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CONSTIT/CONSTEXT000035390833.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 juin 2017 d'une requête présentée par M. Léopold DEHER-LESAINT déposée à la préfecture de la Guadeloupe et enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5130 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 11 et 18 juin 2017, dans la 2ème circonscription du département de la Guadeloupe, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 2. Selon l'article 35 de la même ordonnance, « Les requêtes doivent contenir... les moyens d'annulation invoqués. - Le requérant doit annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses moyens ». 3. À l'appui de sa protestation, M. Léopold DEHER-LESAINT, candidat au premier tour du scrutin qui s'est déroulé dans la 2ème circonscription de la Guadeloupe, soutient que la propagande électorale a été acheminée de manière incomplète, ce qui aurait altéré la sincérité du scrutin. Ces allégations ne sont pas assorties des précisions et justifications permettant au juge de l'élection d'en apprécier la portée. Dès lors, la requête doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de M. Léopold DEHER-LESAINT est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000035390827.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 juin 2017 d'une requête présentée par Mme Rebecca TARILLON, demeurant à Valence (Drôme), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5044 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 11 et 18 juin 2017, dans la 1ère circonscription du département de la Drôme, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 2. La requérante soutient que la candidate élue a utilisé la voiture de son époux, a bénéficié de la collaboration de deux bénévoles et a entreposé ses affiches et tracts dans un local commercial. Toutefois, ces faits, à les supposer établis et irréguliers, sont, eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, insusceptibles d'avoir exercé une influence sur l'issue du scrutin. Dès lors, la requête doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de Mme Rebecca TARILLON est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000035390826.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 juin 2017 d'une requête présentée par M. Laurent LEGENDRE, demeurant à Villeurbanne (Rhône), et Mme Céline FRATCZAK, demeurant à Lyon (Rhône), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5038 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 11 et 18 juin 2017, dans la 6ème circonscription du département du Rhône, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Il a également été saisi le 28 juin 2017 par Mme Sonia BOVE et M. Mathieu SOARES, demeurant à Villeurbanne (Rhône), d'une requête tendant, à titre principal, aux mêmes fins et, à titre subsidiaire, à ce que le Conseil constitutionnel déclare qu'ils ont obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés. Cette requête a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5125 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par une seule décision. 2. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 3. À l'appui de leur protestation, M. Laurent LEGENDRE candidat dans la 1ère circonscription du Rhône et Mme Céline FRATCZAK, sa suppléante, soutiennent que la propagande électorale a été acheminée de manière incomplète, ce qui aurait faussé la sincérité du scrutin. Mme Sonia BOVE, candidate dans cette même circonscription et M. Louis BECKER, son suppléant, font état des mêmes griefs. Toutefois, de tels faits n'ont pu, eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, avoir une influence sur l'issue du scrutin. 4. Selon l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel ne peut être valablement saisi, par un électeur ou un candidat, de contestations autres que celles dirigées contre l'élection d'un député dans une circonscription déterminée. Dès lors, les conclusions de Mme Sonia BOVE et M. Louis BECKER tendant à ce que le Conseil constitutionnel déclare que leur candidature a obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés sont irrecevables. 5. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les requêtes de M. Laurent LEGENDRE et Mme Céline FRATCZAK et de Mme Sonia BOVE et M. Louis BECKER sont rejetées. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000035390832.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2017 d'une requête présentée par Mme Fatiha BRUNETTI demeurant à Aix-les-Bains (Savoie) et M. Dominique SCHEIDECKER demeurant à Chanaz (Savoie) enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5109 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 11 et 18 juin 2017, dans la 1ère circonscription du département de Savoie, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Il a également été saisi le 28 juin 2017 d'une requête tendant aux mêmes fins présentée pour M. Jean CHRÉTIEN et Mme Estelle CHRÉTIEN, demeurant à Aix-les-Bains (Savoie), par Me Philippe Tousset, avocat au barreau d'Annecy, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5151 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par une seule décision 2. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 3. À l'appui de leur protestation, Mme Fatiha BRUNETTI, candidate dans la 1ère circonscription de la Savoie, et M. Dominique SCHEIDECKER, son suppléant, soutiennent que la propagande électorale a été acheminée de manière incomplète, ce qui aurait faussé la sincérité du scrutin. M. Jean CHRÉTIEN, candidat dans cette même circonscription, et Mme Estelle CHRÉTIEN, sa suppléante, font état des mêmes griefs. Toutefois, de tels faits n'ont pu, eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, avoir une influence sur l'issue du scrutin. Dès lors, les requêtes doivent être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les requêtes de Mme Fatiha BRUNETTI et M. Dominique SCHEIDECKER et de M. Jean CHRÉTIEN et Mme Estelle CHRÉTIEN sont rejetées. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000035390841.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 mai 2017 par le Conseil d'État (décision n° 405792 du 17 mai 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour les associations La Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs, par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-648 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les associations requérantes par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées les 14 et 29 juin 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 14 juin 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la Ligue des droits de l'homme, par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 14 juin 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les associations requérantes et l'association intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 25 juillet 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 juillet 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I.- Dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre et pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, peut être individuellement autorisé le recueil en temps réel, sur les réseaux des opérateurs et des personnes mentionnés à l'article L. 851-1, des informations ou documents mentionnés au même article L. 851-1 relatifs à une personne préalablement identifiée susceptible d'être en lien avec une menace. Lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'une ou plusieurs personnes appartenant à l'entourage de la personne concernée par l'autorisation sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l'autorisation, celle-ci peut être également accordée individuellement pour chacune de ces personnes. « II.- L'article L. 821-5 n'est pas applicable à une autorisation délivrée en application du présent article ». 2. Les associations requérantes et l'association intervenante soutiennent que l'article L. 851-2, dans cette rédaction, porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances dès lors, d'une part, que le champ des personnes dont les données de connexion sont susceptibles d'être ainsi recueillies en temps réel serait trop large et, d'autre part, que la durée de l'autorisation serait trop longue. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le paragraphe I de l'article L. 851-2 du code la sécurité intérieure. - Sur le fond : 4. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ces derniers figurent le secret des correspondances et le droit au respect de la vie privée, protégés par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 5. Les dispositions contestées permettent à l'autorité administrative, pour la prévention du terrorisme, d'obtenir le recueil en temps réel des données de connexion relatives, d'une part, à une personne préalablement identifiée susceptible d'être en lien avec une menace et, d'autre part, aux personnes appartenant à l'entourage de la personne concernée par l'autorisation lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser qu'elles sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l'autorisation. Cette technique de recueil de renseignement est autorisée pour une durée de quatre mois renouvelable, conformément à l'article L. 821-4 du code de la sécurité intérieure. 6. En premier lieu, la procédure de réquisition administrative de données de connexion instituée par les dispositions contestées exclut l'accès au contenu des correspondances. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du droit au secret des correspondances doit être écarté. 7. En second lieu, d'une part, le recueil des données de connexion en temps réel ne peut être mis en œuvre que pour les besoins de la prévention du terrorisme. Ne peuvent, par ailleurs, être recueillis que les informations ou documents traités ou conservés par les opérateurs de télécommunication, les fournisseurs d'accès à un service de communication au public en ligne ou les hébergeurs de contenu sur un tel service. 8. D'autre part, cette technique de recueil de renseignement s'exerce dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de la sécurité intérieure. En vertu de l'article L. 821-4 de ce code, elle est autorisée par le Premier ministre ou les collaborateurs directs auxquels il a délégué cette compétence, sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou des ministres chargés de l'économie, du budget ou des douanes, après avis préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Elle est autorisée pour une durée de quatre mois renouvelable. En vertu du paragraphe II de l'article L. 851-2, la procédure d'urgence absolue prévue à l'article L. 821-5 de ce code n'est pas applicable. En application de l'article L. 871-6 du même code, les opérations matérielles nécessaires à la mise en place de la technique mentionnée à l'article L. 851-2 ne peuvent être exécutées, dans leurs réseaux respectifs, que par des agents qualifiés des services ou organismes placés sous l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des communications électroniques ou des exploitants de réseaux ou fournisseurs de services de télécommunications. 9. Enfin, cette technique de renseignement est réalisée sous le contrôle de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La composition et l'organisation de cette autorité administrative indépendante sont définies aux articles L. 831-1 à L. 832-5 du code de la sécurité intérieure dans des conditions qui assurent son indépendance. Ses missions sont définies aux articles L. 833-1 à L. 833-11 du même code dans des conditions qui assurent l'effectivité de son contrôle. Conformément aux dispositions de l'article L. 841-1 du même code, le Conseil d'État peut être saisi par toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de recueil de renseignement n'est irrégulièrement mise en œuvre à son égard ou par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. 10. Il résulte de ce qui précède que le législateur a assorti la procédure de réquisition des données de connexion, lorsqu'elle s'applique à une personne préalablement identifiée susceptible d'être en lien avec une menace, de garanties propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et celle des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. 11. En revanche, en application des dispositions contestées, cette procédure de réquisition s'applique également aux personnes appartenant à l'entourage de la personne concernée par l'autorisation, dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l'autorisation. Ce faisant, le législateur a permis que fasse l'objet de cette technique de renseignement un nombre élevé de personnes, sans que leur lien avec la menace soit nécessairement étroit. Ainsi, faute d'avoir prévu que le nombre d'autorisations simultanément en vigueur doive être limité, le législateur n'a pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. 12. Par suite, la seconde phrase du paragraphe I de l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure doit être déclarée contraire à la Constitution. La première phrase du même paragraphe, qui ne méconnaît ni le droit au respect de la vie privée, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 13. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 14. L'abrogation immédiate de la seconde phrase du paragraphe I de l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er novembre 2017 la date de cette abrogation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase du paragraphe I de l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 14 de cette décision Article 3. - La première phrase du paragraphe I de l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste est conforme à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000035390840.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 19 juin 2017 d'une requête présentée par Mme Océane FRELIN, demeurant à Gainesville (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5166 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 3 et 17 juin 2017, dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Il a été saisi le même jour de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - M. Patrick POINTU, demeurant à Lauderdale-by-the-Sea (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5169 AN ; - Mme Audrey VIGUIER, demeurant à Kirksville (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5170 AN ; - Mme Delphine HERIDE, demeurant à Little-Rock (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5171 AN ; - Mme Jérôme HERIDE, demeurant à Little-Rock (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5172 AN ; - Mme Marie-Hélène CALVEZ épouse CASAUS, demeurant à Albuquerque (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5173 AN ; - Mme Nathalie LAISSUS, demeurant à Houston (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5174 AN ; - Mme Aurélie MARTIN épouse BROWN, demeurant à Chicago (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5175 AN ; - Mme Hamida BENDRISS, demeurant à Richmond (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5177 AN ; - Mme Valérie REYDELLET-CASEY, demeurant à Dunn Loring (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5183 AN ; - Mme Flore AUBRY-HAMILTON, demeurant à Huntsville (États-Unis) enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5246 AN. Il a été saisi le 20 juin 2017 de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - Mme Gwénaëlle BARBIER épouse BRATTON, demeurant à Carlisle (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5167 AN ; - Mme Marcelle FIGLIONI-BONNET, demeurant à Bonsall (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5168 AN ; - Mme Françoise FLEURIAU-HALCOMB, demeurant à Guerneville (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5176 AN ; - M. Philippe RIAND, demeurant à Chelmsford (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5178 AN ; - Mme Audrey VANDENDRIESSCHE, demeurant à Montréal (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5179 AN ; - Mme Isabelle ZERBIB-COHEN, demeurant à New-York (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5180 AN ; - Mme Pauline MARCK, demeurant à Huntington (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5181 AN ; - M. Daniel FOURMONT, demeurant à Vero Beach (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5182 AN ; - M. Clément MIEGE, demeurant à Seattle (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5184 AN ; - M. Jean BUCQUET, demeurant à Rockaway (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5185 AN ; - Mme Roxane COCHE, demeurant à Memphis (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5186 AN ; - Mme Delphine DUCLOS, demeurant à Grand Rapids (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5187 AN ; - Mme Valérie LENT, demeurant à Goleta (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5188 AN ; - M. Michel CHERGUI, demeurant à Naples (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5189 AN ; - Mme Élisabeth CHERGUI, demeurant à Naples (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5190 AN ; - M. Paul KLING, demeurant à Saint-Constant (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5191 AN - M. Bruno LOPEZ, demeurant à Cathedral City (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5192 AN ; - M. Jean MARAVAL, demeurant à Colombia (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5193 AN ; - Mme Anne LESIMPLE épouse HANLON, demeurant à Halifax (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5194 AN ; - M. Olivier MESSIER, demeurant à Bloomfield Hills (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5197 AN ; - Mme Hélène MAIRE-AFELI, demeurant à Simpsonville (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5205 AN ; - M. Luc-Jean BROUILLAUD, demeurant à Amagansett (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5207 AN. Il a été saisi le 21 juin 2017 de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - M. Benjamin PILARSKI, demeurant à Allen (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5195 AN ; - M. Bruno DANZELLE, demeurant à Wilton Manors (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5196 AN ; - Mme Anne-Marie PÉLISSIER-MONACHON, demeurant à Saint-Sauveur (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5198 AN ; - M. Henri PÉLISSIER-MONACHON, demeurant à Saint Sauveur (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5199 AN ; - Mme Martine VILLETTE, demeurant à Weehawken (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5200 AN ; - M. Yann LE HERITTE, demeurant à Waterville (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5201 AN ; - Mme Marie-Hélène FERRAS JAMES, demeurant à Dover (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5202 AN ; - M. Bernard DOUTEAU, demeurant à Saint-Louis (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5203 AN ; - M. Didier ANDRÉ, demeurant à Poughkeepsie (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5204 AN ; - M. Barry RUSSELL, demeurant à Deerfield Beach (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5206 AN ; - Mme Murielle KERVIZIC DE WEKKER, demeurant à Crozet (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5208 AN ; - Mme Colette RUSSELL, demeurant à Deerfield Beach (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5209 AN ; - M. Nicolas LIZOTTE, demeurant à Montréal (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5210 AN ; - Mme Sophie ANGLADE épouse BAUCHET, demeurant à Stevensville (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5211 AN ; - Mme Cécile LEMERLE-DERBES, demeurant à Healdsburg (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5212 AN ; - Mme Stéphanie BAUCHET, demeurant à Stevensville (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5213 AN ; - Mme Ariane AESCHELMANN, demeurant à Mohnton (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5214 AN ; - M. Julien CABANAC, demeurant à Granby (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5215 AN ; - Mme Christiane EDOM, demeurant au Canada, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5217 AN ; - Mme Isabelle HACHETTE, demeurant à Kitchener (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5218 AN ; - Mme Pierrette LE ROUX WILLIAMS, demeurant à Roanoke (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5219 AN ; - Mme Jacqueline DUTET, demeurant à L'Ile Bizard (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5221 AN ; - M. Ronan POULIQUEN, demeurant à Gatineau (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5223 AN ; - Mme Odile MADUBOST épouse SODEN, demeurant à West Palm Beach (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5225 AN ; - M. Jean-Christophe TARAZONA, demeurant à Highland (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5227 AN ; - Mme Francine BARBE épouse VERGON, demeurant à Palm Desert (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5228 AN. Il a été saisi le 22 juin 2017 de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - Mme Cécile LEFEBVRE PELOTTE, demeurant à Saint-Louis (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5229 AN ; - Mme Géraldine CELLIERE épouse AYRAL, demeurant à Highland Park (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5230 AN ; - M. Philippe TUSLER, demeurant à Mission Viejo (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5231 AN ; - M. Stéphane NICAISE, demeurant à Port Coquitlam (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5232 AN ; - M. Jean-Philippe PELOTTE, demeurant à Saint-Louis (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5234 AN ; - M. Alain BONNEVILLE, demeurant à Richland (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5235 AN ; - Mme Isabelle ROUILLER, demeurant à Montréal (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5237 AN ; - M. Michel BOUVERET, demeurant à Montréal (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5238 AN. Il a été saisi le 23 juin 2017 de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - Mme Christiane HENRI, demeurant à Titusville (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5236 AN ; - Mme Marie-Christine DELANÉE, demeurant à Hubbards (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5239 AN ; - Mme Héloïse SENS, demeurant à Montréal (Canada), enregistrée - au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5240 AN ; - Mme Carine MAGESCAS, demeurant à New-York (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5241 AN ; - M. Pierre CRIDLIG, demeurant à Glenmont (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5242 AN ; - M. Régis ECHELARD, demeurant à Sainte-Thérèse (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5243 AN ; - Mme Marie-Thérèse GROS, demeurant à Sainte-Thérèse (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5245 AN. Il a été saisi le 24 juin 2017 de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - M. David MELY, demeurant à San Francisco (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5216 AN ; - Mme Sandrine GAILLARD, demeurant à Santa Fe (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5244 AN. Il a été saisi le 25 juin 2017 de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - Mme Émilie LEMOINE, demeurant à Atlanta (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5220 AN ; - Mme Odile REGNAULT, demeurant à Portneuf-sur-Mer (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5224 AN. Il a été saisi le 26 juin 2017 de requêtes tendant aux mêmes fins, présentées par : - M. Jacques DIONNE, demeurant à Portneuf-sur-Mer (Canada), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5222 AN ; - Mme Élisabeth MARILLIA, demeurant à Coaldale (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5226 AN ; - M. Rémi LE RÉVÉREND, demeurant à San Diego (États-Unis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5233 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour y statuer par une seule décision. 2. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 3. Les requérants, électeurs de la 1ère circonscription des Français établis hors de France, font valoir qu'en raison de retards dans l'acheminement du matériel de vote, ils n'ont pas pu voter par correspondance sous pli fermé au premier ou au second tour du scrutin qui s'est déroulé dans cette circonscription. Toutefois, de tels faits n'ont pu, eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, avoir une influence sur l'issue du scrutin. Dès lors, les requêtes doivent être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les requêtes de Mme Océane FRELIN, M. Patrick POINTU, Mme Audrey VIGUIER, Mme Delphine HERIDE, Mme Jérôme HERIDE, Mme Marie-Hélène CALVEZ épouse CASAUS, Mme Nathalie LAISSUS, Mme Aurélie MARTIN épouse BROWN, Mme Hamida BENDRISS, Mme Valérie REYDELLET-CASEY, Mme Flore AUBRY-HAMILTON, Mme Gwénaëlle BARBIER épouse BRATTON, Mme Marcelle FIGLIONI-BONNET, Mme Françoise FLEURIAU-HALCOMB, M. Philippe RIAND, Mme Audrey VANDENDRIESSCHE, Mme Isabelle ZERBIB-COHEN, Mme Pauline MARCK, Daniel FOURMONT, M. Clément MIEGE, M. Jean BUCQUET, Mme Roxane COCHE, Mme Delphine DUCLOS, Mme Valérie LENT, M. Michel CHERGUI, Mme Élisabeth CHERGUI, M. Paul KLING, M. Bruno LOPEZ, M. Jean MARAVAL, Mme Anne LESIMPLE épouse HANLON, M. Olivier MESSIER, Mme Hélène MAIRE-AFELI, M. Luc-Jean BROUILLAUD, M. Benjamin PILARSKI, M. Bruno DANZELLE, Mme Anne-Marie PÉLISSIER-MONACHON, M. Henri PÉLISSIER-MONACHON, Mme Martine VILLETTE, M. Yann LE HERITTE, Mme Marie-Hélène FERRAS JAMES, M. Bernard DOUTEAU, M. Didier ANDRÉ, M. Barry RUSSELL, Mme Murielle KERVIZIC DE WEKKER, Mme Colette RUSSELL, M. Nicolas LIZOTTE, Mme Sophie ANGLADE épouse BAUCHET, Mme Cécile LEMERLE-DERBES, Mme Stéphanie BAUCHET, Mme Ariane AESCHELMANN, M. Julien CABANAC, Mme Christiane Marie EDOM, Mme Isabelle HACHETTE, Mme Pierrette LE ROUX WILLIAMS, Mme Jacqueline DUTET, M. Ronan POULIQUEN, Mme Odile MADUBOST épouse SODEN, M. Jean-Christophe TARAZONA, Mme Francine BARBE épouse VERGON, Mme Cécile LEFEBVRE PELOTTE, Mme Géraldine CELLIERE épouse AYRAL, M. Philippe TUSLER, M. Stéphane NICAISE, M. Jean-Philippe PELOTTE, M. Alain BONNEVILLE, Mme Isabelle ROUILLER, M. Michel BOUVERET, Mme Christiane HENRI, Mme Marie-Christine DELANÉE, Mme Héloïse SENS, Mme Carine MAGESCAS, M. Pierre CRIDLIG, M. Régis ECHELARD, Mme Marie-Thérèse GROS, M. David MELY, Mme Sandrine GAILLARD, Mme Émilie LEMOINE, Mme Odile REGNAULT, M. Jacques DIONNE, Mme Élisabeth MARILLIA et M. Rémi LE RÉVÉREND sont rejetées. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 mai 2017 par le Conseil d'État (décision n° 408785 du 17 mai 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la Société civile des producteurs phonographiques et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-649 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 3° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la propriété intellectuelle ; - la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les sociétés requérantes par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées les 13 et 28 juin 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 14 juin 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes, par la SELARL Cabinet Vercken et Gaullier, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 et 29 juin 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les sociétés requérantes, Me Gilles Vercken, avocat au barreau de Paris, pour les sociétés intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 25 juillet 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le 3° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 juillet 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit que, lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer :« À sa communication au public par un service de radio, au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à l'exclusion des services de radio dont le programme principal est dédié majoritairement à un artiste-interprète, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d'un même phonogramme. « Dans tous les autres cas, il incombe aux services de communication au public en ligne de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins dans les conditions prévues aux articles L. 212-3, L. 213-1 et L. 213-2. Il en va ainsi des services ayant mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d'influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication ». 2. Les sociétés requérantes soutiennent, tout d'abord, que ces dispositions, en ce qu'elles privent les producteurs et les artistes-interprètes de la possibilité de s'opposer à la diffusion d'un phonogramme sur certains services de radio par internet, entraîneraient une privation du droit de propriété ou, à tout le moins, y porteraient une atteinte disproportionnée. Les sociétés requérantes dénoncent, ensuite, des atteintes à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre, dès lors que les producteurs de phonogrammes et les artistes-interprètes seraient empêchés de déterminer et de négocier le montant de leur rémunération. Elles ajoutent qu'en ne prévoyant pas de dispositions transitoires relatives à la mise en œuvre des dispositions contestées, le législateur aurait affecté l'économie des contrats en cours et ainsi porté atteinte au « principe de sécurité juridique ». Enfin, les sociétés requérantes font état d'une violation du principe d'égalité devant la loi, en ce que le législateur aurait instauré une différence de traitement injustifiée au regard des objectifs poursuivis. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa et la seconde phrase du second alinéa du 3° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance du droit de propriété, de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle : 4. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Selon son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». En l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 5. Les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux et, notamment, à la propriété intellectuelle. À ce titre, figure le droit, pour les titulaires du droit d'auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France. 6. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 7. Les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes sont titulaires de droits voisins du droit d'auteur. D'une part, les artistes-interprètes disposent d'un droit moral, mentionné à l'article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle, selon lequel « l'artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. - Ce droit inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne. - Il est transmissible à ses héritiers pour la protection de l'interprétation et de la mémoire du défunt ». D'autre part, les artistes-interprètes disposent de droits patrimoniaux, résultant du premier alinéa de l'article L. 212-3 du même code, qui soumet à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète « la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image ». Ces dernières dispositions lui confèrent ainsi le droit exclusif d'autoriser l'exploitation de sa prestation et, le cas échéant, d'en percevoir une rémunération définie par voie contractuelle. Enfin, les producteurs de phonogrammes disposent eux aussi de droits patrimoniaux, correspondant au droit exclusif prévu à l'article L. 213-1, selon lequel l'autorisation du producteur « est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l'article L. 214-1 ». 8. L'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle institue cependant plusieurs dérogations au droit exclusif des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes. Les dispositions contestées prévoient ainsi que, lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à sa communication au public par certains services de radio par internet. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : 9. D'une part, les dispositions contestées sont dépourvues d'effet sur le droit moral des artistes-interprètes, qui conservent le droit inaliénable et imprescriptible au respect de leur nom, de leur qualité et de leur interprétation. D'autre part, les dérogations instituées par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle ne s'appliquent qu'à certains modes de communication au public de phonogrammes dont les artistes-interprètes et les producteurs ont déjà accepté la commercialisation. Dès lors, les dispositions contestées n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit ainsi être écarté. . En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration de 1789, de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle : 10. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faciliter l'accès des services de radio par internet aux catalogues des producteurs de phonogrammes et ainsi favoriser la diversification de l'offre culturelle proposée au public. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. 11. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées dispensent de l'obligation d'obtenir l'autorisation préalable des artistes-interprètes et des producteurs seulement pour la communication au public de phonogrammes par des services de radio par internet non interactifs. En revanche, cette autorisation demeure requise lorsque le programme principal du service radiophonique est « dédié majoritairement à un artiste-interprète, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d'un même phonogramme » ou lorsque le service radiophonique a « mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d'influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication ». Les dispositions contestées ne limitent ainsi les prérogatives des titulaires de droits voisins qu'à l'égard des services de radio par internet dont les modalités d'offre et de diffusion sont comparables à celles de la radiodiffusion hertzienne. 12. D'autre part, en application des cinquième à huitième alinéas de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, la communication au public d'un phonogramme par les services de radio par internet en cause ouvre droit à une rémunération, dont le montant est réparti par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs, versée par le service de radio, en fonction des recettes produites par l'exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement. Selon les articles L. 214-3 et L. 214-4, le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes ou, à défaut d'accord, par une commission administrative paritaire. Il résulte de ces dispositions qu'une rémunération équitable est assurée aux titulaires de droits voisins au titre de l'exploitation des phonogrammes. 13. Par conséquent, les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété intellectuelle, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. Les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration de 1789, de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle doivent donc être écartés. - Sur les autres griefs : 14. En premier lieu, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789. 15. En l'absence de disposition expresse contraire, les dispositions contestées n'affectent pas les contrats légalement conclus avant leur entrée en vigueur. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance des exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 16. En second lieu, dès lors que les dispositions contestées n'instituent aucune différence de traitement, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 17. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa et la seconde phrase du second alinéa du 3° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000035390843.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juin 2017 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 1177 du 1er juin 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale Markem Imaje par la SCP Masse-Dessen Thouvenin Coudray, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-652 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l'article L. 2323-3 du code du travail et du dernier alinéa de l'article L. 2323-4 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code du travail ; - la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Masse-Dessen Thouvenin Coudray, enregistrées les 23 juin et 10 juillet 2017 ; - les observations présentées pour les sociétés Markem Imaje Holding, Markem Imaje Industries et Markem Imaje SAS, parties en défense, par la SCP Jérôme Rousseau et Guillaume Tapie, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 juin 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juin 2017 ; - les observations en intervention présentées pour le comité central de la société Électricité de France par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 juin et 12 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la Confédération Française Démocratique du Travail par la SCP Masse-Dessen Thouvenin Coudray, enregistrées le 23 juin 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la Confédération Générale du Travail par la SELARL Dellien associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 28 juin et 13 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Électricité de France par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 28 juin et 13 juillet 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Hélène Masse-Dessen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant et la Confédération Française Démocratique du Travail, Me Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les parties en défense, Me François Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société Électricité de France, Me Judith Krivine, avocat au barreau de Paris, pour la Confédération Générale du Travail, Me Antoine Lyon-Caen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le comité central de la société Électricité de France, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 25 juillet 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'un litige relatif à une demande d'avis adressée au comité d'entreprise requérant, formulée au premier semestre de l'année 2015 et dont le juge a été saisi le 16 juin 2015. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des dispositions contestées dans leur rédaction résultant de la loi du 14 juin 2013 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 2323-3 du code du travail, dans cette rédaction, organise la procédure de consultation du comité d'entreprise et en fixe notamment les délais. Son quatrième alinéa prévoit :« À l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au dernier alinéa de l'article L. 2323-4, le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif ». 3. L'article L. 2323-4 du même code, dans cette même rédaction, prévoit que, pour permettre au comité d'entreprise de formuler un avis motivé, l'employeur doit lui transmettre des informations précises et écrites et répondre à ses observations. À défaut, les membres élus du comité d'entreprise peuvent saisir le juge pour qu'il ordonne la communication des éléments manquants. Le dernier alinéa de cet article prévoit : « Cette saisine n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l'article L. 2323-3 ». 4. Selon le requérant et certains intervenants, les dispositions contestées méconnaîtraient le principe de participation énoncé au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et le droit à un recours juridictionnel effectif. En effet, il résulterait de la combinaison des dispositions contestées que le comité d'entreprise peut être réputé avoir rendu un avis négatif sur la question dont l'a saisi l'employeur, sans que le juge ait statué sur sa demande de transmission des informations qui lui manquent pour rendre utilement son avis. Les dispositions contestées introduiraient par ailleurs une rupture d'égalité entre les justiciables selon que le juge respecte ou non les délais fixés par le législateur. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance du principe de participation et du droit à un recours juridictionnel effectif : 5. Aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». Il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical, de fixer les conditions de mise en œuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. Le respect de cet alinéa implique que les représentants des salariés bénéficient des informations nécessaires pour que soit assurée la participation du personnel à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l'entreprise. 6. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif. 7. L'article L. 2323-3 du code du travail détermine les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise émet des avis et des vœux. À l'expiration des délais fixés par cet article, le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. 8. En premier lieu, le deuxième alinéa de cet article prévoit que, dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise doit disposer d'un délai suffisant. En vertu du troisième alinéa du même article, ce délai est fixé, sauf dispositions législatives spéciales, par accord entre l'employeur et le comité d'entreprise. Pour certaines consultations, un décret détermine les délais qui s'appliquent en l'absence d'accord. Le délai d'examen laissé au comité d'entreprise ne peut, dans tous les cas, être inférieur à quinze jours et doit lui permettre « d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». 9. En deuxième lieu, le premier alinéa de l'article L. 2323-4 du même code impose à l'employeur de fournir au comité d'entreprise des informations précises et écrites et de répondre aux observations qu'il lui a adressées, afin de lui permettre de formuler utilement son avis. 10. En troisième lieu, d'une part, afin de prévenir le risque que le comité d'entreprise soit empêché d'exercer ses prérogatives si l'employeur ne lui délivre qu'une information imprécise ou incomplète, le deuxième alinéa de l'article L. 2323-4 du code du travail l'autorise à saisir le juge pour qu'il ordonne la communication des informations manquantes. Le juge se prononce alors en la forme des référés, avec la pleine compétence du tribunal de grande instance. Il doit rendre sa décision dans un délai de huit jours. D'autre part, si le dernier alinéa de ce même article exclut que cette saisine ait, à elle seule, pour effet de prolonger le délai d'examen de l'avis, le législateur a prévu que cette prolongation peut en revanche être décidée par le juge lui-même, « en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise ». À cet égard, le juge tient compte, dans son appréciation, du délai qui restera, après sa décision, au comité d'entreprise pour rendre son avis, afin de repousser ce délai pour que le comité d'entreprise puisse se prononcer de manière utile une fois l'information obtenue. 11. En quatrième lieu, l'éventualité, à l'occasion de certaines procédures, du non-respect des délais prévus par la loi pour des motifs tenant aux conditions de fonctionnement des juridictions ne saurait suffire à entacher celle-ci d'inconstitutionnalité. Dès lors, ne peut être accueilli le grief tiré de ce que, en violation du deuxième alinéa de l'article L. 2323-4 du code du travail, le juge saisi par le comité d'entreprise statuerait souvent au-delà du délai de huit jours, à une date postérieure à l'échéance du délai laissé au comité d'entreprise pour se prononcer. 12. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées sont assorties des garanties nécessaires pour assurer le respect du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. Dès lors, le grief tiré de sa méconnaissance doit être écarté. Il en va de même, pour les motifs énoncés aux paragraphes 10 et 11, du grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 13. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 14. Les dispositions contestées prévoient des règles et délais identiques pour les comités d'entreprise qui saisissent le juge en application du deuxième alinéa de l'article L. 2323-4 du code du travail. Elles n'établissent donc pas de différence de traitement entre les justiciables. En outre, l'éventualité d'une méconnaissance, par le juge, du délai fixé par la loi ne constitue pas une différence de traitement établie par la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté. 15. Le quatrième alinéa de l'article L. 2323-3 du code du travail et le dernier alinéa de l'article L. 2323-4 du même code, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le quatrième alinéa de l'article L. 2323-3 du code du travail et le dernier alinéa de l'article L. 2323-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 juin 2017 d'une requête présentée par M. Jean-Matthieu DELACOURT, demeurant à Lyon (Rhône), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5054 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 11 et 18 juin 2017, dans la 11ème circonscription du département du Rhône, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Il a également été saisi le 28 juin 2017 d'une requête tendant aux mêmes fins présentée par M. Raymond COMBAZ, demeurant à Givors (Rhône), et Mme Sylvie BENVENUTO, demeurant à Mions (Rhône), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5138 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par une seule décision. 2. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 3. À l'appui de sa protestation, M. Jean-Matthieu DELACOURT, candidat à l'élection législative dans la 11ème circonscription du Rhône, dénonce l'absence de distribution de sa propagande électorale, ce qui aurait faussé la sincérité du scrutin. M. Raymond COMBAZ, candidat dans cette même circonscription, et Mme Sylvie BENVENUTO, sa suppléante, soutiennent quant à eux que la propagande électorale a été acheminée de manière incomplète. Eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, les faits allégués, à les supposer établis, n'ont pu avoir une influence sur le résultat du scrutin. Dès lors, les requêtes doivent être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les requêtes de M. Jean-Matthieu DELACOURT et de M. Raymond COMBAZ et Mme Sylvie BENVENUTO sont rejetées. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000035390829.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 juin 2017 d'une requête présentée par M. Guillaume HINFRAY, demeurant à Milan (Italie), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5058 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 4 et 18 juin 2017, dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Il a également été saisi le 28 juin 2017 d'une requête présenté pour Mme Florence DRORY, demeurant à Jérusalem (Israël), par Mes Jean-Pierre MIGNARD et Philippe AZOUAOU, avocats au barreau de Paris, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5104 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 4 et 18 juin 2017, dans cette même circonscription. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par une seule décision 2. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 3. Selon l'article 35 de la même ordonnance, « Les requêtes doivent contenir... les moyens d'annulation invoqués. - Le requérant doit annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses moyens ». 4. En premier lieu, M. Guillaume HINFRAY soutient que le candidat élu dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France a méconnu le principe de laïcité dans la campagne électorale qu'il a menée en Israël. Mme Florence DRORY, candidate battue au second tour du scrutin qui s'est déroulé dans cette circonscription, fait état du même grief. Elle soutient également que le candidat élu n'a pas respecté les principes d'indivisibilité de la République et d'unicité du peuple français et qu'il a méconnu la règle selon laquelle la langue de la République est le français. Toutefois, eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, les faits allégués, à supposer qu'ils soient établis et qu'ils constituent des irrégularités, n'ont pu avoir une influence sur l'issue du scrutin. 5. En second lieu, Mme Florence DRORY soutient que le candidat élu dans cette même circonscription a méconnu les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral interdisant à un candidat de recevoir des contributions ou aides matérielles d'un État étranger ou d'une personne morale de droit étranger. Toutefois, ces allégations ne sont pas assorties des précisions et justifications permettant au juge de l'élection d'en apprécier la portée. 6. Il résulte de ce qui précède que les requêtes de M. Guillaume HINFRAY et de Mme Florence DRORY doivent être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les requêtes de M. Guillaume HINFRAY et de Mme Florence DRORY sont rejetées. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 juillet 2017 d'une requête présentée par Mme Sofia BELEFDIL épouse RMIK, demeurant à Valence (Drôme), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5165 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 11 et 18 juin 2017, dans la 1ère circonscription du département de la Drôme, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 2. Selon le premier alinéa de l'article 33 de la même ordonnance, l'élection d'un député ou d'un sénateur peut être contestée devant le Conseil constitutionnel jusqu'au dixième jour qui suit la proclamation des résultats de l'élection, au plus tard à dix-huit heures. 3. Les résultats du scrutin du 18 juin 2017 pour l'élection d'un député dans la 1ère circonscription de la Drôme ont été proclamés le 19 juin 2017. La requête de Mme Sofia BELEFDIL épouse RMIK a été reçue au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 3 juillet 2017. Elle est tardive et, donc, irrecevable. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de Mme Sofia BELEFDIL épouse RMIK est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2017 d'une requête présentée par M. Jean-Marie MURE-RAVAUD, demeurant à Ventabren (Bouches-du-Rhône), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5161 AN. Cette requête vise à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 11 et 18 juin 2017, dans la 8ème circonscription du département des Bouches-du-Rhône, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 2. M. Jean-Marie MURE-RAVAUD, candidat au premier tour de scrutin qui s'est déroulé dans la 8ème circonscription des Bouches-du-Rhône, soutient qu'un des candidats aurait méconnu les règles relatives à l'affichage électoral. Il fait également état de difficultés d'acheminement de la propagande électorale et dénonce l'absence de bulletins à son nom dans certains bureaux de vote. Toutefois, eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, les faits allégués, à les supposer établis, n'ont pu avoir une influence sur l'issue du scrutin. Dès lors la requête doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de M. Jean-Marie MURE-RAVAUD est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 août 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 août 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 juillet 2017 par le Conseil d'État (décision n° 410620 du 7 juillet 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. et Mme Jean-Marc N. par Me Laurent Roustouil, avocat au barreau de Marseille. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-659 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1 de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par Me Roustouil et Me Antoine Malgoyre, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 4 août 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour M. et Mme Christian L. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 27 juillet et 16 août 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Malgoyre, pour les requérants, Me François Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 26 septembre 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le 1 de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1998 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une personne morale, un organisme, une fiducie ou une institution comparable, établi ou constitué hors de France et soumis à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants. « Pour l'application du premier alinéa, le caractère privilégié d'un régime fiscal est déterminé conformément aux dispositions de l'article 238 A par comparaison avec le régime fiscal applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de l'article 206 ». 2. Selon les requérants, ces dispositions interdiraient au contribuable de prouver que l'interposition d'une entité juridique établie hors de France n'a pas pour seul objet l'appréhension de bénéfices soumis à l'étranger à un régime fiscal privilégié. Elles institueraient ainsi une présomption irréfragable de fraude et d'évasion fiscales, contraire aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa du 1 de l'article 123 bis du code général des impôts. 4. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. L'article 123 bis du code général des impôts prévoit l'imposition des avoirs d'une personne physique fiscalement domiciliée en France qu'elle détient à l'étranger par l'intermédiaire d'une entité juridique dont les actifs sont principalement financiers et soumise à un régime fiscal privilégié. À cette fin, il soumet à l'impôt sur le revenu, selon des règles dérogatoires au droit commun, les bénéfices et les revenus positifs de cette entité, réputés acquis par la personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient dans cette entité. 6. En adoptant l'article 123 bis, le législateur a poursuivi un but de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales de personnes physiques qui détiennent des participations dans des entités principalement financières localisées hors de France et bénéficiant d'un régime fiscal privilégié. Ce but constitue un objectif de valeur constitutionnelle. 7. Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable puisse être autorisé à prouver, afin d'être exempté de l'application de l'article 123 bis, que la participation qu'il détient dans l'entité établie ou constituée hors de France n'a ni pour objet ni pour effet de permettre, dans un but de fraude ou d'évasion fiscales, la localisation de revenus à l'étranger. 8. Sous cette réserve, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 7, le premier alinéa du 1 de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 6 octobre 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2017 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1221 du 4 juillet 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Jean-Jacques M. par Me Philippe Mercier, avocat au barreau de Tours. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-658 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article 757 B du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Mercier, enregistrées les 27 juillet et 4 août 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Mercier, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 26 septembre 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée lors d'un litige relatif à l'assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit des sommes perçues par le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie, à la suite du décès du souscripteur, survenu le 28 février 2015. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe I de l'article 757 B du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2014 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe I de l'article 757 B du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit :« Les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l'assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l'assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 € ». 3. Selon le requérant, les dispositions contestées seraient contraires au principe d'égalité devant les charges publiques. D'une part, elles ne tiendraient pas compte des retraits effectués par le souscripteur du contrat d'assurance-vie, postérieurement au versement des primes qu'il a effectué après soixante-dix ans. Elles incluraient ainsi, dans l'assiette des droits de mutation mis à la charge du bénéficiaire, des sommes dont il ne peut avoir eu la disposition, puisque l'assuré en a disposé avant son décès. D'autre part, l'appréciation des facultés contributives du bénéficiaire ne reposerait pas sur des critères objectifs et rationnels dans la mesure où, lorsque le montant des retraits est tel que les droits de mutation doivent être calculés sur les sommes versées au bénéficiaire et non sur le montant des primes versées par l'assuré après soixante-dix ans, l'assiette de l'impôt ainsi retenue inclurait les produits des primes versées. 4. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. En application du paragraphe I de l'article 757 B du code général des impôts, les sommes versées au bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie sont, par exception au régime fiscal de l'assurance-décès, soumises aux droits de mutation par décès à concurrence du montant des primes versées par l'assuré après soixante-dix ans. Cette assiette est également limitée à la fraction de ces sommes supérieure à 30 500 euros. 6. En premier lieu, il résulte des dispositions contestées que même lorsque, compte tenu des retraits effectués par l'assuré avant son décès, le montant des primes versées par celui-ci après soixante-dix ans est supérieur aux sommes versées au bénéficiaire de l'assurance-vie, l'assiette des droits de mutation est limitée à ces dernières. L'impôt porte ainsi sur un revenu dont le bénéficiaire dispose effectivement. 7. En second lieu, si le législateur a, d'une manière générale, soumis l'assurance-vie à un régime fiscal favorable, afin de promouvoir le recours à ce type d'épargne de long terme, les exceptions qui y sont apportées par les dispositions contestées visent à décourager le recours tardif à cet instrument d'épargne dans le but d'échapper à la fiscalité successorale. Compte tenu du but ainsi poursuivi, le législateur pouvait prévoir que l'impôt serait dû à raison du seul versement des primes après soixante-dix ans, sans tenir compte des retraits effectués postérieurement à ce versement par l'assuré. De la même manière, il lui était loisible de soumettre aux droits de mutation les sommes versées au bénéficiaire, sans distinguer entre la fraction correspondant aux primes initialement versées par l'assuré et celle correspondant aux produits de ces primes. En adoptant les dispositions contestées, le législateur s'est donc fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but visé. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. Le paragraphe I de l'article 757 B du code général des impôts, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le paragraphe I de l'article 757 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 octobre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 3 octobre 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 juillet 2017 par le Conseil d'État (décision n° 399757 du 7 juillet 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société de participations financière par Me Nicolas Jacquot, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-660 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la directive n° 2011/96/UE du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante, par Me Jacquot, enregistrées les 31 juillet et 16 août 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société F-Iniciativas, par Me Pascal Schiele, avocat au barreau des Hauts-de- Seine, enregistrées le 27 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Jeff de Bruges SAS, par Me Marc Pelletier, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 27 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour l'association française des entreprises privées et autres, par Mes Gauthier Blanluet et Nicolas de Boynes, avocats au barreau de Paris, et Me Stéphane Austry, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées les 31 juillet et 16 août 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Jacquot, pour la société requérante, Mes Blanluet et Austry, pour l'association française des entreprises privées et autres, Me Schiele, pour la société F-Iniciativas, Me Pelletier, pour la société Jeff de Bruges SAS, parties intervenantes, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 26 septembre 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 235 ter ZCA du code général des impôts institue une contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués. Le premier alinéa du paragraphe I de cet article, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l'impôt sur les sociétés en France, à l'exclusion des organismes de placement collectif mentionnés au II de l'article L. 214-1 du code monétaire et financier ainsi que de ceux qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code ». 2. La société requérante et les parties intervenantes reprochent aux dispositions contestées, telles qu'interprétées par le Conseil d'État, d'instituer une différence de traitement injustifiée entre les redistributions de dividendes provenant de filiales selon que ces dernières sont établies dans un État membre de l'Union européenne, auquel cas elles sont exonérées de la contribution, ou qu'elles sont établies en France ou dans un État tiers, auquel cas elles y sont soumises. Les dispositions contestées institueraient également une différence de traitement injustifiée entre les sociétés redistribuant des dividendes reçus de leurs filiales établies dans des États membres de l'Union européenne et celles distribuant des dividendes prélevés sur leur propre profit d'exploitation. Il en résulterait une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. - Sur le fond : 3. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 4. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. L'article 235 ter ZCA du code général des impôts institue, à la charge des personnes passibles de l'impôt sur les sociétés, une imposition dénommée « contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués ». Cette contribution est due par la personne qui procède aux distributions de revenus, au sens des articles 109 à 117 du même code. Elle a pour fait générateur la distribution et est égale à 3 % des montants distribués. 6. Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État, telle qu'elle ressort de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que les dispositions de l'article 235 ter ZCA ne peuvent être appliquées aux bénéfices, redistribués par une société mère, provenant d'une filiale établie dans un État membre de l'Union européenne autre que la France et relevant du régime mère-fille prévu par la directive du 30 novembre 2011 mentionnée ci-dessus, mais peuvent, en revanche, être appliquées à l'ensemble des autres bénéfices distribués par cette société mère. 7. Il résulte ainsi des dispositions contestées une différence de traitement entre les sociétés mères, selon que les dividendes qu'elles redistribuent proviennent ou non de filiales établies dans un État membre de l'Union européenne autre que la France. Or, ces sociétés se trouvent dans la même situation au regard de l'objet de la contribution, qui consiste à imposer tous les montants distribués, indépendamment de leur localisation d'origine et y compris ceux relevant du régime mère-fille issu du droit de l'Union européenne. 8. En instituant la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués, le législateur a entendu compenser la perte de recettes pérenne provoquée par la suppression de la retenue à la source sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières. Il a ainsi poursuivi un objectif de rendement. Un tel objectif ne constitue pas, en lui-même, une raison d'intérêt général de nature à justifier la différence de traitement instituée entre les sociétés mères qui redistribuent des dividendes provenant d'une filiale établie dans État membre de l'Union et celles qui redistribuent des dividendes provenant d'une filiale établie en France ou dans un État tiers à l'Union européenne. Il en résulte une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. 9. Le premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015, doit être déclaré contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 10. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 11. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 11 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 6 octobre 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 juillet 2017 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1192 du 29 juin 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Valeo systèmes de contrôle moteur par Me Olivier Angotti, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-657 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions résultant de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 et de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-706 DC du 18 décembre 2014 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante, par la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par Me Angotti, enregistrées les 25 juillet et 9 août 2017 ; - les observations présentées pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire, partie en défense, par la SCP Gatineau Fattaccini, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 24 juillet et 7 août 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 25 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Atos Consulting et autres, par la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, enregistrées le 25 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Valeo embrayages et autres, par Me Angotti et la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, enregistrées le 25 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Cora et autres, par Mes Stéphane Austry et Ghislain Beaure d'Augères, avocats au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 25 juillet 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Renault SAS, par Mes David Rigaud et Xavier Pignaud, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 25 juillet 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Angotti, pour la société requérante ainsi que pour la société Valeo embrayages et autres, Me Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie en défense, Me Damien Célice, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société Atos Consulting et autres, parties intervenantes, Mes Austry et Beaure d'Augères, pour la société Cora et autres, parties intervenantes, Me Rigaud, pour la société Renault SAS, partie intervenante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 26 septembre 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2007 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Le financement de l'allocation de logement relevant du présent titre et des dépenses de gestion qui s'y rapportent est assuré par le fonds national d'aide au logement mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation. « Pour concourir à ce financement, les employeurs sont assujettis à : « 1° Une cotisation assise sur les salaires plafonnés et recouvrée selon les règles applicables en matière de sécurité sociale ; « 2° Une contribution calculée par application d'un taux de 0,40 % sur la totalité des salaires et recouvrée suivant les règles applicables en matière de sécurité sociale. « Les employeurs occupant moins de vingt salariés et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale ne sont pas soumis à la contribution mentionnée au 2°. Le cinquième alinéa de l'article L. 620-10 du code du travail s'applique au calcul de l'effectif mentionné au présent article ». 2. Cet article, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2010 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Le financement de l'allocation de logement relevant du présent titre et des dépenses de gestion qui s'y rapportent est assuré par le fonds national d'aide au logement mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation. « Pour concourir à ce financement, les employeurs sont assujettis à : « 1° Une cotisation assise sur les salaires plafonnés et recouvrée selon les règles applicables en matière de sécurité sociale ; « 2° Une contribution calculée par application d'un taux de 0,40 % sur la part des salaires plafonnés et d'un taux de 0,50 % sur la part des salaires dépassant le plafond, cette contribution étant recouvrée suivant les règles applicables en matière de sécurité sociale « Les employeurs occupant moins de vingt salariés et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale ne sont pas soumis à la contribution mentionnée au 2°. Le cinquième alinéa de l'article L. 620-10 du code du travail s'applique au calcul de l'effectif mentionné au présent article ». 3. La société requérante, rejointe par les sociétés intervenantes, soutient qu'en s'abstenant, d'une part, de fixer le taux de la cotisation prévue au 1° des dispositions renvoyées et, d'autre part, de déterminer les modalités de recouvrement de cette cotisation ainsi que de la contribution prévue au 2° des mêmes dispositions, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant le droit à un recours juridictionnel effectif, la liberté d'entreprendre et le principe d'égalité devant la loi. Serait également méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Enfin, en exonérant de la contribution prévue au 2° les employeurs occupant moins de vingt salariés et ceux relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale, le législateur aurait méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deuxième à cinquième alinéas de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans ses deux rédactions mentionnées ci-dessus. - Sur le fond : . En ce qui concerne le grief tiré de l'incompétence négative : 5. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... ». Il s'ensuit que, lorsqu'il définit une imposition, le législateur doit déterminer ses modalités de recouvrement, lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions applicables à cette imposition. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 6. La cotisation et la contribution instituées par les dispositions contestées, dont les recettes concourent au financement du fonds national d'aide au logement, n'ont pas pour objet d'ouvrir des droits à des prestations et avantages servis par un régime obligatoire de sécurité sociale. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 41 de la décision du 18 décembre 2014 mentionnée ci-dessus, elles sont donc au nombre des impositions de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution. 7. En premier lieu, la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de sa compétence en matière de règles concernant le taux de la cotisation prévue au 1° des dispositions contestées, dans leur deux rédactions mentionnées ci-dessus, doit être écarté. 8. En second lieu, l'absence de détermination des modalités de recouvrement d'une imposition affecte le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, en prévoyant que la cotisation et la contribution prévues respectivement aux 1° et 2° des dispositions contestées sont recouvrées « selon les règles applicables en matière de sécurité sociale », le législateur a entendu renvoyer aux règles de valeur législative applicables au recouvrement des cotisations dues au titre du régime de sécurité sociale dont relèvent les salariés des employeurs assujettis à ces impositions. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de sa compétence en matière de détermination des règles de recouvrement de ces impositions doit être écarté. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques : 9. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 10. En exemptant de la contribution prévue au 2° les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale, le législateur ne s'est pas fondé sur un critère objectif et rationnel en fonction des buts qu'il s'est fixés de financement de l'allocation logement. Il a donc méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques. 11. En exemptant de la contribution prévue au 2° les employeurs occupant moins de vingt salariés, le législateur a entendu tenir compte de leur moindre capacité contributive par rapport à ceux occupant vingt salariés et plus. Il a ainsi retenu un critère objectif et rationnel en fonction des buts qu'il s'est fixés et n'a pas méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques. 12. Il résulte de tout ce qui précède que les mots « et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale » figurant à la première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions mentionnées ci-dessus, doivent être déclarés contraires à la Constitution. 13. Les deuxième à quatrième alinéas et le reste du cinquième alinéa de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans les mêmes rédactions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 14. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 15. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale » figurant à la première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions résultant de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 et de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 15 de cette décision. Article 3. - Les deuxième à quatrième alinéas et le reste du cinquième alinéa de l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, dans ces mêmes rédactions, sont conformes à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 octobre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 3 octobre 2017.
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Le Président de la République, Sur la proposition du président du Conseil constitutionnel, Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 15 ; Vu le décret n° 59-1293 du 13 novembre 1959 relatif à l'organisation du secrétariat général du Conseil constitutionnel, notamment son article 1er ; Vu le décret du 16 mars 2015 portant nomination du secrétaire général du Conseil constitutionnel, Il est mis fin, sur sa demande, à compter du 15 août 2017, aux fonctions de secrétaire général du Conseil constitutionnel exercées par M. Laurent Vallée, maître des requêtes au Conseil d'Etat. M. Jean Maïa, conseiller d'Etat, est nommé secrétaire général du Conseil constitutionnel à compter du 28 août 2017. Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française. Fait le 9 août 2017. Emmanuel Macron Par le Président de la République : Le Premier ministre, Edouard Philippe
CONSTIT/CONSTEXT000035489405.xml
Le Président du Conseil constitutionnel Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 15 et 16 ; Vu le décret n° 59-1293 du 13 novembre 1959 relatif à l'organisation du Secrétariat général du Conseil constitutionnel, notamment ses articles 2 et 4, Article 1er : Délégation est donnée à Monsieur Jean MAIA, Secrétaire général du Conseil constitutionnel, à l'effet de signer tous actes et décisions d'ordre administratif et de mandater les dépenses au nom du Président du Conseil constitutionnel. Fait à Paris, le 28 août 2017 Laurent FABIUS
CONSTIT/CONSTEXT000035709944.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2017 par le Conseil d'État (décision n° 406437 du 26 juin 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société BPCE par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-654 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du a du 1 de l'article 220 du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière fiscale, ratifiée par l'article 78 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, enregistrées les 20 juillet et 3 août 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 20 juillet 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Olivier Matuchansky, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 12 septembre 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'un litige portant sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2007. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du a du 1 de l'article 220 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 25 mars 2004 mentionnée ci-dessus. 2. Ces dispositions, dans cette rédaction, prévoient :« Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. « Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus ». 3. Selon la société requérante, ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d'État, interdisent d'imputer un crédit d'impôt d'origine étrangère sur l'impôt sur les sociétés dû au titre d'un autre exercice que celui au cours duquel le crédit d'impôt est obtenu. Ce crédit d'impôt ne pouvant être complètement utilisé que si les résultats de l'exercice au cours duquel il est obtenu sont suffisamment bénéficiaires, il en résulterait, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, une différence de traitement injustifiée entre sociétés selon les résultats de cet exercice. La société requérante reproche à ces mêmes dispositions de méconnaître le principe d'égalité devant la loi selon l'État dans lequel l'impôt étranger a été acquitté. Ces dispositions méconnaîtraient également le principe d'égalité devant les charges publiques en raison de la double imposition à laquelle serait soumise une société se trouvant dans l'impossibilité d'imputer le crédit d'impôt d'origine étrangère. Enfin, en privant, dans ce cas, le contribuable de la créance qu'il détiendrait sur l'État, ces dispositions violeraient le droit de propriété. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa du a du 1 de l'article 220 du code général des impôts. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques : 5. Selon la société requérante, lorsque le résultat d'une société déficitaire redevient bénéficiaire, la diminution de son déficit reportable impliquerait que les produits qu'elle a reçus au cours d'un exercice déficitaire soient effectivement imposés à l'impôt sur les sociétés au titre d'un exercice ultérieur et viennent en diminution de son déficit reportable. Il est en conséquence soutenu que, en ne permettant pas à une société déficitaire ou insuffisamment bénéficiaire d'imputer l'impôt retenu à la source ou un crédit d'impôt d'origine étrangère sur l'impôt sur les sociétés dû au titre d'un autre exercice que celui au cours duquel la retenue à la source a été appliquée ou le crédit d'impôt d'origine étrangère obtenu, les dispositions contestées auraient pour effet de soumettre cette société à une double imposition différée dans le temps. 6. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 7. Les revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis du code général des impôts font l'objet de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu prévue à l'article 119 bis du même code. Ils sont également compris dans le résultat imposable des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés. Afin d'éviter la double imposition de ces revenus, le a du 1 de l'article 220 du code général des impôts prévoit que cette retenue à la source s'impute sur le montant de l'impôt sur les sociétés. 8. Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État, telle qu'elle ressort de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que cette imputation « s'opère sur l'impôt sur les sociétés à la charge du bénéficiaire de ces revenus au titre de cet exercice » et que la même règle s'applique aux crédits d'impôt d'origine étrangère correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger et visant à éviter une double imposition. 9. D'une part, le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce qu'un même contribuable soit soumis à plusieurs impositions sur une même assiette. D'autre part, ce principe n'impose pas au législateur, pour l'établissement de l'impôt perçu en France, de tenir compte d'autres impôts acquittés à l'étranger sur les produits que le contribuable reçoit. D'ailleurs, lorsqu'ils constituent des charges du point de vue fiscal, les retenues à la source ou les crédits d'impôt d'origine étrangère peuvent, sauf exception, être déduits du résultat imposable en application de l'article 39 du code général des impôts, augmentant d'autant pour les sociétés déficitaires le déficit admis en déduction d'éventuels bénéfices ultérieurs. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit en tout état de cause être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 10. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. 11. En interdisant de reporter sur un exercice ultérieur la retenue à la source de l'impôt sur le revenu ou un crédit d'impôt d'origine étrangère, les dispositions contestées traitent de la même manière toutes les sociétés, quels que soient leurs résultats. Elles ne créent pas non plus, s'agissant des crédits d'impôt d'origine étrangère, de différence selon l'État d'origine des revenus. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété : 12. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. En l'absence de privation du droit de propriété au sens de l'article 17, il résulte néanmoins de l'article 2 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 13. Ni la retenue à la source de l'impôt sur le revenu prélevée sur les produits reçus en France, ni le crédit d'impôt dont la retenue à la source à l'étranger peut être assortie ne constituent un acompte sur le paiement au Trésor de l'impôt sur les sociétés. Par conséquent, ni l'un ni l'autre n'ont le caractère d'une créance restituable. Le grief tiré la méconnaissance du droit de propriété est donc inopérant. 14. Le premier alinéa du a du 1 de l'article 220 du code général des impôts, qui ne méconnait aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa du a du 1 de l'article 220 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 septembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 28 septembre 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 juillet 2017 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1190 du 29 juin 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Jean-Marie B. par la SELARL Salmon et associés, avocat au barreau de Caen. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-656 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l'article 9 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de la sécurité sociale ; - l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ; - la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 24 juillet et 8 août 2017 ; - les observations présentées par la caisse de mutualité sociale agricole Côtes normandes, partie en défense, enregistrées le 17 juillet 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 25 juillet 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Ricard, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 12 septembre 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le A du paragraphe I de l'article 9 de la loi du 23 décembre 2013 mentionnée ci-dessus insère un 4° à l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime élargissant la liste des revenus considérés comme des revenus professionnels pour la détermination de l'assiette des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles. Le paragraphe II de ce même article prévoit :« Le A du I s'applique aux cotisations de sécurité sociale et contributions sociales dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2014, sous réserve des dispositions transitoires suivantes : « 1° Les revenus mentionnés au 4° de l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime sont pris en compte pour 75 % de leur montant pour le calcul de l'assiette des cotisations et contributions dues au titre de l'année 2014 ; « 2° Pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole relevant du premier alinéa de l'article L. 731-15 du même code, l'assiette des cotisations et contributions dues au titre de l'année 2014 est constituée par la moyenne des revenus professionnels mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 731-14 dudit code, à laquelle sont ajoutés 75 % des revenus mentionnés au 4° du même article perçus en 2013 ; « 3° Pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole relevant du premier alinéa de l'article L. 731-15 du même code, l'assiette des cotisations et contributions dues au titre de l'année 2015 est constituée par la moyenne des revenus professionnels mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 731-14 dudit code, à laquelle est ajoutée la moyenne des revenus mentionnés au 4° du même article perçus en 2013 et 2014 ». 2. Le requérant soutient que ces dispositions auraient pour effet de soumettre à une double imposition certains revenus de capitaux mobiliers mentionnés au 4° de l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime. En effet, avant la loi du 23 décembre 2013, ces revenus étaient soumis à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale en qualité de revenus du patrimoine. En application de cette loi, ils sont, depuis le 1er janvier 2014, soumis à ces contributions en qualité de revenus d'activité. Selon le requérant, le législateur aurait ainsi soumis ceux de ces revenus perçus en 2013 à la fois aux contributions sociales applicables aux revenus du patrimoine et à celles applicables aux revenus d'activité. Cette double imposition porterait atteinte à une situation légalement acquise dès lors que les contributions sociales sur les revenus du patrimoine revêtiraient un caractère libératoire. Les exigences de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 seraient donc méconnues. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « et contributions sociales » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 9 de la loi du 23 décembre 2013. 4. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. 5. En application du 4° de l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime, sont notamment considérés comme revenus professionnels pour la détermination de l'assiette des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles « les revenus de capitaux mobiliers définis aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou ses enfants mineurs non émancipés ». 6. En application du code de la sécurité sociale, ces revenus de capitaux mobiliers étaient, avant l'entrée en vigueur de ce 4°, soumis à la contribution sociale généralisée en qualité de revenus du patrimoine ou de produits de placement et, en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 mentionnée ci-dessus, à la contribution au remboursement de la dette sociale pesant sur ces mêmes revenus et produits. En application de l'article L. 136-4 du même code et de l'article 14 de la même ordonnance, ils sont, depuis cette entrée en vigueur, soumis à ces mêmes contributions en qualité de revenus d'activité. Selon l'article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime, les revenus pris en compte dans l'assiette de ces dernières contributions sont constitués par la moyenne des revenus se rapportant aux trois années antérieures à celle au titre de laquelle la contribution est due. Enfin, aux termes du paragraphe II de l'article 9 de la loi du 23 décembre 2013, le 4° de l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime s'applique aux contributions sociales dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2014. Pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, l'assiette des contributions dues au titre de l'année 2014 inclut notamment 75 % des revenus mentionnés au 4° du même article perçus en 2013. 7. Il résulte de ce qui précède que certains revenus de capitaux mobiliers perçus en 2013 ont pu être soumis en 2013 à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale en qualité de revenus du patrimoine ou de produits de placement. Ces mêmes revenus ont, par ailleurs, pu être pris en compte dans le calcul de la moyenne des revenus dont résulte l'assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale portant sur les revenus d'activité dus au titres de l'année 2014. Toutefois, aucune disposition législative ne prévoit que la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale sur les revenus du patrimoine ou les produits de placement dues au titre de 2013 revêtaient un caractère libératoire. Dès lors, en intégrant à compter du 1er janvier 2014 les revenus de capitaux mobiliers mentionnés au 4° de l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime dans l'assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale sur les revenus d'activité, le législateur n'a pas porté atteinte à des situations légalement acquises ni remis en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 8. Les mots « et contributions sociales » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 9 de la loi du 23 décembre 2013, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « et contributions sociales » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 9 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 septembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 29 septembre 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 mai 2017 par le Conseil d'État (décision n° 407832 du 9 mai 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Alain C. par Me Bruno Dervieu, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-642 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit « des dispositions combinées » des trois premiers alinéas du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, et du paragraphe IV de l'article 150-0 D ter du même code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'action sociale et des familles ; - le code général des impôts ; - le code de la sécurité sociale ; - l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ; - la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ; - l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs, ratifiée par l'article 25 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises ; - la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ; - la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 31 mai et 19 juin 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 2 juin 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Olivier Matuchansky, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 27 juin 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2013 mentionnée ci-dessus, dispose que, pour leur soumission à l'impôt sur le revenu, les plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés sont réduites d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater de cet article. Les trois premiers alinéas du 1 ter prévoient :« L'abattement mentionné au 1 est égal à : « a) 50 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ou de la distribution ; « b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution ». 2. L'article 150-0 D ter du même code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 25 juillet 2013 mentionnée ci-dessus, institue un abattement, soumis à conditions, sur les plus-values de cession à titre onéreux de titres ou droits de petites et moyennes entreprises réalisées par leurs dirigeants lors de leur départ à la retraite. Le paragraphe IV de cet article prévoit :« En cas de non-respect de la condition prévue au 4° du I à un moment quelconque au cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, l'abattement prévu au même I est remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie. Il en est de même, au titre de l'année d'échéance du délai mentionné au c du 2° du I, lorsque l'une des conditions prévues au 1° ou au c du 2° du même I n'est pas remplie au terme de ce délai ». 3. Le requérant soutient, en premier lieu, que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi. En effet, elles privent de l'abattement pour durée de détention, prévu au 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts, les dirigeants de petites et moyennes entreprises ayant réalisé une plus-value de cession avant le 1er janvier 2013, lorsque cette plus-value est, postérieurement à cette date, rendue imposable à l'impôt sur le revenu du fait de la remise en cause de l'abattement spécifique prévu à l'article 150-0 D ter du même code. Il en résulterait une différence de traitement injustifiée par rapport aux dirigeants des mêmes entreprises ayant réalisé une plus-value après le 1er janvier 2013. En deuxième lieu, ces dispositions contreviendraient au principe d'égalité devant les charges publiques, dès lors que l'absence de prise en compte de la durée de détention des titres aboutirait à méconnaître les facultés contributives des redevables. En dernier lieu, ces dispositions seraient contraires à la garantie des droits, en ce qu'elles porteraient atteinte aux situations légalement acquises ou remettraient en cause les effets qui peuvent légitimement en être attendus. En effet, aucun motif d'intérêt général ne justifierait que la plus-value initialement placée sous le régime d'imposition spécifique aux dirigeants de petites et moyennes entreprises partant à la retraite puisse finalement être soumise à d'autres règles d'imposition que celles prévues à la date de sa réalisation. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les trois premiers alinéas du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts. - Sur la recevabilité : 5. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances. 6. En vertu du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013 et résultant de la loi du 29 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, les plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés sont prises en compte pour la détermination du revenu net global soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Le deuxième alinéa du 1 de l'article 150-0 D prévoit cependant que ces plus-values peuvent être réduites d'un abattement pour durée de détention déterminé dans les conditions prévues au 1 ter du même article. 7. Le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les trois premiers alinéas du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2014 mentionnée ci-dessus, dans sa décision du 22 avril 2016 mentionnée ci-dessus. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous deux réserves. D'une part, ces dispositions ne sauraient priver les plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013, qui ne font l'objet d'aucun abattement sur leur montant brut et dont le montant de l'imposition est arrêté selon des règles de taux telles que celles en vigueur à compter du 1er janvier 2013, de l'application à l'assiette ainsi déterminée d'un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition. D'autre part, ces dispositions ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de conduire à appliquer des règles d'assiette et de taux autres que celles applicables au fait générateur de l'imposition de plus-values mobilières obligatoirement placées en report d'imposition. Ces dispositions sont identiques à celles contestées par le requérant dans la présente question prioritaire de constitutionnalité. 8. Toutefois, le Conseil d'État a saisi le Conseil constitutionnel de la présente question prioritaire de constitutionnalité au motif que la réserve d'interprétation relative à la prise en compte de l'érosion monétaire, énoncée au considérant 11 de la décision du 22 avril 2016 ne s'applique pas au cas exposé par le requérant dans ses griefs, alors même que les motifs de cette décision devraient conduire à une telle application. Cette difficulté dans la détermination du champ d'application d'une réserve d'interprétation, qui affecte la portée de la disposition législative critiquée, constitue un changement des circonstances justifiant, en l'espèce, le réexamen des dispositions contestées. - Sur le fond : . En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques : 9. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 10. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 11. En premier lieu, les règles de détermination de l'assiette des plus-values mobilières fixées par l'article 150-0 D du code général des impôts ne sont applicables qu'aux plus-values réalisées à compter de l'entrée en vigueur de ces règles, soit le 1er janvier 2013. Il en résulte que les plus-values mobilières réalisées avant cette date, y compris celles rendues imposables à l'impôt sur le revenu postérieurement à cette date, sont exclues du bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 ter de l'article 150-0 D. Cette différence de traitement, qui repose sur une différence de situation, est en rapport avec l'objet de loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté. 12. En second lieu, il résulte de l'assujettissement des plus-values mobilières à l'impôt sur le revenu, prévu par l'article 200 A du code général des impôts, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue par l'article 223 sexies du même code ainsi qu'aux prélèvements sociaux prévus par l'article 15 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 mentionnée ci-dessus, par l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, par l'article 1600-0 F bis du code général des impôts et par les articles L. 136-6 et L. 245-14 du code de la sécurité sociale qu'un taux marginal maximal d'imposition de 62,001 % s'applique à la plus-value réalisée avant le 1er janvier 2013 qui, du fait de la remise en cause d'un abattement accordé sous conditions avant cette date, se trouve soumise à l'impôt sur le revenu selon les règles de taux en vigueur postérieurement à cette date. Les valeurs mobilières dont la cession a donné lieu à la réalisation de cette plus-value ont pu être détenues sur une longue durée avant cette cession. Faute de tout mécanisme prenant en compte cette durée pour atténuer le montant assujetti à l'impôt sur le revenu, l'application du taux marginal maximal à cette plus-value méconnaîtrait les capacités contributives des contribuables. Par suite, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 11 de la décision du 22 avril 2016, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître l'égalité devant les charges publiques, priver une telle plus-value réalisée avant le 1er janvier 2013, qui ne fait l'objet d'aucun abattement sur son montant brut et dont le montant de l'imposition est arrêté selon des règles de taux telles que celles en vigueur à compter du 1er janvier 2013, de l'application à l'assiette ainsi déterminée d'un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition. Sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit être écarté. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : 13. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. 14. Lorsque le législateur permet à un contribuable, à sa demande, de bénéficier sous certaines conditions d'un régime dérogatoire d'imposition d'une plus-value, le contribuable doit être regardé comme ayant accepté les conséquences de la remise en cause de ce régime en cas de non-respect des conditions auxquelles il était subordonné. Il en résulte que l'imposition de la plus-value selon les règles applicables l'année de cette remise en cause ne porte atteinte à aucune situation légalement acquise et ne remet pas en cause les effets qui pourraient légitimement être attendus d'une telle situation. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 15. Sous la réserve énoncée au paragraphe 12 et sous les réserves énoncées aux considérants 11 et 15 de la décision du 22 avril 2016, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 12 et sous les réserves énoncées aux considérants 11 et 15 de la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016, les trois premiers alinéas du 1 ter de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 juillet 2017, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 7 juillet 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 5 mai 2017 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 782 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Horizon OI et la société Horizon OI Outremer télécom océan indien par Me Iqbal Akhoun, avocat au barreau de Saint-Denis de La Réunion. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-641 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article 206 de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'Outre-mer, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 82-1114 du 23 décembre 1982 relative au régime législatif du droit du travail dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'Outre-mer ; - l'ordonnance n° 82-1114 du 23 décembre 1982 relative au régime législatif du droit du travail dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 29 mai 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Akhoun, pour les sociétés requérantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 juin 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 206 de la loi du 15 décembre 1952 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 23 décembre 1982 mentionnée ci-dessus, fixe les conditions dans lesquelles s'exerce l'appel des jugements rendus par les tribunaux du travail de plusieurs territoires ultramarins, dont Mayotte. Son premier alinéa prévoit :« Dans les quinze jours du prononcé du jugement, appel peut être interjeté dans les formes prévues à l'article 190 ». 2. Selon les sociétés requérantes, en instaurant sans justification un délai d'appel spécifique à Mayotte différent de celui applicable dans le ressort de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, dont relève pourtant ce territoire, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la justice. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Dans les quinze jours du prononcé du jugement, » figurant au premier alinéa de l'article 206 de la loi du 15 décembre 1952. - Sur le fond : 4. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense. 5. Selon l'article 73 de la Constitution : « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». 6. Les dispositions contestées prévoient un délai d'appel des jugements des juridictions du travail, applicable uniquement dans certains territoires ultramarins, dont Mayotte. L'exclusion qui en résulte du délai de droit commun, fixé d'ailleurs par le pouvoir réglementaire, ne trouve sa justification ni dans une différence de situation des justiciables dans ce territoire par rapport à ceux des autres territoires, ni dans l'organisation juridictionnelle, les caractéristiques ou les contraintes particulières propres au département de Mayotte. 7. Par conséquent, les mots « Dans les quinze jours du prononcé du jugement, » figurant au premier alinéa de l'article 206 de la loi du 15 décembre 1952 méconnaissent le principe d'égalité devant la justice. Ils doivent donc être déclarés contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 8. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 9. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. Par suite, à compter de cette date, le délai applicable pour l'appel des jugements mentionnés à l'article 206 de la loi du 15 décembre 1952 est celui de droit commun. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « Dans les quinze jours du prononcé du jugement, » figurant au premier alinéa de l'article 206 de la loi du 15 décembre 1952, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 82-1114 du 23 décembre 1982 relative au régime législatif du droit du travail dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 9 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juin 2017, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mme Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 30 juin 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 mai 2017 par le Conseil d'État (décision n° 407999 du 9 mai 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Amar H. par Me Yann Le Viavant, avocat au barreau de Valence. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-643 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des « dispositions combinées du 2° du I de l'article 109 du code général des impôts, du 2° du 7 de l'article 158 du même code et du c du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ». Il a également été saisi le 24 mai 2017 par le Conseil d'État (décision n° 408725 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Dominique L. par la SCP Nataf et Planchat, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-650 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des « dispositions combinées du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en tant qu'elles visent au 2° les bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis du même code, et du c) du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ». Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers ; - la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 ; - la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; - la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 ; - la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ; - la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Amar H. par Me Le Viavant, enregistrées les 30 mai et 6 juin 2017 ; - les observations présentées pour M. Dominique L. par la SCP Nataf et Planchat, enregistrées les 29 mai et 19 juin 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 2 et 15 juin 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Mes Le Viavant et Éric Planchat, avocat au barreau de Paris, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 27 juin 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La question posée pour M. Amar H. a été soulevée à l'occasion d'un litige portant sur des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juillet 1965 mentionnée ci-dessus, du 2° du 7 de l'article 158 du même code et du c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2010 mentionnée ci-dessus. La question posée pour M. Dominique L. a été soulevée lors d'un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une instruction administrative du 12 septembre 2012 portant sur l'application de ces dispositions. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du 2° du 7 de l'article 158 dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2011 mentionnée ci-dessus et du c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 16 août 2012 mentionnée ci-dessus. 3. Le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit que sont considérées comme des revenus distribués :« Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ». 4. L'article 158 du code général des impôts, dans cette rédaction, fixe les règles de détermination des différentes catégories de revenus entrant dans la composition du revenu net global soumis à l'impôt sur le revenu. Son 7 dispose que le montant de certains revenus et charges est, pour le calcul de cet impôt, multiplié par 1,25. Selon le 2° de ce 7, ces dispositions s'appliquent :« Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ». 5. Le paragraphe I de l'article L. 136-6 du code la sécurité sociale, dans ces différentes rédactions, prévoit que, pour leur assujettissement à la contribution sociale généralisée acquittée sur les revenus du patrimoine, certains revenus sont déterminés comme en matière d'impôt sur le revenu. Selon le c de ce paragraphe I, il en va ainsi : « Des revenus de capitaux mobiliers ». 6. Les requérants contestent l'assujettissement aux contributions sociales, sur une assiette majorée de 25 %, des bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis du code général des impôts et des revenus distribués mentionnés à l'article 109 du même code résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice. Selon eux, cette majoration serait contraire aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. 7. Par conséquent, les questions prioritaires de constitutionnalité portent sur le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans ses rédactions résultant des lois des 29 décembre 2010 et 16 août 2012. - Sur la recevabilité : 8. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances. 9. Les dispositions contestées soumettent les revenus de capitaux mobiliers à la contribution sociale généralisée acquittée sur les revenus du patrimoine et en définissent l'assiette. La même assiette est retenue pour la soumission de ces revenus aux autres contributions sociales régies par des dispositions faisant référence, directement ou indirectement, au paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. 10. Ces dispositions renvoient par ailleurs, pour la définition de l'assiette de ces contributions sociales, au « montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu » perçu sur les revenus de capitaux mobiliers. En application du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, les revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, les bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et les revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice, font l'objet d'une assiette majorée : pour le calcul de l'impôt sur le revenu comme pour celui des contributions sociales, le montant de ces revenus est multiplié par 1,25. 11. Le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les dispositions du c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 27 décembre 2008 mentionnée ci-dessus dans sa décision du 10 février 2017 mentionnée ci-dessus. Il les a déclarées conformes à la Constitution sous réserve que ces dispositions ne soient pas interprétées comme permettant l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes mentionnés au c de l'article 111 du même code. Ces dispositions sont identiques à celles contestées par les requérants dans les présentes questions prioritaires de constitutionnalité. 12. Toutefois, le Conseil d'État a saisi le Conseil constitutionnel des présentes questions prioritaires de constitutionnalité au motif que la réserve d'interprétation énoncée dans la décision du 10 février 2017 ne s'applique pas pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ainsi qu'à l'article 123 bis du code général des impôts alors même que les motifs de cette décision devraient conduire à une telle application. Cette difficulté dans la détermination du champ d'application d'une réserve d'interprétation, qui affecte la portée de la disposition législative critiquée, constitue un changement des circonstances justifiant, en l'espèce, le réexamen des dispositions contestées. - Sur le fond : 13. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 14. En premier lieu, les dispositions contestées ont pour effet d'assujettir le contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il n'a pas disposé. 15. En second lieu, la majoration de l'assiette prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts a été instituée par l'article 76 de la loi du 30 décembre 2005 mentionnée ci-dessus en contrepartie de la baisse des taux du barème de l'impôt sur le revenu, concomitante à la suppression et à l'intégration dans ce barème de l'abattement de 20 % dont bénéficiaient certains redevables de cet impôt, afin de maintenir un niveau d'imposition équivalent. 16. Toutefois, il ressort des travaux préparatoires de cette dernière loi que, pour l'établissement des contributions sociales, cette majoration de l'assiette des revenus en cause n'est justifiée ni par une telle contrepartie, ni par l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, ni par aucun autre motif. 17. Par conséquent, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 9 à 12 de la décision du 10 février 2017, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, être interprétées comme permettant l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les bénéfices ou revenus mentionnés au 2° de ce même 7. Sous cette réserve, le grief tiré de la violation de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 18. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 17, le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 et dans celle résultant de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 juillet 2017, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 7 juillet 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 7 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 403171 du 2 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. et Mme Philippe G. par Me Géraldine Palomares, avocat au barreau de Grenoble. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-610 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des « dispositions combinées du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en tant qu'elles portent sur les revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du même code, et du c) du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ». Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 ; - la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail ; - la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par Me Palomares, enregistrées le 9 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 29 décembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour M. et Mme Jérôme C. et autres, M. et Mme Daniel A. et autres et M. et Mme Bernard S. par Me Rodolphe Mossé, avocat au barreau de Lyon, enregistrées respectivement les 23, 26 et 29 décembre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Palomares, pour les requérants, Me Mossé, pour les parties intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 31 janvier 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'un litige portant sur des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles les requérants ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 3 décembre 2008 mentionnée ci-dessus, et du c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 décembre 2008 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 158 du code général des impôts, dans cette rédaction, fixe les règles de détermination des différentes catégories de revenus entrant dans la composition du revenu net global soumis à l'impôt sur le revenu. Son 7 dispose que le montant de certains revenus et charges est, pour le calcul de cet impôt, multiplié par 1,25. Selon le 2° de ce 7, ces dispositions s'appliquent : « Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ». 3. Le paragraphe I de l'article L. 136-6 du code la sécurité sociale, dans cette rédaction, prévoit que, pour leur assujettissement à la contribution sociale généralisée acquittée sur les revenus du patrimoine, certains revenus sont déterminés comme en matière d'impôt sur le revenu. Selon le c de ce paragraphe I, il en va ainsi : « Des revenus de capitaux mobiliers ». 4. Les requérants et les parties intervenantes contestent l'assujettissement aux contributions sociales des rémunérations et avantages occultes, mentionnés au c de l'article 111 du code général des impôts, sur une assiette majorée de 25 %. Dès lors que les autres revenus de capitaux mobiliers sont soumis aux mêmes contributions sur leur montant réel, il en résulterait une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. 6. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 7. Les dispositions contestées soumettent les revenus de capitaux mobiliers à la contribution sociale généralisée acquittée sur les revenus du patrimoine et en définissent l'assiette. La même assiette est retenue pour la soumission de ces revenus aux autres contributions sociales régies par des dispositions faisant référence, directement ou indirectement, au paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. 8. Les dispositions contestées renvoient, pour la définition de l'assiette de ces contributions sociales, au « montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu » sur les revenus de capitaux mobiliers. En application du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, certains de ces revenus, notamment les rémunérations et avantages occultes, font l'objet d'une assiette majorée : pour le calcul de l'impôt sur le revenu comme pour celui des contributions sociales, le montant de ces revenus est multiplié par 1,25. 9. En premier lieu, les dispositions contestées ont pour effet d'assujettir le contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il n'a pas disposé. 10. En second lieu, la majoration de l'assiette prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts a été instituée par l'article 76 de la loi du 30 décembre 2005 mentionnée ci-dessus en contrepartie de la baisse des taux du barème de l'impôt sur le revenu, concomitante à la suppression et à l'intégration dans ce barème de l'abattement de 20 % dont bénéficiaient certains redevables de cet impôt, afin de maintenir un niveau d'imposition équivalent. 11. Toutefois, il ressort des travaux préparatoires de cette dernière loi que, pour l'établissement des contributions sociales, cette majoration de l'assiette des revenus en cause n'est justifiée ni par une telle contrepartie, ni par l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, ni par aucun autre motif. 12. Par conséquent, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, être interprétées comme permettant l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes mentionnés au c de l'article 111 du même code. Sous cette réserve, le grief tiré de la violation de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 13. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 12, le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 février 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 10 février 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 7 décembre 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5797 du 29 novembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. David P. par Me Sami Khankan, avocat au barreau de Nantes. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-611 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 421-2-5-2 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code pénal ; - le code de procédure pénale ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ; - la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Claire Waquet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Khankan, enregistrées les 29 décembre 2016 et 13 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 29 décembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour la Ligue des droits de l'Homme par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 29 décembre 2016 et 13 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Mes Waquet et Khankan, pour le requérant, Me François Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 31 janvier 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 421-2-5-2 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 3 juin 2016 mentionnée ci-dessus prévoit : « Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. « Le présent article n'est pas applicable lorsque la consultation est effectuée de bonne foi, résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice ». 2. Le requérant soutient que les dispositions contestées méconnaissent la liberté de communication et d'opinion dès lors qu'elles répriment la seule consultation d'un service de communication au public en ligne sans que soit exigée concomitamment la preuve de ce que la personne est animée d'intentions illégales. Ces dispositions contreviendraient également au principe de légalité des délits et des peines et à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi en raison de l'imprécision des termes employés. Par ailleurs, le principe d'égalité serait méconnu à un double titre. D'une part, seules certaines personnes sont autorisées par la loi à accéder à ces contenus en raison de leur profession. D'autre part, la consultation des contenus provoquant à la commission d'actes terroristes est seulement sanctionnée lorsqu'elle a lieu par internet à l'exclusion d'autres supports. Enfin, les dispositions contestées violeraient le principe de la présomption d'innocence dès lors que la personne se livrant à la consultation incriminée serait présumée vouloir commettre des actes terroristes. 3. La partie intervenante soutient, pour les mêmes raisons, que les dispositions contestées contreviennent à la liberté de communication et d'opinion ainsi qu'au principe de légalité des délits et des peines. - Sur le fond : 4. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services. 5. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant ... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles de nature à concilier la poursuite de l'objectif de lutte contre l'incitation et la provocation au terrorisme sur les services de communication au public en ligne, qui participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions, avec l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer. Toutefois, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. 6. Les dispositions contestées, qui sanctionnent d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de consulter de manière habituelle un service de communication au public en ligne faisant l'apologie ou provoquant à la commission d'actes de terrorisme et comportant des images ou représentations d'atteintes volontaires à la vie, ont pour objet de prévenir l'endoctrinement d'individus susceptibles de commettre ensuite de tels actes. 7. En premier lieu, d'une part, la législation comprend un ensemble d'infractions pénales autres que celle prévue par l'article 421-2-5-2 du code pénal et de dispositions procédurales pénales spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission d'actes de terrorisme. 8. Ainsi, l'article 421-2-1 du code pénal réprime le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un acte de terrorisme. L'article 421-2-4 du même code sanctionne le fait d'adresser à une personne des offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, de la menacer ou d'exercer sur elle des pressions afin qu'elle participe à un groupement ou une entente prévu à l'article 421-2-1 ou qu'elle commette un acte de terrorisme. L'article 421-2-5 sanctionne le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes. Enfin, l'article 421-2-6 réprime le fait de préparer la commission d'un acte de terrorisme dès lors que cette préparation est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur et qu'elle est caractérisée par le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ainsi que par d'autres agissements tels que la consultation habituelle d'un ou de plusieurs services de communication au public en ligne provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie. 9. Dans le cadre des procédures d'enquêtes relatives à ces infractions, les magistrats et enquêteurs disposent de pouvoirs étendus pour procéder à des mesures d'interception de correspondances émises par voie de communication électronique, de recueil des données techniques de connexion, de sonorisation, de fixation d'images et de captation de données informatiques. Par ailleurs, sauf pour les faits réprimés par l'article 421-2-5 du code pénal, des dispositions procédurales spécifiques en matière de garde à vue et de perquisitions sont applicables. 10. D'autre part, le législateur a également conféré à l'autorité administrative de nombreux pouvoirs afin de prévenir la commission d'actes de terrorisme. 11. Ainsi, en application du 4° de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII de ce même code pour le recueil des renseignements relatifs à la prévention du terrorisme. Ces services peuvent accéder à des données de connexion, procéder à des interceptions de sécurité, sonoriser des lieux et véhicules et capter des images et données informatiques. 12. Enfin, en application de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 mentionnée ci-dessus, lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421-2-5 du code pénal le justifient, l'autorité administrative peut demander à tout éditeur ou hébergeur d'un service de communication au public en ligne de retirer les contenus qui contreviennent à cet article. Selon l'article 706-23 du code de procédure pénale, l'arrêt d'un service de communication au public en ligne peut également être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus à l'article 421-2-5 du code pénal lorsqu'ils constituent un trouble manifestement illicite. L'article 421-2-5-1 du même code réprime le fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes afin d'entraver, en connaissance de cause, l'efficacité des procédures précitées. 13. Dès lors, au regard de l'exigence de nécessité de l'atteinte portée à la liberté de communication, les autorités administrative et judiciaire disposent, indépendamment de l'article contesté, de nombreuses prérogatives, non seulement pour contrôler les services de communication au public en ligne provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie et réprimer leurs auteurs, mais aussi pour surveiller une personne consultant ces services et pour l'interpeller et la sanctionner lorsque cette consultation s'accompagne d'un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d'exécution. 14. En second lieu, s'agissant des exigences d'adaptation et de proportionnalité requises en matière d'atteinte à la liberté de communication, les dispositions contestées n'imposent pas que l'auteur de la consultation habituelle des services de communication au public en ligne concernés ait la volonté de commettre des actes terroristes ni même la preuve que cette consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ces services. Ces dispositions répriment donc d'une peine de deux ans d'emprisonnement le simple fait de consulter à plusieurs reprises un service de communication au public en ligne, quelle que soit l'intention de l'auteur de la consultation, dès lors que cette consultation ne résulte pas de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, qu'elle n'intervient pas dans le cadre de recherches scientifiques ou qu'elle n'est pas réalisée afin de servir de preuve en justice. 15. Si le législateur a exclu la pénalisation de la consultation effectuée de « bonne foi », les travaux parlementaires ne permettent pas de déterminer la portée que le législateur a entendu attribuer à cette exemption alors même que l'incrimination instituée, ainsi qu'il vient d'être rappelé, ne requiert pas que l'auteur des faits soit animé d'une intention terroriste. Dès lors, les dispositions contestées font peser une incertitude sur la licéité de la consultation de certains services de communication au public en ligne et, en conséquence, de l'usage d'internet pour rechercher des informations. 16. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées portent une atteinte à l'exercice de la liberté de communication qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. L'article 421-2-5-2 du code pénal doit donc, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, être déclaré contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 17. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 18. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article 421-2-5-2 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 18 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 février 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 10 février 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 48 ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ; - le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 modifié portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 susvisée ; - la décision n° 2016-136 ORGA du Conseil constitutionnel du 10 novembre 2016 portant nomination des rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel pour la période octobre 2016-octobre 2017 ; - la lettre du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 3 février 2017 ; - la lettre du vice-président du Conseil d'État, en date du 17 janvier 2017 ; Après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sont désignés, en qualité de délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre sur place les opérations relatives à l'élection du Président de la République des samedi 22 ou dimanche 23 avril 2017 et, s'il y a lieu à un second tour, des samedi 6 ou dimanche 7 mai 2017 : - les rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel ; - les premiers présidents des cours d'appel et le président du tribunal supérieur d'appel, ainsi que les magistrats qu'ils désigneront à cet effet ; - les présidents des tribunaux administratifs de Basse-Terre, de Cayenne, de Mamoudzou, de Mata-Utu, de Nouméa, de Papeete, de Saint-Denis, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Schœlcher ainsi que les magistrats qu'ils désigneront à cet effet. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 février 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT.
CONSTIT/CONSTEXT000034205523.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 30 janvier 2017, par le Premier ministre, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 37 de la Constitution d'une demande enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-268 L. Le Premier ministre demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique des mots « du garde des sceaux, ministre de la justice » figurant à l'article 1er de la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ». Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel notamment ses articles 24, 25 et 26 ; - la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 créant le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les dispositions de l'article 1er de la loi du 26 mai 1999 mentionnée ci-dessus soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ont pour seul objet de déterminer le ministre compétent pour exercer, au nom de l'État, la tutelle, sur le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », établissement public national à caractère administratif. Elles ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux, ni aucune des règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi. Par suite, elles ont un caractère réglementaire. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « du garde des sceaux, ministre de la justice » figurant à l'article 1er de la loi n° 99-418 du 26 mai 1999 ont un caractère réglementaire. Article 2. - Cette décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 février 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 28 février 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000034205522.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2016-135 ORGA du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2017-158 PDR du 1er mars 2017, n° 2017-159 PDR du 3 mars 2017, n° 2017-160 PDR du 7 mars 2017 et n° 2017-161 PDR du 10 mars 2017, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 14 mars 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000034205520.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2016-135 ORGA du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2017-158 PDR du 1er mars 2017 et n° 2017-159 PDR du 3 mars 2017, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 7 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2016-135 ORGA du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2017-158 PDR du 1er mars 2017, n° 2017-159 PDR du 3 mars 2017 et n° 2017-160 PDR du 7 mars 2017, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 10 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2016-135 ORGA du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans la décision n° 2017-158 PDR du 1er mars 2017, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 3 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2016-135 ORGA du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2017-137 ORGA du Conseil constitutionnel du 23 février 2017 modifiant la décision n° 2016-135 ORGA du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, en tant qu'élus habilités, ont valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 1er mars 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000034205516.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 58 ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, notamment son article 3 ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - la décision n° 2016-135 ORGA du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Et après avoir entendu le rapporteur ; Article 1er.- Après l'article 2 de la décision du 8 septembre 2016 mentionnée ci-dessus, il est inséré un article 2 bis ainsi rédigé : « Par dérogation au premier alinéa de l'article 2, la première publication de la liste mentionnée à cet alinéa a lieu le mercredi 1er mars 2017. » Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 février 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 58 ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, notamment son article 3 ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - la décision n° 2016-135 ORGA du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Et après avoir entendu le rapporteur ; D É C I D E : Article 1er.- Après l'article 2 bis de la décision du 8 septembre 2016 mentionnée ci-dessus, il est inséré un article 2 ter ainsi rédigé : « Par dérogation au premier alinéa de l'article 2, la publication de la liste mentionnée à cet alinéa, prévue le vendredi 17 mars 2017, a lieu le samedi 18 mars 2017. » Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 19 décembre 2016 par le Conseil d'État (décisions n° 401589 et n° 403627 du 16 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été posées pour la société Barnes et M. Thibault de S., par Me Hervé Lehman, avocat au barreau de Paris, et par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2016-616 QPC et 2016-617 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 561-41 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, et de l'article L. 561-42 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code monétaire et financier ; - la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ; - l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, ratifiée par l'article 140 de la loi du 12 mai 2009 mentionnée ci-dessus ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par Me Lehman, enregistrées les 10 et 25 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 10 janvier 2017 ; - les observations en intervention présentées, pour le syndicat des casinos modernes de France, le syndicat Casinos de France et l'association des casinos indépendants de France, par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Lehman, pour les requérants, Me Jean-Philippe Dom, avocat au barreau de Paris, pour les parties intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 28 février 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. L'article L. 561-41 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 mai 2009 mentionnée ci-dessus, prévoit :« La Commission nationale des sanctions reçoit les rapports établis à la suite des contrôles effectués par les autorités administratives mentionnées au II de l'article L. 561-36 et notifie les griefs à la personne physique mise en cause ou, s'agissant d'une personne morale, à son responsable légal. « Le cas échéant, ces griefs sont également notifiés à l'organisme central auquel est affiliée la personne en cause et portés à la connaissance de l'association professionnelle à laquelle elle adhère. « Lorsque, par suite soit d'un grave défaut de vigilance, soit d'une carence dans l'organisation de ses procédures internes de contrôle, une personne mentionnée aux 8°, 9° et 15° de l'article L. 561-2 a omis de respecter les obligations découlant du présent titre, la Commission nationale des sanctions engage une procédure disciplinaire et en avise le procureur de la République ». 3. L'article L. 561-42 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 30 janvier 2009 mentionnée ci-dessus prévoit : « La Commission nationale des sanctions statue par décision motivée, hors la présence du rapporteur de l'affaire. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué ». 4. Les requérants et les parties intervenantes soutiennent que les dispositions contestées, qui ne garantissent pas la séparation entre les fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement au sein de la Commission nationale des sanctions, sont contraires aux principes d'indépendance et d'impartialité qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. - Sur le fond : 5. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». 6. Le principe de la séparation des pouvoirs, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne font obstacle à ce qu'une autorité administrative non soumise au pouvoir hiérarchique du ministre, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. En particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle. Doivent également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. 7. En application des articles L. 561-2 et L. 561-38 du code monétaire et financier dans leurs rédactions issues de l'ordonnance du 30 janvier 2009, il est institué auprès du ministre chargé de l'économie une Commission nationale des sanctions chargée de prononcer des sanctions administratives en cas de non respect de leurs obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes, par les agents immobiliers, les représentants légaux et les directeurs responsables des opérateurs de jeux ou de paris et les personnes exerçant l'activité de domiciliation. En vertu de l'article L. 561-39 du même code, cette commission est composée d'un conseiller d'État, désigné par le vice-président du Conseil d'État, d'un conseiller à la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation et d'un conseiller-maître à la Cour des comptes, désigné par le premier président de la Cour des comptes, ainsi que de quatre personnalités qualifiées en matière juridique ou économique. Ceux-ci sont nommés par décret pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Selon l'article L. 561-40 du même code, cette commission peut prononcer des avertissements, des blâmes, des interdictions temporaires d'exercer, le retrait d'agrément ou de la carte professionnelle et des sanctions pécuniaires dont le montant ne peut excéder cinq millions d'euros. Enfin aux termes de l'article L. 561-43 du même code, ces sanctions peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. 8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la Commission nationale des sanctions est une autorité administrative dotée d'un pouvoir de sanction, qui n'est pas soumise au pouvoir hiérarchique d'un ministre. Elle doit en conséquence respecter les exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme. 9. En second lieu, selon l'article L. 561-38 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 30 janvier 2009, la Commission nationale des sanctions est saisie par le ministre chargé de l'économie, celui chargé du budget ou le ministre de l'intérieur des manquements constatés aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes des personnes entrant dans son champ de compétence. Toutefois, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 561-41 et de l'article L. 561-42 du code monétaire et financier, il revient à la Commission nationale des sanctions de notifier les griefs à la personne mise en cause puis de statuer par une décision motivée, sans que la loi distingue la phase de poursuite et celle de jugement. 10. Ainsi, les dispositions contestées n'opèrent aucune séparation au sein de la Commission nationale des sanctions entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des éventuels manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements. Il en résulte qu'elles méconnaissent le principe d'impartialité. 11. Par conséquent, les articles L. 561-41 et L. 561-42 du code monétaire et financier doivent être déclarés contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 12. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 13. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les articles L. 561-41 et L. 561-42 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue respectivement de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures et de l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 13 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 401716 du 15 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. et Mme Jacques Paul V. par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-615 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des « c) et e) du I de l'article L. 136-6 du code de sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en 2007 ». Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 ; - la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Chaisemartin-Courjon, enregistrées les 6 et 23 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 janvier 2017 ; - les observations en intervention présentées pour M. et Mme Michel C. par Me Ève Obadia, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 9 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Arnaud de Chaisemartin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les requérants, Me Obadia pour la partie intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 28 février 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée lors de la contestation, par les requérants, de leur imposition à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine et à d'autres contributions, à raison de la cession de la participation qu'ils détenaient dans une société de droit français. Cette cession étant intervenue le 31 janvier 2007, le Conseil constitutionnel est saisi des c et e du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2006 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans cette rédaction, prévoit que, pour leur assujettissement à la contribution sociale généralisée acquittée sur les revenus du patrimoine, certains revenus sont déterminés comme en matière d'impôt sur le revenu. Selon les c et e de ce paragraphe I, il en va ainsi : « c) Des revenus de capitaux mobiliers » ; « e) Des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables, soumis à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel, de même que de l'avantage défini au 6 bis de l'article 200 A du code général des impôts. « Pour l'application de l'alinéa précédent, le gain net retiré de la cession d'actions acquises dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce est égal à la différence entre le prix effectif de cession des actions net des frais et taxes acquittés par le cédant et le prix de souscription ou d'achat majoré, le cas échéant, des rémunérations visées au deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ». 3. Les requérants soutiennent que ces dispositions, telles qu'interprétées par le juge administratif, sont contraires aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Elles créent, selon eux, une différence de traitement injustifiée entre les personnes affiliées au régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne et celles affiliées au régime de sécurité sociale d'un autre État. Seules les secondes seraient en effet soumises à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine et aux autres contributions sociales. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le c et le premier alinéa du e du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2006. - Sur la recevabilité : 5. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu'il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement des circonstances. 6. Dans sa décision du 10 février 2017 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 décembre 2008 mentionnée ci-dessus. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision. Ces dispositions sont identiques à celles contestées par les requérants dans la présente question prioritaire de constitutionnalité. 7. Dès lors, et en l'absence d'un changement de circonstances, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2006. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques : 8. Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État que la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, qui entre dans le champ du règlement européen du 29 avril 2004 mentionné ci-dessus, est soumise au principe de l'unicité de législation posé par l'article 11 de ce règlement. Il en résulte qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne autre que la France ne peut être soumise à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine. En revanche, le règlement européen du 29 avril 2004 n'étant pas applicable en dehors de l'Union européenne, sauf accord international le prévoyant, ses dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un État tiers soit assujettie à cette contribution. 9. En posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée. 10. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 11. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 12. Il résulte des dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, une différence de traitement, au regard de l'assujettissement à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, entre les personnes relevant du régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne et celles relevant du régime de sécurité sociale d'un État tiers. 13. Toutefois, ces dispositions ont pour objet d'assurer le financement de la protection sociale dans le respect du droit de l'Union européenne qui exclut leur application aux personnes relevant d'un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Union. Au regard de cet objet, il existe une différence de situation, qui découle notamment du lieu d'exercice de leur activité professionnelle, entre ces personnes et celles qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale d'un État tiers. La différence de traitement établie par les dispositions contestées est ainsi en rapport direct avec l'objet de la loi. 14. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés. Le premier alinéa du e du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006. Article 2. - Le premier alinéa du e du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est conforme à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 2 décembre 2016, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 28 novembre 2016), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-4957 AN. Elle est relative à la situation de M. Murat YOZGAT, demeurant à Strasbourg (Bas-Rhin), candidat aux élections qui se sont déroulées les 22 et 29 mai 2016, dans la première circonscription du département du Bas-Rhin, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne et le déposer au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Il ressort également de l'article L. 52-12 que, sauf lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, celui-ci est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. 2. En vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. Pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause. 3. Le compte de campagne de M. YOZGAT, candidat aux élections qui se sont déroulées les 22 et 29 mai 2016 en vue de la désignation d'un député dans la première circonscription du Bas-Rhin, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 2 décembre 2016 pour défaut de présentation du compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. 4. M. YOZGAT a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue du scrutin qui s'est tenu le 22 mai 2016. Il était donc tenu à l'obligation de déposer son compte de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Son compte comportant des recettes et des dépenses, il lui appartenait aussi de faire présenter ce compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. 5. Or, le compte déposé par M. YOZGAT n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Il ne résulte pas de l'instruction que M. YOZGAT aurait pris les dispositions nécessaires à cette fin. Il y a lieu, par suite, de prononcer l'inéligibilité de M. YOZGAT à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- M. Murat YOZGAT est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision. Article 2.- Cette décision sera notifiée à M. YOZGAT et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 21 décembre 2016, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 12 décembre 2016), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-4958 AN. Elle est relative à la situation de Mme Romane RAIBERTI-INGIGLIARDI, demeurant à Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes), candidate aux élections qui se sont déroulées les 22 et 29 mai 2016, dans la cinquième circonscription du département des Alpes-Maritimes, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne et le déposer au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Il résulte également de l'article L. 52-12 que le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. L'article L. 52-15 prévoit que la commission saisit le juge de l'élection notamment lorsqu'elle constate que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit. 2. L'article L.O. 136-1 du même code dispose qu'alors le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. Le dépôt tardif ou irrégulier par un candidat de son compte de campagne constitue, en principe, un manquement de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité. 3. Le compte de campagne de Mme RAIBERTI-INGIGLIARDI a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 12 décembre 2016 en raison de son dépôt tardif. Cette commission a également relevé le défaut de présentation de ce compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. 4. Mme RAIBERTI-INGIGLIARDI a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue du scrutin qui s'est tenu le 22 mai 2016. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait donc le vendredi 29 juillet 2016 à 18 heures. Mme RAIBERTI-INGIGLIARDI a déposé son compte de campagne le 3 août 2016, soit après l'expiration de ce délai. Ce compte de campagne n'était pas présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Il ne résulte pas de l'instruction que les circonstances invoquées étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. 5. Eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de Mme RAIBERTI-INGIGLIARDI à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Mme Romane RAIBERTI-INGIGLIARDI est déclarée inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Article 2.- La présente décision sera notifiée à Mme RAIBERTI-INGIGLIARDI et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 404270 du 15 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Dominique L. par Me Éric Planchat, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-614 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Planchat, enregistrées les 2 et 23 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 janvier 2017 ; - les observations en intervention présentées pour M. et Mme Claude C. par Me Gilbert Ladreyt, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 9 et 24 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Planchat, pour le requérant, Me Ladreyt, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 février 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2009 mentionnée ci-dessus, prévoit : « 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique -personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable- établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants. « Pour l'application du premier alinéa, le caractère privilégié d'un régime fiscal est déterminé conformément aux dispositions de l'article 238 A par comparaison avec le régime fiscal applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de l'article 206. « 2. Les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus indirectement par la personne physique mentionnée au 1, s'entendent des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus par l'intermédiaire d'une chaîne d'actions, de parts, de droits financiers ou de droits de vote ; l'appréciation du pourcentage des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ainsi détenus s'opère en multipliant entre eux les taux de détention desdites actions ou parts, des droits financiers ou des droits de vote successifs. « La détention indirecte s'entend également des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus directement ou indirectement par le conjoint de la personne physique, ou leurs ascendants ou descendants. Toutefois, ces actions, parts, droits financiers ou droits de vote ne sont pas pris en compte pour le calcul du revenu de capitaux mobiliers de la personne physique mentionné au 1. « 3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, le 31 décembre. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si l'entité juridique était imposable à l'impôt sur les sociétés en France. L'impôt acquitté localement sur les bénéfices ou revenus positifs en cause par l'entité juridique est déductible du revenu réputé constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne physique, dans la proportion mentionnée au 1, à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. « Toutefois, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État ou territoire n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, ou qui est non coopératif au sens de l'article 238-0 A le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur au produit de la fraction de l'actif net ou de la valeur nette des biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable, calculée dans les conditions fixées au 1, par un taux égal à celui mentionné au 3° du 1 de l'article 39. « 4. Les revenus distribués ou payés à une personne physique mentionnée au 1 par une entité juridique ne constituent pas des revenus imposables au sens de l'article 120, sauf pour la partie qui excède le revenu imposable mentionné au 3. « 4 bis. Le 1 n'est pas applicable, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne, si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de cette entité juridique par la personne domiciliée en France ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française. « 4 ter. La condition de détention de 10 % prévue au 1 est présumée satisfaite lorsque la personne physique a transféré des biens ou droits à une entité juridique située dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. « 5. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application des dispositions qui précèdent et notamment les obligations déclaratives des personnes physiques ». 2. Le requérant et la partie intervenante soutiennent que ces dispositions, en ce qu'elles instituent deux présomptions irréfragables de fraude fiscale, sont contraires aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. D'une part, elles n'autoriseraient pas le contribuable à prouver que l'interposition d'une entité juridique établie hors d'un État membre de l'Union européenne n'a pas pour objet, dans un but de fraude fiscale, l'appréhension de bénéfices dans un État soumis à un régime fiscal privilégié. D'autre part, lorsque l'entité juridique est établie dans un État ou territoire non coopératif ou n'ayant pas conclu de convention administrative avec la France, ces dispositions fixeraient une valeur plancher au revenu imposable, calculée de façon forfaitaire en fonction de l'actif net de l'entité. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le second alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts et sur les mots « , lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne, » figurant au 4 bis du même article. - Sur le fond : . En ce qui concerne les dispositions contestées du 4 bis : 4. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. L'article 123 bis du code général des impôts prévoit l'imposition des avoirs détenus à l'étranger par une personne physique fiscalement domiciliée en France, par l'intermédiaire d'une entité juridique dont les actifs sont principalement financiers et soumise à un régime fiscal privilégié. À cette fin, il soumet à l'impôt sur le revenu, selon des règles dérogatoires au droit commun, les bénéfices et les revenus positifs de cette entité, réputés acquis par la personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient dans cette entité. En vertu de son 4 bis, l'article 123 bis n'est pas applicable lorsque l'entité est établie ou constituée dans un État de l'Union européenne et que son exploitation ou la détention d'actions, parts ou droits en son sein ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française. 6. En adoptant l'article 123 bis, le législateur a poursuivi un but de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales de personnes physiques qui détiennent des participations dans des entités principalement financières localisées hors de France et bénéficiant d'un régime fiscal privilégié. Ce but constitue un objectif de valeur constitutionnelle. 7. Toutefois, l'exemption d'application de l'article 123 bis en cas d'absence de montage artificiel visant à contourner la législation fiscale française ne bénéficie qu'aux entités localisées dans un État de l'Union européenne. Or, aucune autre disposition législative ne permet au contribuable d'être exempté de cette application en prouvant que la localisation de l'entité dans un autre État ou territoire n'a pas pour objet ou pour effet un tel contournement. Ce faisant, le législateur a porté une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques. 8. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, il en résulte que les mots « , lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne, » figurant au 4 bis de l'article 123 bis du code général des impôts doivent être déclarés contraires à la Constitution. . En ce qui concerne le second alinéa du 3 : 9. Le second alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts définit forfaitairement un montant minimal de revenu imposable, applicable lorsque l'entité juridique est localisée soit dans un État ou territoire n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, soit dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du même code. Ce montant forfaitaire est calculé en multipliant l'actif net ou la valeur nette des biens de l'entité, dans la proportion des actions, parts ou droits financiers détenus par le contribuable, par un taux d'intérêt fixé par voie réglementaire. 10. En adoptant ces dispositions, le législateur, eu égard aux insuffisances des échanges d'informations avec les États ou territoires en cause, a entendu remédier à la difficulté pour l'administration française de disposer des éléments nécessaires à la détermination du résultat imposable de l'entité juridique et au calcul des revenus réputés acquis par la personne physique. 11. En premier lieu, compte tenu de la déclaration d'inconstitutionnalité mentionnée au paragraphe 8 de la présente décision, le contribuable pourra, quel que soit l'État ou le territoire dans lequel l'entité est localisée, être exempté de l'application de l'article 123 bis en l'absence de montage artificiel visant à contourner la législation fiscale française. 12. En second lieu, les dispositions du second alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable puisse être autorisé à apporter la preuve que le revenu réellement perçu par l'intermédiaire de l'entité juridique est inférieur au revenu défini forfaitairement en application de ces dispositions. 13. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le second alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts, qui ne méconnaît ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 14. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 15. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « , lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne, » figurant au 4 bis de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 15 de cette décision. Article 3. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 12, le second alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, est conforme à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 février 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 1er mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 9 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 400351, 400353 du 8 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la SCI Hyéroise par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-612 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article 1389 du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 48-1974 du 31 décembre 1948 fixant l'évaluation des voies et moyens du budget de l'exercice 1949 et relative à diverses dispositions d'ordre financier ; - la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 ; - la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 ; - la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 ; - le décret n° 50-478 du 6 avril 1950 portant règlement d'administration publique pour la refonte des codes fiscaux et la mise en harmonie de leurs dispositions avec celles du décret du 9 décembre 1948 et des lois subséquentes ; - la décision du Conseil d'État n° 265562 du 13 avril 2005 ; - la décision du Conseil d'État n° 278540 du 30 mars 2007 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Boré et Salve de Bruneton, enregistrées les 30 décembre 2016 et 17 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 2 et 17 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Louis Boré, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 février 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'une contestation de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre des années 2010 et 2011. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe I de l'article 1389 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2000 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe I de l'article 1389 du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit :« Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin. « Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée ». 3. La société requérante soutient que les dispositions contestées, telles qu'interprétées par le Conseil d'État, méconnaissent l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel. Elle reproche également à ces dispositions de méconnaître les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques dès lors, d'une part, que les emplacements de stationnement visés en l'espèce n'ouvrent pas droit, compte tenu de la jurisprudence du Conseil d'État, au dégrèvement prévu en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location et, d'autre part, en ce qu'elles subordonnent le dégrèvement prévu en cas d'inexploitation d'un immeuble à usage commercial ou industriel à une condition supplémentaire tenant à ce qu'il soit utilisé par le contribuable lui-même. Serait également méconnu le droit de propriété. 4. Le premier alinéa du paragraphe I de l'article 1389 institue un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou en cas d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel. Son second alinéa subordonne ce dégrèvement à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle dure au moins trois mois et qu'elle affecte la totalité de l'immeuble ou une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée. - Sur le grief tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée : 5. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 13 avril 2005 mentionnée ci-dessus que la condition tenant au fait que la vacance ou l'inexploitation d'un local doit être indépendante de la volonté du contribuable ne s'applique pas de la même manière selon qu'il s'agit du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou de l'exonération de la taxe annuelle sur les logements vacants. La société requérante soutient que, dans la mesure où l'interprétation qui doit être donnée à cette condition a été fixée, s'agissant de cette dernière taxe, par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 29 juillet 1998 et 29 décembre 2012 mentionnées ci-dessus, les dispositions contestées méconnaissent l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel. 6. Aux termes du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». L'autorité des décisions visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. 7. Si l'autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel ne peut en principe être utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi, il n'en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi ont un objet analogue à celui des dispositions législatives sur lesquelles le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé. 8. Dans ses décisions des 29 juillet 1998 et 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a examiné, respectivement, les dispositions de l'article 51 de la loi du 29 juillet 1998 mentionnée ci-dessus, instituant, à l'article 232 du code général des impôts, la taxe annuelle sur les logements vacants, et les dispositions du paragraphe I de l'article 16 de la loi du 29 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, modifiant ce même article 232. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous réserve, notamment, que ne soient pas assujettis à cette taxe des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d'habitation, ou s'opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur. 9. La taxe annuelle sur les logements vacants est un impôt incitatif visant à encourager les redevables à proposer des logements à la location. La taxe foncière sur les propriétés bâties frappe ces propriétés en raison de leur existence même et sans considération de leur utilisation. Par conséquent, les dispositions contestées, qui instituent un dégrèvement de cette dernière taxe en cas de vacance d'une maison ou d'inexploitation d'un immeuble n'ont pas un objet analogue à celles, relatives à la taxe annuelle sur les logements vacants, sur lesquelles le Conseil constitutionnel s'est prononcé dans ses décisions mentionnées ci-dessus. 10. Le grief tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit donc être écarté. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques : 11. La société requérante soutient que les dispositions contestées méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques à un double titre. En premier lieu, selon l'interprétation qu'en retient le Conseil d'État, elles excluent les emplacements de stationnement du droit à dégrèvement en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location. En second lieu, en cas d'inexploitation d'un immeuble à usage commercial ou industriel elles subordonnent le dégrèvement à une condition supplémentaire tenant à ce que cet immeuble soit utilisé par le contribuable lui-même. 12. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 13. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 14. D'une part, il résulte de la décision du Conseil d'État du 30 mars 2007 mentionnée ci-dessus que les emplacements de stationnement situés au pied d'un immeuble d'habitation, qui sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement du 4° de l'article 1381 du code général des impôts, n'ouvrent pas droit au dégrèvement prévu par les dispositions contestées en cas de vacance lorsqu'ils font l'objet d'un bail autonome. Les locaux à usage d'habitation ne sont pas placés dans la même situation que les emplacements de stationnement. En limitant aux premiers le bénéfice du dégrèvement, le législateur a entendu prendre en compte le coût qu'il a estimé plus élevé de la vacance de tels locaux. 15. D'autre part, les dispositions contestées subordonnent le dégrèvement en cas d'inexploitation d'un immeuble à usage industriel ou commercial à la condition que le redevable utilise lui-même l'immeuble. Les locaux à usage d'habitation ne sont pas placés dans la même situation que les immeubles à usage commercial ou industriel. En subordonnant, pour ces derniers, le bénéfice du dégrèvement à une condition supplémentaire, le législateur a entendu prendre en compte la spécificité de la législation applicable en matière de baux commerciaux et celle des marchés immobiliers dont relèvent ces biens. 16. En instituant ces différences de traitement, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels, en rapport direct avec l'objet de la loi. Par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés. 17. Les dispositions du paragraphe I de l'article 1389 du code général des impôts, qui ne méconnaissent ni le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les dispositions du paragraphe I de l'article 1389 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 février 2017, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mme Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 24 février 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 mars 2017 par le Conseil d'État (décision n° 403944 du 3 mars 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-632 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées les 28 mars 2017 et 12 avril 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 mars 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me François Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 23 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 2016 mentionnée ci-dessus prévoit : « Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire. « La nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article. « Lorsque les actes mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article sont suspendus ou ne sont pas entrepris, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10 ». 2. L'article L. 1110-5-2 du même code dans sa rédaction issue de la même loi prévoit : « À la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants : « 1° Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ; « 2° Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable. « Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l'obstination déraisonnable mentionnée à l'article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie. « La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l'équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d'application prévues aux alinéas précédents sont remplies. « À la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement mentionné au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. « L'ensemble de la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient ». 3. L'article L. 1111-4 du même code dans sa rédaction résultant de la même loi prévoit : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. « Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L'ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10. « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. « Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. « Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. « Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. « L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre. « Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d'interventions ». 4. Selon l'association requérante, ces dispositions méconnaîtraient l'article 34 de la Constitution en ce qu'elles priveraient de garanties légales, d'une part, le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine dont découlerait le droit à la vie et, d'autre part, la liberté personnelle, protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ces dispositions ne garantiraient pas le respect de la volonté du patient, lorsque ce dernier est hors d'état de l'exprimer, dans la mesure où, à l'issue d'une procédure collégiale dont la définition est renvoyée au pouvoir réglementaire, le médecin décide seul de l'arrêt des traitements sans être lié par le sens des avis recueillis. L'association requérante reproche aussi à ces mêmes dispositions de méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif, découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, en l'absence de caractère suspensif des recours formés à l'encontre de la décision d'arrêter les soins de maintien en vie. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire » figurant au premier alinéa de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, sur le cinquième alinéa de l'article L. 1110-5-2 du même code et sur les mots « la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et » figurant au sixième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de la liberté personnelle et l'incompétence négative du législateur : 6. Le Préambule de la Constitution de 1946 réaffirme que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. La sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle. 7. La liberté personnelle est proclamée par les articles 1er, 2 et 4 de la Déclaration de 1789. 8. Il appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, notamment en matière médicale, de déterminer les conditions dans lesquelles une décision d'arrêt des traitements de maintien en vie peut être prise, dans le respect de la dignité de la personne. 9. Les dispositions contestées habilitent le médecin en charge d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté à arrêter ou à ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Dans ce cas, le médecin applique une sédation profonde et continue jusqu'au décès, associée à une analgésie. 10. Toutefois, en premier lieu, le médecin doit préalablement s'enquérir de la volonté présumée du patient. Il est à cet égard tenu, en vertu de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, de respecter les directives anticipées formulées par ce dernier, sauf à les écarter si elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient. En leur absence, il doit consulter la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, sa famille ou ses proches. 11. En deuxième lieu, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conditions dans lesquelles, en l'absence de volonté connue du patient, le médecin peut prendre, dans une situation d'obstination thérapeutique déraisonnable, une décision d'arrêt ou de poursuite des traitements. Lorsque la volonté du patient demeure incertaine ou inconnue, le médecin ne peut cependant se fonder sur cette seule circonstance, dont il ne peut déduire aucune présomption, pour décider de l'arrêt des traitements. 12. En troisième lieu, la décision du médecin ne peut être prise qu'à l'issue d'une procédure collégiale destinée à l'éclairer. Cette procédure permet à l'équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d'arrêt des soins et de mise en œuvre, dans ce cas, d'une sédation profonde et continue, associée à une analgésie. 13. En dernier lieu, la décision du médecin et son appréciation de la volonté du patient sont soumises, le cas échéant, au contrôle du juge dans les conditions prévues aux paragraphes 16 et 17. 14. Il résulte de tout ce qui précède qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur, qui a assorti de garanties suffisantes la procédure qu'il a mise en place, n'a pas porté d'atteinte inconstitutionnelle au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et à la liberté personnelle. Les griefs tirés de leur méconnaissance et de celle de l'article 34 de la Constitution doivent donc être écartés. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif : 15. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif. 16. En l'absence de dispositions particulières, le recours contre la décision du médecin relative à l'arrêt ou à la limitation des soins de maintien en vie d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté s'exerce dans les conditions du droit commun. 17. S'agissant d'une décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile. Ce recours doit par ailleurs pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d'obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée. Sous ces réserves, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté. 18. Il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées au paragraphe 17, les mots « et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire » figurant au premier alinéa de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, le cinquième alinéa de l'article L. 1110-5-2 du même code et les mots « la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et » figurant au sixième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous les réserves énoncées au paragraphe 17, les mots « et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire » figurant au premier alinéa de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, le cinquième alinéa de l'article L. 1110-5-2 du même code, et les mots « la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et » figurant au sixième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er juin 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 2 juin 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 mars 2017 par le Conseil d'État (décision n° 405823 du 3 mars 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la collectivité territoriale de la Guyane par Me Patrick Lingibé, avocat au barreau de Guyane. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-633 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 36 de l'ordonnance royale du 27 août 1828 concernant le Gouvernement de la Guyane française et de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900 portant fixation du budget général des dépenses et recettes de l'exercice 1900. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'ordonnance royale du 27 août 1828 concernant le Gouvernement de la Guyane française ; - la loi du 13 avril 1900 portant fixation du budget général des dépenses et recettes de l'exercice 1900 ; - la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ; - la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 tendant au classement comme départements français de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la collectivité requérante par Me Lingibé, enregistrées les 28 mars et 20 avril 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 mars 2017 ; - les observations en intervention présentées pour l'association République sans Concordat, par Me Jérémy Afane-Jacquart, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 28 mars et 18 avril 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Lingibé, pour la collectivité requérante, Me Afane-Jacquart, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 23 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 36 de l'ordonnance royale du 27 août 1828 mentionnée ci-dessus prévoit : « 1. Le gouverneur veille au libre exercice et à la police extérieure du culte, et pourvoit à ce qu'il soit entouré de la dignité convenable. « 2. Aucun bref ou acte de la cour de Rome, à l'exception de ceux de la pénitencerie ne peut être reçu ni publié dans la colonie qu'avec l'autorisation du gouverneur, donné d'après nos ordres ». 2. L'article 33 de la loi du 13 avril 1900 mentionnée ci-dessus prévoit : « Le régime financier des colonies est modifié à partir du 1er janvier 1901, conformément aux dispositions suivantes : « § 1er. Toutes les dépenses civiles et de la gendarmerie sont supportées en principe par les budgets des colonies. « Des subventions peuvent être accordées aux colonies sur le budget de l'État. « Des contingents peuvent être imposés à chaque colonie jusqu'à concurrence du montant des dépenses militaires qui y sont effectuées. « § 2. Les dépenses inscrites au budget des colonies pourvues de conseils généraux sont divisées en dépenses obligatoires et en dépenses facultatives. « Dans les colonies d'Océanie et des continents d'Afrique et d'Asie, les dépenses obligatoires ne peuvent se rapporter que : « 1° Aux dettes exigibles ; « 2° Au minimum du traitement du personnel des secrétariats généraux. Ce minimum est fixé par décret. « Aux traitements des fonctionnaires nommés par décret ; « 3° Aux frais de la gendarmerie et de la police et à ceux de la justice ; « 4° Aux frais de représentation du gouverneur, au loyer, à l'ameublement et à l'entretien de son hôtel, aux frais de son secrétariat et aux autres dépenses imposées par des dispositions législatives. « Mais, dans ces même colonies, l'initiative des propositions de dépenses est réservée au gouverneur. « Dans les colonies d'Amérique et à la Réunion, la nomenclature et le maximum des dépenses obligatoires sont fixés pour chaque colonie par décret en conseil d'État. « Dans la limite du maximum, le montant des dépenses obligatoires est fixé, s'il y a lieu, par le ministre des colonies. « Il n'est apporté aucune modification aux règles actuelles en ce qui concerne les dépenses facultatives. « § 3. Les conseils généraux des colonies délibèrent sur le mode d'assiette, les tarifs et les règles de perception des contributions et taxes autres que les droits de douane, qui restent soumis aux dispositions de la loi du 11 janvier 1892. « Ces délibérations ne seront applicables qu'après avoir été approuvées par des décrets en conseil d'État. « En cas de refus d'approbation par le conseil d'État des tarifs ou taxes proposés par un conseil général de colonie, celui-ci est appelé à en délibérer de nouveau. « Jusqu'à l'approbation du conseil d'État, la perception se fait sur les bases anciennes ». 3. La collectivité requérante et la partie intervenante soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe de laïcité, en ce qu'elles prévoient, d'une part, que les ministres du culte catholique de la Guyane sont rémunérés par la collectivité publique et, d'autre part, que cette dépense est prise en charge par la collectivité territoriale de la Guyane. Selon la collectivité requérante et la partie intervenante, ces dispositions méconnaîtraient également le principe d'égalité devant la loi à un double titre : d'une part, en prévoyant que seuls les ministres du culte catholique sont ainsi rémunérés, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les cultes ; d'autre part, en faisant supporter cette dépense par la collectivité territoriale de la Guyane plutôt que par l'État, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les collectivités territoriales. La collectivité requérante reproche à l'article 33 de la loi du 13 avril 1900 de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, en ce qu'il ne définirait pas précisément les dépenses obligatoires mises à sa charge et en ce qu'il constituerait une entrave à la libre administration. Elle reproche enfin à cet article de méconnaître le principe de compensation financière dès lors que le transfert de la rémunération des ministres du culte catholique à la collectivité territoriale de la Guyane n'a pas été accompagné de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par l'État. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , et pourvoit à ce qu'il soit entouré de la dignité convenable » figurant au 1 de l'article 36 de l'ordonnance royale du 27 août 1828 et sur les mots « civiles et » figurant au premier alinéa du paragraphe 1er de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de laïcité : 5. En prévoyant que le gouverneur pourvoit à ce que le culte soit entouré de la dignité convenable, le 1 de l'article 36 de l'ordonnance royale du 27 août 1828 pose le principe de la rémunération des ministres du culte en Guyane par la collectivité publique. Cet article, dont le 2 mentionne d'ailleurs les brefs et actes de « la cour de Rome », n'a de portée qu'à l'égard du culte catholique. 6. Le premier alinéa du paragraphe 1er de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900 définit la nature des dépenses en principe supportées par les budgets des colonies, au nombre desquelles comptent « toutes les dépenses civiles ». Ce faisant, le législateur a transféré la rémunération des ministres du culte catholique à la colonie de la Guyane, devenue la collectivité territoriale de la Guyane. 7. La loi du 9 décembre 1905 mentionnée ci-dessus n'a jamais été étendue à la Guyane. En effet, le texte réglementaire auquel l'application de cette loi dans les colonies était subordonnée n'a jamais été pris s'agissant de la Guyane. D'autre part, aucun décret n'a introduit cette loi en Guyane postérieurement au classement de ce territoire en département français par la loi du 19 mars 1946 mentionnée ci-dessus. Par conséquent, les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, notamment celles de la première phrase de son article 2 qui dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », ainsi que celles de son article 44 en vertu desquelles : « Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi … » n'ont pas été rendues applicables en Guyane. Ainsi, dans ce territoire, les dispositions contestées, relatives à la rémunération des ministres du culte catholique, sont demeurées en vigueur. 8. Aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». L'article 1er de la Constitution dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le principe de laïcité, qui figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes. Il implique que celle-ci ne salarie aucun culte. Toutefois, il ressort tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu'en proclamant que la France est une « République ... laïque », la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte. 9. Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de ce que les dispositions contestées seraient contraires au principe de laïcité doit être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 10. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 11. En premier lieu, le principe de laïcité imposant l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion la différence de traitement entre le culte catholique et les autres cultes exercés en Guyane résultant des dispositions contestées n'est pas, pour les motifs énoncés aux paragraphes 7 à 9, contraire à la Constitution. 12. En second lieu, la rémunération des ministres du culte catholique en Guyane devant être assurée par la collectivité publique, le législateur a, en imposant à la collectivité territoriale de la Guyane la prise en charge de cette rémunération, traité différemment des collectivités placées dans une situation différente. 13. Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales : 14. En vertu de l'article 72 de la Constitution, si les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions fixées par la loi ». Si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général. 15. Compte tenu de la faible importance des dépenses mises à la charge de la collectivité territoriale de la Guyane sur le fondement des dispositions contestées, ces dernières ne restreignent pas la libre administration de cette collectivité au point de méconnaître l'article 72 de la Constitution. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration doit donc être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : 16. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». 17. Le transfert de compétences prévu par les dispositions contestées de la loi du 13 avril 1900 est intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 mentionnée ci-dessus, qui a inséré l'article 72-2 dans la Constitution. Par suite, le grief tiré de la violation du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution est inopérant. 18. Il résulte de tout ce qui précède que les mots « , et pourvoit à ce qu'il soit entouré de la dignité convenable » figurant au 1 de l'article 36 de l'ordonnance royale du 27 août 1828 concernant le Gouvernement de la Guyane et les mots « civiles et » figurant au premier alinéa du paragraphe 1er de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « , et pourvoit à ce qu'il soit entouré de la dignité convenable » figurant au 1 de l'article 36 de l'ordonnance royale du 27 août 1828 concernant le Gouvernement de la Guyane et les mots « civiles et » figurant au premier alinéa du paragraphe 1er de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900 portant fixation du budget général des dépenses et recettes de l'exercice 1900 sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er juin 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 2 juin 2017.
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Le CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 mai 2017 par le Conseil d'État (ordonnance n° 410833 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association En Marche ! par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-651 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 167-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; - la loi n° 88-277 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ; - la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 30 mai 2017 ; - les observations présentées pour les groupes parlementaires Les Républicains, Union des démocrates et des indépendants par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 30 mai 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 30 mai 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 30 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 167-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Les partis et groupements peuvent utiliser les antennes du service public de radiodiffusion et de télévision pour leur campagne en vue des élections législatives. Chaque émission est diffusée par les sociétés nationales de télévision et de radiodiffusion sonore. « II. - Pour le premier tour de scrutin, une durée d'émission de trois heures est mise à la disposition des partis et groupements représentés par des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale. « Cette durée est divisée en deux séries égales, l'une étant affectée aux groupes qui appartiennent à la majorité, l'autre à ceux qui ne lui appartiennent pas. « Le temps attribué à chaque groupement ou parti dans le cadre de chacune de ces séries d'émissions est déterminé par accord entre les présidents des groupes intéressés. À défaut d'accord amiable, la répartition est fixée par les membres composant le bureau de l'Assemblée nationale sortante, en tenant compte notamment de l'importance respective de ces groupes ; pour cette délibération, le bureau est complété par les présidents de groupe. « Les émissions précédant le deuxième tour de scrutin ont une durée d'une heure trente : elles sont réparties entre les mêmes partis et groupements et selon les mêmes proportions. « III. - Tout parti ou groupement politique qui n'est pas représenté par des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale a accès, à sa demande, aux émissions du service public de la communication audiovisuelle pour une durée de sept minutes au premier tour et de cinq minutes au second, dès lors qu'au moins soixante-quinze candidats ont indiqué, dans leur déclaration de candidature, s'y rattacher pour l'application de la procédure prévue par le deuxième alinéa de l'article 9 de la loi n°88-277 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. « L'habilitation est donnée à ces partis ou groupements dans des conditions qui seront fixées par décret. « IV. - Les conditions de productions, de programmation et de diffusion des émissions sont fixées, après consultation des conseils d'administration des sociétés nationales de télévision et de radiodiffusion, par le conseil supérieur de l'audiovisuel. « V. - En ce qui concerne les émissions destinées à être reçues hors métropole, le conseil supérieur de l'audiovisuel tient compte des délais d'acheminement et des différences d'heures. « VI. - Les dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle sont à la charge de l'État ». 2. L'association requérante soutient qu'en traitant différemment les partis et groupements politiques selon qu'ils sont ou non représentés par des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale, les dispositions contestées porteraient atteinte aux articles 3 et 4 de la Constitution et aux articles 6 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ainsi, en effet, ces dispositions ne permettraient pas de refléter l'importance dans le débat électoral de formations politiques nouvelles et contribueraient à faire obstacle à leur émergence, en méconnaissance du pluralisme des courants d'idées et d'opinions. En outre, la différence de traitement instituée par le législateur, qui conduit à l'attribution d'un accès très limité aux émissions du service public de la communication audiovisuelle pour les groupements et partis non représentés à l'Assemblée nationale, méconnaîtrait l'égalité devant le suffrage et le principe d'égalité devant la loi. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les paragraphes II et III de l'article L. 167-1 du code électoral. - Sur le fond : 4. Selon le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, le suffrage « est toujours universel, égal et secret ». L'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». 5. Aux termes du troisième alinéa de l'article 4 de la Constitution : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ». Le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions est un fondement de la démocratie. 6. Il découle des dispositions citées aux paragraphes 4 et 5 que, lorsque le législateur détermine entre les partis et groupements politiques des règles différenciées d'accès aux émissions du service public de la communication audiovisuelle, il lui appartient de veiller à ce que les modalités qu'il fixe ne soient pas susceptibles de conduire à l'établissement de durées d'émission manifestement hors de proportion avec la participation de ces partis et groupements à la vie démocratique de la Nation. 7. Les dispositions contestées distinguent les partis et groupements représentés à l'Assemblée nationale par un groupe parlementaire et ceux qui ne le sont pas. Les premiers bénéficient, sur les antennes du service public de la communication audiovisuelle, d'une durée d'émission de trois heures mise à leur disposition au premier tour et d'une durée d'une heure trente au second tour, réparties en deux séries égales entre les partis et groupements qui appartiennent à la majorité et ceux qui ne lui appartiennent pas. Les partis et groupements qui ne sont pas représentés par des groupes parlementaires à l'Assemblée nationale ont un accès aux émissions du service public pour une durée de sept minutes au premier tour et de cinq minutes au second tour dès lors qu'au moins soixante-quinze candidats ont déclaré s'y rattacher pour l'application de la procédure prévue par le deuxième alinéa de l'article 9 de la loi du 11 mars 1988 mentionnée ci-dessus. 8. Il est loisible au législateur, lorsqu'il donne accès aux antennes du service public aux partis et groupements politiques pour leur campagne en vue des élections législatives, d'arrêter des modalités tendant à favoriser l'expression des principales opinions qui animent la vie démocratique de la Nation et de poursuivre ainsi l'objectif d'intérêt général de clarté du débat électoral. Le législateur pouvait donc, en adoptant les dispositions contestées, prendre en compte la composition de l'Assemblée nationale à renouveler et, eu égard aux suffrages qu'ils avaient recueillis, réserver un temps d'antenne spécifique à ceux des partis et groupements qui y sont représentés. 9. Toutefois, en ce cas, il appartient également au législateur de déterminer des règles propres à donner aux partis et groupements politiques qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale un accès aux antennes du service public de nature à assurer leur participation équitable à la vie démocratique de la Nation et à garantir le pluralisme des courants d'idées et d'opinions. Les modalités selon lesquelles le législateur détermine les durées d'émission attribuées aux partis et groupements qui ne disposent plus ou n'ont pas encore acquis une représentation à l'Assemblée nationale ne sauraient ainsi pouvoir conduire à l'octroi d'un temps d'antenne manifestement hors de proportion avec leur représentativité, compte tenu des modalités particulières d'établissement des durées allouées aux formations représentées à l'Assemblée nationale. 10. En l'espèce, d'une part, les dispositions contestées fixent à trois heures pour le premier tour et une heure trente pour le second tour les durées d'émission mises à la disposition des partis et groupements représentés à l'Assemblée nationale par un groupe parlementaire, quel que soit le nombre de ces groupes. Elles limitent en revanche à sept minutes au premier tour et cinq minutes au second tour les temps d'antenne attribués aux autres partis et groupements dès lors qu'ils sont habilités conformément au second alinéa du paragraphe III de l'article L. 167-1 du code électoral. D'autre part, pour l'ensemble des partis et groupements relevant du paragraphe III de l'article L. 167-1 du code électoral, les durées d'émission sont fixées de manière identique, sans distinction selon l'importance des courants d'idées ou d'opinions qu'ils représentent. Ainsi, les durées d'émission dont peuvent bénéficier ces partis et groupements peuvent être significativement inférieures à celles dont peuvent bénéficier les formations relevant du paragraphe II de l'article L. 167-1 du code électoral et ne pas refléter leur représentativité. 11. Dès lors, les dispositions contestées peuvent conduire à l'octroi de temps d'antenne sur le service public manifestement hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation de ces partis et groupements politiques. Les dispositions contestées méconnaissent donc les dispositions du troisième alinéa de l'article 4 de la Constitution et affectent l'égalité devant le suffrage dans une mesure disproportionnée. 12. Par conséquent, les paragraphes II et III de l'article L. 167-1 du code électoral doivent être déclarés contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 13. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 14. En premier lieu, l'abrogation des paragraphes II et III de l'article L. 167-1 du code électoral aurait pour effet d'ôter toute base légale à la détermination par le conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le fondement du paragraphe IV du même article, rapproché des dispositions de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 mentionnée ci-dessus, des durées des émissions de la campagne électorale en vue des élections législatives dont les premier et second tours doivent se tenir les 11 et 18 juin 2017. En outre, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Par conséquent, il y a lieu de reporter au 30 juin 2018 la date de l'abrogation des dispositions contestées. 15. En second lieu, afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée, et en vue des élections législatives des 11 et 18 juin 2017, l'application du paragraphe III de l'article L. 167-1 du code électoral doit permettre, pour la détermination des durées d'émission dont les partis et groupements politiques habilités peuvent bénéficier, la prise en compte de l'importance du courant d'idées ou d'opinions qu'ils représentent, évaluée en fonction du nombre de candidats qui déclarent s'y rattacher et de leur représentativité, appréciée notamment par référence aux résultats obtenus lors des élections intervenues depuis les précédentes élections législatives. Sur cette base, en cas de disproportion manifeste, au regard de leur représentativité, entre le temps d'antenne accordé à certains partis et groupements qui relèvent du paragraphe III de l'article L. 167-1 du code électoral et celui attribué à certains partis et groupements relevant de son paragraphe II, les durées d'émission qui ont été attribuées aux premiers doivent être modifiées à la hausse. Cette augmentation ne peut, toutefois, excéder cinq fois les durées fixées par les dispositions du paragraphe III de l'article L. 167-1 du code électoral. D É C I D E : Article 1er.- Les paragraphes II et III de l'article L. 167-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées par les paragraphes 14 et 15. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mai 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 31 mai 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 mars 2017 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 699 du 16 mars 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Jacques R. et les sociétés Vermots Finances SC et Financière du Vignoble SC, par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-634 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie et de l'article L. 621-15 du même code, dans ses rédactions résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code monétaire et financier ; - la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie ; - la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; - la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 10 et 25 avril 2017 ; - les observations présentées pour l'autorité des marchés financiers, partie en défense, par la SCP Ohl et Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 avril 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 10 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour M. Gilles M. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 10 et 25 avril 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Spinosi et Me Christine Méjean, avocat au barreau de Paris, pour les requérants, Me Marie Molinié, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 23 juin 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 621-14 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 26 juillet 2005 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Le collège peut, après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses explications, ordonner qu'il soit mis fin, en France et à l'étranger, aux manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. Ces décisions peuvent être rendues publiques. « Le collège dispose des mêmes pouvoirs que ceux mentionnés à l'alinéa précédent à l'encontre des manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs et le marché contre les opérations d'initié, les manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations, commis sur le territoire français et concernant des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée. « II. - Le président de l'Autorité des marchés financiers peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui est responsable de la pratique relevée de se conformer aux dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets. « La demande est portée devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui statue en la forme des référés et dont la décision est exécutoire par provision. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer pour l'exécution de son ordonnance une astreinte versée au Trésor public. « En cas de poursuites pénales, l'astreinte, si elle a été prononcée, n'est liquidée qu'après que la décision sur l'action publique est devenue définitive ». 2. L'article L. 621-15 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le gouverneur de la Banque de France, président de la Commission bancaire, ou par le président de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. « S'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. « En cas d'urgence, le collège peut suspendre d'activité les personnes mentionnées aux a et b du II contre lesquelles des procédures de sanction sont engagées. « Si le collège transmet au procureur de la République le rapport mentionné au premier alinéa, le collège peut décider de rendre publique la transmission. « II. - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : « a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 613-21 ; « b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 613-21 ; « c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l'épargne ou admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; « d) Toute personne qui, sur le territoire français, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au dernier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée. « III. - Les sanctions applicables sont : « a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; « b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; « c) Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. « Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements. « Le fonds de garantie mentionné aux a et b peut, dans des conditions fixées par son règlement intérieur et dans la limite de 300 000 euros par an, affecter à des actions éducatives dans le domaine financier une partie du produit des sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions qu'il perçoit. « III bis. - Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, la récusation d'un membre de la commission des sanctions est prononcée à la demande de la personne mise en cause s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de ce membre. « IV. - La commission des sanctions statue par décision motivée, hors la présence du rapporteur. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé. « V. - La commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées ». 3. L'article L. 621-15 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 octobre 2010 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l'Autorité de contrôle prudentiel. « S'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. « Un membre du collège, ayant examiné le rapport d'enquête ou de contrôle et pris part à la décision d'ouverture d'une procédure de sanction, est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction. « La commission des sanctions peut entendre tout agent des services de l'autorité. « En cas d'urgence, le collège peut suspendre d'activité les personnes mentionnées aux a et b du II contre lesquelles des procédures de sanction sont engagées. « Si le collège transmet au procureur de la République le rapport mentionné au premier alinéa, le collège peut décider de rendre publique la transmission. « II. - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : « a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; « b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; « c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : « - un instrument financier ou un actif mentionné au II de l'article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; « - un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l'alinéa précédent ; « d) Toute personne qui, sur le territoire français, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au dernier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : « - un instrument financier ou un actif mentionné au II de l'article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée ; « - un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l'alinéa précédent ; « e) Toute personne qui, sur le territoire français ou étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à la diffusion d'une fausse information lors d'une opération d'offre au public de titres financiers. « III. - Les sanctions applicables sont : « a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; « b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; « c) Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. « Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements. « Le fonds de garantie mentionné aux a et b peut, dans des conditions fixées par son règlement intérieur et dans la limite de 300 000 euros par an, affecter à des actions éducatives dans le domaine financier une partie du produit des sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions qu'il perçoit. « III bis. - Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, la récusation d'un membre de la commission des sanctions est prononcée à la demande de la personne mise en cause s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de ce membre. « IV. - La commission des sanctions statue par décision motivée, hors la présence du rapporteur. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé. « IV bis. - Les séances de la commission des sanctions sont publiques. « Toutefois, d'office ou sur la demande d'une personne mise en cause, le président de la formation saisie de l'affaire peut interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque la protection des secrets d'affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l'exige. « V. - La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée ». 4. Les requérants et la partie intervenante soutiennent que les articles L. 621-14 et L. 621-15 méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines dès lors que l'article L. 621-15 sanctionne toute personne s'étant livrée à un manquement mentionné au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 621-14, c'est-à-dire « un manquement aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ». Selon eux, la définition des manquements ainsi réprimés serait trop imprécise. Ils reprochent par ailleurs à ces mêmes articles de méconnaître le principe de proportionnalité des peines dans la mesure où ils répriment les manquements précités, quels qu'ils soient, d'une peine de cent millions d'euros. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, » figurant aux c) et d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans ses rédactions résultant des lois du 4 août 2008 et du 22 octobre 2010 et sur les mots « à 100 millions d'euros ou » figurant au c) du paragraphe III de l'article L. 621-15 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 22 octobre 2010. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines : 6. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. L'exigence d'une définition des manquements réprimés se trouve satisfaite, en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l'institution dont ils relèvent ou de la qualité qu'ils revêtent. 7. En application des dispositions contestées, l'autorité des marchés financiers peut prononcer une sanction administrative dont le montant maximum est de cent millions d'euros à l'encontre de toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée à tout manquement aux obligations définies par des dispositions législatives, réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations et, d'autre part, à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. 8. D'une part, il ressort des travaux parlementaires qu'en sanctionnant « tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché », le législateur a entendu uniquement réprimer des manquements à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires ou par des règles professionnelles. 9. D'autre part, les dispositions contestées sanctionnent les manquements aux obligations édictées afin de protéger les investisseurs sur les marchés financiers et afin d'assurer le bon fonctionnement de ceux-ci. Les personnes soumises à ces obligations le sont ainsi en raison de leur intervention sur ces marchés. 10. Enfin, en tout état de cause, le fait pour le législateur de prévoir une sanction administrative réprimant des manquements définis par le pouvoir réglementaire n'est pas contraire au principe de légalité des délits et des peines. 11. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance de ce principe de légalité des délits et des peines doit être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines : 12. L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre le manquement et la peine encourue. 13. En instituant une sanction pécuniaire destinée à réprimer les manquements de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché, le législateur a poursuivi l'objectif de préservation de l'ordre public économique. Un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des manquements assignée à la punition. 14. En prévoyant de réprimer les manquements de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché d'une amende d'un montant pouvant aller jusqu'à un plafond de cent millions d'euros, le législateur n'a pas institué une peine manifestement disproportionnée au regard de la nature des manquements réprimés, des risques de perturbation des marchés financiers, de l'importance des gains pouvant en être retirés et des pertes pouvant être subies par les investisseurs. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité doit être écarté. 15. Les mots « ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, » figurant aux c) et d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans ses rédactions résultant des lois du 4 août 2008 et du 22 octobre 2010 et les mots « à 100 millions d'euros ou » figurant au c) du paragraphe III de l'article L. 621-15 dans sa rédaction résultant de la loi du 22 octobre 2010, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, » figurant aux c) et d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans ses rédactions résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et les mots « à 100 millions d'euros ou » figurant au c) du paragraphe III de l'article L. 621-15 du même code dans sa rédaction résultant de la même loi du 22 octobre 2010 sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er juin 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS et Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 2 juin 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 21 mars 2017, d'une réclamation présentée par M. Jacques BIDALOU, demeurant à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Cette réclamation a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-166 PDR. Elle est relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 80-563 du 21 juillet 1980 portant suppression du renvoi au règlement d'administration publique dans les lois organiques, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 80-121 DC du 17 juillet 1980 ; - la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-165 PDR du 18 mars 2017 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - le mémoire distinct par lequel le requérant a posé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le paragraphe V de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus, enregistré le 21 mars 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 22 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 1. Le paragraphe V de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus dans sa rédaction résultant de la loi organique du 25 avril 2016 mentionnée ci-dessus prévoit : « Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application des présentes dispositions organiques ; il détermine notamment les conditions de la participation de l'État aux dépenses de propagande. « Lors de la publication de la liste des candidats au premier tour, l'État verse à chacun d'entre eux une somme de 153 000 euros, à titre d'avance sur le remboursement forfaitaire de leurs dépenses de campagne prévu à l'alinéa suivant. Si le montant du remboursement n'atteint pas cette somme, l'excédent fait l'objet d'un reversement. « Une somme égale à 4,75 % du montant du plafond des dépenses de campagne qui leur est applicable est remboursée, à titre forfaitaire, à chaque candidat ; cette somme est portée à 47,5 % dudit plafond pour chaque candidat ayant obtenu plus de 5 % du total des suffrages exprimés au premier tour. Elle ne peut excéder le montant des dépenses du candidat retracées dans son compte de campagne. « Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne n'est possible qu'après l'approbation définitive de ce compte. Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions du troisième alinéa du II du présent article, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne au plus tard à 18 heures le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs. Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités. « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou, en cas de recours, le Conseil constitutionnel fait publier au Journal officiel les décisions prises pour approuver, rejeter ou réformer les comptes de campagne et arrêter le montant du remboursement ». 2. Le requérant soutient que ces dispositions sont entachées d'incompétence négative en ce qu'elles renvoient à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les conditions de contestation de la liste des candidats à l'élection présidentielle. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Un décret en Conseil d'État » figurant au premier alinéa du paragraphe V de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962. 4. Les dispositions contestées sont issues de la loi organique du 21 juillet 1980 mentionnée ci-dessus. Elles ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel du 17 juillet 1980 mentionnée ci-dessus. En l'absence de changement de circonstances, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions. - Sur la réclamation : 5. Aux termes du premier alinéa de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus : « Le droit de réclamation contre l'établissement de la liste des candidats est ouvert à toute personne ayant fait l'objet de présentation ». 6. M. Jacques BIDALOU n'a fait l'objet d'aucune présentation. Par suite, il n'est pas recevable à contester l'établissement de la liste des candidats à l'élection du Président de la République. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jacques BIDALOU. Article 2. - La réclamation présentée par M. Jacques BIDALOU contre la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-165 PDR du 18 mars 2017 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle est rejetée. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 23 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 30 ; - les articles 3 et 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - les articles du code électoral rendus applicables à l'élection du Président de la République, notamment ses articles L. 2, L. 5, L. 6, L. 9, L. 45, L.O. 127, L.O. 135-1, L. 199 et L. 200 ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-135 ORGA du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; - les décisions du Conseil constitutionnel n° 2017-158 PDR du 1er mars 2017, n° 2017-159 PDR du 3 mars 2017, n° 2017-160 PDR du 7 mars 2017, n° 2017-161 PDR du 10 mars 2017, n° 2017-162 PDR du 14 mars 2017 et n° 2017-164 PDR du 18 mars 2017 ayant arrêté les listes des citoyens habilités ayant présenté des candidats à l'élection du Président de la République ; Ayant examiné les formulaires de présentation qui lui ont été adressés à partir du 24 février 2017 et qui lui sont parvenus au plus tard le 17 mars 2017 à dix-huit heures, conformément à l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus et à l'article 2 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après s'être assuré de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, avoir constaté le dépôt du pli scellé exigé pour leur déclaration de situation patrimoniale et avoir reçu leur engagement, en cas d'élection, de déposer une nouvelle déclaration deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l'expiration du mandat ou, en cas de démission, dans un délai d'un mois après celle-ci ; Article 1er. - La liste des candidats à l'élection du Président de la République, dont l'ordre a été établi par voie de tirage au sort, est arrêtée comme suit : - M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, - Mme Marine LE PEN, - M. Emmanuel MACRON, - M. Benoît HAMON, - Mme Nathalie ARTHAUD, - M. Philippe POUTOU, - M. Jacques CHEMINADE, - M. Jean LASSALLE, - M. Jean-Luc MÉLENCHON, - M. François ASSELINEAU, - M. François FILLON. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel et notifiée, par les soins du Gouvernement, aux représentants de l'État en Nouvelle-Calédonie et dans les départements et collectivités d'outre-mer et aux ambassadeurs et aux chefs de postes consulaires. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 18 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 403559 du 9 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Segula Matra Automotive par Me Cyril Parlant, avocat au barreau des Hauts-de-Seine. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-619 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 6362-7-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code du travail ; - la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Me Parlant, enregistrées le 27 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 17 janvier 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société All Technics Communication par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 17 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Parlant, pour la société requérante, Me François Pinatel, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 6362-7-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009 mentionnée ci-dessus, prévoit : « En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. « À défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués ». 2. La société requérante soutient que les dispositions contestées méconnaissent les principes de nécessité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lors qu'elles instituent une punition ayant un caractère automatique. Par ailleurs, en ne prévoyant aucune procédure contradictoire préalable à cette sanction, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant directement les droits de la défense. Enfin, ces dispositions entraîneraient une privation inconstitutionnelle du droit de propriété. La partie intervenante soutient également que les dispositions contestées contreviennent au principe de nécessité et d'individualisation des peines ainsi qu'aux droits de la défense. Elle dénonce au surplus une méconnaissance du principe de proportionnalité des peines. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines : 3. Selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. En outre, le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une sanction administrative ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. 4. En application des articles L. 6361-1 et L. 6361-2 du code du travail, l'État exerce auprès des employeurs et des organismes prestataires d'actions de formation un contrôle administratif et financier sur les actions conduites en matière de formation professionnelle continue. Aux termes des articles L. 6362-4 et L. 6362-6 du même code, si les employeurs ou les organismes prestataires d'actions de formation ne peuvent justifier de la réalité des actions de formation conduites, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement de l'organisme ou de la collectivité qui les a financées pour les premiers, du cocontractant pour les seconds. 5. En application du premier alinéa de l'article L. 6362-7-1 du code du travail, ces remboursements interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations sur les résultats du contrôle. Selon le second alinéa de l'article L. 6362-7-1, en cas de non-respect de cette obligation, la personne objet du contrôle est tenue de verser au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués. Ce second alinéa institue donc une sanction ayant le caractère d'une punition. 6. En premier lieu, d'une part, la sanction contestée réprime le défaut de remboursement des sommes versées pour financer des actions de formation professionnelle continue n'ayant pas été exécutées. En assurant ainsi l'effectivité du remboursement, y compris lorsque le créancier ne réclame pas ce remboursement, le législateur a entendu garantir la bonne exécution des actions de formation professionnelle continue. D'autre part, en instituant une amende d'un montant égal aux sommes non remboursées, il a, s'agissant d'un manquement à une obligation de restituer des fonds, instauré une sanction dont la nature présente un lien avec celle de l'infraction. Cependant, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe de proportionnalité des peines, être interprétées comme permettant de sanctionner un défaut de remboursement lorsqu'il s'avère que les sommes ne sont pas dues. Sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. 7. En second lieu, d'une part, la décision de sanction doit être prise en tenant compte des observations de l'intéressé. D'autre part, la loi elle-même a assuré la modulation de la peine en fonction de la gravité des comportements réprimés en prévoyant que la somme versée au Trésor public est égale aux sommes non remboursées. Enfin, saisi de la sanction prononcée, le juge peut, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, annuler la décision prononçant la sanction en tant qu'elle oblige à verser une telle somme. Il peut ainsi proportionner la sanction aux montants réellement dus. Par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'individualisation des peines. - Sur le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence : 8. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Cette disposition implique notamment qu'aucune sanction ayant le caractère d'une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés. Le principe des droits de la défense s'impose aux autorités disposant d'un pouvoir de sanction sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence. 9. En application de l'article L. 6362-10 du code du travail, les « décisions de rejet et de versement » prises par l'autorité administrative conformément aux dispositions du livre III de la sixième partie du code du travail ne peuvent intervenir que si une procédure contradictoire a été respectée. Il en résulte que le législateur a expressément organisé une procédure contradictoire préalable au prononcé de la sanction prévue au second alinéa de l'article L. 6362-7-1. Il s'ensuit que le grief tiré de l'incompétence négative manque en fait. 10. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe 6 l'article L. 6362-7-1 du code du travail, qui ne méconnaît ni le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 6, l'article L. 6362-7-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 16 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2016-135 ORGA du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2017-158 PDR du 1er mars 2017, n° 2017-159 PDR du 3 mars 2017, n° 2017-160 PDR du 7 mars 2017, n° 2017-161 PDR du 10 mars 2017 et n° 2017-162 PDR du 14 mars 2017, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 18 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 405025 du 23 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Michelle Theresa B. par Mes Marc Bornhauser et Nicolas Canetti, avocats au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-618 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV bis de l'article 1736 du code général des impôts dans ses rédactions, d'une part, issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 et, d'autre part, résultant de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ; - la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées, pour la requérante, par Mes Bornhauser et Canetti, enregistrées le 11 janvier 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 17 janvier et 1er février 2017 ; - les observations en intervention présentées pour M. Jesus R. par Mes Bornhauser et Canetti, enregistrées le 16 janvier 2017 ; - les observations en intervention présentées pour Mme Marie-Josephe F. par Me Nicolas Jacquot, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 16 janvier et 1er février 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Bornhauser, pour la requérante et M. Jesus R., partie intervenante, Me Jacquot, pour Mme Marie-Josephe F., partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le paragraphe IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les infractions à l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 10 000 € ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés ». 2. Ce même paragraphe, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 décembre 2013 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les infractions à l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 20 000 € ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 12,5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés ». 3. La requérante et les parties intervenantes soutiennent que l'amende proportionnelle et l'amende forfaitaire instituées par les dispositions contestées méconnaissent le principe de proportionnalité des peines ainsi que, s'agissant de l'amende forfaitaire, celui d'individualisation des peines. Elles estiment également que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi dès lors que l'amende forfaitaire infligée à l'administrateur d'un trust est supérieure à celle infligée au contribuable qui n'a pas déclaré un compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger. Ce principe serait également méconnu dès lors que l'amende forfaitaire ne varie pas, que des droits aient ou non été éludés. Enfin, les dispositions contestées institueraient une présomption irréfragable de fraude fiscale, contraire à la présomption d'innocence. - Sur le fond : . En ce qui concerne la méconnaissance des principes de proportionnalité et d'individualisation des peines : 4. Lorsque le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires d'un trust, tel que défini à l'article 792-0 bis du code général des impôts, a son domicile fiscal en France ou lorsque ce trust comprend un bien ou un droit qui y est situé, l'article 1649 AB du même code impose à l'administrateur de ce trust d'en déclarer la constitution, le nom du constituant et des bénéficiaires, la modification ou l'extinction, ainsi que le contenu de ses termes. Lorsque l'administrateur d'un trust a son domicile fiscal en France, l'article 1649 AB lui impose d'en déclarer la constitution, la modification ou l'extinction ainsi que le contenu de ses termes. Dans les deux cas, il est, en outre, tenu de déclarer la valeur vénale au 1er janvier de l'année des biens, droits et produits du trust. 5. Les dispositions contestées, dans leur rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011, sanctionnent la méconnaissance de ces obligations par une amende d'un montant forfaitaire de 10 000 euros ou, s'il est plus élevé, d'un montant proportionnel égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés. Dans leur rédaction résultant de la loi du 6 décembre 2013, les dispositions contestées portent le montant de l'amende forfaitaire à 20 000 euros et le taux de l'amende proportionnelle à 12,5 %. Cette sanction s'applique à chaque défaut aux obligations déclaratives mentionnées ci-dessus, même en l'absence de soustraction à l'impôt. 6. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. En outre, le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une amende fiscale ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective de la méconnaissance des obligations fiscales. 7. En réprimant la méconnaissance des obligations déclaratives relatives aux trusts posées par les dispositions de l'article 1649 AB du code général des impôts, le législateur a entendu faciliter l'accès de l'administration fiscale aux informations relatives aux trusts et prévenir la dissimulation d'actifs à l'étranger. Il a ainsi poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. 8. En prévoyant une amende dont le montant, non plafonné, est fixé en proportion des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés, pour un simple manquement à une obligation déclarative, même lorsque les biens et droits placés dans le trust n'ont pas été soustraits à l'impôt, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'il a entendu réprimer. 9. Dès lors, les mots « ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés » figurant au paragraphe IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011 ainsi que les mots « ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 12,5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés » figurant au même paragraphe IV bis, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 décembre 2013 doivent être déclarés contraires à la Constitution, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs dirigés contre ces dispositions. 10. En second lieu, d'une part, en punissant d'une amende forfaitaire, fixée, selon la version des dispositions contestées, à 10 000 ou 20 000 euros, chaque manquement au respect des obligations déclaratives incombant aux administrateurs de trusts, le législateur a, s'agissant d'informations substantielles et du manquement à une obligation déclarative poursuivant l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, instauré une sanction dont la nature est liée à celle de l'infraction. L'amende forfaitaire, même en cas de cumul, n'est pas manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'a entendu réprimer le législateur, compte tenu des difficultés propres à l'identification de la détention d'avoirs, en France ou à l'étranger, par le truchement d'un trust. 11. D'autre part, l'amende forfaitaire s'applique à chaque manquement aux obligations déclaratives prévues par l'article 1649 AB du code général des impôts. Pour chaque sanction prononcée, le juge décide après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués, manquement par manquement, et sur la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir l'amende, soit d'en décharger le redevable si le manquement n'est pas établi. Il peut ainsi adapter les pénalités selon la gravité des agissements commis par le redevable. Par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'individualisation des peines. 12. Les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789, en ce qu'ils sont dirigés contre l'amende forfaitaire instaurée par les dispositions contestées, doivent être écartés. . En ce qui concerne la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 13. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. 14. En premier lieu, compte tenu des potentialités différentes de fraude que recèlent les comptes bancaires ouverts à l'étranger et les trusts, il était loisible au législateur de sanctionner différemment la méconnaissance des obligations déclaratives qui s'y attachent. 15. En second lieu, les dispositions contestées sanctionnent de la même manière le seul non respect des obligations déclaratives précédemment mentionnées, qu'un impôt ait été éludé ou non. Elles n'instituent donc aucune différence de traitement. 16. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté. 17. Les dispositions autres que celles déclarées contraires à la Constitution au paragraphe 9, qui ne méconnaissent ni la présomption d'innocence, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 18. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 19. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité des mots « ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés » figurant au paragraphe IV bis de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011, et des mots « ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 12,5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés » figurant au paragraphe IV bis du même article 1736 dans sa rédaction résultant de la loi du 6 décembre 2013. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. 20. Elle ne peut être invoquée dans les instances jugées définitivement à cette date. Elle ne saurait davantage être invoquée pour remettre en cause des transactions devenues définitives. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont contraires à la Constitution : - les mots « ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés » figurant au paragraphe IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ; - les mots « ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 12,5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés » figurant au paragraphe IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 19 de cette décision. Article 3. - Le reste des dispositions du paragraphe IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, dans ses rédactions, d'une part, issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 et, d'autre part, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, est conforme à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 16 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse sous le n° 2017-747 DC, le 20 février 2017, par MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Mme Laurence ARRIBAGÉ, MM. Olivier AUDIBERT-TROIN, Jacques-Alain BÉNISTI, Sylvain BERRIOS, Marcel BONNOT, Mme Valérie BOYER, MM. Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Yves CENSI, Guillaume CHEVROLLIER, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Jean-Louis COSTES, Jean-Michel COUVE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Julien DIVE, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Daniel FASQUELLE, François FILLON, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Alain GEST, Franck GILARD, Philippe GOSSELIN, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Michel HERBILLON, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Marc LAFFINEUR, Jean-François LAMOUR, Mmes Laure de LA RAUDIÈRE, Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Gilles LURTON, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Olivier MARLEIX, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, François de MAZIÈRES, Gérard MENUEL, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Jean-Claude MIGNON, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-À-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Mme Dominique NACHURY, MM. Patrick OLLIER, Jacques PÉLISSARD, Mme Stéphanie PERNOD-BEAUDON, MM. Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Josette PONS, MM. Frédéric REISS, Martial SADDIER, François SCELLIER, Mme Claudine SCHMID, MM. André SCHNEIDER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Michel SORDI, Claude STURNI, Alain SUGUENOT, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean-Marie TÉTART, Pascal THÉVENOT, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Laurent WAUQUIEZ, députés. Il a également été saisi le 21 février 2017, par MM. Bruno RETAILLEAU, Gérard BAILLY, Philippe BAS, Jérôme BIGNON, François BONHOMME, Gilbert BOUCHET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, François COMMEINHES, Gérard CORNU, Philippe DALLIER, Mathieu DARNAUD, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Robert DEL PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Catherine DI FOLCO, Marie-Annick DUCHÊNE, M. Alain DUFAUT, Mme Nicole DURANTON, M. Jean-Paul ÉMORINE, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Alain FOUCHÉ, Bernard FOURNIER, Jacques GENEST, Mme Frédérique GERBAUD, M. Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, François GROSDIDIER, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Alain HOUPERT, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Mmes Corinne IMBERT, Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Daniel LAURENT, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Michel MAGRAS, Claude MALHURET, Didier MANDELLI, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Marie MERCIER, Brigitte MICOULEAU, M. Alain MILON, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Claude NOUGEIN, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, François PILLET, Rémy POINTEREAU, Hugues PORTELLI, Mme Sophie PRIMAS, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Jean-François RAPIN, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Alain VASSELLE et Jean-Pierre VIAL, sénateurs. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - les observations du Gouvernement, enregistrées le 7 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse. Ils contestent la conformité à la Constitution de son article unique. 2. Le 1° de l'article unique de la loi déférée donne une nouvelle rédaction à l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, qui définit le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse. Ces dispositions prévoient qu'est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende « le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d'allégations ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse : « 1° Soit en perturbant l'accès aux établissements mentionnés à l'article L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ; « 2° Soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de l'entourage de ces dernières ». 3. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent, en premier lieu, que le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, tel que défini par la loi déférée, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'opinion, d'expression et de communication. En deuxième lieu, par sa rédaction floue et confuse, cette loi méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. En dernier lieu, la loi déférée contreviendrait à un double titre aux exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. D'une part, en faisant naître une incertitude sur les éléments constitutifs de l'infraction, elle méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines. D'autre part, les peines applicables aux nouveaux cas d'entrave seraient disproportionnées. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines et de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi : 4. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. 5. L'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. 6. Les dispositions contestées répriment le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables à celle-ci par tout moyen. Ce délit d'entrave est constitué dans deux cas : soit lorsque l'accès ou le fonctionnement des établissements pratiquant l'interruption de volontaire de grossesse est perturbé, soit lorsque des pressions morales et psychologiques, menaces ou actes d'intimidation sont exercés à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels travaillant dans ces établissements, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de leur entourage. 7. Il ressort de la lettre des dispositions contestées comme des travaux parlementaires que « la diffusion ou la transmission d'allégations ou d'indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d'une interruption volontaire de grossesse » ne constitue qu'un des moyens de commettre le délit d'entrave, l'infraction n'étant constituée, en vertu des 1° et 2° de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, qu'en cas de perturbations dans l'accès ou le fonctionnement des établissements habilités à pratiquer l'interruption volontaire de grossesse ou en cas de pressions, menaces ou actes d'intimidation. 8. Par conséquent, les dispositions contestées sont suffisamment claires et précises pour que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Les griefs tirés de leur méconnaissance doivent donc être rejetés. - Sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'expression et de communication : 9. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». L'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles concernant l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer. Il lui est également loisible, à ce titre, d'instituer des incriminations réprimant les abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Cependant, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. 10. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prévenir des atteintes susceptibles d'être portées au droit de recourir à une interruption volontaire de grossesse dans les conditions prévues par le livre II de la deuxième partie du code de la santé publique. L'objet des dispositions contestées est ainsi de garantir la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789. 11. En premier lieu, en réprimant les expressions et manifestations perturbant l'accès ou le fonctionnement des établissements pratiquant l'interruption volontaire de grossesse, les dispositions contestées ne portent pas à la liberté d'expression et de communication une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. 12. En deuxième lieu, les dispositions contestées répriment également les pressions morales et psychologiques, menaces et actes d'intimidation exercés à l'encontre des personnels des établissements habilités, des femmes venues y recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de leur entourage, ainsi que des personnes venues s'y informer. Dans la mesure où elles se limitent à réprimer certains abus de la liberté d'expression et de communication commis dans les établissements pratiquant l'interruption volontaire de grossesse ou à l'encontre de leur personnel, les dispositions contestées ne portent pas à cette liberté une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. 13. En dernier lieu, les dispositions contestées répriment les pressions morales et psychologiques, menaces et actes d'intimidation exercés à l'encontre de toute personne cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, quels que soient l'interlocuteur sollicité, le lieu de délivrance de cette information et son support. 14. Toutefois, d'une part, la seule diffusion d'informations à destination d'un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d'intimidation au sens des dispositions contestées, sauf à méconnaître la liberté d'expression et de communication. Ces dispositions ne peuvent donc permettre que la répression d'actes ayant pour but d'empêcher ou de tenter d'empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s'informer sur une interruption volontaire de grossesse ou d'y recourir. 15. D'autre part, sauf à méconnaître également la liberté d'expression et de communication, le délit d'entrave, lorsqu'il réprime des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une interruption volontaire de grossesse, ne saurait être constitué qu'à deux conditions : que soit sollicitée une information, et non une opinion ; que cette information porte sur les conditions dans lesquelles une interruption volontaire de grossesse est pratiquée ou sur ses conséquences et qu'elle soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière. 16. Sous les deux réserves qui précèdent, les dispositions contestées ne portent pas à la liberté d'expression et de communication une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être rejeté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines : 17. Il résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789 que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 18. Compte tenu de la nature des comportements réprimés par les dispositions contestées, afin de prévenir l'atteinte susceptible d'être portée à la liberté de la femme, les peines de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende retenues par le législateur ne sont pas manifestement disproportionnées. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être rejeté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux paragraphes 14 et 15, l'article unique de la loi déférée, qui ne méconnaît ni la liberté d'opinion ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous les réserves énoncées aux paragraphes 14 et 15, la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Valéry GISCARD d'ESTAING, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI 20 janvier 2017 par le Conseil d'État (décision n° 406614 du 16 janvier 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Sofiyan I. par Me Bruno Vinay, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-624 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des onzième à quatorzième alinéas de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et du paragraphe II de l'article 2 de la même loi du 19 décembre 2016. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de justice administrative ; - la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ; - la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions ; - la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Vinay, enregistrées les 3 et 10 février 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 3 février 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la Ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 3 et 10 février 2017 ; - la lettre du 22 février 2017 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être relevé d'office ; - les observations en réponse présentées pour le requérant, par Me Vinay, enregistrées le 1er mars 2017 ; - les observations en réponse présentées par le Premier ministre, enregistrées le 1er mars 2017 ; - les observations en réponse présentées pour la Ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 1er mars 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Vinay, pour le requérant, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 6 de la loi du 3 avril 1955 mentionnée ci-dessus dans sa rédaction résultant de la loi du 19 décembre 2016 mentionnée ci-dessus détermine les conditions dans lesquelles le ministre de l'intérieur peut assigner une personne à résidence dans le cadre de l'état d'urgence. Les onzième à quatorzième alinéas de cet article prévoient :« La décision d'assignation à résidence d'une personne doit être renouvelée à l'issue d'une période de prorogation de l'état d'urgence pour continuer de produire ses effets. « À compter de la déclaration de l'état d'urgence et pour toute sa durée, une même personne ne peut être assignée à résidence pour une durée totale équivalant à plus de douze mois. « Le ministre de l'intérieur peut toutefois demander au juge des référés du Conseil d'État l'autorisation de prolonger une assignation à résidence au-delà de la durée mentionnée au douzième alinéa. La demande lui est adressée au plus tôt quinze jours avant l'échéance de cette durée. Le juge des référés statue dans les formes prévues au livre V du code de justice administrative et dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine, au vu des éléments produits par l'autorité administrative faisant apparaître les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics. La prolongation autorisée par le juge des référés ne peut excéder une durée de trois mois. L'autorité administrative peut, à tout moment, mettre fin à l'assignation à résidence ou diminuer les obligations qui en découlent en application des dispositions du présent article. « La demande mentionnée à l'avant-dernier alinéa peut être renouvelée dans les mêmes conditions ». 2. Le paragraphe II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 prévoit : « Par dérogation aux quatre derniers alinéas de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, toute personne qui, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, a été assignée à résidence plus de douze mois sur le fondement de l'état d'urgence déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et le décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 peut faire l'objet d'une nouvelle mesure d'assignation s'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Cette nouvelle assignation ne peut excéder une durée de quatre-vingt-dix jours. Dans ce délai, s'il souhaite prolonger l'assignation à résidence, le ministre de l'intérieur peut saisir le Conseil d'État sur le fondement des quatre derniers alinéas de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 précitée ». 3. Le requérant et la partie intervenante soutiennent que les dispositions contestées sont contraires à la liberté d'aller et de venir. D'une part, elles permettent qu'une assignation à résidence prononcée dans le cadre de l'état d'urgence soit prolongée au-delà d'une durée de douze mois. D'autre part, elles ne soumettraient pas la prolongation d'une mesure d'assignation à résidence à des conditions suffisamment restrictives. Ces dispositions méconnaîtraient également l'article 66 de la Constitution en ce qu'elles habilitent une autorité administrative à placer une personne sous assignation à résidence pendant plus de douze mois, ce qui constituerait une mesure privative de liberté. 4. Le Conseil constitutionnel a relevé d'office le grief tiré de ce qu'en prévoyant que la décision de prolonger une assignation à résidence au-delà de douze mois est prise après autorisation du juge des référés du Conseil d'État, alors même que la contestation de cette décision est susceptible de relever du contrôle juridictionnel du Conseil d'État, les dispositions contestées méconnaîtraient l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui garantit notamment le droit à un recours juridictionnel effectif. - Sur le fond : . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance des droits garantis par l'article 66 de la Constitution : 5. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis. 6. En application des neuf premiers alinéas de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 mentionnée ci-dessus, le ministre de l'intérieur peut, lorsque l'état d'urgence a été déclaré, « prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée » par le décret déclarant l'état d'urgence. Dans le cadre de cette assignation, la personne « peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures ». Dans sa décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a déclaré ces neuf alinéas de l'article 6 conformes à la Constitution. Il a jugé que tant par leur objet que par leur portée, ces dispositions ne comportent pas de privation de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution. Toutefois, il a également jugé que la plage horaire maximale de l'astreinte à domicile dans le cadre de l'assignation à résidence, fixée à douze heures par jour, ne saurait être allongée sans que l'assignation à résidence soit alors regardée comme une mesure privative de liberté, dès lors soumise aux exigences de l'article 66 de la Constitution. 7. Les dispositions contestées prévoient qu'une mesure d'assignation à résidence prononcée dans le cadre de l'état d'urgence peut, sous certaines conditions, être prolongée, au-delà d'une durée totale de douze mois, pour une durée de trois mois. Aucune limite au nombre de renouvellements d'une telle mesure n'a été fixée par le législateur. La seule prolongation dans le temps d'une mesure d'assignation à résidence ordonnée dans les conditions prévues par l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 n'a toutefois pas pour effet de modifier sa nature et de la rendre assimilable à une mesure privative de liberté. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution doit être écarté. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : 8. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Cette disposition garantit le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif. Les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles. 9. Le treizième alinéa de l'article 6 de la loi du 3 juin 1955 prévoit que le ministre de l'intérieur peut demander au juge des référés du Conseil d'État l'autorisation de prolonger une assignation à résidence au-delà de la durée de douze mois. Le juge statue alors dans les formes prévues au livre V du code de justice administrative. 10. En premier lieu, par application des règles de droit commun fixées par le code de justice administrative, la décision de prolongation d'une mesure d'assignation à résidence prise par le ministre de l'intérieur est susceptible d'un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif ou d'une saisine du juge des référés de ce tribunal. Le jugement ou l'ordonnance rendu par ce tribunal peut ensuite, le cas échéant, faire l'objet d'un recours devant la cour administrative d'appel puis devant le Conseil d'État ou, lorsqu'il s'agit d'une procédure de référé-liberté, d'un appel devant le Conseil d'État. 11. En second lieu, d'une part, lorsqu'il statue sur le fondement des dispositions contestées, le « juge des référés » du Conseil d'État est saisi par l'autorité administrative pour déterminer si « les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics » sont de nature à justifier l'autorisation de renouveler une mesure d'assignation à résidence. Pour accorder ou refuser l'autorisation sollicitée, ce juge est ainsi conduit à se prononcer sur le bien fondé de la prolongation de la mesure d'assignation à résidence. Compte tenu des critères fixés par le législateur et du contrôle qu'il lui appartient d'exercer sur une mesure de police de cette nature, la décision du juge a une portée équivalente à celle susceptible d'être ultérieurement prise par le juge de l'excès de pouvoir saisi de la légalité de la mesure d'assignation à résidence. D'autre part, la décision d'autorisation ou de refus d'autorisation que prend le « juge des référés » du Conseil d'État lorsqu'il statue sur le fondement des dispositions contestées ne revêt pas un caractère provisoire. Il s'ensuit que, lorsqu'il se prononce sur le fondement de ces dispositions, le « juge des référés » du Conseil d'État statue par une décision qui excède l'office imparti au juge des référés par l'article L. 511-1 du code de justice administrative selon lequel ce juge ne peut décider que des mesures provisoires et n'est pas saisi du principal. 12. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées attribuent au Conseil d'État statuant au contentieux la compétence d'autoriser, par une décision définitive et se prononçant sur le fond, une mesure d'assignation à résidence sur la légalité de laquelle il pourrait ultérieurement avoir à se prononcer comme juge en dernier ressort. Dans ces conditions, ces dispositions méconnaissent le principe d'impartialité et le droit à exercer un recours juridictionnel effectif. Ainsi, les mots « demander au juge des référés du Conseil d'État l'autorisation de » figurant à la première phrase du treizième alinéa de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, les deuxième et troisième phrases du même alinéa ainsi que les mots « autorisée par le juge des référés » figurant à la quatrième phrase de cet alinéa doivent être déclarés contraires à la Constitution. Par voie de conséquence, la dernière phrase du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 doit également être déclarée contraire à la Constitution. . En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'aller et de venir : 13. La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figure la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789. 14. Le douzième alinéa de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 prévoit qu'une assignation à résidence prononcée par l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence peut être d'une durée de douze mois. Il résulte des dispositions non déclarées contraires à la Constitution du treizième alinéa et du quatorzième alinéa que, au-delà de cette durée, elle peut être prolongée pour trois mois de manière renouvelée par cette même autorité. Les deux premières phrases du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016 autorisent, à titre transitoire, le prononcé d'une nouvelle mesure d'assignation d'une durée maximum de quatre-vingt-dix jours. Ces dispositions portent atteinte à la liberté d'aller et de venir. 15. En premier lieu, l'assignation à résidence ne peut être prononcée ou renouvelée que lorsque l'état d'urgence a été déclaré. Celui-ci ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Ne peut être soumise à une telle assignation que la personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence et à l'égard de laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». 16. En deuxième lieu, en vertu de l'article 14 de la loi du 3 avril 1955, la mesure d'assignation à résidence prise en application de cette loi cesse au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence. L'état d'urgence, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai de douze jours, être prorogé par une loi qui en fixe la durée. Cette durée ne saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Enfin, en application du onzième alinéa de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, à l'issue d'une prorogation de l'état d'urgence, les mesures d'assignation à résidence prises antérieurement doivent être renouvelées pour continuer à produire leurs effets. 17. En troisième lieu, la durée d'une mesure d'assignation à résidence ne peut en principe excéder douze mois, consécutifs ou non. Au-delà de cette durée, une telle mesure ne peut être renouvelée que par périodes de trois mois. Par ailleurs, au-delà de douze mois, une mesure d'assignation à résidence ne saurait, sans porter une atteinte excessive à la liberté d'aller et de venir, être renouvelée que sous réserve, d'une part, que le comportement de la personne en cause constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, d'autre part, que l'autorité administrative produise des éléments nouveaux ou complémentaires, et enfin que soient prises en compte dans l'examen de la situation de l'intéressé la durée totale de son placement sous assignation à résidence, les conditions de celle-ci et les obligations complémentaires dont cette mesure a été assortie. 18. En quatrième lieu, la durée de la mesure d'assignation à résidence doit être justifiée et proportionnée aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit. 19. Sous les réserves énoncées au paragraphe 17, les dispositions contestées, autres que celles déclarées inconstitutionnelles au paragraphe 12, ne sont pas contraires à la liberté d'aller et de venir. Ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous ces mêmes réserves, être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 20. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 21. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont contraires à la Constitution : - les mots « demander au juge des référés du Conseil d'État l'autorisation de » figurant à la première phrase du treizième alinéa de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, les deuxième et troisième phrases du même alinéa ainsi que les mots « autorisée par le juge des référés » figurant à la quatrième phrase de cet alinéa ; - la dernière phrase du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 21 de cette décision. Article 3. - Sous les réserves énoncées au paragraphe 17, sont conformes à la Constitution : - les onzième, douzième, quatorzième alinéas et les autres dispositions du treizième alinéa de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ; - les autres dispositions du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 19 décembre 2016. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 16 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61, de la Constitution, de la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle sous le n° 2017-748 DC, le 20 février 2017, par MM. MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT TROIN, Sylvain BERRIOS, Marcel BONNOT, Jean-Claude BOUCHET, Mme Marine BRENIER, MM. Xavier BRETON, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Jérôme CHARTIER, Guillaume CHEVROLLIER, Éric CIOTTI, Philippe COCHET, Jean-Louis COSTES, Jean-Michel COUVE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Bernard DEBRÉ, Lucien DEGAUCHY, Rémy DELATTE, Patrick DEVEDJIAN, Julien DIVE, Jean-Pierre DOOR, David DOUILLET, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Marc FRANCINA, Yves FROMION, Laurent FURST, Guy GEOFFROY, Franck GILARD, Mmes Claude GREFF, Arlette GROSSKOST, MM. Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Denis JACQUAT, Christian KERT, Marc LAFFINEUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Thierry LAZARO, Bruno LE MAIRE, Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Thierry MARIANI, Gérard MENUEL, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-À-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, MM. Patrick OLLIER, Jacques PÉLISSARD, Mme Stéphanie PERNOD BEAUDON, MM. Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Bérengère POLETTI, M. Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Frédéric REISS, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Fernand SIRÉ, Claude STURNI, Alain SUGUENOT, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Michel TERROT, Jean-Marie TÉTART, Pascal THÉVENOT, Patrice VERCHÈRE, Arnaud VIALA, Michel VOISIN et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code rural et de la pêche maritime ; - les observations du Gouvernement, enregistrées le 7 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. Ils contestent la constitutionnalité de ses articles 1er, 2, 3, 4 et 5. 2. Les députés requérants soutiennent que ces articles, qui étendent notamment le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural aux cessions de parts de sociétés détentrices de biens ou droits immobiliers agricoles, portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété. Ils estiment aussi que les articles 1er et 3 méconnaissent la liberté contractuelle puisque, en cas d'exercice du droit de préemption sur les parts d'une telle société, les autres associés se voient imposer la présence, au sein de cette société, de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural ou celle de la personne à laquelle elle a rétrocédé ses parts. - Sur les articles 1er et 3 : 3. L'article 1er de la loi déférée insère dans le code rural et de la pêche maritime un article L. 143-15-1 qui précise à quelles conditions une personne morale de droit privé peut acquérir ou recevoir en apport des biens ou des droits susceptibles d'être soumis au droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural. En vertu du paragraphe I de cet article, les biens ou les droits acquis ou apportés doivent être rétrocédés à une société dont l'objet principal est la propriété agricole. En cas de cession de la majorité des parts ou actions de la personne morale de droit privé en cause, les parts ou actions des sociétés au sein desquelles les biens ou les droits ont été apportés sont réputées cédées dans les mêmes proportions. En vertu du paragraphe II de l'article L. 143-15-1, en cas de violation des obligations ainsi prescrites, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural peut demander au tribunal de grande instance soit d'annuler la cession, soit de la déclarer acquéreur en lieu et place de la société. 4. L'article 3 de la loi déférée autorise les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, dans le but d'installer un agriculteur ou de maintenir ou consolider des exploitations agricoles, à exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou actions d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole, lorsque l'acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions ou une minorité de blocage au sein de la société. 5. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. . En ce qui concerne l'article 3 : 6. Le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural vise à permettre l'installation des agriculteurs ou le maintien et la consolidation des exploitations agricoles, en rétrocédant aux intéressés, à l'issue d'un certain délai, les parts ou actions préemptées. Les dispositions de l'article 3 de la loi déférée ont pour objet d'éviter que l'accomplissement, par ces sociétés, de leurs missions d'intérêt général et l'exercice de leur droit de préemption puissent être tenus en échec par la cession, non pas de la totalité, mais de seulement une partie des parts ou actions d'une société détentrice de biens ou droits immobiliers agricoles. 7. Toutefois, le droit de préemption prévu par ces dispositions peut s'exercer dès lors que les parts ou actions cédées sont susceptibles de conférer la majorité ou une minorité de blocage à leur acquéreur. L'exercice de ce droit ne garantit donc pas à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'être majoritaire dans la société détentrice des biens ou des droits immobiliers. La rétrocession des parts ou actions ainsi préemptées n'est donc pas nécessairement de nature à permettre l'installation d'un agriculteur ou même le maintien et la consolidation d'exploitation agricole. 8. En outre, la durée de détention, par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, des parts ou actions préemptées est susceptible d'affecter la valorisation de la société. Or, si les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural sont tenues de rétrocéder les biens préemptés, aucune garantie légale ne fait obstacle à ce qu'elles conservent ceux-ci au-delà du délai légal. 9. Enfin, la seule réserve à l'exercice de ce droit de préemption est le droit de préférence reconnu aux seuls associés d'un groupement foncier agricole, en place depuis plus de dix ans. 10. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 3 est donc déclaré contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, du troisième alinéa de l'article 1er. . En ce qui concerne le reste des dispositions de l'article 1er : 11. En premier lieu, en vertu de l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d'une société ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole, lorsque l'exercice de ce droit a pour objet l'installation d'un agriculteur. 12. L'obligation de rétrocession, à une société dont l'objet principal est la propriété agricole, des biens ou droits immobiliers agricoles acquis ou reçus en apport par une personne morale de droit privé, prévue à l'article 1er, vise à faciliter l'exercice par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural de leur droit de préemption ou de leur faculté d'acquisition amiable de ces biens ou droits. D'une part, la propriété des biens ou des droits sur lesquels ce droit peut s'exercer est ainsi isolée au sein d'une société dédiée. D'autre part, cette dernière société se trouve soumise à l'obligation d'information de toute cession de parts ou d'actions, prévue à l'article L. 141-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Par suite, les dispositions de l'article 1er poursuivent un but d'intérêt général. 13. En second lieu, d'une part, l'obligation de rétrocession à une société dédiée des biens ou droits immobiliers agricoles acquis ou reçus en apport ne s'applique que lorsque, à la suite de l'acquisition ou de l'apport, la surface totale détenue en propriété par la personne morale en cause dépasse le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. 14. D'autre part, le législateur a exempté de cette obligation les groupements fonciers agricoles, les groupements fonciers ruraux, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les groupements agricoles d'exploitation en commun, les exploitations agricoles à responsabilité limitée et les associations dont l'objet principal est la propriété agricole, ainsi que les sociétés titulaires d'un bail conclu avant le 1er janvier 2016, pour les seules acquisitions correspondant aux terres prises à bail. 15. Il résulte de tout ce qui précède que le reste des dispositions de l'article 1er de la loi déférée ne porte pas au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté contractuelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont donc conformes à la Constitution. - Sur les articles 2, 4 et 5 : 16. L'article 2 de la loi déférée supprime l'interdiction faite aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural de détenir plus de 30 % du capital d'un groupement foncier agricole ou d'y exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction, ainsi que l'interdiction que leur participation dans un groupement foncier rural dépasse 30 % de la valeur des biens à usage agricole détenus par ce groupement. 17. L'article 4 de la loi déférée impose à celui qui apporte à une société des biens ou des droits susceptibles d'être soumis à l'exercice du droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural de s'engager à conserver pendant cinq ans la totalité des droits sociaux reçus en contrepartie. En cas de méconnaissance de cet engagement, et sauf accord exprès de sa part, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural peut demander l'annulation de l'apport au président du tribunal de grande instance, dans un délai de six mois à compter du jour où elle en a eu connaissance. 18. L'article 5 de la loi déférée autorise les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural à maintenir, dans le but de les rétrocéder, leur participation dans le capital des groupements fonciers agricoles, des groupements agricoles d'exploitation en commun et des entreprises agricoles à responsabilité limitée. 19. Ces articles, qui ne méconnaissent ni la liberté d'entreprendre, ni le droit de propriété, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur les autres dispositions : 20. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle : - le troisième alinéa de l'article 1er ; - l'article 3. Article 2. - Le reste de l'article 1er et les articles 2, 4 et 5 de la même loi sont conformes à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Valéry GISCARD d'ESTAING, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 16 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre sous le n° 2017-750 DC, le 23 février 2017, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Gérard BAILLY, François BAROIN, Philippe BAS, Christophe BÉCHU, Jérôme BIGNON, Jean BIZET, François BONHOMME, Gilbert BOUCHET, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, M. Gérard CÉSAR, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, François COMMEINHES, Gérard CORNU, Pierre CUYPERS, Philippe DALLIER, René DANESI, Mathieu DARNAUD, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Alain DUFAUT, Mme Nicole DURANTON, MM. Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMORINE, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Hubert FALCO, Michel FORISSIER, Alain FOUCHÉ, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, M. Jacques GENEST, Mme Frédérique GERBAUD, M. Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Alain HOUPERT, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Mme Corinne IMBERT, M. Alain JOYANDET, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Fabienne KELLER, MM. Guy-Dominique KENNEL, Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Jean-Claude LENOIR, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Michel MAGRAS, Claude MALHURET, Didier MANDELLI, Alain MARC, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Marie MERCIER, Brigitte MICOULEAU, M. Albéric de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Jean-Jacques PANUNZI, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, François PILLET, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mme Sophie PRIMAS, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, Jean-François RAPIN, Charles REVET, Mme Marie-France de ROSE, MM. Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Alain VASSELLE, Hilarion VENDEGOU, Jean-Pierre VIAL et Jean-Pierre VOGEL, sénateurs. Il a également été saisi le 23 février 2017, par MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Jean-Pierre BARBIER, Jacques-Alain BÉNISTI, Sylvain BERRIOS, Luc CHATEL, Gérard CHERPION, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Éric CIOTTI, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Bernard DEBRÉ, Bernard DEFLESSELLES, Rémy DELATTE, Mme Sophie DION, MM. Julien DIVE, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Laurent FURST, Alain GEST, Daniel GIBBES, Franck GILARD, Charles-Ange GINESY, Philippe GOSSELIN, Jean-Claude GUIBAL, Michel HEINRICH, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Guénhaël HUET, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Marc LAFFINEUR, Jean-François LAMOUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Olivier MARLEIX, Alain MARSAUD, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, Jean-Claude MIGNON, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Bernard REYNÈS, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Thierry SOLÈRE, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Arnaud VIALA, Philippe VITEL et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - le code de commerce ; - les observations du Gouvernement, enregistrées le 14 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Ils contestent la constitutionnalité de ses articles 1er, 2 et 4. - Sur l'article 1er : 2. L'article 1er de la loi déférée insère dans le code de commerce un article L. 225-102-4. Son paragraphe I impose à certaines sociétés d'établir un « plan de vigilance » et de le mettre en œuvre de manière effective. Son paragraphe II sanctionne la méconnaissance des obligations instituées par le paragraphe I. 3. En vertu du paragraphe I sont soumises à l'obligation d'établir un plan de vigilance les sociétés ayant leur siège social en France et qui, à la clôture de deux exercices consécutifs, emploient au moins cinq mille salariés en leur sein et dans leurs filiales françaises, ou emploient au moins dix mille salariés en leur sein et dans leurs filiales françaises et étrangères. Le plan de vigilance comporte « les mesures de vigilance raisonnables propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement » résultant des activités de la société auteur du plan, des sociétés qu'elle contrôle, ainsi que des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels ces sociétés entretiennent une relation commerciale établie. Ce plan, qui peut être élaboré en association avec les « parties prenantes de la société », et le compte rendu de sa mise en œuvre effective sont publiés et inclus dans le rapport annuel de gestion. Un décret en Conseil d'État peut compléter les mesures de vigilance mentionnées ci-dessus et préciser les modalités d'élaboration et de mise en œuvre du plan de vigilance. 4. Le paragraphe II de l'article L. 225-102-4 du code de commerce prévoit qu'une société méconnaissant les obligations lui incombant en vertu du paragraphe I peut être enjointe de les respecter, après mise en demeure. Son dernier alinéa prévoit qu'elle peut également être condamnée au paiement d'une amende civile d'un montant maximal de dix millions d'euros. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines : 5. Les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions contestées méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines. D'une part, les éléments constitutifs du manquement sanctionné par le dernier alinéa du paragraphe II ne seraient pas précisément définis. En effet, le « référentiel normatif » au regard duquel doivent être appréciés les risques à identifier et les atteintes graves à prévenir serait imprécis. Les obligations résultant des mesures de vigilance énumérées aux 1° à 5° du paragraphe I ne seraient pas non plus suffisamment claires. Le législateur ne pouvait, enfin, habiliter le pouvoir réglementaire à « compléter » ces mesures de vigilance. D'autre part, la sanction ne serait pas suffisamment définie, faute pour le législateur d'avoir précisé si celle-ci s'applique pour chaque manquement ou une seule fois quel que soit le nombre de manquements. Les députés requérants formulent les mêmes griefs et soutiennent que les dispositions contestées méconnaissent les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. 6. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. 7. Par les dispositions contestées, le législateur, d'une part, a instauré une nouvelle obligation civile et, d'autre part, l'a assortie d'une sanction ayant le caractère d'une punition. 8. S'il est loisible au législateur de soumettre les sociétés entrant dans le champ d'application du paragraphe I de l'article L. 225-102-4 du code de commerce à différentes obligations ayant pour but de concourir au respect, par ces sociétés et leurs partenaires économiques, de différents droits et libertés, il lui revenait toutefois, dès lors qu'il assortissait les obligations qu'il posait d'une sanction ayant le caractère d'une punition, de définir celles-ci en termes suffisamment clairs et précis. 9. En premier lieu, les dispositions contestées imposent aux sociétés en cause d'établir et de mettre en œuvre, de manière effective, des « mesures de vigilance raisonnable » qui doivent en particulier prendre la forme d'« actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ». 10. En deuxième lieu, ces dernières mesures, sans autre précision du législateur et qu'un décret en Conseil d'État peut, au surplus, « compléter », sont destinées à identifier tous les risques et à prévenir toutes les atteintes graves envers l'ensemble des « droits humains » et des « libertés fondamentales » résultant des activités non seulement de la société à laquelle incombe l'obligation d'établir un plan mais également de celles de certains de ses partenaires économiques. 11. En troisième lieu, le périmètre des partenaires économiques de la société soumise à l'obligation d'établir un plan de vigilance délimité par les dispositions contestées inclut l'ensemble des sociétés contrôlées directement ou indirectement par cette société ainsi que tous les sous-traitants et les fournisseurs avec lesquels elles entretiennent une relation commerciale établie, quels que soient la nature des activités de ces entreprises, leurs effectifs, leur poids économique ou le lieu d'établissement de leurs activités. 12. En dernier lieu, le législateur n'a pas précisé si la sanction est encourue pour chaque manquement à l'obligation qu'il a définie ou une seule fois quel que soit le nombre de manquements. 13. Compte tenu de la généralité des termes qu'il a employés, du caractère large et indéterminé de la mention des « droits humains » et des « libertés fondamentales » et du périmètre des sociétés, entreprises et activités entrant dans le champ du plan de vigilance qu'il instituait, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 et en dépit de l'objectif d'intérêt général poursuivi par la loi déférée, retenir que peut être soumise au paiement d'une amende d'un montant pouvant atteindre dix millions d'euros la société qui aurait commis un manquement défini en des termes aussi insuffisamment clairs et précis. 14. Par conséquent, le dernier alinéa de l'article 1er de la loi déférée est contraire à la Constitution. Il en va de même du troisième alinéa de l'article 2 et de l'article 3, qui en sont indissociables. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre : 15. Les sénateurs requérants soutiennent qu'en imposant aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d'ordre une vigilance renforcée sur les activités de leurs filiales, de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs, les dispositions contestées portent atteinte à la liberté d'entreprendre de ces derniers. L'obligation de publicité du plan de vigilance et du compte rendu de sa mise en œuvre porterait également une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre dès lors que les sociétés soumises aux exigences de la loi déférée seraient contraintes de divulguer des informations relatives à leur stratégie industrielle et commerciale. 16. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 17. En premier lieu, si les dispositions contestées soumettent certaines sociétés à l'obligation d'établir un plan de vigilance et d'adopter des mesures de contrôle interne propres à prévenir les risques engendrés par leurs activités ainsi que celles des sociétés qu'elles contrôlent et de certains de leurs sous-traitants et fournisseurs, elles ne leur confèrent toutefois aucune prérogative de nature à porter atteinte à la liberté d'entreprendre de ces derniers. 18. En second lieu, les dispositions contestées, notamment en ce qu'elles obligent à faire figurer dans le plan de vigilance différentes catégories de mesures, n'imposent pas aux sociétés tenues à l'établissement d'un tel plan de rendre publiques des informations relatives à leur stratégie industrielle ou commerciale. 19. Les dispositions contestées ne portent en conséquence aucune atteinte à la liberté d'entreprendre. . En ce qui concerne les autres griefs : 20. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que la définition du champ d'application de l'article L. 225-102-4 méconnaît le principe d'égalité. Ils font également grief aux dispositions contestées de méconnaître l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. 21. En premier lieu, d'une part, en limitant le champ des personnes assujetties aux obligations déterminées par l'article L. 225-102-4 du code de commerce créé par les dispositions contestées aux seules sociétés excédant les seuils qu'il a déterminés, le législateur a retenu des critères et des catégories en rapport avec l'objectif qu'il s'est assigné. D'autre part, l'exclusion du champ du plan de vigilance des sous-traitants et fournisseurs qui n'entretiennent pas une « relation commerciale établie » avec la société soumise à l'obligation d'établir un tel plan et les sociétés qu'elle contrôle est également en rapport avec cet objectif. Par conséquent, les distinctions auxquelles a ainsi procédé le législateur, qui correspondent à des différences de situation, ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi. 22. En second lieu, d'une part, si certaines des notions employées par le législateur sont, pour les motifs énoncés plus haut, insuffisamment précises pour permettre de définir un manquement de nature à justifier une sanction ayant le caractère d'une punition, celles-ci ne présentent toutefois pas un caractère inintelligible. D'autre part, la notion de « relation commerciale établie » figurant dans les dispositions contestées et déjà utilisée par les articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce, est suffisamment précise. Enfin, la mise en demeure et la saisine de la juridiction compétente pour prononcer une injonction prévues par le paragraphe II de l'article L. 225-102-4 du code de commerce ne peuvent être formées que par une personne ayant un intérêt légitime à agir et les dispositions selon lesquelles le plan de vigilance « a vocation » à être élaboré avec les « parties prenantes de la société » ont une portée incitative. Dans ces conditions, le législateur n'a pas méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. 23. Il résulte de tout ce qui précède qu'à l'exception de celles de son dernier alinéa, les dispositions de l'article 1er de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur le reste de l'article 2 : 24. L'article 2 de la loi déférée insère, dans le code de commerce, un article L. 225-102-5. Son premier alinéa prévoit que le manquement aux obligations définies au paragraphe I de l'article L. 225-102-4 engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice dans les conditions prévues aux articles 1240 et 1241 du code civil. Son troisième alinéa prévoit que l'action en responsabilité est introduite par « toute personne justifiant d'un intérêt à agir à cette fin ». 25. Selon les députés et les sénateurs requérants, ces dispositions instaurent, en violation du principe de responsabilité, une responsabilité du fait d'autrui. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions portent également atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif en permettant à des tiers d'engager une action en responsabilité sans mandat des victimes. Les sénateurs requérants critiquent enfin l'imprécision des dispositions contestées qui définiraient insuffisamment les cas d'engagement de responsabilité du fait d'un dommage survenu à l'étranger et la notion de « personne justifiant d'un intérêt à agir ». 26. Selon l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Il résulte de ces dispositions qu'en principe tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle. 27. En renvoyant aux articles 1240 et 1241 du code civil dans le nouvel article L. 225-102-5 du code de commerce, le législateur a seulement entendu rappeler que la responsabilité de la société à raison des manquements aux obligations fixées par le plan de vigilance est engagée dans les conditions du droit commun français, c'est-à-dire si un lien de causalité direct est établi entre ces manquements et le dommage. Les dispositions contestées n'instaurent donc pas un régime de responsabilité du fait d'autrui, ainsi que cela ressort, au demeurant, des travaux parlementaires. Par suite, et en tout état de cause, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de responsabilité. 28. Dès lors que le législateur s'est ainsi borné à confirmer l'application des règles générales du droit de la responsabilité, les dispositions contestées ne sauraient permettre à une personne d'introduire une action pour le compte de la victime, qui a seule intérêt à agir. Elles permettent, le cas échéant, que la responsabilité d'une société puisse être engagée, sur le fondement de ces dispositions, à raison de dommages survenus à l'étranger. Les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi doivent donc être écartés. 29. Par conséquent, les dispositions du reste de l'article 2, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur l'article 4 : 30. Les sénateurs et les députés requérants soutiennent que l'article 4, qui fixe les modalités d'application dans le temps de la loi déférée, est imprécis et ambigu. Il en résulterait une méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. 31. À l'exception de celles relatives au « compte rendu » de la mise en œuvre effective du plan de vigilance, figurant à l'avant-dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 225-102-4, les dispositions de ce paragraphe I s'appliquent pour l'exercice au cours duquel la loi déférée est publiée. Les dispositions relatives au « compte rendu » mentionné ci-dessus, le reste de cet article L. 225-102-4 ainsi que l'article L. 225-102-5 seront applicables à compter du rapport annuel de gestion portant sur le premier exercice ouvert après la publication de la loi déférée. 32. Les dispositions de l'article 4, qui ne méconnaissent ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre : - le dernier alinéa de l'article 1er ; - le troisième alinéa de l'article 2 ; - l'article 3. Article 2. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : - le reste de l'article 1er ; - le reste de l'article 2 ; - l'article 4. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 23 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 12 janvier 2017, par le Premier ministre, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 37 de la Constitution d'une demande enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-267 L. Le Premier ministre demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique du quatrième alinéa de l'article L. 224-5-1 du code de la sécurité sociale et des mots « pour six ans » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-12 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel notamment ses articles 24, 25 et 26 ; - le code de la sécurité sociale ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les principes fondamentaux de la sécurité sociale. Figure au nombre de ces principes celui de l'administration des caisses de sécurité sociale par des représentants des personnes assujetties aux régimes gérés par ces caisses. 2. Le quatrième alinéa de l'article L. 224-5-1 du code de la sécurité sociale, qui est relatif au conseil d'orientation de l'union des caisses nationales de sécurité sociale, dispose : « Les membres du conseil d'orientation sont désignés pour une durée de cinq ans ». Le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-12 du même code prévoit que les caisses de base du régime social des indépendants sont administrées par un conseil d'administration composé de membres élus « pour six ans ». 3. Ces dispositions ne mettent en cause ni le principe fondamental de l'administration des caisses de sécurité sociale par des représentants des personnes qui sont assujetties aux régimes gérés par ces caisses, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Ces dispositions ont donc le caractère réglementaire. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Le quatrième alinéa de l'article L. 224-5-1 du code de la sécurité sociale et les mots « pour six ans » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-12 du même code ont le caractère réglementaire. Article 2.- Cette décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 janvier 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 31 janvier 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 mars 2017 par le Conseil d'État (décision n° 379685 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Edenred France par la SCP Delaporte et Briard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-636 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1734 ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999, et du e du paragraphe I de l'article 1763 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ; - l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, ratifiée par l'article 138 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Me François-Henri Briard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 20 avril et 3 mai 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 20 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société CAFPI par Mes Raphaël Goupille et Michel Guichard, avocats au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 7 avril 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Briard, pour la société requérante, Me Guichard, pour la société intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 30 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 1734 ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 1999 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Lorsque les contribuables ne peuvent présenter le registre mentionné à l'article 54 septies ou lorsque les renseignements portés sur ce registre sont incomplets ou inexacts, il est prononcé une amende égale à 5 % du montant des résultats omis sur le registre. «De même, si l'état prévu au I de l'article 54 septies ou au II de l'article 151 octies n'est pas produit au titre de l'exercice au cours duquel est réalisée l'opération visée par ces dispositions ou au titre des exercices ultérieurs, ou si les renseignements qui sont portés sur ces états sont inexacts ou incomplets, il est prononcé une amende égale à 5 % des résultats omis. « Si l'état prévu au III de l'article 54 septies n'est pas produit au titre d'un exercice ou si les renseignements qui y sont portés sont inexacts ou incomplets, il est prononcé une amende égale à 5 % des résultats de la société scindée non imposés en application des dispositions prévues aux articles 210 A et 210 B. « Le contentieux est assuré et l'amende est mise en recouvrement suivant les règles applicables à l'impôt sur les sociétés ». 2. Le paragraphe I de l'article 1763 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 7 décembre 2005 mentionnée ci-dessus, prévoit que le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de plusieurs documents entraîne l'application d'une amende égale à 5 % des sommes omises. Le e de ce paragraphe dispose qu'il en est ainsi pour les documents suivants :« État prévu au IV de l'article 41, au I de l'article 54 septies, au II de l'article 151 octies ou au 2 du II de l'article 151 nonies au titre de l'exercice au cours duquel est réalisée l'opération visée par ces dispositions ou au titre des exercices ultérieurs ». 3. Selon la société requérante et la partie intervenante, ces dispositions méconnaîtraient le principe de proportionnalité des peines, en ce qu'elles prévoient une amende sanctionnant le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de l'état de suivi des plus-values en sursis ou report d'imposition. Le montant de cette amende serait excessif, dès lors que son taux de 5 % s'appliquerait au montant des sommes omises, sans tenir compte ni du montant de l'impôt dû, ni de l'éventuelle bonne foi du contribuable. Ces dispositions seraient également contraires au principe d'individualisation des peines, faute de toute possibilité de moduler la sanction en fonction du comportement du contribuable ou de la gravité du manquement. Enfin, la société requérante soutient que ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité devant la loi, aux motifs qu'elles pourraient conduire à une amende d'un montant très variable pour une même infraction et qu'elles sanctionneraient indifféremment contribuables de bonne foi et contribuables de mauvaise foi. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « au I de l'article 54 septies, » figurant au deuxième alinéa de l'article 1734 ter du code général des impôts et sur les mêmes mots figurant au e du paragraphe I de l'article 1763 du même code. 5. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. En outre, le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une amende fiscale ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective de la méconnaissance des obligations fiscales. 6. En vertu du paragraphe I de l'article 54 septies du code général des impôts, les entreprises qui bénéficient d'un des régimes de sursis ou de report d'imposition des plus-values mentionnés à ce paragraphe « doivent joindre à leur déclaration de résultat un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître, pour chaque nature d'élément, les renseignements nécessaires au calcul du résultat imposable de la cession ultérieure des éléments considérés ». Cet état de suivi des plus-values en sursis ou report d'imposition sert ainsi à établir l'impôt dû l'année au cours de laquelle aura lieu l'événement mettant fin au sursis ou au report. 7. Les dispositions contestées punissent d'une amende égale à 5 % des résultats omis le défaut de production de cet état de suivi, ainsi que sa production inexacte ou incomplète. Cette sanction est encourue lorsque ces manquements sont commis pendant l'exercice au cours duquel est réalisée l'opération ayant donné lieu au sursis ou au report d'imposition ou pendant les exercices ultérieurs. 8. En premier lieu, d'une part, l'obligation déclarative dont la méconnaissance est ainsi sanctionnée porte sur des renseignements qui doivent figurer en annexe de la déclaration annuelle de résultat de l'entreprise et qui sont nécessaires au calcul de l'impôt sur la plus-value à l'issue du sursis ou du report d'imposition. Il ressort des travaux préparatoires qu'en instituant cette obligation, le législateur a entendu assortir d'une contrepartie les régimes fiscaux favorables, dérogatoires au droit commun, dont peuvent bénéficier les contribuables réalisant certaines opérations. En réprimant la méconnaissance d'une telle obligation, qui permet directement le suivi de la base taxable et ainsi l'établissement de l'impôt sur la plus-value placée en sursis ou en report, le législateur a poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. D'autre part, en punissant d'une amende égale à 5 % des résultats omis, qui servent de base au calcul de l'impôt exigible ultérieurement, chaque manquement au respect de l'obligation déclarative incombant aux contribuables bénéficiant d'un régime de sursis ou de report d'imposition, le législateur a instauré une sanction dont la nature est liée à celle de l'infraction. Ainsi, même lorsqu'elle s'applique lors de plusieurs exercices, l'amende n'est pas manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'a entendu réprimer le législateur, compte tenu des difficultés propres au suivi des obligations fiscales en cause. 9. En second lieu, l'amende contestée s'applique lors de chaque exercice pour lequel l'état de suivi n'est pas produit ou présente un caractère inexact ou incomplet. Pour chaque sanction prononcée, le juge décide, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués, manquement par manquement, et sur la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir l'amende, soit d'en décharger le redevable si le manquement n'est pas établi. Il peut ainsi adapter les pénalités à la gravité des agissements commis par le redevable. Par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'individualisation des peines. 10. Les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doivent donc être écartés. Il en va de même du grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, dès lors que les dispositions contestées n'instituent aucune différence de traitement. 11. Par conséquent, les mots « au I de l'article 54 septies, » figurant au deuxième alinéa de l'article 1734 ter du code général des impôts et les mêmes mots figurant au e du paragraphe I de l'article 1763 du même code, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « au I de l'article 54 septies, » figurant au deuxième alinéa de l'article 1734 ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999, et les mêmes mots figurant au e du paragraphe I de l'article 1763 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juin 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 juin 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 mars 2017 par le Conseil d'État (décision n° 407230 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Émile L. par Mes Raphaël Kempf et Aïnoha Pascual, avocats au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-635 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 3° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Mes Kempf et Pascual, enregistrées le 20 avril 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 20 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la Ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 20 avril et 5 mai 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Mes Kempf et Pascual, pour le requérant, Me François Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 30 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 5 de la loi du 3 avril 1955 mentionnée ci-dessus prévoit que la déclaration de l'état d'urgence donne certains pouvoirs aux préfets des départements dans lesquels s'applique l'état d'urgence. Selon le 3° de cet article 5, le préfet a le pouvoir : « D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics ». 2. Le requérant et l'association intervenante reprochent aux dispositions contestées de méconnaître la liberté d'aller et de venir ainsi que la liberté d'expression et de communication et le droit d'expression collective des idées et des opinions, dont résulte la liberté de manifester. Selon eux, d'une part, l'atteinte portée à ces libertés par la mesure d'interdiction de séjour ne saurait, dans la mesure où une « entrave à l'action des pouvoirs publics » ne constitue pas nécessairement une menace pour l'ordre public, être justifiée par l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. D'autre part, la mise en œuvre de ces interdictions de séjour ne serait pas entourée de suffisamment de garanties, dès lors que le législateur n'en a pas fixé la durée et n'a pas exclu le domicile de l'intéressé du territoire pouvant être visé par l'interdiction. Les dispositions contestées porteraient également atteinte, selon le requérant, au droit au respect de la vie privée et, selon l'association intervenante, à la « liberté de travailler » et au droit de mener une vie familiale normale. - Sur le fond : 3. La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. 4. La mesure d'interdiction de séjour, prévue par les dispositions contestées, ne peut être ordonnée par le préfet dans le département que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et uniquement pour des lieux situés dans la zone qu'il couvre. L'état d'urgence peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, « soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». 5. Toutefois, en premier lieu, en prévoyant qu'une interdiction de séjour peut être prononcée à l'encontre de toute personne « cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics », le législateur a permis le prononcé d'une telle mesure sans que celle-ci soit nécessairement justifiée par la prévention d'une atteinte à l'ordre public. 6. En second lieu, le législateur n'a soumis cette mesure d'interdiction de séjour, dont le périmètre peut notamment inclure le domicile ou le lieu de travail de la personne visée, à aucune autre condition et il n'a encadré sa mise en œuvre d'aucune garantie. 7. Dès lors, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale. Par conséquent et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, le 3° de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 doit être déclaré contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 8. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 9. L'abrogation immédiate du 3° de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 entraînerait des conséquences manifestement excessives. Afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a donc lieu de reporter la date de cette abrogation au 15 juillet 2017. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le 3° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 9 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juin 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 juin 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 9 février 2017 par le Conseil d'État (décision n° 405102 du 8 février 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Orange par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Perier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par la SCP August Debouzy, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017- 627 QPC. Il a également été saisi, le même jour, par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 308 du 9 février 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Orange par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Perier. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-628 QPC. Ces questions sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 ; - les arrêts de la Cour de cassation n° 743 du 7 mai 2014 et n° 569 du 2 avril 2015 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer et Me Emmanuelle Mignon, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 3 et 20 mars 2017 ; - les observations présentées pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace, partie en défense, par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 1er et 16 mars 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 3 mars 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Bertrand Perier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, Me Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 4 avril 2017 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée pour la société requérante par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Périer et Me Mignon, enregistrée le 6 avril 2017 ; - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 7 avril 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. L'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale institue, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie, une contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites. Pour ce second type d'attribution, la contribution est due par les employeurs « sur les actions attribuées ». Le paragraphe II de cet article, dans sa rédaction issue de la loi du 19 décembre 2007 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Le taux de cette contribution est fixé à 10 %. Elle est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des options ou des actions visées au I ». 3. La société requérante soutient qu'en liant l'exigibilité de la contribution patronale à la décision d'attribution d'actions gratuites, que ces actions soient ou non effectivement attribuées, ces dispositions méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques et porteraient atteinte au droit de propriété. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « ou des actions » figurant dans la seconde phrase du paragraphe II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale. 5. En premier lieu, selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 6. La contribution prévue par l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale est due sur les actions attribuées dans les conditions prévues notamment par l'article L. 225-197-1 du code de commerce. Cet article fixe les conditions dans lesquelles les sociétés par actions peuvent procéder à une attribution d'actions gratuites au profit de leurs salariés et de certains de leurs mandataires sociaux. Sur autorisation de l'assemblée générale extraordinaire, le conseil d'administration ou le directoire décide de l'attribution, désigne les bénéficiaires et définit les conditions et, le cas échéant, les critères auxquels l'attribution définitive est subordonnée. Cette attribution n'est effective que si ces conditions sont satisfaites et à l'issue d'une période d'acquisition dont la durée, qui ne peut être inférieure à deux ans, est déterminée par l'assemblée générale extraordinaire. 7. En application des dispositions contestées, la contribution patronale est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des actions gratuites. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'en l'absence d'attribution effective des actions en raison de la défaillance des conditions auxquelles cette attribution était subordonnée, l'employeur n'est pas fondé à obtenir la restitution de la contribution. 8. En instituant la contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites, le législateur a entendu que ce complément de rémunération, exclu de l'assiette des cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, participe au financement de la protection sociale. Toutefois, s'il est loisible au législateur de prévoir l'exigibilité de cette contribution avant l'attribution effective, il ne peut, sans créer une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, imposer l'employeur à raison de rémunérations non effectivement versées. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient faire obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles l'attribution des actions gratuites était subordonnée ne sont pas satisfaites. Sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit être écarté. 9. En second lieu, selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, « la loi … doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. 10. En prévoyant une seule date d'exigibilité, que les actions gratuites soient ou non effectivement attribuées, le législateur n'a institué aucune différence de traitement. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 8, les mots « ou des actions » figurant dans la seconde phrase du paragraphe II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent ni le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 8, les mots « ou des actions » figurant dans la seconde phrase du paragraphe II de l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 avril 2017 où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mme Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 28 avril 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 2 février 2017 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 413 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société La Noé père et fils par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-626 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du livre III (nouveau) du code rural. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - le code rural et de la pêche maritime ; - la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ; - la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du livre III (nouveau) du code rural ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 15 février 2017 ; - les observations présentées pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire, partie en défense, par la SCP Bertrand-Radisson-Brossas, avocat au barreau d'Orléans, enregistrées le 23 février 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 24 février 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Frédéric Rocheteau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, Me Philippe Bertrand, avocat au barreau d'Orléans, pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 4 avril 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1993 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Le redressement et la liquidation judiciaires des exploitations agricoles sont régis par les dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. Pour l'application des dispositions de la loi précitée, est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 ». 2. Selon la société requérante, ces dispositions, combinées avec celles de l'article L. 626-12 du code de commerce, créeraient une différence de traitement injustifiée quant à la durée du plan de sauvegarde applicable aux agriculteurs entre les personnes physiques et les personnes morales. Elles seraient donc contraires au principe d'égalité devant la loi. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase de l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime. 4. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 5. L'article L. 626-12 du code de commerce prévoit qu'en principe la durée du plan de sauvegarde ne peut excéder dix ans. Par exception, cette durée est portée à quinze ans lorsque « le débiteur est un agriculteur ». 6. La seconde phrase de l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime se borne à préciser dans quel sens doit être entendu le terme « agriculteur » pour l'application de la loi du 25 janvier 1985 mentionnée ci-dessus. Depuis la codification des dispositions de cette loi au livre VI du code de commerce, la définition prévue à l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime s'applique aux dispositions de ce livre, en particulier à l'article L. 626-12 mentionné ci-dessus. Cette définition ne crée, en elle-même, aucune différence de traitement entre les agriculteurs personnes physiques et les agriculteurs personnes morales. La différence de traitement alléguée par la société requérante, à supposer qu'elle existe, ne pourrait résulter que de l'article L. 626-12 du code de commerce, qui n'a pas été soumis au Conseil constitutionnel. Dès lors, le grief dirigé contre la seconde phrase de l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté. 7. La seconde phrase de l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclarée conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase de l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du livre III (nouveau) du code rural, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 avril 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 28 avril 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes mentionnés ci-dessus ; Au vu des pièces suivantes : - les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ; - les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 7 de la loi organique du 31 janvier 1976 mentionnée ci-dessus ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ; - les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ; - les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ; Après avoir entendu les rapporteurs ; Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les opérations électorales : 1. Dans le bureau de vote n° 2 de la commune de L'Ajoupa-Bouillon (Martinique), dans lequel 218 suffrages ont été exprimés, le délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, que seul le président du bureau de vote était présent. Alors même que les deux assesseurs n'ont été absents qu'une partie de la journée, une telle irrégularité est de nature à entraîner des erreurs et peut favoriser la fraude. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 2. Dans le bureau de vote n° 50 de la commune Les Abymes (Guadeloupe), dans lequel 251 suffrages ont été exprimés, la composition du bureau de vote, en l'absence d'assesseur, ne respectait pas les conditions prévues par l'article R. 42 du code électoral. Cette irrégularité s'étant poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 3. Dans la commune de Celles-lès-Condé (Aisne), dans laquelle 59 suffrages ont été exprimés, ni les mentions du procès-verbal, qui ne font état d'aucune différence entre le nombre des émargements, le nombre de bulletins trouvés dans l'urne et le nombre de suffrages exprimés, ni les feuilles de pointage jointes, que les scrutateurs n'ont d'ailleurs pas signées ni même remplies, ne prennent en compte ni n'expliquent la jonction au même procès-verbal d'un nombre important, au regard du nombre des votants et du nombre des suffrages exprimés, de bulletins nuls et de bulletins blancs. Le Conseil constitutionnel n'étant pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes dans cette commune, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 4. Les procès-verbaux des opérations électorales de la commune de Louan-Villegruis-Fontaine (Seine-et-Marne), de la commune de Leychert (Ariège) et du bureau de vote n° 25 de la commune d'Acoua (Mayotte), dans lesquels ont été respectivement exprimés 302, 83 et 150 suffrages, n'ont pas été transmis à la préfecture après le dépouillement du scrutin en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes et ce bureau de vote. 5. La commune de Nantillé (Charente-Maritime), dans laquelle 201 suffrages ont été exprimés, n'a transmis à l'issue immédiate du dépouillement qu'un procès-verbal incomplet en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 6. Dans le bureau de vote n° 3 de la commune d'Ecouen (Val d'Oise), dans lequel 1 021 suffrages ont été exprimés, les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant de déposer leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité a été constatée peu avant la clôture des opérations de vote par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau de vote. 7. Dans le bureau de vote n° 2 de la commune de Saint-Sauveur-Lendelin (Manche) et dans la commune de Lamastre (Ardèche), dans lesquels ont été respectivement exprimés 532 et 1 566 suffrages, la présentation d'un titre d'identité n'a pas été exigée des électeurs comme le prescrit l'article R. 60 du code électoral pour les communes de plus de 1 000 habitants. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations des magistrats délégués du Conseil constitutionnel. Cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin doit entraîner l'annulation de l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau et cette commune. 8. Le procès-verbal des opérations électorales du bureau de vote n° 155 de la commune de M'Tsamboro (Mayotte), dans lequel 183 suffrages ont été exprimés, ne comporte pas la mention des résultats obtenus par les candidats à l'issue du dépouillement. Ces résultats ne figurent pas non plus sur le procès-verbal du bureau centralisateur de la commune. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau de vote. 9. Le procès-verbal des opérations électorales dans la commune d'Uza (Landes), dans laquelle 125 suffrages ont été exprimés, a été établi après suppression des rubriques prévues pour recevoir, le cas échéant, les observations et réclamations des membres du bureau, candidats, remplaçants et délégués des candidats, électeurs du bureau et personnes chargées du contrôle des opérations, en méconnaissance de l'article R. 52 du code électoral et de l'article 30 du décret du 8 mars 2001. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 10. La commission départementale de recensement de l'Essonne a retranché des résultats de trois bureaux de vote cinq suffrages qu'elle a considérés comme irrégulièrement exprimés en faveur de M. François Fillon et de M. Nicolas Dupont-Aignan au motif que les bulletins de vote présentaient une police de caractère différente de celle des autres bulletins. Si l'article 23 du décret du 8 mars 2001 prévoit que les bulletins de vote doivent être d'un modèle uniforme, les bulletins litigieux présentent des différences peu marquées affectant la seule police de caractère. En l'état de ce constat et en l'absence de fraude établie, il y a lieu de rectifier les résultats issus des travaux de la commission et de majorer de quatre le nombre de suffrages exprimés en faveur de M. Fillon et de un le nombre de suffrages exprimés en faveur de M. Dupont-Aignan. 11. Dans le bureau de vote n° 2 de la commune du François (Martinique) et dans le bureau de vote n° 13 de la commune du Robert (Martinique), la commission de recensement a retranché du nombre des bulletins blancs et du nombre des bulletins nuls le nombre de ces bulletins qui ne lui avaient pas été transmis. En raison de la faiblesse des discordances relevées et en l'absence de fraude, il convient de s'en tenir au nombre des bulletins blancs et nuls tel qu'il résulte du procès-verbal des opérations électorales. 12. La commission départementale de recensement de la Meuse a retranché du résultat du candidat arrivé en tête dans les bureaux de vote de Chardogne, Inor et Rupt-en-Woëvre, ainsi que dans le bureau de vote n° 3 de Lachaussée, des suffrages qu'elle a considérés comme irrégulièrement exprimés, mais qui ne pouvaient être attribués à un candidat déterminé. Cette opération n'entrait pas dans ses attributions. En raison de la faiblesse des discordances relevées et en l'absence de fraude, il convient de s'en tenir au nombre de suffrages effectivement émis dans ces bureaux. Par suite, il y a lieu de rectifier les résultats issus des travaux de la commission et de majorer de quatre le nombre de suffrages exprimés en faveur de Mme Marine Le Pen et de un ceux exprimés en faveur de M. Emmanuel Macron. - Sur l'ensemble des résultats du scrutin : 13. Aucun candidat n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCLARE : Article 1er. - Les résultats du scrutin pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les 22 et 23 avril 2017, sont les suivants : Électeurs inscrits : 47 582 183 Votants : 37 003 728 Bulletins blancs : 659 997 Suffrages exprimés : 36 054 394 Majorité absolue : 18 027 198 Ont obtenu : M. Nicolas Dupont-Aignan : 1 695 000 Mme Marine Le Pen : 7 678 491 M. Emmanuel Macron : 8 656 346 M. Benoît Hamon : 2 291 288 Mme Nathalie Arthaud : 232 384 M. Philippe Poutou : 394 505 M. Jacques Cheminade : 65 586 M. Jean Lassalle : 435 301 M. Jean-Luc Mélenchon : 7 059 951 M. François Asselineau : 332 547 M. François Fillon : 7 212 995 Article 2. - La proclamation des résultats de l'ensemble de l'élection interviendra dans les conditions prévues par le décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus. Article 3. - La présente déclaration sera publiée sans délai au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 24, 25 et 26 avril 2017 où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 26 avril 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la déclaration du Conseil constitutionnel de ce jour faisant connaître les résultats du premier tour ; 1. Chacun des deux candidats habilités à se présenter au second tour a porté à la connaissance du Conseil constitutionnel qu'il maintenait sa candidature. Article 1er. - Les deux candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République sont : Monsieur Emmanuel MACRON et Madame Marine LE PEN. Article 2. - La présente décision sera publiée sans délai au Journal officiel et notifiée, par les soins du Gouvernement, aux représentants de l'État dans les départements, en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux ambassadeurs et aux chefs de poste consulaire. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 avril 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 26 avril 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 mars 2017 par le Conseil d'État (décision n° 405647 du 3 mars 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l'association pour la gratuité du pont de l'île d'Oléron. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-631 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 321-11 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association requérante par Me Manuel Delamarre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 mars 2017 ; - les observations présentées pour le département de la Charente-Maritime, partie en défense, par Me Bernard de Froment, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 27 mars et 12 avril 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 mars 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Delamarre, pour l'association requérante, Me de Froment, pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 16 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 321-11 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 mai 2013 mentionnée ci-dessus, prévoit :« À la demande de la majorité des communes ou des groupements de communes compétents en matière d'aménagement, d'urbanisme ou d'environnement d'une île maritime reliée au continent par un ouvrage d'art, le conseil départemental peut instituer un droit départemental de passage dû par les passagers de chaque véhicule terrestre à moteur empruntant cet ouvrage entre le continent et l'île. « Le droit mentionné au premier alinéa est établi et recouvré au profit du département. Il peut être perçu par l'exploitant de l'ouvrage en vue du reversement au département. « Le montant de ce droit est fixé par le conseil départemental après accord avec la majorité des communes et groupements de communes mentionnés au premier alinéa. « Le montant du droit de passage est au plus égal au produit d'un montant forfaitaire de 20 € par un coefficient, compris entre 0,2 et 3, en fonction de la classe du véhicule déterminée d'après sa silhouette, appréciée en tenant compte, s'il y a lieu, de la présence d'une remorque tractée et de ses caractéristiques techniques. « Lorsqu'est perçu le droit départemental mentionné au premier alinéa, l'usage de l'ouvrage d'art entre le continent et l'île peut en outre donner lieu à la perception d'une redevance pour services rendus par le maître de l'ouvrage en vue d'assurer le coût de son entretien et de son exploitation. Ces dispositions sont exclusives de l'application de l'article 56 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. « Lorsqu'il y a versement d'une redevance pour services rendus, le montant du droit départemental de passage mentionné au premier alinéa du présent article est calculé de telle sorte que le montant total perçu, lors du passage d'un véhicule, ne puisse excéder trois fois le montant forfaitaire mentionné au quatrième alinéa. « Le cas échéant, les frais de perception du droit départemental de passage et de la redevance pour services rendus s'imputent à due concurrence sur les produits de ceux-ci. « La délibération du conseil départemental sur le droit de passage peut prévoir des tarifs différents ou la gratuité, sans préjudice de la modulation éventuelle de la redevance d'usage, selon les diverses catégories d'usagers pour tenir compte soit d'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les espaces naturels protégés, soit de la situation particulière de certains usagers et, notamment, de ceux qui ont leur domicile ou leur lieu de travail dans l'île concernée, ou leur domicile dans le département concerné, soit de l'accomplissement d'une mission de service public. « Le produit du droit départemental de passage est inscrit au budget du département après déduction des coûts liés à sa perception ainsi que des coûts liés aux opérations de gestion et de protection des espaces naturels insulaires dont le département est le maître d'ouvrage ; les sommes correspondantes sont destinées au financement de mesures de protection et de gestion des espaces naturels insulaires ainsi que du développement de transports en commun fonctionnant avec des véhicules propres, dans le cadre d'une convention conclue entre le préfet, le conseil départemental et les communes et les groupements de communes. La fraction du produit revenant aux communes et groupements concernés en application de cette convention leur est reversée par le département. Les collectivités peuvent rétrocéder tout ou partie de ces sommes aux gestionnaires des espaces naturels protégés mentionnés au huitième alinéa, dans le cadre d'une convention conclue à cet effet. « Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article ». 2. L'association requérante soutient, en premier lieu, que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques, au motif que les critères retenus pour moduler le montant du droit départemental de passage sur un pont reliant une île maritime au continent ne seraient ni objectifs ni rationnels au regard de la finalité de diminution de l'impact environnemental du transport routier poursuivie par le législateur. D'une part, le critère de la « silhouette » des véhicules ne permettrait pas de prendre en compte leur caractère plus ou moins polluant. D'autre part, la possibilité d'accorder des tarifs différents ou la gratuité aux usagers ayant leur domicile ou leur lieu de travail dans l'île, à ceux ayant leur domicile dans le département ou à ceux accomplissant une mission de service public, serait dénuée de lien avec l'objectif poursuivi. L'association requérante soutient, en second lieu, que le montant du droit départemental de passage porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les quatrième et huitième alinéas de l'article L. 321-11 du code de l'environnement. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques : 4. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. En application du premier alinéa de l'article L. 321-11 du code de l'environnement, le conseil départemental peut, à la demande de la majorité des communes ou des groupements de communes compétents en matière d'aménagement, d'urbanisme ou d'environnement d'une île maritime reliée au continent par un ouvrage d'art, instituer un droit départemental de passage dû par les passagers de chaque véhicule terrestre à moteur empruntant cet ouvrage d'art entre le continent et l'île. En vertu du quatrième alinéa de l'article L. 321-11, le montant de ce droit est déterminé, sans pouvoir excéder soixante euros, en fonction de la silhouette du véhicule, appréciée en tenant compte, s'il y a lieu, de la présence d'une remorque tractée et de ses caractéristiques techniques. Le huitième alinéa permet d'établir des tarifs différents ou la gratuité au profit de certaines catégories d'usagers, afin de tenir compte notamment de l'accomplissement d'une mission de service public ou de la situation particulière de certains usagers, tels que ceux ayant leur domicile ou leur lieu de travail dans l'île et ceux ayant leur domicile dans le département. 6. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires qu'en instituant l'imposition prévue à l'article L. 321-11 le législateur a entendu limiter le trafic routier dans les îles maritimes reliées au continent par un ouvrage d'art et préserver l'environnement. 7. En second lieu, d'une part, en prévoyant la modulation du montant du droit départemental de passage en fonction de la « silhouette » des véhicules, les dispositions contestées permettent de prendre en compte, au regard de l'emprise au sol et du gabarit des véhicules, leur impact sur le trafic routier et sur l'environnement. 8. D'autre part, en permettant d'accorder des tarifs différents ou la gratuité aux usagers domiciliés ou travaillant dans l'île et à ceux ayant leur domicile dans le département, le législateur a entendu tenir compte de la fréquence particulière à laquelle ces usagers sont susceptibles d'emprunter l'ouvrage d'art, qui les place dans une situation différente de celle des autres usagers. En procédant de même s'agissant des usagers accomplissant une mission de service public, il a souhaité ne pas entraver l'exercice d'une telle mission. 9. Par conséquent, pour déterminer les conditions de modulation du montant du droit départemental de passage, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit ainsi être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'aller et de venir : 10. La liberté d'aller et de venir est protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté par l'institution d'une imposition doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 11. En premier lieu, en instituant le droit départemental de passage afin de limiter le trafic routier et de préserver l'environnement, le législateur a poursuivi un but d'intérêt général. 12. En second lieu, d'une part, en vertu du premier alinéa de l'article L. 321-11 du code de l'environnement, seuls les passagers des véhicules terrestres à moteur sont redevables de l'imposition. Ceux utilisant d'autres moyens de transport pour se rendre sur l'île n'y sont pas soumis. D'autre part, le montant maximum du droit départemental de passage ne peut être regardé comme excessif. 13. Dès lors, le législateur n'a pas porté à la liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté. 14. Par conséquent, les quatrième et huitième alinéas de l'article L. 321-11 du code de l'environnement, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les quatrième et huitième alinéas de l'article L. 321-11 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mai 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 24 mai 2017.
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Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes mentionnés ci-dessus ; - la déclaration du Conseil constitutionnel du 26 avril 2017 relative aux résultats du premier tour de scrutin de l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel du 26 avril 2017 arrêtant la liste des candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République ; Au vu de la décision du Conseil constitutionnel du 10 mai 2012 proclamant M. François HOLLANDE Président de la République et de la date à laquelle celui-ci a pris ses fonctions ; Au vu des pièces suivantes : - les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ; - les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 7 de la loi organique du 31 janvier 1976 mentionnée ci-dessus ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ; - les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ; - les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ; Après avoir entendu les rapporteurs ; Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les opérations électorales : 1. Dans la commune de Nice (Alpes-Maritimes), la composition du bureau de vote n° 208, dans lequel 474 suffrages ont été exprimés, ne respectait pas, en l'absence d'assesseur, les conditions prévues par l'article R. 42 du code électoral. Cette irrégularité s'étant poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 2. Dans le bureau de vote n° 105 de la commune de Toulouse (Haute-Garonne), dans lequel 350 suffrages ont été exprimés, dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Besné (Loire-Atlantique), dans lequel 789 suffrages ont été exprimés, dans les bureaux de vote nos 3, 4 et 6 de la commune de Pontchâteau (Loire-Atlantique), dans lesquels ont été respectivement exprimés 609, 822 et 623 suffrages, et dans les bureaux de vote nos 8 et 9 de la commune des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), dans lesquels ont été respectivement exprimés 473 et 558 suffrages, les magistrats délégués du Conseil constitutionnel ont constaté, lors de leur passage, qu'un seul des membres du bureau de vote était présent, contrairement aux dispositions de l'article R. 42 du code électoral. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces bureaux. 3. Dans la commune de Wallon-Cappel (Nord), dans laquelle 518 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'aucun des membres constituant le bureau de vote n'était présent. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 4. Dans les sept bureaux de vote de la commune de Savenay (Loire-Atlantique), dans lesquels 4 197 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'aucun membre du bureau de vote n'était présent. Ces bureaux étaient tenus par des personnes non désignées à cet effet. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 5. Dans les communes de Canteleux et de Guinecourt (Pas-de-Calais), dans lesquelles respectivement 8 et 12 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, à 15 heures pour la première commune et à 17 heures pour la seconde, que l'unique bureau de vote était fermé. Le président de chaque bureau de vote a ainsi contrevenu aux dispositions du paragraphe II bis de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus, en vertu desquelles le scrutin ne peut être clos avant 19 heures. Une telle irrégularité ayant été, en l'espèce, de nature à empêcher des électeurs d'exercer leur droit de suffrage, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes. 6. Dans les quatre bureaux de vote de la commune de Millas (Pyrénées-Orientales), dans lesquels 1 966 suffrages ont été exprimés, dans les communes de Montbel (Ariège), de Vaudreville (Manche), de La Chapelle-sur-Usson (Puy-de-Dôme) et de Maconcourt (Vosges), dans lesquelles ont été respectivement exprimés 47, 46, 41 et 51 suffrages, des bulletins blancs étaient déposés sur la table à l'entrée de la salle de scrutin à côté des bulletins de vote des deux candidats, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 58 du code électoral. La présence de documents autres que les bulletins de vote des candidats constitue une irrégularité de nature à influencer les électeurs et à porter atteinte à la sincérité du scrutin. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes. 7. Dans le bureau de vote n° 5 de la commune de Mamoudzou (Mayotte), dans lequel 195 suffrages ont été exprimés, plusieurs enveloppes contenant déjà un bulletin au nom de l'un des candidats ont été mises à disposition des électeurs. Alerté sur cette situation par un électeur et par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, le président du bureau de vote, qui a la responsabilité de veiller à la régularité du scrutin, n'a pas mentionné cette irrégularité au procès-verbal des opérations de vote. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 8. Dans le bureau de vote n° 11 de la commune de Bastia (Haute-Corse) dans lequel 363 suffrages ont été exprimés, le président du bureau était en possession des deux clefs de l'urne et a en outre tenté de dissimuler cette irrégularité au magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 9. Dans le bureau de vote n° 17 de la commune de Bastia (Haute-Corse), dans lequel 454 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage en fin d'après-midi, que l'urne était ouverte de sorte qu'il était possible d'y introduire des bulletins par une autre ouverture que celle prévue à cette fin. Une telle irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 10. Dans la commune d'Évrecy (Calvados), dans laquelle 441 suffrages ont été exprimés, les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité, qui s'est déroulée jusqu'à peu avant la clôture des opérations de vote, a été constatée par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 11. Dans la commune de Vendœuvres (Indre), dans lequel 637 suffrages ont été exprimés, les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel auxquelles le président du bureau de vote a refusé de donner suite. Dès lors, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 12. Dans le bureau de vote n° 4 de la commune de Givors (Rhône), dans lequel ont été exprimés 449 suffrages, il a été procédé aux opérations de dépouillement hors la présence des électeurs, qui se sont vu refuser l'accès au bureau à compter de la clôture du scrutin, en méconnaissance des articles L. 65 et R. 63 du code électoral. Les électeurs ont ainsi été privés, sans justification, de la possibilité d'exercer leur droit à surveiller le dépouillement des votes. En raison de cette méconnaissance de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 13. Dans les bureaux de vote nos 1 et 2 de la commune de Sainte-Foy (Vendée), dans lesquels ont été respectivement exprimés 633 et 545 suffrages, il a été procédé aux opérations de dépouillement en méconnaissance des dispositions de l'article L. 65 du code électoral, sans double contrôle ni lecture à haute voix des bulletins dépouillés, ni comptage des bulletins au fur et à mesure du dépouillement. Ces manquements rendent impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces bureaux. 14. Les listes d'émargement des bureaux de vote des communes de Fontaines et d'Asquins (Yonne), dans lesquelles ont été respectivement exprimés 253 et 186 suffrages, n'ont pas été transmises à la préfecture après le dépouillement du scrutin, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes. 15. Dans le bureau de vote n° 2 de la commune d'Appoigny (Yonne), dans lequel 638 suffrages ont été exprimés, la liste d'émargement du bureau de vote fait apparaître des signatures similaires pour l'ensemble des votants. Cette irrégularité est de nature à affecter la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau. 16. La commune de Lagamas (Hérault), dans laquelle 89 suffrages ont été exprimés, a transmis à la préfecture après le dépouillement du scrutin un procès-verbal des opérations de vote incomplet, sans dénombrement des enveloppes et bulletins dépourvus d'enveloppe trouvés dans l'urne, des bulletins blancs et des suffrages exprimés, et n'a pas non plus joint les feuilles de pointage, en méconnaissance des articles L. 68, R. 67 et R. 68 du code électoral. Ces manquements rendent impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. - Sur l'ensemble des résultats du scrutin : 17. Les résultats du second tour pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les 6 et 7 mai 2017, sont les suivants : Électeurs inscrits : 47 568 693 Votants : 35 467 327 Bulletins blancs : 3 021 499 Suffrages exprimés : 31 381 603 Majorité absolue : 15 690 802 Ont obtenu : M. Emmanuel Macron : 20 743 128 Mme Marine Le Pen : 10 638 475 Ainsi, M. Emmanuel MACRON a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés requise pour être proclamé élu. EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL PROCLAME M. Emmanuel MACRON élu Président de la République française. Il prendra ses fonctions à compter de la cessation de celles de M. François HOLLANDE, laquelle, en vertu de l'article 6 de la Constitution, aura lieu, au plus tard, le 14 mai 2017 à 24 heures. Les résultats de l'élection seront publiés au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 8, 9 et 10 mai 2017 où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 10 mai 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 2 mars 2017 par le Conseil d'État (décision n° 406024 du 1er mars 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société FB Finance par Me Guillaume Lefebvre, avocat au barreau de Lille. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-629 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante, par Me Lefebvre, enregistrées le 23 mars 2017, et par Me Lefebvre et Me Rodolphe Mossé, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 10 avril 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 24 mars et 10 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société de l'Hôtel de la Cité, par Me Mossé, enregistrées le 2 mars 2017, et par Mes Lefebvre et Mossé, enregistrées le 10 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour les sociétés Descours et Cabaud et autres, par Me Mossé, enregistrées le 6 mars 2017, et par Mes Lefebvre et Mossé, enregistrées le 10 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour les sociétés Thuasne Management et autres, par Me Mossé, enregistrées le 6 mars 2017, et par Mes Lefebvre et Mossé, enregistrées 10 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Sogea Sud Ouest Hydraulique, par Me Laurent Chatel, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 14 mars 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Bulteau System Distribution, par Me Lefebvre, enregistrées le 24 mars 2017 , et par Mes Lefebvre et Mossé, enregistrées le 10 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Holding Groupe Bulteau, par Me Lefebvre, enregistrées le 24 mars 2017, et par Mes Lefebvre et Mossé enregistrées le 10 avril 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Mossé, pour la société requérante et pour les sociétés de l'Hôtel de la Cité, Descours et Cabaud, Thuasne Management, Bulteau System Distribution, Holding Groupe Bulteau et autres, parties intervenantes, Me Chatel, pour la société Sogea Sud Ouest Hydraulique, partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 2 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'un litige relatif à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due au titre des années 2011 à 2013. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2010 mentionnée ci-dessus. 2. Le premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit :« Lorsqu'une société est membre d'un groupe mentionné à l'article 223 A, le chiffre d'affaires à retenir pour l'application du I s'entend de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe ». 3. La société requérante et les parties intervenantes soutiennent qu'en traitant différemment, pour la détermination du taux effectif de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les sociétés membres d'un groupe, selon que celui-ci relève ou non du régime de l'intégration fiscale, les dispositions contestées méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Serait également méconnue la garantie des droits, proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 à un double titre. D'une part, les dispositions contestées s'appliqueraient de manière rétroactive aux sociétés ayant déjà opté pour le régime de l'intégration fiscale. D'autre part, elles priveraient les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré des effets qu'elles pouvaient attendre du mécanisme de dégrèvement transitoire pour la contribution économique territoriale. - Sur le fond : 4. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 5. En vertu de l'article 1586 ter du code général des impôts, les personnes qui exercent une activité soumise à la cotisation foncière des entreprises et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont assujetties à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Cette imposition est assise sur la valeur ajoutée produite par l'entreprise et s'applique au taux de 1,5 %. Toutefois, l'entreprise peut bénéficier du dégrèvement institué par le paragraphe I de l'article 1586 quater du même code, égal à la différence entre, d'une part, le montant de la cotisation calculée au taux de 1,5 % et, d'autre part, l'application à la valeur ajoutée produite d'un taux fonction de son chiffre d'affaires. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises s'applique ainsi selon un barème progressif, qui comprend cinq tranches en fonction du chiffre d'affaires. 6. L'article 223 A du code général des impôts permet à une société, sur option, de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et par les sociétés dont elle détient, directement ou indirectement, au moins 95 % du capital. 7. Les dispositions contestées prévoient que, pour les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré au sens de cet article 223 A et dont le chiffre d'affaires consolidé est supérieur ou égal à 7 630 000 euros, le dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est calculé selon des modalités spécifiques. Dans ce cas, même si l'imposition est assise sur la valeur ajoutée de chaque société, le chiffre d'affaires à retenir pour déterminer le taux s'entend de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe. 8. Ainsi, les sociétés appartenant à un groupe dans lequel la condition de détention de 95 % fixée par l'article 223 A est remplie font l'objet d'un traitement différent, selon que ce groupe relève ou non du régime de l'intégration fiscale. 9. Or, en premier lieu, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est une imposition distincte de l'impôt sur les sociétés. Les modalités spécifiques de calcul du dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée instituées par les dispositions contestées sont donc sans lien avec le régime de l'intégration fiscale, qui a pour objet, en matière d'impôt sur les sociétés, de compenser, au titre d'un même exercice, les résultats bénéficiaires et déficitaires des sociétés membres du groupe. Par conséquent, lorsque la condition de détention mentionnée ci-dessus est satisfaite, les sociétés appartenant à un groupe sont placées, au regard de l'objet de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dans la même situation, que ce groupe relève ou non du régime de l'intégration fiscale. 10. En second lieu, en instituant des modalités spécifiques de calcul du dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré, le législateur a entendu faire obstacle à la réalisation d'opérations de restructuration aux fins de réduire le montant de cette cotisation dû par l'ensemble des sociétés du groupe grâce à une répartition différente du chiffre d'affaires en son sein. Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. Toutefois, s'il pouvait, à cet effet, prévoir des modalités de calcul du dégrèvement spécifiques aux sociétés appartenant à un groupe, lorsque la condition de détention mentionnée ci-dessus est satisfaite, il ne pouvait distinguer entre ces groupes selon qu'ils relèvent ou non du régime de l'intégration fiscale, dès lors qu'ils peuvent tous réaliser de telles opérations de restructuration. Le critère de l'option en faveur du régime de l'intégration fiscale n'est donc pas en adéquation avec l'objet de la loi. Par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées méconnaît le principe d'égalité devant la loi. 11. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, le premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts doit être déclaré contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 12. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 13. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date, sous réserve du respect des délais et conditions prévus par le livre des procédures fiscales. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 13 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 mai 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 19 mai 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 2 mars 2017 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 400 du 1 mars 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Olivier D. par Me Jérôme Hercé, avocat au barreau de Rouen. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-630 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifiée par la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Gaschignard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 20 avril 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 24 mars 2017 ; - les observations en intervention présentées pour M. Richard N. et autres par Me François Dangléhant, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, enregistrées les 13 mars, 20 et 28 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées par M. Bernard K., enregistrées le 14 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées par Mme Marine G., enregistrées le 23 mars 2017 ; - les observations en intervention présentées par M. Wilfried P., enregistrées les 24 mars et 20 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées par M. Philippe K., enregistrées les 24 mars et 20 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées par M. Christophe-Noël O., enregistrées les 24 mars et 20 avril 2017 ; - les observations en intervention présentées, pour l'Ordre des avocats de Paris, par Me Frédéric Sicard, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 24 mars 2017 ; - les observations en intervention présentées, pour le Conseil national des barreaux, par Me Pascal Eydoux, avocat au barreau de Grenoble, enregistrées le 24 mars 2017 ; - la demande de récusation et les observations présentées au soutien de cette demande pour M. Wilfried P. et pour M. François D., par Me Dangléhant, enregistrée le 20 avril 2017, réitérée le 27 avril 2017, et examinée par le Conseil constitutionnel le 2 mai 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Hercé, pour le requérant, Me Dangléhant, Me Anne Gréco avocat au barreau de Paris, Me Christophe-Noël Oberdorff, avocat au barreau de Lyon, Me Wilfried Paris, avocat au barreau de Rouen, Mes Philippe Krikorian et Bernard Kuchukian, avocats au barreau de Marseille, et Me Sicard, pour les parties intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 2 mai 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du 2° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 25 janvier 2011, mentionnées ci-dessus. 2. En vertu de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971, dans cette rédaction, des décrets en Conseil d'État fixent les conditions d'application du titre premier de cette loi, intitulé « Création et organisation de la nouvelle profession d'avocat ». Le 2° de cet article prévoit que ces décrets présentent notamment : « Les règles de déontologie ainsi que la procédure et les sanctions disciplinaires ». 3. Le requérant et certaines parties intervenantes soutiennent que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe de légalité des peines et seraient entachées d'incompétence négative. Ils font valoir que, si ces dispositions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2011 visée ci-dessus, la décision du Conseil constitutionnel du 28 mars 2014 également visée ci-dessus constituerait un changement des circonstances justifiant leur réexamen. En effet, selon eux, dans cette dernière décision, le Conseil constitutionnel aurait étendu le champ d'application du principe de légalité des peines à la matière disciplinaire, ce qui interdirait au pouvoir réglementaire de fixer les sanctions disciplinaires applicables aux avocats. 4. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances. 5. En premier lieu, dans sa décision du 29 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les dispositions du 2° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971. Il les a déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision. Le Conseil constitutionnel a notamment jugé qu'en renvoyant au décret le soin de fixer les sanctions disciplinaires applicables aux avocats, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. Or, ces dispositions sont identiques à celles contestées par le requérant dans la présente question prioritaire de constitutionnalité. 6. En second lieu, d'une part, selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Le Conseil constitutionnel juge, de manière constante, et antérieurement à sa décision du 29 septembre 2011, que le principe de légalité des peines, qui découle de cet article, s'applique à toute sanction ayant le caractère d'une punition et non aux seules peines prononcées par les juridictions répressives. En vertu de ce principe, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer les sanctions ayant le caractère d'une punition en des termes suffisamment clairs et précis. 7. D'autre part, dans sa décision du 28 mars 2014, le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe de légalité des peines impose au législateur de fixer les sanctions disciplinaires en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ». Saisi de dispositions législatives prévoyant les peines disciplinaires applicables à certaines professions réglementées, il a ainsi rappelé qu'il incombait au législateur, dans une telle hypothèse, de respecter le principe de légalité des peines. 8. Par conséquent, il ne résulte de cette décision ni une modification de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire, ni une modification de la portée du principe de légalité des peines lorsqu'il s'applique à une sanction disciplinaire ayant le caractère d'une punition. Dès lors, la décision du Conseil constitutionnel du 28 mars 2014 ne constitue pas un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées, dont le seul objet est le renvoi au pouvoir réglementaire de la compétence pour fixer les sanctions disciplinaires des avocats. 9. Il résulte de tout ce qui précède que, en l'absence d'un changement des circonstances, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité relative au 2° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 mai 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 19 mai 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 404240 du 28 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour les sociétés Le Clos Teddi et La Cave Lazzarini par la SCP Tomasi, Santini, Vaccarezza, Bronzini de Caraffa, Taboureau, avocat au barreau de Bastia. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-621 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code du travail ; - la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les sociétés requérantes par Me Angeline Tomasi, avocat au barreau de Bastia, enregistrées le 6 février 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 23 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Benoît Bronzini de Caraffa, avocat au barreau de Bastia, pour les sociétés requérantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. « L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. « Elle est recouvrée par l'État comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. « Les sommes recouvrées par l'État pour le compte de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui sont reversées dans la limite du plafond fixé au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. L'État prélève 4 % des sommes reversées au titre des frais de recouvrement ». 2. Les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions, qui n'excluent pas leur application cumulative avec celles de l'article L. 8256-2 du code du travail et permettent ainsi qu'un employeur soit poursuivi et sanctionné deux fois pour les mêmes faits, sont contraires aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa de l'article L. 8253-1 du code du travail. 4. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 5. L'article L. 8253-1 du code du travail oblige l'employeur d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France à acquitter une contribution spéciale, dont le montant est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du salaire minimum garanti. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. 6. L'article L. 8256-2 du code du travail punit ces mêmes faits d'une peine d'emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros. Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. Les personnes morales encourent le quintuple de l'amende. Par ailleurs, en vertu des articles L. 8256-3 et L. 8256-7 du même code, la peine peut être assortie de peines complémentaires, comme l'interdiction d'exercer pour une durée de cinq ans au plus, l'exclusion des marchés publics, la confiscation ainsi que, pour les personnes morales, la dissolution. 7. Les sanctions pécuniaires pouvant être prononcées contre l'employeur d'étrangers non autorisés à travailler, sur le fondement des dispositions contestées et de l'article L. 8256-2 du code du travail, sont comparables dans leur montant. En revanche, le juge pénal peut condamner l'auteur d'une telle infraction à une peine d'emprisonnement ou, s'il s'agit d'une personne morale, à une peine de dissolution, ainsi qu'à plusieurs peines complémentaires. Il résulte de ce qui précède que les faits prévus et réprimés par les articles précités doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions de nature différente. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité et de proportionnalité des peines doit donc être écarté. 8. Le premier alinéa de l'article L. 8253-1 du code du travail, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa de l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 30 mars 2017. .
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 janvier 2017 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 347 du 25 janvier 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Amadou S. par Me Michaël Bendavid, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-625 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 421-2-6 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, et de l'article 421-5 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code pénal ; - la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Bendavid, enregistrées les 21 février et 8 mars 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 21 février 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la Ligue des droits de l'Homme par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 février et 8 mars 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Bendavid, pour le requérant, Me François Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 28 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée lors de poursuites pénales pour des faits commis en 2015. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 421-5 du code pénal dans sa rédaction résultant de la loi du 13 novembre 2014 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 421-2-6 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 13 novembre 2014, prévoit : « I. - Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d'une des infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur et qu'elle est caractérisée par : « 1° Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ; « 2° Et l'un des autres faits matériels suivants : « a) Recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ; « b) S'entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l'utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d'aéronefs ou à la conduite de navires ; « c) Consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ; « d) Avoir séjourné à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. « II. - Le I s'applique à la préparation de la commission des infractions suivantes : « 1° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l'article 421-1 ; « 2° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article 421-1, lorsque l'acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes ; « 3° Soit un des actes de terrorisme mentionnés à l'article 421-2, lorsque l'acte préparé est susceptible d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes ». 3. L'article 421-5 du code pénal, dans cette même rédaction, prévoit : « Les actes de terrorisme définis aux articles 421-2-1 et 421-2-2 sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende. « Le fait de diriger ou d'organiser le groupement ou l'entente défini à l'article 421-2-1 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 500 000 euros d'amende. « La tentative du délit défini à l'article 421-2-2 est punie des mêmes peines. « L'acte de terrorisme défini à l'article 421-2-6 est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende. « Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article ». 4. Le requérant et l'association intervenante soutiennent que ces dispositions, qui instituent le délit d'« entreprise individuelle terroriste », méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines dès lors que ses éléments constitutifs ne seraient pas définis de manière précise et qu'ils incrimineraient de très nombreux comportements. Selon eux, ces dispositions contreviendraient également au principe de nécessité des délits et des peines dans la mesure où, d'une part, le législateur réprime des faits qui ne seraient pas susceptibles de conduire à la commission d'actes de terrorisme et où, d'autre part, l'infraction contestée sanctionnerait seulement une intention. Enfin, ces dispositions méconnaîtraient le principe de proportionnalité des peines. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 421-2-6 du code pénal et sur le quatrième alinéa de l'article 421-5 du même code. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines : 6. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. 7. Les dispositions contestées répriment le fait de préparer, de manière individuelle, la commission d'un acte terroriste. Ce délit est constitué dès lors que plusieurs éléments sont réunis. 8. D'une part, la personne doit préparer la commission d'une des infractions suivantes : une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne, un enlèvement, une séquestration ou un détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du code pénal ; une destruction, dégradation ou détérioration d'un bien, par substances explosives ou incendiaires, lorsqu'elle est réalisée dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes, définie par le livre III du code pénal ; l'introduction dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, d'une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel, lorsque l'acte préparé est susceptible d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes. En outre, la préparation de la commission de cette infraction doit être intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. 9. D'autre part, cette préparation doit être caractérisée par la réunion de deux faits matériels. La personne doit détenir, rechercher, se procurer ou fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui. Elle doit également avoir commis l'un des faits suivants : avoir recueilli des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou avoir exercé une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ; s'entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l'utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d'aéronefs ou à la conduite de navires ; consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ; avoir séjourné à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes. 10. En premier lieu, d'une part, les infractions dont la commission doit être préparée pour que le délit contesté soit constitué sont clairement définies par le paragraphe II de l'article 421-2-6 et par les dispositions du code pénal auxquelles cet article renvoie. D'autre part, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 3 septembre 1986 mentionnée ci-dessus, la notion d'entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur est énoncée en des termes d'une précision suffisante pour qu'il n'y ait pas méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. 11. En second lieu, les faits matériels susceptibles de caractériser un acte préparatoire sont également définis avec suffisamment de précision pour que les comportements incriminés soient clairement identifiables. 12. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines : 13. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... ». L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. Le législateur ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, réprimer la seule intention délictueuse ou criminelle. 14. En premier lieu, les dispositions contestées ne répriment ni l'exécution ni le commencement d'exécution d'un acte délictueux ou criminel mais les actes préparatoires à celui-ci. 15. Cependant, d'une part, le législateur a limité le champ du délit contesté aux actes préparatoires à la commission d'une infraction portant atteinte à la personne humaine et s'inscrivant dans une volonté terroriste. 16. D'autre part, le délit réprimé par les dispositions contestées ne peut être constitué que si plusieurs faits matériels ont été constatés et que s'il est établi que ces faits caractérisent la préparation d'une infraction à caractère terroriste. À cet égard, la preuve de l'intention de l'auteur des faits de préparer une infraction en relation avec une entreprise individuelle terroriste ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, résulter des seuls faits matériels retenus comme actes préparatoires, au titre des 1° et 2° du paragraphe I de l'article 421-2-6 du code pénal. Enfin, ces faits matériels doivent corroborer cette intention. 17. En revanche, en retenant au titre des faits matériels pouvant constituer un acte préparatoire le fait de « rechercher … des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui », sans circonscrire les actes pouvant constituer une telle recherche dans le cadre d'une entreprise individuelle terroriste, le législateur a permis que soient réprimés des actes ne matérialisant pas, en eux-mêmes, la volonté de préparer une infraction. 18. Il résulte de ce qui précède que les mots « de rechercher, » figurant au 1° du paragraphe I de l'article 421-2-6 sont manifestement contraires au principe de nécessité des délits et des peines. Ils doivent être déclarés contraires à la Constitution. En revanche, eu égard à la gravité toute particulière que revêtent par nature les actes de terrorisme et alors même que les dispositions contestées répriment de simples actes préparatoires à la commission d'une infraction, le reste de l'article 421-2-6, sous la réserve énoncée au paragraphe 16, ne méconnaît pas le principe de nécessité des délits et des peines. 19. En second lieu, en punissant de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende la préparation d'actes susceptibles de constituer des atteintes à la personne humaine en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, le législateur n'a pas institué une peine manifestement disproportionnée. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit être écarté. 20. Le reste de l'article 421-2-6 du code pénal, sous la réserve énoncée au paragraphe 16, et le quatrième alinéa de l'article 421-5 du même code, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 21. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 22. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de la publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « de rechercher, » figurant au 1° du paragraphe I de l'article 421-2-6 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 22 de cette décision. Article 3. - Le quatrième alinéa de l'article 421-5 du code pénal dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme est conforme à la Constitution. Article 4. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 16, les autres dispositions de l'article 421-2-6 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme sont conformes à la Constitution. Article 5. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 avril 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 7 avril 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 404690 du 23 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société EDI-TV par Me Éric Meier, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-620 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mots « ou aux régisseurs de messages publicitaires » figurant à la première phrase du paragraphe II de l'article 302 bis KG du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Me Meier, enregistrées les 3 et 10 février 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 23 janvier 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Meier, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été posée à l'occasion d'une requête tendant à la restitution de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision due au titre de l'année 2015. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des mots « ou aux régisseurs de messages publicitaires » figurant à la première phrase du paragraphe II de l'article 302 bis KG du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 15 novembre 2013 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 302 bis KG du code général des impôts, dans cette rédaction, institue une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision due par tout éditeur de services de télévision établi en France. Son paragraphe II prévoit que cette taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes versées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires, aux éditeurs de services de télévision « ou aux régisseurs de messages publicitaires ». 3. La société requérante soutient que les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques, au motif que la taxe à laquelle elles soumettent les éditeurs de services de télévision est en partie assise sur des sommes perçues par des tiers, les régisseurs de messages publicitaires. Cette taxe serait ainsi établie sans tenir compte des facultés contributives de ses redevables. - Sur le fond : 4. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs. 6. Les dispositions contestées incluent dans l'assiette de la taxe dont sont redevables les éditeurs de services de télévision les sommes versées par les annonceurs aux régisseurs de messages publicitaires. Elles ont ainsi pour effet de soumettre un contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas. 7. En posant le principe de l'assujettissement, dans tous les cas et quelles que soient les circonstances, des éditeurs de services de télévision au paiement d'une taxe assise sur des sommes dont ils ne disposent pas, le législateur a méconnu les exigences résultant de l'article 13 de la Déclaration de 1789. 8. Par conséquent, les mots « ou aux régisseurs de messages publicitaires » figurant à la première phrase du paragraphe II de l'article 302 bis KG du code général des impôts doivent être déclarés contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 9. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 10. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Toutefois, elle ne peut être invoquée à l'encontre des impositions qui n'ont pas été contestées avant cette date. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « ou aux régisseurs de messages publicitaires » figurant à la première phrase du paragraphe II de l'article 302 bis KG du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 10 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 30 mars 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2016-135 ORGA du Conseil constitutionnel du 8 septembre 2016 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; - les décisions du Conseil constitutionnel n° 2017-158 PDR du 1er mars 2017, n° 2017-159 PDR du 3 mars 2017, n° 2017-160 PDR du 7 mars 2017, n° 2017-161 PDR du 10 mars 2017, n° 2017-162 PDR du 14 mars 2017 et n° 2017-164 PDR du 18 mars 2017 ayant arrêté les listes des citoyens habilités ayant présenté des candidats à l'élection du Président de la République ; Ayant examiné les formulaires de présentation qui lui ont été adressés à partir du 24 février 2017 et qui lui sont parvenus au plus tard le 17 mars 2017 à dix-huit heures, conformément à l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus et à l'article 2 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste définitive des citoyens qui ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 avril 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 janvier 2017 par le Conseil d'État (décision n° 401742 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour le Conseil national des barreaux par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-623 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, du 20° du paragraphe I de l'article 258 de la même loi et des articles L. 1453-5, L. 1453-6, L. 1453-7, L. 1453-8 et L. 1453-9, du 19° de l'article L. 2411-1, de l'article L. 2411-24, du 15° de l'article L. 2412-1, de l'article L. 2412-15, du 15° de l'article L. 2413-1, du 12° de l'article L. 2414-1, du 6° de l'article L. 2421-2 et de l'article L. 2439-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de la même loi. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code pénal ; - le code du travail ; - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; - la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Le Prado, enregistrées les 9 et 24 février 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 9 et 24 février 2017 ; - les observations en intervention présentées pour la société Cedyo par Me Henri Christophe, avocat au barreau de Roanne, enregistrées le 27 janvier 2017 ; - les observations en intervention présentées pour M. Pierre-François ROUSSEAU par Me Charles Cuny, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 8 février 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Le Prado, pour le requérant, Mes Christophe et Cuny, pour les parties intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 28 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2015 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Un défenseur syndical exerce des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale. « Il est inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions définies par décret ». 2. Le 20° du paragraphe I de l'article 258 de la loi du 6 août 2015 prévoit : « L'article L. 1453-2 est ainsi modifié : « a) Au premier alinéa, les mots : « la section ou, lorsque celle-ci est divisée en chambres, devant la chambre à laquelle » sont remplacés par les mots : « le conseil de prud'hommes auquel » ; « b) Le second alinéa est supprimé ». 3. L'article L. 1453-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, prévoit : « Dans les établissements d'au moins onze salariés, le défenseur syndical dispose du temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions, dans la limite de dix heures par mois ». 4. L'article L. 1453-6 du même code, dans cette même rédaction, prévoit : « Le temps passé par le défenseur syndical hors de l'entreprise pendant les heures de travail pour l'exercice de sa mission est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi qu'au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l'entreprise. « Ces absences sont rémunérées par l'employeur et n'entraînent aucune diminution des rémunérations et avantages correspondants. « Les employeurs sont remboursés par l'État des salaires maintenus pendant les absences du défenseur syndical pour l'exercice de sa mission ainsi que des avantages et des charges sociales correspondants. « Un décret détermine les modalités d'indemnisation du défenseur syndical qui exerce son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou qui dépend de plusieurs employeurs ». 5. L'article L. 1453-7 du même code, dans cette même rédaction, prévoit : « L'employeur accorde au défenseur syndical, à la demande de ce dernier, des autorisations d'absence pour les besoins de sa formation. Ces autorisations sont délivrées dans la limite de deux semaines par période de quatre ans suivant la publication de la liste des défenseurs syndicaux sur laquelle il est inscrit. « L'article L. 3142-12 est applicable à ces autorisations. Ces absences sont rémunérées par l'employeur. Elles sont admises au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle, dans les conditions prévues à l'article L. 6331-1 ». 6. L'article L. 1453-8 du même code, dans cette même rédaction, prévoit : « Le défenseur syndical est tenu au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. « Il est tenu à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu'il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d'une négociation. « Toute méconnaissance de ces obligations peut entraîner la radiation de l'intéressé de la liste des défenseurs syndicaux par l'autorité administrative ». 7. L'article L. 1453-9 du même code, dans cette même rédaction, prévoit : « L'exercice de la mission de défenseur syndical ne peut être une cause de sanction disciplinaire ou de rupture du contrat de travail. « Le licenciement du défenseur syndical est soumis à la procédure d'autorisation administrative prévue au livre IV de la deuxième partie ». 8. Le 19° de l'article L. 2411-1 du même code, dans cette même rédaction, prévoit que la protection contre le licenciement applicable aux salariés protégés bénéficie au :« Défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4 ». 9. L'article L. 2411-24 du même code, dans cette même rédaction, prévoit : « Le licenciement du défenseur syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ». 10. Le 15° de l'article L. 2412-1 du même code, dans cette même rédaction, prévoit que la protection en cas de rupture d'un contrat à durée déterminée applicable aux salariés protégés bénéficie au :« Défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4 ». 11. L'article L. 2412-15 du même code, dans cette même rédaction, prévoit : « La rupture du contrat de travail à durée déterminée d'un défenseur syndical avant son terme, en raison d'une faute grave ou de l'inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l'arrivée du terme, lorsque l'employeur n'envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ». 12. Le 15° de l'article L. 2413-1 du même code, dans cette même rédaction, prévoit que l'interruption ou la notification du non-renouvellement de la mission d'un salarié temporaire par l'entrepreneur de travail temporaire ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsque le salarié est investi d'un mandat de :« Défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4 ». 13. Le 12° de l'article L. 2414-1 du même code, dans cette même rédaction, prévoit que le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi d'un mandat de :« Défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4 ». 14. Le 6° de l'article L. 2421-2 du même code, dans cette même rédaction, prévoit que la procédure de licenciement applicable au délégué syndical, au salarié mandaté et au conseiller du salarié s'applique également au salarié investi d'un mandat de :« Défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4 ». 15. L'article L. 2439-1 du même code, dans cette même rédaction, prévoit : « Le fait de rompre le contrat de travail d'un salarié inscrit sur la liste arrêtée par l'autorité administrative mentionnée à l'article L. 1453-4, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative prévues au présent livre, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 €. « Le fait de transférer le contrat de travail d'un salarié mentionné au premier alinéa du présent article dans le cadre d'un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative, est puni des mêmes peines ». 16. Le requérant soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la justice au motif que le défenseur syndical ne présente pas des garanties de confidentialité aussi protectrices pour le justiciable que celles auxquelles sont tenus les avocats. Alors que ces derniers sont soumis à une obligation de secret professionnel s'étendant à l'ensemble des échanges et des correspondances avec leur client, le défenseur syndical est uniquement tenu à une obligation de secret professionnel limitée aux procédés de fabrication, ainsi qu'à une simple obligation de discrétion restreinte à certaines informations. Dès lors qu'en matière prud'homale la représentation des parties est obligatoire en appel, soit par un avocat, soit par un défenseur syndical, l'égalité entre les justiciables serait ainsi méconnue. 17. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deux premiers alinéas de l'article L. 1453-8 du code du travail. 18. Les parties intervenantes sont fondées à intervenir dans la procédure de la présente question prioritaire de constitutionnalité dans la seule mesure où leur intervention porte sur les deux premiers alinéas de cet article. Elles soutiennent, pour les mêmes raisons que le requérant, que ces dispositions contreviennent au principe d'égalité devant la justice. 19. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». L'article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. 20. En premier lieu, l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 mentionnée ci-dessus prévoit que l'avocat est soumis au secret professionnel en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense. Cette obligation s'étend aux consultations adressées par un avocat à son client, aux correspondances échangées avec ce dernier ou avec un autre confrère, excepté celles qui portent la mention « officielle », ainsi qu'aux notes d'entretien et à toutes les pièces du dossier. 21. En second lieu, d'une part, le défenseur syndical exerce des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale. Les dispositions contestées le soumettent à une obligation de secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication. Elles lui imposent également une obligation de discrétion à l'égard des informations ayant un caractère confidentiel et présentées comme telles par la personne qu'il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d'une négociation. 22. D'autre part, tout manquement du défenseur syndical à ses obligations de secret professionnel et de discrétion peut entraîner sa radiation de la liste des défenseurs syndicaux par l'autorité administrative. En outre, l'article 226-13 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par son état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire. 23. Il en résulte que sont assurées aux parties, qu'elles soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical, des garanties équivalentes quant au respect des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties. 24. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit donc être écarté. Les deux premiers alinéas de l'article L. 1453-8 du code du travail, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les deux premiers alinéas de l'article L. 1453-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 avril 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 7 avril 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 décembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 403900 du 28 décembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société SNF par Me Anne-Cécile Vivien, avocat au barreau de Lyon. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-622 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 1er février 2017 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 23 janvier 2017 ; - les observations présentées pour la communauté urbaine de Saint-Étienne Métropole, partie en défense, par Me Philippe Petit, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 16 mars 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Ricard, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 mars 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'un litige portant sur la délibération de la communauté d'agglomération de Saint-Étienne Métropole du 11 juillet 2013 instituant le versement destiné aux transports. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des dispositions du paragraphe I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2009 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales, dans cette rédaction, prévoit :« Le produit de la taxe est versé au budget de la commune ou de l'établissement public qui rembourse les versements effectués : « 1° Aux employeurs qui justifient avoir assuré le logement permanent sur les lieux de travail ou effectué intégralement et à titre gratuit le transport collectif de tous leurs salariés, ou de certains d'entre eux au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l'effectif total ; « 2° Aux employeurs, pour les salariés employés à l'intérieur des périmètres d'urbanisation des villes nouvelles ou de certaines zones d'activité industrielle ou commerciale, prévues aux documents d'urbanisation, lorsque ces périmètres ou ces zones sont désignés par la délibération mentionnée à l'article L. 2333-66 ». 3. La société requérante soutient que les dispositions du 1° du paragraphe I méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. En effet, elles institueraient une différence de traitement injustifiée entre les employeurs autorisés à assurer le transport collectif de leurs salariés jusqu'à leur lieu de travail et ceux qui, notamment en raison d'un plan de prévention des risques technologiques, ne le seraient pas. Par ailleurs, selon la société requérante, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions portant atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques en ne fixant pas, au 2°, les conditions auxquelles est subordonné le remboursement du versement destiné aux transports lorsque les salariés sont employés à l'intérieur des périmètres d'urbanisation des villes nouvelles ou de certaines zones d'activité industrielle ou commerciale. 4. Le versement destiné aux transports est une imposition instituée de manière facultative par les communes ou leurs groupements, situés hors de l'Île-de-France, dont la population excède un seuil déterminé par la loi. Cette imposition, qui vise à soutenir l'investissement et le fonctionnement des transports collectifs urbains, s'applique aux personnes employant plus de neuf salariés. Son assiette est constituée par les salaires versés. 5. Le paragraphe I de l'article L. 2333-70 prévoit le remboursement de cette imposition aux employeurs, dans deux cas. Son 1° institue un remboursement de plein droit, subordonné à la condition que l'employeur ait assuré le logement permanent sur le lieu de travail ou qu'il ait effectué intégralement et à titre gratuit le transport collectif de tout ou partie de ses salariés. Son 2° permet aux communes ou à leurs groupements de procéder à ce remboursement lorsque les salariés sont employés à l'intérieur des périmètres d'urbanisation des villes nouvelles ou de certaines zones d'activité industrielle ou commerciale, désignés dans la délibération instituant le versement destiné aux transports. - Sur le 1° du paragraphe I de l'article L. 2333-70 : 6. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 7. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 8. La différence de traitement qui résulte des dispositions du 1° du paragraphe I de l'article L. 2333-70 est fondée sur la différence de situation existant entre, d'une part, les employeurs qui organisent le logement de leurs salariés sur le lieu de travail ou qui prennent en charge intégralement et à titre gratuit leur transport collectif et, d'autre part, ceux qui ne supportent aucune de ces charges. En instituant cette différence de traitement, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels, en rapport direct avec l'objet des dispositions contestées, qui est de tenir compte du fait que certains salariés n'ont pas à utiliser les transports publics collectifs, grâce à la politique conduite par leurs employeurs. Par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés. - Sur le 2° du paragraphe I de l'article L. 2333-70 : 9. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 10. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... ». Aux termes du deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ». La méconnaissance par le législateur de sa compétence dans la détermination de l'assiette d'une imposition perçue au profit des collectivités territoriales ou leurs groupements, lorsqu'elle leur permet de fixer cette assiette contribuable par contribuable, affecte par elle-même le principe d'égalité devant les charges publiques. 11. D'une part, les zones dans lesquelles les communes ou leurs groupements peuvent, en application du 2°, accorder le remboursement du versement destiné aux transports, correspondent soit aux périmètres d'urbanisation des villes nouvelles arrêtés par le préfet, soit aux zones d'activité industrielle ou commerciale définies dans les documents d'urbanisme en fonction des choix d'aménagement des communes ou de leurs groupements. D'autre part, les communes ou leurs groupements ne peuvent, au sein d'un périmètre ou d'une zone, discriminer entre les employeurs répondant aux mêmes conditions légales. Les dispositions contestées n'ont ainsi ni pour objet ni pour effet de permettre aux communes ou à leurs groupements de fixer l'assiette de l'impôt contribuable par contribuable. Par suite, le grief tiré de l'incompétence négative du législateur doit être écarté. 12. Les dispositions du paragraphe I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le paragraphe I de l'article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 30 mars 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000034403589.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 31 mars 2017, d'une réclamation présentée par M. Stéphane HAUCHEMAILLE, demeurant à Meulan-en-Yvelines (Yvelines). Cette réclamation a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-167 PDR. Elle est relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 80-563 du 21 juillet 1980 portant suppression du renvoi au règlement d'administration publique dans les lois organiques, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 80-121 DC du 17 juillet 1980 ; - la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-165 PDR du 18 mars 2017 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus : « Le droit de réclamation contre l'établissement de la liste des candidats est ouvert à toute personne ayant fait l'objet de présentation ». 2. M. Stéphane HAUCHEMAILLE n'a fait l'objet d'aucune présentation. Par suite, il n'est pas recevable à contester l'établissement de la liste des candidats à l'élection du Président de la République. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La réclamation présentée par M. Stéphane HAUCHEMAILLE contre la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-165 PDR du 18 mars 2017 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 avril 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 6 avril 2017.
CONSTIT/CONSTEXT000033929694.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 11 janvier 2017, par le Premier ministre, sous le n°2017-746 DC, conformément aux articles 46 alinéa 5, et 61, alinéa 1er de la Constitution, de la loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement des articles 13, 34, 64, 71-1, 74 et 77 de la Constitution. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution. - Sur l'article 1er : 2. L'article 1er de la loi organique déférée réserve à la loi le pouvoir de créer des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Il étend le domaine de la loi à la fixation des règles relatives à la composition et aux attributions de ces autorités ainsi qu'à celle des principes fondamentaux relatifs à leur organisation et à leur fonctionnement. 3. L'article 34 de la Constitution énumère les règles et les principes fondamentaux dont la fixation relève de la loi. En vertu du vingt-deuxième alinéa de cet article, ces dispositions peuvent « être complétées et précisées par une loi organique ». Sur ce fondement, le législateur organique peut réserver à la loi la création des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, la fixation des règles relatives à leur composition et leurs attributions ainsi que la détermination des principes fondamentaux de leur organisation et de leur fonctionnement. 4. Cette compétence du législateur s'exerce sans préjudice de la possibilité pour des collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution et pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes, lorsque cette possibilité est prévue par les dispositions organiques les régissant. 5. L'article 1er, qui n'appelle aucune autre remarque de constitutionnalité, est conforme à la Constitution. - Sur l'article 2 : 6. L'article 2 modifie les statuts de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie française afin de prévoir l'incompatibilité entre, d'une part, la fonction de président de certains organes au sein de ces collectivités et, d'autre part, le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante créée par l'État. 7. L'article 2, qui n'appelle aucune remarque de constitutionnalité, est conforme à la Constitution. - Sur l'article 3 : 8. L'article 3 institue plusieurs incompatibilités applicables aux membres d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante. Le paragraphe I de cet article dispose que, lorsque la loi prévoit la présence au sein d'une telle autorité d'un magistrat de l'ordre judiciaire en activité, aucun autre magistrat judiciaire en activité ne peut y être nommé, sauf en qualité de président de l'autorité. Les paragraphes II et III prévoient, respectivement, que les membres du Conseil supérieur de la magistrature et ceux du Conseil économique, social et environnemental ne peuvent être membres d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante sauf, pour les seconds, s'ils y sont nommés en cette qualité. L'article 3, qui n'appelle aucune remarque de constitutionnalité, est conforme à la Constitution. - Sur l'article 4 : 9. Selon le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ». Le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 mentionnée ci-dessus fixe la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions prévues par ce cinquième alinéa. 10. L'article 4 de la loi organique déférée modifie ce tableau, en y ajoutant les fonctions de président de l'autorité de régulation des jeux en ligne, de la commission du secret de la défense nationale, de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de la commission nationale de l'informatique et des libertés, du haut conseil du commissariat aux comptes et du collège du haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. L'article 4 procède également à des modifications de coordination au sein de ce tableau. 11. Le législateur a pu estimer, eu égard à leur importance pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation, que les fonctions ajoutées par l'article 4 au tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 relevaient de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. L'article 4 est donc conforme à la Constitution. - Sur l'article 5 : 12. L'article 5 procède à des coordinations avec les dispositions organiques relatives au Défenseur des droits et modifie la date de remise de son rapport annuel d'activité. Cet article, qui n'appelle aucune remarque de constitutionnalité, est conforme à la Constitution. - Sur l'article 6 : 13. L'article 6 prévoit que les incompatibilités mentionnées aux articles 2 et 3 de la loi organique déférée s'appliquent au mandat des membres du collège d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante nommés ou élus après la promulgation de cette loi organique. Il prévoit que ces incompatibilités s'appliquent également au mandat des membres d'une telle autorité nommés ou élus avant cette promulgation. Dans ce cas, tout membre concerné est déclaré démissionnaire de l'autorité à l'issue d'un délai de trente jours pendant lequel il peut opter pour l'une ou l'autre des fonctions incompatibles. Cet article, qui n'appelle aucune remarque de constitutionnalité, est conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 24 octobre 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5376 du 18 octobre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Ahmed M. par la SCP Waquet Farge Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-606 QPC. Il a également été saisi le même jour par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5377 du 18 octobre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Amine K. par la SCP Waquet Farge Hazan. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-607 QPC. Ces questions sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du septième alinéa de l'article 78-2 et de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale et des articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 93-323 DC du 5 août 1993 ; - la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 ; - la loi n° 2011-266 du 14 mars 2011 relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ; - la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ; - l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées ; - la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Waquet Farge Hazan et Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, enregistrées respectivement les 29 et 30 novembre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 15 novembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour le Syndicat des Avocats de France, l'association Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers par Me Maxime Cessieux, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées les 15 et 30 novembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour l'association Soutien ô Sans Papiers par Mes Henri Braun, avocat au barreau de Paris et Nawel Gafsia, avocat au barreau du Val-de-Marne, enregistrées le 15 novembre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Claire Waquet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et Me Garcia, pour les requérants, Me Braun, pour l'Association Soutien ô Sans Papiers, partie intervenante, Me Émilie Ganem, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour le Syndicat des avocats de France et les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, parties intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 17 janvier 2017 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 23 janvier 2017 ; - la note en délibéré présentée pour les requérants, par Me Garcia, enregistrée le 23 janvier 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. Une question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Les présentes questions ont été soulevées à l'occasion de la contestation de la régularité de contrôles d'identité ayant eu lieu le 8 octobre 2015. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du sixième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 27 juillet 2011 mentionnée ci-dessus, devenu ultérieurement le septième alinéa de ce même article, de l'article 78-2-2 du même code dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 12 mars 2012 mentionnée ci-dessus, ratifiée par l'article 24 de la loi du 13 novembre 2014 mentionnée ci-dessus, et des articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction résultant de la loi du 31 décembre 2012 mentionnée ci-dessus. 3. Le sixième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ». 4. L'article 78-2-2 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite des actes de terrorisme visés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, des infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs visées aux 1° et 2° du I de l'article L. 1333-9, à l'article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense, d'armes et d'explosifs visées par les articles L. 2339-8 et L. 2353-4 du code de la défense et L. 317-8 du code de la sécurité intérieure, des infractions de vol visées par les articles 311-3 à 311-11 du code pénal, de recel visées par les articles 321-1 et 321-2 du même code ou des faits de trafic de stupéfiants visés par les articles 222-34 à 222-38 dudit code, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 peuvent, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus au sixième alinéa de l'article 78-2 mais aussi à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. « Pour l'application des dispositions du présent article, les véhicules en circulation ne peuvent être immobilisés que le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite qui doit avoir lieu en présence du conducteur. Lorsqu'elle porte sur un véhicule à l'arrêt ou en stationnement, la visite se déroule en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule ou, à défaut, d'une personne requise à cet effet par l'officier ou l'agent de police judiciaire et qui ne relève pas de son autorité administrative. La présence d'une personne extérieure n'est toutefois pas requise si la visite comporte des risques graves pour la sécurité des personnes et des biens. « En cas de découverte d'une infraction ou si le conducteur ou le propriétaire du véhicule le demande ainsi que dans le cas où la visite se déroule en leur absence, il est établi un procès-verbal mentionnant le lieu et les dates et heures du début et de la fin de ces opérations. Un exemplaire en est remis à l'intéressé et un autre est transmis sans délai au procureur de la République. « Toutefois, la visite des véhicules spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme résidence ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires. « Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ». 5. L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans cette rédaction, prévoit : « I. - En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale. « À la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent. « Les contrôles des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents prévus aux deux premiers alinéas du présent I ne peuvent être effectués que si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger. « II. - Les contrôles des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents mentionnés au premier alinéa du I ne peuvent être pratiqués que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peuvent consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans ce lieu ». 6. L'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans cette rédaction, prévoit : « I. - Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale ou de l'article 67 quater du code des douanes, il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue. « L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : « 1° Du droit d'être assisté par un interprète ; « 2° Du droit d'être assisté par un avocat désigné par lui ou commis d'office par le bâtonnier, qui est alors informé de cette demande par tous moyens et sans délai. Dès son arrivée, l'avocat peut communiquer pendant trente minutes avec la personne retenue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. L'étranger peut demander que l'avocat assiste à ses auditions. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité, ne peut débuter sans la présence de l'avocat avant l'expiration d'un délai d'une heure suivant l'information adressée à celui-ci. Toutefois, les opérations de vérification ne nécessitant pas la présence de l'étranger peuvent être effectuées dès le début de la retenue. Au cours des auditions, l'avocat peut prendre des notes. A la fin de la retenue, l'avocat peut, à sa demande, consulter le procès-verbal établi en application du treizième alinéa du présent I ainsi que le certificat médical y étant, le cas échéant, annexé et formuler des observations écrites également annexées ; « 3° Du droit d'être examiné par un médecin désigné par l'officier de police judiciaire. Le médecin se prononce sur l'aptitude au maintien de la personne en retenue et procède à toutes constatations utiles ; « 4° Du droit de prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix et de prendre tout contact utile afin d'assurer l'information et, le cas échéant, la prise en charge des enfants dont il assure normalement la garde, qu'ils l'aient ou non accompagné lors de son placement en retenue. Si des circonstances particulières l'exigent, l'officier de police judiciaire prévient lui-même la famille et la personne choisie. En tant que de besoin, il informe le procureur de la République aux fins d'instruction dans l'intérêt des enfants ; « 5° Du droit d'avertir ou de faire avertir les autorités consulaires de son pays. « Lorsque l'étranger ne parle pas le français, il est fait application de l'article L. 111-7. « L'étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l'examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa du présent I. Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment. « Les mesures de contrainte exercées sur l'étranger sont strictement proportionnées à la nécessité des opérations de vérification et de son maintien à la disposition de l'officier de police judiciaire. L'étranger ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. « Durant la retenue, lorsque sa participation aux opérations de vérification n'est pas nécessaire, l'étranger ne peut être placé dans une pièce occupée simultanément par une ou plusieurs personnes gardées à vue. « Si l'étranger ne fournit pas d'éléments permettant d'apprécier son droit de circulation ou de séjour, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d'empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue l'unique moyen d'établir la situation de cette personne. « L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui ont justifié le contrôle, ainsi que la vérification du droit de circulation ou de séjour et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer. Il précise le jour et l'heure du début et de la fin de la retenue et la durée de celle-ci et, le cas échéant, la prise d'empreintes digitales ou de photographies. Il y annexe le certificat médical établi à l'issue de l'examen éventuellement pratiqué. « Ce procès-verbal est présenté à la signature de l'étranger intéressé. Celui-ci est informé de la possibilité de ne pas signer ledit procès-verbal. S'il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci. « Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne intéressée. Les mentions de chaque procès-verbal concernant l'identité de la personne, le jour et l'heure du début et de la fin de la retenue et la durée de celle-ci figurent également sur un registre spécial, tenu à cet effet dans le local de police ou de gendarmerie. « Si elle n'est suivie à l'égard de l'étranger qui a été retenu d'aucune procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire ou n'a donné lieu à aucune décision administrative, la vérification du droit de circulation ou de séjour ne peut donner lieu à une mise en mémoire sur fichiers et le procès-verbal, ainsi que toutes les pièces se rapportant à la vérification sont détruits dans un délai de six mois à compter de la fin de la retenue, sous le contrôle du procureur de la République. « Les prescriptions énumérées au présent article sont imposées à peine de nullité, sous réserve des dispositions de l'article L. 552-13. « II. - Lorsqu'un étranger, retenu en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale, n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, le I du présent article s'applique et la durée de la retenue effectuée en application de ce même article 78-3 s'impute sur celle de la retenue pour vérification du droit de séjour. « III. - S'il apparaît, au cours de la retenue de l'étranger, que celui-ci doit faire l'objet d'un placement en garde à vue conformément aux articles 62 et suivants du code de procédure pénale, la durée de la retenue s'impute sur celle de la garde à vue ». 7. Selon les requérants, le sixième alinéa de l'article 78-2 et l'article 78-2-2 du code de procédure pénale méconnaissent la liberté individuelle et le principe d'égalité devant la loi en permettant aux services de police judiciaire d'effectuer, sur réquisitions du procureur de la République, des contrôles d'identité de manière généralisée et discriminatoire. Par ailleurs, les articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaîtraient ces mêmes principes en ce qu'ils permettraient, à la suite d'un contrôle d'identité effectué en application du sixième alinéa de l'article 78-2 ou de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, de demander à une personne de nationalité étrangère de présenter les pièces ou documents l'autorisant à séjourner en France et, à défaut, de la placer en retenue. 8. Par conséquent, les questions prioritaires de constitutionnalité portent, d'une part, sur le sixième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale et sur les mots « non seulement aux contrôles d'identité prévus au sixième alinéa de l'article 78-2 mais aussi » figurant au premier alinéa de l'article 78-2-2 du même code et, d'autre part, sur la référence « 78-2, » et les mots « et 78-2-2 » figurant au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-1-1 du même code. - Sur la recevabilité des questions prioritaires de constitutionnalité : 9. Il résulte de la combinaison des articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus que peut être renvoyée au Conseil constitutionnel une disposition qui n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances. 10. En premier lieu, le sixième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale dans sa rédaction contestée a été introduit par l'article 1er de la loi du 10 août 1993 mentionnée ci-dessus. Le Conseil constitutionnel, qui a spécialement examiné cet alinéa dans les considérants 3 à 6 de la décision du 5 août 1993 mentionnée ci-dessus, ne l'a toutefois pas déclaré conforme à la Constitution dans le dispositif de cette décision. 11. En second lieu, les dispositions contestées de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale ont été introduites par l'article 11 de la loi du 18 mars 2003 mentionnée ci-dessus. Le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article dans les considérants 11 et 12 de la décision du 13 mars 2003 mentionnée ci-dessus. Dans l'article 1er du dispositif, il a déclaré cet article conforme à la Constitution. Postérieurement à cette déclaration de conformité à la Constitution, les modifications introduites à cet article par l'article 17 de la loi du 14 mars 2011 mentionnée ci-dessus ont étendu son champ d'application. Ce changement des circonstances justifie un réexamen de la constitutionnalité des dispositions contestées. 12. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont donc recevables. - Sur la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés que la Constitution garantit : 13. Les requérants soutiennent, pour les motifs indiqués au paragraphe 7, que les dispositions contestées méconnaissent la liberté individuelle et le principe d'égalité devant la loi. Ils s'associent également aux griefs soulevés par les parties intervenantes. 14. Selon ces dernières, les dispositions contestées méconnaissent la liberté individuelle, le principe d'égalité devant la loi et la liberté d'aller et de venir, dans la mesure où, en autorisant les services de police à contrôler l'identité et, le cas échéant, le titre de séjour, de toute personne, quel que soit son comportement, elles permettent des pratiques discriminatoires. Ces dispositions méconnaîtraient également le droit à un recours juridictionnel effectif pour deux raisons. D'une part, la légalité d'un contrôle d'identité ne peut être contestée lorsque ce contrôle ne donne pas lieu ensuite à une procédure judiciaire ou administrative. D'autre part, lorsqu'il est saisi de la légalité d'un contrôle d'identité, le juge ne dispose pas des moyens de s'assurer de l'absence de caractère discriminatoire lorsque celui-ci est réalisé sur réquisitions du procureur de la République. . En ce qui concerne le sixième alinéa de l'article 78-2 et les dispositions contestées de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale : 15. Les dispositions contestées des articles 78-2 et 78-2-2 du code de procédure pénale permettent que soient engagées des procédures de contrôle d'identité, sur réquisitions écrites du procureur de la République, pour la recherche et la poursuite d'infractions, dans des lieux et pour une période de temps qui doivent être précisés par ce magistrat. - S'agissant du grief tiré de la méconnaissance des droits garantis par l'article 66 de la Constitution : 16. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». 17. Les dispositions contestées des articles 78-2 et 78-2-2 du code de procédure pénale permettent uniquement aux services de police judiciaire de procéder à des contrôles d'identité. Elles n'entraînent pas de privation de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté. - S'agissant du grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'aller et de venir : 18. Selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». Son article 4 proclame que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». 19. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789. 20. L'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions peut justifier que soient engagées des procédures de contrôle d'identité. S'il est loisible au législateur de prévoir que les contrôles mis en œuvre dans ce cadre peuvent ne pas être liés au comportement de la personne, la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté personnelle, en particulier avec la liberté d'aller et de venir. 21. Les dispositions contestées autorisent les services de police judiciaire à contrôler l'identité des personnes quel que soit leur comportement, en tout lieu visé par les réquisitions écrites du procureur de la République. 22. Toutefois, en premier lieu, le législateur a confié au procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire, le pouvoir d'autoriser de tels contrôles. Ces derniers ne peuvent être ordonnés qu'aux fins de recherche et de poursuite d'infractions. 23. En second lieu, il ressort des dispositions contestées que les réquisitions du procureur de la République ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminés. Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté d'aller et de venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. Elles ne sauraient non plus autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d'identité généralisés dans le temps ou dans l'espace. 24. Sous les réserves énoncées au paragraphe précédent, le grief tiré de la violation de la liberté d'aller et de venir doit être écarté. - S'agissant du grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la procédure pénale : 25. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi ... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». S'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. 26. Les dispositions contestées n'instituent par elles-mêmes aucune différence de traitement dès lors que toute personne se trouvant sur les lieux et pendant la période déterminés par la réquisition du procureur de la République peut être soumise à un contrôle d'identité. En outre, la mise en œuvre des contrôles ainsi confiés par la loi à des autorités de police judiciaire doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la procédure pénale doit être écarté. - S'agissant du grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif : 27. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte qu'en principe il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 28. En premier lieu, d'une part, la personne qui a fait l'objet d'un contrôle d'identité peut, en cas de poursuites pénales subséquentes à ce contrôle ou en cas de placement en rétention administrative, contester, par voie d'exception, la légalité de ce contrôle devant le juge judiciaire. D'autre part, même en l'absence de telles suites, la légalité d'un contrôle d'identité peut être contestée devant le juge judiciaire dans le cadre d'une action en responsabilité à l'encontre de l'État. 29. En second lieu, il appartient à l'autorité judiciaire de veiller au respect de l'ensemble des conditions de forme et de fond posées par le législateur pour l'application des dispositions contestées. En particulier, il incombe aux tribunaux compétents de censurer et de réprimer les illégalités qui seraient commises et de pourvoir éventuellement à la réparation de leurs conséquences dommageables. 30. Le grief tiré de la méconnaissance de l'atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif doit donc être écarté. 31. Il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées au paragraphe 23, le sixième alinéa de l'article 78-2 et les dispositions contestées de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. . En ce qui concerne les dispositions contestées des articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : 32. Les dispositions contestées des articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent aux services de police judiciaire, à la suite d'un contrôle d'identité effectué sur réquisitions du procureur de la République, de demander aux personnes de nationalité étrangère de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France et, si elles n'en disposent pas, de les placer en retenue. 33. D'une part, dans le cadre d'un régime administratif d'autorisation préalable, la loi peut exiger des étrangers la détention, le port et la production des documents attestant la régularité de leur entrée et de leur séjour en France. Dès lors, la circonstance que le déroulement des opérations de contrôle d'identité conduites en application du sixième alinéa de l'article 78-2 ou de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale conduise les autorités de police judiciaire à constater que la personne contrôlée est de nationalité étrangère ne saurait, eu égard à l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public, priver ces autorités des pouvoirs qu'elles tiennent de façon générale des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, ces autorités demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code, notamment à l'égard de l'autorité judiciaire. 34. D'autre part, il résulte des paragraphes 26, 28 et 29 ci-dessus qu'un contrôle d'identité réalisé en application du sixième alinéa de l'article 78-2 ou de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination et que le respect de cette prescription est assuré, en particulier en cas de procédure de rétention administrative faisant suite à ce contrôle, par le juge judiciaire. 35. Enfin, conformément au troisième alinéa de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le contrôle qui s'ensuit des documents relatifs à la régularité du séjour ne peut être effectué que si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger. 36. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne sauraient autoriser le recours à des contrôles d'identité sur le fondement du sixième alinéa de l'article 78-2 ou de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale aux seules fins de contrôler la régularité du séjour des personnes contrôlées. 37. Par voie de conséquence, les griefs tirés de ce que les dispositions contestées méconnaissent la liberté individuelle, la liberté d'aller et de venir, le droit à un recours juridictionnel effectif et le principe d'égalité devant la procédure pénale doivent être écartés. 38. Les dispositions contestées des articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous les réserves énoncées au paragraphe 23, le sixième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, et les mots « non seulement aux contrôles d'identité prévus au sixième alinéa de l'article 78-2 mais aussi » figurant au premier alinéa de l'article 78-2-2 du même code, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, sont conformes à la Constitution. Article 2. - La référence « 78-2, » et les mots « et 78-2-2 » figurant au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 611-1-1 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées, sont conformes à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 janvier 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 24 janvier 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 24 octobre 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5378 du 19 octobre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Audrey J. par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-608 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mots « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue, en dehors des cas autorisés par les règlements » figurant au premier alinéa de l'article 434-35 du code pénal dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code pénal ; - la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la requérante, par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées les 15 et 30 novembre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 15 et 30 novembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour M. William J., par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées les 15 et 29 novembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour la section française de l'Observatoire International des Prisons, par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 15 novembre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la requérante et pour la section française de l'Observatoire International des Prisons, Me Hélène Farge, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. William J., et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 17 janvier 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le premier alinéa de l'article 434-35 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 mars 2003 mentionnée ci-dessus, punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, en quelque lieu qu'il se produise, de remettre ou de faire parvenir à un détenu, ou de recevoir de lui et de transmettre des sommes d'argent, correspondances, objets ou substances quelconques, « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue, en dehors des cas autorisés par les règlements ». 2. La requérante et les parties intervenantes soutiennent que les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée à la liberté de communication et au droit au respect de la vie privée, dès lors qu'elles érigent en principe l'interdiction de communiquer avec une personne détenue et ne permettent la communication qu'à titre d'exception. Par ailleurs, selon elles, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant le droit et la liberté précédemment mentionnés. La requérante soutient également qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les cas dans lesquels la communication avec une personne détenue est autorisée les dispositions contestées définissent insuffisamment les éléments constitutifs de l'infraction et méconnaissent, dès lors, le principe de légalité des délits et des peines. M. William J. soutient, en outre, que les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense et le droit à un procès équitable, et qu'elles sont entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant ces droits. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue, » figurant au premier alinéa de l'article 434-35 du code pénal. - Sur le fond : 4. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Selon l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant … la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. 5. D'une part, les dispositions contestées répriment la communication, par tout moyen, avec une personne détenue. Par exception, elles prévoient que cette communication peut être autorisée dans les cas prévus par des dispositions de nature réglementaire, sans préciser les motifs pouvant justifier ces autorisations ni en définir le cadre. D'autre part, la prérogative ainsi conférée au pouvoir réglementaire est susceptible d'être exercée indépendamment des dispositions législatives qui autorisent et organisent la communication avec une personne détenue. 6. S'il est possible au législateur de fixer les règles relatives à la communication avec les détenus compte tenu des contraintes inhérentes à la détention, il s'en est remis en l'espèce au pouvoir réglementaire pour déterminer la portée du délit de communication irrégulière avec une personne détenue. Il en résulte que le législateur, qui n'a pas fixé lui-même le champ d'application de la loi pénale, a méconnu les exigences découlant du principe de légalité des délits et des peines. 7. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les mots « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue, » figurant au premier alinéa de l'article 434-35 du code pénal doivent être déclarés contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 8. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 9. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « ainsi que de communiquer par tout moyen avec une personne détenue, » figurant au premier alinéa de l'article 434-35 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 9 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 janvier 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 24 janvier 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 octobre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 399713 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la Confédération française du commerce de gros et du commerce international par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-605 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées les 7 et 21 novembre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 8 novembre 2016 ; - les observations en intervention présentées par l'association France Nature Environnement, enregistrées les 8 et 23 novembre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me François Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association requérante, Me Nathalie Guyomarch, avocat au barreau de Paris, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 janvier 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 541-10-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 17 août 2015, mentionnée ci-dessus, prévoit : « À compter du 1er janvier 2017, tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels s'organise, en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes, pour reprendre, sur ses sites de distribution ou à proximité de ceux-ci, les déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels, qu'il vend. Un décret précise les modalités d'application du présent article, notamment la surface de l'unité de distribution à partir de laquelle les distributeurs sont concernés par cette disposition ». 2. L'association requérante reproche aux dispositions contestées d'être entachées d'une incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité. Elle estime, en outre, que, du fait de leur imprécision, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines. Enfin, l'association requérante soutient que les dispositions contestées portent directement atteinte à la liberté d'entreprendre, à la liberté contractuelle et au principe d'égalité devant la loi. - Sur la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence et l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre : 3. Selon l'association requérante, les débiteurs de l'obligation de reprise instituée à l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement ne sont pas clairement définis, faute pour le législateur d'avoir précisé si cette obligation pèse uniquement sur les distributeurs s'adressant exclusivement à des professionnels ou aussi sur ceux s'adressant à ces derniers et aux particuliers. Elle reproche également au législateur de ne pas avoir suffisamment encadré l'étendue de l'obligation de reprise. La nature et la provenance des déchets devant être repris ne seraient pas précisément déterminées, pas plus que la portée et les modalités de cette obligation. En particulier, l'obligation de reprise ne ferait l'objet d'aucune limite en volume de déchets. L'association requérante en déduit que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions de nature à affecter la liberté d'entreprendre et le principe d'égalité. Il en résulterait également une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. 4. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 5. Selon l'article 34 de la Constitution : « la loi détermine les principes fondamentaux … des obligations civiles et commerciales ». 6. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 7. Les dispositions de l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement font peser sur les distributeurs de matériaux, de produits et d'équipements de construction, une obligation de reprise des déchets provenant des matériaux vendus aux professionnels. Elles prévoient que les distributeurs s'organisent en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes pour assurer cette reprise, à proximité des sites de distribution. Ces mêmes dispositions renvoient au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités d'application de l'obligation, notamment la surface commerciale à partir de laquelle le distributeur y est soumis. 8. En premier lieu, d'une part, il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, pour limiter le coût de transport des déchets issus du bâtiment et des travaux publics et éviter leur abandon en pleine nature, favoriser un maillage de points de collecte au plus près des chantiers de construction. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. À cette fin, il a fait peser l'obligation de reprise sur les distributeurs s'adressant à titre principal aux professionnels du bâtiment et de la construction. En effet, ceux-ci sont les principaux pourvoyeurs des produits, matériaux et équipements de construction dont sont issus ces déchets. 9. D'autre part, le législateur pouvait, sans méconnaître sa compétence, renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de la surface d'unité de distribution à partir de laquelle les distributeurs sont assujettis à l'obligation ainsi créée. 10. En deuxième lieu, en désignant les déchets issus de matériaux de même type que ceux vendus par le distributeur, le législateur a suffisamment défini la nature des déchets remis par les professionnels qui font l'objet de l'obligation de reprise. 11. En troisième lieu, en prévoyant que le distributeur « s'organise, en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes, » le législateur a laissé celui-ci libre de décider des modalités, notamment financières, selon lesquelles il accomplira l'obligation de reprise qui lui incombe. 12. En dernier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a fait dépendre l'obligation de reprise de l'activité principale du distributeur. Il a ainsi entendu limiter celle-ci dans une mesure telle qu'il n'en résulte pas une dénaturation de cette activité principale. 13. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre et de l'article 34 de la Constitution doivent être écartés. - Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 14. Selon l'association requérante, à supposer que les dispositions contestées réservent l'obligation de reprise des déchets aux seuls distributeurs s'adressant exclusivement à des professionnels du bâtiment et des travaux publics, elles créeraient une rupture d'égalité injustifiée entre ces distributeurs et ceux qui s'adressent, à titre accessoire, aux mêmes professionnels. 15. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 16. Les distributeurs de matériaux de construction qui s'adressent principalement aux professionnels sont les principaux fournisseurs de ces derniers. Ils ne sont donc pas placés, au regard de l'impact de leur activité dans la production des déchets objets de l'obligation de reprise, dans la même situation que les distributeurs s'adressant aux mêmes professionnels à titre seulement accessoire. 17. Par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées repose sur une différence de situation. Elle est en rapport direct avec l'objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 18. Dès lors, l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement, qui ne méconnaît ni le principe de légalité des délits et des peines ni la liberté contractuelle ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- L'article L. 541-10-9 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique est conforme à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 17 janvier 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 octobre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 401696 du 13 octobre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Alinéa par Mes Stéphane Austry et Agnès Rivière-Durieux, avocats au barreau des Hauts-de-Seine. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-604 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l'article 2 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ; - la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Mes Austry et Rivière-Durieux, enregistrées les 8 et 22 novembre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 8 novembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour l'Association française des entreprises privées par Mes Gauthier Blanluet et Marie-Aimée Delaisi, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 8 novembre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Austry, pour la société requérante, Me Blanluet, pour l'association intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 janvier 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 2 de la loi du 19 septembre 2011 mentionnée ci-dessus réforme, à ses paragraphes I et III, le régime du report en avant des déficits pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés et, à son paragraphe II, le régime du report en arrière de ces mêmes déficits. Le paragraphe IV de cet article 2, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2011 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les I, II et III s'appliquent aux déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi ainsi qu'aux déficits restant à reporter à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette même date ». 2. La société requérante conteste à un double titre la constitutionnalité de ces dispositions, en ce qu'elles définissent les conditions d'application dans le temps de la réforme du régime du report en arrière des déficits. D'une part, en rendant cette réforme applicable aux déficits restant à reporter avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011, ces dispositions porteraient une atteinte inconstitutionnelle à des situations légalement acquises. D'autre part, en privant les entreprises de la possibilité d'opter pour le report en arrière de ces déficits, ces dispositions seraient contraires au droit à un recours juridictionnel effectif. Il en résulterait une méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. L'association intervenante invoque également, pour les mêmes raisons, une méconnaissance du droit au respect des situations légalement acquises. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la référence « , II » figurant au paragraphe IV de l'article 2 de la loi du 19 septembre 2011. - Sur le fond : 4. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». 5. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. 6. Le paragraphe II de l'article 2 de la loi du 19 septembre 2011 a modifié l'article 220 quinquies du code général des impôts, afin de réformer le régime du report en arrière des déficits pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. D'une part, le déficit constaté au titre d'un exercice ne peut plus être imputé que sur le bénéfice de l'exercice précédent, dans la limite d'un plafond fixé à un million d'euros. D'autre part, l'option pour le report en arrière doit être exercée par l'entreprise « dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats » de l'exercice au cours duquel le déficit est constaté. 7. En l'espèce, il résulte de l'absence de disposition expresse contraire que ce paragraphe II ne disposait que pour l'avenir. La réforme du régime du report en arrière des déficits prévue par ce paragraphe s'appliquait donc aux seuls déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011. 8. Les dispositions contestées sont issues du paragraphe II de l'article 31 de la loi du 28 décembre 2011. Selon ces dispositions, auxquelles le paragraphe III de cet article 31 confère un « caractère interprétatif », la réforme du régime du report en arrière des déficits s'applique non seulement aux déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011, mais aussi aux déficits qui restaient à reporter à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette même date. 9. Ce faisant, les dispositions contestées ont remis en cause les options exercées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011 pour le report en arrière des déficits reportables à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette entrée en vigueur. 10. Or, en application de l'article 220 quinquies du code général des impôts, l'exercice de l'option pour le report en arrière « fait naître au profit de l'entreprise une créance » sur l'État. Ainsi, dans la mesure où elles remettent en cause des créances dont le fait générateur était intervenu avant leur entrée en vigueur, les dispositions contestées portent atteinte à des situations légalement acquises. Dès lors que cette atteinte n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant, ces dispositions méconnaissent la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789. 11. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, la référence « , II » figurant au paragraphe IV de l'article 2 de la loi du 19 septembre 2011 doit donc être déclarée contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 12. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 13. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites et non jugées définitivement à cette date. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- La référence « , II » figurant au paragraphe IV de l'article 2 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 13 de cette décision. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 17 janvier 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 septembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 400684 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la commune de Coti-Chiavari par Me Jean-Marc Février, avocat au barreau de Narbonne. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-597 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article L. 4424-9, du paragraphe II de l'article L. 4424-11 et du paragraphe I de l'article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2011-1749 du 5 décembre 2011 relative au plan d'aménagement et de développement durable de Corse ; - la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la commune requérante par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 octobre 2016, ainsi que celles présentées par cette SCP et Me Février, enregistrées le 20 octobre 2016 ; - les observations présentées pour la collectivité territoriale de Corse, partie en défense, par la SELARL Cloix et Mendes-Gil, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 4 et 21 octobre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 6 octobre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Février, pour la commune requérante, Me Pierre-Manuel Cloix, avocat au barreau de Paris, pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 novembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'une requête tendant à obtenir l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 2 octobre 2015 par laquelle l'assemblée de Corse a approuvé le plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe I de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi du 27 janvier 2014 mentionnée ci-dessus, du paragraphe II de l'article L. 4424-11 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 5 décembre 2011 mentionnée ci-dessus, et du paragraphe I de l'article L. 4424-12 du même code dans sa rédaction résultant de la même loi du 5 décembre 2011. 2. Le paragraphe I de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales, dans cette rédaction, dispose que : « La collectivité territoriale de Corse élabore le plan d'aménagement et de développement durable de Corse. « Le plan définit une stratégie de développement durable du territoire en fixant les objectifs de la préservation de l'environnement de l'île et de son développement économique, social, culturel et touristique, qui garantit l'équilibre territorial et respecte les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l'urbanisme. « Il fixe les orientations fondamentales en matière de protection et de mise en valeur du territoire, de développement agricole, rural et forestier, de pêche et d'aquaculture, d'habitat, de transports, d'intermodalité d'infrastructures et de réseaux de communication et de développement touristique. « Il définit les principes de l'aménagement de l'espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l'implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives. « La destination générale des différentes parties du territoire de l'île fait l'objet d'une carte, dont l'échelle est déterminée par délibération de l'Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, et que précisent, le cas échéant, les documents cartographiques prévus à l'article L. 4424-10 et au II de l'article L. 4424-11. « Le plan d'aménagement et de développement durable comporte les informations prévues à l'article L. 121-11 du code de l'urbanisme. « Il prévoit des critères, indicateurs et modalités permettant à la collectivité territoriale de suivre l'application de ses dispositions et leurs incidences ». 3. Le paragraphe II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, dans cette rédaction, dispose que : « Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l'occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l'objet et l'échelle sont déterminés par délibération de l'Assemblée de Corse. « En l'absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d'autorisation prévues au code de l'urbanisme ». 4. Le paragraphe I de l'article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales, dans cette rédaction, dispose que : « Le plan d'aménagement et de développement durable peut, par une délibération particulière et motivée de l'Assemblée de Corse, fixer, pour l'application du premier alinéa de l'article 146-6 du code de l'urbanisme, une liste complémentaire à la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques à préserver. Cette délibération tient lieu du décret prévu au premier alinéa du même article L. 146-6. Elle définit également leur localisation ». 5. La commune requérante reproche à ces dispositions de méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe d'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre au motif qu'elles confient à la collectivité territoriale de Corse le soin de fixer, d'une part, l'échelle des documents cartographiques annexés au plan d'aménagement et de développement durable de Corse et, d'autre part, la localisation de sites remarquables figurant sur une liste arrêtée par ce plan. Pour la même raison, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions portant atteinte à ces deux principes. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , dont l'échelle est déterminée par délibération de l'Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, et » figurant au cinquième alinéa du paragraphe I de l'article L. 4424-9, les mots « et l'échelle » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article L. 4424-11, et la dernière phrase du paragraphe I de l'article L. 4424-12. 7. L'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. En vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus ». Aux termes du cinquième alinéa de cet article : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». 8. Le paragraphe I de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales prévoit que la collectivité territoriale de Corse élabore le plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Ce plan a pour vocation de définir une stratégie de développement durable du territoire en fixant les objectifs de préservation de l'environnement de l'île et de son développement. Il définit les principes d'aménagement de l'espace qui en résultent et détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l'implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives. Il comporte une carte fixant la destination générale des différentes parties du territoire de l'île. 9. Les dispositions contestées de l'article L. 4424-9 confient à l'assemblée de Corse le soin de déterminer l'échelle de cette carte. Les dispositions contestées de l'article L. 4424-11 en font de même pour la carte des espaces géographiques limités présentant un caractère stratégique au regard des enjeux de préservation et de développement. Les dispositions contestées de l'article L. 4424-12 confient à l'assemblée de Corse le soin de déterminer la localisation des espaces littoraux à protéger figurant sur une liste complémentaire à celle fixée par décret en application de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. 10. En vertu du paragraphe III de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales, les documents d'urbanisme élaborés par les communes et leurs groupements doivent être compatibles avec le plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Aussi, lorsqu'elle fixe les échelles cartographiques et la localisation mentionnées ci-dessus, l'assemblée de Corse est tenue de veiller, sous le contrôle du juge administratif, à la préservation d'un rapport de compatibilité, et non de conformité, entre les documents d'urbanisme et le plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative, ne méconnaissent donc ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni le principe d'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. 11. Il en résulte que les mots « , dont l'échelle est déterminée par délibération de l'Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, et » figurant au cinquième alinéa du paragraphe I de l'article L. 4424-9, les mots « et l'échelle » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article L. 4424-11, et la dernière phrase du paragraphe I de l'article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sont conformes à la Constitution : - les mots « , dont l'échelle est déterminée par délibération de l'Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre, et » figurant au cinquième alinéa du paragraphe I de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ; - les mots « et l'échelle » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-1749 du 5 décembre 2011 relative au plan d'aménagement et de développement durable de Corse ; - la dernière phrase du paragraphe I de l'article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-1749 du 5 décembre 2011 relative au plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2016, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 septembre 2016 par le Conseil d'État (décision n° 400867 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Eurofrance par Me Rodolphe Mossé, avocat au barreau de Lyon. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-598 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2 de l'article 187 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 6 octobre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Mossé, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 novembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le 2 de l'article 187 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le taux de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis est fixé à 75 % pour les produits mentionnés aux articles 108 à 117 bis et payés hors de France, dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A ». 2. La société requérante conteste, en premier lieu, le taux de 75 % fixé par ces dispositions. D'une part, il serait confiscatoire. D'autre part, il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. En second lieu, la société requérante conteste le reste des dispositions du 2 de l'article 187 du code général des impôts. D'une part, celles-ci méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques, puisque la présomption irréfragable de fraude fiscale qu'elles instituent à l'encontre des sociétés distribuant des produits dans un État ou un territoire non coopératif ferait obstacle à la prise en compte de leurs facultés contributives. D'autre part, ces dispositions édicteraient une sanction ayant le caractère d'une punition contraire au principe de légalité des délits et des peines. - Sur la recevabilité : 3. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu'il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement des circonstances. 4. Dans sa décision du 29 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article 9 de la loi de finances pour 2013, dont le U du paragraphe I portait de 55 % à 75 % le taux de la retenue à la source mentionné au 2 de l'article 187 du code général des impôts. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision. 5. Dès lors, et en l'absence d'un changement de circonstances, il n'y a pas lieu pour le Conseil d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le taux « 75 % » figurant au 2 de l'article 187 du code général des impôts. - Sur le fond : 6. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 7. Les produits distribués, visés aux articles 108 à 117 bis du code général des impôts, aux personnes n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège en France sont soumis à la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts. Le 2 de l'article 187 du même code fixe un taux d'imposition spécifique, de 75 %, lorsque ces produits sont distribués dans un État ou un territoire non coopératif. 8. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu lutter contre les « paradis fiscaux ». Il a ainsi poursuivi un but de lutte contre la fraude fiscale des personnes qui réalisent des opérations financières dans les États et les territoires non coopératifs. Ce but constitue un objectif de valeur constitutionnelle. Toutefois ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable puisse être autorisé à apporter la preuve de ce que les distributions de produits dans un État ou un territoire non coopératif n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre, dans un but de fraude fiscale, la localisation de revenus dans un tel État ou territoire. Sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques. 9. Par ailleurs, les dispositions contestées n'instituant aucune sanction ayant le caractère d'une punition, le grief tiré de la méconnaissance du principe de la légalité des délits et des peines est inopérant. 10. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe 8, les dispositions du 2 de l'article 187 du code général des impôts, autres que celles mentionnées au paragraphe 5, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Il n'y a pas lieu de statuer sur le taux « 75 % » figurant au 2 de l'article 187 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. Article 2.- Sous la réserve énoncée au paragraphe 8, le reste du 2 de l'article 187 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, est conforme à la Constitution. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2016, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 25 novembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa de la Constitution, de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sous le n° 2016-741 DC, le 15 novembre 2016, par le Président du Sénat. Il a également été saisi le 15 novembre 2016, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Gérard BAILLY, François BAROIN, Philippe BAS, Jérôme BIGNON, François BONHOMME, Gilbert BOUCHET, François-Noël BUFFET, François CALVET, Mme Agnès CANAYER, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, M. Gérard CÉSAR, Mme Anne-CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, René DANESI, Mathieu DARNAUD, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mme Nicole DURANTON, MM. Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMORINE, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Hubert FALCO, Michel FORISSIER, Christophe FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jean-Claude GAUDIN, Jacques GAUTIER, Jacques GENEST, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, M. Charles GUENÉ, Mme Christiane HUMMEL, M. Jean-François HUSSON, Mme Corinne IMBERT, MM. Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Guy-Dominique KENNEL, Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Mme Vivette LOPEZ, MM. Claude MALHURET, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Marie MERCIER, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Louis NÈGRE, Louis-Jean de NICOLAY, Claude NOUGEIN, Jean-Jacques PANUNZI, Philippe PAUL, Cyril PELLEVAT, Cédric PERRIN, Jackie PIERRE, François PILLET, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, Jean-François RAPIN, André REICHARDT, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, Abdourahamane SOILIHI, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Alain VASSELLE, Hilarion VENDEGOU, Jean-Pierre VIAL et Jean-Pierre VOGEL, sénateurs. Il a également été saisi le 15 novembre 2016, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Sylvain BERRIOS, Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Dominique BUSSEREAU, Gilles CARREZ, Jérôme CHARTIER, Gérard CHERPION, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Éric CIOTTI, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Bernard DEBRÉ, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sophie DION, MM. Jean-Pierre DOOR, David DOUILLET, Georges FENECH, Mme Marie-Louise FORT, MM. Marc FRANCINA, Yves FROMION, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Daniel GIBBES, Franck GILARD, Georges GINESTA, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Jean-Jacques GUILLET, Michel HERBILLON, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Christian KERT, Jean-François LAMOUR, Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Laurent MARCANGELI, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Olivier MARLEIX, François de MAZIÈRES, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Bernard PERRUT, Mme Josette PONS, MM. Frédéric REISS, André SCHNEIDER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Pascal THÉVENOT, François VANSSON, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Arnaud VIALA, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Laurent WAUQUIEZ, Éric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés. Il a enfin été saisi le 7 décembre 2016 par le Premier ministre. Au vu des textes et pièces suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - le code électoral ; - le code général des impôts ; - le code monétaire et financier ; - le code pénal ; - le code des procédures civiles d'exécution ; - le code de procédure pénale ; - le code de la recherche ; - le code rural ; - le code des transports ; - le livre des procédures fiscales ; - la loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte, adoptée le 8 novembre 2016 ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-740 DC du 8 décembre 2016 ; - la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; - l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ; - la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ; - la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ; - les observations du Gouvernement, enregistrées le 29 novembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le Président du Sénat, les sénateurs requérants et les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Ils contestent son article 25. Les sénateurs et les députés requérants critiquent également certaines dispositions de son article 49 et les articles 137 et 155. Les sénateurs requérants critiquent aussi certaines dispositions des articles 17 et 123 et les articles 6, 8, 30, 36, 59, 60, 66, 82, 126, 134, 135, 156, 158, 159, 161, 162 et 163. Les députés requérants critiquent également ses articles 87 à 91. Le Premier ministre demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de son article 23. - Sur les articles 6 et 8 : 2. L'article 6 donne une définition du lanceur d'alerte. L'article 7 confère à ce dernier une irresponsabilité pénale pour la divulgation de certains secrets protégés par la loi, sous trois conditions cumulatives : la divulgation du secret doit être nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause ; le lanceur d'alerte doit correspondre à la définition qu'en donne l'article 6 ; il doit avoir respecté les procédures de signalement prévues par la loi. L'article 8 organise une procédure de signalement. Cette procédure exige que l'intéressé porte d'abord l'alerte à la connaissance de son supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de son employeur ou du référent désigné par celui-ci. En l'absence de diligence de cette personne, le signalement peut alors être adressé à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative ou aux ordres professionnels. À défaut de traitement par ces derniers dans un délai de trois mois, il peut être rendu public. En cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être adressé directement à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative et aux ordres professionnels et être rendu public. Le paragraphe III de l'article 8 impose à certains organismes publics ou privés de mettre en place, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, des procédures appropriées de recueil des signalements pour leur personnel et leurs collaborateurs extérieurs ou occasionnels. Le paragraphe IV prévoit que toute personne peut interroger le Défenseur des droits afin d'être orientée vers l'organisme approprié de recueil de l'alerte. 3. Les sénateurs requérants reprochent à l'article 6 de définir de manière imprécise le lanceur d'alerte. Il en résulterait une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, de l'article 34 de la Constitution, du principe d'égalité et du principe de proportionnalité des peines, dans la mesure où cette définition détermine l'application de l'irresponsabilité pénale prévue à l'article 7 de la loi déférée. Les sénateurs requérants ajoutent qu'en raison de l'imprécision de l'expression « une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général », cette disposition est contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. 4. Les sénateurs requérants reprochent, par ailleurs, à l'article 8 de méconnaître ce même objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi dans la mesure où, alors que la définition du lanceur d'alerte prévue à l'article 6 vise « une personne physique », sans plus de précision, la procédure de signalement définie à cet article 8 ne semble concerner que les employés de l'organisme faisant l'objet de l'alerte. 5. L'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi. 6. En premier lieu, l'article 6 définit le lanceur d'alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ». Il exclut toutefois du régime juridique de la protection des lanceurs d'alerte, défini au chapitre II de la loi déférée, les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client. Les critères de définition du lanceur d'alerte ainsi retenus ne sont pas imprécis. 7. En second lieu, la procédure de signalement prévue à l'article 8 est organisée en trois phases successives dont la loi fixe l'ordre. Or, la première de ces phases, qui prévoit que le signalement est adressé au supérieur hiérarchique, à l'employeur ou au référent que celui-ci a désigné ne peut concerner qu'une personne employée par l'organisme mis en cause ou, en application du paragraphe III de l'article 8, un collaborateur extérieur ou occasionnel de cet organisme. De la même manière, les protections apportées par les articles 10 à 12, aux lanceurs d'alerte répondant aux conditions des articles 6 à 8, se limitent aux discriminations que ces derniers sont susceptibles de subir dans le cadre de leur vie professionnelle. Il résulte ainsi des termes et de l'objet des articles 8 et 10 à 12, que le législateur a entendu limiter le champ d'application de l'article 8 aux seuls lanceurs d'alerte procédant à un signalement visant l'organisme qui les emploie ou celui auquel ils apportent leur collaboration dans un cadre professionnel. Le fait que le législateur ait retenu, à l'article 6, une définition plus générale du lanceur d'alerte, ne se limitant pas aux seules personnes employées par l'organisme faisant l'objet du signalement non plus qu'à ses collaborateurs, n'a pas pour effet de rendre les dispositions contestées inintelligibles. En effet, cette définition a vocation à s'appliquer non seulement aux cas prévus par l'article 8, mais aussi, le cas échéant, à d'autres procédures d'alerte instaurées par le législateur, en dehors du cadre professionnel. 8. Il résulte de ce qui précède que les articles 6 et 8 ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. 9. L'article 6 de la loi déférée, qui ne méconnaît par ailleurs ni le principe de légalité des délits et des peines, ni l'article 34 de la Constitution, ni le principe d'égalité, ni la proportionnalité des peines, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. Il en va de même de l'article 8 de la loi déférée. - Sur certaines dispositions de l'article 17 : 10. Le paragraphe I de l'article 17 oblige les dirigeants des sociétés dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à cent millions d'euros, ou celles appartenant à un groupe de cette importance, à mettre en place des mesures internes de prévention et de détection de faits de corruption ou de trafic d'influence. Il prévoit la même obligation pour les dirigeants des établissements publics à caractère industriel et commercial répondant aux mêmes critères ou appartenant à un groupe public de même importance. Le paragraphe II définit les mesures et procédures que doivent mettre en place les dirigeants mentionnés au paragraphe I. Il prévoit que les manquements à ces obligations entraînent l'engagement de la responsabilité des dirigeants et de la société. Le paragraphe III confie à l'agence française anticorruption, créée par l'article 1er de la loi déférée, le contrôle du respect des mesures et procédures prévues par le paragraphe II. Le paragraphe IV prévoit qu'en cas de manquement, le magistrat qui dirige l'agence française anticorruption peut adresser un avertissement aux représentants de la société. Ce magistrat peut également saisir la commission des sanctions de cette agence afin qu'elle prononce une injonction ou une sanction pécuniaire. Le paragraphe V prévoit que le montant de cette sanction, qui est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne, ne peut excéder 200 000 euros pour les personnes physiques et un million d'euros pour les personnes morales. 11. Les sénateurs requérants soutiennent que le paragraphe V de l'article 17 est confus dès lors qu'il permet à la commission des sanctions de l'agence française anticorruption d'infliger des sanctions pécuniaires à des sociétés alors que l'obligation de prévention et de détection qu'il institue ne pèse que sur leurs dirigeants. Il en résulterait une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ainsi que de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Ils soutiennent également que cet objectif serait méconnu par l'emploi, au premier alinéa du paragraphe I, des termes « groupe de sociétés » et « groupe public » qui ne correspondent pas à des notions juridiquement définies. 12. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. 13. En premier lieu, le dernier alinéa du paragraphe II de l'article 17 prévoit expressément que les manquements aux obligations énoncées à ce paragraphe sont de nature à engager concurremment la responsabilité des dirigeants mentionnés au paragraphe I et celle des sociétés. Il en résulte que l'obligation de mise en place de mesures internes de prévention et de détection de faits de corruption ou de trafic d'influence pèse à la fois sur les dirigeants et sur les sociétés. 14. En second lieu, d'une part, les termes « groupe de sociétés » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article 17 doivent être entendus comme désignant l'ensemble formé par une société et ses filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce ou comme l'ensemble formé par une société et celles qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du même code. D'autre part, les termes « groupe public » figurant au même premier alinéa du paragraphe I de l'article 17 renvoient aux organismes ainsi qualifiés par détermination de la loi. 15. Les dispositions des paragraphes I et V de l'article 17 de la loi déférée ne méconnaissent ni le principe de légalité des délits et des peines, ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle. Elles sont donc conformes à la Constitution. - Sur l'article 23 : 16. L'article 23 modifie les articles 705 et 705-1 du code de procédure pénale afin d'attribuer au procureur de la République financier et aux juridictions d'instruction et de jugement de Paris la compétence exclusive pour la poursuite, l'instruction et le jugement des délits de corruption, de trafic d'influence, de fraude fiscale, d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives, lorsqu'ils sont commis en bande organisée. Il en est de même pour les délits de fraude fiscale, d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives lorsqu'il existe des présomptions caractérisées qu'ils résultent d'un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales. L'article 23 de la loi déférée attribue également à ce procureur et à ces juridictions une compétence exclusive pour le blanchiment de ces délits. 17. Le Premier ministre soutient que ces dispositions méconnaissent, par leur imprécision, l'exigence de bonne administration de la justice et l'article 34 de la Constitution. Elles contreviendraient également aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et au principe d'égalité devant la justice dans la mesure où elles permettraient à l'administration de choisir la juridiction compétente. 18. La bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789. 19. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Il en découle l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. 20. Les dispositions contestées attribuent au procureur de la République financier et aux juridictions d'instruction et de jugement de Paris, une compétence exclusive pour la poursuite, l'instruction et le jugement de délits relevant actuellement d'une compétence concurrente entre, d'une part, ce procureur et ces juridictions et, d'autre part, les procureurs et les juridictions territorialement compétents. En l'espèce, compte tenu de la gravité des faits réprimés par les infractions en cause, qui tendent en particulier à lutter contre la fraude fiscale, en ne prévoyant pas de dispositions transitoires de nature à prévenir les irrégularités procédurales susceptibles de résulter de ce transfert de compétence, le législateur a méconnu à la fois l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et celui de lutte contre la fraude fiscale. 21. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 23 de la loi déférée est donc contraire à la Constitution. - Sur l'article 25 : 22. Le paragraphe I de l'article 25 de la loi déférée introduit une section 3 bis dans la loi du 11 octobre 2013 mentionnée ci-dessus, intitulée « De la transparence des rapports entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics » et comportant les articles 18-1 à 18-10. L'article 18-1 crée un répertoire numérique visant à assurer l'information des citoyens sur les relations entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics, commun aux assemblées parlementaires, aux autorités gouvernementales et administratives et aux collectivités territoriales. Le contenu de ce répertoire est rendu public par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. L'article 18-2 définit la notion de représentant d'intérêts. L'article 18-3 énumère les obligations déclaratives auxquelles sont soumis les représentants d'intérêts. L'article 18-4 renvoie à chaque assemblée parlementaire le soin de déterminer et de mettre en œuvre les règles applicables en son sein aux représentants d'intérêts. L'article 18-5 définit les obligations déontologiques incombant à ces derniers dans leurs relations avec les autorités gouvernementales et administratives et avec les collectivités territoriales. Ces obligations peuvent être précisées « au sein d'un code de déontologie des représentants d'intérêts » défini par décret en Conseil d'État, pris après un avis public de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Les articles 18-6 et 18-7 donnent compétence à cette autorité pour s'assurer du respect par les représentants d'intérêts de leurs obligations résultant des articles 18-3 et 18-5. L'article 18-8 renvoie au pouvoir réglementaire la fixation des modalités d'application des articles 18-5 à 18-7. Les articles 18-9 et 18-10 édictent des sanctions pénales en cas de méconnaissance par les représentants d'intérêts de leurs obligations déclaratives ou déontologiques. Le paragraphe II de l'article 25 de la loi déférée introduit un article 4 quinquies dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, confiant au bureau de chaque assemblée parlementaire le soin de déterminer les règles applicables aux représentants d'intérêts au sein de cette assemblée. Les paragraphes III et IV de l'article 25 de la loi déférée comportent des mesures de coordination et déterminent les conditions d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs : 23. Le Président du Sénat et les députés requérants estiment que l'article 25 de la loi déférée méconnaît les principes de la séparation des pouvoirs et de l'autonomie des assemblées parlementaires, au motif que la liste des représentants d'intérêts inscrits sur le répertoire sera arrêtée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et qu'elle s'imposera ainsi aux assemblées. Celles-ci seraient donc privées du pouvoir de déterminer elles-mêmes le champ d'application du régime encadrant leurs rapports avec les représentants d'intérêts, dont la qualification dépendrait d'une autorité administrative extérieure. 24. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». 25. En premier lieu, l'amélioration de la transparence des relations entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics constitue un objectif d'intérêt général. Pour atteindre cet objectif, il est loisible au législateur de définir des obligations incombant aux représentants d'intérêts et d'en confier le contrôle à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Toutefois, cette autorité ne saurait, sans que soit méconnu le principe de la séparation des pouvoirs, être investie de la faculté d'imposer des obligations aux membres des assemblées parlementaires, à leurs collaborateurs et aux agents de leurs services, dans leurs relations avec ces représentants d'intérêts. 26. Les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à cette autorité le pouvoir d'imposer des obligations aux membres des assemblées parlementaires, à leurs collaborateurs et aux agents de leurs services, dans leurs relations avec les représentants d'intérêts. 27. En deuxième lieu, d'une part, les règles déontologiques applicables aux représentants d'intérêts dans leurs relations avec les assemblées parlementaires sont, en vertu de l'article 18-4 de la loi du 11 octobre 2013, déterminées et mises en œuvre dans le respect des conditions fixées à l'article 4 quinquies de l'ordonnance du 17 novembre 1958. Selon ce dernier article, le bureau de chaque assemblée parlementaire détermine les règles applicables aux représentants d'intérêts entrant en communication avec les membres de l'assemblée, leurs collaborateurs ou les agents des services de cette assemblée. Ainsi, les relations avec les représentants d'intérêts entretenues par les députés et les sénateurs, leurs collaborateurs ou les agents des services d'une assemblée parlementaire sont régies par des règles propres à chaque assemblée. Le contenu de cette réglementation est librement défini par le bureau de chaque assemblée. Le respect de ces règles est assuré par des procédures internes faisant intervenir les autorités chargées de la déontologie parlementaire, qui peuvent mettre en demeure un représentant d'intérêts de respecter ses obligations. 28. D'autre part, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, interdire aux assemblées parlementaires de déterminer, au sein des représentants d'intérêts, des règles spécifiques à certaines catégories d'entre eux, ou de prendre des mesures individuelles à leur égard. 29. Enfin, ces dispositions ne privent pas chaque assemblée parlementaire de la possibilité d'édicter des règles applicables à d'autres personnes qui, sans répondre à la définition du représentant d'intérêts prévue à l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013, entrent en communication avec les membres de cette assemblée, leurs collaborateurs ou ses agents. 30. En dernier lieu, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique le pouvoir d'imposer des obligations aux responsables publics gouvernementaux et administratifs, mentionnés à l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013, dans leurs relations avec les représentants d'intérêts. 31. Compte tenu des effets attachés à la qualité de représentant d'intérêts, il résulte de ce qui précède qu'en définissant cette notion et en confiant à une autorité administrative indépendante la mission de veiller à l'inscription sur le répertoire commun des personnes répondant à cette qualification, le législateur n'a, sous la réserve énoncée au paragraphe 28, pas méconnu le principe de la séparation des pouvoirs. . En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, de l'article 34 de la Constitution et de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi : 32. Selon le Président du Sénat, en ne définissant pas les représentants d'intérêts de façon suffisamment précise, tout en les soumettant à des sanctions pénales, le législateur a méconnu le principe de légalité des délits et des peines. Les députés requérants contestent l'imprécision de la définition du représentant d'intérêts, en ce qu'elle fait référence à une activité « principale ou régulière » d'influence sur la décision publique. Ces dispositions méconnaîtraient ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Les sénateurs requérants critiquent également l'imprécision de la définition du représentant d'intérêts, qui serait inintelligible et entachée d'incompétence négative. 33. L'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013, dans sa rédaction issue de la loi déférée, définit les représentants d'intérêts, d'une part, comme les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les chambres de commerce et d'industrie et les chambres des métiers et de l'artisanat dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d'influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire, en entrant en communication avec l'un des responsables publics énumérés aux 1° à 7° de cet article. Sont également des représentants d'intérêts, d'autre part, les personnes physiques qui ne sont pas employées par une de ces personnes morales et qui exercent à titre individuel une activité professionnelle répondant aux mêmes conditions. 34. L'article 18-9 de la même loi punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, pour un représentant d'intérêts, de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, les informations qu'il est tenu de fournir en application de l'article 18-3. Le premier alinéa de l'article 18-10 punit des mêmes peines le fait, pour un représentant d'intérêts que la Haute autorité a préalablement mis en demeure de respecter les obligations déontologiques prévues à l'article 18-5, de méconnaître à nouveau, dans les trois années suivantes, la même obligation. Le second alinéa de l'article 18-10 punit des mêmes peines le fait, pour un représentant d'intérêts que le président d'une assemblée parlementaire a préalablement mis en demeure de respecter les règles déterminées par le bureau de cette assemblée en application de l'article 18-4, de méconnaître à nouveau, dans les trois années suivantes, la même obligation. 35. En faisant référence à une activité d'influence sur la décision publique, notamment sur le contenu d'une loi ou d'un acte réglementaire, les dispositions contestées définissent le représentant d'intérêts en termes suffisamment clairs et précis. En exigeant que cette activité soit exercée de façon « principale ou régulière », le législateur a entendu exclure du champ de cette définition les personnes exerçant une activité d'influence à titre seulement accessoire et de manière peu fréquente. Il en résulte que les dispositions contestées ne sont ni entachées d'incompétence négative, ni contraires à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. 36. En revanche, en édictant des délits réprimant la méconnaissance d'obligations dont le contenu n'est pas défini par la loi, mais par le bureau de chaque assemblée parlementaire, le législateur a méconnu le principe de légalité des délits et des peines. Le second alinéa de l'article 18-10 de la loi du 11 octobre 2013, dans sa rédaction résultant de l'article 25 de la loi déférée, est donc contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, de la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 4 quinquies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 dans la même rédaction, des mots « , à l'exception du second alinéa de l'article 18-10, » figurant aux deuxième et septième alinéas du paragraphe IV de l'article 25 de la loi déférée, ainsi que du quatrième alinéa du même paragraphe IV. . En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 37. Les députés et les sénateurs requérants font valoir qu'en excluant de la définition du représentant d'intérêts les personnes n'intervenant que ponctuellement auprès des pouvoirs publics, le législateur a méconnu le principe d'égalité devant la loi. Selon les sénateurs requérants, ce principe est également méconnu dans la mesure où les dispositions contestées établissent une différence de traitement entre les élus locaux et entre les collectivités territoriales. 38. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi ... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 39. D'une part, en limitant le champ des nouvelles obligations aux seules personnes exerçant une activité principale ou régulière d'influence sur la décision publique, sans l'étendre à toute personne exerçant cette activité à titre accessoire et de manière peu fréquente, le législateur a traité différemment des personnes placées dans des situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui vise à assurer l'information des citoyens sur les relations entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics. 40. D'autre part, une personne peut, le cas échéant, être qualifiée de représentant d'intérêts lorsqu'elle entre en communication avec certains élus de collectivités territoriales et d'établissements publics de coopération intercommunale répondant à certains seuils démographiques ou financiers. Dès lors que les obligations résultant des dispositions contestées pèsent sur les représentants d'intérêts, et non sur les responsables publics avec lesquels ils entrent en relation, le législateur n'a, en définissant ces seuils, institué aucune différence de traitement entre élus locaux ni entre collectivités territoriales. 41. En conséquence, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doivent être écartés. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre : 42. Les sénateurs requérants estiment que la publicité du montant des dépenses consacrées aux actions relatives à la représentation d'intérêts, prévue au 3° de l'article 18-3 de la loi du 11 octobre 2013, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, dont découlerait le secret des affaires. 43. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 44. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu améliorer la transparence des relations entre les représentants d'intérêts et les pouvoirs publics. Ce faisant, il a poursuivi un but d'intérêt général. 45. D'autre part, les dispositions contestées se bornent à prévoir que tout représentant d'intérêts communique à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique « les actions relevant du champ de la représentation d'intérêts » menées auprès des responsables publics mentionnés aux 1° à 7° de l'article 18-2, en précisant le montant des dépenses liées à ces actions durant l'année précédente. Ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de contraindre le représentant d'intérêts à préciser chacune des actions qu'il met en œuvre et chacune des dépenses correspondantes. En imposant seulement la communication de données d'ensemble et de montants globaux relatifs à l'année écoulée, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. 46. Il résulte de ce qui précède qu'à l'exception des dispositions déclarées contraires à la Constitution au paragraphe 36, et sous la réserve énoncée au paragraphe 28, le reste de l'article 25, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur l'article 30 : 47. L'article 30 de la loi déférée modifie l'article L. 52-12 du code électoral et l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 mentionnée ci dessus, afin de rendre publiques certaines informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats à une élection pour financer leur campagne ainsi qu'aux emprunts souscrits ou consentis par les partis ou groupements politiques. 48. Les sénateurs requérants estiment que ces dispositions apportent une limitation inconstitutionnelle au libre exercice de l'activité des partis et groupements politiques, garanti par l'article 4 de la Constitution. 49. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». 50. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Elles ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner le grief soulevé par les sénateurs, l'article 30 de la loi déférée est contraire à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l'article 49 : 51. Les troisième à dixième alinéas du b du 2° de l'article 49 de la loi déférée introduisent un 5° ter dans l'article L. 631-2-1 du code monétaire et financier. Ces dispositions permettent au Haut conseil de stabilité financière de prendre différentes mesures conservatoires macroprudentielles à l'égard des entreprises et organismes du secteur de l'assurance mentionnés aux 1° à 5° du B du paragraphe I de l'article L. 612-2 du même code. 52. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que les mesures conservatoires que peut prendre le Haut conseil de stabilité financière en matière d'assurance, en application du 5° ter de l'article L. 631-2-1 du code monétaire et financier, méconnaissent le droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Ils reprochent également à ces dispositions, en ce qu'elles permettent de limiter temporairement le paiement des valeurs de rachat d'un contrat d'assurance-vie, de porter une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à l'économie des contrats en cours. 53. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Selon son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». En l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 54. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Par ailleurs, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : 55. Les mesures susceptibles d'être prises, en application des dispositions contestées, par le Haut conseil de stabilité financière à l'égard des entreprises et organismes du secteur de l'assurance ne peuvent être mises en œuvre que pour des durées déterminées. Ces mesures sont les suivantes : limiter l'exercice de certaines opérations ou activités ; restreindre la libre disposition de tout ou partie des actifs ; limiter le paiement des valeurs de rachat ; retarder ou limiter la faculté d'arbitrage ou le versement d'avances sur contrat ; limiter la distribution de dividendes aux actionnaires ou la distribution de rémunérations des certificats mutualistes ou paritaires ou des parts sociales aux sociétaires. Compte tenu de leur caractère temporaire et limité, ces mesures n'entraînent pas de privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit ainsi être écarté. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance des articles 2, 4 et 16 de la Déclaration de 1789 : 56. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre la prévention de risques représentant une menace grave et caractérisée soit pour la stabilité du système financier, soit pour la situation financière de l'ensemble ou d'un sous-ensemble significatif des organismes du secteur de l'assurance. Les prérogatives attribuées au Haut conseil de stabilité financière visent en particulier à parer aux risques, pour les épargnants et pour le système financier dans son ensemble, qui résulteraient d'une décollecte massive des fonds placés dans le cadre de contrats d'assurance-vie. Ce faisant, le législateur a poursuivi un but d'intérêt général. 57. En second lieu, d'une part, les mesures conservatoires ne peuvent être prises par le Haut conseil de stabilité financière que sur proposition du gouverneur de la Banque de France, après avoir recueilli l'avis du collège de supervision de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Par ailleurs, lorsqu'il recourt à ces mesures, le Haut conseil doit veiller à la protection non seulement de la stabilité financière dans son ensemble, mais aussi des intérêts des assurés, des adhérents et des bénéficiaires. 58. D'autre part, ces mesures sont décidées pour une période maximale de trois mois. Elles ne peuvent être renouvelées que si les conditions ayant justifié leur mise en place n'ont pas disparu et après avoir recueilli l'avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières. En outre, si les mesures de limitation du paiement des valeurs de rachat, prévues au c du 5° ter, peuvent temporairement priver les assurés de la possibilité de retirer tout ou partie des capitaux accumulés au titre de leur contrat d'assurance-vie, ces mesures ne peuvent être maintenues plus de six mois consécutifs. 59. Enfin, en application du c du 2° de l'article 49 de la loi déférée, les mesures conservatoires prises par le Haut conseil de stabilité financière sont rendues publiques et susceptibles d'un recours en annulation devant le Conseil d'État. 60. Compte tenu du motif d'intérêt général poursuivi et des différentes garanties légales qui précèdent, l'atteinte portée par les dispositions contestées au droit de propriété, à la liberté contractuelle et au droit au maintien des contrats légalement conclus n'est pas disproportionnée. Les griefs tirés de la méconnaissance des articles 2, 4 et 16 de la Déclaration de 1789 doivent donc être écartés. En conséquence, les troisième à dixième alinéas du b du 2° de l'article 49 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur les articles 59 et 60 : 61. Les articles 59 et 60 sont relatifs aux conditions dans lesquelles des mesures de contrainte peuvent être mises en œuvre à l'encontre des États étrangers détenteurs de biens situés en France, à l'initiative des créanciers de ces États. 62. L'article 59 insère dans le code des procédures civiles d'exécution trois articles L. 111-1-1 à L. 111-1-3. L'article L. 111-1-1 prévoit qu'une autorisation préalable d'un juge est nécessaire pour mettre en œuvre des mesures conservatoires ou d'exécution forcée sur un bien appartenant à un État étranger. En application de l'article L. 111-1-2, cette autorisation peut être accordée si l'État a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ou s'il a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande objet de la procédure. Elle peut également l'être si un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre cet État, que le bien est destiné à être utilisé autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qu'il « entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée ». Enfin, l'article L. 111-1-3 dispose que des mesures conservatoires ou d'exécution forcée ne peuvent être mises en œuvre, en l'absence de renonciation expresse et spéciale des États concernés, sur les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des États étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales. 63. Selon le paragraphe I de l'article 60, l'autorisation prévue à l'article L. 111-1-1 ne peut être délivrée lorsque les trois conditions suivantes sont réunies. D'une part, le titre de créance justifiant les mesures conservatoires ou d'exécution a été émis par l'État étranger alors que celui-ci figurait sur la liste des bénéficiaires de l'aide publique au développement de l'Organisation de coopération et de développement économique. D'autre part, lors de l'acquisition du titre de créance, cet État se trouvait en situation de défaut sur ce titre ou en avait proposé une modification des termes. Enfin, la demande de mise en œuvre des mesures conservatoires ou d'exécution est présentée moins de quarante-huit mois après le début de cette situation de défaut, après la proposition de modification des termes du titre de créance ou après qu'une proposition de modification applicable au titre de créance a été acceptée par des créanciers représentant au moins deux tiers du montant en principal des créances éligibles. 64. Toutefois, le paragraphe IV de l'article 60 dispose que l'autorisation judiciaire mentionnée à l'article L. 111-1-1 peut être délivrée lorsqu'une proposition de modification des termes du contrat d'émission applicable au titre de créance a été acceptée par des créanciers représentant au moins deux tiers du montant en principal des créances éligibles, qu'elle est entrée en vigueur et que les mesures d'exécution forcée ou conservatoires sont sollicitées pour des sommes dont le montant total est inférieur ou égal au montant que le créancier aurait obtenu s'il avait accepté la proposition. 65. Les sénateurs requérants soutiennent que les articles 59 et 60 méconnaissent le droit de propriété des créanciers et le droit à obtenir l'exécution des décisions juridictionnelles, dans la mesure où ils imposent une autorisation judiciaire préalable à la mise en œuvre de toute mesure conservatoire ou d'exécution forcée. 66. L'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit le droit des personnes à exercer un recours juridictionnel effectif qui comprend celui d'obtenir l'exécution des décisions juridictionnelles. 67. Il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre le paiement des obligations civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés. L'exécution forcée sur les biens du débiteur est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation. 68. Les dispositions contestées, en ce qu'elles limitent la possibilité pour le créancier d'un État étranger d'obtenir la mise en œuvre des mesures conservatoires ou d'exécution forcée sur un bien appartenant à cet État, portent atteinte au droit de propriété de ce créancier. 69. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a cherché à protéger la propriété des personnes publiques étrangères. Il a notamment entendu assurer un contrôle judiciaire renforcé sur les mesures conservatoires ou d'exécution à l'encontre de biens situés en France appartenant à des États étrangers, et susceptibles de bénéficier d'un régime d'immunité d'exécution au regard du droit international. Il a également souhaité protéger les biens des États bénéficiant de l'aide publique au développement et exposés à des difficultés financières. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. 70. En deuxième lieu, d'une part, les dispositions contestées permettent la mise en œuvre d'une mesure conservatoire ou d'exécution forcée sur les biens appartenant à un État étranger lorsque celui-ci y consent ou lorsque les biens sont utilisés autrement qu'à des fins de service public non commerciales, ou destinés à l'être. 71. D'autre part, les créanciers d'un État figurant sur la liste des bénéficiaires de l'aide publique au développement ne sont privés de la possibilité d'obtenir la mise en œuvre d'une mesure conservatoire ou d'exécution forcée sur les biens de cet État que dans des conditions strictement définies. Lors de l'acquisition de la créance, l'État devait se trouver en situation de défaut sur ce titre de créance ou avoir proposé une modification de ses termes. En outre, la mesure est sollicitée moins de quarante-huit mois après ce défaut, après cette modification ou après qu'une proposition de modification applicable au titre de créance a été acceptée par les deux tiers des créanciers. Dans ce dernier cas, le créancier peut d'ailleurs toujours bénéficier d'une mesure conservatoire ou d'exécution forcée pour un montant équivalent à celui qu'il aurait obtenu s'il avait accepté la proposition. 72. En troisième lieu, l'autorisation préalable du juge exigée en application des dispositions contestées est accordée par ordonnance sur requête, c'est-à-dire par une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse. Cette condition préserve le créancier d'un déplacement des biens visés par la mesure conservatoire ou d'exécution forcée. 73. En dernier lieu, le juge chargé d'autoriser la mesure de contrainte s'assure uniquement que les conditions légales de cette mesure sont remplies. 74. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit de propriété ni le droit à obtenir l'exécution d'une décision juridictionnelle. Les dispositions des articles 59 et 60 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont donc conformes à la Constitution. - Sur les articles 87 à 91 : 75. Les articles 87 à 91 réforment les modalités d'intervention des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ainsi que les règles de détention, par une société, de biens ou de droits agricoles. 76. L'article 87 modifie l'article L. 143-5 du code rural pour imposer à celui qui a procédé à un apport en société de terrains agricoles de conserver les droits sociaux reçus en contrepartie pendant cinq ans. 77. L'article 88 modifie les articles L. 322-2 et L. 322-22 du même code afin de supprimer l'interdiction pour les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural de détenir plus de 30 % des parts d'un groupement foncier agricole ou d'un groupement foncier rural. 78. L'article 89 modifie l'article L. 142-4 du même code pour prévoir que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent conserver pendant cinq ans, dans le but de les rétrocéder, leurs participations dans le capital des groupements fonciers agricoles, des groupements agricoles d'exploitation en commun ou des entreprises agricoles à responsabilité limitée. 79. L'article 90 crée, au sein du même code, un article L. 143-15-1. Ce nouvel article impose à toute personne morale de droit privé qui acquiert ou reçoit par apport en société, des biens ou droits susceptibles de donner lieu à préemption par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural, de les rétrocéder par voie d'apport au sein d'une autre société dont l'objet principal est la propriété agricole. En cas de cession ultérieure de la majorité des parts de la personne morale de droit privé ayant acquis ou reçu lesdits biens ou droits, les parts ou actions de la société au sein de laquelle ils ont été rétrocédés sont réputés cédées. L'article L. 143-15-1 exempte toutefois de ces obligations certaines sociétés ou associations à objet agricole. 80. L'article 91 modifie l'article L. 143-1 du même code afin d'autoriser les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural à exercer leur droit de préemption, en cas de cession partielle des parts ou actions d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole. 81. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de porter atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle en raison, d'une part, des obligations de rétrocession et de cession qu'elles mettent en place et, d'autre part, de l'extension du droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural. Ils estiment aussi que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, en ce qu'elles n'exemptent des obligations créées qu'une partie des sociétés agricoles et foncières. 82. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Elles ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs soulevés par les députés, les articles 87, 88, 89, 90 et 91 de la loi déférée sont contraires à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l'article 123 : 83. Le paragraphe I de l'article 123 modifie plusieurs articles du livre IV du code de commerce. 84. Les 1° et 2° de ce paragraphe modifient les articles L. 441-6 et L. 443-1 de ce code. D'une part, ils instituent une dérogation aux règles de paiement applicables en cas de vente de produits, pour une activité professionnelle, par un producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur. Pour le paiement des achats effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée de biens destinés à faire l'objet d'une livraison en l'état hors de l'Union européenne, le délai maximum de paiement est porté, quel que soit le produit acheté, à quatre-vingt dix jours à compter de la date d'émission de la facture. Ces dispositions dérogatoires ne sont pas applicables aux achats effectués par les grandes entreprises. D'autre part, ces mêmes 1° et 2° portent de 375 000 à deux millions d'euros le montant des amendes administratives encourues par une personne morale en cas de non respect des délais de paiement dans le cadre d'une vente d'un produit ou d'une prestation de services pour une activité professionnelle. Cette amende est également encourue en cas d'absence de certaines mentions dans les conditions de règlement, de fixation d'un taux ou de conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à la législation ou d'absence de respect des modalités de computation des délais de paiement. 85. Les a et b du 3° du paragraphe I modifient l'article L. 465-2 du code de commerce afin de prévoir que les décisions de l'autorité administrative prononçant une amende administrative sanctionnant un manquement aux règles sur les délais de paiement, mentionnées au titre IV du livre IV du code de commerce, sont toujours publiées. 86. Le paragraphe III porte de 375 000 à deux millions d'euros le plafond de l'amende administrative applicable aux entreprises publiques en cas de manquement aux délais de paiement auxquels elles sont soumises. 87. Les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions des 1°, 2° et des a et b du 3° du paragraphe I ainsi que le paragraphe III de l'article 123, en ce qu'elles augmentent le montant des amendes encourues et prévoient une publication systématique des décisions sanctionnant un manquement aux règles des délais de paiement, méconnaissent le principe de proportionnalité des peines ainsi que le principe de légalité des délits et des peines. Par ailleurs, en instaurant des délais de paiement spécifiques pour les activités d'export hors de l'Union européenne, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi. . En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des principes de proportionnalité des peines et de légalité des délits et des peines : 88. L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 89. En premier lieu, en réprimant d'une peine d'amende de deux millions d'euros les manquements aux règles relatives aux délais de paiement, le législateur n'a, au regard tant des conséquences de ces manquements pour les créanciers que des avantages pouvant en être retirés par les débiteurs, pas institué une peine manifestement disproportionnée. 90. En deuxième lieu, en instituant une peine obligatoire de publication des décisions de sanction de l'autorité administrative en matière de délais de paiement, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la durée de la publication ainsi que les autres modalités de cette publicité soient fixées en fonction des circonstances propres à chaque espèce. 91. En dernier lieu, les dispositions contestées définissent les obligations qu'elles édictent et les sanctions encourues avec une précision suffisante pour satisfaire au principe de légalité des délits et des peines. 92. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes de proportionnalité des peines et de légalité des délits et des peines doivent être écartés. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité : 93. En prévoyant, pour les petites et moyennes entreprises, des délais d'une durée plus longue pour le paiement de leurs achats, effectués en franchise de taxe sur la valeur ajoutée, de biens destinés à faire l'objet d'une livraison en l'état hors de l'Union européenne, le législateur a entendu favoriser la compétitivité de celles de ces entreprises, implantées en France, qui sont fournisseurs à l'export. 94. Ces entreprises étant soumises à des délais spécifiques pour obtenir le paiement des biens qu'elles vendent à leurs clients établis hors de l'Union européenne, elles sont dans une situation différente des autres entreprises. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté. 95. Il résulte de tout ce qui précède que les 1°, 2° et a et b du 3° du paragraphe I ainsi que le paragraphe III de l'article 123 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur l'article 134 : 96. L'article 134 complète l'article L. 225-18 du code de commerce afin d'indiquer que l'assemblée générale ordinaire d'une société anonyme peut désigner un administrateur chargé du suivi des questions d'innovation et de transformation numérique. 97. Les sénateurs requérants soutiennent que cet article est dépourvu de portée normative et, par suite, inconstitutionnel. 98. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale... ». Il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative. 99. Les dispositions de l'article 134 de la loi déférée, qui se bornent à conférer à l'assemblée générale ordinaire d'une société anonyme le pouvoir de confier à un administrateur la charge de suivre des évolutions technologiques, sont dépourvues de portée normative. Dès lors, cet article est contraire à la Constitution. - Sur l'article 137 : 100. Le paragraphe I de l'article 137 insère, dans le code de commerce, un article L. 225-102-4 qui impose à certaines sociétés dont le chiffre d'affaires consolidé excède un seuil fixé à 750 millions d'euros une obligation déclarative publique en matière d'impôt sur les bénéfices. Doivent ainsi être déclarés, dans un rapport annuel accessible gratuitement au public sur internet, pour chacun des États membres de l'Union européenne dans lesquels les sociétés exercent leur activité, le nombre de salariés, le montant du chiffre d'affaires net, le montant du résultat avant impôt sur les bénéfices, le montant de l'impôt sur les bénéfices dû, le montant de l'impôt acquitté accompagné d'une explication sur les discordances éventuelles avec le montant dû, et le montant des bénéfices non distribués. D'autres obligations déclaratives sont prévues pour les autres États dans lesquels les sociétés exercent leur activité. Le paragraphe II de l'article 137 procède à des coordinations au sein de l'article L. 223-26-1 du même code. Le paragraphe III de l'article 137 abroge les paragraphes III à V de l'article 7 de la loi du 26 juillet 2013 mentionnée ci-dessus qui prévoient l'introduction de déclarations d'activités publiques pays par pays pour certaines entreprises, qui ne sont pas en vigueur. Le paragraphe IV de l'article 137 fixe les modalités d'entrée en vigueur de ses paragraphes I à III. Le paragraphe V prévoit un abaissement progressif du seuil de chiffre d'affaires retenu pour l'assujettissement à l'obligation déclarative publique. Le paragraphe VI de l'article 137 est relatif à la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport d'évaluation. 101. Les sénateurs et les députés requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 225-102-4 du code de commerce méconnaissent la liberté d'entreprendre dès lors qu'elles contraignent les sociétés françaises à divulguer au public des informations de nature à révéler leur stratégie commerciale. Les sénateurs requérants soutiennent également que l'obligation ainsi instituée fait peser sur les sociétés qui y sont soumises une charge excessive contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. 102. En instituant l'article L. 225-102-4 du code de commerce, le législateur a entendu, par une mesure de transparence, éviter la délocalisation des bases taxables afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Il a ainsi poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle. 103. Toutefois, l'obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays, est de nature à permettre à l'ensemble des opérateurs qui interviennent sur les marchés où s'exercent ces activités, et en particulier à leurs concurrents, d'identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale. Une telle obligation porte dès lors à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le paragraphe I de l'article 137 de la loi déférée est contraire à la Constitution. Il en va de même du reste de cet article, qui en est inséparable. 104. La conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine. En l'espèce, les dispositions du paragraphe III de l'article 137 déclarées contraires à la Constitution avaient pour effet d'abroger les paragraphes III à V de l'article 7 de la loi du 26 juillet 2013, lesquels instituent un dispositif semblable à celui prévu par le paragraphe I de l'article 137. Pour les mêmes raisons, ces paragraphes III à V de l'article 7 de la loi du 26 juillet 2013 doivent également être déclarés contraires à la Constitution. - Sur l'article 156 : 105. L'article 156 complète l'article L. 518-4 du code monétaire et financier par un 9°, qui prévoit la participation de deux représentants élus du personnel de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales à la commission de surveillance de cet organisme. 106. Les sénateurs requérants soutiennent que l'article 156 est entaché d'incompétence négative dès lors qu'il ne précise ni les règles applicables à l'élection de ces représentants, ni la durée de leur mandat. 107. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Elles ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner le grief soulevé par les sénateurs requérants, l'article 156 de la loi déférée est contraire à la Constitution. - Sur l'article 161 : 108. L'article 161 crée un dispositif d'encadrement des rémunérations des dirigeants de sociétés cotées par le truchement de votes contraignants de l'assemblée générale des actionnaires. Le 1° de son paragraphe I crée, dans le code de commerce, un nouvel article L. 225-37-2 qui prévoit que l'assemblée générale des sociétés anonymes dotées d'un conseil d'administration approuve, chaque année, une résolution portant sur les principes et les critères de détermination, de répartition et d'attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux dirigeants à raison de leur mandat. Ce même article L. 225-37-2 requiert également l'approbation de l'assemblée générale pour toute modification de ces éléments de rémunération ainsi qu'à chaque renouvellement du mandat exercé par les personnes mentionnées ci-dessus. Le 6° du paragraphe I de l'article 161 crée, dans le code de commerce, un nouvel article L. 225-82-2, qui institue des règles équivalentes pour les sociétés dotées d'un conseil de surveillance. Le 7° du paragraphe I de l'article 161 modifie l'article L. 225-100 du code de commerce pour prévoir, d'une part, que, lorsque l'assemblée générale a statué sur les principes et critères mentionnés ci-dessus en vertu des articles L. 225-37-2 et L. 225-82-2, elle statue sur les éléments de rémunération et avantages de toute nature mentionnés ci-dessus attribués au titre de l'exercice antérieur pour les dirigeants. En outre, les éléments de rémunération variables ou exceptionnels dont le versement a été conditionné à l'approbation par une assemblée générale, au titre de l'exercice écoulé, ne peuvent être versés qu'à l'issue d'un vote favorable de l'assemblée générale. 109. Les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions contestées méconnaissent l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. D'une part, l'article L. 225-82-2 vise l'ensemble des membres du conseil de surveillance alors que les nouvelles dispositions de l'article L. 225-100 ne visent que le président de ce conseil. D'autre part, les termes « à raison de leur mandat » ou « en raison du mandat », employés respectivement par les articles L. 225-37-2 et L. 225-82-2, ne règlent ni le cas des rémunérations versées par les autres sociétés d'un même groupe, ni celui des indemnités d'arrivée ou de départ. Ils soutiennent également que les dispositions insérées dans l'article L. 225-100 portent atteinte à des situations légalement acquises et remettent en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. 110. En premier lieu, d'une part, en visant, dans les articles L. 225-37-2 et L. 225-82-2, les rémunérations et avantages de toute nature perçus « à raison » ou « en raison » du mandat des dirigeants concernés, le législateur a retenu l'ensemble des rémunérations et avantages reçus par un dirigeant au titre des mandats qu'il détient. D'autre part, les règles de rémunération des membres du conseil de surveillance étant fixées par l'article L. 225-83 du code de commerce, il n'y avait pas lieu pour le législateur de déterminer les modalités selon lesquelles l'assemblée générale statue sur les éléments de rémunération versés aux membres du conseil de surveillance. Les dispositions des articles L. 225-37-2, L. 225-82-2 et les dispositions insérées dans l'article L. 225-100 ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. 111. En second lieu, il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. 112. Les dispositions insérées par l'article 161 de la loi déférée dans l'article L. 225-100 du code de commerce, qui prévoient des règles nouvelles pour la rémunération des dirigeants ne portent atteinte à aucune situation qui serait légalement acquise et ne remettent pas en cause les effets qui pourraient légitimement être attendus de telles situations. 113. En conséquence, les dispositions de l'article 161 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur les dispositions dont la place dans la loi déférée est contestée : 114. Les sénateurs requérants soutiennent que les articles 36, 66, 82, 126, 135, 155, 158, 159, 162 et 163 n'ont pas leur place dans cette loi, au motif qu'ils ont été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution. Les députés requérants formulent également ce grief à l'encontre de l'article 155. . En ce qui concerne les articles 66 et 126 : 115. L'article 66 modifie les règles encadrant le traitement du surendettement. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui comportait des dispositions relatives à la protection des consommateurs en matière financière. 116. L'article 126 prévoit l'organisation et le financement par l'État de formations à des métiers rares ou émergents pour les personnes à la recherche d'un emploi. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui comportait des dispositions modifiant les exigences en matière de qualification professionnelle pour l'exercice de certaines activités. 117. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance, par les articles 66 et 126 de la loi déférée, du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution doivent être écartés. . En ce qui concerne l'article 82 : 118. Il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution et notamment de la première phrase de son premier alinéa, selon laquelle : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle. 119. Les paragraphes I et II de l'article 82 renforcent l'information des consommateurs concluant un contrat de crédit sur la possibilité de souscrire une assurance emprunteur auprès de l'assureur de leur choix. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui comportait des dispositions relatives à la protection des droits des consommateurs en matière financière. 120. En revanche, le paragraphe III de l'article 82 instaure un droit de résiliation annuel de l'assurance emprunteur. Introduites en nouvelle lecture, ces adjonctions n'étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion. Elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. . En ce qui concerne les articles 36, 135, 155, 158, 159, 162 et 163 : 121. L'article 36 adapte les règles de la domanialité publique afin de faciliter la réalisation du projet immobilier permettant l'installation de l'institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement et de l'institut national de la recherche agronomique dans une même zone d'aménagement concertée. L'article 135 insère dans le code de la recherche des dispositions relatives au « principe d'innovation ». L'article 155 prévoit la mention du coût de gestion des déchets issus de pneumatiques sur les factures de vente de ces derniers. L'article 158 tend à ratifier une ordonnance relative aux gares routières et à la recodification des dispositions du code des transports relatives à l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. L'article 159 permet aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de confier à certains prestataires la réalisation des enquêtes de recensement. L'article 162 habilite les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à rechercher et à constater les manquements aux règles relatives au remboursement par les transporteurs aériens des taxes et redevances liées à un titre de transport non utilisé. L'article 163 instaure des exceptions à l'interdiction de la publicité en faveur des produits du « vapotage ». 122. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 36, 135, 155, 158, 159, 162 et 163 de la loi déférée ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. - Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée : 123. L'article 37 remet en pleine propriété à la société Tunnel Euralpin Lyon Turin les terrains nécessaires à la réalisation de la ligne ferroviaire Lyon-Turin et lui confère les prérogatives nécessaires en matière d'expropriation pour acquérir les terrains au nom et pour le compte de l'État. 124. L'article 58 étend le champ des personnes susceptibles de bénéficier du régime d'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation. 125. L'article 64 allonge le délai de rétractation dont bénéficie l'acheteur de métaux précieux et modifie les effets de l'exercice de ce droit de rétractation. 126. L'article 86 étend aux établissements d'abattage ou de transport d'animaux vivants l'infraction de mauvais traitement contre les animaux. 127. L'article 92 prévoit la publication annuelle d'un barème de la valeur vénale des terres agricoles. 128. L'article 93 raccourcit, sous certaines conditions, le délai de préavis pour mettre fin à la concession de terres à usages agricoles. 129. L'article 97 impose aux chambres d'agriculture de publier les procès-verbaux de leurs séances. 130. L'article 103 prévoit que le service de l'État chargé de la réalisation d'études économiques en matière de commerce met à la disposition du public les données qu'il a recueillies sur les établissements dont l'activité principale relève du commerce de détail. 131. L'article 112 étend aux exploitations agricoles à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique dirigeant cette exploitation, le bénéfice du régime fiscal des micro-bénéfices agricoles. 132. L'article 145 procède à une extension des missions de l'institut national de la propriété industrielle en faveur de la formation et de l'accompagnement des entreprises. Il modifie par ailleurs le régime juridique des certificats d'utilité et instaure une procédure de demande provisoire de brevet. 133. L'article 157 prévoit l'approbation des comptes sociaux par la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. 134. L'article 166 supprime l'agrément administratif nécessaire aux organismes d'habitations à loyer modéré qui réalisent des investissements dans des logements neufs outre-mer pour bénéficier du crédit d'impôt. 135. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 37, 58, 64, 86, 92, 93, 97, 103, 112, 145, 157 et 166 de la loi déférée ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. - Sur d'autres dispositions : . En ce qui concerne l'article 14 : 136. L'article 14 prévoit les modalités selon lesquelles, conformément au 1° de l'article unique de la loi organique adoptée le 8 novembre 2016 mentionnée ci-dessus, le Défenseur des droits peut accorder, dans certains cas, une aide financière ou un secours financier à un lanceur d'alerte. 137. Toutefois, dans sa décision de ce jour mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de cette loi organique qui attribuaient au Défenseur des droits la compétence pour accorder une telle aide ou un tel secours. Par conséquent, l'article 14 de la loi déférée, qui précise les conditions de mise en œuvre de ces dispositions, est contraire à la Constitution. . En ce qui concerne le paragraphe VI de l'article 15 : 138. Le paragraphe VI de l'article 15 modifie le premier alinéa de l'article 226-10 du code pénal, relatif au délit de dénonciation calomnieuse, afin de prévoir que se rend coupable d'une telle dénonciation celui qui dénonce « en dernier ressort, en public », un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et qu'il sait totalement ou partiellement inexact. 139. En incriminant la dénonciation de faits opérée « en dernier ressort, en public », sans préciser à quels actes ou procédures antérieurs il est ainsi renvoyé, le législateur n'a pas suffisamment défini les éléments constitutifs de cette infraction. Dès lors, le paragraphe VI de l'article 15 de la loi déférée méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines et est contraire à la Constitution. 140. La conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine. En l'espèce, les dispositions déclarées contraires à la Constitution avaient pour objet de remplacer, au premier alinéa de l'article 226-10 du code pénal, les mots « , soit, en dernier ressort, à un journaliste, au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ». Pour les mêmes raisons, ces mots de l'article 226-10 du code pénal sont contraires à la Constitution. . En ce qui concerne le paragraphe II de l'article 19 : 141. Le paragraphe II de l'article 19 complète l'article L. 154 du code électoral afin d'interdire à une personne de se présenter comme candidat à l'élection des députés dès lors que le bulletin n° 2 de son casier judiciaire comporte la mention d'une condamnation pour manquement au devoir de probité. 142. Selon le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution : « Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités ». 143. Le régime des inéligibilités applicables aux membres du Parlement relève de textes ayant valeur de loi organique. Par suite, le paragraphe II de l'article 19 de la loi déférée, qui a le caractère d'une loi ordinaire et édicte une inéligibilité pour l'élection des députés en cas de condamnation pour manquement au devoir de probité, est entaché d'incompétence. Il est donc à ce titre contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 28 : 144. Les articles 27 et 28 de la loi déférée modifient les articles 20 et 23 de la loi du 11 octobre 2013 et l'article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 mentionnée ci-dessus. L'article 27 étend le champ du contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique à l'exercice par certains agents publics d'une activité libérale ou d'une activité rémunérée au sein de toute entreprise ou de tout établissement public ou groupement d'intérêt public dont l'activité a un caractère industriel et commercial. L'article 28 étend la compétence de la Haute autorité, jusqu'ici limitée aux personnes exerçant des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales, au contrôle de l'activité de certains agents publics qui relèvent aujourd'hui de la commission de déontologie de la fonction publique. Cette extension concerne, d'une part, les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République et, d'autre part, les personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elles ont été nommées en conseil des ministres. 145. En l'espèce, en adoptant ces dispositions, le législateur a défini deux procédures, supposées alternatives, devant deux autorités distinctes pour contrôler l'exercice de fonctions dans le secteur privé par différentes catégories d'agents publics. D'une part, il a donné compétence à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique pour se prononcer sur le cas des personnes qui ont exercé un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elles ont été nommées en conseil des ministres « au cours des trois années précédant le début » de leur activité dans le secteur privé. D'autre part, en modifiant l'article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983, le législateur a également prévu que la commission de déontologie de la fonction publique est compétente, s'agissant d'un agent public relevant de la même catégorie, « sauf s'il exerce un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels il a été nommé en conseil des ministres ». 146. Ces dispositions n'excluent la compétence de la commission de déontologie de la fonction publique que pour les personnes exerçant, au moment de leur départ dans le secteur privé, des fonctions à la décision du Gouvernement. Elles affirment concurremment la compétence de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique pendant une durée de trois ans suivant la fin de l'exercice de fonctions de cette nature. Dès lors et en tout état de cause, ces dispositions portent atteinte, par leur contradiction, à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Par conséquent, l'article 28 de la loi déférée est contraire à la Constitution. . En ce qui concerne certaines dispositions de l'article 57 : 147. L'article 57 de la loi déférée modifie les conditions d'établissement de la liste des États et territoires non coopératifs. Les c et d de son 1° prévoient que tout arrêté ministériel modifiant cette liste est pris après consultation de la commission permanente chargée des finances de chaque assemblée parlementaire, qui fait connaître son avis dans un délai d'un mois à compter de la notification du projet d'arrêté. La signature de cet arrêté ne peut intervenir qu'après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, à l'expiration du délai d'un mois. 148. En imposant de recueillir l'avis des commissions permanentes chargées des finances de chaque assemblée parlementaire préalablement à l'édiction de l'arrêté ministériel définissant, en application de l'article 238-0 A du code général des impôts, la liste des États et territoires non coopératifs, les c et d du 1° de l'article 57 de la loi déférée font intervenir une instance législative dans la mise en œuvre du pouvoir réglementaire. Ces dispositions, qui méconnaissent ainsi le principe de la séparation des pouvoirs, sont contraires à la Constitution. - Sur les autres dispositions : 149. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique : - l'article 14 ; - le paragraphe VI de l'article 15 ; - le paragraphe II de l'article 19 ; - l'article 23 ; - le second alinéa de l'article 18-10 de la loi du 11 octobre 2013 et la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 4 quinquies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 dans leur rédaction résultant de l'article 25 de la loi déférée ; les mots « , à l'exception du second alinéa de l'article 18-10, » figurant aux deuxième et septième alinéas du paragraphe IV de l'article 25 de la loi déférée ; le quatrième alinéa du même paragraphe IV ; - l'article 28 ; - l'article 30 ; - les c et d du 1° de l'article 57 ; - les articles 87, 88, 89, 90 et 91 ; - l'article 134 ; - l'article 137 ; - l'article 156 ; - les articles 36, 37, 58 et 64, le paragraphe III de l'article 82, les articles 86, 92, 93, 97, 103, 112, 135, 145, 155, 157, 158, 159, 162, 163 et 166. Article 2.- Sous la réserve énoncée au paragraphe 28, le reste de l'article 25 de la loi déférée est conforme à la Constitution. Article 3.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : - les articles 6 et 8 ; - les paragraphes I et V de l'article 17 ; - les troisième à dixième alinéas du b du 2° de l'article 49 ; - les articles 59 et 60 ; - les 1°, 2° et les a et b du 3° du paragraphe I et le paragraphe III de l'article 123 ; - l'article 161. Article 4.- Sont contraires à la Constitution : - les paragraphes III, IV et V de l'article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ; - les mots « , soit, en dernier ressort, à un journaliste, au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » figurant au premier alinéa de l'article 226-10 du code pénal. Article 5.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 9 novembre 2016, par le Premier ministre, sous le n° 2016-740 DC, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; - la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, adoptée le 8 novembre 2016, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 71-1 de la Constitution. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de son article 46. 2. Son article unique modifie les articles 4, 10, 11, 20 et 22 de la loi organique du 29 mars 2011 mentionnée ci-dessus. 3. Le 1° de cet article unique complète l'article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 afin de donner compétence au Défenseur des droits pour, d'une part, orienter vers les autorités compétentes toute personne signalant une alerte dans les conditions fixées par la loi, d'autre part, veiller aux droits et libertés de cette personne et, enfin, en tant que de besoin, lui assurer une aide financière ou un secours financier. 4. Aux termes du premier alinéa de l'article 71-1 de la Constitution : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ». 5. Ces dispositions de l'article 71-1 de la Constitution permettent au Défenseur des droits d'aider toute personne s'estimant victime d'une discrimination à identifier les procédures adaptées à son cas. Il était donc loisible au législateur organique, qui a estimé que les lanceurs d'alerte courent le risque d'être discriminés par l'organisme faisant l'objet de leur signalement, de charger le Défenseur des droits d'orienter ces personnes vers les autorités compétentes, en vertu de la loi, pour recueillir leur signalement. En revanche, la mission confiée par les dispositions constitutionnelles précitées au Défenseur des droits de veiller au respect des droits et libertés ne comporte pas celle d'apporter lui-même une aide financière, qui pourrait s'avérer nécessaire, aux personnes qui peuvent le saisir. Dès lors, le législateur organique ne pouvait, sans méconnaître les limites de la compétence conférée au Défenseur des droits par la Constitution, prévoir que cette autorité pourrait attribuer aux intéressés une aide financière ou un secours financier. 6. En conséquence, les mots « et, en tant que de besoin, de lui assurer une aide financière ou un secours financier » figurant au 1° de l'article unique de la loi organique déférée, sont contraires à la Constitution. Le reste de ce 1° est conforme à la Constitution. 7. Le 4° de l'article unique de la loi organique déférée modifie l'article 20 de la loi organique du 29 mars 2011 afin de prévoir que nul ne peut faire l'objet d'une mesure de rétorsion ou de représailles pour avoir saisi le Défenseur des droits. 8. Les 2°, 3° et 5° de l'article unique de la loi organique déférée procèdent à des coordinations nécessaires pour tenir compte de la nouvelle mission conférée au Défenseur des droits. 9. Ces dispositions, qui n'appellent aucune remarque de constitutionnalité, sont conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Les mots « et, en tant que de besoin, de lui assurer une aide financière ou un secours financier » figurant au 1° de l'article unique de la loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte sont contraires à la Constitution. Article 2.- Le reste de l'article unique de la loi organique est conforme à la Constitution. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2016 où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 4 octobre 2016 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 954 du 4 octobre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Hélène C., M. Jean C., Mme Bernadette C. épouse R. et Mme Marie C., par Me Colette Falquet, avocat au barreau de Toulouse. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-603 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 784 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par la SCP Lesourd, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 19 octobre et 4 novembre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 26 octobre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Cyril Lesourd, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 29 novembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 784 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 16 août 2012 mentionnée ci-dessus, dispose : « Les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l'affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donation, et la date de l'enregistrement de ces actes. « La perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures, à l'exception de celles passées depuis plus de quinze ans, et, lorsqu'il y a lieu à application d'un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n'a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable. « Pour le calcul des abattements et réductions édictés par les articles 779, 780, 790 B, 790 D, 790 E et 790 F il est tenu compte des abattements et des réductions effectués sur les donations antérieures visées au deuxième alinéa consenties par la même personne ». 2. Les requérants soutiennent qu'en ayant porté à quinze ans le délai à compter duquel les donations et successions sont imposées sans qu'il soit tenu compte des donations antérieures pour l'application du barème d'imposition ainsi que des droits à abattement et à réduction, les dispositions contestées portent atteinte, en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à des situations légalement acquises et remettent en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de telles situations. Il en résulterait également une méconnaissance du droit de propriété. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deux derniers alinéas de l'article 784 du code général des impôts. 4. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». 5. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. 6. Les droits de mutation à titre gratuit sur les donations et les successions sont liquidés, pour la plupart des ayants droit, selon un barème progressif, qui s'applique le cas échéant après abattement d'assiette, et peuvent faire l'objet d'une réduction. Afin d'assurer une progressivité effective de l'impôt, les dispositions contestées prévoient que l'imposition des donations ou des successions est calculée en tenant compte des donations antérieures. Elles prévoient également, par exception, que l'imposition des donations et successions est calculée sans tenir compte des donations antérieures effectuées depuis plus de quinze ans. Il résulte de cette règle dérogatoire favorable qu'une donation ou une succession faisant suite à une telle donation est imposée, comme si aucune donation n'avait été consentie antérieurement, en bénéficiant de droits à abattement, d'un barème et de droits à réduction intégralement reconstitués. 7. Chaque donation ou succession constitue un fait générateur particulier pour l'application des règles d'imposition. 8. Il en résulte, en premier lieu, que les dispositions contestées ne sauraient, sans porter atteinte aux situations légalement acquises, avoir pour objet ou pour effet de conduire à appliquer des règles d'assiette ou de liquidation autres que celles qui étaient applicables à la date de chaque fait générateur d'imposition. 9. Il en résulte, en second lieu, que les modalités d'imposition d'une donation passée ne peuvent produire aucun effet légitimement attendu quant aux règles d'imposition applicables aux donations ou à la succession futures. Par conséquent, le législateur pouvait, sans être tenu d'édicter des mesures transitoires, modifier le délai à compter duquel il n'est plus tenu compte des donations antérieures pour déterminer l'imposition des donations ou successions à venir. 10. Dès lors, sous la réserve précédemment énoncée, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 11. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe 8, les deux derniers alinéas de l'article 784 du code général des impôts, qui ne méconnaissent ni le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au paragraphe 8, les deux derniers alinéas de l'article 784 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 sont conformes à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 décembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 22 septembre 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt no 4484 du 21 septembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Ibrahim B. par Me Natacha Galau, avocat au barreau de Nantes. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le no 2016-601 QPC. Cette question est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 22 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; - l'ordonnance n° 58-1300 du 23 décembre 1958 modifiant l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ‎relative à l'enfance délinquante et l'article 69 du code pénal prise sur le fondement de l'ancien article 92 de la Constitution ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SELARL Laigre et Associés Huriet et Galau, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 14 octobre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 14 octobre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Galau, pour la partie requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 29 novembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question, qui porte sur des dispositions relatives aux modalités d'exécution d'une décision d'un juge des enfants ou d'un tribunal pour enfants, a été soulevée à l'occasion de l'appel d'une décision d'un tribunal pour enfants prononcée le 3 février 2016. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 22 de l'ordonnance du 2 février 1945 mentionnée ci-dessus dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 23 décembre 1958 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 22 de l'ordonnance du 2 février 1945, dans cette rédaction, prévoit : « Le juge des enfants et le tribunal pour enfants pourront, dans tous les cas, ordonner l'exécution provisoire de leur décision, nonobstant opposition ou appel. « Les décisions prévues à l'article 15 ci-dessus et prononcées par défaut à l'égard d'un mineur de treize ans, lorsque l'exécution provisoire en aura été ordonnée, seront ramenées à exécution à la diligence du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 707 du code de procédure pénale. Le mineur sera conduit et retenu dans un centre d'accueil ou dans une section d'accueil d'une institution visée à l'article 10 ou dans un dépôt de l'assistance ou dans un centre d'observation ». 3. Selon le requérant, ces dispositions méconnaissent le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs dans la mesure où l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement sans sursis prononcée à l'encontre d'un mineur ne serait pas justifiée par la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des mineurs délinquants. Ces dispositions méconnaîtraient aussi le principe d'égalité devant la procédure pénale en ce qu'elles créeraient une différence de traitement injustifiée entre les mineurs et les majeurs dès lors que le tribunal correctionnel ne peut, sauf exceptions, décerner mandat de dépôt à l'encontre d'un majeur que s'il prononce une peine d'emprisonnement d'au moins un an sans sursis. - Sur le fond : 4. L'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle. Ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante. Toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives. En particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartent pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluent pas, en cas de nécessité, que soient prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention. Telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. 5. En application de l'article 2 de l'ordonnance du 2 février 1945, le tribunal pour enfants peut, en cas de condamnation, prononcer à l'égard d'un mineur une mesure de protection, d'assistance, de surveillance ou d'éducation. Lorsque les circonstances et la personnalité du mineur l'exigent, il peut prononcer une sanction éducative ou, à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans, une peine, y compris privative de liberté. La peine peut être d'une durée égale à la moitié de la peine encourue par un majeur. Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants peut, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, prononcer une peine supérieure. En application de l'article 8 de la même ordonnance, le juge des enfants, lorsqu'il juge en chambre du conseil, peut prononcer des mesures ou sanctions éducatives. 6. Selon les dispositions contestées, le juge des enfants et le tribunal pour enfants peuvent ordonner l'exécution provisoire de toutes leurs décisions. 7. La possibilité pour le juge des enfants et le tribunal pour enfants de prononcer l'exécution provisoire des mesures ou sanctions éducatives et des peines, autres que celles privatives de liberté, est justifiée par la nécessité de mettre en œuvre dans des conditions adaptées à l'évolution de chaque mineur les mesures propres à favoriser leur réinsertion. Elle contribue ainsi à l'objectif de leur relèvement éducatif et moral. 8. En revanche, l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement sans sursis prononcée à l'encontre d'un mineur, alors que celui-ci comparaît libre devant le tribunal pour enfants, entraîne son incarcération immédiate à l'issue de l'audience, y compris en cas d'appel. Elle le prive ainsi du caractère suspensif du recours et de la possibilité d'obtenir, avant le début d'exécution de sa condamnation, diverses mesures d'aménagement de sa peine, en application de l'article 723-15 du code de procédure pénale. 9. En conséquence, en permettant l'exécution provisoire de toute condamnation à une peine d'emprisonnement prononcée par un tribunal pour enfants, quel que soit son quantum et alors même que le mineur ne fait pas déjà l'objet au moment de sa condamnation d'une mesure de détention dans le cadre de l'affaire pour laquelle il est jugé ou pour une autre cause, les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs. 10. Aussi, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, l'article 22 de l'ordonnance du 2 février 1945 doit être déclaré contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 11. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 12. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications qui doivent être retenues pour qu'il soit remédié à l'inconstitutionnalité constatée. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet d'interdire au juge des enfants et au tribunal pour enfants toute exécution provisoire de leurs décisions, y compris des mesures ou sanctions éducatives. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2018 la date de l'abrogation des dispositions contestées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- L'article 22 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 58-1300 du 23 décembre 1958 modifiant l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et l'article 69 du code pénal, est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 12 de cette décision. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 novembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 décembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 septembre 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt no 4748 du 21 septembre 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Patrick H. par Me Bruno Rebstock, avocat au barreau d'Aix-en-Provence. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-602 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 695-28 et 695-34 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Rebstock, enregistrées le 18 octobre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 18 octobre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Rebstock, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 29 novembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée lors d'une demande de mise en liberté déposée le 13 juin 2016 devant la chambre de l'instruction par le requérant, incarcéré dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des articles 695-28 et 695-34 du code de procédure pénale dans leur rédaction résultant de la loi du 14 avril 2011 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 695-28 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « À la suite de la notification du mandat d'arrêt européen, s'il décide de ne pas laisser en liberté la personne recherchée, le procureur général la présente au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège désigné par lui. « Le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui ordonne l'incarcération de la personne recherchée à la maison d'arrêt du siège de la cour d'appel dans le ressort de laquelle elle a été appréhendée, à moins qu'il n'estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie. « Dans ce dernier cas, le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui peut soumettre la personne recherchée, jusqu'à sa comparution devant la chambre de l'instruction, à une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 138 et 142-5. Cette décision est notifiée verbalement à la personne et mentionnée au procès-verbal dont une copie lui est remise sur-le-champ. Elle est susceptible de recours devant la chambre de l'instruction, qui doit statuer au plus tard lors de la comparution de la personne devant elle en application de l'article 695-29. « L'article 695-36 est applicable à la personne recherchée laissée en liberté ou placée sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence sous surveillance électronique si elle se soustrait volontairement ou ne respecte pas les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique. « Le procureur général en avise sans délai le ministre de la justice et lui adresse une copie du mandat d'arrêt ». 3. L'article 695-34 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « La mise en liberté peut être demandée à tout moment à la chambre de l'instruction selon les formes prévues aux articles 148-6 et 148-7. « L'avocat de la personne recherchée est convoqué, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quarante-huit heures au moins avant la date de l'audience. La chambre de l'instruction statue après avoir entendu le ministère public ainsi que la personne recherchée ou son avocat, dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de la réception de la demande, par un arrêt rendu dans les conditions prévues à l'article 199. Toutefois, lorsque la personne recherchée n'a pas encore comparu devant la chambre de l'instruction, les délais précités ne commencent à courir qu'à compter de la première comparution devant cette juridiction. « La chambre de l'instruction peut également, lorsqu'elle ordonne la mise en liberté de la personne recherchée et à titre de mesure de sûreté, astreindre l'intéressé à se soumettre à une ou plusieurs des obligations énumérées aux articles 138 et 142-5. « Préalablement à sa mise en liberté, la personne recherchée doit signaler à la chambre de l'instruction ou au chef de l'établissement pénitentiaire son adresse. « Elle est avisée qu'elle doit signaler à la chambre de l'instruction, par nouvelle déclaration ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée. « Elle est également avisée que toute notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa personne. « Mention de cet avis, ainsi que de la déclaration d'adresse, est portée soit au procès-verbal, soit dans le document qui est adressé sans délai, en original ou en copie, par le chef d'établissement pénitentiaire à la chambre de l'instruction ». 4. Le requérant soutient que les conditions dans lesquelles le premier président de la cour d'appel statue, lorsqu'il est saisi par le procureur général aux fins d'incarcération d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, portent atteinte à la liberté individuelle, à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée, à la présomption d'innocence, au droit au recours et aux droits de la défense. Selon lui, il en va de même de l'absence de fixation d'une durée maximum d'incarcération et de l'absence d'une procédure de réexamen périodique de cette mesure. Enfin, le requérant soutient que les dispositions encadrant l'incarcération lors de l'exécution d'un mandat d'européen méconnaissent le principe d'égalité devant la loi. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deuxième et troisième alinéas de l'article 695-28 du code de procédure pénale et sur les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 695-34 du même code. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 6. Selon le requérant, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, au motif qu'elles offrent à la personne recherchée moins de garanties que celles applicables à la détention provisoire ou à la rétention de sûreté. 7. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 8. En fixant, par les dispositions contestées, les conditions dans lesquelles il peut être procédé à l'incarcération de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen et en définissant les voies de recours contre une telle mesure sans retenir des dispositions identiques à celles régissant la détention provisoire ou la rétention de sûreté, le législateur a traité différemment des personnes placées dans des situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui est de fixer les règles de la procédure d'exécution du mandat d'arrêt européen. 9. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté. - Sur les autres griefs : . En ce qui concerne les deuxième et troisième alinéas de l'article 695-28 du code de procédure pénale : 10. Le requérant soutient que les dispositions contestées de l'article 695-28 du code de procédure pénale, en ce qu'elles posent le principe de l'incarcération de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, sans permettre au premier président de la cour d'appel ou au magistrat désigné par lui, lorsqu'il est saisi aux fins de prononcer cette incarcération, de laisser en liberté la personne recherchée, imposent une rigueur non nécessaire méconnaissant la liberté individuelle. Selon le requérant, ces dispositions portent également une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à la présomption d'innocence et au droit au respect de la vie privée. Il soutient aussi que ces mêmes dispositions méconnaissent les droits de la défense au motif qu'elles ne conditionnent pas le prononcé de l'incarcération à la tenue préalable d'un débat contradictoire et ne permettent pas à la personne recherchée, lorsqu'elle est présentée devant le premier président de la cour d'appel ou le magistrat désigné par lui, d'être assistée par un avocat. Ces dispositions méconnaîtraient enfin le droit à un recours juridictionnel effectif, en l'absence de possibilité, pour l'intéressé, de contester la décision de placement en détention. 11. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction et que doit être assuré le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. 12. Selon l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. 13. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle. Les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis. 14. En application des dispositions de l'article 695-28 du code de procédure pénale, dans l'hypothèse où le procureur général décide de ne pas laisser en liberté la personne recherchée, celle-ci doit être présentée au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège qu'il a désigné. Selon les deuxième et troisième alinéas de ce même article, il appartient à ce magistrat d'ordonner, le cas échéant, l'incarcération de la personne recherchée, en fonction de ses garanties de représentation à tous les actes de la procédure. Si ce magistrat estime que cette représentation de la personne recherchée est suffisamment garantie, il peut laisser celle-ci en liberté en la soumettant soit à une mesure de contrôle judiciaire, soit aux obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique. Ces mesures alternatives à l'incarcération sont susceptibles de recours devant la chambre de l'instruction qui doit statuer au plus tard lors de la comparution de la personne, devant elle, dans les conditions et délais définis à l'article 695-29 du même code. 15. En premier lieu, les dispositions contestées ne sauraient, sans imposer une rigueur non nécessaire méconnaissant la liberté individuelle ni porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, être interprétées comme excluant la possibilité pour le magistrat du siège, saisi aux fins d'incarcération dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, de laisser la personne recherchée en liberté sans mesure de contrôle dès lors que celle-ci présente des garanties suffisantes de représentation. 16. En deuxième lieu, le respect des droits de la défense exige que la personne présentée au premier président de la cour d'appel ou au magistrat qu'il a désigné puisse être assistée par un avocat et avoir, le cas échéant, connaissance des réquisitions du procureur général. 17. En troisième lieu, ni les dispositions contestées de l'article 695-28 du code de procédure pénale, ni aucune autre disposition législative ne prévoient de recours spécifique à l'encontre de la mesure d'incarcération. Cependant l'article 695-34 du code de procédure pénale reconnaît à la personne incarcérée la faculté de demander à tout moment à la chambre de l'instruction sa mise en liberté. À cette occasion, elle peut faire valoir l'irrégularité de l'ordonnance d'incarcération. Il en résulte que l'intéressé n'est pas privé de la possibilité de contester cette mesure d'incarcération. 18. Par suite, sous les réserves énoncées aux paragraphes 15 et 16, les griefs tirés de ce que les deuxième et troisième alinéas de l'article 695-28 du code de procédure pénale méconnaissent la liberté individuelle, la liberté d'aller et venir, les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif doivent être écartés. Ces dispositions ne méconnaissent par ailleurs ni la présomption d'innocence, ni le droit au respect de la vie privée, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 15 et 16, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution. . En ce qui concerne les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 695-34 du code de procédure pénale : 19. Le requérant critique l'absence de durée maximale de l'incarcération lors de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen et l'absence de procédure de réexamen périodique de la mesure d'incarcération. Il en déduit que les dispositions contestées de l'article 695-34 du code de procédure pénale portent atteinte à la liberté individuelle, à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée, à la présomption d'innocence, au droit au recours et aux droits de la défense. 20. D'une part, en matière de privation de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais. Il appartient aux autorités judiciaires, sous le contrôle de la Cour de cassation, de veiller au respect de cette exigence. 21. La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 695-34 du code de procédure pénale prévoit que la chambre de l'instruction doit, lorsqu'elle est saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne incarcérée dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, statuer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de la réception de la demande. En vertu de la troisième phrase de ce même alinéa, lorsque la personne n'a pas encore comparu devant la chambre de l'instruction, ces délais ne courent qu'à compter de sa première comparution devant cette juridiction. Ces délais maximum ne sont pas excessifs au regard, notamment, de la nécessité pour le juge de déterminer si la personne présente les garanties suffisantes de représentation à tous les actes de la procédure. 22. D'autre part, ni l'article 695-34 ni aucune autre disposition législative ne prévoient de durée maximum à l'incarcération de la personne recherchée. En outre, il n'existe pas d'obligation d'un réexamen périodique du bien-fondé de la détention par un juge. 23. Cependant, en premier lieu, les articles 695-29, 695-31 et 695-33 du code de procédure pénale enserrent dans des délais fixes et brefs la procédure de comparution devant la chambre de l'instruction, chargée de statuer sur l'exécution du mandat d'arrêt européen. 24. En deuxième lieu, en application des articles 574-2 et 695-31 du même code, lorsque la personne recherchée ne consent pas à sa remise à l'État d'émission du mandat d'arrêt européen et qu'elle se pourvoit en cassation contre la décision de la chambre de l'instruction, la Cour de cassation est tenue de statuer dans un délai de quarante jours. 25. En dernier lieu, en application de l'article 695-37 du même code, le procureur général doit prendre les mesures nécessaires afin que la personne recherchée soit remise à l'autorité judiciaire de l'État d'émission au plus tard dans les dix jours suivant la décision définitive de la chambre de l'instruction. À l'expiration de ce délai, si la personne recherchée se trouve toujours en détention, elle est libérée d'office. Il n'en va différemment qu'en cas de force majeure empêchant la remise ou si, pour des raisons humanitaires sérieuses, il doit être sursis temporairement à cette remise. Dans ces deux hypothèses, en application des articles 695-37 et 695-38, une nouvelle date de remise est convenue avec l'autorité judiciaire de l'État d'émission. La personne recherchée doit alors être remise au plus tard dans les dix jours suivant cette date. Si elle se trouve toujours en détention à l'issue de ce délai, elle est libérée d'office. 26. Il résulte de ce qui précède que les dispositions régissant l'exécution du mandat d'arrêt européen garantissent que l'incarcération de la personne recherchée ne puisse excéder un délai raisonnable. 27. Par ailleurs, la personne recherchée peut solliciter, à tout instant de la procédure, sa mise en liberté devant la chambre de l'instruction. 28. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance des articles 66 de la Constitution et 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés. Il en est de même des griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée et à la présomption d'innocence. 29. Dès lors, les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 695-34 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sous les réserves énoncées aux paragraphes 15 et 16, les deuxième et troisième alinéas de l'article 695-28 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue sont conformes à la Constitution. Article 2.- Les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 695-34 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue sont conformes à la Constitution. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 décembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 4 août 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, décision no 4138 du 27 juillet 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Sylvie T. par Mes Pierre-François Veil et David Père, avocats au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-594 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 153 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; - la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la requérante par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 24 août et 12 septembre 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 26 août 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 octobre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'une requête en annulation devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris portant sur des actes de procédure pénale réalisés en juin et novembre 2012. Le Conseil constitutionnel est donc saisi de l'article 153 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 153 du code de procédure pénale dans cette rédaction prévoit : « Tout témoin cité pour être entendu au cours de l'exécution d'une commission rogatoire est tenu de comparaître, de prêter serment et de déposer. Lorsqu'il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, il ne peut être retenu que le temps strictement nécessaire à son audition. « S'il ne satisfait pas à cette obligation, avis en est donné au magistrat mandant qui peut le contraindre à comparaître par la force publique. Le témoin qui ne comparaît pas encourt l'amende prévue par l'article 434-15-1 du code pénal. « L'obligation de prêter serment et de déposer n'est pas applicable aux personnes gardées à vue en application des dispositions de l'article 154. Le fait que les personnes gardées à vue aient été entendues après avoir prêté serment ne constitue toutefois pas une cause de nullité de la procédure ». 3. La requérante soutient que l'obligation de prêter serment au cours d'une enquête pénale, lorsqu'elle est imposée à une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, méconnaît le droit constitutionnellement reconnu de se taire et celui de ne pas participer à sa propre incrimination. Elle en conclut que la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 153 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution dans la mesure où elle s'oppose à la nullité des auditions réalisées sous serment au cours d'une garde à vue réalisée dans le cadre d'une commission rogatoire. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 153 du code de procédure pénale. - Sur le fond : 5. Selon l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. 6. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2011 mentionnée ci-dessus, en application de l'article 63 du code de procédure pénale, pouvait seule être placée en garde à vue une personne à l'encontre de laquelle il existait une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle avait commis ou tenté de commettre une infraction. À compter de l'entrée en vigueur de cette loi, en application de l'article 62-2 du même code, peut seule être placée en garde à vue une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement. Conformément à l'article 63-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 14 avril 2011, cette personne est immédiatement informée de son droit, lors des auditions, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. L'article 154 du même code prévoit que ces dispositions sont applicables lors de l'exécution d'une commission rogatoire. 7. Par ailleurs, il ressort des articles 103 et 153 du code de procédure pénale que toute personne entendue comme témoin au cours de l'exécution d'une commission rogatoire est tenue de prêter serment de « dire toute la vérité, rien que la vérité ». 8. Faire ainsi prêter serment à une personne entendue en garde à vue de « dire toute la vérité, rien que la vérité » peut être de nature à lui laisser croire qu'elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l'information qu'elle a reçue concernant ce droit. Dès lors, en faisant obstacle, en toute circonstance, à la nullité d'une audition réalisée sous serment lors d'une garde à vue dans le cadre d'une commission rogatoire, les dispositions contestées portent atteinte au droit de se taire de la personne soupçonnée. Par conséquent, la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 153 du code de procédure pénale doit être déclarée contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 9. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 10. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase du dernier alinéa de l'article 153 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 10 de la présente décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 novembre 2014, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 novembre 2016.
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Le Président de la République, Sur la proposition du président du Conseil constitutionnel, Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 15 ; Vu le décret n° 59-1293 du 13 novembre 1959 relatif à l'organisation du secrétariat général du Conseil constitutionnel, notamment son article 1er, M. Laurent Vallée, maître des requêtes au Conseil d'Etat, est nommé secrétaire général du Conseil constitutionnel, en remplacement de M. Marc Guillaume, appelé à d'autres fonctions. Le présent décret, qui prend effet à compter du 2 avril 2015, sera publié au Journal officiel de la République française. Fait le 16 mars 2015. François Hollande Par le Président de la République : Le Premier ministre, Manuel Valls
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 août 2014 par le président de la Polynésie française, dans les conditions prévues par l'article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, d'une demande tendant à ce qu'il constate que sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française des « dispositions législatives touchant au droit de la propriété intellectuelle contenues dans : « - la loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques, articles 1er à 10 ; « - la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, articles 1er à 5, 7 à 14, 16 à 25 et 27 à 51 ; « - la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, article 22 ; « - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, article 25 ; « - la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, les 3° à 8° de l'article 6 et article 11 ». LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 74 et 74-1 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; Vu la loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques ; Vu la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information ; Vu la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales ; Vu la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ; Vu la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon ; Vu les observations du Premier ministre, enregistrées le 26 septembre 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée, pris en application du neuvième alinéa de l'article 74 de la Constitution : « Lorsque le Conseil constitutionnel a constaté qu'une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi organique est intervenue dans les matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française, en tant qu'elle s'applique à cette dernière, cette loi peut être modifiée ou abrogée par l'assemblée de la Polynésie française » ; que le président de la Polynésie française demande au Conseil constitutionnel de constater que « les dispositions législatives touchant au droit de la propriété intellectuelle contenues dans les lois n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques, articles 1er à 10 ; n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, articles 1er à 5, 7 à 14, 16 à 25, 27 à 51 ; n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, article 22 ; n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, article 25 ; loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, les 3° à 8° de l'article 6 et article 11 » sont intervenues dans des matières ressortissant à la compétence de cette collectivité d'outre-mer ; - SUR LES DISPOSITIONS DONT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL EST SAISI : 2. Considérant, en premier lieu, que l'article 11 de la loi du 8 décembre 2004 susvisée dispose : « La présente loi est applicable en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte » ; que la demande du président de la Polynésie française porte sur les mots « en Polynésie française » figurant à cet article 11, en tant qu'ils rendent les articles 1er à 10 de cette loi applicables dans cette collectivité d'outre-mer ; 3. Considérant que l'article 30 de la loi du 3 juin 2008 susvisée dispose : « La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises » ; que la demande du président de la Polynésie française porte sur les mots « en Polynésie française » figurant à cet article 30 en tant qu'ils rendent l'article 22 de cette loi applicable dans cette collectivité d'outre-mer ; 4. Considérant que l'article 57 de la loi du 18 décembre 2013 susvisée dispose : « Sans préjudice des dispositions de la présente loi qui s'y appliquent de plein droit, la présente loi s'applique sur l'ensemble du territoire de la République, à l'exception des dispositions de son article 50, qui ne s'appliquent pas en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna » ; que la demande du président de la Polynésie française porte sur les dispositions de cet article en tant qu'elles rendent l'article 25 de cette loi applicable dans cette collectivité d'outre-mer ; 5. Considérant que le paragraphe II de l'article 21 de la loi du 11 mars 2014 dispose : « Les articles 6, 7, 9 à 15 et 19 sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française » ; que la demande du président de la Polynésie française porte sur les mots « en Polynésie française » figurant à ce paragraphe II, en tant qu'ils rendent les 3° à 8° de l'article 6 et l'article 11 de cette loi applicables dans cette collectivité d'outre-mer ; 6. Considérant, en deuxième lieu, que le paragraphe I de l'article 49 de la loi du 1er août 2006 susvisée dispose : « La présente loi est applicable à Mayotte, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et en Nouvelle-Calédonie » ; que le paragraphe II de cet article 49 insère dans le code de la propriété intellectuelle un nouvel article L. 811-2-1 donnant aux articles L. 122-3-1 et L. 211-6 de ce code leur rédaction applicable dans ces mêmes collectivités d'outre-mer ; 7. Considérant que la demande du président de la Polynésie française est limitée aux dispositions « touchant au droit de la propriété intellectuelle » contenues dans les articles des lois mentionnés ci-dessus dont le Conseil constitutionnel est saisi ; que, toutefois, ne sont pas des dispositions « touchant au droit de la propriété intellectuelle » le paragraphe IV de l'article 1er de la loi du 1er août 2006 susvisée, qui modifie l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale relatif aux conditions d'affiliation des artistes au régime général de sécurité sociale, l'article 36 de cette même loi, qui, notamment, insère dans le code général des impôts un article 220 octies instituant un crédit d'impôt pour les dépenses de production d'œuvres phonographiques, l'article 37 de cette loi, qui modifie l'article 5 de la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière, afin de traiter des règlements comptables applicables aux sociétés de perception et de répartition des droits, les articles 39 à 42 et l'article 51, qui modifient des dispositions du code du patrimoine, l'article 43, qui modifie l'article 22 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, touchant au pouvoir de contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur l'utilisation des fréquences hertziennes, l'article 45, qui modifie l'article 49 de la loi du 30 septembre 1986, relatif au dépôt légal auprès de l'Institut national de l'audiovisuel, et, enfin, l'article 47 qui insère dans le code de l'industrie cinématographique un article 2-1 relatif aux compétences du centre national de la cinématographie ; que le Conseil constitutionnel n'en est donc pas saisi ; 8. Considérant que, par suite, la demande du président de la Polynésie française porte, d'une part, sur les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 49 de la loi du 1er août 2006, en tant qu'ils rendent les paragraphes I à III de l'article 1er, les articles 2 à 5, 7 à 14, 16 à 25, 27 à 35, 38, 44, 46, 48 et 50 de cette loi applicables dans cette collectivité d'outre-mer, et, d'autre part, sur les mots « en Polynésie française » figurant au premier alinéa de l'article L. 811-2-1, inséré dans le code de la propriété intellectuelle par le paragraphe II du même article 49, et, enfin, sur les mots « de la Polynésie française » figurant aux articles L. 122-3-1 et L. 211-6 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction résultant de ce même article L. 811-2-1 ; - SUR LA COMPÉTENCE DE LA POLYNÉSIE FRANCAISE : 9. Considérant que l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée dispose : « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française » ; 10. Considérant, en premier lieu, que le 2° de l'article 14 de cette loi organique dispose que les autorités de l'État sont compétentes en matière de droit pénal et de procédure pénale ; que, d'une part, l'article 20 de la loi du 1er août 2006 insère dans le code de la propriété intellectuelle des dispositions relatives à la constatation des infractions par les officiers de police judiciaire ; que les articles 21 à 23 de cette même loi insèrent dans ce même code des articles qui définissent des infractions pénales ; que, d'autre part, le paragraphe I de l'article 25 de la loi du 18 décembre 2013 modifie les dispositions de l'article 323-3-1 du code pénal, lequel est relatif à la définition d'un délit ; que, par suite, en rendant ces dispositions applicables en Polynésie française, les mots : « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 49 de la loi du 1er août 2006 et l'article 57 de la loi du 18 décembre 2013 ne sont pas intervenus dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française ; 11. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'en vertu du 5° de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004, les dispositions législatives relatives « aux statuts des agents publics de l'État » sont applicables de plein droit en Polynésie française ; que la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle résultant du paragraphe I de l'article 31 de la loi du 1er août 2006 ainsi que ses articles 32 et 33 sont applicables au droit d'auteur des agents de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics à caractère administratif ; que, par suite, en tant qu'elles visent les agents publics de l'État, ces dispositions s'appliquent de plein droit en Polynésie française ; que, d'autre part, le 10° de l'article 14 de cette même loi organique réserve à l'État la compétence en matière de « fonction publique communale » ; qu'ainsi, en tant qu'elles s'appliquent aux agents des communes de la Polynésie française, ces dispositions des articles 31 à 33 ont été adoptées dans une matière relevant de la compétence de l'État ; qu'en revanche, en rendant applicables en Polynésie française la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction résultant du paragraphe I de l'article 31 de la loi du 1er août 2006, et en rendant applicables la deuxième phrase du troisième alinéa de cet article L. 111-1 ainsi que les articles 32 et 33 de cette même loi aux agents de la Polynésie française et de ses établissements publics à caractère administratif, les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 49 de cette loi sont intervenus dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française ; 12. Considérant, en troisième lieu, que les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel fixent des règles relatives au droit de la propriété intellectuelle qui ne se rattachent ni à l'une des matières pour lesquelles les dispositions législatives ou réglementaires s'appliquent de plein droit à la Polynésie française en application de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 ni à l'une des matières réservées à la compétence de l'État en application de l'article 14 de cette même loi organique ; qu'en particulier ne relèvent pas de la procédure pénale les dispositions de l'article 11 de la loi du 11 mars 2014 qui prévoient que le dépôt d'une plainte auprès du procureur de la République est regardé comme une action au fond faisant obstacle à la caducité des mesures urgentes ou conservatoires demandées par les titulaires de droits d'auteur et mises en œuvre soit sur autorisation de la juridiction civile, en application des articles L. 343-2, L. 521-6, L. 615-3, L. 623-27, L. 716-6 et L. 722-3 du code de la propriété intellectuelle, soit par l'administration des douanes en application de ses articles L. 521-14 et L. 716-8 ; qu'en rendant ces dispositions applicables en Polynésie française, le législateur est intervenu dans une matière ressortissant à la compétence de cette collectivité, D É C I D E : Article 1er.- Sont intervenus dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française : - les mots « en Polynésie française » figurant à l'article 11 de la loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques, en tant qu'ils rendent les articles 1er à 10 de cette loi applicables en Polynésie française ; - les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 49 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, en tant qu'ils rendent les paragraphes I à III de l'article 1er, les articles 2 à 5, 7 à 14, 16 à 19, 24, 25, 27 à 30, 34, 35, 38, 44, 46, 48 et 50 de cette loi applicables en Polynésie française ; - les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 49 de cette même loi du 1er août 2006, en tant qu'ils rendent applicables en Polynésie française la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle résultant du paragraphe I de l'article 31 et en tant qu'ils rendent applicables aux agents de la Polynésie française et de ses établissement publics à caractère administratif la deuxième phrase du troisième alinéa de cet article L. 111-1 ainsi que les articles 32 et 33 de cette loi ; - les mots « en Polynésie française » figurant au premier alinéa de l'article L. 811-2-1, inséré dans le code de la propriété intellectuelle par le paragraphe II de l'article 49 de cette même loi du 1er août 2006, et les mots « de la Polynésie française » figurant aux articles L. 122-3-1 et L. 216 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction résultant de ce même article L. 811-2-1 ; - les mots « en Polynésie française » figurant à l'article 30 de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, en tant qu'ils rendent l'article 22 de cette loi applicable en Polynésie française ; - l'article 57 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, en tant qu'il rend le paragraphe II de l'article 25 de cette loi applicable en Polynésie française ; - les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe II de l'article 21 de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, en tant qu'ils rendent les 3° à 8° de l'article 6 et l'article 11 de cette loi applicables en Polynésie française. Article 2.- Ne sont pas intervenus dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française, les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 49 de la loi du 1er août 2006 précitée, en tant qu'ils rendent : - les articles 20 à 23 de cette loi applicables en Polynésie française ; - la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle résultant du paragraphe I de l'article 31 et les articles 32 et 33 de cette loi applicables aux agents des communes de la Polynésie française. Article 3. - L'article 57 de la loi du 18 décembre 2013 précitée n'est pas intervenu dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française en tant qu'il rend le paragraphe I de l'article 25 de cette loi applicable en Polynésie française. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 novembre 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 7 novembre 2014.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3698 du 28 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Lakhdar Y. par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-573 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de l'article L. 654-2, du 2° de l'article L. 654-5 et de l'article L. 654-6 du code de commerce, « dans leur rédaction, actuellement en vigueur, issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ». Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; - l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté ; - la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, notamment son article 138 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Thouin-Palat et Boucard et Mes Stephan Reifegerste et Christian Kupferberg, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 27 juillet 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 28 juillet et 11 août 2016 ; - les observations en intervention présentées par M. Gilles P., enregistrées les 15 et 19 septembre 2016 ; - les observations en intervention présentées pour M. Frédéric P. par la SCP Hadengue et associés, avocat au barreau de Versailles, enregistrées les 16 et 19 septembre 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me François Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Reifegerste, pour le requérant, Me Aude Tondriaux-Gautier, avocat au barreau de Paris, pour M. Frédéric P., et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 2° de l'article L. 654-2, le 2° de l'article L. 654-5 et l'article L. 654-6 du code de commerce, la Cour de cassation a jugé que cette question portait sur ces dispositions « dans leur rédaction, actuellement en vigueur, issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ». Toutefois, l'ordonnance du 18 décembre 2008 mentionnée ci-dessus n'a pas modifié la rédaction de l'article L. 654-5 du code de commerce. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité dont le Conseil constitutionnel est saisi porte sur le 2° de l'article L. 654-2 et sur l'article L. 654-6 du code de commerce dans leur rédaction résultant de l'ordonnance du 18 décembre 2008 et sur le 2° de l'article L. 654-5 dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 654-2 du code de commerce, dans cette rédaction, énumère les faits susceptibles de conduire à la condamnation pour banqueroute, par le juge pénal, de certains professionnels ou dirigeants de sociétés mentionnés à l'article L. 654-1 du même code, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Le 2° de cet article prévoit qu'est, à ce titre, susceptible de conduire à une telle condamnation, le fait d'« avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ». 3. L'article L. 654-5 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008, définit les peines complémentaires susceptibles d'être prononcées à l'encontre d'une personne coupable de banqueroute. Le 2° de cet article prévoit qu'est, à ce titre, susceptible d'être prononcée : « L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ». 4. L'article L. 654-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 18 décembre 2008, prévoit : « La juridiction répressive qui reconnaît l'une des personnes mentionnées à l'article L. 654-1 coupable de banqueroute peut, en outre, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 653-11, prononcer soit la faillite personnelle de celle-ci, soit l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à moins qu'une juridiction civile ou commerciale ait déjà prononcé une telle mesure par une décision définitive prise à l'occasion des mêmes faits ». 5. Selon le requérant et les parties intervenantes, en cas de détournement ou de dissimulation d'actif au sens du 2° de l'article L. 654-2 du code de commerce, le dirigeant d'une société en redressement ou liquidation judiciaire peut être poursuivi pour banqueroute et ainsi pénalement sanctionné par une interdiction d'exercice prévue au 2° de l'article L. 654-5 et par la faillite personnelle mentionnée à l'article L. 654-6 du même code. Or, les mêmes faits seraient susceptibles d'être sanctionnés par ailleurs par les juridictions civiles ou commerciales dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, sur le fondement des articles L. 653-1 à L. 653-8 du code de commerce, relatifs à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction. En permettant un tel cumul de poursuites et de sanctions, les dispositions contestées méconnaîtraient les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 6. Le requérant reproche également à l'article L. 654-6 du code de commerce de ne prohiber un tel cumul de sanctions que dans le cas où la juridiction civile s'est déjà prononcée « par une décision définitive prise à l'occasion des mêmes faits », sans prévoir la réciproque dans le cas où le juge pénal a déjà statué. Il en résulterait une violation du principe d'égalité devant la loi, reconnu par l'article 6 de la Déclaration de 1789. 7. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 2° de l'article L. 654-2 du code de commerce, sur les mots : « ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale » figurant au 2° de l'article L. 654-5, ainsi que sur l'article L. 654-6 du même code. - Sur les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines : 8. Selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 9. D'une part, en application de l'article L. 653-1 et du 5° de l'article L. 653-4 du code de commerce, dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le juge civil ou commercial peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant d'une personne morale, lorsque celui-ci a détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables aux personnes exerçant une activité professionnelle indépendante et soumise, à ce titre, à des règles disciplinaires propres. En vertu de l'article L. 653-2 du même code, la sanction de faillite personnelle emporte interdiction de gérer toute entreprise, exploitation agricole ou personne morale. Par ailleurs, en application de l'article L. 643-11 du même code, les créanciers recouvrent leur droit de poursuite personnelle à l'encontre du failli. Enfin, le juge peut, en application de l'article L. 653-10, assortir la mesure de faillite personnelle d'une incapacité d'exercer une fonction publique élective, pour la même durée, dans la limite de cinq ans. 10. Compte tenu des conséquences qu'il a attachées à la faillite personnelle, ainsi que de la généralité, au regard du manquement en cause, de la mesure d'interdiction de gérer qu'il a retenue, le législateur a entendu, en instituant de telles mesures, assurer la répression, par le juge civil ou commercial, du détournement et de la dissimulation d'actif. Ces mesures doivent par conséquent être regardées comme des sanctions ayant le caractère de punition. 11. D'autre part, en application de l'article L. 654-2 du code de commerce, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le juge pénal peut condamner pour banqueroute les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale, les agriculteurs, les personnes exerçant une activité professionnelle indépendante, celles dirigeant ou ayant liquidé une personne morale. Cette condamnation est notamment encourue lorsque ces personnes ont détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur. Ce délit est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende par l'article L. 654-3 du code de commerce. Ces peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende par l'article L. 654-4 lorsque l'auteur ou le complice est un dirigeant d'une entreprise prestataire de services d'investissement. Parmi les peines complémentaires prévues à l'article L. 654-5, les personnes physiques encourent non seulement les interdictions d'exercice prévues au 2° mentionné ci-dessus, mais aussi l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction d'exercer une fonction publique, l'exclusion des marchés publics, l'interdiction d'émettre des chèques et l'affichage ou la diffusion de la décision. Enfin, en application de l'article L. 654-6, le juge pénal peut, sous certaines conditions, prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer non seulement une entreprise commerciale ou industrielle, mais aussi toute exploitation agricole ou toute personne morale. 12. Les sanctions de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer pouvant être prononcées par le juge civil ou commercial pour les manquements mentionnés au 2° de l'article L. 654-2 du code de commerce sont identiques à celles encourues devant la juridiction pénale pour les mêmes manquements constitutifs du délit de banqueroute. En revanche, le juge pénal peut condamner l'auteur de ce délit à une peine d'emprisonnement et à une peine d'amende, ainsi qu'à plusieurs autres peines complémentaires d'interdictions. 13. Il résulte de ce qui précède que les faits prévus et réprimés par les articles mentionnés ci-dessus doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions de nature différente. 14. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit donc être rejeté. - Sur le principe d'égalité devant la loi : 15. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 16. L'article L. 654-6 du code de commerce interdit au juge pénal de prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8 lorsqu'une juridiction civile ou commerciale a déjà prononcé une telle mesure par une décision définitive prise à l'occasion des mêmes faits. Une personne en redressement ou liquidation judiciaire devant le juge civil ou commercial et poursuivie pour banqueroute devant le juge pénal peut ainsi faire l'objet deux fois d'une mesure de faillite personnelle ou deux fois d'une mesure d'interdiction prévue à l'article L. 653-8 si le juge pénal se prononce avant la décision définitive du juge civil ou commercial. À l'inverse, la même personne ne peut faire l'objet qu'une seule fois de telles mesures si le juge civil ou commercial a définitivement statué au moment où le juge pénal se prononce. 17. Cette différence de traitement n'est justifiée ni par une différence de situation, ni par un motif d'intérêt général. En conséquence, l'article L. 654-6 du code de commerce, qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi, doit être déclaré contraire à la Constitution. 18. Le 2° de l'article L. 654-2 du code de commerce et les mots : « ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale » figurant au 2° de l'article L. 654-5 du même code, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent lui être déclarés conformes. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 19. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 20. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter la date de l'abrogation des dispositions contestées. La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 654-6 du code de commerce prend effet à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- L'article L. 654-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, est contraire à la Constitution Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au paragraphe 20. Article 3.- Sont conformes à la Constitution : - le 2° de l'article L. 654-2 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance mentionnée à l'article 1er ; - les mots : « ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale » figurant au 2° de l'article L. 654-5, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Article 4.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 29 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2016 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêts nos 983, 984, 985, 986 et 987 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de cinq questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été posées pour la société BNP PARIBAS SA, par Me Stéphane Gouin, avocat au barreau de Nîmes. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2016-574/575/576/577/578 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article 792 du code civil. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; - Après avoir entendu Me Gouin pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 27 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les cinq questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Le litige concerne les effets d'une acceptation à concurrence de l'actif net intervenue en janvier 2011 pour une succession ouverte en juin 2010. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du second alinéa de l'article 792 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 23 juin 2006 mentionnée ci-dessus. 3. Selon le premier alinéa de l'article 792 du code civil, lorsqu'un héritier accepte la succession à concurrence de l'actif net, les créanciers de la succession sont tenus de déclarer leurs créances. Le second alinéa de l'article 792 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 23 juin 2006 dispose : « Faute de déclaration dans un délai de quinze mois à compter de la publicité prévue à l'article 788, les créances non assorties de sûretés sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard de celle-ci. Cette disposition bénéficie également aux cautions et coobligés, ainsi qu'aux personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur la créance ainsi éteinte ». 4. Selon la société requérante, les dispositions contestées, en ce qu'elles prévoient l'extinction définitive de la créance faute de déclaration dans un délai de quinze mois, méconnaissent les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 5. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Selon son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». En l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 6. En premier lieu, dans la mesure où la créance n'est éteinte que si le créancier a omis de la déclarer dans le délai prévu par le législateur pour qu'il accomplisse des diligences, les dispositions contestées n'entraînent pas de privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté. 7. En second lieu, les dispositions contestées, en ce qu'elles prévoient l'extinction définitive de la créance non déclarée dans le délai légal, sont susceptibles d'entraîner une atteinte au droit de propriété des créanciers de la succession. Toutefois, d'une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a cherché, en assurant l'efficacité de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net, à faciliter la transmission des patrimoines. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. D'autre part, des garanties sont offertes aux créanciers, qui disposent d'un délai de quinze mois pour déclarer leurs créances. Ce délai court à compter de la date de la publicité nationale de la déclaration d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net. En outre, les créances assorties d'une sûreté réelle échappent à l'extinction. Par ailleurs, en vertu du dernier alinéa de l'article 800 du code civil, l'héritier qui a omis, sciemment et de mauvaise foi, de signaler l'existence d'une créance au passif de la succession est déchu de l'acceptation à concurrence de l'actif net. Compte tenu de l'objectif poursuivi et des garanties prévues, le législateur n'a pas, par les dispositions contestées, porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 8. Le second alinéa de l'article 792 du code civil, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Le second alinéa de l'article 792 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, est conforme à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 5 octobre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 58 ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, notamment son article 3 ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; Et après avoir entendu le rapporteur ; D É C I D E : Article 1er.- L'ordre selon lequel est établie la liste des candidats à l'élection du Président de la République est déterminé par voie de tirage au sort entre les noms des candidats. Article 2.- Pendant la période de recueil des présentations des candidats à l'élection du Président de la République, une liste des citoyens qui, en tant qu'élus habilités, ont valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République est rendue publique sur le site internet du Conseil constitutionnel deux fois par semaine, le mardi et le vendredi. Sont seuls rendus publics le nom et la qualité des élus dont la présentation a été jugée valable au jour de publication de la liste. Chacune des listes ainsi arrêtées par le Conseil constitutionnel mentionne les élus dont la présentation a été jugée valable depuis l'établissement de la précédente liste dans l'ordre alphabétique, ainsi que le nom des candidats présentés. Une publication complète de l'ensemble des élus qui ont valablement présenté un candidat depuis le début de la période de recueil des présentations est assurée sur le site internet du Conseil constitutionnel, en même temps que la publication de chacune des listes mentionnées ci-dessus. Pour chacun des candidats qui bénéficient d'une présentation, cette publication classe les élus selon le département ou la collectivité d'outre-mer dans lequel ils ont été élus. La liste définitive arrêtée par le Conseil constitutionnel huit jours au moins avant le premier tour de scrutin, qui rend publics le nom et la qualité de l'ensemble des élus qui ont présenté les candidats à l'élection du Président de la République, les classe selon les modalités fixées à l'alinéa précédent. Article 3.- La décision n° 81-30 ORGA du Conseil constitutionnel du 24 février 1981 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection à la présidence de la République ainsi que de la liste du nom et de la qualité des citoyens ayant régulièrement présenté un candidat inscrit dans la limite du nombre requis pour la validité de la candidature, modifiée par la décision n° 2012-122 ORGA du 28 juin 2012, est abrogée. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2016 par le Conseil d'État (décision n° 398371 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Nabil F., par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-580 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; - l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, notamment son article 120 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées les 28 juillet et 12 août 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2016 ; - les observations en intervention présentées pour les associations La Cimade et La Ligue des droits de l'Homme par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 28 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant et les associations intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 27 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 novembre 2004 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I.- Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes :« 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ; « 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative et qui est composée : « a) Du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, président ; « b) D'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ; « c) D'un conseiller de tribunal administratif ». 2. Selon le requérant et les parties intervenantes, en permettant l'expulsion d'un étranger du territoire français en urgence absolue, sans lui laisser la possibilité matérielle de saisir un juge avant l'exécution de la mesure, les dispositions contestées portent une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée reconnu par l'article 2 de cette Déclaration. En n'ayant ni défini la notion d'urgence absolue, ni prévu de garantie faisant obstacle à la mise en œuvre immédiate d'une décision d'expulsion, le législateur aurait, en outre, méconnu sa compétence dans des conditions affectant ces droits. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots : « Sauf en cas d'urgence absolue, » figurant au premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 4. Selon l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. Pour être conformes à la Constitution, les atteintes à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. 5. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 6. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 7. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Dans ce cadre, il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ces derniers figurent le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789, et le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 2 de cette Déclaration. 8. En vertu de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'expulsion d'un étranger ne peut être prononcée sans que l'autorité administrative l'ait préalablement avisé et sans qu'il ait été convoqué pour être entendu par la commission prévue au 2° de cet article. Une fois ces formalités accomplies, l'arrêté prononçant l'expulsion peut être exécuté d'office par l'administration en application de l'article L. 523-1 du même code. Toutefois, en cas d'urgence absolue, les dispositions contestées dispensent l'autorité administrative de l'obligation d'aviser préalablement l'étranger concerné et de le convoquer devant la commission avant de prononcer l'expulsion. En application de l'article L. 523-2 du même code, la détermination du pays de renvoi fait l'objet d'une décision distincte. 9. En premier lieu, l'urgence absolue répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d'exigences impérieuses de l'ordre public. 10. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne privent pas l'intéressé de la possibilité d'exercer un recours contre la décision d'expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure d'expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. 11. En dernier lieu, l'absence de tout délai, critiquée par le requérant, entre, d'une part, la notification à l'étranger de la mesure d'expulsion et, d'autre part, son exécution d'office, ne résulte pas des dispositions contestées. En cas de contestation de la décision déterminant le pays de renvoi, il résulte de l'application combinée des articles L. 513-2 et L. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient au juge administratif de veiller au respect de l'interdiction de renvoyer un étranger « à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ». 12. Il résulte de ce qui précède que le législateur, en dispensant l'autorité administrative, en cas d'urgence absolue, d'accomplir les formalités prévues à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions. Les griefs tirés de la méconnaissance des articles 2 et 16 de la Déclaration de 1789 doivent donc être rejetés. 13. Par conséquent, les mots : « Sauf en cas d'urgence absolue, » figurant au premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent lui être déclarés conformes. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Les mots : « Sauf en cas d'urgence absolue, » figurant au premier alinéa de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont conformes à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 4 octobre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 juin 2016 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts nos 3558 et 3559 du 8 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été posées pour M. Mukhtar A. par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel respectivement sous le n° 2016-561 QPC et le n° 2016-562 QPC. Elles sont toutes deux relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 696-11 et 696-19 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 6 juillet 2016 ; - les observations présentées pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan et par Me Bruno Rebstock, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, enregistrées respectivement les 21 et 20 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Claire Waquet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, ainsi que Me Rebstock pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 2 août 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y répondre par une seule décision. 2. Une question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Le requérant a fait l'objet de deux demandes d'extradition formées, auprès du gouvernement français, successivement par l'Ukraine et la Fédération de Russie. Placé sous écrou extraditionnel dans le cadre de ces procédures d'extradition, il a présenté dans chacune d'entre elles une demande de mise en liberté le 22 février 2016 devant la chambre de l'instruction. Les questions prioritaires de constitutionnalité ont été posées à l'occasion de la contestation des décisions de rejet de ces demandes. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des articles 696-11 et 696-19 du code de procédure pénale dans leur rédaction résultant de la loi du 14 avril 2011 mentionnée ci-dessus. 3. L'article 696-11 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 14 avril 2011 prévoit : « À la suite de la notification de la demande d'extradition, s'il décide de ne pas laisser en liberté la personne réclamée, le procureur général la présente au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège désigné par lui. « Le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui ordonne l'incarcération et le placement sous écrou extraditionnel de la personne réclamée à la maison d'arrêt du siège de la cour d'appel. « Toutefois, s'il estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie, le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège désigné par lui peut soumettre la personne réclamée, jusqu'à sa comparution devant la chambre de l'instruction, à une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 138 et 142-5. Cette décision est notifiée verbalement et mentionnée au procès-verbal dont copie lui est remise sur-le-champ. Elle est susceptible de recours devant la chambre de l'instruction qui doit statuer dans un délai de cinq jours. « L'article 696-21 est applicable à la personne recherchée laissée en liberté ou placée sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence sous surveillance électronique si elle se soustrait volontairement ou ne respecte pas les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ». 4. L'article 696-19 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 14 avril 2011 prévoit : « La mise en liberté peut être demandée à tout moment à la chambre de l'instruction selon les formes prévues aux articles 148-6 et 148-7. « L'avocat de la personne réclamée est convoqué, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quarante-huit heures au moins avant la date de l'audience. La chambre de l'instruction statue après avoir entendu le ministère public ainsi que la personne réclamée ou son avocat, dans les plus brefs délais et au plus tard dans les vingt jours de la réception de la demande, par un arrêt rendu dans les conditions prévues à l'article 199. Si la demande de mise en liberté a été formée par la personne réclamée dans les quarante-huit heures de la mise sous écrou extraditionnel, le délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer est réduit à quinze jours. « La chambre de l'instruction peut également, lorsqu'elle ordonne la mise en liberté de la personne réclamée et à titre de mesure de sûreté, astreindre l'intéressé à se soumettre à une ou plusieurs des obligations énumérées aux articles 138 et 142-5. « Préalablement à sa mise en liberté, la personne réclamée doit signaler à la chambre de l'instruction ou au chef de l'établissement pénitentiaire son adresse. Elle est avisée qu'elle doit signaler à la chambre de l'instruction, par nouvelle déclaration ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée. Elle est également avisée que toute notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa personne. « Mention de cet avis, ainsi que de la déclaration d'adresse, est portée soit au procès-verbal, soit dans le document qui est adressé sans délai, en original ou en copie par le chef de l'établissement pénitentiaire à la chambre de l'instruction ». 5. Le requérant soutient que les conditions dans lesquelles le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège qu'il a désigné statue, lorsqu'il est saisi par le procureur général aux fins d'incarcération d'une personne dont l'extradition est demandée, portent atteinte à la liberté individuelle, à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée, à la présomption d'innocence, au droit au recours et aux droits de la défense. Selon lui, il en va de même de l'absence de fixation d'une durée maximum d'incarcération et des délais dans lesquels doit être examinée une demande de mise en liberté d'une personne incarcérée dans ce cadre. 6. Au sein de l'article 696-11 du code de procédure pénale, les deuxième et troisième alinéas déterminent les modalités selon lesquelles le premier président de la cour d'appel ou le magistrat du siège qu'il a désigné ordonne l'incarcération de la personne dont l'extradition est demandée. Au sein de l'article 696-19 du code de procédure pénale, les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa fixent les conditions, notamment de délai, dans lesquelles la chambre de l'instruction statue sur une demande de mise en liberté de la personne réclamée. Les questions prioritaires de constitutionnalité portent donc sur les deuxième et troisième alinéas de l'article 696-11 du code de procédure pénale ainsi que sur les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 696-19 du même code. - Sur les deuxième et troisième alinéas de l'article 696-11 du code de procédure pénale : 7. Le requérant soutient que les dispositions contestées de l'article 696-11 du code de procédure pénale, en ce qu'elles posent le principe de l'incarcération de la personne dont l'extradition est demandée sans permettre au premier président de la cour d'appel ou au magistrat désigné par lui, lorsqu'il est saisi aux fins de prononcer cette incarcération, de laisser en liberté la personne réclamée, imposent une rigueur non nécessaire méconnaissant la liberté individuelle. Selon le requérant, ces dispositions portent également une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à la présomption d'innocence et au droit au respect de la vie privée. Il soutient aussi que ces mêmes dispositions méconnaissent les droits de la défense dès lors qu'elles ne conditionnent pas le prononcé de l'incarcération à la tenue préalable d'un débat contradictoire et ne permettent pas à la personne réclamée, lorsqu'elle est présentée devant le premier président de la cour d'appel ou le magistrat désigné par lui, d'être assistée par un avocat. Ces dispositions méconnaîtraient enfin le droit à un recours effectif faute pour la décision de placement en détention de pouvoir être contestée. 8. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction et que doit être assuré le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. 9. Selon l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. 10. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle. Les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis. 11. En application des dispositions de l'article 696-11 du code de procédure pénale, dans l'hypothèse où le procureur général décide de ne pas laisser en liberté la personne réclamée, celle-ci doit être présentée au premier président de la cour d'appel ou au magistrat du siège qu'il a désigné. Selon les deuxième et troisième alinéas de ce même article, il appartient à ce magistrat d'ordonner, le cas échéant, l'incarcération de la personne réclamée en fonction de ses garanties de représentation à tous les actes de la procédure. Si ce magistrat estime que cette représentation de la personne réclamée est suffisamment garantie, il peut laisser celle-ci en liberté en la soumettant soit à une mesure de contrôle judiciaire, soit aux obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique. Ces mesures alternatives à l'incarcération sont susceptibles de recours devant la chambre de l'instruction qui doit statuer dans un délai de cinq jours. 12. En premier lieu, les dispositions contestées ne sauraient, sans imposer une rigueur non nécessaire méconnaissant la liberté individuelle ni porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, être interprétées comme excluant la possibilité pour le magistrat du siège saisi aux fins d'incarcération dans le cadre d'une procédure d'extradition de laisser la personne réclamée en liberté sans mesure de contrôle dès lors que celle-ci présente des garanties suffisantes de représentation. 13. En deuxième lieu, le respect des droits de la défense exige que la personne présentée au premier président de la cour d'appel ou au magistrat qu'il a désigné puisse être assistée par un avocat et avoir, le cas échéant, connaissance des réquisitions du procureur général. 14. En troisième lieu, ni les dispositions contestées de l'article 696-11 du code de procédure pénale, ni aucune autre disposition législative ne prévoient de recours spécifique à l'encontre de la mesure d'incarcération. Cependant l'article 696-19 du code de procédure pénale reconnaît à la personne placée sous écrou extraditionnel la faculté de demander à tout moment à la chambre de l'instruction sa mise en liberté. À cette occasion, elle peut faire valoir l'irrégularité de l'ordonnance de placement sous écrou extraditionnel. Il en résulte que l'intéressé n'est pas privé de la possibilité de contester la mesure d'incarcération. 15. Par suite, sous les réserves énoncées aux paragraphes 12 et 13, les griefs tirés de ce que les deuxième et troisième alinéas de l'article 696-11 du code de procédure pénale méconnaissent la liberté individuelle, la liberté d'aller et venir, les droits de la défense et le droit à un recours effectif doivent être écartés. Ces dispositions ne méconnaissent, par ailleurs, ni la présomption d'innocence, ni le droit au respect de la vie privée, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 12 et 13, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 696-19 du code de procédure pénale : 16. Le requérant soutient que les délais impartis à la chambre de l'instruction, par les dispositions contestées de l'article 696-19 du code de procédure pénale, pour statuer sur une demande de mise en liberté formée par une personne placée sous écrou extraditionnel, sont excessifs et qu'il n'existe pas de durée maximale à l'incarcération ordonnée dans ce cadre. Il en déduit que ces dispositions portent atteinte à la liberté individuelle, à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée, à la présomption d'innocence, au droit au recours et aux droits de la défense. 17. En premier lieu, en matière de privation de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais. Il appartient aux autorités judiciaires, sous le contrôle de la Cour de cassation, de veiller au respect de cette exigence. 18. La première phrase du deuxième alinéa de l'article 696-19 du code de procédure pénale prévoit que la chambre de l'instruction doit, lorsqu'elle est saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne incarcérée dans le cadre d'une procédure d'extradition, statuer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les vingt jours de la réception de la demande. En application de la deuxième phrase de ce même alinéa, ce délai est réduit à quinze jours lorsque la demande de mise en liberté a été formulée dans les quarante huit heures à compter du placement sous écrou extraditionnel. Ces délais maximums ne sont pas excessifs au regard, notamment, de la nécessité pour le juge de déterminer si la personne présente les garanties suffisantes de représentation à tous les actes de la procédure. 19. En second lieu, ni l'article 696-19 ni aucune autre disposition législative ne prévoient de durée maximum au placement sous écrou extraditionnel. En outre, il n'existe pas d'obligation d'un réexamen périodique du bien-fondé de la détention par un juge. 20. Cependant, la personne réclamée peut solliciter à tout instant de la procédure, qu'elle soit juridictionnelle ou administrative, sa mise en liberté devant la chambre de l'instruction. 21. La liberté individuelle ne saurait, toutefois, être tenue pour sauvegardée si l'autorité judiciaire ne contrôlait pas, à cette occasion, la durée de l'incarcération, en tenant compte notamment des éventuels recours exercés par la personne et des délais dans lesquels les autorités juridictionnelles et administratives ont statué. Ce contrôle exige que l'autorité judiciaire fasse droit à la demande de mise en liberté lorsque la durée totale de la détention, dans le cadre de la procédure d'extradition, excède un délai raisonnable. 22. Sous la réserve énoncée au paragraphe 21, les griefs tirés de la méconnaissance des articles 66 de la Constitution et 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés. Il en est de même des griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée et à la présomption d'innocence. 23. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe 21, les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 696-19 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sous les réserves énoncées aux paragraphes 12 et 13, les deuxième et troisième alinéas de l'article 696-11 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue sont conformes à la Constitution. Article 2.- Sous la réserve énoncée au paragraphe 21, les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 696-19 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue sont conformes à la Constitution. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2016, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 9 septembre 2016
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 juin 2016 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 803 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Pierre D. par la SCP Nicolas Boullez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-560 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Nicolas Boullez, enregistrées les 30 juin et 18 juillet 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 30 juin 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Nicolas Boullez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 2 août 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon l'article 1397 du code civil, les époux peuvent, dans certaines conditions, changer de régime matrimonial par acte notarié. Cet acte notarié est soumis à homologation judiciaire en présence d'enfants mineurs ou en cas d'opposition formée par les personnes parties au contrat modifié, par les enfants majeurs de chaque époux ou les créanciers des époux. Le sixième alinéa de l'article 1397 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 5 mars 2007 mentionnée ci-dessus dispose : « Le changement a effet entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, à l'égard des tiers, trois mois après que mention en a été portée en marge de l'acte de mariage. Toutefois, en l'absence même de cette mention, le changement n'en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial ». 2. Le requérant soutient qu'en prévoyant que le changement de régime matrimonial prend effet, entre les époux, à des dates différentes selon que l'acte notarié y procédant est soumis ou non à homologation judiciaire, les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre les conjoints, notamment selon qu'ils ont ou non des enfants mineurs, contraire au principe d'égalité devant la loi. 3. Le requérant conteste uniquement le choix du législateur de fixer différemment la date de prise d'effet entre les époux du changement de régime matrimonial selon que l'acte notarié est soumis ou non à homologation judiciaire. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur les mots « entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, » figurant dans la première phrase du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil. 4. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 5. Les dispositions contestées font dépendre la date de prise d'effet du changement de régime matrimonial de l'existence ou non d'une homologation judiciaire. Or, les époux dont le changement de régime matrimonial doit faire l'objet d'un acte notarié soumis à homologation par le juge, que ce soit en raison de l'opposition formée par les titulaires de ce droit ou de la présence d'enfants mineurs, ne se trouvent pas dans la même situation que les époux dont le changement de régime matrimonial n'est pas soumis à une telle procédure qui vise à protéger des personnes dont les intérêts sont ou pourraient être lésés. Dès lors, pour les époux dont le changement de régime matrimonial doit faire l'objet d'un acte notarié soumis à homologation par le juge, en retenant comme date de prise d'effet de ce changement de régime celle du jugement d'homologation, le législateur a établi une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi qui est de fixer la date à laquelle le changement de régime matrimonial est acquis. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 6. Les mots « entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, » figurant dans la première phrase du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 mars 2007, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Les mots « entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, » figurant dans la première phrase du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs sont conformes à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 8 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2016 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 1565 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour, la Caisse des dépôts et consignations, par la SCP Celice-Blancpain-Soltner-Texidor, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-579 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire ; - la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; - la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ; - les arrêts de la Cour de cassation du 6 janvier 2011 (chambre sociale, n° 10.18-205) et du 8 juillet 2015 (chambre sociale, n° 14.20-837) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Celice-Soltner-Texidor-Perier avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 juillet 2016 ; - les observations présentées pour le syndicat UNSA Caisse des dépôts, le syndicat CGT Caisse des dépôts, le syndicat CGC Caisse des dépôts, le syndicat CFDT Caisse des dépôts et le syndicat FO-Informatique CDC, parties à l'instance à l'occasion de laquelle la QPC a été posée, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 28 juillet et 11 août 2016 ; - les observations présentées pour le syndicat national unitaire des personnels du groupe CDC, Mmes Annie L., Patricia M., Axelle C., Hora H. et MM. Jean-Pierre D. et Gil M ., parties en défense, par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 29 juillet et 12 août 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Damien Celice, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour la société requérante, Me Antoine Lyon-Caen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour les parties à l'instance à l'occasion de laquelle la QPC a été posée, Me Hélène Masse-Dessen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour les parties en défense et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 27 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 34 de la loi du 28 mai 1996, dans la rédaction résultant de la loi du 15 mai 2001 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le personnel de la Caisse des dépôts et consignations comprend des agents régis par le statut général de la fonction publique de l'État et des agents contractuels de droit public. « La Caisse des dépôts et consignations est en outre autorisée à employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels lorsqu'ils ont été recrutés avant la date de promulgation de la présente loi par le Groupement d'intérêt économique Bureau des techniques d'actuariat et de management (G.I.E. B.E.T.A.M.) et affectés avant cette date dans ses services. Elle est également autorisée à recruter dans les mêmes conditions des agents contractuels lorsque les exigences particulières de l'organisation de certains services ou la spécificité de certaines fonctions le justifient. « L'emploi des agents mentionnés à l'alinéa précédent n'a pas pour effet de rendre applicables à la Caisse des dépôts et consignations les dispositions du code du travail relatives aux comités d'entreprise. « Un décret en Conseil d'État détermine, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article et en particulier les catégories d'emplois susceptibles d'être occupés par les agents mentionnés à la deuxième phrase du deuxième alinéa du présent article. Il détermine également les instances de concertation propres à la Caisse des dépôts et consignations et précise les modalités selon lesquelles ses agents y sont représentés. « La Caisse des dépôts et consignations représentée par son directeur général est par ailleurs habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle au sens du II de l'article L. 439-1 du code du travail. « Ces accords, approuvés par arrêté du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, portent, d'une part, sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l'alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code du travail. Ils portent, d'autre part, sur la création d'un comité mixte d'information et de concertation doté de moyens autonomes de fonctionnement, et notamment d'un budget géré sous sa responsabilité dans le cadre de son objet. La création de ce comité n'est pas exclusive de la mise en place, dans les formes prévues ci-dessus, d'une ou plusieurs autres instances dont les compétences et les moyens de fonctionnement seront déterminés conventionnellement. « Les délégués syndicaux communs et les membres des instances visées aux alinéas précédents bénéficient de la protection prévue par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés placés sous le régime des conventions collectives, des articles L. 412-18 et suivants du code du travail ». 2. La société requérante et les parties à l'instance à l'occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée soutiennent que ces dispositions sont entachées d'incompétence négative, en ce que, conformément à l'interprétation constante de la Cour de cassation, elles habilitent la Caisse des dépôts et consignations à conclure des accords collectifs dérogatoires aux règles du code du travail portant sur la désignation et les compétences des délégués syndicaux communs aux agents de droit public et aux salariés de droit privé, sans préciser les conditions et les garanties indispensables à la mise en œuvre du droit des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail. De ce fait, elles porteraient atteinte au principe reconnu au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. 3. En posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée. 4. Au sein des dispositions transmises, les mots : « , d'une part, sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l'alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code du travail. Ils portent, d'autre part, » figurant au sixième alinéa de l'article 34 de la loi du 28 mai 1996, permettent à la Caisse des dépôts et consignations de conclure des accords collectifs portant sur la « désignation et les compétences de délégués syndicaux communs » aux différents agents du groupe de la Caisse des dépôts et consignations, qu'ils relèvent du droit public ou du droit privé. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, telle qu'elle ressort des arrêts mentionnés ci-dessus, que ces dispositions dérogent à celles de la loi du 20 août 2008 mentionnée ci-dessus, relatives aux critères de la représentativité syndicale, auxquelles le législateur a pourtant entendu conférer un caractère d'ordre public. La question prioritaire de constitutionnalité doit donc être regardée comme portant sur ces mots ainsi que sur les mots : « Les délégués syndicaux communs et » figurant au septième alinéa de l'article 34. - Sur le fond : 5. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 6. Si le Préambule de 1946 dispose, en son huitième alinéa, que : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Ainsi c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre. 7. Sur le fondement de ces dispositions, il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte. Toutefois, lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu'il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d'ordre public, il doit définir d'une façon précise l'objet et les conditions de cette dérogation. 8. En vertu des dispositions contestées, la Caisse des dépôts et consignations est autorisée à déroger, par accord collectif, aux règles d'ordre public édictées par le législateur en matière de représentativité syndicale, à l'exception de celles qui sont relatives à la protection statutaire des représentants syndicaux et à leurs crédits d'heures. Or, d'une part, ces accords peuvent porter, à ce titre, sur les conditions de désignation des délégués syndicaux communs aux agents de droit public et aux salariés de droit privé du groupe de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui inclut, notamment, la définition des critères d'audience et de représentativité autorisant des organisations syndicales à nommer des délégués syndicaux communs. D'autre part, ces mêmes accords peuvent aussi porter sur la détermination des compétences de ces délégués syndicaux communs, sans que le législateur ait déterminé l'étendue des attributions qui peuvent leur être reconnues en matière de négociation collective au sein du groupe. 9. Ainsi, le législateur n'a pas défini de façon suffisamment précise l'objet et les conditions de la dérogation qu'il a entendu apporter aux règles d'ordre public qu'il avait établies en matière de représentativité syndicale et de négociation collective. En adoptant les dispositions contestées, il a par conséquent méconnu l'étendue de sa compétence et le huitième alinéa du Préambule de 1946. Elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 10. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 11. L'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de supprimer toute représentation syndicale commune aux agents de droit public et aux salariés de droit privé au sein du groupe de la Caisse des dépôts et consignations. Il y a donc lieu de reporter cette abrogation au 31 décembre 2017. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution : - les mots « , d'une part, sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l'alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code du travail. Ils portent, d'autre part, » figurant au sixième alinéa de l'article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ; - et les mots : « Les délégués syndicaux communs et » figurant au septième alinéa du même article 34. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 11 de cette décision. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2016 où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 5 octobre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 juin 2016 par le Conseil d'État (décision n° 399506 du 27 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Layher SAS, par Mes Philippe Derouin et Marc Pelletier, avocats au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-571 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mots « entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A » figurant au 1° du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Mes Derouin et Pelletier, enregistrées les 13 juillet et 1er août 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2016 ; - les observations en intervention présentées pour les sociétés Aero Textile Concept SAS, Ahlstrom Industries SA, Ahlstrom Specialties SAS, Air Processing Components SAS, Aquair SAS, Energence SASU, Établissement Dubois et Fils SA, Eurofrance SA, Longere et Cie SARL, Munksjö Labelpack SAS, Munksjö La Gere SAS, Munksjö Rottersac SAS, Munksjö Stenay SAS, Sintex France SAS et Vent Service Société Nouvelle SAS par Me Rodolphe Mossé, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 7 juillet 2016 ; - les observations en intervention présentées pour la société Dow Corning France SAS par Me Mossé, enregistrées le 18 juillet 2016 ; - les observations en intervention présentées pour la société Namsa SAS par Me Michel Guichard, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées les 20 et 29 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Mes Derouin et Pelletier pour la société requérante, Me Guichard pour la société Namsa SAS et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 235 ter ZCA du code général des impôts institue la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués. Le 1° du paragraphe I de cet article, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 mentionnée ci-dessus, dispose que cette contribution n'est pas applicable aux montants distribués « entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A » du même code. 2. La société requérante et les parties intervenantes soutiennent qu'en réservant cette exonération aux seules distributions réalisées entre sociétés d'un même groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, les dispositions contestées traitent différemment les distributions réalisées au sein d'un tel groupe et celles réalisées au sein d'un groupe ne relevant pas du régime de l'intégration fiscale. Il en résulterait, selon elles, une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. - Sur le fond : 3. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 4. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. L'article 235 ter ZCA du code général des impôts institue, à la charge des personnes passibles de l'impôt sur les sociétés, une imposition dénommée « contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués ». Cette contribution est due par la personne qui procède aux distributions de revenus, au sens des articles 109 à 117 du même code. Elle a pour fait générateur la distribution et est égale à 3 % des montants distribués. 6. En sont exonérées, en vertu des dispositions contestées, les distributions réalisées entre sociétés du même groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts. Cet article permet, sur option, à une société de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et par les sociétés dont elle détient, directement ou indirectement, au moins 95 % du capital. Le régime de l'intégration fiscale a pour objet, en matière d'impôt sur les sociétés, de compenser, au titre d'un même exercice, les résultats bénéficiaires et déficitaires des sociétés membres du groupe. 7. Sont exclues du bénéfice de cette exonération les distributions réalisées entre sociétés d'un même groupe dès lors que celui-ci ne relève pas du régime de l'intégration fiscale, même si la condition de détention de 95 % fixée par l'article 223 A est remplie. Il en va ainsi pour les filiales françaises de sociétés étrangères qui se trouvent dans l'impossibilité de constituer un groupe fiscalement intégré avec leur société mère dès lors que, n'étant pas établie en France, cette dernière n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés. Il en résulte, lorsque la condition de détention est satisfaite, une différence de traitement entre les sociétés d'un même groupe qui réalisent, en son sein, des distributions, selon que ce groupe relève ou non du régime de l'intégration fiscale. 8. Or, d'une part, la contribution instituée par l'article 235 ter ZCA est un impôt autonome, distinct de l'impôt sur les sociétés. En effet, si les modalités de recouvrement et de réclamation applicables à cette contribution sont identiques à celles prévues pour l'impôt sur les sociétés, il en va différemment de ses redevables, de son fait générateur et de son assiette. L'exonération instituée par les dispositions contestées est donc sans lien avec le régime de l'intégration fiscale, qui ne concerne que l'impôt sur les sociétés et n'a pas pour objet d'exonérer de cet impôt les sociétés membres d'un groupe. Par conséquent, lorsque la condition de détention mentionnée ci-dessus est satisfaite, les sociétés d'un même groupe réalisant, en son sein, des distributions sont placées, au regard de l'objet de la contribution, dans la même situation, que ce groupe relève ou non du régime de l'intégration fiscale. 9. D'autre part, en instituant la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués, le législateur a entendu compenser la perte de recettes pérenne provoquée par la suppression de la retenue à la source sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières. Il a ainsi poursuivi un objectif de rendement. Un tel objectif ne constitue pas, en lui-même, une raison d'intérêt général de nature à justifier, lorsque la condition de détention est satisfaite, la différence de traitement instituée entre les sociétés d'un même groupe réalisant, en son sein, des distributions, selon que ce groupe relève ou non du régime de l'intégration fiscale. 10. Il en résulte une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Les mots « entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A » figurant au 1° du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 doivent être déclarés contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 11. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 12. L'abrogation immédiate des mots « entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A » figurant au 1° du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 aurait pour effet d'étendre l'application d'un impôt à des personnes qui en ont été exonérées par le législateur. Or, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications des règles d'imposition qui doivent être choisies pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée. Il y a lieu de reporter au 1er janvier 2017 cette abrogation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Les mots « entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A » figurant au 1° du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 12 de cette décision. Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 30 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 22 juin 2016 par le Conseil d'État (décision n° 397366 du 20 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'Assemblée des départements de France par Me Bernard de Froment, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-565 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'Assemblée des départements de France par Me de Froment, enregistrées le 18 juillet 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées les 18 juillet et 2 août 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me de Froment pour l'Assemblée des départements de France et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales prévoit, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 août 2015 mentionnée ci-dessus : « Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. « Il est compétent pour mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes enfants et à l'autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l'accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge. « Il a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes ». 2. L'association requérante estime qu'en supprimant la clause dite « de compétence générale » reconnue aux départements, sans prévoir de dispositif leur permettant d'intervenir dans les domaines pour lesquels aucune autre personne publique ne dispose d'une compétence attribuée par la loi, le législateur a méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales. Elle soutient qu'un tel dispositif est rendu nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010 mentionnée ci-dessus, qui en aurait fait une condition du respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. 3. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur les mots « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue » figurant au premier alinéa de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales. 4. Selon le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi ». L'article 34 de la Constitution prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux « de leurs compétences ». Ces dispositions impliquent que toute collectivité territoriale doit disposer d'une assemblée délibérante élue dotée par la loi d'attributions effectives, qu'il est loisible au législateur d'énumérer limitativement. 5. D'une part, le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution n'implique pas, par lui-même, que les collectivités territoriales doivent pouvoir intervenir dans les domaines pour lesquels aucune autre personne publique ne dispose d'une compétence attribuée par la loi. 6. D'autre part, compte tenu de l'étendue des attributions dévolues aux départements par les dispositions législatives en vigueur, qu'il s'agisse de compétences exclusives, de compétences partagées avec d'autres catégories de collectivités territoriales ou de compétences susceptibles d'être déléguées par d'autres collectivités territoriales, les dispositions contestées ne privent pas les départements d'attributions effectives. 7. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales doit être écarté. 8. Les mots « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue » figurant au premier alinéa de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 août 2015, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Les mots « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue » figurant au premier alinéa de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, sont conformes à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 16 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité, notamment son article 13 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016, publiée au Journal officiel de la République française du 18 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon la première phrase de l'article 13 du règlement du 4 février 2010 mentionné ci-dessus : « Si le Conseil constitutionnel constate qu'une de ses décisions est entachée d'une erreur matérielle, il peut la rectifier d'office, après avoir provoqué les explications des parties et des autorités mentionnées à l'article 1er ». 2. La deuxième phrase du paragraphe 4 de la décision n° 2016-565 QPC comporte une erreur matérielle relative à la norme qui détermine les principes fondamentaux des compétences des collectivités territoriales. Il y a lieu de procéder d'office à la rectification de cette erreur. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Dans la deuxième phrase du paragraphe 4 de la décision n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016 publiée au Journal officiel de la République française le 18 septembre 2016, après les mots « L'article 34 de la Constitution », insérer les mots « prévoit que la loi » … (le reste sans changement). Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 23 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2016 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 749 du 5 juillet 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Gilles M., par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour M. Daniel V. et la société César, par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-572 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi du n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et de l'article L. 465-2 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code monétaire et financier ; - la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière ; - la loi n° 2016-819 du 21 juin 2016 réformant le système de répression des abus de marché ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Daniel V. et la société César, par la SCP Waquet, Farge et Hazan, enregistrées le 27 juillet 2016 ; - les observations présentées pour M. Gilles M. par la SCP Piwinica et Molinié, enregistrées les 28 juillet et 11 août 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2016 ; - les observations présentées pour l'Autorité des marchés financiers, partie en défense dans la procédure à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité, par la SCP Ohl et Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 27 juillet et 12 août 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. Gilles M., Me Hélène Farge, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour M. Daniel V. et la société César et Me Claude Nicole Ohl, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'Autorité des marchés financiers, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l'occasion d'un pourvoi en cassation contre une décision ayant condamné les requérants pour des faits commis le 26 mai 2011 sur le fondement de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier. Les requérants contestant la constitutionnalité de l'article L. 465-2 du même code en raison de la possibilité d'un cumul de poursuites pour ces mêmes faits sur le fondement de cet article, le Conseil constitutionnel est donc saisi de l'article L. 465-2 dans sa rédaction résultant de la loi du 22 octobre 2010 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 465-2 du code monétaire et financier, dans cette rédaction, prévoit : « Est puni des peines prévues au premier alinéa de l'article L. 465-1 le fait, pour toute personne, d'exercer ou de tenter d'exercer, directement ou par personne interposée, une manœuvre ayant pour objet d'entraver le fonctionnement régulier d'un marché réglementé en induisant autrui en erreur.« Est puni des peines prévues au premier alinéa de l'article L. 465-1 le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier ou d'un actif visé au II de l'article L. 421-1 admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours ». 3. L'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 octobre 2010, prévoit : « I.-Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l'Autorité de contrôle prudentiel.« S'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction. « Un membre du collège, ayant examiné le rapport d'enquête ou de contrôle et pris part à la décision d'ouverture d'une procédure de sanction, est convoqué à l'audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l'Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction. « La commission des sanctions peut entendre tout agent des services de l'autorité. « En cas d'urgence, le collège peut suspendre d'activité les personnes mentionnées aux a et b du II contre lesquelles des procédures de sanction sont engagées. « Si le collège transmet au procureur de la République le rapport mentionné au premier alinéa, le collège peut décider de rendre publique la transmission. « II.-La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : « a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; « b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; « c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : « -un instrument financier ou un actif mentionné au II de l'article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; « -un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l'alinéa précédent ; « d) Toute personne qui, sur le territoire français, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au dernier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : « -un instrument financier ou un actif mentionné au II de l'article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée ; « -un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l'alinéa précédent ; « e) Toute personne qui, sur le territoire français ou étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à la diffusion d'une fausse information lors d'une opération d'offre au public de titres financiers. « III.-Les sanctions applicables sont : « a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; « b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; « c) Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. « Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements. « Le fonds de garantie mentionné aux a et b peut, dans des conditions fixées par son règlement intérieur et dans la limite de 300 000 euros par an, affecter à des actions éducatives dans le domaine financier une partie du produit des sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions qu'il perçoit. « III bis.-Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, la récusation d'un membre de la commission des sanctions est prononcée à la demande de la personne mise en cause s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de ce membre. « IV.-La commission des sanctions statue par décision motivée, hors la présence du rapporteur. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé. « IV bis.-Les séances de la commission des sanctions sont publiques. « Toutefois, d'office ou sur la demande d'une personne mise en cause, le président de la formation saisie de l'affaire peut interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque la protection des secrets d'affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l'exige. « V.-La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée ». 4. M. Daniel V. et la société César soutiennent que les dispositions des articles L. 465-2 et L. 621-15 du code monétaire et financier, dès lors qu'elles permettent qu'une même personne puisse faire l'objet, pour les mêmes faits, de poursuites devant le juge pénal pour le délit de diffusion de fausses informations et devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers pour le manquement de diffusion de fausses informations, méconnaissent le principe de nécessité des délits et des peines. M. G. soutient, pour les mêmes motifs, que l'article L. 621-15 du code monétaire et financier méconnait le principe de nécessité des délits et des peines. 5. Au sein des dispositions dont le Conseil constitutionnel est saisi, seuls le second alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier et les mots « à la diffusion d'une fausse information » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du même code sanctionnent la diffusion de fausses informations par une personne autre que celle mentionnée au paragraphe II de l'article L. 621-9 du même code. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur ces dispositions. 6. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 7. En premier lieu, d'une part, le second alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier définit le délit de diffusion de fausses informations comme le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier ou d'un actif admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours. 8. D'autre part, les dispositions contestées de l'article L. 621-15 du code monétaire et financer définissent le manquement de diffusion de fausses informations comme le fait, pour toute personne, de se livrer à la diffusion d'une fausse information dès lors que cet acte concerne un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur certains systèmes multilatéraux de négociation. La fausse information peut être une information inexacte, imprécise ou trompeuse. 9. Les dispositions contestées tendent donc à réprimer les mêmes faits. Elles définissent et qualifient de la même manière le manquement et le délit de diffusion de fausses informations. 10. En deuxième lieu, l'article L. 465-2 du code monétaire et financier relatif à la répression du délit de diffusion de fausses informations est inclus dans un chapitre de ce code consacré aux « infractions relatives à la protection des investisseurs ». Selon l'article L. 621-1 du même code, l'Autorité des marchés financiers veille à « la protection de l'épargne investie » dans les instruments financiers, divers actifs et tous les autres placements offerts au public. Ainsi, la répression du manquement de diffusion de fausses informations et celle du délit de diffusion de fausses informations poursuivent une seule et même finalité de protection du bon fonctionnement et de l'intégrité des marchés financiers. Ces répressions d'atteintes portées à l'ordre public économique s'exercent dans les deux cas non seulement à l'égard des professionnels, mais également à l'égard de toute personne ayant diffusé une information fausse ou trompeuse. Ces deux répressions protègent en conséquence les mêmes intérêts sociaux. 11. En troisième lieu, en application des articles L. 465-1 et L. 465-2, l'auteur d'un délit de diffusion de fausses informations peut être puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 500 000 euros qui peut être portée au décuple du montant du profit éventuellement réalisé. En vertu des articles 131-38 et 131-39 du code pénal et L. 465-3 du code monétaire et financier, s'il s'agit d'une personne morale, le taux maximum de l'amende est égal au quintuple de celui prévu par l'article L. 465-2 et le juge pénal peut, sous certaines conditions, prononcer la dissolution de celle-ci. En application du paragraphe III de l'article L. 621-15 dans sa version contestée, l'auteur d'un manquement de diffusion de fausses informations, autre que l'une des personnes mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9, encourt une sanction pécuniaire de 100 millions d'euros, qui peut être portée au décuple du montant des profits éventuellement réalisés. 12. Ainsi, si seul le juge pénal peut condamner l'auteur d'un délit de diffusion de fausses informations à une peine d'emprisonnement lorsqu'il s'agit d'une personne physique et prononcer sa dissolution lorsqu'il s'agit d'une personne morale, les sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers peuvent être d'une très grande sévérité et atteindre, selon les dispositions contestées de l'article L. 621-15, jusqu'à plus de soixante-six fois celles encourues devant la juridiction pénale. En outre, en vertu du paragraphe III de l'article L. 621-15, le montant de la sanction du manquement de diffusion de fausses informations doit être fixé en fonction de la gravité de celui-ci et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés et, en vertu de l'article 132-24 du code pénal, la peine prononcée en cas de condamnation pour délit de diffusion de fausses informations doit l'être en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Il résulte de ce qui précède que les faits prévus par les articles précités doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente. 13. Il résulte de tout ce qui précède que les sanctions des faits réprimés ne peuvent, pour les personnes autres que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts. 14. Si les dispositions contestées n'instituent pas, par elles-mêmes, un mécanisme de double poursuite et de double sanction, elles le rendent possible. Toutefois, l'article 2 de la loi du 21 juin 2016 mentionnée ci-dessus a créé dans le code monétaire et financier un article L. 465-3-6 dont le paragraphe I prévoit que le procureur de la République financier ne peut mettre en mouvement l'action publique pour la poursuite des infractions réprimant les atteintes à la transparence des marchés lorsque l'Autorité des marchés financiers a procédé à la notification des griefs pour les mêmes faits et à l'égard de la même personne en application de l'article L. 621-15. De la même manière, l'Autorité des marchés financiers ne peut procéder à la notification des griefs à une personne à l'encontre de laquelle l'action publique a été mise en mouvement pour les mêmes faits par le procureur de la République financier. 15. Cette disposition, entrée en vigueur le 23 juin 2016, s'applique en cas de mise en mouvement de l'action publique ou en cas de notification des griefs à compter de cette date. Par conséquent, depuis cette date, des poursuites ne peuvent être engagées pour manquement de diffusion de fausses informations sur le fondement de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier à l'encontre d'une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9 du même code dès lors que des premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant le juge pénal sur le fondement du second alinéa de l'article L. 465-2 du même code. De la même manière, des poursuites ne peuvent être engagées pour le délit de diffusion de fausses informations sur le fondement du second alinéa de l'article L. 465-2 dès lors que des premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l'article L. 621-15 du même code. 16. En revanche, aucune disposition législative n'interdit un cumul de poursuites et de sanctions pour le délit et le manquement de diffusion de fausses informations lorsque la mise en mouvement de l'action publique et la notification des griefs sont toutes les deux intervenues avant le 23 juin 2016. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient permettre, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, que des poursuites puissent être continuées pour manquement de diffusion de fausses informations sur le fondement de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier à l'encontre d'une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9 du même code dès lors que des premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant le juge pénal sur le fondement du second alinéa de l'article L. 465-2 du même code. De la même manière, des poursuites ne peuvent être continuées pour le délit de diffusion de fausses informations sur le fondement du second alinéa de l'article L. 465-2 dès lors que de premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l'article L. 621-15 du même code. 17. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le second alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier et les mots « à la diffusion d'une fausse information » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du même code, qui ne sont pas contraires au principe de nécessité des délits et des peines, ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Ils doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au paragraphe 16, le second alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier et les mots « à la diffusion d'une fausse information » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans leur rédaction résultant de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière sont conformes à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS et Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 30 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juin 2016 par le Conseil d'État (décision n° 397983 du 16 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par M. Lucas M. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-564 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit « du 1 de l'article 1731 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 portant loi de finances rectificative pour 2012 ». Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le requérant, enregistrées les 11 et 26 juillet 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 11 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le 1 de l'article 1731 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 14 mars 2012 mentionnée ci-dessus prévoit : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, les déficits mentionnés aux I et I bis de l'article 156 et les réductions d'impôt ne peuvent s'imputer sur les rehaussements et droits donnant lieu à l'application de l'une des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728, à l'article 1729 et au a de l'article 1732 ». 2. Le requérant soutient que les dispositions contestées instituent une sanction, qui méconnaît le principe de proportionnalité des peines dès lors qu'elle n'est pas corrélée au manquement sanctionné mais aux déficits ou réductions d'impôt dont dispose le contribuable. Selon lui, cette sanction méconnaît également le principe d'individualisation des peines dès lors qu'elle n'est pas en lien avec le comportement du contribuable. Enfin, cette sanction méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi dès lors qu'elle ne s'applique qu'au contribuable disposant de déficits ou de réductions d'impôt. - Sur la méconnaissance des exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : 3. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. En outre, le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une pénalité fiscale ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective de la méconnaissance des obligations fiscales. 4. Les dispositions des b et c du 1 de l'article 1728, de l'article 1729 et du a de l'article 1732 du code général des impôts instituent des pénalités qui sanctionnent respectivement le défaut de déclaration après une mise en demeure, l'exercice d'une activité occulte, l'insuffisance déclarative intentionnelle et l'opposition à contrôle fiscal. Ces pénalités sont calculées sur la base des droits éludés. Les dispositions contestées privent le contribuable, par dérogation aux règles de droit commun relatives à l'établissement de l'impôt sur le revenu, de la possibilité d'imputer, sur les rehaussements d'assiette consécutifs aux manquements donnant lieu à l'application de ces pénalités, les déficits prévus par les paragraphes I et I bis de l'article 156 du même code. Elles le privent également de la possibilité d'imputer les réductions d'impôt sur les droits rappelés. Dans les deux cas, il en résulte une majoration des droits rappelés et, par voie de conséquence, de l'ensemble des pénalités. 5. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu priver le contribuable disposant de déficits ou bénéficiant de réductions d'impôt de la possibilité de les utiliser ou de les faire valoir pour diminuer l'impôt rappelé et les pénalités correspondantes. Il a ainsi entendu conférer une effectivité renforcée à la répression des manquements mentionnés ci-dessus. Ce faisant, il a, par une sanction ayant le caractère d'une punition, poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. 6. La sanction instituée par les dispositions contestées s'applique uniquement lorsque sont encourues les pénalités qui répriment les manquements particulièrement graves mentionnés ci-dessus. Compte tenu des dispositions contestées, les pénalités prononcées sur le fondement des b et c du 1 de l'article 1728, de l'article 1729 et du a de l'article 1732 du code général des impôts sont proportionnées aux manquements réprimés. 7. Pour chaque pénalité prononcée sur le fondement des b et c du 1 de l'article 1728, de l'article 1729 et du a de l'article 1732 du code général des impôts, le juge décide, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la pénalité, soit d'en dispenser le contribuable s'il n'a pas commis les manquements réprimés. En outre, les dispositions contestées assurent l'effectivité des pénalités mentionnées ci-dessus, en faisant obstacle à ce qu'un contribuable échappe, de fait, au moyen des déficits et réductions d'impôt dont il dispose ou bénéficie, aux sanctions prévues par le législateur pour les manquements réprimés. 8. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés. - Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 9. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 10. Les contribuables encourant les pénalités prévues aux b et c du 1 de l'article 1728, à l'article 1729 et au a de l'article 1732 du code général des impôts ne sont pas placés dans la même situation selon qu'ils disposent ou non de déficits ou qu'ils bénéficient ou non de réductions d'impôt. En outre, la différence de traitement qui résulte de l'application des dispositions contestées est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui confère une effectivité renforcée à la répression des manquements visés aux b et c du 1 de l'article 1728, à l'article 1729 et au a de l'article 1732 du code général des impôts. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 11. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Les dispositions du 1 de l'article 1731 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 sont conformes à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2016 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 747 du 28 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Pierre M., par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-570 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 6° de l'article L. 653-5 du code de commerce. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Baraduc Duhamel Rameix, enregistrées les 21 juillet et 5 août 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 21 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Claire Rameix-Seguin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 20 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 653-5 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 26 juillet 2005 mentionnée ci-dessus, énumère les faits susceptibles de conduire à la condamnation pour faillite personnelle, par le juge civil ou commercial, de certains professionnels ou dirigeants de société mentionnés à l'article L. 653-1 du même code, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dont ils font l'objet. Le 6° de cet article prévoit qu'est, à ce titre, susceptible de conduire à une telle condamnation, le fait d'« avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ». 2. Selon le requérant, il résulte de cette disposition combinée avec celles des articles L. 653-8, L. 654-1, L. 654-2 et L. 654-6 du code de commerce, qu'une même personne peut être condamnée à la faillite personnelle ou à une interdiction de gérer, par le juge civil ou commercial et par le juge pénal, pour des faits identiques, liés à une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière. En permettant un tel cumul de poursuites et de sanctions, les dispositions contestées méconnaîtraient les principes de nécessité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 3. Selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 4. D'une part, en application de l'article L. 653-1 et du 6° de l'article L. 653-5 du code de commerce, dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le juge civil ou commercial peut prononcer la faillite personnelle d'une personne physique exerçant une activité commerciale ou artisanale, d'un agriculteur, ou de toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle libérale ou dirigeant une personne morale, lorsque ces personnes ont fait disparaître des documents comptables, qu'elles n'ont pas tenu de comptabilité ou qu'elles ont tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables aux personnes exerçant une activité professionnelle indépendante et soumise, à ce titre, à des règles disciplinaires propres. En vertu de l'article L. 653-2 du même code, la sanction de faillite personnelle emporte interdiction de gérer toute entreprise, exploitation agricole ou personne morale. Par ailleurs, en application de l'article L. 643-11 du même code, les créanciers recouvrent leur droit de poursuite personnelle à l'encontre du failli. Enfin, le juge peut, en application de l'article L. 653-10, assortir la mesure de faillite personnelle d'une incapacité d'exercer une fonction publique élective, pour la même durée, dans la limite de cinq ans. 5. Compte tenu des conséquences qu'il a attachées à la faillite personnelle, ainsi que de la généralité, au regard du manquement en cause, de la mesure d'interdiction de gérer qu'il a retenue, le législateur a entendu, en instituant de telles mesures, assurer la répression, par le juge civil ou commercial, des manquements dans la tenue d'une comptabilité. Ces mesures doivent par conséquent être regardées comme des sanctions ayant le caractère de punition. 6. D'autre part, en application de l'article L. 654-2 du code de commerce, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le juge pénal peut condamner pour banqueroute les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale, les agriculteurs, les personnes exerçant une activité professionnelle indépendante, celles dirigeant ou ayant liquidé une personne morale. Cette condamnation est notamment encourue lorsque ces personnes ont tenu une comptabilité fictive, fait disparaître des documents comptables se sont abstenues de tenir toute comptabilité ou lorsqu'elles ont tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière. Ce délit est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende par l'article L. 654-3 du code de commerce. Ces peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende par l'article L. 654-4 lorsque l'auteur ou le complice est un dirigeant d'une entreprise prestataire de services d'investissement. Parmi les peines complémentaires prévues à l'article L. 654-5, les personnes physiques encourent non seulement l'interdiction de gérer une entreprise commerciale ou industrielle, mais aussi l'interdiction d'exercer une fonction publique ou l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'exclusion des marchés publics, l'interdiction d'émettre des chèques et l'affichage ou la diffusion de la décision. Enfin, en application de l'article L. 654-6, le juge pénal peut, sous certaines conditions, prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer non seulement une entreprise commerciale ou industrielle, mais aussi toute exploitation agricole ou toute personne morale. 7. Les sanctions de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer pouvant être prononcées par le juge civil ou commercial pour les manquements mentionnés dans les dispositions contestées sont identiques à celles encourues devant la juridiction pénale pour les mêmes manquements constitutifs du délit de banqueroute. En revanche, le juge pénal peut condamner l'auteur de ce délit à une peine d'emprisonnement et à une peine d'amende, ainsi qu'à plusieurs autres peines complémentaires d'interdictions. 8. Il résulte de ce qui précède que les faits prévus et réprimés par les articles précités doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions de nature différente. 9. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit donc être rejeté. 10. Ces dispositions ne méconnaissent par ailleurs aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Elles doivent donc être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Le 6° de l'article L. 653-5 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, est conforme à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 29 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2016 par le Conseil d'État (décision n° 395321 du 27 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-569 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale et de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les syndicats requérants par la SCP Sevaux et Mathonnet, enregistrées le 21 juillet 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 21 juillet 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les syndicats requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 13 septembre 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur l'article 41-1-1 du code de procédure pénale : 1. L'article 41-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions, prévoit : « I. - L'officier de police judiciaire peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite : « 1° Des contraventions prévues par le code pénal, à l'exception des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire en application de l'article 529 ; « 2° Des délits prévus par le code pénal et punis d'une peine d'amende ; « 3° Des délits prévus par le même code et punis d'un an d'emprisonnement au plus, à l'exception du délit d'outrage prévu au deuxième alinéa de l'article 433-5 dudit code ; « 4° Du délit prévu à l'article 311-3 du même code, lorsque la valeur de la chose volée est inférieure à un seuil fixé par décret ; « 5° Du délit prévu à l'article L. 3421-1 du code de la santé publique ; « 6° Du délit prévu au premier alinéa de l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation. « Lorsque le procureur de la République autorise le recours à la transaction en application du présent article, l'officier de police judiciaire peut soumettre l'auteur de l'infraction, compte tenu de ses ressources et de ses charges, à l'obligation de consigner une somme d'argent, en vue de garantir le paiement de l'amende mentionnée au 1° du II ou, le cas échéant, de l'amende prononcée en cas de poursuites et de condamnation dans les conditions prévues au dernier alinéa du III. « La transaction autorisée par le procureur de la République, proposée par l'officier de police judiciaire et acceptée par l'auteur de l'infraction est homologuée par le président du tribunal de grande instance ou par un juge par lui désigné, après avoir entendu, s'il y a lieu, l'auteur de l'infraction assisté, le cas échéant, par son avocat. « II. - La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges. Elle fixe : « 1° L'amende transactionnelle due par l'auteur de l'infraction et dont le montant ne peut excéder le tiers du montant de l'amende encourue ; « 2° Le cas échéant, l'obligation pour l'auteur de l'infraction de réparer le dommage résultant de celle-ci ; « 3° Les délais impartis pour le paiement et, s'il y a lieu, l'exécution de l'obligation de réparer le dommage. « III. - L'acte par lequel le président du tribunal de grande instance ou le juge par lui désigné homologue la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l'action publique. « L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis l'intégralité des obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction. « En cas de non-exécution de l'intégralité des obligations dans les délais impartis ou de refus d'homologation, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre les mesures prévues à l'article 41-1 ou une composition pénale, ou engage des poursuites. « IV. - Les opérations réalisées par l'officier de police judiciaire en application des I et II du présent article sont relatées dans un seul procès-verbal. « V. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » 2. Les syndicats requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent le droit à un procès équitable et les droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que le droit au respect de la présomption d'innocence reconnu par l'article 9 de cette Déclaration. Ils soutiennent également que ces dispositions portent atteinte à l'article 34 de la Constitution et au principe de « légalité procédurale » qui découlerait des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789. . En ce qui concerne la méconnaissance des exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : 3. Selon les syndicats requérants, la procédure prévue à l'article 41-1-1 du code de procédure pénale ne présente pas les caractères d'une transaction librement consentie et exécutée. En effet, d'une part, la personne à laquelle la transaction est proposée serait exposée à un risque de pression résultant directement de la qualité et des pouvoirs de l'officier de police judiciaire qui présente cette proposition. D'autre part, la faculté reconnue à ce dernier d'exiger la consignation d'une somme correspondant au montant de l'amende transactionnelle conférerait un caractère exécutoire à cette amende. 4. Les syndicats requérants soutiennent qu'il appartenait, par conséquent, au législateur d'entourer cette procédure de garanties propres à assurer le respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Or, selon eux, les dispositions contestées n'ont prévu ni d'informer l'intéressé de son droit à être assisté d'un avocat, ni de porter à sa connaissance les faits qui lui sont reprochés, leur qualification pénale et la peine encourue. Elles n'auraient pas non plus exclu que la mesure de transaction pénale puisse être proposée pendant une garde à vue, alors que s'exerce une contrainte sur la personne à laquelle l'infraction est reprochée. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un procès équitable et des droits de la défense reconnus par l'article 16 de la Déclaration de 1789. 5. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense. 6. L'article 41-1-1 du code de procédure pénale est relatif à la procédure par laquelle, tant que l'action publique n'est pas mise en mouvement, un officier de police judiciaire peut transiger sur la poursuite de certaines contraventions et de certains délits. La proposition de transaction doit être autorisée par le procureur de la République et acceptée par l'auteur de l'infraction. Elle est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité et de la situation de l'auteur des faits. Elle précise le montant de l'amende transactionnelle due, qui ne peut être supérieure au tiers de l'amende encourue, l'obligation faite à l'auteur de l'infraction de réparer les dommages causés, ainsi que les délais impartis pour sa mise en œuvre. La transaction est homologuée par le président du tribunal de grande instance ou le juge désigné par lui, après avoir entendu, le cas échéant, la personne concernée, éventuellement assistée de son avocat. L'action publique est éteinte si l'auteur de l'infraction exécute, dans les délais impartis, les obligations mises à sa charge. Par ailleurs, lorsque la proposition de transaction a été autorisée par le procureur de la République, l'officier de police peut soumettre l'auteur de l'infraction à l'obligation de consigner une somme d'argent en vue de garantir le paiement de l'amende transactionnelle ou de celle à laquelle il pourrait être condamné, en cas de poursuites. 7. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les syndicats requérants, les dispositions relatives à la consignation d'une somme d'argent en vue de garantir le paiement de l'amende transactionnelle ne confèrent pas à cette dernière un caractère exécutoire, puisque l'auteur de l'infraction peut toujours, même après l'homologation, refuser d'acquitter la somme due. La circonstance que le décret pris en application des dispositions contestées aurait conféré un tel caractère exécutoire à la mesure transactionnelle en prévoyant que la consignation valait paiement, une fois la transaction homologuée, ne saurait à cet égard être prise en compte, dans l'exercice de son contrôle, par le Conseil constitutionnel. 8. En second lieu, pour que les droits de la défense soient assurés dans le cadre d'une procédure de transaction ayant pour objet l'extinction de l'action publique, la procédure de transaction doit reposer sur l'accord libre et non équivoque, avec l'assistance éventuelle de son avocat, de la personne à laquelle la transaction est proposée. 9. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître les droits de la défense, autoriser qu'une transaction soit conclue sans que la personne suspectée d'avoir commis une infraction ait été informée de son droit à être assistée de son avocat avant d'accepter la proposition qui lui est faite, y compris si celle-ci intervient pendant qu'elle est placée en garde à vue. 10. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions contestées, qui n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition, ne portent aucune atteinte aux exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789. . En ce qui concerne la méconnaissance de la présomption d'innocence : 11. Selon les syndicats requérants, en n'interdisant pas que les déclarations de l'auteur de l'infraction, faites à l'occasion de la procédure de transaction, puissent être ensuite utilisées contre lui, dans le cadre des poursuites engagées en cas d'échec de la transaction, les dispositions contestées méconnaîtraient la présomption d'innocence. 12. Ni le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789, ni aucune autre exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une personne suspectée d'avoir commis une infraction reconnaisse librement sa culpabilité et consente à exécuter une peine, s'acquitter d'une amende transactionnelle ou exécuter des mesures de nature à faire cesser l'infraction ou à en réparer les conséquences. Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la présomption d'innocence. . En ce qui concerne la méconnaissance par le législateur de sa compétence : 13. Les syndicats requérants soutiennent qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire la définition de la valeur de l'objet volé, en deçà de laquelle une transaction pénale peut intervenir, le législateur n'a pas respecté la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution en matière pénale et porté atteinte au « principe de légalité procédurale » qui découlerait des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789. 14. Selon le premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 15. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale. Il incombe à ce titre au législateur de déterminer les conditions d'extinction de l'action publique. 16. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». S'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. 17. Le 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale prévoit qu'un décret fixe la valeur de l'objet volé en-deçà de laquelle il est possible de proposer à l'auteur d'un vol une transaction pénale. En renvoyant ainsi au pouvoir réglementaire le soin de délimiter le champ d'application d'une procédure ayant pour objet l'extinction de l'action publique, le législateur a méconnu sa compétence dans des conditions affectant l'égalité devant la procédure pénale. 18. Le 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution. 19. Sous la réserve énoncée au paragraphe 9, les autres dispositions de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure : 20. L'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure prévoit, dans sa rédaction issue de la loi du 15 août 2014 mentionnée ci-dessus : « I.- Au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance et, le cas échéant, de la zone de sécurité prioritaire, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure sont chargés d'animer et de coordonner, sur leur territoire, les actions conduites par l'administration pénitentiaire, les autres services de l'État, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées, en vue de favoriser l'exécution des peines et prévenir la récidive. « Dans le cadre de leurs attributions, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure : « 1° Sont informés par le procureur de la République, au moins une fois par an, de la politique pénale mise en œuvre sur leur territoire ; « 2° Examinent et donnent leur avis sur les conditions de mise en œuvre des mesures prévues à l'article 41-1 du code de procédure pénale ; « 3° Organisent les modalités du suivi et du contrôle en milieu ouvert, par les services et personnes publiques ou privées mentionnés au premier alinéa du présent I, des personnes condamnées sortant de détention, désignées par l'autorité judiciaire compte tenu de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que des circonstances de la commission des faits ; « 4° Informent régulièrement les juridictions de l'application des peines ainsi que le service pénitentiaire d'insertion et de probation des conditions de mise en œuvre, dans le ressort, du suivi et du contrôle des personnes désignées en application du 3° du présent I et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes. « II.- Les informations confidentielles échangées en application du I du présent article ne peuvent être communiquées à des tiers. « L'échange d'informations est réalisé selon les modalités prévues par un règlement intérieur établi par le conseil départemental de prévention de la délinquance sur la proposition des membres des groupes de travail mentionnés au premier alinéa. « III.- Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État ». 21. Les syndicats requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître la garantie des droits proclamée à l'article 16 de la Déclaration de 1789 et la liberté individuelle protégée par l'article 66 de la Constitution. En confiant à des autorités administratives une mission d'organisation des modalités de suivi et de contrôle en milieu ouvert de personnes condamnées, les dispositions contestées empiéteraient sur les prérogatives de l'autorité judiciaire en matière d'exécution des peines. Par ailleurs, en prévoyant l'échange d'informations entre ces autorités administratives et l'autorité judiciaire, le législateur aurait méconnu le droit au respect de la vie privée découlant de l'article 2 de la Déclaration de 1789. 22. En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les 3° et 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure. 23. En premier lieu, aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de confier à des autorités autres que des juridictions judiciaires le soin de fixer certaines modalités d'exécution des peines. En se bornant à prévoir que l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure organisent les modalités du suivi et du contrôle des seules personnes condamnées qui leur sont désignées à cette fin par l'autorité judiciaire, les dispositions contestées ne méconnaissent aucune des prérogatives constitutionnelles des juridictions judiciaires en matière d'exécution des peines. Les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et de l'article 66 de la Constitution doivent donc être écartés. 24. En second lieu, selon l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. Les échanges d'informations entre, d'une part, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure et, d'autre part, les juridictions de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation, sont susceptibles de porter atteinte à ce droit. Pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. 25. En prévoyant ces échanges d'informations, le législateur a entendu, en améliorant le suivi et le contrôle des personnes condamnées, favoriser l'exécution des peines et prévenir la récidive. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. 26. Toutefois, le législateur a prévu que puisse être transmise à l'état-major de sécurité et à la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure « toute information » que les juridictions de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation « jugent utile » au bon déroulement du suivi et du contrôle des personnes condamnées, sans définir la nature des informations concernées, ni limiter leur champ. Ce faisant, même s'il s'agissait d'améliorer le suivi et le contrôle des personnes condamnées, de favoriser l'exécution des peines et de prévenir la récidive, le législateur a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. 27. En conséquence, les mots : « et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes » figurant au 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure doivent être déclarés contraires à la Constitution. 28. Les dispositions du 3° et les autres dispositions du 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les effets des déclarations d'inconstitutionnalité : 29. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 30. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter la date de l'abrogation des dispositions contestées. Les déclarations d'inconstitutionnalité du 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale et celle des mots : « et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes » figurant au 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure prennent effet à compter de la date de la publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution : - le 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales ; - les mots : « et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes » figurant au 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au paragraphe 30. Article 3.- Sont conformes à la Constitution : - sous la réserve énoncée au paragraphe 9, les autres dispositions de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi mentionnée à l'article 1er ; - les dispositions du 3° et les autres dispositions du 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi mentionnée à l'article 1er. Article 4.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT. Rendu public le 23 septembre 2016.