id
stringlengths
32
32
text
stringlengths
318
423k
CONSTIT/CONSTEXT000022961779.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 juin 2010 par le Conseil d'État (décision n° 337898-337913 du 18 juin 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL l'Office central d'accession au logement, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 13, 14, 17 et 18 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la construction et de l’habitation ; Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; Vu le code de la santé publique ; Vu la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 modifiée tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par Me Benoît Jorion, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13 juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jorion pour la société requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 9 septembre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1.Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la loi du 10 juillet 1970 : « Peut être poursuivie au profit de l’État, d’une société de construction dans laquelle l’État détient la majorité du capital, d’une collectivité territoriale, d’un organisme y ayant vocation ou d’un concessionnaire d’une opération d’aménagement visé à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, dans les conditions prévues aux articles 14 à 19, l’expropriation : « des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique ; « des immeubles à usage total ou partiel d’habitation, ayant fait l’objet d’un arrêté de péril pris en application de l’article L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation et assorti d’une ordonnance de démolition ou d’interdiction définitive d’habiter ; « à titre exceptionnel, des immeubles qui ne sont eux-mêmes ni insalubres, ni impropres à l’habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d’immeubles insalubres ou d’immeubles menaçant ruine, ainsi que des terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l’habitat insalubre, alors même qu’y seraient également implantés des bâtiments non insalubres ou ne menaçant pas ruine » ; 2.Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la même loi du 10 juillet 1970 : « Par dérogation aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le préfet, par arrêté : « Déclare d’utilité publique l’expropriation des immeubles, parties d’immeubles, installations et terrains, après avoir constaté, sauf dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article 13, qu’ils ont été déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l’article L. 1331-25 ou de l’article L. 1331-28 du code de la santé publique, ou qui ont fait l’objet d’un arrêté de péril assorti d’une ordonnance de démolition ou d’une interdiction définitive d’habiter pris en application de l’article L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation ; « Indique la collectivité publique ou l’organisme au profit de qui est poursuivie l’expropriation ; « Mentionne les offres de relogement faites obligatoirement aux occupants y compris les propriétaires, qu’il s’agisse d’un relogement durable ou d’un relogement d’attente avant l’offre d’un relogement définitif ; « Déclare cessibles lesdits immeubles bâtis, parties d’immeubles bâtis, installations et terrains visés dans l’arrêté ; « Fixe le montant de l’indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ainsi qu’aux titulaires de baux commerciaux, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l’évaluation des domaines ; « Fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, après consignation de l’indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d’au moins un mois à la publication de l’arrêté déclaratif d’utilité publique, ce délai étant porté à deux mois dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article 13 ; « Fixe le montant de l’indemnité provisionnelle de déménagement pour le cas où celui-ci ne serait pas assuré par les soins de l’administration et, le cas échéant, le montant de l’indemnité de privation de jouissance. « L’arrêté prévu au présent article est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, de parts donnant droit à l’attribution ou à la jouissance en propriété des locaux et, en cas d’immeuble d’hébergement, à l’exploitant » ; 3.Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la même loi du 10 juillet 1970 : « Dans le mois qui suit la prise de possession, le préfet est tenu de poursuivre la procédure d’expropriation dans les conditions prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. « L’ordonnance d’expropriation ou la cession amiable consentie après l’intervention de l’arrêté prévu à l’article 14 de la présente loi produit les effets visés à l’article L. 12-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique » ; 4.Considérant qu’aux termes de l’article 18 de la même loi du 10 juillet 1970 : « L’indemnité d’expropriation est fixée selon la procédure prévue aux articles L. 13-1 à L. 13-12 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et est calculée conformément aux dispositions des articles L. 13-14 à L. 13-20 du même code. « Toutefois, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l’habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition. « Le deuxième alinéa n’est pas applicable au calcul de l’indemnité due aux propriétaires lorsqu’ils occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d’un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de l’arrêté ainsi qu’aux propriétaires pour les immeubles qui ne sont ni insalubres, ni impropres à l’habitation, ni frappés d’un arrêté de péril. « L’indemnité est réduite du montant des frais de relogement des occupants assuré, lorsque le propriétaire n’y a pas procédé, en application de l’article L. 521-3-2 du code de la construction et de l’habitation. « Aucune indemnisation à titre principal ou accessoire ne peut être accordée en dédommagement de la suppression d’un commerce portant sur l’utilisation comme habitation de terrains ou de locaux impropres à cet usage » ; 5.Considérant que, selon la requérante, ces dispositions porteraient atteinte au droit de propriété en ce qu’elles ne respectent pas l’exigence d’une indemnité juste et préalable et n’offrent pas de voies de recours appropriées ; 6.Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d’une opération dont l’utilité publique est légalement constatée ; que la prise de possession par l’expropriant doit être subordonnée au versement préalable d’une indemnité ; que, pour être juste, l’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation ; qu’en cas de désaccord sur la fixation du montant de l’indemnisation, l’exproprié doit disposer d’une voie de recours appropriée ; 7.Considérant, toutefois, que l’octroi par la collectivité expropriante d’une provision représentative de l’indemnité due n’est pas incompatible avec le respect de ces exigences si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés ; 8.Considérant, d’une part, que les articles 13, 14, 17 et 18 de la loi du 10 juillet 1970 confient au préfet la possibilité de prendre possession d’immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable ou qui ont fait l’objet d’un arrêté de péril assorti d’une ordonnance de démolition ou d’une interdiction définitive d’habiter ; qu’en particulier, en vertu de son article 13, la procédure d’expropriation des immeubles à usage d’habitation déclarés insalubres à titre irrémédiable ne peut être mise en oeuvre que lorsque la commission départementale compétente en matière d’environnement et de risques sanitaires et technologiques a conclu au caractère irrémédiable de l’insalubrité de l’immeuble ; qu’une telle qualification est strictement limitée par l’article L. 1331-26 du code de la santé publique aux cas dans lesquels « il n’existe aucun moyen technique d’y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction » ; que l’ensemble de ces dispositions a pour objet de mettre fin dans les meilleurs délais à l’utilisation de locaux ou d’habitation présentant un danger pour la santé ou la sécurité des occupants ; qu’ainsi le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l’indemnisation répond à des motifs impérieux d’intérêt général ; 9.Considérant, d’autre part, que l’article L. 1331-27 du code de la santé publique garantit l’information du propriétaire quant à la poursuite de la procédure relative à la déclaration d’insalubrité de l’immeuble et lui offre la faculté d’être entendu à l’occasion des différentes étapes de celle-ci ; qu’il conserve la possibilité de contester devant le juge administratif les actes de la phase administrative de la procédure d’expropriation ; que la prise de possession du bien est subordonnée au paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, à la consignation de l’indemnité provisionnelle au moins égale au montant de son évaluation par le service des domaines ; que, si le préfet fixe l’indemnité provisionnelle d’expropriation, il revient, à défaut d’accord amiable, au juge de l’expropriation d’arrêter le montant de l’indemnité définitive ; qu’à cette fin, le juge judiciaire détermine, dans le cadre de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1970, le montant de l’indemnité principale qui devra être versée à l’exproprié ; qu’en précisant que la valeur des biens « est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l’habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu », le deuxième alinéa de l’article 18 ne fait que tirer les conséquences de la déclaration d’insalubrité irrémédiable ; qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l’indemnisation est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés ; 10.Considérant qu’il s’ensuit que les dispositions contestées ne sont pas contraires à l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; 11.Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Les articles 13, 14, 17 et 18 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 septembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 17 septembre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961792.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par le Conseil d’État (décision n° 337320 du 9 juillet 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Mathieu P., relative à la conformité de l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques aux droits et libertés que la Constitution garantit. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des postes et des communications électroniques ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le requérant, enregistrées le 29 juillet 2010 ; Vu les observations produites pour l’association française pour le nommage internet en coopération par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 9 août 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ; Vu les observations en réponse produites pour l’association française pour le nommage internet en coopération, enregistrées le 24 août 2010 ; Vu les observations en réponse produites par le requérant, enregistrées le 25 août 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me François Gilbert pour le requérant, Me Emmanuel Piwnica pour l’association française pour le nommage internet en coopération et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 27 septembre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques : « I. Le ministre chargé des communications électroniques désigne, après consultation publique, les organismes chargés d’attribuer et de gérer les noms de domaine, au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’internet, correspondant au territoire national. L’exercice de leur mission ne confère pas aux organismes ainsi désignés des droits de propriété intellectuelle sur les noms de domaine. « L’attribution d’un nom de domaine est assurée par ces organismes dans l’intérêt général, selon des règles non discriminatoires rendues publiques et qui veillent au respect, par le demandeur, des droits de la propriété intellectuelle. « En cas de cessation de l’activité de ces organismes, l’État dispose du droit d’usage de la base de données des noms de domaine qu’ils géraient. « Le ministre chargé des communications électroniques veille au respect par ces organismes des principes énoncés au deuxième alinéa. Il peut procéder au retrait de la désignation d’un organisme, après avoir mis ce dernier à même de présenter ses observations, en cas de méconnaissance par celui-ci des dispositions du présent article. La décision du ministre chargé des communications électroniques tendant à la désignation, ou au retrait de la désignation, d’un organisme peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. Chaque organisme adresse au ministre chargé des communications électroniques un rapport d’activité annuel. « L’attribution et la gestion des noms de domaine rattachés à chaque domaine de premier niveau sont centralisées par un organisme unique. « Un décret en Conseil d’État précise en tant que de besoin les conditions d’application du présent article. « II. Sans préjudice de leur application de plein droit à Mayotte en vertu du 8° du I de l’article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, les dispositions du I sont applicables à Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. « Les organismes chargés d’attribuer les noms de domaine en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ne détiennent pas de droits de propriété intellectuelle sur ces noms » ; 2. Considérant que le requérant fait grief à ces dispositions de laisser à l’autorité administrative et aux organismes désignés par elle une latitude excessive pour définir les principes d’attribution des noms de domaine et d’omettre ainsi de fixer un cadre minimal et des limites à leur action, en méconnaissance de l’étendue de sa propre compétence par le législateur ; 3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... des obligations civiles et commerciales » ; que ressortissent en particulier aux principes fondamentaux de ces obligations civiles et commerciales les dispositions qui mettent en cause leur existence même ; 5. Considérant, d’autre part, que la liberté d’entreprendre découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’aux termes de son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que la propriété est au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services dans la vie économique et sociale, notamment pour ceux qui exercent leur activité en ligne, l’encadrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises, du choix et de l’usage des noms de domaine sur internet affecte les droits de la propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté d’entreprendre ; 6. Considérant que l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques confie à des organismes désignés par le ministre chargé des communications électroniques l’attribution et la gestion des noms de domaine « au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’internet, correspondant au territoire national » ; qu’il se borne à prévoir que l’attribution par ces organismes d’un nom de domaine est assurée « dans l’intérêt général, selon des règles non discriminatoires rendues publiques et qui veillent au respect, par le demandeur, des droits de la propriété intellectuelle » ; que, pour le surplus, cet article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser ses conditions d’application ; que, si le législateur a ainsi préservé les droits de la propriété intellectuelle, il a entièrement délégué le pouvoir d’encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaine sont attribués ou peuvent être renouvelés, refusés ou retirés ; qu’aucune autre disposition législative n’institue les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à la liberté d’entreprendre ainsi qu’à l’article 11 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’il en résulte que l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques doit être déclaré contraire à la Constitution ; 7. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu’il ne lui appartient pas d’indiquer les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales qui doivent être retenus pour qu’il soit remédié à l’inconstitutionnalité constatée ; qu’eu égard au nombre de noms de domaine qui ont été attribués en application des dispositions de l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, l’abrogation immédiate de cet article aurait, pour la sécurité juridique, des conséquences manifestement excessives ; que, dès lors, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2011 la date de son abrogation pour permettre au législateur de remédier à l’incompétence négative constatée ; que les actes réglementaires pris sur son fondement ne sont privés de base légale qu’à compter de cette date ; que les autres actes passés avant cette date en application des mêmes dispositions ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité, Article 1er.- L’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques est déclaré contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet le 1er juillet 2011 dans les conditions fixées au considérant 7. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 octobre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961786.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12143 du 8 juillet 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mmes Isabelle D. et Isabelle B., relative à la conformité de l’article 365 du code civil aux droits et libertés que la Constitution garantit. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu l’arrêt n° 06-15647 de la Cour de cassation (première chambre civile) du 20 février 2007 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ; Vu les observations produites par les requérantes par la SCP Boré et Salvé de Bruneton, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean de Salvé de Bruneton pour les requérantes et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 27 septembre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LA DISPOSITION SOUMISE À L’EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : 1. Considérant qu’aux termes de l’article 365 du code civil : « L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l’adopté ; dans ce cas, l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l’exercice, sous réserve d’une déclaration conjointe avec l’adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d’un exercice en commun de cette autorité. « Les droits d’autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre. « Les règles de l’administration légale et de la tutelle des mineurs s’appliquent à l’adopté » ; 2. Considérant que l’article 61-1 de la Constitution reconnaît à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que les articles 23-2 et 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée fixent les conditions dans lesquelles la question prioritaire de constitutionnalité doit être transmise par la juridiction au Conseil d’État ou à la Cour de cassation et renvoyée au Conseil constitutionnel ; que ces dispositions prévoient notamment que la disposition législative contestée doit être « applicable au litige ou à la procédure » ; qu’en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ; 3. Considérant que l’article 365 du code civil fixe les règles de dévolution de l’autorité parentale à l’égard d’un enfant mineur faisant l’objet d’une adoption simple ; que, depuis l’arrêt du 20 février 2007 susvisé, la Cour de cassation juge de manière constante que, lorsque le père ou la mère biologique entend continuer à élever l’enfant, le transfert à l’adoptant des droits d’autorité parentale qui résulterait de l’adoption par le concubin ou le partenaire du parent biologique est contraire à l’intérêt de l’enfant et, par suite, fait obstacle au prononcé de cette adoption ; que, dès lors, la constitutionnalité de l’article 365 du code civil doit être examinée non pas en ce que cet article institue une distinction entre les enfants au regard de l’autorité parentale, selon qu’ils sont adoptés par le conjoint ou le concubin de leur parent biologique, mais en ce qu’il a pour effet d’interdire en principe l’adoption de l’enfant mineur du partenaire ou du concubin ; - SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DE LA DISPOSITION CONTESTÉE : 4. Considérant que, selon les requérantes, en prévoyant que l’adoption simple n’entraîne un partage de l’autorité parentale entre l’adoptant et le parent de l’adopté que lorsqu’ils sont mariés, l’article 365 du code civil prive l’enfant mineur de la possibilité d’être adopté par le partenaire ou le concubin de son père ou de sa mère ; qu’en interdisant ainsi « la reconnaissance juridique d’un lien social de filiation qui préexiste », l’article 365 du code civil méconnaîtrait le droit à une vie familiale normale et le principe d’égalité devant la loi ; 5. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l’article 61-1 de la Constitution, à l’instar de l’article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ; 6. Considérant, d’une part, que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 7. Considérant, d’autre part, que le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; 8. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée, dans la portée que lui donne la jurisprudence constante de la Cour de cassation, empêche que, par la voie de l’adoption simple, un enfant mineur puisse voir établir un deuxième lien de filiation à l’égard du concubin ou du partenaire de son père ou sa mère ; que, toutefois, cette disposition ne fait aucunement obstacle à la liberté du parent d’un enfant mineur de vivre en concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité avec la personne de son choix ; qu’elle ne fait pas davantage obstacle à ce que ce parent associe son concubin ou son partenaire à l’éducation et la vie de l’enfant ; que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas que la relation entre un enfant et la personne qui vit en couple avec son père ou sa mère ouvre droit à l’établissement d’un lien de filiation adoptive ; que, par suite, le grief tiré de ce que l’article 365 du code civil porterait atteinte au droit de mener une vie familiale normale doit être écarté ; 9. Considérant, en second lieu, qu’en maintenant le principe selon lequel la faculté d’une adoption au sein du couple est réservée aux conjoints, le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l’intérêt de l’enfant, une différence de traitement quant à l’établissement de la filiation adoptive à l’égard des enfants mineurs ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences qu’il convient de tirer, en l’espèce, de la situation particulière des enfants élevés par deux personnes de même sexe ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; 10. Considérant que l’article 365 du code civil n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L’article 365 du code civil est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 octobre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961787.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12147 du 8 juillet 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Thierry B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 234-13 du code de la route. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la route ; Vu le code pénal ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ; Vu les observations produites pour M. B. par Me Pierric Mathieu, avocat au barreau de Toulon, enregistrées le 23 août 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Pierric Mathieu, pour le requérant, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 20 septembre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1.Considérant qu’aux termes de l’article L. 234-13 du code de la route : « Toute condamnation pour l’une des infractions prévues aux articles L. 234-1 et L. 234-8, commise en état de récidive au sens de l’article 132-10 du code pénal, donne lieu de plein droit à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus » ; 2.Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte aux principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 3.Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d’individualisation des peines qui découle de cet article implique que la peine d’annulation du permis de conduire ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu’il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions ; 4.Considérant qu’en instituant une peine obligatoire directement liée à un comportement délictuel commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule, l’article L. 234-13 du code de la route vise, aux fins de garantir la sécurité routière, à améliorer la prévention et renforcer la répression des atteintes à la sécurité des biens et des personnes provoquées par la conduite sous l’influence de l’alcool ; 5.Considérant que, si, conformément aux dispositions de l’article L. 234-13 du code de la route, le juge qui prononce une condamnation pour de telles infractions commises en état de récidive légale est tenu de prononcer l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de conduire, il peut, outre la mise en œuvre des dispositions du code pénal relatives aux dispense et relevé des peines, fixer la durée de l’interdiction dans la limite du maximum de trois ans ; que, dans ces conditions, le juge n’est pas privé du pouvoir d’individualiser la peine ; qu’en conséquence, les dispositions de l’article L. 234-13 du code de la route ne sont pas contraires à l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; 6.Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L’article L. 234-13 du code de la route est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 septembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 septembre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961793.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d'État le 15 juillet 2010 (décision n° 322419 du 15 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Compagnie agricole de la Crau, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la loi du 30 avril 1941 portant approbation de deux conventions passées entre le ministre secrétaire d'État à l'agriculture et ladite compagnie. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi du 30 avril 1941 portant approbation de deux conventions passées entre le ministre secrétaire d’État à l’agriculture et la Compagnie agricole de la Crau, ensemble lesdites conventions ; Vu l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, notamment ses articles 2 et 7 ; Vu la décision du Conseil d’État n° 295637 du 27 juillet 2009 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 30 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 août 2010 ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 août 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 août 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Christophe Nicolaÿ, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 4 octobre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LES DISPOSITIONS SOUMISES À L’EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : 1. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 30 avril 1941 susvisée : « Sont approuvées la convention du 30 octobre 1940 et la convention additionnelle du 14 décembre 1940, passées entre le ministre secrétaire d’État à l’agriculture, d’une part, et la Compagnie agricole de la Crau et des marais de Fos, représentée par M. P. Emery, président du conseil d’administration, et M. E. Lassalle, administrateur délégué, d’autre part, lesdites conventions ayant pour objet de remplacer la convention du 29 décembre 1888 approuvée par la loi du 26 avril 1889, portant modification de la convention du 7 mai 1881, relative à la concession du dessèchement des marais de Fos et de la mise en valeur de la Crau » ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la convention du 30 octobre 1940 précitée : « À dater du remboursement complet de la dette de la compagnie envers l’État... celle-ci abandonnera à l’État 25 % de son bénéfice net global... » ; 3. Considérant que, par la décision du 27 juillet 2009 susvisée, le Conseil d’État a jugé « qu’en approuvant les stipulations des conventions des 30 octobre et 14 décembre 1940, dont le contenu a été rappelé ci-dessus, la loi du 30 avril 1941 doit être regardée, non comme ayant approuvé des obligations réciproques dont auraient pu librement convenir les parties aux conventions, mais comme ayant imposé à la Compagnie agricole de la Crau, sans aucune contrepartie pour elle, l’obligation d’avoir à acquitter au profit de l’État, pour une durée indéterminée, un prélèvement obligatoire de caractère fiscal » ; 4. Considérant que l’article 61-1 de la Constitution reconnaît à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que les articles 23-2 et 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée fixent les conditions dans lesquelles la question prioritaire de constitutionnalité doit être transmise par la juridiction au Conseil d’État ou à la Cour de cassation et renvoyée au Conseil constitutionnel ; que ces dispositions prévoient notamment que la disposition législative contestée doit être « applicable au litige ou à la procédure » ; qu’en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ; 5. Considérant qu’il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le Premier ministre, la disposition litigieuse doit être regardée comme instituant non une obligation d’origine contractuelle mais une des impositions de toutes natures au sens de l’article 34 de la Constitution ; - SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS CONTESTÉES : 6. Considérant que la société requérante soutient que les dispositions contestées, telles qu’interprétées par le Conseil d’État, mettent à sa charge une imposition qui est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ; 7. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 8. Considérant que la Compagnie agricole de la Crau est soumise à un prélèvement fiscal supplémentaire de 25 % de son bénéfice net global ; que cette différence de traitement au regard de l’imposition sur les bénéfices par rapport aux autres sociétés agricoles ne repose pas sur des critères objectifs et rationnels ; qu’elle est constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; qu’il s’ensuit que l’article 1er de la loi du 30 avril 1941, qui approuve ce prélèvement, doit être déclaré contraire à la Constitution ; 9. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » ; que la présente déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle peut être invoquée à l’encontre des prélèvements non atteints par la prescription, D É C I D E : Article 1er.- L’article 1er de la loi du 30 avril 1941 portant approbation de deux conventions passées entre le ministre secrétaire d’État à l’agriculture et la Compagnie agricole de la Crau est déclaré contraire à la Constitution. Article 2.- Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 9. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 14 octobre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961778.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juin 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12071 du 11 juin 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Victor C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54 du code de procédure pénale, de l’article 706-55 et du premier alinéa du paragraphe II de l’article 706-56 du même code ainsi que de l’article 29 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-467 DC en date du 13 mars 2003 ; Vu la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. C. par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Hélène Farge pour M. C. et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 9 septembre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité formulée par le requérant vise les « articles 706-54, alinéas 2 et 3, 706-55 et 706-56, II alinéa 1er, du code de procédure pénale ainsi que l’article 29 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 » ; que ce dernier texte a pour unique objet de donner une nouvelle rédaction aux articles 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale ; que la question prioritaire de constitutionnalité doit être regardée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée ; qu’ainsi le Conseil constitutionnel est saisi de l’article 706-55, dans sa rédaction en vigueur, et des articles 706-54 et 706-56 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 ; 2. Considérant que, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010 précitée, l’article 706-54 du code de procédure pénale dispose : « Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, placé sous le contrôle d’un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 en vue de faciliter l’identification et la recherche des auteurs de ces infractions. « Les empreintes génétiques des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 sont également conservées dans ce fichier sur décision d’un officier de police judiciaire agissant soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction ; il est fait mention de cette décision au dossier de la procédure. Ces empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d’office, soit à la demande de l’intéressé, lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. Lorsqu’il est saisi par l’intéressé, le procureur de la République informe celui-ci de la suite qui a été réservée à sa demande ; s’il n’a pas ordonné l’effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l’instruction. « Les officiers de police judiciaire peuvent également, d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction, faire procéder à un rapprochement de l’empreinte de toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit, avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée. « Le fichier prévu par le présent article contient également les empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies à l’occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d’une disparition prévues par les articles 74, 74-1 et 80-4 ainsi que les empreintes génétiques correspondant ou susceptibles de correspondre aux personnes décédées ou recherchées. « Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe. « Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine les modalités d’application du présent article. Ce décret précise notamment la durée de conservation des informations enregistrées » ; 3. Considérant que l’article 706-55 du même code dispose : « Le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions suivantes : « 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l’article 706-47 du présent code ainsi que le délit prévu par l’article 222-32 du code pénal ; « 2° Les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18, 222-34 à 222-40, 224-1 à 224-8, 225-4-1 à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225 12-1 à 225-12-3, 225-12-5 à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal ; « 3° Les crimes et délits de vols, d’extorsions, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens prévus par les articles 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à 322-14 du code pénal ; « 4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l’association de malfaiteurs prévus par les articles 410-1 à 413-12, 421-1 à 421-4, 442-1 à 442-5 et 450-1 du code pénal ; « 5° Les délits prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du code de la défense ; « 6° Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et 324-1 à 324-6 du code pénal » ; 4. Considérant que l’article 706-56 du même code, dans la rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010 précité, dispose : « I. L’officier de police judiciaire peut procéder ou faire procéder sous son contrôle, à l’égard des personnes mentionnées au premier, au deuxième ou au troisième alinéa de l’article 706-54, à un prélèvement biologique destiné à permettre l’analyse d’identification de leur empreinte génétique. Préalablement à cette opération, il peut vérifier ou faire vérifier par un agent de police judiciaire placé sous son contrôle que l’empreinte génétique de la personne concernée n’est pas déjà enregistrée, au vu de son seul état civil, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques. « Pour qu’il soit procédé à cette analyse, l’officier de police judiciaire peut requérir toute personne habilitée dans les conditions fixées par l’article 16-12 du code civil, sans qu’il soit toutefois nécessaire que cette personne soit inscrite sur une liste d’experts judiciaires ; dans ce cas, la personne prête alors par écrit le serment prévu au deuxième alinéa de l’article 60 du présent code. Les réquisitions prévues par le présent alinéa peuvent également être faites par le procureur de la République ou le juge d’instruction. « Les personnes requises conformément à l’alinéa précédent peuvent procéder, par tous moyens y compris télématiques, à la demande de l’officier de police judiciaire, du procureur de la République ou du juge d’instruction, aux opérations permettant l’enregistrement des empreintes dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques. « Lorsqu’il n’est pas possible de procéder à un prélèvement biologique sur une personne mentionnée au premier alinéa, l’identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché du corps de l’intéressé. « Lorsqu’il s’agit d’une personne condamnée pour crime ou pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l’accord de l’intéressé sur réquisitions écrites du procureur de la République. « II. – Le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. « Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. « Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5 du code pénal, les peines prononcées pour les délits prévus au présent article se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles que la personne subissait ou celles prononcées pour l’infraction ayant fait l’objet de la procédure à l’occasion de laquelle les prélèvements devaient être effectués. « Le fait, pour une personne faisant l’objet d’un prélèvement, de commettre ou de tenter de commettre des manœuvres destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d’une tierce personne, avec ou sans son accord, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. « III. – Lorsque les infractions prévues par le présent article sont commises par une personne condamnée, elles entraînent de plein droit le retrait de toutes les réductions de peine dont cette personne a pu bénéficier et interdisent l’octroi de nouvelles réductions de peine » ; - SUR L’ARTICLE 706-54 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 5.Considérant que, selon le requérant, les deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54, qui autorisent l’officier de police judiciaire à décider d’office d’un prélèvement biologique aux fins de rapprochement ou d’enregistrement au fichier national automatisé des empreintes génétiques, portent atteinte à l’article 66 de la Constitution ; qu’il soutient, en outre, que le troisième alinéa de l’article 706-54, qui autorise un prélèvement biologique pour tout crime ou délit sans considération des strictes nécessités de l’enquête en cours, méconnaît les articles 2 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’article 66 de la Constitution, le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et le principe d’inviolabilité du corps humain ; 6.Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; 7.Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ; qu’il appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités des enquêtes et informations judiciaires dans le respect de la dignité de la personne ; 8.Considérant qu’aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; 9.Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu’aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; 10.Considérant, en premier lieu, que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale ; que, s’agissant de la procédure pénale, cette exigence s’impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions ; 11.Considérant, en second lieu, qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, au nombre desquels figurent le respect de la vie privée, protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789, le respect de la présomption d’innocence, le principe de dignité de la personne humaine, ainsi que la liberté individuelle que l’article 66 place sous la protection de l’autorité judiciaire ; qu’ainsi, si le législateur peut prévoir des mesures d’investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d’une gravité et d’une complexité particulières, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, c’est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en vertu de l’article 66 de la Constitution, et que les restrictions qu’elles apportent aux droits et libertés constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent pas de discriminations injustifiées ; . En ce qui concerne le prélèvement et l’enregistrement des empreintes génétiques : 12.Considérant, en premier lieu, que, si, dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54, un officier de police judiciaire peut décider d’office un prélèvement biologique aux fins de rapprochement ou de conservation au fichier, un tel acte, nécessairement accompli dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction judiciaires, est placé sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d’instruction lesquels dirigent son activité conformément aux dispositions du code de procédure pénale ; que les empreintes peuvent être retirées du fichier sur instruction du procureur de la République ; qu’enfin, aux termes du premier alinéa de l’article 706-54, le fichier est placé sous le contrôle d’un magistrat ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 66 de la Constitution doit être écarté ; 13.Considérant, en deuxième lieu, que le prélèvement biologique visé aux deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54 ne peut être effectué sans l’accord de l’intéressé ; que, selon le quatrième alinéa du paragraphe I de l’article 706-56, lorsqu’il n’est pas possible de procéder à un prélèvement biologique sur une personne, l’identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché de son corps ; qu’en tout état de cause, le prélèvement n’implique aucune intervention corporelle interne ; qu’il ne comporte aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes ; 14.Considérant que, selon le premier alinéa de l’article 706-54, le fichier n’est constitué qu’en vue de faciliter l’identification et la recherche des auteurs de certaines infractions ; qu’à cette fin, le cinquième alinéa de cet article prescrit que : « Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe » ; qu’ainsi, la disposition contestée n’autorise pas l’examen des caractéristiques génétiques des personnes ayant fait l’objet de ces prélèvements mais permet seulement leur identification par les empreintes génétiques ; 15.Considérant qu’en conséquence, manquent en fait les griefs tirés de l’atteinte à l’inviolabilité du corps humain, au principe du respect de la dignité de la personne humaine et à la liberté individuelle ; 16.Considérant, en troisième lieu, que le fichier relève du contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application des dispositions et selon les modalités prévues par la loi du 6 janvier 1978 susvisée ; que, selon les dispositions de l’article 706-54, il est en outre placé sous le contrôle d’un magistrat ; qu’il est constitué en vue de l’identification et de la recherche des auteurs de certaines infractions et ne centralise que les traces et empreintes concernant les mêmes infractions ; que l’inscription au fichier concerne, outre les personnes condamnées pour ces infractions, celles à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles les aient commises ; que, pour ces dernières, les empreintes prélevées dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaires sont conservées dans le fichier sur décision d’un officier de police judiciaire agissant soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction ; qu’une procédure d’effacement est, dans ce cas, prévue par le législateur, lorsque la conservation des empreintes n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier ; que le refus du procureur de la République de procéder à cet effacement est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l’instruction ; qu’enfin, toute personne bénéficie d’un droit d’accès direct auprès du responsable du fichier en application de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ; que, dès lors, ces dispositions sont de nature à assurer, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée ; que le grief tiré de ce que la mise en œuvre du fichier ne serait pas assortie de garanties appropriées doit être écarté ; 17.Considérant, en quatrième lieu, que le prélèvement biologique aux fins de la conservation au fichier, prévu par le deuxième alinéa de l’article 706-54, des empreintes génétiques des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis certaines infractions et le prélèvement biologique aux fins de rapprochement d’empreintes, prévu par le troisième alinéa de l’article 706-54, auquel il peut être procédé sur toute personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’un de ces mêmes crimes ou délits, n’emportent ni déclaration ni présomption de culpabilité ; qu’ils peuvent au contraire établir l’innocence des personnes qui en sont l’objet ; que l’obligation pénalement sanctionnée de se soumettre au prélèvement, qui n’implique pas davantage de reconnaissance de culpabilité, n’est pas contraire à la règle selon laquelle nul n’est tenu de s’accuser ; que, dès lors, ces dispositions ne portent pas atteinte à la présomption d’innocence ; 18.Considérant, en cinquième lieu, que l’enregistrement au fichier des empreintes génétiques de personnes condamnées pour des infractions particulières ainsi que des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis l’une de ces infractions est nécessaire à l’identification et à la recherche des auteurs de ces crimes ou délits ; que le dernier alinéa de l’article 706-54 renvoie au décret le soin de préciser notamment la durée de conservation des informations enregistrées ; que, dès lors, il appartient au pouvoir réglementaire de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées tout en adaptant ces modalités aux spécificités de la délinquance des mineurs ; que, sous cette réserve, le renvoi au décret n’est pas contraire à l’article 9 de la Déclaration de 1789 ; . En ce qui concerne le prélèvement aux fins de rapprochement avec les données du fichier : 19.Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 706-54, les officiers de police judiciaire peuvent également, d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction, faire procéder à un rapprochement de l’empreinte de toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit, avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée ; que l’expression « crime ou délit » ici employée par le législateur doit être interprétée comme renvoyant aux infractions énumérées par l’article 706-55 ; que, sous cette réserve, le troisième alinéa de l’article 706-54 du code de procédure pénale n’est pas contraire à l’article 9 de la Déclaration de 1789 ; 20.Considérant, par suite, que, sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, les conditions dans lesquelles sont recueillies et conservées les empreintes génétiques des intéressés ne portent pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ; - SUR L’ARTICLE 706-55 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 21.Considérant que, selon le requérant, le troisième alinéa de l’article 706-55, qui permet la centralisation des empreintes génétiques pour certaines infractions commises contre les biens, confère au fichier national automatisé des empreintes génétiques un champ d’application disproportionné et serait de ce fait contraire aux articles 2, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, à l’article 66 de la Constitution, au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et à l’inviolabilité du corps humain ; 22.Considérant que selon l’article 706-55, le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant des infractions de nature sexuelle, les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs, les crimes et délits de vols, d’extorsions, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l’association de malfaiteurs, certaines infractions à la législation sur les armes et explosifs, les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l’une des infractions ; que ces crimes et délits sont précisément et limitativement énumérés ; qu’outre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, toutes ces infractions portent atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, incriminent des faits en permettant la commission ou ceux qui en tirent bénéfice ; qu’à l’exception de l’infraction prévue au second alinéa de l’article 322-1 du code pénal, toutes sont au moins punies de peines d’emprisonnement ; que pour l’ensemble de ces infractions, les rapprochements opérés avec des empreintes génétiques provenant des traces et prélèvements enregistrés au fichier sont aptes à contribuer à l’identification et à la recherche de leurs auteurs ; qu’il en résulte que la liste prévue par l’article 706-55 est en adéquation avec l’objectif poursuivi par le législateur et que cet article ne soumet pas les intéressés à une rigueur qui ne serait pas nécessaire et ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués ; - SUR L’ARTICLE 706-56 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 23.Considérant que le requérant fait grief au premier alinéa du paragraphe II de l’article 706-56, qui incrimine le refus de prélèvement prévu par le troisième alinéa de l’article 706-54, de porter atteinte aux articles 2, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, à l’article 66 de la Constitution, au principe non bis in idem, au principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et au principe d’inviolabilité du corps humain en ce qu’il permet la condamnation réitérée des personnes qui refusent de se soumettre au prélèvement biologique, à l’occasion de poursuites engagées pour les mêmes faits, d’abord au cours de l’enquête puis après condamnation ; 24.Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l’article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions législatives soumises à son examen ; 25.Considérant qu’en punissant le refus de prélèvement biologique par une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en principe, et de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsque le refus est opposé par une personne condamnée pour crime, le législateur n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée ; que la réitération du refus à des périodes et en des circonstances différentes peut donner lieu à des poursuites et des condamnations distinctes sans méconnaître le principe non bis in idem ; qu’enfin, le délit prévu par le paragraphe II de l’article 706-56 ne figure pas dans les infractions mentionnées à l’article 706-55 autorisant le prélèvement biologique ; qu’il s’ensuit que les dispositions du paragraphe II de l’article 706-56 ne portent atteinte à aucun des droits et libertés invoqués ; 26.Considérant que, sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, les articles 706-54, 706-55 et 706-56 du code de procédure pénale ne sont pas contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, l’article 706-54 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010 précitée est conforme à la Constitution. Article 2.- L’article 706-55 du code de procédure pénale et l’article 706-56 du même code, dans leur rédaction antérieure à la même loi, sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 septembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 septembre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961776.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 14 septembre 2010, par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat défèrent au Conseil constitutionnel la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ; qu’ils n’invoquent à l’encontre de ce texte aucun grief particulier ; 2. Considérant que l’article 1er de la loi déférée dispose : « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage » ; que l’article 2 de la même loi précise : « I. Pour l’application de l’article 1er, l’espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public. - II. L’interdiction prévue à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles » ; que son article 3 prévoit que la méconnaissance de l’interdiction fixée à l’article 1er est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ; qu’aux termes de son article 5 : « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » ; qu’aux termes de son article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » ; qu’enfin, aux termes du troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » ; 4. Considérant que les articles 1er et 2 de la loi déférée ont pour objet de répondre à l’apparition de pratiques, jusqu’alors exceptionnelles, consistant à dissimuler son visage dans l’espace public ; que le législateur a estimé que de telles pratiques peuvent constituer un danger pour la sécurité publique et méconnaissent les exigences minimales de la vie en société ; qu’il a également estimé que les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou non, se trouvent placées dans une situation d’exclusion et d’infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d’égalité ; qu’en adoptant les dispositions déférées, le législateur a ainsi complété et généralisé des règles jusque là réservées à des situations ponctuelles à des fins de protection de l’ordre public ; 5. Considérant qu’eu égard aux objectifs qu’il s’est assignés et compte tenu de la nature de la peine instituée en cas de méconnaissance de la règle fixée par lui, le législateur a adopté des dispositions qui assurent, entre la sauvegarde de l’ordre public et la garantie des droits constitutionnellement protégés, une conciliation qui n’est pas manifestement disproportionnée ; que, toutefois, l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne saurait, sans porter une atteinte excessive à l’article 10 de la Déclaration de 1789, restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public ; que, sous cette réserve, les articles 1er à 3 de la loi déférée ne sont pas contraires à la Constitution ; 6. Considérant que l’article 4 de la loi déférée, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 30 000 EUR d’amende le fait d’imposer à autrui de dissimuler son visage, et ses articles 5 à 7, relatifs à son entrée en vigueur et à son application, ne sont pas contraires à la Constitution, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 5, la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, En application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, j'ai l'honneur de soumettre au Conseil constitutionnel la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, en vue de l'examen de sa conformité à la Constitution. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération. Gérard LarcherMonsieur le Président, En application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, j'ai l'honneur de soumettre au Conseil constitutionnel la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, en vue de l'examen de sa conformité à la Constitution. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération. Bernard Accoyer
CONSTIT/CONSTEXT000022961789.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12142 du 8 juillet 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat CGT-FO ainsi que MM. Alexandre G. et Stéphane R., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 2122-2 du code du travail. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du travail ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la Société ROBERT BOSCH FRANCE par la SCP Célice-Blancpain-Soltner, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 août 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ; Vu les observations en intervention produites pour la CFE-CGC par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 août 2010 ; Vu les observations produites par les requérants, enregistrées le 28 septembre 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Zoran Ilic pour les requérants, Me Damien Célice pour la Société ROBERT BOSCH FRANCE et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 5 octobre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2122-2 du code du travail : « Dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants » ; 2. Considérant que, selon les requérants, cet article méconnaît la liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et le principe d’égalité devant la loi ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... du droit syndical » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 4. Considérant, d’une part, que les sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 disposent : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix... – Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » ; 5. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 6. Considérant, en premier lieu, qu’il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en œuvre du droit des travailleurs de participer par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales ; que la disposition contestée tend à assurer que la négociation collective soit conduite par des organisations dont la représentativité est notamment fondée sur le résultat des élections professionnelles ; que le législateur a également entendu éviter la dispersion de la représentation syndicale ; que la liberté d’adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n’impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience ; qu’en fixant le seuil de cette audience à 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles quel que soit le nombre de votants, le législateur n’a pas méconnu les principes énoncés aux sixième et huitième alinéas du Préambule de 1946 ; 7. Considérant, en second lieu, que les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales ; qu’en prévoyant que, pour les organisations syndicales catégorielles, le seuil de 10 % est calculé dans les seuls collèges dans lesquels elles ont vocation à présenter des candidats, le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l’objet de la loi ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; 8. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L’article L. 2122-2 du code du travail est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 7 octobre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961788.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12148 du 8 juillet 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société CDISCOUNT et M. Christophe C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 121-4 du code de la consommation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la consommation ; Vu le code pénal ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 août 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; L’affaire ayant été appelée à l’audience publique du 14 septembre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1.Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-4 du code de la consommation : « En cas de condamnation, le tribunal ordonne la publication du jugement. Il peut, de plus, ordonner la diffusion, aux frais du condamné, d’une ou de plusieurs annonces rectificatives. Le jugement fixe les termes de ces annonces et les modalités de leur diffusion et impartit au condamné un délai pour y faire procéder ; en cas de carence et sans préjudice des pénalités prévues à l’article L. 121-7, il est procédé à cette diffusion à la diligence du ministère public aux frais du condamné » ; 2.Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte aux principes de nécessité et d’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 3.Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d’individualisation des peines qui découle de cet article implique que la peine de publication du jugement ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; 4.Considérant qu’en instituant une peine obligatoire directement liée à un comportement délictuel commis par voie de publicité, l’article L. 121-4 du code de la consommation vise à renforcer la répression des délits de publicité mensongère et à assurer l’information du public de la commission de tels délits ; 5.Considérant que le juge qui prononce une condamnation pour le délit de publicité mensongère est tenu d’ordonner la publication du jugement de condamnation ; que, toutefois, outre la mise en oeuvre des dispositions du code pénal relatives à la dispense de peine, il lui appartient de fixer, en application de l’article 131-35 du code pénal, les modalités de cette publication ; qu’il peut ainsi en faire varier l’importance et la durée ; que, dans ces conditions, le juge n’est pas privé du pouvoir d’individualiser la peine ; que, par suite, l’article L. 121-4 du code de la consommation n’est pas contraire à l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; 6.Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L’article L. 121-4 du code de la consommation est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 septembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 septembre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961777.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 octobre 2010 par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique de la dernière phrase du second alinéa de l'article 712-1 du code de procédure pénale ainsi que des mots : « Dans le ressort de la cour d'appel de Fort-de-France » figurant au deuxième alinéa de l'article 712-3 du même code. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu le code de l’organisation judiciaire ; Vu le code de procédure pénale ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, si l’article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer « les règles concernant... la création de nouveaux ordres de juridiction », la détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre des principes définis par la loi est de la compétence réglementaire ; 2. Considérant que la chambre détachée de la cour d’appel de Fort-de-France, siégeant en Guyane, ne constitue pas un ordre de juridiction au sens de l’article 34 de la Constitution ; que les dispositions des articles 712-1 et 712-3 du code de procédure pénale, soumises à l’examen du Conseil constitutionnel, se bornent, d’une part, à préciser le nom de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe le tribunal de l’application des peines de la Guyane et, d’autre part, à désigner les formations de cette cour compétentes pour connaître des appels des décisions de ce tribunal et du juge de l’application des peines ; que de telles dispositions ne mettent en cause ni la création de nouveaux ordres de juridiction, ni la procédure pénale, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, dès lors, elles ont le caractère réglementaire, D É C I D E : Article 1er.- Ont le caractère réglementaire : - la dernière phrase du second alinéa de l’article 712-1 du code de procédure pénale ; - les mots : « Dans le ressort de la cour d’appel de Fort-de-France » figurant au deuxième alinéa de l’article 712-3 du même code. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022961798.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêts nos 12195 et 12196 du 16 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, d'une part, par la société SITA FD SA et la société K2O SA et, d'autre part, par la société SITA SUD OUEST, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 1 et du 8 du paragraphe I de l'article 266 sexies et du 1 et du 8 de l'article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des douanes ; Vu le code de l’environnement ; Vu la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société SITA FD SA et la société K2O SA par Me Thierry Gallois, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 août 2010 ; Vu les observations produites pour la société SITA SUD OUEST par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 août 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 août 2010 et le 26 août 2010 ; Vu les observations produites pour la société SITA FD SA et la société K2O SA par Me Thierry Gallois, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 août 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour la société SITA FD SA et la société K2O SA par Me Thierry Gallois, enregistrées le 9 septembre 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Thierry Gallois pour la société SITA FD SA et la société K2O SA, Me Denis Redon, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour la société SITA SUD OUEST et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 12 octobre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, selon les dispositions des 1 et 8 du paragraphe I de l’article 266 sexies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 1999 susvisée, une taxe générale sur les activités polluantes est due par : « 1. Tout exploitant d’une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ou tout exploitant d’une installation d’élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coincinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l’entreprise produit ; » « 8 a. Tout exploitant d’un établissement industriel ou commercial ou d’un établissement public à caractère industriel et commercial dont certaines installations sont soumises à autorisation au titre du livre V (titre Ier) du code de l’environnement ; » « 8 b. Tout exploitant d’un établissement mentionné au a dont les activités, figurant sur une liste établie par décret en Conseil d’État après avis du Conseil supérieur des installations classées, font courir, par leur nature ou leur volume, des risques particuliers à l’environnement » ; 2. Considérant que, selon les dispositions des 1 et 8 de l’article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 1999 susvisée, le fait générateur de la taxe générale sur les activités polluantes est constitué par : « 1. La réception de déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de l’article 266 sexies ; » « 8 a. La délivrance de l’autorisation prévue par l’article 3 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 précitée ; » « 8 b. L’exploitation au cours d’une année civile d’un établissement mentionné au b du 8 du I de l’article 266 sexies » ; 3. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions fixent des règles d’assujettissement différentes selon que les déchets inertes, de même nature, sont mis en dépôt dans des installations de stockage de déchets inertes ou dans des installations de stockage des déchets ménagers afin d’y être utilisés comme « matériaux de couverture » de ces déchets ; qu’en conséquence, elles porteraient atteinte au principe de l’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 5. Considérant qu’en instituant une taxe générale sur les activités polluantes, le législateur a entendu en intégrer la charge dans le coût des produits polluants ou des activités polluantes, afin de réduire la consommation des premiers et limiter le développement des secondes ; qu’il a, en conséquence, soumis à cette taxe les exploitants d’installations de stockage de déchets ménagers et d’installations d’élimination des déchets industriels spéciaux ; qu’en revanche, il n’a pas assujetti à la taxe générale sur les activités polluantes, au titre du stockage de déchets inertes, les exploitants des installations spécialement destinées à recevoir ces déchets ; que, par suite, les dispositions du 1 du paragraphe I de l’article 266 sexies et du 1 de l’article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction résultant de la loi du 29 décembre 1999 susvisée ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques, être interprétées comme s’appliquant à l’ensemble des quantités de déchets inertes visés par ces dispositions ; 6. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont contraires ni au principe d’égalité devant les charges publiques ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 5, sont conformes à la Constitution les dispositions du 1 et du 8 du paragraphe I de l’article 266 sexies ainsi que les dispositions du 1 et du 8 de l’article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 18 octobre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022961799.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 juillet 2010 par le Conseil d'État (décision n° 334060 du 23 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé (le PROCOS), la Fédération des enseignes de l'habillement (FEH) et la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du deuxième alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de commerce ; Vu la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ; Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 modifiée de modernisation de l’économie ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le PROCOS, la Fédération des enseignes de l’habillement (FEH) et la SAS CAMAÏEU INTERNATIONAL par Me Stéphane Austry, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 2 août 2010 ; Vu les observations produites pour la Caisse nationale du régime social des indépendants (RSI) par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 11 août 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 août 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour les requérants par Me Austry, enregistrées le 27 août 2010 ; Vu les observations produites en intervention par la Fédération française de la franchise, enregistrée le 27 septembre 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour les requérants par Me Austry, enregistrées le 4 octobre 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Austry pour les requérants et Me Guillaume Delvolvé pour la Caisse nationale du régime social des indépendants et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 12 octobre 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que sont soumis à la taxe sur les surfaces commerciales les établissements de commerce de détail ouverts à partir du 1er janvier 1960 et dont la surface de vente dépasse 400 mètres carrés ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 : « Toutefois, le seuil de superficie de 400 mètres carrés ne s’applique pas aux établissements contrôlés directement ou indirectement par une même personne et exploités sous une même enseigne commerciale lorsque la surface de vente cumulée de l’ensemble de ces établissements excède 4 000 mètres carrés » ; 2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’il n’en résulte pas pour autant que le principe d’égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; 4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 5. Considérant qu’en instituant une taxe sur les surfaces commerciales, le législateur a entendu favoriser un développement équilibré du commerce ; qu’il a, pour ce faire, choisi d’imposer les établissements commerciaux de détail ayant une surface significative ; qu’en adoptant les dispositions contestées, il a entendu soumettre à cette taxe un ensemble intégré d’établissements dont la superficie cumulée dépasse un certain seuil ; qu’il a subordonné l’existence de cette intégration, d’une part, à la propriété de l’entreprise, à la possession de son capital ou à la participation substantielle à ce capital par une seule personne, sous la forme d’un contrôle direct ou indirect au sens des articles L. 233-3 et L. 233-4 du code de commerce et, d’autre part, à l’exploitation d’une même enseigne ; que les établissements indépendants qui partagent contractuellement l’exploitation d’une enseigne sans que leur capital soit directement ou indirectement contrôlé par une même personne se trouvent dans une situation différente au regard de l’objet de la loi ; que, dès lors, le législateur a pu assujettir de manière différente à la taxe sur les surfaces commerciales des établissements qui ne sont pas dans la même situation ; qu’en prévoyant cette double condition, il a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; qu’il n’en résulte pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; que, par suite, le grief tiré de l’atteinte aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques doit être rejeté ; 6. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 18 octobre 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022393072.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne le 13 avril 2010, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Claude BARTOLONE, Christian BATAILLE, Mmes Delphine BATHO, Chantal BERTHELOT, Gisèle BIÉMOURET, MM. Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Jean-Michel BOUCHERON, Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Thierry CARCENAC, Laurent CATHALA, Bernard CAZENEUVE, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mmes Marie-Françoise CLERGEAU, Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, M. Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, René DOSIÈRE, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mme Corinne ERHEL, MM. Albert FACON, Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Jean-Claude FRUTEAU, Jean-Louis GAGNAIRE, Jean GAUBERT, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Gaëtan GORCE, Mme Pascale GOT, M. Marc GOUA, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN RISPAL, MM. François HOLLANDE, Christian HUTIN, Mmes Monique IBORRA, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mmes Marylise LEBRANCHU, Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Bernard LESTERLIN, Albert LIKUVALU, François LONCLE, Jean MALLOT, Mmes Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, M. Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Arnaud MONTEBOURG, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Françoise OLIVIER-COUPEAU, M. Christian PAUL, Mme George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Martine PINVILLE, M. Philippe PLISSON, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Simon RENUCCI, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Marcel ROGEMONT, René ROUQUET, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, M. Christophe SIRUGUE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, André VÉZINHET, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, ensemble la décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 ; Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment son article 267 ; Vu le code général des impôts ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ; Vu la loi du 18 avril 1924 modifiant l’article 2 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 20 avril 2010 ; Vu les observations complémentaires présentées par les députés requérants, enregistrées le 28 avril 2010, et l’arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2010, n° 12003 ND ; Vu les nouvelles observations du Gouvernement, enregistrées le 30 avril 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ; qu’ils présentent des griefs contre l’ensemble de la loi ; qu’ils contestent, en outre, ses articles 1er, 26, 47 et 48 ; - SUR LES GRIEFS DIRIGÉS CONTRE L’ENSEMBLE DE LA LOI : 2. Considérant que, selon les requérants, la loi déférée aurait été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution ; qu’ils soutiennent qu’elle méconnaîtrait le principe fondamental de prohibition des jeux de hasard ; qu’elle ne serait pas conforme au droit de l’Union européenne ; qu’elle serait contraire à l’intérêt général ainsi qu’à l’objectif de sauvegarde de l’ordre public ; qu’enfin, les moyens qu’elle met en oeuvre seraient manifestement inappropriés aux objectifs qu’elle poursuit ; . En ce qui concerne le grief tiré de l’irrégularité de la procédure d’adoption de la loi : 3. Considérant que, selon les requérants, en suspendant la séance publique après avoir déclaré ouvert le scrutin pour le vote d’une motion de rejet préalable en deuxième lecture, le président de l’Assemblée nationale a enfreint le règlement de cette assemblée et méconnu les exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; 4. Considérant qu’il ressort des travaux parlementaires que le président de séance n’avait pas déclaré ouvert le scrutin avant d’avoir décidé de suspendre la séance pendant les explications de vote ; qu’au demeurant, les règlements des assemblées parlementaires n’ont pas par eux-mêmes une valeur constitutionnelle ; qu’en tout état de cause, aucune des dispositions du règlement de l’Assemblée nationale n’interdit au président de séance de suspendre la séance pendant les explications de vote ; que, dès lors, le grief doit être rejeté ; . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de prohibition des jeux d’argent et de hasard : 5. Considérant que, selon les requérants, « en décidant de libéraliser le secteur des jeux en ligne, le législateur remet frontalement en cause une tradition juridique française qui se traduit depuis le dix-neuvième siècle, en matière de jeux de hasard, par les trois principes de prohibition, d’exception et d’exclusivité » ; qu’il aurait méconnu, ce faisant, un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; 6. Considérant que la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; 7. Considérant que, si la loi du 2 juin 1891 susvisée a prohibé les paris sur les courses de chevaux et celle du 18 avril 1924 confirmé le principe de prohibition des loteries institué par une loi de 1836, ces législations n’ont jamais conféré à ces règles un caractère absolu mais les ont constamment assorties de dérogations et d’exceptions importantes ; qu’en outre, le législateur a également apporté d’autres dérogations à la prohibition des jeux d’argent et de hasard par la loi du 15 juin 1907 réglementant le jeu dans les cercles et les casinos des stations balnéaires, thermales et climatériques et l’article 136 de la loi de finances du 31 mai 1933 autorisant le Gouvernement à créer la Loterie nationale ; que, dès lors, ces lois de la République ne sauraient être regardées comme ayant reconnu un principe fondamental ; 8. Considérant, au demeurant, que les articles 11, 12 et 14 de la loi déférée soumettent l’organisation en ligne de la prise de paris hippiques, sportifs ou de jeux de cercle à un régime d’agrément préalable ; qu’ainsi, en tout état de cause, le grief tiré de ce que la loi déférée aurait « libéralisé » les jeux en ligne doit être écarté ; . En ce qui concerne les griefs relatifs au droit de l’Union européenne : 9. Considérant que les requérants soutiennent que « le droit communautaire n’impose nullement une telle ouverture à la concurrence puisque la Cour de justice de l’Union européenne admet au contraire le maintien des monopoles dès lors qu’ils sont justifiés par les objectifs de protection de l’ordre public et de l’ordre social » ; qu’ils invitent le Conseil constitutionnel à vérifier que la loi « n’est pas inconventionnelle » en se référant à l’arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2010 susvisé qui indique que le Conseil constitutionnel pourrait exercer « un contrôle de conformité des lois aux engagements internationaux de la France, en particulier au droit communautaire » ; - Quant à la supériorité des engagements internationaux et européens sur les lois : 10. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » ; que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu’elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n’impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution ; 11. Considérant, d’autre part, que, pour mettre en œuvre le droit reconnu par l’article 61-1 de la Constitution à tout justiciable de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit, le cinquième alinéa de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et le deuxième alinéa de son article 23-5 précisent l’articulation entre le contrôle de conformité des lois à la Constitution, qui incombe au Conseil constitutionnel, et le contrôle de leur compatibilité avec les engagements internationaux ou européens de la France, qui incombe aux juridictions administratives et judiciaires ; qu’ainsi, le moyen tiré du défaut de compatibilité d’une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d’inconstitutionnalité ; 12. Considérant que l’examen d’un tel grief, fondé sur les traités ou le droit de l’Union européenne, relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ; 13. Considérant, en premier lieu, que l’autorité qui s’attache aux décisions du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 62 de la Constitution ne limite pas la compétence des juridictions administratives et judiciaires pour faire prévaloir ces engagements sur une disposition législative incompatible avec eux, même lorsque cette dernière a été déclarée conforme à la Constitution ; 14. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des termes mêmes de l’article 23-3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée que le juge qui transmet une question prioritaire de constitutionnalité, dont la durée d’examen est strictement encadrée, peut, d’une part, statuer sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu’il statue dans un délai déterminé ou en urgence et, d’autre part, prendre toutes les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires ; qu’il peut ainsi suspendre immédiatement tout éventuel effet de la loi incompatible avec le droit de l’Union, assurer la préservation des droits que les justiciables tiennent des engagements internationaux et européens de la France et garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir ; que l’article 61-1 de la Constitution pas plus que les articles 23 1 et suivants de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ne font obstacle à ce que le juge saisi d’un litige dans lequel est invoquée l’incompatibilité d’une loi avec le droit de l’Union européenne fasse, à tout moment, ce qui est nécessaire pour empêcher que des dispositions législatives qui feraient obstacle à la pleine efficacité des normes de l’Union soient appliquées dans ce litige ; 15. Considérant, en dernier lieu, que l’article 61-1 de la Constitution et les articles 23-1 et suivants de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ne privent pas davantage les juridictions administratives et judiciaires, y compris lorsqu’elles transmettent une question prioritaire de constitutionnalité, de la faculté ou, lorsque leurs décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, de l’obligation de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; 16. Considérant que, dans ces conditions, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61 ou de l’article 61-1 de la Constitution, d’examiner la compatibilité d’une loi avec les engagements internationaux et européens de la France ; qu’ainsi, nonobstant la mention dans la Constitution du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, il ne lui revient pas de contrôler la compatibilité d’une loi avec les stipulations de ce traité ; que, par suite, la demande tendant à contrôler la compatibilité de la loi déférée avec les engagements internationaux et européens de la France, en particulier avec le droit de l’Union européenne, doit être écartée ; - Quant à l’exigence de transposition des directives européennes : 17. Considérant qu’aux termes de l’article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 » ; qu’ainsi, la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle ; 18. Considérant qu’il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l’article 61 de la Constitution d’une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ; que, toutefois, le contrôle qu’il exerce à cet effet est soumis à une double limite ; qu’en premier lieu, la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ; qu’en second lieu, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne sur le fondement de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; qu’en conséquence, il ne saurait déclarer non conforme à l’article 88-1 de la Constitution qu’une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer ; qu’en tout état de cause, il appartient aux juridictions administratives et judiciaires d’exercer le contrôle de compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France et, le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel ; 19. Considérant, en revanche, que le respect de l’exigence constitutionnelle de transposition des directives ne relève pas des « droits et libertés que la Constitution garantit » et ne saurait, par suite, être invoqué dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité ; 20. Considérant qu’en l’espèce, la loi déférée n’a pas pour objet de transposer une directive ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution doit être écarté ; 21. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du droit de l’Union européenne doivent être rejetés ; . En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de l’intérêt général, du non-respect de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et du défaut d’adéquation des moyens aux objectifs poursuivis : 22. Considérant que les requérants soutiennent que la loi déférée est manifestement contraire à l’intérêt général dès lors qu’elle tend à « assurer la promotion d’intérêts privés au détriment des intérêts supérieurs de la collectivité » ; qu’ils estiment que la loi déférée « apparaît évidemment et radicalement contraire à la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré » ; que le législateur n’aurait pas adopté les mesures adéquates aux objectifs qu’il poursuit ; qu’il en serait ainsi, en particulier, en matière de publicité ; qu’enfin, l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne faciliterait la corruption ; 23. Considérant, en premier lieu, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 24. Considérant, en second lieu, qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ; 25. Considérant, en l’espèce, qu’en adoptant la loi contestée, le législateur a voulu lutter contre les méfaits du marché illégal des jeux et paris en ligne en créant une offre légale sous le contrôle de l’État ; qu’à cette fin, il a soumis l’organisation de jeux en ligne à un régime d’agrément préalable ; qu’il a créé une autorité administrative indépendante, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, chargée d’agréer les nouveaux opérateurs, de contrôler le respect de leurs obligations et de participer à la lutte contre les opérateurs illégaux ; qu’il a édicté des mesures destinées à prévenir une accoutumance, à protéger les publics vulnérables, à lutter contre le blanchiment d’argent et à garantir la sincérité des compétitions sportives et des jeux ; qu’il a choisi de ne pas ouvrir l’accès des opérateurs agréés au marché des jeux de pur hasard ; qu’il a réglementé la publicité en faveur de l’offre légale de jeu tout en sanctionnant pénalement celle en faveur de l’offre illégale ; qu’eu égard aux objectifs qu’il s’est assignés, il a adopté des mesures propres à assurer une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre le principe de la liberté d’entreprendre et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ; 26. Considérant qu’il s’ensuit que les griefs dirigés contre l’ensemble de la loi doivent être rejetés ; - SUR L’ARTICLE 1ER : 27. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi déférée : « Les jeux d’argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils font l’objet d’un encadrement strict au regard des enjeux d’ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé et des mineurs » ; 28. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale... » ; qu’il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative ; 29. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’article 1er de la loi déférée, qui soustrait les jeux d’argent et de hasard au droit commun de la liberté d’entreprendre, n’est pas dépourvu de toute portée normative ; 30. Considérant que l’article 1er de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ; - SUR L’ARTICLE 26 : 31. Considérant qu’aux termes de l’article 26 de la loi déférée : « L’opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l’agrément prévu à l’article 21 est tenu de faire obstacle à la participation aux activités de jeu ou de pari qu’il propose des personnes interdites de jeu en vertu de la réglementation en vigueur ou exclues de jeu à leur demande. Il interroge à cette fin, par l’intermédiaire de l’Autorité de régulation des jeux en ligne et dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l’intérieur. Il clôture tout compte joueur dont le titulaire viendrait à être touché par une interdiction ou une exclusion. – Il prévient les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de mécanismes d’auto-exclusion et de modération et de dispositifs d’autolimitation des dépôts et des mises. Il communique en permanence à tout joueur fréquentant son site le solde instantané de son compte. Il informe les joueurs des risques liés au jeu excessif ou pathologique par le biais d’un message de mise en garde, ainsi que des procédures d’inscription sur les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l’intérieur. Un arrêté du ministre de la santé précise le contenu de ce message de mise en garde » ; 32. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent le droit à la protection de la santé découlant du onzième alinéa du Préambule de 1946 ; que, selon eux, le législateur ne pouvait légiférer dans une telle matière qu’en vue de renforcer la protection des consommateurs ainsi que les moyens mobilisés par l’État dans la lutte contre l’assuétude ; qu’ils contestent, en outre, le fait que les moyens juridiques de l’Autorité de régulation des jeux en ligne se réduiraient pour l’essentiel à délivrer les agréments sur la base d’un cahier des charges imposé aux opérateurs de jeux ; 33. Considérant qu’aux termes du onzième alinéa du Préambule de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs... » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 34. Considérant que les dispositions contestées imposent aux opérateurs de jeux, d’une part, de faire obstacle à la participation des personnes interdites de jeu et, d’autre part, de mettre en place différentes mesures destinées à prévenir et lutter contre l’assuétude ; qu’en outre, les articles 5 et 7 de la loi déférée interdisent que les mineurs prennent part aux jeux d’argent et de hasard et prohibent la publicité de tels jeux à destination des mineurs ; que ses articles 27 à 29 soumettent les opérateurs de jeux à des obligations en faveur de la promotion du « jeu responsable » ; que son article 30 interdit le jeu à crédit ; qu’en adoptant ces dispositions, le législateur n’a pas privé de garanties légales les exigences énoncées par le onzième alinéa du Préambule de 1946 ; 35. Considérant que l’article 26 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ; - SUR LES ARTICLES 47 ET 48 : 36. Considérant, d’une part, que l’article 47 de la loi déférée insère dans le code général des impôts les articles 302 bis ZG à 302 bis ZN relatifs aux prélèvements sur les jeux et paris au profit de l’État ; qu’en particulier, l’article 302 bis ZK fixe le taux de ces prélèvements à 5,7 % des sommes engagées au titre de paris hippiques ou sportifs, quel que soit leur mode de distribution, et à 1,8 % de celles engagées au titre des jeux de cercle en ligne ; 37. Considérant, d’autre part, que l’article 48 de la loi déférée insère dans le code de la sécurité sociale les articles L. 137-20 à L. 137-26 relatifs aux prélèvements sur les jeux et paris au profit de la sécurité sociale ; qu’en particulier, les articles L. 137-20 et L. 137-21 instituent, pour les paris hippiques ou sportifs, un prélèvement de 1,8 % des sommes engagées et l’article L. 137-22 fixe un prélèvement de 0,2 % sur celles engagées au titre des jeux de cercle en ligne ; 38. Considérant que, selon les requérants, la différence de taxation entre les paris hippiques et sportifs en ligne, d’une part, et les jeux de cercle en ligne, d’autre part, est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ; 39. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 40. Considérant que toute personne participant au même pari ou au même jeu sera assujettie dans les mêmes conditions ; que la différence de taxation entre les paris hippiques et sportifs en ligne et les jeux de cercle en ligne, lesquels présentent des caractéristiques différentes, n’introduit pas une différence de traitement entre des personnes s’adonnant à ces paris ou jeux dans les mêmes conditions ; qu’elle n’introduit aucune rupture caractérisée devant les charges publiques ; qu’il en est de même en ce qui concerne la pratique du poker dans les casinos et celle du poker en ligne, qui présentent également des caractéristiques différentes ; 41. Considérant que les articles 47 et 48 de la loi déférée ne sont pas contraires à la Constitution ; 42. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article premier.- Les articles 1er, 26, 47 et 48 de la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ. Dans leurs observations complémentaires datées du 27 avril 2010, les députés auteurs de la saisine invitent le Conseil constitutionnel, pour le cas où il contrôlerait la conformité des lois aux engagements internationaux de la France, en particulier au droit communautaire, à s'assurer que la loi déférée n'est pas inconventionnelle. 1. Le Gouvernement tient à souligner que cette invitation se heurte à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. Depuis la décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, le Conseil constitutionnel juge de manière constante qu'il ne lui « appartient pas [...], lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ». Il a notamment été fait application de cette jurisprudence dans les décisions n° 77-83 DC du 20 juillet 1977 (considérant 6), n° 77-92 du 18 janvier 1978 (considérant 3), n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 (considérant 79), n° 98-399 DC du 5 mai 1998 (considérant 12), n° 98-405 DC du 31 décembre 1998 (considérant 15) ou encore n° 2006-535 du 30 mars 2006 (considérant 27). 2. Dans cette dernière décision, il a été jugé que l'article 88-1 de la Constitution créait à l'égard des autorités de l'Etat, y compris du législateur, une obligation constitutionnelle d'assurer la transposition des directives communautaires. Au titre de cette obligation constitutionnelle, le Conseil constitutionnel contrôle que les lois ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire ne méconnaissent pas de manière manifeste les objectifs de la directive en cause. Cette jurisprudence a été confirmée et précisée dans les décisions des 27 juillet 2006 (n° 2006-540 DC, loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information), 30 novembre 2006 (n° 2006-543 DC, loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie) et 19 juin 2008 (n° 2008-564 DC, loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés). 3. L'état du droit qui résulte de ces différentes décisions est clair et constant : si vous avez tiré de l'article 88-1 de la Constitution une obligation de transposition du droit communautaire, le respect de cette obligation constitutionnelle ne saurait être confondu avec un contrôle du respect des directives communautaires par la loi. Cette jurisprudence ne concerne en effet que les lois ayant pour objet de transposer des directives (voir a contrario la décision n° 2010-601 DC du 4 février 2010 ? loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales) et se limite à un contrôle des incompatibilités manifestes avec les objectifs de la directive en cause. Ce n'est pas l'incompatibilité avec la directive qui est sanctionnée mais la méconnaissance de l'obligation constitutionnelle de transposer les directives lorsque cette méconnaissance est révélée par une incompatibilité manifeste de la loi de transposition avec les objectifs de la directive. Les décisions précitées précisent d'ailleurs expressément que le contrôle de la compatibilité de la loi avec le droit communautaire relève des juridictions ordinaires qui pourront, le cas échéant, saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel. Cette jurisprudence n'a donc ni pour objet ni pour effet de remettre en cause la règle dégagée par la décision du 15 janvier 1975 en vertu de laquelle il n'appartient pas au Conseil constitutionnel saisi sur le fondement de l'article 61 de la Constitution d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international. 4. Le Gouvernement estime qu'aucune raison ne justifie que cette jurisprudence soit aujourd'hui remise en cause. Il serait en effet paradoxal qu'au lendemain d'une révision constitutionnelle ayant profondément réformé le contrôle de constitutionnalité des lois avec l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité un revirement de jurisprudence vienne apporter à la mission du Conseil constitutionnel une modification que le Constituant n'a lui-même pas retenue. En outre, dans le cas particulier du droit communautaire, les délais très brefs dans lesquels le Conseil constitutionnel doit statuer ? qu'il soit saisi au titre de l'article 61 ou en application de l'article 61-1 ? ne sont pas compatibles avec une procédure de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne. Or, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, comme le traité instituant la Communauté européenne avant lui, impose que toute juridiction compétente pour se prononcer sur l'application du droit communautaire puisse saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle en interprétation ou en appréciation de validité afin d'assurer l'unité d'interprétation du droit de l'Union. 5. Le Gouvernement estime en outre que les choix faits pour l'organisation d'un contrôle de constitutionnalité par la voie de l'exception manifestent la volonté du Constituant de maintenir la distinction établie par la jurisprudence entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité. Il ressort en effet clairement des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, comme de la loi organique du 10 décembre 2009, que le Constituant n'a pas entendu élargir à cette occasion le champ des normes de référence au regard desquelles le Conseil constitutionnel exerce son contrôle. Au contraire, en n'ouvrant la possibilité de contester des lois promulguées qu'au regard des « droits et libertés garantis par la Constitution », le Constituant a clairement marqué que les normes de référence invocables dans le cadre de l'article 61-1 constituaient un sous-ensemble du bloc de constitutionnalité. Le Gouvernement estime à cet égard que l'obligation constitutionnelle, que la jurisprudence a tirée de l'article 88-1 de la Constitution, d'assurer une correcte transposition des directives communautaires ne se rattache pas à la catégorie des « droits et libertés garantis par la Constitution » et que la méconnaissance éventuelle de cette obligation ne peut donc pas faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité. La loi organique du 10 décembre 2009 confirme également la volonté des auteurs de la réforme de maintenir la distinction existant entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité. Les dispositions introduites aux articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 distinguent ainsi expressément entre les moyens qui contestent la conformité d'une disposition législative, « d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution » et, « d'autre part, aux engagements internationaux de la France » et soumettent l'examen de ces deux catégories de moyens à des règles procédurales distinctes. 6. Le dispositif institutionnel issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et de la loi organique du 10 décembre 2009 renforce ainsi la spécialisation du Conseil constitutionnel, qui est le juge exclusif de la constitutionnalité de la loi (par la voie de l'action comme par la voie de l'exception), tandis que les juridictions ordinaires conservent la plénitude de leur compétence pour se prononcer sur les atteintes éventuelles aux droits que les particuliers tirent des engagements internationaux régulièrement entrés dans l'ordre juridique interne. Le mécanisme du filtre des questions prioritaires de constitutionnalité par les juridictions suprêmes des deux ordres, tel qu'il est institué par la loi organique du 10 décembre 2009, permet d'ailleurs de mieux asseoir cette répartition des rôles en organisant le renvoi au Conseil constitutionnel de questions précisément circonscrites au respect des règles constitutionnelles par des dispositions législatives bien identifiées. Le Conseil constitutionnel, dont la saisine peut déboucher sur une abrogation de la loi, est ainsi chargé ? comme il le fait en application de l'article 61 ? d'apprécier le rapport de compatibilité entre deux normes de portée générale, tandis que le juge ordinaire reste seul compétent pour apprécier les conditions dans lesquelles les normes invoquées s'appliquent au cas d'espèce. Comme cela a pu être relevé en doctrine, le contrôle de conventionnalité conduit fréquemment à constater non pas que la loi est radicalement inapplicable mais qu'elle doit être écartée en tout ou partie dans certaines situations d'espèce. La nature même du contrôle de constitutionnalité de la loi confié au Conseil constitutionnel distingue ainsi nettement ce contrôle de celui qu'exercent les juridictions ordinaires lorsqu'elles vérifient, au cas par cas, le respect des droits tirés des normes internationales. 7. L'intégration du droit international, et en particulier du droit de l'Union européenne aux normes de référence dont le Conseil constitutionnel contrôle le respect par le législateur, ne manquerait pas de soulever de réelles difficultés d'articulation avec le droit de l'Union, alors que la loi organique du 10 décembre 2009 a pris le soin d'organiser la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité de manière à assurer le plein respect du droit communautaire tel qu'il résulte notamment de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Le Gouvernement entend à cet égard relever trois types de garanties apportées par la loi organique pour éviter que la question prioritaire de constitutionnalité vienne affaiblir en quoi que ce soit les conditions dans lesquelles les justiciables peuvent faire valoir les droits qu'ils tirent du droit communautaire devant les juridictions compétentes. En premier lieu, en interdisant aux juridictions de soulever d'office la question de constitutionnalité, la loi organique laisse aux parties qui entendent contester l'application d'une disposition législative le choix de solliciter un renvoi au Conseil constitutionnel ou de se placer sur le seul terrain du droit international ou communautaire. Il en résulte que le renvoi au Conseil constitutionnel ne peut être prononcé qu'à la demande expresse de la partie qui conteste l'application d'une disposition législative et qu'elle n'est en aucun cas imposée à celui qui entend se prévaloir à titre principal d'une violation du droit communautaire. En deuxième lieu, la loi organique laisse aux juridictions devant lesquelles est porté le litige une entière liberté de saisir à tout moment (y compris lorsqu'elles sont déjà saisies d'une question prioritaire de constitutionnalité ou lorsqu'une telle question a été renvoyée à la juridiction suprême de l'ordre concerné ou au Conseil constitutionnel) la Cour de justice de l'Union européenne de toute question d'interprétation du droit communautaire qui leur paraît pertinente pour le jugement de l'affaire. En troisième lieu, la loi organique prévoit expressément, dans l'article 23-3 ajouté à l'ordonnance du 7 novembre 1958, que la juridiction qui renvoie une question prioritaire de constitutionnalité n'est pas dessaisie pour autant et qu'elle « peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires ». La juridiction qui est saisie par un requérant d'une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel peut donc prendre à tout moment toute mesure nécessaire pour prévenir immédiatement tout risque d'atteinte au droit de l'Union. L'équilibre ainsi établi entre, d'une part, le choix du Constituant d'instituer au bénéfice des justiciables une voie de droit nouvelle pour assurer la protection des droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, la nécessaire préservation des droits que les particuliers tirent directement des traités sur l'Union européenne, pourrait être fragilisé par un revirement de jurisprudence qui remettrait en cause la distinction entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité de la loi. 8. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement invite le Conseil constitutionnel à confirmer qu'il ne lui appartient pas, qu'il soit saisi au titre de l'article 61 ou au titre de l'article 61-1 de la Constitution, de contrôler la conformité des lois avec les engagements internationaux régulièrement entrés dans l'ordre juridique interne. Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Conseillers, En complément de la saisine qui vous a été transmise sur le projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, les députés, auteurs de la saisine, souhaitent soumettre à votre examen un nouveau moyen qu’il vous appartiendra d’examiner souverainement. L’arrêt n° 12003 ND, rendu par la Cour de cassation le 16 avril 2010 indique que vous pourriez exercer un contrôle de conformité des lois aux engagements internationaux de la France, en particulier au droit communautaire. Si tel est effectivement le cas, il vous revient de vous assurer, que la loi déférée, en plus des griefs constitutionnels qu’elle encourt, n’est pas inconventionnelle. Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre haute considération. Jean-Marc Ayrault Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR LES GRIEFS DIRIGES CONTRE LA LOI DANS SON ENSEMBLE. A/ Sur la régularité de la procédure d'adoption de la loi. Les auteurs de la saisine font valoir que le principe de clarté et de sincérité des débats n'a pas été respecté lors de l'examen du projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Il est exact qu'à l'occasion de l'examen de la motion de rejet préalable du texte, deux suspensions de séance sont intervenues après l'annonce du scrutin, l'une à la demande du ministre du budget, l'autre décidée par le Président de l'Assemblée nationale. Mais cette séquence n'emporte en tout état de cause aucune méconnaissance du règlement de l'Assemblée nationale. Le scrutin avait certes été annoncé conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article 66, mais il n'avait pas encore été ouvert par le président de séance : la formule rituelle " le scrutin est ouvert " n'avait pas été prononcée. Or, le règlement de l'Assemblée nationale permet que des suspensions de séance soient décidées entre l'annonce du scrutin et son ouverture formelle. L'article 52 prévoit ainsi que le Président peut " à tout moment " suspendre ou lever la séance. En vertu de l'article 58, alinéa 3, du même règlement, les demandes de suspension faites par le Gouvernement sont par ailleurs de droit. Les modifications successives de l'article 66 du règlement confirment cette interprétation libérale. Cet article a, un temps, prévu que l'annonce du scrutin public interrompait tout débat. Mais cette disposition a été supprimée en 1994. Des prises de parole sont donc possibles après l'annonce du scrutin et peuvent prendre la forme d'une demande de suspension de séance. A supposer d'ailleurs que le règlement de l'Assemblée nationale ait été méconnu en l'espèce, cette circonstance demeurerait, en toute hypothèse, sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption de la loi. Contrairement à ce qu'estiment les auteurs de la saisine, la méconnaissance alléguée des dispositions du règlement relatives au scrutin ne traduit en effet aucune méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité des débats protégées par l'article 3 de la Constitution. B/ Sur la méconnaissance d'un principe tenant à la prohibition des jeux. Les auteurs de la saisine font valoir que la prohibition des jeux, moyennant les exceptions aujourd'hui permises par le droit positif au profit de la Française des jeux, du pari mutuel urbain et des casinos, relèverait d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République que viendrait méconnaître la loi déférée. Le Conseil constitutionnel ne saurait toutefois faire sienne cette analyse. Il est exact que les jeux d'argent et de hasard font l'objet de longue date d'une réglementation contraignante. La loi du 21 mai 1836 prohibant les loteries est même antérieure à l'avènement de la IIIème République, qui ne l'a pas abrogée. L'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux sont réglementés depuis la loi du 2 juin 1891. La loi du 15 juin 1907 encadre le fonctionnement des casinos. Mais la norme contenue dans ces lois ne revêt pas un caractère suffisamment général pour prétendre au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République. On n'y trouve tout d'abord aucune interdiction absolue, puisque des exceptions existent depuis toujours dans les trois matières réglementées des loteries, des courses de chevaux et des casinos. Le choix de réglementer ces exceptions par l'octroi de droits exclusifs revêt quant à lui un caractère parfaitement contingent qui ne fait tout au plus que refléter un mode d'organisation économique adapté à l'époque considérée. Dans ces conditions, le Gouvernement est d'avis que les conditions mises en jurisprudence à la reconnaissance d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République font défaut en l'espèce (voir en ce sens, par exemple, la décision n°93-321 DC du 20 juillet 1993). C/ Sur la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Les auteurs de la saisine font valoir que la loi déférée ne prévoit pas suffisamment de garanties permettant d'assurer l'objectif de valeur constitutionnelle tendant à la sauvegarde de l'ordre public. Le Gouvernement ne partage pas cette analyse. Il sera observé à titre liminaire que la jurisprudence ne prévoit pas en la matière un contrôle aussi poussé que celui auquel invitent les auteurs de la saisine. Lorsqu'un travail de conciliation est nécessaire entre l'exercice de libertés constitutionnellement garanties et la prévention des atteintes à l'ordre public, le Conseil constitutionnel vérifie certes qu'aucune des règles qu'il incombe au législateur de respecter n'est privée de garantie légale. Mais si ce cadre est respecté, il ne procède pas à un strict contrôle de l'adéquation des mesures aux objectifs que s'est spécialement fixés le législateur. Ainsi que le rappelle de manière constante la jurisprudence, le Conseil constitutionnel ne se substitue pas en la matière au législateur : son contrôle est réel, mais restreint. En l'espèce, la loi déférée opère une conciliation équilibrée entre le principe de liberté du commerce et de l'industrie et la sauvegarde de l'ordre public. L'objet de la loi déférée répond à l'objectif d'intérêt général consistant à canaliser la demande de jeux sur Internet, qui se développe actuellement dans un cadre non autorisé et non contrôlé par les pouvoirs publics. Il s'agit de créer une offre légale, encadrée, qui imposera sur le marché la qualité et la sécurité de son offre. L'assèchement de l'offre illégale en ligne qui en résultera se trouvera, par ailleurs, renforcé par la mise en œuvre d'instruments visant à rendre plus complexe l'activité des sites illégaux. La loi déférée assure ainsi une garantie légale au principe de protection de la liberté du commerce et de l'industrie, tout en préservant la sauvegarde de l'ordre public par une série de dispositions ciblées. 1/ Conformément à l'équilibre qui caractérise la législation relative aux jeux dits " en dur ", la loi déférée, qui ne concerne que les jeux en ligne, instaure tout d'abord un mécanisme prévoyant une intervention des pouvoirs publics. Le pivot en est la création d'un régime d'autorisation, dans la main d'une autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), prévoyant l'agrément des opérateurs sur le fondement d'un cahier des charges pour chaque catégorie de jeux et paris ouverts à la concurrence (paris sportifs, paris hippiques, jeu de poker). L'absence de limitation a priori du nombre d'opérateurs, conforme au principe de liberté du commerce et de l'industrie, trouve sa contrepartie dans l'obligation de respecter un strict cahier des charges, ainsi qu'en dispose l'article 21 de la loi déférée. Afin d'obtenir un agrément, l'opérateur candidat devra tout d'abord démontrer le sérieux de son offre auprès de l'Arjel. Il lui faudra ainsi décliner l'identité de ses propriétaires, indiquer leur structure capitalistique s'il s'agit d'une société anonyme et mentionner l'identité des dirigeants ainsi que, le cas échéant, la liste de leurs condamnations pénales. L'Autorité vérifiera alors que la structure financière du candidat est suffisamment solide pour exercer une activité de jeu en ligne (article 15) et, de façon générale, que l'opérateur est susceptible de mettre en œuvre les moyens de proposer une offre conforme à la réglementation française (article 16). Seront également testées la fiabilité et la sécurité du système d'information des opérateurs à partir duquel seront exploités les jeux et paris (articles 16 et 34-III). Une fois l'agrément obtenu, d'autres obligations pèseront sur l'opérateur. Celui-ci devra tout d'abord mettre en place un site dédié à l'activité française (site en " .fr ") qui n'offrira que les jeux et paris autorisés en France (article 24). Les joueurs résidant en France ou connectés depuis la France se trouvant automatiquement redirigés sur ce site, cela permettra que les jeux non autorisés en France mais exploités par l'opérateur dans d'autres pays ne soient pas accessibles aux joueurs français. Au bout de six mois, les éléments techniques de l'offre de jeu devront être certifiés pour garantir qu'ils ne sont pas insuffisamment sécurisés. Au bout d'un an, l'ensemble de l'offre devra être certifiée afin de garantir son niveau de sincérité, de sécurité et, de façon générale, sa conformité avec la réglementation française en vigueur. Cette certification devra être actualisée annuellement. 2/ Des dispositions spécifiques figurent ensuite dans la loi déférée pour prévenir tout risque que l'activité de jeu en ligne puisse servir de support à des activités de blanchiment d'argent. C'est ainsi que l'article 22 prévoit que l'ensemble des opérateurs sera soumis aux obligations de lutte anti-blanchiment figurant en droit national. Ces obligations sont plus contraignantes que celles imposées par la majorité des autres États membres de l'Union, qui n'assujettissent le plus souvent que les casinos, en application des obligations communautaires minimales et des recommandations du Groupe d'action financière (GAFI). A l'instar de l'Italie et de l'Irlande, la France soumettra, pour sa part, l'ensemble des opérateurs de jeu à ces obligations. Conformément aux articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier, celles-ci consisteront en une obligation de vigilance, une obligation de déclaration et des contraintes en termes de procédures et de contrôle interne (en ce qui concerne l'analyse de risque, la formation et l'information des personnels). Ceci obligera notamment les opérateurs, même établis à l'étranger, à procéder à des déclarations de soupçon auprès de Tracfin, qui pourra exercer directement auprès d'eux son droit de communication. L'ensemble des mouvements financiers, quel que soit leur montant, seront tracés, enregistrés et transmis à l'Arjel, en application des articles 31 et 38 de la loi déférée ; tout mouvement suspect, quel que soit son montant, sera déclaré à Tracfin. 3/ La loi déférée prévoit ensuite, à son article 32, des dispositions destinées à lutter contre la fraude et le trucage, spécialement dans le cadre des paris à cote, en prévoyant de très strictes règles pour prévenir les conflits d'intérêt. Deux catégories de dispositions sont tout d'abord prévues, au I de l'article 32 de la loi déférée, pour éviter les conflits d'intérêts liés aux connaissances privilégiées dont disposent les acteurs des épreuves. Les fédérations sportives auront en premier lieu l'obligation d'intégrer au sein du code de leur discipline des règles ayant pour objet d'empêcher les acteurs des compétitions sportives de miser sur des paris reposant sur cette compétition et de communiquer à des tiers des informations privilégiées (les organisateurs de manifestations privées devront eux aussi édicter de telles règles). De façon symétrique, les sociétés mères de courses de chevaux auront l'obligation d'intégrer au sein du code des courses de leur spécialité des dispositions ayant pour objet d'empêcher les jockeys et les entraîneurs participant à une épreuve hippique d'engager des paris reposant sur cette épreuve et de communiquer à des tiers des informations privilégiées. D'autres dispositions sont relatives aux conflits d'intérêt entre les organisateurs de compétitions sportives, les personnes y prenant part et les opérateurs (IV de l'article 32). L'objectif poursuivi est qu'aucun des acteurs ne puisse influer sur le résultat des épreuves et en tirer un bénéfice financier. Ce type de conflits concerne principalement le pari à cote. C'est pourquoi les dispositions concernent majoritairement le monde sportif. Les organisateurs de manifestations sportives ou les personnes y prenant part ne pourront pas détenir le contrôle, directement (au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce) ou indirectement, d'un opérateur de jeux ou de paris en ligne proposant des paris sur les événements qu'il organise ou auxquels il participe. Inversement, les opérateurs agréés ne pourront pas détenir le contrôle, directement ou indirectement, d'un organisateur ou d'une partie prenante à une compétition ou manifestation sportive sur laquelle il organise des paris. Pour assurer le caractère effectif de ces interdictions, les opérateurs de paris en ligne auront l'obligation de transmettre à l'Arjel les contrats de partenariat conclus avec des personnes physiques ou morales organisant des courses hippiques, compétitions ou manifestations sportives où y prenant part dès le moment où ils proposent des jeux ou paris sur ces événements. 4/ De substantielles garanties sont, enfin, prévues pour protéger spécifiquement les mineurs. L'article 5 de la loi déférée énonce l'interdiction faite aux mineurs de jouer en ligne et met à la charge des opérateurs agréés l'obligation de faire respecter cette interdiction. En application des articles 17 et 26, ces derniers ne pourront ouvrir de comptes joueurs qu'aux personnes majeures. A cette fin, ils seront tenus, en application du 3ème alinéa de l'article 5, d'exiger la date de naissance des joueurs à leur inscription et à chaque visite sur le site. Il faut signaler en outre que les opérateurs de jeux en ligne ne pourront financer l'organisation ou parrainer la tenue d'événements à destination spécifique des mineurs et que la publicité des jeux en ligne sera interdite dans les publications, les émissions, les sites Internet à destination des mineurs ou dans les salles de cinéma diffusant des films tous publics. 5/ Contrairement à ce que soutiennent, enfin, les auteurs de la saisine, il est inexact de laisser entendre que la loi déférée, en légalisant, moyennant agrément, une activité jusque là prohibée dans son ensemble, consoliderait les situations illégalement acquises au détriment des opérateurs plus soucieux de la légalité. La loi déférée prévoit en effet un mécanisme de garantie empêchant qu'un opérateur illégalement entré sur le marché avant l'entrée en vigueur de la loi ne soit, à raison de cette illégalité, placé dans une situation concurrentielle plus favorable que les opérateurs qui ont attendu la loi nouvelle pour y entrer. En application du deuxième alinéa de l'article 17, l'ouverture des comptes joueurs et leur approvisionnement initial ne pourront intervenir que postérieurement à la date d'agrément de l'opérateur. Les clients concernés devront ainsi solliciter l'ouverture d'un compte inédit, soit auprès de cet opérateur, soit auprès d'un de ses concurrents, selon des modalités déterminées par décret : un compte joueur ouvert avant la date d'agrément de l'opérateur sera automatiquement frappé de caducité. L'efficacité de cette étape préalable est renforcée par la disposition, énoncée au 3ème alinéa de l'article, soumettant l'ouverture de tout compte à l'initiative du joueur et après une demande expresse en ce sens de ce dernier, à l'exclusion de toute procédure automatique : les opérateurs concernés ne pourront donc pas " basculer " automatiquement les comptes de leurs clients actuels vers ceux du site de l'opérateur agréé. Il faudra nécessairement une demande expresse du joueur. Le 5ème alinéa prévoit enfin que l'approvisionnement d'un compte joueur ne pourra être réalisé que par son titulaire ou l'opérateur, mais uniquement dans ce dernier cas sous forme de gain ou d'offre promotionnelle. Cela signifie que les opérateurs ne pourront transférer les avoirs des comptes " illégaux " vers les comptes légaux. Si les opérateurs illégaux nourrissaient l'intention de se servir de leur base de clients illégale, ils seraient ainsi, en tout état de cause, contraints de rembourser d'abord le solde des éventuels comptes de clients français acquis avant l'obtention de leur agrément en France, puis de procéder à l'ouverture d'un nouveau compte sur le site agréé - et ce à l'exclusive demande expresse du futur client, sachant que lui seul est à même d'approvisionner ce nouveau compte. Pris dans son ensemble, le mécanisme de l'article 17 place donc sur un pied d'égalité tous les opérateurs nouvellement agréés, qu'ils aient ou non exercé une activité illégale avant leur agrément. De manière plus générale, le Gouvernement souhaite souligner que la loi déférée ne s'analyse en rien comme une loi d'amnistie des infractions passées. La loi nouvelle ne s'apparente pas, en outre, à une loi pénale plus douce immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur : à l'instar de la loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, elle est sans incidence sur le sort des procédures en cours (voir en ce sens la décision n°2009-588 DC du 6 août 2009, et spécialement son considérant n°11). Au regard de la loi nouvelle, les opérateurs illégaux seront, enfin, passibles, avant leur éventuel agrément, des nouvelles peines prévues à l'article 56, dont la possibilité de fermer l'établissement concerné. Les critiques dirigées contre la loi dans son ensemble pourront ainsi être écartées. II/ SUR L'ARTICLE 1ER Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, l'article 1er de la loi déférée revêt un contenu normatif. En effet, cet article permet de poser un certain nombre de principes permettant de traiter le secteur très spécifique des jeux en ligne, et de guider ainsi l'interprétation et l'application de la loi. Dans cette optique, l'article 1er affirme la nature particulière des jeux d'argent et de hasard, laquelle justifie l'équilibre particulier entre principes constitutionnels aménagé en la matière par le législateur. Il précise en outre, par une incise, que le législateur national dispose, dans une matière non régie par le droit dérivé communautaire, d'une marge de manœuvre plus grande que pour réglementer d'autres formes d'activités de commerce ou de service. III/ SUR L'ARTICLE 26 Les auteurs de la saisine font grief à la loi déférée, et spécialement à son article 26, de ne pas avoir suffisamment prévu de mesures destinées à favoriser la protection du droit à la santé énoncée au 11ème alinéa du Préambule de 1946. Là encore, ils invitent le Conseil constitutionnel à opérer un contrôle d'adéquation étranger à sa jurisprudence. Le Gouvernement estime, pour sa part, que le législateur a veillé à ne priver d'aucune garantie légale les exigences énoncées par cet alinéa. C'est ainsi qu'au-delà des dispositions spécifiques pour les mineurs décrites précédemment, la loi prévoit quatre séries de mesures destinées à lutter contre l'assuétude aux jeux. 1/ L'article 26 impose tout d'abord aux opérateurs la mise en place de modérateurs de jeu, qui consisteront principalement en des dispositifs d'auto-exclusion du joueur ou d'autolimitation des dépôts et des mises. Contrairement à ce que font valoir les auteurs de la saisine, il est en effet essentiel que ce soit le joueur lui-même qui fixe ses limites pour deux raisons. Il est tout d'abord impossible de fixer une limite commune à tous (le budget " acceptable " alloué aux jeux dépend bien entendu des revenus et de la situation familiale des joueurs). Il est déterminant, ensuite, d'opter pour une logique de responsabilisation individuelle du joueur, apte à respecter les limites qu'il s'est lui-même fixées, mais prompt à contourner, notamment en ouvrant une multitude de comptes, des limites qui lui seraient imposées. Concrètement, si le joueur souhaite rendre plus contraignantes les règles qu'il s'est fixées, la modification sera prise en compte immédiatement. Si, à l'inverse, il souhaite les assouplir, la modification sera prise en compte de façon différée de sorte à éviter le comportement compulsif d'un joueur cherchant à se " refaire ". Le site de jeux devra en outre communiquer en permanence à tout joueur le solde instantané de son compte, afin que le joueur ait conscience à tout moment de l'argent dépensé (art. 26). Enfin, le jeu à crédit sera interdit (art. 30). 2/ La loi déférée se donne ensuite les moyens d'une réelle prévention, puis d'une prise en charge du jeu pathologique. Toutes les publicités pour les jeux seront assorties d'un message de prévention, en vertu du 1° de l'article 7. Un numéro d'appel gratuit est mis en place (article 29). Les opérateurs de jeux et paris en ligne devront informer en permanence les joueurs de l'existence de ce numéro d'appel (article 28), qui devra figurer sur les publicités pour les jeux. Les moyens de l'INPES sont augmentés de 5 MEUR pour mettre en place des opérations de prévention (article 48). Enfin, les moyens accordés aux soins sont augmentés : la prise en charge des joueurs dépendants sera assurée par les Centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et les services d'addictologie hospitaliers. 3/ La publicité en faveur des opérateurs légaux fera, pour sa part, l'objet d'un strict encadrement. Aux yeux du Gouvernement, la publicité pour les opérateurs agréés constitue dans son principe un vecteur important d'assèchement de l'offre illégale : il importe en effet que les opérateurs légaux puissent se faire connaître au détriment des opérateurs illégaux. C'est pourquoi le choix de la prohibition totale de la publicité en faveur des jeux en ligne n'a pas été retenu. En revanche, l'exercice de la publicité fera l'objet d'un encadrement précisé par le législateur. Toute publicité, quel que soit son support, devra être assortie d'un message de mise en garde (par exemple " Endettement, dépendance, isolement : jouer comporte des risques ") et faire référence au service public d'information et d'assistance institué par l'article 29. 4/ Le plafonnement du taux de retour versé aux joueurs (TRJ) contribuera, enfin, à limiter la dépendance au jeu : tel est l'objet du principe fixé au II de l'article 13 de la loi déférée. Plusieurs études ont conclu à l'existence d'une élasticité de la demande de jeux au TRJ supérieure à l'unité. En d'autres termes, cela signifie que plus le taux de retour servi au joueur est élevé, plus les joueurs jouent, notamment parce qu'ils réinvestissent leurs gains. Or, la catégorie de joueurs ayant la plus forte tendance à l'assuétude est composée des joueurs qui ont gagné une première fois, ont rejoué leurs gains, les ont perdus et tentent ensuite de les regagner. Avec un TRJ élevé, un joueur sera incité à réinvestir ses gains pour se " refaire " dès les premières pertes, d'autant plus qu'il surestime ses chances de gains et que le TRJ contribue à lui faire surestimer ses chances. Or, les études montrent que l'incitation à réinvestir ses gains est la source d'addiction la plus forte. Dans ces conditions, le Gouvernement est d'avis que la loi déférée, et notamment son article 26, sont conformes aux exigences énoncées au 11ème alinéa du Préambule de 1946. IV/ SUR L'ARTICLE 47 Les auteurs de la saisine font grief à l'article 47 de la loi déférée, qui détermine le régime des prélèvements fiscaux et sociaux applicables aux jeux en ligne, de méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques. A/ Les auteurs de la saisine font valoir en premier lieu que la différence des taux de prélèvement entre les paris sportifs et hippiques en ligne, d'une part, et les jeux de poker en ligne, d'autre part, ne sont justifiées par aucun motif d'intérêt général. Le Gouvernement estime pour sa part que les caractéristiques techniques de ces différents jeux les placent dans des situations objectivement différentes (pari sur des compétitions sportives diverses dans un cas, sur des courses de chevaux précisément déterminées, selon un mode mutuel, dans le deuxième cas, compétition en elle-même pour le jeu de poker) susceptibles de justifier un traitement fiscal et social différent. Les modalités de taxation de ces jeux dans leur version dite " en dur " présentent d'ailleurs de nombreuses différences qui n'ont jamais encouru de reproche d'inconstitutionnalité. C'est ainsi sans méconnaître le principe d'égalité que la fiscalité totale pour le poker (État + sécurité sociale) a pu être fixée à 2% des mises dans la limite de 1 EUR par donne en vertu des articles 47, alinéa 13 et 48, alinéa 6, tandis que les taux prévus pour les paris hippiques et sportifs se trouvaient fixés à 5,7 % pour l'Etat (article 47, alinéa 12) et 1,8 % pour la sécurité sociale (article 48 alinéas 2 et 4) - étant précisé que la loi déférée procède par ailleurs à une uniformisation de l'assiette des prélèvements en retenant le volume des mises. B/ Les auteurs de la saisine font valoir, en deuxième lieu, que le principe d'égalité s'opposait aussi à ce que la fiscalité du poker dit " en dur " soit différente de celle du poker en ligne. Le Gouvernement ne partage pas cette analyse. Là encore, il convient de relever que le choix d'une fiscalité différente se justifie par la différence de situation entre la pratique du poker dans les casinos et celle du poker en ligne. Les parties de poker en ligne sont deux fois plus rapides que les parties de poker dans les casinos. Il faut signaler en outre que le poker dans les salles de casinos est un jeu entre joueurs physiquement présents, tandis que le poker en ligne est un jeu sur un écran, sans adversaire clairement identifié ; de fait, beaucoup de joueurs en ligne jouent plusieurs parties en même temps. Les modalités pratiques de détermination de la matière taxable diffèrent en second lieu profondément entre le poker " en dur " et le poker en ligne. Les produits du premier s'intègrent dans l'assiette globale des prélèvements assis sur les jeux de casinos, constituée par le produit brut des jeux, c'est-à-dire la différence entre les mises des joueurs et les sommes qui leur sont reversées. Les jeux de cercle (texas hold'em poker, divers jeux de baccara) sont ainsi taxés de manière indifférenciée selon les mêmes modalités que les machines à sous et autres jeux de table (jeux de cercle exploités sous une forme électronique, jeux de contrepartie). Or le choix d'une telle modalité de taxation en ligne n'est guère envisageable pour le poker en ligne, dès lors qu'il suppose, en vertu de la plupart des conventions fiscales internationales applicables, l'existence d'un établissement stable en France - notion étrangère au jeu en ligne. Afin de saisir la matière taxable, le législateur a ainsi fait le choix pour le poker en ligne d'asseoir les prélèvements sur le montant des mises. La situation différente des deux modalités de jeu au regard de la loi fiscale justifiait donc un traitement différent. Il sera néanmoins observé, en tout état de cause, qu'au total, la différence de poids de la fiscalité entre les deux types de jeu, poker en ligne et poker " en dur " reste minime. Rapportée aux mises, la fiscalité applicable au poker " en dur " s'élève à 2,2%, tandis que la loi déférée prévoit un taux de taxation des mises au poker en ligne de 2 %, dans la limite de 1 EUR par pot. L'article 47 de la loi déférée est donc exempt de reproche au regard du principe d'égalité. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi. Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, tel qu'il a été définitivement adopté le 6 avril 2010. Par la présente saisine, les députés entendent faire respecter le principe d'une conciliation raisonnable entre d'une part les principes constitutionnels de protection de la santé publique, de sauvegarde de l'ordre public et d'autre part la liberté d'entreprendre. Il ne s'agit donc nullement de contester la nécessité d'un encadrement légal des jeux en ligne mais de dénoncer les modalités choisies par le législateur qui apparaissent manifestement insuffisantes pour assurer le respect des principes dont vous êtes le gardien. Le texte qui vous est soumis opère une rupture complète en matière de protection des consommateurs. Alors que la loi de 1991 relative à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme visait à limiter la liberté d'entreprendre au nom d'un objectif dont vous avez reconnu la valeur constitutionnelle, le présent texte procède d'une logique opposée en ouvrant à la concurrence les jeux de ligne sans garantir - aussi sérieusement que nécessaire - la protection des consommateurs. Alors que vous jugez de manière constante que la liberté d'entreprendre " n'est ni générale, ni absolue " (votre décision précitée 90-283 DC ou votre décision 90-287 DC du 16 janvier 1991), force est de constater qu'elle constitue le point cardinal de ce texte, fut-ce au détriment d'autres droits et principes de valeur constitutionnelle. Voilà ce qu'il vous appartient dés lors de sanctionner SUR LA FORME Une atteinte au principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires La procédure ayant conduit à l'adoption de ce texte est entachée d'irrégularités qui conduisent les auteurs de la présente saisine à demander au Conseil constitutionnel la censure de l'ensemble dudit texte. Lors de la seconde lecture à l'Assemblée nationale (première séance du 30 mars 2010), c'est au mépris du règlement de l'Assemblée qu'a été rejetée la motion de rejet préalable présentée par le groupe SRC. En effet, alors que le vote par scrutin public était annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée et que le Président de séance venait de déclarer ouvert le scrutin, la procédure de vote fut arbitrairement interrompue par plusieurs suspensions de séance. Cet incident n'est au demeurant pas un cas isolé tant il est vrai que de telles irrégularités entachent de manière récurrente les séances à l'Assemblée nationale. Vous rappelez certes de manière constante que le Règlement de l'Assemblée nationale " n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle " (décision 78-97 DC) mais une telle irrégularité ne se réduit justement pas à une violation manifeste du Règlement de l'Assemblée nationale puisqu'elle conduit in fine à altérer la sincérité du scrutin et partant de la délibération parlementaire. Ce texte a ainsi été adopté en méconnaissance de l'article 3 de la Constitution et des exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires (notamment votre décision 2005-526DC). SUR LE FOND 1) Une loi contraire à un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En décidant de libéraliser le secteur des jeux en ligne, le législateur remet frontalement en cause une tradition juridique française qui se traduit depuis le 19e siècle, en matière de jeux de hasard, par les trois principes de prohibition, d'exception et d'exclusivité. Il méconnaît ce faisant un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En effet, cette prohibition de principe - qui se trouve consacrée par une loi du 21 mai 1836 - a été constamment réaffirmée par le législateur républicain de la loi du 2 juin 1891 à celle du 12 juillet 1983 en passant notamment par la loi du 18 avril 1924. Les valeurs qui sous-tendent cette prohibition de principe constituent le socle de la République : la protection de l'ordre public et de l'ordre social. Ainsi l'exposé des motifs de la loi du 2 juin 1891 évoque t-il le " développement de la passion du jeu dans toutes les classes [auquel] il importe de mettre fin ". Ainsi encore l'exposé des motifs de la loi du 18 avril 1924 évoque t-il la nécessaire protection des individus face aux dangers que représente " l'espoir d'un gain important qui n'a pas sa source dans le travail " qui " détourne de l'effort et engage à l'inaction ". Ces préoccupations justifiaient alors le régime des droits exclusifs permettant à l'Etat d'assurer un contrôle adéquat sur ces activités sensibles. Les droits exclusifs conférés à la Française des jeux, au PMU ou aux casinos constituaient un moyen d'encadrement du volume et de la nature des offres de jeux, tout comme la présence d'un opérateur unique par segment de jeux visait à plafonner la consommation des joueurs. Ces monopoles ont été institués comme des moyens efficaces de régulation par l'Etat de cette activité pour le moins singulière. Prohibition de principe donc qui n'a pas exclu des " exceptions justifiées par l'affectation à de nobles causes " pour reprendre les termes du rapport d'information rédigée en 2002 par le sénateur Trucy. Mais précisément, le texte présentement soumis à votre contrôle prend le contre-pied de l'ensemble de cette législation en ouvrant à la concurrence le secteur des jeux en ligne. Ce qui ne constituait jusqu'alors une exception ferait désormais figure de principe. La prohibition de principe des jeux de hasard constitue donc bien un principe essentiel, posé par le législateur républicain et auquel ce dernier n'a pas dérogé antérieurement à l'entrée en vigueur du Préambule de 1946. Tous les ingrédients sont réunis pour reconnaître, en application de votre décision 88-244 DC du 20 juillet 1988 (cons.11 et 12), l'existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République que méconnaît de manière manifeste le texte présentement soumis à votre contrôle. 2) Une violation manifeste de l'objectif de valeur constitutionnelle de préservation de l'ordre public. Le maintien d'une tradition juridique de prohibition par principe des jeux de hasard est justifié par le souci de préserver l'ordre public et notamment de prévenir la fraude, les opérations de trucage et de blanchiment. Le législateur reconnaît au demeurant au II de l'article 3 du texte déféré " les risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social ", sans en tirer pour autant les conséquences utiles. Ainsi, en favorisant le développement des addictions aux jeux et le brassage de sommes d'argent importantes, une telle législation - en pleine période de crise - apparaît évidemment et radicalement contraire à " la sauvegarde de l'ordre public sans lequel l'exercice des libertés ne saurait être assuré " (décision 85-187 DC du 25 janvier 1985). 3) Les moyens mis en œuvre par le législateur sont manifestement inappropriés aux objectifs poursuivis Vous considérez en effet qu'" il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s'est assigné le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi " (notamment votre décision 99-416 DC). Or, l'examen de ce texte permet de constater que les moyens mis en œuvre par le législateur sont parfaitement contreproductifs au regard des objectifs poursuivis. Ces objectifs sont clairement définis à l'article 3 du texte : il s'agit de " limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation " afin de " prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ", d'" assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ", de "prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ", de " veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économiques des filières concernées ". Alors que le législateur affiche son intention de lutter par le biais de ce texte contre la fraude et le blanchiment, il apparaît au contraire que l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne - faute d'un encadrement suffisant - favorisera dans les faits la corruption ainsi que le prévoit un rapport du Service central de prévention contre la corruption dans un rapport public de mai 2008[1]. Afin de lutter efficacement contre la corruption, le législateur aurait dû prendre des mesures adéquates et notamment le signalement systématique des mouvements de change et paiement de gains supérieur à 1000 euros et une interdiction du pari à cote et du pari à fourchette. Selon un rapport public daté de 2008 de l'inspection générale des finances, ce type de paris " peut favoriser les opérations de fraude et de trucage des épreuves par tout agent économique, ainsi que des opérations de blanchiment d'argent : la prise de paris simultanés sur toutes les issues sportives d'une rencontre, pour des montants unitaires différents en fonction des rapports proposés, permet ainsi sans risque de récupérer les fonds misés en pouvant justifier de leur origine "[2]. Ainsi, faute d'avoir pris les mesures nécessaires en matière de lutte contre la fraude et la corruption, la loi aura donc l'effet de les favoriser. A tout le moins, cette loi apparaît donc contraire à l'objectif constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale qui découle de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (voir notamment votre récente décision 2009-597 DC du 21 janvier 2010). En outre, il apparaît pour le moins paradoxal de voir le législateur afficher son intention de lutter contre le développement des offres illégales et dans le même temps de favoriser les entreprises ayant menées leur activité de jeux en ligne en toute illégalité. L'effet de la loi sera donc de consolider des situations acquises illégalement au détriment d'autres entreprises. Il eut été ainsi nécessaire d'appliquer un rappel fiscal aux opérateurs de jeu qui exercent actuellement dans l'illégalité et qui solliciteront un agrément auprès de l'ARJEL, d'exiger un effacement de leurs fichiers de clients et de leurs comptes de joueurs en contrepartie de l'agrément. Alors que le législateur entend assurer par sa législation une protection des joueurs face à la prolifération des offres illégales, il est hautement probable que cette loi conduira à un fort développement des offres légales et illégales aggravant naturellement la vulnérabilité des joueurs pathologiques, des mineurs et des interdits de jeux. Ainsi, faute d'avoir adopté les mesures législatives adéquates, le législateur va aggraver une situation déjà très préoccupante. Il eut été nécessaire afin d'assurer la réalisation de l'objectif affiché d'interdire l'utilisation de cartes prépayées ou de SMS et de mettre en place un dispositif strict d'authentification des joueurs afin d'éviter l'accès des mineurs et des interdits de jeux. A tout le moins, il eut été nécessaire, avant de légiférer sur un sujet aussi sensible, d'entreprendre une étude épidémiologique permettant d'établir la dangerosité respective des différents jeux et de cerner les effets spécifiques liés aux jeux sur Internet qui peuvent aggraver le phénomène de dépendance[3] (caractère anonyme du jeu, confort du domicile, possibilité de simuler avant de jouer de l'argent...). Si elle était appliquée en l'état, cette loi n'induirait pas seulement une prolifération des jeux en lignes ; elle favoriserait leur accès. La publicité liée à une activité désormais légalisée entraînerait mécaniquement une explosion du nombre de joueurs[4]. C'est ici exactement l'inverse de l'effet recherché par le législateur s'agissant de la loi HADOPI qui souhaitait exercer une dissuasion psychologique sur les internautes ; désormais le législateur incite à la consommation en légalisant les jeux en ligne et leur publicité. Les limitations prévues par le présent texte en matière de publicité apparaissent manifestement insuffisantes au regard de l'objectif affiché par le législateur en matière de lutte contre l'addiction au jeu et de protection des mineurs. Comment comprendre en effet que le législateur n'ait pas interdit lesdites publicités avant, pendant et après les retransmissions de manifestations sportives qui sont regardées par beaucoup de mineurs ? Seule une interdiction totale de la publicité aurait permis de compenser les effets de cette ouverture à la concurrence. Ces lacunes sont autant d'abstentions coupables du législateur dès lors qu'elles induiront des effets contraires à ceux qui sont explicitement recherchés par le législateur. Dès lors, l'ensemble du texte soumis à votre contrôle doit être déclaré contraire à la Constitution conformément à la jurisprudence posée par votre décision précitée 99-416 DC. Au demeurant, parce qu'il n'est suivi d'aucune disposition concrète, l'article 1er qui dispose que " les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils font l'objet d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé et des mineurs " constitue à l'évidence une disposition dénuée de toute portée normative et encourt à ce titre une censure conformément à votre jurisprudence (notamment la décision 2005-512 DC). 4) Une atteinte caractérisée au droit à la protection de la santé Par une jurisprudence constante, vous avez rappelé la valeur constitutionnelle du droit à la protection de la santé découlant de l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé " (notamment votre décision 90-283 DC du 8 janvier 1991). En justifiant sa loi par la nécessité de lutter efficacement par la loi contre les addictions aux jeux, le législateur prétend poursuivre un objectif d'intérêt général qui pourrait au demeurant être qualifié par votre juridiction d'objectif de valeur constitutionnelle sur le fondement du principe constitutionnel de protection de la santé. Suivant la logique de la " canalisation " de la compétence législative, le principe constitutionnel de protection de la santé exige la réalisation de l'objectif de lutte contre les addictions lequel exige à son tour que les mesures propres à atteindre ce dernier soit adopté par le législateur. Dès lors qu'est reconnu, sur le fondement de l'alinéa 11 du Préambule de 1946, le principe constitutionnel de protection de la santé publique, il appartient non seulement au législateur de ne pas y porter atteinte, mais de surcroît d'en assurer l'effectivité par les mesures qu'il est amené à adopter dans son champ de compétence. Ce principe constitutionnel fonde donc une obligation positive de légiférer en vue d'assurer sa protection effective. Le législateur ne pouvait donc légiférer dans une telle matière qu'en vue de renforcer la protection des consommateurs et de renforcer ainsi les moyens mobilisés par l'Etat dans la lutte contre l'addiction. A tout le moins et conformément à votre décision 90-287 DC, le législateur ne pouvait priver de garantie légale le droit à la protection de la santé (considérant n°24) alors surtout que cette privation se traduit, dans le présent texte, par un déséquilibre au profit de la liberté d'entreprendre. L'insuffisance du dispositif eu égard à la protection des joueurs se traduit notamment par l'alinéa 2 de l'article 26 qui confie à l'opérateur de jeux le soin de prévenir les comportements excessifs ou pathologiques par la mise en place de mécanismes d'auto-exclusion, de modération et d'autolimitation. Non seulement le législateur prévoit que le " loup est le gardien de la bergerie " mais ce sont les victimes potentielles qui devront assurer leur propre protection par le jeu d'un mécanisme totalement illusoire d'auto-exclusion. La création de l'ARJEL illustre largement cette carence du législateur au regard du droit à la santé puisque cette autorité ne disposera pas des moyens propres à assurer ses missions et singulièrement la protection des consommateurs. Ses moyens juridiques se réduisent pour l'essentiel à délivrer les agréments sur la base d'un cahier des charges imposées aux sociétés impétrantes. Elle se trouve ainsi privée des moyens lui permettant de remplir effectivement ses missions premières que sont la protection des consommateurs et la lutte contre l'addiction Par son dispositif, cette loi ne pourra avoir d'autres effets que de favoriser la prolifération de ces jeux et ainsi d'aggraver l'emprise qu'ils génèrent sur de nombreux citoyens. Le législateur a ainsi manifestement méconnu l'obligation constitutionnelle qui est la sienne en matière de protection de la santé et des consommateurs. 5) Une rupture manifeste du principe d'égalité devant les charges publiques En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles d'appréciation des facultés contributives, une telle appréciation ne devant pas entraîner de rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques. Conformément à la jurisprudence constante du Conseil, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte des mesures d'incitation par l'octroi d'avantages fiscaux pour des motifs d'intérêt général. Ces avantages doivent avoir pour objet d'inciter les contribuables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, à condition que les règles fixées soient justifiées au regard des objectifs en question. Le dispositif proposé à l'article 39 ne respecte pas le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques car il traite de façon différenciée des contribuables se trouvant dans des situations objectivement identiques, sans lien avec un motif d'intérêt général ou l'objet de la loi. En effet, instaurer une différence de taux de prélèvement fiscal et social entre les paris sportifs et hippiques en ligne d'une part et les jeux de cercles en ligne d'autre part, ne se justifie pas au regard d'aucun motif d'intérêt général. Il convient de rappeler que le niveau global des prélèvements, tant fiscaux que sociaux des jeux et paris en ligne, est significativement abaissé par le présent texte de loi. Avant son adoption, le taux de prélèvement global (fiscal et social) effectué dans le réseau dit " physique " s'élevait respectivement à 9,5 % pour les paris hippiques et à 7,6 % pour les paris sportifs. Il était de seulement 2,3 % pour les jeux de cercle. Après adoption du présent texte, ce même taux s'uniformise à hauteur de 7,5 % pour les paris hippiques et sportifs effectués tant dans les réseaux " physiques en dur " précédemment évoqués qu'en ligne. Malgré ce rapprochement à la baisse des taux de fiscalité, une distinction significative demeure entre les paris sportifs et hippiques d'un coté et les jeux de cercle de l'autre coté. Le prélèvement global sur les jeux de cercle dits " en dur " pratiqués dans l'enceinte des casinos se maintient à 2,3 %, alors qu'il est abaissé à 2,0 % sur les mêmes jeux de cercle effectués en ligne. En l'espèce il s'agit uniquement du jeu de poker. De plus, l'assiette de ce prélèvement repose sur le produit brut des jeux (PBJ) lorsqu'il s'agit de jeux de cercle effectués dans des casinos, alors qu'elle repose sur les mises des joueurs lorsqu'elles ont lieu en ligne. Dès lors, cette différence de traitement ne se justifie en rien au regard des objectifs affichés par la présente loi, dès lors qu'elle constitue un avantage fiscal au sein d'une même catégorie de jeu : les jeux de cercle, en favorisant ceux effectués en ligne, au détriment de ceux effectués dans les casinos. Votre Conseil a en effet établi que les exceptions au principe d'égalité ne pouvaient se justifier que si deux conditions cumulatives sont réunies : - d'une part soit un motif d'intérêt général ou un traitement différent de catégories de contribuables placés dans des situations différentes (ce qui n'est pas le cas ici, puisqu'il s'agit exactement du même type de jeu et de joueurs, seul le lieu de jeu change). - et d'autre part une dérogation qui soit proportionnelle à l'objectif de la loi qui l'institue. Or, instituer une telle distinction de prélèvement ne répond en rien à l'objectif affiché de préservation de la santé publique, de lutte contre l'addiction au jeu et les distorsions de concurrence, en ce sens qu'il rendra plus attractif un type de jeu par rapport à un autre. Elle est donc contraire au principe posé à l'article 13 de la DDHC du 26 août 1789. Le Conseil constitutionnel ne pourra donc qu'annuler pour non respect du principe d'égalité, la distinction de taux de fiscalité introduite en les différents types de jeux d'argent et de hasard en ligne et " en dur ". 6) Une loi outrageusement contraire à l'intérêt général Si le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, il lui appartient cependant de veiller à ce que les lois votées ne s'écartent pas manifestement de la recherche de l'intérêt général. Or, plusieurs indices graves et concordants permettent d'affirmer que la majorité a clairement choisi par ce texte d'assurer la promotion d'intérêts privés au détriment des intérêts supérieurs de la collectivité. Le droit communautaire n'impose nullement une telle ouverture à la concurrence puisque la Cour de justice de l'Union européenne admet au contraire le maintien des monopoles dès lors qu'ils sont justifiés par les objectifs de protection de l'ordre public et de l'ordre social (arrêt Santa Casa du 8 septembre 2009). Ce texte se borne ainsi à répondre à la demande pressante de certains opérateurs. D'ailleurs, la précipitation dans laquelle ce texte a été voté est explicitement justifiée par la volonté de permettre aux opérateurs privés de bénéficier de la manne financière liée à l'organisation des paris lors de la prochaine coupe du monde de football. Les mesures purement cosmétiques prises aux fins d'assurer la protection des mineurs et des consommateurs et de limiter la fraude infirment les objectifs affichés par le législateur. Ces indices graves et concordants permettent ainsi d'affirmer que le législateur a manifestement méconnu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen en vertu duquel " la loi est l'expression de la volonté générale ". Plaise au Conseil constitutionnel, pour l'ensemble de ces raisons, de censurer intégralement le texte qui lui est présentement déféré. ----------------------------------------- [1] " Le jeu sur Internet facilite la corruption en multipliant les possibilités de manipulations de paris. Les diverses structures mafieuses ont très vite compris l'intérêt qui pouvait être tiré de ce nouveau support ". Rapport du Service central de prévention de la corruption, mai 2008, p.31) [2] Rapport de la mission sur l'ouverture des jeux d'argent et de hasard, Bruno Durieux (dir.), Mars 2008. [3] Voir à cet égard les travaux de Mark Griffiths, professeur des études sur le jeu à l'Université de Trent à Nottimgham, Angleterre, cité par le rapport dirigé par Bruno Durieux. [4] Tous les spécialistes s'accordent à constater que la prévalence du jeu pathologique est nettement plus importante dans les pays dans lesquels le jeu est légalisé...Voir l'expertise collective menée par l'INSERM, réalisée sur la base des publications internationales portant sur le jeu pathologique, mars 2008.
CONSTIT/CONSTEXT000022393073.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 29 avril 2010, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, notamment son article 6 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l’article 65 de la Constitution ; que cette loi a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l’article 46 de la Constitution ; 2. Considérant que l’article unique de cette loi organique proroge la durée du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois suivant la promulgation de la loi organique prise pour l’application de l’article 65 de la Constitution dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle 23 juillet 2008 susvisée et, au plus tard, jusqu’au 31 janvier 2011 ; que cette prorogation du mandat de quatre ans prévu par l’article 6 de la loi organique du 5 février 1994 susvisée, qui est limitée et revêt un caractère exceptionnel et transitoire, n’est pas contraire à la Constitution, D É C I D E : Article premier.- La loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature n’est pas contraire à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 mai 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre, et par délégation, Le Secrétaire général du Gouvernement, Serge LASVIGNES
CONSTIT/CONSTEXT000022393071.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée pour Madame Anny POURSINOFF, demeurant à Rochefort en Yvelines (Yvelines), par Me Rémi ROUQUETTE, avocat au barreau de Melun, enregistrée le 7 octobre 2009 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 20 et 27 septembre 2009 dans la 10ème circonscription des Yvelines pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ; Vu les mémoires complémentaires présentés pour Mme POURSINOFF et tendant aux mêmes fins, enregistrés comme ci-dessus les 26 octobre et 10 décembre 2009 ; Vu les observations présentées par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales, enregistrées comme ci-dessus les 5 et 9 novembre 2009 et 15 janvier 2010 ; Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 14 janvier 2010, approuvant le compte de M. Jean-Frédéric POISSON ; Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la requête a été donnée à M. POISSON, lequel n’a pas produit d’observations ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des observations portées sur le procès-verbal des opérations de vote de la commune d’Émancé qu’il a été trouvé, après dépouillement, un bulletin de vote de plus que le nombre d’enveloppes correspondant à des suffrages autres que les blancs et nuls et que les responsables du bureau de vote ont décidé, pour compenser cette différence, de réduire d’une unité le nombre d’enveloppes vides initialement comptabilisées ainsi que le nombre de ces mêmes enveloppes jointes au procès-verbal ; qu’une telle différence ne peut cependant résulter que de la présence, dans l’une des enveloppes regardées comme correspondant à un suffrage régulièrement exprimé, de deux bulletins de vote, sans qu’il soit possible de déterminer si ces deux bulletins étaient identiques, auquel cas un suffrage a été comptabilisé à tort deux fois au profit d’un même candidat, ou différents, auquel cas un suffrage a été comptabilisé à tort pour chacun des deux candidats ; qu’il y a lieu, dans une telle circonstance, de diminuer d’une unité le nombre de voix obtenues par le candidat arrivé en tête ; 2. Considérant, en deuxième lieu, qu’en soulevant un grief tiré de la différence entre le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l’urne et le nombre des émargements qui apparaissent sur les procès-verbaux de recensement des votes de certains bureaux, la requérante a saisi le Conseil constitutionnel de l’ensemble des opérations de décompte des suffrages exprimés dans les bureaux de vote qui font l’objet d’une contestation ; qu’il appartient au Conseil constitutionnel, compte-tenu du faible écart des voix, d’examiner les listes d’émargement et les procès-verbaux de ces bureaux de vote et d’opérer les redressements nécessaires ; que cet examen montre qu’il existe, dans les bureaux dont il s’agit, pour le second tour, une différence totale de trois unités entre le nombre de signatures portées sur les listes d’émargement et le nombre d’enveloppes trouvées dans l’urne ; qu’il y a lieu, par suite, de réduire de trois voix supplémentaires le nombre de suffrages recueillis par le candidat arrivé en tête ; 3. Considérant, en dernier lieu, qu’il résulte de l’instruction que, la veille du second tour, a été distribué à Rambouillet un tract signé du maire de cette commune affirmant notamment que les représentants des « Verts » au Parlement avaient voté en faveur de la loi sur l’environnement dite « Grenelle 1 », ce qui constituait « la meilleure raison de faire confiance aux représentants de la majorité parlementaire pour prendre en charge les questions liées à l’environnement » ; que toutefois les parlementaires appartenant au même mouvement politique que Mme POURSINOFF se sont abstenus lors du vote de ce texte à l’Assemblée nationale et n’ont pas pris part au vote au Sénat ; que ce tract, auquel Mme POURSINOFF n’a pas été en mesure de répondre en temps utile, constitue une manœuvre de nature à créer, dans les circonstances de l’espèce, une confusion dans l’esprit des électeurs ; qu’eu égard à l’écart d’une seule voix séparant les deux candidats après prise en compte des déductions qui doivent être opérées en conséquence des griefs précédents, il y a lieu d’annuler l’élection contestée, D É C I D E : Article premier.- Les opérations électorales qui ont eu lieu les 20 et 27 septembre 2009 dans la 10ème circonscription des Yvelines sont annulées. Article 2.- La présente décision sera notifiée à Mme POURSINOFF, à M. POISSON, au président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 mai 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022393074.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le 17 mai 2010, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Dominique BAERT, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jean-Louis BIANCO, Mmes Gisèle BIÉMOURET, Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Bernard CAZENEUVE, Gérard CHARASSE, Jean-Michel CLÉMENT, Gilles COCQUEMPOT, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, MM. Frédéric CUVILLIER, Guy DELCOURT, René DOSIÈRE, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, M. Jean-Paul DUPRÉ, Mme Odette DURIEZ, MM. Olivier DUSSOPT, Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mme Aurélie FILIPPETTI, MM. Pierre FORGUES, Jean-Louis GAGNAIRE, Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Jean-Patrick GILLE, Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN RISPAL, M. François HOLLANDE, Mmes Sandrine HUREL, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Mme Conchita LACUEY, M. Jean LAUNAY, Mmes Annick LE LOCH, Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, Mmes Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Jacqueline MAQUET, Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Arnaud MONTEBOURG, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Mmes Marie-Renée OGET, George PAU-LANGEVIN, MM. Jean-Luc PÉRAT, Philippe PLISSON, François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Dominique RAIMBOURG, Simon RENUCCI, Alain RODET, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Patrick ROY, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Jean-Jacques URVOAS, Jacques VALAX, Jean-Michel VILLAUMÉ, députés, et, le même jour, par M. Jean Pierre BEL, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, David ASSOULINE, Robert BADINTER, Claude BÉRIT-DÉBAT, Jacques BERTHOU, Jean BESSON, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, MM. Yannick BOTREL, Didier BOULAUD, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, M. Jean-Pierre CAFFET, Mme Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, MM. Bernard CAZEAU, Yves CHASTAN, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Luc FICHET, Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Noël GUÉRINI, Edmond HERVÉ, Mmes Odette HERVIAUX, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Jacky LE MENN, Mme Raymonde LE TEXIER, M. Alain LE VERN, Mme Claudine LEPAGE, MM. Jean-Jacques LOZACH, Roger MADEC, Jacques MAHÉAS, François MARC, Pierre MAUROY, Rachel MAZUIR, Louis MERMAZ, Jean-Pierre MICHEL, Mme Renée NICOUX, MM. François PATRIAT, Jean Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, François REBSAMEN, Daniel REINER, Roland RIES, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Michel SERGENT, René-Pierre SIGNÉ, Jean Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI, André VANTOMME, Richard YUNG et Ronan KERDRAON, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le code de commerce ; Vu le code général des impôts ; Vu le code de la propriété intellectuelle ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat ; Vu l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création de l’établissement public OSEO et à la transformation de l’établissement public Agence nationale de valorisation de la recherche en société anonyme ; 1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ; qu’ils contestent la conformité à la Constitution de la procédure suivie pour l’adoption de ses articles 9 et 13 ; - SUR LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE : 2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ; 3. Considérant que le projet de loi comportait six articles lors de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, première assemblée saisie ; qu’il modifiait le code de commerce, le code général des impôts, le livre des procédures fiscales et le code de la sécurité sociale pour créer le régime juridique, fiscal et social de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ; 4. Considérant que l’article 9 de la loi déférée, inséré dans le projet de loi par un amendement adopté en première lecture par le Sénat le 8 avril 2010, modifie l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 susvisée pour aménager le statut de l’établissement public OSEO et définir les modalités de création de la société anonyme OSEO ; que, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, l’article 13 de la loi déférée, inséré dans le projet de loi dans les mêmes conditions que son article 9, habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition d’une directive relative à l’exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées ; 5. Considérant, par ailleurs, que l’article 12, inséré dans le projet de loi en première lecture par l’Assemblée nationale, modifie les articles L. 112-2 et L. 112-3 du code monétaire et financier ainsi que les articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce pour réformer le régime d’indexation de certains loyers ; 6. Considérant que ces dispositions ne présentent pas de lien direct avec celles qui figuraient dans le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ; qu’il ne ressort pas des travaux parlementaires qu’elles présentent un lien même indirect avec ce projet de loi ; qu’en outre elles ont été adoptées en méconnaissance de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire ; qu’elles ont été adoptées selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution ; - SUR L’ARTICLE L. 526-12 DU CODE DE COMMERCE : 7. Considérant que l’article 1er de la loi déférée insère dans le chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce une section intitulée « De l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée », comprenant les articles L. 526-6 à L. 526-21 ; que ces dispositions permettent à tout entrepreneur individuel d’affecter à son activité, au moyen d’une déclaration faite à un registre de publicité, un patrimoine séparé de son patrimoine personnel ; qu’elles déterminent les conditions et les modalités de la déclaration d’affectation, organisent sa publicité, définissent ses effets et fixent les obligations des entrepreneurs ayant opté pour ce régime juridique ; 8. Considérant que le deuxième alinéa de l’article L. 526-12 du code de commerce dispose que la déclaration d’affectation du patrimoine « est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d’affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire » ; que ces créanciers peuvent toutefois « former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable » ; 9. Considérant qu’en vertu des alinéas 6 à 8 de l’article L. 526-12 de ce code, la déclaration d’affectation du patrimoine soustrait le patrimoine affecté du gage des créanciers personnels de l’entrepreneur et le patrimoine personnel du gage de ses créanciers professionnels ; que s’il était loisible au législateur de rendre la déclaration d’affectation opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt, c’est à la condition que ces derniers soient personnellement informés de la déclaration d’affectation et de leur droit de former opposition ; que, sous cette réserve, le deuxième alinéa de l’article L. 526-12 du code de commerce ne porte pas atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété des créanciers garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 10. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution, Article 1er.- Les articles 9, 12 et 13 de la loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée sont déclarés contraires à la Constitution. Article 2.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, l’article L. 526-12 du code de commerce, tel que résultant de l’article 1er de la même loi, n’est pas contraire à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours identiques dirigés contre la loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Les recours tendent à la censure des articles 9 et 13 de la loi, motif pris de ce que ces articles seraient dépourvus de tout lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie, en méconnaissance des prescriptions énoncées à l’article 45 de la Constitution. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR L’ARTICLE 9. Cet article modifie le statut d’OSEO, en fusionnant en une société anonyme plusieurs entités placées sous la tutelle de l’établissement public, et notamment OSEO Financement, OSEO Garantie et OSEO Innovation. Il présente un lien, certes indirect, mais réel avec le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. OSEO est le résultat du rapprochement entre l’agence nationale pour la valorisation de la recherche et la banque du développement des petites et moyennes entreprises. A ce titre, il est l’interlocuteur privilégié des entrepreneurs individuels : en 2008, OSEO a facilité, sous forme de cofinancement bancaire ou de garantie de prêts bancaires, la création de plus de 35.000 entreprises. Parmi celles-ci, 24.000 ont bénéficié de la part de l’établissement d’un prêt à la création d’entreprise ou d’autres crédits de type équivalent. Au sein de la population de ces bénéficiaires, on dénombre plus de 10.000entrepreneurs individuels. A l’avenir, les entrepreneurs individuels qui opteront pour le statut d’EIRL prévu par la loi déférée seront éligibles aux dispositifs proposés par OSEO et soutenus par ce dernier. Le rôle particulier d’OSEO auprès des entrepreneurs individuels a d’ailleurs été évoqué tout au long des débats parlementaires ayant présidé à l’adoption de la loi déférée. La fusion, permise par l’article 9, des trois filiales de l’établissement renforcera l’efficacité de son action, tout spécialement auprès des entrepreneurs individuels. Elle permettra en effet la constitution d’un « guichet unique » entre les activités d’innovation, de financement et de garantie, ce qui simplifiera les démarches des plus petits acteurs économiques qui ne disposent pas toujours des ressources nécessaires pour engager une relation avec une multitude d’interlocuteurs. La fusion ouvrira également la voie à la notation par les agences de la nouvelle société, ce qui facilitera son refinancement et permettra, en amont, de desserrer la contrainte de crédit qui pèse plus particulièrement sur les très petits entrepreneurs. Dans ces conditions, le Gouvernement est d’avis que le grief soulevé par les auteurs des saisines pourra être écarté. II/ SUR L’ARTICLE 13. L’article 13 habilite le Gouvernement à prendre, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, une ordonnance visant à transposer la directive 2007/36/CE du Parlement et du Conseil du 11 juillet 2007, concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées. Tout comme les dispositions relatives à l’EIRL, ces dispositions relèvent du droit économique, ce qui peut-être regardé comme constituant, dans le cas très particulier de l’espèce, le lien requis par l’article 45 de la Constitution. Il faut en effet souligner que le retard dans la transposition de la directive a fait l’objet le 18 mars 2010 d’un avis motivé de la part de la Commission européenne sur le fondement de l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et qu’à défaut d’adoption rapide des dispositions législatives requises, la France s’expose à une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a saisi l’opportunité du rapide calendrier d’adoption de la loi EIRL pour y insérer les dispositions d’habilitation figurant à l’article 13. Pour ces motifs, le Gouvernement conclut au rejet du grief figurant dans les saisines. Le Gouvernement est ainsi d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure des articles 9 et 13 de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi. Paris, le 17 mai 2010 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue Montpensier 75001 PARIS Monsieur le Président, Madame et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Plusieurs dispositions de ce texte paraissent contraires à la Constitution. Les requérants attirent particulièrement votre attention sur les articles 6 bis A et 8 bis du texte qui vous est ici soumis, en ce qu’ils ont été introduits par voie d’amendement, le premier d’origine parlementaire, le second d’origine gouvernementale. Si les auteurs de la saisine sont particulièrement attachés à l'exercice du droit d'amendement, il n'en demeure pas moins que vous serez amenés à constater que les amendements ici visés ont été adoptés, alors même que selon les termes de l’article 45 de la Constitution, ils ne présentaient aucun « lien, même indirect, avec le texte déposé » sur le Bureau de l’Assemblée nationale. I . Sur l'article 6 bis A Cette disposition a pour objet la mise en place du statut de la banque OSEO, en organisant notamment les modalités de son organisation et en prévoyant la fusion de ses trois entités. Elle résulte d’un amendement adopté en première lecture par le Sénat à l’initiative de la Commission de l’économie. Cet amendement insère dans le projet de loi cinq articles réorganisant l’ensemble des structures d’OSEO en une société anonyme. Cette rénovation de l’institution aurait nécessité un examen à part entière, notamment au vu des enjeux en termes de soutien à l’innovation. Or comme vous l’avez rappelé dans votre décision du 19 janvier 2006, s’il « résulte de la combinaison des dispositions [de l’article 6 de la Déclaration de 1789, du premier alinéa de l’article 34, du premier alinéa de son article 39, sous les réserves prévues par les articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1 de la Constitution] que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées », c’est sous réserve du « respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire », et de « la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » (2005-532 DC, cs 25). Ayant considéré que ce motif d’irrecevabilité était d’une telle importance, c’est d’office que vous êtes amené à le soulever, même quand les requérants ne vous y invitent pas. Ainsi dans votre décision du 16 mars 2006 relative à la Loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, vous avez relevé d’office que l’amendement qui fixait le régime des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés au plus était « dépourvu de tout lien avec le projet de loi », et qu’il suivait de là qu'il avait « été adopté selon une procédure contraire à la Constitution » (2006-534 DC, cs 14). La révision constitutionnelle adoptée le 21 juillet 2008 dont résulte l’actuel article 45 de la Constitution, loin d’avoir eu pour effet de mettre en cause votre jurisprudence, lui a au contraire conféré un caractère constitutionnel. La Commission des Lois du Sénat s’était même alors « interrogée sur la nécessité de rappeler dans le texte constitutionnel la recevabilité en première lecture, d'un amendement présentant un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis alors même que ce principe [était] garanti, sous une forme peut-être plus satisfaisante, par la jurisprudence désormais bien établie du Conseil constitutionnel » (Rapport n° 387, 11 juin 2008, p. 142). Depuis lors, vous avez été amenés à censurer des dispositions adoptées par voie d’amendement qui ne présentaient « aucun lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi » initial, sans que l’on ait pu y une déceler une différence avec votre jurisprudence précédente relatives aux amendements « dépourvus de tout lien avec le projet de loi ». C’est ainsi que dans votre décision du 16 juillet 2009, vous avez censuré d’office la disposition visant à modifier la dénomination de l'École nationale supérieure de sécurité sociale, au motif qu’elle ne présentait « aucun lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires » et qu’elle avait dès lors « été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution » (2009-584 DC, 16 juillet 2009, cs 43). Vous l’aviez fait après avoir constaté que « le projet de loi comportait trente-trois articles lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie ; que, comme le précise l'intitulé des quatre titres de la loi, ces dispositions tendaient à moderniser les établissements de santé, à faciliter l'accès de tous à des soins de qualité, à favoriser la prévention et la santé publique et, enfin, à modifier l'organisation territoriale du système de santé » (cs 41). C’est pour le même motif que vous avez censuré deux dispositions de la Loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers dans votre décision du 14 octobre 2009, l’une modifiant le code monétaire et financier en faveur des experts-comptables, l’autre complétant l'article 2011 du code civil (2009-589 DC, cs 3). Aussi, il ressort clairement de votre jurisprudence que le simple fait qu’un amendement porte sur une matière identique, en l’occurrence la santé publique et la matière économique, ne suffit pas à établir l’existence d’un lien même indirect avec le projet de texte initial. Il faut au contraire qu’il existe au moins un lien indirect avec l’objet du projet initial, et les dispositions spécifiques qu’il comporte. Or ici, les six articles du projet de loi initial tel que déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, et de par de leur objet, et de par leurs dispositions, ne comportaient aucun lien, fut-il indirect, avec la refonte du statut de la banque OSEO. Arguer comme le fait le gouvernement que le « rôle joué par OSEO auprès des entreprises individuelles et des PME » (cf. le compte rendu intégral des débats du 8 avril 2010) suffirait à établir ce lien méconnait votre jurisprudence qui s’intéresse, comme il vient de l’être rappelé, moins à la matière visée, qu’à l’objet et aux dispositions stricto sensu du texte initial concerné, en l’occurrence la responsabilité des entrepreneurs individuels. A ce titre, parce que cet amendement a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution, il encourt votre censure. II . Sur l'article 8 bis Cette disposition, adoptée par voie d’amendement d’origine gouvernementale en première lecture au Sénat, a pour objet d'autoriser le gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance sur le fondement de l’article 38, les dispositions législatives nécessaires à la transposition d'une directive du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, concernant l'exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées. Les amendements visant à autoriser le gouvernement à agir par voie d’ordonnance obéissent au même régime que les autres amendements, à ceci près que le « Gouvernement peut seul demander au Parlement l'autorisation de prendre de telles ordonnances » (2006-534 DC, 16 mars 2006, cs 5). Comme les autres amendements en revanche, ils ne doivent pas être dépourvus « de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » (ibid., cs 7). Or comme l’a lui-même fait remarquer le Président de la Commission des Lois du Sénat, par ailleurs rapporteur sur le texte, « le lien de cet amendement avec le projet de loi n’est pas évident : par définition, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée n’a pas d’actionnaires » (cf. le compte rendu intégral des débats du 8 avril 2010). Le gouvernement fait valoir pour justifier l’insertion de cette disposition qu’elle permettra que l’ordonnance soit prise rapidement, afin d’éviter une condamnation de la France pour retard dans la transposition de la directive. Les requérants n’ignorent pas que vous avez considéré que « la transposition en droit interne d'une directive communautaire résult[ait] d'une exigence constitutionnelle » (2006-540, 27 juillet 2006, cs 17). Mais si vous en avez jugé ainsi, c’est uniquement pour vous déclarer compétent pour censurer une « disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer » (ibid., cs 20). En aucun cas cette exigence ne saurait aboutir à autoriser le dépôt de tout amendement, y compris s’il ne possède pas même de lien indirect avec le texte initial, au seul prétexte qu’il aurait pour objet de transposer une directive communautaire. Il s’agirait ni plus ni moins de constitutionnaliser la pratique du « cavalier législatif », par ailleurs explicitement condamnée par le pouvoir constituant dans la version révisée qu’il a adoptée de l’article 45 de la Constitution. Mais quand bien même votre haute juridiction choisirait cette voie, elle n’en devrait pas moins en l’occurrence censurer la disposition contestée. Car en effet, un amendement identique à l’article 8 bis ici visé a déjà été adopté à l’initiative du gouvernement par l’Assemblée nationale, et fait désormais partie intégrante de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, dont est déjà saisie la Commission des Lois du Sénat. Dès lors, rien ici ne justifierait que soit méconnu le principe selon lequel un amendement qui ne possède aucun lien, même indirect, avec le projet de loi initial est contraire à la constitution. Pour ces motifs, les sénateurs requérants vous prient de censurer ces deux dispositions. Paris, le 17 mai 2010 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue Montpensier 75001 PARIS Monsieur le Président, Madame et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Plusieurs dispositions de ce texte paraissent contraires à la Constitution. Les requérants attirent particulièrement votre attention sur les articles 6 bis A et 8 bis du texte qui vous est ici soumis, en ce qu’ils ont été introduits par voie d’amendement, le premier d’origine parlementaire, le second d’origine gouvernementale. Si les auteurs de la saisine sont particulièrement attachés à l'exercice du droit d'amendement, il n'en demeure pas moins que vous serez amenés à constater que les amendements ici visés ont été adoptés, alors même que selon les termes de l’article 45 de la Constitution, ils ne présentaient aucun « lien, même indirect, avec le texte déposé » sur le Bureau de l’Assemblée nationale. I . Sur l'article 6 bis A Cette disposition a pour objet la mise en place du statut de la banque OSEO, en organisant notamment les modalités de son organisation et en prévoyant la fusion de ses trois entités. Elle résulte d’un amendement adopté en première lecture par le Sénat à l’initiative de la Commission de l’économie. Cet amendement insère dans le projet de loi cinq articles réorganisant l’ensemble des structures d’OSEO en une société anonyme. Cette rénovation de l’institution aurait nécessité un examen à part entière, notamment au vu des enjeux en termes de soutien à l’innovation. Or comme vous l’avez rappelé dans votre décision du 19 janvier 2006, s’il « résulte de la combinaison des dispositions [de l’article 6 de la Déclaration de 1789, du premier alinéa de l’article 34, du premier alinéa de son article 39, sous les réserves prévues par les articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1 de la Constitution] que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées », c’est sous réserve du « respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire », et de « la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » (2005-532 DC, cs 25). Ayant considéré que ce motif d’irrecevabilité était d’une telle importance, c’est d’office que vous êtes amené à le soulever, même quand les requérants ne vous y invitent pas. Ainsi dans votre décision du 16 mars 2006 relative à la Loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, vous avez relevé d’office que l’amendement qui fixait le régime des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés au plus était « dépourvu de tout lien avec le projet de loi », et qu’il suivait de là qu'il avait « été adopté selon une procédure contraire à la Constitution » (2006-534 DC, cs 14). La révision constitutionnelle adoptée le 21 juillet 2008 dont résulte l’actuel article 45 de la Constitution, loin d’avoir eu pour effet de mettre en cause votre jurisprudence, lui a au contraire conféré un caractère constitutionnel. La Commission des Lois du Sénat s’était même alors « interrogée sur la nécessité de rappeler dans le texte constitutionnel la recevabilité en première lecture, d'un amendement présentant un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis alors même que ce principe [était] garanti, sous une forme peut-être plus satisfaisante, par la jurisprudence désormais bien établie du Conseil constitutionnel » (Rapport n° 387, 11 juin 2008, p. 142). Depuis lors, vous avez été amenés à censurer des dispositions adoptées par voie d’amendement qui ne présentaient « aucun lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi » initial, sans que l’on ait pu y une déceler une différence avec votre jurisprudence précédente relatives aux amendements « dépourvus de tout lien avec le projet de loi ». C’est ainsi que dans votre décision du 16 juillet 2009, vous avez censuré d’office la disposition visant à modifier la dénomination de l'École nationale supérieure de sécurité sociale, au motif qu’elle ne présentait « aucun lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires » et qu’elle avait dès lors « été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution » (2009-584 DC, 16 juillet 2009, cs 43). Vous l’aviez fait après avoir constaté que « le projet de loi comportait trente-trois articles lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie ; que, comme le précise l'intitulé des quatre titres de la loi, ces dispositions tendaient à moderniser les établissements de santé, à faciliter l'accès de tous à des soins de qualité, à favoriser la prévention et la santé publique et, enfin, à modifier l'organisation territoriale du système de santé » (cs 41). C’est pour le même motif que vous avez censuré deux dispositions de la Loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers dans votre décision du 14 octobre 2009, l’une modifiant le code monétaire et financier en faveur des experts-comptables, l’autre complétant l'article 2011 du code civil (2009-589 DC, cs 3). Aussi, il ressort clairement de votre jurisprudence que le simple fait qu’un amendement porte sur une matière identique, en l’occurrence la santé publique et la matière économique, ne suffit pas à établir l’existence d’un lien même indirect avec le projet de texte initial. Il faut au contraire qu’il existe au moins un lien indirect avec l’objet du projet initial, et les dispositions spécifiques qu’il comporte. Or ici, les six articles du projet de loi initial tel que déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, et de par de leur objet, et de par leurs dispositions, ne comportaient aucun lien, fut-il indirect, avec la refonte du statut de la banque OSEO. Arguer comme le fait le gouvernement que le « rôle joué par OSEO auprès des entreprises individuelles et des PME » (cf. le compte rendu intégral des débats du 8 avril 2010) suffirait à établir ce lien méconnait votre jurisprudence qui s’intéresse, comme il vient de l’être rappelé, moins à la matière visée, qu’à l’objet et aux dispositions stricto sensu du texte initial concerné, en l’occurrence la responsabilité des entrepreneurs individuels. A ce titre, parce que cet amendement a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution, il encourt votre censure. II . Sur l'article 8 bis Cette disposition, adoptée par voie d’amendement d’origine gouvernementale en première lecture au Sénat, a pour objet d'autoriser le gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance sur le fondement de l’article 38, les dispositions législatives nécessaires à la transposition d'une directive du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, concernant l'exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées. Les amendements visant à autoriser le gouvernement à agir par voie d’ordonnance obéissent au même régime que les autres amendements, à ceci près que le « Gouvernement peut seul demander au Parlement l'autorisation de prendre de telles ordonnances » (2006-534 DC, 16 mars 2006, cs 5). Comme les autres amendements en revanche, ils ne doivent pas être dépourvus « de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » (ibid., cs 7). Or comme l’a lui-même fait remarquer le Président de la Commission des Lois du Sénat, par ailleurs rapporteur sur le texte, « le lien de cet amendement avec le projet de loi n’est pas évident : par définition, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée n’a pas d’actionnaires » (cf. le compte rendu intégral des débats du 8 avril 2010). Le gouvernement fait valoir pour justifier l’insertion de cette disposition qu’elle permettra que l’ordonnance soit prise rapidement, afin d’éviter une condamnation de la France pour retard dans la transposition de la directive. Les requérants n’ignorent pas que vous avez considéré que « la transposition en droit interne d'une directive communautaire résult[ait] d'une exigence constitutionnelle » (2006-540, 27 juillet 2006, cs 17). Mais si vous en avez jugé ainsi, c’est uniquement pour vous déclarer compétent pour censurer une « disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer » (ibid., cs 20). En aucun cas cette exigence ne saurait aboutir à autoriser le dépôt de tout amendement, y compris s’il ne possède pas même de lien indirect avec le texte initial, au seul prétexte qu’il aurait pour objet de transposer une directive communautaire. Il s’agirait ni plus ni moins de constitutionnaliser la pratique du « cavalier législatif », par ailleurs explicitement condamnée par le pouvoir constituant dans la version révisée qu’il a adoptée de l’article 45 de la Constitution. Mais quand bien même votre haute juridiction choisirait cette voie, elle n’en devrait pas moins en l’occurrence censurer la disposition contestée. Car en effet, un amendement identique à l’article 8 bis ici visé a déjà été adopté à l’initiative du gouvernement par l’Assemblée nationale, et fait désormais partie intégrante de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, dont est déjà saisie la Commission des Lois du Sénat. Dès lors, rien ici ne justifierait que soit méconnu le principe selon lequel un amendement qui ne possède aucun lien, même indirect, avec le projet de loi initial est contraire à la constitution. Pour ces motifs, les députés requérants vous prient de censurer ces deux dispositions.
CONSTIT/CONSTEXT000022524594.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 mai 2010 par le Conseil d'État (décision n° 323930 du 19 mai 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour la Section française de l'Observatoire international des prisons, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 706-53-21 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-562 DC du 21 février 2008 ; Vu la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, notamment son article 6 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la Section française de l’Observatoire international des prisons, par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 9 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour la requérante, enregistrées le 17 juin 2010 ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Me Patrice Spinosi, pour la requérante, et Mme Cécile Barrois, désignée par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l’audience publique du 24 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l’article 1er de la loi du 25 février 2008 susvisée a introduit dans le code de procédure pénale un article 706-53-21 ; que, par application de l’article 6 de la loi du 10 mars 2010 susvisée, cet article est devenu l’article 706-53-22 ; qu’il dispose : « Un décret en Conseil d’État précise les conditions et les modalités d’application du présent chapitre. « Ce décret précise les conditions dans lesquelles s’exercent les droits des personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, y compris en matière d’emploi, d’éducation et de formation, de visites, de correspondances, d’exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. Il ne peut apporter à l’exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l’ordre public. « La liste des cours d’appel dans lesquelles siègent les juridictions régionales prévues au premier alinéa de l’article 706-53-15 et le ressort de leur compétence territoriale sont fixés par arrêté du garde des sceaux » ; 2. Considérant que, selon la requérante, le renvoi au décret en Conseil d’État pour déterminer les conditions dans lesquelles s’exercent les droits des personnes faisant l’objet d’une mesure de rétention de sûreté méconnaît la compétence du législateur ; que, selon le Premier ministre, cette disposition a déjà été déclarée conforme à la Constitution ; 3. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées du troisième alinéa de l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et du troisième alinéa de son article 23-5 que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 4. Considérant que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi du 25 février 2008 susvisée ; que les requérants contestaient la conformité à la Constitution des dispositions de son article 1er ; que, dans les considérants 2 et suivants de sa décision du 21 février 2008 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 1er qui « insère, dans le titre XIX du livre IV du code de procédure pénale intitulé : "De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes", un chapitre III intitulé : "De la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté" composé des articles 706-53-13 à 706-53-21 du code de procédure pénale » ; que l’article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 1er conforme à la Constitution ; que, par suite, l’article 706-53-21 du code de procédure pénale, devenu son article 706-53-22, a déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; 5. Considérant qu’en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d’examiner la question prioritaire de constitutionnalité susvisée, Article 1er.- Il n’y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la saisine susvisée du Conseil d’État. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 2 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022524595.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 mai 2010 par la Cour de cassation (arrêts nos 12010 à 12018 du 19 mai 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, de neuf questions prioritaires de constitutionnalité posées par MM. Philippe C., Vincent W., Réginald C., Lionel D., Loïc M., Olivier L., Jean-Michel F. et Tony F. et portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code disciplinaire et pénal de la marine marchande ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 juin 2010 ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Boré et Salvé de Bruneton, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 juin 2010 ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Me Louis Boré, pour les requérants, et M. Jérôme Greffe, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l’audience publique du 24 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande : « Le tribunal maritime commercial est composé de cinq membres, à savoir : « Un magistrat du siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le tribunal maritime commercial, président. « - un administrateur des affaires maritimes qui n’a pas participé aux poursuites ou à l’instruction de l’affaire en cause. « - un agent des affaires maritimes choisi en fonction de ses compétences dans le domaine de la sécurité des navires ou de la sauvegarde de la vie humaine en mer parmi les corps d’officiers des affaires maritimes, ou de fonctionnaires ou de contractuels de catégorie A des affaires maritimes. « - un capitaine au long cours ou un capitaine de première classe de la navigation maritime de moins de soixante ans, en activité ou inactif depuis moins de cinq ans, ayant accompli au moins quatre ans de commandement. « - suivant la qualité du prévenu, un quatrième juge choisi comme suit : « A - Si le prévenu est un marin breveté ou diplômé : un marin actif titulaire du même brevet ou diplôme, en activité ou inactif depuis moins de cinq ans ; « B - Si le prévenu est un marin ni breveté ni diplômé : un maître ou une personne d’un grade équivalent à celui de maître, en activité ou inactif depuis moins de cinq ans, appartenant à la spécialité (pont, machine ou service général) du prévenu ; « C - Si le prévenu n’est pas un marin : un agent des affaires maritimes choisi en fonction de ses compétences dans le domaine de la sécurité des navires ou de la sauvegarde de la vie humaine en mer parmi les corps d’officiers des affaires maritimes, ou de fonctionnaires ou de contractuels de catégorie A des affaires maritimes. « Le quatrième juge prévu dans les cas A et B ci-dessus est pris parmi les marins n’ayant subi aucune condamnation pénale ou sanction disciplinaire présents dans le port, siège du tribunal maritime commercial ou à défaut dans les ports voisins. « Un contrôleur des affaires maritimes remplit les fonctions de greffier » ; 2. Considérant que, selon les requérants, la présence au sein du tribunal maritime commercial de personnels de l’État relevant de l’administration des affaires maritimes et qui demeurent dépendants de cette administration à qui est confiée, par ailleurs, la mission d’instruire et de poursuivre les affaires devant ce tribunal méconnaît tant les principes d’indépendance et d’impartialité du juge que le droit à un procès équitable ; 3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que le principe d’indépendance est indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles ; 4. Considérant que, parmi les cinq membres du tribunal maritime commercial, deux d’entre eux, voire trois si le prévenu n’est pas un marin, ont la qualité soit d’officier de la marine nationale soit de fonctionnaire ou d’agent contractuel de l’État, tous placés en position d’activité de service et, donc, soumis à l’autorité hiérarchique du Gouvernement ; que, dès lors, même si la disposition contestée fait obstacle à ce que l’administrateur des affaires maritimes désigné pour faire partie du tribunal ait participé aux poursuites ou à l’instruction de l’affaire en cause, ni cet article ni aucune autre disposition législative applicable à cette juridiction n’institue les garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 5. Considérant que l’abrogation de l’article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande est applicable à toutes les infractions non jugées définitivement au jour de la publication de la présente décision ; que, par suite, à compter de cette date, pour exercer la compétence que leur reconnaît le code disciplinaire et pénal de la marine marchande, les tribunaux maritimes commerciaux siégeront dans la composition des juridictions pénales de droit commun, Article 1er.- L’article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 5. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 2 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022524597.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 mai 2010 par le Conseil d’État (décision n° 337840 du 28 mai 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Orient O. et Puiu B. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l’urbanisme ; Vu le code de justice administrative ; Vu la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 modifiée relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ; Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour MM. O. et B. par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 juin 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Braun pour MM. O. et B. et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 29 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 susvisée : « I. – Dès lors qu’une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l’article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d’accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l’article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d’une aire d’accueil, ainsi qu’à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d’une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s’est doté de compétences pour la mise en œuvre du schéma départemental. « Les mêmes dispositions sont applicables aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire prévu au III de l’article 2 jusqu’à la date d’expiration de ce délai ainsi qu’aux communes disposant d’un emplacement provisoire faisant l’objet d’un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément. « L’agrément est délivré en fonction de la localisation, de la capacité et de l’équipement de cet emplacement, dans des conditions définies par décret. « L’agrément d’un emplacement provisoire n’exonère pas la commune des obligations qui lui incombent dans les délais prévus par l’article 2. « II. – En cas de stationnement effectué en violation de l’arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. « La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. « La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d’usage du terrain. « Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effets dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. « Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain fait obstacle à l’exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques dans un délai qu’il fixe. « Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est puni de 3 750 euros d’amende. « II bis. – Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au II, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine. « III. – Les dispositions du I, du II et du II bis ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi : « 1° Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ; « 2° Lorsqu’elles disposent d’une autorisation délivrée sur le fondement de l’article L. 443-1 du code de l’urbanisme ; « 3° Lorsqu’elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l’article L. 443-3 du même code. « IV. – En cas d’occupation, en violation de l’arrêté prévu au I, d’un terrain privé affecté à une activité à caractère économique, et dès lors que cette occupation est de nature à entraver ladite activité, le propriétaire ou le titulaire d’un droit réel d’usage sur le terrain peut saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de faire ordonner l’évacuation forcée des résidences mobiles. Dans ce cas, le juge statue en la forme des référés. Sa décision est exécutoire à titre provisoire. En cas de nécessité, il peut ordonner que l’exécution aura lieu au seul vu de la minute. Si le cas requiert célérité, il fait application des dispositions du second alinéa de l’article 485 du code de procédure civile » ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article 9-1 de la même loi du 5 juillet 2000 : « Dans les communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l’article 9, le préfet peut mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et d’évacuation prévue au II du même article, à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain, en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. « Ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes mentionnées au IV de l’article 9. Les personnes objets de la décision de mise en demeure bénéficient des voies de recours mentionnées au II bis du même article » ; 3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions seraient contraires au principe d’égalité et à la liberté d’aller et venir ; . En ce qui concerne le principe d’égalité : 4. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » ; qu’aux termes de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion... » ; 5. Considérant que l’article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 6. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées du paragraphe I de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 et de l’article 2 de la loi du 3 janvier 1969 susvisées que les dispositions contestées sont applicables aux « personnes dites gens du voyage... dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles » et « n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l’Union européenne » ; qu’elles sont fondées sur une différence de situation entre les personnes, quelles que soient leurs origines, dont l’habitat est constitué de résidences mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant et celles qui vivent de manière sédentaire ; qu’ainsi la distinction qu’elles opèrent repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec le but que s’est assigné le législateur en vue d’accueillir les gens du voyage dans des conditions compatibles avec l’ordre public et les droits des tiers ; qu’elles n’instituent aucune discrimination fondée sur une origine ethnique ; que, par suite, elles ne sont pas contraires au principe d’égalité ; . En ce qui concerne la liberté d’aller et venir : 7. Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; que, dans le cadre de cette mission, il appartient au législateur d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré ; 8. Considérant que les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif ; 9. Considérant que l’évacuation forcée des résidences mobiles instituée par les dispositions contestées ne peut être mise en œuvre par le représentant de l’État qu’en cas de stationnement irrégulier de nature à porter une atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques ; qu’elle ne peut être diligentée que sur demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain ; qu’elle ne peut survenir qu’après mise en demeure des occupants de quitter les lieux ; que les intéressés bénéficient d’un délai qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures à compter de la notification de la mise en demeure pour évacuer spontanément les lieux occupés illégalement ; que cette procédure ne trouve à s’appliquer ni aux personnes propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent, ni à celles qui disposent d’une autorisation délivrée sur le fondement de l’article L. 443-1 du code de l’urbanisme, ni à celles qui stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l’article L. 443-3 du même code ; qu’elle peut être contestée par un recours suspensif devant le tribunal administratif ; que, compte tenu de l’ensemble des conditions et des garanties qu’il a fixées et eu égard à l’objectif qu’il s’est assigné, le législateur a adopté des mesures assurant une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les autres droits et libertés ; 10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Les articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 9 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022524596.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mai 2010 par le Conseil d'État (décision n° 306643 du 18 mai 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la commune de DUNKERQUE et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 2113-2 et L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, notamment son article 123 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la commune de DUNKERQUE par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour la commune de DUNKERQUE, enregistrées le 17 juin 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud Lyon-Caen pour la commune de DUNKERQUE et Mme Sophie Rimeu, désignée par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 24 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 123 de la loi du 13 août 2004 susvisée : « Les personnes inscrites sur les listes électorales municipales sont consultées sur l’opportunité de la fusion de communes. - Les dépenses résultant de la consultation sont à la charge de l’État. - Un décret fixe les modalités applicables à l’organisation des consultations prévues au premier alinéa » ; qu’aux termes de l’article L. 2113-3 du même code : « Lorsqu’une consultation a été organisée suivant la procédure définie à l’article L. 2113-2, la fusion est prononcée par arrêté du représentant de l’État dans le département si le projet recueille l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits dans l’ensemble des communes concernées. - Toutefois, une commune ne peut être contrainte à fusionner si la consultation fait apparaître que les deux tiers des suffrages exprimés représentant au moins la moitié des électeurs inscrits dans cette commune ont manifesté leur opposition au projet » ; 2. Considérant que la commune requérante soutient qu’en prévoyant un référendum pour toutes les fusions de communes, les dispositions précitées sont contraires à la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution qui autorise uniquement une consultation des électeurs en matière de modification des limites des collectivités territoriales ; qu’elles méconnaîtraient le principe de la souveraineté nationale en conférant à une section du peuple un pouvoir de décision ; qu’elles porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ; 3. Considérant qu’aux termes de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution : « La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi » ; qu’en tout état de cause, l’habilitation ainsi donnée au législateur n’institue pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; 4. Considérant que la décision de procéder à la fusion de communes ne constitue pas un acte portant atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ; 5. Considérant qu’en tout état de cause, la décision de procéder à la fusion de communes à la suite d’une consultation des électeurs ne met en cause ni la définition de la souveraineté nationale ni les conditions de son exercice ; 6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Les articles L. 2113-2 et L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et M. Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022524592.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ; Vu l'ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 56 ; Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité, D É C I D E : Article 1er. - La deuxième phrase de l'article 12 du règlement du 4 février 2010 susvisé est supprimée. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022524593.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 avril 2010 par le Conseil d’État (décision n° 327174 du 23 avril 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Alain C. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l’article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008. Il a également été saisi le 2 juin 2010 par le Conseil d’État (décision n° 326444 du 2 juin 2010), dans les mêmes conditions, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par l’Association des pensionnés civils et militaires en Nouvelle-Calédonie et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l’article 137 de la même loi. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ; Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 portant approbation d’une convention fiscale avec le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 83-160 DC du 19 juillet 1983 ; Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le président de l’Assemblée nationale, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 mai 2010 ; Vu les observations en réplique produites par M. C., enregistrées le 19 mai 2010 ; Vu les observations produites par l’association requérante, enregistrées le 16 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites par M. C., enregistrées le 24 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites par l’association requérante, enregistrées les 24 et 28 juin 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; L’affaire ayant été appelée à l’audience publique du 12 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant que l’article 137 de la loi du 30 décembre 2008 susvisée modifie le dispositif d’indemnité temporaire de retraite dont bénéficient les retraités titulaires d’une pension civile ou militaire de l’État résidant à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie ; 3. Considérant qu’aux termes du paragraphe III de l’article 137 : « Le montant des indemnités temporaires octroyées à compter du 1er janvier 2009 est égal au montant fixé à la date de première mise en paiement de l’indemnité et ne peut excéder un montant annuel défini par décret selon la collectivité de résidence. Ce plafond décroît dans des conditions prévues par décret. Il devient nul à compter du 1er janvier 2028. « Lorsque l’indemnité temporaire est attribuée en cours d’année, les plafonds fixés par le décret prévu à l’alinéa précédent sont calculés au prorata de la durée effective de l’attribution de l’indemnité temporaire sur l’année considérée. « Les indemnités temporaires accordées aux pensionnés au titre du a du 1° du II ouvrent droit à réversion au bénéfice du conjoint survivant sous réserve du respect, par ce dernier, de la condition d’effectivité de résidence fixée au I. « Les indemnités temporaires accordées aux pensionnés au titre du b du 1° du II ouvrent droit à réversion au bénéfice du conjoint survivant sous réserve du respect, par ce dernier, de la condition d’effectivité de résidence sur le territoire de la collectivité au titre de laquelle l’indemnité temporaire a été octroyée » ; 4. Considérant que le paragraphe IV du même article 137 dispose : « Le montant des indemnités temporaires octroyées avant le 1er janvier 2009 est plafonné à la valeur en paiement au 31 décembre 2008 et ne peut excéder un montant annuel défini par décret selon la collectivité de résidence. La part des indemnités temporaires dépassant le plafond est écrêtée progressivement, chaque année, pour atteindre le montant annuel relatif à l’année 2018. « Les indemnités temporaires accordées aux pensionnés au titre du présent IV ouvrent droit à réversion au bénéfice du conjoint survivant sous réserve du respect, par ce dernier, de la condition d’effectivité de résidence fixée au I » ; 5. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions auraient été adoptées selon une procédure irrégulière, méconnaîtraient l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, ne seraient pas compatibles avec les engagements internationaux de la France, ne respecteraient pas la convention fiscale entre l’État et la Nouvelle-Calédonie et porteraient atteinte à la garantie des droits et au principe d’égalité ; - SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES DISPOSITIONS CONTESTÉES : 6. Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions contestées n’avaient pas leur place dans une loi de finances dont le champ est défini par la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu’ils estiment que l’amendement dont elles sont issues aurait dû être déclaré irrecevable par le Gouvernement ; qu’ils font valoir, en outre, qu’elles n’ont pas été soumises, avant leur adoption, à l’avis du Conseil d’État ni à celui des assemblées des collectivités relevant des articles 74 et 77 de la Constitution ; 7. Considérant que le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi ne peut être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; - SUR L’OBJECTIF D’INTELLIGIBILITÉ ET D’ACCESSIBILITÉ DE LA LOI : 8. Considérant que les requérants font valoir que les dispositions contestées n’ont pas été codifiées dans le code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu’ils soutiennent qu’elles sont inintelligibles en tant qu’elles portent sur la revalorisation de l’indemnité temporaire de retraite ; 9. Considérant que, si l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; - SUR LES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE : 10. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées seraient contraires aux droits et libertés garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 11. Considérant qu’un grief tiré du défaut de compatibilité d’une disposition législative aux engagements internationaux de la France ne saurait être regardé comme un grief d’inconstitutionnalité ; que, par suite, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61-1 de la Constitution, d’examiner la compatibilité des dispositions contestées avec les engagements internationaux de la France ; que l’examen d’un tel grief relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ; - SUR LA CONVENTION FISCALE ENTRE L’ÉTAT ET LA NOUVELLE-CALÉDONIE : 12. Considérant que les requérants estiment que les dispositions contestées méconnaissent l’article 17 de la convention fiscale entre la France et la Nouvelle-Calédonie, laquelle vaudrait engagement international de la France ; 13. Considérant que, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 19 juillet 1983, cette convention procède de l’application de règles de pur droit interne ; qu’elle n’a pas valeur constitutionnelle ; que, par suite, sa méconnaissance ne saurait être invoquée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité ; - SUR LA GARANTIE DES DROITS : 14. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; 15. Considérant, d’une part, qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la Déclaration de 1789 s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ; 16. Considérant, de même, que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; 17. Considérant que le plafonnement et l’écrêtement de l’indemnité temporaire de retraite institués par les paragraphes III et IV de l’article 137 de la loi du 30 décembre 2008 n’affectent pas le montant de la pension civile ou militaire de retraite ; qu’ils ne portent que sur un accessoire de cette pension, variable selon le lieu de résidence du pensionné ; qu’ils ne sont entrés en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2009 ; qu’ils ne revêtent donc aucun caractère rétroactif et n’affectent pas une situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; - SUR LE PRINCIPE D’ÉGALITÉ : 18. Considérant que l’article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 19. Considérant, en premier lieu, que les titulaires des pensions civiles et militaires de l’État, qui ont fait le choix de venir s’installer sur le territoire des collectivités éligibles à l’indemnité temporaire de retraite, d’y revenir ou d’y rester après leurs services outre-mer, sont dans une situation différente de celle des fonctionnaires de l’État qui sont astreints à résider sur leur lieu d’affectation ; qu’en outre, le législateur a pu estimer, sans méconnaître le principe d’égalité, que, s’il existe un intérêt général à encourager des fonctionnaires métropolitains à venir servir outre-mer, le maintien ou la venue outre-mer de fonctionnaires retraités ne constituait plus un tel intérêt ; 20. Considérant, en deuxième lieu, que les pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ont pour objet de réparer des dommages subis par des militaires, des victimes civiles de guerre ou des victimes d’actes de terrorisme ; que, dès lors, le législateur pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité, maintenir pour les titulaires de ces pensions un avantage qu’il a supprimé ou restreint pour les titulaires de pensions civiles et militaires de retraite ; 21. Considérant, en troisième lieu, qu’en vertu de l’article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée, prise sur le fondement de l’article 77 de la Constitution, l’État est compétent en matière de fonction publique de l’État ; qu’en vertu de l’article 22 de la même loi organique, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de fonction publique de la Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, le grief tiré de la rupture d’égalité entre les fonctionnaires retraités de l’État résidant en Nouvelle-Calédonie et ceux de la fonction publique territoriale de la Nouvelle-Calédonie doit être écarté ; 22. Considérant qu’il s’ensuit que les dispositions contestées ne sont pas contraires au principe d’égalité ; 23. Considérant que les paragraphes III et IV de l’article 137 de la loi du 30 décembre 2008 ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Les paragraphes III et IV de l’article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 22 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022524591.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 juin 2010, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à l'application de l'article 65 de la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-551 DC du 1er mars 2007 ; Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ; Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel modifie principalement l’ordonnance du 22 décembre 1958 et la loi organique du 5 février 1994 sur le fondement des articles 64 et 65 de la Constitution ; qu’elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure fixées par les trois premiers alinéas de l’article 46 de la Constitution ; - SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES : 2. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. - Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature. - Une loi organique porte statut des magistrats. - Les magistrats du siège sont inamovibles » ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 65 de la Constitution : « Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège et une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. « La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée. « La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet. « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du siège. « Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République au titre de l’article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour. « Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature. « Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique. « La loi organique détermine les conditions d’application du présent article » ; 5. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature concourt à l’indépendance de l’autorité judiciaire ; - SUR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE : 6. Considérant que l’article 3 insère dans la loi organique du 5 février 1994 susvisée deux articles 5-1 et 5-2 ; que l’article 5-1 fixe les modalités de désignation de l’avocat qui siège dans les trois formations du Conseil supérieur de la magistrature ; que l’article 5-2 tend à favoriser la place des femmes dans cette institution sur le fondement du second alinéa de l’article 1er de la Constitution aux termes duquel : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ; que cet article 5-2 prévoit également que, pour la mise en oeuvre de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, les nominations des personnalités qualifiées sont soumises « à la commission permanente compétente en matière d’organisation judiciaire de chaque assemblée » ; que ces dispositions sont conformes à la Constitution ; que, toutefois, en désignant la commission permanente compétente de chaque assemblée, l’article 5-2 de la loi organique a fixé des règles relevant de la loi ordinaire ; 7. Considérant que l’article 7 insère dans la loi organique du 5 février 1994 deux articles 10-1 et 10-2 ; qu’aux termes de l’article 10-1 : « Les membres du Conseil supérieur exercent leur mission dans le respect des exigences d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de dignité. Ils veillent au respect de ces mêmes exigences par les personnes dont ils s’attachent les services dans l’exercice de leurs fonctions. « Saisie par le président d’une des formations du Conseil supérieur de la magistrature, la formation plénière apprécie, à la majorité des membres la composant, si l’un des membres du Conseil supérieur a manqué aux obligations mentionnées au premier alinéa. Dans l’affirmative, elle prononce, selon la gravité du manquement, un avertissement ou la démission d’office » ; 8. Considérant que l’article 10-2 dispose : « Aucun membre du Conseil supérieur ne peut délibérer ni procéder à des actes préparatoires lorsque sa présence ou sa participation pourrait entacher d’un doute l’impartialité de la décision rendue. « S’agissant du membre du Conseil supérieur désigné en qualité d’avocat en application du deuxième alinéa de l’article 65 de la Constitution, cette exigence s’étend aux avis ou décisions relatifs à un magistrat devant lequel il a plaidé depuis sa nomination au Conseil supérieur, ainsi qu’aux nominations de magistrats au sein des juridictions dans le ressort desquelles se situe le barreau auprès duquel il est inscrit. « La formation à laquelle l’affaire est soumise s’assure du respect de ces exigences » ; 9. Considérant, en premier lieu, qu’en imposant que les membres du Conseil supérieur de la magistrature exercent leur mission dans le respect des exigences d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de dignité, le législateur organique a entendu que tous les membres de ce conseil, qu’ils appartiennent ou non à l’autorité judiciaire, soient soumis aux mêmes obligations déontologiques ; 10. Considérant, en deuxième lieu, qu’en confiant au Conseil supérieur de la magistrature la compétence pour examiner l’éventuel manquement d’un de ses membres à ses obligations ou pour statuer, en cas de difficulté, sur une récusation, le législateur organique a nécessairement entendu que le membre du Conseil supérieur de la magistrature dont la situation est examinée ne puisse participer à la délibération correspondante ; 11. Considérant, en troisième lieu, qu’à l’exception de règles applicables au membre du Conseil supérieur de la magistrature désigné en qualité d’avocat, les dispositions précitées laissent aux membres de ce conseil et, le cas échéant, à ce conseil lui-même, le soin d’apprécier les cas dans lesquels un membre doit s’abstenir de participer à ses travaux et délibérations ; 12. Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’article 65 de la Constitution que le principe d’indépendance et d’impartialité des membres du Conseil supérieur constitue une garantie de l’indépendance de ce conseil ; qu’il fait obstacle à ce que le premier président ou le procureur général de la Cour de cassation, ainsi que les autres chefs de cour ou de juridiction membres de ce conseil, délibèrent ou procèdent à des actes préparatoires d’avis ou de décisions relatifs soit aux nominations pour exercer des fonctions dans leur juridiction soit aux magistrats exerçant des fonctions dans leur juridiction ; que le principe d’indépendance des membres du Conseil supérieur de la magistrature fait également obstacle à ce que le premier président et le procureur général de la Cour de cassation participent aux décisions ou aux avis relatifs aux magistrats qui ont, antérieurement, été membres du Conseil supérieur de la magistrature sous leur présidence ; que, sous ces réserves, les articles 10-1 et 10-2 précités ne sont pas contraires à la Constitution ; 13. Considérant que l’article 9 donne une nouvelle rédaction de l’article 12 de la loi organique du 5 février 1994 ; qu’aux termes de cet article : « L’autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances » ; qu’aux termes du premier alinéa du paragraphe II de l’article 7 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée : « Les crédits sont spécialisés par programme ou par dotation » ; qu’aux termes du sixième alinéa du paragraphe I du même article : « Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation » ; qu’en conférant au Conseil supérieur de la magistrature « l’autonomie budgétaire », le législateur organique a, sans méconnaître la Constitution, entendu confier à la loi de finances le soin de créer un programme permettant de regrouper de manière cohérente les crédits de ce conseil ; que, dans ces conditions, l’article 9 de la loi organique n’est pas contraire à la Constitution ; 14. Considérant que l’article 15 insère dans la loi organique du 5 février 1994 un article 18-1 qui dispose : « Lorsqu’elle siège en matière disciplinaire, la formation compétente comprend un nombre égal de membres appartenant à l’ordre judiciaire et de membres n’y appartenant pas » ; que, toutefois, sous réserve des exigences d’impartialité susceptibles d’imposer leur déport, les membres du Conseil supérieur de la magistrature, dont la liste est fixée par l’article 65 de la Constitution, tiennent de cet article le droit et le devoir de participer aux travaux et aux délibérations de ce conseil ; qu’en imposant que les formations disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature ne puissent siéger que dans une composition comprenant autant de magistrats que de membres n’appartenant pas à l’autorité judiciaire, l’article 15 conduit à ce que certains membres du Conseil soient exclus de ses délibérations à raison de l’éventuelle absence d’autres membres ; que, par suite, il méconnaît l’article 65 de la Constitution ; 15. Considérant que l’article 17 insère dans la loi organique du 5 février 1994 un article 20-2 relatif à la compétence de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature ; que cet article dispose : « La formation plénière du Conseil supérieur a compétence pour connaître des demandes formulées soit par le Président de la République, au titre de l’article 64 de la Constitution, soit par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les questions énumérées par l’article 65 de la Constitution, ainsi que pour se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats. Elle élabore et rend public un recueil des obligations déontologiques des magistrats » ; qu’en permettant à la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature de se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats sans être saisie à cette fin par le garde des sceaux, ces dispositions méconnaissent le huitième alinéa de l’article 65 de la Constitution ; que, par suite, à l’article 17, les mots : « , ainsi que pour se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; - SUR LA SAISINE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE PAR LES JUSTICIABLES : 16. Considérant qu’aux termes du dixième alinéa de l’article 65 de la Constitution : « Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique » ; 17. Considérant qu’à cette fin, d’une part, l’article 14 donne une nouvelle rédaction de l’article 18 de la loi organique du 5 février 1994 ; qu’il institue au sein du Conseil supérieur de la magistrature des commissions d’admission des requêtes composées « pour chaque formation du Conseil supérieur, de quatre de ses membres, deux magistrats et deux personnalités extérieures au corps judiciaire, désignés chaque année par le président de la formation » ; que ces commissions sont chargées d’examiner les plaintes dont les justiciables saisissent le Conseil supérieur de la magistrature et de se prononcer sur leur renvoi à la formation compétente de ce conseil ; 18. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de cet article 18 : « Les membres de la commission d’admission des requêtes ne peuvent siéger dans la formation siégeant en matière disciplinaire lorsque celle-ci est saisie d’une affaire qui lui a été renvoyée par la commission d’admission des requêtes à laquelle ils appartiennent ou lorsque le Conseil supérieur de la magistrature est saisi, par les autorités mentionnées aux articles 50-1, 50-2 et aux deux premiers alinéas de l’article 63 de la loi organique relative au statut de la magistrature, de faits identiques à ceux invoqués par un justiciable dont la commission d’admission des requêtes a rejeté la plainte » ; que le législateur organique a ainsi veillé à garantir l’impartialité des formations du Conseil supérieur de la magistrature statuant en matière disciplinaire ; 19. Considérant que, d’autre part, l’article 25 insère dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 un article 50-3 dont le premier alinéa dispose : « Tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat du siège dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature » ; que ce même article définit les conditions de recevabilité de ces plaintes et fixe les modalités selon lesquelles elles sont examinées par une des commissions précitées ; que les articles 26 à 30 adaptent la procédure disciplinaire applicable aux magistrats du siège ; que, s’agissant des magistrats du parquet, les articles 32 à 35 modifient les articles 63 à 66 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 pour y insérer des dispositions analogues ; 20. Considérant, en particulier, que les alinéas 3 à 7 de l’article 50-3 de cette même ordonnance et les alinéas 6 à 10 de son article 63 fixent les conditions de recevabilité de la plainte d’un justiciable ; qu’en premier lieu, à peine d’irrecevabilité, la plainte ne peut être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure ou un magistrat du parquet dont le parquet ou le parquet général demeure saisi de la procédure « sauf si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d’admission des requêtes estime qu’elle doit faire l’objet d’un examen au fond » ; qu’en outre, selon ces mêmes articles, à peine d’irrecevabilité, la plainte : « - ne peut être présentée après l’expiration d’un délai d’un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure ; « - doit contenir l’indication détaillée des faits et griefs allégués ; « - doit être signée par le justiciable et indiquer son identité, son adresse ainsi que les éléments permettant d’identifier la procédure en cause » ; 21. Considérant qu’aucune exigence constitutionnelle n’interdit que la plainte d’un justiciable susceptible d’entraîner une procédure disciplinaire à l’encontre d’un magistrat puisse être déclarée recevable alors même que ce dernier ou le parquet auquel il appartient demeure saisi de la procédure à l’occasion de laquelle la plainte est déposée ; que, toutefois, il appartient, en pareil cas, au législateur organique d’adopter les garanties appropriées pour que la mise en oeuvre de cette procédure ne porte pas atteinte à l’impartialité des magistrats mis en cause ou à leur indépendance à l’égard des parties à la procédure et ne méconnaisse pas l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ; 22. Considérant que les dispositions soumises à l’examen du Conseil constitutionnel fixent, comme seuls critères de recevabilité, « la nature de la procédure » et « la gravité du manquement évoqué » ; qu’ainsi, elles délèguent aux commissions d’admission des requêtes le pouvoir de décider dans quelles procédures et dans quels cas la plainte d’un justiciable à l’encontre d’un magistrat qui demeure saisi de la procédure peut être déclarée recevable ; qu’elles permettent à ces commissions d’entendre le magistrat mis en cause alors qu’en vertu du premier alinéa de l’article 51 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée et du dix-huitième alinéa de son article 63, il n’a droit à la communication de son dossier et des pièces de l’enquête qu’à compter de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature ; que le délai d’un an au-delà duquel la plainte n’est pas recevable, prévu par le quatrième alinéa de l’article 50-3 de cette même ordonnance et le huitième alinéa de son article 63, ne court pas tant qu’il n’a pas été mis fin à la procédure ; que la décision de la commission d’admission des requêtes sur la plainte du justiciable n’est encadrée par aucun délai ; que, dans ces conditions, le législateur organique n’a pas adopté les garanties appropriées pour que la recevabilité d’une plainte d’un justiciable à l’encontre d’un magistrat qui demeure saisi de la procédure ne porte pas atteinte aux principes d’impartialité et d’indépendance des magistrats et ne méconnaisse pas l’objectif de bonne administration de la justice ; que, par suite, au quatrième alinéa de l’article 50-3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 et au septième alinéa de son article 63, les mots : « sauf si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d’admission des requêtes estime qu’elle doit faire l’objet d’un examen au fond » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; - SUR LE STATUT DE LA MAGISTRATURE : 23. Considérant que l’article 20 donne une nouvelle rédaction de l’article 38-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relatif aux procureurs généraux ; qu’il prévoit que ces derniers sont nommés sur un emploi hors hiérarchie du parquet de la Cour de cassation ; qu’il maintient la règle selon laquelle ils ne peuvent exercer cette fonction plus de sept ans et détermine les emplois et fonctions auxquels ils sont affectés lorsqu’ils sont déchargés de cette fonction ; que ces dispositions, qui tirent les conséquences de l’extension de la compétence du Conseil supérieur de la magistrature pour donner un avis sur la nomination des procureurs généraux, sont conformes à la Constitution ; 24. Considérant que l’article 21 modifie l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 qui définit la faute disciplinaire comme « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité » ; que le 1° de cet article 43 précise que « constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties constatée par une décision de justice devenue définitive » ; que cette précision est conforme aux exigences constitutionnelles rappelées au considérant 7 de la décision du Conseil constitutionnel du 1er mars 2007 susvisée ; 25. Considérant que les autres dispositions de la loi organique ne sont pas contraires à la Constitution, Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi organique relative à l’application de l’article 65 de la Constitution : - l’article 15 ; - à l’article 17, les mots : « , ainsi que pour se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats » figurant à l’article 20-2 de la loi organique du 5 février 1994 susvisée ; - aux articles 25 et 32, les mots : « sauf si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d’admission des requêtes estime qu’elle doit faire l’objet d’un examen au fond » figurant respectivement au quatrième alinéa de l’article 50-3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée et au septième alinéa de son article 63. Article 2.- Sous les réserves énoncées au considérant 12, s’agissant des articles 10-1 et 10-2 de la loi organique du 5 février 1994 susvisée, l’article 7 de la même loi organique est conforme à la Constitution. Article 3.- Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution. Article 4.- À l’article 3, la phrase : « Elles sont soumises, dans les conditions prévues par cet article, à la commission permanente compétente en matière d’organisation judiciaire de chaque assemblée », figurant à l’article 5-2 de la loi organique du 5 février 1994 susvisée, n’a pas le caractère organique. Article 5.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique relative à l'application de l'article 65 de la Constitution. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre, et par délégation, Le Secrétaire général du Gouvernement
CONSTIT/CONSTEXT000022524590.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 16 juin 2010, par le Premier ministre, conformément aux dispositions de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ; Vu la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, adoptée par l’Assemblée nationale le 15 juin 2010, ensemble la décision n° 2010-609 DC du 12 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le Premier ministre n’invoque aucun grief particulier à l’encontre de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ; 2. Considérant qu’aux termes du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés » ; 3. Considérant que l’article 1er de la loi déférée détermine, dans un tableau annexe, les commissions permanentes des assemblées parlementaires compétentes pour donner leur avis sur les nominations aux emplois ou fonctions tels que fixés par la loi organique adoptée le même jour sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ; qu’il prévoit que ces avis sont précédés d’une audition de la personne dont la nomination est envisagée et que cette audition est publique sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale ; qu’il précise que cette audition ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public ; 4. Considérant que l’article 2 de la loi déférée modifie diverses dispositions législatives pour tirer les conséquences de la nouvelle procédure de consultation des commissions permanentes des assemblées ; 5. Considérant que les articles 3, 4 et 5 désignent la commission chargée des lois constitutionnelles de chaque assemblée parlementaire pour émettre un avis sur les nominations des membres du Conseil constitutionnel sur le fondement du premier alinéa de l’article 56 de la Constitution, sur celle du Défenseur des droits sur le fondement du quatrième alinéa de son article 71-1 et sur celles des personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature sur le fondement du deuxième alinéa de son article 65 ; 6. Considérant, enfin, que l’article 6 de la loi déférée modifie l’article 5 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée pour prévoir que, lorsqu’il est procédé à un vote en commission en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, les scrutins doivent être dépouillés au même moment dans les deux assemblées ; 7. Considérant qu’aucune de ces dispositions n’est contraire à la Constitution, Article 1er.- La loi relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est conforme à cette dernière. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, j’ai l'honneur de vous transmettre la loi relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, a l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre, et par délégation, Le Secrétaire général du Gouvernement, Serge Lasvignes
CONSTIT/CONSTEXT000022524589.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 16 juin 2010, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote ; Vu la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 portant application de l’article 25 de la Constitution, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-572 DC du 8 janvier 2009 ; Vu la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-576 DC du 3 mars 2009 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ainsi que sur celui de son article 27 ; qu’elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l’article 46 de la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS RELEVANT DU CINQUIÈME ALINÉA DE L’ARTICLE 13 DE LA CONSTITUTION : 2. Considérant qu’aux termes du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés » ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel : « Le pouvoir de nomination du Président de la République aux emplois et fonctions dont la liste est annexée à la présente loi organique s’exerce dans les conditions fixées au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution » ; 4. Considérant que le législateur a pu estimer, eu égard à leur importance pour la garantie des droits et libertés et pour la vie économique et sociale de la Nation, que les emplois figurant dans la liste annexée à la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel relevaient de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ; que l’article 1er de la loi organique n’est pas contraire à la Constitution ; 5. Considérant que l’article 2 de la loi organique modifie l’article L.O. 567-9 du code électoral et l’article unique de la loi organique du 5 mars 2009 susvisée pour y mentionner la référence à la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ; qu’il abroge, en outre, les dispositions de l’article L.O. 567-9 qui ne relèvent pas du domaine de la loi organique ; qu’il n’est pas contraire à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS RELEVANT DE L’ARTICLE 27 DE LA CONSTITUTION : 6. Considérant qu’aux termes de l’article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat » ; qu’il ressort de cette disposition que le constituant a posé le principe du vote personnel des parlementaires et de l’interdiction de délégation de vote sauf autorisation prévue à titre exceptionnel par la loi organique ; que, ce faisant, il a nécessairement habilité la loi organique à définir des cas dans lesquels toute délégation de vote est interdite ; 7. Considérant que l’article 3 de la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel complète l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 susvisée par l’alinéa suivant : « Il ne peut y avoir de délégation lors d’un scrutin destiné à recueillir l’avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution » ; qu’en déterminant un cas dans lequel les membres du Parlement ne sont pas autorisés à déléguer leur droit de vote, le législateur organique n’a pas méconnu la Constitution, Article 1er.- La loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est conforme à cette dernière. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre, et par délégation, Le Secrétaire général du Gouvernement, Serge Lasvignes
CONSTIT/CONSTEXT000022524588.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 27 mai 2010, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ; Vu le code électoral, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 85-205 DC du 28 décembre 1985 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-427 DC du 30 mars 2000 ; Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-579 DC du 9 avril 2009 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement non seulement des articles 69 et 71 de la Constitution mais également de son article 39 ; qu’elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l’article 46 de la Constitution ; - SUR L’ÉTENDUE DU CONTRÔLE : 2. Considérant que l’article 8 de la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel complète l’article 7-1 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 susvisée afin de préciser que le mandat de sénateur est incompatible avec la qualité de membre du Conseil économique, social et environnemental ; que cette incompatibilité résulte déjà de la combinaison de l’article 7-1 précité avec les articles L.O. 139 et L.O. 297 du code électoral ; que le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans ses décisions susvisées du 28 décembre 1985 et du 30 mars 2000 ; qu’il n’y a pas lieu de procéder à un nouvel examen de cette incompatibilité ; - SUR LES DISPOSITIONS RELEVANT DE L’ARTICLE 69 DE LA CONSTITUTION : 3. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 69 de la Constitution : « Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu’il propose d’y donner » ; 4. Considérant que l’article 5 de la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel insère dans l’ordonnance du 29 décembre 1958 susvisée un article 4-1 qui organise le droit de pétition prévu par les dispositions précitées ; que cet article exige notamment que la pétition porte sur une question à caractère économique, social ou environnemental, qu’elle soit rédigée en français, qu’elle soit signée par au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France, qu’elle soit déclarée recevable par le bureau du Conseil économique, social et environnemental, qu’elle fasse ensuite l’objet d’un avis en assemblée plénière dans le délai d’un an et, enfin, que cet avis soit adressé au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat, et publié au Journal officiel ; que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS RELEVANT DE L’ARTICLE 71 DE LA CONSTITUTION : 5. Considérant qu’aux termes de l’article 71 de la Constitution : « La composition du Conseil économique, social et environnemental, dont le nombre de membres ne peut excéder deux cent trente-trois, et ses règles de fonctionnement sont fixées par une loi organique » ; 6. Considérant que l’article 7 de la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel modifie la composition du Conseil économique, social et environnemental, dans la limite fixée par l’article 71 de la Constitution, afin notamment d’y faire siéger des personnes au titre de la protection de la nature et de l’environnement ; qu’il tend également à favoriser la place des femmes dans cette institution sur le fondement du second alinéa de l’article 1er de la Constitution aux termes duquel : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ; 7. Considérant que son article 9 limite à deux le nombre de mandats successifs qui pourront être exercés par les membres du Conseil économique, social et environnemental et complète les dispositions relatives à leur remplacement en cas de vacance ; 8. Considérant que les autres dispositions de la loi organique relevant de l’article 71 de la Constitution, à l’exception de son article 10, modifient la rédaction de l’ordonnance du 29 décembre 1958 susvisée pour adapter le fonctionnement du Conseil économique, social et environnemental aux nouvelles missions qui lui ont été confiées par le constituant ; 9. Considérant que l’ensemble de ces dispositions n’est pas contraire à la Constitution ; 10. Considérant, en revanche, que l’article 10 de la loi organique prévoit qu’à l’issue d’une période de quatre ans puis tous les dix ans, le Gouvernement remet au Parlement, après avis du Conseil économique, social et environnemental, un rapport relatif à l’actualisation de sa composition ; qu’il dispose que ce rapport doit faire l’objet d’un débat devant le Parlement ; que, d’une part, en subordonnant le dépôt de ce rapport à un avis du Conseil économique, social et environnemental, il méconnaît le champ de compétence de ce dernier tel que défini par les articles 69 et 70 de la Constitution ; que, d’autre part, en exigeant un débat devant le Parlement sur ce rapport, il porte atteinte aux modalités de fixation de l’ordre du jour des assemblées parlementaires telles que déterminées par l’article 48 de la Constitution ; que, par suite, il doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS RELEVANT DE L’ARTICLE 39 DE LA CONSTITUTION : 11. Considérant qu’aux termes des troisième et quatrième alinéas de l’article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. – Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours » ; 12. Considérant que l’article 3 de la loi organique complète l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée afin de préciser que l’étude d’impact jointe à un projet de loi doit exposer « s’il y a lieu, les suites données par le Gouvernement à l’avis du Conseil économique, social et environnemental » ; que, sous les mêmes réserves que celles énoncées par le Conseil constitutionnel dans les considérants 15 et 17 de sa décision du 9 avril 2009 susvisée, cet article n’est pas contraire à la Constitution, Article 1er.- L’article 10 de la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental est contraire à la Constitution. Article 2.- Sous les réserves énoncées au considérant 12, l’article 3 de la même loi organique n’est pas contraire à la Constitution. Article 3.- Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre, Et par délégation, Le Secrétaire général du Gouvernement Serge Lasvignes
CONSTIT/CONSTEXT000022524598.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juin 2010 par la Cour de cassation (arrêts n° 12027 et n° 12028 du 31 mai 2010), puis le 11 juin 2010 par cette même cour (arrêt n° 12039 du 4 juin 2010) dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, de trois questions prioritaire de constitutionnalité posée, respectivement, par la région LANGUEDOC-ROUSSILLON, Mme Irène C. et M. Francisco A., relatives à la conformité de l’article 575 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la région LANGUEDOC-ROUSSILLON par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 16 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 juin 2010 ; Vu les observations produites pour M. A. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, enregistrées le 23 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour les requérants, enregistrées le 30 juin et le 1er juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud Lyon-Caen pour la région LANGUEDOC-ROUSSILLON, Me Piwnica pour M. A., Me Thouin-Palat pour AGF et Mme Cécile BARROIS de SARIGNY, désignée par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 12 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les questions transmises par la Cour de cassation portent sur la même disposition législative ; qu’il y a donc lieu de les joindre pour y répondre par une seule décision ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article 575 du code de procédure pénale : « La partie civile ne peut se pourvoir en cassation contre les arrêts de la chambre de l’instruction que s’il y a pourvoi du ministère public. « Toutefois, son seul pourvoi est recevable dans les cas suivants : « 1° Lorsque l’arrêt de la chambre de l’instruction a dit n’y avoir lieu à informer ; « 2° Lorsque l’arrêt a déclaré l’irrecevabilité de l’action de la partie civile ; « 3° Lorsque l’arrêt a admis une exception mettant fin à l’action publique ; « 4° Lorsque l’arrêt a, d’office ou sur déclinatoire des parties, prononcé l’incompétence de la juridiction saisie ; « 5° Lorsque l’arrêt a omis de statuer sur un chef de mise en examen ; « 6° Lorsque l’arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; « 7° En matière d’atteintes aux droits individuels telles que définies aux articles 224-1 à 224-5 et 432-4 à 432-6 du code pénal » ; 3. Considérant que, selon les requérants, l’interdiction faite à la partie civile de se pourvoir contre un arrêt de non-lieu de la chambre de l’instruction en l’absence de pourvoi du ministère public porte atteinte au principe d’égalité devant la loi et la justice, au droit à un recours effectif et aux droits de la défense ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ; 5. Considérant qu’en vertu de l’article préliminaire du code de procédure pénale, l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale ; qu’aux termes de l’article 1er de ce même code : « L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. – Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code » ; que son article 2 dispose : « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction » ; 6. Considérant qu’en application de l’article 85 du code de procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent ; qu’au cours de l’instruction préparatoire, la partie civile peut accéder à la procédure, être informée du déroulement de celle-ci, formuler une demande ou présenter une requête en annulation d’actes d’instruction ou demander la clôture de la procédure ; que, conformément à l’article 87 du même code, elle peut interjeter appel de l’ordonnance déclarant sa constitution irrecevable ; que, par application des deuxième et troisième alinéas de son article 186, elle peut également former appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu, des ordonnances faisant grief à ses intérêts ainsi que de l’ordonnance par laquelle le juge statue sur sa compétence ; que la même faculté d’appel lui est ouverte par l’article 186-1 de ce code, pour les ordonnances refusant les actes d’instruction qu’elle a demandés, relatives à la prescription de l’action publique ou écartant une demande d’expertise ; qu’en vertu de l’article 186-3, il en va de même de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel si la victime estime que les faits renvoyés constituent un crime ; 7. Considérant qu’aux termes de l’article 567 du même code, les arrêts de la chambre de l’instruction peuvent être annulés en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public ou la partie civile à laquelle il est fait grief suivant les distinctions établies ; 8. Considérant que la partie civile n’est pas dans une situation identique à celle de la personne mise en examen ou à celle du ministère public ; que, toutefois, la disposition contestée a pour effet, en l’absence de pourvoi du ministère public, de priver la partie civile de la possibilité de faire censurer, par la Cour de cassation, la violation de la loi par les arrêts de la chambre de l’instruction statuant sur la constitution d’une infraction, la qualification des faits poursuivis et la régularité de la procédure ; qu’en privant ainsi une partie de l’exercice effectif des droits qui lui sont garantis par le code de procédure pénale devant la juridiction d’instruction, cette disposition apporte une restriction injustifiée aux droits de la défense ; que, par suite, l’article 575 de ce code doit être déclaré contraire à la Constitution ; 9. Considérant que l’abrogation de l’article 575 est applicable à toutes les instructions préparatoires auxquelles il n’a pas été mis fin par une décision définitive à la date de publication de la présente décision, D É C I D E : Article 1er.- L’article 575 du code de procédure pénale est déclaré contraire à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 23 juillet 2010
CONSTIT/CONSTEXT000022524599.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juin 2010 par le Conseil d’État (décision n° 338728 du 31 mai 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Philippe E. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 1° du 7 de l’article 158 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l’article 76 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 ; Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 relative à la loi de finances pour 1990 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-605 DC du 12 mai 2010 portant sur la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 juin 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Thomas Jany, avocat au barreau de Bordeaux, pour M. E. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 12 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le 7 de l’article 158 du code général des impôts dispose que le montant des revenus et charges retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu, est, dans des cas limitativement énumérés, multiplié par 1,25 ; que le 1° du 7 de cet article 158, dans sa rédaction issue du 4° du paragraphe I de l’article 76 de la loi du 30 décembre 2005 susvisée, prévoit que ces dispositions s’appliquent « aux titulaires de revenus passibles de l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d’imposition qui ne sont pas adhérents d’un centre de gestion ou association agréé défini aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, à l’exclusion des membres d’un groupement ou d’une société mentionnés aux articles 8 à 8 quinquies et des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d’une même société ou groupement adhérant à l’un de ces organismes » ; 2. Considérant que les dispositions du 1° du 7 de l’article 158 du code général des impôts précitées étaient applicables du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; qu’elles ont été modifiées par la loi du 27 décembre 2008 susvisée ; que le Conseil d’État les a jugées applicables au litige ; que, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 mai 2010 susvisée, le constituant, en adoptant l’article 61-1 de la Constitution, a reconnu à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que la modification ou l’abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l’atteinte éventuelle à ces droits et libertés ; qu’elle n’ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite, elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil constitutionnel au motif de l’absence de caractère sérieux de cette dernière ; 3. Considérant que, selon le requérant, les dispositions précitées instituent une différence de traitement injustifiée entre les contribuables adhérant à un centre ou à une association de gestion agréé et ceux qui n’y adhèrent pas, nonobstant le fait que les comptes de ces derniers sont établis et certifiés par un expert-comptable inscrit au tableau régional de l’ordre des experts-comptables et commissaires aux comptes ; qu’ainsi, elles méconnaîtraient le principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 5. Considérant que le 1° du 7 de l’article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du 4° du paragraphe I de l’article 76 de la loi du 30 décembre 2005 susvisée, prévoit une majoration de 25 % du revenu professionnel lorsque celui-ci est réalisé par des contribuables qui n’adhèrent pas à un centre ou à une association de gestion agréé ; 6. Considérant que ces organismes de gestion agréés ont été institués pour procurer à leurs adhérents une assistance technique en matière de tenue de comptabilité et favoriser une meilleure connaissance des revenus non salariaux, afin de mettre en œuvre l’objectif constitutionnel de lutte contre l’évasion fiscale ; que, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 1989 susvisée, le législateur, tenant compte de la spécificité du régime juridique des adhérents à un organisme de gestion agréé, a pu en contrepartie encourager l’adhésion à un tel organisme par l’octroi d’avantages fiscaux, et notamment d’un abattement correspondant, avant le 1er janvier 2006, à 20 % du bénéfice imposable ; 7. Considérant que la majoration, à compter du 1er janvier 2006, de 25 % de la base d’imposition des non-adhérents est intervenue dans le cadre d’une réforme globale de l’impôt sur le revenu qui a concerné tous les contribuables ; que cette mesure est la contrepartie, arithmétiquement équivalente, de la suppression de l’abattement de 20 % dont bénéficiaient, avant cette réforme de l’impôt, les adhérents à un organisme de gestion agréé ; qu’ainsi, la différence de traitement entre adhérents et non adhérents demeure justifiée à l’instar du régime antérieur et ne crée donc pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; que le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit être rejeté ; 8. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le 1° du 7 de l’article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du 4° du paragraphe I de l’article 76 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 23 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022524600.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 juin 2010 par le Conseil d’État (décision n° 338377 du 7 juin 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Lahcène A. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l’article L. 253 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 juin 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-Emmanuel Nunes, avocat au barreau de Paris, pour M. A. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 12 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le troisième alinéa de l’article L. 253 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre dispose qu’ont vocation à la qualité de combattant et à l’attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l’application du titre Ier du livre III du même code et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d’Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, « les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions en tant qu’elles posent une condition de nationalité ou de domiciliation portent atteinte au principe d’égalité devant la loi garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’elles méconnaîtraient également l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les premier et dix-huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 4. Considérant que les dispositions précitées ont pour objet d’attribuer, en témoignage de la reconnaissance de la République française, la carte du combattant aux membres des forces supplétives françaises qui ont servi pendant la guerre d’Algérie ou les combats en Tunisie et au Maroc ; que le législateur ne pouvait établir, au regard de l’objet de la loi et pour cette attribution, une différence de traitement selon la nationalité ou le domicile entre les membres de forces supplétives ; que, dès lors, l’exigence d’une condition de nationalité et de domiciliation posée par le troisième alinéa de l’article 253 bis du code précité est contraire au principe d’égalité ; 5. Considérant que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, les mots : « possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » figurant dans le troisième alinéa de l’article 253 bis du code précité doivent être déclarés contraires à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Dans le troisième alinéa de l’article L. 253 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, les mots : « possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » sont déclarés contraires à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 23 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022480068.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 mai 2010 par la Cour de cassation (arrêts n° 12006 et n° 12007 du 7 mai 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée, respectivement, par MM. Stéphane A. et Marc P. et par M. Francis H., relative à la conformité de l’article L. 7 du code électoral aux droits et libertés que la Constitution garantit. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral, notamment son article L. 30 ; Vu le code pénal ; Vu la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. H. par la SCP Ortscheidt, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 mai 2010 ; Vu les observations produites pour M. P. par Me Patrick Tabet, avocat au Barreau de Paris et près les tribunaux de Saint-Pierre-et-Miquelon, enregistrées le 19 mai 2010 ; Vu les observations produites pour M. A. par la SELARL Flécheux et Associés, avocat au Barreau de Paris, enregistrées le 20 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 mai 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour M. P. par Me Patrick Tabet, enregistrées le 26 mai 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Xavier Flécheux, pour M. A., Me Virginie Colin, pour M. P., Me Jérôme Ortscheidt, pour M. H., et Mme Sophie Rimeu, désignée par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 2 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les deux questions transmises par la Cour de cassation portent sur la même disposition législative ; qu’il y a donc lieu de les joindre pour y répondre par une seule décision ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 7 du code électoral : « Ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1, 433-2, 433 3 et 433-4 du code pénal ou pour le délit de recel de l’une de ces infractions, défini par les articles 321 1 et 321-2 du code pénal » ; 3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte aux principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d’individualisation des peines qui découle de cet article implique que la peine emportant l’interdiction d’être inscrit sur une liste électorale et l’incapacité d’exercer une fonction publique élective qui en résulte ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; 5. Considérant que l’interdiction d’inscription sur la liste électorale imposée par l’article L. 7 du code électoral vise notamment à réprimer plus sévèrement certains faits lorsqu’ils sont commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public ; qu’elle emporte une incapacité d’exercer une fonction publique élective d’une durée égale à cinq ans ; qu’elle constitue une sanction ayant le caractère d’une punition ; que cette peine privative de l’exercice du droit de suffrage est attachée de plein droit à diverses condamnations pénales sans que le juge qui décide de ces mesures ait à la prononcer expressément ; qu’il ne peut davantage en faire varier la durée ; que, même si l’intéressé peut être, en tout ou partie, y compris immédiatement, relevé de cette incapacité dans les conditions définies au second alinéa de l’article 132-21 du code pénal, cette possibilité ne saurait, à elle seule, assurer le respect des exigences qui découlent du principe d’individualisation des peines ; que, par suite, l’article L. 7 du code électoral méconnaît ce principe et doit être déclaré contraire à la Constitution ; 6. Considérant que l’abrogation de l’article L. 7 du code électoral permet aux intéressés de demander, à compter du jour de publication de la présente décision, leur inscription immédiate sur la liste électorale dans les conditions déterminées par la loi, D É C I D E : Article 1er.- L’article L. 7 du code électoral est déclaré contraire à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 11 juin 2010
CONSTIT/CONSTEXT000022480069.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 mai 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12005 du 7 mai 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Christiane A., épouse L., et M. Roger L., portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 451-1 et L. 452-1 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 46-2426 du 30 octobre 1946 relative a la prévention et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. et Mme L., par la SCP Ghestin, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 31 mai 2010 ; Vu les observations produites pour la Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez (SATA), par Me Odent, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 31 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 mai 2010 ; Vu les observations produites pour la Compagnie AXA France IARD par la SCP Célice-Blancpain-Soltner, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 juin 2010 ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-Pierre Ghestin pour les requérants, Me Bruno Odent pour la SATA, Me Benoît Soltner pour la Compagnie AXA France IARD et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l’audience publique du 15 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : « Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit » ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 452-1 du même code : « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants » ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 452-2 : « Dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. « Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. « Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale. « En cas d’accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l’ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d’un ayant droit cesse d’être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu’il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l’article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit. « Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l’article L. 434-17. « La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le montant par l’imposition d’une cotisation complémentaire dont le taux et la durée sont fixés par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail sur la proposition de la caisse primaire, en accord avec l’employeur, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale compétente. « La cotisation complémentaire ainsi prévue ne peut être perçue au-delà d’une certaine durée et son taux excéder ni une fraction de la cotisation normale de l’employeur, ni une fraction des salaires servant de base à cette cotisation. « Dans le cas de cession ou de cessation de l’entreprise, le capital correspondant aux arrérages à échoir est immédiatement exigible » ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 452-3 du même code : « Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation. « De même, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée. « La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur » ; 5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 452-4 : « À défaut d’accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d’une part, et l’employeur d’autre part, sur l’existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l’article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d’assurance maladie, d’en décider. La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement. « L’auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci. « L’employeur peut s’assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu’il s’est substitués dans la direction de l’entreprise ou de l’établissement. « Des actions de prévention appropriées sont organisées dans des conditions fixées par décret, après consultation des organisations représentatives des employeurs et des salariés. « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable d’un employeur garanti par une assurance à ce titre, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail peut imposer à l’employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l’article L. 242-7. Le produit en est affecté au fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. « Le paiement des cotisations complémentaires prévues à l’article L. 452-2 et, au cas de cession ou de cessation de l’entreprise, le paiement du capital mentionné au même article sont garantis par privilège dans les conditions et au rang fixés par les articles L. 243-4 et L. 243-5 » ; 6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 452-5 : « Si l’accident est dû à la faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre. « Les caisses primaires d’assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités mentionnées par le présent livre. Elles sont admises de plein droit à intenter contre l’auteur de l’accident une action en remboursement des sommes payées par elles. « Si des réparations supplémentaires mises à la charge de l’auteur responsable de l’accident, en application du présent article, sont accordées sous forme de rentes, celles-ci doivent être constituées par le débiteur dans les deux mois de la décision définitive ou de l’accord des parties à la caisse nationale de prévoyance suivant le tarif résultant du présent code. « Dans le cas prévu au présent article, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail peut imposer à l’employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l’article L. 242-7 » ; 7. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions législatives sont contraires au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’au principe de responsabilité, qui découle de son article 4 ; qu’ils font valoir que le régime d’indemnisation des accidents du travail fait obstacle à ce que la victime obtienne de son employeur la réparation intégrale de son préjudice même dans l’hypothèse où ce dernier a commis une faute à l’origine de l’accident ; que le dispositif de majoration applicable lorsque l’employeur a commis une faute jugée inexcusable ne permet pas à la victime de l’accident d’obtenir la réparation de tous les préjudices subis ; que sont, en particulier, exclus du droit à réparation les préjudices qui ne sont pas mentionnés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu’à l’exception du cas où la faute commise par l’employeur revêt un caractère intentionnel, ces dispositions privent la victime de demander réparation de son préjudice selon les procédures de droit commun ; 8. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi « détermine les principes fondamentaux... du droit du travail... et de la sécurité sociale » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 9. Considérant que l’article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 10. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en principe, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d’agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu’il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; 11. Considérant, en premier lieu, qu’en instaurant un régime d’assurance sociale des accidents du travail et des maladies professionnelles, la loi du 30 octobre 1946 susvisée a mis en œuvre les exigences énoncées par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » ; 12. Considérant qu’en application de l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles relèvent des missions de la sécurité sociale dans les conditions fixées par les dispositions du livre IV de ce code ; que ces textes visent à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, à la réparation des dommages qui en résultent, ainsi qu’à la rééducation, la réadaptation et au reclassement des travailleurs qui en sont victimes ; qu’au titre de la réparation, les caisses d’assurance maladie prennent en charge des prestations en nature, l’indemnisation de l’incapacité temporaire et de l’incapacité permanente des victimes, ainsi que certains frais ; qu’en vertu de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, est instituée une organisation du contentieux général de la sécurité sociale chargée de régler les différends auxquels donne lieu l’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole qui ne relèvent pas, par leur nature, d’un autre contentieux ; 13. Considérant qu’aux termes de l’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale relatif aux ressources de la sécurité sociale, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles sont à la charge exclusive des employeurs ; que son article L. 242-7 prévoit que le montant acquitté par l’employeur au titre des cotisations peut varier en fonction soit des mesures de prévention ou de soins prises par l’employeur, soit des risques exceptionnels présentés par l’exploitation ou résultant d’une inobservation des mesures de prévention ; qu’ainsi financée, la charge des prestations et indemnités incombe aux caisses d’assurance maladie, sous réserve des obligations auxquelles l’employeur reste personnellement tenu en cas de faute inexcusable ou intentionnelle ; 14. Considérant que les dispositions contestées confèrent à la victime ou à ses ayants droit un droit à indemnisation du dommage résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et, en cas de litige, un droit de recours devant les juridictions de la sécurité sociale sans supprimer leur droit d’action contre l’employeur en cas de faute inexcusable ou intentionnelle ; que, pour concilier le droit des victimes d’actes fautifs d’obtenir la réparation de leur préjudice avec la mise en œuvre des exigences résultant du onzième alinéa du Préambule de 1946, il était loisible au législateur d’instaurer par les articles L. 451-1 et suivants du code de la sécurité sociale un régime spécifique de réparation se substituant partiellement à la responsabilité de l’employeur ; 15. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de la situation particulière du salarié dans le cadre de son activité professionnelle, la dérogation au droit commun de la responsabilité pour faute, résultant des règles relatives aux prestations et indemnités versées par la sécurité sociale en application des articles précités du code de la sécurité sociale, est en rapport direct avec l’objectif de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles visé par le livre IV de ce code ; 16. Considérant, en troisième lieu, qu’en application des dispositions du titre II du livre IV du code de la sécurité sociale, les prestations en nature nécessaires aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sont totalement prises en charge et payées par la caisse d’assurance maladie ; que, durant la période d’incapacité temporaire, la victime reçoit des indemnités journalières qui suppléent à la perte de son salaire ; que, lorsqu’elle est atteinte d’une incapacité permanente, lui est versée une indemnité forfaitaire calculée en tenant compte notamment du montant de son salaire et du taux de son incapacité ; qu’en dépit de sa faute même inexcusable, ce droit à réparation est accordé au salarié dès lors que l’accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail, pendant le trajet vers ou depuis son lieu de travail ou en cas de maladie d’origine professionnelle ; que, quelle que soit la situation de l’employeur, les indemnités sont versées par les caisses d’assurance maladie au salarié ou, en cas de décès, à ses ayants droit ; que ceux-ci sont ainsi dispensés d’engager une action en responsabilité contre l’employeur et de prouver la faute de celui-ci ; que ces dispositions garantissent l’automaticité, la rapidité et la sécurité de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ; qu’elles prennent également en compte la charge que représente l’ensemble des prestations servies ; que, par suite, en l’absence de faute inexcusable de l’employeur, la réparation forfaitaire de la perte de salaire ou de l’incapacité, l’exclusion de certains préjudices et l’impossibilité, pour la victime ou ses ayants droit, d’agir contre l’employeur, n’instituent pas des restrictions disproportionnées par rapport aux objectifs d’intérêt général poursuivis ; 17. Considérant que, lorsque l’accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leurs sont dues ; qu’en vertu de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, la majoration du capital ou de la rente allouée en fonction de la réduction de capacité de la victime ne peut excéder le montant de l’indemnité allouée en capital ou le montant du salaire ; qu’au regard des objectifs d’intérêt général précédemment énoncés, le plafonnement de cette indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l’incapacité n’institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ; 18. Considérant, en outre, qu’indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; 19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 18, les dispositions contestées ne sont contraires ni au principe de responsabilité, ni au principe d’égalité, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 18, les dispositions des articles L. 451-1 et L. 452-2 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et M. Pierre STEINMETZ. Rendu public le 18 juin 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022480064.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 avril 2010 par le Conseil d'État (décision n° 336753 du 14 avril 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Khedidja L. et M. Moktar L. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de : - l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981 ; - l'article 68 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ; - l'article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ; Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le président de l'Assemblée nationale, enregistrées le 22 avril 2010 ; Vu les observations produites pour Mme L. et M. L. par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour Mme L. et M. L. par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Maître Arnaud Lyon-Caen, pour les requérants, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 mai 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981 : « Les pensions, rentes ou allocations viagères attribuées aux ressortissants de l'Algérie sur le budget de l'État ou d'établissements publics de l'État et garanties en application de l'article 15 de la déclaration de principe du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie ne sont pas révisables à compter du 3 juillet 1962 et continuent à être payées sur la base des tarifs en vigueur à cette même date. « Elles pourront faire l'objet de revalorisations dans des conditions et suivant des taux fixés par décret. « Les dispositions prévues aux alinéas ci-dessus sont applicables aux prestations de même nature, également imputées sur le budget de l'État ou d'établissements publics de l'État, qui ont été attribuées aux ressortissants de l'Algérie après le 3 juillet 1962 en vertu des dispositions du droit commun ou au titre de dispositions législatives ou réglementaires particulières et notamment en application du décret n° 62-319 du 20 mars 1962. « La retraite du combattant pourra être accordée, au tarif tel qu'il est défini ci-dessus, aux anciens combattants qui remplissent les conditions requises postérieurement à la date d'effet de cet article ; » 2. Considérant qu'aux termes de l'article 68 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 : « I. Les prestations servies en application des articles 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959) et 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 (n° 81-734 du 3 août 1981) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. « II. Lorsque, lors de la liquidation initiale des droits directs ou à réversion, le titulaire n'a pas sa résidence effective en France, la valeur du point de base de sa prestation, telle qu'elle serait servie en France, est affectée d'un coefficient proportionnel au rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence et des parités de pouvoir d'achat de la France. Les parités de pouvoir d'achat du pays de résidence sont réputées être au plus égales à celles de la France. La résidence est établie au vu des frontières internationalement reconnues à la date de la publication de la présente loi. « Les parités de pouvoir d'achat sont celles publiées annuellement par l'Organisation des Nations unies ou, à défaut, sont calculées à partir des données économiques existantes. « III. Le coefficient dont la valeur du point de pension est affectée reste constant jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu la liquidation des droits effectuée en application de la présente loi. Ce coefficient, correspondant au pays de résidence du titulaire lors de la liquidation initiale des droits, est ensuite réévalué annuellement. « Le dispositif spécifique de revalorisation mentionné au II et au premier alinéa du présent III est exclusif du bénéfice de toutes les mesures catégorielles de revalorisation d'indices survenues depuis les dates d'application des textes visés au I ou à intervenir. « Le montant des prestations qui résulterait de l'application des coefficients ne peut être inférieur à celui que le titulaire d'une indemnité a perçu en vertu des dispositions mentionnées au I, majoré de 20 %. « IV. Sous les réserves mentionnées au deuxième alinéa du présent IV et sans préjudice des prescriptions prévues aux articles L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 48-1450 du 20 septembre 1948 portant réforme du régime des pensions civiles et militaires et ouverture de crédits pour la mise en application de cette réforme, et L. 53 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite (partie Législative), les dispositions des II et III sont applicables à compter du 1er janvier 1999. « Ce dispositif spécifique s'applique sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002. « V. Les pensions d'invalidité peuvent être révisées, sur la demande des titulaires présentée postérieurement à l'entrée en vigueur du présent texte, pour aggravation des infirmités indemnisées ou pour prise en compte des infirmités nouvelles en relation avec celles déjà indemnisées. « Les demandes d'indemnisation des infirmités non rémunérées sont recevables à compter du 1er janvier 2007 dans les conditions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. « VI. Les prestations servies en application des textes visés au I peuvent faire l'objet, à compter du 1er janvier 2002 et sur demande, d'une réversion. L'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de famille sont appréciées à la date d'effet des dispositions visées au I pour chaque État concerné. (. . .) « VIII. Les bénéficiaires des prestations mentionnées au I peuvent, sur demande, en renonçant à toutes autres prétentions, y substituer une indemnité globale et forfaitaire en fonction de l'âge des intéressés et de leur situation familiale. Le droit aux soins médicaux gratuits et à l'appareillage afférent à la prestation faisant l'objet d'une indemnité globale et forfaitaire est conservé. « IX. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du II, précise les conditions dans lesquelles l'octroi des prestations mentionnées au V peut être adapté à des situations particulières et détermine les conditions d'application du VIII » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 : « I. Les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France en application des articles 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959), 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 (n° 81-734 du 3 août 1981) et 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. « II. À compter du 1er janvier 2007, la valeur du point de base des retraites du combattant et des pensions militaires d'invalidité visées au I est égale à la valeur du point de base retenue pour les retraites du combattant et les pensions militaires d'invalidité servies en France telle qu'elle est définie par l'article L. 8 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. « III. À compter du 1er janvier 2007, les indices servant au calcul des pensions militaires d'invalidité des invalides visés au I du présent article sont égaux aux indices des pensions militaires des invalides servies en France, tels qu'ils sont définis à l'article L. 9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. « Les pensions en paiement visées au précédent alinéa seront révisées, sans ouvrir droit à intérêts de retard, à compter du 1er janvier 2007 sur la demande des intéressés déposée postérieurement à l'entrée en vigueur du présent article auprès de l'administration qui a instruit leurs droits à pension. « IV. À compter du 1er janvier 2007, les indices servant au calcul des pensions servies aux conjoints survivants et aux orphelins des pensionnés militaires d'invalidité visés au I du présent article sont égaux aux indices des pensions des conjoints survivants et des orphelins servies en France, tels qu'ils sont définis aux articles L. 49, L. 50, L. 51 (troisième à huitième alinéas), L. 51-1, L. 52, L. 52-2 et L. 54 (cinquième à septième alinéas) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. « Les pensions en paiement visées au précédent alinéa seront révisées, sans ouvrir droit à intérêts de retard, à compter du 1er janvier 2007 sur la demande des intéressés déposée postérieurement à l'entrée en vigueur du présent article auprès de l'administration qui a instruit leurs droits à pension. « Le bénéfice des articles L. 51 (premier et deuxième alinéas) et L. 54 (premier à quatrième et huitième alinéas) du même code n'est ouvert qu'aux personnes visées au premier alinéa du présent IV résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, dans les conditions prévues aux articles L. 380-1, L. 512-1 et L. 815-1 du code de la sécurité sociale. « Le VIII de l'article 170 de l'ordonnance portant loi de finances pour 1959 précitée, le IV de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 précitée, le dernier alinéa de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 précitée, l'article 132 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001) et le VI de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 précitée ne sont plus applicables à compter du 1er janvier 2007 en ce qu'ils concernent les pensions servies aux conjoints survivants des pensionnés militaires d'invalidité. À compter de cette date, les pensions à concéder aux conjoints survivants des pensionnés militaires d'invalidité sont établies dans les conditions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'alinéa précédent. (...) » ; 4. Considérant, en premier lieu, que, selon les requérants, le Conseil constitutionnel doit, au-delà des dispositions législatives qui font l'objet de la question, se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'ensemble des dispositions législatives relatives à la « cristallisation » des pensions, et notamment sur celle de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 susvisée ; que, selon le Premier ministre, c'est à tort que l'article 100 de la loi du 21 décembre 2006, qui ne serait pas applicable au litige, a été inclus dans la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée ; 5. Considérant, en second lieu, que, selon les requérants, les dispositions législatives précitées seraient contraires au principe d'égalité ; que le premier alinéa du paragraphe IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 donnerait aux dispositions de cet article un caractère rétroactif ; - SUR LA PROCÉDURE : 6. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, de remettre en cause la décision par laquelle le Conseil d'État ou la Cour de cassation a jugé, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, qu'une disposition était ou non applicable au litige ou à la procédure ou constituait ou non le fondement des poursuites ; 7. Considérant que, par suite, doivent être rejetées les conclusions des requérants tendant à ce que le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité à la Constitution de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 susvisée et des autres dispositions législatives relatives à la « cristallisation » des pensions, dès lors que ces dispositions ne figurent pas dans la question renvoyée par le Conseil d'État au Conseil constitutionnel ; qu'il en va de même des conclusions du Premier ministre tendant à ce que le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur la conformité à la Constitution de l'article 100 de la loi du 21 décembre 2006, dès lors que cette disposition est au nombre de celles incluses dans la question renvoyée par le Conseil d'État au Conseil constitutionnel ; - SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS CONTESTÉES : 8. Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; . En ce qui concerne l'article 26 de la loi du 3 août 1981 et l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 : 9. Considérant que les dispositions combinées de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 et de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 ont pour objet de garantir aux titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite, selon leur lieu de résidence à l'étranger au moment de l'ouverture de leurs droits, des conditions de vie en rapport avec la dignité des fonctions exercées au service de l'État ; qu'en prévoyant des conditions de revalorisation différentes de celles prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite, elles laissent subsister une différence de traitement avec les ressortissants français résidant dans le même pays étranger ; que, si le législateur pouvait fonder une différence de traitement sur le lieu de résidence en tenant compte des différences de pouvoir d'achat, il ne pouvait établir, au regard de l'objet de la loi, de différence selon la nationalité entre titulaires d'une pension civile ou militaire de retraite payée sur le budget de l'État ou d'établissements publics de l'État et résidant dans un même pays étranger ; que, dans cette mesure, lesdites dispositions législatives sont contraires au principe d'égalité ; . En ce qui concerne l'article 100 de la loi du 21 décembre 2006 : 10. Considérant que l'abrogation de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 et de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 a pour effet d'exclure les ressortissants algériens du champ des dispositions de l'article 100 de la loi du 21 décembre 2006 ; qu'il en résulte une différence de traitement fondée sur la nationalité entre les titulaires de pensions militaires d'invalidité et des retraites du combattant selon qu'ils sont ressortissants algériens ou ressortissants des autres pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France ; que cette différence est injustifiée au regard de l'objet de la loi qui vise à rétablir l'égalité entre les prestations versées aux anciens combattants qu'ils soient français ou étrangers ; que, par voie de conséquence, l'article 100 de la loi du 21 décembre 2006 doit également être déclaré contraire au principe d'égalité ; 11. Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions législatives contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution ; - SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTION-NALITÉ : 12. Considérant que l'abrogation de l'article 26 de la loi du 3 août 1981, de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 et de l'article 100 de la loi du 21 décembre 2006 a pour effet de replacer l'ensemble des titulaires étrangers, autres qu'algériens, de pensions militaires ou de retraite dans la situation d'inégalité à raison de leur nationalité résultant des dispositions antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 ; qu'afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision, Article premier.- Sont déclarés contraires à la Constitution : - l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981 ; - l'article 68 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception du paragraphe VII ; - l'article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, à l'exception du paragraphe V. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article premier prend effet à compter du 1er janvier 2011 dans les conditions fixées au considérant 12 de la présente décision. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 mai 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 28 mai 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022480065.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 avril 2010 par le Conseil d’État (décision n° 329290 du 14 avril 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Viviane L. et portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit : – des premier et troisième alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, – du 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l’action sociale et des familles ; Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; Vu la décision n° 133238 du Conseil d’État du 14 février 1997 ; Vu l’arrêt n° 99-13701 de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour Mme L. par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les observations produites pour l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, par la SCP Didier, Pinet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et pour la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF par Me Odent, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour Mme L. par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud Lyon-Caen, pour la requérante, et M. Charles Touboul, désigné par le Premier ministre ayant été entendus lors de l’audience publique du 2 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes du paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. « La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. « Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. « Les dispositions du présent paragraphe I sont applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation » ; 2. Considérant que les trois premiers alinéas du paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 précité ont été codifiés à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles par le 1 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée ; que le 2 de ce même paragraphe II a repris le dernier alinéa du paragraphe I précité en adaptant sa rédaction ; - SUR LE PREMIER ALINÉA DE L’ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES : 3. Considérant que, selon la requérante, l’interdiction faite à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du fait de sa naissance porterait atteinte au principe selon lequel nul n’ayant le droit de nuire à autrui, un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que cette interdiction, qui prive du droit d’agir en responsabilité l’enfant né handicapé à la suite d’une erreur de diagnostic prénatal, alors que ce droit peut être exercé par un enfant dont le handicap a été directement causé par la faute médicale, entraînerait une différence de traitement contraire à la Constitution ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l’article 61-1 de la Constitution, à l’instar de l’article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ; 5. Considérant que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des termes des deux premiers alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles qu’il n’est fait obstacle au droit de l’enfant de demander réparation aux professionnels et établissements de santé que lorsque la faute invoquée a eu pour seul effet de priver sa mère de la faculté d’exercer, en toute connaissance de cause, la liberté d’interrompre sa grossesse ; que ces professionnels et établissements demeurent tenus des conséquences de leur acte fautif dans tous les autres cas ; que, par suite, le premier alinéa de l’article L. 114-5 n’exonère pas les professionnels et établissements de santé de toute responsabilité ; 7. Considérant, en deuxième lieu, qu’après l’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 susvisé, le législateur a estimé que, lorsque la faute d’un professionnel ou d’un établissement de santé a eu pour seul effet de priver la mère de la faculté d’exercer, en toute connaissance de cause, la liberté d’interrompre sa grossesse, l’enfant n’a pas d’intérêt légitime à demander la réparation des conséquences de cette faute ; que, ce faisant, le législateur n’a fait qu’exercer la compétence que lui reconnaît la Constitution sans porter atteinte au principe de responsabilité ou au droit à un recours juridictionnel ; 8. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées ne font obstacle au droit de l’enfant né avec un handicap d’en demander la réparation que dans le cas où la faute invoquée n’est pas à l’origine de ce handicap ; que, dès lors, la différence de traitement instituée ne méconnaît pas le principe d’égalité ; 9. Considérant, par suite, que les griefs dirigés contre le premier alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles doivent être écartés ; - SUR LE TROISIÈME ALINÉA DE L’ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L’ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES : 10. Considérant que, selon la requérante, l’exigence d’une faute caractérisée pour que la responsabilité des professionnels et établissements de santé puisse être engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, ainsi que l’exclusion, pour ces parents, du droit de réclamer la réparation du préjudice correspondant aux charges particulières découlant de ce handicap tout au long de la vie porteraient également atteinte au principe de responsabilité ainsi qu’au « droit à réparation intégrale du préjudice » et méconnaîtraient le principe d’égalité ; 11. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en principe, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d’agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu’il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; . En ce qui concerne l’exigence d’une faute caractérisée : 12. Considérant qu’en subordonnant à l’existence d’une faute caractérisée la mise en œuvre de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, le législateur a entendu prendre en considération, en l’état des connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au diagnostic médical prénatal ; qu’à cette fin, il a exclu que cette faute puisse être présumée ou déduite de simples présomptions ; que la notion de « faute caractérisée » ne se confond pas avec celle de faute lourde ; que, par suite, eu égard à l’objectif poursuivi, l’atténuation apportée aux conditions dans lesquelles la responsabilité de ces professionnels et établissements peut être engagée n’est pas disproportionnée ; . En ce qui concerne l’exclusion de certains préjudices : 13. Considérant, en premier lieu, que les professionnels et établissements de santé demeurent tenus d’indemniser les parents des préjudices autres que ceux incluant les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap ; que, dès lors, le troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles n’exonère pas les professionnels et établissements de santé de toute responsabilité ; 14. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des travaux parlementaires de la loi du 4 mars 2002 susvisée que les dispositions critiquées tendent à soumettre la prise en charge de toutes les personnes atteintes d’un handicap à un régime qui n’institue de distinction ni en fonction des conditions techniques dans lesquelles le handicap peut être décelé avant la naissance, ni en fonction du choix que la mère aurait pu faire à la suite de ce diagnostic ; qu’en décidant, ainsi, que les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap, ne peuvent constituer un préjudice indemnisable lorsque la faute invoquée n’est pas à l’origine du handicap, le législateur a pris en compte des considérations éthiques et sociales qui relèvent de sa seule appréciation ; 15. Considérant que les dispositions critiquées tendent à répondre aux difficultés rencontrées par les professionnels et établissements de santé pour souscrire une assurance dans des conditions économiques acceptables compte tenu du montant des dommages-intérêts alloués pour réparer intégralement les conséquences du handicap ; qu’en outre, le législateur a notamment pris en compte les conséquences sur les dépenses d’assurance maladie de l’évolution du régime de responsabilité médicale ; que ces dispositions tendent ainsi à garantir l’équilibre financier et la bonne organisation du système de santé ; 16. Considérant, en troisième lieu, que les parents peuvent obtenir l’indemnisation des charges particulières résultant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap lorsque la faute a provoqué directement ce handicap, l’a aggravé ou a empêché de l’atténuer ; qu’ils ne peuvent obtenir une telle indemnisation lorsque le handicap n’a pas été décelé avant la naissance par suite d’une erreur de diagnostic ; que, dès lors, la différence instituée entre les régimes de réparation correspond à une différence tenant à l’origine du handicap; 17. Considérant, en quatrième lieu, que le troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la compensation des charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap relève de la solidarité nationale ; qu’à cette fin, en adoptant la loi du 11 février 2005 susvisée, le législateur a entendu assurer l’effectivité du droit à la compensation des conséquences du handicap quelle que soit son origine ; qu’ainsi, il a notamment instauré la prestation de compensation qui complète le régime d’aide sociale, composé d’allocations forfaitaires, par un dispositif de compensation au moyen d’aides allouées en fonction des besoins de la personne handicapée ; 18. Considérant que, dans ces conditions, la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne revêt pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis ; qu’elle n’est contraire ni au principe de responsabilité, ni au principe d’égalité, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - SUR LE 2 DU PARAGRAPHE II DE L’ARTICLE 2 DE LA LOI DU 11 FEVRIER 2005 SUSVISÉE : 19. Considérant qu’aux termes du 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Les dispositions de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation » ; 20. Considérant que, selon la requérante, l’application immédiate de ce dispositif « aux instances en cours et par voie de conséquence aux faits générateurs antérieurs à son entrée en vigueur » porte atteinte à la sécurité juridique et à la séparation des pouvoirs ; 21.Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; 22. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; 23. Considérant que le paragraphe I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée est entré en vigueur le 7 mars 2002 ; que le législateur l’a rendu applicable aux instances non jugées de manière irrévocable à cette date ; que ces dispositions sont relatives au droit d’agir en justice de l’enfant né atteint d’un handicap, aux conditions d’engagement de la responsabilité des professionnels et établissements de santé à l’égard des parents, ainsi qu’aux préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée ; que, si les motifs d’intérêt général précités pouvaient justifier que les nouvelles règles fussent rendues applicables aux instances à venir relatives aux situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient, antérieurement à cette date, engagé une procédure en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice ; que, dès lors, le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution, Article 1er.- Les premier et troisième alinéas de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles sont conformes à la Constitution. Article 2.- Le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est contraire à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 11 juin 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022480067.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 avril 2010 par le Conseil d'État (décision n° 327166 du 23 avril 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SNC KIMBERLY CLARK et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa du 1 de l'article 273 du code général des impôts, issu de l'article 18 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d’affaires et diverses dispositions d’ordre financier ; Vu le décret n° 67-1164 du 15 décembre 1967 assurant la mise en harmonie du code général des impôts avec les dispositions de la loi du 6 janvier 1966 susvisée ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la SNC KIMBERLY CLARK par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Président de l’Assemblée nationale, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 mai 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour la SNC KIMBERLY CLARK, enregistrées le 26 mai 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud de Chaisemartin pour la SNC KIMBERLY CLARK et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 15 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l’article 271 du code général des impôts est relatif aux règles de déductibilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le 1 de l’article 273 du même code, issu de l’article 18 de la loi du 6 janvier 1966 susvisée, dispose que des décrets en Conseil d’État déterminent les conditions d’application de l’article 271 ; qu’en particulier, son troisième alinéa, qui fait l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité, prévoit que ces décrets fixent « la date à laquelle peuvent être opérées les déductions » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions du troisième alinéa du 1 de l’article 273, qui renvoient à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions de taxe sur la valeur ajoutée, porteraient atteinte au droit énoncé à l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et dont disposent « tous les citoyens » de « constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » ; que ces dispositions méconnaîtraient également le droit de propriété proclamé à son article 17 ; qu’elles seraient, par suite, entachées d’incompétence négative ; 3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique... » ; que les dispositions de l’article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en oeuvre par l’article 34 de la Constitution et n’instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l’occasion d’une instance devant une juridiction, à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; 5. Considérant, d’autre part, que le 1 de l’article 273 du code général des impôts, en ce qu’il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions auxquelles ont droit les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, ne porte pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le troisième alinéa du 1 de l’article 273 du code général des impôts, issu de l’article 18 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 juin 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et M. Pierre STEINMETZ. Rendu public le 18 juin 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022480066.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 avril 2010 par le Conseil d'État (décision n° 323830 du 14 avril 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Union des familles en Europe et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 211-3 du code de l'action sociale et des familles. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l’action sociale et des familles ; Vu la loi du 1er juillet 1901 modifiée relative au contrat d’association ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le président de l’Assemblée nationale, enregistrées le 22 avril 2010 ; Vu les observations produites pour l’Union des familles en Europe par la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les observations produites pour l’Union nationale des associations familiales, par la SCP Boutet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 mai 2010 ; Vu les nouvelles observations de l’Union nationale des associations familiales, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les nouvelles observations de l’Union des familles en Europe, enregistrées le 12 mai 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Maître François-Henri Briard pour l’Union des familles en Europe, Maître Jean-François Boutet pour l’Union nationale des associations familiales et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 25 mai 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 211-3 du code de l’action sociale et des familles, l’union nationale et les unions départementales des associations familiales sont habilitées à « représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l’ensemble des familles et notamment désigner ou proposer les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l’État, la région, le département, la commune » ; 2. Considérant que, selon la requérante, le « monopole absolu » dont bénéficierait l’Union nationale des associations familiales pour représenter l’ensemble des familles auprès des pouvoirs publics méconnaîtrait le principe d’égalité entre les associations familiales et l’Union nationale des associations familiales ; qu’il porterait également atteinte, d’une part, à la liberté d’expression des associations familiales et au pluralisme des courants de pensées et d’opinions et, d’autre part, à la liberté d’association ; - SUR LE PRINCIPE D’ÉGALITÉ : 3. Considérant que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 4. Considérant que le chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles est relatif aux « associations familiales » ; que, d’une part, l’article L. 211-1 de ce code définit les associations familiales comme celles ayant « pour but essentiel la défense de l’ensemble des intérêts matériels et moraux, soit de toutes les familles, soit de certaines catégories d’entre elles » ; que ces associations se forment librement conformément au titre Ier de la loi du 1er juillet 1901 susvisée ; que, d’autre part, les articles L. 211-2 à L. 211-12 du même code régissent les unions départementales et l’union nationale des associations familiales ; qu’ils disposent que ces fédérations, instituées dans un but d’utilité publique, sont constituées, aux niveaux départemental et national, par les associations familiales qui souhaitent y adhérer ; qu’ils déterminent leur objet, leurs règles de composition et certains principes relatifs à leur administration ; qu’ils prévoient également que leur statut et leur règlement intérieur sont soumis à une procédure d’agrément ; 5. Considérant que, compte tenu de leurs règles de formation, de fonctionnement et de composition ainsi que des missions qui leur sont imparties par la loi, l’union nationale et les unions départementales des associations familiales ne se trouvent pas dans une situation identique à celle des associations familiales qui peuvent y adhérer ; qu’au demeurant, en reconnaissant la représentativité de l’union nationale et des unions départementales, le législateur a entendu assurer auprès des pouvoirs publics une représentation officielle des familles au travers d’une association instituée par la loi regroupant toutes les associations familiales souhaitant y adhérer ; qu’il a, par là même, poursuivi un but d’intérêt général ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit être écarté ; - SUR LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET L’OBJECTIF DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE DU PLURALISME DES COURANTS DE PENSÉES ET D’OPINIONS : 6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ; 7. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L. 211-3 du même code : « Chaque association familiale ou fédération d’associations familiales, dans la limite de ses statuts, conserve le droit de représenter auprès des pouvoirs publics les intérêts dont elle a assumé la charge » ; qu’il en résulte que, si le troisième alinéa de cet article impose la reconnaissance, par les pouvoirs publics, de la représentativité de l’union nationale et des unions départementales des associations familiales, les pouvoirs publics peuvent prendre en compte les intérêts et les positions défendues par les associations familiales relevant de l’article L. 211-1 du même code ; que la disposition contestée ne porte aucune atteinte à la liberté de ces associations de faire connaître les positions qu’elles défendent ; que, dès lors, le grief tiré de l’atteinte à la liberté d’expression de ces associations n’est pas fondé ; 8. Considérant, en second lieu, que la disposition législative contestée n’est relative ni à la vie politique ni aux médias ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle du pluralisme des courants de pensées et d’opinions est, en tout état de cause, inopérant ; - SUR LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION : 9. Considérant que la liberté d’association est au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution ; qu’en vertu de ce principe les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d’une déclaration préalable ; qu’ainsi, à l’exception des mesures susceptibles d’être prises à l’égard de catégories particulières d’associations, la constitution d’associations, alors même qu’elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire ; 10. Considérant que les associations familiales prévues par l’article L. 211-1 du code de l’action sociale et des familles peuvent librement se constituer en vertu de la loi du 1er juillet 1901 susvisée ; qu’elles sont libres d’adhérer ou non à l’union nationale ou aux unions départementales des associations familiales dans les conditions fixées par les articles L. 211-4 et L. 211-5 du même code ; qu’en outre, elles peuvent librement se regrouper selon les modalités qu’elles définissent ; que, dès lors, la disposition contestée ne porte aucune atteinte à la liberté d’association ; 11. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article premier.- Le troisième alinéa de l’article L. 211-3 du code de l’action sociale et des familles est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 mai 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Jean-Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 28 mai 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762678.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, le 20 juillet 2010, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Mmes Chantal BERTHELOT, Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, MM. Thierry CARCENAC, Guy CHAMBEFORT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Gilles COCQUEMPOT, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Paul DUPRÉ, Olivier DUSSOPT, Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Hervé FÉRON, Mme Geneviève FIORASO, MM. Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, M. Guillaume GAROT, Mme Catherine GÉNISSON, M. Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Daniel GOLDBERG, Jean GRELLIER, David HABIB, Christian HUTIN, Mme Françoise IMBERT, M. Henri JIBRAYEL, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Mme Colette LANGLADE, M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Mmes Annick LE LOCH, Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Pierre-Alain MUET, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, George PAU-LANGEVIN, M. Germinal PEIRO, Mme Martine PINVILLE, MM. Philippe PLISSON, François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Simon RENUCCI, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Jacques VALAX, Michel VAUZELLE, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ, Jean-Claude VIOLLET et Philippe VUILQUE, députés, et, le même jour, par M. Jean Pierre BEL, Mme Jacqueline ALQUIER, MM. Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Robert BADINTER, Claude BÉRIT-DEBAT, Jean BESSON, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, MM. Yannick BOTREL, Didier BOULAUD, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mmes Nicole BRICQ, Claire-Lise CAMPION, MM. Jean-Louis CARRÈRE, Yves CHASTAN, Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Mme Samia GHALI, MM. Serge GODARD, Jean-Noël GUÉRINI, Didier GUILLAUME, Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Mmes Odette HERVIAUX, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, M. Ronan KERDRAON, Mme Bariza KHIARI, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Jacky LE MENN, Mmes Raymonde LE TEXIER, Claudine LEPAGE, MM. Jean-Jacques LOZACH, Roger MADEC, Philippe MADRELLE, Jacques MAHÉAS, François MARC, Rachel MAZUIR, Jean-Jacques MIRASSOU, Mme Renée NICOUX, MM. François PATRIAT, Jean Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, François REBSAMEN, Daniel REINER, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Michel SERGENT, Jean Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI, André VANTOMME et Richard YUNG, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 27 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale ; qu’ils contestent, en tout ou en partie, ses articles 1er, 2, 7 et 8 ; - SUR LES ARTICLES 1ER, 2 ET 7 : 2. Considérant que l’article 1er de la loi déférée insère dans le code pénal un article 211-2 réprimant l’incitation publique et directe à commettre le crime de génocide défini à l’article 211-1 du même code ; que l’article 2 modifie l’article 212-1 du même code relatif aux crimes contre l’humanité ; que l’article 7 insère dans le même code notamment un article 462-10 dont le premier alinéa dispose : « L’action publique à l’égard des crimes de guerre définis au présent livre se prescrit par trente ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour l’un de ces crimes se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive » ; 3. Considérant que les députés requérants soutiennent que les articles 1er et 2 de la loi déférée, qui ont pour objet d’adapter en droit interne la convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998, méconnaissent cette convention ; qu’ils estiment que l’habilitation constitutionnelle inscrite à l’article 53-2 de la Constitution fait de cette convention une « norme de référence du contrôle de constitutionnalité » et donne compétence au Conseil constitutionnel pour opérer un contrôle de la conformité à cette convention des dispositions législatives prises sur son fondement ; que les députés et sénateurs requérants présentent le même grief à l’encontre de l’article 7 de la loi déférée en tant qu’il insère dans le code pénal le premier alinéa de l’article 462-10 ; qu’ils estiment, en outre, que la prescription des crimes de guerre méconnaît le principe d’égalité devant la loi ; 4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » ; que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu’elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n’impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution ; qu’il en est de même de l’article 53-2 de la Constitution qui dispose que « la République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 » ; 5. Considérant que, dans ces conditions et nonobstant la mention de la convention portant statut de la Cour pénale internationale dans la Constitution, il ne revient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61, de contrôler la compatibilité de la loi déférée avec cette convention ; qu’un tel contrôle incombe aux juridictions administratives et judiciaires ; 6. Considérant, en second lieu, que le principe d’égalité devant la loi pénale, tel qu’il résulte de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne fait pas obstacle à ce qu’une différenciation soit opérée par la loi pénale entre agissements de nature différente ; 7. Considérant que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont de nature différente ; que, par suite, en portant de dix à trente ans le délai de prescription de l’action publique pour les crimes de guerre, alors que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles en application de l’article 213-5 du code pénal, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité ; 8. Considérant que les articles 1er et 2 de la loi déférée ainsi que son article 7 en tant qu’il insère dans le code pénal le premier alinéa de l’article 462-10 ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR L’ARTICLE 8 : 9. Considérant que l’article 8 insère dans le code de procédure pénale un article 689-11 ; qu’aux termes de cet article : « Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s’est rendue coupable à l’étranger de l’un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale en application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont elle a la nationalité est partie à la convention précitée. La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition » ; 10. Considérant que, selon les requérants, si la compétence universelle des juridictions françaises ne constitue pas une exigence imposée par le statut de la Cour pénale internationale, les conditions posées pour que les juridictions françaises soient compétentes pour juger les crimes relevant de cette cour sont définies de façon excessivement restrictive ; que ces restrictions feraient obstacle à la répression effective de ces crimes dans des conditions qui méconnaissent l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions, le principe d’égalité devant la loi et la justice, ainsi que la dignité de la personne ; que les requérants dénoncent, en particulier, l’exigence selon laquelle la personne mise en cause doit résider habituellement en France, celle selon laquelle les faits doivent être punis par la législation de l’État où ils ont été commis, le monopole de mise en oeuvre de l’action publique reconnu au ministère public et l’obligation, pour ce dernier, de s’assurer que la Cour pénale internationale a expressément décliné sa compétence ; qu’ils font également valoir que la référence à la culpabilité de la personne en cause méconnaît, selon l’interprétation qu’on en donne, soit le principe non bis in idem, soit le respect de la présomption d’innocence ; 11. Considérant, en premier lieu, que le premier alinéa de l’article 689-11 du code de procédure pénale reconnaît la compétence des juridictions françaises à l’égard de toute personne qui « s’est rendue coupable » de certains crimes ; que cette formulation n’a ni pour objet ni pour effet d’exiger que la personne en cause ait, préalablement, été déclarée coupable par une juridiction française ou étrangère ; qu’elle ne présume pas davantage de la culpabilité de cette personne qu’il appartiendra aux juridictions françaises d’apprécier ; que, par suite, elle ne méconnaît ni le principe de nécessité des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ni la présomption d’innocence garantie par son article 9 ; 12. Considérant, en deuxième lieu, que, si la recherche des auteurs d’infractions est nécessaire à la protection de principes de valeur constitutionnelle, il ne résulte pas de cette exigence que les juridictions françaises devraient être reconnues compétentes à l’égard de crimes commis à l’étranger sur une victime étrangère et dont l’auteur, de nationalité étrangère, se trouve en France ; que le respect de la dignité de la personne, qui résulte du Préambule de la Constitution de 1946, n’impose pas davantage cette compétence ; 13. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ; 14. Considérant qu’il résulte des articles 113-2 et suivants du code pénal que la loi pénale française est applicable à tout crime commis sur le territoire de la République ainsi qu’à tout crime commis à l’étranger à condition que l’auteur ou la victime soit français ; que l’article 689-11 du code de procédure pénale a pour seul objet d’étendre la compétence des juridictions pénales françaises à certains crimes commis à l’étranger, par des personnes de nationalité étrangère sur des victimes elles-mêmes étrangères ; qu’en définissant, dans cet article, les conditions d’exercice de cette compétence, le législateur a fait usage du pouvoir qui est le sien sans porter atteinte au principe d’égalité devant la loi et la justice ; 15. Considérant que le second alinéa de l’article 689-11 du code de procédure pénale impose au ministère public, préalablement à la mise en oeuvre de l’action publique, de s’assurer, auprès de la Cour pénale internationale, que cette dernière n’exerce pas sa compétence et de vérifier qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition ; qu’en adoptant ces dispositions, le législateur n’a méconnu aucune exigence constitutionnelle ; qu’il ne revient pas au Conseil constitutionnel de contrôler la compatibilité d’une loi aux stipulations d’un traité ou accord international ; 16. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 689 11 du code de procédure pénale n’est pas contraire à la Constitution ; 17. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution, Article 1er.- Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale : les articles 1er et 2 ; à l’article 7, le premier alinéa de l’article 462-10 du code pénal ; l’article 8. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours identiques dirigés contre la loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la cour pénale internationale. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR LES NORMES DE REFERENCE APPLICABLES. A/ Les auteurs des saisines font valoir qu’en raison de la mention, à l’article 53-2 de la Constitution, que « La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 », le Conseil constitutionnel devrait accepter de contrôler la conformité de la loi déférée au statut de la cour issu de ce traité. B/ Le Gouvernement ne partage pas cette conviction. 1/ Le Gouvernement est tout d’abord, sur un plan général, acquis à l’idée qu'un grief tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative avec les engagements internationaux de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité, conformément aux règles édictées dans la décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse. Cette position de principe n’est pas affectée par la circonstance que la Constitution fasse référence à une convention internationale à laquelle la France serait partie. La jurisprudence du Conseil constitutionnel rappelle l’absence d’incidence d’une telle mention sur le champ du bloc de constitutionnalité : alors même que le droit de l’Union est mentionné à l’article 88-1 de la Constitution, il ne se trouve pas intégré, en tant que tel, au sein des normes de références du contrôle de constitutionnalité, conformément à ce qu’a rappelé, de manière éclairante, la décision n°2010-605 DC du 12 mai 2010 sur la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Il n’existe enfin aucune raison de trouver dans l’article 53-2 de la Constitution une exigence identique à celle que le Conseil constitutionnel a tirée de l’article 88-1 de la Constitution quant à la transposition des directives européennes depuis l’intervention de la décision n°2004-496 DC du 10 juin 2004 sur la loi pour la confiance dans l’économie numérique. L’article 88-1 énonce une obligation de participation à l’Union européenne, dont il est possible de déduire un impératif de transposition d’une fraction du droit dérivé de l’Union. L’article 53-2 n’a pour autre objet que de fournir une base légale expresse à la ratification du traité signé le 18 juillet 1998 après que le Conseil constitutionnel eut décidé, par sa décision n°98-408 DC du 22 janvier 1999, que l’autorisation de ratifier ce traité exigeait une révision préalable de la Constitution. Il ressort des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle n°99-568 du 8 juillet 1999, dont est issu l’article 53-2, que la portée de cet article se limitait à lever les trois obstacles précisément identifiés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier 1999, à savoir l’atteinte au régime des immunités de certaines autorités publiques, la mise en cause des régimes de prescription et d’amnistie et la reconnaissance au profit du procureur de la cour pénale internationale de pouvoirs d’enquête sur le territoire national. Le choix, à l’article 53-2, d’une formule globalisante par le législateur constitutionnel ne s’explique que par le souhait de ne pas modifier, dans le détail, les articles de la Constitution affectés par le traité. Il ne s’en déduit aucune volonté de distinguer ce dernier au sein du droit international ou de lui reconnaître un statut particulier dans le cadre du contrôle exercé sur le fondement de l’article 61 et, aujourd’hui également 61-1, de la Constitution. Le Gouvernement est ainsi d’avis qu’aucune raison n’implique d’intégrer le statut de la cour au sein des normes de référence du contrôle de constitutionnalité. Cela a pour effet de rendre inopérants l’essentiel des griefs invoqués dans les saisines. 2/ Le Gouvernement souhaite faire observer qu’en tout état de cause, il n’est pas possible d’inférer du statut, et notamment pas de son article 1er, l’exigence de transposition qu’y trouvent les auteurs des saisines. La seule obligation juridique d’adaptation des législations internes des Etats parties découlant du statut est énoncée à son article 86, qui prévoit une obligation de coopération avec la cour dans les enquêtes et les poursuites qu’elle mène pour les crimes relevant de sa compétence. Cette obligation a été remplie par l’adoption de la loi n°2002-268 du 26 février 2002 qui a créé à cet effet les articles 627 et suivants du code de procédure pénale. Pour le reste, le statut de la CPI, et notamment son article 1er, se borne à énoncer que la Cour est « complémentaire des juridictions pénales nationales » sans préciser les conséquences qui s’attacheraient à cette formule. On trouve certes quelques éléments dans le préambule du statut, mais son dispositif en articles demeure quant à lui muet sur l’étendue ou la portée de ce principe. On n’y trouve en particulier aucune obligation de transcription des incriminations prévues par le traité en droit national, ni quant à leur champ ni quant à la définition précise de chacune d’entre elles. On ne trouve pas davantage d’obligation de reconnaître une compétence extra-territoriale au juge pénal français à l’effet de poursuivre et juger les crimes visés par le statut. En réalité, c’est à titre autonome que le législateur a choisi d’intervenir en adoptant la loi déférée, sans y être contraint par l’incorporation en droit interne du traité portant statut de la cour pénale internationale. Le législateur conservait ainsi une marge de manœuvre réelle au regard de l’objectif qu’il s’était fixé à lui-même de rendre effectif le principe de complémentarité énoncé à l’article 1er de la convention. Dans ce cadre, il n’appartient pas, contrairement à ce que suggèrent les auteurs de la saisine, au Conseil constitutionnel de se substituer au législateur : sa jurisprudence lui fait simplement mission de vérifier, dès lors qu’aucune disposition constitutionnelle ne se trouve privée de garantie légale, que les mesures décidées par le législateur ne sont pas manifestement inappropriées aux objectifs qu’il s’est fixé. C’est à l’aune de ce cadre d’analyse que le Gouvernement estime devoir répondre aux griefs articulés dans les saisines. II/ SUR LES ARTICLES 1er ET 2. A/ Les auteurs des saisines font grief à la loi déférée de méconnaître les stipulations du traité portant statut de la CPI en n’intégrant pas pleinement en droit national la liste des crimes internationaux figurant dans le traité, motif pris, notamment, de ce que la loi déférée maintient, pour définir le génocide en particulier et les crimes contre l’humanité en général, l’exigence de démonstration d’un « plan concerté ». B/ Ces critiques ne pourront être retenues. La méconnaissance du traité est tout d’abord inopérante, conformément aux développements formulés ci-dessus. En tout état de cause, les incriminations retenues par la loi déférée sont compatibles avec le champ des crimes contre l’humanité figurant dans le traité, ce qui assure l’adéquation des mesures adoptées à l’objectif que s’est fixé le législateur. L’exigence d’un plan concerté a été maintenue par le législateur car elle présente l’avantage de distinguer de manière incontestable les crimes contre l’humanité de la catégorie, différente, des crimes de guerre. Il convient toutefois de ne pas exagérer les différences existant entre la condition fixée par le code pénal et la qualification requise par le statut. La notion de « plan concerté » trouve en effet un écho direct dans le statut : pour constituer un crime contre l’humanité les faits doivent, selon les stipulations du paragraphe 1 de l’article 7, avoir été commis « dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque » et le statut précise ensuite que par « attaque lancée à l’encontre une population civile » on doit entendre « le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1, à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque». En réalité, les différences de rédaction, plutôt que de marquer une divergence d’incrimination, traduisent simplement les nuances dans l’approche de la notion de crime contre l’humanité en droit continental et dans les pays de common law : le premier insiste sur le caractère particulier de l’élément matériel susceptible de caractériser l’incrimination, tandis que les seconds mettent en avant le dol spécial qui doit caractériser l’intention de l’auteur. Dans ces conditions, il était loisible au législateur, sans commettre d’erreur manifeste, de conserver la définition jusqu’alors retenue en droit pénal français, dont les contours sont largement similaires à celle choisie par le statut. Le Gouvernement souhaite souligner, en outre, que le choix fait par le législateur de retenir une prescription par trente ans des crimes de guerre ne rencontre pas d’obstacle constitutionnel ni, en tout état de cause, conventionnel. Le traité portant statut de la CPI n’emporte tout d’abord aucune obligation d’instaurer l’imprescriptibilité de cette catégorie particulière de crimes. Il est exact que l’article 29 du statut stipule que « les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas ». Mais le paragraphe 1 de l’article 5 du statut précise que la compétence de la Cour est « limitée aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ». Le statut ne prescrit ainsi pas une imprescriptibilité générale des crimes de guerre mais seulement de ceux relevant de la compétence de la CPI. L’examen du dossier de négociation du statut permet de confirmer que l’instauration de l’imprescriptibilité de tous les crimes de guerre n’a pas été retenue : lors des négociations pour l’élaboration du traité, plusieurs formulations ont été envisagées, aux différents stades des discussions. Parmi les différentes formulations, la rédaction « les crimes de guerre ne se prescrivent pas » a finalement été écartée au profit de la mention plus restreinte selon laquelle « les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas ». Le Conseil constitutionnel a également fait sienne, au moins implicitement, cette analyse à l’occasion de l’intervention de sa décision du 22 janvier 1999 précitée. Cette décision pointe en effet précisément, au nombre des obstacles constitutionnels à la ratification, la circonstance que la France puisse être conduite à arrêter et remettre à la Cour une personne couverte, selon la loi française, par la prescription. Il résulte nécessairement des motifs retenus au considérant n°34 de la décision la reconnaissance de deux catégories juridiques distinctes : les crimes de guerre punis en droit français, qui tous connaissent un régime de prescription, et les crimes de guerre spécifiquement visés par le statut, seuls imprescriptibles, pour lesquels la levée de prescription rencontrait l’obstacle relevé par la décision. Il convient de souligner, enfin, que de nombreux Etats ont constaté que l’article 29 du Statut de Rome n’imposait pas une telle imprescriptibilité. A titre d’illustration, on peut ainsi observer que le rapport explicatif qui accompagne le projet de loi helvétique relatif à la modification du code pénal, du code pénal militaire ainsi que d’autres lois fédérales en vue de la mise en œuvre du statut de la Cour pénale internationale précise, à sa page 58 que « d’un point de vue strictement juridique, [l’article 29] du Statut ne s’applique qu’aux procédures pénales devant la CPI elle-même et n’oblige pas les Etats parties à rendre les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre imprescriptibles dans leur propre législation ». III/ SUR L’ARTICLE 8. A/ L’article 8 de la loi déférée insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 689-11 instaurant un régime de compétence extra-territoriale permettant au juge pénal français de poursuivre et réprimer les crimes relevant de la compétence de la cour pénale internationale. Les auteurs des saisines estiment qu’en assortissant cet article de conditions tenant à l’exigence d’une résidence habituelle sur le territoire français de la personne poursuivie et d’une double incrimination des faits en droit français et dans l’état d’origine, en prévoyant un monopole du parquet pour diligenter les poursuites et en exigeant, enfin, un déclinatoire préalable de sa compétence par la CPI, la loi déférée méconnaît le traité portant statut de la cour et différents principes de nature constitutionnelle, comme la dignité de la personne humaine, la présomption d’innocence, le droit au recours et l’égalité entre les victimes. B/ Le Gouvernement ne partage pas cette analyse. 1/ Il sera observé à titre liminaire que l’instauration de la compétence extra-territoriale prévue au nouvel article 689-11 du code de procédure pénale s’ajoute aux trois cas de compétence de droit commun du juge pénal français, sans y déroger ni leur apporter de modification. Le juge pénal français demeure ainsi compétent pour connaître d’un crime relevant de la compétence de la CPI si les faits ont eu lieu en France, si le prévenu est de nationalité française ou si la victime est de nationalité française. Les conditions prévues par le législateur ne s’appliquent donc que dans le cas de figure très particulier où une personne de nationalité étrangère souhaite que soient poursuivis par le juge pénal français des faits commis à l’étranger par une personne de nationalité étrangère. Il convient de souligner, en second lieu, que l’article 689-11 revêt un caractère inédit puisque c’est la première fois qu’une clause de compétence extra-territoriale est reconnue au juge pénal français sans habilitation d’une convention internationale. Une telle habilitation existe en effet pour toutes les clauses prévues aux articles 689-2 à 689-10 et 689-12. Or, ainsi que cela a été mentionné précédemment, le traité portant statut de la CPI ne prévoit ni n’implique l’instauration d’une telle clause pour son application. Dans ces conditions, il était loisible au législateur d’assortir la reconnaissance d’une clause de compétence extra-territoriale de conditions propres à assurer le respect des conditions essentielles d’exercice de leur souveraineté par les autres Etats dès lors, ce qui est le cas en l’espèce, que ces conditions ne privent aucun droit constitutionnel de garantie légale. 2/ Les conditions d’exercice de sa compétence extra-territoriale par le juge pénal sont conformes à la Constitution. a/ Le critère tenant à l’exigence d’une résidence habituelle de la personne poursuivie sur le territoire français est, en tout état de cause, conforme au principe du respect de la dignité humaine. Aux yeux du Gouvernement, ce principe n’implique pas que la victime étrangère d’un crime visé par le statut de la CPI et commis à l’étranger par une personne de nationalité étrangère se trouve investie d’un accès inconditionnel au juge pénal français. Il était dans ces conditions loisible au législateur de retenir l’existence d’un lien suffisant entre le prévenu et le pays pour que le juge exerce son office. La condition de résidence habituelle a, en outre, pour effet de faire obstacle à ce que la France puisse être choisie comme terre d’asile, sans pour autant empêcher l’application des dispositions des articles 627-3 et suivants du code de procédure pénale prévoyant l’arrestation et la remise d’un prévenu à la CPI à l’occasion d’une simple visite sur le territoire français. b/ L’article est, en deuxième lieu, conforme à la présomption d’innocence. Il est exact que le nouvel article 689-11 du code de procédure pénale vise l’arrestation et le jugement de la personne « qui s’est rendue coupable à l’étranger » de l’un des crimes visés par le statut de la CPI. Ce mode de rédaction a été choisi par souhait de conserver pour cet article une forme d’homogénéité avec les formulations retenues aux articles 689-2 à 689-10 et 689-12 du même code. Pas davantage que pour ces articles, elle ne saurait être lue comme emportant une quelconque présomption de culpabilité, en méconnaissance des prévisions de l’article 9 de la Déclaration de 1789. c/ La condition de double incrimination est, en tout état de cause, conforme à l’impératif de complémentarité énoncé à l’article 1er du traité. Le nouvel article 689-11 subordonne la poursuite et le jugement des affaires en France à la circonstance que les faits soient punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou que cet État ou l’État dont le prévenu a la nationalité soit partie à la convention. Le Gouvernement souhaite signaler que cette condition de double incrimination ne constituera jamais, en fait, un obstacle à la poursuite et au jugement des crimes les plus graves. Il n’est pas nécessaire en effet, pour l’application de l’article, que les dénominations des crimes soient identiques (notamment que le génocide soit, en tant que tel, incriminé) : il suffit que les faits soient pénalement sanctionnés ; or tous les Etats du monde incriminent l’assassinat et le meurtre. d/ Le monopole des poursuites à la requête du ministère public n’est contraire ni au droit au recours ni au principe d’égalité entre les victimes. Il n’est tout d’abord pas contraire au droit au recours. S’il est exact que la Constitution exige que des droits équivalents soient ouverts, sur le plan juridictionnel, au parquet et aux parties civiles une fois l’action pénale mise en mouvement (voir en ce sens la décision n°2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010), il n’existe aucun principe de valeur constitutionnelle impliquant d’ouvrir en toute hypothèse aux victimes le droit de mettre en mouvement l’action pénale. Un tel monopole au profit d’une autorité publique existe dans de nombreux cas : il en est ainsi du ministre des finances en matière de fraude fiscale, du ministre de la défense en matière de vente d’armes ou, par exemple, du maire pour les poursuites sur le fondement de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme. Plusieurs hypothèses de monopole du parquet existent par ailleurs en droit pénal sans que ces dispositions aient jamais encouru de reproche d’inconstitutionnalité : tel est le cas pour les délits commis à l’étranger à l’encontre d’un étranger ou d’un Français ne résidant pas en France, en vertu de l’article 113-8 du code pénal, dans le cas où une extradition a été refusée, en application de l’article 113-8-1 du même code, dans le cas de corruption active ou passive d’une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique (voir en ce sens l’article 435-6 du code pénal) ou encore en cas d’injures ou de diffamations commises par voie de presse, conformément aux articles 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Retenir une interprétation différente reviendrait à admettre, de manière plus générale, que toute restriction de l’action publique par la victime serait contraire à la Constitution, ce qui serait susceptible de remettre en cause, par exemple, le régime des consignations ou la limitation de l’appel aux seuls intérêts civils. Il convient de signaler, en outre, que l’action directe de la victime n’est pas davantage reconnue devant la CPI elle-même. Il existe, en deuxième lieu, de solides motifs d’intérêt général pour exiger l’intervention du parquet lorsqu’un ressortissant de nationalité étrangère souhaite engager en France une procédure pénale contre un ressortissant étranger pour des faits commis à l’étranger. Il convient en premier lieu d’éviter toute forme d’instrumentalisation similaire à celle qu’ont pu connaître les juridictions pénales nationales investies de clauses de compétence universelle, à l’instar de celles instaurées en Belgique ou en Espagne. L’intervention du parquet est en second lieu nécessaire pour évaluer la faisabilité des conditions d’enquête dans ce type de configuration particulière, dans laquelle la CPI se trouve mieux à même d’intervenir. e/ Le grief tiré de ce que la loi déférée instaurerait un mécanisme de « complémentarité inversée » avec la CPI manque, enfin et en tout état de cause, en fait. Contrairement à ce que soutiennent les auteurs des saisines, le traité portant statut de la CPI ne fixe aucune hiérarchie dans la complémentarité des poursuites. La lecture du traité démontre plutôt que l’intention de ses rédacteurs était de confier aux Etats la charge de poursuivre et de juger les faits commis sur leur territoire ou par leurs nationaux, et de confier à la cour la mission de poursuivre et de juger ces faits en cas de carence des Etats ne jugeant pas leurs nationaux. Dans ces conditions, subordonner la poursuite et le jugement d’un ressortissant étranger à un déclinatoire préalable de sa compétence par la cour ne paraît en rien contraire à l’esprit du traité. L’article 8 de la loi déférée ne souffre ainsi aucun reproche constitutionnel ni, en tout état de cause, conventionnel. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale. La présente loi constitue, après l'adoption de la loi n 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, le deuxième volet de l'adaptation de notre législation interne à la convention, signée à Rome le 18 juillet 1998, portant statut de la Cour pénale internationale (CPI). Cour qui constitue dans l’histoire la première juridiction pénale internationale permanente, compétente à l'égard des crimes les plus graves, commis par des personnes physiques, qui touchent l'ensemble de la communauté internationale et qui, suivant les termes du préambule du traité, sont de nature à menacer « la paix, la sécurité et le bien-être du monde ». Aussi les sénateurs requérants ne contestent-ils pas l’impérieuse nécessité pour la France de se mettre en conformité avec le Statut de la Cour. Au contraire même, puisque nous avons voté ce texte en première lecture. Nous avions néanmoins l’espoir que la navette parlementaire permettrait de combler certaines de ses lacunes. Mais de cette navette le gouvernement n’en a pas voulu, et c’est à un vote conforme que l’Assemblée nationale a procédé, deux ans après le vote du Sénat. Aussi, puisque la discussion n’a pu se poursuivre malgré l’importance des enjeux en cause, ce sont des réserves alors émises par nous à l’occasion des débats parlementaires dont nous vous saisissons aujourd’hui. La France a pris une part active à l’instauration d’une juridiction pénale internationale permanente à même d’assurer non seulement la répression effective des crimes à l’égard desquels elle est compétente, le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes contre la paix, mais également de jouer un rôle dissuasif à l’égard de ceux qui seraient tentés de commettre de tels crimes. Mais la compétence de la Cour n’est en rien exclusive ; elle ne délie pas les Etats de leurs obligations en matière de lutte contre les crimes internationaux, au contraire, ils demeurent les détenteurs de droit commun des outils de répression de ces crimes ainsi que les premiers destinataires de l’obligation de dissuasion. Comme a pu le relever à juste titre le Président Antonio CASSESE, c’est précisément une « action plus incisive des juges pénaux internes, combinée, bien sûr, avec celle des juridictions pénales internationales, notamment la Cour pénale internationale » qui « pourrait donner un coup de bélier à la ‘culture de l’impunité’ » (« Y-a-t-il un conflit insurmontable entre souveraineté des Etats et justice pénale internationale ? » in A. CASSESE et M. DELMAS-MARTY (dir.), Crimes internationaux et juridictions internationales, PUF, 2002, p. 29). C’est ainsi à l’aune de ces deux exigences de répression et de dissuasion des crimes qu’il faut apprécier la loi qui vous est déférée. Si par certains aspects elle contient des avancées non négligeables, par certains autres, elle reste en deçà des exigences qu’appelle la lutte contre l’impunité des criminels contre l’humanité telles qu’elles figurent dans le Statut de la Cour. C’est le cas pour ce qui a trait à la compétence universelle. Si elle est admise, c’est a minima, de telle manière qu’elle est pour ainsi dire dévitalisée et dépourvue de tout effet dissuasif. En effet, la loi fixe quatre conditions par trop restrictives à l’exercice des poursuites par les juridictions françaises : - la résidence habituelle de l’auteur présumé en France - l’exigence d’une double incrimination - le monopole des poursuites réservé au ministère public - la déclinaison expresse de sa compétence par la Cour pénale internationale Les requérants craignent ainsi comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme que « le cumul de ces conditions ne rende cette nouvelle disposition totalement inopérante » (Avis sur la loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour Pénale Internationale du 6 novembre 2008). C’est également le cas pour la définition des crimes contre l’humanité. En exigeant que parmi les éléments constitutifs de l’infraction figure un « plan concerté », le législateur donne une définition restrictive de cette infraction qui n’est pas conforme à celle inscrite dans le Statut de la Cour. Parce que ces dispositions ne sont conformes ni à la lettre ni à l’esprit du Statut de la Cour pénale internationale auquel renvoie l’article 53-2 de la Constitution, qu’elles méconnaissent en outre d’importantes exigences de valeur constitutionnelle, nous vous demandons de les censurer, ou à tout le moins d’en retenir une interprétation qui permettra à la France de se conformer pleinement à ses engagements internationaux, et de mener à bien le combat contre l’impunité des criminels contre l’humanité. - QUANT A LA PRISE EN COMPTE DU STATUT DE COUR PENALE INTERNATIONALE DANS VOTRE EXAMEN DE LA CONSTITUTIONNALITE DE LA LOI Les requérants considèrent que dans le cas d’espèce, vous devrez tenir compte dans le cadre de votre contrôle de la constitutionnalité de la loi des règles inscrites dans le Statut de Rome. Il est de jurisprudence constante que vous vous refusiez à opérer un contrôle de conventionnalité des lois, et qu’ainsi les traités ratifiés par la France, quand bien même ils possèdent une « autorité supérieure à celle des lois » (art. 55 de la Constitution), ne font pas partie du bloc de constitutionnalité. Ainsi avez-vous considéré dans votre décision sur la loi IVG que « les décisions prises en application de l'article 61 de la Constitution revêt[ant] un caractère absolu et définitif », alors « qu'au contraire, la supériorité des traités sur les lois [...] présente un caractère à la fois relatif et contingent, tenant, d'une part, à ce qu'elle est limitée au champ d'application du traité et, d'autre part, à ce qu'elle est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement du ou des Etats signataires du traité », il ne vous appartenait pas « d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international » (74-54 DC du 15 janvier 1975, cons. 4-7). Seules les juridictions de droit commun sont en principe compétentes pour procéder à cet examen. Vous l’avez rappelez récemment, si les dispositions de l’article 55 « confèrent aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution », qu’ainsi « le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité », et que ce contrôle « incombe aux juridictions administratives et judiciaires » (2010-605 DC du 12 mai 2010, cons. 10-11). Les auteurs de la saisine ne vous demandent pas de renoncer à cette jurisprudence. Ils vous demandent en revanche de l’adapter à la nature particulière du traité dont il est ici question. Vous-même avez déjà constaté qu’eu égard à son objet, sanctionner les atteintes les plus graves aux droits fondamentaux qui constituent des « crimes d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la communauté internationale », les « obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres Etats parties ; qu'ainsi, la réserve de réciprocité mentionnée à l'article 55 de la Constitution n'a pas lieu de s'appliquer » (98-408 DC du 22 janvier 1999, cons. 12). Ceci n’est toutefois pas propre au Statut de la CPI, puisque, en droit international général, l’exigence de réciprocité est toujours écartée pour les traités relatifs à la protection des droits de l’homme. Ainsi, conformément à l’article 60.5 de la Convention de Vienne sur les droit des traités, les dispositions concernant la réciprocité « ne s’appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire ». Comme il l’est d’ailleurs indiqué dans le commentaire aux Cahiers de votre décision 2010-605 DC, votre argumentation de 1975 « n’était réellement opérante que pour les traités bilatéraux et se trouvait particulièrement inadaptée tant à l’égard de la Convention européenne des droits de l’homme que du droit communautaire » (n° 29). Ce qui est spécifique en revanche au Statut de la CPI, c’est qu’il figure dans la Constitution. Ainsi l’article 53-2 dispose-t-il en effet que : « La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 ». Peu importe que le pouvoir constituant l’ait incorporé pour donner suite à votre décision 98-408 DC rendue en application de l’article 54 de la Constitution, et que cela ait pu être qualifié par la doctrine de « procédé hideux mais commode » (Jean COMBACAU, « La souveraineté de l’Etat dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français », Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 9, p. 168). Le fait est que ce traité est le seul, avec les traités communautaires, à être expressément mentionné dans la Constitution, et que cela a eu pour effet de le « constitutionnaliser ». D’aucuns considèrent d’ailleurs que cette constitutionnalisation aurait eu pour effet d’intégrer le Statut de la CPI dans le bloc de constitutionnalité, et qu’il pourrait dès lors être utilement invoqué à l’égard de toute loi. C’est l’opinion soutenue par le Professeur Gérard GONZALEZ pour qui, « l’insertion dans la Constitution de l’article 53-2 pourrait offrir au Conseil constitutionnel la possibilité de se référer directement au Statut de la ‘juridiction’ de la CPI pour contrôler la conformité des lois (organique ou ordinaire) ou des règlements des assemblées qui pourraient interférer avec les compétences de cette juridiction », et donc que cet article « devrait être lu comme faisant entrer les ‘conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998’ dans le bloc de constitutionnalité dont le Conseil contrôle le respect, élargissant ainsi sa perspective au champ d’une partie non négligeable du droit international humanitaire » (v. son commentaire de l’article 53-2 in F. LUCHAIRE, G. COGNAC et X. PRETOY (dir.), La Constitution de la République française. Analyses et commentaires, Economica, 2009, 3ème éd., pp. 1352-1353). C’est également le cas de Xavier PHILIPPE et Anne DESMAREST selon lesquels : « Cette révision constitutionnelle place le Statut de la Cour pénale internationale dans une situation particulière par rapport aux engagements internationaux classiques. Il ne s’agit plus d’un traité ordinaire, mais d’un traité ‘constitutionnalisé’. Cela signifie qu’en acceptant de ratifier le Statut de la Cour pénale internationale, la France a intégré le Statut de Rome – dans les conditions où il a été signé – dans son bloc de constitutionnalité. Méconnaitre la portée de l’engagement international que constitue le Statut de Rome reviendrait à méconnaitre l’article 53-2 de la Constitution. Il en résulte que les exigences d’adaptation du Statut de Rome ne découlent pas uniquement du traité mais également de la Constitution française par le biais de cet article. Il est donc impossible de ranger la loi d’adaptation du code pénal français au rang de simple faculté laissée à la seule volonté des autorités de l’Etat. Il s’agit d’une double obligation constitutionnelle et conventionnelle » (« Remarques critiques relatives au projet de loi ‘portant adaptation du droit pénal français à l’institution de la Cour pénale internationale’ : la réalité française de lutte contre l’impunité », R.F.D.C., 2010, n° 81, pp. 45-46). Les requérants quant à eux ne vous demandent pas d’intégrer de manière générale le Statut de Rome dans le bloc de constitutionnalité. Ils vous demandent, à l’image de votre jurisprudence relative aux lois de transpositions des directives communautaires, de le prendre en compte parce que la loi ici en cause a spécifiquement pour objet son adaptation en droit français. Le parallèle avec le droit communautaire est en effet pertinent. Conformément à l’article 88-1 de Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences. Elle peut participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007 ». Or c’est en se fondant sur cette disposition que votre haute juridiction a estimé que « la transposition en droit interne d'une directive communautaire résult[ait] d'une exigence constitutionnelle » (2004-496 DC du 10 juin 2004, cons. 7), puis qu’il lui appartenait « de veiller au respect de cette exigence », la conduisant ainsi à se déclarer compétente pour « déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution » une « disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer » (2006-540 DC du 20 juillet 2006, cons. 20). C’est également en vous fondant sur le membre de phrase « selon les modalités prévues par le traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992 » de l’article 88-3 de la Constitution que vous avez estimé que la loi organique relative aux modalités d'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des ressortissants communautaires « devra respecter les prescriptions édictées à l'échelon de la Communauté européenne pour la mise en œuvre du droit reconnu par l'article 8 B, paragraphe 1 » du Traité (92-312 DC du 2 septembre 1992, cons. 28). Aux yeux des requérants, ce raisonnement est transposable à l’article 53-2 de la Constitution. La Constitution ne faisait de la reconnaissance de la juridiction de la CPI qu’une faculté. Mais une fois cette faculté exercée, la France ne devait plus pouvoir le faire que « dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 ». C'est-à-dire en conformité avec le Statut, ou à tout le moins sans manifestement le méconnaitre. Aussi vous demandent-ils, dans le cadre très spécifique de l’examen de la constitutionnalité d’une loi d’adaptation du droit français au Statut de la CPI, de bien vouloir tenir compte dudit Statut. - SUR LES ARTICLES 1er ET 2 L’article 1er est rédigé en ces termes : « Après l’article 211-1 du code pénal, il est inséré un article 211-2 ainsi rédigé : « Art. 211-2. – La provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un génocide est punie de la réclusion criminelle à perpétuité, si cette provocation a été suivie d’effet. « Si la provocation n’a pas été suivie d’effet, les faits sont punis de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 EUR d’amende. » Les requérants n’énoncent aucun grief à l’égard de cette disposition qui crée une infraction de provocation à commettre un génocide conforme à l’article 25.3 du Statut de la CPI. Par contre, l’insertion de cet article autorise que soit utilement contestée devant vous la définition du génocide qui figure à l’article 211-1 du code pénal. En effet, conformément à vos décisions antérieures, « la régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi promulguée peut être utilement contestée à l'occasion de la soumission au Conseil constitutionnel de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine » (89-256 DC du 25 juillet 1989, cons. 10 et 99-410 DC du 15 mars 1999, cons. 39). Or il est incontestable que l’article 211-2 complète ou affecte le domaine de l’article 211-1, quand bien même si formellement il ne modifie pas la loi dont ce dernier est issu. En effet, ce nouvel article repose entièrement sur l’existence du précédent. S’il n’y a pas de définition du génocide, il ne peut y avoir de provocation à le commettre. Et si la définition du génocide est viciée, alors la provocation à sa commission l’est également. Or la définition du génocide qui est donnée par le code pénal n’est pas conforme à celle retenue par le Statut de la CPI. Selon l’article 211-1 dudit code : « Constitue un génocide le fait, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre de membres de ce groupe, l'un des actes suivants [...] » Alors que l’article 6 du Statut stipule lui que : « Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l'un quelconque des actes ci après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial [...] ». Cette définition reprend celle qui figure à l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 qui a acquis une valeur coutumière en droit international (Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Avis consultatif du 28 mai 1951, C.I.J., Rec. 1951, p. 23), et qui est également celle qui figure à l’article 4.2 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et à l’article 2 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le code pénal exige ainsi l’existence d’un « plan concerté » dans la commission d’un génocide alors que le Statut lui ne mentionne que « l’intention ». Comme l’a relevé à juste titre la Rapporteure pour avis de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale : « ce critère est absent du Statut de Rome et sa présence dans la définition française ajoute une condition à l’établissement du crime de génocide, qui n’apparaît pas justifiée. Elle contribue à rendre plus difficile cet établissement alors que votre Rapporteure estime que l’intention et les résultats des faits devraient suffire à constituer le crime » (n° 1828 du 8 juillet 2009, p. 24). S’agissant de la définition de crimes internationaux, vous ne pourrez ignorer la jurisprudence internationale y relative. Or la Cour internationale de Justice a considéré que pour qu’il y ait génocide, « il ne suffit pas d’établir qu’a été commis le meurtre de membres du groupe, c’est-à-dire un homicide volontaire, illicite, contre ces personnes. Il faut aussi établir une intention supplémentaire, laquelle est définie de manière très précise. Elle est souvent qualifiée d’intention particulière ou spécifique, ou dolus specialis » (Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c. Serbie et Monénégro), Arrêt, 26 février 2007, Rec. 2007, 187). En revanche, et c’est essentiel ici, elle a jugé que « les actes de génocide ne supposent pas nécessairement la préméditation » et que « l’intention (de détruire un groupe) peut ne devenir le but recherché qu’en cours d’opération » ( 292. Nous soulignons). C’est également ce qui ressort de la jurisprudence de la Chambre d’appel du TPIY qui dans l’affaire Procureur c. Jelisic a considéré que « l’existence d’un plan ou d’une politique n’est pas un élément juridique constitutif du crime de génocide. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’établir une intention spécifique, l’existence d’un plan ou d’une politique peut, dans la plupart des cas, avoir son importance. Les éléments de preuve peuvent ne pas exclure ou peuvent même établir cette existence, laquelle peut, à son tour, aider à prouver le crime » (arrêt du 5 juillet 2001, IT-95-10-A, En d’autres termes, même s’il est difficile d’imaginer qu’un tel crime puisse être commis sans avoir été planifié, il se peut très bien qu’un génocide se produise en dehors de tout plan concerté (v. le chapitre consacré au génocide in H. ASCENSIO, E. DECAUX, et A. PELLET (dir.), Droit international pénal, Pedone, 2000, pp. 319 et s.). L’établissement de la preuve d’un plan concerté peut être très utile à l’établissement de « l’intention spécifique » requise, il ne saurait être une condition de cette intention. Ainsi, avec cette définition, la France reste-elle manifestement en deçà des exigences du Statut de Rome. Les requérants font le même grief à l’article 2 de la loi qui dispose que : « Le premier alinéa de l’article 212-1 du même code est remplacé par douze alinéas ainsi rédigés : « Constitue également un crime contre l’humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l’un des actes ci-après commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique [...] » Encore une fois le législateur, en inscrivant dans les éléments constitutifs des crimes contre l’humanité l’existence d’un « plan concerté », retient une définition restrictive de ces crimes contraire à celle qui figure à l’article 7.1 du Statut de la CPI et selon lequel : « Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque [...] ». Cette notion de « plan concerté » qui figurait effectivement à l’article 6 du Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg a depuis lors été écartée du droit international coutumier tel que reflété par les articles 5 du Statut du TPIY, 3 du TPIR, et 7.1 du Statut de Rome (cf. notamment M. DELMAS-MARTY, Le crime contre l’humanité, Puf, 2009, pp. 10 et s. et M. BETTATI, « Le crime contre l’humanité », in Droit international pénal, op. cit., pp. 293 et s.). La Chambre d’appel du TPIY a même explicitement écarté l’exigence d’un plan concerté pour déterminer l’existence d’un crime contre l’humanité. Selon ses termes : « Contrairement à ce qu’en disent les Appelants, il n’est pas nécessaire que l’attaque ou les actes des accusés soient le fruit d’une « politique » ou d’un « plan » quelconque. Rien, dans le Statut ou le droit international coutumier tel qu’il existait à l’époque des faits allégués, n’exige la preuve de l’existence d’un plan ou d’une politique visant à la perpétration de ces crimes. Comme il est indiqué plus haut, le fait que l’attaque était dirigée contre une population civile et le fait qu’elle était généralisée ou systématique sont des éléments constitutifs du crime. Mais pour prouver ces éléments, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’ils résultaient de l’existence d’une politique ou d’un plan. Pour établir que l’attaque était dirigée contre une population civile et qu’elle était généralisée ou systématique (et en particulier cette dernière caractéristique), il peut être utile de démontrer qu’il existait effectivement une politique ou un plan, mais ces éléments peuvent être prouvés autrement. En conséquence, l’existence d’une politique ou d’un plan peut être pertinente dans le cadre de l’administration de la preuve, mais elle ne saurait être considérée comme un élément constitutif du crime » (affaire Procureur c. Kunarac, arrêt du 12 juin 2002, IT-96-23/1-A, Comme l’indiquent les professeurs Hervé ASCENSIO et Raphaëlle MAISON dans le commentaire de cet arrêt, « la question de la responsabilité politique et historique d’une crime contre l’humanité, que tentaient de saisir certaines pratiques nationales répressives, se trouve reléguée à la place d’un élément factuel, potentiellement susceptible de permettre l’identification des critères proprement juridiques de qualification de l’infraction » (« L’activité des tribunaux pénaux internationaux (2002) », A.F.D.I., 2002, XLVIII, p. 399). Parce qu’elle contrevient aux articles 6 et 7.1 du Statut de la CPI, et par voie de conséquence à l’article 53-2 de la Constitution, les requérants vous demandent donc de censurer la mention « en exécution d’un plan concertée » inscrite aux articles 211-1 du code pénal et 2 de la présente loi. Ceci est d’autant plus nécessaire que, comme l’ont indiqué André HUET et Renée KOERING-JOULIN, déjà dans l’état actuel du droit, « à la condition que la poursuite pénale concerne un crime relevant de la compétence d’une de ces juridictions internationales, les tribunaux répressifs français (lorsqu’ils sont compétents et qu’ils n’ont pas été dessaisis au profit de la juridiction internationale) doivent retenir la définition du crime contre l’humanité adoptée par ces statuts, et non celle donnée par les articles 211-1 et s. du code pénal » (Droit pénal international, Puf, 2005, p. 99). - SUR L’ARTICLE 8 Conformément à l’article 8 : « Après l’article 689-10 du code de procédure pénale, il est inséré un article 689-11 ainsi rédigé : « Art. 689-11. – Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s’est rendue coupable à l’étranger de l’un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale en application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont il a la nationalité est partie à la convention précitée. « La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition. » Les requérants souhaitent en premier lieu saluer l’initiative du Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat qui est à l’origine de l’introduction de cette disposition qui vise à conférer aux juridictions françaises une « compétence universelle » pour poursuivre les crimes qui relèvent du Statut de la CPI. Ils la saluent d’autant plus que le Statut de la CPI ne fait pas partie des ces conventions internationales qui imposent aux Etats parties d’établir leur compétence universelle (cf. Damien VANDERMEERSCH, « La compétence universelle », in A. CASSESE et M. DELMAS MARTY, Juridictions nationales et crimes internationaux, Puf, 2002, pp. 590 et s.). Mais s’il ne l’impose pas, non seulement il ne l’interdit pas, et au contraire l’implique en réalité nécessairement. Déjà parce que le Préambule du Statut rappelle « qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Ensuite et surtout parce la Cour « n’a pas de compétence exclusive, ni même prioritaire » (P. DAILLIER, M. FORTEAU, et A. PELLET, Droit international public, L.G.D.J., 2009, 8ème éd., p. 806). Conformément à l’article 1er du Statut, elle « est complémentaire des juridictions pénales nationales ». Contrairement aux tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda qui bénéficient d’une primauté sur les juridictions nationales, ici le principe est la complémentarité (98-408 DC du 22 janvier 1999, cons. 29 et s.). L’institution d’une compétence universelle est en outre d’autant plus justifiée s’agissant des crimes de guerre que la France, qui est partie aux Conventions de Genève du 12 août 1949, n’a jamais adopté de législation lui permettant de poursuivre les auteurs de leur violation, alors que les articles 49 de la Convention I, 50 de la Convention II, 129 de la Convention III et 146 de la Convention IV imposent, eux, le principe aut dedare aut judicare. Rédigés dans les mêmes termes, ils prévoient en effet que : « Les Hautes Parties contractantes s'engagent à prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l'ordre de commettre, l'une ou l'autre des infractions graves à la présente Convention définies à l'article suivant. Chaque Partie contractante aura une obligation de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes. » Si les auteurs de la saisine adhèrent ainsi au principe retenu par le législateur, et qu’ils ne contestent pas non plus qu’il faille l’encadrer, ils en contestent néanmoins les modalités de mise en œuvre par trop contraignantes pour permettre une répression effective. Que se soit l’exigence de résidence habituelle (1), l’exigence d’une double incrimination (2), le monopole des poursuites du ministère public (3), et la déclinaison de sa compétence par la CPI (4). Qu’en effet, si le législateur n’était pas tenu d’établir la compétence universelle des juridictions françaises, une fois qu’il avait choisi de le faire, il devait le faire dans les respects des exigences constitutionnelles et sans méconnaitre le Traité de Rome. 1. Quant à la résidence habituelle Il est constant que votre haute juridiction « ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » (2010-605 du 12 mai 2010, cons. 23). Mais s’il ne vous appartient pas de « rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies », c’est néanmoins à condition que « les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées » (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 10). Ainsi avez-vous récemment censuré le dispositif sur la contribution carbone au motif notamment qu’il comportait des régimes d'exemption totale « contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique » (2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 82). Or les requérants considèrent qu’exiger que l’auteur présumé d’un crime relevant de la compétence de la CPI « réside habituellement » en France pour que puisse être engagée des poursuites est manifestement inapproprié à l’objectif de lutte contre l’impunité qui lui-même s’inscrit dans l’objectif à valeur constitutionnel lié aux « besoins de la recherche des auteurs d'infractions et de la prévention d'atteintes à l'ordre public » (86-211 DC du 26 août 1986, cons. 3). Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux hypothèses déjà existantes dans lesquelles la France s’est dotée d’une compétence extraterritoriale en application de conventions internationales. Ainsi, conformément à l’article 689-1 du code de procédure pénale : « En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République de l'une des infractions énumérées par ces articles » (nous soulignons). Dans toutes ces hypothèses donc, qui visent notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 particulièrement pertinente en l’espèce, la seule présence sur le territoire du criminel présumé suffit à engager des poursuites. C’est également le cas pour les crimes relevant de la compétence des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Ainsi l’article 2 de la Loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 sur le TPIY auquel renvoie l’article 2 de la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 sur le TPIR prévoit que « Les auteurs ou complices des infractions mentionnées à l'article 1er peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises s'ils sont trouvés en France » (nous soulignons). Autrement dit, à chaque fois que la France s’est dotée d’une compétence extraterritoriale, elle l’a conditionnée à la seule présence des individus sur le territoire. Alors que là, s’agissant des crimes pourtant les plus graves, elle la conditionne à la résidence habituelle sur le territoire. Or comme l’a relevé tout à fait juste titre la Rapporteure de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, cette condition, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, est extrêmement restrictive. Cette notion s’entendant « comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts » (avis précité, p. 58). Parce que rien ne saurait justifier pareille différence de traitement entre des actes de nature si identique, cette exigence est manifestement inappropriée. Cette compétence à géométrie variable aboutirait à ceci de paradoxal qu’une personne se trouvant sur le territoire français et soupçonnée de détournement de fonds communautaire pourrait faire l’objet de poursuites en vertu des articles 689-1 et 689-8 du code de procédure pénale, tandis que le génocidaire serait épargné en vertu de l’article 689-11 du même code. Le motif d’intérêt général poursuivi consistant à vouloir éviter que les juridictions françaises soient instrumentalisées pour poursuivre tous les criminels contre l’humanité où qu’ils se trouvent dans le monde ne justifie pas cette restriction. La condition de présence sur le territoire suffisant amplement à atteindre cet objectif. 2. Quant à la double incrimination La compétence des juridictions françaises ne pourra en outre s’exercer que « si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ». Les auteurs de la saisine partagent à cet égard les réserves émises par la Rapporteure pour avis de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Car en effet, si « la compétence de la France est conditionnée à l’existence des crimes dans le droit de l’autre pays, elle ne pourra pas s’exercer pour certains faits commis dans les pays où le droit est le moins complet et le moins sévère et où il n’y a aucune chance qu’ils soient poursuivis par la justice nationale ». Alors que c’est « pourtant dans ces pays que la compétence extraterritoriale de la France serait la plus nécessaire » (op. cit., p. 59). Vous ne manquerez pas ainsi de constater que cette prime accordée aux moins-disant dans le domaine de lutte contre l’impunité des plus grands criminels est manifestement inappropriée au but poursuivie par la loi. Cela serait d’autant plus paradoxal d’exiger cette condition de double incrimination dans les cas les plus graves que sont les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, qu’ils font par ailleurs partie des infractions pour lesquelles le mandat d’arrêt européen doit être exécuté sans contrôle de cette double incrimination (ibid., p. 60). Cela est de surcroit tout à fait contestable au regard du droit international général. Il s’agit là de crimes internationaux, définis internationalement, et qui, s’agissant du génocide, des crimes contre l’humanité, et des crimes de guerre ont acquis une valeur coutumière incontestable (A. PEYRO LLIOPIS, La compétence universelle en matière de crime contre l’humanité, Bruylant, 2003, pp. 6-8). En d’autres termes, qu’un Etat possède ou non une législation incriminant l’un de ces actes, il est tenu de par le droit coutumier international de les prévenir, ou de les réprimer. Comme la Cour internationale de Justice l’a reconnu dès 1951 à propos de la Convention sur le génocide, « les principes qui sont à la base de la Convention sont des principes reconnus par les Nations civilisées comme obligeant les Etats même en dehors de tout lien conventionnel » (Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, op. cit., p. 23). Cette même Cour a jugé depuis que l’interdiction du génocide relevait même du jus cogens, c'est-à-dire de cette catégorie particulière des normes impératives du droit international auxquelles, conformément à l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, « aucune dérogation n’est permise » (Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, Arrêt, 3 février 2006, Rec. 2006, 64 et Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c. Serbie et Monténégro), Arrêt, 26 février 2007, Rec. 2007, Ainsi, exiger une double incrimination pour des crimes internationaux qui s’imposent à tous est ou superfétatoire, ou une régression par rapport au droit existant, mais toujours inapproprié à l’objectif poursuivi par la loi. 3. Quant au monopole des poursuites Le monopole des poursuites accordé au parquet par la loi interdit aux éventuelles victimes d’un crime relevant du Statut de la CPI de déclencher l’action publique en se constituant partie civile. Cette limitation du droit des victimes constitue une atteinte manifeste aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi, et du droit à un recours effectif. De manière constante vous rappelez « que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ». Vous en déduisez que « toute différence de traitement qui ne serait pas justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet de la loi se trouve en conséquence prohibée » (91-304 DC du 15 janvier 1992, cons. 15). Et vous avez précisé que le rapport en question devait être « direct » (96-375 DC du 9 avril 1996, cons. 8). Or avec le dispositif proposé, les victimes des crimes relevant du Statut de la CPI vont se retrouver traiter différemment des autres victimes. La différence avec les victimes des crimes de droit commun pourrait éventuellement se justifier dès lors que l’objet de la loi traite de crimes spécifiques et pour lesquels elle instaure une compétence extraterritoriale elle-même spécifique. En revanche, ce qui fait apparaître l’arbitraire dans ce choix, c’est la différence de traitement entre ces victimes, et les victimes de crimes proches comme la torture ou le terrorisme, ou les victimes de crimes parfaitement identiques, mais dans le cadre restreint de l’ex-Yougoslavie ou du Rwanda. En effet, l’action publique au titre de l’article 689-1 peut très bien être actionnée à l’initiative des parties civiles. Tout comme l’article 2 de la Loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 sur le TPIY auquel renvoie l’article 2 de la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 sur le TPIR prévoit que « Toute personne qui se prétend lésée par l'une de ces infractions peut, en portant plainte, se constituer partie civile ». La Commission nationale consultative des droits de l’homme n’a pu ainsi que déplorer « l’atteinte au principe d’égalité d’accès à la justice et la discrimination établie entre les victimes par le projet de loi quant au déclenchement des poursuites » (Avis du 6 novembre 2008 précité). Les requérants considèrent, comme la Rapporteure pour avis de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, que la crainte de voir les juridictions françaises crouler sous les plaintes n’est pas justifiée. Le faible nombre de précédents de mise en œuvre de la compétence universelle au titre de la Convention sur la torture l’atteste. De surcroit, le juge d’instruction resterait juge de la recevabilité et du bienfondé de la constitution de partie civile. Enfin, l’exigence de présence du criminel présumé sur le territoire est suffisante pour éviter une dérive vers une compétence universelle in absentia qui serait effectivement porteuse d’un risque d’instrumentalisation des juridictions pénales françaises. Par ailleurs, vous avez déduit des termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution », qu'il ne devait « pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction » (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 38 et 2005-532 DC du 19 janvier 2006, cons. 11). Atteinte que vous n’hésitez pas à sanctionner lorsque « l’intérêt général poursuivi n'est pas suffisant » (2004-509 DC du 13 janvier 2005, cons. 33). Ainsi, si dans votre décision relative à la Loi organique sur la Cour de Justice de la République vous avez admis l’impossibilité de se constituer partie civile, c’est uniquement parce que le dispositif garantissait « la possibilité d'exercer des actions en réparation de dommages susceptibles de résulter de crimes et délits commis par des membres du Gouvernement devant les juridictions de droit commun », et qu’était ainsi préservé le droit au recours des intéressés (93-127 DC du 19 décembre 1993, cons. 12). Or il n’existe aucune garantie de la sorte dans la loi qui vous est ici soumise. Aussi vous ne manquerez pas de constater que l’intérêt général poursuivi consistant à éviter un nombre excessif de plaintes en France ne saurait justifier la privation absolue de tout recours pour les victimes des crimes pourtant les plus graves. Car, en cas d’inaction du ministère public ou de la Cour pénale internationale, il ne s’agirait ni plus ni moins que d’un déni de justice. Ceci est d’autant plus dommageable que si, conformément à votre jurisprudence constante, « l'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet » (93-426 DC du 11 août 1993, cons. 5), vous ne pouvez omettre de prendre en considération la dépendance du ministère public au pouvoir exécutif. En effet, les exigences à l’égard de « l’indépendance de l’autorité judiciaire » dont vous êtes le gardien (2007-551 DC du 01 mars 2007, cons. 7) se sont renforcées au sein du Conseil de l’Europe, au point que la Cour européenne des droits de l’homme a été amenée à constater que « le procureur de la République n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié » (arrêt Medvedyev et autres c. France du 1er décembre 2008, 61). Que la Grande chambre de la Cour dans son arrêt du 29 mars 2010 n’ait pas repris cette affirmation – non qu’elle l’ait infirmée mais qu’elle ne l’ait pas jugée nécessaire en l’espèce – est sans effet sur sa pertinence au regard de sa jurisprudence. Aussi, non seulement les victimes seront privées de leur droit à un recours effectif, mais de surcroit, elles seront privées de la garantie que leur situation fasse l’objet de l’appréciation d’une autorité judiciaire indépendante. A cet égard votre haute juridiction pourra utilement prendre en considération la décision rendue par la Cour d’arbitrage belge du 23 mars 2005 (n° 62/2005) concernant la loi du 5 août 2003 relative aux violations graves du droit international humanitaire, qui précisément réservait au procureur fédéral le soin d’engager des poursuites et excluait la possibilité de mise en mouvement de l’action publique par constitution de partie civile, tout en prévoyant qu’il n’y avait pas de voie de recours contre la décision du procureur fédéral de ne pas engager de poursuites. La loi prévoyait en outre que quatre motifs seulement pouvaient justifier un classement sans suite : 1/ plainte manifestement mal fondé ; 2/ erreur de qualification des faits ; 3/ irrecevabilité et 4/ autre juridiction (internationale ou étrangère) mieux placée. Si la Cour a dans un premier temps admis que le législateur ait « pu estimer nécessaire de créer un filtre aux possibilités de poursuites contre ces infractions », et qu’en réservant au procureur fédéral le pouvoir d’engager des poursuites « la mesure incriminée ne port[ait] pas atteinte de manière disproportionnée aux droits des victimes » ( B.7.4.). Elle a revanche considéré qu’en « ne permettant dans aucun cas que la décision du procureur fédéral de ne pas poursuivre soit contrôlée par un juge indépendant et impartial », le législateur avait « pris une mesure qui [allait] au-delà de l’objectif qu’il poursuit » ( B.7.6). Or la décision du ministère public français ne pourra pas non plus faire l’objet d’un contrôle par un juge du siège. Enfin, cette exclusion du droit à un recours effectif et du droit à réparation qui y est attaché est d’autant moins justifiée que le Statut de la CPI améliore quant lui – et la France y a grandement contribué – considérablement le statut des victimes par rapport aux autres juridictions pénales internationales dans le domaine du droit à réparation (cf. Raphaëlle MAISON, « La place des victimes » in Droit international pénal, op. cit., p. 779-784). L’article 68 leur permet ainsi d’exprimer leurs vues à différents stades de la procédure ou de se faire représenter. L’article 75 donne ensuite compétence à la Cour pour ordonner la réparation de leurs préjudices, tandis que l’article 79 prévoit même une possibilité d’indemnisation par un Fonds au profit des victimes. 4. Quant à la déclinaison expresse de compétence de la CPI Enfin, les sénateurs requérants vous demandent de constater que le membre de phrase « le ministère public s’assure auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence » est contraire au principe même sur lequel repose le mécanisme de la Cour. Conditionner la compétence des juridictions françaises à la déclinaison expresse par la CPI de sa compétence revient en effet à inverser la logique du système. Cela heurte de front le « caractère subsidiaire de la compétence de la CPI » (M. DELMAS-MARTY, « La Cour pénale internationale et les interactions entre droit interne et international », Revue de science criminelle et de droit comparé, 2003, n° 1, p. 1). Comme vous l’aviez vous-même constaté dans votre décision n° 98-408 DC, le système tout entier repose sur la complémentarité des juridictions. Il ressort ainsi des articles 18 à 19 du Statut de la Cour que la responsabilité première des poursuites incombe aux Etats. C’est en effet soit le manque de volonté de l’Etat, soit la carence de son système judiciaire qui conditionne la compétence de la CPI, et non l’inverse. Ce n’est pas aux Etats de s’assurer de la carence de la Cour pour exercer leur compétence, mais à la Cour de s’assurer de la leur pour pouvoir exercer la sienne. Les articles 18 relatif à la « Décision préliminaire sur la recevabilité » et 19 sur la « Contestation de la compétence de la Cour ou de la recevabilité d’une affaire » sont ainsi tout entier destinés à permettre aux Etats de contester la recevabilité d’une affaire dont la Cour se serait saisie afin de procéder eux-mêmes aux poursuites. Les auteurs de la saisine partagent donc l’opinion de Xavier PHILIPPE et Anne DESMAREST, et demande à votre haute juridiction de la faire sienne, selon laquelle le « projet de loi actuel opère une interprétation ‘contra-conventionnelle’ d’une obligation claire » (op. cit., p. 54). Mais le plus grave, c’est qu’en conditionnant la compétence des juridictions françaises à cette exigence, le législateur la réduit à l’état de compétence virtuelle. Car en effet, le Statut de Rome n’institue aucune procédure par laquelle la France pourrait obtenir de la Cour une déclinaison expresse de sa compétence. La seule hypothèse dans laquelle la CPI puisse être amenée à décliner expressément sa compétence – et encore il ne s’agit pas tant de compétence que d’opportunité des poursuites – c’est lorsqu’elle a été préalablement saisie d’une situation. Et conformément à l’article 15.6 du Statut : « Si, après l'examen préliminaire visé aux paragraphes 1 et 2, le Procureur conclut que les renseignements qui lui ont été soumis ne constituent pas une base raisonnable pour l'ouverture d'une enquête, il en avise ceux qui les lui ont fournis ». En d’autres termes, si la Cour n’a pas été au préalable saisie d’une affaire, la France ne pourra jamais obtenir d’elle qu’elle décline expressément sa compétence, ce qui lui interdira systématiquement d’exercer la sienne. On mesure là combien cette exigence est une fois de plus manifestement contraire à l’objectif poursuivi par la loi. Pour tous ces motifs, les sénateurs requérants vous prient, sinon de censurer ces dispositions, du moins d’en donner une interprétation qui permettra qu’elles soient appliquées conformément au Statut de la Cour pénale internationale, ainsi qu’à toutes les exigences constitutionnelles susmentionnées. Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale, tel qu'il a été définitivement adopté le 13 juillet 2010. Les députés auteurs de la saisine entendent contester la conformité à la Constitution de plusieurs dispositions contenues dans les articles 1 à 7 et 8 du texte adopté qui méconnaissent selon eux plusieurs règles et principes constitutionnels développés ci-après mais également l’article 53-2 de la Constitution du 4 octobre 1958 tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 (Loi constitutionnelle n° 99-568 DC). L’argumentation de la saisine se concentrera tout d’abord sur les normes de référence avant de se focaliser sur les dispositions contestées du texte adopté. 1. Sur les normes constitutionnelles de référence applicables au texte législatif déféré : - Sur l’article 53-2 de la Constitution du 4 octobre 1958 : Le texte législatif soumis au Conseil constitutionnel est d’une nature particulière. Bien qu’il s’agisse formellement d’une loi, l’objet de ce texte - ainsi que son nom l’indique - est d’adapter la législation interne française au Statut de la Cour pénale internationale. Il s’agit donc de rendre compatible le droit pénal interne avec les engagements pris par la France par sa participation au Traité de Rome du 17 juillet 1998. Compte tenu de cet objet, le législateur ne dispose pas d’un total pouvoir discrétionnaire pour mettre en œuvre les dispositions du Statut de la Cour pénale internationale concernant l’ordre juridique interne des Etats parties mais doit s’efforcer de rendre compatibles en les adaptant les dispositions pénales existantes pour que le système pénal international puisse fonctionner de façon optimale. S’il ne s’agit pas d’une loi de transposition au sens du droit de l’Union européenne, il n’en reste pas moins que le législateur est tenu à travers les dispositions qu’il édicte de ne pas entraver l’architecture globale et le fonctionnement du système institué par la Cour pénale internationale. Le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale est bien plus que la création d’une institution et comprend également un système intégral de poursuites des crimes internationaux pour lesquels il sollicite la coopération et la collaboration des États parties. Ces remarques liminaires seraient de peu d’intérêt si le Traité de Rome du 17 juillet 1998 n’était qu’un traité ordinaire qui ne comportait aucune conséquence constitutionnelle. Si tel était le cas, cette question relèverait du seul juge ordinaire chargé de contrôler la conventionnalité des lois et le Conseil constitutionnel devrait écarter cet argument comme il l’a fait constamment et l’a rappelé récemment dans sa décision du 12 mai 2010 n° 2010-605 DC Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, (Journal officiel du 13 mai 2010, p. 8897). Or, le traité de Rome instituant la Cour pénale internationale n’est pas un traité ordinaire : il a fait l’objet d’un contrôle du Conseil constitutionnel au titre de l’article 54 de la Constitution. Dans sa décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, Traité portant création de la Cour pénale internationale, le Conseil constitutionnel a estimé que le Traité ne pouvait être ratifié en l’état et devait faire l’objet d’une procédure de révision constitutionnelle avant ratification car certaines de ses dispositions contrevenaient à la Constitution. Mais il a également souligné la nature particulière du Traité. Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision 408 DC précitée, les normes de référence applicables permettant à la France d’adhérer à un système général de protection des droits fondamentaux. Dans les considérants 8 à 12 il les examine successivement : 8. Considérant que le peuple français a, par le préambule de la Constitution de 1958, proclamé solennellement " son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 " ; qu'il ressort, par ailleurs, du préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe de valeur constitutionnelle ; 9. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation " ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum " ; 10. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que " la République française se conforme aux règles du droit public international " et, dans son quinzième alinéa, que " sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix " ; 11. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de " traités ou accords relatifs à l'organisation internationale " ; qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution de 1958 : " Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie " ; 12. Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure des engagements internationaux en vue de favoriser la paix et la sécurité du monde et d'assurer le respect des principes généraux du droit public international ; que les engagements souscrits à cette fin peuvent en particulier prévoir la création d'une juridiction internationale permanente destinée à protéger les droits fondamentaux appartenant à toute personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus graves qui leur seraient portées, et compétente pour juger les responsables de crimes d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la communauté internationale ; qu'eu égard à cet objet, les obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres Etats parties... » (Considérant n°12). Le pouvoir constituant a donc décidé de réviser la Constitution et a créé un nouvel article spécifique permettant à la République française de participer au Statut de la cour pénale internationale. L’article 53-2 de la Constitution dispose que « La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1999 ». Le pouvoir constituant, suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 98-408 DC relative au statut de la Cour pénale internationale (ci-après CPI), a donc décidé de faire explicitement référence et de renvoyer aux « conditions prévues par le traité ». Une telle référence est propre à faire du Statut de la CPI, non pas une norme constitutionnelle en elle-même, mais une norme de référence du contrôle de constitutionnalité en raison des dispositions du texte qui visent expressément les conditions qu’il contient. Une telle analyse appelle deux remarques : - D’une part, il ne faut pas y voir un revirement ou une modification de la jurisprudence IVG : il ne s’agit pas, pour le Conseil constitutionnel, d’exercer un contrôle de conventionnalité de la loi mais simplement de tirer les conséquences d’une habilitation constitutionnelle circonscrite à un cas très précis. En ce sens le Traité instituant le système de la Cour pénale internationale n’est comparable à aucun autre. - D’autre part, une telle situation n’est pas inédite en contentieux constitutionnel français et il existe une analogie très forte avec les références faites par la Constitution au Traité sur l’Union européenne. En effet, l’article 88-3 pose que « sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut-être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision Maastricht 2 (Cons. Constit, décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Rec. p. 76) a considéré que l’article 88-3 de la Constitution contient une obligation constitutionnelle de conformité de la loi organique mentionnée par ce même article aux dispositions communautaires (considérant n° 33). Le Conseil rappelle en effet « qu’en disposant que le droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union aux élections municipales est accordé selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne, l’article 88-3 de la Constitution a expressément subordonné la constitutionnalité de la loi organique prévue pour son application à sa conformité aux normes communautaires ; qu’en conséquence, il résulte de la volonté du constituant qu’il revient au Conseil constitutionnel de s’assurer que la loi organique prévue par l’article 88-3 de la Constitution respecte... » les prescriptions de l’Union européenne. Cette interprétation est confirmée par la décision n° 93-324 DC du 3 août 1993. Ce raisonnement est également applicable à l’article 88-2 alinéas 1 et 2 qui renvoient également aux modalités prévues par le droit de l’Union européenne. Par ailleurs, la rédaction générale de l’article 53-2 de la Constitution fait ressortir l’obligation constitutionnelle de compatibilité du Statut avec les normes inférieures. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux possibilités dont disposait le pouvoir constituant pour réviser la Constitution à la suite de la décision précitée du Conseil relative à la CPI. En effet, deux possibilités s’offraient à lui pour remédier aux déclarations d’inconstitutionnalité du Conseil et permettre la ratification du traité. Comme a pu le souligner Guy Carcassone (« Le Président de la République et le juge pénal », Mélanges Philippe Ardant, LGDJ, pp. 275-288, Paris, 1999.), le Conseil constitutionnel, lors de l’examen du traité relatif à la CPI, aurait pu se contenter d’une déclaration d’inconstitutionnalité au regard des articles 67 et 68 de la Constitution, sans aller plus avant. Or, « cette attitude, parfaitement concevable, aurait eu l’inconvénient de laisser le constituant faiblement éclairé sur le nombre, la nature et la portée des incompatibilités, dans l’hypothèse où il serait tenté, comme il en a évidemment le droit souverain, de les résoudre au cas par cas, article par article. Au contraire, en précisant en quoi il y a contradiction, le Conseil met les acteurs de l’article 89 en mesure d’y réagir comme ils l’entendent ». Ainsi, le constituant avait le choix entre deux attitudes traduisant des approches différentes à l’égard de l’intégration du Statut de la CPI : - La première de ces possibilités induit la volonté de limiter l’importance du Statut de la CPI au sein du contentieux constitutionnel. Elle aurait consisté en une série de modifications, applicables point par point, afin de permettre la ratification du traité. C’est l’hypothèse qu’évoque Guy Carcassonne à travers la résolution au « cas par cas ». - La seconde possibilité témoigne de la volonté de faire du Statut de la CPI, et ce de manière plus générale, une norme de référence du contrôle de constitutionnalité. Cette possibilité consiste en un renvoi exprès aux conditions prévues par le Traité. Cette solution fut finalement retenue. Le pouvoir constituant avait adopté la même démarche en matière de droit de l’Union européenne à travers un renvoi analogue au traité sur l’Union européenne, pour les articles 88-2 et 88-3 de la Constitution (Lois constitutionnelles n° 92-554 du 25 juin 1992, n° 99-49 du 25 janvier 1999). - Sur les normes de constitutionnalité de référence : Le texte législatif adopté portant sur l’adaptation du droit pénal français à l’institution de la Cour pénale internationale comporte également plusieurs dispositions qui méconnaissent directement les règles et principe de valeur constitutionnelle. La décision 408 DC a reconnu le caractère de protection des droits fondamentaux du Statut de Rome instituant la CPI (cf. supra). Au-delà de ces exigences générales formulées par le Conseil constitutionnel quant à l’adhésion de la France au Statut de la CPI, on remarquera que la loi d’adaptation à l’institution de la Cour pénale internationale méconnaît plusieurs règles et principes constitutionnels. S’agissant de la définition des crimes et de la procédure applicable à la poursuite de ces crimes devant les juridictions pénales nationales, la loi méconnait un certain nombre de règles constitutionnelles consacrées par la Constitution française : - L’incompétence négative du législateur qui en l’espèce n’a pas pleinement intégré la liste des crimes internationaux figurant dans le Statut de Rome dans la mesure où la liste incluse dans les articles 1 à 7 du texte déféré ne présente pas une exacte similitude avec les dispositions du Statut relatives à la définition des crimes aux article 6 à 8 du Statut - Le principe d’égalité à l’égard de la prescription des crimes de guerre. Reconnus par l’article 29 du Statut de la CPI comme les autres crimes comme étant des crimes imprescriptibles, les crimes de guerre se prescrivent par 30 ans dans la loi (Article 7 du texte adopté portant sur l’article 462-10 alinéa 1 du code pénal : L’action publique à l’égard des crimes de guerre définis au présent livre se prescrit par trente ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour l’un de ces crimes se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive). S’agissant de la prescription pénale de crimes internationaux, ni le Statut, ni la doctrine n’opèrent de distinction ou de hiérarchie entre les crimes qui peuvent parfois se recouper ou être indépendants. Agir sur la prescription pénale pour conférer aux crimes de guerre un statut de moindre importance revient à méconnaître le principe d’égalité entre les victimes qui se trouveront dans une situation moins favorable que s’il s’agit d’un crime contre l’humanité ou d’un acte génocidaire. - Le principe de sauvegarde de la dignité humaine combiné à l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public en ce qui concerne l’exigence supplémentaire du critère de résidence habituelle pour arrêter et juger l’auteur présumé d’un crime international relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. (Article 8 du texte adopté portant sur l’article 689-11 alinéa 1 du code de procédure pénale : Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s’est rendue coupable à l’étranger de l’un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale en application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont elle a la nationalité est partie à la convention précitée). Cette disposition écarte l’arrestation et la poursuite d’auteurs présumés de crimes présents sur le territoire français mais qui n’y auraient pas leur résidence alors même qu’ils ne seraient pas encore recherchés pour répondre de tels crimes (hypothèse de connaissance du crime mais d’absence de poursuite officielle). S’y ajoute, l’atteinte à la présomption d’innocence garanti par l’article 9 de la DDHC et le manque de clarté et d’intelligibilité de la loi car le texte vise toute personne qui s’est rendue « coupable » à l’étranger d’un crime international. Or, il n’est guère possible d’employer dans une loi relative à la poursuite d’un crime le terme de « coupable » pour juger une personne qui est présumée innocente jusqu’à ce qu’elle soit déclarée coupable. Même si le terme « coupable » figure déjà dans l’article 689-1 du code de procédure pénale, il comporte une source d’imprécision et de présomption au détriment de la personne soupçonnée qui rend l’emploi du terme incompatible avec la Constitution. On y trouve également la méconnaissance de l’alinéa 14 du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose " la République française se conforme aux règles du droit public international ". Cette règle impose la poursuite des crimes internationaux en dépit de leur absence d’incrimination effective dans l’Etat où les faits ont été commis. Il en est de même si la personne sur laquelle pèsent des présomptions de culpabilité, possède la nationalité d’un État non partie au Statut de la CPI. Cette disposition méconnait le caractère « international » des crimes réprimés par le Statut de la CPI et qui en raison de cette reconnaissance internationale ne nécessite pas l’adjonction de critères tirés de traités d’extradition bilatéraux. De telles restrictions ne se justifient pas dans le cadre d’un traité multilatéral ayant pour finalité la répression des crimes internationaux. - Le principe d’égalité et la méconnaissance du droit au recours en ce qui concerne l’impossibilité pour les victimes de crimes internationaux de déclencher l’action publique puisque seul le ministère public possède le monopole de ce déclenchement des poursuites. Le monopole des poursuites par le ministère public interdit aux victimes ou à leurs ayant-droits d’initier des poursuites en portant plainte directement devant le juge d’instruction ou le procureur : ce dernier semble disposer du pouvoir discrétionnaire et sans recours de mettre en mouvement l’action publique (Article 8 du texte adopté portant sur l’article 689-11 alinéa 2 du code de procédure pénale : « La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition. » - La méconnaissance de l’exercice du principe de souveraineté nationale à propos du principe de complémentarité inversé qui réserve à l’Etat la priorité des poursuites en matière de crimes internationaux. Si l’Etat peut poursuivre, il doit le faire et ne peut considérer sa compétence comme subsidiaire. Ceci reviendrait à un abandon de souveraineté qui serait contraire à la fois à la lettre et à l’esprit du Traité de Rome. Si la modification de la Constitution par l’article 53-2 a eu pour objet de rendre compatible le cadre constitutionnel français à la participation de la France au traité de Rome, il n’a pas pour autant eu pour effet de faire disparaître la responsabilité souveraine de la France à exécuter les traités sur lesquels elle s’est engagée de bonne foi. 2. Sur les dispositions contestées du texte adopté : - Sur les articles 1 à 7 du texte adopté relatif à la définition des crimes internationaux tels que visés par le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale : le texte déféré au Conseil constitutionnel comprend un certain nombre de nouvelles infractions qui correspondent, pour une large part, à celles figurant dans le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale dans ses articles 6 à 8. Certaines infractions ont été ajoutées (ce qui ne constitue pas en soi un problème) ; d’autres en revanche n’y figurent pas ou n’y figurent que de façon imparfaite (v. sur ce point X. Philippe et A. Desmarest « Remarques critiques relatives au projet de loi portant adaptation du droit pénal français à l’institution de la Cour pénale internationale », RFDC n°81, 2010, p. 41, spéc. pp. 55 et s.). S’agissant d’un texte législatif d’adaptation d’un traité international à caractère pénal, on peut se poser la question de la conformité à l’article 53-2 quant aux définitions des crimes visés par le Statut de Rome que la loi déférée ne reprend pas de manière fidèle. Ceci est d’autant plus surprenant que la définition des infractions est précise et permet de dégager les éléments constitutifs de l’infraction au même titre que le ferait un texte national. Il résulte du Statut de Rome une obligation pour les États-parties d’adaptation de leur droit pénal au droit international. Le paragraphe 4 du préambule dispose que « les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale ». Le paragraphe 6 insiste sur le « devoir » de l’Etat de juger les responsables de tels crimes. Ainsi, les Etats ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour que leurs juridictions puissent être compétentes pour connaître de tels crimes. De là, découle une obligation d’adaptation du droit pénal national. S’il est difficile d’exiger une identité totale entre les dispositions du Statut de Rome et le droit pénal national, ce dernier ne doit pas pour autant prétexter de l’adaptation pour évincer certaines infractions faisant partie de l’arsenal de la définition des crimes dès lors que de telles dispositions peuvent être aisément insérées. Si l’on trouve une gradation dans les méthodes employées par différents pays ayant ratifié le statut de la Cour, S. Manacorda et G. Werel ont dégagé deux grands modèles d’adaptation : - celui qui passe par une identité parfaite entre le Statut de Rome et le droit interne : soit par une application immédiate du Statut de Rome (Afrique du Sud) ; soit par le renvoi d’une loi aux dispositions du Statut de Rome (Nouvelle Zélande, Canada) ; soit par une retranscription littérale en droit interne (Belgique) ; - celui qui, en revanche, tend à une adaptation ou réécriture du droit interne au Statut de la CPI mais qui laisse subsister certains risques de conflits ou d’imperfections (Allemagne). Dans le cadre de la loi déférée, les auteurs de la saisine estiment que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence en ne prenant pas la pleine mesure de l’adaptation qui lui incombait tant au regard de ses obligations constitutionnelles que conventionnelles. - Sur l’article 7 du texte adopté relatif à l’article 462-10 alinéa 1 nouveau du code pénal concernant la prescription trentenaire des crimes de guerre : « L’action publique à l’égard des crimes de guerre définis au présent livre se prescrit par trente ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour l’un de ces crimes se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive » La prescription des crimes de guerre, c'est-à-dire de crimes internationaux est directement contraire au Statut de Rome qui prévoit dans son article 29, de façon claire et concise, que les crimes internationaux ne se prescrivent pas. Le texte de la loi française est donc en contradiction flagrante avec les dispositions qu’il est supposé adapter... Outre la difficulté propre à la compréhension de cette contradiction, il est difficile de ne pas voir dans cette contradiction une violation de l’article 53-2 de la Constitution de 1958 qui prévoit que la participation consentie au système de la Cour pénale internationale entraine une adhésion dans les conditions où ce traité a été adopté. L’argument qui consisterait à soutenir que le texte de l’article 29 du Statut n’est applicable qu’à la CPI est inacceptable dans la mesure où ce traité a institué un système de répression des crimes internationaux qui dépasse la seule juridiction pénale internationale. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs admis cette idée dans sa décision 98-408 DC du 22 janvier 1999 relative au Statut de la cour pénale internationale dans son considérant n°20 : « Considérant qu'aux termes de l'article 29 du statut : " Les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas " ; qu'aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n'interdit l'imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale » La prescription des crimes de guerre est également contraire au principe d’égalité de traitement entre les crimes internationaux et place les victimes de crimes de guerre dans une situation plus défavorable que celles des autres crimes internationaux. Le Conseil constitutionnel pourrait ici percevoir dans des régimes de prescription différents (crime de guerre, crime contre l’humanité, génocide), une rupture d’égalité qui n’est justifié par aucune différence de situation, ni aucun motif d’intérêt général. Les crimes internationaux visés par le Statut de Rome, et qui ne sont que le constat de la part des Etats membres de la communauté internationale de leur caractère inadmissible justifiant qu’ils puissent être poursuivis n’importe où et à n’importe quel moment, ne comportent aucune différence structurelle. Si les crimes de guerre doivent impérativement être commis dans le cadre d’un conflit armé (ce qui n’est guère automatiquement le cas pour les crimes de génocide et crimes contre l’humanité) leur appartenance à la catégorie des crimes internationaux ne justifie pas un traitement différencié de la prescription. Les média se font souvent l’écho d’une idée juridiquement fausse selon laquelle il existerait une hiérarchie de la gravité des crimes internationaux : les crimes de guerre seraient les moins graves et les crimes génocidaires les plus graves. Cette idée séduisante doit être réfutée juridiquement pour deux raisons principales. D’une part, les comportements infractionnels susceptibles d’être qualifiés de crimes internationaux sont parfois similaires au point de pouvoir donner naissance à de multiples qualifications possibles : pourquoi les crimes de guerre seraient donc imprescriptibles et les autres crimes ne le seraient pas ? Ainsi, par exemple, si l’on compare la séquestration de 100 personnes sans les juger pendant plusieurs mois, susceptible de constituer un crime contre l’humanité imprescriptible et le fait de tuer plusieurs milliers de prisonniers de guerre constitutif d’un crime de guerre prescriptible, on mesure le risque qu’il y a à distinguer les crimes internationaux en fonction du régime de la prescription ! D’autre part, ce n’est pas à travers la prescription que doit se faire la distinction entre la gravité des crimes mais à travers la sanction et cela conformément à l’article 8 de la DDHC selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Affirmer que le crime de guerre est moins grave que les autres crimes est infondé et ne justifie pas en tout état de cause la rupture d’égalité de traitement entre les crimes internationaux sur le fondement d’une prescription différenciée. Cette dernière hypothèse semble d’ailleurs confirmée par le Conseil constitutionnel lui-même dans sa décision n° 2004-496 DC Economie numérique du 10 juin 2004. En effet, cette loi prévoyait un régime de prescription en matière de crimes et délits commis par voie de presse mais celui-ci distinguait selon que la publication avait été faite en ligne ou sur support papier. Les requérants auteurs de la saisine soutenaient que « ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant la loi en prévoyant que (...) le délai de prescription coure à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public pour les messages exclusivement communiqués en ligne, alors que, pour les autres messages, ces délais courent à compter du premier acte de publication ». Le Conseil a estimé que « la différence de régime instaurée en matière de droit de réponse et de prescription par les dispositions critiquées dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte la situation particulière des messages exclusivement disponibles sur un support informatique ». Le Conseil consacre ici l’idée selon laquelle une différence dans les régimes de prescription doit être justifiée sous peine de méconnaitre le principe d’égalité. Ce raisonnement doit s’appliquer au cas de la loi d’adaptation du code pénal au Statut de la CPI compte tenu des atteintes que ces crimes portent aux droits fondamentaux et à l’absence de justification de la différence de régime qu’instaure la loi entre les « crimes de guerre prescriptibles » et les « crimes contre l’humanité et de génocide imprescriptibles » depuis que la réserve faite au Statut de la CPI concernant les crimes de guerre a été levée. - Sur l’article 8 et les dispositions de l’article 689-11 alinéa 1 du code de procédure pénale relatif à l’exercice par la France de la compétence extraterritoriale pour la poursuite et le jugement des auteurs présumés de crimes internationaux se trouvant sur le territoire français : Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s’est rendue coupable à l’étranger de l’un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale en application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont elle a la nationalité est partie à la convention précitée. Le Statut de la CPI a mis en place un système de répression des crimes internationaux fondé sur le principe de « compétence universelle ». Ce terme, souvent utilisé à de façon maximaliste pour désigner sans restriction la possibilité qu’aurait toute juridiction de n’importe quel État de poursuivre un crime international sans aucune condition de rattachement (lieu de l’infraction, ou auteur ou victime du crime), mérite quelques précisions. Il signifie que la notion de « crime international » (crime commis contre l’ensemble de la communauté des Nations) implique qu’une personne recherchée pour un tel crime doit pouvoir être arrêtée dans n’importe quel endroit où elle se trouve et sa situation faire l’objet d’un examen approfondi. L’affirmation de cette compétence doit permettre ensuite de décider si cette personne peut être jugée et par qui. Plusieurs cas de figure peuvent alors se présenter. Soit la personne peut être jugée dans son Etat d’origine ou dans un Etat qui la requiert par le biais d’une procédure d’extradition. Soit la personne peut être jugée par l’Etat dans lequel elle se trouve (à condition que les charges et les preuves soient suffisantes pour mener à bien un procès). Soit, en dernier lieu, la personne peut être transférée à la Cour pénale internationale si celle-ci a ouvert une enquête ou lancée un mandat d’arrêt pour un tel crime relevant de sa compétence (application du principe général de droit pénal « aut judicare, aut dedere »). Dans la logique du système de répression des crimes internationaux, le législateur aurait donc du affirmer la compétence du juge national à l’égard de la poursuite et du jugement des crimes internationaux, en présence de l’accusé (ceci afin d’éviter l’affirmation de la compétence in abstentia qui a été à l’origine de difficultés dans les Etats voisins de la France qui ont mis en œuvre une telle solution maximaliste). Il reviendrait ensuite à chaque juge au vu des éléments dont il dispose de décider si et comment un éventuel procès peut être mené. Or, le texte de l’alinéa 1 de l’article 689-11 du code de procédure pénale rajoute des conditions supplémentaires qui conduisent à réduire substantiellement la portée de cette obligation qui contribue de façon déterminante à l’efficacité du régime de répression des crimes internationaux. Le premier alinéa de l’article 689-11 du code de procédure pénale comporte deux dispositions incompatibles avec la Constitution. - En premier lieu, le critère de « résidence habituelle » visé dans le texte adopté réduit le champ de la compétence universelle à l’égard des crimes internationaux. Cette disposition empêche l’arrestation et la poursuite « d’auteurs présumés de tels crimes » présents sur le territoire français mais qui n’y auraient pas leur résidence alors même qu’ils ne seraient éventuellement pas encore recherchés pour répondre de tels crimes. Elle méconnaît le principe du respect de la dignité humaine dans la mesure où l’application de cette disposition conduira à renoncer à la poursuite d’un crime international alors même que l’auteur de l’acte se trouverait sur le territoire français. Cette disposition, combinée à l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public, contribuerait à laisser impuni un crime international pour violation de droits fondamentaux portant atteinte à l’essence même de la dignité humaine sous l’effet d’une disposition de procédure. S’agissant de la justification qui consisterait à affirmer que ce critère est empreint de réalisme et vise à éviter qu’une personne puisse être appréhendée sans preuve et sans être certain de pouvoir réunir de telles preuves, elle ne résiste cependant pas à l’examen des exigences constitutionnelles. Elle contrevient tout d’abord aux exigences de l’alinéa 14 du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « La République se conforme aux exigences du droit international public » : en ajoutant une telle condition, le législateur restreint considérablement et dénature le champ d’application des principes sur lesquels repose l’économie du Statut de Rome. La suppression de cette disposition aurait pour effet de faire retomber le champ des poursuites dans le régime général des crimes internationaux. Elle contrevient d’autre part à la jurisprudence constitutionnelle selon laquelle il appartient aux juridictions d’apprécier la nécessité des mesures concernées. Dans sa décision n° 2004-492 DC, le Conseil constitutionnel a souligné l’importance du rôle de l’autorité judiciaire pour prévenir l’utilisation de mesures de rigueur non nécessaires. En d’autres termes, les difficultés relatives à la mise en œuvre de la compétence universelle à l’égard des crimes internationaux ne doivent pas conduire le législateur à prendre des mesures qui rendraient plus difficile la poursuite de ces crimes internationaux pour des raisons de convenance. Par ailleurs, le libellé de cette disposition est également contraire au principe du respect de la présomption d’innocence et à l’exigence constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi. En effet, la conformité de l’expression « s’est rendu coupable » pose problème au regard de l’article 9 de la DDHC qui dispose que « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Cette disposition constitutionnelle consacre le droit dont dispose toute personne d’être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie par un jugement. Le Conseil constitutionnel a reconnu logiquement la valeur constitutionnelle du principe de la présomption d’innocence, dans un premier temps sans viser directement l’article 9 de la DDHC (Cons. constit., décision n° 80-127 DC du 19 et 20 janvier 1981), puis en s’appuyant par la suite directement sur ce fondement (Cons. constit., décision n° 89-258 DC du 8 juillet 1989). Or, la disposition dont il s’agit présume cette culpabilité, ce qui a pour effet de rendre la disposition inintelligible. Or, de deux choses l’une ; ou bien la personne recherchée a déjà été déclarée coupable et le principe général du droit pénal non bis in idem s’opposerait à tout jugement nouveau de la personne pour les mêmes faits ; ou bien la personne en question n’a jamais été jugée et il est difficile d’affirmer qu’elle s’est « rendue coupable » d’un crime alors qu’elle est encore présumée innocente. La portée de ce principe s’est révélée très large et ce dernier s’impose, entre autres, au législateur. Dès la décision du 8 juillet 1989 précitée, le Conseil constitutionnel impose au législateur le respect de la présomption d’innocence. Cette décision est d’ailleurs éclairante pour le cas qui nous intéresse. En effet, les requérants estimaient qu’une loi d’amnistie antérieure au jugement méconnaissait le principe constitutionnel de la présomption d’innocence. Le Conseil ne dément pas ce raisonnement mais estime que « dans la mesure où l’amnistie a pour effet d’interdire les poursuites pénales, elle ne méconnait en rien le principe proclamé par l’article 9 de la Déclaration de 1789 selon lequel tout homme est présumé innocent (...) ». Ainsi, en raisonnant a contrario, on peut penser qu’une loi qui, avant jugement, se fonde sur une prétendue culpabilité pour enclencher des poursuites pénales, méconnait la présomption d’innocence. Le texte législatif déféré qui pose le critère d’une personne qui « s’est rendu coupable », préjugeant ainsi de la culpabilité d’un individu se trouve dans une telle situation. Dans le même sens, le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, juge que la mesure en cause n’est pas incompatible avec le principe de la présomption d’innocence « dès lors qu’elle s’attache à une peine d’emprisonnement ferme prononcée par la juridiction répressive après que celle-ci a décidé que la culpabilité du prévenu est légalement établie ». - En second lieu, l’alinéa 1 de l’article 689-11 du code de procédure pénale, introduit un critère de double incrimination à l’égard des crimes qui figurent dans le Statut de Rome et la répression des faits dans l’Etat où ils ont été commis ou à la participation de l’Etat duquel est ressortissant la personne poursuivie. Cette disposition parfaitement compréhensible lorsqu’il s’agit d’un traité d’extradition bilatéral classique est ici incompatible avec le caractère universel des crimes internationaux réprimés par le Statut de Rome. Or, la logique du système mis en place par la CPI repose sur l’indépendance des crimes au regard du régime juridique qu’ils connaissent dans les différents ordres juridiques internes. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 98-498 DC du 22 janvier 1999, l’exigence de réciprocité n’est pas de mise dans le traité instituant la Cour pénale internationale en raison de sa nature de protection des droits fondamentaux (considérant n° 12). On conçoit mal dès lors que le législateur ait calqué le régime juridique des poursuites des crimes internationaux sur celui des traités d’extradition alors que la logique de la compétence universelle applicable aux crimes internationaux repose sur un fondement autonome consistant à considérer qu’il est du devoir de tous les Etats de réprimer ces crimes et de ne laisser aucun havre de paix aux auteurs présumés des crimes internationaux. D’ailleurs, les crimes figurant dans le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale ne constituent qu’une sorte de « codification modernisée » des crimes internationaux qu’il vise mais qui existaient avant cela sous l’empire soit de traités spécifiques tels la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du génocide, soit de règles coutumières comme le révèle par exemple l’étude du Comité international de la Croix Rouge sur « les règles coutumières du droit international humanitaire ». Qui plus est l’absence d’incrimination d’un comportement infractionnel constitutif d’un crime international dans le code pénal ou la loi pénale des Etats tiers ne signifie pas que ces crimes ne peuvent pas être poursuivis : dans nombre de pays appliquant un régime juridique de Common Law, l’absence de loi formelle ne signifie pas absence d’incrimination, y compris dans les cas où le juge lui-même ne s’est pas prononcé. - Sur l’article 8 relatif à l’alinéa 2 de l’article 689-11 du code de procédure pénale : « La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition. » Cet article comporte deux griefs d’inconstitutionnalité reposant sur plusieurs moyens. -En premier lieu, l’alinéa 2 établit un régime de monopole des poursuites à la requête du ministère public qui semble exclure l’initiation des poursuites par une victime ou un ayant-droit des victimes. Il n’est guère possible d’interpréter autrement cette précision sémantique car si le législateur avait voulu suivre le régime de droit commun, il n’aurait pas mentionné cette exclusivité des poursuites au profit du ministère public. Cette disposition méconnait deux droits garantis constitutionnellement : le droit au recours et le principe d’égalité entre les victimes de crimes internationaux et les victimes d’autres crimes. - En ce qui concerne le droit au recours, celui-ci a été affirmé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel , l’article 16 de la DDHC garantit le droit à un recours juridictionnel effectif, l’article 16 disposant que « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ( déc. n° 99-416 DC : « il résulte de l’article 16 de la DDHC : « ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction »). Ce droit est défini par Gaston Jèze comme un « pouvoir légal impersonnel et objectif » dont tout justiciable dispose pouvant s’exercer en toute occasion et auquel on ne peut pas renoncer de manière générale et absolue. En réservant l’initiative des poursuites au seul ministère public, l’article 689-11 alinéa 2 empêche le déclenchement d’une action par les parties civiles en portant plainte et constitue ipso jure une atteinte au droit à un recours effectif protégé par l’article 16 de la DDHC. Ceci est d’autant plus vrai que le Conseil constitutionnel avait affirmé dans la décision n° 98-408, que le Statut de la CPI a pour objet de sanctionner les atteintes les plus graves qui seraient portées aux droits fondamentaux. La limitation du droit à un recours effectif constituerait une atteinte à l’effectivité même de ces droits. - Ensuite, en limitant la poursuite de ces crimes, l’article 689-11 alinéa 2 porte atteinte au principe d’égalité de traitement entre les victimes. En effet, l’article 689-11 limite l’initiative des poursuites au ministère public se différenciant ainsi des règles de procédure pénale générales permettant l’engagement des poursuites par les victimes de crimes de droit commun. Cette situation conduirait à mettre dans une position moins favorable les victimes des crimes considérés par la Communauté internationale mais également par la communauté nationale comme les plus graves dans une situation moins favorable que les victimes de droit commun. Ceci est d’autant plus grave qu’à la différence des mécanismes de poursuites dans certains Etats qui connaissent du principe de « légalité de poursuites » (la poursuite est automatique dès que le crime est constitué ou que certaines conditions posées par la loi sont réunies), le système pénal français fonctionne suivant celui « d’opportunité des poursuites » qui réserve au parquet un large pouvoir discrétionnaire pour décider de celles-ci. Il n’y a donc pas ici, contrairement à ce qui a été soutenu devant d’autres cours constitutionnelles étrangères, d’automaticité des poursuites, ce qui rend le système encore plus inégalitaire et risque de laisser les victimes ou leurs ayant droits sans possibilité de faire valoir leurs droits sur le plan pénal. Le droit des parties civiles de mettre l’action publique en mouvement constitue la contrepartie de cette appréciation d’opportunité confiée au parquet. La disposition déférée rompt cet équilibre en privant les parties civiles de ce droit sans encadrer l’appréciation confiée au parquet ni la soumettre au contrôle d’un juge indépendant et impartial (à cet égard le système belge souvent pris en contre-exemple pour justifier les restrictions susmentionnées a sévèrement encadré les motifs d’exclusion de poursuites, tout en instituant un contrôle par le juge des décisions de classement du parquet, ce que ne fait pas le texte français. V. en ce sens les décisions de la Cour constitutionnelle belge du 23 mars 2005 – arrêt n° 62/2005, n° de rôle 2913, B 7.5 à B 8; et du 21 février 2008 - arrêt n° 21/2008, n° de rôle 4120, - Le texte déféré au Conseil constitutionnel comporte également une autre lacune relative au principe de complémentarité inversé. La deuxième phrase de l’alinéa 2 de l’article 689-11 alinéa 2 du code de procédure pénale méconnait en effet l’exercice du principe de souveraineté nationale en ce qui concerne le principe de complémentarité inversé qui réserve à l’Etat la priorité des poursuites en matière de crimes internationaux. Le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale est on ne peut plus clair sur ce point puisqu’il confie aux États-parties la responsabilité primaire des poursuites des auteurs de crimes internationaux laissant à la Cour pénale internationale le soin de poursuivre à l’initiative du procureur mais sur décision de la Chambre préliminaire les auteurs présumés de crimes qui ne l’auraient pas été dans les Etats soit par manque de moyens, soit par manque de volonté. On comprend dès lors assez mal comment le législateur français, en dépit de la clarté du mécanisme inclus dans le Statut de Rome ait pu délibérément aller à l’encontre des dispositions de l’article 17. Il s’agit une nouvelle fois d’une méconnaissance de l’article 53-2 de la Constitution dans la mesure où le texte législatif heurte de front une règle claire du Statut de Rome et ne respecte pas les conditions qui pont présidé à son adoption. La contradiction va cependant encore plus loin ici puisque, précisément sur ce point, le Conseil constitutionnel dans sa décision 98-408 DC du 22 janvier 1999 avait longuement examiné les mécanismes mis en place par le Statut de Rome et avait estimé « que les stipulations du traité qui apportent des restrictions au principe de complémentarité de la Cour par rapport aux juridictions criminelles nationales, dans les cas où l'État partie se soustrairait délibérément aux obligations nées de la convention, découlent de la règle " Pacta sunt servanda ", en application de laquelle tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; que ces dispositions fixent limitativement et objectivement les hypothèses dans lesquelles la Cour pénale internationale pourra se déclarer compétente ; que, par suite, elles ne méconnaissent pas les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » (cons. n°32). Il avait en revanche exigé une révision préalable de la Constitution française estimant que certaines dispositions contrevenaient à l’exercice de la souveraineté nationale : « Considérant, en revanche, qu'il résulte du statut que la Cour pénale internationale pourrait être valablement saisie du seul fait de l'application d'une loi d'amnistie ou des règles internes en matière de prescription ; qu'en pareil cas, la France, en dehors de tout manque de volonté ou d'indisponibilité de l'État, pourrait être conduite à arrêter et à remettre à la Cour une personne à raison de faits couverts, selon la loi française, par l'amnistie ou la prescription ; qu'il serait, dans ces conditions, porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » (cons. n°34). Il résulte de la lecture combinée de l’ensemble des dispositions de la décision relative à l’exercice de la souveraineté nationale que le Conseil constitutionnel a appréhendé l’intégralité du système mis en place par le Statut de Rome et explicité les dispositions qui devaient faire l’objet d’une modification pour que la ratification du Traité puisse avoir lieu dans les conditions où il avait été signé. La ratification du Statut puis sa mise en œuvre par une loi adaptant le droit pénal interne ne sont donc constitutionnelles que pour autant que soient respectées les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale rappelées par la décision 98-408 DC et reposant sur la prééminence donnée aux juridictions nationales par rapport à la CPI. En inversant le principe de complémentarité, le législateur méconnaît l’un des attributs essentiels de la souveraineté qui oblige tout juge saisi à statuer sur un litige à l’égard duquel il est compétent. La disposition déférée, en ce qu’elle subordonne la compétence des juridictions nationales à une décision préalable de la Cour, comporte donc un abandon de souveraineté que n’autorise pas l’article 53-2 de la Constitution. De surcroît, le texte de l’article 689-11 alinéa 2 prévoit l’exercice de la compétence de la juridiction française après un déclinatoire de compétence « exprès » de la part de la Cour pénale internationale. Cette condition réduit encore plus de lege ferenda la possibilité qu’un juge national exerce sa compétence car elle obligerait matériellement le Procureur de la CPI à refuser d’exercer son droit de poursuite et impliquerait une décision juridictionnelle de la part de la Chambre préliminaire. Cette situation risque de vider totalement de sa substance la règle de compétence nationale. Contraire à l’article 53-2 de la Constitution et aux règles constitutionnelles d’exercice de la souveraineté nationale, la disposition de l’article 689-11 alinéa 2 du code de procédure pénale est également contraire au principe de clarté et d’intelligibilité de la loi puisque la projection des effets de la disposition contestée aboutit à en vider la substance et l’effectivité. Pour l’ensemble de ces raisons, les députés auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer inconstitutionnelles les dispositions contestées du texte législatif relatif à l’adaptation du code pénal au Statut de la Cour pénale internationale adopté le 13 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762687.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juillet 2010 par le Conseil d’État (décision n° 340390 du 15 juillet 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Pierre-Joseph F., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des 1° et 3° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu l’article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010 déclarant conformes à la Constitution les 1° et 3° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée ainsi que l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la même loi ; Vu la notification par le greffe du Conseil constitutionnel, le 30 juillet 2010, de cette décision au requérant, l’informant de ce qu’à la suite de cette décision, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler cette affaire à une audience publique ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, par sa décision susvisée du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les 1° et 3° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée ; que, par suite, il n’y a pas lieu d’examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions, Article 1er.- Il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d’État. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 août 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762686.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12057 du 1er juillet 2010), puis le 12 juillet 2010 par cette même cour (arrêts n° 12157 à 12162 du 9 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de questions prioritaires de constitutionnalité posées, respectivement, par M. René-Jacques B. et Mme Nicole C., épouse B., M. Ahmed-Ramzi O. et Mme Michèle O. agissant ès qualités de représentants légaux de Mlle Sophie O., M. Emmanuel M., la société SERODEM, Mme Chantal Z., M. Astan K. et M. Gérard D., relatives à la conformité de l'article 575 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 déclarant l'article 575 du code de procédure pénale contraire à la Constitution ; Vu la notification par le greffe du Conseil constitutionnel, le 23 juillet 2010, de cette décision aux requérants, les informant de ce qu'à la suite de cette décision, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler ces affaires à une audience publique ; Vu les observations produites pour M. M. par la SCP Thouin, Palat et Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 juillet 2010 ; Vu les observations produites pour les époux B. par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 juillet 2010 ; Vu les observations produites pour les époux O. par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 juillet et le 3 août 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les questions transmises par la Cour de cassation portent sur la même disposition législative ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour y répondre par une seule décision ; 2. Considérant que, par sa décision susvisée du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 575 du code de procédure pénale contraire à la Constitution ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'examiner les questions prioritaires de constitutionnalité portant sur cet article, Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées par la Cour de cassation. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 août 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762679.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Saisi le 2 octobre 2009 d'une requête du ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, tendant à la constatation de la déchéance de plein droit de Monsieur Gaston FLOSSE de sa qualité de membre du Sénat ; Vu la décision du 22 octobre 2009 par laquelle le Conseil constitutionnel a décidé de surseoir à statuer sur cette requête jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation jugeant le pourvoi formé par M. FLOSSE contre l’arrêt de la cour d’appel de Papeete du 24 septembre 2009 l’ayant condamné à la peine complémentaire d’un an d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire ; Vu la Constitution ; Vu les articles L.O. 130, L.O. 136 et L.O. 296 du code électoral ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu l’arrêt du 16 juin 2010 de la Cour de cassation (chambre criminelle n° 09-86.558) statuant sur le pourvoi formé par M. FLOSSE contre l’arrêt de la Cour d’appel de Papeete du 24 septembre 2009 ; Vu les observations produites pour M. FLOSSE par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, par l’arrêt susvisé du 16 juin 2010, la Cour de cassation a, d’une part, annulé l’arrêt de la cour d’appel de Papeete du 24 septembre 2009 en ses dispositions ayant statué sur la requête de M. FLOSSE en relèvement de la peine accessoire d’inéligibilité et ayant prononcé à son encontre une peine complémentaire d’un an d’inéligibilité et, d’autre part, renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris ; 2. Considérant qu’il s’ensuit qu’en l’état de la procédure, il n’y a pas lieu de statuer sur la requête du ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, tendant à la constatation de la déchéance de plein droit de M. FLOSSE de sa qualité de membre du Sénat ; qu’il appartiendra, le cas échéant, aux autorités mentionnées à l’article L.O. 136 du code électoral de saisir à nouveau le Conseil constitutionnel une fois la procédure devenue définitive, Article 1er.- Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête du garde des sceaux, ministre de la justice, tendant à la constatation de la déchéance de plein droit de M. Gaston FLOSSE de sa qualité de membre du Sénat. Article 2.- La présente décision sera notifiée au ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, au président du Sénat, à M. FLOSSE, ainsi qu’au premier président de la cour d’appel de Paris et au procureur général près de la cour d’appel de Paris. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022762684.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 juin 2010 par le Conseil d'État (décision n° 328937-328938 du 14 juin 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Association nationale des sociétés d'exercice libéral (ANSEL), le Conseil national des barreaux et l'Association des avocats conseils d'entreprises, relative à la conformité du troisième alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale aux droits et libertés que la Constitution garantit. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales ; Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu la décision n° 293642 du Conseil d’État du 14 novembre 2007 ; Vu l’arrêt n° 06-21741 de la Cour de cassation du 15 mai 2008 ; Vu les observations produites pour l’Association nationale des sociétés d’exercice libéral par Me Thomas Crochet, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 29 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 juin 2010 ; Vu les observations produites pour l’Association des avocats conseils d’entreprises par Me Stéphane Austry et Me Jean-Yves Mercier, avocats au barreau de Nanterre, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les observations produites pour le Conseil national des barreaux, par Me Stéphane Austry et Me Jean-Yves Mercier, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les nouvelles observations produites pour l’Association nationale des sociétés d’exercice libéral, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Thomas Crochet pour l’Association nationale des sociétés d’exercice libéral, Me Jean-Yves Mercier pour le Conseil national des barreaux et l’Association des avocats conseils d’entreprises et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 27 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le troisième alinéa de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale précise, pour les sociétés d’exercice libéral, le champ de l’assiette des cotisations d’assurance maladie et maternité et d’allocations familiales et des cotisations d’assurance vieillesse ; qu’il dispose : « Pour les sociétés d’exercice libéral visées à l’article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, est également prise en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur non salarié non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés et des revenus visés au 4° de l’article 124 du même code qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes. Un décret en Conseil d’État précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social au sens du présent alinéa ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant » ; 2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions institueraient plusieurs différences de traitement injustifiées ; qu’il en serait ainsi : - entre les professionnels libéraux et les autres travailleurs non salariés non agricoles ; - entre les professionnels libéraux eux-mêmes, d’une part, selon qu’ils exercent dans une société d’exercice libéral ou dans une société dont le régime est défini par le livre II du code de commerce et, d’autre part, selon qu’ils exercent dans une société d’exercice libéral ou dans une société civile professionnelle ou une association qui a choisi d’être assujettie à l’impôt sur les sociétés ; - entre les associés d’une société d’exercice libéral selon qu’ils sont majoritaires ou minoritaires ; 4. Considérant, en outre, que, selon les deuxième et troisième requérants, en soumettant à cotisations sociales les dividendes versés tant aux associés exerçant dans la société d’exercice libéral qu’à ceux qui n’y exercent pas, les dispositions précitées appliqueraient un traitement identique à des personnes placées dans une situation différente en méconnaissance du principe d’égalité ; 5. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’il n’en résulte pas pour autant que le principe d’égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; 6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 7. Considérant, en premier lieu, que le premier alinéa de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée impose que, dans les sociétés d’exercice libéral, « plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue par des professionnels en exercice au sein de la société » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 12 de la même loi : « Les gérants, le président et les dirigeants de la société par actions simplifiée, le président du conseil d’administration, les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les directeurs généraux ainsi que les deux tiers au moins des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance doivent être des associés exerçant leur profession au sein de la société » ; qu’en définissant le régime de la société d’exercice libéral, le législateur a donc entendu offrir aux travailleurs non salariés exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé la faculté de choisir un mode d’exercice de leur profession qui institue un lien nécessaire entre cet exercice, le contrôle du capital de la société et la détention d’un mandat social, tout en autorisant, pour certaines professions, l’accès au capital de personnes physiques ou morales n’exerçant pas au sein de la société ; qu’ainsi, les associés majoritaires acquièrent la possibilité de verser les revenus tirés de l’activité de ces sociétés soit sous forme de rémunération, soit sous forme de dividendes et revenus des comptes courants ; 8. Considérant, en second lieu, qu’en incluant dans l’assiette des cotisations sociales une partie des dividendes et produits des comptes courants issus de l’activité d’une société d’exercice libéral et perçus par le travailleur non salarié non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés, le législateur a entendu dissuader le versement de dividendes fondé sur la volonté de faire échapper aux cotisations sociales les revenus tirés de l’activité de ces sociétés ; qu’il a souhaité éviter des conséquences financières préjudiciables à l’équilibre des régimes sociaux en cause ; qu’il a également entendu mettre fin à des divergences de jurisprudence sur la définition de l’assiette des cotisations sociales versées par les associés majoritaires des sociétés d’exercice libéral et éviter par là même le développement de contestations ; 9. Considérant que, par suite, en réservant l’extension de l’assiette des cotisations sociales aux dividendes versés dans les sociétés d’exercice libéral, le législateur a pris en considération la situation particulière des travailleurs non salariés associés de ces sociétés et répondu à un objectif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi ; qu’en limitant le champ des dividendes soumis à cotisations sociales à ceux qui représentent une part significative du capital social de la société et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant détenus par les intéressés, il a défini des critères objectifs et rationnels ; que la délimitation du champ de l’assiette des cotisations sociales qui en résulte ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 10. Considérant que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte portée au principe d’égalité doivent être rejetés ; 11. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le troisième alinéa de l’article L. 131 6 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 août 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762685.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution : - le 29 juin 2010 (arrêt n° 12055 du 25 juin 2010), de questions prioritaires de constitutionnalité posées par MM. Miloud K., Yohan L., Azziz D., Miloud C., Hamza B. et Jean-François B., relatives à la conformité du premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit (QPC n° 2010-30) ; - le 6 juillet 2010 (arrêt n° 12058 du 1er juillet 2010), d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Sylvain C., relative à la conformité du premier alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit (QPC n° 2010-34) ; - le 6 juillet 2010 (arrêt n° 12115 du 1er juillet 2010), d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Serge P., relative à la conformité des articles 63, 63-1, 63-4, et 706-73 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit (QPC n° 2010-35) ; - le 12 juillet 2010 (arrêts nos 12171 et 12175 du 9 juillet 2010), de questions prioritaires de constitutionnalité posées par MM. Osman T., Karim Z., Rémy G., Youssef L., Jean-Philippe G., Christopher W., Julien H., Mickaël M. et Laurent D., relatives à la conformité des articles 63-4 et 706-73 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit (QPC n° 2010-47) ; - le 12 juillet 2010 (arrêts nos 12155 12163 et 12177 du 9 juillet 2010), de questions prioritaires de constitutionnalité posée par M. Michel R., Mme Caroline W. et M. Éric P., relatives à la conformité de l'article 63-4 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit (QPC n° 2010-48) ; - les 12 et 15 juillet 2010 (arrêts n° 12164 et 12167 du 9 juillet 2010), de questions prioritaires de constitutionnalité posées par MM. Jérôme B. et Adlene H., relatives à la conformité des articles 62, 63, 63-4, 64 et 706-73 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit (QPC n° 2010-49) ; - le 12 juillet 2010 (arrêt n° 12173 du 9 juillet 2010), d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Christian T., relative à la conformité des articles 62, 63, 63-4 et 64 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit (QPC n° 2010-50). LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour MM. K., L. et D. par Me Jean-Pierre Choquet, avocat au barreau de Nanterre, et pour MM. C., B. et B. par Me Maxime Cessieux, avocat au même barreau, enregistrées le 22 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2010 ; Vu les observations produites pour M. P. par Me Régine Barthélémy, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 30 juillet 2010 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 déclarant les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale contraires à la Constitution et disant n'y avoir lieu à statuer sur le septième alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale et sur son article 706-73 ; Vu la notification par le greffe du Conseil constitutionnel, le 30 juillet 2010, de cette décision aux requérants, les informant de ce qu'à la suite de cette décision, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler ces affaires à une audience publique ; Vu les observations produites pour MM. T., Z. et B. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 août 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour y répondre par une seule décision ; - SUR LES ARTICLES 62, 63, 63-1, 63-4 et 706-73 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 2. Considérant que, par sa décision du 30 juillet 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a déclaré les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale contraires à la Constitution et a dit n'y avoir lieu à statuer sur le septième alinéa de l'article 63-4 du même code et sur son article 706-73 ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'examiner les questions prioritaires de constitutionnalité portant sur ces articles ; - SUR L'ARTICLE 64 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 3. Considérant qu'aux termes de l'article 64 du code de procédure pénale : « Tout officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès-verbal d'audition de toute personne gardée à vue la durée des interrogatoires auxquels elle a été soumise et des repos qui ont séparé ces interrogatoires, les heures auxquelles elle a pu s'alimenter, le jour et l'heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l'heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit amenée devant le magistrat compétent. Il mentionne également au procès-verbal les demandes faites en application des articles 63-2, 63-3 et 63-4 et la suite qui leur a été donnée. - Cette mention doit être spécialement émargée par les personnes intéressées, et, au cas de refus, il en est fait mention. Elle comportera obligatoirement les motifs de la garde à vue » ; 4. Considérant que ces dispositions, qui se bornent à imposer à l'officier de police judiciaire de dresser procès-verbal des conditions de déroulement de la garde à vue, ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées par la Cour de cassation et portant sur les articles 62, 63, 63-1, 63-4 et 706-73 du code de procédure pénale. Article 2.- L'article 64 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 août 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762681.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juin 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12030 du 31 mai 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Daniel W., Laurent D., Eddy et Driss G., Hamza F., Antonio M. et Ferat A., Mme Elena L., MM. Alexander Z., Ahmed B., Samih Z., Rachid M., Mike S., Claudy I., Grégory B. Ahmed K., Kossi H., Willy P. et John C., Mme Virginie P., MM. Mehdi T., Abibou S., Mouhssine M., Nouri G., Mohamed E., Amare K., Ulrich K., Masire N., Abelouahab S., Rami Z., Edgar A., Valentin F. et Nabil et Sophiane S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du code de procédure pénale relatifs au régime de la garde à vue. Il a également été saisi le 11 juin 2010 par cette même cour (arrêt n° 12041-12042-12043-12044-12046-12047-12050-12051-12052-12054 du 4 juin 2010), dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Jacques M., Jean C., Didier B., Bruno R., Mohammed A., François W., Jair Alonso R., Bilel G., Mohamed H. et David L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mêmes dispositions. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 78-788 du 28 juillet 1978 portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises, notamment son article 2 ; Vu la loi n° 85-1196 du 18 novembre 1985 modifiant diverses dispositions du code de procédure pénale et du code de la route et relative a la police judiciaire, notamment son article 1er ; Vu la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 93-326 DC du 11 août 1993 ; Vu la loi n° 94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, notamment son article 2 ; Vu la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, notamment son article 53 ; Vu la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire, notamment son article 20 ; Vu la loi n° 98-1035 du 18 novembre 1998 portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale ; Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, notamment son article 8 ; Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 ; Vu la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, notamment son article 16 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour MM. D. et W., enregistrées le 17 juin 2010 ; Vu les observations produites par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour Mmes L. et P. et MM. Z., B., Z., M., S., I., B., K., H., P., C., T., S., M., G., E., K., K., N., S. et Z., enregistrées le 17 juin 2010 ; Vu les observations produites par Me Molin, avocat au barreau de Lyon, pour MM. M., A., S., G., S. et F., enregistrées le 18 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 18 et 24 juin 2010 ; Vu les observations produites par Me Barrere, avocat au barreau de Perpignan, pour M. R., enregistrées le 20 juin 2010 ; Vu les observations produites par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. M., enregistrées le 23 juin 2010 ; Vu les observations produites par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. C., enregistrées le 24 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites par Me Barrere, enregistrées le 28 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 30 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, enregistrées le 30 juin 2010 ; Vu les observations produites par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. G., enregistrées le 2 juillet 2010 ; Vu les observations produites par Me Gavignet, avocat au barreau de Dijon, pour M. A., enregistrées le 2 juillet 2010 ; Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction, enregistrées le 16 juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Emmanuel Piwnica, Me René Despieghelaere, Me Gaël Candella, Me Eymeric Molin, Me Jean-Baptiste Gavignet, Me Marie-Aude Labbe, Me Emmanuel Ravanas, Me Hélène Farge, Me David Rajjou, Me Denis Garreau, pour les requérants, et M. François Seners, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 20 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les questions prioritaires de constitutionnalité portent sur les mêmes dispositions ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code de procédure pénale : « L'officier de police judiciaire peut appeler et entendre toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis. « Les personnes convoquées par lui sont tenues de comparaître. L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique les personnes visées à l'article 61. Il peut également contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation. « Il dresse un procès-verbal de leurs déclarations. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. Si elles déclarent ne savoir lire, lecture leur en est faite par l'officier de police judiciaire préalablement à la signature. Au cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est faite sur celui-ci. « Les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 peuvent également entendre, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause. Ils dressent à cet effet, dans les formes prescrites par le présent code, des procès-verbaux qu'ils transmettent à l'officier de police judiciaire qu'ils secondent. « Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 63 de ce même code : « L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République. « La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue. « Sur instructions du procureur de la République, les personnes à l'encontre desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat. « Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort » ; 4. Considérant qu'aux termes de son article 63-1 : « Toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire, ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue prévues par l'article 63. « Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne gardée à vue ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention. « Les informations mentionnées au premier alinéa doivent être communiquées à la personne gardée à vue dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits. « Si cette personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec des sourds. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité. « Si la personne est remise en liberté à l'issue de la garde à vue sans qu'aucune décision n'ait été prise par le procureur de la République sur l'action publique, les dispositions de l'article 77-2 sont portées à sa connaissance. « Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a été placée en garde à vue » ; 5. Considérant qu'aux termes de son article 63-4 : « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. « Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai. « L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. « À l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure. « L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue. « Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents. « Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°, 7°, 8° et 15° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 11° du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par ces derniers du placement en garde à vue » ; 6. Considérant qu'aux termes de son article 77 : « L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République. La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. « Le procureur de la République peut, avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures, prolonger la garde à vue d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus. Cette prolongation ne peut être accordée qu'après présentation préalable de la personne à ce magistrat. Toutefois, elle peut, à titre exceptionnel, être accordée par décision écrite et motivée sans présentation préalable de la personne. Si l'enquête est suivie dans un autre ressort que celui du siège du procureur de la République saisi des faits, la prolongation peut être accordée par le procureur de la République du lieu d'exécution de la mesure. « Sur instructions du procureur de la République saisi des faits, les personnes à l'encontre desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat. « Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort. « Les dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 64, 64-1 et 65 sont applicables aux gardes à vue exécutées dans le cadre du présent chapitre » ; 7. Considérant qu'aux termes de son article 706-73 : « La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre : « 1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l'article 221-4 du code pénal ; « 2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ; « 3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ; « 4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal ; « 5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ; « 6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ; « 7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ; « 8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ; « 9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ; « 10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ; « 11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ; « 12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles L. 2339-2, L. 2339-8, L. 2339 10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ; « 13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; « 14° Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ; « 15° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14°; « 16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l'article 321-6-1 du code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15°. « Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 11°, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII » ; 8. Considérant que les requérants font valoir, en premier lieu, que les conditions matérielles dans lesquelles la garde à vue se déroule méconnaîtraient la dignité de la personne ; 9. Considérant qu'ils soutiennent, en deuxième lieu, que le pouvoir donné à l'officier de police judiciaire de placer une personne en garde à vue méconnaîtrait le principe selon lequel l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ; que le procureur de la République ne serait pas une autorité judiciaire indépendante ; qu'il ne serait informé qu'après la décision de placement en garde à vue ; qu'il a le pouvoir de la prolonger et que cette décision peut être prise sans présentation de la personne gardée à vue ; 10. Considérant qu'ils estiment, en troisième lieu, que le pouvoir donné à l'officier de police judiciaire de placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction constitue un pouvoir arbitraire qui méconnaît le principe résultant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui prohibe toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer d'une personne mise en cause ; 11. Considérant que les requérants font valoir, en quatrième lieu, que la personne gardée à vue n'a droit qu'à un entretien initial de trente minutes avec un avocat et non à l'assistance de ce dernier ; que l'avocat n'a pas accès aux pièces de la procédure et n'assiste pas aux interrogatoires ; que la personne gardée à vue ne reçoit pas notification de son droit de garder le silence ; que, dès lors, le régime de la garde à vue méconnaîtrait les droits de la défense, les exigences d'une procédure juste et équitable, la présomption d'innocence et l'égalité devant la loi et la justice ; qu'en outre, le fait que, dans les enquêtes visant certaines infractions, le droit de s'entretenir avec un avocat soit reporté à la quarante-huitième ou à la soixante-douzième heure de garde à vue méconnaîtrait les mêmes exigences ; - SUR LES ARTICLES 63-4, ALINÉA 7, ET 706-73 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et du troisième alinéa de son article 23-5 que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 13. Considérant que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi du 9 mars 2004 susvisée ; que les requérants contestaient notamment la conformité à la Constitution des dispositions de ses articles 1er et 14 ; que, dans les considérants 2 et suivants de sa décision du 2 mars 2004 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article 1er qui « insère dans le livre IV du code de procédure pénale un titre XXV intitulé : " De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées " » et comportait l'article 706-73 du code de procédure pénale ; qu'en particulier, dans les considérants 21 et suivants de cette même décision, il a examiné les dispositions relatives à la garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisées et, parmi celles-ci, le paragraphe I de l'article 14 dont résulte le septième alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale ; que l'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré les articles 1er et 14 conformes à la Constitution ; que, par suite, le septième alinéa de l'article 63-4 et l'article 706-73 du code de procédure pénale ont déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; qu'en l'absence de changement des circonstances, depuis la décision du 2 mars 2004 susvisée, en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de ces dispositions ; - SUR LES ARTICLES 62, 63, 63-1, 63-4, ALINÉAS 1er À 6, ET 77 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 14. Considérant que, dans sa décision susvisée du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel n'a pas spécialement examiné les articles 63, 63 1, 63-4 et 77 du code de procédure pénale ; que, toutefois, il a déclaré conformes à la Constitution les modifications apportées à ces articles par les dispositions alors soumises à son examen ; que ces dispositions étaient relatives aux conditions de placement d'une personne en garde à vue et à la prolongation de cette mesure, au contrôle de celle-ci par le procureur de la République et au droit de la personne gardée à vue d'avoir un entretien de trente minutes avec un avocat ; que, postérieurement à la loi susvisée du 24 août 1993, ces articles du code de procédure pénale ont été modifiés à plusieurs reprises ; que les dispositions contestées assurent, en comparaison de celles qui ont été examinées par le Conseil dans sa décision du 11 août 1993, un encadrement renforcé du recours à la garde à vue et une meilleure protection des droits des personnes qui en font l'objet ; 15. Considérant toutefois que, depuis 1993, certaines modifications des règles de la procédure pénale ainsi que des changements dans les conditions de sa mise en œuvre ont conduit à un recours de plus en plus fréquent à la garde à vue et modifié l'équilibre des pouvoirs et des droits fixés par le code de procédure pénale ; 16. Considérant qu'ainsi la proportion des procédures soumises à l'instruction préparatoire n'a cessé de diminuer et représente moins de 3 % des jugements et ordonnances rendus sur l'action publique en matière correctionnelle ; que, postérieurement à la loi du 24 août 1993, la pratique du traitement dit « en temps réel » des procédures pénales a été généralisée ; que cette pratique conduit à ce que la décision du ministère public sur l'action publique est prise sur le rapport de l'officier de police judiciaire avant qu'il soit mis fin à la garde à vue ; que, si ces nouvelles modalités de mise en oeuvre de l'action publique ont permis une réponse pénale plus rapide et plus diversifiée conformément à l'objectif de bonne administration de la justice, il n'en résulte pas moins que, même dans des procédures portant sur des faits complexes ou particulièrement graves, une personne est désormais le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant l'expiration de sa garde à vue, en particulier sur les aveux qu'elle a pu faire pendant celle-ci ; que la garde à vue est ainsi souvent devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause ; 17. Considérant, en outre, que, dans sa rédaction résultant des lois du 28 juillet 1978 et 18 novembre 1985 susvisées, l'article 16 du code de procédure pénale fixait une liste restreinte de personnes ayant la qualité d'officier de police judiciaire, seules habilitées à décider du placement d'une personne en garde à vue ; que cet article a été modifié par l'article 2 de la loi du 1er févier 1994, l'article 53 de la loi du 8 février 1995, l'article 20 de la loi du 22 juillet 1996, la loi du 18 novembre 1998, l'article 8 de la loi du 18 mars 2003 et l'article 16 de la loi du 23 janvier 2006 susvisées ; que ces modifications ont conduit à une réduction des exigences conditionnant l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale ; que, entre 1993 et 2009, le nombre de ces fonctionnaires civils et militaires ayant la qualité d'officier de police judiciaire est passé de 25 000 à 53 000 ; 18. Considérant que ces évolutions ont contribué à banaliser le recours à la garde à vue, y compris pour des infractions mineures ; qu'elles ont renforcé l'importance de la phase d'enquête policière dans la constitution des éléments sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée ; que plus de 790 000 mesures de garde à vue ont été décidées en 2009 ; que ces modifications des circonstances de droit et de fait justifient un réexamen de la constitutionnalité des dispositions contestées ; . En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte à la dignité de la personne : 19. Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ; 20. Considérant qu'il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ; qu'il appartient, en outre, aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et d'ordonner la réparation des préjudices subis ; que la méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l'application des dispositions législatives précitées n'a pas, en elle-même, pour effet d'entacher ces dispositions d'inconstitutionnalité ; que, par suite, s'il est loisible au législateur de les modifier, les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ne portent pas atteinte à la dignité de la personne ; . En ce qui concerne les autres griefs : 21. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance » ; qu'aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; 22. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; 23. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; 24. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ; 25. Considérant qu'en elles-mêmes, les évolutions rappelées ci-dessus ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ; que la garde à vue demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire ; que, toutefois, ces évolutions doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense ; 26. Considérant que l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet ; que l'intervention d'un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures ; qu'avant la fin de cette période, le déroulement de la garde à vue est placé sous le contrôle du procureur de la République qui peut décider, le cas échéant, de sa prolongation de vingt-quatre heures ; qu'il résulte des articles 63 et 77 du code de procédure pénale que le procureur de la République est informé dès le début de la garde à vue ; qu'il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté ; qu'il lui appartient d'apprécier si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est suspectée d'avoir commis ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution doit être écarté ; 27. Considérant cependant, d'une part, qu'en vertu des articles 63 et 77 du code de procédure pénale, toute personne suspectée d'avoir commis une infraction peut être placée en garde à vue par un officier de police judiciaire pendant une durée de vingt-quatre heures quelle que soit la gravité des faits qui motivent une telle mesure ; que toute garde à vue peut faire l'objet d'une prolongation de vingt-quatre heures sans que cette faculté soit réservée à des infractions présentant une certaine gravité ; 28. Considérant, d'autre part, que les dispositions combinées des articles 62 et 63 du même code autorisent l'interrogatoire d'une personne gardée à vue ; que son article 63-4 ne permet pas à la personne ainsi interrogée, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat ; qu'une telle restriction aux droits de la défense est imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ; qu'au demeurant, la personne gardée à vue ne reçoit pas la notification de son droit de garder le silence ; 29. Considérant que, dans ces conditions, les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale n'instituent pas les garanties appropriées à l'utilisation qui est faite de la garde à vue compte tenu des évolutions précédemment rappelées ; qu'ainsi, la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée ; que, par suite, ces dispositions méconnaissent les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; - SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ : 30. Considérant, d'une part, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications des règles de procédure pénale qui doivent être choisies pour qu'il soit remédié à l'inconstitutionnalité constatée ; que, d'autre part, si, en principe, une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité, l'abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; qu'il y a lieu, dès lors, de reporter au 1er juillet 2011 la date de cette abrogation afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité ; que les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, Article 1er.- Les articles 62, 63, 63-1 et 77 du code de procédure pénale et les alinéas 1er à 6 de son article 63-4 sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er juillet 2011 dans les conditions fixées au considérant 30. Article 3.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur l'article 706-73 du code de procédure pénale et le septième alinéa de son article 63-4. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762680.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mai 2010 par le Conseil d’État (décision n° 324976 du 18 mai 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Virginie M. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du c du 1 de l’article 195 du code général des impôts. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, notamment son article L. 1 ; Vu le code général des impôts ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour Mme M. par la SCP Tiffreau-Corlay, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 juin 2010 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Pascal Tiffreau pour Mme M. et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 29 juin 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le c du 1 de l’article 195 du code général des impôts dispose que le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n’ayant pas d’enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables « sont titulaires, soit pour une invalidité de 40 % ou au-dessus, soit à titre de veuve, d’une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre reproduisant celles des lois des 31 mars et 24 juin 1919 » ; 2. Considérant que, selon la requérante, veuve d’un militaire portugais décédé pendant son service militaire au Portugal, ces dispositions, en opérant une distinction en fonction de la nationalité, portent atteinte au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’elles porteraient atteinte également au principe d’égalité devant les charges publiques garanti par son article 13 ; 3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 5. Considérant que, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, le c du 1 de l’article 195 du code général des impôts attribue, sous certaines conditions, une demi-part supplémentaire de quotient familial aux titulaires d’une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ou à leurs veuves ; qu’en témoignage de la reconnaissance de la République française, le législateur a entendu accorder une telle mesure à ces personnes sans considération liée à la nationalité ; qu’en leur réservant cette mesure, il a pris en considération leur situation particulière et répondu à un objectif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi ; que l’allégement d’impôt qui en résulte ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte portée au principe d’égalité doivent être rejetés ; 6. Considérant que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le c du 1 de l’article 195 du code général des impôts est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 9 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762682.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juin 2010 par le Conseil d’État (décision n° 338028 du 9 juin 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. et Mme André P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des 1° et 3° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Il a également été saisi le 21 juin 2010 par la Cour de cassation (arrêts nos 12093 et 12101 du 15 juin 2010), dans les mêmes conditions, de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées respectivement par la SARL DEG CONSEILS, la société WEBTEL-GSM LLC, Mme Régine D. épouse ANGOT-AMBROISE et M. Philippe C., relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la même loi. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu l’article 94 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 84 184 DC du 29 décembre 1984 ; Vu l’article 108 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 89 268 DC du 29 décembre 1989 ; Vu l’article 49 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence ; Vu l’article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ; Vu le décret n° 85-1008 du 24 septembre 1985 portant incorporation au livre des procédures fiscales de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce livre ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. et Mme P. par Me Patrick Philip, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 24 juin 2010 ; Vu les observations produites pour la société WEBTEL-GSM LLC, Mme D. et M. C. par la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 1er juillet 2010 ; Vu les observations produites pour la SARL DEG CONSEILS par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juillet 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 25 juin et 6 juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Patrick Philip pour M. P., Me François Pinet pour la SARL DEG CONSEILS, Me Alain-François Roger pour la société WEBTEL-GSM LLC, Mme D. et M. C. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 27 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; - SUR L’ARTICLE L. 16 B DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES DANS SA VERSION ISSUE DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 SUSVISÉE : 2. Considérant que l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales fixe le cadre légal des visites et saisies effectuées par les agents de l’administration fiscale ; que, dans sa rédaction résultant de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée, cet article dispose : « I. Lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support. « II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. « Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite. « L’ordonnance comporte : « – l’adresse des lieux à visiter ; « – le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l’autorisation de procéder aux opérations de visite. « – la mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix. « L’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie. « Le juge motive sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. « Si, à l’occasion de la visite, les agents habilités découvrent l’existence d’un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés au I sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l’ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au IV. « La visite et la saisie de documents s’effectuent sous l’autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. À cette fin, il donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations. « Il désigne un officier de police judiciaire chargé d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. « Il peut, s’il l’estime utile, se rendre dans les locaux pendant l’intervention. « À tout moment, il peut décider la suspension ou l’arrêt de la visite. « L’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. « L’ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. « À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice. « Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l’ordonnance. « L’ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l’ordonnance. Cet appel n’est pas suspensif. « Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l’affaire au greffe de la cour d’appel où les parties peuvent le consulter. « L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « III. La visite, qui ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures, est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l’administration des impôts. « Les agents de l’administration des impôts mentionnés au I peuvent être assistés d’autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs. « Les agents des impôts habilités, l’occupant des lieux ou son représentant et l’officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. « L’officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale ; l’article 58 de ce code est applicable. « IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l’administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s’il y a lieu. Le procès-verbal et l’inventaire sont signés par les agents de l’administration des impôts et par l’officier de police judiciaire ainsi que par les personnes mentionnées au premier alinéa du III ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. « Si l’inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés qui a lieu en présence de l’officier de police judiciaire ; l’inventaire est alors établi. « V. Les originaux du procès-verbal et de l’inventaire sont, dès qu’ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l’occupant des lieux ou à son représentant. Une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’auteur présumé des agissements mentionnés au I, nonobstant les dispositions de l’article L. 103. « Les pièces et documents saisis sont restitués à l’occupant des locaux dans les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l’autorité judiciaire compétente. « Le procès-verbal et l’inventaire mentionnent le délai et la voie de recours. « Le premier président de la cour d’appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l’inventaire, mentionnés au premier alinéa. Ce recours n’est pas suspensif. « L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « VI. L’administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu’après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 47 » ; 3. Considérant que, selon les requérants, les visites et saisies par des agents de l’administration fiscale portent atteinte à l’inviolabilité du domicile, au droit de propriété, au droit à un recours juridictionnel effectif et au respect des droits de la défense ; qu’ils soutiennent, en particulier, que l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales n’impose au juge ni de mentionner dans l’ordonnance d’autorisation la possibilité et les modalités de sa saisine en vue de la suspension ou de l’arrêt de la visite, ni d’indiquer ses coordonnées pour que soit assuré le caractère effectif du contrôle de ces opérations ; 4. Considérant que la disposition contestée a pour origine l’article 94 de la loi du 29 décembre 1984 susvisée ; que cet article a été spécialement examiné et déclaré conforme à la Constitution dans les considérants 33 à 35 de la décision du 29 décembre 1984 susvisée ; que, postérieurement à son insertion dans le livre des procédures fiscales, il a été modifié par l’article 108 de la loi du 29 décembre 1989, l’article 49 de la loi du 15 juin 2000 et l’article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisées ; 5. Considérant que l’article 108 de la loi du 29 décembre 1989 a inséré dans l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales des dispositions qui constituent les alinéas 3 à 7 et 15 à 17 de son paragraphe II ; que ces dispositions ont été spécialement examinées et déclarées conformes à la Constitution dans les considérants 91 à 100 de la décision du 29 décembre 1989 susvisée ; 6. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; 7. Considérant que le VI de l’article 49 de la loi du 15 juin 2000 susvisée a pour seul objet de confier au juge des libertés et de la détention, et non plus au président du tribunal de grande instance, le pouvoir d’autoriser les visites prévues par l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu’il ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ; 8. Considérant que l’article 164 de la loi du 4 août 2008 a inséré dans l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales des dispositions qui constituent les alinéas 6 et 7, 14 et 16 à 21 de son paragraphe II ainsi que la dernière phrase du premier alinéa de son paragraphe V et les alinéas 3 à 6 de ce même paragraphe ; qu’il a introduit dans la procédure prévue par l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales des garanties supplémentaires pour les personnes soumises à ces visites en leur ouvrant la faculté de saisir le premier président de la cour d’appel d’un appel de l’ordonnance autorisant la visite des agents de l’administration fiscale ainsi que d’un recours contre le déroulement de ces opérations ; 9. Considérant que, d’une part, le quinzième alinéa du paragraphe II de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que l’ordonnance est notifiée verbalement sur place au moment de la visite ; qu’à défaut d’occupant des lieux ou de son représentant, elle est notifiée par lettre recommandée ou, à défaut, par voie d’huissier de justice ; que le dix-septième alinéa de cet article prévoit que « le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l’ordonnance » ; que, d’autre part, si les dispositions contestées prévoient que l’ordonnance autorisant la visite est exécutoire « au seul vu de la minute » et que l’appel n’est pas suspensif, ces dispositions, indispensables à l’efficacité de la procédure de visite et destinées à assurer la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, ne portent pas atteinte au droit du requérant d’obtenir, le cas échéant, l’annulation des opérations de visite ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789, doit être écarté ; 10. Considérant qu’en l’absence de changement des circonstances, il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d’examiner les griefs formés contre les dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution dans les décisions susvisées ; que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété et de la méconnaissance de l’inviolabilité du domicile ou de l’atteinte à l’article 66 de la Constitution, qui visent des dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution, doivent être écartés ; - SUR LES 1° ET 3° DU PARAGRAPHE IV DE L’ARTICLE 164 DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 SUSVISÉE : 11. Considérant que le 1° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée a pour objet d’ouvrir, dans des conditions analogues à celles que prévoit l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, un appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, pour les procédures de visite et de saisie pour lesquelles le procès-verbal ou l’inventaire a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la réforme de cette procédure ; que le 3° du paragraphe IV du même article fixe les modalités de l’information des contribuables sur ces droits ; 12. Considérant qu’aux termes du 1° du paragraphe IV de cet article 164 : « Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l’inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l’ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l’objet d’un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d’appel dans les cas suivants : « a) Lorsque les procédures de visite et de saisie ont été réalisées à compter du 1er janvier de la troisième année qui précède l’entrée en vigueur de la présente loi et n’ont donné lieu à aucune procédure de contrôle visée aux articles L. 10 à L. 47 A du livre des procédures fiscales ; « b) Lorsque les procédures de contrôle visées aux articles L. 10 à L. 47 A du même livre mises en œuvre à la suite des procédures de visite et de saisie réalisées à compter du 1er janvier de la troisième année qui précède l’entrée en vigueur de la présente loi se sont conclues par une absence de proposition de rectification ou de notification d’imposition d’office ; « c) Lorsque les procédures de contrôle mises en œuvre à la suite d’une procédure de visite et de saisie n’ont pas donné lieu à mise en recouvrement ou, en l’absence d’imposition supplémentaire, à la réception soit de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l’article L. 57 du même livre, soit de la notification prévue à l’article L. 76 du même livre, soit de la notification de l’avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ou par la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ; « d) Lorsque, à partir d’éléments obtenus par l’administration dans le cadre d’une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu’elles font ou sont encore susceptibles de faire l’objet, à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi, d’une réclamation ou d’un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l’auteur de l’appel ou du recours ou par l’administration, sursoit alors à statuer jusqu’au prononcé de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel » ; 13. Considérant qu’aux termes du 3° du paragraphe IV du même article : « Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l’administration informe les personnes visées par l’ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l’existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l’ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s’exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l’article 64 du code des douanes. En l’absence d’information de la part de l’administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai » ; 14. Considérant que, selon le premier requérant, ces dispositions méconnaîtraient le principe de non-rétroactivité de la loi pénale consacré par l’article 8 de la Déclaration de 1789, le droit de consentir à l’impôt, prévu par son article 14, et le principe de la séparation des pouvoirs garanti par son article 16 ; 15. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée n’institue ni une incrimination ni une peine ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère doit être écarté ; 16. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique... » ; que les dispositions de l’article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l’article 34 de la Constitution et n’instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l’occasion d’une instance devant une juridiction, à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 14 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; 17. Considérant, en troisième lieu, d’une part, qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la Déclaration de 1789 s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ; 18. Considérant que, d’autre part, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu’en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu’enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; 19. Considérant que les 1° et 3° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée reconnaissent à certains contribuables ayant fait l’objet, avant l’entrée en vigueur de cette loi, de visites par des agents de l’administration fiscale, le droit de former un appel contre l’ordonnance ayant autorisé cette visite ou un recours contre le déroulement de ces opérations ; qu’ils font ainsi bénéficier rétroactivement ces personnes des nouvelles voies de recours désormais prévues par l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu’ils n’affectent donc aucune situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; 20. Considérant que les 1° et 3° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée ainsi que l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la même loi, ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Les 1° et 3° du paragraphe IV de l’article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ainsi que l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la même loi sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 juillet 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762683.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juin 2010 par le Conseil d’État (décision n° 316986 du 9 juin 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Jean C., Pierre D., Jean B., Yves G., Yves J. et Frédéric S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa du 4° de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, ainsi que de son article L. 952-6-1. Il a également été saisi, le même jour et dans les mêmes conditions, par le Conseil d’État (décision n° 329056-329057 du 9 juin 2010), d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Collectif pour la défense de l’Université et par M. Olivier B., Mmes Cécile C., Pascale G., MM. Jean M. et Jacques P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 712-8 et L. 954-1 du même code. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l’éducation ; Vu la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les premiers requérants par la SCP Carole Thomas-Raquin et Alain Bénabent, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 24 et 28 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Collectif pour la défense de l’Université, enregistrées le 27 juin 2010 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 juin 2010 ; Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 juillet 2010 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Alain Bénabent pour les premiers requérants et M. François Seners, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l’audience publique du 27 juillet 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant que les dispositions contestées du code de l’éducation, issues de la loi du 10 août 2007 susvisée, portent, d’une part, sur la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs et, d’autre part, sur leur statut ; - SUR LA PROCÉDURE DE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS : 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 952-6-1 du code de l’éducation : « Sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national d’agrégation d’enseignement supérieur, lorsqu’un emploi d’enseignant-chercheur est créé ou déclaré vacant, les candidatures des personnes dont la qualification est reconnue par l’instance nationale prévue à l’article L. 952 6 sont soumises à l’examen d’un comité de sélection créé par délibération du conseil d’administration siégeant en formation restreinte aux représentants élus des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des personnels assimilés. « Le comité est composé d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés, pour moitié au moins extérieurs à l’établissement, d’un rang au moins égal à celui postulé par l’intéressé. Ses membres sont proposés par le président et nommés par le conseil d’administration siégeant en formation restreinte aux représentants élus des enseignants-chercheurs et personnels assimilés. Ils sont choisis en raison de leurs compétences, en majorité parmi les spécialistes de la discipline en cause et après avis du conseil scientifique. En l’absence d’avis rendu par le conseil scientifique dans un délai de quinze jours, l’avis est réputé favorable. Le comité siège valablement si au moins la moitié des membres présents sont extérieurs à l’établissement. « Au vu de son avis motivé, le conseil d’administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, transmet au ministre compétent le nom du candidat dont il propose la nomination ou une liste de candidats classés par ordre de préférence, sous réserve de l’absence d’avis défavorable du président tel que prévu à l’article L. 712-2. « Un comité de sélection commun à plusieurs établissements d’enseignement supérieur peut être mis en place, notamment dans le cadre d’un pôle de recherche et d’enseignement supérieur » ; 4. Considérant que le deuxième alinéa du 4° de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, relatif aux pouvoirs du président de l’université, dispose : « Sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur, aucune affectation ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé » ; 5. Considérant que les requérants font grief à ces dispositions de méconnaître le principe constitutionnel d’indépendance des enseignants-chercheurs et, plus précisément, l’exigence d’une représentation propre et authentique des professeurs d’université, ainsi que de porter atteinte au principe d’égalité ; qu’en particulier, ils font grief à l’article L. 952-6-1 du code de l’éducation de ne pas préciser que le conseil d’administration de l’université, chargé de désigner les membres des comités de sélection appelés à porter une appréciation sur les candidats à un emploi de professeur, siège en une formation restreinte aux seuls professeurs ; qu’ils critiquent également le pouvoir reconnu au président de l’université de proposer au conseil d’administration les membres des comités de sélection et la compétence attribuée au conseil scientifique d’émettre un avis sur ces propositions avant la décision du conseil d’administration ; 6. Considérant que la garantie de l’indépendance des enseignants-chercheurs résulte d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que, si le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs implique que les professeurs et maîtres de conférences soient associés au choix de leurs pairs, il n’impose pas que toutes les personnes intervenant dans la procédure de sélection soient elles-mêmes des enseignants-chercheurs d’un grade au moins égal à celui de l’emploi à pourvoir ; 7. Considérant que le principe d’égal accès aux emplois publics découle de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ; . En ce qui concerne les comités de sélection : 8. Considérant que la loi du 10 août 2007 susvisée a renforcé les pouvoirs des organes permanents des universités et notamment les attributions du président ; que, toutefois, s’agissant de la composition des comités de sélection, le président ne dispose que d’un pouvoir de proposition ; qu’il doit tenir compte, dans ces propositions, du rang et des compétences des personnes et respecter un équilibre entre les enseignants de l’université et ceux qui exercent leurs fonctions dans d’autres universités ; qu’ainsi, son pouvoir de proposition est strictement encadré par la loi ; que la nomination des membres des comités de sélection ressortit à la seule compétence du conseil d’administration ; 9. Considérant que, si le conseil scientifique de l’université n’est pas, en vertu de l’article L. 712-5 du code de l’éducation, composé uniquement d’enseignants-chercheurs, ce conseil n’émet qu’un simple avis sur les propositions faites par le président de l’université ; 10. Considérant que, lorsqu’il procède à la nomination des membres des comités de sélection, le conseil d’administration de l’université siège dans une formation restreinte aux représentants élus des enseignants-chercheurs et personnels assimilés ; 11. Considérant que les comités de sélection, qui apprécient les mérites scientifiques des candidats, sont composés d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés, pour moitié au moins extérieurs à l’université, d’un rang au moins égal à celui de l’emploi à pourvoir ; que les membres de ces comités sont choisis en raison de leurs compétences, en majorité parmi les spécialistes de la discipline en cause ; 12. Considérant que, par un avis motivé unique portant sur l’ensemble des candidats, chaque comité de sélection dresse la liste de ceux qu’il retient ; que le législateur a ainsi entendu laisser au comité la responsabilité d’établir une sélection et interdit au conseil d’administration de proposer au ministre chargé de l’enseignement supérieur la nomination d’un candidat non sélectionné par le comité ; 13. Considérant qu’en application de l’article L. 952-6-1 du code de l’éducation, le conseil d’administration siège dans une formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui de l’emploi à pourvoir ; que sa délibération est prise au vu de l’avis motivé du comité de sélection ; qu’il transmet au ministre chargé de l’enseignement supérieur le nom du candidat dont il propose la nomination ou une liste de candidats classés par ordre de préférence ; 14. Considérant que, dans ces conditions, tous les candidats au recrutement, à la mutation ou au détachement se trouvant soumis aux mêmes règles, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe d’égalité ; qu’elles associent les professeurs et maîtres de conférences au choix de leurs pairs et ne portent, par suite, pas davantage atteinte au principe constitutionnel d’indépendance des enseignants-chercheurs ; . En ce qui concerne le « pouvoir de veto » du président de l’université : 15. Considérant qu’en vertu de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, aucune affectation ne peut être prononcée si le président de l’université émet un avis défavorable motivé ; que le président dispose ainsi, sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur, d’un « pouvoir de veto » ; que ce pouvoir s’applique à tous les personnels, y compris aux enseignants-chercheurs, selon l’article L. 952-6-1 du même code ; qu’il en résulte que le président de l’université peut s’opposer au recrutement, à la mutation ou au détachement des candidats dont les mérites ont été au préalable distingués par un comité de sélection ; 16. Considérant que le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs s’oppose à ce que le président de l’université fonde son appréciation sur des motifs étrangers à l’administration de l’université et, en particulier, sur la qualification scientifique des candidats retenus à l’issue de la procédure de sélection ; que, sous cette réserve, le « pouvoir de veto » du président, en ce qu’il s’applique au recrutement, à la mutation et au détachement des enseignants-chercheurs, ne porte pas atteinte au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs ; - SUR LE STATUT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS : 17. Considérant qu’aux termes de l’article L. 954-1 du code de l’éducation : « Le conseil d’administration définit, dans le respect des dispositions statutaires applicables et des missions de formation initiale et continue de l’établissement, les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d’enseignement, de recherche et les autres missions qui peuvent être confiées à ces personnels » ; 18. Considérant que l’article L. 712-8 du même code dispose : « Les universités peuvent, par délibération adoptée dans les conditions prévues à l’article L. 711-7, demander à bénéficier des responsabilités et des compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines prévues aux articles L. 712-9, L. 712-10 et L. 954-1 à L. 954-3. « Les dispositions des articles mentionnés au premier alinéa s’appliquent sous réserve que la délibération du conseil d’administration soit approuvée par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l’enseignement supérieur » ; 19. Considérant que les requérants font grief à ces dispositions de porter atteinte au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs ainsi qu’au principe d’égalité, dès lors que les intéressés pourront être soumis à des obligations de service différentes, selon qu’ils exercent leurs fonctions dans une université bénéficiant ou non des responsabilités et compétences élargies ; 20. Considérant que le principe d’égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des agents publics appartenant à un même corps découle de l’article 6 de la Déclaration de 1789 ; 21. Considérant, en premier lieu, qu’afin de renforcer l’autonomie des universités, l’article L. 954-1 du code de l’éducation se borne à autoriser le conseil d’administration à définir les « principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d’enseignement, de recherche et les autres missions qui peuvent être confiées à ces personnels » ; qu’en vertu de l’article L. 952-3 du même code, ces autres missions consistent dans « la diffusion des connaissances et la liaison avec l’environnement économique, social et culturel », la « coopération internationale » et « l’administration et la gestion de l’établissement » ; qu’en tout état de cause, l’article L. 954-1 précité prévoit que le pouvoir ainsi reconnu au conseil d’administration s’exerce « dans le respect des dispositions statutaires applicables » ; que celles-ci résultent à la fois du statut général des fonctionnaires et des règles particulières du statut des enseignants-chercheurs prévues par décret en Conseil d’État ; que, par suite, ce pouvoir du conseil d’administration ne porte atteinte, en lui-même, ni au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs ni au principe d’égalité entre les fonctionnaires d’un même corps ; 22. Considérant, en second lieu, que l’article L. 712-8 du code de l’éducation limite la mise en œuvre du pouvoir précédemment mentionné au seul conseil d’administration des universités bénéficiant des responsabilités et compétences élargies, prévues par le titre III de la loi du 10 août 2007 susvisée, en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines ; que les « principes généraux de répartition des obligations de service » entre les enseignants-chercheurs peuvent ainsi varier d’une université à l’autre ; que, toutefois, l’article 49 de la loi du 10 août 2007 susvisée prévoit que toutes les universités bénéficieront, au plus tard cinq ans après sa date de publication, soit avant le 12 août 2012, des responsabilités et compétences élargies ; que la différence de traitement qui peut résulter, à titre transitoire, de la disposition contestée repose sur des critères objectifs et rationnels ; que, par suite, le grief tiré de l’atteinte à l’égalité de traitement entre les fonctionnaires d’un même corps doit être écarté ; 23. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 16, le deuxième alinéa du 4° de l’article L. 712-2 du code de l’éducation est conforme à la Constitution. Article 2.- Les articles L. 712-8, L. 952-6-1 et L. 954-1 du code de l’éducation sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée aux parties dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 août 2010.
CONSTIT/CONSTEXT000022762677.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée par M. Jean-François DURANTIN, demeurant à Henrichemont (Cher), enregistrée le 16 juillet 2010 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 4 et 11 juillet 2010 dans la 10ème circonscription des Yvelines pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 38, alinéa 2 ; Vu le code électoral ; Vu le décret n° 2010-533 du 21 mai 2010 portant convocation des électeurs pour l’élection d’un député à l’Assemblée nationale (10e circonscription des Yvelines) ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que M. DURANTIN conteste les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 4 et 11 juillet 2010 dans la 10ème circonscription des Yvelines au motif que sa candidature a fait l’objet d’un refus d’enregistrement ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 157 du code électoral, applicable à l’élection des députés : « Les déclarations de candidatures doivent être déposées, en double exemplaire, à la préfecture au plus tard à 18 heures le quatrième vendredi précédant le jour du scrutin » ; qu’aux termes de son article R. 98 : « Les déclarations de candidatures à l’Assemblée nationale sont reçues dans les préfectures, pour le premier tour de scrutin, à partir du quatrième lundi qui précède le jour de l’élection... » ; 3. Considérant que, par décret du 21 mai 2010, les électeurs de la 10ème circonscription des Yvelines ont été convoqués le dimanche 4 juillet 2010 en vue de procéder à l’élection d’un député à l’Assemblée nationale ; qu’en application des articles L. 157 et R. 98 précités du code électoral, les déclarations de candidatures à cette élection pouvaient être déposées du lundi 7 au vendredi 11 juin 2010 à 18 heures ; qu’il s’ensuit que M. DURANTIN, qui allègue avoir déposé sa candidature le 17 juin 2010, n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort qu’elle n’a pas été enregistrée ; que, par suite, sa requête doit être rejetée, Article premier.- La requête de M. Jean-François DURANTIN est rejetée. Article 2.- La présente décision sera notifiée au président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022762676.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 2 juin 2010, la décision en date du 25 mai 2010 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Philippe GAUTRY, candidat à l’élection législative partielle qui a eu lieu les 11 et 18 octobre 2009 dans la 12ème circonscription des Yvelines ; Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. GAUTRY, lequel n’a pas produit d’observations ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant, d’une part, qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral : « Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l’élection a été acquise, chaque candidat... présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Cette présentation n’est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d’absence de dépense et de recette » ; 2. Considérant, d’autre part, qu’en vertu du second alinéa de l’article L.O. 128 du code électoral, est inéligible pendant un an celui qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l’article L. 52-12 ; 3. Considérant que, dans la 12ème circonscription du département des Yvelines, l’élection a été acquise au second tour de scrutin, qui a eu lieu le 18 octobre 2009 ; qu’à l’expiration du délai prévu à l’article L. 52-12 du code électoral, soit le 18 décembre 2009 à 18 heures, M. GAUTRY n’avait pas fait parvenir son compte de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu’il n’avait pas davantage produit une attestation d’absence de dépense et de recette établie par un mandataire financier ; que, dans ces conditions, il y a lieu, en application de l’article L.O. 128, de le déclarer inéligible pour une durée d’un an à compter de la date de la présente décision, Article premier.- M. Philippe GAUTRY est déclaré inéligible en application des dispositions de l’article L.O. 128 du code électoral pour une durée d’un an à compter du 29 juillet 2010. Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. GAUTRY, au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022762674.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée pour M. Jean-Frédéric POISSON, par Me Antoine Beauquier, avocat au barreau de Paris, enregistrée le 2 juin 2010 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à la rectification pour erreur matérielle de la décision n° 2009-4534 du 20 mai 2010 du Conseil constitutionnel annulant les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 20 et 27 septembre 2009 dans la 10ème circonscription des Yvelines pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Vu la décision n° 2010-4537 du 29 juillet 2010 rejetant la protestation formée par M. Jean-François DURANTIN contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 4 et 11 juillet 2010 dans la 10ème circonscription des Yvelines pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, par la décision du 20 mai 2010, dont M. POISSON demande la rectification pour erreur matérielle, le Conseil Constitutionnel a annulé les opérations électorales auxquelles il avait été procédé les 20 et 27 septembre 2009 dans la 10ème circonscription des Yvelines en vue de l’élection d’un député ; que, depuis l’introduction du recours en rectification d’erreur matérielle, de nouvelles élections ont eu lieu pour la désignation du député de cette circonscription ; que ces dernières opérations électorales, qui ont donné lieu à une contestation rejetée par la décision susvisée de ce jour, sont devenues définitives ; que, dès lors, la requête de M. POISSON est devenue sans objet, Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en rectification d’erreur matérielle formé par M. POISSON. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. POISSON et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000022762675.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 2 juin 2010, la décision en date du 25 mai 2010 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Bernard HUET, candidat à l’élection législative qui a eu lieu les 11 et 18 octobre 2009 dans la 12ème circonscription des Yvelines ; Vu les observations présentées par M. HUET, enregistrées comme ci-dessus le 16 juin 2010 ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1.Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 52-12 du code électoral : « Chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4... Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l’élection a été acquise, chaque candidat présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Cette présentation n’est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d’absence de dépense et de recette » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 52 15 du même code : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » ; 2.Considérant, d’autre part, qu’en vertu du second alinéa de l’article L.O. 128 du même code, est inéligible pendant un an celui qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l’article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit par la Commission ; 3.Considérant que, le 18 décembre 2009, M. HUET a déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques un compte de campagne ne faisant apparaître aucune recette et aucune dépense ; qu’il résulte toutefois de l’instruction qu’il avait perçu des dons pour un montant de 5 450 euros et engagé des dépenses en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle, pour un montant de 1 260 euros ; que, par suite, son compte de campagne aurait dû être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; que, si M. HUET invoque les difficultés qu’il a rencontrées pour s’assurer des services d’un expert-comptable, s’il fait état de sa bonne foi et s’il produit devant le Conseil constitutionnel un compte de campagne certifié par un expert-comptable, ces circonstances ne sont pas de nature à faire obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 52-12, lesquelles ont été méconnues en l’espèce ; que c’est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne ; que, par suite, il appartient au Conseil constitutionnel, en application de l’article L.O. 128 du code électoral, de déclarer M. HUET inéligible pour une durée d’un an à compter de la date de la présente décision, Article premier.- M. Bernard HUET est déclaré inéligible en application des dispositions de l’article L.O. 128 du code électoral pour une durée d’un an à compter du 29 juillet 2010. Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. HUET, au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025561609.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 décembre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 353325 du 30 décembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 10 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique ; Vu la décision du Conseil d'État n° 326708 du 18 juin 2010 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour l'association requérante par Me Catherine Musso, avocate au barreau de Paris, enregistrées les 25 janvier et 9 février 2012 ; Vu les observations produites pour la ville de Paris par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 25 janvier et 8 février 2012 ; Vu les observations produites pour la Fondation d'entreprise Louis Vuitton pour la création par la SCP Barthelemy-Matuchansky-Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 janvier 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 janvier 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-Marie Pouilhe, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, Me Jean Barthélemy pour la Fondation d'entreprise Louis Vuitton pour la création, Me Dominique Foussard pour la ville de Paris, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 février 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi n° 2011 590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés, à la date de leur délivrance, les permis de construire accordés à Paris en tant que leur légalité a été ou serait contestée pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et ND 7 du règlement du plan d'occupation des sols remis en vigueur à la suite de l'annulation par le Conseil d'État des articles N 6 et N 7 du règlement du plan local d'urbanisme approuvé par délibération des 12 et 13 juin 2006 du Conseil de Paris » ; 2. Considérant que, selon l'association requérante, cette disposition porterait atteinte aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et du droit à un recours juridictionnel effectif ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; 4. Considérant que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; 5. Considérant que, d'une part, il ressort des travaux parlementaires qu'en adoptant la disposition contestée, le législateur a entendu valider l'arrêté du 8 août 2007 par lequel le maire de Paris a accordé à la Fondation d'entreprise Louis Vuitton pour la création un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment à usage de musée dans l'enceinte du Jardin d'acclimatation à Paris ; qu'il a entendu assurer la réalisation sur le domaine public d'un projet destiné à enrichir le patrimoine culturel national, à renforcer l'attractivité touristique de la ville de Paris et à mettre en valeur le Jardin d'acclimatation ; que, dans ces conditions, la disposition contestée répond à un but d'intérêt général suffisant ; 6. Considérant que, d'autre part, le législateur a prévu que les permis de construire accordés à Paris ne sont validés qu' « en tant que leur légalité a été ou serait contestée pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et ND 7 du règlement du plan d'occupation des sols remis en vigueur à la suite de l'annulation par le Conseil d'État des articles N 6 et N 7 du règlement du plan local d'urbanisme approuvé par délibération des 12 et 13 juin 2006 du Conseil de Paris » ; qu'ainsi le législateur a précisément indiqué le motif d'illégalité dont il entend purger les permis de construire ; qu'il a étroitement délimité la zone géographique pour laquelle ils ont été ou seraient accordés ; que, dans ces conditions, la portée de la validation est strictement définie ; 7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article 10 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 février 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 24 février 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025561608.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la réclamation présentée par M. Patrick BOURSON, demeurant à Rilly-La-Montagne (Marne) enregistrée le 21 mars 2012 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République ; Vu la Constitution, et notamment ses articles 6, 7 et 58 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, en son article 3 ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; Vu la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2012 arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que quatre présentations de la candidature de M. Patrick BOURSON à l'élection du Président de la République sont parvenues au Conseil constitutionnel ; 2. Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel, lorsqu'il arrête, en application des dispositions du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée, la liste des candidats à l'élection du Président de la République, de contrôler le nombre et la validité des présentations, de s'assurer de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, de constater le dépôt du pli scellé exigé pour leur déclaration de situation patrimoniale et de recevoir leur engagement de déposer, en cas d'élection, une nouvelle déclaration ; que la procédure instituée par les dispositions de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 susvisé, qui ouvre à toute personne ayant fait l'objet de présentations le droit de former une réclamation contre l'établissement de la liste des candidats à cette élection, a pour seul objet de permettre aux demandeurs qui s'y croient fondés de contester la régularité de la décision prise au regard des conditions énoncées ci-dessus ; 3. Considérant qu'à l'appui de sa réclamation, M. BOURSON ne formule aucun grief tiré de ce que la liste des candidats à l'élection du Président de la République, arrêtée par la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2012, aurait été établie dans des conditions contraires à celles énoncées par le paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ; que, par suite, sa réclamation doit être rejetée, D É C I D E : Article 1er.- La réclamation présentée par M. Patrick BOURSON contre la décision du 19 mars 2012 du Conseil constitutionnel arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République est rejetée. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025561603.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la protection de l'identité, le 7 mars 2012, par M. François REBSAMEN, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Dominique BAILLY, Mme Delphine BATAILLE, MM. Claude BÉRIT-DÉBAT, Michel BERSON, Jean BESSON, Mme Maryvonne BLONDIN, MM. Yannick BOTREL, Martial BOURQUIN, Mmes Bernadette BOURZAI, Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Pierre CAMANI, Mme Claire-Lise CAMPION, MM. Jean-Louis CARRÈRE, Luc CARVOUNAS, Bernard CAZEAU, Yves CHASTAN, Jacques CHIRON, Mme Karine CLAIREAUX, M. Gérard COLLOMB, Mme Hélène CONWAY MOURET, MM. Jacques CORNANO, Roland COURTEAU, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Claude DILAIN, Claude DOMEIZEL, Mmes Odette DURIEZ, Frédérique ESPAGNAC, MM. Jean-Luc FICHET, Jean-Jacques FILLEUL, Mmes Catherine GÉNISSON, Samia GHALI, MM. Jean-Pierre GODEFROY, Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Claude JEANNEROT, Ronan KERDRAON, Mme Virginie KLÈS, MM. Jacky LE MENN, Alain LE VERN, Jean-Yves LECONTE, Mme Marie-Noëlle LIENEMANN, MM. Jeanny LORGEOUX, Jacques-Bernard MAGNER, François MARC, Marc MASSION, Mmes Michelle MEUNIER, Danielle MICHEL, MM. Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Thani MOHAMED SOILIHI, Jean-Marc PASTOR, François PATRIAT, Daniel PERCHERON, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Thierry REPENTIN, Roland RIES, Gilbert ROGER, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Michel TESTON, René TEULADE, Richard YUNG, Mmes Leila AÏCHI, Esther BENBASSA, MM. Ronan DANTEC, André GATTOLIN, Joël LABBÉ, Jean-Vincent PLACÉ, Mmes Aline ARCHIMBAUD, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, MM. Jean DESESSARD, Jacques MÉZARD, Pierre-Yves COLLOMBAT, Robert TROPEANO, Jean-Claude REQUIER, Jean-Pierre PLANCADE, Yvon COLLIN, Mme Anne-Marie ESCOFFIER, MM. François FORTASSIN, Raymond VALL, Jean-Michel BAYLET, Mmes Françoise LABORDE, Nicole BORVO COHEN-SEAT, Eliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, M. Eric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Christian FAVIER, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH et M. Paul VERGÈS, sénateurs ; Et le même jour par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Mmes Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Jean-Louis BIANCO, Serge BLISKO, Daniel BOISSERIE, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Laurent CATHALA, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Pierre COHEN, Frédéric CUVILLIER, Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, Julien DRAY, Tony DREYFUS, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mmes Corinne ERHEL, Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, MM. Pierre FORGUES, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Paul GIACOBBI, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Daniel GOLDBERG, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Elisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Jack LANG, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Bernard LESTERLIN, Michel LIEBGOTT, François LONCLE, Jean MALLOT, Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Arnaud MONTEBOURG, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Mme Sylvia PINEL, M. François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Dominique RAIMBOURG, Simon RENUCCI, Mmes Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, Gwendal ROUILLARD, René ROUQUET, Christophe SIRUGUE, Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu les observations du Gouvernement en réponse à la saisine ainsi que ses observations complémentaires produites à la demande du Conseil constitutionnel, enregistrées le 15 mars 2012 ; Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs requérants, enregistrées le 20 mars 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la protection de l'identité ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution des dispositions de ses articles 5 et 10 ; - SUR LES ARTICLES 5 et 10 : 2. Considérant que l'article 5 de la loi déférée prévoit la création, dans les conditions prévues par la loi du 6 janvier 1978 susvisée, d'un traitement de données à caractère personnel facilitant le recueil et la conservation des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d'identité, destiné à préserver l'intégrité de ces données ; que, parmi celles-ci, figurent les données contenues dans le composant électronique sécurisé de la carte nationale d'identité et du passeport dont la liste est fixée à l'article 2 de la loi, qui sont, outre l'état civil et le domicile du titulaire, sa taille, la couleur de ses yeux, deux empreintes digitales et sa photographie ; 3. Considérant que cet article 5 permet que l'identification du demandeur d'un titre d'identité ou de voyage s'effectue en interrogeant le traitement de données à caractère personnel au moyen des données dont la liste est fixée à l'article 2, à l'exception de la photographie ; qu'il prévoit également que ce traitement de données à caractère personnel peut être interrogé au moyen des deux empreintes digitales recueillies dans le traitement, en premier lieu, lors de l'établissement des titres d'identité et de voyage, en deuxième lieu, pour les besoins de l'enquête relative à certaines infractions, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, et, en troisième lieu, sur réquisition du procureur de la République aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité d'une personne décédée, victime d'une catastrophe naturelle ou d'un accident collectif ; 4. Considérant que l'article 6 de la loi déférée permet de vérifier l'identité du possesseur de la carte d'identité ou du passeport à partir des données inscrites sur le document d'identité ou de voyage ou sur le composant électronique sécurisé ; qu'il permet également que cette vérification soit effectuée en consultant les données conservées dans le traitement prévu à l'article 5 « en cas de doute sérieux sur l'identité de la personne ou lorsque le titre présenté est défectueux ou paraît endommagé ou altéré » ; 5. Considérant que l'article 10 permet aux agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales d'avoir accès au traitement de données à caractère personnel créé en application de l'article 5, pour les besoins de la prévention et de la répression des atteintes à l'indépendance de la Nation, à l'intégrité de son territoire, à sa sécurité, à la forme républicaine de ses institutions, aux moyens de sa défense et de sa diplomatie, à la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger et aux éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et des actes de terrorisme ; 6. Considérant que, selon les requérants, la création d'un fichier d'identité biométrique portant sur la quasi-totalité de la population française et dont les caractéristiques rendent possible l'identification d'une personne à partir de ses empreintes digitales porte une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée ; qu'en outre, en permettant que les données enregistrées dans ce fichier soient consultées à des fins de police administrative ou judiciaire, le législateur aurait omis d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire ; 7. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ainsi que la procédure pénale ; qu'il appartient au législateur, dans le cadre de sa compétence, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la protection de principes et de droits de valeur constitutionnelle et, d'autre part, le respect des autres droits et libertés constitutionnellement protégés ; qu'il lui est à tout moment loisible d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 8. Considérant, en second lieu, que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ; que, par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ; 9. Considérant que la création d'un traitement de données à caractère personnel destiné à préserver l'intégrité des données nécessaires à la délivrance des titres d'identité et de voyage permet de sécuriser la délivrance de ces titres et d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude ; qu'elle est ainsi justifiée par un motif d'intérêt général ; 10. Considérant, toutefois, que, compte tenu de son objet, ce traitement de données à caractère personnel est destiné à recueillir les données relatives à la quasi-totalité de la population de nationalité française ; que les données biométriques enregistrées dans ce fichier, notamment les empreintes digitales, étant par elles-mêmes susceptibles d'être rapprochées de traces physiques laissées involontairement par la personne ou collectées à son insu, sont particulièrement sensibles ; que les caractéristiques techniques de ce fichier définies par les dispositions contestées permettent son interrogation à d'autres fins que la vérification de l'identité d'une personne ; que les dispositions de la loi déférée autorisent la consultation ou l'interrogation de ce fichier non seulement aux fins de délivrance ou de renouvellement des titres d'identité et de voyage et de vérification de l'identité du possesseur d'un tel titre, mais également à d'autres fins de police administrative ou judiciaire ; 11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions de l'article 5 portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; que, par suite, les articles 5 et 10 de la loi doivent être déclarés contraires à la Constitution ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, du troisième alinéa de l'article 6, de l'article 7 et de la seconde phrase de l'article 8 ; - SUR L'ARTICLE 3 : 12. Considérant que l'article 3 de la loi déférée confère une nouvelle fonctionnalité à la carte nationale d'identité ; qu'aux termes de cet article : « Si son titulaire le souhaite, la carte nationale d'identité contient en outre des données, conservées séparément, lui permettant de s'identifier sur les réseaux de communications électroniques et de mettre en oeuvre sa signature électronique. L'intéressé décide, à chaque utilisation, des données d'identification transmises par voie électronique. « Le fait de ne pas disposer de la fonctionnalité décrite au premier alinéa ne constitue pas un motif légitime de refus de vente ou de prestation de services au sens de l'article L. 122-1 du code de la consommation ni de refus d'accès aux opérations de banque mentionnées à l'article L. 311-1 du code monétaire et financier. « L'accès aux services d'administration électronique mis en place par l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ne peut être limité aux seuls titulaires d'une carte nationale d'identité présentant la fonctionnalité décrite au premier alinéa du présent article » ; 13. Considérant que, selon l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et l'état et la capacité des personnes ; qu'elle détermine également les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services dans la vie économique et sociale, les conditions générales dans lesquelles la carte nationale d'identité délivrée par l'État peut permettre à une personne de s'identifier sur les réseaux de communication électronique et de mettre en oeuvre sa signature électronique, notamment à des fins civiles et commerciales, affectent directement les règles et les principes précités et, par suite, relèvent du domaine de la loi ; 14. Considérant que l'article 3, d'une part, permet que la carte nationale d'identité comprenne des « fonctions électroniques » permettant à son titulaire de s'identifier sur les réseaux de communication électroniques et de mettre en oeuvre sa signature électronique et, d'autre part, garantit le caractère facultatif de ces fonctions ; que les dispositions de l'article 3 ne précisent ni la nature des « données » au moyen desquelles ces fonctions peuvent être mises en oeuvre ni les garanties assurant l'intégrité et la confidentialité de ces données ; qu'elles ne définissent pas davantage les conditions dans lesquelles s'opère l'authentification des personnes mettant en oeuvre ces fonctions, notamment lorsqu'elles sont mineures ou bénéficient d'une mesure de protection juridique ; que, par suite, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il en résulte que l'article 3 doit être déclaré contraire à la Constitution ; 15. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la protection de l'identité : - les articles 3, 5, 7 et 10 ; - le troisième alinéa de l'article 6 ; - la seconde phrase de l'article 8. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Les observations du gouvernement sur le recours dont vous ont saisi les requérants relativement à la loi sur la protection de l'identité appellent en réplique les considérations suivantes. Tout d'abord, non convaincus par les arguments du gouvernement, ils maintiennent l'ensemble des griefs invoqués dans leur saisine initiale, sans qu'il soit nécessaire de les développer tous à nouveau. Votre haute juridiction ne manquera d'ailleurs pas de noter à cet égard que le gouvernement s'est abstenu de répondre à l'une des questions fondamentales soulevée par la création de ce fichier biométrique géant, celle liée au risque de piratage ou de fraude. Ensuite les requérants relèvent que, comme il l'a été démontré à l'occasion des travaux préparatoires, ainsi que dans la saisine initiale, et contrairement à ce que laisse entendre le gouvernement dans ses observations, le système du « lien fort » - pas plus que celui du « lien faible » - ne peut en aucun cas prévenir une tentative d'usurpation d'identité au moment du dépôt d'une première demande de titre. Pour parer à une telle usurpation, seul le contrôle en amont de la validité des actes d'état civil nécessaires à l'établissement d'une carte nationale d'identité est efficace. Contrôle qui est par ailleurs renforcé à juste titre par la loi qui vous est déférée. L'argument selon lequel le système du « lien faible » ne permettrait pas de déceler une fraude consistant à présenter des demandes multiple sous des identités différentes ne saurait non plus prospérer. Primo parce que d'ici 5 à 10 ans toutes les identités seront enregistrés dans le fichier. Deuxio parce ce que si une personne qui est déjà enregistrée sous une identité tente d'obtenir une nouvelle identité, l'identité alléguée ne correspondra pas à l'empreinte déjà enregistrée. Alors certes le « lien faible » ne permettra pas de connaitre l'identité de la personne correspondant aux empreintes déjà enregistrées, mais il permettra à 99,9 % de déceler la tentative d'usurpation, ce qui demeure l'objectif principal de la loi. Tertio, parce qu'ici, comme pour les premières demandes de titre, c'est le contrôle de la validité des actes d'état civil qui est le seul à même de mettre en évidence l'identité réelle et l'identité alléguée. Les requérants s'inquiètent également de ce que le gouvernement reconnaisse que « toute forme de mise en relation automatique de ces données avec celles contenues dans d'autres traitements se trouve ainsi prohibée », alors que précisément la saisine initiale faisait état non pas d'un risque de mise en relation automatique Les requérants ne sauraient non plus s'en remettre à l'argument du gouvernement selon lequel il n'existerait aucun risque que le fichier ne fut consulté dans des cas autres que ceux énoncés aux point II à V de l'article 5 de la loi. Certes il ne fait pas de doute que les précisions apportées aux articles 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale constituent des règles spéciales qui doivent en principe l'emporter sur les règles générales. Mais les articles 60-1, 60-2, 77-1-1, 77-1-2, 99-3 et 99-4 du même code constituent également des règles spéciales pour l'obtention de documents numériques ou l'accession à des informations contenues dans des fichiers nominatifs. Rien de laisse donc préjuger de leur éviction. En outre le gouvernement n'a pas su réfuter l'argument des requérants selon lequel il suffirait d'ouvrir une enquête préliminaire ou une information judiciaire sur un volet fraude à l'identité connexe à une infraction principale pour permettre un recours généralisé au fichier. Au contraire même puisqu'il reconnait expressis verbis que, « par hypothèse, en effet, il est souvent difficile d'établir l'identité réelle de la personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre l'une des infractions » énumérées à l'article 55-1 du code de procédure pénale. Mais si cette forme de tautologie ne peut souffrir de contestation, puisqu'en effet il est par définition difficile de déterminer l'identité d'un usurpateur d'identité, il n'est pour autant pas moins difficile de déterminer l'auteur d'une infraction en général. Le prétexte du doute sur l'existence d'une usurpation pourra ainsi être quasiment toujours évoqué pour justifier la consultation du fichier. Quant à l'article 10 de la loi, le gouvernement affirme que les garanties prévues à l'article 5 contre la recherche d'une identité sur la base de la découverte d'empreintes digitales s'appliqueraient également aux services en charge de la lutte contre le terrorisme. Pareille interprétation ne repose pourtant sur aucun fondement. Les pouvoirs spéciaux des services anti-terroristes ne relèvent pas des dispositions des articles 55-1, 76-2, 99-5 et 154-1 du code de procédure pénale, et rien donc ne commande que l'encadrement prévu à l'égard d'une procédure judiciaire s'applique à la prévention du terrorisme. Enfin, et c'est probablement là l'essentiel, de l'aveu même du gouvernement, le système de prélèvement des empreintes digitales sera inefficace et donc parfaitement inutile ! Comme l'indique effectivement le gouvernement dans ses observations qui méritent là d'être citées in extenso : « Il importe d'ailleurs de souligner que, eu égard au nombre limité d'empreintes qu'il comportera et au fait que ces empreintes seront recueillies à plat et non roulées, comme il est d'usage en matière d'identification judiciaire, le traitement litigieux sera en tout état de cause inapte, dans la majorité des cas, à servir à l'identification des traces digitales». Si les requérants avaient voulu démontrer, et telle était leur intention, que le législateur n'avait pas su éviter « une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions » (1), ils ne l'auraient donc pas dit autrement. Aussi vous inviteront-ils à nouveau, au regard de la dangerosité et de l'inutilité avérée du dispositif envisagé, d'y opposer votre censure. 1) 2012-223 QPC du 17 février 2012, cons. 4 Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à la protection de l'identité. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. A- Les auteurs des saisines soutiennent que le recueil de données biométriques dans le traitement de données à caractère personnel dont la création est prévue par l'article 5 de la loi déférée n'est pas nécessaire pour atteindre l'objectif de lutte contre la fraude à l'identité que le législateur s'est assigné, qui pourrait être atteint par le stockage de ces données dans le seul composant électronique des titres d'identité et de voyage. Ils estiment, au surplus, que, en permettant d'identifier une personne à partir de ses empreintes digitales, ce traitement fait courir aux libertés publiques des risques sans commune mesure avec les bénéfices qui peuvent en être attendus. Ils font également valoir que les possibilités d'accès au traitement litigieux ouvertes à l'autorité judiciaire et aux agents des services chargés de la lutte contre le terrorisme sont insuffisamment encadrées par les articles 5 et 10 de la loi déférée. Ils en déduisent que le législateur a porté, au respect de la vie privée et à la liberté individuelle, une atteinte disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi, soumis les personnes concernées à une rigueur qui n'était pas nécessaire et mis en péril le droit de résistance à l'oppression proclamé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. B- Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. Ainsi que le rappellent les auteurs des saisines, le Conseil constitutionnel, en présence d'une loi prévoyant la création d'un traitement de données à caractère personnel, vérifie que le législateur a assuré, entre le respect de la vie privée auquel un tel traitement porte nécessairement atteinte dans une certaine mesure et d'autres principes ou objectifs à valeur constitutionnelle, en particulier la sauvegarde de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée (v. par ex. les décisions n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. 27, n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, cons. 87, ou n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, cons. 16). Il s'assure également, s'agissant de la recherche des auteurs d'infractions, que la loi ne soumet pas les personnes concernées, en méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à une rigueur qui n'est pas nécessaire (v. la décision n° 2010-25 QPC précitée, cons. 22). En revanche, le droit de résistance à l'oppression proclamé par l'article 2 de la même Déclaration ne saurait, de l'avis du Gouvernement, faire regarder comme contraire à la Constitution une loi prévoyant la création d'un traitement de données à caractère personnel au seul motif qu'un tel traitement serait susceptible d'être détourné, par un régime non démocratique, à des fins attentatoires aux libertés publiques. Au cas d'espèce, le traitement de données à caractère personnel dont l'article 5 de la loi déférée prévoit la création a pour finalité principale, aux termes du deuxième alinéa du I de cet article, de permettre « l'établissement et la vérification des titres d'identité et de voyage » - c'est-à-dire la carte nationale d'identité et le passeport - dans des conditions propres à prévenir ou déceler ce qu'il est convenu d'appeler la « fraude documentaire ». En cela, il s'inscrit dans la continuité des traitements déjà existants, en ce qui concerne la carte nationale d'identité et le passeport, en vertu, respectivement, des décrets n° 55-1397 du 22 octobre 1955 (art. 6 et suivants) et n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 (art. 18 et suivants). Mais il poursuit également, conformément à la volonté du législateur d'assurer une protection effective de l'identité, un objectif plus large de lutte contre la fraude à l'identité, laquelle, en effet, ne passe pas nécessairement par la fraude documentaire. Cet objectif se traduit par la possibilité offerte à l'autorité judiciaire, dans des conditions strictement définies par le 2° du I et les II à V de l'article 5, d'exploiter les données du traitement afin d'identifier une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre certaines infractions constitutives d'une fraude à l'identité. Les finalités assignées au traitement prévu par l'article 5 de la loi déférée participent donc pleinement des objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. Il s'agit en effet de protéger les droits et libertés d'autrui contre les atteintes graves qui leur sont portées par la fraude à l'identité, par exemple lorsque l'usurpation de l'identité d'une personne fait obstacle à la délivrance à celle-ci d'un titre d'identité et de voyage ou attire sur elle des poursuites pénales injustifiées. Dans ces conditions, ni le principe du recueil de certaines données biométriques dans le traitement litigieux, ni la possibilité d'utiliser celui-ci, dans certains cas, aux fins d'identification d'une personne à partir de ses empreintes digitales, qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs que s'est assignés le législateur, ne portent, compte tenu des garanties prévues par la loi, une atteinte excessive au respect de la vie privée (1 et 2). Il en va de même du droit d'accès au traitement prévu par l'article 10 en faveur des agents des services mentionnés à l'article 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, qui ne dénature pas les finalités du traitement telles qu'elles ont été rappelées ci-dessus et est strictement proportionnée aux besoins de l'accomplissement, par ces services, de leurs missions (3). 1- En ce qui concerne, d'abord, l'utilisation du traitement prévu par l'article 5 de la loi déférée en vue de l'établissement et de la vérification des titres d'identité et de voyage, le Gouvernement observe que les auteurs des saisines ne contestent pas l'intérêt qui s'attache, dans son principe, à l'existence d'un système de gestion centralisé. De fait, la mise en place de fichiers nationaux des cartes nationales d'identité et des passeports a représenté un progrès considérable par rapport à la situation antérieure, tant en ce qui concerne le service rendu aux administrés que la lutte contre la fraude, que favorisait la dissémination des informations. À cet égard, un cap supplémentaire a été franchi avec la numérisation de l'ensemble des pièces du dossier de demande, prévue, en ce qui concerne la délivrance des passeports, par le décret du 30 décembre 2005 précité, laquelle, outre une meilleure protection des informations recueillies, a permis, en facilitant les vérifications incombant aux services compétents, de simplifier les démarches à accomplir par les administrés (notamment en leur permettant de présenter leurs demandes en tout point du territoire) et d'alléger et accélérer les procédures (notamment en diminuant le nombre de pièces requises en vue de la délivrance ou du renouvellement d'un titre). Les auteurs de saisines contestent en revanche le recueil, dans le traitement prévu par l'article 5 de la loi déférée, des données biométriques du demandeur d'un titre d'identité ou de voyage, et plus particulièrement de ses empreintes digitales. Ils estiment, en effet, que l'objectif de lutte contre la fraude documentaire poursuivi par le législateur aurait pu être atteint par l'enregistrement de ces données sur le seul composant électronique sécurisé des titres, prévu par l'article 2. Et, à supposer qu'un tel recueil soit admis, ils estiment qu'il ne devrait être possible en aucune hypothèse de procéder à l'identification d'une personne au moyen de la comparaison entre ses empreintes digitales et celles de l'ensemble des personnes inscrites dans le traitement. a) Tant le recueil des données biométriques dans le fichier national que l'existence d'une possibilité d'identification à partir des empreintes digitales apparaissent toutefois nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du dispositif et lutter efficacement contre la fraude. - En effet, dans le cadre du dispositif préconisé par les auteurs des saisines, les données biométriques ne pourraient être utilisées qu'en vue de s'assurer que le porteur d'un titre d'identité ou de voyage est bien la personne à laquelle ce titre a été délivré. Il ne serait en revanche pas possible, faute de recueil dans le traitement national, d'en tirer parti pour faire échec, par exemple, à une tentative d'usurpation d'identité au moment du dépôt d'une demande de titre. Par ailleurs, en dépit de sa sécurisation, le composant électronique des titres est susceptible d'être altéré, volontairement ou involontairement, soit pour en faire disparaître les informations qu'il contient, soit, dans le cadre d'une tentative de fraude, pour remplacer celles-ci par d'autres : en pareille hypothèse, seul l'enregistrement des données biométriques dans le traitement national, qui en garantit l'intégrité, permet, en comparant celles-ci avec les caractéristiques biométriques du porteur du titre, de s'assurer de l'authenticité de ce dernier. C'est en considération notamment de ces justifications que l'assemblée du contentieux du Conseil d'État a, par une décision du 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l'image et autres (nos 317827-317952-318013-318051), jugé que le recueil des données biométriques du titulaire, dans l'actuel fichier des passeports, ne portait pas, au droit des intéressés au respect de leur vie privée, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis. L'intérêt d'un tel dispositif a également conduit d'autres pays européens, en particulier l'Espagne, le Portugal et la Lituanie, à s'appuyer sur une base de données centralisée, incluant l'image numérisée des empreintes digitales du titulaire, pour assurer la délivrance des cartes d'identité électroniques. De fait, même s'il est évidemment malaisé de se livrer à une évaluation chiffrée, le système de gestion des passeports tel qu'il résulte du décret du 30 décembre 2005 précité a fait la preuve de son efficacité, une baisse de 50 % du nombre de faux passeports saisis par les services de la police de l'air et des frontières ayant été constatée entre 2009 et 2010, alors que, dans le même temps, les fraudes concernant la carte nationale d'identité, moins sécurisée faute de recours à la biométrie, connaissaient un accroissement important (de l'ordre de 40 % entre le premier semestre 2010 et le premier semestre 2011). - Ce système de gestion ne permet toutefois pas, en l'état, d'atteindre l'objectif de protection effective de l'identité poursuivi par le législateur, en raison de l'impossibilité absolue de l'utiliser pour procéder à l'identification d'une personne à partir de ses empreintes digitales, l'interrogation du fichier ne pouvant avoir lieu, dans une perspective d'authentification, qu'à l'aide des données d'état civil de la personne concernée (v. le dernier alinéa de l'article 19 du décret du 30 décembre 2005 précité). En effet, si le système ainsi conçu permet de tenir en échec les tentatives d'usurpation de l'identité d'une personne préalablement inscrite dans le fichier, il est impuissant à déceler la fraude consistant, pour une personne, à présenter des demandes multiples sous des identités différentes. Il n'est pas possible, de fait, de s'assurer que les empreintes digitales du demandeur ne sont pas déjà associées, dans le fichier, à une autre identité, ni, a fortiori, de déterminer cette autre identité. C'est à cette préoccupation que répond la possibilité, ouverte par le 1° du I de l'article 5 de la loi déférée, de procéder à l'identification du demandeur d'un titre d'identité ou de voyage, lors de l'établissement de celui-ci, au moyen des empreintes digitales recueillies dans le traitement prévu par cet article. En effet, et comme le relève par exemple le rapport d'étape sur l'application à la collecte et au traitement des données biométriques des principes de la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, rendu public en 2005 par le comité consultatif de cette convention, « la délivrance d'un passeport, d'une carte d'identité ou d'un visa a pour but d'établir que la personne concernée n'a pas déjà fait une demande sous un autre nom », ce qui implique que « la caractéristique [biométrique] qui est introduite pendant le procédé d'enrôlement [puisse] être comparée à la liste des caractéristiques déjà enregistrées dans le système », « cette finalité ne [pouvant] pas être assurée sans l'aide d'un système d'identification » ( 23). Couplée à la procédure de vérification des données d'état civil prévue par l'article 4, qui vise à garantir l'authenticité des documents d'état civil produits à l'appui de la demande, la mise en œuvre d'un tel dispositif d'identification devrait rendre extrêmement difficile, à l'avenir, d'obtenir la délivrance d'un titre d'identité ou de voyage sous une fausse identité. Un tel objectif, il convient de le signaler, ne pourrait être atteint par la technique dite du « lien faible », évoquée, à titre de moyen terme, au cours des débats parlementaires. Outre que la robustesse de cette technique, qui repose sur l'établissement d'un lien indirect et non univoque entre les données biométriques et les données d'état civil, n'a jamais été éprouvée en pratique, son utilisation conduirait inévitablement à des situations dans lesquelles le demandeur d'un titre serait soupçonné d'être l'auteur d'une tentative de fraude - le système indiquant, avec le risque d'erreur inhérent à ce type de comparaison automatique, que ses empreintes sont déjà contenues dans le traitement -, sans que ce soupçon, s'il est infondé, puisse être aisément levé, faute qu'il soit possible d'identifier, dans le traitement, la personne à l'identité de laquelle ces empreintes sont apparemment déjà associées. b) Le recueil des données biométriques des titulaires de titres d'identité ou de voyage dans le traitement prévu par l'article 5 de la loi déférée et la possibilité d'utiliser ce traitement afin d'identifier une personne au moyen de ses empreintes digitales apparaissent donc nécessaires au regard de la finalité principale assignée, par le législateur, à ce traitement. Or, compte tenu des garanties prévues par la loi, ces caractéristiques ne sauraient être regardées comme portant une atteinte excessive à la vie privée des intéressés. Il convient d'abord de rappeler, à cet égard, que, ainsi qu'il résulte expressément du premier alinéa du I de l'article 5 de la loi déférée, le traitement litigieux sera créé, par décret en Conseil d'État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (v. l'art. 8), « dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ». Toutes les garanties prévues par cette loi en ce qui concerne, notamment, les conditions de collecte des données, l'interdiction d'utiliser celles-ci à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées, leur durée de conservation ou encore l'exercice du droit d'accès et de rectification trouveront donc à s'appliquer. Or cette circonstance a été fréquemment prise en considération par le Conseil constitutionnel pour admettre la conformité à la Constitution d'un traitement de données à caractère personnel (v. par ex. la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 23). Le Gouvernement entend souligner, ensuite, que la loi déférée prévoit elle-même des garanties propres à assurer une conciliation adéquate entre les principes constitutionnels en présence. Ainsi, les données biométriques qui seront recueillies ont, conformément au principe de proportionnalité qui doit présider à toute collecte de données à caractère personnel, été réduites au strict minimum nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du dispositif. En particulier, seules deux empreintes pourront être recueillies dans le traitement prévu par l'article 5 de la loi déférée, ainsi que cela ressort du quatrième alinéa du I de cet article (ce qui implique d'ailleurs, même si le 5° de l'article 2 ne le précise pas expressément, que le composant électronique sécurisé des titres n'en comportera pas davantage). Or la limitation du nombre d'empreintes recueillies réduit beaucoup les risques, évoqués par les auteurs des saisines, de détournement des finalités du fichier à des fins, notamment, d'identification de l'auteur de traces digitales (v. également, à ce sujet, les observations présentées ci-dessous en partie 2). En outre, la loi déférée, sans préjudice des précisions et restrictions supplémentaires qui pourront être apportées sur ce point par le pouvoir réglementaire, dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 précitée, définit précisément les hypothèses dans lesquelles les données du traitement prévu par son article 5, et notamment les données biométriques, pourront être consultées. Abstraction faite, à ce stade, des consultations à l'initiative de l'autorité judiciaire et par les services mentionnés à l'article 9 de la loi du 23 janvier 2006 précitée, dont la portée sera examinée ci-après (2 et 3), cette consultation ne pourra avoir lieu que : - d'une part, lors de l'établissement des titres, par les agents chargés de cet établissement, qui seront définis par le décret en Conseil d'État pris pour l'application de la loi ; - d'autre part, pour les besoins exclusifs de la vérification de l'authenticité des titres, à l'occasion de contrôles d'identité. Il importe toutefois de souligner que, si tous les agents chargés des missions de recherche et de contrôle de l'identité des personnes et de vérification de la validité et de l'authenticité des passeports et des cartes nationales d'identité électroniques pourront en principe avoir accès, dans le cadre d'une demande de justification de l'identité au sens de l'article 78-2 du code de procédure pénale, aux empreintes digitales contenues dans le composant électronique des titres, ainsi que le prévoit le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi déférée, la consultation des données conservées dans le traitement prévu à l'article 5 ne sera possible, en vertu du troisième alinéa de l'article 6, que dans le cadre de la vérification proprement dite de l'identité, et doit donc, de ce fait, être regardée comme réservée, conformément à l'article 78-3 du code de procédure pénale, aux seuls officiers de police judiciaire. Il convient d'ajouter que le système devra, conformément au deuxième alinéa du I de l'article 5 de la loi déférée, assurer la « traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès ». Par ailleurs, l'exhaustivité des cas de consultation ainsi prévus est garantie par le dernier alinéa du I de l'article 5 de la loi déférée, qui exclut qu'une interconnexion, au sens de l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978 précitée, entre le traitement prévu par cet article et tout autre traitement puisse porter sur les données biométriques (photographie et empreintes digitales). En effet, toute forme de mise en relation automatique de ces données avec celles contenues dans d'autres traitements se trouve ainsi prohibée. Enfin, les cas dans lesquels il sera possible d'identifier une personne à l'aide de ses caractéristiques biométriques sont strictement définis. D'une part, en effet, le troisième alinéa du I de l'article 5 de la loi déférée ne peut être lu, compte tenu notamment des dispositions qui le suivent, et contrairement à ce que suggèrent les auteurs des saisines, que comme prohibant de manière absolue, quelles que soient les circonstances et l'auteur de la consultation, l'identification d'une personne au moyen de la comparaison de sa photographie avec l'ensemble de celles contenues dans le traitement. En conséquence, ce dernier ne comportera pas davantage que l'actuel fichier des passeports (v. le dernier alinéa de l'article 19 du décret du 30 décembre 2005 précité) de dispositif de reconnaissance faciale. D'autre part, l'identification d'une personne au moyen de ses empreintes digitales ne sera possible, en dehors des demandes émanant de l'autorité judiciaire (v. la partie 2), que dans le cas prévu au 1° du I de l'article 5 de la loi déférée, c'est-à-dire lors de l'établissement des titres d'identité ou de voyage, par les services chargés de cet établissement, en vue de prévenir les fraudes à l'identité dont il a été question ci-dessus. En revanche, et eu égard au caractère expressément limitatif de l'énumération figurant au I de l'article 5, il ne sera pas possible de procéder à une telle identification à l'occasion d'une vérification d'identité (l'interrogation du fichier prévue par le troisième alinéa de l'article 6 ne pouvant servir qu'à vérifier si la personne concernée a bien l'identité qu'elle revendique au moyen d'un titre d'identité ou de voyage), ou à l'occasion de la consultation du fichier par les services mentionnés à l'article 9 de la loi du 23 janvier 2006 précitée (v. également, sur ce point, la partie 3). Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble de ces garanties, le Gouvernement estime que la loi déférée assure un juste équilibre entre le respect de la vie privée et l'objectif, concourant à la satisfaction d'exigences de valeur constitutionnelle, consistant à assurer l'établissement et la vérification des titres d'identité et de voyage dans des conditions propres à lutter contre la fraude documentaire. 2- En ce qui concerne, ensuite, l'objectif consistant, plus largement, à lutter contre la fraude à l'identité, celui-ci, ainsi qu'il a été dit plus haut, se traduit par la faculté ouverte à l'autorité judiciaire, dans certains cas, non seulement d'accéder aux données du traitement prévu à l'article 5 de la loi déférée, comme elle le pourrait en toute hypothèse dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, mais aussi de procéder à l'identification d'une personne au moyen de ses empreintes digitales. Cette faculté nouvelle a toutefois été encadrée par le législateur dans des conditions strictes, propres à prévenir toute atteinte excessive à la vie privée des personnes concernées. Il ne pourra ainsi être procédé à l'identification d'une personne au moyen de ses empreintes digitales, d'abord, que lorsque l'exigeront les nécessités de l'enquête relative à une série d'infractions limitativement énumérées, lesquelles ont en commun, conformément à la finalité poursuivie par le législateur, de représenter des variétés de la fraude à l'identité. Par hypothèse, en effet, il est souvent difficile d'établir l'identité réelle de la personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre l'une de ces infractions. Et, contrairement à ce que suggèrent les auteurs des saisines, la limitation tenant à la nature de l'infraction concernée vaudra non seulement lorsque la demande d'identification sera formée dans le cadre des articles 55-1, 76-2 ou 154-1 du code de procédure pénale, mais aussi lorsqu'elle interviendra sur le fondement de l'article 99-5 nouveau du même code, ce dernier précisant expressément que l'identification ne peut être demandée par l'officier de police judiciaire, avec l'autorisation expresse du juge d'instruction, que « si les nécessités de l'information relative à l'une des infractions mentionnées au dernier alinéa de l'article 55-1 l'exigent ». Ensuite, il n'y a nulle ambiguïté, contrairement à ce que soutiennent les auteurs des saisines, quant à l'articulation entre ces dispositions et celles ménageant, d'une manière générale, un accès de l'autorité judiciaire aux traitements de données à caractère personnel. La consultation du fichier à partir des données d'état civil continuera d'être possible, comme elle l'est aujourd'hui, dans les conditions prévues par les dispositions générales du code de procédure pénale, mais il est clair que, sauf à priver de tout effet utile les dispositions spéciales de l'article 5 de la loi déférée énumérant de façon limitative les cas dans lesquels une personne pourra être identifiée au moyen de ses empreintes digitales, il ne pourra être recouru à cette faculté que dans les cas et conditions prévus par les articles 55-1, 76-2, 99-5 et 154-1 du même code. En outre, l'identification d'une personne au moyen de ses empreintes digitales ne pourra avoir lieu, quelles que soient les circonstances, qu'avec l'autorisation, selon le cas, du procureur de la République ou du juge d'instruction. La personne concernée devra en avoir été informée et l'utilisation des données du fichier devra, à peine de nullité, être mentionnée et spécialement motivée au procès-verbal. Enfin, en aucune hypothèse il ne sera possible d'utiliser le fichier pour identifier des traces digitales de personnes inconnues, ainsi que le spécifie la dernière phrase de l'alinéa ajouté à l'article 55-1 du code de procédure pénale par le II de l'article 5 de la loi déférée. Même si l'article 99-5 nouveau du même code ne comporte pas une telle précision, cette restriction résulte nécessairement de ses termes mêmes, qui font référence à « la personne dont les empreintes sont recueillies ». Les auteurs des saisines ne peuvent donc pas sérieusement soutenir que, « dès lors que sur les lieux d'un crime ou d'un délit seront trouvées des empreintes digitales, il suffira au parquet ou au juge d'instruction d'ouvrir dans son enquête préliminaire ou son information un volet fraude à l'identité » pour être en mesure de procéder à l'identification de l'auteur de ces traces au moyen du traitement prévu par l'article 5 de la loi déférée. Il importe d'ailleurs de souligner que, eu égard au nombre limité d'empreintes qu'il comportera et au fait que ces empreintes seront recueillies à plat (comme l'impose, en ce qui concerne les passeports, le règlement du Conseil n° 2252-2004 du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres) et non roulées, comme il est d'usage en matière d'identification judiciaire, le traitement litigieux sera en tout état de cause inapte, dans la majorité des cas, à servir à l'identification de traces digitales. Eu égard à l'ensemble de ces garanties, le Gouvernement estime donc que la faculté ouverte à l'autorité judiciaire d'utiliser dans certains cas le traitement prévu à l'article 5 de la loi déférée à des fins d'identification ne rompt pas l'équilibre assuré par le législateur entre le respect de la vie privée et les objectifs de valeur constitutionnelle poursuivis par la mise en place de ce traitement, pas davantage qu'elle ne soumet les personnes concernées à une rigueur qui ne serait pas nécessaire. 3- S'agissant, enfin, de l'article 10 de la loi déférée, il convient de rappeler que l'article 9 de la loi du 23 janvier 2006 précitée prévoit, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, que peuvent avoir accès à un certain nombre de traitements automatisés les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés des missions de prévention et de répression des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et des actes de terrorisme, ainsi que, pour les besoins de la prévention des actes de terrorisme, les agents individuellement désignés et spécialement habilités des services de renseignement du ministère de la défense. Le législateur a, ce faisant, entendu donner une base légale à une pratique ancienne et nécessaire, tout en encadrant celle-ci. Au nombre des traitements visés par l'article 9 de la loi du 23 janvier 2006 figurent actuellement le système de gestion des cartes nationales d'identité et celui des passeports, ce dernier comportant d'ores et déjà, en vertu du décret du 30 décembre 2005 précité, des données biométriques. Le seul objet de l'article 10 de la loi déférée est de spécifier expressément, afin d'éviter toute ambiguïté, que le droit d'accès ainsi reconnu aux services concernés vaudra également à l'égard du système de gestion commun aux passeports et aux cartes nationales d'identité que met en place cette loi. La consultation des données relatives aux passeports et aux cartes nationales d'identité est souvent, en effet, d'une grande utilité pour ces services, afin par exemple de déterminer l'identité complète d'une personne dont ils ne possèdent qu'une identité parcellaire, d'identifier sans risque d'erreur une personne dont ils ne disposent que du nom, de vérifier si un titre d'identité ou de voyage saisi est authentique ou non, ou encore de savoir si une personne signalée dispose d'un passeport et est donc susceptible de voyager à l'étranger. Compte tenu de ces impératifs, et eu égard aux garanties dont il est assorti, ce droit d'accès ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive à la vie privée des personnes concernées. En effet, l'accès est réservé aux agents de certains services limitativement énumérés par le législateur et précisés par arrêté (v. l'arrêté du 3 août 2011 pris pour l'application de l'article 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers), et, au sein de ces services, aux seuls agents individuellement désignés et dûment habilités à cet effet. En outre, et conformément aux dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 5 de la loi déférée, le système conservera une trace des consultations effectuées par ces agents, qui ne pourront donc avoir lieu de manière subreptice. Enfin, et ainsi qu'il a été dit précédemment, les agents concernés ne pourront en aucun cas, faute que cela ait été expressément prévu par les dispositions limitatives de l'article 5 de la loi déférée, utiliser le fichier pour procéder à l'identification d'une personne au moyen de ses empreintes digitales, pas davantage, puisque ce procédé est absolument prohibé, qu'au moyen de sa photographie. C'est donc au prix d'une lecture manifestement erronée des dispositions contestées que les auteurs des saisines affirment que « les services de lutte contre le terrorisme vont se retrouver dans la possibilité, et hors de toute contrainte légale, d'identifier quiconque sur la base de ses empreintes digitales ou par reconnaissance faciale ». Dans ces conditions, le grief tiré de ce que les dispositions de l'article 10 de la loi déférée porteraient une atteinte excessive au respect de la vie privée et à la liberté individuelle ne pourra qu'être écarté par le Conseil constitutionnel. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi. Nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à la protection de l'identité. Les requérants considèrent qu'en effet, la création du fichier telle qu'inscrite à l'article (5) de la loi porte non seulement une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, mais porte également en germe la destruction pour l'avenir des possibilités d'exercice effectif du droit fondamental de résistance à l'oppression, corollaire indispensable de la liberté individuelle elle-même. S'ils ne mettent pas en cause l'objectif que s'est assigné le législateur de lutter contre l'usurpation d'identité, ils vous demanderont néanmoins de statuer à l'aune des mots du poète allemand Martin Niemoller : « Quand ils sont venus chercher les communistes, Je n'ai rien dit, Je n'étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, Je n'ai rien dit, Je n'étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les juifs, Je n'ai pas protesté, Je n'étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les catholiques, Je n'ai pas protesté, Je n'étais pas catholique. Puis ils sont venus me chercher, Et il ne restait personne pour protester» A l'instar de ce que fait la Cour européenne des droits de l'homme, les auteurs de la saisine vous demanderont en effet de procéder à l'examen de cette disposition dans le cadre juridique constitutionnel et légal existant, mais en tenant également compte de l'utilisation qui pourrait en être faite à l'avenir dans un cadre constitutionnel moins protecteur des libertés fondamentales. C'est ainsi, d'ailleurs à propos d'une requête portant précisément sur un fichier contenant entre autres des empreintes digitales, que dans sa décision S. et Marper c. Royaume-Uni du 4 décembre 2008, la Grande Chambre de la Cour a réaffirmé «son opinion selon laquelle les préoccupations d'un individu quant aux utilisations susceptibles d'être faites à l'avenir d'informations privées conservées par les autorités sont légitimes et pertinentes pour la question de savoir s'il y a eu ou non ingérence» (1). A cet égard, le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat sur le texte a été on ne peut plus éloquent en déclarant lors des débats en deuxième lecture: «Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas, élus et Gouvernement, en démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, laisser derrière nous - bien sûr, en cet instant, je n'ai aucune crainte, en particulier parce que c'est vous qui êtes en fonction - un fichier que d'autres, dans l'avenir, au fil d'une histoire dont nous ne serons plus les écrivains, pourraient transformer en un outil dangereux, liberticide. Nous aurions alors rendu possible, dans le futur, la métempsycose perverse d'une idée protectrice! Et les victimes pourraient dire, en nous visant: ils avaient identifié le risque et ils ne nous en ont pas protégés. Monsieur le ministre, je ne veux pas qu'à ce fichier ces victimes puissent alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre».(2) Ce n'est donc pas sans une certaine solennité que les requérants s'adressent ici à votre haute juridiction. Car c'est une certaine conception de la démocratie qui est là en cause. Cette démocratie doit-elle faire preuve d'une si grande confiance en elle qu'elle puisse se permettre d'adopter des mesures potentiellement liberticides pour l'avenir au risque de faire preuve d'une imprudente arrogance? Ou doit-elle au contraire admettre qu'elle n'est peut-être pas éternelle, et dès lors s'assurer qu'elle ne met pas en place aujourd'hui les instruments de la répression de demain et faire ainsi preuve d'une sage humilité? A tous égards, que ce soit sur le principe même de sa création (I), sur ses modalités de construction (II), ou sur celles son utilisation (III), ce fichier appellera votre censure. En outre, l'article (7 bis A) devra également être censuré (IV). I. SUR LE PRINCIPE DE LA CREATION D'UN FICHIER NATIONAL BIOMETRIQUE Conformément à l'article (5) de la loi, il est créé un «un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation ». Dès lors qu'il comprend, outre le nom de famille, le ou les prénoms, le sexe, la date, le lieu de naissance, le domicile, la taille et la couleur de ses yeux du demandeur d'une carte nationale d'identité, ses empreintes digitales et sa photo, il constitue bien un fichier d'identité biométrique. En tant que tel donc, ce fichier représente une ingérence dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée auquel vous avez reconnu pleine valeur constitutionnelle au regard de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (3) . Comme l'a indiqué la Cour européenne des droits de l'homme dans un récent et remarqué revirement de jurisprudence: les «empreintes digitales contiennent objectivement des informations uniques sur l'individu concerné et permettent une identification précise dans un grand nombre de circonstances. Les empreintes digitales sont donc susceptibles de porter atteinte à la vie privée, et leur conservation sans le consentement de l'individu concerné ne saurait passer pour une mesure neutre ou banale» (4) Dès lors, et comme il ressort de votre jurisprudence constante, il appartenait au législateur d'assurer « une conciliation qui (ne soit) pas manifestement déséquilibrée» entre le respect de la vie privée et d'autres exigences constitutionnelles liées notamment à la sauvegarde de l'ordre public (5), en l'occurrence la lutte contre l'usurpation d'identité. Les requérants considèrent pourtant que cet équilibre n'a pas été atteint, la création du fichier n'étant en réalité ni absolument nécessaire (a), ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur (b). Bien sur les auteurs de la saisine n'ignorent que vous n'avez «pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement », et que si vous acceptez de « rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies », c'est à la seule condition que les modalités retenues par la loi soient «manifestement inappropriées à l'objectif visé» (2011- 625 DC du 10 mars 2011, cons. 7). Ainsi, deux considérations préalables et fondamentales commanderont que l'examen auquel vous allez procéder soit particulièrement strict, l'une tenant au contenu du fichier, l'autre tenant à son ampleur. Quant au contenu biométrique du fichier d'abord, la CNIL rappelle-t-elle que « les données biométriques ne sont pas des données à caractère personnel « comme les autres ». Elles présentent en effet la particularité de permettre à tout moment l'identification de la personne concernée sur la base d'une réalité biologique qui lui est propre, permanente dans le temps et dont elle ne peut s'affranchir. A la différence de toute autre donnée à caractère personnel, la donnée biométrique n'est donc pas attribuée par un tiers ou choisie par la personne : elle est produite par le corps lui-même et le désigne ou le représente, lui et nul autre, de façon immuable. Elle appartient donc à la personne qui l'a générée et tout détournement ou mauvais usage de cette donnée fait alors peser un risque majeur sur l'identité de celle-ci ». Elle insiste en outre sur le fait que la «nécessité de prêter une attention particulière aux données biométriques doit être renforcée lorsque la biométrie utilisée est dite « à trace », comme les empreintes digitales par exemple », celles-ci ayant en effet «la particularité de pouvoir être capturées et utilisées à l'insu des personnes concernées, comme par exemple à des fins d'usurpation d'identité » (6). Quant à l'ampleur du fichier ensuite, contrairement aux fichiers existants, ce nouveau fichier aura le caractère ni plus ni moins que d'un Fichier National. A court terme en effet, c'est l'ensemble de la population française qui relèvera dudit fichier. Invoquer l'absence d'obligation légale de détenir une carte nationale d'identité ne saurait masquer l'existence d'une obligation de fait, et ce très tôt dans la vie d'un individu: les enfants eux-mêmes ont de plus en plus tôt besoin d'une carte nationale d'identité. Aucune démarche en effet un tant soit peu officielle ne peut s'effectuer sans avoir à justifier de son identité, ce qui implique nécessairement d'être muni d'un passeport ou d'une carte d'identité. S'il s'agit là de considérations d'ordre plus factuel que juridique, elles n'en demeurent pas moins pertinentes pour l'exercice de votre contrôle. Ainsi est-ce bien la réalité des chiffres de la garde à vue en France qui a guidé votre décision Daniel W. et autres du 30 juillet 2010. (7) Bien que le fichier des passeports s'en rapproche, le nouveau fichier, de par son ampleur, marque pourtant non seulement un changement de degré, mais aussi et surtout un changement de nature: d'un fichage catégoriel, on passe à un fichage généralisé. C'est la raison pour laquelle il n'est pas exclu que vous considériez ce fichier non seulement sous l'angle de la vie privée, mais également sous celui de la liberté individuelle en tant que telle. (8) Aussi, et à tout le moins, la validation du fichier TES par le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 317827 du 26 octobre 2011 ne devrait-elle pas commander ipso facto la validation du principe même de la création du nouveau fichier qui vous est ici soumise. a) Quant à la nécessité du fichier La nécessité doit s'apprécier au regard de la participation des moyens que le législateur détermine à la réalisation effective des objectifs qu'il se fixe. Or il ressort clairement des travaux de la CNIL, tout comme des expériences étrangères, que l'objectif légitime de lutte contre l'usurpation d'identité ne commande en rien la constitution d'un fichier centralisé de l'ensemble d'une population. Comme l'a ainsi parfaitement démontré la CNIL, la lutte contre la fraude à l'identité commence par le renforcement des contrôles opérés en amont dans la chaîne de l'identité, notamment sur les extraits d'actes d'état civil fournis à l'appui de la demande. Or cette exigence est bien satisfaite par l'article 4 de la loi qui prévoit que : «Les agents chargés du recueil ou de l'instruction des demandes de délivrance de la carte nationale d'identité ou du passeport peuvent faire procéder à la vérification des données de l'état civil fournies par l'usager auprès des officiers de l'état civil dépositaires des actes contenant ces données, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. ». Elle passe ensuite effectivement par le recours à des données biométriques. Mais la simple comparaison entre les empreintes enregistrées dans la puce de la carte d'identité et les empreintes prises par le demandeur du titre suffit à se prémunir contre toute falsification d'identité et à authentifier le titre présenté. (9) Dans son rapport sur la Nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire, Jean René LECERF admet d'ailleurs l'efficacité de ce système d'authentification. Le seul inconvénient qu'il relève est qu'il «ne permet pas d'assurer l'unicité de l'identité lors de la délivrance du titre » (10). Mais comme le relève le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat sur le texte, même l'existence d'un fichier centralisé «ne prémunit pas contre l'usurpation initiale d'identité» Il. Seul le contrôle en amont le permet. En d'autres termes, aucun des deux systèmes biométriques, puce simple ou puce couplée avec un fichier central, ne permettent d'empêcher une fraude à l'identité initiale, mais en revanche, le premier, incomparablement moins intrusif que le second dans la mesure où la personne concernée demeure la seule détentrice des données la concernant, assure une toute aussi grande efficacité contre la fraude lors du renouvellement. Ensuite les exemples étrangers montrent bien que la lutte contre la fraude à l'identité peut parfaitement se passer d'un fichier centralisé. Au moment où Jean René LECERF rédigeait son rapport mentionné ci-dessus, il indiquait que parmi les Etats européens qui avaient recours à des cartes d'identité biométriques, deux seulement envisageaient d'instituer un fichier central, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (12). Or depuis, ces deux pays ont renoncé à leur projet et décidé la destruction des empreintes digitales déjà enregistrées, aussi bien pour des raisons tenant à la protection de la vie privée, qu'au regard des risques d'erreur dans la constitution des fichiers (13) . b) Quant à la proportionnalité du fichier Pour vous convaincre de la disproportion manifeste entre l'atteinte au droit au respect de la vie privée qu'engendrera le nouveau dispositif et l'objectif poursuivi de lutte contre l'usurpation d'identité, rien n'est plus parlant ici que la mise en balance des chiffres. Si l'on compare le chiffre avancé de la fourchette haute de l'usurpation d'identité, aussi contesté fut-il, au nombre de personnes concernées par l'inscription au fichier, on constate que pour 210 000 fraudes, ce sont 60 millions de français qui vont être fichés ! (14) Si les requérants ne contestent de nulle manière, comme d'ailleurs ils l'ont rappelé tout au long des débats, la gravité des conséquences pour les victimes et pour l'Etat de la fraude à l'identité, ils ne peuvent, et vous ne pourrez, admettre que la marginalité du phénomène puisse justifier l'institution du plus grand fichier biométrique jamais créé. A cette disproportion manifeste, il faut ajouter les dangers engendrés par son absence d'infaillibilité (i), et le risque de fraude (ii). i) L'absence d'infaillibilité Deux exemples illustreront ce propos. Le premier vient d'Israël. On a en effet appris en novembre 2011 par l'Israël Law, Information and Technology Authority (ILl TA) , l'autorité de protection des données personnelles israéliennes, que le registre d'information de la population israélienne comportant les données de 9 millions de personnes vivantes et décédées avait tout simplement été volé par un employé du ministère des affaires sociales qui l'avait copié sur son ordinateur personnel, registre qui s'est ensuite retrouvé consultable en ligne de 2009 à 2011. Michael El TAN, le Ministre israélien de l'Amélioration des services publics, a dans la foulée appelé le gouvernement à abandonner son projet de création d'une base de données biométriques des Israéliens, et déclaré : « De fausses promesses ont été faites quant à la sécurité hermétique de la base de données. Qui pourra nous assurer que des employés mécontents ne distribueront pas nos empreintes digitales et photographies? Tout comme le registre de la population, ou n'importe quelle autre base de données, elle sera elle aussi piratée. Ce n'est qu'une question de temps. » (15) Il n'existe en effet aucun système informatique impénétrable, WeakiLeaks est là pour nous le rappeler. Le second exemple provient des multiples cas d'utilisations abusives qui ont été faites du STIC malgré les garanties juridiques qui entourent pourtant sa consultation, et notamment l'obligation de traçabilité desdites consultations (l6). Ces dérives ont été parfaitement mises en évidence dans le Rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les fichiers de police du 24 mars 2009. (17). Les requérants se contenteront de rappeler à cet égard les cas les plus saillants: le cas d'un commandant de police Pichon qui a publié les fiches de deux célébrités précisément semble-t-il pour mettre en évidence la perméabilité du système; le cas d'un candidat socialiste aux dernières élections régionales qui a révélé une consultation pour le moins « anormale» du fichier; et plus récemment le cas révélé par le Canard Enchainé du 29 février 2012 révélant une utilisation du STIC à des fins marchandes. Aussi, les auteurs de la saisine considèrent-ils que la disposition inscrite au deuxième alinéa de l'article (5) de la loi qui vous est ici différée exigeant «la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès» ne constitue en rien à elle seule une garantie suffisante pour assurer la sécurisation d'un fichier de 60 millions d'individus qui fera nécessairement l'objet de toutes les convoitises. ii) Le risque de fraude Ce risque a été notamment mis en exergue par Alex TÜRK. Dans son ouvrage La vie privée en péril. Des citoyens sous contrôle publié chez Odile Jacob, il nous montre comment avec un budget infime, 30 euros, et un peu de latex liquide, il est possible de s'emparer de l'empreinte de quiconque et de la réutiliser pour tromper un dispositif de reconnaissance biométrique digitale (l8). Mais le plus grave, c'est que dans cette hypothèse, et au regard de la confiance dont bénéficient ces nouveaux procédés technologiques de reconnaissance biométrique, la personne dont l'empreinte aura été récupérée frauduleusement se retrouvera dans la situation inextricable de devoir apporter la preuve que cela a beau être son empreinte qui a été utilisée, ce n'est pas elle qui était en cause. L'absence d'infaillibilité est d'autant plus à redouter en état actuel de la technologie qu'il n'existe aucun fichier de cette importance qui soit nulle part. Autrement dit, avec un système de fichier biométrique centralisé, non seulement l'usurpation d'identité n'est pas totalement exclue, mais de surcroit, il rend quasiment impossible à la personne dont l'identité a été usurpée via son empreinte digitale d'apporter la preuve de cette usurpation. A ce niveau de contradiction, non seulement le législateur n'atteint pas l'objectif qu'il s'était fixé, mais il lui tourne le dos! C'est dire sans conteste combien ce dernier n'a pas su assurer une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de la vie privée et celle de l'ordre public. Si néanmoins vous ne jugiez pas qu'il résulte de l'institution même d'un fichier national biométrique une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, vous ne manquerez pas de le faire au regard des modalités de sa construction et de sa mise en oeuvre ultérieure. II. SUR LES MODALITES DE CONSTRUCTION DU FICHIER Comme vous ne manquerez pas de le constater, l'essentiel des débats parlementaires a porté sur la nature du dispositif à mettre en place, et opposé les tenants de ce qu'il est convenu d'appeler le « lien faible» aux partisans du « lien fort ». En retenant finalement la technique du « lien fort », non seulement le législateur a fait un choix qui n'est ni nécessaire ni proportionné et qui porte une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée (a), mais il prive en outre pour l'avenir tout un chacun de son droit effectif de résistance à l'oppression (b). a) Quant à l'atteinte excessive au droit au respect de la vie privée Dans une base de données à « lien faible », les données biographiques et biométriques d'une personne ne peuvent pas être croisées, sauf au moment de la délivrance du titre. En effet, à une empreinte correspond techniquement dans de telles bases de données non pas une identité mais un ensemble d'identités. Il n'est donc pas possible de déterminer l'identité qui correspond à une empreinte donnée. À l'inverse, une base de données à « lien fort» permet de faire correspondre données biométriques et données biographiques de manière univoque. Ce système permet donc d'identifier, le cas échéant, un fraudeur. Mais il permet de manière générale d'identifier tout un chacun sur la base d'empreintes laissées par quiconque en n'importe quel lieu. Avec pareil système, le détenteur d'une carte d'identité sera donc non seulement fiché, mais aussi et surtout tracé et traçable. L'avantage majeur de la technique de construction du « lien faible» qui était proposée par le Sénat, et ce sur tous ses bancs, est son irréversibilité. dans la mesure elle prémunit de manière absolue contre toute utilisation du fichier (seul) à des fins autres que celles pour lesquelles il a été institué. Pour autant, par croisement avec d'autres fichiers et/ou recoupement avec d'autres informations, sous contrôle d'un juge judiciaire dans ces cas, l'apport de ce fichier peut être sollicité dans les autres utilisations présentés comme indispensables par les tenants du lien fort (reconnaissance des personnes désorientées, identification de cadavre, enquête judiciaire . . .). Si ces considérations sont d'apparence technique, et semblent a priori devoir relever du libre choix du législateur, elles ont en réalité des implications juridiques et constitutionnelles extrêmement importantes pour l'appréciation de la juste conciliation entre le droit au respect de la vie privé et la sauvegarde de l'ordre public. En effet, c'est dans le choix de la technique du «lien fort» finalement retenue par l'Assemblée nationale que réside le caractère manifestement déséquilibrée de la conciliation opérée par le législateur. D'ailleurs, lorsque votre haute juridiction a validé la carte électronique de santé, la « carte vitale 2 », elle l'a fait non seulement au regard des garanties légales prévues, mais également des garanties techniques. Ainsi avez-vous jugé que « l'ensemble des garanties dont est assortie la mise en oeuvre des dispositions de l'article 36 de la loi, au nombre desquelles il convient de ranger les caractéristiques assurant la sécurité du système, sont de nature à sauvegarder le respect de la vie privée (19)». Or, aussi bien en termes de nécessité que de proportionnalité, les garanties offertes contre l'usurpation d'identité par un fichier à «lien faible» sont aussi importantes qu'avec le « lien fort », tout en offrant des garanties pour le droit au respect de la vie privé que ce dernier n'offre pas. Les requérants font ainsi leur les termes du Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, et s'ils « comprennent l'engagement de ceux qui souhaitent le « défaut zéro» dans la lutte contre l'usurpation d'identité, ils jugent nécessaire d'ajouter à cet objectif un second : celui du « risque zéro» pour les libertés publiques. Avec la solution que le Sénat a adoptée en première lecture, le défaut zéro dans la lutte contre l'usurpation d'identité est approché à 99,9 %, et le risque zéro pour les libertés publiques est garanti par le système de la base à lien faible. » (20). Ils vous invitent à en faire de même, et ce d'autant que le risque zéro dans la lutte contre l'usurpation n'est pas non assuré avec le système à lien fort en cas notamment d'erreurs dans la saisie des données ou d'usurpation des empreintes digitales évoquées ci-dessus (21). En outre, si comme évoqué plus haut le futur fichier à « lien fort» faisait l'objet d'un piratage, les auteurs du piratage disposeraient alors d'une base associant de manière univoque, l'état civil, le visage, les empreintes digitales et le domicile de l'ensemble de la population française (22). Pareil risque est évidemment inacceptable, et, incidemment, manifestement contraire au principe de précaution inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement à laquelle vous avez reconnu pleine valeur constitutionnelle (23). En effet, il n'est pas certain (bien que hautement probable) que le risque de piratage se réalise, mais, s'il se réalise, il est certain qu'il constituera une menace grave et irréversible pour le droit au respect de la vie privée. Tous ces éléments attestent sans aucune ambiguïté que la solution retenue par le législateur est manifestement déséquilibrée, et ce aux dépens des garanties du droit au respect de la vie privée. b) Quant à la privation du droit de résistance à l'oppression Les auteurs de la saisine souhaitent attirer votre particulière attention sur les risques que feraient courir pour l'exercice effectif du droit de résistance à l'oppression l'institution d'un tel fichier généralisé de la population avec la technique du « lien fort ». Ils mesurent la singularité de leur démarche, eu égard notamment à la justiciabilité d'une notion souvent appréhendée moins comme un droit que comme une proclamation politique (24), et qui n'a en tout cas pas été étayée par votre jurisprudence. Ils reconnaissent en outre que ce n'est pas, par elle-même - selon une formule qui vous est familière - ni dans l'immédiat, que la disposition ici disputée menace l'exercice de ce droit. Aucun de ces deux éléments ne devrait pourtant conduire à balayer sans un examen approfondi le moyen tiré de la remise en cause de l'exercice effectif du droit de résistance à l'oppression. D'abord parce que les incertitudes sur sa justiciabilité ne font pas moins de la résistance à l'oppression un droit, inscrit à l'article 2 de la Déclaration des droits de 1789 parmi les quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'Homme », et même un droit positif auquel votre haute juridiction a expressément reconnu pleine valeur constitutionnelle (25). Ensuite parce que le droit à la résistance à l'oppression est à la fois le fondement et la conséquence des autres droits de l 'homme. Comme le relève la Professeure Geneviève KOUBI : «Le paradoxe du droit de résistance à l'oppression est ainsi entièrement contenu dans cette confrontation entre l'exercice d'un droit et le système de droit. Dans cette perspective, la résistance à l'oppression est un droit de l'homme qui s'exerce contre le système de droit, - système qui, au lieu de permettre l'élaboration de lois garantissant les droits et protégeant les libertés, contribue à l'édiction de normes leur portant une atteinte caractérisée. Expression d'un droit au respect du droit énoncé par les individus à l'endroit des pouvoirs publics, le droit de résistance à l'oppression s'avère effectivement être la conséquence des autres droits de l'homme. Il en est le fondement en ce qu'il engage les gouvernements dans la voie des révisions radicale. C'est ainsi que le droit de résistance à l'oppression est un droit de l'homme. Il est un droit "hors-la loi" certes, il est un "droit hors le droit". La résistance à l'oppression a donc sa place en droit justement pour que soit assurée la cohérence du droit » (26). D'ailleurs ce droit a reçu des consécrations dans d'autres instruments juridiques que notre Constitution, soit dans des instruments internationaux, soit dans d'autres constitutions. Ainsi la Déclaration universelle des droits de l'homme rappelle-t-elle « qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression ». Le quatrième paragraphe de l'article 20 de la Loi fondamentale allemande proclame lui que : «Tous les Allemands ont le droit de résister à quiconque entreprendrait de renverser cet ordre, s'il n y a pas d'autre remède possible ». De même le quatrième paragraphe de l'article 120 de la Constitution grecque dispose-t-il que: «L'observation de la Constitution est confiée au patriotisme des Hellènes, qui ont le droit et le devoir de résister par tous les moyens à quiconque entreprendrait son abolition par la violence. » Enfin, parce qu'il est d'une évidence absolue que le respect de ce droit ne peut par définition être garanti dans le cadre d'un régime oppressif, il appartient nécessairement à un régime démocratique d'en assurer les conditions d'exercice pour l'avenir. C'est là en réalité la réponse à la question soulevée par Florence BENOIT-ROHMER et Patrick WACHSMANN quand ils écrivaient que: « on ne voit même pas dans quelle hypothèse le conseil constitutionnel pourrait déclarer une loi contraire à la Constitution, au motif qu'elle méconnaitrait la proclamation de l'article 2 de la déclaration (de 1789) » (27). Or le dispositif dont vous êtes ici saisi constitue bien une telle hypothèse. En effet, la constitution d'un fichier le plus complet possible de leur population est le propre des régimes autoritaires. L'instauration d'une « carte d'identité de Français» fut d'ailleurs l'une des toutes premières dispositions prises par le régime de Vichy (28). Comme par exemple le rappelle Robert BADINTER à propos du sort des avocats juifs sous l'occupation, la répression dont ils firent l'objet commença précisément par l'établissement d'un fichier des avocats juifs (29) Et si l'Allemagne refuse aujourd'hui par principe tout fichier central biométrique, c'est précisément en réaction au régime nazi (30). Comment les résistants d'hier auraient-ils pu s'opposer à l'occupant et au régime de Vichy s'il avait existé un fichier centralisé de la population française qui aurait permis de les identifier sur la seule base de leurs empreintes digitales ? Comment de même les potentiels résistants de demain feront pour résister à un éventuel gouvernement oppressif s'ils peuvent être reconnus sur cette même base, ou sur celle de l'image numérisée de leur visage qui figurera également dans le fichier? Comme l'indiquait avec force le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, « une fois créé, le fichier central est susceptible de constituer, s'il n'est pas entouré des garanties requises, une bombe à retardement pour les libertés publiques ». C'est donc cette bombe que les requérants vous demandent de désamorcer en opposant votre censure sur le chef du manque de garanties légales pour l'exercice effectif à venir du droit de résistance à l'oppression. III. SUR L'UTILISATION DU FICHIER L'utilisation du fichier était initialement limitée à la sécurisation des titres d'identité et à la lutte contre l'usurpation d'identité. Au regard de cette seule finalité, qui est au coeur de la loi du 78-17 du 6 janvier 1978 «informatique et liberté » (31), les requérants ont démontré que l'institution d'un fichier avec la technique du «lien fort» était manifestement déséquilibrée. Mais le législateur ne s'est pas contenté de cette seule finalité, et s'est orienté vers une autre finalité qui serait la répression de l'usurpation d'identité, et donc une utilisation judiciaire du fichier. Les requérants sont conscients que votre haute juridiction n'a pas jusqu'à présent reconnu un caractère constitutionnel au principe de finalité. Pour autant vous le l'ignorez pas et n'hésitez pas à vous y référer, soulignant la garantie que pouvait constituer le cantonnement de la finalité d'un traitement d'informations à ce pour quoi il est institué (32). Vous avez par ailleurs jugé que si « aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire », cette utilisation méconnaîtrait cependant « les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes des personnes concernées» (33) . La question ici soulevée est inverse, puisqu'il n'est pas question d'utiliser un fichier judiciaire à des fins administratives, mais d'utiliser un fichier qui se veut administratif à des fins judiciaires. Or il ne fait pas de doute que là aussi, une utilisation excessive d'un fichier administratif, fut-ce pas les autorités judiciaires, serait susceptible de porter atteinte au droit au respect à la vie privée et à la liberté individuelle des personnes. Conscient de cette difficulté, le législateur s'est attaché à la résoudre en tentant de circonscrire l'utilisation judiciaire du futur fichier à l'égard des seuls délits liés à la fraude à l'identité. Ainsi est-il prévu que dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire, ou d'une commission rogatoire, la comparaison d'une empreinte relevée avec celles contenues dans le fichier central est possible pour les infractions suivantes: - l'usurpation d'identité (article 226-4-1 du code pénal) ; - l'escroquerie par fausse identité (articles 313-1 et 313-2 du même code) ; - l'atteinte aux services spécialisés de renseignement (article 413-13 du même code) ; l'atteinte à l'état civil des personnes (article 433-19 du même code) ; l'entrave à l'exercice de la justice (article 434-23 du même code) - le faux et l'usage de faux (article 441-1 du même code), le faux commis dans un document délivré par une administration publique (article 441-2 du même code), la détention frauduleuse d'un tel document (article 441-3 du même code), le faux en écriture publique (article 441-4 du même code), le fait de se faire procurer frauduleusement un document délivré par une administration publique (article 441-6 du même code), l'établissement d'un faux certificat (article 441-7 du même code) ; - la fraude au permis de conduire (article L. 225-8 du code de la route) ; - la fraude aux plaques d'immatriculation (article L. 330-7 du même code) ; - la mention d'une fausse adresse ou identité aux agents assermentés des transports (article L. 2245-5 du code des transports) ; - la demande indue de délivrance d'un extrait du casier judiciaire d'un tiers (L. 781 du code de procédure pénale) Vous ne manquerez pas de relever que l'encadrement judiciaire de la consultation du fichier atteste, comme les requérants l'ont soulevé plus haut, qu'elle met non seulement en cause le droit au respect à la vie privée qui selon votre jurisprudence n'appelle pas nécessairement l'intervention des magistrats, mais bien aussi la liberté individuelle en tant que telle dont l'autorité judiciaire, en vertu de l'article 66 de la Constitution, est la seule garante. Pour autant, les précautions prises par le législateur sont insuffisantes pour prévenir l'arbitraire et une rigueur non nécessaire dans l'application de la loi. Selon les termes de votre jurisprudence, « il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques », et ce afin de prémunir « les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi » (35) Ainsi venez-vous de rappeler que « législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale», et que, « s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions» (36). Or, malgré les dispositions adoptées pour encadrer la consultation du fichier qu'il crée, le législateur est resté en deçà de sa compétence, et a méconnu l'exigence qui lui ait faite d'adopter des dispositions précises et non équivoques. Primo, parce que la grande majorité des crimes ou délits qui sont en principe exclus de la liste de ceux qui peuvent donner lieu à une consultation, seront in fine susceptibles d'y donner lieu, parce que connexes à un délit comportant, lui, une fraude à l'identité. Rares sont en effet de nos jours les gentlemen cambrioleurs qui à l'instar d'Arsène Lupin laissent leur carte de visite sur le lieu de leur forfait. Aussi, dès lors que sur les lieux d'un crime ou d'un délit seront trouvées des empreintes digitales, il suffira au parquet ou au juge d'instruction d'ouvrir dans son enquête préliminaire ou son information un volet fraude à l'identité. Peu importe que par la suite ce délit ne soit pas constitué, mais au moins aura-t-il permis une consultation du fichier pour identifier un suspect. Le gouvernement ne manquera pas de rétorquer que le texte prévoit expressément aux II, III, et IV de l'article (5) que cette consultation ne pourra pas se faire sans que la personne suspectée en soit informée, ni pour identifier une personne inconnue à partir des traces qu'elle aurait laissées. L'argument ne saurait néanmoins prospérer, tout au moins dans le cadre d'une instruction, puisque le V, qui ajoute un article 99-5 au code de procédure pénale, ne prévoit aucune de ces limitations. Dès lors, l'officier de police judiciaire pourra en toute circonstance demander l'autorisation au juge d'instruction de consulter le fichier à des fins de recherche criminelle, sans lien avec l'usurpation d'identité. Deuxio, parce que comme l'a relevé à très juste titre le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, le législateur s'est abstenu de clarifier l'articulation entre les pouvoirs limités d'accès à la base centrale définis aux articles 5 du présent texte et à la nouvelle rédaction proposée pour l'article 55-1 du code de procédure pénale et les pouvoirs généraux que les magistrats chargés de l'enquête tiennent des articles 60-1, 60-2,99-3 et 99-4 du même code pour obtenir des documents numériques ou accéder à des informations contenues dans des fichiers nominatifs (37). A ces dispositions, il faut d'ailleurs ajouter celles des articles 77-1-1 et 77-1-2 du même code relatives aux pouvoirs du procureur dans le cadre d'une enquête préliminaire, qui lui permettent également de requérir tout document issu d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives. Or, en n'excluant pas expressément l'application de ces dispositions, le législateur a laissé aux procureurs et aux juges d'instruction une marge de manoeuvre telle qu'ils pourront arbitrairement se soustraire aux limitations posées par les nouvelles dispositions des articles 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale. Tertio, parce que comme l'a encore indiqué à bon escient le même Rapporteur (38), tel qu'il est rédigé, le texte n'exclut pas l'identification de l'auteur d'un crime ou d'un délit via un procédé de reconnaissance faciale à partir de l'image numérisé de son visage. En effet, le troisième alinéa de l'article (5) exclut uniquement l'utilisation de ce procédé par l'autorité de délivrance des titres d'identité ou de voyage. Mais il n'existe aucune exclusion expresse identique dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire, ou d'une information judiciaire. Il reviendra donc aux seules autorités juridictionnelles de délimiter leur domaine de compétence à cet égard, alors que c'eut été au législateur de le faire. Quarto, parce que le législateur s'est contenté au huitième alinéa de l'article (5) de la loi de proscrire une «interconnexion au sens de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978» avec tout autre fichier ou recueil de données nominatives des empreintes digitales et de la photographie. Or ledit article 30 vise bien l'« interconnexion» en tant que telle, mais il vise également « les rapprochements ou toutes autres formes de mise en relation avec d'autres traitements » (39). En d'autres termes, le législateur s'est contenté d'interdire l'interconnexion du nouveau fichier avec par exemple d'autres fichiers de police, mais il a laissé ouvert la voie à un rapprochement ponctuel dans un cadre judiciaire. Parce qu'il n'a donc pas suffisamment prémuni ce fichier contre une utilisation généralisée de ses données biométriques à des fins d'enquêtes criminelles, le législateur encourt également votre censure. IV. SUR L'ARTICLE (7 bis A) L'article (7 bis A) a pour objet de conserver aux services en charge de la lutte contre le terrorisme l'accès aux actuels systèmes de gestion des cartes nationales d'identité et de passeports que leur ouvre actuellement l'article 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. Néanmoins, comme l'a relevé le Rapporteur de la Commission des Lois, le législateur n'a pas légiféré à droit constant mais, au contraire, a étendu de manière tout à fait disproportionnée les prérogatives des services de lutte contre le terrorisme en dehors de tout contrôle de l'autorité judiciaire (40) En effet, dans l'état actuel du droit, les services anti-terroristes n'ont pas la capacité d'identifier une personne à partir de ses traces biométriques. Soit parce c'est expressément interdit, comme c'est le cas à l'article 21-1 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports. Soit parce que c'est impossible, les empreintes digitales des intéressés n'étant pas enregistrées dans le fichier de gestion des cartes nationales d'identité. Or avec technique du « lien fort» retenu par le législateur, les services de lutte contre le terrorisme vont se retrouver dans la possibilité, et hors toute contrainte légale, d'identifier quiconque sur la base de ses empreintes digitales ou par reconnaissance faciale. S'il ressort bien d'une jurisprudence constante « qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions », ce n'est pourtant que si, « dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles» (41). Or, en ouvrant la possibilité aux services anti-terroristes d'avoir un accès illimité à l'ensemble des données du fichier, y compris à ses données biométriques, le législateur a manifestement privé de garanties légales les exigences constitutionnelles relatives au droit au respect de sa vie privée et à la liberté individuelle. Pour tous ces motifs, et ceux que vous relèveriez d'office, les requérants vous invitent à prononcer la censure de l'ensemble de ces dispositions. 1) Requêtes n° 30562/04 et 30566/04, 2) Séance du 3 novembre 2011 3) Cf. notamment votre décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 45. 4) S. et Marper c. Royaume-Uni précité, 5) 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. 27. 6) Note d'observations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés concernant la proposition de loi relative à la protection de l'identité, 25 octobre 2011. 7) 2010-14/22 QPC, cons. 15-18. Pour une analyse générale de l'appréhension des faits dans votre jurisprudence, cf. Didier RIBES, « Le réalisme du Conseil constitutionnel », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Juin 2007, n° 22. Il Y rappelle par exemple que vous avez jugé que si « l'attribution d'avantages sociaux liés à l'éducation des enfants ne saurait dépendre, en principe, du sexe des parents », il fallait néanmoins «prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet» (2003-483 DC du 15 août 2003, cons. 24-25). 8) Alors que jusqu'à présent vous avez toujours considéré les fichiers sous l'angle de la vie privée, et non de la liberté individuelle. V. en ce sens Jean BOYER, «Fichiers de police judiciaire et normes constitutionnelles: quel ordre juridictionnel? », Petites affiches, 22 mai 2003, p. 4. 9) Cf. la note de la CNIL précitée. 10) Rapport n° 439 du 29 juin 2005, p. 64. 11) Rapport n° 432 (2010-2011), p. 30. 12) V. p. 59. 13) Cf. http://bugbrother.blog.lemonde.fr/20 11111103/a-qui-profite-le-fichier-des-gens-honnetes/ 14) Comme il est indiqué dans le rapport de la Commission des Lois du Sénat: « En dépit de la fortune médiatique qu'il a connue, et compte tenu des doutes sérieux que peut inspirer le chiffre de 210000 cas d'usurpation d'identité par an en France, votre rapporteur considère qu'il ne devrait pas être repris, sans réserves, dans le débat sur la nécessité de lutter contre les fraudes à l'identité. » (Rapport n°432 (2010-2011), p. 11). 15) Cf. http://bugbrother.blog.lemonde.fr/20 11/11/03/a-qui~profite-le-fichier-des-gens-honnetes/ 16) V. le décret na 2001-583 du 5 juillet 2001 pris pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création du système de traitement des infractions constatées 17) Rapport n° 1548. 18) Pp. 34~35. 19) 1999-416 De du 23 juillet 1999, cons. 47 20) Rapport n° 39 (2011-2012), p. 11. 21) V. supra I.b) ii). Sur les risques d'erreurs, les requérants vous renvoient à la très intéressante contribution de Bernadette DORIZZI, « Les taux d'erreurs dans le recours aux identifiants biométriques » in Ayse CEYHAN et Pierre PIAZZA (sous la dir.) L'identification biométrique. Champs, acteurs, enjeux et controverses, La Maison des Sciences de l'Homme, 2011. 22) Rapport n° 339 (2011-2012), p. 15. 23) 2008-564 DC du 19 juin 2008, cons. 18. 24) Cf. notamment Florence BENOIT-ROHMER et Patrick WACHSMANN, « La résistance à l'oppression dans la Déclaration », Droits, 1988, n° 8, pp. 91-99. 25) 81-132 DC du 16 janvier 1982, cons. 16. 26) « Penser le droit de résistance à l'oppression dans les sociétés démocratiques contemporaines », dans Pierre-Arnaud PERROUTY (éd.), Obéir et désobéir. Le citoyen face à la loi, ULB, Bruxelles, 2000. Selon les termes mêmes de l'article 33 de la Déclaration des droits du 24 juin 1793 : « La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme ». 27) Op. cit., p. 98. 28) Cf. Pierre PIAZZA, Histoire de la carte nationale d'identité, Odile Jacob, 2004, et plus particulièrement la partie intitulée « Vichy ou le désir d'identification absolue », pp. 163 et s. 29) Un antisémitisme ordinaire. Vichy et les avocats juifs (1940-1944), Fayard, 1997,256 p. 30) Cf. le Rapport de la Commission des Lois du sénat n° 339 (2011-2012), p. 20. 31) Dont l'article 6 2 prévoit que les traitements de donner doivent poursuivre «des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ». 32) Jean BOYER, «Fichiers de police judiciaire et normes constitutionnelles: quel ordre juridictionnel? », op. cit. Cf. notamment vos décisions n° 98-405 du 29 novembre, cons. 61 et n° 99- 419 du 9 novembre 1999, cons. 74. 33) 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. 32 34) V. supra 1. 35) 2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19. 36) 2011-223 QPC du 17 février 2012, cons. 4. 37) Rapport n° 339 (2011-2012), p. 13. 38) Ibid., p. 14. 39) Sur la distinction entre interconnexion et rapprochement, v. la fiche pratique de la CNIL du 5 avril 2011: http://www.cnil.fr/en-savoir-plus/fiches-pratiques/fiche/article/comment-determiner-la-notiondinterconnexion/ 40) Rapport n° 339 (2011-2012), p. 13. 41) Cf. notamment votre décision n° 2011-631 DC du 09 juin 2011, cons. 67. Nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à la protection de l'identité. Les requérants considèrent qu'en effet, la création du fichier telle qu'inscrite à l'article (5) de la loi porte non seulement une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, mais porte également en germe la destruction pour l'avenir des possibilités d'exercice effectif du droit fondamental de résistance à l'oppression, corollaire indispensable de la liberté individuelle elle-même. S'ils ne mettent pas en cause l'objectif que s'est assigné le législateur de lutter contre l'usurpation d'identité, ils vous demanderont néanmoins de statuer à l'aune des mots du poète allemand Martin Niemoller : « Quand ils sont venus chercher les communistes, Je n'ai rien dit, Je n'étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, Je n'ai rien dit, Je n'étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les juifs, Je n'ai pas protesté, Je n'étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les catholiques, Je n'ai pas protesté, Je n'étais pas catholique. Puis ils sont venus me chercher, Et il ne restait personne pour protester» A l'instar de ce que fait la Cour européenne des droits de l'homme, les auteurs de la saisine vous demanderont en effet de procéder à l'examen de cette disposition dans le cadre juridique constitutionnel et légal existant, mais en tenant également compte de l'utilisation qui pourrait en être faite à l'avenir dans un cadre constitutionnel moins protecteur des libertés fondamentales. C'est ainsi, d'ailleurs à propos d'une requête portant précisément sur un fichier contenant entre autres des empreintes digitales, que dans sa décision S. et Marper c. Royaume-Uni du 4 décembre 2008, la Grande Chambre de la Cour a réaffirmé «son opinion selon laquelle les préoccupations d'un individu quant aux utilisations susceptibles d'être faites à l'avenir d'informations privées conservées par les autorités sont légitimes et pertinentes pour la question de savoir s'il y a eu ou non ingérence» (1). A cet égard, le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat sur le texte a été on ne peut plus éloquent en déclarant lors des débats en deuxième lecture: «Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas, élus et Gouvernement, en démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, laisser derrière nous - bien sûr, en cet instant, je n'ai aucune crainte, en particulier parce que c'est vous qui êtes en fonction - un fichier que d'autres, dans l'avenir, au fil d'une histoire dont nous ne serons plus les écrivains, pourraient transformer en un outil dangereux, liberticide. Nous aurions alors rendu possible, dans le futur, la métempsycose perverse d'une idée protectrice! Et les victimes pourraient dire, en nous visant: ils avaient identifié le risque et ils ne nous en ont pas protégés. Monsieur le ministre, je ne veux pas qu'à ce fichier ces victimes puissent alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre».(2) Ce n'est donc pas sans une certaine solennité que les requérants s'adressent ici à votre haute juridiction. Car c'est une certaine conception de la démocratie qui est là en cause. Cette démocratie doit-elle faire preuve d'une si grande confiance en elle qu'elle puisse se permettre d'adopter des mesures potentiellement liberticides pour l'avenir au risque de faire preuve d'une imprudente arrogance? Ou doit-elle au contraire admettre qu'elle n'est peut-être pas éternelle, et dès lors s'assurer qu'elle ne met pas en place aujourd'hui les instruments de la répression de demain et faire ainsi preuve d'une sage humilité? A tous égards, que ce soit sur le principe même de sa création (I), sur ses modalités de construction (II), ou sur celles son utilisation (III), ce fichier appellera votre censure. En outre, l'article (7 bis A) devra également être censuré (IV). I. SUR LE PRINCIPE DE LA CREATION D'UN FICHIER NATIONAL BIOMETRIQUE Conformément à l'article (5) de la loi, il est créé un «un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation ». Dès lors qu'il comprend, outre le nom de famille, le ou les prénoms, le sexe, la date, le lieu de naissance, le domicile, la taille et la couleur de ses yeux du demandeur d'une carte nationale d'identité, ses empreintes digitales et sa photo, il constitue bien un fichier d'identité biométrique. En tant que tel donc, ce fichier représente une ingérence dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée auquel vous avez reconnu pleine valeur constitutionnelle au regard de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (3) . Comme l'a indiqué la Cour européenne des droits de l'homme dans un récent et remarqué revirement de jurisprudence: les «empreintes digitales contiennent objectivement des informations uniques sur l'individu concerné et permettent une identification précise dans un grand nombre de circonstances. Les empreintes digitales sont donc susceptibles de porter atteinte à la vie privée, et leur conservation sans le consentement de l'individu concerné ne saurait passer pour une mesure neutre ou banale» (4) Dès lors, et comme il ressort de votre jurisprudence constante, il appartenait au législateur d'assurer « une conciliation qui (ne soit) pas manifestement déséquilibrée» entre le respect de la vie privée et d'autres exigences constitutionnelles liées notamment à la sauvegarde de l'ordre public (5), en l'occurrence la lutte contre l'usurpation d'identité. Les requérants considèrent pourtant que cet équilibre n'a pas été atteint, la création du fichier n'étant en réalité ni absolument nécessaire (a), ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur (b). Bien sur les auteurs de la saisine n'ignorent que vous n'avez «pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement », et que si vous acceptez de « rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies », c'est à la seule condition que les modalités retenues par la loi soient «manifestement inappropriées à l'objectif visé» (2011- 625 DC du 10 mars 2011, cons. 7). Ainsi, deux considérations préalables et fondamentales commanderont que l'examen auquel vous allez procéder soit particulièrement strict, l'une tenant au contenu du fichier, l'autre tenant à son ampleur. Quant au contenu biométrique du fichier d'abord, la CNIL rappelle-t-elle que « les données biométriques ne sont pas des données à caractère personnel « comme les autres »'. Elles présentent en effet la particularité de permettre à tout moment l'identification de la personne concernée sur la base d'une réalité biologique qui lui est propre, permanente dans le temps et dont elle ne peut s'affranchir. A la différence de toute autre donnée à caractère personnel, la donnée biométrique n'est donc pas attribuée par un tiers ou choisie par la personne : elle est produite par le corps lui-même et le désigne ou le représente, lui et nul autre, de façon immuable. Elle appartient donc à la personne qui l'a générée et tout détournement ou mauvais usage de cette donnée fait alors peser un risque majeur sur l'identité de celle-ci ». Elle insiste en outre sur le fait que la «nécessité de prêter une attention particulière aux données biométriques doit être renforcée lorsque la biométrie utilisée est dite « à trace », comme les empreintes digitales par exemple », celles-ci ayant en effet «la particularité de pouvoir être capturées et utilisées à l'insu des personnes concernées, comme par exemple à des fins d'usurpation d'identité » (6). Quant à l'ampleur du fichier ensuite, contrairement aux fichiers existants, ce nouveau fichier aura le caractère ni plus ni moins que d'un Fichier National. A court terme en effet, c'est l'ensemble de la population française qui relèvera dudit fichier. Invoquer l'absence d'obligation légale de détenir une carte nationale d'identité ne saurait masquer l'existence d'une obligation de fait, et ce très tôt dans la vie d'un individu: les enfants eux-mêmes ont de plus en plus tôt besoin d'une carte nationale d'identité. Aucune démarche en effet un tant soit peu officielle ne peut s'effectuer sans avoir à justifier de son identité, ce qui implique nécessairement d'être muni d'un passeport ou d'une carte d'identité. S'il s'agit là de considérations d'ordre plus factuel que juridique, elles n'en demeurent pas moins pertinentes pour l'exercice de votre contrôle. Ainsi est-ce bien la réalité des chiffres de la garde à vue en France qui a guidé votre décision Daniel W. et autres du 30 juillet 2010. (7) Bien que le fichier des passeports s'en rapproche, le nouveau fichier, de par son ampleur, marque pourtant non seulement un changement de degré, mais aussi et surtout un changement de nature: d'un fichage catégoriel, on passe à un fichage généralisé. C'est la raison pour laquelle il n'est pas exclu que vous considériez ce fichier non seulement sous l'angle de la vie privée, mais également sous celui de la liberté individuelle en tant que telle. (8) Aussi, et à tout le moins, la validation du fichier TES par le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 317827 du 26 octobre 2011 ne devrait-elle pas commander ipso facto la validation du principe même de la création du nouveau fichier qui vous est ici soumise. a) Quant à la nécessité du fichier La nécessité doit s'apprécier au regard de la participation des moyens que le législateur détermine à la réalisation effective des objectifs qu'il se fixe. Or il ressort clairement des travaux de la CNIL, tout comme des expériences étrangères, que l'objectif légitime de lutte contre l'usurpation d'identité ne commande en rien la constitution d'un fichier centralisé de l'ensemble d'une population. Comme l'a ainsi parfaitement démontré la CNIL, la lutte contre la fraude à l'identité commence par le renforcement des contrôles opérés en amont dans la chaîne de l'identité, notamment sur les extraits d'actes d'état civil fournis à l'appui de la demande. Or cette exigence est bien satisfaite par l'article 4 de la loi qui prévoit que : «Les agents chargés du recueil ou de l'instruction des demandes de délivrance de la carte nationale d'identité ou du passeport peuvent faire procéder à la vérification des données de l'état civil fournies par l'usager auprès des officiers de l'état civil dépositaires des actes contenant ces données, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. ». Elle passe ensuite effectivement par le recours à des données biométriques. Mais la simple comparaison entre les empreintes enregistrées dans la puce de la carte d'identité et les empreintes prises par le demandeur du titre suffit à se prémunir contre toute falsification d'identité et à authentifier le titre présenté. (9) Dans son rapport sur la Nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire, Jean René LECERF admet d'ailleurs l'efficacité de ce système d'authentification. Le seul inconvénient qu'il relève est qu'il «ne permet pas d'assurer l'unicité de l'identité lors de la délivrance du titre » (10). Mais comme le relève le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat sur le texte, même l'existence d'un fichier centralisé «ne prémunit pas contre l'usurpation initiale d'identité» Il. Seul le contrôle en amont le permet. En d'autres termes, aucun des deux systèmes biométriques, puce simple ou puce couplée avec un fichier central, ne permettent d'empêcher une fraude à l'identité initiale, mais en revanche, le premier, incomparablement moins intrusif que le second dans la mesure où la personne concernée demeure la seule détentrice des données la concernant, assure une toute aussi grande efficacité contre la fraude lors du renouvellement. Ensuite les exemples étrangers montrent bien que la lutte contre la fraude à l'identité peut parfaitement se passer d'un fichier centralisé. Au moment où Jean René LECERF rédigeait son rapport mentionné ci-dessus, il indiquait que parmi les Etats européens qui avaient recours à des cartes d'identité biométriques, deux seulement envisageaient d'instituer un fichier central, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (12). Or depuis, ces deux pays ont renoncé à leur projet et décidé la destruction des empreintes digitales déjà enregistrées, aussi bien pour des raisons tenant à la protection de la vie privée, qu'au regard des risques d'erreur dans la constitution des fichiers (13) . b) Quant à la proportionnalité du fichier Pour vous convaincre de la disproportion manifeste entre l'atteinte au droit au respect de la vie privée qu'engendrera le nouveau dispositif et l'objectif poursuivi de lutte contre l'usurpation d'identité, rien n'est plus parlant ici que la mise en balance des chiffres. Si l'on compare le chiffre avancé de la fourchette haute de l'usurpation d'identité, aussi contesté fut-il, au nombre de personnes concernées par l'inscription au fichier, on constate que pour 210 000 fraudes, ce sont 60 millions de français qui vont être fichés ! (14) Si les requérants ne contestent de nulle manière, comme d'ailleurs ils l'ont rappelé tout au long des débats, la gravité des conséquences pour les victimes et pour l'Etat de la fraude à l'identité, ils ne peuvent, et vous ne pourrez, admettre que la marginalité du phénomène puisse justifier l'institution du plus grand fichier biométrique jamais créé. A cette disproportion manifeste, il faut ajouter les dangers engendrés par son absence d'infaillibilité (i), et le risque de fraude (ii). i) L'absence d'infaillibilité Deux exemples illustreront ce propos. Le premier vient d'Israël. On a en effet appris en novembre 2011 par l'Israël Law, Information and Technology Authority (ILl TA) , l'autorité de protection des données personnelles israéliennes, que le registre d'information de la population israélienne comportant les données de 9 millions de personnes vivantes et décédées avait tout simplement été volé par un employé du ministère des affaires sociales qui l'avait copié sur son ordinateur personnel, registre qui s'est ensuite retrouvé consultable en ligne de 2009 à 2011. Michael El TAN, le Ministre israélien de l'Amélioration des services publics, a dans la foulée appelé le gouvernement à abandonner son projet de création d'une base de données biométriques des Israéliens, et déclaré : « De fausses promesses ont été faites quant à la sécurité hermétique de la base de données. Qui pourra nous assurer que des employés mécontents ne distribueront pas nos empreintes digitales et photographies? Tout comme le registre de la population, ou n'importe quelle autre base de données, elle sera elle aussi piratée. Ce n'est qu'une question de temps. » (15) Il n'existe en effet aucun système informatique impénétrable, WeakiLeaks est là pour nous le rappeler. Le second exemple provient des multiples cas d'utilisations abusives qui ont été faites du STIC malgré les garanties juridiques qui entourent pourtant sa consultation, et notamment l'obligation de traçabilité desdites consultations (l6). Ces dérives ont été parfaitement mises en évidence dans le Rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les fichiers de police du 24 mars 2009. (17). Les requérants se contenteront de rappeler à cet égard les cas les plus saillants: le cas d'un commandant de police Pichon qui a publié les fiches de deux célébrités précisément semble-t-il pour mettre en évidence la perméabilité du système; le cas d'un candidat socialiste aux dernières élections régionales qui a révélé une consultation pour le moins « anormale» du fichier; et plus récemment le cas révélé par le Canard Enchainé du 29 février 2012 révélant une utilisation du STIC à des fins marchandes. Aussi, les auteurs de la saisine considèrent-ils que la disposition inscrite au deuxième alinéa de l'article (5) de la loi qui vous est ici différée exigeant «la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès» ne constitue en rien à elle seule une garantie suffisante pour assurer la sécurisation d'un fichier de 60 millions d'individus qui fera nécessairement l'objet de toutes les convoitises. ii) Le risque de fraude Ce risque a été notamment mis en exergue par Alex TÜRK. Dans son ouvrage La vie privée en péril. Des citoyens sous contrôle publié chez Odile Jacob, il nous montre comment avec un budget infime, 30 euros, et un peu de latex liquide, il est possible de s'emparer de l'empreinte de quiconque et de la réutiliser pour tromper un dispositif de reconnaissance biométrique digitale (l8). Mais le plus grave, c'est que dans cette hypothèse, et au regard de la confiance dont bénéficient ces nouveaux procédés technologiques de reconnaissance biométrique, la personne dont l'empreinte aura été récupérée frauduleusement se retrouvera dans la situation inextricable de devoir apporter la preuve que cela a beau être son empreinte qui a été utilisée, ce n'est pas elle qui était en cause. L'absence d'infaillibilité est d'autant plus à redouter en état actuel de la technologie qu'il n'existe aucun fichier de cette importance qui soit nulle part. Autrement dit, avec un système de fichier biométrique centralisé, non seulement l'usurpation d'identité n'est pas totalement exclue, mais de surcroit, il rend quasiment impossible à la personne dont l'identité a été usurpée via son empreinte digitale d'apporter la preuve de cette usurpation. A ce niveau de contradiction, non seulement le législateur n'atteint pas l'objectif qu'il s'était fixé, mais il lui tourne le dos! C'est dire sans conteste combien ce dernier n'a pas su assurer une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de la vie privée et celle de l'ordre public. Si néanmoins vous ne jugiez pas qu'il résulte de l'institution même d'un fichier national biométrique une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, vous ne manquerez pas de le faire au regard des modalités de sa construction et de sa mise en oeuvre ultérieure. II. SUR LES MODALITES DE CONSTRUCTION DU FICHIER Comme vous ne manquerez pas de le constater, l'essentiel des débats parlementaires a porté sur la nature du dispositif à mettre en place, et opposé les tenants de ce qu'il est convenu d'appeler le « lien faible» aux partisans du « lien fort ». En retenant finalement la technique du « lien fort », non seulement le législateur a fait un choix qui n'est ni nécessaire ni proportionné et qui porte une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée (a), mais il prive en outre pour l'avenir tout un chacun de son droit effectif de résistance à l'oppression (b). a) Quant à l'atteinte excessive au droit au respect de la vie privée Dans une base de données à « lien faible », les données biographiques et biométriques d'une personne ne peuvent pas être croisées, sauf au moment de la délivrance du titre. En effet, à une empreinte correspond techniquement dans de telles bases de données non pas une identité mais un ensemble d'identités. Il n'est donc pas possible de déterminer l'identité qui correspond à une empreinte donnée. À l'inverse, une base de données à « lien fort» permet de faire correspondre données biométriques et données biographiques de manière univoque. Ce système permet donc d'identifier, le cas échéant, un fraudeur. Mais il permet de manière générale d'identifier tout un chacun sur la base d'empreintes laissées par quiconque en n'importe quel lieu. Avec pareil système, le détenteur d'une carte d'identité sera donc non seulement fiché, mais aussi et surtout tracé et traçable. L'avantage majeur de la technique de construction du « lien faible» qui était proposée par le Sénat, et ce sur tous ses bancs, est son irréversibilité. dans la mesure elle prémunit de manière absolue contre toute utilisation du fichier (seul) à des fins autres que celles pour lesquelles il a été institué. Pour autant, par croisement avec d'autres fichiers et/ou recoupement avec d'autres informations, sous contrôle d'un juge judiciaire dans ces cas, l'apport de ce fichier peut être sollicité dans les autres utilisations présentés comme indispensables par les tenants du lien fort (reconnaissance des personnes désorientées, identification de cadavre, enquête judiciaire . . .). Si ces considérations sont d'apparence technique, et semblent a priori devoir relever du libre choix du législateur, elles ont en réalité des implications juridiques et constitutionnelles extrêmement importantes pour l'appréciation de la juste conciliation entre le droit au respect de la vie privé et la sauvegarde de l'ordre public. En effet, c'est dans le choix de la technique du «lien fort» finalement retenue par l'Assemblée nationale que réside le caractère manifestement déséquilibrée de la conciliation opérée par le législateur. D'ailleurs, lorsque votre haute juridiction a validé la carte électronique de santé, la « carte vitale 2 », elle l'a fait non seulement au regard des garanties légales prévues, mais également des garanties techniques. Ainsi avez-vous jugé que « l'ensemble des garanties dont est assortie la mise en oeuvre des dispositions de l'article 36 de la loi, au nombre desquelles il convient de ranger les caractéristiques assurant la sécurité du système, sont de nature à sauvegarder le respect de la vie privée (19)». Or, aussi bien en termes de nécessité que de proportionnalité, les garanties offertes contre l'usurpation d'identité par un fichier à «lien faible» sont aussi importantes qu'avec le « lien fort », tout en offrant des garanties pour le droit au respect de la vie privé que ce dernier n'offre pas. Les requérants font ainsi leur les termes du Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, et s'ils « comprennent l'engagement de ceux qui souhaitent le « défaut zéro» dans la lutte contre l'usurpation d'identité, ils jugent nécessaire d'ajouter à cet objectif un second : celui du « risque zéro» pour les libertés publiques. Avec la solution que le Sénat a adoptée en première lecture, le défaut zéro dans la lutte contre l'usurpation d'identité est approché à 99,9 %, et le risque zéro pour les libertés publiques est garanti par le système de la base à lien faible. » (20). Ils vous invitent à en faire de même, et ce d'autant que le risque zéro dans la lutte contre l'usurpation n'est pas non assuré avec le système à lien fort en cas notamment d'erreurs dans la saisie des données ou d'usurpation des empreintes digitales évoquées ci-dessus (21). En outre, si comme évoqué plus haut le futur fichier à « lien fort» faisait l'objet d'un piratage, les auteurs du piratage disposeraient alors d'une base associant de manière univoque, l'état civil, le visage, les empreintes digitales et le domicile de l'ensemble de la population française (22). Pareil risque est évidemment inacceptable, et, incidemment, manifestement contraire au principe de précaution inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement à laquelle vous avez reconnu pleine valeur constitutionnelle (23). En effet, il n'est pas certain (bien que hautement probable) que le risque de piratage se réalise, mais, s'il se réalise, il est certain qu'il constituera une menace grave et irréversible pour le droit au respect de la vie privée. Tous ces éléments attestent sans aucune ambiguïté que la solution retenue par le législateur est manifestement déséquilibrée, et ce aux dépens des garanties du droit au respect de la vie privée. b) Quant à la privation du droit de résistance à l'oppression Les auteurs de la saisine souhaitent attirer votre particulière attention sur les risques que feraient courir pour l'exercice effectif du droit de résistance à l'oppression l'institution d'un tel fichier généralisé de la population avec la technique du « lien fort ». Ils mesurent la singularité de leur démarche, eu égard notamment à la justiciabilité d'une notion souvent appréhendée moins comme un droit que comme une proclamation politique (24), et qui n'a en tout cas pas été étayée par votre jurisprudence. Ils reconnaissent en outre que ce n'est pas, par elle-même - selon une formule qui vous est familière - ni dans l'immédiat, que la disposition ici disputée menace l'exercice de ce droit. Aucun de ces deux éléments ne devrait pourtant conduire à balayer sans un examen approfondi le moyen tiré de la remise en cause de l'exercice effectif du droit de résistance à l'oppression. D'abord parce que les incertitudes sur sa justiciabilité ne font pas moins de la résistance à l'oppression un droit, inscrit à l'article 2 de la Déclaration des droits de 1789 parmi les quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'Homme », et même un droit positif auquel votre haute juridiction a expressément reconnu pleine valeur constitutionnelle (25). Ensuite parce que le droit à la résistance à l'oppression est à la fois le fondement et la conséquence des autres droits de l 'homme. Comme le relève la Professeure Geneviève KOUBI : «Le paradoxe du droit de résistance à l'oppression est ainsi entièrement contenu dans cette confrontation entre l'exercice d'un droit et le système de droit. Dans cette perspective, la résistance à l'oppression est un droit de l'homme qui s'exerce contre le système de droit, - système qui, au lieu de permettre l'élaboration de lois garantissant les droits et protégeant les libertés, contribue à l'édiction de normes leur portant une atteinte caractérisée. Expression d'un droit au respect du droit énoncé par les individus à l'endroit des pouvoirs publics, le droit de résistance à l'oppression s'avère effectivement être la conséquence des autres droits de l'homme. Il en est le fondement en ce qu'il engage les gouvernements dans la voie des révisions radicale. C'est ainsi que le droit de résistance à l'oppression est un droit de l'homme. Il est un droit "hors-la loi" certes, il est un "droit hors le droit". La résistance à l'oppression a donc sa place en droit justement pour que soit assurée la cohérence du droit » (26). D'ailleurs ce droit a reçu des consécrations dans d'autres instruments juridiques que notre Constitution, soit dans des instruments internationaux, soit dans d'autres constitutions. Ainsi la Déclaration universelle des droits de l'homme rappelle-t-elle « qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression ». Le quatrième paragraphe de l'article 20 de la Loi fondamentale allemande proclame lui que : «Tous les Allemands ont le droit de résister à quiconque entreprendrait de renverser cet ordre, s'il n y a pas d'autre remède possible ». De même le quatrième paragraphe de l'article 120 de la Constitution grecque dispose-t-il que: «L'observation de la Constitution est confiée au patriotisme des Hellènes, qui ont le droit et le devoir de résister par tous les moyens à quiconque entreprendrait son abolition par la violence. » Enfin, parce qu'il est d'une évidence absolue que le respect de ce droit ne peut par définition être garanti dans le cadre d'un régime oppressif, il appartient nécessairement à un régime démocratique d'en assurer les conditions d'exercice pour l'avenir. C'est là en réalité la réponse à la question soulevée par Florence BENOIT-ROHMER et Patrick WACHSMANN quand ils écrivaient que: « on ne voit même pas dans quelle hypothèse le conseil constitutionnel pourrait déclarer une loi contraire à la Constitution, au motif qu'elle méconnaitrait la proclamation de l'article 2 de la déclaration (de 1789) » (27). Or le dispositif dont vous êtes ici saisi constitue bien une telle hypothèse. En effet, la constitution d'un fichier le plus complet possible de leur population est le propre des régimes autoritaires. L'instauration d'une « carte d'identité de Français» fut d'ailleurs l'une des toutes premières dispositions prises par le régime de Vichy (28). Comme par exemple le rappelle Robert BADINTER à propos du sort des avocats juifs sous l'occupation, la répression dont ils firent l'objet commença précisément par l'établissement d'un fichier des avocats juifs (29) Et si l'Allemagne refuse aujourd'hui par principe tout fichier central biométrique, c'est précisément en réaction au régime nazi (30). Comment les résistants d'hier auraient-ils pu s'opposer à l'occupant et au régime de Vichy s'il avait existé un fichier centralisé de la population française qui aurait permis de les identifier sur la seule base de leurs empreintes digitales ? Comment de même les potentiels résistants de demain feront pour résister à un éventuel gouvernement oppressif s'ils peuvent être reconnus sur cette même base, ou sur celle de l'image numérisée de leur visage qui figurera également dans le fichier? Comme l'indiquait avec force le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, « une fois créé, le fichier central est susceptible de constituer, s'il n'est pas entouré des garanties requises, une bombe à retardement pour les libertés publiques ». C'est donc cette bombe que les requérants vous demandent de désamorcer en opposant votre censure sur le chef du manque de garanties légales pour l'exercice effectif à venir du droit de résistance à l'oppression. III. SUR L'UTILISATION DU FICHIER L'utilisation du fichier était initialement limitée à la sécurisation des titres d'identité et à la lutte contre l'usurpation d'identité. Au regard de cette seule finalité, qui est au coeur de la loi du 78-17 du 6 janvier 1978 «informatique et liberté » (31), les requérants ont démontré que l'institution d'un fichier avec la technique du «lien fort» était manifestement déséquilibrée. Mais le législateur ne s'est pas contenté de cette seule finalité, et s'est orienté vers une autre finalité qui serait la répression de l'usurpation d'identité, et donc une utilisation judiciaire du fichier. Les requérants sont conscients que votre haute juridiction n'a pas jusqu'à présent reconnu un caractère constitutionnel au principe de finalité. Pour autant vous le l'ignorez pas et n'hésitez pas à vous y référer, soulignant la garantie que pouvait constituer le cantonnement de la finalité d'un traitement d'informations à ce pour quoi il est institué (32). Vous avez par ailleurs jugé que si « aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire », cette utilisation méconnaîtrait cependant « les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes des personnes concernées» (33) . La question ici soulevée est inverse, puisqu'il n'est pas question d'utiliser un fichier judiciaire à des fins administratives, mais d'utiliser un fichier qui se veut administratif à des fins judiciaires. Or il ne fait pas de doute que là aussi, une utilisation excessive d'un fichier administratif, fut-ce pas les autorités judiciaires, serait susceptible de porter atteinte au droit au respect à la vie privée et à la liberté individuelle des personnes. Conscient de cette difficulté, le législateur s'est attaché à la résoudre en tentant de circonscrire l'utilisation judiciaire du futur fichier à l'égard des seuls délits liés à la fraude à l'identité. Ainsi est-il prévu que dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire, ou d'une commission rogatoire, la comparaison d'une empreinte relevée avec celles contenues dans le fichier central est possible pour les infractions suivantes: - l'usurpation d'identité (article 226-4-1 du code pénal) ; - l'escroquerie par fausse identité (articles 313-1 et 313-2 du même code) ; - l'atteinte aux services spécialisés de renseignement (article 413-13 du même code) ; l'atteinte à l'état civil des personnes (article 433-19 du même code) ; l'entrave à l'exercice de la justice (article 434-23 du même code) - le faux et l'usage de faux (article 441-1 du même code), le faux commis dans un document délivré par une administration publique (article 441-2 du même code), la détention frauduleuse d'un tel document (article 441-3 du même code), le faux en écriture publique (article 441-4 du même code), le fait de se faire procurer frauduleusement un document délivré par une administration publique (article 441-6 du même code), l'établissement d'un faux certificat (article 441-7 du même code) ; - la fraude au permis de conduire (article L. 225-8 du code de la route) ; - la fraude aux plaques d'immatriculation (article L. 330-7 du même code) ; - la mention d'une fausse adresse ou identité aux agents assermentés des transports (article L. 2245-5 du code des transports) ; - la demande indue de délivrance d'un extrait du casier judiciaire d'un tiers (L. 781 du code de procédure pénale) Vous ne manquerez pas de relever que l'encadrement judiciaire de la consultation du fichier atteste, comme les requérants l'ont soulevé plus haut, qu'elle met non seulement en cause le droit au respect à la vie privée qui selon votre jurisprudence n'appelle pas nécessairement l'intervention des magistrats, mais bien aussi la liberté individuelle en tant que telle dont l'autorité judiciaire, en vertu de l'article 66 de la Constitution, est la seule garante. Pour autant, les précautions prises par le législateur sont insuffisantes pour prévenir l'arbitraire et une rigueur non nécessaire dans l'application de la loi. Selon les termes de votre jurisprudence, « il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques », et ce afin de prémunir « les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi » (35) Ainsi venez-vous de rappeler que « législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale», et que, « s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions» (36). Or, malgré les dispositions adoptées pour encadrer la consultation du fichier qu'il crée, le législateur est resté en deçà de sa compétence, et a méconnu l'exigence qui lui ait faite d'adopter des dispositions précises et non équivoques. Primo, parce que la grande majorité des crimes ou délits qui sont en principe exclus de la liste de ceux qui peuvent donner lieu à une consultation, seront in fine susceptibles d'y donner lieu, parce que connexes à un délit comportant, lui, une fraude à l'identité. Rares sont en effet de nos jours les gentlemen cambrioleurs qui à l'instar d'Arsène Lupin laissent leur carte de visite sur le lieu de leur forfait. Aussi, dès lors que sur les lieux d'un crime ou d'un délit seront trouvées des empreintes digitales, il suffira au parquet ou au juge d'instruction d'ouvrir dans son enquête préliminaire ou son information un volet fraude à l'identité. Peu importe que par la suite ce délit ne soit pas constitué, mais au moins aura-t-il permis une consultation du fichier pour identifier un suspect. Le gouvernement ne manquera pas de rétorquer que le texte prévoit expressément aux II, III, et IV de l'article (5) que cette consultation ne pourra pas se faire sans que la personne suspectée en soit informée, ni pour identifier une personne inconnue à partir des traces qu'elle aurait laissées. L'argument ne saurait néanmoins prospérer, tout au moins dans le cadre d'une instruction, puisque le V, qui ajoute un article 99-5 au code de procédure pénale, ne prévoit aucune de ces limitations. Dès lors, l'officier de police judiciaire pourra en toute circonstance demander l'autorisation au juge d'instruction de consulter le fichier à des fins de recherche criminelle, sans lien avec l'usurpation d'identité. Deuxio, parce que comme l'a relevé à très juste titre le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, le législateur s'est abstenu de clarifier l'articulation entre les pouvoirs limités d'accès à la base centrale définis aux articles 5 du présent texte et à la nouvelle rédaction proposée pour l'article 55-1 du code de procédure pénale et les pouvoirs généraux que les magistrats chargés de l'enquête tiennent des articles 60-1, 60-2,99-3 et 99-4 du même code pour obtenir des documents numériques ou accéder à des informations contenues dans des fichiers nominatifs (37). A ces dispositions, il faut d'ailleurs ajouter celles des articles 77-1-1 et 77-1-2 du même code relatives aux pouvoirs du procureur dans le cadre d'une enquête préliminaire, qui lui permettent également de requérir tout document issu d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives. Or, en n'excluant pas expressément l'application de ces dispositions, le législateur a laissé aux procureurs et aux juges d'instruction une marge de manoeuvre telle qu'ils pourront arbitrairement se soustraire aux limitations posées par les nouvelles dispositions des articles 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale. Tertio, parce que comme l'a encore indiqué à bon escient le même Rapporteur (38), tel qu'il est rédigé, le texte n'exclut pas l'identification de l'auteur d'un crime ou d'un délit via un procédé de reconnaissance faciale à partir de l'image numérisé de son visage. En effet, le troisième alinéa de l'article (5) exclut uniquement l'utilisation de ce procédé par l'autorité de délivrance des titres d'identité ou de voyage. Mais il n'existe aucune exclusion expresse identique dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire, ou d'une information judiciaire. Il reviendra donc aux seules autorités juridictionnelles de délimiter leur domaine de compétence à cet égard, alors que c'eut été au législateur de le faire. Quarto, parce que le législateur s'est contenté au huitième alinéa de l'article (5) de la loi de proscrire une «interconnexion au sens de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978» avec tout autre fichier ou recueil de données nominatives des empreintes digitales et de la photographie. Or ledit article 30 vise bien l'« interconnexion» en tant que telle, mais il vise également « les rapprochements ou toutes autres formes de mise en relation avec d'autres traitements » (39). En d'autres termes, le législateur s'est contenté d'interdire l'interconnexion du nouveau fichier avec par exemple d'autres fichiers de police, mais il a laissé ouvert la voie à un rapprochement ponctuel dans un cadre judiciaire. Parce qu'il n'a donc pas suffisamment prémuni ce fichier contre une utilisation généralisée de ses données biométriques à des fins d'enquêtes criminelles, le législateur encourt également votre censure. IV. SUR L'ARTICLE (7 bis A) L'article (7 bis A) a pour objet de conserver aux services en charge de la lutte contre le terrorisme l'accès aux actuels systèmes de gestion des cartes nationales d'identité et de passeports que leur ouvre actuellement l'article 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. Néanmoins, comme l'a relevé le Rapporteur de la Commission des Lois, le législateur n'a pas légiféré à droit constant mais, au contraire, a étendu de manière tout à fait disproportionnée les prérogatives des services de lutte contre le terrorisme en dehors de tout contrôle de l'autorité judiciaire (40) En effet, dans l'état actuel du droit, les services anti-terroristes n'ont pas la capacité d'identifier une personne à partir de ses traces biométriques. Soit parce c'est expressément interdit, comme c'est le cas à l'article 21-1 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports. Soit parce que c'est impossible, les empreintes digitales des intéressés n'étant pas enregistrées dans le fichier de gestion des cartes nationales d'identité. Or avec technique du « lien fort» retenu par le législateur, les services de lutte contre le terrorisme vont se retrouver dans la possibilité, et hors toute contrainte légale, d'identifier quiconque sur la base de ses empreintes digitales ou par reconnaissance faciale. S'il ressort bien d'une jurisprudence constante « qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions », ce n'est pourtant que si, « dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles» (41). Or, en ouvrant la possibilité aux services anti-terroristes d'avoir un accès illimité à l'ensemble des données du fichier, y compris à ses données biométriques, le législateur a manifestement privé de garanties légales les exigences constitutionnelles relatives au droit au respect de sa vie privée et à la liberté individuelle. Pour tous ces motifs, et ceux que vous relèveriez d'office, les requérants vous invitent à prononcer la censure de l'ensemble de ces dispositions. 1) Requêtes n° 30562/04 et 30566/04, 2) Séance du 3 novembre 2011 3) Cf. notamment votre décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 45. 4) S. et Marper c. Royaume-Uni précité, 5) 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. 27. 6) Note d'observations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés concernant la proposition de loi relative à la protection de l'identité, 25 octobre 2011. 7) 2010-14/22 QPC, cons. 15-18. Pour une analyse générale de l'appréhension des faits dans votre jurisprudence, cf. Didier RIBES, « Le réalisme du Conseil constitutionnel », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Juin 2007, n° 22. Il Y rappelle par exemple que vous avez jugé que si « l'attribution d'avantages sociaux liés à l'éducation des enfants ne saurait dépendre, en principe, du sexe des parents », il fallait néanmoins «prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet» (2003-483 DC du 15 août 2003, cons. 24-25). 8) Alors que jusqu'à présent vous avez toujours considéré les fichiers sous l'angle de la vie privée, et non de la liberté individuelle. V. en ce sens Jean BOYER, «Fichiers de police judiciaire et normes constitutionnelles: quel ordre juridictionnel? », Petites affiches, 22 mai 2003, p. 4. 9) Cf. la note de la CNIL précitée. 10) Rapport n° 439 du 29 juin 2005, p. 64. 11) Rapport n° 432 (2010-2011), p. 30. 12) V. p. 59. 13) Cf. http://bugbrother.blog.lemonde.fr/20 11111103/a-qui-profite-le-fichier-des-gens-honnetes/ 14) Comme il est indiqué dans le rapport de la Commission des Lois du Sénat: « En dépit de la fortune médiatique qu'il a connue, et compte tenu des doutes sérieux que peut inspirer le chiffre de 210000 cas d'usurpation d'identité par an en France, votre rapporteur considère qu'il ne devrait pas être repris, sans réserves, dans le débat sur la nécessité de lutter contre les fraudes à l'identité. » (Rapport n°432 (2010-2011), p. 11). 15) Cf. http://bugbrother.blog.lemonde.fr/20 11/11/03/a-qui~profite-le-fichier-des-gens-honnetes/ 16) V. le décret na 2001-583 du 5 juillet 2001 pris pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création du système de traitement des infractions constatées 17) Rapport n° 1548. 18) Pp. 34~35. 19) 1999-416 De du 23 juillet 1999, cons. 47 20) Rapport n° 39 (2011-2012), p. 11. 21) V. supra I.b) ii). Sur les risques d'erreurs, les requérants vous renvoient à la très intéressante contribution de Bernadette DORIZZI, « Les taux d'erreurs dans le recours aux identifiants biométriques » in Ayse CEYHAN et Pierre PIAZZA (sous la dir.) L'identification biométrique. Champs, acteurs, enjeux et controverses, La Maison des Sciences de l'Homme, 2011. 22) Rapport n° 339 (2011-2012), p. 15. 23) 2008-564 DC du 19 juin 2008, cons. 18. 24) Cf. notamment Florence BENOIT-ROHMER et Patrick WACHSMANN, « La résistance à l'oppression dans la Déclaration », Droits, 1988, n° 8, pp. 91-99. 25) 81-132 DC du 16 janvier 1982, cons. 16. 26) « Penser le droit de résistance à l'oppression dans les sociétés démocratiques contemporaines », dans Pierre-Arnaud PERROUTY (éd.), Obéir et désobéir. Le citoyen face à la loi, ULB, Bruxelles, 2000. Selon les termes mêmes de l'article 33 de la Déclaration des droits du 24 juin 1793 : « La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme ». 27) Op. cit., p. 98. 28) Cf. Pierre PIAZZA, Histoire de la carte nationale d'identité, Odile Jacob, 2004, et plus particulièrement la partie intitulée « Vichy ou le désir d'identification absolue », pp. 163 et s. 29) Un antisémitisme ordinaire. Vichy et les avocats juifs (1940-1944), Fayard, 1997,256 p. 30) Cf. le Rapport de la Commission des Lois du sénat n° 339 (2011-2012), p. 20. 31) Dont l'article 6 2 prévoit que les traitements de donner doivent poursuivre «des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ». 32) Jean BOYER, «Fichiers de police judiciaire et normes constitutionnelles: quel ordre juridictionnel? », op. cit. Cf. notamment vos décisions n° 98-405 du 29 novembre, cons. 61 et n° 99- 419 du 9 novembre 1999, cons. 74. 33) 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. 32 34) V. supra 1. 35) 2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19. 36) 2011-223 QPC du 17 février 2012, cons. 4. 37) Rapport n° 339 (2011-2012), p. 13. 38) Ibid., p. 14. 39) Sur la distinction entre interconnexion et rapprochement, v. la fiche pratique de la CNIL du 5 avril 2011: http://www.cnil.fr/en-savoir-plus/fiches-pratiques/fiche/article/comment-determiner-la-notiondinterconnexion/ 40) Rapport n° 339 (2011-2012), p. 13. 41) Cf. notamment votre décision n° 2011-631 DC du 09 juin 2011, cons. 67.
CONSTIT/CONSTEXT000025561602.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de programmation relative à l'exécution des peines, le 6 mars 2012, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Jean-Louis BIANCO, Daniel BOISSERIE, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Pierre COHEN, Frédéric CUVILLIER, Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mmes Corinne ERHEL, Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, MM. Pierre FORGUES, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Paul GIACOBBI, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Daniel GOLDBERG, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Elisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Jack LANG, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Bernard LESTERLIN, Michel LIEBGOTT, François LONCLE, Jean MALLOT, Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Arnaud MONTEBOURG, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Mme George PAU-LANGEVIN, MM. Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Mme Sylvia PINEL, M. François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Dominique RAIMBOURG, Simon RENUCCI, Mmes Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Bernard ROMAN, Gwendal ROUILLARD, René ROUQUET, Christophe SIRUGUE, Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des marchés publics ; Vu la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 16 mars 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de programmation relative à l'exécution des peines ; qu'ils contestent son article 2 ; 2. Considérant que l'article 2 de la loi déférée modifie l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 susvisée ; que, d'une part, il étend à l'exploitation ou à la maintenance d'établissements pénitentiaires les missions susceptibles d'être confiées par l'État, au titre d'un marché de conception-réalisation, à une personne ou à un groupement de personnes de droit public ou privé ; que, d'autre part, il permet de recourir à la procédure du dialogue compétitif pour la passation d'un tel marché ; 3. Considérant que, selon les requérants, le recours à la procédure du « dialogue compétitif » pour réaliser un programme de construction d'établissements pénitentiaires « apparaît manifestement inapproprié au regard des opérations envisagées et ne semble pas conforme aux exigences tenant à l'intérêt général » ; 4. Considérant, en premier lieu, qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose de confier à des personnes différentes, pour une période déterminée, la conception, la construction, l'aménagement ainsi que l'exploitation ou la maintenance d'équipements nécessaires au service public ; 5. Considérant que les dispositions critiquées, qui étendent le champ des missions qui peuvent être confiées à un même prestataire, dans le cadre d'un marché de conception-réalisation d'établissements pénitentiaires, à l'exploitation ou à la maintenance de ces établissements, ont pour objet de faciliter et d'accélérer la réalisation d'un programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires tout en maintenant une maîtrise d'ouvrage publique ; 6. Considérant que les fonctions de direction, de greffe et de surveillance des établissements pénitentiaires, inhérentes à l'exercice par l'État de sa mission de souveraineté, sont expressément exclues de ces marchés ; 7. Considérant, en second lieu, que les dispositions critiquées, qui permettent de passer ces marchés selon la procédure du dialogue compétitif prévue aux articles 36 et 67 du code des marchés publics, dérogent, pour les marchés en cause, au II de l'article 69 du même code qui réserve la procédure du dialogue compétitif à des opérations limitées à la réhabilitation de bâtiments ; 8. Considérant qu'il résulte de l'article 36 du code des marchés publics que le recours à la procédure du dialogue compétitif est réservé à des projets présentant une particulière complexité et destiné à permettre à l'administration de préciser l'expression de ses besoins et aux candidats de formuler une offre y répondant au mieux ; que l'article 67 du même code dispose que la procédure du dialogue compétitif est ouverte par un appel public à la concurrence ; que, selon le paragraphe VIII de l'article 67 du même code : « l'offre économiquement la plus avantageuse est choisie en application du ou des critères annoncés dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. Ce choix est effectué par la commission d'appel d'offres pour les collectivités territoriales » ; 9. Considérant que les dispositions de l'article 2 de la loi déférée ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la commande publique, ni l'objectif de valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics, ni aucune autre exigence constitutionnelle ; 10. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- L'article 2 de la loi de programmation relative à l'exécution des peines est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi de programmation relative à l'exécution des peines. Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. A- Selon les députés auteurs de la saisine, l'article 2 de la loi déférée est contraire à la Constitution en ce que, notamment, il permet le recours à la procédure de dialogue compétitif pour la passation des marchés mentionnés à l'article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, alors qu'une telle procédure « apparaît manifestement inappropriée au regard des opérations envisagées et ne semble pas conforme aux exigences tenant à l'intérêt général ». B- Ces griefs ne pourront qu'être écartés par le Conseil constitutionnel. Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 précitée prévoit que, par dérogation aux dispositions des articles 7 et 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, l'État peut confier à une personne ou à un groupement de personnes une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires. Depuis sa modification par l'article 3 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, ce texte spécifie que l'exécution de cette mission résulte d'un marché passé selon les procédures prévues par le code des marchés publics, en particulier son article 69 relatif aux marchés dits de « conception-réalisation ». Ce dernier article prévoit le recours à une procédure d'appel d'offres restreint avec jury, sauf pour les opérations limitées à la réhabilitation de bâtiments, en vue desquelles la procédure de « dialogue compétitif » prévue à l'article 67 du code des marchés publics est susceptible d'être utilisée, sous réserve que soient remplies les conditions auxquelles les articles 36 et 37 du même code subordonnent le recours à cette procédure. L'article 2 de la loi déférée a pour objet, en son 1°, d'étendre à l'exploitation et à la maintenance d'établissements pénitentiaires la mission globale qui peut être confiée au titulaire du marché, et, en son 2°, de permettre le recours à la procédure de dialogue compétitif non seulement en cas de réhabilitation de bâtiments existants, mais aussi en cas de construction neuve. Ces dispositions, qui sont inspirées par la volonté de faciliter et d'accélérer la construction des établissements pénitentiaires, ne méconnaissent aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle et, en particulier, ne sont pas contraires au principe d'égalité devant la commande publique et à l'exigence de bon emploi des deniers publics. 1- Il importe d'abord de souligner, s'agissant du 1° de l'article 2, que ces dispositions n'étendent nullement, par rapport à l'état du droit en vigueur, le champ des fonctions qui, dans les établissements pénitentiaires, peuvent être confiées à un tiers en vertu du dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 22 juin 1987. Au contraire, elles excluent expressément, à l'instar de ces dernières dispositions, l'externalisation des fonctions de direction, de greffe et de surveillance, qui constituent, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, des « tâches inhérentes à l'exercice par l'État de ses missions de souveraineté » (décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, cons. 8). Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, l'aménagement et l'exploitation d'un ouvrage public (v. not. la décision du 29 août 2002 précitée, cons. 4, ainsi que la décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, cons. 18). Or, au cas d'espèce, les dispositions contestées ne sauraient être regardées comme faisant obstacle à ce que les petites et moyennes entreprises accèdent à la commande publique, dès lors que, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 précitée (cons. 5), l'article 2 de la loi du 22 juin 1987 permet à un groupement d'entreprises de se porter candidat à l'attribution du marché, que celui-ci peut être alloti et que le titulaire du marché peut recourir à la sous-traitance : l'égal accès à la commande publique de toutes les entreprises se trouve donc préservé. Il n'est pas davantage porté atteinte, par les mêmes dispositions, à l'exigence de bon usage des deniers publics, dans la mesure notamment où la passation de marchés incluant l'exploitation et la maintenance des établissements devrait inciter les candidats à porter une attention accrue aux choix de conception et de construction afin de minimiser les coûts d'exploitation et de maintenance qu'ils auront à supporter. Certes, dans sa décision du 26 juin 2003 précitée, le Conseil constitutionnel a estimé que serait de nature à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes, notamment, à l'égalité devant la commande publique et au bon usage des deniers publics, la généralisation de certaines « dérogations au droit commun de la commande publique », au nombre desquelles il a rangé la possibilité de confier à un tiers une mission globale, ainsi que celle, également prévue par l'article 2 de la loi du 22 juin 1987, de porter un jugement commun, en cas d'allotissement, sur les offres portant simultanément sur plusieurs lots, en vue de déterminer l'offre la plus satisfaisante du point de vue de son équilibre global. En l'espèce, toutefois, l'article 2 de la loi déférée n'étend que marginalement la portée des dérogations déjà prévues par l'article 2 de la loi du 22 juin 1987, qui ont été jugées, par la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002 précitée, ne méconnaître aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle. Ces dérogations demeurent ainsi limitées tant dans leur champ d'application, qui ne concerne que la réalisation d'établissements pénitentiaires, que dans leur portée, en ce que, notamment, les opérations concernées sont réalisées sous maîtrise d'ouvrage publique et que trouve à s'y appliquer la prohibition, par l'article 96 du code des marchés publics, des clauses de paiement différé. 2- Quant à la possibilité offerte à l'État, par le 2° de l'article 2 de la loi déférée, de recourir à la procédure de dialogue compétitif pour la passation des marchés globaux en cause, elle ne porte pas davantage atteinte, par elle-même, à l'égalité devant la commande publique ou au bon usage des deniers publics. En effet, le recours à cette procédure, « dans laquelle », selon l'article 36 du code des marchés publics, « le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats admis à y participer en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue seront invités à remettre une offre », ne dispense nullement l'administration de se conformer aux principes énoncés au II de l'article 1er du même code, en particuliers les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, lesquels permettent, comme le rappellent ces dispositions, d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. De fait, utilisée à bon escient, la procédure de dialogue compétitif, qui permet aux candidats de participer à la définition des solutions techniques propres à satisfaire au mieux les besoins de l'administration, est de nature à favoriser la recherche d'un meilleur rapport entre la qualité des ouvrages et des prestations associées, d'une part, et leur prix, d'autre part. Au demeurant, il convient de souligner que le 2° de l'article 2 de la loi déférée a expressément prévu que le recours à la procédure de dialogue compétitif ne serait possible que dans les conditions prévues, notamment, par l'article 36 du code des marchés publics, lequel, conformément à l'article 29 de la directive 2004-18-CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, limite son utilisation aux cas où le marché est considéré comme complexe, c'est-à-dire aux cas où, soit « le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins », soit « le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure d'établir le montage juridique ou financier d'un projet ». La décision de passer le marché selon la procédure de dialogue compétitif devra donc être justifiée au cas par cas par le pouvoir adjudicateur. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi. Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de programmation relative à l'exécution des peines. Les députés, auteurs de la présente saisine attirent tout particulièrement l'attention des membres du Conseil constitutionnel sur les dispositions programmant, par le biais d'une nouvelle procédure dite «de dialogue compétitif», la construction de 24 000 places supplémentaires dans les établissements pénitentiaires d'ici 2017. Une telle procédure apparait manifestement inappropriée au regard des opérations envisagées et ne semble pas conforme aux exigences tenant à l'intérêt général. Souhaitant que cette question soit tranchée en droit, les députés auteur de la présente saisine demandent donc au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ce point et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la fonction que lui confère la Constitution.
CONSTIT/CONSTEXT000025561600.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, le 5 mars 2012, par M. François REBSAMEN, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Dominique BAILLY, Mme Delphine BATAILLE, MM. Claude BÉRIT-DÉBAT, Jean BESSON, Mme Maryvonne BLONDIN, MM. Yannick BOTREL, Martial BOURQUIN, Mmes Bernadette BOURZAI, Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Pierre CAMANI, Mme Claire-Lise CAMPION, MM. Jean-Louis CARRÈRE, Luc CARVOUNAS, Bernard CAZEAU, Yves CHASTAN, Jacques CHIRON, Mme Karine CLAIREAUX, M. Gérard COLLOMB, Mme Hélène CONWAY MOURET, MM. Roland COURTEAU, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Claude DILAIN, Claude DOMEIZEL, Mmes Odette DURIEZ, Frédérique ESPAGNAC, MM. Jean-Luc FICHET, Jean-Jacques FILLEUL, Mmes Catherine GÉNISSON, Samia GHALI, MM. Jean-Pierre GODEFROY, Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Claude JEANNEROT, Ronan KERDRAON, Mme Virginie KLÈS, MM. Jacky LE MENN, Alain LE VERN, Jean-Yves LECONTE, Jacques-Bernard MAGNER, François MARC, Marc MASSION, Mmes Michelle MEUNIER, Danielle MICHEL, MM. Jean Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Thani MOHAMED SOILIHI, Jean-Marc PASTOR, François PATRIAT, Daniel PERCHERON, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Thierry REPENTIN, Roland RIES, Gilbert ROGER, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Michel TESTON, René TEULADE, Richard YUNG, Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Eliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, M. Eric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Christian FAVIER, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH, M. Paul VERGÈS, Mmes Leila AÏCHI, Esther BENBASSA, MM. Ronan DANTEC, André GATTOLIN, Joël LABBÉ, Jean-Vincent PLACÉ et le 6 mars 2012, par MM. Jacques MÉZARD, Raymond VALL, Mme Françoise LABORDE, MM. Jean-Michel BAYLET, François FORTASSIN, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Jean-Claude REQUIER, Robert TROPEANO, Mmes Aline ARCHIMBAUD, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX et M. Jean DESESSARD, sénateurs, et, le même jour, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jacques BASCOU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Jean Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, MM. Daniel BOISSERIE, Jean-Michel BOUCHERON, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Alain CACHEUX, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Laurent CATHALA, Guy CHAMBEFORT, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, Tony DREYFUS, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Olivier DUSSOPT, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Guillaume GAROT, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Monique IBORRA, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Michel LIEBGOTT, François LONCLE, Mme Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Jean-Luc PÉRAT, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Jean Jack QUEYRANNE, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Michel SAPIN, Christophe SIRUGUE, Mme Christiane TAUBIRA, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Manuel VALLS, Michel VERNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET et Philippe VUILQUE, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu le code de commerce ; Vu le code monétaire et financier ; Vu le code des postes et des communications électroniques ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code de la santé publique ; Vu le code du travail ; Vu la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 8 mars 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les sénateurs et députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives ; qu'ils mettent en cause le recours à la procédure accélérée, qui aurait porté atteinte à la sincérité et à la clarté des débats parlementaires ; qu'ils considèrent que cette loi méconnaîtrait l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de requalifier comme relevant du domaine réglementaire toutes les dispositions de la loi déférée qui ne relèvent pas du domaine de la loi, et notamment son article 92 ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de son article 45 ; qu'ils mettent enfin en cause, de façon générale, l'absence de lien avec le texte de la proposition de loi des dispositions introduites au cours de la discussion de la loi déférée ; - SUR L'ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE : 2. Considérant que les requérants font valoir qu'en engageant la procédure accélérée, le Gouvernement aurait privé le Parlement, sans que cela soit justifié par aucune urgence, de la possibilité de procéder à plusieurs lectures de la proposition de loi ; qu'aurait ainsi été méconnue l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; 3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » ; que cette disposition permet au Gouvernement, postérieurement au dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi, de faire part à tout moment de sa décision d'engager la procédure accélérée, dès lors que les Conférences des présidents des deux assemblées sont en mesure, avant le début de l'examen du texte en première lecture, d'exercer la prérogative qui leur est accordée de s'y opposer conjointement ; 4. Considérant qu'aucune disposition constitutionnelle n'impose au Gouvernement de justifier l'engagement de la procédure accélérée ; qu'en l'espèce, cette procédure a été régulièrement engagée ; que son engagement n'a pas eu pour effet d'altérer la clarté et la sincérité du débat parlementaire ; que les exigences constitutionnelles précitées ont été respectées ; - SUR L'ENSEMBLE DE LA LOI : 5. Considérant que la proposition de loi dont est issue la loi déférée au Conseil constitutionnel comprenait quatre-vingt quatorze articles organisés selon trois titres ; que le titre Ier, intitulé « Dispositions relatives à la simplification du droit des entreprises », comprenait cinq chapitres, relatifs respectivement à la simplification de la vie statutaire des entreprises, à la vie sociale des entreprises, au soutien au développement des entreprises, à la simplification des procédures, et à la simplification des dispositions relatives à la lutte contre la fraude ; que le titre II, intitulé « Dispositions relatives à la simplification du droit de plusieurs secteurs d'activité déterminés », comprenait sept chapitres, relatifs respectivement à la simplification du droit dans le secteur agricole, à l'assouplissement du régime des professions réglementées et à la simplification du droit des transports, du droit du tourisme, du droit des médias, du droit du logement, de l'aménagement et de la construction ainsi qu'à « diverses dispositions d'ordre ponctuel » ; que le titre III, intitulé « Dispositions diverses », comprenait initialement un seul article ; 6. Considérant que les requérants font valoir que la loi déférée, par la complexité de ses dispositions et leur caractère hétérogène, porte atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; 7. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; 8. Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que les dispositions d'un projet ou d'une proposition de loi présentent un objet analogue ; que la complexité de la loi et l'hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'aucune des dispositions de la loi déférée ne méconnaît par elle-même cet objectif ; - SUR LES DISPOSITIONS DONT LE CARACTÈRE LÉGISLATIF EST CONTESTÉ : 9. Considérant que les requérants soutiennent, de façon générale, que la loi déférée comporte des dispositions qui ne relèvent pas du domaine de la loi, au titre desquelles ils visent notamment son article 92 ; qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de « requalifier d'office comme relevant du domaine règlementaire » de telles dispositions ; 10. Considérant que, si l'article 34 et le premier alinéa de l'article 37 de la Constitution établissent une séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement, et si l'article 41 et le deuxième alinéa de l'article 37 organisent les procédures spécifiques permettant au Gouvernement d'assurer la protection du domaine réglementaire contre d'éventuels empiètements de la loi, la Constitution n'a pas pour autant entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi ; que, par suite, les requérants ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la Constitution ou pour demander que soit déclaré son caractère réglementaire ; qu'il s'ensuit que le grief doit être rejeté ; - SUR L'ARTICLE 45 : 11. Considérant que l'article 45 complète la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail par un article L. 3122-6 ainsi rédigé : « La mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail. « Le premier alinéa ne s'applique pas aux salariés à temps partiel » ; 12. Considérant que, selon les requérants, en permettant à une entreprise de moduler la répartition du temps de travail sur l'année sans devoir obtenir l'accord préalable du salarié, ces dispositions porteraient atteinte à la liberté contractuelle ; 13. Considérant que, d'une part, aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; que, d'autre part, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que, s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de 1946 ; 14. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi déférée qu'en permettant que la répartition des horaires de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année ne constitue pas en elle-même une modification du contrat de travail exigeant un accord préalable de chaque salarié, le législateur a entendu conforter les accords collectifs relatifs à la modulation du temps de travail destinés à permettre l'adaptation du temps de travail des salariés aux évolutions des rythmes de production de l'entreprise ; que cette possibilité de répartition des horaires de travail sans obtenir l'accord préalable de chaque salarié est subordonnée à l'existence d'un accord collectif, applicable à l'entreprise, qui permet une telle modulation ; que les salariés à temps incomplet sont expressément exclus de ce dispositif ; qu'il s'ensuit que ces dispositions, fondées sur un motif d'intérêt général suffisant, ne portent pas à la liberté contractuelle une atteinte contraire à la Constitution ; 15. Considérant que l'article 45 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR LA PLACE D'AUTRES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE : . En ce qui concerne les dispositions introduites en première lecture : 16. Considérant qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ; 17. Considérant que l'article 64 crée un nouvel article dans le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code des postes et communications électroniques pour définir les caractéristiques du service d'envoi recommandé ; 18. Considérant que l'article 129 institue la reconnaissance légale des unions régionales des associations familiales, prévoit leur mission, leur composition et leur mode de fonctionnement et les fait bénéficier des ressources des unions des associations familiales ; 19. Considérant que l'article 130 autorise le transfert du dernier débit de boissons de quatrième catégorie d'une commune à une autre commune située sur le territoire du même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; 20. Considérant que l'article 134 institue un régime d'immunité pénale en faveur des membres de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ; 21. Considérant que ces dispositions, introduites à l'Assemblée nationale en première lecture, ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans la proposition de loi ; que, par suite, elles ont été adoptées selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution ; . En ce qui concerne les dispositions introduites en nouvelle lecture : 22. Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution et notamment de son premier alinéa aux termes duquel : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; 23. Considérant que le III de l'article 31 habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions nécessaires pour modifier et compléter les dispositions régissant l'organisation du secteur de l'artisanat, celles qui sont relatives au statut des entreprises relevant de ce secteur, au régime de la propriété artisanale, à la formation et à la qualification professionnelle, ainsi qu'à la qualité des produits et services, afin de les simplifier, d'adapter leurs procédures à l'évolution des métiers de l'artisanat et, avec les dispositions qui sont particulières à ce même secteur dans les domaines de la fiscalité, du crédit, des aides aux entreprises, du droit du travail et de la protection sociale, de les regrouper et de les organiser en un code de l'artisanat ; 24. Considérant que le II de l'article 59 habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions nécessaires à la transposition de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition ; 25. Considérant que le III de l'article 59 modifie le code monétaire et financier pour adapter les missions de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité de contrôle prudentiel aux nouvelles obligations de coopération et d'échanges d'informations avec l'Autorité européenne des marchés financiers, l'Autorité bancaire européenne, l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et le Comité européen du risque systémique ; 26. Considérant que le 1° du I de l'article 76 permet aux experts fonciers et agricoles d'assister le géomètre-expert pour les opérations d'aménagement foncier agricole et forestier ; 27. Considérant que le II de l'article 76 permet aux experts fonciers et agricoles et aux experts forestiers d'évaluer les éléments du patrimoine affectés à l'activité professionnelle par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ; 28. Considérant que le I de l'article 89 instaure une nullité de l'aliénation à titre onéreux d'un bien rural réalisée sans que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural aient été informées de l'intention d'aliéner du propriétaire ; 29. Considérant que le III et le b du 1° du IV de l'article 95 modifient la date à compter de laquelle certains classements antérieurs à la promulgation de la loi du 22 juillet 2009 susvisée cessent de produire leurs effets, respectivement pour les établissements hôteliers en catégorie cinq étoiles et pour les établissements de camping ; 30. Considérant, en l'espèce, que les amendements dont sont issues les dispositions susmentionnées ont été introduits en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale ; que ces adjonctions n'étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu'elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu'il s'ensuit que le III de l'article 31, le II et le III de l'article 59, le 1° du I et le II de l'article 76, le I de l'article 89 et le III et le b du 1° du IV de l'article 95 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; 31. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions suivantes de la loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives sont contraires à la Constitution : - le III de l'article 31 ; - le II et le III de l'article 59 ; - l'article 64 ; - le 1° du I et le II de l'article 76 ; - le I de l'article 89 ; - le III et le b du 1° du IV de l'article 95 ; - l'article 129 ; - l'article 130 ; - l'article 134. Article 2.- L'article 45 de la même loi est conforme à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR LA LOI DANS SON ENSEMBLE A/ Les auteurs des saisines soutiennent que, en raison du nombre et de l’hétérogénéité des dispositions qu’elle comporte, la loi déférée méconnaît l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Ils estiment, en outre, que le recours à la procédure accélérée, qui n’était justifié par aucune urgence, a porté atteinte à l’exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. D’une part, en effet, et ainsi que les auteurs des saisines le reconnaissent eux-mêmes, le Conseil constitutionnel a expressément jugé qu’« aucune exigence constitutionnelle n’impose que les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi présentent un objet analogue » et que le nombre et la variété des dispositions d’une loi ne sauraient, par eux-mêmes, être regardés comme méconnaissant l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi (décision n° 2011-629 DC du 12 mai 2011, cons. 6). En outre, au cas d’espèce, les dispositions de la loi déférée participent toutes de l’objectif de simplification du droit et d’allègement des démarches administratives que le législateur s’est assigné. D’autre part, l’article 45 de la Constitution ne subordonne à aucune condition la décision, par le Gouvernement, d’engager la procédure accélérée, et le recours à cette procédure ne peut être regardé comme portant atteinte, par lui-même, à l’exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires. Le Conseil constitutionnel ne pourra donc qu’écarter les griefs articulés à l’encontre de la loi dans son ensemble. II/ SUR L’ARTICLE 45 A/ Les auteurs des saisines soutiennent ensuite qu’en prévoyant qu’un accord collectif d’entreprise peut moduler la répartition du temps de travail sans l’accord des personnes concernées, l’article 45 de la loi déférée porte, à la liberté contractuelle, une atteinte qui n’est justifiée par aucun motif autre que celui de tenir en échec une jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui révèle, de la part du législateur, une erreur manifeste d’appréciation. B/ Ce grief n’est pas fondé. Dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, l’article L. 3122-2 du code du travail prévoit qu’« un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ». Les dispositions de cet article participent d’une évolution plus générale dans le sens du renforcement de la place de la négociation collective dans la matière de l’organisation du travail, laquelle, traditionnellement, relève plutôt du pouvoir de direction de l’employeur. En pratique, toutefois, leur mise en œuvre a été rendue extrêmement malaisée par l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, dont la chambre sociale, par un arrêt du 28 septembre 2010 (n° 08-43161, Bull. civ. V, n° 197), a posé en principe que « l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié ». Il résulte en effet de cet arrêt que, alors même qu’un accord collectif ayant cet objet aurait été conclu en application de l’article L. 3122-2 du code du travail, l’employeur est tenu, avant de mettre en place une répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine, de recueillir individuellement le consentement de chaque salarié concerné. Cette exigence, excessivement lourde à satisfaire, est de nature à dissuader la conclusion même d’accords en matière d’aménagement du temps de travail. C’est afin de lever cet obstacle que l’article 45 de la loi déférée complète la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail par un article L. 3122-6 selon lequel « la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail », réserve faite du cas des salariés à temps partiel. Sans doute cette disposition, en ce qu’elle modifie la frontière jurisprudentielle entre ce qui relève du contrat de travail et ce qui ne dépend pas de celui-ci, vient-elle limiter, dans cette mesure, la liberté des parties à ce contrat. Mais, d’une part, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le législateur peut, à des fins d’intérêt général, déroger au principe de la liberté contractuelle qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, cons. 29). Or, au cas d’espèce, la disposition contestée par les auteurs des saisines poursuit un objectif d’intérêt général, qui consiste à favoriser la mise en œuvre négociée de mécanismes d’aménagement du temps de travail, lesquels permettent aux entreprises d’adapter leur organisation à la spécificité de leur activité, notamment aux variations saisonnières de celle-ci, et constituent ainsi un élément important de leur compétitivité. En incitant au développement, dans cette matière, de la négociation collective, elle contribue, au surplus, à l’effectivité du principe, énoncé par le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ». D’autre part, l’atteinte portée à la liberté contractuelle par l’article 45 de la loi déférée est très limitée. En effet, il résulte de sa lettre même que le principe qu’il énonce ne trouve à s’appliquer que lorsque la modulation du temps de travail résulte d’un accord collectif. La protection offerte par le contrat de travail, parfois relative pour un salarié exposé au risque de perdre son emploi, ne cède donc que dans le cas où elle est relayée par l’accord collectif. En outre, la disposition critiquée n’a d’autre portée que de renverser le principe, résultant de l’arrêt précité de la Cour de cassation, selon lequel l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue, en toute hypothèse, une modification du contrat de travail. Elle ne saurait en revanche être interprétée comme remettant en cause la jurisprudence traditionnelle de cette haute juridiction selon laquelle un changement des conditions de travail, et notamment un changement dans les horaires de travail, peut constituer, lorsqu’il bouleverse l’économie du contrat de travail (par exemple en imposant le travail de nuit ou le dimanche), une modification de ce contrat qui requiert l’accord exprès du salarié. Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief au législateur d’avoir, par l’article 45 de la loi déférée, porté une atteinte inconstitutionnelle à la liberté contractuelle. III/ SUR L’ARTICLE 92 A/ Les auteurs des saisines demandent enfin au Conseil constitutionnel de constater que les dispositions de l’article 92 de la loi déférée ont le caractère réglementaire. B/ L’article en question insère, dans le code de la route, un article L. 312-1 ainsi rédigé : « Sauf exceptions prévues par voie réglementaire, la norme maximale en termes de poids total autorisé en charge d’un véhicule articulé, d’un train double ou d’un ensemble composé d’un véhicule à moteur et d’une remorque est fixée à 44 tonnes pour cinq essieux. » Le Gouvernement n’entend pas contester que, ainsi que le soutiennent les auteurs des saisines, les dispositions en cause n’entrent dans aucune des matières que la Constitution réserve au législateur et revêtent ainsi matériellement le caractère réglementaire. Il ne s’ensuit pas pour autant, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue de sa décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, qu’elles soient contraires à la Constitution. Un tel grief ne peut ainsi être utilement invoqué à l’appui d’une saisine tendant à ce que le Conseil constitutionnel se prononce, dans les conditions prévues par l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, sur la conformité à celle-ci d’une loi. Le Gouvernement ne méconnaît certes pas que, saisi, dans les conditions prévues par cet article, de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, le Conseil constitutionnel a constaté, dans les motifs (cons. 23) et dans le dispositif (art. 3) de sa décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, que certaines dispositions de cette loi avaient à l’évidence le caractère réglementaire, ouvrant ainsi la voie à leur modification par décret en Conseil d’État. Pour autant, le Gouvernement considère que la prérogative qui appartient au Conseil constitutionnel, en vertu de l’article 37, alinéa 2, de la Constitution, de déclarer que des textes de forme législative intervenus après l’entrée en vigueur de celle-ci ont le caractère réglementaire ne devrait pas pouvoir être mise en œuvre à l’initiative d’une autorité autre que le Premier ministre, auquel l’article 24 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel réserve cette faculté. Il estime donc que le Conseil constitutionnel devra, en tout état de cause, rejeter comme irrecevable la demande, présentée par les auteurs des saisines, tendant à ce qu’il déclare que l’article 92 de la loi déférée a le caractère réglementaire. Pour ces raisons, le Gouvernement est d’avis que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives. Comme les sénateurs requérants l'ont exprimé en séance publique, notamment par le soutien d'une motion de rejet préalable le 29 février 2012, ils ne sauraient admettre ni la procédure suivie, ni la méthode employée. Ils considèrent ainsi que le recours à la procédure accélérée n'était justifiée par aucune urgence. En privant •le Parlement de la possibilité de procéder à deux lectures d'un texte contenant pas moins de 150 articles, modifiant 24 codes et 17 lois, et en l'absence de toute contrainte temporelle, c'est le principe même de la clarté et de la sincérité des débats dont vous êtes les gardiens qui est manifestement méconnu (1). Vous relèverez utilement à cet égard que les trois lois de simplification adoptées précédemment au cours de cette législature l'avaient été sans recourir à la procédure accélérée, alors même que leur teneur ne différait pas substantiellement de la présente loi (2). Quant à la méthode qui consiste à agir via une sorte de patchwork législatif : les requérants continuent à considérer, nonobstant votre décision n° 2011 -629 DC du 12 mai 2011, que, de par son ampleur et l'absence de liens avec l'objectif de simplification affichée, cette loi méconnait en tant que telle l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. A tout le moins les sénateurs auteurs de la saisine vous demanderont-ils d'expurger le texte comme vous le faites avec constance et d’office de l'ensemble de ses « cavaliers législatifs » (3). Ils vous demanderont également de requalifier d'office comme relevant du domaine réglementaire toutes les dispositions qui ne relèvent pas du domaine de la loi tel que défini à l'article 34 de la Constitution, ainsi que vous l'aviez fait dans votre décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 (4). C'est le cas par exemple de la disposition inscrite à l'article 92 de la loi qui insère dans le code de la route un article L. 312-1 au terme duquel: « Sauf exceptions prévues par voie réglementaire, la norme maximale en termes de poids total autorisé en charge d'un véhicule articulé, d'un train double ou d'un ensemble composé d'un véhicule à moteur et d'une remorque est fixée à 44 tonnes pour cinq essieux ». Or il est manifeste, comme en attestent les articles R. 312-1 ct suivant du code de la route, que les normes concernant le poids total autorisé en charge des véhicules roulants relèvent du domaine réglementaire et non de la loi. Ils attirent en outre votre attention particulière sur l'article 45 de la loi qui insère dans le code du travail un article L. 3122-6 ainsi rédigé: «La mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail ». En effet, cette disposition porte une atteinte manifeste à la liberté contractuelle dont vous êtes les gardiens. Depuis votre décision n° 98-401 DC du 20 juin 1998, vous considérez ainsi que «le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 » (5). Or en prévoyant qu'un accord collectif d'entreprise peut moduler la répartition du temps de travail, et ce, sans modification du contrat de travail, c'est à dire sans l'accord de la personne concernée, le législateur porte nécessairement et manifestement atteinte à la liberté contractuelle de ces dernières. En effet, la Cour de cassation a jugé que « l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié » (6). Il ressort en outre de votre jurisprudence que seul un «motif d'intérêt général suffisant» aurait autorisé le législateur à porter une telle entorse à la liberté contractuelle des travailleurs (7). Pourtant, comme il en ressort clairement des travaux préparatoires de la loi, le seul objectif poursuivi par le législateur était ici de faire échec à la décision de la Cour de cassation précitée. Selon les termes même du Rapporteur de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale: à «l'origine de cette mesure, se trouve la volonté de dissiper les incertitudes qu'ont pu créer certains arrêts récemment rendus par la Cour de cassation suivant lesquels une modulation de la durée du temps de travail, même réduite, s'analyse une modification d'un élément substantiel du contrat de travail et suppose donc d'obtenir l'accord du salarié dès lors que la possibilité d'une modulation du temps travaillé ne figure pas expressément dans les stipulations du contrat » (8). Or la jurisprudence de la Cour de cassation, confirmée par la suite, loin de créer une incertitude, a eu justement, et au contraire, pour effet de lever l'incertitude qui, elle, résultait des termes de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Une jurisprudence bien établie de la cour de Cassation ne pouvant être nullement considérée comme porteuse d'incertitude, le législateur a entaché son choix d'une erreur manifeste d'appréciation qui commande votre censure. Les requérants tiennent néanmoins à préciser qu'ils ne font aucunement de la liberté contractuelle l'alpha et l'oméga des relations de travail, mais que, à tout le moins, cette dernière devrait primer sur l'accord collectif lorsque celui-ci est moins favorable au salarié que le contrat de travail. Ils sont ainsi particulièrement attachés au principe dit de faveur qui, sans que vous le lui ayez conféré de valeur constitutionnelle, ne constitue pas moins, selon vos propres termes, « un principe fondamental du droit du travail » (9). (1) Cf. notamment votre décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, cons. 3 (2) Loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 ; loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ; et loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. (3) Cf. notamment voter décision n° 2011-640 DC du 04 août 2011. (4) Cons. 23. (5) Cons. 29. Vous avez par la suite considéré que la 1iberté contractuelle découlait également de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme. V. notamment votre décision n° 2008-568 DC du 07 août 2008. (6) Arrêt n° 1774 du 28 septembre 2010 (08-43.161) - Chambre sociale. (7) V. notamment votre décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, cons. 42. (8) Cf. le rapport de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale n° 3787 du 5 octobre 2011, p. 198. (9) Votre décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, cons. 9. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives. Comme les députés requérants l'ont exprimé en séance publique, notamment par le soutien d'une motion de rejet préalable le 29 février 2012, ils ne sauraient admettre ni la procédure suivie, ni la méthode employée. Ils considèrent ainsi que le recours à la procédure accélérée n'était justifiée par aucune urgence. En privant •le Parlement de la possibilité de procéder à deux lectures d'un texte contenant pas moins de 150 articles, modifiant 24 codes et 17 lois, et en l'absence de toute contrainte temporelle, c'est le principe même de la clarté et de la sincérité des débats dont vous êtes les gardiens qui est manifestement méconnu (1). Vous relèverez utilement à cet égard que les trois lois de simplification adoptées précédemment au cours de cette législature l'avaient été sans recourir à la procédure accélérée, alors même que leur teneur ne différait pas substantiellement de la présente loi (2). Quant à la méthode qui consiste à agir via une sorte de patchwork législatif : les requérants continuent à considérer, nonobstant votre décision n° 2011 -629 DC du 12 mai 2011, que, de par son ampleur et l'absence de liens avec l'objectif de simplification affichée, cette loi méconnait en tant que telle l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. A tout le moins les députés auteurs de la saisine vous demanderont-ils d'expurger le texte comme vous le faites avec constance et d’office de l'ensemble de ses « cavaliers législatifs » (3). Ils vous demanderont également de requalifier d'office comme relevant du domaine réglementaire toutes les dispositions qui ne relèvent pas du domaine de la loi tel que défini à l'article 34 de la Constitution, ainsi que vous l'aviez fait dans votre décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 (4). C'est le cas par exemple de la disposition inscrite à l'article 92 de la loi qui insère dans le code de la route un article L. 312-1 au terme duquel: « Sauf exceptions prévues par voie réglementaire, la norme maximale en termes de poids total autorisé en charge d'un véhicule articulé, d'un train double ou d'un ensemble composé d'un véhicule à moteur et d'une remorque est fixée à 44 tonnes pour cinq essieux ». Or il est manifeste, comme en attestent les articles R. 312-1 ct suivant du code de la route, que les normes concernant le poids total autorisé en charge des véhicules roulants relèvent du domaine réglementaire et non de la loi. Ils attirent en outre votre attention particulière sur l'article 45 de la loi qui insère dans le code du travail un article L. 3122-6 ainsi rédigé: «La mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail ». En effet, cette disposition porte une atteinte manifeste à la liberté contractuelle dont vous êtes les gardiens. Depuis votre décision n° 98-401 DC du 20 juin 1998, vous considérez ainsi que «le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 » (5). Or en prévoyant qu'un accord collectif d'entreprise peut moduler la répartition du temps de travail, et ce, sans modification du contrat de travail, c'est à dire sans l'accord de la personne concernée, le législateur porte nécessairement et manifestement atteinte à la liberté contractuelle de ces dernières. En effet, la Cour de cassation a jugé que « l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié » (6). Il ressort en outre de votre jurisprudence que seul un «motif d'intérêt général suffisant» aurait autorisé le législateur à porter une telle entorse à la liberté contractuelle des travailleurs (7). Pourtant, comme il en ressort clairement des travaux préparatoires de la loi, le seul objectif poursuivi par le législateur était ici de faire échec à la décision de la Cour de cassation précitée. Selon les termes même du Rapporteur de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale: à «l'origine de cette mesure, se trouve la volonté de dissiper les incertitudes qu'ont pu créer certains arrêts récemment rendus par la Cour de cassation suivant lesquels une modulation de la durée du temps de travail, même réduite, s'analyse une modification d'un élément substantiel du contrat de travail et suppose donc d'obtenir l'accord du salarié dès lors que la possibilité d'une modulation du temps travaillé ne figure pas expressément dans les stipulations du contrat » (8). Or la jurisprudence de la Cour de cassation, confirmée par la suite, loin de créer une incertitude, a eu justement, et au contraire, pour effet de lever l'incertitude qui, elle, résultait des termes de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Une jurisprudence bien établie de la cour de Cassation ne pouvant être nullement considérée comme porteuse d'incertitude, le législateur a entaché son choix d'une erreur manifeste d'appréciation qui commande votre censure. Les requérants tiennent néanmoins à préciser qu'ils ne font aucunement de la liberté contractuelle l'alpha et l'oméga des relations de travail, mais que, à tout le moins, cette dernière devrait primer sur l'accord collectif lorsque celui-ci est moins favorable au salarié que le contrat de travail. Ils sont ainsi particulièrement attachés au principe dit de faveur qui, sans que vous le lui ayez conféré de valeur constitutionnelle, ne constitue pas moins, selon vos propres termes, « un principe fondamental du droit du travail » (9). (1) Cf. notamment votre décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, cons. 3 (2) Loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 ; loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ; et loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. (3) Cf. notamment voter décision n° 2011-640 DC du 04 août 2011. (4) Cons. 23. (5) Cons. 29. Vous avez par la suite considéré que la 1iberté contractuelle découlait également de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme. V. notamment votre décision n° 2008-568 DC du 07 août 2008. (6) Arrêt n° 1774 du 28 septembre 2010 (08-43.161) - Chambre sociale. (7) V. notamment votre décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, cons. 42. (8) Cf. le rapport de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale n° 3787 du 5 octobre 2011, p. 198. (9) Votre décision n° 2004-494 DC du 29 avril 2004, cons. 9.
CONSTIT/CONSTEXT000025561601.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, le 6 mars 2012, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Jean-Louis BIANCO, Daniel BOISSERIE, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Pierre COHEN, Frédéric CUVILLIER, Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mmes Corinne ERHEL, Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, MM. Pierre FORGUES, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Paul GIACOBBI, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Daniel GOLDBERG, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Elisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Bernard LESTERLIN, Michel LIEBGOTT, Albert LIKUVALU, François LONCLE, Jean MALLOT, Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Arnaud MONTEBOURG, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Mme Sylvia PINEL, MM. Philippe PLISSON, François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Simon RENUCCI, Mmes Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Bernard ROMAN, Gwendal ROUILLARD, René ROUQUET, Christophe SIRUGUE, Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés, et le même jour par M. François REBSAMEN, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Maurice ANTISTE, Alain ANZIANI, Bertrand AUBAN, Dominique BAILLY, Mme Delphine BATAILLE, MM. Claude BÉRIT-DÉBAT, Michel BERSON, Jacques BERTHOU, Mmes Maryvonne BLONDIN, Nicole BONNEFOY, MM. Didier BOULAUD, Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Pierre CAMANI, Mme Claire-Lise CAMPION, MM. Jean-Louis CARRÈRE, Luc CARVOUNAS, Bernard CAZEAU, Yves CHASTAN, Jacques CHIRON, Mme Karine CLAIREAUX, MM. Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Michel DELEBARRE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Claude DILAIN, Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Vincent EBLÉ, Philippe ESNOL, Alain FAUCONNIER, Jean-Luc FICHET, Jean-Jacques FILLEUL, Mme Catherine GÉNISSON, M. Jean GERMAIN, Mmes Samia GHALI, Dominique GILLOT, MM. Jean-Pierre GODEFROY, Gaëtan GORCE, Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Mme Odette HERVIAUX, MM. Claude JEANNEROT, Philippe KALTENBACH, Ronan KERDRAON, Mmes Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, M. Serge LARCHER, Mme Françoise LAURENT-PERRIGOT, MM. Jacky LE MENN, Jean-Yves LECONTE, Mme Marie-Noëlle LIENEMANN, MM. Jeanny LORGEOUX, Jacques-Bernard MAGNER, François MARC, Marc MASSION, Rachel MAZUIR, Mmes Michelle MEUNIER, Danielle MICHEL, MM. Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Robert NAVARRO, Alain NÉRI, Mme Renée NICOUX, MM. François PATRIAT, Jean-Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Thierry REPENTIN, Gilbert ROGER, Yves ROME, Mmes Laurence ROSSIGNOL, Patricia SCHILLINGER, M. Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI, René VANDIERENDONCK, Yannick VAUGRENARD, Michel VERGOZ, Richard YUNG, Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Eliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, M. Eric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Christian FAVIER, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH, M. Paul VERGÈS, Mmes Leila AÏCHI, Aline ARCHIMBAUD, Esther BENBASSA, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, MM. Ronan DANTEC, Jean DESESSARD, André GATTOLIN, Joël LABBÉ et Jean-Vincent PLACÉ, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des transports ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 9 mars 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports ; qu'ils mettent en cause certaines dispositions de son article 2 ; 2. Considérant que l'article 2 de la loi déférée insère dans le titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports un chapitre IV intitulé : « Dispositions relatives au droit à l'information des passagers du transport aérien » et comprenant les articles L. 1114-1 à L. 1114-7 ; que la section 1 de ce chapitre comporte l'article L. 1114-1 qui détermine le champ d'application de la loi ; que la section 2 comporte l'article L. 1114-2 qui instaure, dans les entreprises, établissements ou parties d'établissement concourant directement à l'activité de transport aérien de passagers, une procédure facultative de prévention des conflits ; 3. Considérant que la section 3 de ce chapitre, qui comprend les articles L. 1114-3 à L. 1114-6, est relative à « l'exercice du droit de grève » ; que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 1114-3 imposent aux salariés des établissements ou entreprises entrant dans le champ d'application de la loi et « dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols » d'informer leur employeur de leur intention de participer à la grève au plus tard quarante-huit heures à l'avance ; que, selon le deuxième alinéa du même article, le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure prévue de sa participation à la grève ; que la même obligation d'information pèse, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 1114-3, sur le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service ; qu'en vertu de l'article L. 1114-4, le salarié qui n'a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions prévues à l'article L. 1114-3 est passible d'une sanction disciplinaire ; qu'en vertu du même article cette sanction peut également être prise à l'encontre du salarié qui, de façon répétée, n'a pas informé son employeur de son intention de renoncer à participer à la grève ou de reprendre son service ; 4. Considérant que les dispositions de la section 4, qui comprend l'article L. 1114-7, sont relatives à l'« information des passagers » ; qu'elles confèrent à tout passager le droit de disposer, au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation, d'une information gratuite, précise et fiable sur l'activité assurée, en cas de perturbation du trafic aérien liée à une grève dans une entreprise, un établissement ou une partie d'établissement entrant dans le champ d'application de la loi ; 5. Considérant que, selon les auteurs des saisines, en imposant aux salariés de déclarer leur intention de faire grève quarante-huit heures avant le début du mouvement social, le législateur a porté une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de grève ; que constituerait également une telle atteinte l'obligation pesant sur les salariés de prévenir leur employeur vingt-quatre heures à l'avance de leur absence de participation à la grève ou de leur décision de reprendre leur service ; 6. Considérant qu'aux termes du septième alinéa du Préambule de 1946 : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ; qu'en édictant cette disposition, les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; qu'il est, à ce titre, loisible au législateur de tracer la limite séparant les actes et les comportements qui constituent un exercice licite de ce droit des actes et comportements qui en constitueraient un usage abusif ; 7. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, il ressort des travaux parlementaires qu'en imposant aux salariés des entreprises entrant dans le champ d'application de la loi d'informer leur employeur de leur intention de participer à un mouvement de grève, le législateur a entendu mettre en place un dispositif permettant l'information des entreprises de transport aérien ainsi que de leurs passagers afin, notamment, d'assurer le bon ordre et la sécurité des personnes dans les aérodromes et, par suite, la préservation de l'ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle ; que, d'autre part, l'obligation de déclaration préalable, avant toute participation à une grève, instituée par les dispositions de la loi déférée, pèse sur les seuls salariés « dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols » ; qu'elle ne concerne ainsi que les salariés occupant un emploi de personnel navigant ou assurant personnellement l'une des opérations d'assistance en escale mentionnée à l'article L. 1114-1, de maintenance en ligne des aéronefs, de sûreté aéroportuaire, de secours et de lutte contre l'incendie ou de lutte contre le « péril animalier » ; 8. Considérant, en second lieu, que le législateur a imposé aux salariés qui avaient déclaré leur intention de participer à la grève de prévenir leur employeur de leur absence de participation vingt-quatre heures au moins à l'avance afin de permettre à leur employeur de les affecter ; qu'il a également, aux mêmes fins, imposé à ceux qui participent à la grève d'informer leur employeur vingt-quatre heures au moins avant la reprise de leur service, alors que le mouvement de grève se poursuit ; que, par les dispositions de l'article L. 1114-4, le législateur n'a permis que soit prise une sanction disciplinaire qu'à l'encontre du salarié qui, abusant du droit de grève, s'abstient « de façon répétée » d'informer son employeur soit de son intention de renoncer à participer à la grève, soit de reprendre son service ; 9. Considérant que l'obligation de déclaration préalable ne s'oppose pas à ce qu'un salarié rejoigne un mouvement de grève déjà engagé, auquel il n'avait pas initialement l'intention de participer, ou auquel il avait cessé de participer, dès lors qu'il en informe son employeur au plus tard quarante-huit heures à l'avance ; qu'en outre, la méconnaissance de ces obligations de déclaration individuelle préalable n'a de conséquences ni sur le caractère licite de la grève ni sur l'obligation pour l'employeur de rémunérer le salarié pour les heures pendant lesquelles il n'est pas en grève ; 10. Considérant que, par ces dispositions, le législateur a entendu maintenir l'effectivité du dispositif de déclarations individuelles préalables quarante-huit heures avant la participation à la grève, mis en place par la loi déférée, en assurant, après un délai de vingt-quatre heures, la fiabilité de ces déclarations ; que les aménagements ainsi apportés aux conditions d'exercice du droit de grève ne sont pas disproportionnés au regard de l'objectif poursuivi par le législateur ; que, par suite, les dispositions de l'article 2 de la loi déférée ne sont pas contraires à la Constitution ; 11. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- L'article 2 de la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. A/ Les auteurs des saisines soutiennent que les dispositions de la section 3 du chapitre IV inséré par la loi déférée dans le titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports portent une atteinte inconstitutionnelle au droit de grève, garanti par le septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, en ce qu'elles prévoient l'obligation pour les salariés entrant dans leur champ d'application de se déclarer grévistes au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève et de prévenir leur employeur de leur non-participation à la grève ou de leur décision de reprendre leur service vingt-quatre heures à l'avance. Selon les saisines, en effet, le droit de grève ne pourrait être réglementé qu'en considération d'un principe ou d'un objectif de valeur constitutionnelle : or, le transport aérien ne constituant pas un service public, le principe de continuité du service public ne peut être utilement invoqué pour justifier qu'il soit porté atteinte, comme le feraient les dispositions contestées, au droit de grève de l'ensemble des salariés de ce secteur. À tout le moins aurait-il fallu, est-il soutenu, que le législateur limite le champ d'application des dispositions contestées aux seuls vols relevant, par exception, d'une obligation de service public et aux seules activités liées à la santé et à la sécurité. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. 1/ Ainsi que le rappellent les auteurs des saisines, le premier alinéa de l'article L. 1114-3 inséré dans le code des transports par la loi déférée fait obligation aux salariés compris dans le champ d'application de cet article d'informer, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à une grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer. Cette obligation constitue, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a constaté à propos du dispositif similaire issu de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, un « aménagement [...] apporté aux conditions d'exercice du droit de grève » (décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, cons. 29). Or cet aménagement est justifié par la nécessité de concilier le droit de grève avec d'autres principes et objectifs à valeur constitutionnelle et est proportionné à l'objectif ainsi poursuivi. a) Il convient de rappeler d'emblée que, contrairement à ce que suggèrent les auteurs des saisines, le droit de grève peut être réglementé non seulement pour assurer l'effectivité de principes et objectifs à valeur constitutionnelle, mais aussi, plus largement, en vue d'assurer la sauvegarde de l'intérêt général. Il est en effet de jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, depuis sa décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 (cons. 1), que, par les dispositions du septième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lesquelles « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent », « les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». Au cas d'espèce, en tout état de cause, le législateur s'est efforcé au premier chef, par les dispositions contestées, d'assurer la conciliation du droit de grève avec d'autres principes ou objectifs à valeur constitutionnelle. L'objectif poursuivi par l'obligation déclarative qu'instituent ces dispositions est en effet d'améliorer la prévisibilité des perturbations du trafic aérien liées à l'exercice du droit de grève afin, principalement, de permettre aux entreprises de transport aérien d'informer les passagers de façon précise et fiable, ainsi que leur en fait obligation l'article L. 1114-7 inséré dans le code des transports par la loi déférée, qui précise que cette information doit être délivrée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation. Or cette information permet, à son tour, d'éviter la concentration d'un nombre excessif de passagers en attente d'un vol dans des aéroports qui ne disposent pas des infrastructures, notamment hôtelières, nécessaires pour les accueillir dans des conditions d'hygiène et de sécurité satisfaisantes. Il s'agit également de prévenir une situation qui est source de troubles à l'ordre public et rend plus difficile l'exercice d'un certain nombre de missions liées à l'activité aéroportuaire, comme celles incombant aux services de la police des frontières et de la douane. Les dispositions contestées par les auteurs des saisines sont donc justifiées par un objectif de sauvegarde de l'ordre public, et, plus généralement, de prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, qui a valeur constitutionnelle (v. not. les décisions n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. 12, et n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, cons. 2). Or le Conseil constitutionnel a expressément jugé que « la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, protection qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle » (décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, cons. 4). Au surplus, le Gouvernement entend souligner que l'article 2 de la loi déférée poursuit, d'une manière plus générale, ainsi qu'en témoignent par exemple les dispositions de l'article L. 1114-2 qu'il insère dans le code des transports, l'objectif de prévenir les conflits sociaux dans le secteur du transport aérien de passagers et de limiter à ceux qui sont inhérents à l'exercice du droit de grève les effets perturbateurs de ces conflits sur le trafic aérien. En effet, même si, ainsi que le relèvent les auteurs des saisines, l'activité de transport aérien de personnes n'est pas, par elle-même, une activité de service public, encore que revêtent ce caractère un certain nombre de services qui y concourent et qui sont compris dans le champ de la loi déférée (comme les services d'exploitation d'aérodrome, de sûreté aéroportuaire, de secours et de lutte contre l'incendie ainsi que de lutte contre le péril animalier), il s'attache un intérêt général évident, eu égard à l'importance de cette activité pour la vie, notamment économique, du pays, à ce qu'elle soit assurée avec la plus grande régularité possible. Or la déclaration individuelle d'intention de participer à la grève concourra également à cet objectif en permettant aux entreprises concernées d'adapter leur organisation au taux de grévistes attendu. b) Au regard des objectifs légitimes ainsi poursuivis par le législateur, l'aménagement des conditions d'exercice du droit de grève qui résulte des dispositions contestées n'apparaît nullement disproportionné. D'une part, en effet, et contrairement à ce que suggèrent les auteurs des saisines, le champ d'application de l'obligation de déclaration individuelle d'intention de participer à la grève qui résulte du premier alinéa de l'article L. 1114-3 nouveau du code des transports est défini de manière rationnelle et aussi restrictive que possible par rapport à l'objet de ce dispositif. Pour qu'un salarié soit astreint à cette obligation, il faut à la fois qu'il soit employé dans une entreprise, un établissement ou une partie d'établissement mentionné à l'article L. 1114-1 nouveau du même code et qu'il soit au nombre des « salariés dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols » mentionnés au premier alinéa de l'article L. 1114-3 nouveau. Or, sur le premier point, l'article L. 1114-1 nouveau énumère de façon précise et limitative, au-delà de l'activité de transport aérien elle-même, les services qu'une entreprise, un établissement ou une partie d'établissement doit assurer pour être regardé comme entrant dans le champ d'application du chapitre IV inséré par la loi déférée dans le titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports, avec le souci de ne viser que des services dont l'interruption ou la perturbation est de nature à compromettre la réalisation des vols. Encore faut-il également, comme l'a expressément précisé le législateur, que les entreprises, établissements ou parties d'établissement concernés « concourent directement à l'activité de transport aérien de passagers », ce qui exclut les activités de transport de marchandises et de courrier. Quant au second point, le cinquième alinéa de l'article L. 1114-3 nouveau définit précisément quels sont les « salariés dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols » astreints à l'obligation déclarative instituée par le premier alinéa du même article. Il s'agit des salariés qui, soit occupent un emploi de personnel navigant, soit assurent « personnellement » l'une des opérations d'assistance en escale, de maintenance en ligne des aéronefs, de sûreté aéroportuaire, de secours et de lutte contre l'incendie ou de lutte contre le péril animalier mentionnées à l'article L. 1114-1. Tous les salariés des entreprises entrant dans le champ d'application de la loi ne sont donc pas astreints à l'obligation d'information. D'autre part, cette obligation constitue un aménagement de portée limitée aux conditions d'exercice du droit de grève qui ne porte en aucune manière atteinte à la substance de ce droit. En particulier, il importe de souligner que, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a expressément relevé dans sa décision précitée du 16 août 2007 à propos des dispositions analogues de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (cons. 29), la méconnaissance de la formalité instituée par la loi déférée ne confère pas à l'exercice du droit de grève un caractère illicite, mais expose seulement son auteur à des sanctions disciplinaires dans les conditions prévues par l'article L. 1114-4 nouveau du code des transports. Il n'est pas davantage fait obstacle à la possibilité, pour un salarié, de rejoindre un mouvement de grève déjà engagé, pourvu qu'il ait préalablement satisfait à l'obligation d'en informer son employeur. L'obligation instituée par le premier alinéa de l'article L. 1114-3 nouveau de ce code n'est donc en rien disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur. 2/ Les deuxième et troisième alinéas du même article L. 1114-3 nouveau prévoient en outre, ainsi que le relèvent les auteurs des saisines, que, d'une part, le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer doit en informer son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure prévue de sa participation à la grève, et, d'autre part, le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service doit, de même, en informer son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise. L'article 5 de la loi déférée complète par des dispositions similaires les dispositions du code des transports issues de la loi précitée du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. L'objectif poursuivi par ce dispositif est de prévenir des détournements de la loi similaires à ceux qui ont été constatés dans le cadre, précisément, de l'application des dispositions de la loi du 21 août 2007. À plusieurs reprises, en effet, il a été constaté que des salariés, épousant sur ce point des stratégies délibérées de contournement de la loi du 21 août 2007, avaient, de façon concertée, informé leur employeur de leur intention de participer à une grève, comme cette loi leur en fait obligation, sans participer effectivement à celle-ci. Dans une telle situation, l'employeur ne peut néanmoins affecter les salariés concernés, l'organisation du service ayant été déterminée en tenant compte d'un taux de grévistes bien supérieur, mais, dès lors qu'ils se tiennent à sa disposition, il a l'obligation de les rémunérer. Ce comportement, qui conduit à une perturbation de l'activité sans commune mesure avec le taux de grévistes effectivement constaté et permet aux salariés qui s'y livrent d'éviter d'avoir à supporter les conséquences pécuniaires normalement associées à la cessation concertée du travail qui caractérise la grève (v. à cet égard la décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987, cons. 8), rompt l'équilibre inhérent à l'exercice du droit de grève, dont, dans ces conditions, il constitue clairement un abus (v., pour un arrêt ayant reconnu le caractère abusif d'un mode de grève ayant des conséquences analogues, Cass. soc., 11 juin 1981, n° 79-42013, Bull. civ. V, n° 522). Au surplus, en faisant peser un doute sur la sincérité des déclarations individuelles d'intention de participer à la grève et en privant ainsi de fiabilité des prévisions établies sur leur base quant aux conséquences de la grève sur le service, il compromet gravement l'efficacité du dispositif mis en place par la loi du 21 août 2007 et transposé par la loi déférée au secteur du transport aérien de passagers. Les obligations déclaratives résultant des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1114-3 nouveau du code des transports ont pour seul objet d'éviter la réitération, à l'avenir, de ces abus. Elles constituent ainsi l'exercice, par le législateur, de la compétence qui lui appartient, selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, de « tracer la limite séparant les actes et les comportements qui constituent un exercice licite [du] droit [de grève] des actions et comportements qui en constitueraient un usage abusif » (v. par ex. la décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987, cons. 7). Or, pas davantage que l'obligation d'informer l'employeur de l'intention de participer à la grève cet aménagement des conditions d'exercice du droit de grève n'apparaît disproportionné par rapport à l'objectif que s'est ainsi assigné le législateur. D'une part, en effet, l'information n'est pas requise, d'après les termes exprès des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1114-3 nouveau du code des transports, lorsque la grève n'a pas lieu ou lorsque la prise ou la reprise du service est consécutive à la fin de la grève, de sorte que le dispositif en question ne saurait être regardé comme susceptible d'avoir pour effet de prolonger la durée d'un conflit social. D'autre part, la méconnaissance par le salarié de l'obligation d'informer son employeur de sa renonciation à faire grève ou de sa décision de reprendre le service ne libère pas l'employeur de son obligation de rémunérer l'intéressé s'il se tient effectivement à sa disposition. Cette méconnaissance est seulement passible de sanctions disciplinaires, et encore le législateur a-t-il pris soin de préciser, à l'article L. 1114-4 nouveau du code des transports, que ces sanctions ne seraient encourues que dans le cas où c'est « de façon répétée » que l'intéressé n'aura pas informé son employeur de son intention de renoncer à participer à la grève ou de reprendre son service, c'est-à-dire, en réalité, et sous le contrôle du juge, lorsque les circonstances de l'espèce révèleront la mauvaise foi, voire l'intention de nuire. Le Gouvernement estime, dans ces conditions, que la loi déférée ne porte, en aucune de ses dispositions, une atteinte inconstitutionnelle au droit de grève. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports. Il n'est pas inutile, en préambule, de rappeler le contexte d'adoption de ce texte. Proposé suite à un mouvement social lors des vacances de Noël, le législateur a imposé son adoption dans des délais extrêmement brefs afin de satisfaire au calendrier électoral. La portée purement électoraliste de l'initiative législative à l'origine de ce texte explique donc la précipitation à laquelle a donné lieu son adoption. Précipitation ayant conduit à mépriser au passage le Protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi à caractère social qui sont dans le champ de la négociation collective, adopté par la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale le mardi 16 février 2010. Précipitation expliquant évidemment les nombreuses défaillances constitutionnelles de ce texte. Sous couvert d'un objectif louable, celui consistant à « prévenir les conflits sociaux au sein des entreprises de transport aérien et d'assurer une meilleure information des passagers », le législateur a porté manifestement atteinte à la liberté constitutionnelle de faire grève, garantie par le septième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Cette disposition constitutionnelle aux termes de laquelle « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent » a permis au Conseil constitutionnel de tracer, au fil de plusieurs décisions, les lignes d'une jurisprudence solidement établie. Au regard de cette jurisprudence, non seulement les limitations apportées au droit de grève doivent s'inscrire dans la recherche d'une conciliation avec un autre principe de valeur constitutionnelle, mais en outre, de telles limitations ne doivent pas être disproportionnées et ainsi dénaturer le droit de grève. Or, vous pourrez constater qu'en dépit des restrictions importantes apportées à l'exercice du droit de grève par la loi soumise à votre examen, celle-ci ne poursuit aucun objectif ayant valeur constitutionnelle et porte ainsi une atteinte disproportionnée au « droit de grève ». Sur l'absence d'objectif ou de principe de valeur constitutionnelle justifiant une atteinte au droit de grève Si vous avez plusieurs fois admis que des restrictions soient portées par le législateur à l'exercice du droit de grève, ce fut à chaque fois au nom de la conciliation avec un objectif constitutionnel ou une autre liberté constitutionnellement reconnue. Vous avez ainsi considéré que le principe de continuité du service public (vos décisions n° 79-105 DC, n°2007-556 DC), la protection de la santé et la sécurité des personnes (décision n° 80-117 DC) ou encore le principe d'égalité (décision n° 82-144 DC) constituaient des objectifs ayant valeur constitutionnelle et pouvaient, à ce titre, justifier des atteintes au droit de grève. Or, la loi présentement soumise à votre examen apporte incontestablement des restrictions à l'exercice du droit de grève, qui ne sont aucunement justifiées par la conciliation nécessaire avec un autre droit ou principe ayant valeur constitutionnelle. En effet, l'article 2 de la loi, et singulièrement la section 3 relative à l' « exercice du droit de grève », apporte une sérieuse restriction à l'exercice du droit de grève dès lors qu'il impose aux nombreux salariés concernés de se déclarer grévistes « au plus tard quarante huit heures avant de participer à la grève ». Au-delà des sanctions prévues en cas de non respect de cette obligation fixée par la loi, il importe de relever qu'une telle disposition est de nature à dissuader les salariés d'exercer leur droit de grève. Dès lors qu'elle «fait apparaître un aspect individuel dans un conflit réputé collectif » (Commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel), une telle mesure est susceptible de donner lieu à des pressions de la part des employeurs ou, à tout le moins, de susciter cette crainte de la part des salariés concernés. En outre, l'obligation inédite pesant sur les mêmes salariés de prévenir leur employeur de leur non participation à la grève ou de leur décision de reprendre leur service vingt quatre heures à l'avance, constitue une contrainte restreignant l'exercice du droit de grève dans la mesure où la possibilité de ne pas exercer un droit ou de ne plus l'exercer est une composante même de ce droit et doit donc être assortie des mêmes garanties. Bien sûr, la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs de 2007 constitue un précédent que le Gouvernement ne manquera pas de mettre en avant pour défendre le dispositif contesté. A cet égard, le dispositif élaboré en 2012 est le parfait décalque de celui mis en place en 2007. Vous pourrez néanmoins constater qu'à la différence de la loi de 2007, celle soumise présentement à votre examen vise des salariés du secteur privé qui ne sont pas chargés d'une mission de service public. Il convient en effet de rappeler que le transport aérien est un secteur libéralisé, concurrentiel, qui n'est jamais soumis à des obligations de service public - à l'exception des vols destinés à assurer la continuité territoriale en vertu de l'article R. 330-7 du code de l'aviation civile. Alors que la loi de 2007 avait expressément exclu les transports terrestres à vocation touristique, celle de 2012 vise des compagnies aériennes qui ont une activité tournée exclusivement vers le tourisme. A la différence donc de la loi de 2007, qui justifiait des restrictions comparables par la nécessité de concilier l'exercice du droit de grève avec le principe constitutionnel de « continuité du service public », celle de 2012 ne trouve à s'appuyer sur aucun principe ou objectif ayant valeur constitutionnelle pour justifier une atteinte exactement similaire. Lors des débats parlementaires, a été évoquée « la continuité du service », mais dépourvu de l'épithète « public », ce principe n'appartient pas aux objectifs de valeur constitutionnelle. Ont encore été mentionnés la « sécurité des personnes et des biens » et « l'ordre public » mais de tels objectifs - auxquels peut être reconnu un caractère constitutionnel - ne recouvrent qu'une infime partie des activités professionnelles visées par la loi. Si le champ d'application de la loi avait été restreint aux vols relevant d'une obligation de service public et aux autres missions liées à la sécurité et / ou à la santé, les restrictions imposées à l'exercice du droit de grève auraient pu trouver un fondement de nature constitutionnelle. Mais tel n'est évidemment pas le cas de cette loi qui, en prétendant couvrir l'ensemble des services liés à l'activité de transport aérien de passagers, édicte des mesures manifestement disproportionnées. Sur le caractère disproportionné des restrictions portées à l'exercice du droit de grève Si vous admettez que des restrictions soient apportées à des droits, libertés ou principes ayant valeur constitutionnelle, c'est toujours sous réserve que celles-ci soient nécessaires, adaptées et proportionnées. Ces limitations peuvent aller jusqu'à « l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays » (décision n° 79-105 DC) mais vous veillez chaque fois à ce que toute restriction soit évidemment nécessaire. Or, tel n'est pas le cas s'agissant des restrictions apportées par cette loi à l'exercice du droit de grève. En effet, au regard de l'importante restriction imposée par la principale disposition présentement contestée, le champ d'application choisi apparait bien trop étendu. Le législateur pouvait certes encourager les négociations préalables afin d'éviter les conflits sociaux dans le cadre des transports aériens, mais l'obligation de se déclarer gréviste quarante huit heures avant le début du mouvement social apparait manifestement disproportionnée dans le cas d'espèce. En 2007, vous avez admis la constitutionnalité d'un tel dispositif puisque « la nouveauté [était] ainsi limitée et proportionnée à l’objectif poursuivi de continuité du service public » (Commentaires aux Cahiers). Premièrement, cette obligation ne concernait pas tous les salariés mais uniquement ceux « dont la présence détermine directement l’offre de services ». Deuxièmement, cette obligation ne visait que les personnes en charge d'une mission de service public. Or, cette double exigence n'est pas respectée. Si le texte ici contesté réserve explicitement cette contrainte « aux seuls salariés dont la présence détermine directement l’offre services », cette formule - conjuguée à celle de l'article L. 1114-1 qui définit le champ des entreprises concernées - permet d'englober de facto l'ensemble des salariés du secteur y compris ceux qui accomplissent des tâches périphériques au vol lui-même : le traitement des bagages, la fourniture de nourriture en vol. Ensuite, le législateur n'a pas pris soin de distinguer les entreprises et les services concernés selon leur participation à une mission de service public. Les vols de nature touristique et ceux relevant d'une obligation de service public sont ainsi traités de manière strictement identique par la loi. Enfin, aucune disposition restreignant l'exercice du droit de grève n'apparait véritablement indispensable pour garantir l'accomplissement des missions de service public inhérentes au fonctionnement des aéroports dès lors qu'en l'état du droit positif les autorités compétentes de l'Etat disposent des moyens nécessaires pour assurer la continuité des services publics liées aux transports aériens. A cet égard, vous avez reconnu dans votre décision n°2005-513 DC du 14 avril 2005 portant sur la loi relative aux aéroports que « le législateur a ainsi garanti le respect, en temps normal, des exigences constitutionnelles qui s'attachent à la continuité du service public » et « qu'en cas de circonstances exceptionnelles, les autorités compétentes de l’État pourront, en tant que de besoin, procéder, dans le cadre de leurs pouvoirs de police administrative ou en vertu des dispositions du code de la défense, à toute réquisition de personnes, de biens et de services ». Manifestement excessives, les restrictions ainsi apportées au droit de grève restreignent son exercice au point de le dénaturer. Pour l'ensemble de ces raisons, les sénateurs auteurs de la saisine, demandent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de censurer l’ensemble de la section 3 créée par l’article 2 de la loi déféréeMonsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports. Il n'est pas inutile, en préambule, de rappeler le contexte d'adoption de ce texte. Proposé suite à un mouvement social lors des vacances de Noël, le législateur a imposé son adoption dans des délais extrêmement brefs afin de satisfaire au calendrier électoral. La portée purement électoraliste de l'initiative législative à l'origine de ce texte explique donc la précipitation à laquelle a donné lieu son adoption. Précipitation ayant conduit à mépriser au passage le Protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi à caractère social qui sont dans le champ de la négociation collective, adopté par la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale le mardi 16 février 2010. Précipitation expliquant évidemment les nombreuses défaillances constitutionnelles de ce texte. Sous couvert d'un objectif louable, celui consistant à « prévenir les conflits sociaux au sein des entreprises de transport aérien et d'assurer une meilleure information des passagers », le législateur a porté manifestement atteinte à la liberté constitutionnelle de faire grève, garantie par le septième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Cette disposition constitutionnelle aux termes de laquelle « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent » a permis au Conseil constitutionnel de tracer, au fil de plusieurs décisions, les lignes d'une jurisprudence solidement établie. Au regard de cette jurisprudence, non seulement les limitations apportées au droit de grève doivent s'inscrire dans la recherche d'une conciliation avec un autre principe de valeur constitutionnelle, mais en outre, de telles limitations ne doivent pas être disproportionnées et ainsi dénaturer le droit de grève. Or, vous pourrez constater qu'en dépit des restrictions importantes apportées à l'exercice du droit de grève par la loi soumise à votre examen, celle-ci ne poursuit aucun objectif ayant valeur constitutionnelle et porte ainsi une atteinte disproportionnée au « droit de grève ». Sur l'absence d'objectif ou de principe de valeur constitutionnelle justifiant une atteinte au droit de grève Si vous avez plusieurs fois admis que des restrictions soient portées par le législateur à l'exercice du droit de grève, ce fut à chaque fois au nom de la conciliation avec un objectif constitutionnel ou une autre liberté constitutionnellement reconnue. Vous avez ainsi considéré que le principe de continuité du service public (vos décisions n° 79-105 DC, n°2007-556 DC), la protection de la santé et la sécurité des personnes (décision n° 80-117 DC) ou encore le principe d'égalité (décision n° 82-144 DC) constituaient des objectifs ayant valeur constitutionnelle et pouvaient, à ce titre, justifier des atteintes au droit de grève. Or, la loi présentement soumise à votre examen apporte incontestablement des restrictions à l'exercice du droit de grève, qui ne sont aucunement justifiées par la conciliation nécessaire avec un autre droit ou principe ayant valeur constitutionnelle. En effet, l'article 2 de la loi, et singulièrement la section 3 relative à l' « exercice du droit de grève », apporte une sérieuse restriction à l'exercice du droit de grève dès lors qu'il impose aux nombreux salariés concernés de se déclarer grévistes « au plus tard quarante huit heures avant de participer à la grève ». Au-delà des sanctions prévues en cas de non respect de cette obligation fixée par la loi, il importe de relever qu'une telle disposition est de nature à dissuader les salariés d'exercer leur droit de grève. Dès lors qu'elle «fait apparaître un aspect individuel dans un conflit réputé collectif » (Commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel), une telle mesure est susceptible de donner lieu à des pressions de la part des employeurs ou, à tout le moins, de susciter cette crainte de la part des salariés concernés. En outre, l'obligation inédite pesant sur les mêmes salariés de prévenir leur employeur de leur non participation à la grève ou de leur décision de reprendre leur service vingt quatre heures à l'avance, constitue une contrainte restreignant l'exercice du droit de grève dans la mesure où la possibilité de ne pas exercer un droit ou de ne plus l'exercer est une composante même de ce droit et doit donc être assortie des mêmes garanties. Bien sûr, la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs de 2007 constitue un précédent que le Gouvernement ne manquera pas de mettre en avant pour défendre le dispositif contesté. A cet égard, le dispositif élaboré en 2012 est le parfait décalque de celui mis en place en 2007. Vous pourrez néanmoins constater qu'à la différence de la loi de 2007, celle soumise présentement à votre examen vise des salariés du secteur privé qui ne sont pas chargés d'une mission de service public. Il convient en effet de rappeler que le transport aérien est un secteur libéralisé, concurrentiel, qui n'est jamais soumis à des obligations de service public - à l'exception des vols destinés à assurer la continuité territoriale en vertu de l'article R. 330-7 du code de l'aviation civile. Alors que la loi de 2007 avait expressément exclu les transports terrestres à vocation touristique, celle de 2012 vise des compagnies aériennes qui ont une activité tournée exclusivement vers le tourisme. A la différence donc de la loi de 2007, qui justifiait des restrictions comparables par la nécessité de concilier l'exercice du droit de grève avec le principe constitutionnel de « continuité du service public », celle de 2012 ne trouve à s'appuyer sur aucun principe ou objectif ayant valeur constitutionnelle pour justifier une atteinte exactement similaire. Lors des débats parlementaires, a été évoquée « la continuité du service », mais dépourvu de l'épithète « public », ce principe n'appartient pas aux objectifs de valeur constitutionnelle. Ont encore été mentionnés la « sécurité des personnes et des biens » et « l'ordre public » mais de tels objectifs - auxquels peut être reconnu un caractère constitutionnel - ne recouvrent qu'une infime partie des activités professionnelles visées par la loi. Si le champ d'application de la loi avait été restreint aux vols relevant d'une obligation de service public et aux autres missions liées à la sécurité et / ou à la santé, les restrictions imposées à l'exercice du droit de grève auraient pu trouver un fondement de nature constitutionnelle. Mais tel n'est évidemment pas le cas de cette loi qui, en prétendant couvrir l'ensemble des services liés à l'activité de transport aérien de passagers, édicte des mesures manifestement disproportionnées. Sur le caractère disproportionné des restrictions portées à l'exercice du droit de grève Si vous admettez que des restrictions soient apportées à des droits, libertés ou principes ayant valeur constitutionnelle, c'est toujours sous réserve que celles-ci soient nécessaires, adaptées et proportionnées. Ces limitations peuvent aller jusqu'à « l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays » (décision n° 79-105 DC) mais vous veillez chaque fois à ce que toute restriction soit évidemment nécessaire. Or, tel n'est pas le cas s'agissant des restrictions apportées par cette loi à l'exercice du droit de grève. En effet, au regard de l'importante restriction imposée par la principale disposition présentement contestée, le champ d'application choisi apparait bien trop étendu. Le législateur pouvait certes encourager les négociations préalables afin d'éviter les conflits sociaux dans le cadre des transports aériens, mais l'obligation de se déclarer gréviste quarante huit heures avant le début du mouvement social apparait manifestement disproportionnée dans le cas d'espèce. En 2007, vous avez admis la constitutionnalité d'un tel dispositif puisque « la nouveauté [était] ainsi limitée et proportionnée à l’objectif poursuivi de continuité du service public » (Commentaires aux Cahiers). Premièrement, cette obligation ne concernait pas tous les salariés mais uniquement ceux « dont la présence détermine directement l’offre de services ». Deuxièmement, cette obligation ne visait que les personnes en charge d'une mission de service public. Or, cette double exigence n'est pas respectée. Si le texte ici contesté réserve explicitement cette contrainte « aux seuls salariés dont la présence détermine directement l’offre services », cette formule - conjuguée à celle de l'article L. 1114-1 qui définit le champ des entreprises concernées - permet d'englober de facto l'ensemble des salariés du secteur y compris ceux qui accomplissent des tâches périphériques au vol lui-même : le traitement des bagages, la fourniture de nourriture en vol. Ensuite, le législateur n'a pas pris soin de distinguer les entreprises et les services concernés selon leur participation à une mission de service public. Les vols de nature touristique et ceux relevant d'une obligation de service public sont ainsi traités de manière strictement identique par la loi. Enfin, aucune disposition restreignant l'exercice du droit de grève n'apparait véritablement indispensable pour garantir l'accomplissement des missions de service public inhérentes au fonctionnement des aéroports dès lors qu'en l'état du droit positif les autorités compétentes de l'Etat disposent des moyens nécessaires pour assurer la continuité des services publics liées aux transports aériens. A cet égard, vous avez reconnu dans votre décision n°2005-513 DC du 14 avril 2005 portant sur la loi relative aux aéroports que « le législateur a ainsi garanti le respect, en temps normal, des exigences constitutionnelles qui s'attachent à la continuité du service public » et « qu'en cas de circonstances exceptionnelles, les autorités compétentes de l’État pourront, en tant que de besoin, procéder, dans le cadre de leurs pouvoirs de police administrative ou en vertu des dispositions du code de la défense, à toute réquisition de personnes, de biens et de services ». Manifestement excessives, les restrictions ainsi apportées au droit de grève restreignent son exercice au point de le dénaturer. Pour l'ensemble de ces raisons, les députés auteurs de la saisine, demandent qu'il plaise au Conseil constitutionnel de censurer l’ensemble de la section 3 créée par l’article 2 de la loi déférée
CONSTIT/CONSTEXT000025561605.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la réclamation présentée par Mme Corinne LEPAGE, demeurant à Paris, enregistrée le 21 mars 2012 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République ; Vu la Constitution, et notamment ses articles 6, 7 et 58 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, en son article 3 ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; Vu la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2012 arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la réclamation de Mme Corinne LEPAGE, relative au nombre de présentations de sa candidature à l'élection du Président de la République, doit être regardée comme dirigée contre la décision du 19 mars 2012 du Conseil constitutionnel arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République, en tant que son nom n'y est pas inscrit ; 2. Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel, lorsqu'il arrête, en application des dispositions du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée, la liste des candidats à l'élection du Président de la République, de contrôler le nombre et la validité des présentations, de s'assurer de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, de constater le dépôt du pli scellé exigé pour leur déclaration de situation patrimoniale et de recevoir leur engagement de déposer, en cas d'élection, une nouvelle déclaration ; que la procédure instituée par les dispositions de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 susvisé, qui ouvre à toute personne ayant fait l'objet de présentations le droit de former une réclamation contre l'établissement de la liste des candidats à l'élection présidentielle, a pour seul objet de permettre aux demandeurs qui s'y croient fondés de contester la régularité de la décision prise au regard des conditions énoncées ci-dessus ; 3. Considérant que ne peuvent figurer sur la liste des candidats à l'élection du Président de la République que les personnes ayant fait l'objet d'au moins cinq cents présentations par les citoyens élus habilités ; que quatre cent soixante-seize présentations de la candidature de Mme Corinne LEPAGE à l'élection du Président de la République ont été adressées au Conseil constitutionnel dans le délai prévu par le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la validité de ces présentations, la requête de Mme LEPAGE doit être rejetée, D É C I D E : Article 1er.- La réclamation présentée par Mme Corinne LEPAGE contre la décision du 19 mars 2012 du Conseil constitutionnel arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République est rejetée. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025561610.xml
Le Conseil constitutionnel, Vu la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 48 ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu la décision du 9 février 2012 portant nomination des délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre sur place les opérations relatives à l'élection du Président de la République, D É C I D E : Article premier.- Sont désignés en qualité de délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre outre-mer les opérations relatives à l'élection du Président de la République des samedi 21 ou dimanche 22 avril 2012 et, s'il y a lieu à un second tour, des samedi 5 ou dimanche 6 mai 2012 : MM. Jean GAEREMYNCK, Philippe GREGOIRE, François LOLOUM, Jean-François MARY, Jean-Yves MONFORT, Mme Marie PICARD, M. Michel-Pierre PRAT. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 mars 2012, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025561604.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 30 ; Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu les articles du code électoral rendus applicables à l'élection du Président de la République, notamment les articles L. 2, L. 5, L. 6, L. 45, L.O. 127, L.O. 135 1, L. 199, L. 200 et L. 203 ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée, notamment les articles 2 à 7 ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; Vu la décision du Conseil constitutionnel du 24 février 1981 d'après laquelle l'ordre d'établissement de la liste des candidats à l'élection du Président de la République est déterminé par voie de tirage au sort entre les noms des candidats ; Ayant examiné les formulaires de présentation qui lui ont été adressés à partir du 24 février 2012 et qui lui sont parvenus au plus tard le 16 mars 2012 à dix-huit heures, conformément à l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée et à l'article 2 du décret du 8 mars 2001 susvisé ; Après s'être assuré de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, avoir constaté le dépôt du pli scellé exigé pour leur déclaration de situation patrimoniale et avoir reçu leur engagement, en cas d'élection, de déposer une nouvelle déclaration deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l'expiration du mandat ou, en cas de démission, dans un délai d'un mois après celle-ci, D É C I D E : Article 1er.- La liste des candidats à l'élection du Président de la République, dont l'ordre a été établi par voie de tirage au sort, est arrêtée comme suit : - Madame Eva JOLY, - Madame Marine LE PEN, - Monsieur Nicolas SARKOZY, - Monsieur Jean-Luc MÉLENCHON, - Monsieur Philippe POUTOU, - Madame Nathalie ARTHAUD, - Monsieur Jacques CHEMINADE, - Monsieur François BAYROU, - Monsieur Nicolas DUPONT-AIGNAN, - Monsieur François HOLLANDE. Article 2.- La présente décision sera publiée sans délai au Journal officiel et notifiée, par les soins du Gouvernement, aux représentants de l'État en Nouvelle-Calédonie et dans les départements et collectivités d'outre-mer et aux ambassadeurs et aux chefs de postes consulaires. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Jean-Louis DEBRÉ
CONSTIT/CONSTEXT000025561606.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la réclamation présentée par M. Richard NOWAK, demeurant à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), enregistrée le 21 mars 2012 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et relative à la liste des candidats à l’élection du Président de la République ; Vu la Constitution, et notamment ses articles 6, 7 et 58 ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, en son article 3 ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l’élection du Président de la République ; Vu la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2012 arrêtant la liste des candidats à l’élection du Président de la République ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 8 du décret du 8 mars 2001 susvisé : « Le droit de réclamation contre l’établissement de la liste des candidats est ouvert à toute personne ayant fait l’objet de présentation » ; 2. Considérant que M. Richard NOWAK n’a fait l’objet d’aucune présentation ; que, par suite, il n’est pas recevable à contester l’établissement de la liste des candidats à l’élection du Président de la République, D É C I D E : Article 1er.- La réclamation présentée par M. Richard NOWAK contre la décision du 19 mars 2012 du Conseil constitutionnel arrêtant la liste des candidats à l’élection du Président de la République est rejetée. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025561607.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la réclamation présentée par M. Jean-Marie MATAGNE, demeurant à Saintes (Charente-Maritime), enregistrée le 20 mars 2012 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République ; Vu la Constitution, et notamment ses articles 6, 7 et 58 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, en son article 3 ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; Vu la décision du Conseil constitutionnel du 19 mars 2012 arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'une présentation de la candidature de M. Jean-Marie MATAGNE à l'élection du Président de la République est parvenue au Conseil constitutionnel ; que l'intéressé conteste la décision du 19 mars 2012 du Conseil constitutionnel arrêtant la liste des candidats à cette élection, en tant que les noms de MM. Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE y sont inscrits ; 2. Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel, lorsqu'il arrête, en application des dispositions du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée, la liste des candidats à l'élection du Président de la République, de contrôler le nombre et la validité des présentations, de s'assurer de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, de constater le dépôt du pli scellé exigé pour leur déclaration de situation patrimoniale et de recevoir leur engagement de déposer, en cas d'élection, une nouvelle déclaration ; que la procédure instituée par les dispositions de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 susvisé, qui ouvre à toute personne ayant fait l'objet de présentations le droit de former une réclamation contre l'établissement de la liste des candidats à cette élection, a pour seul objet de permettre aux demandeurs qui s'y croient fondés de contester la régularité de la décision prise au regard des conditions énoncées ci-dessus ; 3. Considérant qu'il suit de là que les allégations du requérant, selon lesquelles les candidatures de MM. Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE seraient invalides en ce que leur programme ne comporterait pas l'engagement d'abolir les armes nucléaires, ne peuvent être utilement présentées à l'appui d'une réclamation formée, en application de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 susvisé, pour contester la régularité de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a arrêté la liste des candidats à l'élection du Président de la République ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la réclamation de M. MATAGNE doit être rejetée, D É C I D E : Article 1er.- La réclamation présentée par M. Jean-Marie MATAGNE contre la décision du 19 mars 2012 du Conseil constitutionnel arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République est rejetée. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mars 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025561598.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 7 février 2012, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu le code électoral ; Vu la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique ; Vu la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 6 de la Constitution ; qu'elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution ; 2. Considérant que le 2° de l'article 112 de la loi du 28 décembre 2011 susvisée a modifié l'article L. 52-11-1 du code électoral pour réduire de 5 % le montant du remboursement forfaitaire de l'État aux candidats à l'élection des députés, des représentants français au Parlement européen, des conseillers régionaux ainsi que des conseillers généraux ou municipaux des cantons ou des communes de 9000 habitants ou plus ; que le 1° de l'article unique de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel modifie la première phrase du troisième alinéa du paragraphe V de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée pour réduire également de 5 % le montant des dépenses de campagne remboursé à titre forfaitaire aux candidats à l'élection présidentielle ; 3. Considérant que le 2° de l'article unique de la loi organique modifie la rédaction de la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du paragraphe V du même article 3 ; qu'il fixe le terme du délai pendant lequel les candidats à l'élection présidentielle doivent déposer leur compte de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin à 18 heures ; 4. Considérant que le 1° de l'article 112 de la loi du 28 décembre 2011 susvisée a complété le dernier alinéa de l'article L. 52-11 du code électoral par deux phrases selon lesquelles il n'est pas procédé à l'actualisation des plafonds des dépenses électorales « à compter de 2012 et jusqu'à l'année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul. Ce déficit est constaté dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 3 du règlement (CE) n° 479/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, relatif à l'application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne » ; que le 3° de l'article unique de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel modifie l'article 4 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée pour rendre cette modification de l'article L. 52-11 du code électoral applicable à l'élection du Président de la République ; 5. Considérant que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- La loi organique relative au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 février 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Premier Ministre Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi relative au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l 'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre et par délégation. Le Secrétaire général du Gouvernement, Serge Lasvignes
CONSTIT/CONSTEXT000025561599.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi, le 31 janvier 2012, par MM. Jacques MYARD, Michel DIEFENBACHER, Jean AUCLAIR, Jean-Paul BACQUET, Jean BARDET, Christian BATAILLE, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Claude BIRRAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Christophe BOUILLON, Bruno BOURG-BROC, Loïc BOUVARD, Pascal BRINDEAU, Yves BUR, Christophe CARESCHE, Gilles CARREZ, Gérard CHARASSE, Jean-Louis CHRIST, Pascal CLÉMENT, François CORNUT-GENTILLE, René COUANAU, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Mme Sophie DELONG, M. Jean-Louis DUMONT, Mmes Cécile DUMOULIN, Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Jean-Paul GARRAUD, Daniel GARRIGUE, Claude GATIGNOL, Hervé GAYMARD, Paul GIACOBBI, Franck GILARD, Jean-Pierre GORGES, François GOULARD, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Michel HEINRICH, Antoine HERTH, Mme Françoise HOSTALIER, MM. Denis JACQUAT, Yves JÉGO, Jérôme LAMBERT, Jacques LAMBLIN, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Jacques LE GUEN, Apeleto Albert LIKUVALU, Jean-François MANCEL, Alain MARTY, Didier MATHUS, Jean-Philippe MAURER, Jean-Claude MIGNON, Pierre MORANGE, Jean-Marc NESME, Michel PIRON, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Jean-Luc REITZER, Jean-Marie ROLLAND, Daniel SPAGNOU, Eric STRAUMANN, Lionel TARDY, André WOJCIECHOWSKI, ainsi que par MM. Abdoulatifou ALY, Jean-Paul ANCIAUX, Paul DURIEU, Mmes Sylvia PINEL, Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Philippe VIGIER et le 2 février 2012, par M. Gwendal ROUILLARD, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean MICHEL, Jack LANG et Mme Dominique ORLIAC, députés ; Et le même jour par M. Jacques MÉZARD, Mme Leila AÏCHI, MM. Nicolas ALFONSI, Alain ANZIANI, Mme Aline ARCHIMBAUD, MM. Bertrand AUBAN, Gilbert BARBIER, Jean-Michel BAYLET, Mme Esther BENBASSA, M. Michel BILLOUT, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, MM. Didier BOULAUD, Christian BOURQUIN, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Christian COINTAT, Yvon COLLIN, Pierre-Yves COLLOMBAT, Mme Hélène CONWAY-MOURET, MM. Ronan DANTEC, Jean-Pierre DEMERLIAT, Marcel DENEUX, Yves DÉTRAIGNE, Claude DILAIN, Mme Muguette DINI, MM. André DULAIT, Jean-Léonce DUPONT, Mmes Josette DURRIEU, Anne-Marie ESCOFFIER, M. Alain FAUCONNIER, Mme Françoise FÉRAT, MM. François FORTASSIN, Alain FOUCHÉ, Christian-André FRASSA, René GARREC, Patrice GÉLARD, Gaëtan GORCE, Mmes Nathalie GOULET, Jacqueline GOURAULT, Sylvie GOY-CHAVENT, MM. François GROSDIDIER, Robert HUE, Jean-Jacques HYEST, Pierre JARLIER, Mmes Fabienne KELLER, Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, M. Joël LABBÉ, Mme Françoise LABORDE, M. Jean-René LECERF, Mme Claudine LEPAGE, MM. Jeanny LORGEOUX, Jean-Louis LORRAIN, Roland du LUART, Philippe MADRELLE, Jean-Pierre MICHEL, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Jean-Marc PASTOR, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-Jacques PIGNARD, François PILLET, Jean-Vincent PLACÉ, Jean-Pierre PLANCADE, Christian PONCELET, Hugues PORTELLI, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Roland RIES, Gilbert ROGER, Yves ROME, Robert TROPEANO, Raymond VALL, Jean-Marie VANLERENBERGHE, François VENDASI, Jean-Pierre VIAL, André VILLIERS, Richard YUNG, ainsi que par M. Michel BERSON, le 2 février 2012, par MM. Aymeri de MONTESQUIOU, Jean-Claude MERCERON, Jean-Jacques LASSERRE et le 3 février 2012, par M. Jean-Jacques LOZACH, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Vu le code pénal ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 15 février 2012 ; Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 21 février 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi ; 2. Considérant que l'article 1er de la loi déférée insère dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse un article 24 ter ; que cet article punit, à titre principal, d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui « ont contesté ou minimisé de façon outrancière », quels que soient les moyens d'expression ou de communication publiques employés, « l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide défini à l'article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française » ; que l'article 2 de la loi déférée modifie l'article 48-2 de la même loi du 29 juillet 1881 ; qu'il étend le droit reconnu à certaines associations de se porter partie civile, en particulier pour tirer les conséquences de la création de cette nouvelle incrimination ; 3. Considérant que, selon les auteurs des saisines, la loi déférée méconnaît la liberté d'expression et de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe de légalité des délits et des peines résultant de l'article 8 de cette Déclaration ; qu'en réprimant seulement, d'une part, les génocides reconnus par la loi française et, d'autre part, les génocides à l'exclusion des autres crimes contre l'humanité, ces dispositions méconnaîtraient également le principe d'égalité ; que les députés requérants font en outre valoir que le législateur a méconnu sa propre compétence et le principe de la séparation des pouvoirs proclamé par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que seraient également méconnus le principe de nécessité des peines proclamé à l'article 8 de la Déclaration de 1789, la liberté de la recherche ainsi que le principe résultant de l'article 4 de la Constitution selon lequel les partis exercent leur activité librement ; 4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale... » ; qu'il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative ; 5. Considérant que, d'autre part, aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que l'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » ; que, sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles concernant l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer ; qu'il lui est également loisible, à ce titre, d'instituer des incriminations réprimant les abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers ; que, toutefois, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 6. Considérant qu'une disposition législative ayant pour objet de « reconnaître » un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s'attache à la loi ; que, toutefois, l'article 1er de la loi déférée réprime la contestation ou la minimisation de l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide « reconnus comme tels par la loi française » ; qu'en réprimant ainsi la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 1er de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que son article 2, qui n'en est pas séparable, doit être également déclaré contraire à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- La loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi est contraire à la Constitution. Article 2.-La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 février 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING et Pierre STEINMETZ. Les observations du Gouvernement, en date du 15 février 2012, appellent de la part des députés saisissants les réponses suivantes. Le dispositif déféré ne porte ni sur la poursuite des auteurs de génocide, ni sur la nécessaire lutte contre leur apologie, mais seulement sur l'impossibilité de remettre en cause publiquement un génocide dès lors qu'il est ou sera « reconnu» par une loi distincte de la loi pénale. Selon les observations du Gouvernement, seul le génocide arménien est actuellement visé par le texte, contrairement à ce que son titre même, et son économie, pouvaient laisser supposer. Les objectifs allégués pour justifier de cette prohibition absolue sont la « sauvegarde de l'ordre public et de la liberté d'autrui »et le respect dû à la mémoire des victimes et à la dignité de leur descendants (II B, 1). Les saisissants estiment que de tels arguments ne peuvent écarter les nombreux griefs d'inconstitutionnalité encourus par ce texte et conduisent également, outre les chefs d'inconstitutionnalité déjà soulevés, à évoquer la contrariété de son article 1er à l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. 1) Sur la compétence du législateur en matière pénale Il est rappelé que la loi pénale déférée, dans son article 1er, fait dépendre le prononcé de la sanction non seulement de la reconnaissance d'un génocide par le juge, mais également de l'intervention d'une loi spécifique de reconnaissance d'un génocide. Les saisissants maintiennent que l'applicabilité de la loi pénale ne peut dépendre d'une quelconque reconnaissance législative, passée ou à venir. Si la loi du 29 janvier 2001 était abrogée ou modifiée, la contestation serait à nouveau possible. Or aucun critère objectif n'est mis à une telle reconnaissance dès lors que les faits entrent dans le champ d'application de l'article 211-1 du code pénal (voir notamment point 7 ci-dessous ). Au demeurant, les observations sont bien contraintes de reconnaître que: «cette loi (celle qui reconnaît un génocide) contribue à délimiter le champ d'application de la disposition législative contestée ». Une incrimination pénale, définie par la loi, ne saurait dépendre du vote d'une loi distincte sans que soient méconnues les prescriptions de l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et celles de l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel la loi détermine les délits : cette détermination ne saurait être subordonnée à une reconnaissance législative exprès, laquelle établirait ainsi un cas concret, en l'espèce unique, d'application de la loi pénale. Ainsi la loi déférée ne « détermine» nullement un délit et sa sanction, mais subordonne l'existence même du délit qu'elle crée à une reconnaissance législative spéciale. 2) Sur la compétence législative pour reconnaître un génocide Une loi ne peut « reconnaître» un fait historique: une telle loi méconnaît par elle-même les termes de l'article 34 de la Constitution et l'exigence de normativité, fortement affirmée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, citée. Une telle reconnaissance ne relève pas du domaine de la loi (décision n° 2006-203 L du 31 janvier 2006, citée) et trouverait mieux aujourd'hui sa place dans le vote d'une résolution. Ici encore les observations soulignent qu'outre leur portée « symbolique» - ce qui en soi est contraire à l'article 34- « ces lois, en tant que la loi déférée s'y réfère, ne peuvent être regardées comme dépourvues de caractère normatif ». En d'autres termes, ce serait l'incrimination, attachée à une loi dépourvue de normativité, qui lui confèrerait sa normativité. Admettre un tel raisonnement consiste à admettre qu'une loi inconstitutionnelle perdrait son inconstitutionnalité dès lors qu'elle servirait à déclencher une sanction. C'est bien, comme on l'a soutenu sans pouvoir être contredit, une loi inopérante en elle même qui permettrait ainsi de déclencher des poursuites pénales. C'est précisément un tel mode de raisonnement que le Conseil a écarté en retenant qu'une simple définition de l'inceste- et non une incrimination- ne pouvait renvoyer à un concept aussi vague que celui de « famille» (n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011, citée). Le mécanisme est donc contraire à l'intelligibilité et à la clarté de la loi pénale et à l'exigence de normativité qui en découle. 3) Sur la séparation des pouvoirs Il n'est nullement « suggéré» dans la saisine, comme tentent de le considérer les observations, que le législateur viendrait, par une telle reconnaissance, concurrencer «les juridictions appelées à juger les auteurs de crimes de génocide ». Une confusion est ici entretenue entre le jugement du génocide et de ses auteurs - lequel ne dépend que de l'application par le juge compétent de l'article 211-1 du code pénal ou de traités internationaux, et n'est nullement en cause dans le texte déféré- et le jugement lié à la négation d'un génocide, dont l'incrimination dépend d'une reconnaissance spécifique, étrangère au juge. Le grief, auquel il n'est pas répondu, peut même être précisé. Non seulement l'article 1er de la loi déférée est contraire à l'article XIV de la Déclaration en ce qu'il fait dépendre l'application de la loi pénale de l'existence d'une loi distincte spécifique, mais aussi la portée générale de la loi est méconnue par une telle incrimination « par ricochet ». Faut-il opposer Rousseau à la construction juridique d'une telle pénalisation: « il n'y a point de volonté générale sur un objet particulier. la loi peut bien statuer qu'il y aura des privilèges, mais elle n'en peut donner nommément à personne, la loi peut faire plusieurs classes de citoyens, ... mais elle ne peut nommer tels et tels pour y être admis. En un mot toute fonction qui se rapporte à un objet individuel n'appartient point à la puissance législative» (Du contrat social, II, 5) ? La «reconnaissance» législative d'un génocide spécifique, emportant incrimination de sa contestation, méconnaît le caractère général de la loi, tel qu'il résulte de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme, et le pouvoir d'application de la norme pénale générale par le juge, tel qu'il résulte de son article XVI. 4) La notion de « minimisation de façon outrancière» ne peut servir de définition légale à une incrimination. Ce n'est pas parce que la Cour de cassation, dans un cas bien précis de négationnisme, a fait usage de cette notion, pour qualifier les faits et retenir la mauvaise foi de la personne incriminée, que cette notion est suffisamment précise pour relever de la généralité de la loi pénale. Au demeurant, en tentant de préciser les « proportions excédant manifestement les besoins du débat public ou de la discussion scientifique » les observations démontent elles même, s'il en était besoin, que ce critère n'en est pas un: peut on débattre d'un nombre de victimes? Jusqu'où? Peut-on remettre en cause les dates de fonctionnement d'un lieu concentrationnaire? Jusqu'à quel moment? Peut-on débattre des moyens utilisés pour une extermination de masse? Lorsqu’est évoquée une «forme larvée d'apologie », cela ne fait que démontrer le caractère totalement imprécis, aléatoire, des communications pouvant faire l'objet de sanctions. 5) Sur la nécessité de la loi pénale, il n'est pas répondu. Il convient, à nouveau de souligner que ce n'est pas la poursuite des auteurs d'un génocide qui est ici en cause, mais bien la liberté d'expression et de la recherche, la prohibition de la contestation d'un fait historique n'est nullement nécessaire à la manifestation de la vérité. 6°) Sur la liberté de communication Une fois encore, il convient de distinguer la nécessaire incrimination des auteurs ou des apologistes d'un génocide, qui relève de la loi pénale, et la nécessaire liberté de débat, qui ne saurait en relever. C'est bien à tort que le Gouvernement invoque la décision n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011, puisque cette décision constate le caractère inconstitutionnel de l'imprescriptibilité des faits de diffamation remontant à plus de dix ans, dès lors qu'elle vise sans distinction « tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s'inscrivent dans un débat public d'intérêt général ». Une fois encore, il faut admettre que, conformément à cette décision, dans une société démocratique, le législateur ne peut régir l'histoire. A fortiori est-ce le cas du législateur pénal. Celui-ci, en revanche, doit poursuivre les auteurs de crimes ou ceux qui en font l'apologie. La Cour européenne des droits de l'homme le rappelle:« la liberté d'expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique» ( 23 septembre 1998 , Lehideux et Isorni c/ France, n° 55/1997/839/1045, point 55) : la distinction est ainsi établie par la Cour entre la condamnation morale du fait de vouloir occulter les crimes contre l'humanité et la liberté d'expression ( point 54). La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, est donc également sollicitée à tort: « la Cour estime qu'elle n'a pas à se prononcer sur les éléments constitutifs des délits de contestation de crimes contre l'humanité. . . En droit français» (Garaudy, 24 juin 2003). Ainsi que la requête l'expose, c'est au regard de la promotion des droits et libertés garantis par l'article 17 de la Convention que la Cour a jugé que la liberté d'expression ne pouvait être détournée au profit des négationnistes dont la démarche aboutit à une véritable réhabilitation du régime nazi (outre les décisions citées voir Jersild CI Danemark, 23 septembre 1994. En outre, il est rappelé qu'une telle démonstration peut s'appuyer sur les procès de Nuremberg, et que la conventionnalité de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 ne vaut pas constitutionnalité de la loi déférée. La mise en avant de la sauvegarde de l'ordre public est en l'espèce inadaptée: il ne saurait y avoir d' «ordre public» historique. En supposant même que la reconnaissance d'un génocide par la loi poursuive un but d'apaisement social, il faut inversement souligner qu'elle peut aussi inciter le groupe ainsi désigné irrévocablement comme l'auteur du crime, ou ses descendants, à la contestation, même violente. En outre, dès lors que la loi ne vise que certains génocides, et pour l'instant un seul, on voit mal ce qui distingue au regard de ce critère ou de la mémoire des victimes le génocide arménien des autres. 7) Sur la liberté de la recherche historique: les observations soutiennent que la loi- même si elles attribuent ce rôle au juge en omettant la reconnaissance législative prévue par l'article 1er du texte déféré- ne fera que suivre un « consensus des historiens ». Mais il s'agit là d'un postulat de principe: à supposer qu'un tel consensus existe, rien ne garantit qu'un génocide soit ou non reconnu par la loi ou par une juridiction française ou internationale s'il a d'abord été reconnu par la communauté scientifique. Rien à l'inverse ne garantit non plus que le législateur ne « force» le consensus, en empêchant précisément une remise en cause alors même que le consensus n'existe pas. 8) Si l'on admettait même que l'ordre public puisse justifier une telle restriction absolue d'expression sur un génocide aujourd'hui reconnu par la loi, il faut alors admettre que rien ne justifie, au regard de ces éléments, que le législateur puisse distinguer tel ou tel négationnisme: en quoi le génocide cambodgien, Tchétchène en 1944, en quoi la Shoa - qui n'est pas concernée par le texte déféré- seraient-ils plus ou moins attentatoires à la mémoire des victimes que le génocide arménien? En quoi de tels drames, de tels crimes seraient-ils moins attentatoires à la mémoire des victimes ou à la dignité de l'homme que le génocide arménien: y a-t-il des degrés dans l'horreur? Quel critère, objectif et rationnel, autorise le législateur à choisir les génocides ne pouvant être contestés et les autres? A l'évidence aucun. Il est maintenu, au vu des arguments développés dans la saisine, que le texte comporte une rupture d'égalité flagrante entre les génocides. 9°) En affirmant ( IV B) que le génocide se singularise, au sein des crimes contres l'humanité, par un « élément intentionnel spécifique» les observations méconnaissent les termes mêmes de l'article L. 212-1 du code pénal qui visent eux aussi « en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe» des faits tels que la déportation ou la réduction en esclavage: le critère évoqué ne peut être retenu, pas plus que l'ampleur d'un phénomène négationniste : ce n'est certainement pas l'ampleur d'un phénomène qui peut expliquer qu'on interdise la liberté d'expression. La contestation serait ainsi admise pour certains génocides et non pour d'autres, sans justification appropriée. Chercher à sacraliser une vérité historique excède la compétence du législateur, qui ne peut dicter l'histoire, l'officialiser. Dans un ouvrage, particulièrement étayé,« Auschwitz, enquête sur un complot nazi », M. Florent Brayard, observe (p. 12) : « la pratique historique consiste également à statuer, à procéder à des arbitrages. Or ces choix, ces arbitrages, il faudrait être arrogant ou ingénu pour prétendre qu'ils sont opérés dans un univers stérile où l'objectivité régnerait en maître. Non dans le mouvement d'écrire l'histoire, l'historien est beaucoup plus présent que ne voudrait le faire accroire son style impersonnel. Quand il décide, il a ses raisons, et certaines ont sans doute plus à voir avec lui-même ses croyances et ses présupposés qu'avec les faits bruts . . . l'histoire est une pratique sublunaire; comme telle elle ignore la perfection. Garder ce fait à l'esprit est ce qui peut nous arriver de mieux ». Ce n'est manifestement pas ce qui est « arrivé» au législateur, soucieux d'officialiser une vérité historique. Pour ces motifs, les nombreux griefs d'inconstitutionnalité de l'article 1er du texte déféré doivent conduire à sa censure. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I. SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE, PAR LE LÉGISLATEUR, DE SA PROPRE COMPÉTENCE ET DE L'ATTEINTE À LA SÉPARATION DES POUVOIRS A. Selon les auteurs des saisines, le législateur, par l'article 1er de la loi déférée, ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, assortir de sanctions pénales la contestation ou la minimisation outrancière de l'existence des crimes de génocide « reconnus comme tels par la loi française », car, selon eux, une loi ayant pour objet la reconnaissance d'un génocide, telle que la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, est nécessairement dépourvue de caractère impératif et ne se rattache à aucun des chefs de compétence législative qu'énumère l'article 34 de la Constitution. Ils soutiennent, en outre, qu'en faisant dépendre un délit de la reconnaissance de l'existence d'un crime par le législateur, lequel n'est pas compétent pour « établir lui-même les cas concrets d'application de la loi pénale », l'article 1er de la loi déférée, qui entend réprimer la contestation d'une « sorte de vérité officielle », empiète sur la compétence des juridictions et méconnaît ainsi la séparation des pouvoirs. B. Ces griefs, qui reposent sur une appréciation inexacte de la portée des dispositions contestées, ne sont pas fondés. 1. Ainsi que le rappellent les auteurs des saisines, l'article 1er de la loi déférée est une disposition à caractère pénal, qui vise à réprimer, par une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou l'une de ces deux peines seulement, la contestation de l'existence de certains crimes de génocide ou la minimisation outrancière de ces crimes, c'est-à-dire ce que le langage courant entend par « négationnisme ». Les crimes concernés sont ceux qui répondent à la définition du génocide figurant à l'article 211-1 du code pénal et qui, en outre, ont été reconnus comme tels par la loi française. Eu égard à la spécificité de chaque crime de génocide, le législateur a eu le souci, en effet, de ne réprimer les comportements négationnistes qu'après s'être assuré, au cas par cas, de la nécessité d'une telle répression. En l'état du droit, seul a fait l'objet d'une reconnaissance, par la loi précitée du 29 janvier 2001, le génocide arménien de 1915. Cette loi, et celles qui, à l'avenir, pourraient avoir un objet similaire, contribuent ainsi à délimiter le champ d'application de la disposition législative contestée. De ce fait, et indépendamment de leur portée politique et symbolique, ces lois, en tant que la loi déférée s'y réfère, ne peuvent être regardées comme dépourvues de caractère normatif. Elles constituent, au contraire, l'exercice de la compétence qui appartient exclusivement au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer les crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables. 2. On ne saurait davantage lui reprocher de réaliser ou d'entériner, ce faisant, un empiètement du législateur sur la compétence des juridictions, en méconnaissance de la séparation des pouvoirs. D'une part, en effet, en reconnaissant l'existence d'un génocide, le législateur ne vient pas concurrencer, contrairement à ce que suggèrent les auteurs des saisines, les juridictions appelées à juger les auteurs de crimes de génocide. Ceci est évident dans le cas du génocide arménien de 1915, dont, eu égard à la date des faits, les auteurs, étant décédés, ne sont plus susceptibles d'être poursuivis de ce chef. Pour autant, le crime n'en a pas moins été commis (certains de ses auteurs ont d'ailleurs été condamnés en 1919, sur le fondement de la loi pénale ottomane, par la cour martiale d'Istanbul), et on ne voit pas ce qui justifierait que le législateur s'interdise de tirer aucune conséquence de cette réalité. D'autre part, et ainsi que plusieurs orateurs l'ont souligné lors des débats parlementaires (v., par ex., l'intervention de M. Hervé Marseille, sénateur, lors de la séance du 23 janvier 2012, compte rendu intégral, p. 344, 1re col., 4, pour qui « le juge [...] et lui seul, peut sur le fondement de l'article 211-1 du code pénal qualifier juridiquement les faits », ou encore, lors de la même séance, l'intervention de M. Philippe Kaltenbach, ibid., p. 346, 1re col., 1, selon lequel « on ne peut [...] plus accuser le Parlement de vouloir se muer en tribunal » dans la mesure où « c'est seulement le juge qui, sur le fondement de l'article 211-1 du code pénal, sera amené à qualifier juridiquement les faits »), la référence aux génocides reconnus par la loi française, à l'article 1er de la loi déférée, ne saurait être interprétée comme restreignant la compétence, quant à la qualification des faits dont la contestation ou la minimisation outrancière sera poursuivie sur son fondement, des juridictions qui seront appelées à statuer sur ces poursuites. Il résulte de la lettre même de cet article, en effet, que ces juridictions devront, en toute hypothèse, s'assurer que ces faits répondent à la définition du crime de génocide figurant à l'article 211-1 du code pénal. La reconnaissance, par la loi, que ces faits sont constitutifs d'un génocide est une condition nécessaire à leur incrimination mais ne dispense pas de son office le juge à qui il appartiendra de statuer, le cas échéant, sur toute contestation de la qualification des faits au regard de l'article 211-1. Pour autant, il va de soi que les juridictions ne pourront ignorer que les faits auront fait l'objet d'une reconnaissance par le législateur, eu égard au consensus scientifique qui aura normalement présidé à cette reconnaissance. Il n'est pas sans intérêt de relever, à cet égard, que c'est en se fondant notamment sur l'avis du collège d'experts consulté à l'occasion de l'adoption de la loi du 29 janvier 2001 que les juridictions suisses ont constaté « l'existence d'un large consensus de la communauté, que traduisent les déclarations politiques, et qui repose lui-même sur un large consensus scientifique sur la qualification des faits de 1915 comme génocide » (Tribunal fédéral, 12 décembre 2007, 6B_3982007, point 4.2). L'article 1er de la loi déférée, qui ne réalise ni n'entérine aucun empiètement du législateur sur la compétence des juridictions, ne porte donc aucune atteinte à l'indépendance de celles-ci, non plus qu'au caractère spécifique de leurs fonctions, garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution (v., sur ce dernier point, la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-626 DC du 29 mars 2011, cons. 16). Il n'est en rien contraire, dès lors, à la séparation des pouvoirs. II. SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS A. Les auteurs des saisines reprochent à l'article 1er de la loi déférée de méconnaître le principe de légalité des délits, qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il a pour effet de réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien de 1915 ou sa minimisation outrancière, alors que les éléments constitutifs de ce génocide n'ont pas été précisément identifiés dans une convention internationale ou un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée. Ils estiment également que la rédaction de la loi déférée ne permet pas de savoir si sont seules visées les lois ayant pour objet de reconnaître un génocide, ou si sont également concernées les lois qui, selon eux, ont un tel effet, comme la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ou la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'États voisins. Ils soutiennent, enfin, que la notion de minimisation outrancière à laquelle recourt l'article 1er de la loi déférée n'est pas suffisamment précise pour satisfaire aux exigences du principe de légalité des délits. B. Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. 1. D'abord, en effet, ainsi qu'il a été dit plus haut, l'article 1er de la loi déférée détermine les faits dont la négation ou la minimisation outrancière pourra être réprimée par référence à la définition du crime de génocide figurant à l'article 211-1 du code pénal, dont il ne peut être sérieusement soutenu qu'elle ne satisferait pas aux exigences du principe de légalité des crimes et des délits tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Or, à l'égard des faits ainsi qualifiés, l'intervention d'une loi reconnaissant qu'ils sont constitutifs du crime de génocide, loin de méconnaître ces exigences, renforce au contraire la prévisibilité des dispositions de l'article 1er de la loi déférée, en faisant en sorte que nul ne puisse ignorer à quels événements ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer. Les requérants ne sont donc pas fondés à tirer argument, à l'appui de leur grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits, de la circonstance qu'une telle reconnaissance, précisément parce qu'elle n'a nullement vocation à constituer le substitut d'une condamnation pénale des auteurs du crime ou à imposer au juge du délit de négationnisme une quelconque « vérité officielle », ne puisse être formulée qu'en termes généraux. 2. Il ressort sans ambiguïté des débats parlementaires, ensuite, que le législateur, en se référant aux génocides « reconnus comme tels par la loi française », a eu en vue les seules lois ayant expressément pour objet une telle reconnaissance, et non celles, à supposer qu'il en existe, qui pourraient avoir incidemment un tel effet. Il en résulte qu'en l'état du droit, ainsi qu'il a été dit, les dispositions de l'article 1er de la loi déférée ne sont susceptibles de recevoir application que dans le cas du génocide arménien de 1915. Au demeurant, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale commanderait, même en l'absence de précision, sur ce point, dans les travaux préparatoires, d'adopter une telle lecture des dispositions contestées. 3. Enfin, en réprimant non seulement le fait de contester l'existence des crimes de génocide compris dans son champ d'application, mais aussi le fait de minimiser ceux-ci de façon outrancière, l'article 1er de la loi déférée n'a pas davantage méconnu le principe de légalité des délits. Cette précision, qui vise à déjouer les stratégies du négationnisme, est en effet directement reprise de la jurisprudence des juridictions judiciaires relative à l'application de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, issu de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot ». Alors que ce texte n'incrimine à proprement parler que la contestation de l'existence des crimes entrant dans son champ d'application, la Cour de cassation a jugé qu'il devait trouver à s'appliquer également à la « minoration outrancière » du nombre des victimes de la politique d'extermination dans un camp de concentration déterminé, lorsqu'elle est faite de mauvaise foi (Cass. crim., 17 juin 1997, n° 94-85126, Bull. crim., n° 237). La notion de minimisation outrancière à laquelle recourt l'article 1er de la loi déférée doit donc, au regard de cette jurisprudence dont s'est inspiré le législateur, s'entendre comme le fait, sans en contester ouvertement l'existence, de minimiser, dans des proportions excédant manifestement les besoins du débat public ou de la discussion scientifique, les éléments constitutifs d'un crime de génocide entrant dans le champ d'application de ces dispositions, et notamment le nombre de ses victimes. Pour l'ensemble de ces raisons, le grief tiré de la violation du principe de légalité des délits ne pourra qu'être écarté par le Conseil constitutionnel. III. SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA VIOLATION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DE COMMUNICATION, DE LA LIBERTÉ DE LA RECHERCHE, DU LIBRE EXERCICE PAR LES PARTIS POLITIQUES DE LEUR ACTIVITÉ ET DU PRINCIPE DE NÉCESSITÉ DES PEINES A. Les députés et sénateurs requérants soutiennent que l'article 1er de la loi déférée, en interdisant la libre discussion de faits historiques, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à la liberté de la recherche et au libre exercice, par les partis politiques, de leur activité. Faute d'être justifiée par des raisons sérieuses d'ordre public, la disposition contestée méconnaîtrait également, selon les auteurs des saisines, le principe de nécessité des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789. B. Ces griefs ne pourront être retenus par le Conseil constitutionnel. 1. Ainsi que le rappellent les requérants, il résulte d'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel que la liberté d'expression et de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il n'en résulte pas pour autant que soit proscrite toute atteinte à l'exercice de cette liberté, qui doit être conciliée avec d'autres exigences de valeur constitutionnelle, dès lors que cette atteinte est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi (v., en dernier lieu, la décision n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011, cons. 3). Et, au nombre des objectifs de valeur constitutionnelle susceptible de justifier une telle restriction, figurent la sauvegarde de l'ordre public et de la liberté d'autrui (v. la décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, cons. 16). Au cas d'espèce, l'incrimination, par l'article 1er de la loi déférée, de la négation de certains génocides est justifiée par de tels objectifs et n'excède pas ce qui est nécessaire pour les atteindre. D'une part, en effet, le crime de génocide, tel qu'il est défini par l'article 211-1 du code pénal, se singularise, outre par la gravité des agissements concernés, par un élément spécifique tenant à ce que ces agissements doivent avoir été commis « en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ». Nier l'existence d'un génocide, lorsque la réalité de celui-ci est établie, c'est donc, nécessairement, jeter l'opprobre sur un groupe déterminé dont les membres sont, au moins implicitement, désignés comme les auteurs d'un mensonge collectif. Le négationnisme, quelles qu'en soient les motivations, est donc généralement, fût-ce de manière indirecte, une incitation à la discrimination, qui, eu égard au trouble à l'ordre public qui en résulte, ne peut pas davantage être tolérée que la provocation ouverte à un tel comportement réprimée par le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881. Au-delà, contester ou minimiser un crime de génocide, c'est également, en vertu d'un paradoxe qui n'est qu'apparent, le justifier, ce qui apparente ce comportement à une forme larvée d'apologie qui, là encore, mérite d'être réprimée à l'instar de l'apologie pure et simple mentionnée au cinquième alinéa du même article 24. Dans sa décision sur la recevabilité du 24 juin 2003 dans l'affaire Garaudy c France (n° 6583201), la Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs relevé, pour écarter toute violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, que « la contestation de crimes contre l'humanité appara[issait] comme l'une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d'incitation à la haine à leur égard » et que « la négation ou la révision de faits historiques de ce type remett[aient] en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l'ordre public ». D'autre part, et en tout état de cause, le négationnisme est, en lui-même, une atteinte à la mémoire des victimes et à la dignité de leurs descendants qui, comme l'injure ou la diffamation, doit pouvoir être réprimée, dans certaines circonstances, au nom de la préservation de l'ordre public, notamment de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation, qui est un principe à valeur constitutionnelle (v. la décision n° 94-343344 DC du 27 juillet 1994, cons. 2), et de la liberté d'autrui. Le Gouvernement entend d'ailleurs souligner qu'il existe, en la matière, un consensus à l'échelle de l'Union européenne, lequel s'est traduit par l'adoption de la décision-cadre 2008913JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, dont l'article 1er fait obligation à chaque État membre, sous certaines réserves et conditions, de réprimer, notamment, l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide. Sans doute l'article 1er de la loi déférée ne précise-t-il pas, à l'instar de la décision-cadre, qui vise également les autres crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, que la négation des crimes de génocide n'est passible de poursuites que « lorsque le comportement est exercé d'une manière qui risque d'inciter à la violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un membre d'un tel groupe ». La raison en est que la formulation expresse d'une réserve en ce sens n'apparaissait pas s'imposer, dès lors qu'un tel risque peut être regardé comme consubstantiel à la contestation du crime de génocide, pour les raisons qui ont été indiquées précédemment. Elle est toutefois, pour cette raison même, inhérente à l'économie de la disposition soumise à l'examen du Conseil constitutionnel. Comme la Cour d'arbitrage de Belgique a eu l'occasion de le souligner à propos de dispositions ayant une portée similaire à celles de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, en effet, « qu'il s'agisse de nier le génocide, de l'approuver, de chercher à le justifier ou de le minimiser grossièrement, les agissements érigés en infraction par la loi présentent ce trait commun qu'il n'est guère concevable de les adopter sans vouloir, ne fût-ce qu'indirectement, réhabiliter une idéologie criminelle et hostile à la démocratie et sans vouloir, par la même occasion, offenser gravement une ou plusieurs catégories d'êtres humains » (arrêt n° 45-96 du 12 juillet 1996, B.7.10). Dans ces conditions, l'article 1er de la loi déférée ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive à la liberté d'expression et de communication, que soient en cause des particuliers ou les membres des partis politiques, auxquels la Constitution ne réserve, à cet égard, aucun traitement particulier. Pour les mêmes raisons, il ne méconnaît pas le principe de nécessité des peines énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, étant souligné à nouveau, au surplus, que le législateur a pris soin, en subordonnant les poursuites à une reconnaissance législative préalable, de se donner les moyens de constater, au cas par cas, la nécessité de réprimer la négation de tel ou tel crime de génocide. 2. L'article 1er de la loi déférée n'a pas davantage pour effet de restreindre de façon arbitraire la libre expression des enseignants-chercheurs, qui résulte d'une exigence constitutionnelle (v. la décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, cons. 7), et, d'une manière générale, ne porte aucune atteinte à la liberté de la recherche historique. D'une part, en effet, le délit prévu par la disposition critiquée ne sera constitué, ainsi qu'il a été dit plus haut, que si les faits contestés ou minimisés de façon outrancière sont reconnus, par la juridiction saisie des poursuites, comme constitutifs du crime de génocide au sens de l'article 211-1 du code pénal. Seule pourra donc être poursuivie la négation de faits dont cette juridiction constatera qu'ils sont établis au-delà de toute contestation par le consensus des historiens ainsi que, le cas échéant, par les pièces produites devant elle. D'autre part, à l'instar du comportement réprimé par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, tel qu'interprété par la Cour de cassation, la contestation ou la minimisation outrancière d'un crime de génocide ne sera passible des sanctions prévues par l'article 1er de la loi déférée que si celle-ci est faite de mauvaise foi (v. Cass. crim., 17 juin 1997, préc.). L'auteur d'un travail répondant aux exigences d'objectivité et de sérieux de la recherche historique, aussi iconoclaste qu'en soient les conclusions, ne pourra donc en aucun cas être poursuivi sur le fondement de ces dispositions. La loi déférée ne saurait donc être regardée comme de nature à entraver le développement de la recherche historique sur les crimes compris dans son champ d'application. IV. SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ A. Les auteurs des saisines soutiennent que l'article 1er de la loi déférée consacre une double différence de traitement qui n'est pas justifiée par l'objectif de lutte contre le négationnisme que s'est assigné le législateur : entre le crime de génocide et les autres crimes contre l'humanité, d'une part ; entre les génocides reconnus par la loi française et ceux qui ne le sont pas, alors même qu'ils auraient été reconnus par des juridictions, d'autre part. Ils en déduisent que les dispositions contestées sont contraires au principe constitutionnel d'égalité. B. Ce grief n'est pas davantage fondé que les précédents. D'une part, en effet, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, le crime de génocide se singularise, au sein des crimes contre l'humanité, par un élément intentionnel spécifique, qui donne à la négation d'un tel crime une portée particulière. Eu égard à cette différence de situation, l'article 1er de la loi déférée a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, comprendre dans son champ d'application les seuls crimes de génocide, à l'exclusion des autres crimes contre l'humanité ou encore des crimes de guerre. D'autre part, en ce qui concerne les crimes de génocide, et indépendamment de ceux dont la contestation est d'ores et déjà réprimée par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, le législateur a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, estimer, d'une part, qu'il était particulièrement nécessaire de réprimer la négation du génocide arménien de 1915, eu égard tant à l'ampleur, en ce qui le concerne, du phénomène négationniste qu'au grand nombre de descendants des victimes de ce crime qui vivent sur le sol français, et qu'il était désormais possible de le faire eu égard à la place occupée par ce génocide dans la mémoire collective républicaine, dont témoigne le consensus ayant présidé à l'adoption de la loi du 29 janvier 2001. L'article 1er de la loi déférée n'est donc en rien contraire au principe constitutionnel d'égalité Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi. Cette loi nous paraît doublement inconstitutionnelle. D'une part, cette loi ne ressort pas du champ législatif. Il n'est nullement prévu par la Constitution que le Législateur s'autorise le droit de formuler une vérité historique et qu'il en sanctionne les manquements en l'assortissant d'une peine de prison et d'une amende. Qui plus est, notre Parlement ne peut « se défausser» sur le Conseil Européen qui dans sa décision-cadre de 2008, ne vise que la sanction des crimes contemporains et non ceux du passé. D'autre part, cette loi constitue une atteinte manifeste à la liberté d'opinion et d'expression dès lors qu'il n'y a pas appel ou incitation à la haine raciale. La loi crée un délit nouveau de « minimisation» de tout crime qualifié de génocide par notre Parlement. La mission d'information de l'Assemblée nationale conduite en son temps par Bernard Accoyer avait pourtant dénoncé dans un bel ensemble, à l'unanimité, ces lois mémorielles où le Législateur se fait historien et interdit à la critique historique de faire son travail. Vous trouverez ci-joint les signatures des 66 députés qui souhaitent saisir le Conseil Constitutionnel au sujet de cette loi. Veuillez agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, l'expression de ma haute considération. Jacques MYARD Député des Yvelines Michel DIEFENBACHER Député de Lot-et-Garonne Mémoire de saisine sur la loi, adoptée par le Sénat le 23 janvier 2012, visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi. Les saisissants ont l'honneur de vous déférer l'article premier de la proposition de loi définitivement adoptée par le Sénat le 23 janvier 2012, visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi, et le dernier alinéa de l'article 2, qui en est indissociable. Ils tiennent à préciser d'emblée que la saisine n'entend nullement soutenir ou tolérer un négationnisme quelconque: tout génocide est absolument, irrémédiablement et sans conteste condamnable par la conscience individuelle et collective: cela n'est pas en cause. Ce qui est en cause, c'est la volonté législative de soustraire de tels faits à la réflexion collective et au débat public en employant des voies pénales. Il convient en effet de souligner que le texte déféré établit le principe, d'une manière inédite dans notre droit, d'un délit subordonné à une reconnaissance légale. A la différence de la loi n° 90- 615 du 13 juillet 1990, il ne vise pas un événement historique révolu, reconnu par le droit international, précis et ne vise pas davantage à réprimer des actes racistes ou xénophobes, mais il crée un délit applicable en fonction d'une reconnaissance législative totalement aléatoire. L'histoire n'est en effet pas un sujet juridique et elle ne peut donc être un sujet législatif. Il n'est pas besoin de lire Orwell pour savoir que les Etats totalitaires peuvent pratiquer une « police» de l'histoire, en régir l'usage, en interdire le débat. La démocratie, au contraire, si elle se doit de juger les auteurs de crimes contre l'humanité, de les dénoncer constamment ne saurait, précisément pour ce motif, exercer une police de l'histoire. Or, le texte déféré ne porte pas sur l'incrimination du génocide, déjà présente en droit français comme international, il porte sur la prohibition de la contestation de certains génocides: ceux qui ont été ou seront reconnus par la loi. On se demande sur quelle base un pouvoir d'appréciation du génocide peut ainsi être établi au seul plan législatif: non pour le juger mais pour faire obstacle à la liberté d'expression : le génocide arménien, reconnu par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 serait il -et selon quel critère - plus ou moins « contestable» - au sens du texte déféré que les exactions commises au Cambodge, dans l'ex- Yougoslavie, au Rwanda? Les guerres de religion en France, le « génocide vendéen », que plusieurs propositions de loi visent à reconnaître, ou, plus proches de nous les évènements en Cote d'ivoire et en Libye doivent ils tomber sous le coup du délit ainsi créé, et dans l'affirmative à quel moment et selon quel critère? La sanction d'un crime contre l'humanité appartient en toute hypothèse au juge, appliquant des critères nationaux ou internationaux. Elle ne saurait résulter d'une reconnaissance législative. Si le critère de cette reconnaissance est historique, alors le législateur n'est pas fondé à pénaliser, à un moment de l'histoire, la contestation du génocide : en quoi cette contestation est-elle plus scandaleuse aujourd'hui qu'hier? S'il tient au caractère concerté de l'action, au sens de l'article L.211-1 du code pénal, quel est le degré d'implication d'une population exigé. Si le critère tient au nombre de victimes, y a-t-il des degrés dans l'horreur? Cette saisine ne saurait donc faire abstraction de la remise en cause plus générale, des lois dites « mémorielles », auquel le texte déféré fait référence, tentatives d'appréhension législative d'un jugement de faits historiques, dont il serait nécessaire de pénaliser la remise en cause publique. Le texte qui vous est déféré ne constitue qu'une expression, particulièrement mal construite au plan juridique, de cette volonté de pénalisation attachée à la contestation d'un fait historique. Or la loi n'a pas à « faire» l'histoire, ni à la définir, ni à la protéger. En s'assignant un tel but, le législateur poursuit un objectif impossible à atteindre : affirmer le caractère intouchable, indiscutable d'appréciations de faits révolus. Ce ne sont pas les faits qui seraient ainsi pénalisés, comme ils le sont par ailleurs, mais bien leur débat. Le législateur ne peut tout faire. On mesure d'emblée l'impossible prohibition juridique portant non sur des faits réprimés par le code pénal comme par le droit international, mais sur des appréciations historiques: en pénalisant la négation de certains génocides, le législateur poursuit un objectif que le droit ne peut atteindre: celui de sanctuariser des faits historiques considérés comme indiscutables. En s'attachant à l'histoire des peuples, fût elle tragique, le législateur touche à l'irrationnel, au sentiment national, à l'appartenance collective, à l'analyse de faits. Faut-il citer Paul Veyne: « le rangement d'évènements dans des catégories exige l 'historisation préalable de ces catégories, sous peine de classement erroné ou d'anachronisme. De même, employer un concept en croyant qu'il va de soi est risquer un anachronisme implicite» (Comment on écrit l'histoire, Seuil, 1971, p.95). En touchant à des appréciations subjectives, le législateur entre dans l'inconstitutionnalité. Les saisissants ne contestent nullement l'existence des génocides, ni la possibilité d'en incriminer les auteurs ou les promoteurs. Ils contestent, en revanche, au plan constitutionnel, la possibilité de créer un délit nouveau, subordonné à une reconnaissance législative, et aléatoire, de faits historiques. Le jugement, au sens juridique du terme, appartient aux juges (et non, on y reviendra infra, au législateur). Le jugement, au sens heuristique du terme, ne peut appartenir qu'au débat historique public, que la loi vise précisément à empêcher. Le jugement, au sens éthique du terme, ne peut appartenir qu'à la conscience humaine, individuelle ou collective. En créant un délit de contestation d'un fait historique, à contenu aléatoire en fonction d'une reconnaissance par la loi, le texte déféré confond ces différentes catégories. La disposition qui vous est déférée, même si elle s'insère dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, n'en constitue pas moins une disposition répressive: elle vise à punir la contestation de l'existence d'un crime de génocide d'une peine d'un an de prison et de 45 000 EUR d'amende. En incidente, et même s'il n'incombe pas au Conseil Constitutionnel d'assurer la conventionnalité de la loi, il convient d'observer en outre que le texte déféré peut également s'avérer contraire au statut de la Cour Pénale Internationale, dont les décisions risquent de diverger avec la «reconnaissance» législative interne prévue par ce texte, et alors même que celui-ci pourrait faire obstacle aux témoignages ou à l'exercice des droits de la défense devant cette Cour. Nonobstant la mention de la Convention portant statut de la Cour dans l'article 53-1 de la Constitution, le Conseil (n° 2008-612 DC du 5 août 2010) a refusé d'y voir une obligation qui imposerait à la loi le respect de la Convention, à l'égal de celle qui résulte de son article 88-1. Pour autant, les risques de distorsions avec le droit international, largement ignorés lors du débat parlementaire, ne peuvent manquer d'être soulignés. Ils démontrent une certaine impréparation législative, qui en affecte par ailleurs gravement le contenu. Elle ne saurait résister aux nombreux griefs d'inconstitutionnalité qu'elle encourt. 1°) Le législateur a méconnu sa propre compétence. Le texte renvoie la sanction à deux critères cumulatifs: la définition du crime de génocide à l'article 211-1 du code pénal et la « reconnaissance comme tels par la loi française ». La loi ne peut pas « reconnaître» un génocide, puisque cette disposition par elle-même est dénuée de toute force opératoire: la loi ne « reconnaît» pas, elle dispose, ordonne, prohibe, détermine, et doit posséder une valeur impérative. C'est ce qui ressort très clairement de la décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005: « Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier; son article 34 ; qu'à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu'à la loi ». L'exigence d'impérativité de la loi est d'autant plus évidente que depuis la révision du 23 juillet 2008, l'article 34-1 de la Constitution offre un cadre adéquat à des« reconnaissances ». Le Conseil a déjà eu l'occasion de se prononcer sur une « reconnaissance» de faits historiques par la loi. La décision n° 2006-203 L du 31 janvier 2006, qui ne statuait que sur le seul point de savoir si le texte déféré présentait ou non un caractère réglementaire et non sur sa constitutionnalité (n° 95-177 L du 8 juin 1995, cons. l) n'a pu que constater que la mention – on n'emploiera pas ici le terme de «disposition »- selon laquelle: « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer : notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit » ne ressort pas du domaine de la loi. La situation est ici aggravée par le fait que cette reconnaissance législative, en elle-même inopérante, permettrait de déclencher des poursuites pénales. Il n'est donc pas possible de faire dépendre l'application de la loi d'une condition législative distincte, en elle-même inopérante, et qui n'est soumise à aucun critère: tel génocide entrera dans le champ d'application de l'article 24 ter de la loi du 29 juillet 1881, si le législateur en décide ainsi, tel autre n'y entrera pas faute d'une reconnaissance spécifique. Outre la rupture d'égalité qui en résulte (voir infra), ce texte est donc d'application aléatoire en fonction de cette « reconnaissance» qu'aucun critère n'encadre. Sauf à considérer que toute loi reconnaissant un génocide aurait une valeur définitive --auquel cas le législateur méconnaîtrait son pouvoir d'abroger ou de modifier le champ d'une disposition antérieure- et que le sujet en lui même entre bien dans le domaine de la loi –alors qu'aucune des catégories de l'article 34 de la Constitution ne vise de tels textes- l'article premier du texte déféré pourrait à tout moment voir son champ modifié du fait d'un déclassement ou d'une abrogation, rendant ainsi l'application d'un délit particulièrement aléatoire, puisqu'elle dépendrait dans le premier cas du pouvoir réglementaire, dans le second d'une simple abrogation. On voit mal comment la « reconnaissance» par la loi d'un fait historique mais aux conséquences pénales certaines, pourrait échapper à l'inconstitutionnalité : elle ne répond ni aux critères constitutionnels de clarté, de généralité et d'impérativité de la loi et n'entre dans aucune des catégories de l'article 34 de la Constitution. Comment sur une telle base juridique, inconstitutionnelle, est-il alors possible de créer une incrimination? Une loi inopérante en elle-même, susceptible de déclassement ou de remise en cause par le législateur ne peut servir de base à la détermination précise d'un délit. L'impérativité, la clarté et l'intelligibilité de la loi sont donc méconnues. La détermination d'un délit par reconnaissance d'un fait précis par la loi, c'est-à-dire par renvoi à une autre loi, qui ne présente aucune portée en elle-même, qui n'a pas de valeur générale, mais ne vise qu'un cas précis, et conditionne ainsi l'application de la loi pénale à ce cas, ne peut échapper à la censure. 2°) L'article XVI de la Déclaration des droits de l'homme est méconnu. En faisant dépendre l'application même du délit non seulement de la décision du juge pénal, en application de l'article 211-1 du code pénal, mais également d'une « reconnaissance» par le législateur d'un génocide précis, l'article 1er de la proposition méconnaît en outre la séparation des pouvoirs: le législateur ne peut établir lui-même les cas concrets d'application de la loi pénale, mais seulement déterminer la généralité des cas auxquels elle s'applique. 3°) La clarté et l'intelligibilité de la loi pénale sont méconnues La jurisprudence constitutionnelle condamne justement, en matière pénale, toute imprécision législative: ainsi le mot famille a-t-il été considéré comme insuffisamment précis pour une simple tentative de qualifier -et non pas réprimer- l'inceste (n° 2011- 163, QPC 16 septembre 2011: le législateur « ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification comme membres de la famille ») La notion de« minimisation de façon outrancière» de l'existence d'un fait« reconnu» comme génocide ne répond pas à la nécessaire clarté de la loi pénale. Le débat scientifique d'un fait - lieu d'un massacre, durée, nombre de victimes, méthodes d'extermination massive, etc.- doit trouver sa place en histoire, et peut conduire à minimiser tel ou tel fait. Qu'est-ce qu'une « minimisation de façon outrancière », notion qui ne peut que conduire à une appréciation purement subjective? L'outrance est elle dans la remise en cause d'un nombre de victimes, dans la contestation de la durée du crime contre l'humanité, dans la discussion d'un lieu, ou de l'auteur réel d'un acte, dans la prise en compte d'une résistance parmi le groupe des criminels, etc.? Une telle mention, par son imprécision, est en elle-même contraire à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme. Cette mention ne peut échapper à l'inconstitutionnalité. 4°) L'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est méconnu. La prohibition de la contestation du génocide, et la peine qui en découlent, n'est en rien nécessaire. Un nombre très élevé d'auteurs, et non des moindres, jugent au contraire qu'il est indispensable que le débat portant sur des faits historiques ait lieu: empêcher, c'est précisément laisser accroître qu'il y aurait une vérité historique légale, protégée parce reconnue officiellement, incontestable publiquement donc soumise à suspicion. Or les saisissants répètent que, précisément parce qu'il existe une vérité historique, il ne saurait y avoir de vérité historique légale. On ne lutte pas contre une affirmation, si mensongère soit elle en en empêchant l'expression, mais au contraire en démontrant publiquement son caractère erroné. Ni la prohibition, ni la peine qui s'y attache ne sont nécessaire à l'objectif de lutte contre les génocides et de sanction de leurs auteurs et de leurs promoteurs. 5°) Le dispositif est contraire à la liberté de communication, garantie par l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En prévoyant une véritable censure de propos, l'article premier de la proposition de loi porte une atteinte à la liberté de communication. Les saisissants n'ignorent certes pas que la Cour de cassation, par la décision n° 12008 du 7 mai 2010, a refusé de voir une question de constitutionnalité « sérieuse» dans la loi n° 90- 615 dite «loi Gayssot », en se fondant sur le fait que « l'incrimination se réfère à des textes régulièrement introduits en droit interne ». Outre le fait que la référence à toutes les lois promulguées et à venir reconnaissant des génocides, ne peut être considérée comme constitutionnelle, et donc régulièrement introduite en droit interne, le raisonnement ainsi suivi paraît tautologique: ce n'est pas parce que le législateur a défini une incrimination que la question de constitutionnalité n'est pas sérieuse. En réalité, la Cour a statué en opportunité, privant le Conseil constitutionnel de la compétence d'attribution qui lui est exclusivement dévolue par l'article 61-1 de la Constitution, confondant ainsi le rôle de filtre et celui de juge du fond de la QPC. La question de constitutionnalité posée par les lois d'incrimination mémorielle est bien «sérieuse» au sens de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 : pénaliser une atteinte au passé peut il être jugé conforme à la liberté de communication ? La jurisprudence issue de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme (Marais c/ France n°31159/96, 24 juin 1996), par laquelle a été appréciée la conventionnalité de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, admet que la liberté d'expression telle qu'elle est conçue par la Convention n'est pas méconnue dans un cas particulier: « La Commission estime que les écrits du requérant vont à l'encontre de valeurs fondamentales de la Convention, telle que l'exprime son préambule, à savoir la justice et la paix. Elle considère que le requérant tente de détourner l'article 10 (art. 10) de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d'expression à des fins contraires au texte et à l'esprit de la Convention et qui, si elles étaient admises, contribueraient à la destruction des droits et libertés garantis par la Convention ». Même si l'on peut s'étonner que dans d'autres cas, la dignité de la personne humaine ne soit pas valorisée par la jurisprudence de la Cour (C.E.D.H. K.A. c/ Belgique, 17 février 2005), on comprend que la finalité même de la Convention soit en l'espèce mise en avant pour justifier que la protection de la libre communication ne soit pas invocable du fait de la Convention elle-même : cette décision retient justement que le jugement du tribunal de Nuremberg peut être opposé à l'intéressé. Elle statue également sur une disposition qui entend donner plein effet à une convention internationale, en l'espèce le statut du tribunal international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945. Elle n'est donc pas transposable au cas d'un texte qui porte atteinte à toute liberté de communication au regard de seuls critères nationaux. En toute hypothèse, ce n'est pas sous l'angle de la conventionnalité que doit être appréciée l'incrimination en cause, mais bien sous le seul angle de la constitutionnalité. Or, à cet égard la jurisprudence du Conseil est explicite. Elle ne saurait admettre une impossibilité d'expression, pénalement sanctionnée. La décision n° 2009 580 DC du 8 juin 2009, affirme ainsi avec la plus grande netteté: « la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés : que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ». En l'espèce, même en admettant que l'objectif poursuivi soit seulement la reconnaissance d'un génocide, la prohibition de sa remise en cause n'est certainement pas proportionnée à cet objectif. Dès lors que sont en cause tous les moyens d'expressions publiques visés par l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881: discours, imprimés, images, discours, affiches, communication électronique, etc. le délit considéré prive, par sa généralité, non seulement les historiens, non seulement les citoyens, mais aussi ceux qui seraient « désignés» par la rumeur publique comme les auteurs ou les complices d'un génocide du droit de se défendre publiquement par les moyens qu'il souhaite, dès lors que la loi aurait reconnu l'existence dudit génocide. L'article X de la Déclaration des droits de l'homme est de ce fait méconnu. 6°) La liberté de la recherche est méconnue La liberté de la recherche est affirmée avec netteté dans la décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984: « par leur nature même, les fonctions d'enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables ». Plus précisément, la décision n° 2010-20 QPC réaffirme: «la garantie de l'indépendance des enseignants-chercheurs résulte d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ». En faisant obstacle à la négation d'un fait historique, la loi porte atteinte à la liberté, constitutionnellement garantie, de la recherche et à l'indépendance des enseignants chercheurs qui en découle. 7°) Le délit établit une distinction entre le génocide « reconnu par la loi française» et tous les autres crimes contre l'humanité, et méconnaît le principe d'égalité, sans justification appropriée. Le texte crée un délit de négation des seuls génocides reconnus par la loi française, selon des critères exclusivement nationaux. Ainsi, un génocide jugé par le tribunal pénal international (point qui sera abordé infra), ou par le juge pénal français, voire par l'un et par l'autre- ce que l'article 17 du statut n'exclut pas pourrait continuer d'être contesté au plan interne, tandis qu'un génocide défini à l'article 211-1 du code pénal et reconnu par la loi ne pourrait plus l'être. En établissant une distinction reposant sur de seuls critères législatifs nationaux entre les génocides, l'article premier de la proposition introduit une différence de traitement qui n'est pas justifiée au regard des objectifs de lutte contre le négationnisme. Une même rupture d'égalité résulte du fait que ce texte ne vise que le génocide et omet les autres crimes contre l'humanité visés à l'article 212-1 du code pénal ou à l'article 7 du statut du tribunal militaire annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, texte d'ailleurs visé par la proposition de loi dans sa version initiale. Si le Conseil admet une distinction entre les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, comme le précise la décision n° 2010- 612 DC du 6 août 2010 Les crimes contre l'humanité sont pourtant, tous, punis par le code pénal par les mêmes peines. Est il plus dangereux pour la démocratie ou la dignité de l'homme, de nier le génocide que la déportation ou la pratique systématique de la torture? En limitant le champ d'une incrimination à des génocides, le législateur commet également une rupture d'égalité au regard des autres crimes contre l'humanité. Donc, à supposer même que le Conseil admette que les atteintes manifestes portées par le texte déféré aux principes du droit pénal, à la liberté de communication et à la liberté de la recherche soient justifiables au regard des objectifs poursuivis par le texte déféré, serait alors en cause le principe d'égalité, sans aucune justification au regard de ces mêmes objectifs. 8°) Le libre exercice d'activités des partis politiques est limitée sans justification appropriée. Les seules limites qu'impose l'article 4 de la Constitution à la formation et à l'activité des partis politiques résident dans le respect des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, auxquels naturellement s'ajoute le respect du principe de légalité dans leur fonctionnement ou leurs règles de financement. Les débats politiques ne sauraient être autrement restreints que par les limites posées à l'article 4. Un parti politique, au sens de cet article, peut donc parfaitement s'appuyer sur une vision de l'histoire, des relations internationales, un dialogue avec des partis politiques étrangers la conduisant à remettre en cause les incidences d'un génocide passé sur la conduite des relations internationales aujourd'hui. Compte tenu de la rédaction retenue, et même dans le cas d'un parti parfaitement démocratique, la pénalisation des propos publics peut ainsi être une entrave à l'activité des partis politiques. La question, par exemple, de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne est à ce point liée à la reconnaissance du génocide arménien que tout débat pourrait rapidement tomber sous le coup de l'incrimination, puisque l'appréciation des faits n'est évidemment pas sans conséquences actuelles. Or les partis politiques ne pourraient donc plus contester, ni même débattre, de ce point. Ainsi, le dispositif est il contraire à l'article 4 de la Constitution. Tels sont les motifs pour lesquels les saisissants demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution l'article premier de la proposition de loi déférée, ainsi que le troisième alinéa de son article 2, qui en est indissociable. Monsieur le Président Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi, telle qu'elle a été définitivement adoptée par le Sénat le 23 janvier 2012. Il va de soi, mais nous tenons à le préciser afin d'éviter toute ambiguïté, que la présente saisine est exclusivement motivée par des considérations de principe et de rigueur constitutionnelle, cependant que ses auteurs, comme la majorité de leurs collègues parlementaires, jugent également odieuses toutes les mises en cause de la réalité de faits dont la mémoire doit demeurer, dont le souvenir est douloureux pour les descendants de ceux qui en furent les victimes, et dont nous nous sentons pleinement solidaires. En d'autres termes, contester cette loi n'est certes pas cautionner le moindre négationnisme, mais seulement rappeler au respect de notre loi fondamentale. Or, celle-ci nous paraît gravement méconnue dans plusieurs de ses principes les plus éminents, parmi lesquels ceux des libertés de communication et d'expression, d'une part, de légalité des délits et des peines, d'autre part. A - Sur les libertés de communication et d'expression 1. La libre communication des pensées et des opinions est, comme l'affirme l'article 11 de la Déclaration de 1789, « un des droits les plus précieux de l'Homme» et c'est pour cela que chacun peut donc «parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi ». Se trouvent ainsi proclamées simultanément la liberté de communication, qui porte sur les moyens d'émettre ou de recevoir des pensées, opinions ou informations, et la liberté d'expression, qui porte sur le contenu de ces pensées et opinions (1). Sur cela, qui est déjà substantiel, le Conseil constitutionnel a tenu à préciser que ces libertés sont d'autant plus essentielles que leur « exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale » (2) et même, plus nettement encore, « une condition de la démocratie » (3). 2. Cette liberté n'a de sens que celui de protéger les expressions qui choquent, qui heurtent ou qui dérangent, puisque les autres, par définition, n'ont nul besoin de sauvegarde. En conséquence, le fait que tel discours puisse être pénible, voire insupportable, à certains de ceux qui le reçoivent, loin d'être motif suffisant à l'interdire, traduit, au contraire, l'exercice de cette liberté fondamentale. Le principe est donc simple qui veut que la liberté soit la règle, avec tout ce qu'elle peut parfois impliquer de trouble ou de réprobation, et que les limitations soient l'exception, dûment circonscrites car il s'agit toujours d'atteintes à la liberté. C'est ce que le Conseil constitutionnel exprime désormais en considérant que « les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi » (4). 3. La question immédiate qui se pose alors est celle des critères de cette nécessité. Le Conseil constitutionnel y a précocement répondu lorsqu'il a considéré, dès 1982, que la liberté devait être conciliée avec « les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels, auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte » (5), affirmation que l'on retrouve dans des décisions plus récentes. (6) Il en résulte qu'imposer des limitations ne relève pas d'une libre appréciation du législateur, qui serait fondée sur ce qu'il estimerait souhaitable ou opportun, mais que cela doit tendre à satisfaire l'un des objectifs de valeur constitutionnelle qui, du fait même de cette valeur, peuvent seuls légitimer une restriction de la liberté. Il va de soi, en effet, que cette dernière cesserait d'être si des motivations infra-constitutionnelles pouvaient suffire à la remettre en cause. 4. C'est à la lumière des ces rappels sommaires qu'il convient d'examiner la loi déférée. On constate alors, premièrement, que les libertés de communication et d'expression seraient évidemment atteintes, deuxièmement, qu'elles le seraient par des mesures qui ne seraient nullement « nécessaires, adaptées et proportionnées». 5. Contester ou minimiser un génocide peut être, selon les cas, aberrant ou odieux, souvent les deux à la fois. Pour autant, cela demeure une pensée, une opinion, quelque pénible qu'elle puisse être, qui peut même se révéler argumentée, parfois avec des prétentions scientifiques plus ou moins justifiées. Or cette pensée ou cette opinion exposerait son auteur à une condamnation pénale, lourde de surcroît. L'atteinte à la liberté, qui ne se mesure certes pas, et plutôt au contraire, à la sympathie que l'on peut avoir pour l'opinion exprimée, ne souffre donc guère de doute. 6. Elle porterait sur le fait de contester ou minimiser « l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide défini à l'article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française ». A priori, seul serait concerné le génocide arménien de 1915 (7), ce qui appelle deux observations essentielles. La première est pour souligner que ce drame historique, avéré, n'a cependant donné lieu à aucune reconnaissance par une convention internationale, ni par des décisions de justice passées en force de chose jugée. Comme l'a relevé le rapporteur au Sénat, le Président Sueur: «sur un plan strictement juridique, il n'existe pas de définition précise, attestée par un texte de droit international ou par des décisions de justice revêtues de l'autorité de la chose jugée, des actes constituant ce génocide et des personnes responsables de son déclenchement » (8). En ceci, il se distingue du génocide visé par la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990. La seconde observation consiste à relever que si la loi déférée était promulguée, elle donnerait au Parlement une compétence nouvelle que n'a certes pas prévue l'article 34 de la Constitution, non plus qu'aucune autre de ses dispositions. 7. En effet, le législateur pourrait, dans l'avenir, prendre sur lui de déterminer une sorte de vérité officielle par détermination de la loi, en reconnaissant l'existence d'un génocide, avec comme conséquence automatique d'étendre le champ de l'interdit ici envisagé. L'histoire de l'humanité n'est pas avare de tragédies. Toutes, même, n'appartiennent pas au passé, plus ou moins lointain. D'un côté, donc, s'engageraient des batailles de mémoire, dont les vainqueurs seraient ceux qui parviendraient à obtenir la reconnaissance législative. De l'autre, toutes sortes de circonstances politiques pourraient conduire le Parlement à qualifier de génocide un drame en cours, particulièrement horrible ou poignant, avec comme effet que ce ne seraient plus seulement les historiens mais également les journalistes qui seraient mis dans l'impossibilité d'accomplir normalement leur tâche, sauf à risque d'en répondre pénalement. 8. Dès lors, la loi qui vous est déférée est deux fois attentatoire aux libertés de communication et d'expression: une fois à propos du génocide arménien, une seconde fois à propos de tout génocide que le Parlement déciderait de reconnaître dans l'avenir, sans que le Conseil constitutionnel puisse alors y faire échec s'il laissait promulguer le texte qui aurait rendu possible cet ajout considérable, cette extension dangereuse et imprévue de l'article 34 de la Constitution et de la compétence du législateur. 9. A cette démonstration sur la gravité de l'atteinte à la liberté et sur l'atteinte consécutive à l'article 34, s'ajoute un autre élément. La loi est libellée de telle sorte qu'elle incrimine la minimisation outrancière. Indépendamment des problèmes que cette notion pose au regard d'un autre principe (infra B), elle signifie que toute démonstration qui tendrait à établir, par exemple, qu'un massacre impitoyable et méthodique a eu lieu mais que celui-ci, pour des raisons de fait ou de droit que l'auteur donnerait, ne lui paraît cependant pas relever de la catégorie juridique du génocide, pourrait être poursuivie. Pour le dire autrement, si la loi a reconnu un génocide, aucune autre qualification ne serait plus possible, sauf à provoquer des sanctions pénales. Or, le Conseil constitutionnel a très logiquement considéré, à propos de la liberté proclamée à l'article 11 de la Déclaration de 1789, que « cette liberté implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée ». Ici, pourtant, c'est le choix des termes employés - en pariant, par exemple, de massacres systématiques au lieu de génocide - qui serait le fait générateur de l'infraction. Il s'agit là d'une circonstance encore aggravante à l'atteinte frontale que le texte adopté porterait à la liberté de l'article 11 de la Déclaration de 1789. 10. Pourrait également être mobilisée, enfin, la liberté des enseignants et des chercheurs. Le Conseil constitutionnel, en effet, n'a pas manqué de rappeler que «par leur nature, les fonctions d'enseignement et de recherche exigent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des enseignants-chercheurs soient garanties» (10). L'on n'y insistera pas, même s'il fallait la mentionner pour mémoire et a fortiori, car la question n'intéresse pas les seuls historiens mais, comme on l'a vu, les journalistes aussi et, au-delà de ces professions, les citoyens en général, que concerne ou préoccupe la défense des libertés. 11. L'existence de ces atteintes étant établie, il reste à rechercher si elles pourraient être jugées « nécessaires, adaptées et proportionnées ». Relevons déjà qu'il faudrait des motifs singulièrement puissants pour justifier une mesure qui violerait simultanément tant la liberté de communication que la liberté d'expression, la liberté de s'exprimer avec les mots de son choix, la liberté des enseignants et des chercheurs ... Ils sont inexistants, au regard des indications données en la matière par le Conseil constitutionnel lui-même. Les objectifs de valeur constitutionnelle, seuls de nature à rendre légitime une restriction à l'article 11 de la Déclaration de 1789, sont, rappelons-le (supra, 3), la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels. Le dernier n'est pas ici en cause et seuls pourraient donc être envisagés les deux premiers. 12. S'agissant de l'ordre public, c'est lui qui est directement visé par la décision cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, que visait explicitement la proposition de loi initiale. De fait, le Conseil de l'Union européenne y recommande aux Etats d'introduire des dispositifs répressifs dans leur droit pénal notamment, selon le c) de l'article premier, pour sanctionner «l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l 'humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d'un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique». Mais il n'y a lieu à procéder ainsi, toujours selon le même article, que dans les cas où « le comportement est exercé d'une manière qui risque d'inciter à la violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un membre d'un tel groupe ». Cette seconde condition n'est manifestement pas présente, et chacun doit s'en féliciter, sur le seul génocide aujourd'hui expressément reconnu par la loi (11). Nos compatriotes d'origine arménienne, heureusement, ne font l'objet d'aucune incitation à la haine ou à la violence, mais plutôt de solidarité dans la compassion, pas plus, à vrai dire, qu'il ne se trouve de voix significatives ou nombreuses pour contester ou même banaliser le génocide dont leurs parents furent victimes. Dans ces conditions, l'objectif de sauvegarde de l'ordre public est purement et simplement absent. A ceux qui pourraient s'offusquer des conséquences de ce constat, qui pourraient s'étonner de ce qu'il faille attendre la survenue éventuelle de troubles graves pour y remédier, au risque, ce faisant, de les encourager, on répondra que c'est effectivement le prix normal de la liberté: celle-ci ne saurait être limitée pour faire face à des dangers qui ne seraient que virtuels. 13. Qu'en est-il alors de l'autre objectif de nature à justifier un interdit, le respect de la liberté d'autrui? Il est tout aussi inexistant au cas présent. Ce n'est pas une liberté, en effet, que celle qui doterait chacun d'un droit à n'être jamais choqué ou heurté, y compris de manière douloureuse. La liberté d'autrui qu'il s'agit de protéger est une liberté objective, celle de tous, qui pourrait se trouver atteinte, par exemple, par des propos racistes ou xénophobes dont les victimes ne seraient pas seulement ceux qui en seraient les cibles directes, mais aussi tous ceux qu'insupporte ces atteintes aux personnes que sont, par essence, le racisme et la xénophobie. Au contraire, la liberté d'autrui qu'il s'agit de protéger ne saurait être une liberté subjective, qui dépendrait de l'histoire personnelle ou familiale et de la sensibilité de chacun, faute de quoi il n'y aurait plus de limites aux atteintes qui pourraient alors être portées au droit de s'exprimer. Le mauvais goût, l'erreur, la stupidité ou l'aberration même ne sauraient être matière à interdits. En conséquence, on cherche en vain ici quelle liberté d'autrui serait aujourd'hui menacée dans le droit en vigueur, et ne pourrait être respectée que grâce à la loi déférée. 14. Ainsi, à s'en tenir aux objectifs de valeur constitutionnelle que le Conseil constitutionnel, à juste titre, a déclarés seuls propres à rendre éventuellement nécessaires des atteintes à la liberté, ils ne sont pas présents en l'espèce, ce qui ne laisse donc subsister que la violation de la liberté. On peut encore ajouter, quoi que ce soit presque surabondant, que les mesures voulues par la loi déférée ne sont, de toute façon, pas adaptées et proportionnées. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler que le Conseil constitutionnel, récemment, a jugé un interdit disproportionné, dans des termes qui font directement écho à la question ici analysée. Il s'agissait déjà de la loi du 29 juillet 1881. Le contentieux portait sur l'interdiction opposée, aux personnes poursuivies pour diffamation, d'apporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires, lorsque ceux-ci concernent des faits datant de plus de dix ans. Si le Conseil constitutionnel a admis l'idée selon laquelle un souci de recherche de la paix sociale peut autoriser des restrictions, en revanche il a considéré que: « cette interdiction vise sans distinction, dès lors qu'ils se réfèrent à des faits qui remontent à plus de dix ans, tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s'inscrivent dans un débat public d'intérêt général ; que, par son caractère général et absolu, cette interdiction porte à la liberté d'expression une atteinte qui n'est pas proportionnée au but poursuivi; qu'ainsi, elle méconnaît l'article 11 de la Déclaration de 1789» (12). Certes, il s'agissait là d'un droit à l'oubli tandis que c'est de son exact opposé, le devoir de mémoire, qu'il est ici question. Mais il n'y a juridiquement nulle raison que le Conseil constitutionnel fasse preuve de moins de vigilance sur celui-ci que sur celui-là. 15. Il résulte donc de ce qui précède que la loi déférée, premièrement, est gravement attentatoire aux libertés de communication et d'expression ; deuxièmement, que cette méconnaissance s'aggrave d'une violation du droit de chacun à exprimer sa pensée ou ses opinions dans les mots de son choix; troisièmement, qu'elle s'alourdit encore d'une entrave à la liberté, constitutionnellement consacrée, des enseignants et des chercheurs; quatrièmement, que ces atteintes graves et multiples ne sont justifiées par aucune des nécessités qui pourraient, constitutionnellement, les rendre légitimes; cinquièmement, enfin, qu'elles sont en outre disproportionnées. Le tout, de surcroît, est couronné par la révélation d'une compétence nouvelle que le Parlement s'attribuerait, au mépris des termes de l'article 34 de la Constitution. Cette première série de griefs ne laisse aucun doute sur la déclaration de non conformité qui devra atteindre la loi dans son ensemble. B - Sur la légalité des délits et des crimes 16. Ne souffre pas de discussion le fait «qu'il est loisible au législateur de prévoir de nouvelles infractions en déterminant les peines qui leur sont applicables », ni celui qu'il lui incombe alors « de respecter les exigences résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789» (13). En conséquence, pèse sur lui «l'obligation de fixer lui•-même le champ d'application de la loi pénale de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis; que cette exigence s'impose non seulement pour exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines, mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions». La loi déférée n'est conforme à ces principes élémentaires ni en ce qui concerne son périmètre, ni en ce qui touche à son contenu. 17. Sur le périmètre, il porte sur «l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide défini à l'article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi .française ». On a déjà souligné (supra, 6) que si le génocide arménien a été reconnu par la loi française, il ne l'a formellement été par aucune convention internationale ou jugement national ou international rendu au terme de débats contradictoires et revêtu de l'autorité de la chose jugée. En soi, c'est une première difficulté dans la mesure où les divers éléments constitutifs de ce génocide n'ont pas été précisément identifiés et authentifiés. De plus, une autre question, essentielle, est celle de savoir si « la loi française », au sens du nouvel article 24 ter qui serait introduit dans la loi du 29 juillet 1881, est nécessairement une loi qui a eu pour objet de reconnaître un génocide, ou s'il peut également s'agir d'une loi qui a eu pour effet de reconnaître un génocide. Dans le premier cas, seul le génocide arménien entrerait aujourd'hui dans le périmètre de la disposition pénale, et c'est bien ainsi que les auteurs du texte l'ont entendu, comme en attestent les travaux préparatoires. Pour autant, on ne voit pas, dans la rédaction de l'article 24 ter, qu'il se limite à ce seul texte. 18. Or, il en existe d'autres, dans notre droit positif, qui paraissent bien avoir eu pour effet de reconnaître des génocides, même si ce n'était pas leur objet principal. Ainsi peut-on citer la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991. Son article premier dispose, en son second alinéa : « Les dispositions qui suivent sont applicables à toute personne poursuivie des chefs de crimes ou délits définis par la loi française qui constituent; au sens des articles 2 à 5 du statut du tribunal international, des infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949, des violations des lois ou coutumes de la guerre, un génocide ou des crimes contre l'humanité» (souligné par nous). On peut également citer la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins. Le premier alinéa de son article premier dispose: « Pour l'application de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies du 8 novembre 1994 instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, ainsi que les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, la France participe à la répression des infractions et coopère avec cette juridiction dans les conditions fixées par la présente loi» (souligné par nous). 19. Dans ces deux cas, quelle devrait être l'attitude du juge français éventuellement saisi - et l'on voit mal pourquoi il ne le serait pas, par des associations diligentes? La loi française a-t-elle, ou non, reconnu, fût-ce implicitement, l'existence de génocides en ex-Yougoslavie et au Rwanda? Les génocides ne seront-ils considérés comme reconnus que si des décisions juridictionnelles consécutives à ces textes prononcent des condamnations à ce titre? Dans ce cas, l'application de l'article 24 ter dépendrait-elle de sentences prononcées par des juridictions, éventuellement étrangères, ayant à juger de faits commis dans ces pays? On sait que l'intention du législateur était de ne viser que le génocide arménien, comme en témoignent les échanges dont la commission des lois de l'Assemblée nationale fut le théâtre, où l'on regretta que le génocide rwandais ne fût pas reconnu mais où l'on se promit d'y remédier bientôt (14). Pour autant, ce n'est pas parce que les parlementaires ont paru ignorer l'existence de ces lois de 1995 et 1996 que le juge pourrait les négliger aussi. En revanche et assurément, celui serait éventuellement saisi devrait nourrir des doutes sérieux sur le point de savoir ce qui doit l'emporter, de la lettre du texte ou de l'intention univoque de ses auteurs, bref sur le périmètre même de la nouvelle disposition. Il va de soi, en outre, qu'un juge pourrait conclure dans un sens tandis qu'au autre conclurait dans le sens opposé, de sorte que serait également rompue l'égalité des citoyens devant la loi pénale, au moins le temps que la Cour de cassation soit en mesure de donner son interprétation unificatrice. Mais c'est la présence d'un tel doute qui, en matière pénale, est radicalement prohibée par l'article 8 de la Déclaration de 1789, par l'article 34 de la Constitution et par l'interprétation que le Conseil constitutionnel donne de ces deux textes. 20. Sur le contenu, contestation ou minimisation ne seraient sanctionnées que si elles portent sur « l'existence» des crimes de génocides. Cette précision laisse donc curieusement toute liberté quant à l'imputation : on ne pourra pas nier les faits mais on pourra légalement, même contre toute vérité historique ou simplement toute vraisemblance, en attribuer la responsabilité à n'importe qui sans courir le moindre risque juridique. C'est pour le moins étrange, même si ce n'est pas inconstitutionnel. Il n'en va pas de même de la notion de minimisation outrancière. On ne lui connaît pas d'équivalent en droit pénal, où la précision est une condition de constitutionnalité. Où commence et où finit la minimisation? A quel stade devient-elle outrancière? Ce sont là de nouvelles questions que le juge se verrait poser et auxquelles les réponses pourraient évidemment varier d'un tribunal à l'autre, d'un moment à un autre. Le double risque pointé par le Conseil constitutionnel serait alors élevé, tant de l'arbitraire que de la rigueur non nécessaire dans la recherche des auteurs. 21. Des termes aisément compréhensibles dans le sens commun peuvent ne pas s'acclimater au champ pénal, qui se doit d'être rigoureux. Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il jugé insuffisamment claires pour jouer un rôle déterminant en matière répressive, des expressions comme la «malversation» (15) ou la «vocation humanitaire » (16) ou, dans les domaines des logiciels et d'internet, le «travail collaboratif» (17), « l'interopérabilité » (18) ou encore, en matière d'inceste «au sein de la famille» sans préciser quels membres de celle-ci sont concernés (19). A cette aune, il semble difficile d'admettre une notion aussi floue que celle de minimisation outrancière, qui abandonnerait au juge une marge d'appréciation considérable, dont aucune indication, d'aucune sorte, ne vient guider l'utilisation et restreindre ainsi les risques d'arbitraire. 22. Tant dans son périmètre que dans son contenu, la loi déférée nourrit donc des incertitudes très importantes, dont ne saurait s'accommoder la loi pénale. Elles prennent d'autant plus de relief que, avant de peser sur le juge, ces mêmes incertitudes pèseraient sur quiconque envisagerait de s'exprimer sur un sujet difficile, sans jamais être en mesure de savoir si, à cette occasion, il va ou non franchir la frontière entre ce qui est légal et ce qui l'exposerait à des sanctions. Une fois encore, les historiens seraient-ils seuls touchés que cela serait déjà trop. Mais, en réalité, ce sont tous ceux qui ont à s'exprimer, ou souhaitent le faire, qui se trouveraient aussi directement atteints. 23. Une dernière remarque mérite d'être présentée, que sous-tend un dernier moyen d'inconstitutionnalité. On a déjà vu (supra, 19, 21) que l'imprécision de la loi porterait en elle de graves ruptures d'égalité devant la justice, à raison des issues très contrastées auxquelles pourraient conduire des faits incriminés pourtant très comparables. Mais il y a plus encore. En effet, des familles de victimes peuvent ressentir très vivement le souvenir douloureux de génocides dont furent victimes leurs ascendants, qu'ils soient originaires du Rwanda ou de l'ex-Yougoslavie, que l'on a déjà évoqués, mais aussi Tsiganes ou Ukrainiens, pour reprendre les exemples mentionnés par le rapporteur au Sénat (20), sans parler de tragédies plus éloignées dans le temps ou l'espace et qui ne furent pas moins atroces. Ajoutons que ce qui vaut pour les génocides peut également valoir, par exemple, pour le souvenir de l'esclavage. Or, de mêmes douleurs devant la contestation ou la minimisation outrancière ne seraient pas épargnées, ou non, selon des critères objectifs, mais seulement à raison de la prédisposition du législateur à les juger dignes de son attention. La mémoire collective n'est pas moins sélective que la mémoire individuelle, mais des conséquences beaucoup plus graves et choquantes s'attachent à ses sélections, qui rompraient l'égalité dans la compassion, mais surtout devant la loi, à laquelle toutes les victimes ont le même droit. 24. De quelque côté que l'on se tourne, la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi est donc à plusieurs titres, dont chacun serait suffisant, contraire à la Constitution. Elle sera censurée. ----------------- 1 Th. Renoux, M. de Villiers, Code constitutionnel, Litec, 2011, p. 181. 2 Décision 84-181 DC du Il octobre 198, considérant 37. 3 Décision 2009-580 DC du 10 juin 2009, considérant 15. 4 Ibid., mais aussi décisions 2010-3 QPC du 28 mai 2010, considérant 6, 2011-131 QPC du 20 mai 2011, considérant 3. 5 Décision 82-141 DC du 27 juillet 1982, considérant 5. 6 Décisions 2000-433 DC du 27 juillet 2000, considérant n° 10; 2001-450 DC du Il juillet 200 l, considérant 16 7 Sous réserve de ce qui sera exposé plus loin (infra, t 9). 8 Rapport n° 269, p. 18. 9 Décision 94-345 DC du 29 juillet 1994, considérant 6. 10 Décision 93-322 DC du 28 juillet 1993, considérant 7. 11 On peut d'ailleurs relever que l'existence d'une prétendue obligation de transposition d'un texte de l'Union européenne a rapidement disparu des débats. 12 Décision 2011 - 1 3 1 QPC du 20 mai 2011, considérant 6. 13 Décision 2010-604 DC du 25 février 2010, considérant 4. 14 Rapport n° 4035, en particulier p. 13 et 14. 15 Décision 84-183 DC du 18 janvier 1985, considérant 12. 16 Décision 98-399 DC du 5 mai 1998, considérant 7. 17 Décision 2006-540 DC du 27 juillet 2006, considérant 57. 18 Ibid., considérant 60. 19 Décision 2011-163 QPC du 16 septembre 2011, considérant 4. 20 Rapport précité, p. 18.
CONSTIT/CONSTEXT000025115301.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée par M. Jacques BLANC, demeurant à La Canourgue (Lozère), enregistrée le 5 octobre 2011 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans le département de la Lozère en vue de la désignation d'un sénateur ; Vu le mémoire en défense présenté pour M. Alain BERTRAND, sénateur, par Me Gilles Gauer, avocat au barreau de Montpellier, enregistré comme ci-dessus le 4 novembre 2011 ; Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées le 8 novembre 2011 ; Vu le mémoire en réplique présenté par le requérant, enregistré comme ci-dessus le 24 novembre 2011 ; Vu les nouveaux mémoires présentés pour M. BERTRAND enregistrés comme ci-dessus les 24 novembre, 19 décembre et 21 décembre 2011 ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; M. BLANC ainsi que M. BERTRAND et son conseil ayant été entendus ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE : 1. Considérant que la requête ne tend pas seulement à critiquer les résultats du premier tour de scrutin ; qu'elle conclut expressément à l'annulation de l'élection du sénateur élu au second tour ; qu'elle est donc recevable ; - SUR LE FOND ET SANS QU'IL SOIT BESOIN D'EXAMINER LES AUTRES GRIEFS : 2. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 288 du code électoral, dans les communes de moins de 3 500 habitants, où l'élection des délégués et celle des suppléants se déroulent séparément au scrutin majoritaire : « L'ordre des suppléants est déterminé par le nombre de voix obtenues. En cas d'égalité de suffrages, la préséance appartient au plus âgé » ; 3. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que le procès-verbal de proclamation des résultats de l'élection des délégués suppléants des conseils municipaux fixe l'ordre des suppléants ; que, toutefois, en cas d'égalité de voix, cet ordre est fixé par l'âge des délégués élus ; que, lorsqu'un délégué inscrit sur la liste d'émargement prévue aux articles L. 314-1 et R. 162 du même code est empêché de voter, le premier suppléant dans l'ordre déterminé par les articles L. 288 et L. 289 et ne figurant pas sur la liste d'émargement vote à sa place, sauf s'il est lui-même empêché ; 4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour le conseil municipal d'Aumont-Aubrac, un délégué empêché, inscrit sur la liste d'émargement, a été remplacé lors des deux tours de scrutin par un suppléant autre que celui qui devait être appelé à voter selon l'ordre fixé par le procès-verbal de l'élection ; que, compte tenu de l'écart d'une seule voix séparant au premier tour de scrutin le nombre de suffrages recueillis par M. BLANC de la majorité absolue des suffrages exprimés, cette irrégularité doit être regardée comme ayant pu exercer une influence déterminante sur le résultat du premier tour de scrutin et, par voie de conséquence, sur l'issue de l'élection ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler les opérations électorales contestées, Article 1er.- Les opérations électorales qui se sont déroulées le 25 septembre 2011 dans le département de la Lozère pour la désignation d'un sénateur sont annulées. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025115300.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 octobre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 351010 du 17 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société GRANDE BRASSERIE PATRIE SCHUTZENBERGER, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 621-25, des premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 et de l'article L. 621-29 du code du patrimoine. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du patrimoine ; Vu le code de l'urbanisme ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP J.-M. Defrénois et M. Lévis, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 7 et 17 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 novembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-Marie Defrénois, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-25 du code du patrimoine : « Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques. « Peut être également inscrit dans les mêmes conditions tout immeuble nu ou bâti situé dans le champ de visibilité d'un immeuble déjà classé ou inscrit au titre des monuments historiques » ; 2. Considérant qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 du même code : « L'inscription au titre des monuments historiques est notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l'autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu'ils se proposent de réaliser. « Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d'aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-29 du même code : « L'autorité administrative est autorisée à subventionner dans la limite de 40 % de la dépense effective les travaux d'entretien et de réparation que nécessite la conservation des immeubles ou parties d'immeubles inscrits au titre des monuments historiques » ; 4. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions portent atteinte, d'une part, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en ne prévoyant pas d'indemnisation au profit du propriétaire du bien inscrit au titre des monuments historiques, ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par la même Déclaration ; 5. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 6. Considérant, d'une part, que les dispositions contestées visent à assurer la protection des immeubles qui, « sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation » ; qu'à cette fin, elles prévoient une servitude d'utilité publique sur les immeubles faisant l'objet de l'inscription ; qu'en vertu de cette servitude, le propriétaire du bien inscrit se trouve soumis aux obligations prévues par l'article L. 621-27 du code du patrimoine pour les travaux qu'il souhaite entreprendre sur son bien ; que les dispositions contestées, qui n'entraînent aucune privation du droit de propriété, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 7. Considérant, d'autre part, en premier lieu, que l'inscription au titre des monuments historiques vise la préservation du patrimoine historique et artistique ; qu'ainsi, elle répond à un motif d'intérêt général ; 8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision d'inscription au titre des monuments historiques doit être prise sur la seule considération des caractéristiques intrinsèques de l'immeuble qui en fait l'objet ; que l'appréciation portée par l'autorité administrative qui prend cette décision est contrôlée par le juge de l'excès de pouvoir ; 9. 9. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des dispositions contestées que, pour les travaux qui entrent dans le champ d’application des autorisations et des déclarations préalables en matière d’urbanisme, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques ; que les autres travaux, lorsqu’ils ont pour effet d’entraîner une modification de l’immeuble ou de la partie de l’immeuble inscrit, sont soumis à une simple déclaration préalable quatre mois avant leur réalisation ; qu’en cas d’opposition de l’autorité administrative, celle-ci ne peut qu’engager, sous le contrôle du juge administratif, la procédure de classement au titre des monuments historiques ; que, dans tous les cas, les travaux d’entretien ou de réparation ordinaires sont dispensés de toute formalité ; que l’autorité administrative ne saurait imposer de travaux au propriétaire du bien inscrit ; que celui-ci conserve la liberté de faire réaliser les travaux envisagés par les entreprises de son choix, sous la seule condition du respect des prescriptions de l’autorité administrative soumises au contrôle du juge de l’excès de pouvoir ; que le propriétaire peut bénéficier, pour le financement d’une partie de ces travaux, d’une subvention de l'État ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ; que cette atteinte ne méconnaît donc pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que ces dispositions ne créent aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L'article L. 621-25, les premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 et l'article L. 621-29 du code du patrimoine sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 décembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000025115294.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 décembre 2011, par le président du Sénat, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, d'une résolution en date du 19 décembre 2011 tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l'action du Sénat en matière de développement durable. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les modifications apportées au règlement du Sénat par la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ont pour objet de « renforcer le pluralisme et l'action du Sénat en matière de développement durable » ; 2. Considérant que l'article 1er de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet d'abaisser de quinze à dix le nombre minimum de membres du Sénat requis pour la formation d'un groupe au sein de cette assemblée ; que, dans cette mesure, une telle modification n'est pas contraire à la Constitution ; 3. Considérant que l'article 2 crée une commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental de la politique énergétique ; qu'il a pour effet de porter de six à sept le nombre de commissions permanentes du Sénat ; qu'il n'est pas contraire à la Constitution, Article 1er.- La résolution adoptée par le Sénat le 19 décembre 2011 est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, Lors de sa séance du 19 décembre 2011, le Sénat a adopté une résolution modifiant le Règlement du Sénat. J'ai l'honneur de vous transmettre sous ce pli, en vue de son examen par le Conseil constitutionnel, conformément à l'article 61 de la Constitution et à l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le texte de cette résolution dont l'exemplaire authentique vous sera remis ultérieurement. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Président du Sénat et par autorisation Le Secrétaire Général du Sénat Alain DELCAMP
CONSTIT/CONSTEXT000025115295.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le 6 décembre 2011, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Gérard BAPT, Jacques BASCOU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, M. Daniel BOISSERIE, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. Alain CACHEUX, Thierry CARCENAC, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, M. Christian HUTIN, Mmes Monique IBORRA, Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Jack LANG, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mmes Marylise LEBRANCHU, Catherine LEMORTON, MM. Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. Albert LIKUVALU, François LONCLE, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Mmes Jeanny MARC, Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Mmes Marie-Renée OGET, George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Martine PINVILLE, M. Philippe PLISSON, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Marcel ROGEMONT, Gwendal ROUILLARD, René ROUQUET, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mmes Odile SAUGUES, Christiane TAUBIRA, Marisol TOURAINE, MM. Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés, et, le même jour, par M. François REBSAMEN, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Maurice ANTISTE, Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Dominique BAILLY, Mme Delphine BATAILLE, MM. Jean-Pierre BEL, Claude BÉRIT-DÉBAT, Michel BERSON, Jacques BERTHOU, Mmes Maryvonne BLONDIN, Nicole BONNEFOY, MM. Yannick BOTREL, Didier BOULAUD, Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Pierre CAMANI, Mme Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, MM. Luc CARVOUNAS, Bernard CAZEAU, Yves CHASTAN, Jacques CHIRON, Mme Hélène CONWAY MOURET, MM. Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Michel DELEBARRE, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Claude DILAIN, Claude DOMEIZEL, Mmes Odette DURIEZ, Josette DURRIEU, MM. Vincent EBLÉ, Philippe ESNOL, Mme Frédérique ESPAGNAC, MM. Alain FAUCONNIER, Jean-Luc FICHET, Jean-Claude FRÉCON, Mmes Catherine GÉNISSON, Samia GHALI, Dominique GILLOT, MM. Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Didier GUILLAUME, Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Mme Odette HERVIAUX, MM. Philippe KALTENBACH, Ronan KERDRAON, Mmes Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, MM. Yves KRATTINGER, Georges LABAZÉE, Serge LARCHER, Mme Françoise LAURENT-PERRIGOT, MM. Jacky LE MENN, Alain LE VERN, Jean-Yves LECONTE, Mmes Claudine LEPAGE, Marie-Noëlle LIENEMANN, MM. Jean-Jacques LOZACH, Jacques-Bernard MAGNER, François MARC, Rachel MAZUIR, Mmes Michelle MEUNIER, Danielle MICHEL, MM. Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Alain NÉRI, Mme Renée NICOUX, MM. Jean-Marc PASTOR, Georges PATIENT, François PATRIAT, Roland POVINELLI, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Daniel REINER, Thierry REPENTIN, Yves ROME, Mmes Laurence ROSSIGNOL, Patricia SCHILLINGER, MM. Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Jean-Marc TODESCHINI, René VANDIERENDONCK, Michel VERGOZ, Richard YUNG, Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Eliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, MM. Michel BILLOUT, Eric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Christian FAVIER, Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Robert HUE, Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH, MM. Paul VERGÈS et Dominique WATRIN, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-616 DC du 10 novembre 2010 ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le code général des impôts ; Vu le code de la santé publique ; Vu l'ordonnance n° 96 50 du 24 janvier 1996 modifiée relative au remboursement de la dette sociale ; Vu la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-504 DC du 12 août 2004 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 ; Vu les observations du Gouvernement en réponse à la saisine ainsi que ses observations complémentaires produites à la demande du Conseil constitutionnel, enregistrées le 9 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ; qu'ils contestent la procédure d'adoption de son article 88 ; - SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES : 2. Considérant que, selon les requérants, en adoptant les dispositions de l'article 88 de la loi déférée après la réunion de la commission mixte paritaire, le Parlement a méconnu les dispositions de l'article 45 de la Constitution ; 3. Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution et notamment de son premier alinéa aux termes duquel : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; 4. Considérant que les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année en cours et l'année à venir doivent être établies de façon sincère ; que cette sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de cet équilibre ; qu'il s'ensuit, d'une part, que les objectifs de dépenses et notamment l'objectif national de dépenses d'assurance maladie doivent être initialement établis par le Gouvernement au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; que, d'autre part, il appartient au Gouvernement d'informer le Parlement, au cours de l'examen de ce projet de loi, lorsque surviennent des circonstances de droit ou de fait de nature à remettre en cause les conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et, dans ce cas, de corriger les prévisions initiales ; 5. Considérant que, compte tenu des modifications, présentées par le Gouvernement au cours du débat parlementaire, des prévisions économiques initiales associées au projet de loi de financement, les dispositions de l'article 88 ont pour objet d'assurer, par le surcroît de ressources qu'elles prévoient, la sincérité des conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale tel que déterminé dans le projet de loi de financement initial ; qu'ainsi, elles sont destinées à assurer le respect de la Constitution ; que le grief tiré de ce qu'elles auraient été adoptées selon une procédure contraire à cette dernière doit donc être écarté ; - SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI : . En ce qui concerne l'article 41 : 6. Considérant que l'article 41 a pour objet de modifier les règles relatives aux pouvoirs de contrôle de la Cour des comptes en matière de recouvrement des cotisations et contributions sociales ; qu'à cette fin, le 2° de son paragraphe I substitue aux trois derniers alinéas de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale un quatrième alinéa dont la première phrase dispose : « La Cour des comptes est compétente pour contrôler l'application des dispositions du présent code en matière de cotisations et contributions sociales aux membres du Gouvernement, à leurs collaborateurs, ainsi qu'aux organes juridictionnels mentionnés dans la Constitution » ; qu'il résulte des travaux parlementaires que le législateur a entendu viser ainsi notamment le Conseil constitutionnel ; 7. Considérant que le Conseil constitutionnel figure au nombre des pouvoirs publics constitutionnels ; qu'en adoptant les dispositions précitées le législateur a méconnu l'étendue de sa propre compétence ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les mots : « ainsi qu'aux organes juridictionnels mentionnés dans la Constitution » figurant au 2° du paragraphe I de l'article 41 de la loi déférée doivent être déclarés contraires à la Constitution ; . En ce qui concerne la place de certaines dispositions dans la loi de financement : 9. Considérant que le premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique » ; 10. Considérant que l'article 46 de la loi déférée organise la collaboration entre médecins conseils et médecins du travail pour toute interruption de travail dépassant trois mois ; que l'article 50 met en place un dépistage des troubles de l'audition chez le nouveau-né ; que l'article 51 prolonge le dispositif transitoire d'autorisation d'exercice pour les médecins étrangers non ressortissants communautaires ; que l'article 64 autorise la vaccination par les centres d'examen de santé ; que l'article 69 fixe les conditions d'intervention des professionnels libéraux dans les services médico-sociaux afin d'éviter toute requalification en salariat ; que l'article 111 prévoit l'approbation par le ministre chargé de la sécurité sociale de la rémunération et des accessoires de rémunération des directeurs des organismes nationaux de sécurité sociale ; que l'article 113 prévoit la fusion de la caisse régionale d'assurance maladie et de la Caisse régionale d'assurance vieillesse d'Alsace-Moselle ; 11. Considérant que ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ; que, par suite, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale ; 12. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 : - les mots : « ainsi qu'aux organes juridictionnels mentionnés dans la Constitution » figurant au 2° du paragraphe I de l'article 41 ; - l'article 46 ; - l'article 50 ; - l'article 51 ; - l'article 64 ; - l'article 69 ; - l'article 111 ; - et l'article 113. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, d'un recours dirigé contre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. A- Les auteurs des saisines soutiennent que les dispositions de l'article 84 de la loi déférée, issues d'un amendement présenté à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. B- Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. 1- Le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution dispose notamment que : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique ». Le Conseil constitutionnel déduit de l'économie générale de cet article et, notamment, de ce premier alinéa, que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle (en dernier lieu, décision n° 2011-640 DC du 4 août 2011, considérant n° 34). 2- Le Gouvernement considère que les dispositions contestées ont été introduites dans le respect des exigences constitutionnelles. a) Il convient tout d'abord de rappeler que les dispositions restant en discussion après l'échec de la commission mixte paritaire comportaient un article relatif à la réforme des retraites et plus particulièrement au relèvement des bornes d'âge de départ à la retraite. Le Sénat a en effet ajouté au projet de loi qui lui était soumis un article 51 bis B chargeant le Conseil d'orientation des retraites d'un rapport sur les conséquences sociales économiques et financières du relèvement de deux bornes d'âge de départ à la retraite. A la suite de l'échec de la commission mixte paritaire, ces dispositions restaient en discussion. b) Par ailleurs et en tout état de cause, cet amendement était nécessaire pour assurer la sincérité de la loi tout en prenant en compte l'objectif d'équilibre financier de la sécurité sociale et, plus largement, l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques mentionné à l'article 34 de la Constitution. Comme il a été rappelé ci-dessus, la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet que des amendements puissent être adoptés après la première lecture lorsqu'ils sont destinés à assurer le respect de la Constitution. L'amendement dont est issu l'article 88 de la loi déférée permet d'assurer le respect du principe de sincérité de la loi de financement. Les lois de financement de la sécurité sociale sont en effet soumises, comme les lois de finances, à une exigence spécifique de sincérité. Cette exigence, affirmée par la jurisprudence dès 2004 (Décision n° 2004-508 DC du 16 décembre 2004) et reprise par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, figure aujourd'hui à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale dont le 2° du C du I dispose que la loi de financement : « Détermine, pour l'année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisibles ». Le Conseil constitutionnel a précisé ce que recouvrait concrètement cette exigence. S'agissant des conditions générales de l'équilibre financier pour l'année en cours et l'année à venir, la sincérité se caractérise ainsi par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de cet équilibre (Décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, considérant n° 6). En ce qui concerne les obligations découlant de cette exigence aux différents stades de la procédure, il a précisé que les prévisions en cause devaient être initialement établies par le Gouvernement au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale et qu'il lui appartenait d'informer le Parlement, au cours de l'examen de ce projet de loi, lorsque surviennent des circonstances de droit ou de fait de nature à remettre en cause les conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et, en pareille hypothèse, de corriger les prévisions initiales » (Décision n° 2004-508 DC précitée). En l'espèce, les prévisions initiales du projet de loi de financement de la sécurité sociale reposaient sur une hypothèse de croissance de 1,75 % pour l'année 2012 (prévision figurant à l'annexe B du projet de loi). La dégradation, particulièrement brutale, de la plupart des prévisions économiques dans le contexte de la crise des dettes souveraines à la fin du mois d'octobre a conduit le Gouvernement à réviser à 1 % l'hypothèse de croissance retenue comme base pour la construction de la loi de financement de la sécurité sociale. Cette révision de la prévision de croissance entraînait une perte de l'ordre de 1 milliard d'euros pour le seul régime général en 2012, à rapprocher d'un solde prévisionnel arrêté à - 13,9 milliards d'euros dans le projet de loi. Cette révision, compte tenu de son ampleur exceptionnelle, était de nature à mettre en cause la sincérité de la loi de financement. La seule manière d'assurer la sincérité de la loi sans détériorer l'équilibre financier de la sécurité sociale consistait à prévoir, soit des mesures d'économie, soit des mesures de recettes supplémentaires pour compenser les effets de la baisse brutale des prévisions de croissance. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé au Parlement les mesures nécessaires à cet effet, en particulier l'accélération du relèvement des bornes d'âge de départ à la retraite figurant à l'article 88 de la loi déférée. L'amendement proposé à l'article 51 Bis B, permettait ainsi, comme les autres amendements répondant aux mêmes fins, d'assurer la sincérité de la loi tout en répondant à l'objectif d'équilibre financier de la sécurité sociale, élevé au rang d'objectif de valeur constitutionnelle (Décisions n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, considérant n° 25 ; n° 2002-463 DC du 12 décembre 2002, considérant n° 18 et n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010, considérant n° 4), et en concourant à l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques, mentionné à l'article 34 de la Constitution. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que le grief articulé dans la saisine n'est pas de nature à conduire à la censure de l'article contesté de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Les députés auteurs de la présente saisine contestent en particulier les conditions d'adoption de l'article 51 bis B qui vise à accélérer le calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite. En adoptant ce nouveau dispositif par la voie d'un amendement déposé après la réunion de la commission mixte paritaire, le législateur a porté une atteinte manifeste à la règle de l'entonnoir résultant d'une lecture combinée des articles 39, 44 et 45 de la Constitution et au principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires (notamment votre décision 2005-526 DC). Soucieux de la qualité des lois, le Conseil constitutionnel veille au respect des règles procédurales imposées par la Constitution afin d'éviter que l'exercice du droit d'amendement ne conduise à des abus affectant le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires. C'est dans cette perspective que vous avez consacré puis renforcé la règle de l'entonnoir qui a « pour, finalité de permettre un déroulement harmonieux de la navette législative en autorisant chaque assemblée, à chaque lecture, à n'examiner que les seuls articles n'ayant pas encore été adoptés dans une rédaction identique ». (1) Vous avez ainsi jugé dans une décision 2005-532 DC du 19 janvier 2006 que « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle » (cons. 26). Or, les dispositions présentement contestées ont été introduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par voie d'amendement à l'initiative du Gouvernement lors d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale faisant suite à l'échec de la Commission mixte paritaire. Non seulement ces dispositions n'étaient aucunement destinées à assurer le respect de la Constitution ou à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen, mais elles ne présentaient surtout aucune relation directe avec une disposition restant en discussion. En effet, alors que la disposition initiale - votée par le Sénat contre l'avis du Gouvernement - visait à ce que le Conseil d'orientation des retraites remette aux Commissions parlementaires compétentes « un rapport sur les conséquences sociales, économiques et financières du relèvement des deux bornes d'âge et les transferts des dépenses vers l'assurance maladie, l'invalidité, l'assurance chômage et vers les finances locales par le biais du revenu de solidarité active », les dispositions nouvelles modifient directement l'article L.161-17-2 du code de la sécurité sociale en avançant d'une année le calendrier de relèvement de l'âge légal de départ en retraite et de l'âge d'obtention du taux plein initialement prévu par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. En conséquence, l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite serait désormais fixé à 62 ans à compter de la génération née en 1955 au lieu de 1956. En outre, le relèvement de l'âge du taux plein serait accéléré de la même façon. Le lien entre les dispositions contestées et celle qui figurait initialement dans l'article 51 bis B n'est que de façade et ce n'est qu'en supprimant celle-ci que le législateur a pu introduire celles-là. Une mesure d'évaluation du dispositif adopté le 9 novembre 2010 laisse sa place à une réforme du droit de la sécurité sociale (2) qui sera de surcroît lourde de conséquence pour les personnes concernées. Une telle différence est bien loin de satisfaire aux exigences élevées qui sont les vôtres en matière de « lien direct » (notamment votre décision 2011-640 DC du 4 août 2011). En utilisant l'article 51 bis B comme une simple coquille pour y introduire le dispositif présentement contesté, le Gouvernement a clairement tenté de contourner votre jurisprudence en matière d'amendements tardifs. En effet, c'est le caractère de nouveauté qui guide votre appréciation du « lien direct » puisque votre jurisprudence s'inscrit dans la logique du principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires. C'est ce que suggère la décision 98-402 DC dans laquelle vous justifiez votre jurisprudence par la volonté d'éviter que des « mesures nouvelles, résultant de telles adjonctions », soient adoptées « sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire et, en cas de désaccord entre les assemblées, sans être soumises à la procédure de conciliation confiée par l'article 45 de la Constitution à cette commission ». Vous n'aurez, en l'espèce, aucun mal à constater que les dispositions contestées n'ont fait l'objet d'aucun débat au sein des assemblées avant la réunion de la Commission mixte paritaire. Au demeurant, il apparait qu'en procédant ainsi, le Gouvernement a évité l'ensemble des consultations d'usage et notamment celle du Conseil d'orientation des retraites ou des partenaires sociaux mais surtout celle du Conseil d'Etat pourtant requise par l'article 39 de la Constitution. Or, comme le relevait Jean-Eric Schoettl en 2007, « compte tenu de sa politique jurisprudentielle en faveur de la qualité de la loi et de la revalorisation du travail parlementaire, le Conseil constitutionnel ne peut rester insensible face à la multiplication des amendements, car ceux-ci, qu'elle qu'en soit l'origine - gouvernementale ou parlementaire - ne sont pas passés par les filtres du projet de loi (concertation, discussion interministérielle, Conseil d'Etat). » Le même auteur poursuivait l'analyse de votre jurisprudence en ces termes : « Sa vigilance doit être plus grande encore lorsque les dispositions nouvelles sont introduites dans un texte devant la seconde assemblée saisie, que l'examen de ce texte relève de la procédure d'urgence et que sa discussion est enfermée dans de brefs délais par la Constitution, ce qui est le cas des lois de financement de la sécurité sociale ... ». (3) Introduites après l'échec de la commission mixte paritaire et ne présentant aucun lien direct avec une disposition du texte restant en discussion, c'est donc au mépris des règles procédurales posées par la Constitution et de votre jurisprudence qu'ont été adoptées les dispositions contestées. Pour l'ensemble de ces raisons, plaise au Conseil constitutionnel de censurer l'article 51 bis B. (1) - «Ainsi, le nombre des désaccords est-il appelé à diminuer au fur et à mesure que progresse la navette ... ». B.BAUFUMÉ, Le droit d'amendement et la Constitution sous la cinquième République, p.270-271. (2) - L'exposé sommaire de l'amendement gouvernemental ne laisse place à aucun doute puisqu'il explicite les objectifs poursuivis en ces termes: « accélération du calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite qui doit permettre de réduire plus rapidement le déficit des régimes d'assurance vieillesse et donc de garantir la pérennité du système de retraite par répartition ». (3) - « La sanction constitutionnelle de l'abus du droit d'amendement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 », RF DA 2007, p.134 et s. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Les députés auteurs de la présente saisine contestent en particulier les conditions d'adoption de l'article 51 bis B qui vise à accélérer le calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite. En adoptant ce nouveau dispositif par la voie d'un amendement déposé après la réunion de la commission mixte paritaire, le législateur a porté une atteinte manifeste à la règle de l'entonnoir résultant d'une lecture combinée des articles 39, 44 et 45 de la Constitution et au principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires (notamment votre décision 2005-526 DC). Soucieux de la qualité des lois, le Conseil constitutionnel veille au respect des règles procédurales imposées par la Constitution afin d'éviter que l'exercice du droit d'amendement ne conduise à des abus affectant le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires. C'est dans cette perspective que vous avez consacré puis renforcé la règle de l'entonnoir qui a « pour, finalité de permettre un déroulement harmonieux de la navette législative en autorisant chaque assemblée, à chaque lecture, à n'examiner que les seuls articles n'ayant pas encore été adoptés dans une rédaction identique ». (1) Vous avez ainsi jugé dans une décision 2005-532 DC du 19 janvier 2006 que « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle » (cons. 26). Or, les dispositions présentement contestées ont été introduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par voie d'amendement à l'initiative du Gouvernement lors d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale faisant suite à l'échec de la Commission mixte paritaire. Non seulement ces dispositions n'étaient aucunement destinées à assurer le respect de la Constitution ou à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen, mais elles ne présentaient surtout aucune relation directe avec une disposition restant en discussion. En effet, alors que la disposition initiale - votée par le Sénat contre l'avis du Gouvernement - visait à ce que le Conseil d'orientation des retraites remette aux Commissions parlementaires compétentes « un rapport sur les conséquences sociales, économiques et financières du relèvement des deux bornes d'âge et les transferts des dépenses vers l'assurance maladie, l'invalidité, l'assurance chômage et vers les finances locales par le biais du revenu de solidarité active », les dispositions nouvelles modifient directement l'article L.161-17-2 du code de la sécurité sociale en avançant d'une année le calendrier de relèvement de l'âge légal de départ en retraite et de l'âge d'obtention du taux plein initialement prévu par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. En conséquence, l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite serait désormais fixé à 62 ans à compter de la génération née en 1955 au lieu de 1956. En outre, le relèvement de l'âge du taux plein serait accéléré de la même façon. Le lien entre les dispositions contestées et celle qui figurait initialement dans l'article 51 bis B n'est que de façade et ce n'est qu'en supprimant celle-ci que le législateur a pu introduire celles-là. Une mesure d'évaluation du dispositif adopté le 9 novembre 2010 laisse sa place à une réforme du droit de la sécurité sociale (2) qui sera de surcroît lourde de conséquence pour les personnes concernées. Une telle différence est bien loin de satisfaire aux exigences élevées qui sont les vôtres en matière de « lien direct » (notamment votre décision 2011-640 DC du 4 août 2011). En utilisant l'article 51 bis B comme une simple coquille pour y introduire le dispositif présentement contesté, le Gouvernement a clairement tenté de contourner votre jurisprudence en matière d'amendements tardifs. En effet, c'est le caractère de nouveauté qui guide votre appréciation du « lien direct » puisque votre jurisprudence s'inscrit dans la logique du principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires. C'est ce que suggère la décision 98-402 DC dans laquelle vous justifiez votre jurisprudence par la volonté d'éviter que des « mesures nouvelles, résultant de telles adjonctions », soient adoptées « sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire et, en cas de désaccord entre les assemblées, sans être soumises à la procédure de conciliation confiée par l'article 45 de la Constitution à cette commission ». Vous n'aurez, en l'espèce, aucun mal à constater que les dispositions contestées n'ont fait l'objet d'aucun débat au sein des assemblées avant la réunion de la Commission mixte paritaire. Au demeurant, il apparait qu'en procédant ainsi, le Gouvernement a évité l'ensemble des consultations d'usage et notamment celle du Conseil d'orientation des retraites ou des partenaires sociaux mais surtout celle du Conseil d'Etat pourtant requise par l'article 39 de la Constitution. Or, comme le relevait Jean-Eric Schoettl en 2007, « compte tenu de sa politique jurisprudentielle en faveur de la qualité de la loi et de la revalorisation du travail parlementaire, le Conseil constitutionnel ne peut rester insensible face à la multiplication des amendements, car ceux-ci, qu'elle qu'en soit l'origine - gouvernementale ou parlementaire - ne sont pas passés par les filtres du projet de loi (concertation, discussion interministérielle, Conseil d'Etat). » Le même auteur poursuivait l'analyse de votre jurisprudence en ces termes : « Sa vigilance doit être plus grande encore lorsque les dispositions nouvelles sont introduites dans un texte devant la seconde assemblée saisie, que l'examen de ce texte relève de la procédure d'urgence et que sa discussion est enfermée dans de brefs délais par la Constitution, ce qui est le cas des lois de financement de la sécurité sociale ... ». (3) Introduites après l'échec de la commission mixte paritaire et ne présentant aucun lien direct avec une disposition du texte restant en discussion, c'est donc au mépris des règles procédurales posées par la Constitution et de votre jurisprudence qu'ont été adoptées les dispositions contestées. Pour l'ensemble de ces raisons, plaise au Conseil constitutionnel de censurer l'article 51 bis B. (1) - «Ainsi, le nombre des désaccords est-il appelé à diminuer au fur et à mesure que progresse la navette ... ». B.BAUFUMÉ, Le droit d'amendement et la Constitution sous la cinquième République, p.270-271. (2) - L'exposé sommaire de l'amendement gouvernemental ne laisse place à aucun doute puisqu'il explicite les objectifs poursuivis en ces termes: « accélération du calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite qui doit permettre de réduire plus rapidement le déficit des régimes d'assurance vieillesse et donc de garantir la pérennité du système de retraite par répartition ». (3) - « La sanction constitutionnelle de l'abus du droit d'amendement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 », RF DA 2007, p.134 et s.
CONSTIT/CONSTEXT000025115297.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances rectificative pour 2011, le 23 décembre 2011, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Mmes Marie-Noëlle BATTISTEL, Chantal BERTHELOT, MM. Patrick BLOCHE, Jean-Michel BOUCHERON, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Laurent CATHALA, Bernard CAZENEUVE, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, René DOSIÈRE, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Mme Laurence DUMONT, MM. Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Monique IBORRA, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, M. Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, M. François LONCLE, Mme Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Kléber MESQUIDA, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Jean-Luc PÉRAT, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Jean-Jack QUEYRANNE, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Michel SAPIN, Christophe SIRUGUE, Mme Christiane TAUBIRA, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Manuel VALLS, Michel VERNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Noël MAMÈRE, François de RUGY, Mmes Anny POURSINOFF, Huguette BELLO, M. Alfred MARIE-JEANNE, Mme Marie-Hélène AMIABLE, M. François ASENSI, Mme Martine BILLARD, MM. Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXES, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances ; Vu le code général des impôts ; Vu le code du cinéma et de l'image animée ; Vu le code de commerce ; Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable ; Vu la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels ; Vu les observations du Gouvernement en réponse à la saisine ainsi que ses observations complémentaires produites à la demande du Conseil constitutionnel, enregistrées le 26 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2011 ; qu'ils contestent la place de son article 23 dans une telle loi ; qu'ils contestent également la conformité à la Constitution de son article 13 ; - SUR LA PLACE DE L'ARTICLE 23 DANS LA LOI DÉFÉRÉE : 2. Considérant que le paragraphe I de l'article 23 insère un nouvel article L. 225-209-2 dans le code de commerce et modifie les articles L. 225-209, L. 225-211, L. 225-213 et L. 225-214 du même code ; qu'il ouvre aux sociétés dont les actions ne sont pas cotées des possibilités nouvelles de procéder au rachat de leurs propres actions ; que le paragraphe II confirme l'application du 6° de l'article 112 du code général des impôts relatif à l'imposition des sommes perçues lors du rachat de leurs propres actions par des sociétés non cotées ; 3. Considérant que les requérants font grief à ces dispositions de ne pas ressortir au domaine que la loi organique réserve aux lois de finances ; 4. Considérant qu'en elles-mêmes, les dispositions de l'article 23 ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État ; qu'elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État ; qu'elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières ; qu'elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu'il suit de là que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 13 : 5. Considérant que l'article 13 insère, dans le code général des impôts, un article 278-0 bis ; qu'il modifie les articles 278 bis à 279 bis, 281 quater, 296, 297, 298 bis, 298 quater et 298 octies du même code ainsi que l'article L. 334-1 du code du cinéma et de l'image animée ; qu'il porte le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % à 7 %, notamment sur les « ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d'une consommation immédiate » ; qu'en revanche, il maintient un taux de 5,5 % pour les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant notamment sur « l'eau et les boissons non alcooliques ainsi que les produits destinés à l'alimentation humaine » ; 6. Considérant que, selon les requérants, le législateur, en faisant référence aux produits préparés « en vue d'une consommation immédiate », a méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; qu'en conséquence, en imposant à des taux différents des produits identiques selon leur conditionnement, ces dispositions entraîneraient une rupture de l'égalité devant les charges publiques ; 7. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui impose d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 9. Considérant qu'en créant la catégorie nouvelle des « ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d'une consommation immédiate », distincte des ventes des autres produits destinés à l'alimentation humaine, le législateur a souhaité soumettre les premières au même régime de taxation que les ventes à consommer sur place visées au m de l'article 279 du code précité et, plus généralement, que l'ensemble de la restauration ; qu'en faisant référence aux produits destinés à la « consommation immédiate », il a entendu faire référence aux produits dont la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l'achat ; 10. Considérant, dès lors, que le grief tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi doit être écarté ; que ces dispositions ne méconnaissent pas davantage le principe d'égalité devant les charges publiques ; que l'article 13 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR LA PLACE D'AUTRES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE : . En ce qui concerne les dispositions adoptées en première lecture : 11. Considérant que l'article 73 modifie le deuxième alinéa du paragraphe III de l'article 7 ter de l'ordonnance du 19 septembre 1945 susvisée ; qu'il aménage les règles de calcul de la contribution annuelle versée par les associations de gestion et de comptabilité à l'ordre des experts-comptables ; 12. Considérant que le paragraphe II de l'article 88 modifie le paragraphe V de l'article 44 de la loi du 28 juillet 2011 susvisée ; qu'il se borne à confier à la Société de gestion du contrat de transition professionnelle la mise en œuvre des mesures d'accompagnement des salariés licenciés pour motif économique ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle ; 13. Considérant que ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État ; qu'elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État ; qu'elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières ; qu'elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu'il suit de là que l'article 73 et le paragraphe II de l'article 88 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; . En ce qui concerne les dispositions adoptées après la première lecture : 14. Considérant que le paragraphe III de l'article 68, qui modifie l'article 302 D bis du code général des impôts, élargit le champ de l'exonération de droits d'accise sur les alcools utilisés à des fins médicales ou pharmaceutiques en prévoyant une exonération supplémentaire pour un contingent annuel d'alcool pur acquis par les pharmaciens d'officine ; qu'il prévoit une application rétroactive du bénéfice de cette exonération nouvelle ; que le paragraphe IV du même article institue une majoration des droits sur les tabacs destinée à compenser la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de cette exonération nouvelle ; 15. Considérant que l'amendement dont sont issues les dispositions susmentionnées a été introduit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ; que ces adjonctions n'étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu'elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu'il s'ensuit que les paragraphes III et IV de l'article 68 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; qu'ils doivent être déclarés contraires à cette dernière ; 16. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances rectificative pour 2011 : - l'article 23 ; - les paragraphes III et IV de l'article 68 ; - l'article 73 ; - le paragraphe II de l'article 88. Article 2.- L'article 13 de la même loi est déclaré conforme à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Paris, le 26 décembre 2011 OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT SUR LE RECOURS DIRIGE CONTRE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2011 Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d’un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2011. Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I- SUR L’ARTICLE 13 A- Les députés requérants soutiennent que l’article 13 de la loi déférée, qui crée un second taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), est contraire à la fois à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et au principe d’égalité devant les charges publiques, en ce qu’il soumet à ce second taux, de 7 %, les « ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate », alors que les produits alimentaires demeurent, pour l’essentiel d’entre eux, soumis au taux de 5,5 %. Ils estiment en effet que la distinction ainsi établie est peu claire et qu’elle aboutit à traiter différemment des produits identiques en raison notamment d’une simple différence de conditionnement. B- Ces griefs ne sont pas fondés. 1- L’article 13 de la loi déférée a pour objet, ainsi que le rappellent les députés requérants, de créer un second taux réduit de TVA auquel seront soumis l’ensemble des biens et services actuellement soumis au taux de 5,5 %, à l’exclusion des produits alimentaires, des équipements et services pour personnes handicapées et des abonnements relatifs à l’électricité, au gaz et aux réseaux de chaleur. Seront ainsi soumises au nouveau taux réduit de 7 %, en vertu du n ajouté à l’article 279 du code général des impôts par le E du I de l’article 13, les « ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate ». Seuls seront donc soumis à ce taux intermédiaire les produits alimentaires dont la nature, le conditionnement ou la présentation indiquent qu’ils sont destinés à être consommés immédiatement après l’achat. À titre d’exemple, les viennoiseries et les pâtisseries, quel que soit leur conditionnement, demeureront soumises au taux réduit de 5,5 %, dès lors qu’il ne peut être présumé que leur consommation a nécessairement vocation à être immédiate, contrairement aux sandwichs ou aux salades vendues avec des couverts, qui seront taxés au taux de 7 %. En revanche, les produits vendus sous emballage permettant leur conservation ne seront pas considérés comme des ventes à emporter et relèveront du taux de 5,5 %. De même, les yaourts vendus avec ou sans cuiller, ou encore les fruits (même vendus à l’unité), ne pouvant pas être considérés comme nécessairement destinés à une consommation immédiate, resteront donc soumis au taux réduit de 5,5 %. Les implications de la formule utilisée par l’article 13 de la loi déférée ont été explicitées, dans les termes qui viennent d’être rappelés, à la fois dans l’évaluation préalable de cet article et au cours des débats parlementaires. Au surplus, le projet d’instruction relatif à ces nouvelles dispositions a été mis en consultation simultanément, de sorte que les débats ont été éclairés par toutes les précisions que le Gouvernement pouvait apporter sur le projet de texte. Dans ces conditions, les dispositions critiquées, en dépit des difficultés d’application auxquelles elles sont susceptibles de donner lieu dans certains cas particuliers, qui pourront être soumises au juge de l’impôt, ne peuvent être regardées comme souffrant d’une ambiguïté de nature à faire regarder celles-ci comme contraires à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. 2- Elles ne méconnaissent pas davantage le principe d’égalité devant l’impôt, qu’il s’agisse du principe d’égalité devant la loi fiscale ou du principe d’égalité devant les charges publiques. Par les dispositions contestées, en effet, le législateur a entendu, conformément au projet du Gouvernement, soumettre à un taux unique de 7 % l’ensemble de la restauration, que celle-ci soit fournie sur place ou à emporter. Or il existe une unité économique de la restauration sous ses différentes formes qui justifie pleinement qu’elle soit soumise à un taux de TVA unique, différent de celui auquel sont soumises les simples ventes de produits alimentaires. En soumettant l’ensemble de la restauration, qu’elle soit fournie sur place ou à emporter, au nouveau taux de 7 %, le législateur a d’ailleurs eu le souci de ne pas recréer une différence de traitement peu satisfaisante, et génératrice de distorsions de concurrence, entre ces différentes formes de restauration, telle qu’elle a existé dans le passé. Les griefs articulés à l’encontre de l’article 13 de la loi déférée ne pourront donc qu’être écartés par le Conseil constitutionnel. II- SUR L’ARTICLE 23 A- Les députés requérants soutiennent que l’article 23 de la loi déférée, qui a pour objet de permettre aux sociétés non cotées de racheter leurs actions, n’avait pas sa place dans une loi de finances. B- Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. En effet, l’article 23 de la loi déférée précise notamment, en son II, que les opérations qui y sont décrites entrent dans le champ d’application du 6° de l’article 112 du code général des impôts, lequel énumère des catégories de revenus qui ne sont pas considérés comme des revenus distribués et prévoit ainsi que s’applique aux sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce, le régime spécifique prévu, en matière de plus-values, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB du code général des impôts. Dans ces conditions, la création dans le code de commerce, par l’article 23 de la loi déférée, d’un article L. 225-209-2 réglementant le rachat par les sociétés non cotées de leurs actions, doit être regardée comme indissociable de la modification de l’assiette et du taux d’une imposition de toute nature. Elle avait ainsi sa place dans la loi déférée en application du a) du 7° du II de l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Le grief articulé par les députés requérants pourra, dès lors, être écarté par le Conseil constitutionnel. Pour ces raisons, le Gouvernement est d’avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le quatrième projet de loi de finances rectificatives pour 2011. L'article 13 de la loi méconnaît le principe de clarté de la loi et l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi d'une part, et le principe d'égalité devant les charges publiques. En effet, cet article crée un nouveau taux de TVA à 7%. Ce taux doit notamment concerner «les ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d'une consommation immédiate, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques », alors que les produits alimentaires sont pour la quasi-totalité d'entre eux soumis au taux de 5,5%. Or, les travaux parlementaires ont montré à quel point le critère de «consommation immédiate» était peu clair. Ainsi, les pâtisseries et viennoiseries demeurent soumises au taux de 5,5% alors que les sandwichs font l'objet d'une TVA au taux de 7%. De même, les produits préparés chez le traiteur vendus à emporter ou à livrer demeureront au taux de 5,5%, alors que les pizzas livrées seront, elles, soumises à 7%. De toute évidence, le critère de « consommation immédiate» n'apparaît pas pouvoir être opérant. En outre, les éclaircissements que les débats ont permis d'apporter montrent que ce critère aboutit à une inégalité devant les charges publiques. En particulier, les débats ont clairement indiqué que le conditionnement des produits serait utilisé pour présumer ou non de la destination de consommation immédiate de chaque produit. En conséquence, selon son conditionnement, un même produit pourra être soumis à deux taux différents. A titre d'exemple, suivant qu'un produit sera ou non vendu avec des couverts en plastique, il sera soumis au taux de 7% au lieu de 5,5%. Aucun motif d'intérêt général ne vient soutenir cette différence de taxation. Dès lors, cet article méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques. Pour ces raisons, il appartient à votre Conseil de censurer cet article. L'article 23 méconnaît quant à lui le domaine de la loi de finances. En effet, comme votre Conseil l'a indiqué, les dispositions qui sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances sont celles qui ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État, qui n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État, qui n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières, qui ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques DC 2005-230. L'article 23 modifie le code de commerce pour permettre aux sociétés non cotées de racheter leurs actions. Il est donc étranger au domaine des lois de finances et doit donc être censuré comme tel.
CONSTIT/CONSTEXT000025115296.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances pour 2012, le 23 décembre 2011, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Mmes Marie-Noëlle BATTISTEL, Chantal BERTHELOT, MM. Patrick BLOCHE, Jean-Michel BOUCHERON, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Laurent CATHALA, Bernard CAZENEUVE, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, René DOSIÈRE, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Mme Laurence DUMONT, MM. Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Monique IBORRA, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, M. Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, M. François LONCLE, Mme Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Kléber MESQUIDA, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Jean-Luc PÉRAT, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Jean-Jack QUEYRANNE, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Michel SAPIN, Christophe SIRUGUE, Mme Christiane TAUBIRA, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Manuel VALLS, Michel VERNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Noël MAMÈRE, François de RUGY, Mmes Anny POURSINOFF, Huguette BELLO, M. Alfred MARIE-JEANNE, Mme Marie-Hélène AMIABLE, M. François ASENSI, Mme Martine BILLARD, MM. Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXES, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances ; Vu le code général des impôts ; Vu le code de la construction et de l'habitation ; Vu le code monétaire et financier ; Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ; Vu la loi de finances rectificative pour 2011, définitivement adoptée le 21 décembre 2011, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-645 DC du 28 décembre 2011 ; Vu les observations du Gouvernement en réponse à la saisine ainsi que ses observations complémentaires produites à la demande du Conseil constitutionnel, enregistrées les 26 et 27 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2012 ; qu'ils font valoir que cette loi ne respecte pas le principe de sincérité ; qu'ils contestent, sur le fond, la conformité à la Constitution des dispositions de ses articles 26 et 27 ; - SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES : 2. Considérant que, selon les requérants, les prévisions de croissance économique sur lesquelles est fondée la loi de finances conduisent à fausser de plusieurs milliards d'euros l'équilibre de celle-ci ; qu'ils soutiennent que le Gouvernement aurait dû modifier ces prévisions de croissance avant la fin de la discussion de la loi déférée et prendre les mesures correctrices nécessaires ; que, faute de telles mesures, la loi déférée méconnaîtrait le principe de sincérité de la loi de finances ; 3. Considérant que l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée dispose : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu'il en résulte que la sincérité de la loi de finances de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine ; 4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des travaux parlementaires qu'après le vote par l'Assemblée nationale de la première partie de la loi de finances, le Gouvernement a été amené à modifier les prévisions économiques initiales associées à ce projet ; que, pour assurer la sincérité de la loi de finances et préserver l'équilibre que cette dernière détermine, il a, d'une part, présenté des amendements sur la seconde partie du projet de loi de finances et, d'autre part, tiré les conséquences des nouvelles mesures fiscales insérées dans le projet de loi de finances rectificative alors en discussion ; 5. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que, compte tenu des incertitudes particulières relatives à l'évolution de l'économie en 2012, les hypothèses économiques de croissance finalement retenues soient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi déférée ; 6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré du défaut de sincérité de la loi de finances doit être écarté ; - SUR LES ARTICLES 26 ET 27 : 7. Considérant que les articles 26 et 27 insèrent respectivement dans le code général des impôts les articles 1613 ter et 1613 quater ; que ces articles instituent, en des termes identiques, deux contributions perçues sur certains jus de fruits, eaux, y compris les eaux minérales et les eaux gazéifiées, et autres boissons non alcooliques, conditionnés dans des récipients pour la vente au détail et destinés à la consommation humaine ; que ces contributions, dont le montant est fixé à 7,16 euros par hectolitre, sont principalement dues par les fabricants de ces boissons établis en France, leurs importateurs et les personnes qui réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées à titre onéreux ou gratuit ; 8. Considérant que la contribution instituée par l'article 1613 ter porte sur les boissons contenant des sucres ajoutés, à l'exclusion des laits infantiles premier et deuxième âges, des laits de croissance et des produits de nutrition entérale pour les personnes malades ; que celle qui est instituée par l'article 1613 quater porte sur les boissons contenant des édulcorants de synthèse et ne contenant pas de sucres ajoutés, à l'exclusion des denrées destinées à des fins médicales spéciales ainsi que des aliments hyperprotéinés destinés aux personnes dénutries ; 9. Considérant que le produit de la contribution prévue par l'article 1613 ter est affecté pour moitié à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ; que, pour le surplus, le produit de ces contributions revient au budget général ; 10. Considérant que, selon les requérants, l'assiette de la taxe créée par l'article 26 sur les boissons sucrées n'est pas définie en fonction de critères objectifs et rationnels en relation directe avec l'objectif invoqué ; qu'un objectif de santé publique ne saurait, en effet, justifier une mesure pénalisant les aliments comportant des sucres ajoutés ; que serait également incohérente avec la poursuite d'un tel objectif l'institution d'une taxation en fonction du volume des boissons et non du poids ou du pourcentage de sucres ajoutés ; qu'en outre, l'institution concomitante, par l'article 27, d'une taxe sur les boissons ne comprenant pas de sucres ajoutés serait elle-même contradictoire avec la poursuite de cet objectif ; que, par suite, les articles 26 et 27 de la loi méconnaîtraient l'égalité devant les charges publiques ; 11. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 12. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des travaux parlementaires que, lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances pour 2012 comportait, en seconde partie, un article 46 instituant une contribution sur certaines boissons contenant des sucres ajoutés ; que cette contribution poursuivait, à des fins de santé publique, l'objectif de favoriser la consommation de boissons non sucrées ; que, toutefois, en cours de débat à l'Assemblée nationale, l'article 46 a été supprimé et remplacé par un article 5 octies, devenu l'article 26, qui redéfinit, en première partie de la loi de finances, les termes de cette contribution ; qu'en outre, concomitamment, a été instituée à l'article 27 une contribution de même nature assise sur les boissons contenant des édulcorants de synthèse ; qu'ainsi, le Parlement a privilégié le rendement fiscal de ces contributions par rapport à l'objectif de santé publique initialement poursuivi ; 13. Considérant, en second lieu, que les contributions instaurées par les articles 26 et 27 sont applicables à un ensemble de boissons défini de manière objective et rationnelle, qui contiennent soit des sucres ajoutés soit des édulcorants de synthèse ; qu'en instituant ces contributions, assises sur des opérations précisément définies, le législateur n'a pas soumis à des impositions différentes des contribuables placés dans une situation identique ; qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; 14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles 26 et 27 doivent être déclarés conformes à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 19 : 15. Considérant que l'article 19 insère dans le code général des impôts un article 978 bis ; que cet article soumet à un droit la première opération d'apport, cession ou échange de titres d'une société titulaire de l'autorisation d'un éditeur de services de communication audiovisuelle lorsque cette opération contribue au transfert du contrôle de cette société ; que ce droit, égal à 5 % de la valeur des titres échangés, est dû par le cédant ; que, selon le quatrième alinéa de l'article 978 bis, le fait générateur de ce droit « intervient le jour de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui agrée, conformément à l'article 42-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, le transfert du contrôle de la société titulaire de l'autorisation suite à l'apport, la cession ou l'échange des titres » ; 16. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; 17. Considérant que l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée n'impose pas l'agrément du Conseil supérieur audiovisuel préalablement au transfert du contrôle de la société titulaire de l'autorisation à la suite de l'apport, la cession ou l'échange des titres ; qu'en définissant le fait générateur de la nouvelle imposition en référence à une telle décision d'agrément, le législateur a méconnu les exigences constitutionnelles précitées ; que, par suite, l'article 19 doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR LA PLACE D'AUTRES DISPOSITIONS DANS LA LOI DE FINANCES : 18. Considérant que l'article 87, qui modifie l'article L. 423-15 du code de la construction et de l'habitation et l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, permet aux sociétés d'habitation à loyer modéré d'effectuer des avances en compte courant au profit de sociétés ou d'entreprises dans lesquelles elles possèdent des parts et qui procèdent à l'acquisition ou à la construction de logements sociaux dans les départements d'outre-mer ou à Saint-Martin ; 19. Considérant que l'article 118 prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'opportunité et les modalités de la modification du décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord ; 20. Considérant que l'article 119 prévoit la remise d'un rapport au Parlement étudiant les possibilités de réformes tendant à réduire le délai moyen de jugement de la juridiction administrative ; 21. Considérant que l'article 127 modifie l'article 83 de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques susvisée ; qu'il porte de 108 à 128 millions d'euros le plafond du montant de la contribution annuelle des agences de l'eau aux actions menées par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques ; 22. Considérant que l'article 147 prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur les conditions de mise en oeuvre d'un fonds contribuant à des actions de prévention et de lutte contre le tabagisme ainsi qu'à l'aide au sevrage tabagique ; 23. Considérant que l'article 159 prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur les conditions d'éligibilité des personnes morales au bonus accordé lors de l'achat de véhicules hybrides ; 24. Considérant que ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État ; qu'elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État ; qu'elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières ; qu'elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001 ; qu'il suit de là que les articles 87, 118, 119, 127, 147 et 159 de la loi déférée ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; 25. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances pour 2012 : - l'article 19 ; - l'article 87 ; - l'article 118 ; - l'article 119 ; - l'article 127 ; - l'article 147 ; - l'article 159. Article 2.- Les articles 26 et 27 sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Paris, le 26 décembre 2011 OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT SUR LE RECOURS DIRIGE CONTRE LA LOI DE FINANCES POUR 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d’un recours dirigé contre la loi de finances pour 2012. Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DÉFÉRÉE A/ Les députés requérants soutiennent que la loi de finances pour 2012 méconnaît l’exigence de sincérité qui s’impose à elle en ce que les prévisions de recettes sur lesquelles repose son équilibre ont été élaborées sur la base d’une prévision de croissance exagérément optimiste. B/ Ce grief n’est pas fondé. 1/ Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances dispose, à son article 32, que « les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État », cette sincérité devant s’apprécier « compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Il en résulte, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que, dans le cas notamment de la loi de finances de l’année, « la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances » (décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, cons. 60). Ainsi, les prévisions de recettes doivent être initialement établies par le Gouvernement au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet de loi de finances. Il lui appartient d’informer le Parlement, au cours de l’examen de ce projet de loi, lorsque surviennent des circonstances de droit ou de fait de nature à les remettre en cause et, en pareille hypothèse, de procéder auxcorrections nécessaires (décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004, cons. 4). Mais, toujours selon le Conseil constitutionnel, « les prévisions de recettes sont inévitablement affectées des aléas inhérents à de telles estimations et des incertitudes relatives à l’évolution de l’économie » (même décision, cons. 5). C’est la raison pour laquelle il n’exerce qu’un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation, tant sur les hypothèses de croissance retenues pour élaborer le projet de loi de finances que sur les évaluations de recettes qui en résultent (v., notamment, décisions n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, cons. 3 et 4 ; n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002, cons. 4 ; n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, cons. 4 et 5). 2/ Au cas d’espèce, loin de méconnaître ces exigences, la loi déférée traduit le souci du Gouvernement de tirer toutes les conséquences, dans un contexte marqué par une forte incertitude, de la dégradation des perspectives de croissance au cours de l’élaboration puis de l’examen au Parlement du projet de budget pour 2012, tout en respectant ses objectifs en matière de déficit public. Ainsi, il n’est pas sans intérêt de rappeler que les grandes lignes de ce projet ont été élaborées et présentées au Parlement, à l’occasion du débat d’orientation sur les finances publiques, au début de l’été 2011, sur la base d’une prévision de croissance, pour 2012, de 2,25 %. La dégradation de l’environnement international, en raison notamment de la crise des dettes souveraines, a conduit le Gouvernement à annoncer une première révision de cette prévision, à la fin du mois d’août, à 1,75 %. C’est sur cette base qu’ont été élaborées les prévisions de recettes figurant dans le projet de loi de finances pour 2012 déposé le 28 septembre dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale. Puis, en cours d’examen de ce projet par le Parlement, le Gouvernement a, précisément pour satisfaire à l’exigence de sincérité des lois de finances, révisé une nouvelle fois sa prévision de croissance, portée, à la fin du mois d’octobre, à 1 %. Ce chiffre était alors quasi-identique à celui retenu par le consensus des prévisionnistes (0,9 % au 1er novembre). Il demeurait très proche de celui qui reflétait encore le consensus des prévisionnistes à la mi-novembre (0,7 %), lequel, compte tenu des délais inhérents à un tel exercice, était le dernier sur lequel le Gouvernement pouvait se fonder pour envisager de réviser les évaluations de recettes figurant dans la loi déférée. Il est également celui qui fonde les évaluations de recettes figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, et qui a été jugé propre à assurer la sincérité de ces évaluations par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-642 DC du 15 décembre 2011 (cons. 5). Si, depuis lors, de nombreuses institutions prévoient désormais une croissance moindre en 2012 – la prévision officielle de la Commission européenne s’établissant ainsi à 0,6 %, comme le rappellent les députés requérants –, il convient de souligner la grande hétérogénéité de ces prévisions, dans un environnement économique international particulièrement incertain et volatil. L’écart entre la moyenne de ces prévisions et le chiffre qui fonde les évaluations de recettes figurant dans la loi déférée ne traduit ainsi aucune erreur manifeste d’appréciation et il est, en tout état de cause, suffisamment faible pour qu’il soit possible d’affirmer, comme l’a fait le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002 précitée (cons. 4), que, compte tenu notamment du fait que deux des principaux impôts perçus par l’État, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, sont calculés pour l’essentiel sur des données économiques de l’année précédant celle du recouvrement, « l’erreur alléguée dans le choix des hypothèses économiques ne conduirait [...] qu’à une surestimation des recettes fiscales de faible ampleur [...] au regard des masses budgétaires » en cause. Dans ces conditions, il ne peut être sérieusement soutenu que les hypothèses de croissance et les évaluations de recettes retenues par le Gouvernement traduisent la volonté de fausser les grandes lignes de l’équilibre de la loi déférée. Le Conseil constitutionnel ne pourra donc qu’écarter le grief tiré du défaut de sincérité de cette dernière. II/ SUR LES ARTICLES 26 ET 27 A/ Les députés requérants soutiennent que, en déterminant l’assiette et le taux des contributions sur certaines boissons contenant, respectivement, des sucres ajoutés et des édulcorants de synthèse, instituées par les articles 26 et 27 de la loi déférée, le législateur a méconnu le principe d’égalité devant l’impôt. Selon eux, en effet, l’objectif de santé publique invoqué par le Gouvernement pour instituer la première de ces deux contributions, consistant à décourager la consommation de boissons contenant des sucres ajoutés en raison notamment de l’impact de cette consommation sur le risque d’obésité, n’est qu’un « simple prétexte » pour « lever des recettes nouvelles ». Ils considèrent que, en tout état de cause, un tel objectif est compromis par la seconde contribution, qui frappe, précisément, des boissons ne contenant pas de sucres. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. 1/ Ainsi que le rappellent les députés requérants, la première des deux contributions litigieuses est issue d’un projet du Gouvernement qui répondait, au premier chef, à des préoccupations de santé publique. Il s’agissait de sensibiliser les consommateurs, par un renchérissement modéré du prix des sodas et boissons assimilées contenant des sucres ajoutés, aux risques pour la santé liés à la consommation excessive de telles boissons. Cette mesure s’inscrivait ainsi dans le cadre de la troisième version du « Programme national nutrition santé » (PNNS) et dans celui du « Plan obésité 2010-2012 », qui ont été présentés en conseil des ministres le 20 juillet 2011. Contrairement à ce que suggèrent les auteurs de la saisine, l’implication des produits contenant des sucres ajoutés dans le développement de l’obésité et d’autres maladies associées (diabète, caries, ...) est scientifiquement établie. La consommation excessive de boissons sucrées est ainsi reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un facteur de risque d’obésité. Et c’est précisément parce qu’ils sont « largement impliqués dans l’épidémie d’obésité » que le rapport présenté en 2008 par Mme Valérie Boyer, députée, en conclusion des travaux de la mission sur la prévention de l’obésité (n° 1131), préconisait notamment un alourdissement de la fiscalité sur les sodas et autres boissons très sucrées. Or, conformément aux exigences du principe d’égalité devant l’impôt – qu’on l’envisage sous l’angle de l’égalité devant la loi fiscale ou sous celui de l’égalité devant les charges publiques –, l’assiette et le taux de la contribution instituée par l’article 26 de la loi déférée ont été définis de manière objective et rationnelle en fonction des buts que se proposait ainsi le législateur, lequel, selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, est libre d’établir des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général (v. par ex. la décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 80). Ainsi, l’assiette de la contribution litigieuse est déterminée objectivement, par référence à la nomenclature douanière, de façon à isoler, au sein des boissons sucrées, celles dont la consommation est le plus préjudiciable à la santé publique, c’est-à-dire les boissons contenant des sucres ajoutés et ne présentant pas, par ailleurs, de véritable intérêt nutritionnel, telles que colas, limonades et autres sodas. C’est ce qui justifie que soient laissés en dehors du champ d’application de la contribution, d’une part, les boissons naturellement sucrées telles que les jus de fruits purs, d’autre part, les produits laitiers, en raison de l’apport en calcium qu’ils procurent. Quant à l’exclusion des laits infantiles premier et deuxième âges, des laits de croissance et des produits de nutrition entérale pour les personnes malades, elle se justifie par des considérations de santé publique évidentes. Le taux de la contribution a, quant à lui, été fixé à un niveau relativement modeste, afin notamment de ne pas peser sur le pouvoir d’achat des ménages. Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, ce souci n’est nullement contradictoire avec l’objectif poursuivi par cette contribution. Cet objectif, en effet, n’est pas de conduire les consommateurs à se détourner totalement de produits qui, consommés sans excès, ne présentent pas de risque pour la santé, mais simplement de les inciter à en modérer leur consommation. Par ailleurs, le choix d’un tarif unique pour l’ensemble des produits taxés, quelle que soit leur teneur en sucres ajoutés, est cohérent avec l’objectif de santé publique poursuivi, qui, outre d’inciter les consommateurs à en faire une consommation raisonnable, est de dissuader les fabricants de recourir à tout ajout de sucre dans ces produits, quelle qu’en soit la quantité. Au demeurant, une modulation du tarif de la contribution en fonction de la quantité de sucre contenue dans les boissons n’aurait pas été possible en raison de l’absence d’obligation pour les fabricants, à ce jour, d’indiquer sur les produits le volume, la quantité ou la part de sucres ajoutés. L’institution d’une telle obligation au niveau national, outre qu’elle serait difficile à mettre en oeuvre en pratique, aurait d’ailleurs pu se heurter à des obstacles du point de vue du droit de l’Union européenne. 2/ La contribution sur certaines boissons contenant des édulcorants de synthèse qu’institue l’article 27 de la loi déférée a, quant à elle, été introduite, au cours de l’examen de celle-ci par le Parlement, dans un but dont il résulte des travaux parlementaires qu’il est essentiellement budgétaire. Cette différence d’approche avec celle qui inspire la contribution voulue par le Gouvernement n’est pas, toutefois, de nature à faire regarder cette seconde contribution comme contraire au principe d’égalité devant l’impôt. Le Gouvernement entend en effet rappeler que le législateur peut soumettre à des impositions différentes des ensembles de produits ou de services homogènes, présentant objectivement des caractéristiques les distinguant des autres produits ou services et correspondant, de ce fait, à des segments de marché et à des circuits économiques différents (v. notamment, à cet égard, la décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, cons. 26). Or les boissons contenant des édulcorants comprises dans l’assiette de la contribution litigieuse constituent une catégorie répondant à ces exigences. Il était donc loisible au législateur, indépendamment de tout objectif de santé publique, de soumettre ces produits à une contribution spécifique, dont le taux, identique à celui retenu pour la contribution sur certaines boissons contenant des sucres ajoutés, est, compte tenu de son niveau relativement peu élevé, insusceptible de conduire à une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Au demeurant, et contrairement à ce qui est soutenu par les députés requérants, l’institution de la contribution prévue par l’article 27 de la loi déférée n’est nullement contradictoire avec l’objectif de santé publique poursuivi par celle qu’institue l’article 26. En effet, il est établi que la consommation de produits contenant des édulcorants, notamment chez les enfants, favorise l’accoutumance au goût sucré et se traduit généralement, sur l’ensemble de la vie, par une consommation accrue de boissons sucrées, et plus généralement de produits sucrés. 3/ Enfin, pour le cas où le Conseil constitutionnel déciderait, par dérogation à sa jurisprudence constante selon laquelle, pour l’application du principe d’égalité devant l’impôt, la situation des redevables s’apprécie au regard de chaque imposition prise isolément (v. en dernier lieu la décision n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010, cons. 5), d’apprécier le respect du principe d’égalité au niveau de l’ensemble constitué par les deux contributions litigieuses, eu égard à la proximité de leurs caractéristiques, il ne serait pas davantage conduit à constater une quelconque méconnaissance de ce principe. Pour les raisons qui ont été indiquées précédemment, en effet, les boissons comprises dans le champ d’application de ces contributions, envisagé globalement, présentent, eu égard tant à leurs caractéristiques intrinsèques qu’à leurs effets, directs ou indirects, sur la santé publique, des caractéristiques propres les distinguant des autres boissons destinées à la consommation humaine. Cette différence de situation permettait qu’elles fassent l’objet d’un traitement fiscal particulier, pourvu qu’il n’en résulte aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, cette condition étant bien respectée en l’espèce. Le Conseil constitutionnel ne pourra donc qu’écarter le grief tiré de la violation, par les articles 26 et 27 de la loi déférée, du principe d’égalité devant l’impôt. Pour ces raisons, le Gouvernement est d’avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi de finances pour 2012. 1.- Sur l'insincérité de la loi de finances pour 2012 : Les députés auteurs de la présente saisine soutiennent en particulier que la loi déférée ne respecte pas le principe de sincérité. Votre Conseil a indiqué à de multiples reprises que ce principe se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Or le Gouvernement a précisément méconnu ce principe en retenant délibérément des prévisions économiques exagérément optimiste. La loi de finances a été Initialement construite sur une prévision de croissance de 1,75%. Cette prévision de croissance a été partiellement révisée en cours d'examen de la loi de finance, à 1 %, conduisant à l'adoption d'une «mise à jour du Rapport économique social et financier» annexé au projet de loi de finances. Or même ramenée à ce niveau, celle-ci demeure manifestement trop élevée au regard des éléments disponibles au moment du vote de la loi de finances. La Commission européenne prévoit ainsi une croissance limitée à 0,6%. L'OCDE prévoit quand à elle une croissance limitée à 0,3%. Au-delà même de ces prévisions internationales, la note de conjoncture de l'Institut national de la statistique et des études économiques, achevée le 8 décembre, soit près de 2 semaines avant la lecture définitive la loi déférée et une semaine avant la nouvelle lecture à l'Assemblée, prouve l'optimiste exagéré des prévisions économiques du Gouvernement. A titre d'exemple, l'acquis de croissance de la demande mondiale adressée à la France à l'issue du second semestre 2012 serait de 0,6% selon l'INSE, la prévision gouvernementale pour 2012 s'établissant à 4% dans la mise à jour du RESF. S'agissant de l'investissement des entreprises, l'INSEE prévoit un acquis de croissance négatif (-1,1 %) à l'issue du premier semestre tandis que le Gouvernement table sur une croissance de 2,2% pour l'ensemble de l'année. Surtout, l'acquis de croissance du PIB devrait être nul à la mi-année selon l'INSEE. Dans ces conditions, persister à retenir une croissance de 1 % sur l'ensemble de l'année revient à espérer une hausse très forte de l'ensemble de l'activité, hausse dont rien ne vient soutenir l'hypothèse. Les prévisions de croissance du Gouvernement sont donc caractérisées par leur caractère démesurément optimiste, alors même qu'elles ont un impact direct et important sur la prévision de recettes et donc sur l'équilibre de la loi déférée. Comme l'a récemment indiqué Madame la Ministre du budget (lors de son audition du 9 novembre 20 Il), «un point de croissance en moins représente un peu moins de 1 0 milliards d'euros de perte de recettes. » En conséquence, il est évident que la prévision de croissance retenue par le Gouvernement conduit à fausser de plusieurs milliards l'équilibre de la loi déférée. Un tel écart est très important, particulièrement au regard de votre décision DC 2011-642 lors de laquelle vous avez décidé que le respect du principe de sincérité justifiait l'introduction de dispositions méconnaissant la règle dite «de l'entonnoir », afin de contribuer, à hauteur de 59MEUR, à rétablir un équilibre qui aurait sans elles été dégradé d'environ 1,1 milliard d'euros. Le respect du principe de sincérité n'étant pas optionnel, le Gouvernement aurait dû, comme pour la loi de financement de la Sécurité sociale, modifier avant la fin de la discussion de la loi déférée sa prévision de croissance et en conséquence prendre les mesures correctives nécessaires. Si votre Conseil ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement, ne pas reconnaître l'insincérité de cette prévision et donc de la loi de finances reviendrait à reconnaître au Gouvernement le droit d'améliorer facticement l'équilibre de la loi de finances au moyen de prévisions délibérément optimistes. Il appartient donc à votre Conseil de reconnaître le caractère insincère de cette loi de finances pour 2012. Il.- Sur les articles 26 et 27 relatifs à la taxation des boissons sucrées et contenant des édulcorants de synthèse: 1. A l'origine, le projet de loi de finances pour 2012 comportait un article 46 qui tendait à instituer une contribution nouvelle touchant les boissons contenant des sucres ajoutés. Au cours des débats à l'Assemblée nationale, cette disposition a été déplacée (1) de la seconde partie du projet vers la première, devenant l'article 5 octies et définitivement l'article 26. Il en résulte un doublement du taux de la taxe et il a été ajouté une autre disposition qui frappe, elle, les boissons contenant des édulcorants de synthèse, qui figure désormais à l'article 5 nonies, devenu article 27. Le produit de la première de ces deux taxes (article 26) est affecté pour moitié à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, tandis que celui de la seconde, faute de précision contraire, abondera le budget général. Ces dispositions ont ceci en commun qu'elles sont l'une et l'autre contraires à la Constitution telle que l'interprète le Conseil constitutionnel. 2. Premièrement, celui-ci prend soin de souligner, chaque fois que pertinent, «qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement l'assiette et le taux, sous réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle »(2), rappelant ainsi l'étendue, très large, de la compétence législative. Deuxièmement, il admet sans difficulté que des impositions puissent poursuivre d'autres finalités que celles de leur seul rendement. Ainsi a-t-il considéré que « le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs »(3). De même accepte-t-il qu'une imposition puisse rechercher à la fois un objectif de rendement et un objectif de comportement puisqu'il a eu l'occasion de relever, sans y voir matière à objection, «qu'il ressort des travaux préparatoires que la taxe critiquée a pour objet non seulement de contribuer au financement de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, mais également de rééquilibrer les conditions de concurrence entre circuits de distribution des médicaments, au motif que les grossistes répartiteurs de médicaments sont soumis à des obligations de service public qui ne s'imposent pas aux laboratoires pharmaceutiques » (4). Enfin, d'une manière plus générale, il juge que «conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables » (5). 3. Mais, en tout état de cause et de quelque liberté que jouisse le Parlement, le Conseil rappelle constamment que «en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ». C'est en décembre 1989 (6) que cette exigence s'est trouvée formulée pour la première fois et on la retrouve dans de très nombreuses décisions. Le juge, de plus, a enrichi ce qu'il avait déjà considéré à partir de 1989, en prolongeant la proposition pour préciser que c'est «en fonction des buts qu'il se propose » (7) que l'appréciation du législateur doit être fondée sur des critères objectifs et rationnels. C'est donc à cette lumière que doivent s'analyser les dispositions ici en cause. A cette aune, il ne fait aucun doute que les articles 26 et 27 de la loi de finances pour 2012 méconnaissent les principes ainsi définis. 4. Il résulte de ces derniers, tout d'abord, que le législateur, lorsqu'il use du large pouvoir qui est le sien, ne peut instituer de prélèvements sélectifs que dans le «respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle », donc à condition de pouvoir justifier le périmètre de la mesure, sauf à porter atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques. Aussi bien, en l'occurrence, gouvernement et Parlement ont-ils invoqué le principe de protection de la santé publique, désormais mobilisé pour les finalités les plus variées, et la lutte contre l'obésité. Ainsi ces taxes, et surtout la première d'entre elles, ont-elles été continument présentées au cours des débats comme ne poursuivant pas un objectif de rendement mais une finalité de comportement: en accroissant la fiscalité sur les produits en cause, on cherche « à dissuader le consommateur et à l'orienter vers d'autres types de boissons » (8). Les intervenants ont été d'autant plus insistants sur cet aspect qu'ils avaient conscience de ce que, faute d'une telle motivation, la taxation serait arbitraire et censurée comme telle. Ainsi, le gouvernement a lui-même évoqué à plusieurs reprises le risque d'inconstitutionnalité pendant la discussion parlementaire à l'Assemblée nationale. Or, le premier problème est qu'il ne s'agit là que d'un simple prétexte qui dissimule, mal, la volonté de lever des recettes nouvelles, volonté qui peut être louable en elle-même mais ne saurait aller jusqu'à autoriser des impositions discriminatoires. 5. Le fait qu'il ne s'agisse que d'un prétexte est établi par le projet lui-même et les débats auxquels il a donné lieu. En effet, comme l'indique l'évaluation préalable de l'article 46 initial du projet de loi de finances pour 2012, présentée conformément au 8° de l'article 51 de la LOLF, le rendement a été« estimé sur la base d'une assiette reconstituée à partir de données de consommation de 2010 » (9). Par la suite, dans l'ensemble des travaux préparatoires, ont été évoqués des chiffres, relatifs au rendement attendu des mesures, assis sur une consommation strictement identique à ce qu'elle est aujourd'hui. Le législateur lui-même postule ainsi l'impuissance des mesures qu'il vote à réaliser, fût-ce en partie seulement, la finalité prétendument poursuivie. Le niveau du produit attendu n'est pas tel qu'une évaluation erronée puisse retentir sur l'équilibre général de la loi de finances, mais son mode de calcul oblige à constater que l'on est, en réalité, en présence d'une taxation de rendement, étrangère à toute préoccupation réelle de la santé publique, et ne pouvant donc utilement exciper de celle-ci. Ainsi, avant même de démontrer que cette taxation n'est ni objective ni rationnelle au regard du but qu'elle prétend se donner, il ressort des travaux préparatoires, objectivement, rationnellement et même arithmétiquement, que ce but lui-même n'est qu'un simple prétexte et qu'il doit être appréhendé comme tel. Dans ces conditions, les dispositions en cause devraient être censurées comme instituant une taxation purement et simplement arbitraire parce que frappant sélectivement des boissons pour lesquelles aucune finalité légitime et identifiée ne justifierait ce sort funeste, 6. Mais il y a plus, toujours à propos du but affiché. Celui-ci tend, on l'a rappelé, à orienter le consommateur «vers d'autres types de boissons» que celles qui contiennent des sucres ajoutés. Mais ces dernières, que caractérise justement le fait qu'elles sont « light » ou «sugar free », utilisent des édulcorants de synthèse. Logiquement soustraites à la disposition du projet initial, les voici rattrapées par le nouvel article 27 qui leur étend la même contribution, au même taux. Qu'aucune justification de santé publique ne soit ici présente est, en soi, un aspect qui mérite d'être souligné. Surtout, gouvernement et Parlement adoptent ainsi une attitude qui confine à l'absurde. D'un côté, ils décident de taxer les boissons sucrées pour, sous prétexte de santé publique, en dissuader la consommation. D'un autre côté et dans le même temps, ils taxent également, et au même niveau les boissons qui sont leurs substituts. En d'autres termes, l'article 46 initial avait une apparence de raison. La coexistence des articles 26 et 27 est, elle, tout à fait contradictoire et achève de convaincre de l'inanité du motif d'intérêt général faussement avancé. 7. L'absence de réelle justification d'intérêt général, manifeste en ce qui concerne les boissons incorporant des édulcorants de synthèse, démontrée en ce qui concerne celles qui comportent des sucres ajoutés, ne laisse donc subsister que le caractère arbitraire des deux taxations instituées. Ce n'est pas non plus du côté de leur destination que pourrait apparaître un fondement acceptable. Premièrement, le fait qu'une contribution en réalité étrangère à la santé publique voie la moitié de son produit affectée à la CNAM ne saurait naturellement suffire à la faire relever du 11ème alinéa du préambule de 1946. Deuxièmement, la volonté du législateur d'utiliser une partie de ces ressources afin d'alléger le coût salarial du travail agricole est sans aucun rapport avec les consommations sur lesquelles les taxes seraient assises non plus qu'avec le souci de la santé publique. Dans ces conditions, c'est le principe même de ces taxes qui est contraire à la Constitution, avant même d'examiner leurs modalités, faute qu'existe la moindre justification tangible à ces impositions sélectives et, de ce fait, arbitraires. 8. S'agissant ensuite des critères sur lesquels ces impositions sont fondées, on sait qu'il leur faut être à la fois objectifs et rationnels. On constatera aisément qu'ils ne sont ici ni l'un ni l'autre. Sur le caractère objectif du critère retenu, dès lors qu'il s'agit de dissuader la consommation de sucres ajoutés, c'est la quantité de ces derniers qui, en bonne logique, devrait constituer l'assiette de la taxation. Il en va d'autant plus ainsi que, parmi les boissons visées par l'article 26, existent des différences très substantielles. Pourtant, la taxe frapperait indistinctement toutes les consommations supérieures au seuil fixé. On sait que, partout où des seuils sont pertinents, leur institution produit néanmoins des effets qui peuvent être discutables et que c'est là une conséquence inévitable qui, en elle-même, n’est pas inconstitutionnelle. Toutefois, au cas présent, c'est bien du sucre ajouté qu'il s'agit, et de lui seul, de sorte que la fixation paresseuse d'un seuil au-delà duquel tous les produits sont traités de la même manière n'est nullement objective: au regard de leur teneur en sucre, toutes les boissons visées ne se valent pas et il s'en faut de beaucoup. Autant, dans le domaine social, peuvent s'appliquer par exemple des seuils de salariés par lesquels on tente, avec plus ou moins de réussite, de distinguer petites, moyennes et grandes entreprises, autant il est aussi possible, dans le même esprit, de retenir des seuils de chiffres d'affaires, autant, en revanche, on ne saurait décider, en matière de fiscalité du revenu par exemple, qu'un seuil bas autorise ensuite à imposer de la même manière tous ceux qui le franchissent. 9. A cela, le gouvernement croit avoir répondu par avance lorsque, dans son évaluation de la disposition, il estime que « le principe d'une taxation au poids ou pourcentage de sucres ajoutés contenus dans le produit n'a pu être retenu dès lors qu'il n'existe aucune obligation au plan communautaire (non plus qu'au plan national) pour les opérateurs d'indiquer sur leurs produits le poids ou la part de sucres ajoutés » (10). Rien n'interdisait au Parlement d'imposer aux assujettis de déclarer le poids ou la part de sucres ajoutés et de les taxer en fonction de cela. Non seulement il le pouvait mais il le devait puisque c'était la condition de la conformité à la Constitution. D'une manière générale, lorsque l'assiette d'une contribution est une quantité, soit celle-ci est connue, soit obligation est faite à ceux qui y sont assujettis de la déclarer. L'on ne peut à la fois constater l'absence, facilement remédiable, d'une telle déclaration pour, ensuite, l'invoquer afin de justifier un dispositif sans objectivité. C'est pourtant ce qu'a fait le Parlement, ce qui a autorisé à parler ici de la fixation paresseuse d'un seuil, et l'on pourrait dire, paraphrasant Rousseau: le respect de la Constitution ou le repos, il faut choisir. 10. Outre qu'elle n'est pas objective, la taxe instituée par l'article 26 n'est pas non plus rationnelle. Toujours en acceptant, pour les seuls besoins de la discussion, de prendre au sérieux le prétexte invoqué, celui-ci prétend traquer le sucre, vecteur supposé de nutrition déséquilibrée et d'obésité. Premièrement, il n'est pas indifférent de rappeler que le sucre n'est pas que cela. Il est d'abord un élément nutritionnel et calorique indispensable à la santé. Comme tous les autres éléments de même type, c'est l'excès qui doit en être combattu, mais pas la consommation elle-même. De ce fait, ceux qu'une taxation voulue comme dissuasive aura découragés de consommer les boissons en cause devront trouver ailleurs le sucre dont ils ont besoin sans, de ce fait, que diminue la quantité d'absorption de ce dernier. Deuxièmement surtout, sont laissés à l'écart de cette taxation toutes sortes de produits dans lesquels des sucres ajoutés sont substantiellement plus présents. Qu'il s'agisse de certains jus de fruits mais aussi de boissons lactées, notamment chocolatées, de très large consommation, ces produits ne sont pas touchés par la disposition. Aujourd'hui, les boissons concernées par le dispositif ne représentent en apports caloriques, pour les enfants de 6 à Il ans ou pour les adolescents, que 2 % et 3,40 % respectivement contre 7,70 % et 4,70 % pour les boissons lactées. Et encore ne sont évoquées ici que les seules boissons mais si l'on se tourne vers les produits solides, la liste est très longue de ceux qui peuvent jouer un rôle beaucoup plus déterminant en matière d'obésité et qui, pourtant, ne font l'objet d'aucune taxation particulière. La même remarque vaut également pour l'article 27 dans la mesure où l'on cherche en vain la rationalité qui s'attacherait à ce que la présence d'édulcorants de synthèse, au demeurant considérés comme bénéfiques en termes de santé publique, déclenche l'application d'une taxation spécifique. 11. En réalité, sous couvert de santé publique, comme souvent, c'est d'abord le souci du rendement qui motive les auteurs de la mesure, comme en atteste, au demeurant, la prolifération des taxes en tous genres, sur les assiettes les plus variées, dont les lois de finances et de financement de la sécurité pour 2012 offrent un impressionnant catalogue. Cette caractéristique s'illustre particulièrement dans la manière dont ces taxes sont défendues. D'un côté, en effet, leurs auteurs clament leur volonté dissuasive, sur un ton presque martial, cependant que, d'un autre côté, ils insistent également sur la modicité des montants, paraissant ne pas avoir conscience de ce que ceci a de contraire à cela. Or, l'impact économique de la mesure mérite d'être mentionné. Le gouvernement se flatte de ce que l'impact serait seulement de 10 centimes sur une bouteille d' 1,5 litre, lesquels ne seront certes pas négligeables pour les ménages à bas revenus, qui sont également ceux qui consomment généralement le plus d'aliments et de boissons à haute teneur énergétique. 12. En dernier lieu, on doit observer que, lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté à l'article 26 (5 octies) qui exclut de la contribution « les denrées destinées à des fins médicales spéciales ainsi que les aliments hyper protéinés destinés aux personnes dénutries ». Ceci n'a rien que de très justifié. Mais, il se trouve que, dans le même temps, a été rejeté un autre amendement, à l'article 27 (5 nonies), qui proposait d'exclure de la même manière «les préparations pour nourrissons et préparations de suite, les aliments lactés destinés aux enfants en bas âge, les préparations à base de céréales et aliments pour bébés destinés aux nourrissons et aux enfants en bas-âge, les aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales et les aliments hyper protéinés destinés aux personnes dénutries. De ce fait, on aboutit à cette situation étrange dans laquelle les personnes atteintes de diabète pourront bénéficier de produits non assujettis à la contribution cependant que les personnes atteintes d'anémie devront payer plus chers les produits qu'elles consomment. Il s'agit là d'une nouvelle discrimination, de nouveau contraire au principe d'égalité. 13. Ainsi, sous quelque angle qu'on les aborde, les deux dispositions en cause sont gravement attentatoires au principe d'égalité devant les charges publiques. Celle sur les boissons comportant des sucres ajoutés prétend se justifier par une préoccupation de santé publique en réalité absente ou, au mieux, inconsistante. Elle est fondée sur ces critères qui ne sont ni objectifs ni rationnels et produirait des conséquences économiques graves, tant pour les producteurs que pour les consommateurs les plus démunis. Celle sur les boissons comportant des édulcorants de synthèse ne revendique aucun but d'intérêt général autre que celui de produire un rendement en frappant des boissons que rien ne singularise au regard de l'objet de la mesure. L'une et l'autre sont de plus contradictoires. Ni l'une ni l'autre, en conséquence, ne saurait échapper à la censure. (1) A vrai dire, il s'agit d'un second déplacement, le premier s'étant produit lorsque le masure à été insérée dans le projet de loi de finances après qu'elle avait été annoncée comme devant figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (2) Par exemple, décision 2002-464 De du 27 décembre 2002, considérant n° 19. (3) Décision 2009-599 De du 29 décembre 2009, considérant n° 80. (4) Décision 97-393 De du 18 décembre 1997, considérant n° 15. (5)Par exemple, décision 2000-441 De du 28 décembre 2000, considérant n° 34. (6) Décision 89-270 De du 29 décembre 1989, considérant n° 4. (7) Par exemple, décision 95-369 De du 28 décembre 1995, considérant n° 9. (8) Exposé des motifs de l'article 46 initial du projet de loi de finances pour 2012. (9) Evaluation. . . , p. 207. (10) Evaluation. . . , p. 206.
CONSTIT/CONSTEXT000025115298.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 novembre 2011 par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique, d'une part, des mots : « par courrier ou à l'occasion d'un entretien avec lui ou son représentant » figurant à l'article L. 131-8 du code de l'éducation et, d'autre part, des mots qui désignent ou font référence à « l'inspecteur d'académie », à « l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale » et au « recteur » dans les articles : - L. 131-5 à L. 131-10, L. 241-4, L. 351-3, L. 441-2, L. 441-3, L. 441-7, L. 442-2, L. 731-3, L. 731-4 et L. 914-6 du code de l'éducation ; - L. 141-2 et L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles ; - 227-17-1 du code pénal ; - L. 811-10 du code rural et de la pêche maritime ; - L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu le code de l'éducation ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu le code pénal ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code de la sécurité sociale ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant, en premier lieu, que les mots : « par courrier ou à l'occasion d'un entretien avec lui ou son représentant », figurant à l'article L. 131-8 du code de l'éducation, précisent la procédure administrative par laquelle l'inspecteur d'académie adresse un avertissement aux responsables de l'enfant en cas d'absentéisme scolaire ; qu'ils ne mettent en cause aucun des principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, dès lors, ils ont le caractère réglementaire ; 2. Considérant, en second lieu, que, pour le surplus, les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ont pour seul objet de désigner l'autorité habilitée à exercer au nom de l'État des attributions qui, en vertu de la loi, relèvent de la compétence du pouvoir exécutif ; qu'elles ne mettent en cause ni les principes fondamentaux de la sécurité sociale, ni les règles du droit pénal ou de la procédure pénale qui relèvent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, dès lors, ces dispositions ont le caractère réglementaire, Article 1er.- Ont le caractère réglementaire les mots : « par courrier ou à l'occasion d'un entretien avec lui ou son représentant » figurant à l'article L. 131-8 du code de l'éducation ainsi que les mots qui désignent ou font référence à « l'inspecteur d'académie », à « l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale » et au « recteur » dans les articles : - L. 131-5 à L. 131-10, L. 241-4, L. 351-3, L. 441-2, L. 441-3, L. 441-7, L. 442-2, L. 731-3, L. 731-4 et L. 914-6 du code de l'éducation ; - L. 141-2 et L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles ; - 227-17-1 du code pénal ; - L. 811-10 du code rural et de la pêche maritime ; - L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025115299.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution et selon les modalités fixées par la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-7 de l'ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Noël C. et transmise à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 2206 du code civil. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Julien Soulié, avocat au barreau de Tarbes, enregistrées les 4 et 21 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Soulié, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 2206 du code civil : « Le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant. À défaut d'enchère, celui-ci est déclaré adjudicataire d'office à ce montant. « Le débiteur peut, en cas d'insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché. Toutefois, à défaut d'enchère, le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en permettant que le créancier poursuivant devienne, à défaut d'enchère, propriétaire du bien saisi au prix qu'il a lui-même fixé, l'article 2206 du code civil méconnaît la protection constitutionnelle du droit de propriété ainsi que les droits de la défense ; 3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre l'exécution des obligations civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés ; que l'exécution forcée sur les biens du débiteur est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ; 5. Considérant, en premier lieu, que l'article 2190 du code civil prévoit que la saisie immobilière est une procédure d'exécution forcée sur l'immeuble du débiteur en vue de la distribution de son prix ; qu'elle constitue une modalité de paiement d'une créance exécutoire ; qu'il en résulte que, si l'adjudication conduit à ce que le débiteur soit privé de la propriété de ce bien, cette procédure n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant, en second lieu, que, d'une part, en prévoyant que le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant et en disposant qu'à défaut d'enchère, ce dernier est déclaré adjudicataire, les dispositions contestées ont pour objet d'éviter que la procédure de saisie immobilière demeure suspendue faute d'enchérisseur ; qu'en prévoyant que le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire d'office au montant de la première enchère fixée par lui, elles font obstacle à ce que le créancier poursuivant se voie imposer un transfert de propriété moyennant un prix auquel il n'aurait pas consenti ; que l'objectif poursuivi de garantir dans ces conditions l'aboutissement de la procédure constitue un motif d'intérêt général ; 7. Considérant que, d'autre part, les articles 2202 et 2203 du code civil reconnaissent au débiteur du bien saisi le droit d'obtenir l'autorisation judiciaire de vendre le bien à l'amiable ; qu'à défaut, la vente a lieu par adjudication ; que les articles 2205 et 2206 disposent que l'adjudication de l'immeuble a lieu aux enchères publiques à l'audience du juge ; que, dans le cadre de cette procédure, le débiteur peut saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché ; que l'enchère est ouverte à toute personne qui justifie de garanties de paiement ; que l'adjudication d'office au créancier poursuivant au montant de la mise à prix initiale n'intervient qu'à défaut de toute enchère ; que, dans ces conditions, l'atteinte portée aux droits du débiteur saisi ne revêt pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ; 8. Considérant que l'article 2206 du code civil ne porte aucune atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article 2206 du code civil est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23- 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 décembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000025267960.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 octobre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 351402 du 17 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Claude G., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2336-5 du code de la défense. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la défense ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations pour M. Jean-Claude G. produites par la SCP Alain Monod-Bertrand Colin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 9 et 23 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Alain Rapady, avocat au barreau de Saint-Denis de La Réunion, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2336-5 du code de la défense : « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2336-4, le préfet peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme soumise au régime de l'autorisation ou de la déclaration de s'en dessaisir. « Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme à une personne mentionnée à l'article L. 2332-1 ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la neutraliser, soit à la remettre à l'État. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités du dessaisissement. « Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le préfet fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme. « Lorsque l'intéressé ne s'est pas dessaisi de l'arme dans le délai fixé par le préfet, celui-ci lui ordonne de la remettre, ainsi que ses munitions, aux services de police ou de gendarmerie. « Le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie peut demander au juge des libertés et de la détention l'autorisation de procéder à la saisie de l'arme et des munitions, entre 6 heures et 22 heures, au domicile du détenteur. La demande d'autorisation comporte toutes les informations en leur possession de nature à justifier cette saisie, afin de permettre au juge des libertés et de la détention de vérifier que cette demande est fondée. « La saisie de l'arme désignée à l'alinéa précédent s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée ou d'un juge par lui désigné. Ce magistrat peut se rendre sur les lieux. À tout moment, il peut suspendre ou interrompre la saisie au domicile. Celle-ci est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité. Le procès-verbal de saisie est dressé sur-le-champ, il relate les modalités et le déroulement de l'intervention et comporte s'il y a lieu un inventaire des armes saisies. Il est signé par le commissaire de police ou par le commandant de la brigade de gendarmerie ainsi que par les personnes présentes ; en cas de refus, mention en est faite au procès-verbal. Il est transmis dans les meilleurs délais au juge des libertés et de la détention. « La remise ou la saisie des armes et des munitions ne donne lieu à aucune indemnisation. « Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue au présent article d'acquérir ou de détenir des armes soumises au régime de l'autorisation ou de la déclaration. « Le préfet peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines catégories ou à certains types d'armes. « Cette interdiction est levée par le préfet s'il apparaît que l'acquisition ou la détention d'armes par la personne concernée n'est plus de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes. « À Paris, les pouvoirs conférés au préfet par le présent article sont exercés par le préfet de police » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant aucune indemnisation des armes et des munitions remises ou saisies, ces dispositions portent atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en interdisant à la personne ayant fait l'objet de la mesure de dessaisissement d'acquérir et de détenir une arme, elles seraient contraires au principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la même Déclaration ; qu'enfin, le requérant fait valoir qu'en n'encadrant pas suffisamment le pouvoir du préfet, ces dispositions auraient méconnu l'article 34 de la Constitution ; 3. Considérant qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il doit, en particulier, assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et d'autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs d'infractions et la prévention d'atteintes à l'ordre public, nécessaires, l'une et l'autre, à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle ; 4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de l'article 17, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 5. Considérant, d'une part, que la détention de certaines armes et munitions est soumise à un régime administratif de déclaration ou d'autorisation en raison du risque d'atteintes à l'ordre public ou à la sécurité des personnes ; qu'afin de prévenir de telles atteintes, les dispositions contestées instituent une procédure de « dessaisissement » obligatoire consistant pour le détenteur, soit à vendre son arme dans les conditions légales, soit à la remettre à l'État, soit à la neutraliser ; qu'à défaut d'un tel « dessaisissement », les dispositions contestées prévoient une procédure de saisie ; que, dès lors, cette remise volontaire ou cette saisie n'entre pas dans le champ de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté ; 6. Considérant, d'autre part, que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer la prévention des atteintes à l'ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; que le « dessaisissement » ne peut être ordonné par le préfet que pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes et après une procédure qui, sauf urgence, est contradictoire ; que sa décision peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative ; qu'une procédure de saisie est engagée sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention uniquement lorsque l'intéressé ne s'est pas « dessaisi » de son arme dans les conditions précitées ; que, compte tenu de ces garanties de fond et de procédure, l'atteinte portée au droit de propriété par les dispositions en cause n'a pas un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée de ce droit ; 7. Considérant que l'interdiction qui est faite à la personne ayant fait l'objet de la procédure de « dessaisissement » ou de saisie d'acquérir ou de détenir des armes soumises au régime de l'autorisation ou de la déclaration n'est pas une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet article est inopérant ; 8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 2336-5 du code de la défense est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 17 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267962.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 octobre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 348771 du 24 octobre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Ahmed S. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2122 16 du code général des collectivités territoriales. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Ortscheidt, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 novembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 13 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales : « Le maire et les adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté ministériel motivé pour une durée qui n'excède pas un mois. Ils ne peuvent être révoqués que par décret motivé pris en conseil des ministres. « Le recours contentieux exercé contre l'arrêté de suspension ou le décret de révocation est dispensé du ministère d'avocat. « La révocation emporte de plein droit l'inéligibilité aux fonctions de maire et à celles d'adjoint pendant une durée d'un an à compter du décret de révocation à moins qu'il ne soit procédé auparavant au renouvellement général des conseils municipaux » ; 2. Considérant que, selon le requérant, d'une part, en ne définissant pas les motifs susceptibles de fonder une décision de suspension ou de révocation d'un maire, ces dispositions méconnaissent l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en permettant que ce pouvoir de sanction s'applique indistinctement à l'égard de l'exercice des compétences déconcentrées et décentralisées dévolues aux organes exécutifs des communes, ces dispositions méconnaîtraient le principe de la libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES APPLICABLES AUX POURSUITES ET SANCTIONS DISCIPLINAIRES : 3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; 4. Considérant qu'appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière administrative, par la référence aux obligations auxquelles le titulaire d'une fonction publique est soumis en vertu des lois et règlements ; 5. Considérant que les dispositions contestées ont, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État, pour objet de réprimer les manquements graves et répétés aux obligations qui s'attachent aux fonctions de maire et de mettre ainsi fin à des comportements dont la particulière gravité est avérée ; que, dans ces conditions, si les dispositions contestées instituent une sanction ayant le caractère d'une punition, l'absence de référence expresse aux obligations auxquelles les maires sont soumis en raison de leurs fonctions ne méconnaît pas le principe de la légalité des délits ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : 6. Considérant que, si, selon le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que son article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales ; 7. Considérant que les dispositions contestées permettent de prendre des sanctions contre le maire qu'il ait agi en qualité d'agent de l'État ou d'autorité exécutive de la commune ; que l'institution de sanctions réprimant les manquements des maires aux obligations qui s'attachent à leurs fonctions ne méconnaît pas, en elle-même, la libre administration des collectivités territoriales ; que la suspension ou la révocation, qui produit des effets pour l'ensemble des attributions du maire, est prise en application de la loi ; que, par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la libre administration des collectivités territoriales ; 8. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267963.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 octobre 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 1112 du 27 octobre 2011) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Éric M., relative à l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 18 novembre et 5 décembre 2011; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 10 janvier 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; Vu la lettre du 19 janvier 2012 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ; Vu les observations produites par le Premier ministre sur le grief soulevé d'office, enregistrées le 23 janvier 2012 ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Claire LE BRET-DESACHÉ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sur le grief soulevé d'office, enregistrées le 23 janvier 2012 ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels : « Les peines énumérées ci-dessus sous les numéros 1 à 4 peuvent être accompagnées de la peine complémentaire de l'inéligibilité temporaire, pendant dix ans au plus, aux chambres, organismes et conseils professionnels. « L'interdiction et la destitution entraînent, à titre accessoire, l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils professionnels. « Les notaires et les officiers ministériels destitués ne sont pas inscrits sur les listes électorales dressées pour l'exercice des droits civiques » ; 2. Considérant que, selon le requérant, les sanctions instituées par les deuxième et troisième alinéas de cet article portent atteinte aux principes de nécessité et d'individualisation des peines ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ; 4. Considérant, en premier lieu, que l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils, prévue par le deuxième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée est attachée de plein droit au prononcé d'une peine d'interdiction ou de destitution ; que, toutefois, cette inéligibilité tend non pas à assurer une répression supplémentaire des professionnels ayant fait l'objet de sanctions disciplinaires mais, d'une part, à tirer les conséquences de la perte du titre d'officier public ou d'officier ministériel et, d'autre part, à garantir l'intégrité et la moralité des professionnels siégeant dans les organes représentatifs de la profession en en excluant ceux qui ont fait l'objet des condamnations disciplinaires les plus sévères ; que, par suite, l'inéligibilité prévue par le deuxième alinéa ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, dès lors, les griefs tirés d'une méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants à son égard ; 5. Considérant, en second lieu, que l'interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales prévue par le troisième alinéa de la disposition contestée n'a pas pour objet de garantir l'intégrité ou la moralité indispensables à l'exercice des fonctions d'officier public ou d'officier ministériel ; que, par suite, elle doit être regardée comme une sanction ayant le caractère d'une punition ; 6. Considérant que le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une peine privative de droits civiques ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; 7. Considérant que l'interdiction d'inscription sur les listes électorales prévue par le troisième alinéa de la disposition contestée résulte automatiquement de la décision de destitution, sans que le juge ait à la prononcer ; que cette interdiction, qui revêt un caractère définitif, ne peut, au surplus, faire l'objet d'aucune mesure de relèvement ; que, par suite, le troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 méconnaît le principe d'individualisation des peines et doit être déclaré contraire à la Constitution ; 8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 9. Considérant que l'abrogation du troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle permet aux intéressés de demander, à compter du jour de publication de la présente décision, leur inscription immédiate sur la liste électorale dans les conditions déterminées par la loi ; 10. Considérant que les premier et deuxième alinéas de la disposition contestée ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 9. Article 3.- Les premier et deuxième alinéas de l'article 4 de la même ordonnance sont conformes à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 27 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267967.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1210 du 15 novembre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Régis J., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 211-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code monétaire et financier ; Vu la loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982 ; Vu l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale ; Vu la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, notamment son article 78 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Nicolas Boullez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 décembre 2011 ; Vu les observations produites par le Gouvernement, enregistrées le 7 décembre 2011 ; Vu les observations produites pour la société des Hôtels Plaza Atlantic Park Réunis, par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 décembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Boullez, pour le requérant, Me Le Prado, pour la société défenderesse et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 janvier 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 211-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance du 24 juin 2004 susvisée, et applicable aux actions émises avant le 3 novembre 1984 : « Les détenteurs de valeurs mobilières, émises avant la même date, ne peuvent exercer les droits attachés à leurs titres que si ceux-ci ont été présentés à l'émetteur ou à un intermédiaire habilité en vue de leur inscription en compte. À compter du 3 mai 1988, dans des conditions définies par décret, les émetteurs doivent procéder à la vente des droits correspondant aux valeurs mobilières non présentées. Le produit de la vente est consigné jusqu'à restitution éventuelle aux ayants droit » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en imposant aux sociétés émettrices la vente des valeurs mobilières non présentées en vue de leur inscription en compte, ces dispositions portent atteinte au droit de propriété ; 3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant que les dispositions contestées ont mis fin à la possibilité pour les sociétés par actions d'émettre des titres anonymes au porteur et pour toute personne de continuer à détenir de tels titres ; qu'elles ont été adoptées dans leur principe par l'article 94 de la loi du 30 décembre 1981 susvisée dont l'objet était de lutter contre la fraude fiscale et de réduire le coût de gestion par les sociétés des titres émis par elles ; que ces dispositions, ultérieurement modifiées, ont été codifiées à l'article L. 211-4 du code monétaire et financier ; que le cinquième alinéa de cet article L. 211-4 a pour objet d'organiser le régime transitoire des valeurs mobilières émises avant le 3 novembre 1984 ; 5. Considérant, en premier lieu, que la première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 211-4 subordonne l'exercice des droits attachés à la détention de valeurs mobilières émises avant le 3 novembre 1984 à leur présentation, par leurs détenteurs, à la société émettrice ou à un intermédiaire agréé afin qu'il soit procédé à leur inscription en compte ; que la seconde phrase du même alinéa fait obligation aux sociétés émettrices des valeurs qui n'ont pas été présentées et qui, par l'effet même de la loi, ne confèrent plus à leurs porteurs les droits antérieurement attachés, de vendre celles-ci à compter du 3 mai 1988 et de consigner le produit de la vente pour qu'il soit distribué aux anciens détenteurs de ces titres ; que, par suite, ni la modification apportée aux conditions dans lesquelles les porteurs de valeurs mobilières peuvent continuer à exercer les droits attachés à ces valeurs, et dont la mise en œuvre ne dépend que de leur initiative, ni la vente par la société émettrice des valeurs mobilières dont les détenteurs ne peuvent plus exercer les droits afférents à leur possession, en vue de la remise du prix de cession auxdits détenteurs, ne constituent une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant, en second lieu, que la suspension des droits attachés aux titres non inscrits en compte et la cession ultérieure de ces titres par la société émettrice ont pour objet d'inciter à inscrire en compte les valeurs mobilières émises avant le 3 novembre 1984 puis de supprimer le régime des titres au porteur non inscrits ; qu'elles tendent ainsi à la fois à lutter contre la fraude fiscale et à réduire le coût de la gestion des valeurs mobilières ; que, par suite, elles poursuivent un but d'intérêt général ; 7. Considérant que la cession des titres est subordonnée à la carence de leur détenteur qui, au cours de la période du 3 novembre 1984 au 3 mai 1988, ne les aurait pas présentés à la société émettrice ou à un intermédiaire habilité afin qu'il soit procédé à leur inscription en compte ; que, compte tenu de la suspension des droits attachés à la détention de valeurs mobilières non présentées en vue de leur inscription en compte, édictée par le paragraphe II de l'article 94 de la loi du 31 décembre 1981 susvisée, les détenteurs de ces titres ne pouvaient ignorer l'obligation qui leur était imposée ; qu'il leur était loisible, en procédant à cette inscription avant le 3 mai 1988, de recouvrer le plein exercice de leurs droits et d'éviter la cession de leurs titres par la société émettrice ; qu'enfin, les dispositions contestées prévoient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le produit de la vente ainsi réalisée est consigné jusqu'à restitution éventuelle aux ayants droit ; que la disposition contestée ne porte au droit de propriété des détenteurs de ces valeurs mobilières aucune atteinte disproportionnée et, par suite, ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; 8. Considérant que le cinquième alinéa de l'article L. 211-4 du code monétaire et financier ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le cinquième alinéa de l'article L. 211-4 du code monétaire et financier est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 27 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267966.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1208 du 15 novembre 2011) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société COVED SA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ainsi que dans sa rédaction modifiée par l'article 91 de cette loi. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des douanes ; Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, notamment son article 91 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 7 et 22 décembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 décembre 2011; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Denis Garreau, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 janvier 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004 susvisée : « 1° Les agents des douanes ayant au moins le grade d'inspecteur ou d'officier et ceux chargés des fonctions de receveur peuvent exiger la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service : « a) dans les gares de chemin de fer (lettres de voiture, factures, feuilles de chargement, livres, registres, etc.) ; « b) dans les locaux des compagnies de navigation maritimes et fluviales et chez les armateurs, consignataires et courtiers maritimes (manifestes de fret, connaissements, billets de bord, avis d'expédition, ordres de livraison, etc.) ; « c) dans les locaux des compagnies de navigation aérienne (bulletins d'expédition, notes et bordereaux de livraison, registres de magasins, etc.) ; « d) dans les locaux des entreprises de transport par route (registres de prise en charge, carnets d'enregistrement des colis, carnets de livraison, feuilles de route, lettres de voitures, bordereaux d'expédition, etc.) ; « e) dans les locaux des agences, y compris celles dites de "transports rapides", qui se chargent de la réception, du groupage, de l'expédition par tous modes de locomotion (fer, route, eau, air) et de la livraison de tous colis (bordereaux détaillés d'expéditions collectives, récépissés, carnets de livraison, etc.) ; « f) chez les commissionnaires ou transitaires ; « g) chez les concessionnaires d'entrepôts, docks et magasins généraux (registres et dossiers de dépôt, carnets de warrants et de nantissements, registres d'entrée et de sortie des marchandises, situation des marchandises, comptabilité matières, etc.) ; « h) chez les destinataires ou les expéditeurs réels des marchandises déclarées en douane ; « i) chez les opérateurs de télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, pour les données conservées et traitées par ces derniers, dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications ; « j) et, en général, chez toutes les personnes physiques ou morales directement ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou irrégulières relevant de la compétence du service des douanes. « 2° Les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur disposent également du droit de communication prévu par le 1° ci-dessus, lorsqu'ils agissent sur ordre écrit d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur. Cet ordre, qui doit être présenté aux assujettis, doit indiquer le nom des assujettis intéressés. « Les agents ayant qualité pour exercer le droit de communication prévu par le 1° ci-dessus peuvent se faire assister par des fonctionnaires d'un grade moins élevé, astreints comme eux et sous les mêmes sanctions au secret professionnel. « 3° Les divers documents visés au 1° du présent article doivent être conservés par les intéressés pendant un délai de trois ans, à compter de la date d'envoi des colis, pour les expéditeurs, et à compter de la date de leur réception, pour les destinataires. « 4° a) Les bénéficiaires ou redevables visés à l'article 65 A ci-dessous doivent conserver les documents relatifs à leur activité professionnelle durant 3 années civiles à compter de la fin de l'année civile de l'établissement de ces documents. Ils doivent en délivrer des extraits ou des copies à la demande des agents chargés du contrôle. « b) Par documents, on entend l'ensemble des livres, registres, notes et pièces justificatives (comptabilité, registres, factures, correspondances, copies de lettres, etc.) relatives à l'activité professionnelle de l'entreprise. « 5° Au cours des contrôles et des enquêtes opérés chez les personnes ou sociétés visées au 1° du présent article, les agents des douanes désignés par ce même paragraphe peuvent procéder à la saisie des documents de toute nature (comptabilité, factures, copies de lettres, carnets de chèques, traites, comptes de banque, etc.) propres à faciliter l'accomplissement de leur mission. « 6° L'administration des douanes est autorisée, sous réserve de réciprocité, à fournir aux autorités qualifiées des pays étrangers tous renseignements, certificats, procès-verbaux et autres documents susceptibles d'établir la violation des lois et règlements applicables à l'entrée ou à la sortie de leur territoire. « 7° Pour l'application des dispositions relatives à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des Etats membres de la Communauté européenne en matière de réglementation douanière ou agricole, les agents des douanes sont autorisés à mettre en oeuvre les dispositions du présent article pour le contrôle des opérations douanières ou agricoles réalisées dans les autres Etats membres. « 8° Sous réserve de réciprocité, l'administration des douanes et droits indirects peut communiquer aux autorités compétentes des Etats membres de la Communauté européenne des renseignements et documents pour l'établissement des droits indirects grevant les huiles minérales. « Elle peut faire état, à titre de preuve, des renseignements et documents fournis par les autorités compétentes des Etats membres de la Communauté européenne. « Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent 8° » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions portent atteinte, d'une part, à la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution et, d'autre part, au respect des droits de la défense découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant que l'article 65 du code des douanes fixe une liste de personnes qui, en raison de leur activité, sont tenues de communiquer aux agents de l'administration des douanes, sur demande de ces derniers, les documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant cette administration ; qu'il prévoit en outre que ces documents peuvent être saisis ; 4. Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution prohibe la détention arbitraire et confie à l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par la loi, la protection de la liberté individuelle ; que la procédure instaurée par l'article 65 du code des douanes n'affecte pas la liberté individuelle ; que, par suite, le grief tiré d'une méconnaissance de l'article 66 de la Constitution est inopérant ; 5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par ces dispositions le respect des droits de la défense ; 6. Considérant que, d'une part, le droit reconnu aux agents de l'administration des douanes d'accéder aux documents relatifs aux opérations intéressant leur service ne saurait, en lui-même, méconnaître les droits de la défense ; que, d'autre part, si les dispositions contestées imposent aux personnes intéressées de remettre aux agents de l'administration des douanes les documents dont ces derniers sollicitent la communication, elles ne confèrent pas à ces agents un pouvoir d'exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents ; qu'elles ne leur confèrent pas davantage un pouvoir général d'audition ou un pouvoir de perquisition ; qu'en l'absence d'autorisation préalable de l'autorité judiciaire, seuls les documents qui ont été volontairement communiqués à l'administration peuvent être saisis ; qu'en outre, si ces dispositions ne prévoient pas que la personne intéressée peut bénéficier de l'assistance d'un avocat, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à cette assistance ; qu'enfin, elles ne portent aucune atteinte aux droits des personnes intéressées de faire contrôler, par les juridictions compétentes, la régularité des opérations conduites en application des dispositions précitées ; qu'il suit de là que l'article 65 du code des douanes ne porte aucune atteinte au respect des droits de la défense ; 7. Considérant que l'article 65 du code des douanes ne méconnaît ni le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que la modification apportée à cet article par l'article 91 de la loi du 30 décembre 2004 susvisée est sans incidence sur sa conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- L'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, ainsi que dans sa rédaction modifiée par l'article 91 de cette même loi, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 27 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267970.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée par M. Laurent BÉTEILLE, demeurant à Brunoy (Essonne), enregistrée le 29 septembre 2011 au secrétariat général du Conseil constitutionnel, dirigée contre les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans le département de l'Essonne en vue de la désignation de cinq sénateurs ; Vu le mémoire présenté pour M. BÉTEILLE par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistré comme ci-dessus le 29 septembre 2011 et le mémoire complémentaire enregistré comme ci-dessus le 3 octobre 2011 ; Vu le mémoire en défense présenté pour M. Serge DASSAULT, sénateur, par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistré comme ci-dessus le 8 novembre 2011 ; Vu le mémoire en réplique présenté pour M. BÉTEILLE, enregistré comme ci-dessus le 5 décembre 2011 ; Vu les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, enregistrées comme ci-dessus le 15 novembre 2011 ; Vu le mémoire, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 23 décembre 2011 pour M. BÉTEILLE, par lequel il déclare se désister de la requête susvisée ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 38, alinéa 2 ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le désistement de M. BÉTEILLE est pur et simple, que rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte, D É C I D E : Article 1er.- Il est donné acte à M. Laurent BÉTEILLE du désistement de sa requête. Article 2.- La présente décision sera notifiée au président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025267964.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 novembre 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1123 du 2 novembre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Khadija A., épouse M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 624-6 du code de commerce. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de commerce ; Vu le code civil ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la SCP Isabelle Goïc en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Malick M. par la SCP Yves Richard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 novembre 2011 ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 décembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean de Salve de Bruneton, pour la requérante, Me Yves Richard, pour la SCP Goïc, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 janvier 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 624-6 du code de commerce : « Le mandataire judiciaire ou l'administrateur peut, en prouvant par tous les moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont été avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l'actif » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en permettant de réunir à l'actif de la procédure collective un bien appartenant au conjoint du débiteur alors qu'il n'est pas partie à cette procédure, les dispositions contestées méconnaissent la protection constitutionnelle du droit de propriété ; qu'en appliquant cette possibilité au seul conjoint du débiteur, à l'exclusion de toute autre personne, elles entraîneraient, en outre, une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi ; 3. Considérant, d'une part, que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les règles relatives à l'acquisition ou la conservation de la propriété ; 5. Considérant que les dispositions contestées sont applicables lorsqu'un débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire dans les conditions fixées par le code de commerce ; qu'elles permettent de réintégrer dans le patrimoine du débiteur des biens acquis par son conjoint mais dont le débiteur a participé au financement ; qu'ainsi, dans ces circonstances particulières, elles ont pour effet de désigner comme le véritable propriétaire du bien, non pas celui que les règles du droit civil désignent comme tel, mais celui qui a fourni des valeurs permettant l'acquisition ; que, par suite, elles n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant que, lorsqu'un débiteur fait l'objet d'une procédure collective, la possibilité de réunir à l'actif des biens dont son conjoint est propriétaire mais qui ont été acquis avec des valeurs qu'il a fournies est destinée à faciliter l'apurement du passif afin de permettre, selon le cas, la continuation de l'entreprise ou le désintéressement des créanciers ; qu'ainsi, elle poursuit un but d'intérêt général ; 7. Considérant que, toutefois, les dispositions contestées permettent de réunir à l'actif en nature tous les biens acquis pendant la durée du mariage avec des valeurs fournies par le conjoint quelle que soit la cause de cet apport, son ancienneté, l'origine des valeurs ou encore l'activité qu'exerçait le conjoint à la date de l'apport ; que ces dispositions ne prennent pas davantage en compte la proportion de cet apport dans le financement du bien réuni à l'actif ; qu'en l'absence de toute disposition retenue par le législateur pour assurer un encadrement des conditions dans lesquelles la réunion à l'actif est possible, les dispositions de l'article L. 624-6 du code de commerce permettent qu'il soit porté au droit de propriété du conjoint du débiteur une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 9. Considérant, que l'abrogation de l'article L. 624-6 du code de commerce prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 624-6 du code de commerce est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 9. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 20 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267965.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 novembre 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1945 du 9 novembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE), relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 et de l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer ; Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 ; Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ; Vu la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations en interventions produites par l'association « Union syndicale de défense des Intérêts des Français repliés d'Algérie, d'Outre-mer, populations déplacées contre leur gré, USDIFRA » ; enregistrées le 30 novembre 2011 ; Vu les observations pour la société requérante, produites par la SCP Gadiou-Chevalier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 1er et 19 décembre 2011 ; Vu les observations pour la SNC CAZORLA et Cie, produites par Me Ludovic Serée de Roche, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées les 1er et 5 décembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 décembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-Pierre Chevalier, pour la société requérante, Me Ludovic Serée de Roche pour la société CAZORLA, Me Grégoire Ladouari, avocat au barreau de Marseille, pour l'association intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 janvier 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 100 de la loi n° 97 1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 dans sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998 : « Les personnes qui ont déposé un dossier avant le 18 novembre 1997 auprès des commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée bénéficient d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente, jusqu'à la décision de l'autorité administrative ayant à connaître des recours gracieux contre celle-ci, le cas échéant, ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente. « Les personnes qui n'entrant pas dans le champ d'application du premier alinéa ont déposé un dossier entre le 18 novembre 1997 et la date limite fixée par le nouveau dispositif réglementaire d'aide au désendettement bénéficient de la suspension provisoire des poursuites dans les mêmes conditions que celles définies à l'alinéa précédent. « Ces dispositions s'appliquent également aux procédures collectives et aux mesures conservatoires, à l'exclusion des dettes fiscales. Elles s'imposent à toutes les juridictions, même sur recours en cassation. « Les personnes ayant déposé avant le 18 novembre 1997 un recours contre une décision négative prise en application de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986 (n° 86-1318 du 30 décembre 1986) et de l'article 12 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 bénéficient également de la suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente. « Bénéficient également d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre, selon les mêmes modalités, les cautions, y compris solidaires, des personnes bénéficiant d'une suspension provisoire des poursuites au titre de l'un des alinéas précédents » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, en organisant, au bénéfice des personnes rapatriées une suspension automatique des poursuites d'une durée indéterminée, ces dispositions portent aux droits des créanciers de recouvrer leur créance une atteinte qui méconnaît la protection constitutionnelle du droit de propriété ainsi que la liberté contractuelle ; qu'en faisant supporter aux seuls créanciers une contrainte fondée sur la solidarité nationale, les dispositions contestées porteraient également atteinte à l'égalité devant la loi et les charges publiques ; qu'il en résulterait aussi une méconnaissance du droit d'accès à un tribunal et du droit à une procédure juste et équitable ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 4. Considérant que les dispositions contestées bénéficient aux Français rapatriés, tels qu'ils sont définis à l'article 1er de la loi du 26 décembre 1961 susvisée, exerçant une profession non salariée ou ayant cessé leur activité professionnelle ou cédé leur entreprise, ainsi qu'à certains membres de leur famille et aux sociétés qu'ils détiennent ; qu'elles sont applicables dès lors que ces personnes ont déposé un dossier aux fins de bénéficier de la procédure de désendettement des rapatriés ; 5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dès le dépôt d'un tel dossier, le juge doit, quel que soit l'état de la procédure, constater la suspension des poursuites dirigées à l'encontre de ces personnes ; que cette suspension s'applique aux actions en justice tendant à voir constater toute créance, quelle qu'en soit la cause ; qu'elle s'applique également aux procédures collectives et interdit la mise en oeuvre des mesures conservatoires ou d'exécution, à l'exclusion des dettes fiscales ; que le créancier ne dispose d'aucune voie de recours pour s'y opposer ; que la suspension des poursuites se prolonge jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente, les recours gracieux contre celle-ci, ou, en cas de recours contentieux, la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente ; 6. Considérant qu'après l'accession à l'indépendance de territoires antérieurement placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, le législateur a adopté, au titre de la solidarité nationale, des mesures pour venir en aide aux Français ayant dû ou estimé devoir quitter ces territoires et, en particulier, des dispositions permettant la suspension provisoire des poursuites contre les rapatriés ; 7. Considérant que, toutefois, l'article 100 de la loi de finances pour 1998 a procédé à la refonte de ce régime de suspension des poursuites et lui a conféré la portée résultant des dispositions précitées ; que, compte tenu de l'ancienneté des faits à l'origine de ce dispositif ainsi que de l'effet, de la portée et de la durée de la suspension qui ne s'applique pas seulement aux dettes liées à l'accueil et à la réinstallation des intéressés, les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 susvisée, dans sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi du 30 décembre 1998 susvisée, doit être déclaré contraire à la Constitution ; 9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 10. Considérant, que l'abrogation de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 susvisée prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date, D É C I D E : Article 1er.- L'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, dans sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 10. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 27 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267971.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée par Mme Annick LE SASSIER BOISAUNE, demeurant à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), enregistrée le 5 octobre 2011 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans le département des Hauts-de-Seine en vue de la désignation de sept sénateurs ; Vu le mémoire en défense présenté par M. Roger KAROUTCHI, sénateur, enregistré comme ci-dessus le 28 octobre 2011 ; Vu le mémoire en défense présenté pour M. Philippe KALTENBACH, sénateur, par la SCP Krust-Penaud, avocat au barreau de Paris, enregistré le 3 novembre 2011 ; Vu le mémoire en défense présenté par M. André GATTOLIN, sénateur, enregistré le 4 novembre 2011 ; Vu le mémoire en défense présenté par M. Hervé MARSEILLE, sénateur, enregistré le 4 novembre 2011 ; Vu le mémoire en défense présenté par M. Jacques GAUTIER, sénateur, enregistré le 6 novembre 2011 ; Vu les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, enregistrées le 31 octobre 2011 ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LE GRIEF RELATIF À LA COMPOSITION DU CORPS ÉLECTORAL : 1. Considérant que si Mme LE SASSIER BOISAUNE soutient que de nombreuses communes du département des Hauts-de-Seine ont, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 285 du code électoral, manqué à l'obligation de désigner des délégués supplémentaires, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations ; - SUR LE GRIEF RELATIF AU DEPÔT DES CANDIDATURES : 2. Considérant que Mme LE SASSIER BOISAUNE affirme que M. KALTENBACH et Mme LE NEOUANNIC ont chacun déposé une liste sans avoir, pour l'un, été désigné par le vote des adhérents du parti socialiste, et, pour l'autre, reçu l'aval des formations dont elle revendiquait le soutien ; 3. Considérant que s'il appartient au juge de l'élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de la désignation des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de la désignation des candidats au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques ; que, par suite, le grief soulevé par la requérante ne peut qu'être écarté ; - SUR LES GRIEFS RELATIFS AU FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE ÉLECTORALE DE CERTAINS SÉNATEURS ÉLUS : 4. Considérant, en premier lieu, que l'organisation par le président du conseil général des Hauts-de-Seine d'une réception à l'hôtel du département à laquelle l'ensemble des électeurs sénatoriaux étaient conviés à se rendre à l'issue du scrutin, dans l'attente des résultats, ne saurait être regardée comme la participation de cette collectivité territoriale au financement de la campagne électorale de la liste conduite par M. KAROUTCHI, au sens de l'article L. 52-8 du code électoral, applicable à l'élection des sénateurs en vertu de l'article L. 308-1 du même code ; 5. Considérant, en second lieu, que l'organisation le 19 septembre 2011, à l'initiative de plusieurs associations et syndicats, d'une réunion ayant pour thème la défense de l'hôpital Antoine Béclère, situé à Clamart, au cours de laquelle la requérante affirme, sans l'établir, que M. KALTENBACH aurait critiqué la politique du Gouvernement et de sa majorité, ne saurait davantage constituer, en l'absence de lien direct entre cette manifestation et le scrutin sénatorial, la participation de personnes morales de droit privé au financement de la campagne électorale des sénateurs élus ; - SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX BULLETINS DE VOTE : 6. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme LE SASSIER BOISAUNE, l'intitulé de la liste conduite par Mme LE NEOUANNIC, « Liste d'union de la gauche écologiste, socialiste et républicaine », ne constituait pas une manœuvre de nature à induire en erreur les électeurs, dès lors que les bulletins de vote désignaient sans aucune ambiguïté les seules formations politiques qui soutenaient cette liste ; 7. Considérant que les bulletins de la liste conduite par M. KAROUTCHI étaient conformes aux prescriptions de l'article R. 155 du code électoral, qui prévoient que les bulletins de vote comportent le titre de la liste, ainsi que le nom de chaque candidat composant la liste dans l'ordre de présentation ; - SUR LE GRIEF RELATIF AU DÉROULEMENT DU SCRUTIN : 8. Considérant que si la requérante affirme que certains suppléants d'électeurs sénatoriaux auraient irrégulièrement pris part au vote, elle n'assortit ce grief d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; 9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme LE SASSIER BOISAUNE doit être rejetée, D E C I D E : Article 1er.- La requête de Mme Annick LE SASSIER BOISAUNE est rejetée. Article 2.- La présente décision sera notifiée au président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025267959.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 octobre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 351085 du 17 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les consorts B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 374 et 376 du code des douanes. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 relative au redressement économique et financier ; Vu le décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes, annexé à la loi n° 48-1973 du 31 décembre 1948 de finances pour 1949 ; Vu le code des douanes ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Xavier Morin, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 8 et 22 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 novembre 2011 ; Vu la demande de récusation présentée par les requérants, enregistrée le 26 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Morin, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 décembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 374 du code des douanes : « 1. La confiscation des marchandises saisies peut être poursuivie contre les conducteurs ou déclarants sans que l'administration des douanes soit tenue de mettre en cause les propriétaires quand même ils lui seraient indiqués. « 2. Toutefois, si les propriétaires intervenaient ou étaient appelés en garantie par ceux sur lesquels les saisies ont été faites, les tribunaux statueront, ainsi que de droit, sur les interventions ou les appels en garantie » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 376 du même code : « 1. Les objets saisis ou confisqués ne peuvent être revendiqués par les propriétaires, ni le prix, qu'il soit consigné ou non, réclamé par les créanciers même privilégiés, sauf leur recours contre les auteurs de la fraude. « 2. Les délais d'appel, de tierce opposition et de vente expirés, toutes répétitions et actions sont non recevables » ; 3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte, d'une part, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, d'autre part, aux droits de la défense et au principe du droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'elles méconnaîtraient, en outre, les principes d'égalité et de nécessité des peines ainsi que l'article 9 de la Déclaration de 1789 ; 4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition, le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire ; 6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 374 du code des douanes permettent à l'administration des douanes de poursuivre, contre les conducteurs ou déclarants, la confiscation des marchandises saisies sans être tenue de mettre en cause les propriétaires de celles-ci, quand même ils lui seraient indiqués ; qu'en privant ainsi le propriétaire de la faculté d'exercer un recours effectif contre une mesure portant atteinte à ses droits, ces dispositions méconnaissent l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 7. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 376 du même code interdisent aux propriétaires des objets saisis ou confisqués de les revendiquer ; qu'une telle interdiction tend à lutter contre la délinquance douanière en responsabilisant les propriétaires de marchandises dans leur choix des transporteurs et à garantir le recouvrement des créances du Trésor public ; qu'ainsi elles poursuivent un but d'intérêt général ; 8. Considérant, toutefois, qu'en privant les propriétaires de la possibilité de revendiquer, en toute hypothèse, les objets saisis ou confisqués, les dispositions de l'article 376 du code des douanes portent au droit de propriété une atteinte disproportionnée au but poursuivi ; 9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les articles 374 et 376 du code des douanes doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 11. Considérant que l'abrogation immédiate des articles 374 et 376 du code des douanes aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité de ces articles, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation, D É C I D E : Article 1er.- Les articles 374 et 376 du code des douanes sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 11. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 janvier 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025267968.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée par M. Grégory BUBENHEIMER, demeurant à Cléry-Saint-André (Loiret), enregistrée le 29 septembre 2011 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans la circonscription du Loiret en vue de la désignation de trois sénateurs ; Vu le mémoire présenté par M. Grégory BUBENHEIMER à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrée le 29 septembre 2011, et relative à la conformité de l'article L. 289 du code électoral aux droits et libertés que la Constitution garantit ; Vu le mémoire en défense présenté par MM. Éric DOLIGÉ et Jean-Noël CARDOUX, sénateurs, enregistré le 26 octobre 2011 ; Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Pierre SUEUR, sénateur, enregistré le 3 novembre 2011 ; Vu les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, enregistrées le 9 novembre 2011 ; Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites par M. SUEUR, enregistrées le 15 décembre 2011 ; Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites par MM. DOLIGÉ et CARDOUX, enregistrées le 21 décembre 2011 ; Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 décembre 2011 ; Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 10 janvier 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE : 1. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales ou les listes électorales consulaires de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte de candidature » ; que, s'agissant des élections sénatoriales, les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription sont l'ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales du département et non les seuls membres du collège électoral sénatorial défini à l'article L. 280 du même code ; qu'en conséquence la requête de M. BUBENHEIMER est recevable ; - SUR LA RÉGULARITÉ DE LA DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS DU CONSEIL MUNICIPAL DE LA COMMUNE DE BEAUGENCY : 2. Considérant qu'à l'appui de sa requête dirigée contre l'élection organisée le 25 septembre 2011 dans le département du Loiret en vue de la désignation de trois sénateurs, M. BUBENHEIMER conteste uniquement la régularité des opérations de désignation des délégués du conseil municipal de Beaugency au sein du collège des électeurs sénatoriaux ; . En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité : 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 289 du code électoral : « Dans les communes visées aux chapitres III et IV du titre IV du livre Ier du présent code, l'élection des délégués et des suppléants a lieu sur la même liste suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir. « Chaque conseiller municipal ou groupe de conseillers municipaux peut présenter une liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants. « L'ordre des suppléants résulte de leur rang de présentation. « En cas de refus ou d'empêchement d'un délégué, c'est le suppléant de la même liste venant immédiatement après le dernier délégué élu de la liste qui est appelé à le remplacer. « Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable » ; 4. Considérant que M. BUBENHEIMER soutient qu'en prévoyant, dans les communes de plus de 3 500 habitants, le recours à la méthode de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne et non de la règle du plus fort reste, ces dispositions font obstacle à ce que l'ensemble des groupes politiques minoritaires d'un conseil municipal puisse être représenté dans le collège des électeurs sénatoriaux et méconnaissent de ce fait le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui découle de l'article 4 de la Constitution ; 5. Considérant qu'il ne résulte toutefois ni des dispositions de cet article ni d'aucun principe constitutionnel que tous les groupes politiques représentés au sein d'un conseil municipal devraient disposer de délégués à l'issue de la désignation des électeurs sénatoriaux ; que le choix d'un mode de désignation de ces délégués, dans les communes de plus de 3 500 habitants, suivant le système de la représentation proportionnelle, a précisément pour effet d'assurer une plus large représentation des groupes minoritaires des conseils municipaux ; qu'en optant pour l'application de la règle de la plus forte moyenne, le législateur n'a porté aucune atteinte au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions ; que l'article L. 289 du code électoral n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par suite, il doit être déclaré conforme à la Constitution ; . En ce qui concerne le fond : 6. Considérant que M. BUBENHEIMER ne conteste pas que la désignation des délégués du conseil municipal de la commune de Beaugency a été opérée conformément aux règles fixées par le code électoral ; qu'il résulte de ce qui précède que sa requête doit être rejetée, D É C I D E : Article premier.- L'article L. 289 du code électoral est conforme à la Constitution. Article 2.- La requête de M. Grégory BUBENHEIMER est rejetée. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025911758.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er février 2012 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 617 du 1er février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Raymond S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1° de l'article L. 1235-14 du code du travail. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du travail ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 février 2012 ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Jean-Pierre Cabrol, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 29 février 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Cabrol pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 3 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 1° de l'article L. 1235-14 du code du travail ; que, selon ce 1°, les dispositions relatives à la sanction « de la nullité du licenciement, prévues à l'article L. 1235-11 » ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ; 2. Considérant que, selon le requérant, en privant un salarié de moins de deux ans d'ancienneté du bénéfice de l'application des conséquences relatives à la nullité de la procédure de licenciement en l'absence du plan de reclassement prévu par l'article L. 1233-61 du code du travail, parmi lesquelles figure le droit de demander au juge judiciaire d'ordonner la poursuite du contrat de travail ou d'ordonner la réintégration dans l'entreprise, sauf si celle-ci est devenue impossible, cette disposition constitue une discrimination entre salariés qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi et porte atteinte au droit d'obtenir un emploi ; 3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; qu'il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d'assurer la mise en oeuvre du droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout en le conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ; 5. Considérant que l'article L. 1235-11 prévoit que l'absence de respect des exigences relatives au plan de reclassement des salariés en cas de procédure de licenciement pour motif économique a pour conséquence une poursuite du contrat de travail ou une nullité du licenciement des salariés et une réintégration de ceux-ci à leur demande, sauf si cette réintégration est devenue impossible ; que le 1° de l'article L. 1235-14 exclut toutefois l'application de cette disposition pour les salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ; qu'en retenant un critère d'ancienneté du salarié dans l'entreprise, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en lien direct avec l'objet de la loi ; qu'en fixant à deux ans la durée de l'ancienneté exigée, il a opéré une conciliation entre le droit d'obtenir un emploi et la liberté d'entreprendre qui n'est pas manifestement déséquilibrée ; que, dès lors, il n'a méconnu ni le principe d'égalité devant la loi ni le cinquième alinéa du Préambule de 1946 ; 6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le 1° de l'article L. 1235-14 du code du travail est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 avril 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911770.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 mars 2012 par le Conseil d'État (décision n° 353535 du 28 mars 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SELARL Le Discorde Deleau, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-234 du 13 avril 2012 déclarant conforme à la Constitution l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ; Vu la notification par le greffe du Conseil constitutionnel, le 13 avril 2012, de cette décision au requérant, l'informant de ce qu'à la suite de cette décision, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler cette affaire à une audience publique ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 avril 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, par sa décision susvisée du 13 avril 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions, D É C I D E : Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d'État. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 4 mai 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911764.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mars 2012 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 337 du 6 mars 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'EURL David Ramirez, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles L. 722-6 à L. 722-16 et L. 724-1 à L. 724-6 du code de commerce. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de commerce ; Vu le code de l'organisation judiciaire ; Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par Me François Danglehant, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, enregistrées le 12 avril 2012 ; Vu les observations produites pour la SAS EUROLOC par Me Jacques Lavergne, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 5 avril 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 mars 2012 ; Vu les observations produites en intervention pour l'association « Conférence générale des juges consulaires de France » par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 mars 2012 ; Vu les observations produites en intervention pour la SARL PHYSIK FIT, M. Michel PINTURAULT et M. Charles SIONNEAU par Me François Danglehant, enregistrées le 27 mars et le 12 avril 2012 ; Vu les observations produites en intervention pour M. Charles SIONNEAU, par Me Bernard Kuchukian, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 10 avril 2012 ; Vu les observations produites en intervention pour la SARL PHYSIK FIT, par Me Georges Berlioz, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 12 avril 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Danglehant, Me Le Prado, Me Berlioz, Me Kuchukian et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-6 du code de commerce : « Sous réserve des dispositions relatives aux élections complémentaires prévues au second alinéa de l'article L. 723-11, les juges des tribunaux de commerce sont élus pour deux ans lors de leur première élection. Ils peuvent, à l'issue d'un premier mandat, être réélus par période de quatre ans, dans le même tribunal ou dans tout autre tribunal de commerce, sans que puisse être dépassé le nombre maximal de mandats prévu à l'article L. 723-7. « Lorsque le mandat des juges des tribunaux de commerce vient à expiration avant le commencement de la période fixée pour l'installation de leurs successeurs, ils restent en fonctions jusqu'à cette installation, sans que cette prorogation puisse dépasser une période de trois mois » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-7 du même code : « Avant d'entrer en fonctions, les juges des tribunaux de commerce prêtent serment. « Le serment est le suivant : Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un juge digne et loyal. « Il est reçu par la cour d'appel, lorsque le tribunal de commerce est établi au siège de la cour d'appel et, dans les autres cas, par le tribunal de grande instance dans le ressort duquel le tribunal de commerce a son siège » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-8 du même code : « La cessation des fonctions de juge d'un tribunal de commerce résulte : « 1° De l'expiration du mandat électoral, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 722-6 et du troisième alinéa de l'article L. 722-11 ; « 2° De la suppression du tribunal ; « 3° De la démission ; « 4° De la déchéance ». 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-9 du même code : « Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte à l'égard d'un juge d'un tribunal de commerce, l'intéressé cesse ses fonctions à compter de la date du jugement d'ouverture. Il est réputé démissionnaire. « Les mêmes dispositions s'appliquent à un juge du tribunal de commerce qui a une des qualités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 713-3, lorsque la société ou l'établissement public auquel il appartient fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires » ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-10 du même code : « Lorsqu'un tribunal de grande instance a été désigné dans les conditions prévues à l'article L. 722-4, le mandat des juges du tribunal de commerce dessaisi n'est pas interrompu pendant la période de dessaisissement » ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-11 du même code : « Le président du tribunal de commerce est choisi parmi les juges du tribunal qui ont exercé des fonctions dans un tribunal de commerce pendant six ans au moins, sous réserve des dispositions de l'article L. 722-13. « Le président est élu pour quatre ans au scrutin secret par les juges du tribunal de commerce réunis en assemblée générale sous la présidence du président sortant ou, à défaut, du doyen d'âge. L'élection a lieu à la majorité absolue aux deux premiers tours de scrutin et à la majorité relative au troisième tour. En cas d'égalité de voix au troisième tour, le candidat ayant la plus grande ancienneté dans les fonctions judiciaires est proclamé élu ; en cas d'égalité d'ancienneté, le plus âgé est proclamé élu. « Le président reste en fonctions jusqu'à l'installation de son successeur sans que cette prorogation puisse dépasser une période de trois mois » ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-12 du même code : « Lorsque, pour quelque cause que ce soit, le président du tribunal de commerce cesse ses fonctions en cours de mandat, le nouveau président est élu dans un délai de trois mois pour la période restant à courir du mandat de son prédécesseur. « En cas d'empêchement, le président est suppléé dans ses fonctions par le juge qu'il a désigné. À défaut de désignation ou en cas d'empêchement du juge désigné, le président est remplacé par le juge ayant la plus grande ancienneté dans les fonctions judiciaires » ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-13 du même code : « Lorsque aucun des candidats ne remplit la condition d'ancienneté requise pour être président du tribunal de commerce, le premier président de la cour d'appel, saisi par requête du procureur général, peut décider, par ordonnance, que l'ancienneté requise n'est pas exigée » ; 9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-14 du même code : « Sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 722-15, nul ne peut être désigné pour exercer les fonctions de juge-commissaire dans les conditions prévues par le livre VI s'il n'a exercé pendant deux ans au moins des fonctions judiciaires dans un tribunal de commerce. « Le président du tribunal de commerce dresse, au début de chaque année judiciaire, par ordonnance prise après avis de l'assemblée générale du tribunal, la liste des juges pouvant exercer les fonctions de juge-commissaire » ; 10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-15 du même code : « Lorsque aucun des juges du tribunal de commerce ne remplit les conditions d'ancienneté requises soit pour statuer en matière de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, de règlement judiciaire ou de liquidation de biens, conformément aux dispositions de l'article L. 722-2, soit pour présider une formation de jugement dans les conditions prévues par l'article L. 722-3, soit pour remplir les fonctions de juge-commissaire dans les conditions prévues par l'article L. 722-14, le premier président de la cour d'appel, saisi par requête du procureur général, peut décider, par ordonnance, que l'ancienneté requise n'est pas exigée » ; 11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-16 du même code : « Le mandat des juges élus des tribunaux de commerce est gratuit » ; 12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-1 du même code : « Tout manquement d'un juge d'un tribunal de commerce à l'honneur, à la probité, à la dignité et aux devoirs de sa charge constitue une faute disciplinaire » ; 13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-2 du même code : « Le pouvoir disciplinaire est exercé par une commission nationale de discipline qui est présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation, et qui comprend : « 1° Un membre du Conseil d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État ; « 2° Deux magistrats du siège des cours d'appel désignés par le premier président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers présidents des cours d'appel, chacun d'eux arrêtant le nom d'un magistrat du siège de sa cour d'appel après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel ; « 3° Quatre juges des tribunaux de commerce élus par l'ensemble des présidents des tribunaux de commerce ; « Des suppléants en nombre égal sont désignés dans les mêmes conditions. Les membres de la commission nationale de discipline sont désignés pour quatre ans » ; 14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-3 du même code : « Après audition de l'intéressé par le président du tribunal auquel il appartient, la commission nationale de discipline peut être saisie par le garde des sceaux, ministre de la justice. « Elle peut prononcer soit le blâme, soit la déchéance » ; 15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-4 du même code : « Sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, le président de la commission nationale de discipline peut suspendre un juge d'un tribunal de commerce pour une durée qui ne peut excéder six mois, lorsqu'il existe contre l'intéressé, qui aura été préalablement entendu par le président du tribunal auquel il appartient, des faits de nature à entraîner une sanction disciplinaire. La suspension peut être renouvelée une fois par la commission nationale pour une durée qui ne peut excéder six mois. Si le juge du tribunal de commerce fait l'objet de poursuites pénales, la suspension peut être ordonnée par le président de la commission nationale jusqu'à l'intervention de la décision pénale définitive » ; 16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-5 du même code : « La commission nationale de discipline ne peut délibérer que si quatre de ses membres au moins, y compris le président, sont présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante » ; 17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-6 du même code : « Les décisions de la commission nationale de discipline et celles de son président sont motivées. Elles ne sont susceptibles de recours que devant la Cour de cassation » ; 18. Considérant que, selon les requérants, les dispositions précitées empiètent sur le domaine réservé à la loi organique par le troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution ; que les dispositions relatives au mandat des juges des tribunaux de commerce méconnaîtraient en outre les principes d'impartialité et d'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs ainsi que l'exigence de capacité qui résulte du principe d'égal accès aux emplois publics ; que les dispositions relatives à la discipline des juges des tribunaux de commerce méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE AU DOMAINE RÉSERVÉ PAR LA CONSTITUTION À LA LOI ORGANIQUE : 19. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées sont relatives au statut de la magistrature qui relève de la loi organique en vertu du troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution ; qu'ainsi, elles empièteraient sur le pouvoir du législateur organique ; 20. Considérant que la méconnaissance, par le législateur, du domaine que la Constitution a réservé à la loi organique, ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, par suite, le grief doit en tout état de cause être écarté ; - SUR LE MANDAT DES JUGES DES TRIBUNAUX DE COMMERCE : 21. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées régissant le mandat des juges des tribunaux de commerce ne permettent pas de garantir le respect de l'impartialité et de l'indépendance de la justice commerciale notamment à l'égard des entreprises ; qu'en permettant le cumul du mandat de juge du tribunal de commerce avec, notamment, les fonctions de membre d'une chambre de commerce et de l'industrie, ces dispositions porteraient atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ; qu'en outre, en ne prévoyant ni une condition de diplôme ni un contrôle préalable de l'aptitude à l'exercice des fonctions avant l'accès à un mandat de juge du tribunal de commerce, ces dispositions méconnaîtraient l'exigence de capacité qui résulte du principe d'égal accès aux emplois publics ; . En ce qui concerne les principes d'impartialité et d'indépendance des juridictions et de la séparation des pouvoirs : 22. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ; 23. Considérant que les articles L. 722-6 à L. 722-16 du code de commerce sont relatifs au mandat des juges des tribunaux de commerce ; qu'il ressort de l'article L. 722-6 du code de commerce que ces juges sont élus pour une durée déterminée ; qu'en vertu de l'article L. 722-8, les fonctions des juges des tribunaux de commerce ne peuvent cesser que du fait de l'expiration de leur mandat, de la suppression du tribunal, la démission ou la déchéance ; que l'article L. 722-9 prévoit la démission d'office du juge du tribunal de commerce à l'égard duquel est ouverte une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ; que les articles L. 724-2 et L. 724-3 confient à la commission nationale de discipline, présidée par un président de chambre à la Cour de cassation et composée d'un membre du Conseil d'État, de magistrats et de juges des tribunaux de commerce, le pouvoir de prononcer le blâme ou la déchéance en cas de faute disciplinaire définie par l'article L. 724-1 ; 24. Considérant que l'article L. 722-7 prévoit qu'avant d'entrer en fonctions, les juges des tribunaux de commerce prêtent le serment de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de se conduire en tout comme un juge digne et loyal ; 25. Considérant qu'en application du second alinéa de l'article L. 721-1, les tribunaux de commerce sont soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre premier du code de l'organisation judiciaire ; qu'aux termes de l'article L. 111-7 de ce code : « Le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s'abstenir se fait remplacer par un autre juge spécialement désigné » ; que, de même, les dispositions de ses articles L. 111-6 et L. 111-8 fixent les cas dans lesquels la récusation d'un juge peut être demandée et permettent le renvoi à une autre juridiction notamment pour cause de suspicion légitime ou s'il existe des causes de récusation contre plusieurs juges ; 26. Considérant que l'article L. 662-2 du code de commerce prévoit que, lorsque les intérêts en présence le justifient, la cour d'appel compétente peut décider de renvoyer une affaire devant une autre juridiction de même nature, compétente dans le ressort de la cour, pour connaître du mandat ad hoc, de la procédure de conciliation ou des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ; 27. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions relatives au mandat des juges des tribunaux de commerce instituent les garanties prohibant qu'un juge d'un tribunal de commerce participe à l'examen d'une affaire dans laquelle il a un intérêt, même indirect ; que l'ensemble de ces dispositions ne portent atteinte ni aux principes d'impartialité et d'indépendance des juridictions ni à la séparation des pouvoirs ; . En ce qui concerne le principe d'égal accès aux emplois publics : 28. Considérant que, selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi. . . Doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ; 29. Considérant que les tribunaux de commerce sont les juridictions civiles de premier degré compétentes pour connaître des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre commerçants et établissements de crédit, ainsi que de celles relatives soit aux sociétés commerciales, soit aux actes de commerce ; qu'en vertu de l'article L. 723-1 du code de commerce, les juges des tribunaux de commerce sont élus par un collège composé, d'une part, des délégués consulaires élus dans le ressort de la juridiction et, d'autre part, des juges du tribunal de commerce ainsi que des anciens juges du tribunal qui ont demandé à être inscrits sur la liste électorale ; 30. Considérant, d'une part, que l'article L. 723-4 fixe les conditions d'éligibilité aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce ; qu'il prévoit en particulier que sont éligibles à ces fonctions les personnes de nationalité française, âgées de trente ans au moins, qui justifient soit d'une immatriculation pendant les cinq dernières années au moins au registre du commerce et des sociétés, soit de l'exercice, pendant une durée totale cumulée de cinq ans, de fonctions impliquant des responsabilités de direction dans une société à caractère commercial ou un établissement public à caractère industriel et commercial ; que ne sont pas éligibles les personnes à l'égard desquelles une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires a été ouverte ou qui appartiennent à une société ou à un établissement public ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires ; 31. Considérant, d'autre part, que l'article L. 722-11 dispose que le président du tribunal de commerce est choisi parmi les juges du tribunal qui ont exercé des fonctions dans un tribunal de commerce pendant six ans au moins ; que l'article L. 722-14 prévoit qu'en principe, nul ne peut être désigné pour exercer les fonctions de juge-commissaire dans les conditions prévues par le livre VI du code de commerce s'il n'a exercé pendant deux ans au moins des fonctions judiciaires dans un tribunal de commerce ; 32. Considérant qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives aux conditions d'accès au mandat de juges des tribunaux de commerce afin de renforcer les exigences de capacités nécessaires à l'exercice de ces fonctions juridictionnelles ; que, toutefois, eu égard à la compétence particulière des tribunaux de commerce, spécialisés en matière commerciale, les dispositions contestées, qui, d'une part, prévoient que les juges des tribunaux de commerce sont élus par leurs pairs parmi des personnes disposant d'une expérience professionnelle dans le domaine économique et commercial et, d'autre part, réservent les fonctions les plus importantes de ces tribunaux aux juges disposant d'une expérience juridictionnelle, n'ont pas méconnu les exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; - SUR LA DISCIPLINE DES JUGES DES TRIBUNAUX DE COMMERCE : 33. Considérant que, selon les requérants, en interdisant à un justiciable de saisir directement l'organe disciplinaire d'une plainte contre un juge du tribunal de commerce, alors que la saisine du Conseil supérieur de la magistrature leur est ouverte à l'égard des magistrats judiciaires, les dispositions de l'article L. 724-3 portent atteinte au principe d'égalité ; 34. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la Déclaration de 1789, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 35. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 724-3 réserve au ministre de la justice le pouvoir de saisir la commission nationale de discipline des juges des tribunaux de commerce ; que, si le dixième alinéa de l'article 65 de la Constitution prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique, les juges des tribunaux de commerce, qui exercent une fonction publique élective, ne sont pas soumis au statut des magistrats et ne sont pas placés dans une situation identique à celle des magistrats ; que, par suite, le grief tiré de ce que le régime de l'action disciplinaire applicable aux juges des tribunaux de commerce ne serait pas identique à celui applicable aux magistrats doit être écarté ; 36. Considérant que les articles L. 722-6 à L. 722-16 et L. 724-1 à L. 724-6 du code de commerce ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'ils doivent être déclarés conformes à la Constitution ; D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 722-6 à L. 722-16 et L. 724-1 à L. 724-6 du code de commerce sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 4 mai 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911765.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 mars 2012 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 906 du 7 mars 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association « Temps de vie », relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 2411-1, L. 2411-3 et L. 2411-18 du code du travail. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du travail ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le code pénal ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour l'association requérante par la SCP Meurice, avocat au barreau de Lille, enregistrées les 26 mars et 3 avril 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 mars 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Meurice pour la requérante, Me Hélène Masse-Dessen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour Mme Mireille L., défenderesse à la présente procédure, et M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : « Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : « 1° Délégué syndical ; « 2° Délégué du personnel ; « 3° Membre élu du comité d'entreprise ; « 4° Représentant syndical au comité d'entreprise ; « 5° Membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d'entreprise européen ; « 6° Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société européenne ; « 6° bis Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société coopérative européenne ; « 6° ter Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société issue de la fusion transfrontalière ; « 7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; « 8° Représentant du personnel d'une entreprise extérieure, désigné au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'un établissement comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou mentionnée à l'article L. 211-2 du code minier ; « 9° Membre d'une commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture prévue à l'article L. 717-7 du code rural et de la pêche maritime ; « 10° Salarié mandaté, dans les conditions prévues à l'article L. 2232-24, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ; « 11° Représentant des salariés mentionné à l'article L. 662-4 du code de commerce lors d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ; « 12° Représentant des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises du secteur public ; « 13° Membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale mentionné à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ; « 14° Membre du conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération mentionné à l'article L. 114-24 du code de la mutualité ; « 15° Représentant des salariés dans une chambre d'agriculture, mentionné à l'article L. 515-1 du code rural et de la pêche maritime ; « 16° Conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement ; « 17° Conseiller prud'homme » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : « Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. « Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. « Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-18 du code du travail : « Conformément à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale, la procédure d'autorisation de licenciement et les périodes et durées de protection du salarié membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale sont celles applicables au délégué syndical, prévues par l'article L. 2411-3 » ; 4. Considérant que, selon l'association requérante, en conférant aux salariés exerçant un mandat de membre du conseil ou d'administrateur d'une caisse de sécurité sociale une protection contre le licenciement sans que ces salariés soient tenus d'en informer leur employeur, ces dispositions portent aux droits des employeurs une atteinte qui méconnaît tant la liberté que le principe d'égalité devant la loi ; 5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 13° de l'article L. 2411-1 du code du travail, ainsi que sur ses articles L. 2411-3 et L. 2411-18 ; 6. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 7. Considérant que les dispositions contestées prévoient que les salariés exerçant un mandat de membre du conseil ou d'administrateur d'une caisse de sécurité sociale ne peuvent être licenciés qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'en accordant une telle protection à ces salariés, le législateur a entendu préserver leur indépendance dans l'exercice de leur mandat ; qu'il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général ; qu'en subordonnant la validité du licenciement de ces salariés à l'autorisation de l'inspecteur du travail, les dispositions contestées n'ont porté une atteinte disproportionnée ni à la liberté d'entreprendre ni à la liberté contractuelle ; 8. Considérant que, si les dispositions du titre III du livre IV de la deuxième partie du code du travail prévoient des incriminations réprimant de peines délictuelles le fait de licencier un salarié protégé en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative du licenciement, ces dispositions n'ont pas pour effet de déroger au principe, prévu par l'article 121-3 du code pénal, selon lequel il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; que, par suite, les dispositions contestées n'exposent pas l'employeur à des sanctions pénales réprimant la méconnaissance d'obligations auxquelles il pourrait ignorer être soumis ; 9. Considérant qu'en outre, le licenciement d'un salarié protégé en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative est nul de plein droit ; qu'un tel licenciement expose l'employeur à l'obligation de devoir réintégrer le salarié et à lui verser des indemnités en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement irrégulier ; 10. Considérant que la protection assurée au salarié par les dispositions contestées découle de l'exercice d'un mandat extérieur à l'entreprise ; que, par suite, ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d'une telle protection dès lors qu'il est établi qu'il n'en a pas informé son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement ; que, sous cette réserve, le 13° de l'article L. 2411-1 du code du travail et les articles L. 2411-3 et L. 2411-18 du même code ne sont pas contraires à la liberté d'entreprendre ; 11. Considérant qu'enfin, les dispositions contestées, qui ne soumettent pas à des règles différentes des personnes placées dans une situation identique, ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi ; 12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 10, D É C I D E : Article 1er.- Le 13° de l'article L. 2411-1 du code du travail, ainsi que les articles L. 2411-3 et L. 2411-18 du même code sont conformes à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 10. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 14 mai 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911759.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 février 2012 par le Conseil d'État (décision n° 352667-352668 du 8 février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association « Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie », relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique, du paragraphe II de son article L. 3211-12, du 3° du paragraphe I de son article L. 3211-12-1 et de son article L. 3213 8. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la santé publique ; Vu le code de procédure pénale ; Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 ; Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ; Vu les observations produites pour l'association requérante par la SELARL Mayet et Perrault, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 23 février et le 12 mars 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er et le 16 mars 2012 ; Vu les observations en intervention produites pour l'association « Groupe information asiles » par Me Corinne Vaillant, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 28 février 2012 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Raphaël Mayet et Me Gaelle Soulard pour l'association requérante, Me Vaillant pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier désigné par le Premier Ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 10 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 juillet 2011 susvisée : « Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est prise en charge : « 1° Sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du présent code ; « 2° Sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type. « Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2°, un programme de soins est établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce programme de soins ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient, afin de tenir compte de l'évolution de son état de santé. « L'avis du patient est recueilli préalablement à la définition du programme de soins et avant toute modification de celui-ci, à l'occasion d'un entretien avec un psychiatre de l'établissement d'accueil au cours duquel il reçoit l'information prévue à l'article L. 3211-3 et est avisé des dispositions de l'article L. 3211-11. « Le programme de soins définit les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État » ; 2. Considérant que l'article L. 3211-12 du même code, dans la rédaction résultant de cette même loi, dispose que le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment aux fins d'ordonner à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans le consentement du patient ; qu'aux termes du paragraphe II de cet article : « Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code : « 1° Lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou qu'elle fait l'objet de soins en application de l'article L. 3213-1 du présent code et qu'elle a déjà fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ; « 2° Lorsque la personne fait l'objet de soins en application de l'article L. 3213-1 du présent code et qu'elle fait ou a déjà fait l'objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d'État, d'une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l'article L. 3222-3. « Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du présent II, le juge ne peut en outre décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1. « Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État. Passés ces délais, il statue immédiatement. « Le présent II n'est pas applicable lorsque les mesures de soins mentionnées aux 1° et 2° ont pris fin depuis au moins dix ans » ; 3. Considérant qu'aux termes du 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 du même code, dans sa rédaction résultant de cette même loi, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du titre premier du livre II de la troisième partie du même code ou par le représentant de l'État dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du même titre, de son article L. 3214-3 ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, n'ait statué sur cette mesure : « Avant l'expiration d'un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application des articles L. 3211-12 ou L. 3213-5 du présent code ou du présent article, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l'expiration de ce délai sur le fondement de l'un des mêmes articles 706-135 du code de procédure pénale, L. 3211-12 ou L. 3213-5 du présent code ou du présent article fait courir à nouveau ce délai » ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-8 du même code, dans sa rédaction résultant de cette même loi : « Le représentant de l'État dans le département ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques qu'après avis du collège mentionné à l'article L. 3211 9 ainsi qu'après deux avis concordants sur l'état mental du patient émis par deux psychiatres choisis dans les conditions fixées à l'article L. 3213-5-1 : « 1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet d'une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ; « 2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d'État, d'une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l'article L. 3222-3 du présent code. « Le présent article n'est pas applicable lorsque les mesures de soins mentionnées aux 1° et 2° ont pris fin depuis au moins dix ans. « Le représentant de l'État dans le département fixe les délais dans lesquels les avis du collège et des deux psychiatres mentionnés au premier alinéa doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État. Passés ces délais, le représentant de l'État prend immédiatement sa décision. Les conditions dans lesquelles les avis du collège et des deux psychiatres sont recueillis sont déterminées par ce même décret en Conseil d'État » ; 5. Considérant que l'association requérante conteste, en premier lieu, le régime des soins psychiatriques sans consentement ordonnés en dehors de l'hospitalisation complète selon les modalités prévues par l'article L. 3211-2-1, en deuxième lieu, le délai prévu par le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1, pour le réexamen, par le juge des libertés et de la détention, des mesures d'hospitalisation complète ordonnées ou prolongées par décision judiciaire et, en troisième lieu, le régime dérogatoire, prévu par le paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L. 3213-8, applicable à la mainlevée des mesures de soins des personnes reconnues pénalement irresponsables ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles ; - SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES : 6. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ; 7. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles, dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 8. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; - SUR L'ARTICLE L. 3211-2-1 : 9. Considérant que, selon l'association requérante, en permettant que des soins psychiatriques comportant notamment des « séjours effectués dans un établissement » puissent être imposés à une personne sans que ces soins fassent l'objet d'un contrôle systématique par une juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique méconnaissent la protection constitutionnelle de la liberté individuelle ; 10. Considérant que la loi du 5 juillet 2011 susvisée a permis qu'une personne puisse être soumise à des soins psychiatriques sans son consentement soit sous la forme d'une « hospitalisation complète », soit « sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement » psychiatrique et, le cas échéant, des séjours effectués dans un tel établissement ; que si l'article L. 3211-12 du code de la santé publique prévoit que le juge des libertés et de la détention peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée sans le consentement de la personne qui en fait l'objet, il résulte du premier alinéa de l'article L. 3211-12-1 du même code que seules les mesures de soins psychiatriques ordonnées sous la forme de l'hospitalisation complète ne peuvent se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur leur maintien ; 11. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement n'est pas prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète, un « programme de soins » est établi par un psychiatre de l'établissement ; que l'avis du patient est recueilli préalablement à la définition et avant toute modification de ce programme, à l'occasion d'un entretien au cours duquel il reçoit l'information prévue à l'article L. 3211-3 et est avisé des dispositions de l'article L. 3211-11 ; que le second alinéa de l'article L. 3211-11 du code de la santé publique dispose que, lorsque le psychiatre constate que la prise en charge sous la forme ambulatoire ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état, il « transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète » ; que le dernier alinéa de l'article L. 3212-4 et le paragraphe III de l'article L. 3213 3 fixent les modalités selon lesquelles une prise en charge au titre du 2° de l'article L. 3211-2-1 peut être modifiée à cette fin ; 12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en permettant que des personnes qui ne sont pas prises en charge en « hospitalisation complète » soient soumises à une obligation de soins psychiatriques pouvant comporter, le cas échéant, des séjours en établissement, les dispositions de l'article L. 3211-2-1 n'autorisent pas l'exécution d'une telle obligation sous la contrainte ; que ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive ni être conduites ou maintenues de force pour accomplir les séjours en établissement prévus par le programme de soins ; qu'aucune mesure de contrainte à l'égard d'une personne prise en charge dans les conditions prévues par le 2° de l'article L. 3211-2-1 ne peut être mise en œuvre sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la violation de la liberté individuelle manque en fait ; 13. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 3211-2-1 et des articles L. 3212-1 et L. 3213-1 qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être soumise sans son consentement à des soins dispensés par un établissement psychiatrique, même sans hospitalisation complète, que lorsque « ses troubles mentaux rendent impossible son consentement » à des soins alors que « son état mental impose des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante » ou lorsque ces troubles « nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public » ; qu'en tout état de cause, le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment, dans les conditions fixées par l'article L. 3211-12, aux fins d'ordonner à bref délai la mainlevée immédiate d'une telle mesure ; qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a assuré, entre la protection de la santé et la protection de l'ordre public, d'une part, et la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, d'autre part, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée ; 14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution ; - SUR LE 3° DU PARAGRAPHE I DE L'ARTICLE L. 3211-12-1 : 15. Considérant que selon l'association requérante, en prévoyant que les mesures d'hospitalisation complète puissent se prolonger pendant une durée maximale de six mois sans réexamen systématique par une juridiction de l'ordre judiciaire, le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211 12-1 du code de la santé publique méconnaît les exigences de l'article 66 de la Constitution ; 16. Considérant que, dans ses décisions des 26 novembre 2010 et 9 juin 2011 susvisées, le Conseil constitutionnel a jugé que le maintien de l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction judiciaire méconnaissait les exigences de l'article 66 de la Constitution ; qu'à la suite de ces décisions, la loi du 5 juillet 2011 susvisée a, notamment, inséré dans le code de la santé publique un article L. 3211 12 1 ; que les trois premiers alinéas du paragraphe I de cet article prévoient que l'hospitalisation complète d'un patient résultant d'une décision d'une autorité administrative ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de quinze jours ; 17. Considérant que le 3° de ce même paragraphe I dispose que toute mesure d'hospitalisation ordonnée par une juridiction en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale ou sur laquelle le juge des libertés et de la détention s'est déjà prononcé dans les conditions prévues par le code de la santé publique ne peut se poursuivre sans que le juge n'ait statué sur la mesure avant l'expiration d'un délai de six mois ; que ces dispositions imposent ainsi un réexamen périodique, au maximum tous les six mois, des mesures de soins sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète sur lesquelles une juridiction judiciaire s'est déjà prononcée ; que les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que le juge des libertés et de la détention puisse être saisi à tout moment aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate de la mesure ; que, par suite, en adoptant ces dispositions, le législateur a assuré, entre les exigences de l'article 66 de la Constitution et l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; 18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution ; - SUR LE PARAGRAPHE II DE L'ARTICLE L. 3211-12 ET L'ARTICLE L. 3213-8 : 19. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 se rapporte à l'obligation de soins ordonnée par le représentant de l'État lorsque celui-ci est avisé par les autorités judiciaires que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public ; que l'article L. 3213-8 n'est applicable que lorsqu'une personne fait ou a fait l'objet, dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs, d'une mesure « d'hospitalisation » ordonnée par le représentant de l'État ; 20. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L. 3213-8 intéressent les personnes faisant ou ayant fait l'objet, au cours des dix dernières années, soit d'une mesure d'admission en soins psychiatriques, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement psychiatrique ordonnée par une chambre d'instruction ou une juridiction de jugement prononçant un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit d'une hospitalisation ordonnée par le représentant de l'État lorsque ces personnes ont, en outre, été, au cours de leur hospitalisation, admises en unité pour malades difficiles pendant une durée fixée par décret en Conseil d'État ; 21. Considérant que l'article L. 3211-12 est relatif aux conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour ordonner la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques ordonnés sans le consentement du patient ; que son paragraphe II dispose, d'une part, que le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège de soignants prévu par l'article L. 3211-9 et, d'autre part, qu'il ne peut décider la mainlevée de la mesure sans avoir ordonné deux expertises supplémentaires établies par deux psychiatres ; 22. Considérant que l'article L. 3213-8 dispose, en ce qui concerne les personnes visées par ce texte, que le représentant de l'État ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques qu'après avis du collège de soignants mentionné à l'article L. 3211-9 ainsi qu'après deux avis concordants sur l'état mental du patient émis par deux psychiatres ; 23. Considérant que, par ailleurs, l'article L. 3213-9-1 prévoit que, lorsque le représentant de l'État a décidé de ne pas suivre l'avis par lequel un psychiatre de l'établissement d'accueil constate qu'une mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète n'est plus nécessaire et après un examen du patient par un deuxième psychiatre confirmant cet avis, il ne peut, pour les personnes mentionnées au III de l'article L. 3213-1, qui sont les mêmes que celles figurant à l'article L. 3213-8, ordonner la mainlevée de cette mesure ou la mise en place d'une mesure de soins sous une autre forme que si chacun des avis et expertises prévues par ce dernier article constate que l'hospitalisation complète n'est plus nécessaire ; qu'en outre, pour ces mêmes personnes, le dernier alinéa de l'article L. 3213-4 dispense le représentant de l'État des formalités prescrites pour le maintien d'une mesure qu'il a décidée ; 24. Considérant que, selon les requérants, en imposant des conditions plus restrictives pour la mainlevée des mesures de soins psychiatriques applicables aux personnes qui ont été déclarées pénalement irresponsables ou qui ont séjourné en unité pour malades difficiles, ces dispositions institueraient une différence de traitement qui ne serait pas fondée sur des critères objectifs et rationnels et, par suite, porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi ; que l'encadrement des conditions dans lesquelles le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure porterait également atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ; 25. Considérant qu'en raison de la spécificité de la situation des personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l'objet ; que, toutefois, il lui appartient d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire encadrant la mise en œuvre de ce régime particulier ; 26. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 3222-3 du code de la santé publique prévoit que les personnes soumises par le représentant de l'État à des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète peuvent être prises en charge dans une unité pour malades difficiles lorsqu'elles « présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique » ; que ni cet article ni aucune autre disposition législative n'encadrent les formes et ne précisent les conditions dans lesquelles une telle décision est prise par l'autorité administrative ; que les dispositions contestées font ainsi découler d'une hospitalisation en unité pour malades difficiles, laquelle est imposée sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses que celles applicables aux autres personnes admises en hospitalisation complète, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins ; que, par suite, elles méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées ; 27. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées s'appliquent lorsque le représentant de l'État a ordonné des soins conformément à l'article L. 3213-7 du code de la santé publique ; que cet article dispose que, lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié, sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, elles « avisent » immédiatement la commission départementale des soins psychiatriques et le représentant de l'État dans le département ; que ce dernier peut, après avoir ordonné la production d'un certificat médical sur l'état du malade, prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques ; 28. Considérant que la transmission au représentant de l'État par l'autorité judiciaire est possible quelles que soient la gravité et la nature de l'infraction commise en état de trouble mental ; que les dispositions contestées ne prévoient pas l'information préalable de la personne intéressée ; que, par suite, faute de dispositions particulières relatives à la prise en compte des infractions ou à une procédure adaptée, ces dispositions font découler de cette décision de transmission, sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses que celles applicables aux autres personnes soumises à une obligation de soins psychiatriques, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins ; que, pour les mêmes motifs, ces dispositions ont également méconnu les exigences constitutionnelles précitées ; 29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique et son article L. 3213-8 doivent être déclarés contraires à la Constitution ; - SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTION-NALITÉ : 30. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 31. Considérant que l'abrogation immédiate du paragraphe II de l'article L. 3211-12 et de l'article L. 3213-8 aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2013 la date de cette abrogation ; que les décisions prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 3213-8 et le paragraphe II de l'article L. 3211-12 du code la santé publique sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er octobre 2013 dans les conditions fixées au considérant 31. Article 3.- L'article L. 3211-2-1 et le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 sont conformes à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 20 avril 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911767.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 mars 2012 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 415 du 15 mars 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les consorts L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société Territoires de l'Isère par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 avril 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 avril 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me François Molinié, pour la société Territoires de l'Isère, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Le transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré par voie, soit d'accord amiable, soit d'ordonnance. L'ordonnance est rendue, sur le vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le chapitre Ier ont été accomplies, par le juge dont la désignation est prévue à l'article L. 13-1 ci-après. L'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme aux dispositions du chapitre III et de l'article L. 15-2 » ; 2. Considérant que, selon les requérants, en prévoyant que le transfert de propriété des biens expropriés à l'autorité expropriante est ordonné sans que l'exproprié soit entendu ou appelé et sans débat contradictoire devant le juge de l'expropriation, ces dispositions méconnaissent les exigences du droit à une procédure juste et équitable découlant de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en outre, en permettant que le transfert de propriété soit ordonné par le juge de l'expropriation sur le fondement d'une déclaration d'utilité publique non définitive et sans indemnisation juste et préalable, ces dispositions porteraient atteinte à son article 17 ; 3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que le principe du contradictoire ; 4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ; que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnité doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ; 5. Considérant qu'il résulte des dispositions contestées que le transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré, à défaut d'accord amiable, par voie d'ordonnance du juge de l'expropriation ; que cette ordonnance est rendue au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le chapitre Ier du titre Ier de la partie législative du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, relatif à la déclaration d'utilité publique et à l'arrêté de cessibilité, ont été accomplies ; que l'ordonnance d'expropriation envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme aux dispositions relatives à la fixation et au paiement des indemnités ; 6. Considérant, d'une part, que le juge de l'expropriation ne rend l'ordonnance portant transfert de propriété qu'après que l'utilité publique a été légalement constatée ; que la déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité, par lequel est déterminée la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier, peuvent être contestés devant la juridiction administrative ; que le juge de l'expropriation se borne à vérifier que le dossier que lui a transmis l'autorité expropriante est constitué conformément aux prescriptions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que l'ordonnance d'expropriation peut être attaquée par la voie du recours en cassation ; que, par ailleurs, l'ordonnance par laquelle le juge de l'expropriation fixe les indemnités d'expropriation survient au terme d'une procédure contradictoire et peut faire l'objet de recours ; 7. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions contestées, l'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme aux dispositions du chapitre III du titre Ier de la partie législative du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sur la fixation et le paiement des indemnités et de l'article L. 15-2 du même code relatif aux conditions de prise de possession ; qu'en outre, aux termes du second alinéa de l'article L. 12-5 du même code : « En cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale » ; 8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent ni les exigences de l'article 16 ni celles de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 9. Considérant, par ailleurs, que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 mai 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911766.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 mars 2012 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêts nos 959, 960 et 961 du 9 mars 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de trois questions prioritaires de constitutionnalité posées par la société Yonne Républicaine, relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail. Il a également été saisi le même jour par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 962 du 9 mars 2012), dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Marie-Claire Album, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 7112-4 du code du travail. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes ; Vu le code du travail ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations en intervention produites pour le Syndicat national des journalistes et pour le Syndicat national des journalistes - CGT par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, ainsi que pour Mme Juliette D., enregistrées les 2 et 17 avril 2012 ; Vu les observations produites pour la société Yonne Républicaine par la SCP Gaschignard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 avril 2012 ; Vu les observations produites pour la société Marie-Claire Album, par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 3 avril 2012 ; Vu les observations produites pour MM. Bernard I., Dominique O. et Jean-Pierre G. par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 2 et 17 avril 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 2 et 3 avril 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Denis Reboul-Salze, dans l'intérêt de la société Yonne-Républicaine, Me Emmanuel Piwnica, dans l'intérêt de la société Marie-Claire Album, Me Roger Koskas et Me Thomas Lyon-Caen dans l'intérêt de MM. Bernard I., Dominique O. et Jean-Pierre G., de Mme Juliette D. ainsi que du Syndicat national des journalistes et du Syndicat national des journalistes - CGT, Monsieur Xavier Pottier, désigné par le Premier Ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1.Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2.Considérant qu'aux termes de l'article L. 7112-3 du code du travail : « Si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze » ; 3.Considérant qu'aux termes de l'article L. 7112-4 du même code : « Lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due. « Cette commission est composée paritairement d'arbitres désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité. « Si les parties ou l'une d'elles ne désignent pas d'arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal de grande instance, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. « Si les arbitres désignés par les parties ne s'entendent pas pour choisir le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal de grande instance. « En cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée. « La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel » ; 4.Considérant que selon les requérants, les dispositions de l'article L. 7112-3 du code du travail portent atteinte à l'égalité devant la loi ; que celles de l'article L. 7112-4 du même code porteraient atteinte à l'égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif ; - SUR L'ARTICLE L. 7112-3 DU CODE DU TRAVAIL : 5.Considérant que, selon les requérants, en organisant un régime spécial d'indemnisation de la rupture du contrat de travail pour les seuls journalistes professionnels, l'article L. 7112-3 du code du travail porte atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi ; 6.Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 7.Considérant que, par la loi du 29 mars 1935 susvisée, dont sont issues les dispositions contestées, le législateur a mis en place un régime spécifique pour les journalistes qui, compte tenu de la nature particulière de leur travail, sont placés dans une situation différente de celle des autres salariés ; que les dispositions contestées, propres à l'indemnisation des journalistes professionnels salariés, visent à prendre en compte les conditions particulières dans lesquelles s'exerce leur profession ; que, par suite, il était loisible au législateur, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, d'instaurer un mode de détermination de l'indemnité de rupture du contrat de travail applicable aux seuls journalistes à l'exclusion des autres salariés ; 8.Considérant que les dispositions de l'article L. 7112-3 du code du travail ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - SUR L'ARTICLE L. 7112-4 DU CODE DU TRAVAIL : 9.Considérant que, selon les requérants, en rendant obligatoire la saisine de la commission arbitrale des journalistes pour évaluer l'indemnité de licenciement des journalistes salariés dans les cas qu'elles déterminent, les dispositions de l'article L. 7112-4 du code du travail portent atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la justice ; qu'en prévoyant que la décision rendue par la commission arbitrale des journalistes ne peut faire l'objet d'aucun recours, elles porteraient, en outre, atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif ; 10.Considérant que l'article 16 de la Déclaration de 1789 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense et des principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions ; 11.Considérant qu'est garanti par les dispositions de l'article 16 de la Déclaration de 1789 le respect des droits de la défense ; qu'il en résulte également qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; 12.Considérant que, d'une part, la commission arbitrale des journalistes est la juridiction compétente pour évaluer l'indemnité due à un journaliste salarié lorsque son ancienneté excède quinze années ; qu'elle est également compétente pour réduire ou supprimer l'indemnité dans tous les cas de faute grave ou de fautes répétées d'un journaliste ; qu'à cette fin, la commission arbitrale des journalistes, composée paritairement par des arbitres désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés, est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité ; qu'en confiant l'évaluation de cette indemnité à cette juridiction spécialisée composée majoritairement de personnes désignées par des organisations professionnelles, le législateur a entendu prendre en compte la spécificité de cette profession pour l'évaluation, lors de la rupture du contrat de travail, des sommes dues aux journalistes les plus anciens ou à qui il est reproché une faute grave ou des fautes répétées ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte à l'égalité devant la justice doit être écarté ; 13.Considérant que, d'autre part, si le dernier alinéa de l'article L. 7112-4 du code du travail dispose que la décision de la commission arbitrale ne peut être frappée d'appel, le principe du double degré de juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle ; que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire tout recours contre une telle décision ; que cette décision peut en effet, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, faire l'objet, devant la cour d'appel, d'un recours en annulation formé, selon les règles applicables en matière d'arbitrage et par lequel sont appréciés notamment le respect des exigences d'ordre public, la régularité de la procédure et le principe du contradictoire ; que l'arrêt de la cour d'appel peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; qu'eu égard à la compétence particulière de la commission arbitrale, portant sur des questions de fait liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail des journalistes, ces dispositions ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif ; 14.Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article L. 7112-4 du code du travail ne méconnaissent, ni le principe d'égalité devant la justice, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 14 mai 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911762.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 février 2012 par le Conseil d'État (décision n° 352200 du 22 février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Ileana A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du IV de l'article 1754 du code général des impôts. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ; Vu le code général des impôts ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour Mme Ileana A. par la SCP Celice-Blancpain-Soltner, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 14 et 29 mars 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 15 et 30 mars 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Frédéric Blancpain, pour la requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du IV de l'article 1754 du code général des impôts : « En cas de décès du contrevenant ou s'il s'agit d'une société, en cas de dissolution, les amendes, majorations et intérêts dus par le défunt ou la société dissoute constituent une charge de la succession ou de la liquidation » ; 2. Considérant que, selon la requérante, en permettant de mettre à la charge des héritiers des pénalités fiscales faisant l'objet d'une contestation devant les juridictions au jour du décès du contribuable fautif, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789, « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que, selon son article 9, tout homme est « présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable » ; qu'il résulte de ces articles que nul ne peut être punissable que de son propre fait ; que ce principe s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; 4. Considérant qu'en vertu des dispositions contestées, sont mises à la charge de la succession ou de la liquidation « les amendes, majorations et intérêts dus par le défunt ou la société dissoute » ; que les majorations et intérêts de retard ayant pour seul objet de réparer le préjudice subi par l'État du fait du paiement tardif de l'impôt ne revêtent aucun caractère punitif ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 est inopérant à leur égard ; 5. Considérant, en revanche, que les amendes et majorations qui tendent à réprimer le comportement des personnes qui ont méconnu leurs obligations fiscales doivent, quant à elles, être considérées comme des sanctions ayant le caractère d'une punition ; que le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait leur est donc applicable ; 6. Considérant que les dispositions contestées prévoient la transmission des pénalités fiscales uniquement lorsqu'elles sont dues par le défunt ou la société dissoute au jour du décès ou de la dissolution ; que, par suite, elles ne permettent pas que des amendes et majorations venant sanctionner le comportement du contrevenant fiscal soient prononcées directement à l'encontre des héritiers de ce contrevenant ou de la liquidation de la société dissoute ; 7. Considérant que ces pénalités sont prononcées par l'administration à l'issue d'une procédure administrative contradictoire à laquelle le contribuable ou la société a été partie ; qu'elles sont exigibles dès leur prononcé ; qu'en cas de décès du contribuable ou de dissolution de la société, les héritiers ou les continuateurs peuvent, s'ils sont encore dans le délai pour le faire, engager une contestation ou une transaction ou, si elle a déjà été engagée, la poursuivre ; que cette contestation ou cette transaction ne peut avoir pour conséquence de conduire à un alourdissement de la sanction initialement prononcée ; que, par suite, en prévoyant que ces pénalités de nature fiscale, entrées dans le patrimoine du contribuable ou de la société avant le décès ou la dissolution, sont à la charge de la succession ou de la liquidation, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait ; 8. Considérant, par ailleurs, que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le IV de l'article 1754 du code général des impôts est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 4 mai 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911763.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1365 du 29 février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Gérard D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 222-33 du code pénal. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code pénal ; Vu la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ; Vu la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs ; Vu la loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations en intervention produites pour l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail par Me Nadjette Guenatef, avocate au barreau de Créteil, enregistrées le 19 mars et le 12 avril 2012 ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet-Farge-Hazan, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 mars et le 6 avril 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 mars 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Claire Waquet, Me André Soulier, Me Nadjette Guenatef et M. Xavier Potier, ayant été entendus à l'audience publique du 17 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 222-33 du code pénal « Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en punissant « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » sans définir précisément les éléments constitutifs de ce délit, la disposition contestée méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique ; 3. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ; 4. Considérant que, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 juillet 1992 susvisée, le harcèlement sexuel, prévu et réprimé par l'article 222-33 du nouveau code pénal, était défini comme « Le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions » ; que l'article 11 de la loi du 17 juin 1998 susvisée a donné une nouvelle définition de ce délit en substituant aux mots « en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes », les mots : « en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves » ; que l'article 179 de la loi du 17 janvier 2002 susvisée a de nouveau modifié la définition du délit de harcèlement sexuel en conférant à l'article 222-33 du code pénal la rédaction contestée ; 5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 7. Considérant que l'abrogation de l'article 222-33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date, D É C I D E : Article 1er.- L'article 222-33 du code pénal est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 7. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 4 mai 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911761.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 février 2012 par la Cour de cassation (Chambre commerciale, arrêt n° 335 du 21 février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société anonyme Paris Saint-Germain football, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 1559 et 1561 du code général des impôts. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Baker et Mc Kenzie, enregistrées le 13 mars 2012 et le 29 mars 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 mars 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Eric Meier, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 1559 du code général des impôts : « Les spectacles, jeux et divertissements de toute nature sont soumis à un impôt dans les formes et selon les modalités déterminées par les articles 1560 à 1566. « Toutefois, l'impôt ne s'applique plus qu'aux réunions sportives d'une part, aux cercles et maisons de jeux, d'autre part » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 1561 du même code : « Sont exonérés de l'impôt prévu aux trois premières catégories du I de l'article 1560 : « 3° a. Jusqu'à concurrence de 3 040 euros de recettes par manifestation, les réunions sportives organisées par des associations sportives régies par la loi du 1er juillet 1901 agréées par le ministre compétent ou par des sociétés sportives visées à l'article L. 122-1 du code du sport et, jusqu'à concurrence de 760 euros, les quatre premières manifestations annuelles organisées au profit exclusif d'établissements publics ou d'associations légalement constituées agissant sans but lucratif ; « b. Toutefois, l'exemption totale peut être accordée aux compétitions relevant d'activités sportives limitativement énumérées par arrêtés des ministres des finances et des affaires économiques, de l'intérieur et de l'éducation nationale. « Le conseil municipal peut, par délibération adoptée dans les conditions prévues à l'article 1639 A bis, décider que certaines catégories de compétitions, lorsqu'elles sont organisées par des associations sportives régies par la loi du 1er juillet 1901 agréées par le ministre compétent, ou que l'ensemble des compétitions sportives organisées sur le territoire de la commune bénéficient de la même exonération. « c. Les organisateurs des réunions visées aux a et b doivent tenir leur comptabilité à la disposition des agents de l'administration pendant le délai prévu au premier alinéa du I de l'article L. 102 B du Livre des procédures fiscales ; « 4° Par délibération du conseil municipal, les sommes versées à des œuvres de bienfaisance à la suite de manifestations organisées dans le cadre de mouvements nationaux d'entraide ; « 7° Les spectacles des première et troisième catégories pour lesquels il n'est pas exigé de paiement supérieur à 0,15 euro au titre d'entrée, redevance ou mise ; « 10° Dans les départements d'outre-mer, les spectacles organisés par les entreprises hôtelières qui ont reçu, avant le 1er janvier 1971, l'agrément prévu par le 2 de l'article 26 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 » ; 3. Considérant que, selon la société requérante, en restreignant le champ d'application de l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements aux réunions sportives ainsi qu'aux cercles et maisons de jeux, et en permettant que des compétitions sportives puissent être exonérées de l'impôt soit lorsqu'elles correspondent à des activités sportives énumérées par arrêté soit, pour l'ensemble ou certaines des compétitions sportives organisées sur le territoire d'une commune, lorsque le conseil municipal décide de cette exonération par une délibération, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 1559 et sur le b du 3° de l'article 1561 du code général des impôts ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « la Loi ... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 7. Considérant qu'en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 72-2 : « Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine » ; 8. Considérant, en premier lieu, que l'article 1559 a pour objet d'instituer un impôt sur les spectacles, jeux et divertissements ; que sont inclus dans le champ de cet impôt les réunions sportives, d'une part, et les cercles et maisons de jeux, d'autre part ; que le premier alinéa du b du 3° de l'article 1561 exonère de cet impôt les compétitions relevant d'activités sportives énumérées par arrêté interministériel ; 9. Considérant que ces deux dispositions créent des différences de traitement respectivement entre des spectacles de nature différente et entre des compétitions relatives à des activités sportives différentes ; qu'elles n'introduisent pas de différence de traitement entre des personnes placées dans la même situation ; que ni l'assiette de l'imposition ni l'exonération des compétitions relevant de certaines activités sportives ne créent en elles-mêmes de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 10. Considérant, en second lieu, que le second alinéa du b du 3° de l'article 1561 permet aux communes qui le souhaitent d'exonérer de l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements l'ensemble des compétitions sportives organisées sur leur territoire ou seulement certaines catégories de compétitions sportives organisées sur leur territoire par des associations sportives agréées ; que ces exonérations facultatives permettent aux communes qui le souhaitent de favoriser le développement d'événements sportifs ayant lieu sur leur territoire, le cas échéant sans être privées de toute recette provenant de l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements ; 11. Considérant que cet impôt, qui a une assiette locale, est exclusivement perçu au profit des communes ; que l'exonération facultative de l'ensemble des compétitions sportives organisées sur le territoire d'une commune est décidée par le conseil municipal ; que le législateur pouvait prévoir une telle exonération facultative sans méconnaître le principe d'égalité ; 12. Considérant que l'exonération facultative de certaines compétitions sportives doit porter sur une ou plusieurs « catégories de compétitions sportives », définies par le conseil municipal ; qu'elle ne peut porter que sur des compétitions sportives organisées par des associations sportives agréées ; que la différence de traitement qui en résulte entre les différentes compétitions sportives se déroulant sur le territoire de la même commune repose sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts poursuivis par le législateur ; qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt doit être rejeté ; que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article 1559 et le b du 3° de l'article 1561 du code général des impôts sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 20 avril 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911760.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 février 2012 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 308 du 10 février 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Christine J., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Laydeker-Sammarcelli, avocat à la Cour, enregistrées le 20 février et le 20 mars 2012 ; Vu les observations produites pour la communauté urbaine de Bordeaux par la SCP Coulombié-Gras-Crétin-Becquevort-Rosier-Soland- Gilliocq, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées le 3 mars 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 mars 2012 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Xavier Laydeker pour la requérante, Me Guillaume Achou-Lepage pour la communauté urbaine de Bordeaux et M. Xavier Pottier désigné par le Premier Ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 10 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Le montant de l'indemnité principale ne peut excéder l'estimation faite par le service des domaines ou celle résultant de l'avis émis par la commission des opérations immobilières, si une mutation à titre gratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, a donné lieu à une évaluation administrative rendue définitive en vertu des lois fiscales ou à une déclaration d'un montant inférieur à ladite estimation. « Lorsque les biens ont, depuis cette mutation, subi des modifications justifiées dans leur consistance matérielle ou juridique, leur état ou leur situation d'occupation, l'estimation qui en est faite conformément à l'alinéa précédent doit en tenir compte. « Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article, notamment lorsque l'expropriation porte soit sur une partie seulement des biens ayant fait l'objet de la mutation définie au premier alinéa, soit sur des biens dont une partie seulement a fait l'objet de la mutation définie au premier alinéa, soit sur des biens dont une partie seulement a fait l'objet de la mutation susvisée » ; 2. Considérant que, selon la requérante, en prévoyant que le montant de l'indemnité principale ne peut excéder l'estimation du service des domaines lorsque celle-ci est supérieure à une évaluation ou à une déclaration intervenue dans le cadre d'une mutation à titre gratuit ou onéreux de moins de cinq ans, les dispositions de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique méconnaissent l'exigence constitutionnelle d'une juste et préalable indemnité ; qu'en liant ainsi le pouvoir du juge de l'expropriation, elles méconnaîtraient également les principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire ; 3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée ; que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ; 4. Considérant, d'autre part, que l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative ; 5. Considérant que les dispositions contestées prévoient des modalités de fixation de l'indemnité principale d'expropriation ; que, selon ces dispositions, le montant de l'indemnité principale fixée par le juge de l'expropriation ne peut excéder l'estimation faite par l'administration lorsqu'une mutation à titre gratuit ou onéreux a donné lieu soit à une évaluation administrative rendue définitive en vertu des lois fiscales soit à une déclaration d'un montant inférieur à cette estimation ; que l'estimation de l'administration ne s'impose toutefois au juge de l'expropriation que lorsque la mutation à titre gratuit ou onéreux est intervenue moins de cinq ans avant la date de la décision portant transfert de propriété ; qu'en vertu de ces mêmes dispositions, cette estimation ne lie pas le juge de l'expropriation si l'exproprié démontre que des modifications survenues dans leur consistance matérielle ou juridique, leur état ou leur situation d'occupation ont conféré aux biens expropriés une plus-value ; 6. Considérant qu'il résulte des dispositions contestées qu'en dehors de l'hypothèse où l'exproprié démontre que des modifications survenues dans la consistance matérielle ou juridique, l'état ou la situation d'occupation de ses biens leur ont conféré une plus-value, le juge de l'expropriation est lié par l'estimation de l'administration si elle est supérieure à la déclaration ou à l'évaluation effectuée lors de la mutation des biens ; 7. Considérant, qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu inciter les propriétaires à ne pas sous-estimer la valeur des biens qui leur sont transmis ni à dissimuler une partie du prix d'acquisition de ces biens ; qu'il a ainsi poursuivi un but de lutte contre la fraude fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; que, toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789, avoir pour effet de priver l'intéressé de faire la preuve que l'estimation de l'administration ne prend pas correctement en compte l'évolution du marché de l'immobilier ; que, sous cette réserve, elles ne portent pas atteinte à l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'elles ne portent pas davantage atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la séparation des pouvoirs ; 8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article L. 13-17 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 20 avril 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911751.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; Vu la déclaration du Conseil constitutionnel en date du 25 avril 2012 faisant connaître les résultats du premier tour ; Considérant que chacun des deux candidats habilités à se présenter au second tour a porté à la connaissance du Conseil constitutionnel qu'il maintenait sa candidature, D É C I D E : Article 1er.- Les deux candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République sont : Monsieur François HOLLANDE et Monsieur Nicolas SARKOZY. Article 2.- La présente décision sera publiée sans délai au Journal officiel et notifiée, par les soins du Gouvernement, aux représentants de l'État dans les départements, en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux ambassadeurs et aux chefs de poste consulaire. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025911750.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 modifié portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 susvisée ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; Vu le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes susvisés ; Vu les procès-verbaux établis par les commissions de recensement, ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ; Vu les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 7 de la loi du 31 janvier 1976 susvisée ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ; Vu les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ; Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ; Les rapporteurs ayant été entendus ; Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 susvisé ; Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations tendant à contester la liste des candidats à l'élection du président de la République en méconnaissance de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 susvisé ; Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ; - SUR LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES : 1. Considérant que, si certains des candidats se sont présentés à l'élection sous un prénom ou un nom qui n'est ni celui de leur état civil ni celui dont ils ont l'autorisation de faire usage en vertu de la loi, cette circonstance ne saurait, en l'absence de toute confusion possible sur leur identité, être regardée comme ayant pu induire en erreur le corps électoral ; 2. Considérant que, dans la commune de Pont-sur-Seine (Aube), dans laquelle 535 suffrages ont été exprimés, le président du bureau de vote s'est opposé à ce que le magistrat délégué du Conseil constitutionnel chargé de suivre sur place les opérations électorales accomplisse la mission qui lui était impartie ; que ce magistrat n'a pu accéder au bureau de vote et au procès-verbal des opérations de vote qu'en fin de journée, accompagné de la force publique ; qu'ainsi, le Conseil constitutionnel n'a pas été en mesure de contrôler que, dans cette commune, le scrutin s'est déroulé conformément aux prescriptions du code électoral ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune ; 3. Considérant que, dans la commune de Bourg-d'Oueil (Haute-Garonne), dans laquelle 19 suffrages ont été exprimés, aucun isoloir n'a été mis à la disposition des électeurs en violation de l'article L. 62 du code électoral ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune ; 4. Considérant que la liste d'émargement des électeurs de la commune de Lissac (Haute-Loire), dans laquelle 204 suffrages ont été exprimés, n'a pas été transmise à la préfecture après le dépouillement du scrutin, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral ; que ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin ; qu'il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans la commune ; 5. Considérant que, dans le bureau de vote n° 18 de la commune d'Anglet (Pyrénées-Atlantiques), dans lequel 833 suffrages ont été exprimés, il a été procédé à huis clos au dépouillement des votes en méconnaissance de l'article L. 65 du code électoral ; qu'en raison de cette méconnaissance de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ; 6. Considérant que, dans le bureau de vote n° 67 de la commune de Limoges (Haute-Vienne), dans lequel 920 suffrages ont été exprimés, les bulletins de vote au nom de l'un des candidats n'ont été mis à la disposition des électeurs, de façon visible, que tardivement ; que cette absence prolongée ayant porté atteinte à la libre expression du suffrage, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ; 7. Considérant que, dans le bureau de vote n° 56 dans la commune de Bouéni (Mayotte), qui comporte 230 électeurs inscrits, seuls 50 votants ont été enregistrés alors que 115 cartes électorales ont été distribuées au bureau de vote le jour du scrutin ; que, si le nombre de votants s'élève à 50, seuls 30 suffrages ont été exprimés ; que les 20 bulletins déclarés blancs ou nuls n'ont pas été communiqués à la commission de recensement et n'ont pu être vérifiés ; qu'au regard de l'incohérence entre ces chiffres et de l'impossibilité de contrôler les bulletins déclarés blancs ou nuls, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ; - SUR L'ENSEMBLE DES RÉSULTATS DU SCRUTIN : 8. Considérant qu'aucun candidat n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, D É C L A R E : Article 1er. - Les résultats du scrutin pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les 21 et 22 avril 2012, sont les suivants : Électeurs inscrits : 46 028 542 Votants : 36 584 399 Suffrages exprimés : 35 883 209 Majorité absolue : 17 941 605 Ont obtenu : Mme Eva Joly : 828 345 Mme Marine Le Pen : 6 421 426 M. Nicolas Sarkozy : 9 753 629 M. Jean-Luc Mélenchon : 3 984 822 M. Philippe Poutou : 411 160 Mme Nathalie Arthaud : 202 548 M. Jacques Cheminade : 89 545 M. François Bayrou : 3 275 122 M. Nicolas Dupont-Aignan : 643 907 M. François Hollande : 10 272 705 Article 2.- La proclamation des résultats de l'ensemble de l'élection interviendra dans les conditions prévues par le décret du 8 mars 2001 susvisé. Article 3.- La présente déclaration sera publiée sans délai au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 23, 24 et 25 avril 2012 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025911752.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ; Vu le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 modifié portant application de la loi organique du 31 janvier 1976 susvisée ; Vu le décret n° 2012-256 du 22 février 2012 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; Vu le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes susvisés ; Vu la décision du Conseil constitutionnel du 10 mai 2007 proclamant M. Nicolas SARKOZY Président de la République et la date à laquelle celui-ci a pris ses fonctions ; Vu la déclaration du Conseil constitutionnel du 25 avril 2012 relative aux résultats du premier tour de scrutin de l'élection du Président de la République ; Vu la décision du Conseil constitutionnel du 26 avril 2012 arrêtant la liste des candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République ; Vu les procès-verbaux établis par les commissions de recensement, ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ; Vu les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 7 de la loi du 31 janvier 1976 susvisée ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ; Vu les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ; Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ; Les rapporteurs ayant été entendus ; Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 susvisé ; Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ; SUR LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES : 1. Considérant qu'un électeur soutient que l'usage d'une machine à voter, dans le bureau de vote n° 85 de la commune du Mans (Sarthe), où 754 suffrages ont été exprimés, ne garantissait pas le secret du vote ; que, toutefois, il n'apporte aucun élément tendant à établir qu'ont été méconnus, en l'espèce, les spécifications techniques qui sont imposées aux machines à voter, la procédure d'agrément qui leur est applicable et les contrôles dont elles font l'objet ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte au secret du vote doit être écarté ; 2. Considérant que plusieurs électeurs font état de la divulgation d'estimations ou de résultats partiels du scrutin avant la clôture de ce dernier ; qu'ils estiment que cette divulgation a été de nature à fausser la sincérité du scrutin ; qu'une telle divulgation, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait être regardée, en l'espèce, comme ayant exercé une influence déterminante sur le résultat du scrutin ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte à la sincérité du scrutin doit être écarté ; 3. Considérant que, dans la commune de Jozerand (Puy-de-Dôme), qui comporte 346 électeurs inscrits, des discordances importantes et inexpliquées ont été constatées entre le nombre de bulletins trouvés dans l'urne, le nombre de suffrages exprimés et le nombre de votants ; que le Conseil constitutionnel n'étant pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans la commune ; 4. Considérant que, dans la commune d'Artigue (Haute-Garonne), dans laquelle 33 suffrages ont été exprimés, le délégué du Conseil constitutionnel a relevé que seul le président du bureau de vote était présent une grande partie de la journée, qu'il émargeait à la place de certains électeurs et disposait seul des clefs de l'urne, en méconnaissance des dispositions des articles R. 42, L. 62-1 et L. 63 du code électoral ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans la commune ; 5. Considérant que la liste d'émargement des électeurs de la commune de Saint-Rémy-sur-Creuse (Vienne), dans laquelle 282 suffrages ont été exprimés, ainsi que celles des communes de Villar-d'Arêne et Barret-sur-Méouge (Hautes-Alpes), dans lesquelles respectivement 203 et 139 suffrages ont été exprimés, n'ont pas été transmises à la préfecture après le dépouillement du scrutin en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral ; que ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin ; qu'il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes ; 6. Considérant que dans les bureaux de vote n° 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de Papeete (Polynésie Française), dans lesquels, respectivement, 755, 708, 587, 867, 631, 768, 771, 576, 496, 736 et 724 suffrages ont été exprimés, le délégué du Conseil constitutionnel a constaté qu'il n'a pas été procédé au dépouillement des votes dans les formes prévues par l'article L. 65 du code électoral ; que cette irrégularité était de nature à entraîner des erreurs et pouvait favoriser des fraudes ; que, devant cette méconnaissance de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces bureaux de vote ; - SUR L'ENSEMBLE DES RÉSULTATS DU SCRUTIN : 7. Considérant que les résultats du second tour pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les 5 et 6 mai 2012, sont les suivants : Électeurs inscrits : 46 066 307 Votants : 37 016 309 Suffrages exprimés : 34 861 353 Majorité absolue : 17 430 677 Ont obtenu : M. François HOLLANDE : 18 000 668 M. Nicolas SARKOZY : 16 860 685 Qu'ainsi, M. François HOLLANDE a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés requise pour être proclamé élu ; En conséquence, P R O C L A M E M. François HOLLANDE Président de la République française à compter de la cessation des fonctions de M. Nicolas SARKOZY, laquelle, en vertu de l'article 6 de la Constitution, aura lieu, au plus tard, le 15 mai 2012 à 24 heures. Les résultats de l'élection et la déclaration de la situation patrimoniale de M. François HOLLANDE seront publiés au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 7, 8, 9 et 10 mai 2012 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025911753.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 25 avril 2012, par laquelle M. Alain MEYET, demeurant au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), demande l'annulation, d'une part, du décret n° 2012-256 du 22 février 2012, portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République et, d'autre part, de la décision refusant de modifier, pour le second tour, les heures de clôture de scrutin fixées par ce même texte ; Vu la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi susvisée du 6 novembre 1962 ; Vu la décision du 10 mai 2012 portant proclamation des résultats de l'élection du Président de la République ; Vu les actes attaqués ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que par sa décision du 10 mai 2012 susvisée, le Conseil constitutionnel a proclamé les résultats de l'élection du Président de la République ; que, par suite et en tout état de cause, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. MEYET, D É C I D E : Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la requête de M. MEYET. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000025911757.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 janvier 2012 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 295 du 26 janvier 2012) dans les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Stéphane C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 (n° 2012-231 QPC). Il a également été saisi le 3 février 2012 par le Conseil d’État (décision n° 354363-354475 du 3 février 2012) dans les mêmes conditions d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Philippe K. et la Confédération Force Ouvrière relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de cette même disposition ainsi que de l’article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 (n° 2012-234 QPC). LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ; Vu la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ; Vu la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel ; Vu la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ; Vu la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 17 et 27 février 2012 ; Vu les observations produites par M. K., enregistrées les 24 février et 10 mars 2012 ; Vu les observations en intervention produites pour : - la Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats par Me Maria Bonon, avocat au barreau du Mans, enregistrées les 22 février et 28 mars 2012, - l’ordre des avocats au barreau de Strasbourg par Me Armand Marx, avocat au barreau de Strasbourg, enregistrées les 22 février et 26 mars 2012, - le Conseil national des barreaux par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 février 2012, - M. Jacques J. par Me Bernard Kuchukian, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 23 février 2012, - l’ordre des avocats au barreau de Dijon par la SCP Audard et Schmitt, avocat au barreau de Dijon, enregistrées le 23 février 2012, - l’ordre des avocats du barreau de Saint-Pierre de la Réunion par la SELARL Gangate et associés, avocat au barreau de Saint-Pierre de la Réunion, enregistrées le 27 février et le 27 mars 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-Baptiste Gavignet pour M. C., Me Thomas Hass, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour la Confédération Force Ouvrière, Me Maria Bonon, Me Armand Marx, Me Didier Le Prado, Me Bernard Kuchukian, Me Jean-Philippe Schmitt, Me Thierry Gangate et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 3 avril 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article 54 de la loi n° 2011 900 du 29 juillet 2011 : « I. - Le chapitre III du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complété par une section 13 ainsi rédigée : « Section 13 « Contribution pour l’aide juridique « Art. 1635 bis Q. - I. - Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l’aide juridique de 35 euros est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative. « II. - La contribution pour l’aide juridique est exigible lors de l’introduction de l’instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance. « III. - Toutefois, la contribution pour l’aide juridique n’est pas due : « 1° Par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ; « 2° Par l’État ; « 3° Pour les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ; « 4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ; « 5° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ; « 6° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; « 7° Pour la procédure mentionnée à l’article 515-9 du code civil ; « 8° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 34 du code électoral. « IV. - Lorsqu’une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n’est due qu’au titre de la première des procédures intentées. « V. - Lorsque l’instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique. « Lorsque l’instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique. « Les conséquences sur l’instance du défaut de paiement de la contribution pour l’aide juridique sont fixées par voie réglementaire. « VI. - La contribution pour l’aide juridique est affectée au Conseil national des barreaux. « VII. - Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment ses conditions d’application aux instances introduites par les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. » « II. - Le I est applicable aux instances introduites à compter du 1er octobre 2011. « III. - Après l’article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un article 64-1-1 ainsi rédigé : « Art. 64-1-1.-La personne qui a bénéficié de l’intervention d’un avocat commis d’office dans les conditions prévues à l’article 63-3-1 du code de procédure pénale et qui n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l’État. Le recouvrement des sommes dues à l’État a lieu comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine. « Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » « IV. - Après le premier alinéa de l’article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés : « Le Conseil national des barreaux perçoit le produit de la contribution pour l’aide juridique instaurée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts. Pour répartir ce produit entre les barreaux, selon les critères définis au troisième alinéa de l’article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, le Conseil national des barreaux conclut une convention de gestion avec l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats, association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association et fédérant l’ensemble des caisses des règlements pécuniaires des avocats auxquelles sont versés les fonds ainsi alloués aux barreaux. Cette convention est agréée par le garde des sceaux, ministre de la justice. Le produit de la contribution est intégralement affecté au paiement des avocats effectuant des missions d’aide juridictionnelle, par l’intermédiaire des caisses des règlements pécuniaires des avocats. « Le Conseil national des barreaux s’assure, sous le contrôle du garde des sceaux, ministre de la justice, et avec le concours de l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats, que les barreaux et leurs caisses des règlements pécuniaires des avocats, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, utilisent à juste titre les fonds qui leur sont ainsi alloués. » « V. - L’article 28 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée est ainsi rédigé : « Art. 28.-La dotation due au titre de chaque année donne lieu au versement d’une provision initiale versée en début d’année et ajustée en fonction de l’évolution du nombre des admissions à l’aide juridictionnelle et du montant de la dotation affectée par le Conseil national des barreaux au barreau au titre de la répartition de la contribution prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts. Elle est liquidée en fin d’année sur la base du nombre des missions achevées, après déduction du montant de la dotation effectivement versée en application du même article 1635 bis Q »; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 : « I. - Le chapitre III du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code général des impôts est complété par une section XII ainsi rédigée : « Section XII « Droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel « Art. 1635 bis P. - Il est institué un droit d’un montant de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel. Le droit est acquitté par l’avocat postulant pour le compte de son client soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique. Il n’est pas dû par la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. « Le produit de ce droit est affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les cours d’appel à créer dans le cadre de la réforme de la représentation devant les cours d’appel. « Les modalités de perception et les justifications de l’acquittement de ce droit sont fixées par décret en Conseil d’État. » « II. - Le I s’applique aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2011 à la condition que le fonds mentionné au I ait été créé et jusqu’au 31 décembre 2018 » ; 4. Considérant que, selon les requérants et les parties intervenantes, l’instauration d’une contribution pour l’aide juridique de 35 euros due par instance introduite devant une juridiction non pénale et d’un droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la représentation est obligatoire méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que les droits de la défense et portent atteinte au principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques ; qu’en renvoyant au décret le soin de définir les conséquences, sur la suite de la procédure, de l’absence de paiement de ces contributions, le législateur aurait en outre méconnu l’étendue de sa compétence ; 5. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’est garanti par ces dispositions le respect des droits de la défense ; qu’il en résulte également qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; 6. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 7. Considérant que, d’une part, en insérant dans le code général des impôts un article 1635 bis Q, l’article 54 de la loi du 29 juillet 2011 susvisée a instauré une contribution pour l’aide juridique de 35 euros perçue par instance ; que le législateur a entendu établir une solidarité financière entre les justiciables pour assurer le financement de la réforme de la garde à vue résultant de la loi du 14 avril 2011 susvisée et, en particulier, le coût résultant, au titre de l’aide juridique, de l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue ; que cette contribution est due pour toute instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou pour toute instance introduite devant une juridiction administrative ; que le législateur a défini des exemptions en faveur des personnes qui bénéficient de l’aide juridictionnelle ainsi que pour certains types de contentieux pour lesquels il a estimé que la gratuité de l’accès à la justice devait être assurée ; que le produit de cette contribution est versé au Conseil national des barreaux pour être réparti entre les barreaux selon les critères définis en matière d’aide juridique ; 8. Considérant que, d’autre part, en insérant dans le code général des impôts un article 1635 bis P, l’article 54 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée a instauré un droit d’un montant de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la représentation par un avocat est obligatoire devant la cour d’appel ; que le législateur a ainsi entendu assurer le financement de l’indemnisation des avoués près les cours d’appel prévue par la loi du 25 janvier 2011 susvisée laquelle avait pour objet de simplifier et de moderniser les règles de représentation devant ces juridictions ; que ce droit s’applique aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2012 ; que ne sont soumises à son paiement que les parties à une procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel ; que ce droit n’est pas dû par les personnes qui bénéficient de l’aide juridictionnelle ; que le produit de ce droit est affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoués ; 9. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a poursuivi des buts d’intérêt général ; que, eu égard à leur montant et aux conditions dans lesquelles ils sont dus, la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties en instance d’appel n’ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ou aux droits de la défense ; 10. Considérant qu’en instituant la contribution pour l’aide juridique et le droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; qu’il a pris en compte les facultés contributives des contribuables assujettis au paiement de ces droits ; que, si le produit du droit de 150 euros est destiné à l’indemnisation des avoués, le principe d’égalité devant l’impôt et les charges publiques n’imposait pas que l’assujettissement au paiement de ce droit fût réservé aux instances devant les seules cours d’appel où le monopole de la représentation par les avoués a été supprimé par la loi du 25 janvier 2011 susvisée ; qu’aucune de ces contributions n’entraîne de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; 11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de ce que l’article 54 de la loi du 29 juillet 2011 susvisée et l’article 54 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif et l’égalité devant les charges publiques doivent être écartés ; 12. Considérant, en second lieu, que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; qu’il résulte toutefois des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne concernent pas la procédure pénale et qu’elles ne mettent pas en cause les règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, par suite, en ne fixant pas lui-même les conséquences sur la procédure du défaut de paiement de la contribution pour l’aide juridique ou du droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence ; 13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L’article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 et l’article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 avril 2012 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 avril 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911756.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 janvier 2012 par le Conseil d'État (décision n° 353784 du 25 janvier 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Pierre G., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 14° de l'article L. 195 du code électoral. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux ; Vu la loi n° 69-419 du 10 mai 1969 modifiant certaines dispositions du code électoral ; Vu la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988 modifiant certaines dispositions du code électoral et du code des communes relatives aux procédures de vote et au fonctionnement des conseils municipaux ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. Mathieu D. par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 février 2012 ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Pierre-Étienne Rosenstiehl, enregistrées les 16 février et 2 mars 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 février 2012 ; Vu les observations produites par M. Jean-Marie R., enregistrées le 17 février 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Rosenstiehl, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 mars 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du 14° de l'article L. 195 du code électoral, ne peuvent être élus membres du conseil général : « Les ingénieurs en chef, ingénieurs principaux, ingénieurs des travaux et autres agents du génie rural, des eaux et forêts dans les cantons où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois » ; 2. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées portent atteinte au droit d'éligibilité dont jouit tout citoyen en vertu des articles 3 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution ; qu'en n'actualisant pas les références aux emplois ou fonctions rendant leur titulaire inéligible au conseil général, le législateur n'aurait pas exercé pleinement la compétence que lui reconnaît notamment l'article 34 de la Constitution ; que les dispositions contestées méconnaîtraient en outre l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ; 3. Considérant que les dispositions contestées sont issues de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux ; qu'après leur insertion dans le code électoral, elles ont été modifiées, notamment, par les lois susvisées du 10 mai 1969 et du 30 décembre 1988 ; que l'article L. 195 du code électoral a pour objet de fixer la liste des inéligibilités au conseil général ; qu'en vertu de son 14° sont inéligibles les ingénieurs en chef, ingénieurs principaux, ingénieurs des travaux et autres agents du génie rural ou des eaux et forêts ; qu'une telle inéligibilité, qui s'applique aux personnes, notamment aux agents de l'Office national des forêts, remplissant les missions antérieurement dévolues à ces ingénieurs et agents, est toutefois limitée aux cantons où elles exercent leurs fonctions ou les ont exercées depuis moins de six mois ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ; que le législateur est compétent, en vertu de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales et déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales ; que, d'une part, il ne saurait priver un citoyen du droit d'éligibilité dont il jouit en vertu de l'article 6 de la Déclaration de 1789 que dans la mesure nécessaire au respect du principe d'égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l'électeur ; que, d'autre part, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 5. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'en prévoyant que ne sont pas éligibles au conseil général les ingénieurs et agents du génie rural et des eaux et forêts dans les cantons où ils exercent leurs fonctions ou les ont exercées depuis moins de six mois, les dispositions contestées ont opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées ; 6. Considérant que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; 7. Considérant que, par les dispositions du 14° de l'article L. 195 du code électoral, modifiées postérieurement à la Constitution du 4 octobre 1958, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ; que ces dispositions ne sont contraires ni au principe de la libre administration des collectivités territoriales ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions du 14° de l'article L. 195 du code électoral sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 avril 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911754.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 janvier 2012 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 165 du 16 janvier 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Youssef et Brahim T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP) par la SELARL Le Sourd Desforges, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 7 février 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 février 2012 ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Didier Berhault, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 20 février 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Berhault, pour les requérants, Me Desforges pour la SEMAVIP et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 mars 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Dans le délai d'un mois, soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants » ; qu'aux termes de l'article L. 15-2 du même code : « L'expropriant peut prendre possession, moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions faites par lui et consignation du surplus de l'indemnité fixée par le juge » ; 2. Considérant que, selon les requérants, en permettant à l'autorité expropriante de prendre possession des lieux en ayant versé la somme qu'elle a elle-même proposée à titre d'indemnisation, la différence avec l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation devant être simplement consignée, ces dispositions méconnaissent l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en avantageant, en cas d'appel, la collectivité expropriante, elles méconnaîtraient également ses articles 6 et 16 impliquant qu'une procédure doit être juste et équitable et garantir l'équilibre des droits des parties ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ; que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ; 4. Considérant que les dispositions contestées déterminent les règles de droit commun relatives à la prise de possession à la suite d'une expropriation pour cause d'utilité publique ; que l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique permet à l'autorité expropriante de prendre possession des biens qui ont fait l'objet de l'expropriation dans le délai d'un mois soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 15-2 du même code que, lorsque le jugement fixant les indemnités d'expropriation est frappé d'appel, l'expropriant peut prendre possession des biens moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions qu'il a faites et consignation du surplus de celle fixée par le juge ; 5. Considérant que, si le législateur peut déterminer les circonstances particulières dans lesquelles la consignation vaut paiement au regard des exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789, ces exigences doivent en principe conduire au versement de l'indemnité au jour de la dépossession ; qu'en cas d'appel de l'ordonnance du juge fixant l'indemnité d'expropriation, les dispositions contestées autorisent l'expropriant à prendre possession des biens expropriés, quelles que soient les circonstances, moyennant le versement d'une indemnité égale aux propositions qu'il a faites et inférieure à celle fixée par le juge de première instance et consignation du surplus ; que, par suite, les dispositions contestées des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique méconnaissent l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les dispositions des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 7. Considérant que l'abrogation immédiate des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2013 la date de cette abrogation, D É C I D E : Article 1er. - Les articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er juillet 2013 dans les conditions fixées au considérant 7. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 avril 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 avril 2012.
CONSTIT/CONSTEXT000025911768.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mars 2012 par le Conseil d'État (décision n° 355087 du 16 mars 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Mathieu E., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'État ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Christel Corbeau-Di Palma, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 avril 2012 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 avril 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Corbeau-Di Palma, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 147-6 du code de l'action sociale et des familles : « Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2, après s'être assuré qu'elles maintiennent leur demande, l'identité de la mère de naissance : « - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse de levée du secret de son identité ; « - s'il n'y a pas eu de manifestation expresse de sa volonté de préserver le secret de son identité, après avoir vérifié sa volonté ; « - si l'un de ses membres ou une personne mandatée par lui a pu recueillir son consentement exprès dans le respect de sa vie privée ; « - si la mère est décédée, sous réserve qu'elle n'ait pas exprimé de volonté contraire à l'occasion d'une demande d'accès à la connaissance des origines de l'enfant. Dans ce cas, l'un des membres du conseil ou une personne mandatée par lui prévient la famille de la mère de naissance et lui propose un accompagnement. « Si la mère de naissance a expressément consenti à la levée du secret de son identité ou, en cas de décès de celle-ci, si elle ne s'est pas opposée à ce que son identité soit communiquée après sa mort, le conseil communique à l'enfant qui a fait une demande d'accès à ses origines personnelles l'identité des personnes visées au 3° de l'article L. 147-2. « Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2, après s'être assuré qu'elles maintiennent leur demande, l'identité du père de naissance : « - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse de levée du secret de son identité ; « - s'il n'y a pas eu de manifestation expresse de sa volonté de préserver le secret de son identité, après avoir vérifié sa volonté ; « - si l'un de ses membres ou une personne mandatée par lui a pu recueillir son consentement exprès dans le respect de sa vie privée ; « - si le père est décédé, sous réserve qu'il n'ait pas exprimé de volonté contraire à l'occasion d'une demande d'accès à la connaissance des origines de l'enfant. Dans ce cas, l'un des membres du conseil ou une personne mandatée par lui prévient la famille du père de naissance et lui propose un accompagnement. « Si le père de naissance a expressément consenti à la levée du secret de son identité ou, en cas de décès de celui-ci, s'il ne s'est pas opposé à ce que son identité soit communiquée après sa mort, le conseil communique à l'enfant qui a fait une demande d'accès à ses origines personnelles l'identité des personnes visées au 3° de l'article L. 147-2. « Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2 les renseignements ne portant pas atteinte à l'identité des père et mère de naissance, transmis par les établissements de santé, les services départementaux et les organismes visés au cinquième alinéa de l'article L. 147-5 ou recueillis auprès des père et mère de naissance, dans le respect de leur vie privée, par un membre du conseil ou une personne mandatée par lui » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-6 du même code : « Toute femme qui demande, lors de son accouchement, la préservation du secret de son admission et de son identité par un établissement de santé est informée des conséquences juridiques de cette demande et de l'importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire. Elle est donc invitée à laisser, si elle l'accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité. Elle est informée de la possibilité qu'elle a de lever à tout moment le secret de son identité et, qu'à défaut, son identité ne pourra être communiquée que dans les conditions prévues à l'article L. 147-6. Elle est également informée qu'elle peut à tout moment donner son identité sous pli fermé ou compléter les renseignements qu'elle a donnés au moment de la naissance. Les prénoms donnés à l'enfant et, le cas échéant, mention du fait qu'ils l'ont été par la mère, ainsi que le sexe de l'enfant et la date, le lieu et l'heure de sa naissance sont mentionnés à l'extérieur de ce pli. Ces formalités sont accomplies par les personnes visées à l'article L. 223-7 avisées sous la responsabilité du directeur de l'établissement de santé. À défaut, elles sont accomplies sous la responsabilité de ce directeur. « Les frais d'hébergement et d'accouchement des femmes qui ont demandé, lors de leur admission dans un établissement public ou privé conventionné, à ce que le secret de leur identité soit préservé, sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département siège de l'établissement. « Sur leur demande ou avec leur accord, les femmes mentionnées au premier alinéa bénéficient d'un accompagnement psychologique et social de la part du service de l'aide sociale à l'enfance. « Pour l'application des deux premiers alinéas, aucune pièce d'identité n'est exigée et il n'est procédé à aucune enquête. « Les frais d'hébergement et d'accouchement dans un établissement public ou privé conventionné des femmes qui, sans demander le secret de leur identité, confient leur enfant en vue d'adoption sont également pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département, siège de l'établissement » ; 3. Considérant que, selon le requérant, en autorisant une femme à accoucher sans révéler son identité et en ne permettant la levée du secret qu'avec l'accord de cette femme, ou, en cas de décès, dans le seul cas où elle n'a pas exprimé préalablement une volonté contraire, les dispositions contestées méconnaissent le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale ; 4. Considérant qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère (...) la protection de la santé » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; que le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; 6. Considérant, que les dispositions de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles reconnaissent à toute femme le droit de demander, lors de l'accouchement, la préservation du secret de son identité et de son admission et mettent à la charge de la collectivité publique les frais de son accouchement et de son hébergement ; qu'en garantissant ainsi un droit à l'anonymat et la gratuité de la prise en charge lors de l'accouchement dans un établissement sanitaire, le législateur a entendu éviter le déroulement de grossesses et d'accouchements dans des conditions susceptibles de mettre en danger la santé tant de la mère que de l'enfant et prévenir les infanticides ou des abandons d'enfants ; qu'il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ; 7. Considérant que la loi du 22 janvier 2002 susvisée a donné une nouvelle rédaction de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles afin, notamment, que les femmes qui accouchent en demandant le secret de leur identité soient informées des conséquences juridiques qui en résultent pour l'enfant ainsi que de l'importance, pour ce dernier, de connaître ses origines et qu'elles soient incitées à laisser des renseignements sur leur santé, celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de sa naissance ; que les dispositions de l'article L. 147-6 du même code, issues de cette même loi, organisent les conditions dans lesquelles le secret de cette identité peut être levé, sous réserve de l'accord de la mère de naissance ; que cet article confie en particulier au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles la tâche de rechercher la mère de naissance, à la requête de l'enfant, et de recueillir, le cas échéant, le consentement de celle-ci à ce que son identité soit révélée ou, dans l'hypothèse où elle est décédée, de vérifier qu'elle n'a pas exprimé de volonté contraire lors d'une précédente demande ; que le législateur a ainsi entendu faciliter la connaissance par l'enfant de ses origines personnelles ; 8. Considérant qu'en permettant à la mère de s'opposer à la révélation de son identité même après son décès, les dispositions contestées visent à assurer le respect de manière effective, à des fins de protection de la santé, de la volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son identité lors de l'accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible, par des mesures appropriées, l'accès de l'enfant à la connaissance de ses origines personnelles ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l'équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l'enfant ; que les dispositions contestées n'ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu'elles n'ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ; 9. Considérant que les articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mai 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 mai 2012.