des dispositions de la loi sur les poursuites contre les fonctionnaires de l'Etat. » e) Déclaration de la requérante du 18 octobre 1999 La requérante a produit la déclaration suivante concernant les circonstances dans lesquelles elle a été informée du décès de son mari : « Pour autant que je m'en souvienne, le procureur de la République de Lice a envoyé à Hazro, où habite mon beau-père et où se trouvent nos registres d'état civil, le certificat de décès de mon époux. A cet égard, le procureur de la République de Hazro a convoqué mon beau-père pour lui remettre ledit certificat. Après avoir reçu l'attestation de décès, mon beau-père est venu à Diyarbakır. Ensemble, nous sommes allés à Lice, où nous avons d'abord rencontré le maire afin de nous enquérir des démarches pour l'enterrement. Il nous a dit que le cadavre désintégré avait été récupéré à l'endroit où il se trouvait et enterré conformément à l'ordre donné. Nous lui avons demandé ce qu'il était advenu de la carte d'identité, des vêtements et des autres affaires personnelles de mon époux ; il nous a répondu qu'il les avait livrés au parquet, auquel il nous a renvoyés. Le jour même, nous sommes allés au parquet de Lice mais le procureur n'y était pas. Nous avons parlé avec le substitut auquel nous avons demandé que l'on ouvre la tombe pour voir si c'était bien mon époux ou non. Il a dit ne pas être en mesure d'ouvrir la tombe ; il ne nous a pas montré les photographies de mon mari non plus. Nous avons voulu qu'on nous livre ses vêtements mais l'agent du parquet de Lice nous a dit qu'ils avaient envoyé les vêtements à Hazro avec le certificat de décès. Après Lice, nous sommes allés au parquet de Hazro. Nous avons signalé que d'après nos informations les vêtements y avaient été apportés. Mais ils ont dit qu'ils ne les avaient pas récupérés. Nous n'avons pas pu continuer notre recherche. Je n'ai appris la mort de mon époux qu'après l'arrivée de mon beau-père à Diyarbakır, après sa convocation par le procureur de Hazro consécutive à l'envoi du certificat de décès de Lice à Hazro. Si je ne me trompe pas, je n'en ai donc été informée qu'une semaine après. Pourtant, ceux qui avaient arrêté mon époux connaissaient bien notre adresse car elle est inscrite sur le procès-verbal des déclarations sur lequel se trouve apposée une signature que je crois être fausse, pour n'être pas celle de mon mari. A l'époque des faits, nous occupions en tant que locataires l'appartement que j'habite encore actuellement. Puisqu'on connaissait mon adresse, on pouvait facilement me prévenir de la mort de mon époux pour que j'assiste à l'autopsie. Le fait que je n'ai pas été convoquée démontre que certaines choses ont été dissimulées et que mon époux a bien été assassiné. (...) » B. Evénements postérieurs à l'introduction de la requête Dans ses lettres du 28 juin 1996 et du 17 juillet 1996 adressées à la Commission, la requérante soutient que, depuis la communication de la requête au Gouvernement, les forces de sécurité exerceraient une pression sur elle-même et la famille de son mari afin qu'elle retire sa requête. Elle a précisé que le père et le frère d'Ahmet Demiray ont été placés en garde à vue. Dans sa lettre du 6 juillet 1996, la requérante affirme que le frère de son mari, M. Erdal Demiray, a été de nouveau placé en garde à vue le 4 juillet 1996 pour les mêmes motifs. La requérante a produit une déclaration de son beau-frère datant du 22 octobre 1999. Celui-ci affirme qu'il a été appréhendé par les forces de sécurité et qu'au cours de sa garde à vue, on lui a demandé pourquoi la requérante avait introduit une requête contre l'Etat. Il ressort des documents produits devant la Cour (procès-verbal de l'arrestation et décision de la cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakır) que M. Erdal Demiray fut arrêté le 4 juillet 1996 et remis en liberté le 9 juillet 1996. Le 30 juillet 1996, il fut accusé d'avoir commis des infractions contre l'intégrité de l'Etat. Par une décision du 22 septembre 1997, la cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakır l'acquitta. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les éléments de droit interne pertinents en l'espèce peuvent se résumer comme suit. Le code pénal réprime toute forme d'homicide (articles 448 à 455) ainsi que ses tentatives (articles 61 et 62). Les articles 151 à 153 du code de procédure pénale régissent les devoirs incombant aux autorités quant à l'enquête préliminaire au sujet des faits susceptibles de constituer pareils crimes et portés à la connaissance des autorités. Ainsi, toute infraction peut être dénoncée aussi bien aux autorités ou agents des forces de sécurité qu'aux parquets. La déposition de pareille plainte peut être écrite ou orale, et, dans ce dernier cas, l'autorité est tenue d'en dresser procès-verbal (article 151). Le procureur de la République qui, de quelque manière que ce soit, se voit informé d'une situation permettant de soupçonner qu'une infraction a été commise, est obligé d'instruire les faits afin de décider s'il y a lieu ou non d'entamer une action publique (article 153 du code de procédure pénale). S'il existe des indices qui mettent en doute le caractère naturel d'un décès, les agents des forces de sécurité qui en ont été avisés sont tenus d'en faire part au procureur de la République ou au juge du tribunal correctionnel (article 152). En application de l'article 235 du code pénal, tout membre de la fonction publique qui omet de déclarer à la police ou aux parquets une infraction dont il a eu connaissance pendant l'exercice de ses fonctions est passible d'une peine d'emprisonnement. Si l'auteur présumé d'une infraction est un agent de la fonction publique, et si l'acte a été commis pendant l'exercice des fonctions, l'instruction préliminaire de l'affaire est régie par la loi de 1914 sur les poursuites contre les fonctionnaires, laquelle limite la compétence ratione personae du ministère public dans cette phase de la procédure. En pareil cas, l'enquête préliminaire et, par conséquent, l'autorisation d'ouvrir des poursuites pénales seront du ressort exclusif du conseil administratif local concerné (celui du district ou du département selon le statut de l'intéressé). Une fois pareille autorisation délivrée, il incombe au procureur de la République d'instruire l'affaire. Les décisions desdits conseils sont susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat ; la saisine a lieu d'office si l'affaire est classée sans suite. En vertu de l'article 4, alinéa i) du décret-loi no 285 du 10 juillet 1987 relatif à l'autorité du préfet de la région de l'état d'urgence, la loi de 1914 s'applique également aux membres des forces de sécurité subordonnés audit préfet.
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Le 20 mai 1988, les requérants assignèrent MM. R. N. et D. devant le tribunal de Trévise afin d’obtenir la résiliation d’un contrat de construction et la réparation des dommages subis. La mise en état de l’affaire commença le 30 juin 1988. L’audience fixée au 1er juin 1989 fut reportée au 7 juin 1990 à la demande des défendeurs et avec l’accord des requérants. Le jour venu, les requérants sollicitèrent l’audition de témoins. Le 4 avril 1991, l’audience fut renvoyée à la demande des défendeurs. Le 12 mars 1992, le juge admit l’audition de témoins. Le 18 mai 1993, l’audience fut ajournée d’office jusqu’au 7 février 1995, en partie car le juge de la mise en état était en congé de maternité. A cette date eut lieu l’audition des défendeurs et de certains témoins et le juge de la mise en état nomma un expert. L’ audience fixée au 18 mai 1995 ne se tint pas car ce jour-là les avocats faisaient grève. Les quatre audiences fixées entre le 6 juillet 1995 et le 22 janvier 1998 concernèrent le rapport d’expertise. Le 9 juillet 1998, l’audience fut renvoyée d’office au 24 septembre 1998. Le jour venu, le juge renvoya l’audience au 11 février 1999, date à laquelle eut lieu l’audience de présentation des conclusions. L’audience de plaidoiries fut fixée au 5 octobre 2000.
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Le 11 mai 1987, le requérant enjoignit aux défendeurs M. M. et Mme D. de lui payer une certaine somme. Le tribunal de Bénévent fit droit à sa demande par ordonnance du 15 mai 1987, notifiée le 29 mai 1987. Les défendeurs firent opposition à l’injonction le 17 juin 1987. Ils déposèrent également une demande reconventionnelle en réparation des dommages. La mise en état de l’affaire commença le 26 octobre 1987. Le 30 novembre 1987, le juge de la mise en état rejeta la demande du requérant visant l’exécution provisoire de l’injonction et nomma un expert, qui prêta serment le 29 février 1988. Après deux audiences concernant le rapport d’expertise, le 23 octobre 1989 l’audience fut renvoyée d’office au 24 novembre 1989. Le jour venu, l’audience fut reportée pour permettre aux parties de tenter de parvenir à un règlement amiable. La tentative ayant échouée, le 20 avril 1990 l’audience fut renvoyée au 14 décembre 1990 pour la présentation des conclusions. Cette audience ne se tint pas car ce jour-là les avocats faisaient grève. L’audience du 29 mai 1991 fut ajournée d’office au 3 juin 1991, date à laquelle eut lieu la présentation des conclusions. L’audience de plaidoiries fixée au 2 juin 1992 fut renvoyée d’office à deux reprises jusqu’au 11 février 1997. Par un jugement du 4 mars 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 6 mars 1997, le tribunal annula l’injonction de payer et fit droit à la demande reconventionnelle. Ce jugement acquit l’autorité de la chose jugée le 21 avril 1998.
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Le 13 février 1989, le requérant assigna la mairie de S. P. devant le tribunal de Santa Maria Capua Vetere afin de constater l’occupation sans titre d’un terrain lui appartenant et d’obtenir la réparation des dommages subis. La mise en état de l'affaire commença le 30 mars 1989. Le 30 juin 1989, à la demande de la défenderesse, fut mise en cause une société qui avait effectué des travaux sur le terrain en litige. Des quatre audiences fixées entre le 21 décembre 1989 et le 28 septembre 1990, deux furent reportées à la demande de la défenderesse, une à celle du requérant et une d’office. Le 22 février 1991, le requérant sollicita une expertise, preuve à laquelle la mairie s’opposa. Le 29 mars 1991, le juge de la mise en état nomma un expert. Des huit audiences prévues entre le 12 juillet 1991 et le 21 avril 1995, trois concernèrent le rapport d’expertise, trois furent ajournées d’office, une fut renvoyée à la demande du requérant et une pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. L’audience de présentation des conclusions eut lieu le 24 novembre 1995. L’audience de plaidoiries, fixée au 7 mars 1996, fut ajournée à deux reprises, une fois car le magistrat était en congé de maternité et une fois car le juge devait s’occuper d’affaires au pénal, jusqu’au 13 novembre 1997. Par un jugement du 19 novembre 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 19 décembre 1997, le tribunal constata que la demande du requérant était prescrite et, par conséquent, la rejeta.
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Le 31 janvier 1989, le premier requérant et la requérante assignèrent les entreprises S. et C. devant le tribunal de Rome, en leur nom propre et au nom du deuxième requérant, mineur à l’époque, afin d’obtenir le constat des vices cachés d’un produit électroménager et la réparation des dommages subis suite à un accident. La mise en état de l'affaire commença le 11 avril 1989, par la nomination d’un expert. Des cinq audiences qui se tinrent entre le 22 mai 1989 et le 3 avril 1990, trois concernèrent le rapport d’expertise et deux l’audition de témoins. L’audience de présentation des conclusions eut lieu le 1er octobre 1990 et celle de plaidoiries le 15 janvier 1992. Par un jugement non définitif du 22 janvier 1992, dont le texte fut déposé au greffe le 17 juin 1992, le tribunal constata la responsabilité des défenderesses. Par une ordonnance du même jour, le tribunal ordonna la reprise de la procédure pour l’évaluation des dommages et convoqua l’expert pour l’audience du 16 novembre 1992 devant le juge de la mise en état. A cette date, l’expert prêta serment pour un complément d’expertise. Les cinq audiences qui se tinrent entre le 4 juillet 1994 et le 21 mars 1995 concernèrent le complément d’expertise. Le 5 juin 1995, l’audience ne se tint pas car ce jour-là les avocats faisaient grève. Le 1er février 1996, l’audience fut renvoyée à cause de l’absence des parties. Le 18 septembre 1996, les requérants demandèrent l’application de l’article 186 quater du Code de procédure civile, visant à obtenir une décision provisoire du litige. Cette audience, ainsi que les deux autres qui lui succédèrent jusqu’au 16 octobre 1997 furent renvoyées car certains documents du dossier avaient été égarés. Le jour venu, le juge prononça une ordonnance conformément à l’article 186 quater, accordant une certaine somme aux requérants, et fixa l’audience de plaidoiries au 11 mai 2001.
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En 1979, le requérant acquit un café-bar-dancing, situé à Nevers. En 1980, il obtint un permis de construire afin d’aménager le bâtiment en discothèque et, le 11 mars 1980, le maire de Nevers lui accorda une autorisation d’ouverture. Dans ce département, l’heure de fermeture de ce type d’établissement est fixée à 2 heures du matin par un arrêté du préfet du département de la Nièvre du 6 juillet 1971. Ledit arrêté précise toutefois que, « à titre exceptionnel », le préfet peut accorder des autorisations individuelles temporaires ou permanentes d’ouverture tardive. Le 18 août 1980, le préfet de la Nièvre accorda ainsi au requérant une dérogation lui permettant de maintenir son établissement ouvert jusqu’à 4 heures du matin, valable durant six mois ; elle fut renouvelée en janvier 1981 pour la même durée, en août 1981 pour trois mois, puis, en novembre 1981 et en avril 1982, pour six mois. En octobre 1982, une association de riverains s’étant plainte de nuisances occasionnées par le fonctionnement de la discothèque, le préfet signifia au requérant que la dérogation ne serait pas renouvelée. En mai 1983, le requérant obtint néanmoins l’autorisation de fermer son établissement à 4 heures du matin les samedi et dimanche. Le 5 août 1983, le préfet délivra une nouvelle autorisation de fermeture tardive pour tous les jours de la semaine, jusqu’au 15 septembre 1983 ; cette dérogation fut reconduite en octobre 1983 et janvier 1984, pour trois mois. Par la suite – hormis une fermeture administrative de quinze jours ordonnée en août 1986 par le préfet en raison d’une rixe entre clients et du non respect des horaires – ladite dérogation fut renouvelée par périodes de six mois jusqu’en 1989. L’association des riverains s’étant plainte à trois reprises entre septembre 1989 et janvier 1990 de nuisances causées par le fonctionnement de la discothèque, le 29 janvier 1990, le préfet signifia au requérant son refus de renouveler la dérogation. Le requérant ayant fait valoir que son établissement connaissait des difficultés – ledit établissement faisait l’objet d’un redressement judiciaire depuis 1988 – et s’étant engagé à prendre certaines mesures de nature à diminuer les nuisances liées à l’ouverture tardive, le préfet lui accorda, le 12 avril 1990, une nouvelle dérogation valable trois mois, pour les mercredi, vendredi, samedi et veilles de jours de fête ; cette dérogation fut renouvelée le 11 juillet 1990 pour une même durée. Le 31 juillet 1990, le requérant – qui avait résolu de convertir son établissement en cabaret – obtint une licence d’entrepreneur de spectacles de cinquième catégorie. Le 27 septembre 1990, tirant argument du fait que cette nouvelle activité s’adressait à une clientèle moins bruyante que celle des discothèques, il demanda au préfet de lui délivrer une autorisation de fermeture à 4 heures du matin valable tous les jours de la semaine. Cette demande fut rejetée le 3 décembre 1990, aux motifs que des instructions ministérielles du 3 mars 1986 précisaient que les détenteurs d’une telle licence ne pouvaient bénéficier d’une dérogation horaire et que la clientèle de ce type d’établissement n’était pas de celles qui prolongent leurs soirées. Par la suite, le requérant formula sans succès plusieurs demandes de renouvellement de la dérogation, dont une le 12 juin 1991 à laquelle le préfet ne répondit pas. Le 21 novembre 1991, le requérant saisit le tribunal administratif de Dijon aux fins d’obtenir l’annulation de la décision implicite de rejet du préfet résultant du silence gardé par celui-ci pendant quatre mois après cette dernière demande. Les 6 février et 31 juillet 1992, le préfet déposa ses mémoires en défense ; les 14 mai et 17 novembre 1992, le requérant déposa des mémoires complémentaires. L’audience eut lieu le 17 novembre 1992 et, par un jugement du 5 janvier 1993, le tribunal administratif rejeta la demande du requérant. Le 23 mars 1993, le requérant déféra ledit jugement à la censure du Conseil d’Etat. Il déposa un mémoire complémentaire le 23 juillet 1993. Le préfet déposa ses conclusions le 4 avril 1995. Le 2 novembre 1995, le requérant demanda à bénéficier de l’aide juridictionnelle. Sa demande fut rejetée le 23 février 1996 par une décision du bureau d’aide juridictionnelle, au motif qu’elle était « manifestement dénuée de fondement ». Par un arrêt du 30 juillet 1997, le Conseil d’Etat rejeta les demandes du requérant.
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Le 21 septembre 1987, quatre frères du requérant assignèrent ce dernier devant le tribunal de La Spezia, afin d’obtenir la dissolution d’une communauté de biens. L’instruction commença le 28 octobre 1987, date à laquelle le requérant se constitua dans la procédure en affirmant de ne pas être contraire à ladite dissolution, mais que dans la communauté devaient être pris en compte également d’autres biens. Le 10 février 1988, le juge de la mise en état nomma un expert, qui prêta serment le 18 mai 1988. Les quatre audiences qui se tinrent entre le 9 novembre 1988 et le 7 juin 1989 furent renvoyées dans l’attente du dépôt au greffe du rapport d’expertise. Le 22 novembre 1989, le juge fixa la date pour la présentation des conclusions au 14 février 1990. Le jour venu, le juge ordonna la comparution personnelle des parties à la demande du requérant. L’audience prévue à cette fin, fixée au 8 juin 1990, fut renvoyée au 23 octobre 1990 à la demande des frères du requérant. Ce jour-là, le juge ordonna la comparution de l’expert. Après un renvoi car l’expert ne s’était pas présenté, le 27 mars 1991 le juge ordonna une expertise complémentaire. Les trois audiences qui eurent lieu entre le 9 octobre 1991 et le 14 octobre 1992 concernèrent l’expertise. Après deux audiences au cours desquelles les parties demandèrent la fixation de la date pour la présentation des conclusions, le 1er décembre 1993 le juge ordonna la comparution de l’expert à la demande du requérant. Le 23 février 1994, le juge ordonna une expertise complémentaire. Le 29 juin 1994, le requérant présenta un recours en référé aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, afin d’obtenir une certaine somme à titre d’acompte. Après deux renvois, dont un d’office, par une ordonnance du 9 novembre 1994, le juge rejeta le recours en référé présenté par le requérant. Des trois audiences qui se tinrent entre le 22 février et le 8 mars 1995, deux furent renvoyées dans l’attente du dépôt au greffe du rapport d’expertise. Par une ordonnance du 8 mai 1995, le juge rejeta un autre recours en référé entre-temps présenté par le requérant et ajourna l’affaire au 8 novembre 1995. Le 20 décembre 1995, les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 14 février 1996. Par un jugement du 15 février 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 18 avril 1996, le tribunal déclara la communauté des biens en partie dissoute et alloua au requérant une somme à titre de quote-part. Le 28 octobre 1996, le requérant interjeta appel devant la cour d’appel de Gênes. L’instruction de l’affaire commença le 17 janvier 1997. Le 21 février 1997, le juge ajourna l’affaire au 11 avril 1997 à la demande des parties. Ce jour-là, les parties présentèrent leurs conclusions et l’audience de plaidoiries fut fixée au 3 décembre 1998. Par une ordonnance du 28 janvier 1999, la cour d’appel rouvrit l’instruction, nomma un expert et ajourna l’affaire au 9 avril 1999.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Du 4 septembre 1984 au 4 novembre 1985, le requérant fit l'objet d'une vérification approfondie de sa situation fiscale, à la suite d'un rapport de police indiquant qu'il aurait bénéficié de bénéfices non commerciaux occultes. Le 10 décembre 1984, des avis de redressements lui furent notifiés concernant ces revenus litigieux, ainsi que des intérêts d'emprunt et des pensions alimentaires. Une partie des redressements firent l'objet d'un dégrèvement, mais l'administration fiscale poursuivit la vérification en demandant un certain nombre d'éclaircissements ou de justifications au requérant. Le 26 septembre 1985, le vérificateur demanda de nouvelles justifications. Le 9 décembre 1985, le requérant se vit notifier un nouvel avis de redressements, avec notamment taxations d'office sur des montants de 87 000 francs (pour l'année 1981), 378 000 francs (pour l'année 1982) et 771 200 francs (pour l'année 1983), ainsi que des remises en cause des sommes déduites par le requérant au titre des années contrôlées. En outre, le requérant fut informé de ce que les rappels d'impôts étaient susceptibles d’être assortis de pénalités de mauvaise foi concernant les taxations d'office (soit de 30 à 100 % de majoration à la date de cette notification) et d’intérêts de retard pour le surplus. Par lettres du 21 avril 1986, l'administration fiscale confirma ces redressements et lui notifia la mise à sa charge de pénalités pour absence de bonne foi concernant les taxations d’office. Les impositions correspondantes, qui furent mises en recouvrement le 31 octobre 1986, laissèrent apparaître des pénalités d'un montant global de plus de 400 000 francs. Le 26 novembre 1986, le requérant adressa une réclamation administrative qui fut rejetée par décision du 11 mars 1988, notifiée le 16 mars 1988. Le 27 mai 1988, le requérant saisit le tribunal administratif d'Orléans. La direction des services fiscaux déposa son mémoire le 13 janvier 1989. L’ordonnance de clôture fut rendue le 6 janvier 1992. Par jugement du 8 octobre 1992, notifié le 6 novembre 1992, le tribunal administratif d'Orléans fit partiellement droit à la requête du requérant en accordant la décharge des compléments d'imposition au titre de l'année 1981, aux motifs que la procédure de taxation d'office ne pouvait être régulièrement utilisée en l'absence de disproportion marquée entre les revenus déclarés et les crédits portés sur le compte du contribuable. La demande du requérant fut rejetée pour le surplus. Le 6 janvier 1993, le requérant interjeta appel de ce jugement afin de contester les impositions mises à sa charge. Dans un mémoire complémentaire, le requérant invoqua l’illégalité de la notification des pénalités de mauvaise foi pour absence de motivation et d’indication des voies de recours ouvertes au contribuable. Le 19 août 1994, l'administration fiscale décida d'accorder un dégrèvement d'un montant de 256 060 francs au titre des pénalités infligées en sus des taxations d’office pour les années 1982 et 1983. Par arrêt du 22 décembre 1994, notifié le 27 janvier 1995, la cour administrative d'appel de Nantes rejeta les demandes du requérant, après avoir notamment constaté le dégrèvement accordé par l'administration fiscale pour les pénalités de mauvaise foi en leur substituant des pénalités de retard. Le requérant forma un pourvoi devant le Conseil d’État, invoquant la nullité de l’arrêt d’appel pour dénaturation des faits et violation des dispositions du Livre des procédures fiscales. Par décision du 15 avril 1996, notifiée le 2 mai 1996, la commission d’admission des pourvois en cassation du Conseil d’État rejeta le pourvoi du requérant.
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Le 19 juillet 1990, le requérant, ancien inspecteur de police, déposa un recours au greffe de la Cour des comptes. Il demanda l’annulation de la décision du préfet de Bergame qui avait rejeté sa demande de réévaluation de sa retraite par l'octroi d'une somme complémentaire correspondante à six échelons de son salaire. Le 1er septembre 1993, le requérant présenta une demande tendant à ce que l’audience fût fixée. Suite à la décentralisation en 1994 de la Cour des comptes, le 13 avril 1994 l’affaire fut transmise à la chambre régionale de la Lombardie. Une audience se tint le 23 octobre 1996. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 22 janvier 1998, la chambre régionale déclara le recours en partie irrecevable par incompétence au profit du juge administratif et le rejeta pour le surplus. Le 24 mars 1998, l’arrêt fut communiqué au requérant. Le 28 décembre 1998, le requérant interjeta appel devant la Cour des comptes de Rome. Par une décision du 9 juillet 1999, le président de la Cour des comptes fixa la date de l’audience au 2 octobre 1999. Le 21 octobre 1999 eut lieu l'audience de plaidoiries. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 1er décembre 1999, la Cour des comptes rejeta l'appel car la loi invoquée par le requérant pour demander la réévaluation du montant des retraits était entrée en vigueur après que le requérant avait eu sa pension.
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Le 5 décembre 1984, le requérant introduisit un recours à la Cour des comptes afin d’obtenir la reconnaissance de son droit à une pension spéciale en raison d’une infirmité survenue pendant son service militaire. Les 13 mars 1990, 4 janvier 1992 et 6 juin 1992, la Cour informa le requérant que le recours était encore pendant. A cette dernière date, le requérant présenta une demande tendant à la fixation urgente de la date de l’audience. Cette demande fut rejetée le 29 juillet 1992. Le 16 mai 1994, la Cour informa le requérant de ce que, en vertu de la loi n° 19/94, instituant les chambres régionales de la Cour des comptes, son recours avait été transmis le 16 mars 1994 à la chambre régionale de la Campanie. Le 5 novembre 1998, le requérant présenta une demande tendant à ce que la date de l’audience fût fixée. Le 1er décembre 1998, la chambre régionale informa le requérant que son recours avait été inscrit au n° 3065/M du registre général. L’audience se tint le 11 juin 1999. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 22 décembre 1999, rejeta le recours.
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Le 27 juillet 1988, la requérante assigna la société à responsabilité limitée F. devant le tribunal de Milan, afin d’obtenir réparation des dommages subis en raison de la mauvaise exécution d’un contrat de construction et qu’elle évalait à 16 000 000 lires italiennes. La mise en état de l’affaire commença le 30 novembre 1988. Le 5 avril 1989, un débat eut lieu relatif à l’admission de moyens de preuves. Le 7 juin 1989, la compagnie d’assurances R. fut mise en cause. L’audience du 14 novembre 1989 fut reportée à la demande des parties au 13 février 1990. Après une audience, au cours de laquelle les parties versèrent au dossier des documents, le 29 janvier 1991 le juge nomma un expert. Six audiences furent fixées entre le 5 mars 1991 et le 15 décembre 1993, dont deux concernèrent le rapport d’expertise, deux le dépôt de documents, une fut ajournée à la demande des parties et une autre fut reportée par le juge. Le 12 janvier 1994, la présente affaire fut jointe à une autre pendante entre la requérante et une autre société. Le 9 novembre 1994, l’audience fut renvoyée d’office au 23 novembre 1994. Le jour venu, à la demande des parties l’audience fut reportée au 21 décembre 1994. Une audience plus tard, en raison d’une grève des avocats l’audience fixée au 3 mars 1995 fut renvoyée au 20 septembre 1995. Les parties présentèrent leurs conclusions le 10 janvier 1996. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente, fixée au 12 avril 1996, fut renvoyée d’office au 10 mai 1996. A cette date, le tribunal rouvrit l’instruction, admit l’audition de témoins et fixa l’audience suivante au 17 mars 1997. Le 22 janvier 1998, la procédure fut interrompue en raison du prononcé de la liquidation judiciaire de la société défenderesse. La requérante reprit la procédure le 27 juin 1998. Par une ordonnance du 30 juin 1998, l’audience suivante fut fixée au 10 février 1999. Le jour venu, le juge décida la mise en cause de Mme G. et Mme C. Le 14 juin 1999, Mme G. et Mme C. furent déclarées défaillantes. Le 9 décembre 1999, l’audience fut renvoyée d’office au 18 mai 2000. Le jour venu, le juge fixa au 28 septembre 2000 l’audience de présentation des conclusions.
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Le 25 mars 1982, le requérant assigna M. L. et la compagnie d’assurances S. devant le tribunal de Cosenza afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d’un accident de la circulation. La mise en état de l’affaire commença le 11 juin 1982. A cette date, le juge de la mise en état approuva la mise en cause de Mme I., de MM. C. et R. et de la compagnie d’assurances T. L’audience prévue pour le 4 février 1983 fut remise d’office au 19 janvier 1984. A cette date, certains défendeurs soulevèrent une exception d’incompétence territoriale, car le même accident faisait l’objet d’une affaire pendante devant le tribunal de Larino. Le requérant sollicita la saisie des biens de Mme I. Le juge de la mise en état réserva sa décision et fixa une audience au 28 juin 1984. Lors de cette audience, les parties déposèrent des documents et le juge réserva à nouveau sa décision quant aux deux questions soulevées par les parties à l’audience précédente. Le 28 février 1985, l’audience fut renvoyée d’office au 23 janvier 1986. Le jour venu, les parties présentèrent leurs conclusions quant à la question de la compétence territoriale. Par une ordonnance du 30 septembre 1987, dont le texte fut déposé au greffe le 26 décembre 1987, le tribunal rejeta l’exception d’incompétence territoriale, rouvrit l’instruction et fixa une audience au 12 octobre 1989. Le 30 novembre 1989, l’affaire fut reportée d’office au 26 novembre 1991. A cette dernière audience, le juge de la mise en état admit la saisie sollicitée par le requérant ainsi que l’audition de témoins et fixa une audience au 29 septembre 1992. Cette audience fut renvoyée d’office au 10 novembre 1992 en raison de la mutation du juge. Le jour venu, le juge ne procéda pas à l’audition de témoins, en dépit du fait qu’ils étaient présents. Il admit l’audition de certains témoins par voie rogatoire. Le 22 mars 1993, l’audience fut reportée au 22 février 1994 car certains témoins étaient absents et d’autres étaient arrivés après l’audience. Le 1er septembre 1995, les parties parvinrent à un règlement à l’amiable du différend.
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Le 9 février 1988, la requérante et son mari, au nom de la mère de la requérante, assignèrent deux médecins et une Unité Sanitaire Locale devant le tribunal de Turin afin d'obtenir la réparation des dommages subis par la mère de la requérante suite à une intervention chirurgicale. La mise en état de l'affaire commença le 13 avril 1988. L'audience prévue au 10 mai 1988 fut reportée d'office au 4 octobre 1988, date à laquelle le juge nomma un expert et ajourna l'affaire au 16 novembre 1988. Le jour venu, l'expert demanda d'être dispensé et le juge nomma un nouvel expert, qui prêta serment le 14 février 1989. Les quatre audiences qui se tinrent entre le 12 juillet 1989 et le 12 décembre 1990 furent renvoyées car l'expert n'avait pas remis son rapport. L'audience du 13 mars 1991 fut reportée au 9 octobre 1991 car ce jourlà les avocats faisaient grève. A cette date, le juge constata que l'expert n'avait pas encore déposé au greffe son rapport et ajourna l'affaire au 25 mars 1992. Après trois audiences, le 1er mars 1994 les défendeurs déposèrent des mémoires. Le 24 janvier 1995, le juge fixa l'audience de présentation des conclusions au 23 mai 1995. Toutefois, cette audience fut d'abord reportée au 8 mai 1996 suite à une grève des avocats, ensuite au 4 décembre 1996 à la demande de la requérante. Le jour venu, le juge déclara l'interruption du procès suite au décès de la mère de la requérante. Le 20 mai 1997, la requérante reprit la procédure. Par une ordonnance hors audience du 13 juin 1997, le juge fixa la reprise de l’instruction au 15 octobre 1997. Le jour venu, l'audience pour la présentation des conclusions fut fixée au 10 juin 1998 ; toutefois, cette dernière ne se tint que le 26 janvier 1999, car elle fut d’abord reportée suite au dépôt de certains documents par la requérante et puis d’office. Le jour venu, eut lieu aussi l’audience de plaidoiries. Par un jugement non définitif du 20 mai 1999, dont le texte fut déposé au greffe à une date non précisée, le tribunal constata le défaut de fondement de l’assignation en justice de l’Unité Sanitaire Locale et rouvrit l’instruction afin de nommer un expert. Par une ordonnance hors audience du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 25 mai 1999, le tribunal nomma un expert et fixa l’audience du 6 juillet 1999 pour la prestation de serment de ce dernier. A cette date, l’expert étant absent, l’affaire fut reportée au 14 octobre 1999. A cette audience, l’expert refusa le mandat, le juge nomma un autre expert et ajourna l’affaire au 16 novembre 1999 pour la prestation de serment. Le jour venu, le deuxième expert refusa le mandat car il avait eu auparavant des rapports professionnels avec une des parties, le juge nomma un autre expert et ajourna l’affaire au 1er février 2000 pour la prestation de serment.
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Le 23 décembre 1987, les requérants firent séparément opposition devant le tribunal d’Avellino à une injonction de payer obtenue le 26 novembre 1987 par une banque et notifiée le 9 décembre 1997. La mise en état de l'affaire commença le 11 mars 1988. Le 14 avril 1988, les deux procédures furent jointes, l'autre partie demanda que l'injonction fut déclarée provisoirement exécutoire et le juge se réserva de décider. Par une ordonnance hors audience du 16 septembre 1988, le juge rejeta cette demande. Des huit audiences prévues entre le 10 novembre 1988 et le 31 janvier 1991, une fut renvoyée d'office, une à la demande de la banque demanderesse sans opposition des requérants, une afin de permettre aux parties d'essayer de parvenir à un règlement à l'amiable du différend et une concerna le dépôt de mémoires. Le 30 mai 1991, le juge nomma un expert, admit des témoins et ajourna l'affaire au 28 novembre 1991 pour l’audition de ces derniers. L'audience du 9 avril 1992 fut renvoyée à la demande des requérants et celle du 1er octobre 1992 fut consacrée à l'audition de témoins. Le 10 décembre 1992, le juge constata que l'expert n'avait pas encore été convoqué et il fixa la prestation du serment au 5 février 1993. Deux audiences plus tard, le 22 avril 1994 les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 2 janvier 1996. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 12 avril 1996, le tribunal fit droit à la demande des requérants. Ce jugement acquit l'autorité de la chose jugée le 27 mai 1997.
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Le 29 juin 1985, le requérant déposa un recours devant le juge d'instance de Roccamonfina (Caserte), faisant fonction de juge du travail, afin d'obtenir le paiement de certaines sommes de la part de M. B., son employeur. Le juge fixa la première audience au 7 décembre 1985. Des onze audiences qui eurent lieu entre le 14 décembre 1985 et le 11 octobre 1986, huit concernèrent l’admission et l’audition de témoins - dont deux furent reportées car les témoins étaient absents - et deux furent renvoyées à la demande du défendeur - dont une suite à l’absence du requérant. Les débats se tinrent le 8 novembre 1986. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 15 novembre 1986, le juge fit droit à la demande du requérant. En 1986, la banque B. - créditrice du défendeur - entama deux différentes procédures d’exécution à son encontre devant le tribunal de Cassino (Frosinone). Le 22 mai 1989, ces deux procédures furent jointes. Suite à une demande de fixation de l’audience de mise en vente des biens saisis, le 21 juin 1989 le juge nomma un expert et fixa pour le serment de ce dernier l’audience du 2 février 1990. Toutefois, cette audience ne se tint que le 21 novembre 1990, suite à une grève des avocats. Entre-temps, le 7 juin 1990, le requérant avait intimé au défendeur de payer la somme qui lui était due en exécution du jugement du juge d’instance de Roccamonfina. Le 20 juillet 1990, le requérant intervint dans la procédure d’exécution. Le 23 octobre 1991, comme l’expert n’avait pas remis au greffe son rapport, le juge révoqua son mandat, nomma un nouvel expert qui prêta serment le jour même et ajourna l’affaire au 15 avril 1992. Cette audience fut reportée à deux reprises, jusqu’au 3 novembre 1993, car l’expert n’avait pas déposé au greffe son rapport. Le jour venu, les parties demandèrent la fixation de l’audience de mise en vente des biens saisis et le juge renvoya l’affaire au 8 juin 1994. Des huit audiences qui se tinrent entre cette date et le 16 juillet 1997, six concernèrent deux compléments d’expertise - dont une fut reportée car l’expert n’avait pas remis son rapport -, une fut renvoyée d’office et une car ce jour-là les avocats faisaient grève. Le 15 octobre 1997, les parties demandèrent un renvoi afin de déposer des documents et le juge ajourna l’affaire au 16 septembre 1998 ; toutefois, cette audience ne se tint que le 26 septembre 1998, suite à un renvoi d’office. Le jour venu, le juge réserva sa décision quant à la vente des biens saisis ; par une ordonnance hors audience du 16 octobre 1998, le juge fixa l’audience de vente au 31 mars 1999. A cette date, aucun acquéreur ne s’étant présenté à la vente, le juge fixa à cette fin une nouvelle audience au 1er décembre 1999.
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Le 15 mai 1989, à la demande du requérant, le président du tribunal de Salerne enjoignit à la municipalité de Controne (Salerne) de payer 14 484 816 lires italiennes au titre du recouvrement d'une créance. L’injonction fut notifiée à la municipalité le 25 mai 1989. Le 13 juin 1989, cette dernière fit opposition à l’injonction et assigna le requérant devant le tribunal de Salerne. L’instruction commença le 8 novembre 1989. Après une autre audience, le 20 mars 1990 le juge nomma un expert, qui prêta serment le 10 octobre 1990. Des onze audiences fixées entre le 13 mars 1991 et le 21 mars 1996, cinq furent renvoyées d’office, une car ce jour-là les avocats faisaient grève, une concerna l’expertise et quatre furent reportées par le juge bien que le requérant eût demandé la convocation de l’expert afin de lui demander des précisions. Le 31 octobre 1996, le juge convoqua l’expert à l’audience du 24 avril 1997 ; toutefois, cette dernière fut renvoyée d’abord au 5 juin 1997, car l’expert n’avait pas comparu, et ensuite au 15 janvier 1998, car le greffe n’avait pas informé l’expert de la date de l’audience. Le jour venu, le juge confia à l’expert un complément d’expertise et fixa l’audience suivante au 18 juin 1998. A cette date, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 21 janvier 1999 ; toutefois, cette audience ne se tint pas car, par une ordonnance hors audience du 4 novembre 1998, le président de la chambre compétente avait demandé au président du tribunal d’attribuer l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). A une date non précisée, l’audience suivante fut fixée au 24 mai 1999. Le jour venu, le juge fixa l’audience de présentation des conclusions au 19 juillet 1999 ; toutefois, cette dernière fut reportée au 20 septembre 1999 afin de permettre aux parties d’essayer de parvenir à un règlement amiable de l’affaire. Le 3 avril 2000, les parties parvinrent à un règlement amiable de l’affaire.
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La requérante est une société en comandite simple italienne et a son siège social à Aprilia (Latina). Le 12 mars 1993, la requérante assigna M. C. devant le tribunal de Latina afin d’obtenir le paiement de sommes résultant d’un contrat d’entreprise. La mise en état de l’affaire commença le 23 mars 1993. A cette date, le juge de la mise en état constata que la demande en justice n’avait pas été notifiée à M. C. et ajourna l’audience au 6 juillet 1993. Le 11 janvier 1994, le juge nomma un expert. Les audiences du 12 juillet 1994 et du 11 avril 1995 concernèrent le rapport d’expertise. Les parties présentèrent leurs conclusions le 1er février 1996 et l’audience de plaidoiries fut fixée au 16 mars 1999. Le 13 avril 1996, la requérante demanda que la date de l’audience fût avancée ; le président rejeta sa demande le 15 avril 1996 eu égard à la surcharge du rôle. Entre-temps, la loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Les sezioni stralcio, composées d'un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été créés en vertu de l'article 90 de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d'absorber l'arriéré d'affaires pendantes devant les juridictions civiles. Toutefois, seul quatre des quatorze magistrats prévus ayant pris leurs fonctions, l’audience suivante eut lieu le 8 juillet 1999. A cette date, le juge mit l’affaire en délibéré. Par un jugement du 30 décembre 1999, dont le texte fut déposé au greffe le 31 janvier 2000, le juge fit en partie droit à la demande de la requérante.
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Le 20 septembre 1991, les requérants assignèrent M. R. et sa compagnie d’assurances devant le tribunal de Fermo (Ancône) afin d’obtenir réparation des dommages subis suite au décès de leurs fils lors d'un accident de la circulation. La première audience, qui aurait dû se tenir le 14 janvier 1992, fut reportée d’office suite à la mutation du juge. Le 29 janvier 1992, les requérants déposèrent au greffe du tribunal une demande tendant à la désignation d’un nouveau juge. Le 21 février 1992, le président du tribunal informa les requérants qu’aucun magistrat n’étant disponible, l’affaire demeurait en attente. Le 4 décembre 1992, les requérants déposèrent au greffe une nouvelle demande. Par une ordonnance hors audience du 11 mars 1993, le président du tribunal se chargea de l’affaire et fixa la première audience au 31 mai 1993. Le 12 juillet 1993, le juge nomma un expert, admit des témoins et ajourna l’affaire au 22 novembre 1993 pour l’audition de ces derniers. Des quatre audiences prévues entre le 28 février 1994 et le 4 juillet 1994, deux furent renvoyées d’office et deux concernèrent l’expertise. Les trois audiences qui se tinrent entre le 3 octobre 1994 et le 8 mai 1995 furent consacrées à l’admission et à l’audition d’autres témoins. La présentation des conclusions eut lieu le 22 janvier 1996 ; à cette date, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 17 janvier 1997. Par un jugement du 7 mars 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 17 mars 1997, le tribunal fit droit à la demande des requérants.
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Le 29 mai 1989, le requérant assigna M. I. et la compagnie d’assurances T. devant le tribunal de Rovigo afin d’obtenir réparation des dommages subis lors d’un accident de la circulation. La mise en état de l’affaire commença le 27 septembre 1989, date à laquelle le juge déclara la défaillance des parties défenderesses. Le 29 novembre 1989, le juge de la mise en état remit le dossier au président du tribunal pour la décision concernant la jonction de la présente affaire à une autre relative au même accident, dans laquelle le requérant était défendeur. Le 28 mars 1990, le juge ordonna la jonction des deux procédures. Le 3 octobre 1990, le juge nomma un expert, qui prêta serment le 6 mars 1991. Le 5 février 1992, le juge ajourna l’affaire au 27 mai 1992. Le jour venu, les demandeurs de la procédure jointe versèrent des documents au dossier. Le 14 octobre 1992, le juge admit l’audition de témoins. L’audience prévue à cette fin se tint le 13 mai 1993. Le 10 novembre 1993, le juge fixa la date de l’audience de présentation des conclusions au 26 janvier 1994. L’audience de plaidoiries devant la chambre compétente, fixée au 2 juin 1995, fut reportée au 28 février 1997 car ce jour-là les avocats faisaient grève. Le jour venu, le défenseur du requérant déclara que ce dernier avait obtenu réparation et renonçait partant à la procédure dans laquelle il était demandeur. Par un jugement du 7 mars 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 22 avril 1997, le tribunal déclara l’extinction de la procédure entamée par le requérant en raison de la renonciation par celui-ci de sa poursuite et condamna le requérant, M. I. ainsi que leurs compagnies d’assurances à la réparation des dommages subis par les demandeurs dans la procédure jointe. Selon les informations fournies par le requérant, ledit jugement n’avais pas encore acquis l’autorité de la chose jugée le 3 février 1998.
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Le 4 décembre 1989, le requérant et sa femme assignèrent M. M. et Mme C. devant le tribunal de Syracuse afin d’obtenir la reconnaissance de leur droit à une servitude de passage. L’instruction commença le 13 février 1990. Le 6 novembre 1990, le juge nomma un expert, qui prêta serment à l’audience du 18 décembre 1990. Des cinq audiences prévues entre le 3 décembre 1991 et le 4 avril 1995, deux furent renvoyées d’office et trois concernèrent l’expertise, dont deux furent reportées car l’expert n’avait pas déposé au greffe son rapport. Les quatre audiences qui se tinrent entre le 7 novembre 1995 et le 30 avril 1996 concernèrent l’audition de témoins. La présentation des conclusions eut lieu le 7 avril 1998. A cette date, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 10 juillet 2001. Toutefois, à une date non précisée, l’affaire fut attribuée au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Au 3 septembre 1999, date de la dernière lettre du requérant, aucune audience n’avait été fixée. Par un jugement, dont le texte fut déposé au greffe le 21 janvier 2000, le tribunal fit droit à la demande du requérant.
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Le requérant, victime d’une agression, avait porté plainte contre MM. M. et L. et Mme M. Le 4 décembre 1992, le requérant se constitua partie civile dans une procédure pénale pendante devant le juge d’instance de Massa, à l’encontre de MM. M. et L. et Mme M. Des treize audiences fixées entre le 3 novembre 1993 et le 23 mai 1997, sept concernèrent l'audition de témoins, deux autres la production de documents, une fut reportée d'office, deux furent renvoyées car les avocats faisaient grève et une le fut car les parties défenderesses étaient absentes. Le 4 juillet 1997, l'affaire fut mise en délibéré et par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 2 octobre 1997, le juge reconnu au requérant le droit d’obtenir réparation des dommages subis, dont le montant devait être déterminé par les juridictions civiles. Le 15 novembre 1997, MM. M. et L. et Mme M. interjetèrent appel du jugement devant la cour d’appel de Gênes. Par un arrêt du 13 mars 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 17 mars 1998, la cour fit en partie droit à l’appel, mais confirma le droit du requérant à obtenir une réparation.
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La requérante est une société anonyme ayant son siège à Carnaxide (Portugal). La requérante avait en sa possession huit lettres de change, qui lui avaient été données par une société, A. Lda., et dont le montant s'élevait à 6 812 106 escudos portugais. Ces lettres n'ayant pas été payées dans le délai prévu, la requérante introduisit, le 11 octobre 1982, devant le tribunal de Lisbonne une procédure d'exécution en vue du recouvrement des sommes en cause contre A. Lda. A. Opposition à l'exécution Citée à comparaître par une ordonnance du 22 octobre 1982, la société défenderesse forma, le 6 décembre 1982, opposition à l'exécution (embargos de executado). 8. Le 7 mars 1983, le juge rendit une décision préparatoire (despacho saneador) spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. Après que plusieurs commissions rogatoires, en vue de l'audition des témoins, eurent été envoyées aux tribunaux de Porto, Vila Real et Bragance, l'audience fut fixée au 16 octobre 1984, mais elle n'eut pas lieu en raison de l'absence de l'avocat de la requérante. Elle fut finalement tenue le 13 novembre 1984. Par un jugement du 19 juin 1986, le tribunal fit droit à l'opposition. Le 8 juillet 1986, la requérante interjeta appel de cette décision devant la cour d'appel (Tribunal da Relação) de Lisbonne. Le 27 mai 1987, le dossier fut transmis à cette dernière juridiction. Par un arrêt du 28 février 1989, la cour d'appel infirma la décision attaquée et décida d'écarter l'opposition. Le 18 mai 1989, alors que le dossier se trouvait toujours à la cour d'appel de Lisbonne, A. Lda. demanda l'assistance judiciaire pour les frais de justice. Par une ordonnance du 19 septembre 1989, le juge rapporteur repoussa la demande. Une seconde demande formulée par A. Lda. le 23 octobre 1989 fut également rejetée, le 3 novembre 1989. Saisi par A. Lda., un comité de trois juges de la cour d'appel confirma, par un arrêt du 3 avril 1990, les ordonnances en cause. A. Lda. se pourvut alors en cassation, le 7 mai 1990, devant la Cour suprême (Supremo Tribunal de Justiça). Le 5 novembre 1990, le dossier fut transmis à cette dernière juridiction. Par un arrêt du 20 décembre 1990, la Cour suprême rejeta le pourvoi. Le 21 janvier 1991, A. Lda. demanda que la question fût soumise à la cour plénière (tribunal pleno), mais le conseiller rapporteur écarta cette demande. La Cour suprême confirma le rejet par un arrêt du 26 septembre 1991. A. Lda. présenta encore un nouveau recours que, le conseiller rapporteur déclara irrecevable le 6 janvier 1992. Cette dernière décision fut par la suite confirmée par un arrêt de la Cour suprême du 11 mars 1992. A. Lda. contesta ultérieurement, le 22 juin 1992, la note de frais de justice, mais le conseiller rapporteur, par une décision du 12 octobre 1992, ordonna la transmission du dossier au tribunal de première instance, considérant que par sa demande A. Lda. tentait seulement de retarder l'exécution de la dette en cause. B. Tierce opposition à l'exécution Le 2 février 1984, une société, F. & F. Lda., forma tierce opposition (embargos de terceiro) à l'exécution. Par une ordonnance du 9 novembre 1984, le juge décida qu'il y avait lieu de suspendre la procédure d'exécution jusqu'à la décision sur cette opposition. Cependant, par une ordonnance du 8 avril 1987, le juge sursit à statuer jusqu'à l'issue de l'opposition qui avait été formée par A. Lda. Le 24 mars 1993, le juge, au vu de la décision prise dans la procédure d'opposition à l'exécution, décida qu'il y avait lieu de poursuivre l'examen de l'affaire. Le 19 novembre 1997, le juge rendit une décision préparatoire spécifiant les faits déjà établis et ceux restant à établir. La procédure est toujours pendante devant le tribunal de Lisbonne.
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Le 22 octobre 1983, le requérant assigna la société à responsabilité limitée R. devant le tribunal de Vigevano (Pavie) afin d'obtenir la résolution d'un contrat suite à son inexécution et la réparation des dommages subis. La mise en état de l'affaire commença le 17 janvier 1984. Des onze audiences prévues entre le 16 mai 1984 et le 14 janvier 1987, quatre furent reportées d'office, une fut reportée car la défenderesse n'avait pas mis en cause une troisième personne dans le délai fixé par le juge et cinq concernèrent une expertise, dont une fut renvoyée car l'expert n'avait pas remis son rapport. Deux audiences plus tard, le 28 octobre 1987 le juge admit des témoins, qui furent entendus les 3 février et 20 avril 1988. L'audience du 22 juin 1988 fut consacrée au dépôt de mémoires. Après une audience, le 23 novembre 1988 les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 21 novembre 1989. Toutefois, elle ne se tint que le 7 novembre 1995, suite à cinq renvois d'office. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 4 mars 1996, le tribunal rejeta la demande du requérant.
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Le 23 mai 1986, la requérante fut assignée par son frère devant le tribunal de Bénévent afin d'obtenir le constat de son droit de propriété d'un fonds détenu par la requérante et la réparation des dommages subis. La mise en état de l'affaire commença le 11 juin 1986. Des quinze audiences prévues entre le 12 novembre 1986 et le 8 avril 1992, neuf furent renvoyées d'office, une à la demande des parties et deux concernèrent l'admission de témoins. Le 20 mai 1992, le juge admit les témoins. Des sept audiences prévues entre le 16 décembre 1992 et le 21 décembre 1994, trois furent consacrées à l'audition des témoins, deux furent reportées à la demande des parties, une à la demande du demandeur sans opposition de la requérante et une d'office. Après une audience, le 5 avril 1995 les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 13 février 1996. Toutefois, elle ne se tint que le 15 avril 1997 suite à un renvoi d'office. Par un jugement du 29 avril 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 27 mai 1997, le tribunal se déclara incompétent ratione materiae au profit du tribunal des baux ruraux.
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Le 3 juillet 1987, les requérants furent assignés par Mme G. devant le tribunal de Florence afin d'obtenir la résolution d'un contrat préliminaire de vente. La première audience, qui se tint le 26 février 1988, fut reportée au 1er juillet 1988 car on ne trouvait pas le dossier. Le jour venu, la demanderesse déposa un mémoire et l'affaire fut ajournée au 26 janvier 1989. A cette date, le juge nomma un expert, qui prêta serment le 12 mai 1989. Des sept audiences prévues entre le 9 novembre 1989 et le 6 juin 1991, trois furent renvoyées d'office, une car on ne trouvait pas le dossier et une car l'expert n'avait pas remis son rapport. Des cinq audiences prévues entre le 14 novembre 1991 et le 3 mai 1994, une fut reportée d'office suite à la mutation du juge et deux furent renvoyées à la demande de la demanderesse et en l'absence des requérants. Une audience plus tard, le 24 mars 1995 les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 3 décembre 1997. Toutefois, elle fut reportée d'office à deux reprises jusqu’au 19 mai 1999.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant, né en 1940, est un homme d’affaires domicilié en Suisse. Au début des années 80, il importait en Suisse des appareils dépilatoires dont il faisait la publicité dans des magazines. Le 12 octobre 1981, une femme téléphona au requérant de l’ambassade alors soviétique à Berne pour lui commander un appareil dépilatoire « Perma Tweez ». Cet appel téléphonique fut intercepté par le ministère public de la Confédération (Bundesanwaltschaft, « le ministère public »), lequel demanda au service des renseignements de la police du canton de Zurich d’enquêter sur le requérant et la marchandise dont il assurait la distribution. Le rapport établi par la police du canton de Zurich en décembre 1981 indiquait que le requérant, inscrit au registre du commerce depuis 1973, faisait le commerce d’aérosols. Il précisait que « Perma Tweez » était un appareil dépilatoire à pile ; un prospectus concernant cet appareil était annexé au rapport. Le 24 décembre 1981, sur la base des indications fournies par la police du canton de Zurich, le ministère public rédigea pour son fichier destiné à assurer la protection de l’Etat une fiche sur le requérant. En 1990, le public eut vent de l’existence du fichier du ministère public et de nombreuses personnes, parmi lesquelles le requérant, demandèrent à consulter leur fiche. Diverses lois relatives à l’accès aux documents de la Confédération et au traitement de ces derniers furent alors promulguées. Le 12 septembre 1990, le préposé spécial aux documents de la Confédération établis pour assurer la protection de l’Etat (« le préposé spécial ») transmit au requérant, à la demande de celui-ci, une photocopie de sa fiche. La fiche du requérant, qui portait le numéro (1153 : 0) 614 et sur laquelle deux passages avaient été caviardés (…), contenait les informations suivantes : « de la part du service des renseignements de Zurich : A. identifié comme contact auprès de l’ambassade russe d’après (…). A. fait du commerce de différentes sortes avec la société [A.]. Annexes : extrait du registre du commerce et prospectus. (…) » Dès réception de sa fiche, le requérant invita le médiateur auprès du ministère public à lui en révéler les passages caviardés. Le 9 octobre 1990, le médiateur répondit au requérant que le passage censuré à la fin de la fiche masquait à bon droit les initiales des noms des officiers de la police fédérale qui avaient eu connaissance des renseignements figurant sur la fiche. L’autre passage supprimé avait trait à une mesure de surveillance d’ordre technique ordonnée à l’encontre d’un tiers ; à ce propos, le médiateur indiqua qu’il recommanderait au préposé spécial de divulguer l’information, l’intérêt du requérant prévalant selon lui contre l’intérêt public au maintien du secret. Le 19 avril 1991, le préposé spécial décida, se fondant sur l’article 5 § 1 de l’ordonnance du 5 mars 1990 relative au traitement des documents de la Confédération établis pour assurer la protection de l’Etat, que les initiales figurant à la fin de la fiche ne pouvaient pas être divulguées. Il estima en outre que l’autre passage caviardé renfermait des informations de contre-espionnage qu’il ne fallait pas révéler, en application de l’article 5 § 3 a) de ladite ordonnance. Sur la base de ces considérations, la consultation de la fiche du requérant fut élargie à un mot (« rapport ») : « de la part du service des renseignements de Zurich : A. identifié comme contact auprès de l’ambassade russe d’après rapport (…). A. fait du commerce de différentes sortes avec la société [A.]. Annexes : extrait du registre du commerce et prospectus. (…) » Le 26 octobre 1991, le requérant saisit le Département fédéral des finances d’une demande en réparation, laquelle fut rejetée par décision du 28 janvier 1992. Le 9 mars 1992, le requérant saisit le Tribunal fédéral d’une action de droit administratif, sollicitant de la Confédération une réparation d’un montant de 5 000 francs suisses pour avoir été irrégulièrement fiché auprès du ministère public. Il demanda aussi que son dossier et sa fiche fussent immédiatement versés aux archives fédérales auxquelles interdiction devait être faite d’en dresser copie. Il requit également d’ordonner aux archives fédérales de verrouiller les informations le concernant et de n’en communiquer aucune sans son accord. Invitée à présenter ses observations par écrit, la Confédération indiqua, dans son mémoire daté du 26 mai 1992, que selon les renseignements fournis par le ministère public et le préposé spécial, le compte rendu de la surveillance ne figurait plus dans les dossiers de la police fédérale. A cet égard, elle souligna que les documents qui n’étaient plus nécessaires devaient être détruits, en application de l’article 66 § 1 ter de la loi fédérale sur la procédure pénale (« PPF ») (« Das Protokoll der technischen Ueberwachung ist gemäss Auskunft der Bundesanwaltschaft und des Sonderbeauftragten (…) in den Akten der Bundespolizei nicht mehr vorhanden. In diesem Zusammenhang ist anzumerken, dass nicht mehr benötigte Akten gemäss Art. 66 Abs. 1ter BStP (…) vernichtet werden müssen »). Les 27 octobre 1993 et 14 septembre 1994, le Tribunal fédéral tint des audiences. Le conseil du requérant souligna que le numéro de dossier de la fiche, en l’occurrence (1153 : 0) 614, était un code signifiant « pays à régime communiste » (1), « Union soviétique » (153), « espionnage établi » (0) et « divers contacts avec le bloc de l’Est » (614). La représentante de la Confédération indiqua que « quelqu’un » (jemand) de l’ambassade alors soviétique étant surveillé, à chaque appel téléphonique, les deux interlocuteurs étaient identifiés et une fiche établie sur ces personnes. Par ailleurs, un rapport d’écoute téléphonique (Telefon-Abhör-Bericht) était rédigé. A cet égard, elle précisa que la plupart desdits rapports avaient été détruits et que ceux qui ne l’avaient pas été étaient à présent entreposés dans des sacs ; ces derniers étaient également destinés à être détruits, mais lorsque le préposé spécial avait été institué, tout avait dû être maintenu « en l’état ». Elle déclara en outre qu’elle ne savait pas si le rapport d’écoute téléphonique concernant le requérant avait été détruit ou non. Selon les indications que lui avait fournies le préposé spécial, les rapports n’étaient pas classés et il faudrait environ cinq personnes et un an de travail pour prendre connaissance du contenu de tous les sacs existant encore. Par un arrêt du 14 septembre 1994, signifié le 25 janvier 1995, le Tribunal fédéral débouta le requérant de toutes ses conclusions. Quant à la question de la base légale des mesures litigieuses, le Tribunal fédéral se référa d’abord aux articles 17 § 3 PPF et premier de l’arrêté du Conseil fédéral du 29 avril 1958 concernant le Service de police du ministère public fédéral. Il estima toutefois superflu de rechercher si ces dispositions étaient susceptibles de justifier l’atteinte à la personnalité alléguée par le requérant, car l’une des conditions permettant d’octroyer une réparation ne se trouvait pas réunie. Se référant ensuite aux articles 66 et suivants, en particulier 72 PPF, relatifs à la surveillance des communications téléphoniques et de la correspondance postale, ainsi que 265 et suivants du code pénal, régissant les « crimes ou délits contre l’Etat », le Tribunal fédéral rappela qu’il était admissible – avant même que des poursuites ne fussent engagées – de recueillir des informations afin de prévenir des infractions contre l’Etat ou la défense nationale, si des éléments donnaient à penser que les préparatifs de telles infractions étaient en cours. A cet égard, le Tribunal fédéral releva : « (…) le plaignant a été fiché dans le cadre de la surveillance à laquelle étaient alors soumises les communications téléphoniques avec l’ambassade soviétique pour des raisons de contre-espionnage. Comme il avait des contacts avec un employé ou une employée de l’ambassade soviétique et que n’est pas apparu immédiatement le fait que le « Perma Tweez Apparatus » qu’il vendait était un instrument dépilatoire sans danger, c’est à bon droit que les autorités ont mené une enquête sur l’identité de l’intéressé, sa situation et le « Perma Tweez Apparatus » en question et en ont consigné le résultat. » Le Tribunal fédéral jugea par contre qu’il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si ces dispositions, notamment l’article 66 § 1 ter PPF, permettaient de conserver les informations ainsi obtenues après qu’il fut apparu qu’aucune infraction pénale n’était en cours de préparation (« Fraglich ist, ob die Aufzeichnungen weiter aufbewahrt werden durften, nachdem sich offenbar herausgestellt hatte, dass keine strafbare Handlung vorbereitet wurde »), puisque le requérant n’avait pas subi d’atteinte grave à sa personnalité. A cet égard, le Tribunal fédéral rappela qu’aux termes de l’article 6 § 2 de la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, cette dernière était tenue à réparation en cas d’atteinte grave à la personnalité et estima qu’en l’espèce, cette condition n’était pas réalisée. En effet, selon le Tribunal fédéral, la seule circonstance que le requérant avait été désigné dans le fichier comme un « contact auprès de l’ambassade russe » ne pouvait guère s’analyser en une atteinte à sa personnalité. Par ailleurs, même si une partie du numéro du dossier signifiait « espionnage établi », rien n’indiquait que les autorités eussent considéré le requérant comme un espion et si l’expression « contact auprès de l’ambassade russe » pouvait éventuellement impliquer que le requérant avait effectivement des contacts périodiques avec cette dernière, il fallait envisager cette fiche non isolément mais dans le contexte plus large de l’ensemble du fichier et des autres circonstances de l’espèce ; en particulier, le fait qu’aucune autre mention n’eût été consignée devait conduire à la conclusion que les autorités ne soupçonnaient pas le requérant de contacts illicites avec l’ambassade. En outre, l’on ne pouvait présumer que le requérant eût été surveillé à d’autres occasions ou que les informations consignées eussent été transmises à des tiers. Dans son ensemble, le dossier du requérant apparaissait donc de peu d’importance et rien n’indiquait qu’il eût servi à d’autres usages ou été communiqué irrégulièrement. Enfin, le Tribunal fédéral estima que l’action de droit administratif dont le requérant l’avait saisi le 9 mars 1992 constituait un « recours effectif » au sens de l’article 13 de la Convention. Il souligna en outre que le requérant avait la possibilité d’engager une procédure pour contester certaines données du fichier du ministère public et demander qu’elles fussent modifiées. A cet égard, le Tribunal fédéral se référa notamment aux directives du Conseil fédéral du 16 mars 1981 applicables au traitement des données personnelles dans l’administration fédérale (chiffre 44), à l’arrêté fédéral du 9 octobre 1992 sur la consultation des documents du ministère public de la Confédération (article 7 § 1) ainsi qu’à l’ordonnance du Conseil fédéral du 20 janvier 1993 sur la consultation des documents du ministère public de la Confédération (article 11 § 1). En 1996, la fiche du requérant fut retirée du fichier central et transférée aux archives fédérales, où nul ne pourra la consulter pendant cinquante ans. II. le droit interne pertinent A. La Constitution fédérale Les dispositions pertinentes de la Constitution fédérale en vigueur à l’époque des faits étaient rédigées comme suit : Article 102 « Les attributions et les obligations du Conseil fédéral, dans les limites de la présente constitution, sont notamment les suivantes : (…) Il veille à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité ; Il veille à la sûreté intérieure de la Confédération, au maintien de la tranquillité et de l’ordre ; (…) » B. L’arrêté du Conseil fédéral du 29 avril 1958 concernant le Service de police du ministère public fédéral Les dispositions pertinentes de l’arrêté du Conseil fédéral du 29 avril 1958 concernant le Service de police du ministère public fédéral sont ainsi libellées : Article premier « Le Service de police du Ministère public fédéral (Police fédérale) assure le service des enquêtes et des informations dans l’intérêt de la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération. Ce dernier service comprend : La surveillance et la prévention d’actes de nature à mettre en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Confédération (police politique) ; Les recherches de la police judiciaire dans la poursuite des infractions contre la sûreté intérieure ou extérieure de la Confédération (police judiciaire). » C. La loi fédérale sur la procédure pénale Les dispositions pertinentes de la loi fédérale sur la procédure pénale en vigueur à l’époque des faits prévoyaient : Article 17 « (…) Le personnel nécessaire sera attribué au Ministère public fédéral pour lui permettre d’assurer d’une manière uniforme le service des enquêtes et des informations dans l’intérêt de la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération. Le Ministère public agira, en règle générale, de concert avec les autorités de police compétentes des cantons. Dans chaque cas, il leur donnera connaissance de ses recherches dès que le but et l’état de la procédure le permettront. » Article 66 « 1. Le juge d’instruction peut ordonner la surveillance de la correspondance postale, téléphonique et télégraphique de l’inculpé ou du suspect, si a) La poursuite pénale a pour objet un crime ou un délit dont la gravité ou la particularité justifie l’intervention, ou un acte punissable commis au moyen du téléphone et si b) Des faits déterminés rendent la personne à surveiller suspecte d’être l’auteur de l’infraction ou d’y avoir participé et si c) A défaut de surveillance, les investigations nécessaires étaient notablement plus difficiles à mener ou si d’autres actes d’instruction n’ont pas donné de résultats. 1 bis. Lorsque les conditions justifiant la surveillance de l’inculpé ou du suspect sont remplies, des tiers peuvent également être surveillés si des faits déterminés font présumer qu’elles reçoivent ou transmettent des informations qui sont destinées à l’inculpé ou au suspect ou proviennent de lui (…). Le raccordement téléphonique de tierces personnes peut être surveillé en tout temps si l’on a des raisons de soupçonner que l’inculpé l’utilise. 1 ter. Les enregistrements qui ne sont pas nécessaires pour l’exécution de l’enquête sont conservés séparément, sous clé, et détruits à l’issue de la procédure. » Article 66 bis « 1. Dans les vingt-quatre heures qui suivent sa décision, le juge d’instruction en soumet une copie, accompagnée du dossier et d’un bref exposé des motifs, à l’approbation du président de la Chambre d’accusation. La décision reste en vigueur six mois au plus ; le juge d’instruction peut la proroger de six mois en six mois. L’ordonnance de prorogation, accompagnée du dossier et de l’exposé des motifs, doit être soumise, dix jours avant l’expiration du délai, à l’approbation du président de la Chambre d’accusation. Le juge d’instruction met fin à la surveillance dès qu’elle n’est plus nécessaire ou au moment où sa décision est rapportée. » Article 66 ter « 1. Le président de la Chambre d’accusation examine la décision au vu de l’exposé des motifs et du dossier. S’il constate qu’il y a eu violation du droit fédéral, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, il abroge la décision. Il peut autoriser la surveillance à titre provisoire ; dans ce cas, il impartit au juge d’instruction un délai jusqu’à l’expiration duquel celui-ci aura à justifier la mesure en complétant le dossier ou lors d’un débat oral. » Article 66 quater « 1. La procédure est secrète même à l’égard de la personne touchée. Le président de la Chambre d’accusation motive sommairement sa décision et la notifie au juge d’instruction dans les cinq jours à partir du moment où la surveillance a commencé ou, en cas de prorogation, avant que celle-ci débute. Le président de la Chambre d’accusation veille à ce que les mesures de surveillance soient rapportées à l’expiration du délai. » Article 72 « 1. Avant l’ouverture de l’instruction préparatoire, le procureur général peut ordonner la surveillance de la correspondance postale, téléphonique et télégraphique ainsi que prescrire l’utilisation d’appareils techniques (…) Il peut aussi ordonner ces mesures aux fins de prévenir un acte punissable qui justifie l’intervention, lorsque des circonstances particulières font présumer qu’un tel acte se prépare. Les articles 66 à 66 quater sont applicables par analogie. » D. La législation en matière de traitement et de consultation des documents de la Confédération Les dispositions pertinentes des directives du Conseil fédéral du 16 mars 1981 applicables au traitement des données personnelles dans l’administration fédérale sont rédigées comme suit : 4 Principes généraux 41 Principes régissant le traitement des données « 411. Le traitement de données personnelles doit reposer sur une base légale. 412. Les données personnelles ne doivent être traitées que dans des buts bien déterminés. Les données et le genre de traitement qui leur est appliqué doivent être appropriés et nécessaires à l’exécution de la tâche à accomplir. 413. Les données inexactes ou incomplètes doivent être rectifiées compte tenu du but du traitement. 414. Les données qui selon toutes prévisions deviennent inutiles ou qui ont manifestement été traitées de façon illicite doivent être détruites. L’obligation de les déposer aux archives de la Confédération est réservée. (…) » 43 Renseignements « 431. Les offices fédéraux et les autres unités administratives ayant le même statut doivent, en ce qui concerne les fichiers de données personnelles, prendre les mesures propres à leur permettre de fournir, à quiconque en fait la demande, des renseignements sur les bases légales et le but des fichiers, sur la nature des données traitées ainsi que sur les destinataires réguliers de ces données. 432. Sur demande, ils doivent indiquer de manière compréhensible, à toute personne ayant décliné son identité, si des données à son sujet provenant d’un fichier déterminé sont traitées et, le cas échéant, lesquelles. (…) » 44 Rectification ou destruction à la suite d’une demande « S’il se révèle, à l’occasion d’une demande, que les données sur la personne en cause sont inexactes ou incomplètes, qu’elles ne répondent pas au but du traitement ou que le traitement est illicite pour une autre raison, l’organe doit les rectifier ou les détruire immédiatement, au plus tard lors du prochain traitement. » Les dispositions pertinentes de l’ordonnance du Conseil fédéral du 5 mars 1990 relative au traitement des documents de la Confédération établis pour assurer la protection de l’Etat sont ainsi libellées : Article premier « 1. La présente ordonnance doit garantir que les personnes au sujet desquelles la police fédérale possède des documents établis pour assurer la protection de l’Etat, puissent défendre leurs droits de la personnalité sans que soit entravée l’exécution des tâches de protection de l’Etat. Les documents de la Confédération établis pour assurer la protection de l’Etat sont placés sous la garde d’un préposé spécial (…) » Article 4 « 1. Le préposé spécial place sous sa garde tous les documents du Service de police du Ministère public de la Confédération. Il trie ensuite les documents et retire ceux qui sont devenus inutiles (…) » Article 5 « 1. Le préposé spécial autorise les requérants à consulter les fiches les concernant en leur en envoyant une photocopie. Il cache les données relatives aux personnes ayant traité les fiches et aux services étrangers de renseignements et de sécurité. De plus, il peut refuser ou limiter la consultation si celle-ci : a) Donne des indications sur des procédures d’enquête en cours ou sur des connaissances dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, du contre-espionnage ou de la lutte contre le crime organisé ; (...) » Article 13 « 1. Le médiateur institué par le Conseil fédéral examine, sur demande de la personne concernée, si la présente ordonnance est respectée. (…) » Article 14 « 1. Celui qui fait valoir que sa demande de consultation n’a pas été traitée conformément à la présente ordonnance peut s’adresser dans les 30 jours au médiateur. Si le médiateur estime que l’ordonnance a été respectée, il en fait part au requérant. Celui-ci peut interjeter recours au Conseil fédéral dans les 30 jours qui suivent la réception de cet avis. Si le médiateur estime que l’ordonnance n’a pas été respectée, il en fait part au préposé spécial et au requérant. Le préposé spécial arrête alors une nouvelle décision pouvant faire l’objet d’un recours. » Les dispositions pertinentes de l’arrêté fédéral du 9 octobre 1992 sur la consultation des documents du ministère public de la Confédération prévoient : Article 4 « 1. Le droit de consulter les documents est accordé lorsque la personne concernée rend vraisemblable qu’elle a subi un préjudice matériel ou un tort moral en rapport avec des informations qui ressortent des documents du Service de police ou avec des actes commis par des agents du Ministère public de la Confédération. (…) » Article 7 « 1. Le préposé spécial trie les documents placés sous sa garde et élimine ceux qui ne sont plus nécessaires à la protection de l’Etat et qui ne sont plus l’objet d’une procédure de consultation. Les documents relatifs à des procédures pénales sont éliminés lorsque : a) la prescription de l’action pénale est intervenue à la suite d’une suspension de procédure ; b) la procédure a été close par un jugement exécutoire. Les documents éliminés sont versés aux Archives fédérales. Ils ne peuvent plus être consultés par l’administration et sont interdits d’accès pendant 50 ans. » Les dispositions pertinentes de l’ordonnance du Conseil fédéral du 20 janvier 1993 sur la consultation des documents du ministère public de la Confédération sont rédigées comme suit : Article 11 « 1. Lorsqu’une personne conteste l’exactitude de certaines données, elle peut exiger qu’une mention appropriée figure sur les documents ou leur soit annexée. Lorsque des documents sont manifestement erronés, ils sont rectifiés à la demande de la personne concernée. (…) » E. La commission d’enquête parlementaire établie dans le cadre de l’affaire dite « des fiches » Une commission d’enquête parlementaire (« CEP ») fut chargée d’enquêter sur l’affaire dite « des fiches ». Dans son rapport publié dans la Feuille fédérale (FF 1990, I, pp. 593 et suiv.), elle constata notamment, concernant les écoutes téléphoniques (pp. 759 et 760) : « Selon diverses indications, des personnes craignaient que leurs conversations téléphoniques soient écoutées pour des motifs d’ordre politique. La CEP a examiné de manière approfondie les mesures techniques de surveillance ordonnées par le Ministère public fédéral. C’est ainsi que la commission a exigé du Ministère public fédéral que celui-ci lui remette la liste détaillée et complète des personnes soumises aux écoutes et des raccordements téléphoniques sous surveillance ; cette liste a été ensuite comparée avec la liste demandée indépendamment aux PTT. La CEP a ensuite pu se convaincre, en partie à l’aide de certains dossiers ainsi qu’à l’occasion d’un entretien avec le président de la Chambre d’accusation du Tribunal fédéral, qu’il n’y avait pas de différences entre les listes établies par les autorités qui ordonnent les écoutes téléphoniques et celles qui les exécutent. (…) Sont compétents pour ordonner une mesure de surveillance le juge d’instruction fédéral et, avant que l’enquête préliminaire ne commence, le procureur de la Confédération. La décision prise à cet effet a une validité de six mois au plus et peut être prolongée au besoin. Elle nécessite dans tous les cas l’approbation du président de la Chambre d’accusation du Tribunal fédéral. Cette procédure d’approbation a été considérablement formalisée au cours des dernières années et se concrétise dans une formule imprimée. La CEP a constaté que toutes les décisions avaient été soumises au président de la Chambre d’accusation et que celui-ci les avait toutes approuvées sans aucune exception (…) » PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Amann a saisi la Commission le 27 juin 1995. Invoquant les articles 8 et 13 de la Convention, il se plaignait de l’interception d’un appel téléphonique, de l’établissement par le ministère public d’une fiche et de la conservation de cette dernière dans le fichier de la Confédération en étant résulté, ainsi que de l’absence de recours effectif à cet égard. La Commission (première chambre) a retenu la requête (n° 27798/95) le 3 décembre 1997. Dans son rapport du 20 mai 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle conclut, par neuf voix contre huit, qu’il y a eu violation de l’article 8 et, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13. Le texte intégral de son avis et de l’opinion dissidente dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt. CONCLUSIONS PRéSENTéES À LA COUR Dans ses mémoires, le Gouvernement invite la Cour à constater que le requérant n’a plus mentionné son grief portant sur l’article 13 de la Convention et qu’il n’y a dès lors pas lieu d’examiner ce moyen. Quant au fond, il prie la Cour de dire que les faits ayant donné lieu à la requête introduite par M. Amann contre la Suisse n’emportent pas violation de la Convention. De son côté, le requérant prie la Cour de constater qu’il y a eu violation des articles 8 et 13 de la Convention et de lui allouer une satisfaction équitable au titre de l’article 41.
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Le 30 novembre 1991, MM. L. C. et G. C., frères de la requérante, assignèrent cette dernière et trois autres sœurs devant le tribunal de Bénévent afin de faire déclarer l’ouverture de la succession de leurs parents et de faire constater que la vente de certains immeubles opérée par les parents à la requérante simulait, en réalité, une donation en faveur de celle-ci. La mise en état de l’affaire commença le 22 janvier 1992, date à laquelle la requérante se constitua dans la procédure. Après une audience, le 10 décembre 1992 MM. L. C. et G. C. demandèrent une expertise et le juge ajourna l’affaire au 20 mai 1993. Cette audience fut reportée d’office au 9 décembre 1993. Par une ordonnance du 20 juin 1994, le juge fixa l’audience pour la présentation des conclusions relative à la simulation de la vente au 22 septembre 1994. Ce jour-là, le juge fixa la date de l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente au 28 mai 1996. Par une ordonnance du 20 juillet 1996, le tribunal rouvrit la mise en état et ordonna une expertise. Le 21 novembre 1996, l’expert prêta serment. Le 5 juin 1997, les parties demandèrent un renvoi afin d’examiner le rapport d’expertise déposé entre-temps au greffe, puis le juge de la mise en état ajourna l’affaire au 22 janvier 1998. Le jour venu, le juge fixa la date de l’audience de présentation des conclusions au 18 juin 1998. Cette audience fut reportée d’office au 25 juin 1998. A cette date, à la demande de MM. L. C. et G. C., le juge admit l’audition de témoins et ajourna l’affaire au 21 janvier 1999. Cette audience fut reportée d'office au 25 juin 1999. A cette date, le juge ajourna l'affaire au 25 novembre 1999 pour l’audition de témoins. Le jour venu, ladite audition eut lieu. Le 24 février 2000, l’audience fut renvoyée au 24 novembre 2000, car les avocats faisaient grève.
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Le 16 décembre 1980, le requérant fut assigné par Mme V. devant le tribunal de Salerne afin d'obtenir réparation des dommages subis lors d'un accident de la circulation. La mise en état de l'affaire commença le 4 février 1981. Des six audiences prévues entre le 9 avril 1981 et le 15 juillet 1982, trois furent consacrées à l'admission ou à l'audition de témoins, une à l'audition du requérant, une au dépôt de documents et une fut renvoyée à la demande du requérant. Le 11 novembre 1982, le juge nomma un expert et ajourna l'affaire au 17 février 1983. Toutefois, cette audience fut reportée au 28 avril 1983, suite à l'absence de l'expert. Le jour venu, ce dernier prêta serment. Le rapport d'expertise fut déposé au greffe le 13 juillet 1983. Après deux autres audiences, dont l'une fut renvoyée d'office, le 22 mars 1984 les parties présentèrent leurs conclusions et le juge fixa l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente au 29 mars 1985. Toutefois, cette dernière ne se tint que le 13 juin 1986, à cause de la mutation du juge. Par une ordonnance du 25 novembre 1986, le tribunal rouvrit l'instruction afin d'essayer de faire parvenir les parties à un règlement amiable de l'affaire. Des quatre audiences prévues entre le 25 mars 1987 et le 30 juin 1988, une fut reportée d'office, une à la demande des parties, une à la demande de Mme V. et une pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. Le 18 janvier 1989, les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 26 octobre 1990. Toutefois, elle ne se tint que le 24 mai 1991 à cause d'un renvoi d'office. Par une ordonnance du 20 juin 1991, le tribunal rouvrit l'instruction afin d'essayer de faire parvenir les parties à un règlement amiable de l'affaire. Après deux audiences, le 10 mars 1993, les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 8 mars 1996. Par un jugement du 4 avril 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 24 octobre 1996, le tribunal condamna le requérant au paiement d'une certaine somme d‘argent.
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Le 11 octobre 1993, le requérant assigna M. M. devant le tribunal de Florence afin d’obtenir la restitution d’un acompte versé, suite à l’inexécution d’un contrat d’achat d’une embarcation. La mise en état de l’affaire commença le 22 février 1994, date à laquelle le défendeur excipa de l’incompétence territoriale du tribunal de Florence en faveur du tribunal de Livourne. Le 7 octobre 1994, le requérant versa des documents au dossier. Le 31 mars 1995, celui-ci demanda l’audition de la partie défenderesse et le juge de la mise en état ajourna l’affaire au 24 novembre 1995. Cette audience fut renvoyée d’office au 16 juillet 1996 et le défendeur insista dans son exception d’incompétence. Par une ordonnance hors audience du 29 juillet 1996, le juge de la mise en état fixa la date de l’audience pour la présentation des conclusions au 18 mars 1997. Ce jour-là, l’audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 1er décembre 1999. Entre-temps, le 25 septembre 1999, suite à l’attribution de l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio), le président nomma un nouveau juge de la mise en état. Les sezioni stralcio, composées d’un juge titulaire, en qualité de président, et de deux juges honoraires, ont été crées en vertu de l’article 90, alinéa 5, de la loi n° 353/1990 (tel que modifié par la loi n° 534/1995) afin d’absorber l’arriéré d’affaires pendantes devant les juridictions civiles.
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Le 6 mai 1983, le requérant assigna M. A., ainsi que sa compagnie d'assurances et la société anonyme H., devant le tribunal de Rome afin d'obtenir réparation des dommages subis lors d'un accident de la circulation. La mise en état de l'affaire commença le 20 septembre 1983. Après une autre audience, le 12 juin 1984, l'une des parties défenderesses fut entendue. Des onze audiences qui se tinrent entre le 18 décembre 1984 et le 15 février 1988, sept concernèrent une expertise médicale, trois furent consacrées au dépôt de documents et une à l'audition du requérant. Le 19 avril 1988, le juge ordonna au greffe de se procurer certains documents et à l'audience suivante les parties demandèrent un renvoi pour les examiner. Des neuf audiences qui eurent lieu entre le 6 mars 1989 et le 19 janvier 1993, quatre concernèrent une expertise comptable, deux un complément de la même expertise et trois le dépôt de mémoires ou de documents. Le 22 juin 1993, le juge nomma un nouvel expert médical, qui prêta serment le 13 décembre 1993. L'audience suivante fut remise car l'expert n'avait pas déposé au greffe son rapport. Des trois audiences qui se tinrent entre le 8 novembre 1994 et le 10 avril 1995, une fut remise pour permettre aux parties d’examiner le rapport d’expertise et deux furent consacrées au dépôt de mémoires. L'instruction se termina, une audience plus tard, le 26 février 1996, par la présentation des conclusions. L'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 8 octobre 1997. Le texte du jugement fut déposé au greffe le 13 mai 1998.
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Ressortissant français, M. Seidel est né en 1939 et réside à Vitry-sur-Seine (Val-de Marne). Le 14 juin 1985, le requérant fut placé au centre hospitalier spécialisé de Villejuif sur la base d'un arrêté de placement d'office du préfet du Val-de Marne, daté du 12 juin 1985 et pris conformément à l'article L.343 du code de la santé publique. Le placement prit fin le 2 août 1985, suite à une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Créteil du même jour. Par un avis de recouvrement du 27 septembre 1985, le centre hospitalier spécialisé de Villejuif demanda au requérant le paiement d'une somme de 1 078 francs au titre du forfait journalier dû à la suite de son internement. Le requérant paya cette somme le 30 octobre 1985. Le 29 février 1988, le requérant demanda l'annulation de l'arrêté du 12 juin 1985. Par un jugement du 9 février 1989, devenu définitif à défaut d'appel, le tribunal administratif de Paris annula l'arrêté de placement d'office du préfet. Entre-temps, le requérant demanda, le 28 mai 1988, le remboursement de la somme payée le 30 octobre 1985. En l’absence de réaction du centre hospitalier spécialisé de Villejuif, il introduisit, le 5 août 1988, une requête tendant à l'annulation de l'avis de recouvrement du 27 septembre 1985 du centre hospitalier et au remboursement de la somme de 1 078 francs et des intérêts capitalisés. Le centre hospitalier spécialisé de Villejuif déposa des conclusions le 22 novembre 1988 et le requérant y répondit le 28 novembre 1988. Le même jour, une association, le Groupe Information Asiles, fit une demande de tierce intervention qui fut communiquée au centre hospitalier. Le 7 décembre 1988, celui-ci informa le tribunal que cette tierce intervention n’appelait de sa part aucune observation. Le 5 décembre 1990, les parties furent informées que le tribunal tiendrait une audience le 15 janvier 1991. Par un jugement du 12 février 1991, le tribunal administratif de Paris rejeta la requête. Le requérant fit appel. Par un arrêt du 31 mars 1992, la cour administrative d'appel de Paris fit droit aux demandes du requérant. Elle estima que, compte tenu du jugement du 9 février 1989, on ne pouvait plus considérer que le requérant avait été « admis » au centre hospitalier et que celui-ci ne pouvait donc plus solliciter de sa part le paiement du forfait journalier. Rien n'empêchait d'ailleurs le centre hospitalier de réclamer à l'Etat réparation du préjudice subi du fait de l'obligation de rembourser la somme. Le centre hospitalier saisit le Conseil d'Etat d'une demande en annulation le 1er juin 1992. Le 1er octobre 1992, le centre hospitalier déposa un mémoire complémentaire. Après l’admission du pourvoi en cassation en date du 19 août 1993, le requérant déposa un mémoire en défense le 6 décembre 1993 et le centre hospitalier un mémoire en réplique le 21 mars 1995. Le requérant déposa un nouveau mémoire le 24 janvier 1996 et le centre hospitalier fit de même le 29 janvier 1996. Par un arrêt du 26 juillet 1996, notifié le 5 août 1996, le Conseil d'Etat annula l'arrêt du 31 mars 1992 et régla l’affaire au fond.
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Le 2 mars 1990, la requérante introduisit un recours devant le tribunal administratif régional de Campanie. Elle exposait que depuis 1977, elle avait travaillé en tant que concierge dans une école publique gérée par la municipalité de Cautano (Bénévent) sous le régime de plusieurs contrats de louage d'ouvrage («locatio operis») à durée déterminée, périodiquement renouvelés. En considération des conditions, comparables à celles propres à un rapport d'emploi ordinaire avec l'administration, dans lesquelles elle avait exercé ses fonctions, la requérante demandait la reconnaissance de l'existence d'un rapport de travail à durée indéterminée, la continuation de la relation de travail après la date de l'expiration du contrat (fixée au 30 juin 1990), ainsi que le paiement des différences entre les rétributions perçues et celles auxquelles elle estimait avoir droit. Le 13 mars 1990, la requérante présenta une demande de fixation de la date de l'audience. Les 29 septembre 1995 et 1er mars 1996, elle demanda la fixation urgente de la date de l'audience. Par une ordonnance du 22 mars 1996, le président du tribunal ordonna à la municipalité de Cautano de déposer certains documents dans un délai de trente jours. Le 6 mai 1996, lesdits documents parvinrent au greffe du tribunal administratif. Une audience fut fixée au 27 mai 1997. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 24 novembre 1997, le tribunal administratif régional rejeta la demande de la requérante dans la mesure où elle n’avait pas démontré le nombre d’heures qu’elle effectuait et que cet élément était déterminant pour qualifier le type de travail fourni.
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Le 27 janvier 1979, la requérante fit opposition devant le tribunal de Vérone à une injonction de payer obtenue par plusieurs personnes à son encontre le 10 janvier 1979. La mise en état de l'affaire commença le 22 mars 1979. Quatre audiences plus tard, dont une fut renvoyée d'office, le 25 octobre 1979 le procès fut interrompu suite à la faillite de l'une des parties. Le 21 mars 1980, la requérante reprit la procédure. Des vingt-neuf audiences prévues entre le 8 mai 1980 et le 16 avril 1987, dix-neuf furent renvoyées à la demande de la requérante ou des parties ou en raison de leur absence, trois à la demande des autres parties et deux d'office. Des quinze audiences prévues entre le 7 mai 1987 et le 6 juin 1991, neuf furent reportées à la demande des parties ou de la requérante ou en raison de son absence - dont deux afin d'attendre le prononcé d'un arrêt dans une affaire semblable - et trois furent renvoyées à la demande des autres parties. Au cours des deux audiences qui se tinrent les 11 juillet 1991 et 5 décembre 1991, la requérante demanda l'admission de témoins et le juge se contenta d'ajourner l'affaire et de fixer l'audience de présentation des conclusions au 19 mars 1992. L'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 26 novembre 1993 ; toutefois, elle ne se tint que le 3 décembre 1993, suite à un renvoi d'office. Par une ordonnance hors audience du 21 décembre 1993, dont le texte fut déposé au greffe le 26 janvier 1994, le tribunal rouvrit l'instruction afin d'ordonner le dépôt de certains documents et d'admettre l'audition des parties. Après une audience, le 12 mai 1994 les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 15 mars 1996. Par un jugement du 29 mars 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 21 août 1996, le tribunal rejeta l'opposition de la requérante.
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Le 22 décembre 1978, le père du requérant assigna M. T. ainsi que la société à responsabilité limitée U. devant le tribunal de Cosenza afin d'obtenir réparation des dommages subis par le requérant lors d'un accident de la circulation. La mise en état de l'affaire commença le 15 mars 1979. Des quatorze audiences prévues entre le 17 mai 1979 et le 16 mai 1986, cinq furent renvoyée d'office, deux à la demande des parties ou en raison de leur absence et une à la demande de l'un des défendeurs, trois concernèrent une expertise et deux l'admission ou l'audition de témoins. Le 19 décembre 1986, les parties présentèrent leurs conclusions et l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 16 février 1987. Toutefois, cette audience fut renvoyée d'office quatre fois, dont la dernière au 25 octobre 1989. Le jour venu, le tribunal se réserva de décider ; par une ordonnance hors audience du 8 janvier 1990, le tribunal rouvrit l'instruction car on ne trouvait plus le rapport d'expertise dans le dossier. Des sept audiences prévues entre le 2 mars 1990 et le 27 janvier 1994, quatre furent reportées d'office, deux afin de permettre au greffe de retrouver le rapport d'expertise et une à la demande des parties. Le 19 janvier 1995, le juge ordonna au greffe de convoquer l'expert pour l'audience du 30 novembre 1995, mais, comme le greffe n'avait pas accompli cette tâche, cette audience fut renvoyée au 20 juin 1996. A cette date, le juge ordonna à l'expert de refaire son rapport et ajourna l'affaire au 18 septembre 1997. Toutefois, cette audience fut renvoyée deux fois d'office, en raison de la mutation du juge, jusqu’au 19 novembre 1998. A cette date, les parties étant absentes, le juge ajourna l’affaire au 22 avril 1999.
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Le 6 février 1982, le requérant assigna M. D.D. devant le tribunal d’Agrigente afin d'obtenir réparation des dommages causés par le défendeur à son terrain. La mise en état de l'affaire commença le 18 mars 1982. Des dix audiences prévues entre le 15 avril 1982 et le 15 juin 1984, six concernèrent une expertise - dont trois furent reportées en raison de l'absence de l'expert - et une fut renvoyée d'office. Des huit audiences prévues entre le 16 novembre 1984 et le 17 janvier 1990, quatre furent reportées d'office, une car le greffe n'avait pas informé les parties de la date de l'audience et une afin de permettre au juge de fixer le calendrier des audiences à venir. Le 19 janvier 1990, le juge fixa l'audience de présentation des conclusions au 8 juin 1990. Le jour venu, le procès fut interrompu suite au décès de M. D.D. Le 16 novembre 1990, le requérant reprit la procédure. Par une ordonnance du 11 décembre 1990, le président du tribunal fixa l'audience suivante au 1er mars 1991. Des cinq audiences prévues entre le 17 mai 1991 et le 18 février 1994, une fut reportée à la demande des parties, une en raison de leur absence, une à la demande du défendeur - le requérant étant absent -, une concerna le dépôt de documents et une la nomination d’un expert. L'audience du 16 décembre 1994 fut d'abord renvoyée au 23 juin 1995 en raison d’une grève des avocats et ensuite fut reportée d'office au 1er mars 1996. A cette date, le juge fixa l'audience de présentation des conclusions au 11 octobre 1996. Toutefois, elle ne se tint que le 14 mars 1997, suite à un renvoi d'office. A cette date, l'audience de plaidoiries devant la chambre compétente fut fixée au 28 janvier 1999. Le 19 septembre 1997, le requérant déposa au greffe une demande afin d'avancer la date de cette dernière audience. Par une ordonnance du 3 octobre 1997 le président du tribunal rejeta cette demande.
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Le 9 juillet 1980, le requérant déposa un recours à l'encontre de son ancien employeur, la société E., devant le juge d'instance de Florence, faisant fonction de juge du travail, afin d'obtenir l'annulation de la décision de son licenciement et la réparation des dommages subis. Dans la phase relative à la procédure en référé, une audience se tint le 29 juillet 1980. Par une ordonnance du même jour, le juge d'instance décida la réintégration du requérant dans son poste et fixa aux parties un délai jusqu'au 20 septembre 1980 pour reprendre la procédure sur le bien-fondé. Le 19 septembre 1980, le requérant reprit la procédure sur le bien-fondé, devant la même juridiction. Une audience se tint le 13 janvier 1981. Par jugement du 19 janvier 1981, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le tribunal fit droit à la demande du requérant. Le 12 juin 1981, la défenderesse interjeta appel devant le tribunal de Florence. A son tour, le requérant interjeta un appel incident. Une audience eut lieu le 6 octobre 1981. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 20 octobre 1981, le tribunal rejeta l'appel de la défenderesse et fit droit en partie à l'appel incident du requérant visant le montant des dommages. Le 10 juillet 1982, la défenderesse se pourvut en cassation. L'audience fixée au 18 juin 1985, fut remise d'office au 19 novembre 1985. Par un arrêt du 27 novembre 1986, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, la Cour admit le pourvoi, cassa l'arrêt du tribunal de Florence et renvoya l'affaire devant le tribunal de Prato. Le 22 septembre 1987, le requérant reprit l'affaire devant cette juridiction. L'audience fixée au 17 février 1988, fut remise d'office au 27 avril 1988. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 23 octobre 1988, le tribunal rejeta la demande du requérant. Le 19 janvier 1989, celui-ci se pourvut en cassation. L'audience se tint le 26 avril 1990. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 14 juin 1991, la Cour fit droit au pourvoi du requérant, cassa l'arrêt du tribunal de Prato et renvoya l'affaire devant le tribunal de Sienne. Le 28 mai 1992, le requérant reprit l'affaire devant le tribunal de Sienne. L'audience fixée au 10 février 1993 fut remise d'office au 17 février 1993. Par un jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 24 mars 1993, le tribunal estima que le licenciement était légitime et rejeta la demande du requérant. Le 7 septembre 1993, le requérant se pourvut en cassation. L'audience fut fixée au 14 juin 1995. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 26 septembre 1995, la Cour rejeta le pourvoi du requérant.
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Le 10 octobre 1983, Mme M. P. assigna les requérants devant le tribunal d’Agrigente afin d’obtenir une part de patrimoine à titre d’héritière réservataire. La mise en état de l’affaire commença le 10 février 1984. Après deux audiences, par une ordonnance du 1er avril 1985 le juge demanda des éclaircissements à la demanderesse. Des huit audiences prévues entre le 14 juin 1985 et le 26 février 1988, trois furent reportées d’office, une fut renvoyée à la demande de Mme P., deux à la demande des parties, une fut consacrée au dépôt au dossier d’un document et une concerna une demande d’expertise. Par une ordonnance du 6 mai 1988, le juge de la mise en état ordonna à la demanderesse de verser au dossier certains documents et ajourna l’affaire au 24 juin 1988. Cette audience fut renvoyée à la demande des parties. Après un renvoi d’office et une audience à laquelle le juge se réserva de décider quant à l’opportunité d’une expertise, par une ordonnance du 19 janvier 1990 le juge nomma un expert, qui prêta serment le 28 septembre 1990. Des trois audiences prévues entre le 22 février 1991 et le 20 mars 1992, une fut reportée d’office et deux furent renvoyées dans l’attente du dépôt au greffe du rapport d’expertise. Le 8 janvier 1993, l’expert renonça à son mandat car la demanderesse ne lui avait pas donné l’acompte pour exécuter l’expertise. Ce jour-là, le juge ajourna l’affaire au 22 octobre 1993 pour la présentation des conclusions. Le jour venu, l’avocat de Mme P. demanda un renvoi afin de renoncer à son mandat. Les audiences des 15 juillet et 2 décembre 1994 et du 19 mai 1995 furent renvoyées car ces jours-là les avocats faisaient grève. Les audiences des 2 février et 5 avril 1996 furent consacrées à la nomination d’un expert. Le 24 mai 1996, l’avocat de la demanderesse déclara renoncer à son mandat et l’expert prêta serment. Des quatre audiences prévues entre le 20 décembre 1996 et le 12 décembre 1997, deux furent renvoyées à la demande de l’avocat des requérants et deux furent reportées d’office. Le 24 avril 1998, les parties demandèrent un renvoi en vue d’un règlement amiable et le juge ajourna l’affaire au 4 décembre 1998. Entre-temps, le 15 juillet 1998, les parties parvinrent à un règlement amiable.
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Employée de l'Education nationale, la requérante est assistante administrative dans un collège. Le 26 avril 1994, la requérante attaqua la décision de l'inspecteur d'académie de lui enlever un jour de salaire, alors qu'elle bénéficiait d'un congé de maladie de quinze jours, devant le tribunal administratif de Florence(recours n° 1591/94). Le même jour, elle demanda la fixation de l'audience. Le 9 janvier 1995, la requérante demanda la fixation d’urgence de la date de l’audience et la jonction de ce recours avec deux autres recours. Le 27 novembre 1996, la requérante demanda au tribunal de ne pas joindre les trois recours. Selon les informations fournies par la requérante le 6 octobre 1999, le recours était à cette date encore pendant devant la même juridiction.
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Par un jugement du 29 mars 1989, le tribunal de Trapani déclara la faillite de M. C. Le requérant avait auparavant entamé une procédure de saisie immobilière contre M. C., interrompue en raison de ladite faillite. Le 15 juin 1989, le requérant demanda à être admis dans la procédure de faillite. L'examen de l'état des créances commença le 16 juin 1989. Le 1er décembre 1989, le juge de l'exécution admit le requérant comme créancier. L'état de créances fut déclaré exécutoire le 1er juin 1990. Entre le 16 octobre 1992 et le 26 mars 1995, à neuf reprises les biens immeubles de M. C. furent mis aux enchères. Sept de ces enchères s’avérèrent infructueuses. Le 20 juin 1995, fut déposé au greffe le bilan de la faillite. Le 13 septembre 1996, le juge de l'exécution approuva ledit bilan. Le requérant a informé la Cour de ce que la somme lui revenant de la vente des biens de M. C. a été saisie et perçue par son ancien avocat à titre d'honoraires. PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION M. Savona a saisi la Commission le 13 décembre 1995. Il alléguait la méconnaissance de son droit à un procès dans un délai raisonnable (article 6 § 1) en ce qui concernait deux procédures civiles (de saisie immobilière et de faillite). Le 8 juillet 1998, la Commission a retenu la requête (n° 38479/97) quant à la deuxième procédure seulement. Dans son rapport du 27 octobre 1998 (ancien article 31), elle conclut à l'unanimité à la violation de l'article 6 § 1.
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